tag:theconversation.com,2011:/us/topics/industrie-21143/articlesindustrie – The Conversation2024-03-24T17:52:32Ztag:theconversation.com,2011:article/2211452024-03-24T17:52:32Z2024-03-24T17:52:32ZComment rendre l’électronique plus soutenable ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/583519/original/file-20240321-18-b6xkt4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=482%2C534%2C4604%2C2888&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Alors que la part de l’électronique dans nos déchets et nos émissions de carbone continue d’augmenter, il est urgent de diminuer l’impact de cette industrie.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/une-carte-de-circuit-imprime-cassee-posee-sur-le-sol-BRLT_FHxAEs">Hans Ripa/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>L’électronique n’est aujourd’hui pas soutenable au sens du rapport de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Rapport_Brundtland">Brundtland</a> : elle ne répond pas « aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins. »</p>
<p>Pour pouvoir atteindre les engagements fixés par les <a href="https://unfccc.int/fr/a-propos-des-ndcs/l-accord-de-paris">accords de Paris pour 2050</a>, l’impact de toute l’industrie, y compris celle de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/electronique-24110">électronique</a>, doit être fortement réduit. Des solutions existent, mais nécessitent une transformation globale de l’industrie électronique dont les impacts environnementaux augmentent rapidement, <a href="https://www.arcep.fr/uploads/tx_gspublication/rapport-pour-un-numerique-soutenable_dec2020.pdf">notamment de par son rôle dans la transformation numérique</a>.</p>
<p>En effet, le numérique représente <a href="https://infos.ademe.fr/magazine-avril-2022/faits-et-chiffres/numerique-quel-impact-environnemental/">2,5 % de l’empreinte carbone de la France</a> et jusqu’à <a href="https://joinup.ec.europa.eu/collection/rolling-plan-ict-standardisation/ict-environmental-impact-rp2023">4 % de l’empreinte carbone mondiale</a>. Or, le GIEC recommande de <a href="https://www.unep.org/resources/emissions-gap-report-2022">diviser par sept</a> les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050 pour limiter le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/climat-20577">réchauffement climatique</a> à un niveau acceptable.</p>
<p>Dans un tel monde décarboné, mais où la contribution du numérique resterait inchangée, sa part dans les émissions mondiales passerait de 4 % à 23 %. Cette projection est même plutôt optimiste puisque le secteur de l’électronique croît régulièrement. Par exemple, la fabrication des composants électroniques à base de semi-conducteurs, du type processeur ou mémoire, émet une <a href="https://hal-lara.archives-ouvertes.fr/hal-04112708/">quantité croissante</a> de gaz à effet de serre du fait de l’augmentation de leur complexité. En effet, leur miniaturisation fait appel à des matériaux toujours plus purs et divers, et à des processus extrêmement énergivores.</p>
<p>Au-delà des gaz à effet de serre, l’industrie électronique génère mondialement <a href="https://ewastemonitor.info/gem-2020/">53 mégatonnes</a> de déchets solides par an dans le monde, dont seulement 17 % sont collectés et recyclés. Pour le reste, on estime que <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/societe-africaine/la-decharge-de-dechets-electroniques-dagbogbloshie-veritable-defi-economique-et-environnemental-pour-le-ghana_3863287.html">80 % des déchets non recyclés</a> sont transportés illégalement dans des pays en développement.</p>
<h2>Évaluer l’impact pour mieux agir</h2>
<p>Une première étape pour converger vers une filière plus soutenable est d’être capable d’évaluer l’impact des produits électroniques. L’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/cycle-de-vie-21061">analyse de cycle de vie</a> (ACV) est l’outil standard permettant de mesurer les impacts environnementaux d’un produit ou d’un service. Elle intègre les impacts tout au long de la fabrication, de l’usage et de la fin de vie du produit ; par exemple les matières premières utilisées, le transport, les processus de transformation, l’énergie consommée, l’usage, le traitement, et le recyclage.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/581323/original/file-20240312-18-j4zf1n.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Les composants de l'ordinateur représente la majorité des émissions totales. Parmi les composants, la carte mère est la plus coûteuse en carbone, en particulier à cause du processeur." src="https://images.theconversation.com/files/581323/original/file-20240312-18-j4zf1n.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/581323/original/file-20240312-18-j4zf1n.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/581323/original/file-20240312-18-j4zf1n.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/581323/original/file-20240312-18-j4zf1n.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/581323/original/file-20240312-18-j4zf1n.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/581323/original/file-20240312-18-j4zf1n.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/581323/original/file-20240312-18-j4zf1n.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Émissions en CO2 équivalent d'un ordinateur Dell utilisé cinq ans. D'après Loubet et al.,</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11367-022-02131-z">Pierre Le Gargasson/INSA Rennes, d'après Loubet et al. 2023</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Dans une ACV, l’impact des produits ou d’un service est quantifié selon <a href="https://environment.ec.europa.eu/publications/recommendation-use-environmental-footprint-methods_en">16 catégories</a> incluant les émissions de gaz à effet de serre, l’utilisation d’eau, la toxicité ou encore l’utilisation de ressources non renouvelables. En électronique, la fabrication des circuits intégrés nécessite notamment beaucoup d’eau et émet des gaz fluorés qui ont un fort impact sur l’effet de serre.</p>
<p>Le résultat d’une ACV permet d’identifier quelles parties du produit contribuent majoritairement à son impact, ce qui permet de guider une transformation vers un produit plus soutenable. Une ACV d’un téléphone portable a, par exemple, permis d’établir que celui-ci émet <a href="http://arxiv.org/abs/2011.02839">plus de 80 % de son CO₂</a> au moment de sa production. Elle permet de déduire qu’une augmentation de la durée de vie du téléphone pourrait engendrer une réduction significative de son impact carbone.</p>
<h2>Augmenter la durée de vie des appareils</h2>
<p>L’obsolescence programmée est souvent considérée comme responsable de la fin de vie prématurée des appareils du fait de dysfonctionnements introduits par le fabricant. Cependant, la réalité semble être plus nuancée.</p>
<p>Par exemple, un téléphone portable a aujourd’hui une <a href="https://www.statista.com/statistics/619788/average-smartphone-life/">durée de vie moyenne de 2,8 ans</a>. Cette faible durée de vie s’explique davantage par un système économique qui pousse à un renouvellement régulier plutôt que par une panne de l’appareil, puisque la majorité des téléphones <a href="https://www.researchgate.net/profile/Tamar-Makov/publication/351912224_Submission_to_the_Journal_of_Cleaner_Production_SI_Investigating_Repair_Is_repairability_enough_big_data_insights_into_smartphone_obsolescence_and_consumer_interest_in_repair/links/60fd8b880c2bfa282afe209a/Submission-to-the-Journal-of-Cleaner-Production-SI-Investigating-Repair-Is-repairability-enough-big-data-insights-into-smartphone-obsolescence-and-consumer-interest-in-repair.pdf">restent fonctionnels bien au-delà de 3 ans</a>. Ainsi, l’obsolescence prématurée est un phénomène complexe qui, pour les produits destinés au grand public, s’explique principalement par des aspects sociaux (la pression à posséder un appareil récent) et psychologiques (la lenteur perçue de l’appareil).</p>
<p>Cela ne signifie pas pour autant que le produit n’est jamais en faute. Mais là encore, il s’agit probablement plus d’une <a href="https://ebooks.iospress.nl/volumearticle/47873">réduction des coûts de production engendrant une baisse de qualité</a> plutôt qu’une volonté délibérée des industriels de réduire la durée de vie.</p>
<p>Ainsi, une transformation des modes de consommation favorisant des produits de qualité avec une durée de vie plus longue est nécessaire. Celle-ci ne pourra cependant s’opérer que si des solutions alternatives existent sur le marché. Par exemple, les <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_23_1794">initiatives réglementaires</a> qui imposent la réparabilité vont dans ce sens en offrant la possibilité de prolonger la durée de vie d’un appareil au-delà de sa première panne. Finalement, la <a href="https://smaaart.fr/blog/barometre-smaaart-ifop-2023-sur-le-marche-du-reconditionne/">popularité grandissante du reconditionné</a> indique que des modes de consommations alternatifs peuvent exister s’ils s’accompagnent d’une garantie de qualité auprès du consommateur.</p>
<h2>Mieux recycler</h2>
<p>Lorsque la réparation et la réutilisation ne sont plus efficaces, le processus de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/recyclage-21060">recyclage</a> doit permettre de <a href="https://theconversation.com/droit-a-la-reparation-leurope-sattaque-aux-millions-dappareils-electroniques-qui-dorment-dans-nos-tiroirs-225587">réutiliser les matières premières de l’électronique</a>. En 2021 en France, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) estimait que <a href="https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/6555-equipements-electriques-et-electroniques-donnees-2021.html">seulement 49,8 %</a> des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) avaient été traités. Ce faible taux de traitement s’explique par un coût de gestion élevé de ces déchets. De plus, sur près d’une mégatonne de DEEE traités chaque année, 75,4 % sont recyclés et 1,8 % réutilisés. Le reste est incinéré (11,8 %) ou enfoui (11 %).</p>
<p>Cette nouvelle manne financière attire des <a href="https://www.ouest-france.fr/europe/espagne/une-mafia-du-dechet-electronique-tombe-aux-canaries-2310d4e6-8da8-11ed-9545-6a86069fe887">entreprises peu scrupuleuses</a> qui font disparaître les déchets à moindre coût en les envoyant illégalement dans d’autres pays ou bien en les <a href="https://www.sudouest.fr/france/pres-de-marseille-la-justice-frappe-la-mafia-des-dechets-10909274.php">incinérant dans la nature</a>.</p>
<p>Des solutions sont en développement pour valoriser ces déchets en extrayant leurs métaux pour les réinjecter dans la chaîne de production. Le <a href="https://www.apple.com/fr/newsroom/2019/04/apple-expands-global-recycling-programs/">robot Daisy d’Apple</a> permet déjà de désassembler des iPhones pour en récupérer les métaux.</p>
<p>Cependant, les métaux sont mélangés avec d’autres éléments moins valorisables (comme de la résine époxy et la fibre de verre des circuits imprimés) et les procédés actuellement utilisés pour les séparer nécessitent l’utilisation de composés polluants tels que l’acide sulfurique, allant à l’encontre de l’objectif initial de soutenabilité. De <a href="https://www.inc.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/des-mousses-pour-recuperer-proprement-les-metaux-des-e-dechets">nouveaux procédés</a> sont néanmoins à l’étude et pourraient permettre une extraction plus respectueuse de l’environnement.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/de-nouvelles-technologies-pour-recycler-les-dechets-electroniques-132530">De nouvelles technologies pour recycler les déchets électroniques</a>
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<h2>Former dans une industrie en mutation</h2>
<p>Une solution à plus long terme pour réduire l’impact de l’électronique sera de modifier en profondeur les processus de production en réponse aux analyses de cycle de vie. Le problème est que, en électronique plus que dans d’autres industries, les techniques de fabrication sont maintenues secrètes. Ainsi, si une entreprise souhaite améliorer la soutenabilité de sa chaîne de production, elle s’appuiera sur des compétences internes. Or, les formations d’ingénieurs n’incluent que rarement les <a href="https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2022/06/Manifeste-Climatsup-INSA-version-Print.pdf">enjeux climatiques</a>.</p>
<p>Le défi de l’adaptation de l’électronique aux contraintes environnementales est considérable, car il doit prendre en compte les aspects sociaux et économiques de la soutenabilité. À l’horizon 2050, la moitié des ingénieurs actuellement en poste le <a href="https://numeum.fr/les-ingenieurs-dans-le-numerique-en-2022">seront encore</a>. Il faut donc non seulement former les futurs professionnels aux méthodes permettant d’atteindre une électronique soutenable, mais également les professionnels déjà en exercice. <a href="https://esos.insa-rennes.fr">Le projet ESOS</a> (électronique soutenable, ouverte et souveraine) financé par France2030 de 2023 à 2028 vise à créer des formations permettant d’engager l’électronique sur une trajectoire soutenable.</p>
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<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/ProjetIA-23-CMAS-0007">ESOS</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221145/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Beuve a reçu des financements du projet France2030 ESOS - Electronique Soutenable, Ouverte and Souveraine,
opéré par l'ANR (Agence Nationale de la Recherche). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Maxime Pelcat a reçu des financements du projet France2030 ESOS - Electronique Soutenable, Ouverte and Souveraine, opéré par l'ANR (Agence Nationale de la Recherche). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Olivier Weppe a reçu des financements du projet France2030 ESOS - Electronique Soutenable, Ouverte and Souveraine, opéré par l'ANR (Agence Nationale de la Recherche). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pierre Le Gargasson a reçu des financements du projet France2030 ESOS - Electronique Soutenable, Ouverte and Souveraine, opéré par l'ANR (Agence Nationale de la Recherche). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Thibaut Marty a reçu des financements du projet France2030 ESOS - Electronique Soutenable, Ouverte et Souveraine, opéré par l'ANR (Agence Nationale de la Recherche). </span></em></p>L’électronique pèse lourd dans nos émissions de carbone et nos déchets. Quelles sont les voies pour diminuer l’impact de cette industrie cruciale pour la transition écologique ?Nicolas Beuve, Enseignant-Chercheur en modelisation et optimisation mathématiques, INSA Rennes, INSA RennesMaxime Pelcat, Maître de conférences, INSA RennesOlivier Weppe, Enseignant-Chercheur en électronique soutenable, INSA RennesPierre Le Gargasson, Enseignant-Chercheur spécialisé en électronique, INSA RennesThibaut Marty, Enseignant-Chercheur en électronique numérique, INSA RennesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2251352024-03-13T15:57:16Z2024-03-13T15:57:16ZRéindustrialisation, décarbonation… Il ne faudrait pas oublier les entreprises de taille intermédiaire<p>En 2022, la France a émis <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/emissions-de-gaz-effet-de-serre-et-empreinte-carbone-en-2022-syntheses-des-connaissances-en-2023">404 millions de tonnes de CO₂ équivalent</a>, soit 25 % de moins qu’en 1990, année de référence pour le protocole de Kyoto. Bien qu’orientée dans la bonne direction, cette trajectoire de réduction doit encore s’accélérer pour atteindre les <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/green-deal/fit-for-55-the-eu-plan-for-a-green-transition/">objectifs fixés</a> : une baisse de 55 % des gaz à effet de serre d’ici 2030 et la neutralité carbone à l’horizon 2050.</p>
<p><iframe id="k4EqC" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/k4EqC/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Comment la France a-t-elle réussi à <a href="https://theconversation.com/topics/transition-energetique-23303">décarboner</a> jusqu’à présent ? Sur les 136 millions de tonnes de CO<sub>2</sub> équivalent gagnées entre 1990 et 2022, 66 millions, soit près de la moitié, proviennent d’une réduction des émissions de l’industrie manufacturière.</p>
<p><iframe id="G2kqF" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/G2kqF/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ce recul contraste très largement avec l’évolution des émissions industrielles mondiales qui, entre 2000 et 2022, ont bondi de 64 %. Plusieurs facteurs expliquent cette divergence de trajectoires et tous ne sont pas forcément positifs pour l’environnement. Tenter de les identifier, comme nous le faisons dans notre rapport « <a href="https://etilab.minesparis.psl.eu/wp-content/uploads/2023/12/etilab-decarboner-les-ETI-04dec23.pdf">Décarbonation, réindustrialisation & Entreprises de Taille Intermédiaire</a> » donne quelques clés pour penser la suite de ce mouvement global de réduction de la pollution atmosphérique.</p>
<h2>Une décarbonation « facile » jusqu’alors ?</h2>
<p>Si réduire les émissions de production est une nécessité, la question plus fondamentale est celle de l’<a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/lempreinte-carbone-de-la-france-de-1995-2022">empreinte carbone réelle de notre mode de vie</a>. Quand <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6474294">décarboner signifie importer plus</a>, l’empreinte française se voit <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/7702892">gonflée</a> du contenu carbone de la production dans des économies moins vertueuses sur le plan environnemental. Or, la mesure des seules émissions locales ne tient pas compte du contenu importé. Dans ce cas, la décarbonation apparente peut s’accompagner en réalité d’une aggravation du problème environnemental.</p>
<p>A contrario, exporter davantage de produits plus vertueux grâce à une énergie plus décarbonée en Europe serait un gage de réduction globale des émissions, peut-être au prix d’émissions moins limitées pour ce qui concerne le Vieux continent. Réduire le déficit de notre balance commerciale tout en diminuant les émissions globale, tel est l’enjeu de la réindustrialisation verte. On est en cependant très loin aujourd’hui.</p>
<p>Si l’industrie française a réduit ses émissions depuis la signature du protocole de Kyoto, c’est en effet en partie car elle a connu une <a href="https://www.franceindustrie.org/wp-franceindustrie/wp-content/uploads/2023/02/TABLEAU-DE-BORD-DE-FRANCE-INDUSTRIE-fevrier-2023.pdf">réduction de sa production manufacturière</a> sur la période (-11 % entre 2006 et 2022) contrairement à d’autres économies, notamment en Asie (+ 124 % entre 2006 et 2022), qui se sont fortement développées.</p>
<p><iframe id="7csFk" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/7csFk/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
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<p>L’industrie française a aussi su décarboner sa production en s’appuyant sur un meilleur mix énergétique utilisant de moins en moins de pétrole et de charbon, signal plus positif. Elle a également bénéficié d’innovations de rupture, en particulier dans la chimie qui a radicalement réduit ses émissions de protoxyde d’azote dans la fabrication d’acide adipique, d’acide nitrique et d’acide glyoxylique. De telles bonnes surprises sont cependant rares, et les prochaines innovations de rupture qui pourront engendrer de telles réductions ne sont pas encore connues.</p>
<h2>Priorités aux grands sites ? Oui, mais…</h2>
<p>Pour accompagner l’effort de décarbonation, l’Union européenne a lancé le paquet <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/green-deal/fit-for-55-the-eu-plan-for-a-green-transition/"><em>fit for 55</em></a>. La politique publique française se concentre, elle, principalement sur les 50 sites les plus émetteurs, le fameux <a href="https://www.economie.gouv.fr/actualites/transition-ecologique-strategie-accelereration-decarbonation-sites-industriels">top 50</a>. Objectif fixé par le président de la République le 8 novembre 2022 : diviser par deux les émissions industrielles françaises des cinquante sites les plus polluants au cours de la prochaine décennie avec 54 milliards d’euros mis sur la table pour accompagner le mouvement. Fin janvier, le premier ministre Gabriel Attal a annoncé une <a href="https://www.bfmtv.com/economie/pollution-le-gouvernement-veut-cibler-les-50-sites-industriels-qui-mettent-le-plus-de-plastique-sur-le-marche_AV-202401300697.html">démarche similaire</a> en direction des 50 sites mettant le plus d’emballages plastiques sur le marché.</p>
<p>Certes, ces sites représentent à eux seuls près de 60 % des émissions industrielles et constituent incontestablement une cible de choix pour la décarbonation. Ils sont en outre surtout actifs dans les secteurs de la métallurgie, des matériaux de construction et de la chimie. Ces sites produisent les biens « simples » nécessaires à la fabrication des biens industriels plus complexes. La décarbonation de ces sites aura donc un impact direct sur leurs émissions, mais aussi un impact indirect pour les autres secteurs. Accompagner l’effort de ces sites favorise de plus leur maintien sur le territoire, ce qui est une question de souveraineté qui légitime elle aussi une telle intervention.</p>
<p>L’intérêt porté aux 50 sites les plus émetteurs ne doit pas pour autant faire passer sous le radar le reste de l’industrie, qui représente tout de même 40 % des émissions industrielles, l’essentiel de l’emploi du secteur et la clé de voûte d’une potentielle réindustrialisation verte du pays. Contrairement aux 50 sites les plus émetteurs, cette industrie diffuse s’étend sur un grand nombre de secteurs et sur l’ensemble du territoire. Compte tenu du nombre d’entreprises, il est difficilement concevable d’engager un dialogue particulier avec chacune d’entre elles : le pouvoir public ne paraît pas pouvoir utiliser la recette appliquée aux 50 sites.</p>
<p>Alors comment faire ?</p>
<h2>Que faut-il décarboner ?</h2>
<p>Pour saisir le problème de la décarbonation de l’industrie diffuse, il est important de rappeler qu’il existe deux types d’émissions : les émissions de « procédés » et les émissions de « combustion ». Les émissions de « procédés » sont inhérentes à la réaction chimique nécessaire à la production. Par exemple, la production de ciment implique le chauffage à très haute température d’un mélange de calcaire, d’argile et de sable dégageant des gaz à effet de serre. Les émissions de « combustion » proviennent, quant à elles, des énergies utilisées pour permettre la combustion. Par exemple, les hauts fourneaux sidérurgiques utilisent du charbon qui, en brûlant, dégage, des gaz à effet de serre.</p>
<p>La décarbonation des « procédés » est avant tout un problème d’innovation. Pour réduire ces émissions, il faut inventer une nouvelle manière de produire, utiliser une autre réaction chimique qui dégage moins de gaz à effet de serre. Des solutions ont été découvertes, comme le <a href="https://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/articles/ciment-sans-clinker-la-solution-davenir-129691/">ciment sans clinker</a> qui est produit à froid et consomme moins d’énergie, d’autres sont en cours de développement.</p>
<p><iframe id="v0K4I" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/v0K4I/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Pour réduire les émissions de « combustions », il faut remplacer une énergie par une autre moins émettrice, c’est par exemple remplacer un four à gaz par un four électrique, ou substituer un moteur électrique à un moteur à fuel. Ce sont ces économies de « combustions » qui semblent les plus accessibles dans l’économie diffuse. L’industrie manufacturière a déjà abandonné les sources fossiles les plus émissives pour passer au gaz, énergie majoritaire dans tous les secteurs à l’exception de la métallurgie des métaux ferreux qui repose structurellement sur l’usage de la houille. La réduction des émissions de l’industrie diffuse devra s’appuyer sur un grand effort d’électrification.</p>
<h2>Décentraliser et coopérer</h2>
<p>Les clés du succès semblent détenues par la puissance publique et par les entreprises elles-mêmes. Le rôle de la puissance publique est d’informer et de soutenir en prenant au maximum en compte les particularités sectorielles et locales. La <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/loi-portant-sur-nouvelle-organisation-territoriale-republique-notre">loi NOTRe</a> du 7 août 2015 qui donne à la région la responsabilité du développement économique et durable peut être un vecteur important de réussite, tout comme le développement de politiques industrielles territorialisées, si suffisamment de moyens lui sont donnés. La <a href="https://www.impots.gouv.fr/sites/default/files/media/1_metier/2_professionnel/2024-02-2142--fiche-cvae-reforme-2024-com-impots.gouv.pdf">suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée</a> (CVAE), en diminuant l’indépendance des collectivités territoriales, ne va pas dans ce sens.</p>
<p>De leur côté, les entreprises peuvent faciliter la décarbonation en coopérant et en partageant leurs expériences. La création d’un réseau est le moyen le plus sûr et le plus rapide de favoriser la propagation des bonnes pratiques et la reproduction des solutions qui fonctionnent.</p>
<p>Gageons que l’industrie française pourrait être exemplaire en la matière, grâce à une électrification de l’industrie, qui constitue la prochaine poche de réduction des émissions à exploiter. Grâce aussi à une main-d’œuvre de grande qualité, et grâce à un maillage de politique publique, national et régional, qui pourrait massivement utiliser la coopération locale et l’expérimentation dans un tissu industriel diffus constitué d’entreprises plus petites et moins connues que les grandes, majoritaires dans le top 50, et néanmoins <a href="https://etilab.minesparis.psl.eu/wp-content/uploads/2023/06/Lettre-5.pdf">prédominantes dans l’emploi industriel</a>. D’une pierre, trois coups…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225135/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Fleckinger est titulaire de la chaire de recherche et d'enseignement etilab, accueillie par la Fondation Mines Paris. Au titre du mécénat, la chaire etilab reçoit des financements publics et privés de la Région Île-de-France, du club ETI Île-de-France, du METI, de Mazars, du Crédit Agricole d'Île-de-France, d'Acorus, de Diot-Siaci, d'ETPO, de Réseau DEF, de Septodont et de Socotec.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Antoine Prevet est directeur exécutif de la chaire de recherche et d'enseignement etilab, accueillie par la Fondation Mines Paris. Au titre du mécénat, la chaire etilab reçoit des financements publics et privés de la Région Île-de-France, du club ETI Île-de-France, du METI, de Mazars, du Crédit Agricole d'Île-de-France, d'Acorus, de Diot-Siaci, d'ETPO, de Réseau DEF, de Septodont et de Socotec.
</span></em></p>La politique industrielle et environnementale française cible les plus grands sites de production. Il ne faudrait pas pour autant négliger les ETI qui appellent des politiques différentes.Pierre Fleckinger, Professur d'économie, chercheur associé à Paris School of Economics, titulaire de la chaire etilab, Mines Paris - PSLAntoine Prevet, Directeur exécutif Chaire etilab, Chercheur en économie, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2195652023-12-14T16:18:53Z2023-12-14T16:18:53ZCOP28 : voici les fondements scientifiques pour une élimination rapide des combustibles fossiles<p>Peut-être était-il inévitable que les combustibles fossiles occupent le devant de la scène lors des négociations climatiques de la COP28 cette année, se tenant à Dubaï et présidée par le magnat du pétrole Sultan al-Jaber.</p>
<p>En effet, il n’a fallu que quelques jours pour que la polémique éclate à la suite des déclarations de Sultan al-Jaber selon lesquelles <a href="https://www.theguardian.com/environment/2023/dec/03/back-into-caves-cop28-president-dismisses-phase-out-of-fossil-fuels">il n’existe pas de données scientifiques qui indiquent que l’élimination progressive des combustibles fossiles permettra d’atteindre l’objectif de 1,5 °C</a> fixé par l’Accord de Paris. Il a ensuite affirmé que ses propos avaient été <a href="https://www.theguardian.com/environment/2023/dec/04/cop28-president-says-no-science-for-fossil-fuel-phase-out-claim-was-misinterpreted">mal compris</a>.</p>
<p>Les scientifiques n’ont pas tardé à réagir. Un communiqué signé par plus de 100 climatologues a réitéré la nécessité de parvenir à un seuil d’émissions mondiales nulles de dioxyde de carbone (CO<sub>2</sub>) d’ici 2050 pour limiter le réchauffement climatique. Ce communiqué indique également que tous les scénarios compatibles avec l’atteinte de l’objectif de 1,5 °C comprennent une diminution immédiate et rapide de l’utilisation des combustibles fossiles.</p>
<p>L’enjeu central des négociations de cette année réside dans la question de savoir si la diminution de l’utilisation des combustibles fossiles doit conduire à une élimination progressive totale de tous les combustibles fossiles, ou simplement à une réduction progressive.</p>
<p>Il s’agit également de savoir si cette formulation concerne l’ensemble des utilisations de combustibles fossiles, ou uniquement les <a href="https://www.nytimes.com/2023/12/07/climate/what-does-unabated-mean-anyway.html">combustibles fossiles inaltérés</a> : ceux qui continuent d’être utilisés sans la technologie de captage du carbone pour prévenir certaines des émissions qui en résultent.</p>
<h2>Voies divergentes</h2>
<p>Il existe <a href="https://iiasa.ac.at/models-tools-data/ar6-scenario-explorer-and-database">autant de scénarios différents visant l’atteinte de l’objectif de 1,5 °C</a> que de scientifiques ayant signé le communiqué en réponse aux déclarations de Sultan al-Jaber. Tous ces scénarios visant l’atteinte de l’objectif de 1,5 °C expliquent comment nous pourrions parvenir à un seuil d’émissions mondiales nulles de CO<sub>2</sub>, mais les moyens technologiques pour y parvenir varient considérablement.</p>
<p>Certains préconisent largement l’utilisation de la <a href="https://climate.mit.edu/explainers/carbon-capture">technologie de captage et stockage de dioxyde de carbone (CSC)</a> pour réduire les émissions résultant de l’utilisation continue des combustibles fossiles. Toutefois, ils incluent également en majorité les <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg3/downloads/outreach/IPCC_AR6_WGIII_Factsheet_CDR.pdf">techniques d’élimination du dioxyde de carbone (EDC)</a> : des stratégies naturelles ou technologiques visant à éliminer le CO<sub>2</sub> de l’atmosphère.</p>
<p>L’ensemble des scénarios visant l’atteinte de l’objectif de 1,5 °C montrent que notre priorité immédiate doit être de parvenir à une baisse significative et rapide de l’utilisation mondiale des énergies fossiles au cours de cette décennie. </p>
<p>Cependant, sans une élimination progressive totale des combustibles fossiles, limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C nécessiterait l’utilisation à grande échelle de la technologie de CSC afin de limiter les émissions de CO<sub>2</sub> provenant des combustibles fossiles, ainsi que des techniques d’EDC pour retirer de l’atmosphère les émissions ne pouvant pas être altérées par la technologie de captage.</p>
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<figcaption><span class="caption">Aperçu des technologies et des polémiques entourant les systèmes de captage du carbone, produit par le Financial Times.</span></figcaption>
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<p><a href="https://www.cbc.ca/news/canada/cop28-fossil-fuel-lobbyists-1.7048746">Des représentants de l’industrie des combustibles fossiles</a> affirment sans attendre que la technologie de CSC (et sa variante subtile <a href="https://www.iea.org/energy-system/carbon-capture-utilisation-and-storage">CCUS : captage, utilisation et stockage du dioxyde de carbone</a>) constitue pour l’industrie les moyens d’amener le monde à s’entendre sur l’objectif de 1,5 °C.</p>
<p>Mais malgré des décennies de recherche et des <a href="https://www.washingtonpost.com/business/2022/10/09/carbon-capture-oil-gas/">milliards de dollars de financement du secteur public</a>, la technologie de CSC demeure une <a href="https://ieefa.org/resources/carbon-capture-remains-risky-investment-achieving-decarbonisation">technologie de réduction du CO₂ coûteuse et inefficace</a> qui n’a pas tenu ses promesses.</p>
<p>Ainsi, bien que la technologie de CSC puisse avoir un rôle à jouer, ce rôle semble assez limité pour le moment.</p>
<h2>Pas viable en pratique</h2>
<p>Une étude récente démontre qu’un recours excessif à la technologie de CSC dans certains scénarios visant l’atteinte de l’objectif de 1,5 °C entraîne des <a href="https://www.smithschool.ox.ac.uk/sites/default/files/2023-12/Assessing-the-relative-costs-of-high-CCS-and-low-CCS-pathways-to-1-5-degrees.pdf">coûts économiques bien plus élevés</a> par rapport aux scénarios limitant son utilisation aux émissions de CO<sub>2</sub> les plus difficiles à altérer, comme celles provenant de la fabrication du ciment.</p>
<p>L’élimination du dioxyde de carbone est <a href="https://www.statista.com/statistics/1304575/global-carbon-capture-cost-by-technology/">encore plus complexe et coûteuse</a>. Là où la technologie de CSC capte le CO<sub>2</sub> à partir des émissions à haute concentration des centrales électriques, les techniques d’EDC doivent capter le CO<sub>2</sub> à partir des niveaux ambiants beaucoup plus faibles dans l’atmosphère en elle-même.</p>
<p>Les deux procédés requièrent du CO<sub>2</sub> capté qu’il soit stocké dans des réservoirs permanents <a href="https://doi.org/10.1038/s41558-021-01245-w">pour contribuer à un seuil d’émissions mondiales nulles de CO₂</a>.</p>
<p><a href="https://netzeroclimate.org/research/carbon-dioxide-removal/">Presque toutes les méthodes actuelles d’élimination du dioxyde de carbone</a> sont axées sur les forêts, comme le boisement et le reboisement. Toutefois, ces méthodes d’élimination axées sur les forêts ne parviennent à compenser que moins d’un tiers de la quantité de <a href="https://globalcarbonbudget.org">CO₂ émise à l’échelle mondiale à cause de la déforestation et d’autres changements d’utilisation des terres</a>.</p>
<p>La régénération naturelle des forêts et d’autres méthodes d’élimination naturelle du carbone <a href="https://doi.org/10.1126/science.abn9668">ont un rôle important à jouer</a> pour inverser les conséquences de la déforestation mondiale sur le climat et la biodiversité. Cependant, leur capacité limitée et le risque d’<a href="https://doi.org/10.1126/science.aaz7005">instabilité face aux perturbations climatiques croissantes</a> signifient que le stockage naturel du carbone ne peut pas compenser les émissions continues de combustibles fossiles.</p>
<p>Les méthodes technologiques d’élimination du carbone pourraient permettre des niveaux d’élimination plus importants, mais elles s’accompagnent de <a href="https://doi.org/10.1038/nclimate2870">coûts économiques et/ou environnementaux élevés</a>. La bioénergie avec la technologie de CSC, ou la bioénergie associée au captage et stockage du carbone (qui utilise la bioénergie recueillie pour produire de l’énergie, combinée au captage technologique et au stockage des émissions), aurait des <a href="https://www.imperial.ac.uk/media/imperial-college/grantham-institute/public/publications/briefing-papers/BECCS-deployment---a-reality-check.pdf">répercussions graves sur les systèmes écologiques et pourrait également nuire à la production alimentaire mondiale</a>.</p>
<p>Le captage direct avant stockage du carbone dans l’air pourrait permettre d’éviter certaines des conséquences liées à l’utilisation des terres, mais est <a href="https://www.reuters.com/sustainability/climate-energy/innovators-trying-bring-down-sky-high-cost-direct-air-capture-2023-10-24/">encore plus coûteux</a>.</p>
<h2>Choix</h2>
<p>La littérature scientifique est sans équivoque : les méthodes de CSC et d’EDC sont complexes et coûteuses et ne permettent pas de réductions des émissions rapides à court terme. Pourtant, presque tous les scénarios visant l’atteinte de l’objectif de 1,5 °C comprennent à la fois les méthodes de CSC et d’EDC dans leur transition vers un seuil d’émissions mondiales nulles de CO<sub>2</sub>.</p>
<p>Donc, la question de savoir si la science soutient la nécessité d’une <a href="https://unfccc.int/sites/default/files/resource/GST_0.pdf">« élimination ordonnée et équitable des combustibles fossiles »</a> dépend de notre estimation de l’utilisation potentielle des méthodes de CSC et d’EDC d’ici 2050.</p>
<p>Les coûts des méthodes technologiques de CSC et d’EDC diminueront-ils assez rapidement pour permettre à ces technologies d’être déployées à l’échelle nécessaire pour permettre de contrer l’utilisation continue des énergies fossiles ? Et si tel est le cas, serons-nous en mesure d’utiliser ces technologies sans causer de préjudices significatifs aux systèmes écologiques, à la sécurité alimentaire et aux collectivités autochtones et locales ?</p>
<p>Quelle est la motivation pour le faire alors que <a href="https://doi.org/10.1016/j.oneear.2021.10.024">l’énergie renouvelable</a> est tellement <a href="https://www.theenergymix.com/ccs-costs-cant-compete-with-renewables-wont-deliver-by-2030-report-finds">plus facile à utiliser et moins chère</a> ? Les résultats obtenus jusqu’à présent suggèrent que ni la technologie de CSC ni celle d’EDC ne sont susceptibles de nous aider à relever ces défis dans un avenir proche.</p>
<p>Cette année, la COP28 est devenue le théâtre d’un affrontement opposant les lobbyistes de l’industrie des combustibles fossiles, qui tentent de faire de la place aux énergies fossiles dans un scénario visant l’atteinte de l’objectif de 1,5 °C, à un mouvement croissant de la société civile appelant à un traité de <a href="https://fossilfueltreaty.org">non-prolifération des combustibles fossiles</a>.</p>
<p>Les preuves scientifiques peuvent éclairer cette discussion, mais elles ont leurs limites. Le monde doit faire un choix fondé sur des données scientifiques et faire en sorte que ce choix se reflète dans les résultats des négociations de la COP28.</p>
<p>En tant que climatologue travaillant dans ce domaine, je prendrais le parti d’un avenir qui renforce l’équité, restaure les systèmes naturels et remplace les combustibles fossiles par des énergies renouvelables sans carbone, en s’appuyant sur un solide traité de non-prolifération des combustibles fossiles.</p>
<p>Je choisirais de plaider en faveur d’une élimination progressive, rapide et équitable des combustibles fossiles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219565/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>H. Damon Matthews est financé par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, par Microsoft et par le Fonds d'action pour le changement climatique d'Environnement et Changement climatique Canada.</span></em></p>Mais malgré des décennies de recherche et des milliards de dollars de financement du secteur public, la technologie de captage et stockage de dioxyde de carbone demeure coûteuse et inefficace.H. Damon Matthews, Professor and Climate Scientist, Department of Geography, Planning and Environment, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2188702023-12-04T16:56:10Z2023-12-04T16:56:10ZRecyclage textile : l’étroite voie de la réindustrialisation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/562520/original/file-20231129-15-blhb53.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=35%2C1%2C1126%2C792&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'enjeu du recyclage contraint les entreprises du secteur textile à manager la sobriété
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/mpcaphotos/40889723483">Flickr/MPCA Photos</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les images spectaculaires de décharges de friperie au Ghana posent la question de la pertinence de collecter dans les pays riches nos vêtements usagés pour les expédier en Afrique. Certains pays, comme <a href="https://www.rfi.fr/fr/podcasts/aujourd-hui-l-%C3%A9conomie/20230928-l-ouganda-repart-en-guerre-contre-les-importations-de-fripes">l’Ouganda</a> et le <a href="https://www.rts.ch/play/tv/12h45/video/le-rwanda-a-interdit-en-2019-limportation-dobjets-en-plastique-a-usage-unique--le-pays-est-ainsi-devenu-lune-des-terres-les-plus-propres-dafrique-">Rwanda</a>, ont d’ailleurs interdit leur importation.</p>
<p>Dans le cas de l’interdiction d’un médicament, on tient compte de la différence entre coûts et bénéfices. Or, pour ce qui est de la friperie, l’exportation reste essentielle à l’économie circulaire du textile en Afrique. Les vêtements usagés font en effet vivre une partie de la population et fournissent de l’habillement pour les plus démunis.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le Ghana, poubelle des textiles du monde (RTBF Info, 2021).</span></figcaption>
</figure>
<p>Dans une <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/04/l-economie-circulaire-doit-s-imposer-comme-le-modele-de-reference-du-secteur-de-l-habillement_6198175_3232.html">tribune</a> intitulée « L’économie circulaire doit s’imposer comme le modèle de référence du secteur de l’habillement » publiée dans Le Monde le 4 novembre dernier, Maud Hardy, responsable de l’éco-organisme français Refashion, plaide ainsi pour un encadrement réglementaire des exportations.</p>
<p>Avant d’en arriver là, il faudrait s’assurer que la <a href="https://www.economie.gouv.fr/facileco/adam-smith">« main invisible du marché »</a> ne peut le réguler de façon satisfaisante et, dans la négative, comment une intervention attentive et bienveillante des pouvoirs publics pourrait contribuer à son meilleur fonctionnement. Auquel cas, l’autrice préconise une co-construction des outils de contrôle avec les différents acteurs, dans un cadre européen. Une méthode qui peut réussir.</p>
<h2>Une industrie française autrefois active</h2>
<p>Par ailleurs, l’autrice envisage deux autres voies possibles pour faire baisser les quantités de vêtements exportés :</p>
<ul>
<li><p>que l’industrie développe des procédés pour leur recyclage en France,</p></li>
<li><p>que les consommateurs français se montrent plus sobres dans leurs achats.</p></li>
</ul>
<p>Sans traiter spécifiquement du secteur textile, ces questions ont été abordées lors de <a href="https://culture.cnam.fr/avril/les-entreprises-a-l-epreuve-de-la-sobriete-enjeux-et-conditions-de-mise-en-uvre--1395268.kjsp">colloques</a> qui se sont tenus au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et ont donné lieu à des dossiers parus dans la revue <em>Entreprise et société</em> intitulés « Pour une histoire managériale de la désindustrialisation » et « Les entreprises à l’épreuve de la sobriété : enjeux et conditions de mise en œuvre ». Il en ressort notamment que ces pistes restent délicates à concrétiser.</p>
<p>Une voie pour faire baisser les quantités de textile exporté passe par le redévelopper une industrie du recyclage en France. <a href="https://www.castres-mazamet.fr/le-textile-castres-danne-veaute-nos-jours">Castres</a> et <a href="https://www.edimip.com/catalogue/ouvrages/essais/cinq-si%C3%A8cles-de-travail-de-la-laine/">Mazamet</a> (Tarn) accueillaient, encore dans les années 1980, une importante industrie d’effilochage, de cardage et de tissage des chiffons de laine qui rivalisait avec celle de l’Italie et de l’Inde. Ces activités ont pour ainsi dire disparu, en raison notamment des mesures prises par les autorités, qui n’acceptent aujourd’hui que les produits en laine vierge dans les commandes publiques.</p>
<p>On aimerait croire au succès des efforts du gouvernement actuel pour relocaliser, comme le souhaite par exemple le <a href="https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2022/01/rapport_cnam_hcp_deride_2022-1.pdf">rapport</a> pour le Haut Commissariat au Plan de <a href="https://theconversation.com/profiles/laurent-cappelletti-423838">Laurent Cappelletti</a>, professeur au CNAM. Cependant, la route paraît étroite…</p>
<h2>Un problème de rentabilité</h2>
<p>L’industrie de la récupération textile n’a cessé d’innover et de développer de nouveaux débouchés pour le chiffon, notamment comme matériau pour l’isolation. L’Institut Textile de France (fusionné aujourd’hui dans un Institut français du textile et de l’habillement) avait ainsi lancé des recherches afin de créer de nouveaux débouchés pour les textiles usagés. Faute de perspective rentable, aucune ne se concrétisa par des applications industrielles.</p>
<p>Cependant, dans le textile, plus qu’ailleurs, l’expression « vingt fois sur le métier se remettre à l’ouvrage » est à l’honneur. Les efforts de recherche doivent donc être poursuivis, d’autant qu’<a href="https://theconversation.com/recyclage-les-entreprises-sociales-et-solidaires-face-a-un-marche-de-plus-en-plus-concurrentiel-217205">il existe des pistes</a> prometteuses. Par exemple : l’automatisation du tri (qui reste aujourd’hui effectué manuellement) ou encore la mise au point de nouveaux produits, à l’instar de la Métisse, une gamme d’isolation thermique et acoustique pour le bâtiment fabriquée à partir de vêtements en coton par Le Relais (principale entreprise de collecte et de tri de vêtements en France).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/recyclage-les-entreprises-sociales-et-solidaires-face-a-un-marche-de-plus-en-plus-concurrentiel-217205">Recyclage : les entreprises sociales et solidaires face à un marché de plus en plus concurrentiel</a>
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<p>Pour réduire la quantité des déchets textiles, dans le cadre de la récente <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/loi-anti-gaspillage-economie-circulaire">loi anti-gaspillage</a>, Refashion va en outre mettre un dispositif en place à partir du 1<sup>er</sup> janvier 2024 pour inciter les Français à rapiécer, raccommoder leurs vêtements plutôt que de les jeter.</p>
<h2>Un pas vers la sobriété</h2>
<p>Il reste à vaincre les réticences des retoucheurs et autres artisans qui, pour faire bénéficier leurs clients d’une remise, auront à se charger d’une <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/11/07/grace-a-l-inflation-les-cordonniers-et-les-retoucheurs-retrouvent-leurs-lettres-de-noblesse_6198753_3234.html">nouvelle tâche administrative</a>. Refashion lance d’ailleurs une campagne de communication à ce sujet. Si cette mesure peut paraître modeste, on aurait tort de ne pas la prendre au sérieux. Outre son intérêt écologique direct, elle participera à éduquer les consommateurs à moins jeter. Un pas vers la sobriété, dans l’esprit du <a href="https://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/la-part-du-colibri/">« colibri »</a> cher au philosophe Pierre Rhabi qui insistait sur la nécessité de ces petites initiatives…</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1721826238312960484"}"></div></p>
<p>Maud Hardy dans sa tribune préconise ainsi un allongement de la durée de vie des vêtements que les fabricants de textile produisent. Lors d’un colloque qui s’est tenu au CNAM en avril dernier, des dirigeants d’entreprise, des scientifiques, des hauts fonctionnaires et autres parties prenantes ont réfléchi sur « les entreprises à l’épreuve de la sobriété ». Celles du textile n’ont pas été spécialement visées (des invitations avaient été lancées mais ont été déclinées) mais ce secteur très polluant_ _est particulièrement concerné.</p>
<p>Antoine Frérot, le président-directeur général de Veolia, a rappelé que « le bon management est un management sobre en ressources humaines ou environnementales ». Pourquoi les dirigeants des entreprises textiles, dits les « metteurs sur le marché » dans le jargon du recyclage, qui financent Refashion, ne partageraient-ils pas cette philosophie ?</p>
<h2>Les contradictions du consommateur</h2>
<p>Une autre piste a été présentée par une équipe de chercheurs qui montrent que manager la sobriété à partir du système comptable classique invisibilise de nombreux éléments de l’organisation et proposent une méthode pour répondre à la question des coûts cachés.</p>
<p>La directrice de Refashion dans son article du <em>Monde</em> lance un appel à la responsabilité des citoyens afin qu’ils se convertissent à une consommation plus sobre. S’agit-il d’un vœu pieux ? <a href="https://theconversation.com/profiles/valerie-guillard-867672">Valérie Guillard</a>, professeur en marketing à l’université Paris-Dauphine, dans une des tables rondes qui se sont tenues lors du colloque sur « Les entreprises à l’épreuve de la sobriété », a pointé la difficulté voire l’impossibilité de concilier le souhait des consommateurs, qui désirent des biens respectueux de l’environnement et de l’humain, à faire leurs achats de manière conforme à leur conscience, mais… pas cher.</p>
<p>Autant de questions qui renvoient à « La sobriété et ses contradictions », ce qui sera le thème du débat entre le philosophe, André Comte-Sponville, et l’ancien Commissaire au Plan, Jean-Baptiste de Foucauld, qu’organisent au CNAM, le 23 janvier prochain, le <em>think tank</em> <a href="https://pactecivique.fr/">« Pacte civique »</a> et le Laboratoire interdisciplinaire de recherches en sciences de l’action (Lirsa).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218870/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Henri Zimnovitch est membre du think tank Pacte civique</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jérôme Méric ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les enjeux de réglementation ou encore de rentabilité freinent le développement de procédés industriels qui permettraient de relancer une filière française autrefois active.Jérôme Méric, Rédacteur en chef de la revue Entreprise et société, professeur spécialisé en contrôle de gestion et en gestion financière, IAE de PoitiersHenri Zimnovitch, professeur de sciences de gestion, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2158432023-11-19T16:39:41Z2023-11-19T16:39:41ZValorisation de la biomasse : comment éviter les accidents industriels ?<p>En 2008, la <a href="https://doi.org/10.1016/j.jlp.2013.08.018">raffinerie Sugar Imperial aux États-Unis a explosé</a>, causant la mort de 14 personnes : de la poussière de sucre en suspension dans l’air dans la zone d’emballage a pris feu. En 2014, c’est une <a href="https://doi.org/10.1002/prs.12063">usine allemande qui produisait du biogaz à partir de déchets agricoles</a> qui a subi une explosion due à une accumulation de méthane dans une zone de stockage.</p>
<p>Aujourd’hui, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/biomasse-51131">biomasse</a> est valorisée comme matière première au sein de bioraffineries : des déchets agricoles, des résidus forestiers, des algues ou encore des solides provenant des eaux usées sont par exemple utilisés pour faire du carburant, des peintures ou des <a href="https://theconversation.com/vers-des-plastiques-biodegradables-et-recyclables-la-piste-des-phas-progresse-211962">plastiques</a>. Ces procédés, s’ils se généralisaient, pourraient rendre l’industrie chimique plus durable, en réduisant ses impacts environnementaux et <a href="https://doi.org/10.1007/978-981-19-7506-6_17">notre dépendance aux matières premières fossiles</a>, à condition de ne pas faire concurrence au secteur alimentaire.</p>
<p>Mais les procédés verts valorisant la biomasse ne sont pas intrinsèquement plus sûrs que leurs homologues valorisant les matières fossiles.</p>
<p>Ainsi, l’intérêt économique ne doit pas être le seul élément guidant le développement de procédés utilisant la biomasse comme matière première : la communauté de recherche travaille aussi à les rendre plus sûrs pour les humains et l’environnement, en étudiant leurs <a href="https://doi.org/10.1016/j.rser.2009.11.006">impacts environnementaux</a> et <a href="https://doi.org/10.3390/ijms20204992">toxicologiques</a>, et en développement des <a href="https://doi.org/10.1016/j.ssci.2018.10.024">méthodes fiables d’évaluation des risques industriels</a>.</p>
<h2>La biomasse pour réduire notre dépendance au pétrole</h2>
<p>L’industrie chimique est toujours très dépendante de matières fossiles comme le pétrole, le charbon ou le gaz naturel. Même s’il peut être difficile d’avoir le chiffre exact, on estime que plus de 90 % des produits chimiques sont toujours <a href="https://doi.org/10.1016/j.jclepro.2022.133920">fabriqués à partir des matières fossiles</a> – ce qui pose des <a href="https://unece.org/sustainable-energy/publications/carbon-neutrality-unece-region-technology-interplay-under-carbon">problèmes environnementaux</a> (augmentation des émissions de gaz à effet de serre), géopolitique (problème de dépendance énergétique) et économique (augmentation des prix due à la déplétion des sources notamment).</p>
<p>C’est pendant les crises pétrolières des années 1970 que la filière a connu un regain d’intérêt pour l’utilisation de la biomasse comme matière première. Ces crises ont par exemple poussé le gouvernement brésilien a lancer des programmes, comme « Proalcool », dont le but était la production d’éthanol pour remplacer l’essence et <a href="https://doi.org/10.1016/j.bjm.2016.10.003">diminuer leur dépendance vis-à-vis des pays exportateurs de pétrole</a>.</p>
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<a href="https://theconversation.com/vers-des-plastiques-biodegradables-et-recyclables-la-piste-des-phas-progresse-211962">Vers des plastiques biodégradables et recyclables ? La piste des « PHAs » progresse</a>
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<h2>Explosions de gaz et de poussières</h2>
<p>Les principales causes d’accidents signalées sont en effet liées aux stockages non surveillés, où, en l’absence de barrières de sécurité adéquates, il existe des <a href="https://doi.org/10.1016/j.jlp.2015.04.004">risques d’incendie et d’explosion de poussières</a> – ces explosions sont déclenchées par une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0304389406013604">combustion rapide de particules inflammables en suspension dans l’air</a>.</p>
<p>Plus les particules sont petites, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0304389406013604">plus la combustion est rapide et explosive</a>.</p>
<p>Si le nuage de poussière enflammé n’est pas confiné, il ne provoque qu’un incendie « éclair ». Mais <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0304389406013604">si le nuage de poussière enflammé est confiné</a>, même partiellement, la chaleur de combustion peut entraîner une augmentation rapide de la pression, avec propagation de la flamme à travers le nuage de poussière et dégagement de grandes quantités de chaleur et de produits de réaction.</p>
<p>Pour qu’il y ait un incendie, il faut rassembler trois éléments : de l’oxygène, un combustible et une source d’allumage ; trois facteurs qui constituent ce que l’on appelle le « triangle du feu ».</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="explosion en laboratoire, sous une hotte" src="https://images.theconversation.com/files/558648/original/file-20231109-23-3levg6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/558648/original/file-20231109-23-3levg6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=651&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/558648/original/file-20231109-23-3levg6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=651&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/558648/original/file-20231109-23-3levg6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=651&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/558648/original/file-20231109-23-3levg6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=818&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/558648/original/file-20231109-23-3levg6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=818&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/558648/original/file-20231109-23-3levg6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=818&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Explosion de poussière de biomasse dans un équipement de laboratoire appelé « tube de Hartmann ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">José Delgado, INSA Rouen Normandie</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Pour qu’il y ait une explosion de poussière, il faut cinq éléments – on parle de pentagone : un combustible (poussière inflammable), un comburant (oxygène), une source d’allumage, la possibilité de mettre en dispersion les poussières et le confinement de ces poussières.</p>
<p>Les barrières de sécurité reposent à inhiber l’un des sommets du triangle ou du pentagone. Pour les incendies, on peut procéder à une détection précoce avec des <a href="https://www.icheme.org/media/11801/hazards-26-paper-64-fire-and-explosion-hazards-in-the-biomass-industries.pdf">capteurs de température sans fil pour la température d’un tas de biomasse,</a> par exemple, ou <a href="https://www.ieabioenergy.com/wp-content/uploads/2013/10/Health-and-Safety-Aspects-of-Solid-Biomass-Storage-Transportation-and-Feeding.pdf">séparer les pieux avec des murs en béton</a>. Pour les explosions de poussières, on peut notamment <a href="https://www.icheme.org/media/11801/hazards-26-paper-64-fire-and-explosion-hazards-in-the-biomass-industries.pdf">rendre les silos inertes</a>.</p>
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<p>En plus, des risques liés aux explosions de gaz ou de poussières, le <a href="https://doi.org/10.1016/j.psep.2020.07.017">risque d’emballement thermique a également été observé en laboratoire</a>. L’emballement thermique correspond à la montée en température dans une cuve, de façon non contrôlée et non souhaitée, ce qui peut avoir pour conséquence la destruction de la cuve sous l’effet de l’augmentation de la pression due à l’augmentation de la température de façon non contrôlée ou un effet missile projetant la cuve sur plusieurs kilomètres.</p>
<p>La valorisation de la biomasse implique des <a href="https://doi.org/10.1016/j.psep.2020.07.017">étapes d’hydrogénation ou d’oxydation</a>, qui sont particulièrement dangereuses car elles peuvent être exothermiques, c’est-à-dire dégager de la chaleur. Ces étapes se retrouvent dans les procédés de valorisation de la biomasse car elles permettent de fonctionnaliser les molécules issues de cette biomasse.</p>
<blockquote>
<p>« L’industrie chimique a un problème récurent avec les accidents liés à la réactivité. Ce problème est dû à la nature complexe de la réactivité chimique. » (<a href="https://www.mtu.edu/chemical/department/emeriti-faculty/crowl/">Daniel A. Crowl, professeur émérite de génie des procédés à Michigan Tech aux États-Unis</a>)</p>
</blockquote>
<p>Cette remarque s’applique amplement à la valorisation de la biomasse, car plusieurs réactions « parasites » qui dégagent de l’énergie (exothermiques) peuvent avoir lieu. Par exemple, la fonctionnalisation des huiles végétales en époxyde, intermédiaires importants pour la fabrication de polymères, peut être parasitée par le peroxyde d’hydrogène, qui peut, dans certaines conditions de température et de concentration, se décomposer en oxygène conduisant à une augmentation rapide de la pression fragilisant le réacteur.</p>
<h2>Comment sécuriser les procédés industriels de valorisation de la biomasse ?</h2>
<p>Pour évaluer les risques industriels, on s’appuie généralement sur des retours d’expérience – mais cette méthode demande que les procédés soient largement répandus et déployés à l’échelle industrielle, ce qui n’est pas encore le cas de la biomasse. Afin de combler ce manque, on pourrait s’orienter vers des approches probabilistes dites « de sécurité », déjà utilisées dans divers domaines, comme celui du <a href="https://doi.org/10.1016/j.matpr.2023.07.059">pétrole et gaz</a> et celui du <a href="https://www.iaea.org/sites/default/files/publications/magazines/bulletin/bull25-4/25402043036.pdf">nucléaire</a>.</p>
<p>L’un des principaux défis des procédés valorisant la biomasse et les bioraffineries est le manque de retour d’expériences par rapport aux analyses de risques et de la mise en place des barrières de sécurité. En effet, la plupart des méthodes d’analyse de risque reposent sur du retour d’expérience, et les procédés de valorisation de la biomasse sont plus récents que ceux utilisant des matières fossiles. Ces analyses sont essentielles pour pouvoir industrialiser ces procédés à partir des données laboratoires.</p>
<p>Récemment, nous avons ainsi pu utiliser la méthode ARAMIS (Accidentology and Risk Analysis Method for Industrial Systems) développée par l’INERIS pour <a href="https://doi.org/10.1016/j.ssci.2018.10.024">évaluer les risques pour la production de γ-valerolactone</a>. Cette méthode permet d’identifier des scénarios d’accident possibles, et donc d’affiner la gestion des risques de l’usine, lorsque des barrières de sécurité doivent être sélectionnées et mises en œuvre.</p>
<p>Face au manque de retours d’expérience, d’autres approches sont développées. Les méthodes probabilistes permettent d’évaluer et quantifier les risques, les incertitudes et les probabilités associés à des événements ou des phénomènes. Elles reposent sur la théorie des probabilités pour analyser et prendre des décisions en tenant compte des incertitudes inhérentes.</p>
<p>Par exemple, le <a href="https://www.icheme.org/media/9064/xxiii-paper-68.pdf">risque d’explosion de poussières</a> est le produit de la probabilité qu’une explosion de poussières se produise et des conséquences de l’explosion de poussières. Les conséquences pourraient être prévisibles avec des expériences ou des modèles, par exemple en utilisant des outils de simulation. La probabilité d’une explosion est le produit de la probabilité de trouver une source d’inflammation efficace (« énergie minimale d’inflammation ») et la probabilité d’avoir une atmosphère explosive (c’est-à-dire la bonne concentration de poussière dans l’air). Elle peut être calculée à l’aide d’une technique appelée « analyse des arbres de défaillances » (<em>fault tree analysis</em>, FTA), née dans l’industrie aérospatiale et de plus en plus populaire dans les industries de transformation chimique ; il s’agit d’une technique de modèle logique déductif qui <a href="https://www.researchgate.net/profile/Risza-Rusli/publication/261316596_Preliminary_risk_assessment_for_the_bench-scale_of_biomass_gasification_system/links/5565326c08ae06101abe02ac/Preliminary-risk-assessment-for-the-bench-scale-of-biomass-gasification-system.pdf">génère la liste de combinaisons de défaillances susceptibles de déclencher un accident</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215843/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sébastien Leveneur a reçu des financements de la Région Normandie, de l'ANR, de la Métropole de Rouen et Campus France. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Valeria CASSON MORENO ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La valorisation de la biomasse n’est pas sans risque, comme tous les procédés industriels. Comment évaluer les risques d’accident ?Sébastien Leveneur, génie des procédés, INSA Rouen NormandieValeria CASSON MORENO, Associate Professor of Chemical Engineering, University of PisaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2175692023-11-14T18:55:31Z2023-11-14T18:55:31ZCommande publique de biens manufacturés : qui recourt le plus aux importations ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/559041/original/file-20231113-27-t6cx95.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=22%2C26%2C965%2C646&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un pays désindustrialisé est en effet amené à consommer des biens manufacturés importés, que ce soit pour la consommation privée ou publique.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Le_Havre,_premier_port_de_France_pour_le_commerce_ext%C3%A9rieur.jpg">Wikimedia commons/Ville du Havre</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Reléguée pendant longtemps dans la catégorie des concepts dépassés, la <a href="https://theconversation.com/reindustrialiser-mais-pour-quoi-faire-176810">politique industrielle</a> est redevenue centrale, notamment dans les économies avancées qui se sont désindustrialisées. Ce choix d’un retour de la puissance publique dans l’économie, afin d’en modifier la structure de production au profit du secteur manufacturier, découle de la conjonction de trois événements : la prise de conscience de la vulnérabilité des économies avancées à la perturbation des chaînes de production internationales, générant une dépendance à l’égard de fournisseurs lointains ; une volonté plus ou moins affirmée de « dérisquage » (<a href="https://www.ceps.eu/the-eus-aim-to-de-risk-itself-from-china-is-risky-yet-necessary/"><em>de-risking</em></a> vis-à-vis de la Chine, pour reprendre le mot de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen) ; l’impérieuse nécessité de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/transition-ecologique-66536">transition écologique</a>, qui crée une opportunité de construire un tissu industriel vert.</p>
<p>Les outils de ces nouvelles politiques industrielles sont divers. Les avantages fiscaux et subventions sont les plus voyants, au centre notamment de <a href="https://theconversation.com/linflation-reduction-act-americain-un-danger-pour-la-production-automobile-hexagonale-204417">l’<em>Inflation Reduction Act</em></a> (IRA) américain. Ce dernier s’appuie par ailleurs massivement sur des clauses de contenu local, instrument déjà privilégié par l’État fédéral américain pour la commande publique depuis le <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/pour-les-achats-publics-biden-veut-aller-encore-plus-loin-sur-le-buy-american-act-889839.html"><em>Buy American Act</em> de 1933</a>, qui établit une préférence pour l’achat de produits nationaux pour les marchés publics fédéraux d’une valeur de plus de 3 000 dollars. De même, le <a href="https://www.fcc.gov/general/american-recovery-and-reinvestment-act-2009">plan de relance de 2009</a> (<em>American Recovery and Re-Investment Act</em>, ARRA) n’ouvrait l’accès à ses fonds qu’aux projets utilisant de l’acier, du fer et des biens manufacturés américains, sauf si la concurrence étrangère présentait un prix inférieur d’au moins 25 %.</p>
<p>Le décalage est important avec l’Union européenne (UE), dont la construction institutionnelle a accordé une large place à la politique de la concurrence au niveau du marché unique et au libre-échange, et n’a pas cherché à donner l’avantage aux producteurs nationaux pour l’attribution des marchés publics.</p>
<p>Ces différences de conception entre les États-Unis et les pays de l’UE se traduisent-elles pour autant par une commande publique s’adressant davantage aux producteurs nationaux outre-Atlantique ? Si le cadre réglementaire de la commande publique est très largement harmonisé en Europe, les pratiques divergent-elles entre pays de l’UE ?</p>
<p>L’échelle européenne reste incontournable pour comprendre les règles nationales qui régissent les contrats de commande publique et d’octroi de marchés publics. Le droit de l’Union pose en effet tant des principes fondamentaux d’égalité de traitement, de non-discrimination et de transparence que de nombreuses règles et procédures.</p>
<h2>Écarts d’ampleur</h2>
<p>La commande publique, qui recouvre les achats de biens, de services et de travaux effectués par les administrations et les entreprises publiques, représente de 10 % à 20 % du PIB des pays membres de l’UE et des États-Unis. Dans une <a href="https://www.cae-eco.fr/la-commande-publique-peut-elle-constituer-un-levier-de-relocalisation-de-lactivite">note</a> du Conseil d’analyse économique (CAE) publiée en 2021, les économistes Claudine Desrieux et Kevin Parra Ramirez estimaient la part des importations dans la commande publique de biens et services en 2014 (date la plus récente à laquelle les <a href="https://www.rug.nl/ggdc/valuechain/wiod/wiod-2016-release">données</a> qui permettent de réaliser ces calculs sont disponibles) autour de 9 % pour la zone euro, 8 % pour l’Italie et la France et 4 % pour les États-Unis.</p>
<p>Les ordres de grandeur changent cependant très significativement quand l’examen, effectué selon la méthodologie exposée en note du graphique suivant, est restreint au périmètre des biens manufacturés.</p>
<p><iframe id="uXrm8" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/uXrm8/7/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En outre, l’hétérogénéité entre pays est frappante. En 2014, la part des importations est la plus faible aux États-Unis, 19 %, tandis qu’elles sont 2,5 à 3,5 fois plus élevées en Europe, en France tout particulièrement. Ces écarts d’ampleur de part et d’autre de l’Atlantique tiennent en partie aux écarts de taille économique des pays, les plus grands ayant moins besoin de recourir à l’extérieur pour satisfaire leurs besoins, que ce soit pour leur commande publique ou de manière plus générale.</p>
<p>À l’exception de l’Allemagne, on observe de plus un processus continu d’accroissement de la part des importations de produits manufacturés dans la commande publique, notamment en France et en Italie. Mécaniquement, lorsqu’un pays se désindustrialise, il doit davantage recourir aux importations pour satisfaire sa demande de biens manufacturés. Or, entre 2000 et 2014, la part du secteur manufacturier dans le PIB est passée de 14 % à 10 % en France, et de 18 % à 14 % en Italie.</p>
<p>L’Allemagne présente un profil particulier, avec une part qui passe de 40 % en 2000 à plus de 63 % en 2007, puis diminue de façon quasi continue jusqu’à 45 % en 2014. Cette trajectoire pourrait venir de la politique allemande du médicament. En 2002, afin de maîtriser les dépenses de santé, une législation a contraint les pharmacies à vendre des médicaments importés lorsque leur prix était inférieur à certains seuils, pour les médicaments remboursés par l’assurance maladie.</p>
<p>Cette « clause de promotion des importations » a entraîné une hausse immédiate de la part de marché des produits pharmaceutiques importés, avec un pic en 2007. Un moratoire a ensuite été décidé sur le prix des médicaments : en pratique, les prix ont été gelés entre 2006 et 2013, conduisant les prix des médicaments produits en Allemagne à passer sous les seuils qui justifiaient le recours aux importations. La part de ces dernières a dès lors reculé au profit des produits pharmaceutiques allemands.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-produits-de-sante-une-filiere-de-poids-dans-les-echanges-internationaux-214276">Les produits de santé : une filière de poids dans les échanges internationaux</a>
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<p>La part plus forte des importations dans la commande publique pourrait refléter celle des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/importations-114407">importations</a> dans la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/consommation-20873">consommation</a> des ménages. Un pays désindustrialisé est en effet amené à consommer des biens manufacturés importés, que ce soit pour la consommation privée ou publique. Un écart entre la part des importations dans la commande publique et dans la consommation des ménages pourrait à l’inverse refléter des choix de politiques publiques.</p>
<p>Alors qu’aux États-Unis la part des importations dans la commande publique est plus faible que celle dans la consommation des ménages de 10 à 12 points de pourcentage (une différence qui pourrait provenir du <em>Buy American Act</em>), une situation exactement inverse s’observe pour les quatre grands pays de la zone euro. L’écart est particulièrement élevé en France, et se creuse à partir de 2007-2008, atteignant 20 points en 2014.</p>
<h2>Quelles marges de manœuvre ?</h2>
<p>Sans avoir besoin de transformer préalablement les structures de production, il existe ainsi des marges de manœuvre pour réduire la part des importations dans la commande publique et favoriser les secteurs manufacturiers nationaux. Quels seraient les gains pour ces secteurs d’un hypothétique alignement de la part des importations dans la commande publique sur celle dans la consommation des ménages ?</p>
<p>En France, ce sont près de 8 milliards de dollars (environ 0,3 % du PIB de 2022) supplémentaires dont aurait bénéficié le secteur manufacturier national en 2014 si le taux d’importation de biens manufacturés de la commande publique avait été égal à celui de la consommation des ménages. Pour l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie, les gains, plus modestes, seraient respectivement, de 2,2, 1,5 et 2,8 milliards de dollars.</p>
<p>Un calcul symétrique peut être effectué pour les États-Unis, en évaluant le montant qui aurait été perdu si la part des importations de biens manufacturés avait été aussi élevée dans la commande publique qu’elle l’était dans la consommation des ménages. Cette perte aurait été de 24,2 milliards de dollars en 2014 – et on peut imaginer qu’il s’agit là d’une estimation basse, car il est vraisemblable que, sans le <em>Buy American Act</em>, la part des importations de biens manufacturés dans la commande publique américaine aurait été supérieure à ce qu’elle est dans la consommation privée, à l’image de ce que l’on observe pour les grandes économies européennes.</p>
<p><iframe id="3bMbz" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/3bMbz/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="InLT1" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/InLT1/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="nNetH" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/nNetH/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="l5p1v" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/l5p1v/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="rwoqf" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/rwoqf/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Un accord autour d’un véritable « Buy European Act » parait difficilement atteignable, car il <a href="http://www.cepii.fr/PDF_PUB/pb/2023/pb2023-40_FR.pdf">remettrait en cause des fondamentaux du droit européen</a>. Cela contraindrait également sans doute l’Union européenne à <a href="http://www.cepii.fr/PDF_PUB/pb/2023/pb2023-40_FR.pdf">renégocier sa participation à l’accord sur les marchés publics de l’OMC</a>. Pour permettre la coexistence de cet accord avec le <em>Buy American Act</em>, les États-Unis ont en effet dû négocier des clauses spécifiques.</p>
<p>Cependant, la protection de certaines activités stratégiques ou de l’environnement ainsi que la préservation de la compétitivité des producteurs locaux constituent autant d’<a href="https://www.lexbase.fr/article-juridique/90641981-citedanslarubriquebmarchespublicsbtitrenbspipeutilexisterunprotectionnismeeuropeenen">arguments mobilisables</a> dans le cadre européen actuel. Le développement de clauses de conditionnalité environnementale – sur le modèle du <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A16766">nouveau bonus français sur les voitures électriques</a> – apparaît comme une voie prometteuse, en permettant de contourner l’interdiction des clauses de contenu local sans modification significative du droit existant. Une approche similaire pourrait être retenue pour la commande publique. La loi française <a href="https://www.economie.gouv.fr/daj/la-loi-ndeg-2023-973-du-23-octobre-2023-relative-lindustrie-verte-renforce-la-commande-publique">« Industrie verte »</a>, adoptée en octobre 2023, fait un premier pas en ce sens, avec la création d’un label permettant d’intégrer les critères environnementaux dans la commande publique.</p>
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<p><em>Cet article développe des extraits de Grjebine T. et Héricourt J. (2023), <a href="https://www.cairn.info/l-economie-mondiale-2024%E2%80%939782348080074-page-43.htm">« Les dilemmes d’une réindustrialisation (verte) en économie ouverte »</a>, <a href="https://theconversation.com/economie-mondiale-2024-annee-de-toutes-les-reconfigurations-212268">L’économie mondiale 2024</a> <a href="https://www.collectionreperes.com/l_economie_mondiale_2024-9782348080074">, collection Repères, La Découverte</a>.</em></p>
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<p><em>Cette contribution à The Conversation France est publiée en lien avec les Jéco 2023 qui se tiennent à Lyon du 14 au 16 novembre 2023. Retrouvez ici le <a href="https://www.journeeseconomie.org/affiche-conference2023">programme complet</a> de l’événement.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217569/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>De grands écarts apparaissent entre les États-Unis et l’Union européenne, mais également parmi les pays européens.Thomas Grjebine, Économiste, Responsable du programme "Macroéconomie et finance internationales" au CEPII., CEPIIJérôme Héricourt, Professeur d'économie, conseiller scientifique au CEPII, Université d’Evry – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2162882023-11-01T17:16:34Z2023-11-01T17:16:34ZLa transition énergétique reste conditionnée à la souveraineté industrielle en Europe<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/555583/original/file-20231024-17-8f00na.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C22%2C1066%2C695&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le coût de production des panneaux photovoltaïques a été divisé par 10&nbsp;ans 10&nbsp;ans.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Parc_de_centrales_solaires_photovolta%C3%AFques_de_la_Colle_des_M%C3%A9es#/media/Fichier:Panneaux_PhotV_Les_M%C3%A9es.JPG">Christian Pinatel de Salvator/Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>L’objectif de souveraineté technologique s’impose de plus en plus à tout pays dit « moderne » ou s’en réclamant. Cette « capacité d’un État à développer l’accès et fournir aux citoyens et entreprises les <a href="https://www.isi.fraunhofer.de/content/dam/isi/dokumente/publikationen/technology_sovereignty.pdf">technologies dont ils ont besoin</a> », pour reprendre la définition de l’institut allemand Fraunhofer, est en effet censée favoriser la croissance de son économie et renforcer son autonomie stratégique.</p>
<p>En matière de politique énergétique, cette souveraineté technologique doit alors intégrer et faciliter l’atteinte de <a href="https://theconversation.com/guerre-en-ukraine-50-ans-apres-un-choc-energetique-de-lampleur-des-chocs-petroliers-178627">trois objectifs souvent opposés entre eux</a>. On parle alors de <a href="https://trilemma.worldenergy.org/">« trilemme énergétique »</a> que l’on peut résumer de la manière suivante :</p>
<ul>
<li><p><strong>Sécurité</strong>, pour garantir un approvisionnement fiable des besoins, en limitant les dépendances à des pays ou sociétés fournisseurs externes trop dominantes.</p></li>
<li><p><strong>Compétitivité</strong>, pour garantir l’accès à tous et sur longue période à une énergie abondante et bon marché.</p></li>
<li><p><strong>Environnement</strong>, afin de limiter les émissions de gaz à effet de serre (GES) et pollutions liées à la production et consommation d’énergie dans les différents secteurs de l’économie (énergie, industrie, transport, bâtiment, etc.).</p></li>
</ul>
<p>Les politiques pour atteindre la souveraineté technologique doivent ainsi permettre de décarboner l’économie, tout en garantissant l’accès à une énergie bon marché et en limitant les dépendances extérieures.</p>
<p>Comment faire ? Pour répondre à cette question, il s’agit d’abord de rappeler le contexte. Ces 10 dernières années, les politiques européennes de transition énergétique ont favorisé un développement rapide et étendu de <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX%3A52023PC0161">l’accès aux technologies favorables à la transition énergétique</a>, principalement dans les « nouvelles » énergies renouvelables (solaire photovoltaïque et éolien en tête, et plus récemment sur les batteries lithium-ion pour véhicules électriques). Cet essor a été notamment favorisé par le marché unique européen, <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Renewable_energy_statistics">accélérateur du libre-échange international</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/batteries-lue-cherche-lequilibre-entre-ouverture-aux-marches-et-souverainete-technologique-210005">Batteries : l’UE cherche l’équilibre entre ouverture aux marchés et souveraineté technologique</a>
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<p>Or, les politiques d’innovation technologique menées n’ont pas permis (à l’exception notable de l’éolien, néanmoins menacé) le développement d’un accès élargi à des technologies d’origine européenne, souvent bien <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/panneaux-solaires-le-cri-dalarme-des-derniers-producteurs-europeens-1980112">moins compétitives que celles importées d’Asie</a>, Chine en tête. Ainsi, ce développement s’est appuyé sur des technologies importées sous forme d’équipements fabriqués en masse en Asie, Chine en particulier, qui a nettement renforcé la dépendance technico-économique de l’UE, en particulier sur le <a href="https://www.bruegel.org/analysis/cleantech-manufacturing-where-does-europe-really-stand-0">solaire photovoltaïque et les batteries pour véhicules électriques</a>.</p>
<h2>Une opportunité de réindustrialisation</h2>
<p><a href="https://www.washingtonpost.com/business/energy/2023/03/18/climate-change-europe-s-green-policy-will-hurt-its-energy-security/e3e914f4-c600-11ed-82a7-6a87555c1878_story.html">Pourquoi, dès lors, ne pas se contenter d’importer ces technologies d’Asie</a>, Chine en particulier, l’industrie de masse probablement la plus efficace au monde ? Deux arguments principaux peuvent être opposés ici : d’abord, pouvoir limiter le danger, ou risque de surdépendance économique et politique à un pays pas forcément « ami », avec des ambitions de domination mondiale comme pour la Chine. Cet objectif de leadership justifie un besoin évident de diversification en matière de fournisseurs, dont des productions en partie localisées au sein de l’UE.</p>
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<p>En outre, la crise du gaz née de l’invasion russe en Ukraine en février 2022 a bien démontré la réalité du <a href="https://www.connaissancedesenergies.org/afp/climat-le-gaz-naturel-energie-de-transition-ou-fausse-solution-191122">risque d’approvisionnement sur une énergie primaire</a> (dite « de transition » parfois), potentiellement démultiplié sur les technologies de la transition énergétique. Il s’agit donc d’investir en Europe pour limiter ce risque de dépendance énergétique tout en sécurisant et diversifiant l’approvisionnement en métaux rares, <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/les-technologies-vertes-une-industrie-de-630-milliards-de-dollars-par-an-en-2030-a-reconquerir.N2085921">essentiels pour les technologies de transition énergétique</a>. Dit autrement, de payer une « assurance industrielle » pour réduction du risque de souveraineté énergétique en Europe.</p>
<p>Deuxièmement, la transition énergétique peut constituer une formidable opportunité de réindustrialisation pour favoriser la croissance d’activités et d’emplois à valeur ajoutée élevée, comme l’ont bien compris <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/aux-etats-unis-le-plan-energies-renouvelables-fait-decoller-les-investissements.N2038572">Américains</a> et <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2022/10/12/china-s-transition-to-a-low-carbon-economy-and-climate-resilience-needs-shifts-in-resources-and-technologies">Chinois</a>, et en totale cohérence avec l’objectif premier de souveraineté technologique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1566773621464391683"}"></div></p>
<p>Ainsi concilier souveraineté technologique et transition énergétique exige de réintroduire davantage de politique industrielle européenne.</p>
<h2>Un besoin élevé d’investissement</h2>
<p>Cette exigence apparaît en outre d’autant plus cruciale que la transition énergétique repose essentiellement sur des technologies matures fortement industrialisées. Plus que des technologies « de pointe », la transition énergétique repose en effet sur des équipements qui doivent être fabriqués à grande échelle, ce qui permettra de les rendre plus accessibles en faisant baisser les coûts de production.</p>
<p>On a en effet clairement observé ces effets des volumes sur les prix ces dernières années dans le développement du solaire photovoltaïque et des batteries lithium-ion au niveau mondial. Dans les deux cas, le coût de production des équipements pour produire un watt a été divisé environ par 10 ans en 10 ans tandis que les capacités de production étaient de leur côté multipliées par 10.</p>
<p><iframe id="wqWsd" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/wqWsd/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="pbDCg" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/pbDCg/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="eN7qW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/eN7qW/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="f3wvS" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/f3wvS/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ainsi, l’innovation nécessaire semble de l’ordre de l’« incrémentale » (par touches successives) plus que « de rupture », ce qui <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0301421518305901">nécessite des investissements élevés</a> et stables sur long terme que seule une politique industrielle peut assurer.</p>
<p>À noter que le pilotage de la transition et management de l’énergie à base de numérique et service, en lien avec l’évolution des réseaux vers plus de flexibilité (« smart grids »), <a href="https://agirpourlatransition.ademe.fr/entreprises/demarche-decarbonation-industrie/agir/structurer-demarche/mettre-en-place-systeme-management-energie">échappent à cette contrainte industrielle</a>, avec d’importants atouts européens à valoriser (réseaux, industrie et régulations).</p>
<p>Au bilan, concilier souveraineté technologique et transition énergétique exige de réintroduire davantage de politique industrielle de l’UE, sans pour autant abandonner les avantages de son marché unique. C’est pourquoi les grands groupes industriels privés, Européens en priorité, sont incités aujourd’hui à participer directement au développement d’une industrie européenne de la transition énergétique, notamment <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-les-airbus-de-ceci-ou-de-cela-nouvelle-generation-1346507">sous forme d’alliances</a>. Cette capacité à attirer et sécuriser davantage les financements privés de long terme, font partie des <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/10/23/energies-renouvelables-ce-sont-les-etats-unis-qui-vont-probablement-encore-gagner-la-course_6057105_3232.html">bases d’une nouvelle politique industrielle européenne</a>.</p>
<p>En mars dernier, la Commission européenne a fait un pas supplémentaire en ce sens en adoptant le projet <a href="https://single-market-economy.ec.europa.eu/publications/net-zero-industry-act_en">« Net-zero Industry Act »</a> (NZIA), en réaction aux politiques protectionnistes entrées en vigueur aux États-Unis avec <a href="https://theconversation.com/linflation-reduction-act-americain-un-danger-pour-la-production-automobile-hexagonale-204417">l’Inflation Reduction Act</a>. Une preuve qu’à Bruxelles, les dirigeants européens ont parfaitement compris que la transition énergétique irait de pair avec la souveraineté technologique et industrielle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216288/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabrice Arroyo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le développement de technologies comme le solaire photovoltaïque ou les batteries lithium-ion repose actuellement sur une dépendance économique européenne vis-à-vis de l’Asie.Fabrice Arroyo, Responsable Mastère Énergie, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2143222023-10-11T17:13:52Z2023-10-11T17:13:52ZTextiles toxiques pour l'environnement et la santé : les designers ont un rôle à jouer<p>On entend souvent parler de la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=rwp0Bx0awoE">pollution de l’industrie textile</a>. Mais <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30278363/">son impact sur la santé humaine</a> est moins abordé. </p>
<p>Pourtant, les composés pétrochimiques utilisés dans la fabrication de nos vêtements ont des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=onD5UOP5z_c">effets nocifs sur les travailleurs</a>, les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=IxVq_38BoPE">communautés environnantes</a> et les <a href="http://www.cec.org/files/documents/publications/11777-furthering-understanding-migration-chemicals-from-consumer-products-fr.pdf">consommateurs</a>. </p>
<p>Cette problématique a une <a href="https://www.greenpeace.org/static/planet4-international-stateless/2012/11/317d2d47-toxicthreads01.pdf">incidence mondiale</a>, mais son évaluation est complexe. Pourquoi ? En raison de notre faible exposition quotidienne à un <a href="https://www.leslibraires.ca/livres/perturbateurs-endocriniens-la-menace-invisible-marine-jobert-9782283028179.html">« cocktail » composé d’une panoplie de substances synthétiques peu étudiées</a> dont il est difficile de distinguer les causes à effets. D’autant plus que la toxicité de ces substances peut s’amplifier par interaction ou dégradation, comme c’est le cas des <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/substances-chimiques/initiative-groupes-substances/azoiques-aromatiques-base-benzidine.html">colorants azoïques</a>, utilisés comme teinture textile, qui sont omniprésents et persistants dans l’environnement. </p>
<p>À travers ma recherche en design textile durable, j’explore la façon dont le design peut contribuer à rendre l’industrie textile plus respectueuse de l’environnement, en mettant l’accent sur la sensibilisation écologique des designers, des preneurs de décisions et du grand public. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/551518/original/file-20231002-15-cu6ppt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="teintures textiles" src="https://images.theconversation.com/files/551518/original/file-20231002-15-cu6ppt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/551518/original/file-20231002-15-cu6ppt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=221&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/551518/original/file-20231002-15-cu6ppt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=221&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/551518/original/file-20231002-15-cu6ppt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=221&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/551518/original/file-20231002-15-cu6ppt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=277&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/551518/original/file-20231002-15-cu6ppt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=277&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/551518/original/file-20231002-15-cu6ppt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=277&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Teintures réalisées à partir de déchets agroalimentaires et inspirées des Pantone.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Vanessa Mardirossian)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une réflexion qui ne date pas d’hier</h2>
<p>Dès les années 1960, le designer <a href="https://papanek.org/archivelibrary/victor-papanek/">Victor Papanek</a> est le premier à soulever les <a href="https://www.lespressesdureel.com/ouvrage.php?id=8623">enjeux environnementaux liés à la conception</a> de produits industriels. </p>
<p>C’est aussi l’époque où émerge la conscience écologique, initiée par la biologiste <a href="https://www.leslibraires.ca/livres/printemps-silencieux-rachel-carson-9782918490005.html">Rachel Carson</a>, qui sensibilise la population à l’impact de l’activité humaine sur l’environnement. </p>
<p>Puis, dans les années 1990, l’avènement de la <a href="https://www.mcgill.ca/newsroom/fr/article/la-chimie-verte-mise-en-contexte">chimie verte</a> a favorisé la collaboration entre le design et la biologie pour développer des <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1278402">textiles écologiques</a>. Ces derniers visaient à améliorer la gestion des déchets et à préserver la pureté de l’eau en suivant les <a href="https://mcdonough.com/wp-content/uploads/2013/03/Hannover-Principles-1992.pdf">principes de Hanovre</a>, qui cherchent à harmoniser l’interdépendance entre l’activité humaine et le monde naturel en éliminant les intrants toxiques à la source. </p>
<h2>Une approche inspirée du vivant pour accélérer la transition écologique textile</h2>
<p>L’humanité s’est toujours inspirée des formes de la nature pour créer. </p>
<p>Dans cette optique, à la fin du XX<sup>e</sup> siècle, la biologiste <a href="https://biomimicry.org/janine-benyus/">Janine Benyus</a> nous invite à observer les <a href="https://biomimicry.org">modes opératoires du vivant</a> pour repenser nos méthodes de fabrication en s’inspirant du <a href="https://www.ruedelechiquier.net/essais/376-biomimetisme-25-ans.html">biomimétisme</a>. </p>
<p>Pourrions-nous par exemple produire des teintures à température ambiante et sans molécules toxiques ? Cette démarche amène à considérer une réflexion commune entre le design, les sciences et l’ingénierie. </p>
<p>Cette vision multidisciplinaire du design où l’écologie, la médecine et la politique prennent part à l’acte de conception afin de mieux répondre aux besoins de la société était déjà prônée par Papanek dès 1969. </p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/551520/original/file-20231002-30-2h1680.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="schéma" src="https://images.theconversation.com/files/551520/original/file-20231002-30-2h1680.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/551520/original/file-20231002-30-2h1680.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/551520/original/file-20231002-30-2h1680.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/551520/original/file-20231002-30-2h1680.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/551520/original/file-20231002-30-2h1680.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/551520/original/file-20231002-30-2h1680.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/551520/original/file-20231002-30-2h1680.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Concept du « design minimal », de Victor Papanek.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Schéma tiré des travaux de Victor Papanek)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Développer une pensée écosystémique du design à travers une éducation écologique</h2>
<p>Dès 1990, le pédagogue <a href="https://blogs.ubc.ca/lled3662017/files/2017/08/Orr_Environmental-Literacy-Ecoliteracy.pdf">David Orr</a> introduit le concept d’écolittératie pour combler une lacune majeure dans l’éducation traditionnelle, qui est centrée sur l’humain et qui ignore son interconnexion avec la nature. Orr préconise une éducation environnementale pour développer un lien d’appartenance avec son milieu de vie et établir des modèles de production favorisant la résilience des écosystèmes. </p>
<p>Dans les années 2000, la chercheuse en design de mode <a href="https://katefletcher.com">Kate Fletcher</a> soutient le développement de cette littératie écologique afin d’amener les parties prenantes du secteur (designers, consommateurs, industriels) à comprendre l’implicite interconnexion des systèmes industriels et vivants, qui montre que la mode entretient une relation vitale avec la nature. </p>
<p>Puis, en 2018, la chercheuse en conception durable <a href="https://www.bloomsbury.com/ca/design-ecology-politics-9781350258778/">Joanna Boehnert</a> souligne que la littératie écologique favorise non seulement le développement de nouvelles façons de produire plus durables, mais permet aussi d’élargir notre vision sociale, politique, et économique afin d’aborder de façon systémique les défis transdisciplinaires de la durabilité. </p>
<p>C’est ce que soutient aussi le biologiste <a href="https://www.pikaia.fr/equipe/emmanuel-delannoy/">Emmanuel Delannoy</a> dans son modèle de <a href="https://www.apesa.fr/permaeconomie/">permaéconomie</a>, qui nous amène à reconsidérer notre relation au vivant afin d’établir une symbiose entre l’économie et la biosphère.</p>
<h2>Un patrimoine coloré à redécouvrir, transmettre et sublimer</h2>
<p>Mon projet de <a href="https://hexagram.ca/fr/qu-est-ce-que-la-recherche-creation/">recherche-création</a> propose une réflexion critique sur la teinture textile. </p>
<p>Ce champ d’investigation m’amène à explorer la coloration au-delà de son esthétique afin de soulever des questionnements d’ordre écologique, économique et pédagogique. </p>
<p>Alors que l’aspect <em>glamour</em> de la mode occulte les problématiques sanitaires et socio-environnementales de l’industrie textile, j’oriente ma réflexion vers une compréhension plus globale de la teinture qui comprend ses origines, ses modes de fabrication et ses interactions avec le vivant. </p>
<p>J’explore le développement de teintures non toxiques, en étudiant d’une part, la littérature sur les <a href="https://www.belin-editeur.com/le-monde-des-teintures-naturelles">colorants naturels depuis la préhistoire</a>. De l’autre, en rencontrant des experts du domaine comme l’historienne <a href="https://www.cnrs.fr/sites/default/files/download-file/CardonD.pdf">Dominique Cardon</a> ou l’artisane textile écolettrée <a href="https://fibershed.org/staff-board/">Rebecca Burgess</a>, fondatrice du concept <a href="https://fibershed.org">Fibershed</a>, qui vise à produire un vêtement biodégradable dans un espace géographique restreint. </p>
<p>J’étudie aussi des pratiques de terrain, dont celle du Laboratoire Textile de l’<a href="https://www.luma.org/fr/arles/nous-connaitre/les-projets/atelier-luma.html">Atelier Luma</a> qui travaille à l’intersection de l’écologie, du textile et du développement économique régional. </p>
<p>Enfin, je m’intéresse aux <a href="https://www.arts.ac.uk/subjects/textiles-and-materials/postgraduate?collection=ual-courses-meta-prod&query=!nullquery&start_rank=1&sort=relevance&f.Subject-test%7Csubject=Textiles%20and%20materials&f.Course%20level%7Clevel=Postgraduate">formations en design qui proposent une approche art-science</a> où l’<a href="https://wildproject.org/livres/vers-lecologie-profonde">écologie profonde</a> est intégrée au processus de conception. </p>
<h2>Symbiose entre la nature et l’industrie textile</h2>
<p>Dans <a href="https://speculativelifebiolab.com/2022/04/03/cooking-and-culturing-colour-part-iv/">le laboratoire de recherche où je travaille</a>, j’expérimente le croisement de recettes tinctoriales (teintures textiles à base de plantes) traditionnelles et prospectives. </p>
<p>Inspirée par le concept d’<a href="https://doi.org/10.1038/scientificamerican0989-144">écologie industrielle</a>, précurseur de l’économie circulaire, qui valorise les rebuts d’une industrie comme ressources pour une autre, j’utilise des <a href="https://www.lapresse.ca/societe/mode-et-beaute/2021-03-30/quand-les-dechets-se-melent-de-la-mode.php">déchets agroalimentaires comme source colorante</a>, que je combine à l’utilisation de <a href="https://hexagram.ca/fr/demo2-vanessa-mardirossian-the-culture-of-color-an-ecoliteracy-of-textile-design-2/">bactéries productrices de pigment</a> pour élargir la palette de couleurs. </p>
<p>Ainsi, les tannins issus de divers rebuts peuvent être valorisés dans des recettes de teintures. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/551537/original/file-20231002-25-qtiisx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="bouts de tissu colorés" src="https://images.theconversation.com/files/551537/original/file-20231002-25-qtiisx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/551537/original/file-20231002-25-qtiisx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/551537/original/file-20231002-25-qtiisx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/551537/original/file-20231002-25-qtiisx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/551537/original/file-20231002-25-qtiisx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/551537/original/file-20231002-25-qtiisx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/551537/original/file-20231002-25-qtiisx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Tissu teint à partir de déchets et de bactéries.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Vanessa Mardirossian)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Mais colorer un textile n’est que la partie visible de l’iceberg. Car toute une préparation de la fibre se passe en amont pour assurer la résistance de la couleur à la lumière et au lavage. C’est ce qu’on appelle le « mordançage ». Que la fibre soit animale ou végétale, les mordants utilisés seront différents, mais doivent rester bénéfiques à l’environnement pour pouvoir y être rejetés. </p>
<p>Cette expertise acquise de façon itérative entre la théorie, le prototypage et l’analyse de résultats contribue à l’écolittératie textile. Doublée d’une connaissance en biologie, cette dernière permet d’appréhender les interactions délétères entre le monde matériel et vivant. </p>
<p>La synthèse des concepts d’écolittératie et de biomimétisme m’amène à réfléchir à une macro-vision de l’écosystème industriel de la mode et à envisager le concept d’« écolittératie textile » comme un moyen de déployer un réseau de collaborations intersectorielles entre le design, la santé, l’éducation et l’industrie. </p>
<p>Ma recherche vise ainsi à montrer que la <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.2752/175693810X12774625387594">matérialité textile doit s’harmoniser de manière symbiotique avec les écosystèmes naturels</a> afin que les deux parties bénéficient de leur interaction.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214322/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vanessa Mardirossian est membre de l'Acfas, d'Hexagram et des laboratoires de recherche: Textiles & Materiality et Critical Practices in Material and Materiality de l'Université Concordia. Elle a reçu des financements du Conseil de recherches en Sciences Humaines du Canada (CRSH), de l'Université Concordia et de l'Université du Québec à Montréal.</span></em></p>La fabrication des vêtements, lors de leur production, leur utilisation et leur fin de vie, a un impact sur notre santé. Mais une meilleure connaissance écologique pourrait renverser la vapeur.Vanessa Mardirossian, PhD Candidate and educator in sustainable fashion, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2118812023-10-11T13:50:20Z2023-10-11T13:50:20ZRaréfaction des sardinelles rondes en Afrique du Nord-Ouest : comment éviter l'effondrement<p>La pêche artisanale est un secteur refuge ou de reconversion pour de nombreux agriculteurs et éleveurs victimes du changement climatique dans le Sahel. Mais au cours des quatre dernières décennies, la tendance à la surexploitation a causé la diminution de 20 à 50 % des quantités de poissons présents dans les eaux sénégalaises, et par conséquent la qualité de vie des pêcheurs. Cette diminution a surtout concerné les poissons de fonds dits <a href="https://doi.org/10.1051/alr/2017046">“démersaux”</a>, alors que l'abondance des petits poissons pélagiques (comme les sardinelles) fluctuait principalement sous <a href="https://doi.org/10.1111/fog.12218">l’effet des conditions climatiques</a>. Mais depuis 2021, les captures de sardinelles rondes dans la sous-région <a href="https://doi.org/10.1016/j.fishres.2023.106873">ont chuté</a> en-deça du dixième de ce qu'elles étaient à leur apogée, en 2011. Ce qui pourrait indiquer un effondrement prochain de cette pêcherie (en science halieutique l'effondrement sera acté si cette situation s'étale sur <a href="https://doi.org/10.1111/j.1467-2979.2005.00181.x">4 années consécutives</a>).</p>
<p>La sardinelle ronde est historiquement une des principales espèces capturées et transformées artisanalement en Afrique du Nord et de l'Ouest. Elle contribue à la fois en quantité et en qualité à <a href="https://www.isblue.fr/la-recherche/projets-de-recherche/projet-emblematique-omega/">l’alimentation</a> des populations <a href="https://www.nature.com/articles/s43016-022-00643-3">sahéliennes</a>. Elle est source d'omega 3, une molécule nécessaire au maintien des fonctions vitales et en particulier pour le développement du <a href="https://www.lanutrition.fr/bien-dans-sa-sante/les-complements-alimentaires/les-principaux-complements-alimentaires/les-complements-correcteurs-de-l-alimentation/les-omega-3/le-dha-lallie-sante-de-votre-cerveau">cerveau</a>. </p>
<p>Les qualités de la sardinelle ronde en font également une espèce de choix pour la fabrication des farines de poissons dont <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0308597X22002378?via%3Dihub">la demande</a> ne cesse de grimper sur le marché mondial. Mais depuis quelques années, les consommateurs sénégalais et mauritaniens ont constaté la raréfaction des sardinelles rondes, souvent absentes des étalages. </p>
<p>Au Sénégal, les quantités annuelles débarquées fluctuaient de 100 000 à 250 000 tonnes <a href="https://doi.org/10.1111/fog.12218">dans les années 2010</a>, mais stagnent autour de 10 000 tonnes depuis 2020. Nous cherchons ici à interpréter ces changements à la lumière de nos <a href="https://doi.org/10.1016/j.pocean.2018.03.011">récentes recherches</a> sur les migrations de cette espèce dans la sous région.</p>
<h2>Disparition progressive des sardinelles rondes</h2>
<p>A l’ouverture du <a href="https://www.imrop.mr/symposium-international-sur-les-petits-pelagiques-dans-la-zone-nord-ouest-africaine-exploitation-diversification-des-usages-et-effets-des-changements-climatiques/#:%7E:text=L%E2%80%99IMROP%20organisera%20%C3%A0%20Nouakchott%2C%20du%2024%20au%2026,de%20gestion%2C%20leurs%20gouvernances%20et%20leurs%20retomb%C3%A9es%20socio%C3%A9conomiques.">symposium international sur les petits pélagiques dans la zone nord-ouest africaine</a> tenu à Nouakchott en mai 2022, un industriel fustigeait les “extrémistes écolo” qui proposeraient des quotas de pêche trop bas. </p>
<p>Lors de ce même symposium, nous avons appris pourtant <a href="https://www.fao.org/documents/card/en/c/CB0490FR">la chute vertigineuse des captures de sardinelles rondes</a> à l’échelle de la sous-région, passant de 425 561 tonnes en 2018 à 49 550 tonnes en 2021.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1016/j.pocean.2018.03.011">Les récents développements</a> de la recherche océanographique ont permis d’étudier la migration des sardinelles sous l’angle de la modélisation biophysique, c’est-à-dire de modéliser leurs déplacements directement à partir de la dynamique des courants, du plancton et des poissons eux-mêmes, indépendamment des données de pêche. Les résultats suggèrent l'existence d’une grande diversité de routes migratoires mais seule une faible proportion de poissons effectue la migration complète historiquement décrite et classiquement admise.</p>
<p>La vision proposée par le modèle, corroborée par les données obtenues auprès des artisans pêcheurs sénégalais, est celle d’une grande proportion de sardinelles rondes basées en Mauritanie qui déborderait au gré des courants et des saisons vers le nord ou vers le sud. Aussi, le modèle suggère une extension au large des sardinelles variable selon les saisons, mais une densité toujours plus forte dans la zone côtière. </p>
<p>En résumé, cette étude a montré que le cœur de la population des sardinelles rondes, la zone la plus dense, centre de gravité des migrations saisonnières qui alimente les pays voisins, se situerait dans la frange côtière des eaux mauritaniennes. Ce qui explique les <a href="https://doi.org/10.1016/j.fishres.2016.10.009">captures exceptionnelles</a> qui y sont réalisées depuis l’avènement des usines de farine de poissons en Mauritanie.</p>
<h2>Développement des usines de farine de poisson</h2>
<p>Depuis 2012, l'industrie de farine de poisson dans la sous-région a connu un développement rapide, surtout en Mauritanie (environ 40 usines sur 650 km de côte) relativement au Sénégal et en Gambie (environ 10 usines sur 550 km de côte). En Mauritanie, ce développement a eu <a href="https://doi.org/10.1016/j.fishres.2016.10.009">un effet particulièrement notoire</a> sur la distribution et l’intensité de l’effort de pêche. Avant, la Mauritanie passait des accords avec des bateaux-usines étrangers, les autorisant à exploiter ses eaux hauturières, c'est à dire au-delà de 7 miles nautiques (environ 14 km) des côtes. Lorsque la densité de poissons chutait, les bateaux étrangers se redéployaient vers d’autres régions du monde.</p>
<p>Pour des raisons de valorisation et de domestication des ressources halieutiques et de développement économique local, les politiques nationales entre 2013 et 2016 <a href="https://doi.org/10.1016/j.fishres.2016.10.009">ont encouragé</a> l’installation des usines à terre. </p>
<p>Malheureusement, ce changement de paradigme a amplifié le problème de surexploitation des sardinelles rondes. En effet, les usines sont devenues de nouveaux acheteurs capables chacune d’engloutir quotidiennement des quantités considérables de poissons. Pour les alimenter en poissons frais, des accords ont été passés successivement avec le Sénégal puis la Turquie sous l’appellation “affrètement coque nue”. </p>
<p>Dans les deux cas, ces flottes sont autorisées à pêcher dans la zone côtière, où les sardinelles rondes et autres espèces se concentrent, comme expliqué plus haut.</p>
<p>Le mécanisme de régulation de l'effort de pêche qui pouvait se mettre en œuvre avec la pêche hauturière étrangère en cas de baisse des captures devient difficile pour le cas des bateaux côtiers travaillant dans le cadre d'un affrètement. En effet, ceux-ci opèrent pour le compte d'usines de farine localisées le long des côtes et qui demandent un ravitaillement permanent, ce qui est possible en Mauritanie en puisant dans la riche zone côtière.</p>
<h2>Surexploitation de la sardinelle</h2>
<p>Pour mieux comprendre ce qui se joue dans cette sous-région, imaginons une métaphore simple. Pensez à une grande baignoire remplie d'eau, dans laquelle se trouvent deux tuyaux, l’un qui arrive près du fond et l’autre à mi-hauteur. L'eau de la baignoire représente l’ensemble des sardinelles rondes de la sous-région. La pêche qui s’exerce dans la zone côtière mauritanienne équivaut à pomper l’eau de la baignoire par le tuyau qui arrive près du fond. </p>
<p>En revanche, la pêche qui s’exerce dans les autres zones, donc au large de la Mauritanie ou bien dans les zones adjacentes nord et sud, reviendrait à pomper l’eau par le tuyau à mi-hauteur. Si l’on pompe à la fois dans les deux tuyaux, le tuyau à mi-hauteur sera asséché avant celui du fond. Et donc avant que les captures ne diminuent dans la zone côtière mauritanienne, elles tomberont très bas dans les autres zones. </p>
<p>Cela est dû au fait que dans le modèle, les sardinelles se déplacent sans cesse, mais se trouvent en moyenne plus souvent dans la zone côtière de la Mauritanie. Cette métaphore illustre un phénomène appelé <a href="https://blog.nature.org/2016/05/11/hyperstability-the-achilles-heel-of-data-poor-fisheries/">“hyperstabilité des captures”</a>, souvent observé dans les pêcheries à travers le monde. </p>
<p>Ainsi, il apparaît évident que l’établissement des usines de farines de poissons a créé une situation qui menace la population de sardinelles rondes en créant une demande sans limite alimentée par une exploitation intense dans la zone côtière mauritanienne. </p>
<p>La prise en compte des résultats scientifiques dans les mesures de gestion est un processus très long. Dès 2014, les scientifiques <a href="https://www.fao.org/3/i5284b/i5284b.pdf">avaient tiré la sonnette d’alarme</a> sur le risque de surexploitation des espèces migratrices induit par ces nouvelles pratiques. </p>
<p>Depuis 2014, différents travaux <a href="https://doi.org/10.1016/j.marpol.2022.105294">halieutiques</a>, <a href="https://doi.org/10.1016/j.marpol.2016.11.008">bioéconomiques</a> et <a href="https://doi.org/10.3917/med.193.0113">socio-économiques</a> publiés par des scientifiques mauritaniens et sénégalais ont également tiré la sonnette d’alarme. Mais les mesures prises, avec une faible coordination des gouvernements des pays concernés, se sont révélées inadaptées ou insuffisantes pour empêcher l’effondrement annoncé par les scientifiques de la population de sardinelle ronde.</p>
<h2>Que faire ?</h2>
<p>Une régulation concertée et informée de la pêche au niveau des Etats est plus que jamais nécessaire. Si les sardinelles rondes se retrouvent le plus souvent en Mauritanie, elles <a href="https://doi.org/10.1016/j.pocean.2018.03.011">traversent les frontières maritimes</a>, du Maroc à la Guinée.</p>
<p>Les récentes constatations sur la diminution de la sardinelle ronde au Sénégal nous poussent à croire que cette espèce devrait figurer à minima dans l’annexe 2 de la convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage (<a href="https://www.cms.int/sites/default/files/instrument/CMS_text_fre.PDF">CMS</a>), c'est-à-dire la liste des espèces devant faire l’objet d’accords entre les pays traversés. </p>
<p>Face à cette responsabilité partagée, il faut une gestion collective reposant par exemple sur un système de suivi de l’effort de pêche harmonisé au niveau sous-régional. Autrement dit, il faut renforcer la mission de coopération de la commission sous-régionale des pêches (CSRP), organisation intergouvernementale qui pourrait par exemple appuyer à l'attribution d'écocertification - processus par lequel un organisme évalue et atteste qu'un produit, un service et une entreprise respecte des normes environnementales spécifiques - aux pêcheries qui, par leur réglementation, favorisent la gestion commune, et donc leur durabilité. Bien sûr, un accord explicite des dits gouvernements est nécessaire, bien que déjà acquis sur le principe par les signataires de la CMS.</p>
<p>Enfin, il faut respecter les habitats essentiels des sardinelles rondes comme leurs zones de reproduction et de nurseries. Le <a href="https://www.cairn.info/revue-confluences-mediterranee-2011-3-page-133.htm">Banc du Sahara</a>, le <a href="https://mava-foundation.org/fr/article/banc-darguin-au-croisement-de-la-conservation-du-developpement-et-de-la-finance/">Banc d'Arguin</a> et la <a href="https://journals.openedition.org/etudescaribeennes/1172?&id=1172&lang=en">Petite Côte</a> sont par exemple trois sites clefs identifiés. Il convient de mieux les étudier pour comprendre leurs vulnérabilités. La zone côtière mauritanienne devrait faire l’objet d’une attention particulière en raison de son rôle important pour les capacités de renouvellement de cette espèce migratoire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211881/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>The authors do not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and have disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>Le développement des usines de poisson a augmenté la pression sur la sardinelle ronde à travers la multiplication des bateaux senneurs, qui opèrent dans la zone côtière, pour leur ravitaillement.Timothée Brochier -, Océanologue, Institut de recherche pour le développement (IRD)Cheikh Baye Braham, Chercheur en océnographie, Institut Mauritanien de Recherche Océanographique et des PêchesModou Thiaw, Maître de Recherche en écologie halieutique, Institut sénégalais de recherches agricoles (ISRA)Patrice Brehmer, Chercheur, Socio-ecosystèmes marins, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1924192023-09-25T16:48:57Z2023-09-25T16:48:57ZRéparation, partage des machines… Et si l’avenir de l’industrie était dans le low-tech ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/549972/original/file-20230925-17-w2m6yj.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=47%2C11%2C1939%2C1310&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En Haute-Loire, Fontanille scop est une manufacture de proximité qui conçoit et fabrique de la dentelle et des rubans élastiques.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.fontanille.fr/en/presse">Fontanille Scop</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>À l’heure où la sobriété est devenue le mot d’ordre de l’urgence écologique, la démarche low-tech apparaît comme <a href="https://theconversation.com/comment-les-low-tech-se-font-une-place-en-france-186963">incontournable</a> pour guider l’innovation. Elle ne concerne pas seulement les consommateurs partisans du « do it yourself », <a href="https://theconversation.com/avec-la-low-tech-penser-et-agir-par-dela-la-technique-185184">mais la société tout entière</a>. Les industries aussi ont tout avantage à se l’approprier.</p>
<p>Appliquée aux écosystèmes industriels, cette approche implique de s’appuyer sur les modèles économiques permettant d’accompagner le nécessaire recul des niveaux de production (plus de qualité, moins de quantité). Mais elle requiert aussi d’analyser les politiques d’aménagement du territoire. Celles-ci doivent favoriser les initiatives de mutualisation des infrastructures et des machines industrielles. Il s’agit de s’interroger sur les besoins de consommation essentiels dans une logique de sobriété, avant de répondre dans un second temps à la question : comment produit-on ?</p>
<p>C’est d’ailleurs l’une des grandes problématiques débattues dans les scénarios de l’ADEME <a href="https://transitions2050.ademe.fr/">Transition(s) 2050</a> : vers quel modèle industriel souhaitons-nous tendre ? Comment transformer l’industrie ? Bien qu’il soit aujourd’hui communément admis que la relocalisation de l’industrie en France est vitale pour notre économie, la question se pose de savoir si la <a href="https://theconversation.com/une-france-zero-carbone-en-2050-pourquoi-le-debat-sur-la-sobriete-est-incontournable-172185">sobriété</a> est dommageable pour l’industrie française.</p>
<p>À partir des enseignements tirés d’un <a href="https://drive.google.com/file/d/1tXwQ-DQl4mbuvCRhjBa5J8Iaj4-CpDcd/view">forum</a> organisé qui s’est déroulé en novembre 2021, la direction régionale Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) de l’ADEME déploie une initiative concrète, avec les acteurs locaux, portant sur la transformation de l’appareil productif industriel (machines, outils, équipements industriels). Avec la volonté, à terme, de faire émerger un écosystème de PME industrielles s’inscrivant dans la démarche low-tech.</p>
<h2>Un enjeu de souveraineté industrielle</h2>
<p>À cet effet, l’ADEME en PACA a publié le 21 septembre les <a href="https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/6482-etude-sur-l-opportunite-du-deploiement-d-un-ecosysteme-industriel-low-tech-en-provence-alpes-cote-d-azur.html">résultats de l’étude d’opportunité</a> qu’elle a menée sur le potentiel de déploiement d’un écosystème industriel low-tech en région. Elle a été réalisée depuis fin 2022 par Amerma, une association qui œuvre au développement d’un projet territorial au croisement de réflexions socio-économiques complémentaires : circularité, mutualisation et proximité.</p>
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<p>L’enjeu est de questionner les besoins en matière de renouvellement de l’appareil productif. Il est proposé de s’appuyer sur trois grands piliers de l’économie circulaire : la mutualisation entre les entreprises industrielles, la modernisation des équipements vieillissants par le réemploi ou par le rétrofit, et la promotion d’une maîtrise locale de la conception et de la fabrication.</p>
<h2>« Rétrofit » et maintenance en interne</h2>
<p>L’un des enjeux phares porte sur l’entretien des machines industrielles.</p>
<p>Il s’agit ici de faire vivre le parc de machines existant le plus longtemps possible en développant largement les services de réparation, plutôt que de remplacer systématiquement la machine par du neuf. Si cela paraît tomber sous le sens, l’opération n’est pas forcément évidente : la remise en état d’une machine nécessite un temps d’arrêt, opération qui peut s’avérer délicate pour une PME dont la production dépend d’une seule ou de quelques machines.</p>
<p>Il peut également être envisagé, au cours de la réparation, de remplacer certaines pièces défectueuses par de nouveaux composants éventuellement plus modernes, de manière à donner une seconde vie à la machine : le rétrofit ou la <a href="https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/6249-etude-sur-la-remanufacture.html">remanufacture</a> permet ainsi d’obtenir un état supérieur ou égal au neuf. Les niveaux de performance atteints sont suffisants pour répondre aux besoins de la PME, dans une logique de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Technologie_interm%C3%A9diaire">« technologie appropriée »</a>.</p>
<p>En plus de baisser les coûts, cela permet à l’usager de se réapproprier la technologie et de devenir acteur en cas de maintenance. C’est l’un des enjeux forts de la démarche low-tech.</p>
<p>Cette nouvelle approche a vocation à créer du lien social dans les territoires concernés, des échanges entre les entreprises, et forcément aussi de l’emploi en intensifiant les besoins de main-d’œuvre et d’artisanat.</p>
<h2>Mettre en commun les moyens de production</h2>
<p>Une autre dimension centrale du concept est celle de la mutualisation des machines : cela ne correspondra pas au besoin de toutes les PME, certaines utilisant leurs machines à temps plein, mais d’autres ne les utilisent que quelques heures par jour ou par mois.</p>
<p>Plutôt que de sous-utiliser des moyens de production coûteux, il s’agit pour les PME de mettre en commun leurs machines au sein de lieux de partage d’usage commun.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/la-sobriete-au-dela-du-progres-technique-et-des-changements-de-comportement-individuels-185019">Pour que cette mutualisation soit efficace et désirable</a>, des règles partagées doivent dans tous les cas être mises en place, si possible avec l’aide de politiques publiques permettant le développement de telles innovations.</p>
<p>L’entreprise Lemon Tri, qui est l’un des quatre cas d’étude, a déjà déployé des initiatives de mutualisation et de rétrofit de ses machines industrielles. Elle a également initié des coopérations à l’échelle du territoire avec des entreprises voisines.</p>
<h2>Quel projet de territoire ?</h2>
<p>Les projets portés par des entreprises mobilisant certains champs d’action du concept ont été analysées et les acteurs locaux questionnés. De plus, quatre études de cas ont été réalisées, auprès de PME industrielles de la Métropole Aix-Marseille portant des démarches inspirantes.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/541330/original/file-20230805-94345-syzil2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/541330/original/file-20230805-94345-syzil2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541330/original/file-20230805-94345-syzil2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541330/original/file-20230805-94345-syzil2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541330/original/file-20230805-94345-syzil2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541330/original/file-20230805-94345-syzil2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=347&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541330/original/file-20230805-94345-syzil2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=347&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541330/original/file-20230805-94345-syzil2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=347&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Initiatives déjà existantes sur le territoire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ademe</span></span>
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<p>Afin de fédérer les entreprises, associations, collectivités, structures académiques et centres techniques, un pôle territorial de coopération économique pourrait être créé. Celui-ci permettrait de fédérer l’écosystème déjà existant au sein d’une même structure, à qui l’on pourrait confier la gestion des questions juridiques de propriété intellectuelle qui émergent dès lors qu’il s’agit de mutualiser du matériel en coopération.</p>
<p>Au regard de la tâche ardue qu’un tel projet représente et pour répondre aux besoins de R&D, les chercheurs académiques et les laboratoires locaux <a href="https://librairie.ademe.fr/institutionnel/5345-strategie-recherche-developpement-2021-2027-de-l-ademe-9791029718823.html">pourraient être associés à la démarche</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/541331/original/file-20230805-20589-61f3cx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/541331/original/file-20230805-20589-61f3cx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541331/original/file-20230805-20589-61f3cx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541331/original/file-20230805-20589-61f3cx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541331/original/file-20230805-20589-61f3cx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541331/original/file-20230805-20589-61f3cx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541331/original/file-20230805-20589-61f3cx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541331/original/file-20230805-20589-61f3cx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Statuts de structures associées au Pôle territorial de coopération économique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ademe</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Non seulement en mobilisant la recherche en sciences « dures » mais également en sciences sociales. Car le déploiement de ces potentiels nouveaux pôles industriels bousculera profondément les pratiques, les imaginaires et l’organisation de l’industrie, et impliquera par conséquent une réflexion qui dépasse largement les seuls aspects techniques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192419/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rémi Durieux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En région Paca, des industriels envisagent de développer un écosystème de production « low-tech » qui favoriserait la réparation et la mutualisation des infrastructures et des machines industrielles.Rémi Durieux, Coordinateur de la recherche dans les territoires, Ademe (Agence de la transition écologique)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2122682023-08-29T16:31:36Z2023-08-29T16:31:36ZÉconomie mondiale : 2024, année de toutes les reconfigurations ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/544749/original/file-20230825-15-lhyfct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=34%2C46%2C1147%2C626&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le modèle de croissance nécessitant en permanence la hausse des prix de l’immobilier et de l’endettement privé apparaît à bout de souffle.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.wallpaperflare.com/world-map-illustration-money-dollars-euros-studio-shot-black-background-wallpaper-qxddo">Wallpaperflare.com</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) livre son décryptage annuel des grandes tendances à venir dans son ouvrage collectif <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/l_economie_mondiale_2024-9782348080074">« L’économie mondiale 2024 »</a> publié aux Éditions La Découverte (collection Repères), à paraître le 7 septembre. Tour d’horizon des grandes questions de l’année à venir avec Isabelle Bensidoun et Jézabel Couppey-Soubeyran, coordinatrices de l’ouvrage.</em></p>
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<p><strong>The Conversation France : L’économie mondiale est confrontée à des chocs de grande ampleur. Quelles en sont les conséquences ?</strong></p>
<p>Dans un contexte des plus difficiles, à la fois de crise énergétique et de guerre sur le sol européen, d’inflation généralisée, de resserrement des politiques monétaires, de turbulences financières, l’économie mondiale n’aura pas si mal résisté. La croissance a certes été divisée par presque deux, de <a href="https://www.imf.org/fr/Publications/WEO/Issues/2022/04/19/world-economic-outlook-april-2022">6,1 % en 2021 à 3,4 % en 2022</a>, mais, dans ces conditions, l’atterrissage aurait pu être bien plus brutal.</p>
<p>Sur le front de l’inflation, la hausse observée depuis fin 2021 dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) s’est repliée en octobre 2022, lorsque les tensions sur les marchés de l’énergie et de l’alimentation se sont atténuées.</p>
<p><iframe id="rkhp9" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/rkhp9/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Toutefois les pressions inflationnistes restent fortes, notamment en zone euro. Si, entre début 2022 et début 2023, l’inflation importée a largement contribué, pour 40 %, à celle des prix à la consommation en zone euro (plus précisément du déflateur de la consommation), la contribution de l’augmentation des profits a été plus forte encore, à hauteur de 45 %, d’après le Fonds monétaire international (FMI).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1673287590865412096"}"></div></p>
<p>Pour faire face à la persistance de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">l’inflation</a>, les banques centrales ont <a href="https://theconversation.com/fed-et-bce-deux-rythmes-mais-une-meme-strategie-contre-linflation-185059">très fortement resserré leur politique monétaire</a> en 2022 et en 2023. Ces resserrements n’allaient pas de soi, notamment en zone euro, où l’inflation ne résultait pas d’une surchauffe de l’économie. Leurs conséquences ont commencé à se manifester avec notamment des tensions dans le secteur bancaire, se traduisant par des faillites de plusieurs <a href="https://theconversation.com/la-deregulation-bancaire-aux-etats-unis-a-t-elle-ressuscite-les-ruees-bancaires-202698">banques régionales aux États-Unis</a> et du <a href="https://theconversation.com/credit-suisse-les-lecons-dune-lente-descente-aux-enfers-202363">Credit Suisse</a> sur le continent européen.</p>
<p>Avec les fortes hausses de taux de la Réserve fédérale américaine (Fed), ce sont aussi les dettes publiques des pays en développement qui ont été affectées. Le niveau record de défauts souverains dans ces pays en atteste : <a href="https://www.fitchratings.com/research/sovereigns/sovereign-defaults-are-at-record-high-29-03-2023">9 entre début 2020 et début 2023</a>, contre 13 entre 2000 et 2019.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-chine-principal-creancier-mondial-une-fragilite-de-plus-pour-les-pays-emergents-et-en-developpement-209983">La Chine principal créancier mondial, une fragilité de plus pour les pays émergents et en développement</a>
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<p>Le durcissement des politiques monétaires a également conduit à un retournement du cycle immobilier dans les pays de l’OCDE et en Chine. C’est un moteur de la croissance qui se grippe, avec des conséquences d’autant plus fortes que la dépendance de l’économie au secteur de la construction l’est aussi.</p>
<p>Mais au-delà, c’est tout un modèle de croissance, fondé sur la demande et nécessitant en permanence la hausse des prix de l’immobilier et de l’endettement privé, qui apparaît à bout de souffle. La priorité est désormais donnée à la réindustrialisation pour regagner en autonomie et inverser les conséquences sociales de la désindustrialisation. Il n’est pas simple cependant de rétablir le tissu productif dans un modèle de croissance qui a déformé la structure de production en faveur des services et au détriment du secteur manufacturier. Ce redéploiement de l’industrie ne sera possible qu’en changeant de modèle et que s’il s’inscrit dans un plan de décarbonation indispensable face à la menace existentielle que constitue le dérèglement climatique.</p>
<p><strong>TCF : Des reconfigurations annonciatrices d’un changement plus ou moins profond sont-elles à l’œuvre ?</strong></p>
<p>Il nous semble que oui. C’est même le fil directeur de cette édition 2024 de <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/l_economie_mondiale_2024-9782348080074">l’ouvrage annuel</a> du CEPII : l’économie mondiale est en phase de reconfigurations, au pluriel. D’abord celle de la mondialisation, pour laquelle un changement de paradigme s’observe. Et en la matière, Isabelle Bensidoun et Thomas Grjebine montrent dans leur contribution que ce sont les États-Unis qui ont donné le ton.</p>
<p>Certes les différents épisodes qui se sont succédé – l’après-crise financière, la crise sanitaire, les ruptures d’approvisionnement post-crise sanitaire et la guerre en Ukraine – ont tous conduit à faire de la sécurité une nouvelle priorité. Mais c’est bien la décision des États-Unis de changer de logiciel, pour faire de la réindustrialisation et de la lutte contre le changement climatique leurs priorités, et pour cela d’avoir recours à des subventions massives et des mesures protectionnistes, dans le cadre de <a href="https://theconversation.com/inflation-reduction-act-comment-lunion-europeenne-peut-elle-repondre-aux-incitations-fiscales-americaines-201425">l’<em>Inflation Reduction Act</em></a> notamment, qui ont mis un terme à la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/mondialisation-22572">mondialisation</a> telle qu’on l’a connue depuis quatre décennies.</p>
<p>C’est aussi en proposant un <a href="https://www.ft.com/content/42922712-cd33-4de0-8763-1cc271331a32">nouveau consensus de Washington</a> en avril 2023, dont la politique industrielle est le pilier, où le retour des États dans la gestion économique est consacré, et où la promotion du libre-échange n’est plus en vogue, mais remplacée par la recherche d’alliances <a href="https://theconversation.com/la-mondialisation-entre-amis-ou-la-grande-fragmentation-de-lespace-mondial-186766">avec ceux qui partagent les mêmes valeurs</a>, le <em>friendshoring</em>, que les Américains ont rompu avec l’ancien consensus qui reposait sur le retrait des États et la recherche d’une libéralisation toujours plus poussée des forces du marché.</p>
<p><strong>TCF : S’il est un domaine où les questions de sécurité et de recompositions ont dû s’observer cette année c’est bien celui de l’énergie ?</strong></p>
<p>Tout à fait. Et c’est un domaine où les recompositions ont dû se faire dans l’urgence, en faisant appel aux alliés ou « amis », comme on veut bien les appeler. Que ce soit les États-Unis pour le gaz liquéfié ou la Norvège et l’Algérie pour le gaz.</p>
<p>Pour Anna Creti et Patrice Geoffron, les conséquences de la guerre en Ukraine ont dépassé les frontières de l’Union européenne, en perturbant les routes mondiales d’acheminement des hydrocarbures, ainsi que le niveau et les mécanismes de prix (prix plafond, rabais forcés), avec pour conséquence un monde énergétique qui tend à se recomposer entre un « marché russe », regroupant les pays qui acceptent de commercer avec la Russie, et un « marché non russe », avec des passerelles comme l’Inde qui raffine du brut russe et le réachemine en partie en Europe.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1549262053084471297"}"></div></p>
<p>Toutefois la vulnérabilité des approvisionnements européens, que la guerre en Ukraine a mis au jour, a surtout eu pour conséquence de faire s’envoler les prix du gaz et par contagion ceux de l’électricité, les craintes de rupture ayant pu être limitées par les recompositions. Si début 2023 les prix n’étaient plus aussi délirants qu’à la mi-2022, l’approche de l’hiver pourrait les faire à nouveau augmenter, ce qui réclame que la <a href="https://theconversation.com/union-europeenne-et-marche-de-lelectricite-des-principes-a-revoir-pour-rester-competitive-210503">réforme du marché de l’électricité</a>, pour le rendre moins dépendant des fluctuations des prix du gaz, soit rapidement opérationnelle.</p>
<p><strong>TCF : Les politiques industrielles reviennent sur le devant de la scène, le nouveau consensus de Washington en fait son pilier, mais pourquoi un tel retournement ?</strong></p>
<p>Dans leur présentation du nouveau consensus de Washington, les Américains ont été très clairs : tous les modèles de croissance ne se valent pas et celui qui a conduit à atrophier la capacité industrielle dans des secteurs essentiels comme les semi-conducteurs, a fait, de leur point de vue, trop de dégâts pour être poursuivi : dégâts en matière d’indépendance, dégâts sociaux, dégâts politiques.</p>
<p>C’est un nouveau paradigme, où, selon Thomas Grjebine et Jérôme Héricourt, la primeur donnée aux baisses de prix, que la libéralisation commerciale a permis, pour favoriser le pouvoir d’achat du consommateur au prix d’une concurrence accrue pour la production manufacturière nationale, n’est plus de mise.</p>
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<p>La politique industrielle est aussi une condition nécessaire pour réussir la transition écologique. C’est une nouvelle révolution industrielle qui s’engage, dont l’enjeu pour les grandes puissances est de ne pas la rater. Et pour cela, l’histoire nous l’enseigne, l’État doit intervenir : protection des industries naissantes et révolutions industrielles sont allées de pair.</p>
<p>Si les raisons pour légitimer les politiques industrielles sont nombreuses, il n’en reste pas moins qu’elles posent de sacrés défis en économie ouverte. Car réindustrialiser est particulièrement difficile dans les pays où la consommation intérieure reste le moteur de la croissance économique et où la désindustrialisation est avancée.</p>
<p>Dans ce cadre, les politiques de relance pour soutenir la demande tendent à réduire la part du secteur manufacturier alors que ce qui est recherché par les politiques industrielles, c’est justement l’inverse. Se pose alors inévitablement la question des protections à mettre en place pour mener à bien la réindustrialisation.</p>
<p><strong>TCF : Dans ce contexte, quelle place pour les politiques commerciales, dont l’objet était avant tout de favoriser la libéralisation ?</strong></p>
<p>C’est effectivement le rôle qui leur a été dévolu au tournant des années 1970-1980 et que les années 1990-2000 ont semblé entériner. Les politiques commerciales recherchaient alors avant tout l’efficacité économique par l’exploitation des avantages comparatifs, la minimisation des coûts ou l’optimisation des chaînes de valeurs mondiales. Mais de nouveaux objectifs sont en train de supplanter ceux d’hier.</p>
<p>Pour Charlotte Emlinger, Houssein Guimbard et Kevin Lefebvre, la lutte contre le réchauffement climatique, la sécurité nationale ou encore la sécurisation des approvisionnements redessinent les contours des politiques commerciales. Ce faisant, ces politiques vont se trouver de plus en plus étroitement imbriquées avec les politiques industrielles nationales. À cela s’ajoutent l’augmentation des obstacles au commerce liés à la militarisation des politiques commerciales et la rivalité sino-américaine.</p>
<p>Tout cela laisse penser que les périodes de libéralisation du commerce international sont derrière nous. Le risque cependant dans ce monde qui se polarise est de voir les impératifs géoéconomiques de court terme l’emporter sur les défis environnementaux conditionnant le long terme de l’humanité. Pour éviter qu’il en soit ainsi, il va alors falloir trouver comment restaurer un minimum de multilatéralisme. Une entreprise dont le succès est loin d’être assuré !</p>
<p><strong>TCF : La mondialisation commerciale se recompose, les impératifs climatiques et la sécurité économique prennent le pas sur la libéralisation, mais qu’en est-il de la mondialisation financière ?</strong></p>
<p>Là encore, des mutations s’opèrent. L’encensement de la liberté des flux de capitaux et de la flexibilité des taux de changes a fait long feu. Certes, la mondialisation financière n’a pas disparu, mais la tournure qu’elle a prise au fil des crises et de la montée des tensions géopolitiques est très éloignée de l’illusion libérale qui en a été le berceau.</p>
<p>Les banques centrales prennent de plus en plus de mesures qui influencent les flux de capitaux, avec des implications géopolitiques. Elles interviennent sur les marchés des changes, s’accordent des prêts entre elles, échappant ce faisant au multilatéralisme hérité de la fin des années 1940, qui reposait sur de grandes institutions financières internationales telles que le FMI.</p>
<p>La question se pose de ce qui va advenir du dollar dans ce nouveau système monétaire international. Pour Éric Monnet, un monde plus multipolaire se dessine où, sans du tout faire disparaître le dollar, des monnaies différentes, et notamment le renminbi, seront utilisées et thésaurisées en fonction des liens commerciaux et géopolitiques.</p>
<p><strong>TCF : Ces reconfigurations qui émergent, avec un rôle plus résolu de la puissance publique, sauront-elles relever le défi de la transition écologique ?</strong></p>
<p>À l’heure où la plupart des limites planétaires, ces seuils que l’humanité n’aurait pas dû dépasser pour ne pas compromettre la viabilité de l’espèce, ont déjà été franchies, pour Michel Aglietta et Étienne Espagne, la planification écologique constitue le seul rempart face au capitalocène, cette ère dans laquelle non seulement l’activité humaine mais aussi le système d’accumulation dans lequel elle se déploie ont conduit à un tel désastre. Et qui dit planification, dit retour des États.</p>
<p>Donc oui ces reconfigurations, bien que très partielles encore, vont dans le bon sens, que ce soit le <em>Green New Deal</em> américain avec la loi IRA – <em>Inflation Reduction Act</em>, le_ <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/headlines/society/20200618STO81513/le-pacte-vert-pour-une-ue-durable-et-climatiquement-neutre">Green Deal européen</a> et son <em>Net Zero Industry Act</em> ou la promotion d’une Civilisation écologique en Chine.</p>
<p>Deux écueils toutefois à ces avancées : primo, le cadre de conflictualité géopolitique dans lequel elles s’organisent et les limites que cela produit pour bâtir une planification écologique à l’échelle mondiale, la seule valable pour répondre à la crise écologique ; secundo, la difficulté pour les pays du Sud de trouver leur place dans ce nouveau contexte, sachant que leurs leviers économiques sont bien en deçà de ceux que la Chine, les États-Unis et l’Union européenne peuvent mobiliser.</p>
<p>Dès lors, les stratégies que ces pays peuvent développer sont forcément subordonnées à celles de ces trois blocs, avec plusieurs menaces liées à la concurrence accrue pour les ressources minérales ou à la mise en place de nouvelles chaînes de valeur des technologies vertes. Aussi pour éviter que la planification écologique ne soit réservée à un club restreint, la coopération internationale, moteur fondamental et aujourd’hui manquant, doit être vigoureusement réactivée.</p>
<p><strong>TCF : Une planification écologique se met en place, avec certes encore des limites, mais la plus importante d’entre elles n’est-elle pas l’insuffisance des investissements qui y sont consacrés ?</strong></p>
<p>Les évaluations sont désormais nombreuses des besoins d’investissement pour la transformation écologique. Aussi diverses soient-elles, car fondées sur des périmètres sectoriels et des scénarios de transition contrastés, toutes font effectivement état d’un manque d’investissement. Cela pose inévitablement la question de savoir s’il n’y a pas là un problème de financement.</p>
<p>C’est à première vue assez paradoxal puisqu’il existe une masse énorme d’actifs financiers. De quoi se demander s’il ne suffirait pas de mieux les orienter : vers le financement de la transition. Mais pour Jézabel Couppey-Soubeyran et Wojtek Kalinowski, le financement de la transition ne se réduit pas à un problème de réorientation des flux.</p>
<p>D’abord, il ne faut pas surestimer la fluidité́ de cette réorientation : les investissements verts ne remplacent pas nécessairement les investissements bruns, et pour un temps au moins ne font que s’y ajouter, ce qui élève les besoins financiers. Le secteur agricole ou celui des transports fournissent des illustrations utiles.</p>
<p>Ensuite, si tout doit bien sûr être mis en œuvre pour permettre la réorientation des financements privés, il ne faut pas sous-estimer le besoin de fonds publics car, même bien réorientés, les fonds privés n’iront que vers des investissements suffisamment rentables, or ceux nécessaires à une transformation écologique juste ne le sont pas tous.</p>
<p>La part non rentable réclame des financements publics adaptés, protégés de la pression du marché, gratuits voire même sans exigence de retour financier. De nouvelles formes sont en ce sens envisageables sous la forme de <a href="https://theconversation.com/faut-il-sinquieter-des-pertes-des-banques-centrales-193876">dons de monnaie centrale</a>, plus ou moins compatibles avec les cadres institutionnels actuels, selon qu’ils feraient intervenir directement la banque centrale ou des sociétés financières publiques. Nonobstant ces obstacles institutionnels que le débat démocratique pourrait lever, le chemin existe !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212268/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jézabel Couppey-Soubeyran est membre de l'Institut Veblen et de la chaire énergie et prospérité.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Isabelle Bensidoun ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La succession de crises a conduit au retour des politiques industrielles pour gagner en autonomie, inverser les conséquences sociales de la désindustrialisation et réussir la transition écologique.Isabelle Bensidoun, Adjointe au directeur du CEPII, CEPIIJézabel Couppey-Soubeyran, Maîtresse de conférences en économie, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2102112023-08-02T18:05:42Z2023-08-02T18:05:42ZIndustrialiser l’Afrique : oui mais comment ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/538732/original/file-20230721-27-v0seqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C882%2C4989%2C3044&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En décembre 2020, Maurice dévoilait un plan d'expansion de la production industrielle de l'île et sa capitale Port-Louis.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’Afrique peut-elle encore <a href="https://theconversation.com/topics/industrialisation-72629">développer son industrie</a> ? Comment ? Celle-ci est aujourd’hui reléguée au plus bas niveau de la chaine des valeurs mondiale, quand l’économie des pays reste très dépendante des exportations de <a href="https://theconversation.com/topics/ressources-naturelles-45642">ressources naturelles</a>.</p>
<p>Les pays d’Afrique disposent d’un réel potentiel d’industrialisation, mais encore faut-il trouver le modèle approprié. Après l’indépendance de la plupart de ces pays dans les années 1960, certains d’entre eux ont tenté de s’<a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/industrialisation-par-substitution-aux-importations">industrialiser par substitution aux importations</a>. L’objectif : produire au sein de ses frontières les biens qui étaient jusque-là importés. En raison de la faiblesse des marchés intérieurs et de la maturité des appareils productifs à l’étranger, le succès n’a pas été au rendez-vous.</p>
<p>Les recettes libérales ont, elles, été appliquées à partir des années 1980. Les mesures des <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/ajustement-structurel#:%7E:text=Les%20programmes%20d%E2%80%99ajustement%20structurel,crit%C3%A8res%20de%20l%E2%80%99orthodoxie%20lib%C3%A9rale%2C">Programmes d’ajustement structurel</a>, imposés dans les années 1990 par le FMI comme préalable à l’octroi de nouveaux prêts, vont maintenir les économies africaines au plus bas. On parle même de « décennie perdue » pour le continent.</p>
<p>Depuis quelques années il faut aussi compter avec l’émergence des marchés asiatiques. Plusieurs <a href="https://doi.org/10.4236/jss.2019.77032">auteurs</a> au cours des années 2000 ont notamment analysé et tenté d’évaluer l’<a href="https://doi.org/10.4236/ti.2015.63015">impact de l’économie chinoise</a> sur les dynamiques industrielles et commerciales des pays africains. Leurs <a href="http://dx.doi.org/10.2139/ssrn.1112857">conclusions</a> convergeaient : l’Afrique s’exposait à un <a href="https://econpapers.repec.org/scripts/redir.pf?u=http%3A%2F%2Fwww.mitpressjournals.org%2Fdoi%2Fpdf%2F10.1162%2Frest.2009.11498;h=repec:tpr:restat:v:92:y:2010:i:1:p:166-173">risque croissant de désindustrialisation</a>.</p>
<p>Il est crucial pour les pays africains d’adopter une stratégie d’industrialisation en phase avec les défis internes – besoin de nourrir une population grandissante – et externes – respect des normes et principes environnementaux. Pour des économies qui peinent à se financer, identifier les secteurs d’investissements les plus pertinents s’avère plus important encore. C’est ce à quoi nous avons consacrés nos <a href="https://doi.org/10.7202/1072640ar">recherches</a>.</p>
<h2>Un avantage comparatif</h2>
<p>Depuis les travaux fondateurs de <a href="https://www.economie.gouv.fr/facileco/david-ricardo#:%7E:text=%C3%89conomiste%20anglais%2C%20David%20Ricardo%20publie,pas%20d%C3%A9termin%C3%A9%20par%20son%20utilit%C3%A9.">David Ricardo</a> en 1817, beaucoup d’études ont poursuivi la réflexion sur la place de chaque pays dans le commerce international. Ce que montrait l’économiste anglais est que le monde sort gagnant du fait que les pays se spécialisent dans les secteurs dans lesquels ils sont relativement plus efficaces que les autres nations.</p>
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<p>En prolongeant cette réflexion et en utilisant des modélisations qui en ont été tirées, nous montrons que, dans le <a href="https://theconversation.com/topics/textile-habillement-26481">secteur textile</a>, les pays à faible revenu possèdent un avantage relatif dans les produits d’entrée de gamme et un désavantage dans les segments de prix supérieurs. Les pays d’Afrique présentent également un avantage relatif dans le segment d’entrée de gamme du secteur des appareils électroménagers et électroniques.</p>
<p>Un atout des pays à faibles revenus d’Afrique est leur bas niveau de salaire. Contrairement aux autres industries, les stratégies de positionnement dans le secteur textile dépendent fortement des niveaux de salaires, en particulier pour les produits d’entrée de gamme. Nos résultats sont, sur ce point, cohérents avec ceux de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00036849500000024">Bruno Amable</a>, professeur à HEC Paris, et de son collègue Bart Verspagen qui montraient que la compétitivité n’est déterminée par des facteurs de prix que dans les secteurs à très faible technologie comme le textile.</p>
<p>Voilà pourquoi diriger les investissements en direction de pareilles industries paraît pertinent, la demande nationale et internationale nourrissant un effet de levier. Les produits à faible technicité sont en effet les plus accessibles pour des populations pauvres. C’est sur ce créneau que se situe la <a href="https://doi.org/10.7202/1072640ar">demande africaine</a>.</p>
<h2>Des opportunités à saisir ?</h2>
<p>Cependant, dans ce même secteur, les pays d’Afrique sont confrontés à la concurrence, qui demeure forte, de certains pays à revenu intermédiaire, en Asie et en Amérique latine. Pendant plusieurs décennies, la Chine a connu un <a href="https://doi.org/10.7202/1072640ar">croissance fulgurante</a> dans son commerce de produit d’entrée gamme.</p>
<p>Elle est cependant aujourd’hui confrontée à une augmentation des salaires. Elle a été annuellement de <a href="https://doi.org/10.4000/regulation.15040">2,4 % en moyenne dans les années 2000</a> et la <a href="https://donnees.banquemondiale.org/indicator/NY.ADJ.NNTY.PC.CD?locations=CN">hausse des revenus</a> s’est accentuée depuis. Compte tenu de l’<a href="https://econpapers.repec.org/RePEc:cii:cepidt:2010-23">épuisement de son modèle d’exportation</a> et de l’orientation prise vers le marché intérieur, la Chine semblait par ailleurs chercher à se positionner dans les produits haut de gamme. Entre 2012 et 2017, le pays s’est mis à peser moins lourd sur les produits à faible coût dans le commerce international.</p>
<p><iframe id="bCYcf" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/bCYcf/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La tendance s’est ensuite inversée, mais la dynamique a pu bénéficier à certains pays asiatiques comme le <a href="https://doi.org/10.4000/regulation.15040">Vietnam et le Bangladesh</a>. Ce fut peu le cas pour l’Afrique. Les seuls qui semblent en tirer profit aujourd’hui sont l’Éthiopie, le Rwanda, le Kenya et le Lesotho.</p>
<p>Le développement de ces produits en Afrique appelle ainsi la mise en place de politiques industrielles inspirées de celles qui ont favorisé le développement économique de plusieurs pays d’Asie. Certaines nations africaines telles que l’île Maurice, Madagascar, le Nigeria, l’Éthiopie et le Kenya ont ainsi développé, par exemple, des zones de libre-échange attractives pour les IDE et mis en place des politiques de promotion afin de stimuler les exportations. Le plan de <a href="https://unctad.org/fr/news/lile-maurice-devoile-un-plan-dexpansion-de-sa-production-industrielle">développement de l’industrie à Maurice</a>, qui a permis à l’île de réduire sa dépendance au commerce de la canne à sucre, en est une illustration.</p>
<p>En raison de la concurrence féroce des pays émergents et de ce qui semble être un retour de la Chine sur le créneau, l’émergence de l’industrie manufacturière africaine ne sera couronnée de succès que si les consommateurs locaux sont prêts à modifier leur comportement pour s’adapter à la nouvelle offre. Développer une industrie de transformation plutôt qu’une filière d’exportation de matières premières, c’est aussi tout un changement culturel à opérer pour le continent. Les gouvernements auraient intérêt à l’encourager en facilitant l’accès au financement, aux subventions et aux marchés publics.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210211/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’Afrique présente un avantage comparatif certain dans le secteur textile d’entrée de gamme, mais il lui faut composer avec la concurrence de pays d’Asie qui ont mieux saisi certaines opportunités.Diadié Diaw, Maître de conférences en économie, Université Rennes 2Albert Lessoua, Associate professor in economics, ESCE International Business SchoolLouis César Ndione, Maître de conférences en sciences de gestion, Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2105032023-07-31T16:18:39Z2023-07-31T16:18:39ZUnion européenne et marché de l'électricité : des principes à revoir pour rester compétitive<p>La modification du contexte géopolitique et la perspective d’un monde moins ouvert ont remis sur le devant de la scène le concept de <a href="https://theconversation.com/batteries-lue-cherche-lequilibre-entre-ouverture-aux-marches-et-souverainete-technologique-210005">souveraineté</a>. <a href="https://theconversation.com/topics/reindustrialisation-86098">Relocaliser</a> de nombreuses <a href="https://theconversation.com/topics/industrie-21143">productions industrielles</a>, considérées comme stratégiques (molécules pharmaceutiques ou chimiques, semi-conducteurs, construction automobile, voire certaines matières premières comme le lithium par exemple) fait partie de l’agenda public. Les groupes industriels concernés ne seront cependant enclins à rapatrier leur production que dans la mesure où les investissements permettent de rester <a href="https://theconversation.com/topics/competitivite-21451">compétitif</a> sur leurs marchés.</p>
<p>Stabilité de l’environnement règlementaire, qualité des infrastructures, niveau d’éducation de la population, possibilité de disposer de subventions, tous ces paramètres entrent en ligne de compte au moment de prendre pareille décision. D’autres facteurs sont de nature plus économique, parmi lesquels, dans le cas précis de l’industrie, le coût de l’<a href="https://theconversation.com/topics/electricite-23762">électricité</a> et sa maîtrise sur le long terme.</p>
<p>La France et l’Allemagne l’avaient bien compris en optant chacun pour une solution garantissant sur plus de 20 ans, des prix bas de l’électricité via la construction du parc électro nucléaire en France et l’accès au gaz russe en Allemagne. Cet équilibre a été brutalement rompu par le déclenchement de la guerre en Ukraine.</p>
<p>Or, le conflit ne semble pas une simple parenthèse : deux tendances de fond sont en effet d’ores et déjà à l’œuvre. D’une part, la transition écologique accélérée dans laquelle s’est engagée l’<a href="https://theconversation.com/topics/union-europeenne-ue-20281">Europe</a> va entrainer une <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/pourquoi-la-demande-delectricite-devrait-exploser-dici-a-2050-1358134">hausse de 35 % environ de la demande au-delà de 2030</a>, ce qui suppose à la fois une augmentation des capacités, le passage à une production décarbonée, et une adaptation du réseau de transport.</p>
<p>D’autre part, les concurrents économiques de l’Europe investissent massivement pour garantir la compétitivité de leurs industries. Les États-Unis ont, par exemple, opté pour l’option la plus simple qui consiste à attribuer des subventions massives, dans le cadre notamment de <a href="https://theconversation.com/inflation-reduction-act-comment-lunion-europeenne-peut-elle-repondre-aux-incitations-fiscales-americaines-201425">l’<em>Inflation Reduction Act</em></a>. Pour rester dans le jeu, l’Union européenne est donc aujourd’hui contrainte de réagir.</p>
<h2>Plusieurs composantes de prix</h2>
<p>Plusieurs facteurs déterminent le prix de l’électricité. Une partie a trait aux infrastructures. On note, par exemple, un effet d’expérience en cas de passage du prototype à un ensemble d’unités. Dans le cas des réacteurs pressurisés européens (EPR), l’Ademe estime le coût du mégawattheure à <a href="https://www.europeanscientist.com/fr/opinion/nucleaire-vs-eolien-offshore-quest-ce-qui-coute-le-moins-cher/">110-120 euros pour le seul site de Flamanville</a>, susceptible d’être ramené à 70 euros à compter de la 4<sup>e</sup> unité mise en service.</p>
<p>L’innovation intervient également. Par exemple, l’évolution technologique des éoliennes a permis de multiplier leur puissance par 60 entre 1985 et 2015. Il en résulte une baisse régulière du prix de production moyen de <a href="https://www.connaissancedesenergies.org/etat-des-lieux-du-marche-de-leolien-offshore-220218">130-190 euros en 2000 à 60-110 euros actuellement</a>.</p>
<p>Outre le coût des matières premières, l’état de santé financière des opérateurs joue également. Ce sont néanmoins des évolutions de nature fiscale qui ont le plus fait varier le prix du mégawattheure au cours de la dernière décennie.</p>
<p><iframe id="8H6i6" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/8H6i6/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>À 15 ans, les <a href="https://www.europarl.europa.eu/ftu/pdf/fr/FTU_2.1.9.pdf">différents scénarios</a> anticipent une accélération de la croissance de la demande en électricité résultant d’une part de la transition énergique (habitat, transport) et d’autre part de la relocalisation industrielle. De là résulterait une inadéquation durable entre l’offre et la demande compte tenu des incertitudes inhérentes au déploiement des nouvelles infrastructures (en termes de coûts et de délais), d’autant plus que la transition énergétique requiert principalement de l’électricité décarbonée.</p>
<h2>Limiter la volatilité</h2>
<p>Ces scénarios laissent anticiper à la fois une hausse tendancielle des prix mais également une forte augmentation de la volatilité. Mettre en place les conditions d’une offre d’électricité durablement compétitive suppose donc de maîtriser ces deux risques.</p>
<p>Une faible volatilité des prix permet aux producteurs de pouvoir garantir sur le très long terme le remboursement des dettes destinées à financer les infrastructures. Il s’agirait donc d’une invitation à investir, notamment pour une transition verte. Pour les clients consommateurs, cela permet de mieux prévoir et donc de maîtriser leurs dépenses.</p>
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<p>Pour la limiter, plusieurs options sont ouvertes : diversifier le mix de production en faveur des capacités dont la part de coût variable est la plus faible possible, développer des solutions de « stockage » de l’électricité, ou surdimensionner la capacité de production par rapport à la demande attendue. Toutes ont en commun une mise en œuvre longue et complexe, et le risque d’accroitre sensiblement les coûts de production. La meilleure solution consiste donc à améliorer les mécanismes du marché actuel, en particulier avec le développement sa composante à long terme (maturités supérieures à 2 ans)</p>
<h2>Deux postulats à revoir</h2>
<p>Pour ce qui est du niveau des prix, deux aspects nous paraissent source de réflexion. Le premier a trait à l’<a href="http://ses.ens-lyon.fr/articles/une-analyse-de-la-politique-europeenne-de-la-concurrence-i-du-traite-de-rome-au-marche-unique">ouverture à la concurrence</a>, impulsée par une directive de 1996. Le postulat consiste à considérer qu’une concurrence accrue présente un impact positif sur les prix à long terme. Il a poussé à réduire la position des opérateurs historiques pour faire place à de nouveaux entrants. En France, par exemple, avec <a href="https://theconversation.com/electricite-pourquoi-une-telle-flambee-des-prix-malgre-louverture-a-la-concurrence-183751">« l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique »</a> (Arenh), les concurrents d’EDF peuvent accéder à la rente issue de la production des centrales nucléaires à des conditions fixées par l’administration.</p>
<p>Le bilan s’avère globalement négatif. En premier lieu, l’évolution du prix moyen de vente du mégawattheure à l’industrie en Europe depuis 1991 démontre qu’il n’y a pas de relation significative entre niveau de la concurrence et prix, puisque ce dernier reste avant tout conditionné par des facteurs de nature conjoncturelle. Ensuite, en cas de crise, la volatilité est hors de contrôle. Enfin, la situation financière de l’opérateur historique est fortement pénalisée et handicape d’autant sa capacité à investir.</p>
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<p>L’autre postulat suppose une optimisation de la capacité de production, donc que la réponse à une demande supplémentaire provienne de la dernière unité mise en production – en l’espèce pour des raisons techniques, des centrales thermiques et soit donc valorisée sur la base du coût marginal de cette dernière unité. Or c’est justement ce mode de calcul qui est à l’original de l’envolée du prix du mégawattheure et de l’explosion de la volatilité. Il convient donc de mettre en œuvre un autre mode de calcul à défaut de quoi le coût de la volatilité viendra gonfler de manière disproportionnée, l’inflation induite par la hausse de la demande.</p>
<h2>Pour une rémunération au coût réel</h2>
<p>Parmi les solutions envisageables, outre les changements relatifs à l’organisation de la production décrits précédemment, certains acteurs ont formulé des propositions au moment de l’invasion de l’Ukraine. Le gouvernement grec, notamment, a soumis en juillet 2022 à l’Union européenne, un modèle visant à <a href="https://www.euractiv.fr/section/energie-climat/news/les-grecs-proposent-un-nouveau-modele-de-marche-europeen-de-lelectricite/">segmenter le marché de gros en deux compartiments distincts</a>.</p>
<p>D’un côté, il y aurait les centrales à coûts marginaux faibles mais à coûts fixes élevés, produisant lorsqu’elles sont disponibles (nucléaires et énergie renouvelables). De l’autre côté, les centrales à coûts variables élevés (qui produisent à partir des combustibles fossiles), qui produiraient à la demande et contribueraient à équilibrer le marché en complément des productions évoquées précédemment. Les premières ne seraient plus rémunérées sur la base des coûts marginaux, mais recevraient un prix couvrant leur coût moyen de long terme, appelé Levelized Cost of Electricity. Le prix payé par le consommateur résulterait d’une moyenne pondérée des prix observés dans chacun des deux compartiments du marché.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/batteries-lue-cherche-lequilibre-entre-ouverture-aux-marches-et-souverainete-technologique-210005">Batteries : l’UE cherche l’équilibre entre ouverture aux marchés et souveraineté technologique</a>
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<p>Ce système présente l’avantage de rémunérer les producteurs en fonction de leur coût réel de production, plutôt que de se baser sur le coût des centrales fossiles et provoquer ainsi une baisse du coût moyen de l’électricité. De plus, en lissant les anticipations des prix futurs, elle devrait mécaniquement réduire la volatilité potentielle.</p>
<p>Voilà pourquoi, pour faire de la maîtrise du prix de l’énergie un socle de la compétitivité industrielle, il parait nécessaire de remettre en cause des postulats qui ont prévalu à l’organisation de la production sur les 20 dernières années et qui ont eu pour effet d’affaiblir les anciens monopoles sans véritable contrepartie mesurable sur le plan économique. Et ce alors que le défi de la transition énergétique passe par un effort d’investissement colossal, dont le succès repose, au-delà du cadre que nous venons de décrire, sur une parfaite coordination sur les plans technique, industriel et institutionnel. Si les acteurs privés ont leur place dans le dispositif, le rôle du maître d’œuvre sera déterminant.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210503/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Attirer des industriels requiert des prix de l’électricité stables et peu élevés, ce que la libéralisation et la tarification au coût marginal, piliers de la politique de l’UE, ne garantissent pas.Jean Pascal Brivady, Professeur, EM Lyon Business SchoolAbdel Mokhtari, Economiste, Chargé de cours, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2096372023-07-17T19:21:53Z2023-07-17T19:21:53ZSemi-conducteurs : l’indépendance technologique ne se limite pas à la fabrication<p>L’industrie des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/semi-conducteurs-105633">semi-conducteurs</a> demande de lourds investissements. Le franco-italien <a href="https://www.st.com/content/st_com/en.html">STMicroelectronics</a> (ST), un des quelques fabricants européens de circuits intégrés de haute technologie, va s’associer avec <a href="https://gf.com/">Global Foundries</a>, un grand acteur international du secteur, pour étendre <a href="https://www.openstreetmap.org/?mlat=45.2691&mlon=5.8806">son usine de Crolles</a>, près de Grenoble (Isère).</p>
<p>Cette extension fait polémique en raison, d’une part, des <a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/usine-de-semi-conducteurs-a-crolles-l-etat-apportera-une-aide-de-2-9-milliards-d-euros_AD-202306050509.html">très fortes subventions publiques</a> annoncées début juin 2023 pour cette installation (2,9 milliards d’euros) et, d’autre part, de la <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/partage-de-l-eau-des-centaines-de-manifestants-devant-une-usine-stmicroelectronics-en-isere-957470.html">consommation en eau des installations</a>. On justifie l’effort public européen dans les semi-conducteurs par l’indépendance technologique ; mais qu’en est-il vraiment ?</p>
<p>On trouve des puces électroniques non seulement dans les ordinateurs, les téléphones portables, les tablettes… mais aussi dans une très grande part des appareils qui nous entourent, de la machine à café aux automobiles en passant par les robots industriels. Le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/numerique-20824">numérique</a> est partout. <a href="https://theconversation.com/semi-conducteurs-une-penurie-appelee-a-durer-157250">Les difficultés d’approvisionnement</a> dues à la pandémie de Covid ont bien illustré notre dépendance aux fournisseurs de circuits intégrés.</p>
<h2>La conception des puces est aussi une industrie</h2>
<p>Ces puces électroniques sont produites dans des usines de haute technologie, avec un équipement très spécialisé et très coûteux. Certains de ces équipements ne sont produits que par un unique fabricant au niveau mondial, le néerlandais <a href="https://www.asml.com/en">ASML</a>. Pour produire des circuits du plus haut niveau de performance, celles pour ordinateurs et smartphones, il faut une usine – une « <em>fab</em> », disent les professionnels du secteur – à l’état de l’art, dont le coût de construction est de l’ordre de <a href="https://www.theinquirer.net/inquirer/news/3018890/tsmc-says-3nm-plant-could-cost-it-more-than-usd20bn">10 milliards de dollars</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/537057/original/file-20230712-27-8a0b55.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Vue des bâtiments du groupe néerlandais ASML à Veldhoven, aux Pays-Bas" src="https://images.theconversation.com/files/537057/original/file-20230712-27-8a0b55.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537057/original/file-20230712-27-8a0b55.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537057/original/file-20230712-27-8a0b55.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537057/original/file-20230712-27-8a0b55.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537057/original/file-20230712-27-8a0b55.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=406&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537057/original/file-20230712-27-8a0b55.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=406&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537057/original/file-20230712-27-8a0b55.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=406&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Vue des bâtiments du groupe néerlandais ASML à Veldhoven, aux Pays-Bas.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:20080825_Veldhoven_ASML_DSCF0349.jpg">HHahn/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Devant de tels montants d’investissement, on ne trouve plus à l’échelle mondiale que quelques fabricants, parmi lesquels le géant taïwanais <a href="https://www.tsmc.com/english">TSMC</a>, le coréen <a href="http://samsung.com/">Samsung</a>, les américains <a href="https://gf.com/">GlobalFoundries</a> ou <a href="https://www.intel.com/">Intel</a>, face auxquels ST apparaît de taille nettement plus modeste. On comprend l’enjeu stratégique de conserver en Europe de la fabrication de puces proches de l’état de l’art en performance. Toutefois, c’est avoir une vue très réductrice de cette industrie que de ne considérer que la fabrication.</p>
<p>La conception des puces est elle-même une industrie : produire le plan d’une puce demande de lourds investissements et une expertise considérable. On fait commerce de plans partiels, blocs de propriété intellectuelle (« blocs IP ») produits par des sociétés dont le britannique <a href="https://www.arm.com/">ARM</a> est sans doute la plus connue – les puces sur modèle ARM équipent la plupart des téléphones portables et sont également la base des <a href="https://www.cnetfrance.fr/news/apple-m1-focus-sur-la-puce-arm-qui-equipe-les-nouveaux-mac-39912809.htm">puces Apple des iPhone et des nouveaux Mac</a>.</p>
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<p>Cette industrie est internationale, mais largement invisible du grand public : pas d’usines, tout se passe dans des bureaux et par des échanges de fichiers. Les enjeux sont importants : lancer la fabrication d’une puce comportant des <em>bugs</em> a un coût qui, au mieux, se mesure en millions, mais peut être bien plus élevé – on évalue à 1 milliard de dollars actuels le coût pour Intel du <a href="https://korii.slate.fr/tech/intel-erreur-calcul-500-millions-dollars-pentium-1994-bug-virgule-flottante">fameux bug du Pentium en 1995</a> (cette puce calculait fausses certaines divisions).</p>
<p>Il y a même pour servir cette industrie de la conception de puces une industrie de logiciels spécialisés (conception, simulation, test, etc.), dont les acteurs sont par exemple les américains <a href="https://www.cadence.com/en_US/home.html">Cadence</a> ou encore <a href="https://www.linkedin.com/company/mentor_graphics/?originalSubdomain=fr">Mentor Graphics</a>. Signe de son caractère stratégique, cette dernière société a été rachetée par l’allemand Siemens.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/537082/original/file-20230712-25-meeok5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Photos de plusieurs iPhone" src="https://images.theconversation.com/files/537082/original/file-20230712-25-meeok5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537082/original/file-20230712-25-meeok5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=285&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537082/original/file-20230712-25-meeok5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=285&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537082/original/file-20230712-25-meeok5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=285&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537082/original/file-20230712-25-meeok5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=359&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537082/original/file-20230712-25-meeok5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=359&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537082/original/file-20230712-25-meeok5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=359&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les iPhone sont équipés de processeurs utilisant l’architecture du britannique ARM.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/iphone-iphone-13-iphone-13-max-6884673/">Monoar Rahman Rony/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>On a ainsi largement découplé la conception et la fabrication des puces, à telle enseigne qu’il existe de très nombreux fabricants de puces <em>fabless</em>, c’est-à-dire qu’ils ne possèdent pas d’usine de fabrication et font fabriquer par d’autres, à l’image de TSMC. En France, c’est le cas notamment de l’isérois <a href="https://www.kalrayinc.com/">Kalray</a>, dont les puces ont maintenant un grand succès dans les centres de traitement de données. Ceci pose cependant la question de notre dépendance à l’industrie taïwanaise, avec l’épineuse question de ce qu’elle deviendrait en cas d’invasion de l’île par la Chine populaire.</p>
<h2>Le risque d’une licence extraeuropéenne</h2>
<p>Comment analyser, dans ce contexte, la subvention à ST, par rapport à l’objectif d’indépendance technologique ? La plus grande partie de l’activité de ST en matière de processeurs consiste à fabriquer des puces (<a href="https://www.st.com/en/microcontrollers-microprocessors/stm32-32-bit-arm-cortex-mcus.html">STM32</a>) sous licence ARM. Or, ARM <a href="https://nvidianews.nvidia.com/news/nvidia-and-softbank-group-announce-termination-of-nvidias-acquisition-of-arm-limited">a failli être racheté par l’américain Nvidia en 2022</a>. Il n’y aurait guère d’indépendance technologique à fabriquer en Europe des puces sous licence américaine, potentiellement soumises aux conditions de commercialisation fixées par le gouvernement américain suivant ses objectifs stratégiques.</p>
<p>La dépendance de toute l’industrie des processeurs aux <em>designs</em> de deux grands acteurs (Intel et ARM) a suscité le développement d’une architecture ouverte nommée <a href="https://riscv.org">RISC-V</a>. Tout un écosystème d’entreprises conçoit des puces RISC-V, et cette architecture reçoit l’attention tant des dirigeants européens (<a href="https://www.european-processor-initiative.eu/"><em>European processor initiative</em></a>) que chinois, pour ses promesses d’indépendance technologique. Toutefois, faute de concevoir nous-mêmes les puces, le danger serait là encore de se contenter d’être fabricant sous licence extraeuropéenne (chinoise, américaine, ou encore russe ?).</p>
<p>Si nous voulons une réelle indépendance technologique et stratégique européenne en matière de « puces », il ne faut donc pas se concentrer uniquement sur la partie fabrication, mais sur toute la chaîne de valeur, y compris la conception de puces et la conception des logiciels de conception de puces.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209637/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>En tant que chercheur, je bénéficie de subventions de l'Agence nationale de la recherche.
J'ai par le passé dirigé ou co-encadré des thèses CIFRE avec les sociétés STMicroelectronics et Kalray, mais ne conseille pas ces sociétés, ne travaille pas pour elles et n'ai plus de projets avec elles.</span></em></p>L’industrie des processeurs, outre des usines de pointe, met en jeu de lourdes activités de conception tout aussi stratégiques que la fabrication.David Monniaux, Chercheur en informatique, Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2086892023-07-11T19:22:51Z2023-07-11T19:22:51ZPollutions industrielles : une longue histoire de luttes et de soulèvements<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/536801/original/file-20230711-7795-aj57mt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C8%2C1200%2C795&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">À la fin de l'année 1930, les pollutions industrielles sont si fortes dans la vallée de la Meuse qu'elles ont entraîné la mort de plus de 60 personnes et ont rendu malades des milliers d'autres. Représentation des usines responsables des brouillards. Joseph Fussell.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Brouillards_toxiques_dans_la_vall%C3%A9e_de_la_Meuse#/media/Fichier:J._Fussell._Usines_%C3%A0_Saint-Georges-sur-Meuse.jpg">Galerie Wittert, Université de Liège</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>La dissolution du collectif « Les Soulèvements de la Terre » met en lumière la <a href="https://theconversation.com/lecologisme-est-il-un-terrorisme-52266">dimension fondamentalement conflictuelle</a> de la question écologique. Les enjeux inédits que sont le réchauffement climatique ou l’effondrement de la biodiversité inspirent des nouvelles formes de luttes, mais les combats contre la détérioration de l’environnement <a href="https://www.editionstextuel.com/livre/une-histoire-des-luttes-pour-lenvironnement">ont une longue histoire</a>.</p>
<p>Durant celle-ci, l’industrialisation, croissante à partir de la seconde moitié du XVIII<sup>e</sup> siècle, a été une étape majeure : la mécanisation, l’organisation rationnelle du travail dans des unités de fabrication et l’emploi d’une quantité de plus en plus grande d’énergie ont permis l’augmentation de la production, mais ce faisant, les impacts environnementaux se sont considérablement aggravés.</p>
<h2>La prudence environnementale à la charnière des XVIIIᵉ et XIXᵉ siècles</h2>
<p>L’industrialisation concerne d’abord quelques territoires localisés, notamment dans le nord de la France et en Belgique francophone, où les industries textile, houillère et métallurgique <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-vie_et_mort_des_bassins_industriels_en_europe_1750_2000_rene_leboutte-9782738458988-10711.html">connaissent un essor précoce</a>. Ces activités sont de plus en plus des sources de nuisances, comme les <a href="http://editions.ehess.fr/ouvrages/ouvrage/histoire-de-la-pollution-industrielle/">recherches récentes en histoire environnementale</a> l’ont établi).</p>
<p>À l’époque, ce sont les termes de « nuisance », de « corruption » ou d’« insalubrité » qui sont utilisés pour parler de l’altération des milieux naturels, celui de « pollution » ne s’imposant qu’au XX<sup>e</sup> siècle. De même, le mot « environnement » n’est pas encore employé dans son sens actuel : il désigne simplement les environs, les alentours. À la place, les sources mentionnent plutôt « les airs », « les eaux » et « les lieux ». Ce vocabulaire est issu de la <a href="https://ehne.fr/fr/encyclopedie/th%C3%A9matiques/%C3%A9cologies-et-environnements/sant%C3%A9-et-environnement/l%E2%80%99h%C3%A9ritage-du-n%C3%A9ohippocratisme-dans-la-pens%C3%A9e-environnementale-xvie-XIXe-si%C3%A8cles">médecine néo-hippocratique</a>, qui postule que l’état de santé des individus est déterminé par la qualité de leur cadre naturel de vie.</p>
<p>Jusqu’au début du XIX<sup>e</sup> siècle, les nuisances sont régulées à l’échelle locale : les édiles cherchent à les limiter en éloignant des habitations les activités potentiellement nocives. À Lille, par exemple, une loi du 31 octobre 1771 interdit aux raffineurs de sucre de conserver l’eau de leurs raffineries à domicile ou dans des puits, car cette eau pourrait être une cause de contamination. La prudence environnementale est alors la norme.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/536503/original/file-20230710-29-n6x4sq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/536503/original/file-20230710-29-n6x4sq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/536503/original/file-20230710-29-n6x4sq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=329&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/536503/original/file-20230710-29-n6x4sq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=329&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/536503/original/file-20230710-29-n6x4sq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=329&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/536503/original/file-20230710-29-n6x4sq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/536503/original/file-20230710-29-n6x4sq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/536503/original/file-20230710-29-n6x4sq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La cuisson du sucre dans la halle aux chaudières.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://journals.openedition.org/artefact/docannexe/image/841/img-1.png">Henri-Louis Duhamel du Monceau, 1781</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/534678/original/file-20230628-19323-sbbggw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/534678/original/file-20230628-19323-sbbggw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534678/original/file-20230628-19323-sbbggw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=654&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534678/original/file-20230628-19323-sbbggw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=654&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534678/original/file-20230628-19323-sbbggw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=654&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534678/original/file-20230628-19323-sbbggw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=822&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534678/original/file-20230628-19323-sbbggw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=822&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534678/original/file-20230628-19323-sbbggw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=822&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Extrait de la plainte des riverains contre la tannerie d’André Blanchard dont la démolition est ordonnée, 17 novembre 1805. « Il y a des choses qui, suivant le droit naturel, sont communes à tous les hommes, comme l’eau et l’air […], et à ces choses personne n’y peut porter la moindre atteinte ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Archives de l’État à Mons</span></span>
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</figure>
<p>Dans certains cas, les autorités n’hésitent pas à détruire les usines ou les ateliers s’ils nuisent excessivement à l’environnement, même lorsqu’ils sont à l’écart des villes. Ainsi, le 17 novembre 1805, les habitants d’un hameau près de Havay, dans la région de Mons, adressent une pétition au préfet du département de Jemappes (la Belgique fait alors partie du Premier Empire français). Leur but est d’empêcher un certain André Blanchard d’établir une tannerie susceptible de corrompre l’eau dont les habitants bénéficient. La tannerie, en effet, consiste à transformer des peaux d’animaux en cuir, et pour cela, les peaux sont lavées à même les cours d’eau. Le préfet comprend la demande des pétitionnaires et ordonne la démolition de l’atelier de Blanchard.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/536606/original/file-20230710-23-gr42g3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/536606/original/file-20230710-23-gr42g3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/536606/original/file-20230710-23-gr42g3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/536606/original/file-20230710-23-gr42g3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/536606/original/file-20230710-23-gr42g3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/536606/original/file-20230710-23-gr42g3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/536606/original/file-20230710-23-gr42g3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/536606/original/file-20230710-23-gr42g3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le « travail de rivière » du tanneur. L’atelier est placé au bord d’un cours d’eau dans lequel sont lavées les peaux. Celles-ci sont ensuite déposées dans des cuves où elles macèrent pendant un an, en présence de tan, une écorce de bois réduite en poudre. Par ce procédé, elles sont transformées en cuir. L’activité se modernise avec les progrès de la chimie au début du XIXᵉ siècle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Denis Diderot, Jean Le Rond d’Alembert (dir.)</span></span>
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<h2>Le décret de 1810 : une loi au service de l’industrie</h2>
<p>Le 15 octobre 1810, le gouvernement du Premier Empire décide de centraliser la régulation des nuisances en promulguant un <a href="https://aida.ineris.fr/reglementation/decret-imperial-15101810-relatif-manufactures-ateliers-repandent-odeur-insalubre">décret sur les établissements incommodes et insalubres</a>.</p>
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<span class="caption">Une affiche indiquant une information de commodo et incommodo en 1820, à Valenciennes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Archives municipales de Valenciennes (J7 35)</span></span>
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<p>Ce texte de loi oblige les capitaines d’industrie à demander une autorisation administrative avant de créer une fabrique. Ils doivent s’adresser au Conseil d’État pour les fabriques de première classe, c’est-à-dire les plus insalubres (ce sont par exemple les usines de soude artificielle, produit nécessaire aux savonneries), et à la préfecture pour celles appartenant aux deuxième et troisième classes. Les premières doivent être « éloignées des habitations particulières », tandis que les autres ont droit de cité, à condition d’être rigoureusement surveillées par la police. Du reste, la loi prévoit que les fabriques de deuxième classe fassent l’objet d’une enquête dans le voisinage, appelée « information de commodo et incommodo » (expression latine qui signifie « avantage et inconvénient ».)</p>
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<p>Ce décret, qui a durablement marqué les législations française et belge, donne donc aux habitants la possibilité de se plaindre des nuisances industrielles. Néanmoins, il n’est contraignant qu’en apparence, car les autorisations sont facilement délivrées par les instances administratives, y compris en ville et pour des établissements de première classe. Ainsi, à Roubaix, le cœur de l’industrie textile en France, on trouve dans les sources disponibles environ 720 demandes d’autorisation entre 1812 et 1871. Une cinquantaine ont suscité des plaintes et des oppositions, et seule une vingtaine n’ont pas été autorisées. Quant aux établissements déjà installés, leur démantèlement est devenu quasi impossible car les autorités soutiennent pleinement les intérêts industriels.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/534679/original/file-20230628-29-b20x8k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/534679/original/file-20230628-29-b20x8k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534679/original/file-20230628-29-b20x8k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=199&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534679/original/file-20230628-29-b20x8k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=199&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534679/original/file-20230628-29-b20x8k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=199&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534679/original/file-20230628-29-b20x8k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=250&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534679/original/file-20230628-29-b20x8k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=250&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534679/original/file-20230628-29-b20x8k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=250&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Roubaix vers le milieu du XIXᵉ siècle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Médiathèque Jean Lévy, Lille</span></span>
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<p>Comme l’ont montré les historiens <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-contamination-du-monde-francois-jarrige/9782021085761">François Jarrige</a>, Thomas Le Roux ou <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/l-apocalypse-joyeuse-jean-baptiste-fressoz/9782021056983">Jean-Baptiste Fressoz</a>, au cours du XIX<sup>e</sup> siècle, les élites politiques, économiques et scientifiques ont tendance à minorer les impacts environnementaux et sanitaires de l’industrie. Celle-ci est alors assimilée au « progrès » et à la « civilisation ». Peu à peu, les habitants n’ont d’autres choix que de s’habituer à la nouvelle atmosphère industrielle.</p>
<p>En témoigne ce propos d’un expert en salubrité examinant l’insalubrité de l’eau à Valenciennes, le 17 janvier 1860 : s’adressant au préfet du Nord, il affirme que les personnes qui vivent à proximité de la rivière Balhaut, où s’écoulent les déchets des sucreries, n’ont pas à se plaindre car « en venant s’établir sur un pareil cours d’eau ils devraient s’attendre à n’avoir pas toujours de l’eau claire. »</p>
<h2>« À bas les cheminées ! »</h2>
<p>Pourtant, les nuisances ne cessent de générer des plaintes et, parfois, des conflits violents, comme dans la région de la Basse Sambre au milieu du XIX<sup>e</sup> siècle. Dans cette région rurale, située entre Namur et Charleroi, trois usines de soude se sont installées dans les années 1849-1851. Très vite, leur présence a été contestée par les riverains : les fumées qu’elles exhalent empoisonneraient les plantes, les cultures, le bétail et les êtres humains. D’après l’historien <a href="https://www.pun.be/FR/livre/?GCOI=99993100479430">Julien Maréchal</a>, qui a précisément étudié ce cas, la plupart des savants belges se sont opposés aux « préjugés populaires » contre l’industrie chimique.</p>
<p>Entre le 14 et le 19 août 1855, des centaines de personnes, peut-être même des milliers à croire certains journaux, se sont rassemblés pour protester contre une des trois usines, située dans la commune de Floreffe. La presse rapporte que des cultivateurs ont menacé de détruire l’établissement en criant « À bas les cheminées ! » Le 19, à Auvelais, non loin de Floreffe, l’armée tire sur des manifestants : deux personnes sont tuées, une autre est blessée. L’ordre est revenu, les cheminées continuent de fumer.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/534683/original/file-20230628-15-14mxat.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/534683/original/file-20230628-15-14mxat.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534683/original/file-20230628-15-14mxat.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534683/original/file-20230628-15-14mxat.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534683/original/file-20230628-15-14mxat.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534683/original/file-20230628-15-14mxat.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=453&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534683/original/file-20230628-15-14mxat.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=453&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534683/original/file-20230628-15-14mxat.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=453&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Fabrique de produits chimiques à Floreffe, milieu du XIXᵉ siècle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">J. Géruzet, 1852</span></span>
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</figure>
<p>En Belgique comme en France, le pouvoir politique promeut constamment l’industrie au détriment de l’environnement. Le 29 janvier 1863, un <a href="https://books.google.fr/books?id=Km5DAAAAcAAJ&pg=PA45&lpg=PA45&dq=%22r%C3%A9vision+et+simplification+des+dispositions+concernant+la+police+des+%C3%A9tablissements+dangereux+et+insalubres%22">arrêté royal belge</a> allège la législation héritée du décret de 1810 (les demandes d’autorisation sont accordées plus rapidement). Deux ans plus tard, le gouvernement de Napoléon III adopte un <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65387160/f19.item">décret</a> pour que les machines à vapeur ne soient plus comptées parmi les établissements incommodes et insalubres.</p>
<h2>Les nuisances, devenues dommage acceptable du « progrès »</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/534685/original/file-20230628-18428-ymya5l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/534685/original/file-20230628-18428-ymya5l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534685/original/file-20230628-18428-ymya5l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=752&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534685/original/file-20230628-18428-ymya5l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=752&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534685/original/file-20230628-18428-ymya5l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=752&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534685/original/file-20230628-18428-ymya5l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=945&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534685/original/file-20230628-18428-ymya5l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=945&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534685/original/file-20230628-18428-ymya5l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=945&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’appareil fumivore Beaufumé. L’ingénieur en chef du service des mines à Valenciennes informe le préfet du Nord qu’« on ne peut pas affirmer qu’il soit exempt d’inconvénients graves et qu’il soit susceptible de fonctionner longtemps d’une manière utile[…] »</span>
<span class="attribution"><span class="source">Archives départementales du Nord</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De part et d’autre de la frontière, les autorités parient sur le développement technologique pour amoindrir les nuisances. Les industriels sont encouragés à doter leurs usines de « fourneaux fumivores », capables de « brûler » la fumée. Cependant, ce <a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-science-s-comme-solutionnisme-170732">« solutionnisme technologique »</a> avant l’heure s’avère inefficace, et les plaintes s’accumulent en étant rarement entendues.</p>
<p>L’histoire de l’industrialisation et de ses conséquences environnementales est traversée de doutes, de tensions et de conflits. À l’origine combattues par les élites dirigeantes, les nuisances ont été finalement considérées comme un dommage acceptable du « progrès ». Malgré tout, nombreux sont les habitants à avoir refusé la contamination de leur milieu de vie. Pour reprendre la formule frappante du sociologue et militant Razmig Keucheyan, <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/la_nature_est_un_champ_de_bataille-9782355220586">« la nature est un champ de bataille »</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208689/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Samy Bounoua a reçu des financements de l'université de Lille.</span></em></p>Dès les débuts de l’industrialisation, les termes « nuisance » ou « corruption » sont utilisés pour parler de l’altération des milieux naturels et pour s’y opposer au nom du bien commun.Samy Bounoua, Professeur agrégé d'histoire, doctorant en histoire environnementale, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2028872023-05-08T18:07:01Z2023-05-08T18:07:01ZL’évolution du vol de bestiaux au XIXᵉ siècle, ou comment un crime se transforme en délit<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/522759/original/file-20230425-16-srqqol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=72%2C81%2C5162%2C2674&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">« Labourage nivernais », Rosa Bonheur, 1849.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Labourage_nivernais#/media/Fichier:Rosa_Bonheur_-_Ploughing_in_Nevers_-_Google_Art_Project.jpg">Wikipédia</a></span></figcaption></figure><p>Voler des bestiaux comme on volerait des outils ou des victuailles ? Cette réalité étonnera sans nul doute le lecteur contemporain. Si les débats juridiques actuels relatifs à la création d’une personnalité animale envisagent d’écarter les bêtes de la <a href="https://www.dalloz.fr/lien?famille=revues&dochype=RECUEIL%2FCHRON%2F2020%2F0066">catégorie des biens au regard de leur sensibilité</a>, la réalité est bien différente au XIX<sup>e</sup> siècle. À cette époque, l’utilité des animaux domestiques, et a fortiori des bestiaux dans le travail et le quotidien des individus est primordiale. Désignés au titre des propriétés par le code pénal de 1810, ces animaux peuvent bel et bien faire l’objet d’un vol.</p>
<h2>Les bestiaux, symboles de richesse économique</h2>
<p>Les animaux domestiques sont définis, dès le XIX<sup>e</sup> siècle, comme <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5774602r/f506.image.r=lichiere">« tous les animaux qui vivent, s’élèvent, sont nourris et se reproduisent sous le toit de l’homme et par ses soins »</a>. Les bestiaux représentent la catégorie d’animaux domestiques peuplant majoritairement la France au XIX<sup>e</sup> siècle. À ce propos, l’historien Damien Baldin écrit qu’à cette époque « Bœufs, vaches, moutons et cochons se multiplient, et les étables et les porcheries n’ont jamais été aussi nombreuses. »</p>
<p>Afin de comprendre précisément quels sont les animaux qui composent la catégorie des bestiaux, il nous faut nous tourner vers certains juristes du XIX<sup>e</sup> siècle tels que Joseph Carnot ou Édouard Fuzier-Herman. Le premier définit les bestiaux comme <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5813165t/f318.item.texteImage">« les animaux à quatre pattes qui servent à la nourriture de l’homme »</a> tandis que le second les rattache <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5758489p.r=r%C3%A9pertoire%20g%C3%A9n%C3%A9ral%20alphab%C3%A9tique%20du%20droit%20fran%C3%A7ais?rk=708158;0">« à la culture des terres »</a>.</p>
<p>Les bestiaux représentent non seulement une catégorie d’animaux très différents (bœufs, moutons, chevaux, etc.), mais surtout une véritable richesse économique pour <a href="https://theconversation.com/loin-de-leternel-paysan-la-figure-tres-paradoxale-de-lagriculteur-francais-169470">l’individu vivant dans la ruralité</a>.</p>
<p>Par ailleurs, le XIX<sup>e</sup> siècle est une période bouleversée par des mutations économiques et sociales d’une grande ampleur. L’exode de nombreux paysans vers les villes et la prolifération de puissantes machines en sont deux exemples significatifs. Face à ces multiples transformations, le droit doit nécessairement s’adapter. Infraction inédite et grave dans une société ruralisée, ce vol est relégué au rang d’infraction anecdotique quand la société industrielle fait place à la société rurale et que les bestiaux perdent de leur valeur matérielle et symbolique.</p>
<h2>Un vol fréquent et grave dans une société rurale</h2>
<p>Le code pénal de 1810 est, <a href="https://www-cairn-info.docelec.u-bordeaux.fr/feuilleter.php?ID_ARTICLE=PUF_CARBA_2014_01_0459">selon l’expression de l’historien du droit Jean-Marie Carbasse</a>, un « code de fer » du fait de la grande sévérité des peines qu’il renferme. L’infraction de vol de bestiaux commise dans les champs, <a href="http://www.ledroitcriminel.fr/la_legislation_criminelle/anciens_textes/code_penal_1810/code_penal_1810_2.htm">envisagée à l’article 388 du code pénal de 1810</a>, est une belle illustration du caractère drastique des peines édictées par le Code.</p>
<p>En effet, elle n’est pas considérée comme un vol simple puni d’une courte peine d’emprisonnement et d’une peine d’amende peu importante, mais d’une sanction particulièrement grave : la réclusion. En adoptant une telle pénalité, la législateur a poursuivi deux objectifs : réprimer une infraction d’une particulière gravité au regard de l’importance de la valeur économique des bestiaux, mais aussi punir la facilité avec laquelle le voleur a pu voler un bestiau dans un champ.</p>
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<p>La société du XIX<sup>e</sup> siècle, au moins jusqu’à l’exode rural débutant au milieu du siècle, est une société paysanne dans laquelle règne une hiérarchie entre les paysans. Les classes sociales paysannes sont ainsi énumérées par l’historien Georges Duby : « les propriétaires cultivateurs, les fermiers, les métayers ou colons, les journaliers et les domestiques attachés à l’exploitation. »</p>
<p>Au sein d’une société dans laquelle une réelle inégalité règne entre les individus, les vols de bestiaux sont légion. Nos statistiques réalisées à partir des archives papier des Comptes généraux de la justice criminelle donnent à voir 1 460 vols d’animaux domestiques commis au XIX<sup>e</sup> siècle, dont la valeur économique est comprise entre 100 et 1 000 francs (cela correspond de nos jours à une somme comprise entre 200 et 2 500 euros). Or, tout bestiau représente une richesse importante dans le patrimoine de chaque paysan. L’historien Jean-Pierre Jessenne désigne la vache comme étant « l’animal du pauvre » dans la mesure où la majorité des paysans en possèdent, et ce quelle que soit leur condition sociale.</p>
<p>Par ailleurs, les bestiaux sont placés sous la foi publique, notion définie par l’historienne du droit Marie-Hélène Renaut comme une <a href="https://www.jstor.org/stable/40955943">« sauvegarde collective implicite »</a>. Cela signifie qu’ils sont exposés dans les champs sans surveillance particulière, et que le voleur peut les dérober avec une certaine facilité. Par conséquent, il s’agit de réprimer drastiquement l’atteinte à un bien d’une utilité particulière, mais également la malice du voleur.</p>
<p>À titre d’exemple, une décision de justice rendue par la Cour de cassation en 1818 sanctionne un voleur de brebis de la peine de la réclusion au motif que ces animaux <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6119632j/f1260.image.r=carbonnel">sont confiés à la foi publique</a>.</p>
<p>Il faut toutefois comprendre que la société du XIX<sup>e</sup> siècle change considérablement et rapidement. La répression du vol de bestiaux fait l’objet d’une adaptation au mouvement d’industrialisation de la société et aux conséquences engendrées par ce phénomène socio-économique de grande ampleur.</p>
<h2>Un vol rare et déconsidéré dans une société industrialisée</h2>
<p>La richesse économique des bestiaux et leur utilité dans les activités quotidiennes du paysan se justifient moins aisément qu’au début du siècle. Le droit pénal ne demeure pas insensible à cette transformation contextuelle majeure. Ainsi, le législateur intervient <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k58511281/f53.image.r=388">avec une loi pénale datant de 1824</a> qui modifie l’article 388 du code pénal de 1810, et partant la nature pénale du vol de bestiaux.</p>
<p>Jusqu’alors considéré comme un crime, le vol de bestiaux est correctionnalisé, c’est-à-dire qu’il devient un simple délit puni des peines applicables à toutes les formes de vol simple. Cette correctionnalisation est encouragée par la clémence des jurés lors du prononcé de la peine, ces derniers <a href="https://ledroitcriminel.fr/la_science_criminelle/penalistes/le_proces_penal/le_jugement/sanction/doucet_circ_attenuantes.htm">accordant largement des circonstances atténuantes</a> au voleur de bestiaux. Selon les mots du député Jean-Louis DOZON, prononcés devant la chambre des députés en 1824, <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54742388.texteImage">« dans presque tous les cas, au moyen du système des circonstances atténuantes, il ne sera prononcé que des peines correctionnelles. »</a></p>
<p>Outre la plus grande clémence du système répressif, les vols d’animaux domestiques sont numériquement moins importants au fil du siècle. Ainsi, nos statistiques réalisées à partir des Comptes généraux de la justice criminelle montrent qu’entre l’année 1839 et l’année 1869, le nombre de vols d’animaux domestiques est passé de 295 à 100.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lagriculture-bio-garantit-elle-un-meilleur-bien-etre-des-animaux-delevage-170351">L’agriculture bio garantit-elle un meilleur « bien-être » des animaux d’élevage ?</a>
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<p>La raréfaction de cette forme de vol doit être comprise à la lumière d’un contexte socio-économique en pleine mutation : le rapport économique entre les individus et leurs bestiaux change considérablement. En effet, ces derniers se voient progressivement remplacés par des machines de plus en plus sophistiquées. L’économiste Bertrand de Jouvenel résume parfaitement cette mutation économique en écrivant que « La puissance matérielle disponible à l’homme était limitée tant qu’elle reposait sur le travail obtenu d’organismes vivants ». En somme, la machine remplace le bestiau.</p>
<p>S’ajoute à cela une transformation de la délinquance avec l’apparition de nouvelles formes de vol visant des bijoux et des billets de banque, désignées par l’historienne Michelle Perrot sous l’expression de <a href="https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1975_num_30_1_293588">« délinquance en col blanc »</a>. Face à l’industrialisation de la société, le vol de bestiaux se voit donc définitivement relégué au rang des infractions anecdotiques.</p>
<p>Si les bestiaux devaient un jour être écartés de la catégorie juridique des biens, l’avenir de l’existence même du vol de bestiaux pourrait être légitimement interrogé. Relevant aujourd’hui de l’anecdote, cette forme de vol pourrait tendre à la disparition pure et simple du paysage juridique français.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202887/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Joaquim Verges ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Avec la révolution industrielle, le statut des « bestiaux » change en France, et il devient peu à peu moins fréquent et moins grave de les voler.Joaquim Verges, Doctorant en histoire du droit, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2027782023-04-05T19:17:41Z2023-04-05T19:17:41ZLa relocalisation, un chemin semé d’embûches<p>La France a connu 30 années de délocalisation de ses structures de production industrielle, et a perdu <a href="https://www.latribune.fr/actualites/economie/france/20140709trib000839219/a-publier-jeudi-a-10h00-ou-sont-passes-les-deux-millions-d-emplois-detruits-depuis-1980-dans-l-industrie-.html">plus de 2 millions d’emplois</a>. La perte de souveraineté qui s’en est suivie s’est révélée avec force lors de la crise sanitaire puis du conflit en Ukraine. La question du soutien à l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/industrie-21143">industrie</a>, et plus particulièrement à la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reindustrialisation-86098">réindustrialisation</a> et à la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/relocalisation-economique-84432">relocalisation</a>, est ainsi devenue une thématique majeure corrélée à celle de la souveraineté de la France. En témoigne le plan « France Relance », présenté en septembre 2020 par le gouvernement, dont 35 milliards d’euros sont consacrés à l’industrie. Objectif :</p>
<blockquote>
<p>« Relocaliser les maillons manquants des chaînes de production stratégiques et prendre un temps d’avance pour favoriser la localisation des activités d’avenir en France ».</p>
</blockquote>
<p>Le ministre délégué à l’Industrie a également mis en place une politique de soutien et d’encouragement aux relocalisations notamment via les Chambres de commerce et d’industrie (CCI) auxquelles il est demandé, dans le cadre de leur mission, de déployer en 2023 des accélérateurs de relocalisations.</p>
<p>Depuis l’annonce du plan France Relance, 155 relocalisations ont été dénombrées en France par le cabinet d’étude Trendeo, contre 98 sur l’ensemble de la période 2014-2018.</p>
<iframe width="100%" height="315" src="https://www.canal-u.tv/chaines/canal-aunege/embed/55449?t=0" allowfullscreen=""></iframe>
<p>Néanmoins, au-delà de ces premiers chiffres de la volonté affichée, la question de la faisabilité de la relocalisation se pose et de nombreuses difficultés peuvent freiner le mouvement.</p>
<h2>Une reconfiguration forcée des modèles</h2>
<p>Les projets de relocalisation soulèvent, très généralement, des problématiques de trois ordres. D’abord, d’ordre technologique. En effet, la relocalisation ne peut être envisagée que par des changements de méthode de production afin de faire baisser de façon drastique les coûts de main-d’œuvre, d’être plus compétitif tout en offrant des produits de meilleure qualité.</p>
<p>Ainsi l’opticien Atol, qui a commencé à relocaliser ses activités dès 2009 et que nous avons étudié dans le cadre de nos recherches, a misé sur l’innovation en automatisant les procédés de fabrication, en réorganisant le temps de travail (en passant aux 3x8) tout en modifiant son offre. L’entreprise roannaise Tissages de Charlieu, spécialisée dans le textile, a fait de même, comme en témoigne son patron dans une interview récente au journal Le Progrès :</p>
<blockquote>
<p>« Nous avons décidé d’investir dans un système automatisé 100 % pour la confection de sacs de caisse et de packaging textile avec une technologie unique au monde pour arrêter les importations en provenance d’Asie ».</p>
</blockquote>
<p>La deuxième difficulté est d’ordre économique : le projet doit en effet être rentable. Ici, le fabricant de brosses à dents écologiques Biospetyl a par exemple pour cela supprimé ses intermédiaires et a misé sur l’argument qualitatif pour se démarquer des géants du secteur et affirmer son positionnement « made in France » auprès des donneurs d’ordre (distributeurs et consommateurs).</p>
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<p>Pour Aledia, entreprise grenobloise spécialisée dans le secteur microélectronique, l’enjeu est à la fois de devoir reconstruire une infrastructure capable d’accueillir les projets rapatriés pour atteindre l’objectif de 2025, mais aussi de former à des corps de métiers spécifiques. Son directeur industriel le soulignait dans une interview accordée en 2022 à Europe 1 :</p>
<blockquote>
<p>« On a besoin de chimistes, d’électroniciens, d’opticiens mais ce sont des métiers qui manquent beaucoup aujourd’hui… On ne peut pas réindustrialiser sans former ».</p>
</blockquote>
<p>Les problématiques concernent enfin le volet environnemental : La transition qui s’est amorcée au niveau mondial se traduit pour les entreprises françaises et européennes par des normes accrues qu’il s’agisse de la traçabilité, du bilan carbone ou de recyclabilité et de réparabilité. Ces nouvelles normes constituent désormais des contraintes nouvelles pour les distributeurs et les marques.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1496362862628982789"}"></div></p>
<p>Soutenu par le plan relance, le sous-traitant pharmaceutique Seqens a annoncé le lancement d’un projet de construction d’une nouvelle unité de production du paracétamol à Roussillon (Isère) : l’entreprise affirme avoir réussi à développer des nouveaux procédés de synthèse lui permettant de garantir la construction d’une installation à la fois efficace et compétitive sur le long terme tout en maîtrisant l’empreinte environnementale (réduction d’un facteur de 5 à 10 en comparaison aux unités existantes).</p>
<h2>Priorité aux produits « vulnérables » ?</h2>
<p>Ces trois problématiques font des relocalisations des projets complexes que des acteurs économiques privés, même regroupés par un intérêt commun avéré, peuvent être en difficulté de mener à bien. La R&D nécessaire, les études supplémentaires, la diversité des expertises à mobiliser complexifient le process de relocalisation mais ne le rendent pas impossible.</p>
<p>Dès lors, les projets de relocalisations pourraient idéalement s’étendre en priorité sur des produits « vulnérables », c’est-à-dire les plus concernés par les difficultés d’approvisionnement et la dépendance à d’autres zones économiques (santé, alimentation, etc.). </p>
<hr>
<p><em>Daniel Suissa, responsable pédagogique du master management industriel de l'ESDES, a participé à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202778/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les entreprises qui choisissent de rapatrier leurs activités se heurtent à des difficultés technologiques, économiques ou encore environnementales.Catherine Mercier-Suissa, MCF-HDR en sciences économiques, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3Manal El Bekkari, ATER en Stratégie, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2030652023-04-03T17:50:28Z2023-04-03T17:50:28ZChômage : un chiffre au plus bas mais qui masque le creusement des inégalités entre les territoires<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/518708/original/file-20230331-14-nkisrp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=52%2C14%2C1146%2C779&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les régions Grand-Est et Hauts-de-France continuent d’être les plus touchées par le chômage. (Ici, une façade d’usine désaffectée à Tourcoing, dans le Nord)
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/126603373@N08/15145965333">Jacques Caffin/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Au quatrième trimestre 2022, le marché de l’emploi affiche une santé éclatante malgré le contexte macroéconomique morose. Avec 2,2 millions de personnes au <a href="https://theconversation.com/fr/topics/chomage-20137">chômage</a> <a href="https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1129">au sens du Bureau international du Travail (BIT)</a>, le <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6799848">taux de chômage en France s’établit à 7,2 %</a> de la population active et le taux d’activité est à son plus haut niveau historique. </p>
<p>Cette bonne tenue du marché du travail est confirmée par les <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/services-conseils/la-difficulte-de-recrutement-devient-le-cauchemar-numero-un-des-entreprises-1881800">difficultés de recrutement des entreprises</a>, notamment dans la construction, le transport et certaines activités industrielles. Par ailleurs, les <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6959807?sommaire=6795771">taux de marge des entreprises sont à la hausse</a> et, en 2022, les entreprises du CAC 40 ont été particulièrement généreuses, distribuant un montant record de <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/les-geants-du-cac-40-ont-reverse-80-milliards-deuros-a-leurs-actionnaires-en-2022-1895330">56,5 milliards d’euros de dividendes</a> à leurs actionnaires.</p>
<p>Cette situation s’explique en grande partie par le fait que l’économie est sous perfusion avec, depuis la pandémie de Covid-19, les aides d’urgence (le « quoi qu’il en coûte »), le plan <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/03/09/la-cour-des-comptes-etrille-le-plan-de-relance-de-2020_6116812_823448.html">« France relance »</a>, le plan <a href="https://www.economie.gouv.fr/france-2030">« France 2030 »</a>, les nouvelles <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/couteuses-aides-publiques-aux-entreprises-efficaces/00105830">exonérations de cotisations sociales</a> ou encore la suppression de la <a href="https://entreprendre.service-public.fr/actualites/A16251">cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises</a> sur deux ans. Les mesures pour limiter les <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/bouclier-tarifaire-lelectricite-et-amortisseur-electricite">effets de la hausse des prix de l’énergie</a> sont récemment venues accroître les aides publiques aux entreprises.</p>
<p>Cette injection massive d’argent public dans l’économie sans contrepartie en matière d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/emploi-20395">emploi</a> ou d’investissement demeure préoccupante. Elle interroge quant à la capacité de résilience et de rebond de l’économie française. Se pose également la question de la <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/2023-ou-la-difficile-sortie-du-quoi-qu-il-en-coute-945347.html">durabilité de cette situation</a>, ce qui appelle à une réflexion approfondie sur les enjeux économiques actuels et futurs.</p>
<h2>Tout va-t-il si bien que cela ?</h2>
<p>La situation économique française est en réalité plus mitigée. Plusieurs indicateurs, tels que le <a href="https://theconversation.com/rsa-le-non-recours-a-lallocation-un-probleme-bien-plus-important-que-la-fraude-184061">taux de non-recours aux prestations sociales</a>, révèlent des points de vigilance. La hausse des prix de l’énergie et des produits alimentaires <a href="https://www.bfmtv.com/economie/economie-social/inflation-les-menages-ages-ruraux-et-modestes-subissent-davantage-la-hausse-des-prix_AV-202303150519.html">pèse aussi lourdement sur les ménages les plus en difficulté</a>.</p>
<p>Du côté de l’industrie, les signes d’inquiétude sont également présents, avec un indice PMI, mesurant le niveau d’activité des directeurs des achats, pour l’industrie manufacturière en zone euro <a href="https://investir.lesechos.fr/marches-indices/economie-politique/europepmi-la-crise-dans-lindustrie-saccentue-1874932">au plus bas depuis 29 mois</a>. La production automobile, la cokéfaction et le raffinage, les industries extractives et le secteur de l’eau et de l’assainissement sont tous touchés.</p>
<p>La compétitivité extérieure française risque aussi de reculer davantage en raison de l’escalade de la guerre en Ukraine, qui pourrait entraîner une hausse des coûts de production des entreprises. Les contraintes d’approvisionnement et la <a href="https://theconversation.com/la-hausse-des-taux-dinteret-va-t-elle-deboucher-sur-une-nouvelle-crise-de-la-zone-euro-185872">hausse des taux d’intérêt</a> sont d’autres facteurs qui pèsent sur l’économie française. Enfin, la <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/biens-d-equipement-btp-immobilier/logements-neufs-chute-des-permis-de-construire-au-quatrieme-trimestre-apres-une-hausse-en-trompe-l-oeil-cet-ete-949603.html">chute du nombre de permis de construire</a> observée par la Fédération française du bâtiment annonce une possible baisse de l’activité des entreprises de la construction à moyen terme.</p>
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<p>Cette combinaison d’un taux de chômage à son plus bas niveau depuis 2008 et d’importantes difficultés macro-économiques est suffisamment exceptionnelle pour inquiéter les prévisionnistes. La Banque de France souligne par exemple que, même si la croissance du PIB français devrait atteindre <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/conjoncture/la-banque-de-france-plus-optimiste-pour-leconomie-francaise-en-2023-1917310">0,6 % en 2023</a>, elle reste inférieure à celle de la moyenne des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui atteint 0,7 %.</p>
<p>Enfin, les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inegalites-20617">inégalités</a> ne diminuent toujours pas. La situation des plus âgés s’améliore avec la <a href="https://www.ladepeche.fr/2022/09/20/revalorisation-du-minimum-vieillesse-quelle-somme-touchent-desormais-les-beneficiaires-10556090.php">hausse des montants du minimum vieillesse</a> ou de <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/l-allocation-aux-adultes-handicapes-aah-sera-deconjugalisee-au-1er-octobre-2023-946110.html">l’allocation adulte handicapé</a> tandis que le projet de réforme des retraites pourrait <a href="https://www.inegalites.fr/Retraites-le-projet-de-reforme-est-il-injuste">pénaliser les femmes</a> et que la situation des jeunes <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/sous-les-radars/precarite-etudiante-une-jeunesse-a-l-abandon-1695365">se détériore</a> (emplois précaires, bas salaires, taux de chômage supérieur à la moyenne).</p>
<p>À ces inégalités sociales s’ajoutent des inégalités territoriales.</p>
<h2>Des territoires laissés pour compte</h2>
<p>Déjà affaiblis par le recul tendanciel de l’industrie, la mise à l’arrêt de l’économie liée au Covid-19, les tensions sur les prix résultant de la reprise d’abord et de la guerre en Ukraine ensuite, nombre de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/territoires-33611">territoires</a> se trouvent aujourd’hui exposés à un fort risque économique.</p>
<p>L’évolution de l’emploi salarié privé, total et dans l’industrie (voir cartes ci-dessous) à l’échelle des zones d’emploi, reflète le maintien, voire l’aggravation, des disparités entre « la diagonale aride » et les façades maritimes. Pour rappel, une zone d’emploi désigne un ensemble de communes dans lequel la plupart des actifs résident et travaillent, et où les établissements peuvent trouver l’essentiel de leur main-d’œuvre. Le découpage réalisé par L’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) en 2020 identifie 305 zones d’emploi. Elle est considérée comme la maille spatiale la plus adaptée à l’étude des économies locales.</p>
<p><strong>Variation de l’emploi salarié privé entre 2009 et 2019</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/518704/original/file-20230331-22-nkisrp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/518704/original/file-20230331-22-nkisrp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518704/original/file-20230331-22-nkisrp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=554&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518704/original/file-20230331-22-nkisrp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=554&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518704/original/file-20230331-22-nkisrp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=554&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518704/original/file-20230331-22-nkisrp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=697&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518704/original/file-20230331-22-nkisrp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=697&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518704/original/file-20230331-22-nkisrp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=697&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Insee CLAP -- Calculs et cartographie : EconomiX</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p><strong>Variation de l’emploi salarié privé dans l’industrie entre 2009 et 2019</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/518705/original/file-20230331-14-ap08pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/518705/original/file-20230331-14-ap08pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518705/original/file-20230331-14-ap08pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=594&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518705/original/file-20230331-14-ap08pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=594&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518705/original/file-20230331-14-ap08pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=594&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518705/original/file-20230331-14-ap08pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=746&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518705/original/file-20230331-14-ap08pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=746&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518705/original/file-20230331-14-ap08pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=746&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Insee CLAP -- Calculs et cartographie : EconomiX</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’étude de ces zones d’emploi montre que les régions de grandes industries traditionnelles (Grand-Est, Hauts-de-France, Seine-Aval et Centre), déjà sévèrement touchées par le phénomène de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/desindustrialisation-36070">désindustrialisation</a> avant la crise sanitaire, pourraient l’être davantage. Mais c’est aussi le cas de territoires jusqu’alors relativement épargnés, comme le <a href="https://www.altares.com/fr/2023/03/06/defaillances-d-entreprises-en-pays-de-la-loire/">Val de Loire</a> ou la <a href="https://www.altares.com/fr/2023/02/23/defaillances-entreprises-2022-bretagne/">Bretagne</a> qui ont connu l’an dernier une forte hausse du nombre de faillites d’entreprises.</p>
<p>Les amortisseurs traditionnels, emplois publics et économie résidentielle notamment, ne semblent plus jouer leur rôle, alors que les vecteurs économiques de résilience (spécialisation industrielle, effets d’agglomération, services à forte intensité en connaissance) voient leur impact limité aux seuls territoires métropolitains. Cette dynamique concerne aussi l’industrie. Entre 2016 et 2019, <a href="https://theconversation.com/les-villes-premiers-moteurs-de-la-reindustrialisation-en-france-187167">60 % des emplois industriels ont été créés dans les métropoles et leurs aires d’attraction</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1568121431929634817"}"></div></p>
<p>Pour autant, <a href="https://www.pressesdesmines.com/produit/letonnante-disparite-des-territoires-industriels/">toutes les métropoles ne se portent pas bien</a>. Si Rennes, Nantes et Bordeaux connaissent un taux de croissance de l’emploi positif, nombreuses sont celles qui présentent aussi des difficultés (Grenoble et Saint-Étienne par exemple). La situation des métropoles centres peut, en outre, co-évoluer de différentes manières avec celle des zones d’emploi mitoyennes. Sur la figure ci-dessous, on voit ainsi que certaines métropoles affichent une dynamique de l’emploi (variation résiduelle de l’emploi dans les ZE métropolitaines) similaire à celle de leur périphérie (variation résiduelle de l’emploi dans les ZE adjacentes). Cette coévolution peut être positive comme dans les trois métropoles de l’Ouest ou négative comme à Metz, Clermont-Ferrand ou Nancy. Les évolutions peuvent aussi être opposées comme à Marseille où des emplois sont créés au centre mais détruits en périphérie alors que l’inverse se produit à Strasbourg ou Brest. Cette variété des situations remet largement en cause les politiques centrées sur les seules métropoles au profit de démarches mieux ancrées territorialement.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/518707/original/file-20230331-14-1lbwgo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/518707/original/file-20230331-14-1lbwgo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518707/original/file-20230331-14-1lbwgo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518707/original/file-20230331-14-1lbwgo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518707/original/file-20230331-14-1lbwgo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518707/original/file-20230331-14-1lbwgo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=407&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518707/original/file-20230331-14-1lbwgo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=407&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518707/original/file-20230331-14-1lbwgo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=407&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Effet local dans les zones d’emploi métropolitaines et les zones d’emploi mitoyennes. Note : L’effet résiduel est égal à la variation de l’emploi observée dans une zone d’emploi (ZE) moins la variation de l’emploi dans chaque secteur si tous se comportaient identiquement à la tendance nationale. Lecture : La variation résiduelle de l’emploi de la métropole lyonnaise est de +3,2 % alors qu’elle est légèrement négative (-0,4 %) dans les zones d’emploi contiguës.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un avenir moins radieux est plausible</h2>
<p>Alors que les annonces du gouvernement et les réformes à l’œuvre (chômage, retraites) reposent sur l’hypothèse d’une reprise économique et d’une croissance retrouvée, un autre avenir, moins radieux à moyen – long terme, semble plausible. Des signaux, encore faibles, montrent un risque de superposition de chocs locaux d’ampleur inégale qui creuseraient les disparités entre les territoires.</p>
<p>Or, dans un contexte fortement inflationniste, la plupart des collectivités locales verront leur dotation globale de fonctionnement (DGF) seulement maintenue. On peut donc s’interroger sur l’avenir de l’offre de services publics locaux indispensables à la transition écologique, à la cohésion sociale et à l’égalité des territoires, au premier rang desquels les <a href="https://hal.science/hal-02489699">transports collectifs urbains</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203065/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nadine Levratto a reçu des financements de l'Institut pour la Recherche de la Caisse des Dépôts et du réseau Finances Locales. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Philippe Poinsot a reçu des financements du réseau Finances Locales. </span></em></p>Les chocs successifs ont aggravé les difficultés dans les zones d’emploi les plus touchées historiquement par la désindustrialisation.Nadine Levratto, Directrice de Recherche au CNRS, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresPhilippe Poinsot, Maître de conférences, Université Gustave EiffelLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1998362023-02-27T18:12:24Z2023-02-27T18:12:24ZComment la robotique change le monde : des usines aux maisons, et jusqu'à nos corps<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/510594/original/file-20230216-20-vh7ix5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C2%2C1911%2C1074&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Depuis les années 50, les robots se rapprochent de nous. La cohabitation va-elle se changer en « incarnation » ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/arselectronica/9499991149/">Louis-Philippe Demers, via ARS Electronica on Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Notre société change. De plus en plus, nous accueillons une nouvelle espèce parmi nous. Les robots.</p>
<p>Développer des interactions entre humains et robots n’est pas seulement un défi robotique mais aussi un défi pour comprendre les humains et la société humaine : comment les humains <a href="https://theconversation.com/fr/topics/robots-22774">perçoivent les robots</a>, communiquent avec eux, se comportent autour d’eux et les acceptent (ou non). Cela devient d’autant plus important avec l’arrivée de la quatrième génération de robots, qui s’intègrent directement au corps humain.</p>
<p>Nous travaillons à mieux comprendre ce qu’on appelle « l’incarnation » de ces dispositifs : en effet, à mesure que ces robots en viennent à « ne faire qu’un » avec nous, ils modifient nos comportements et notre cerveau.</p>
<h2>La première génération d’interactions humain-robot, pour l’industrie</h2>
<p>Ce « voyage dans le temps » des robots, passés du statut de machines dangereuses à celui de partie intégrante de la société humaine, dure depuis plus de quarante ans.</p>
<p>Les robots sont très variés, de par leurs tailles (<a href="https://www.mdpi.com/2072-666X/12/10/1249">micrométriques</a> voire nanométriques d’un côté, mais de taille humaine ou plus de l’autre), leurs manières de bouger et leurs fonctionnalités (industrielles, spatiales, de défense par exemple). Ici, je ne me concentre pas sur les robots eux-mêmes, mais sur les interactions entre humains et robots qui, selon moi, se sont développées sur quatre générations.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/510588/original/file-20230216-20-jw9424.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Schéma des quatre générations d’interactions" src="https://images.theconversation.com/files/510588/original/file-20230216-20-jw9424.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510588/original/file-20230216-20-jw9424.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=213&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510588/original/file-20230216-20-jw9424.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=213&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510588/original/file-20230216-20-jw9424.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=213&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510588/original/file-20230216-20-jw9424.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=268&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510588/original/file-20230216-20-jw9424.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=268&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510588/original/file-20230216-20-jw9424.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=268&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Ma vision personnelle de l’évolution de nos interactions avec les robots depuis les années 50.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ganesh Gowrishankar</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Les interactions entre humains et robots à grande échelle ont commencé avec l’arrivée des robots industriels, dont le <a href="https://www.wevolver.com/article/a-history-of-industrial-robots">premier a été introduit par General Motors en 1961</a>. Ceux-ci se sont lentement répandus et au début des années 1980, les robots industriels étaient présents aux États-Unis, en Europe et au Japon.</p>
<p>Ces robots industriels ont permis d'observer la première génération d’interactions humain-robot : ils opèrent généralement dans des zones délimitées, pour s’assurer que les humains ne s’approchent pas d’eux, même par erreur.</p>
<p>Les robots industriels, qui ont d’abord été popularisés par les tâches d’assemblage automobile, sont maintenant utilisés pour diverses tâches, telles que le soudage, la peinture, l’assemblage, le démontage, le <em>pick and place</em> pour les cartes de circuits imprimés, l’emballage et l’étiquetage.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="chaine d’assemblage de voitures" src="https://images.theconversation.com/files/510589/original/file-20230216-24-hchnp9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510589/original/file-20230216-24-hchnp9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510589/original/file-20230216-24-hchnp9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510589/original/file-20230216-24-hchnp9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510589/original/file-20230216-24-hchnp9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510589/original/file-20230216-24-hchnp9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510589/original/file-20230216-24-hchnp9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Robots dans une usine d’assemblage de voitures. A noter que des garde-corps sur le côté délimitent clairement l’espace de travail du robot de celui des humains.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/spenceyc/7481166880/in/photolist-cp5WgS-atAnS1-9M2QU4-bVaCi8-xYwe2S-2dcPMU9-2i8ppnS-NVpLG4-22gw4-2eefCss-aRbmaF-2cV1Zdn-2eeejYS-kM5GZv-QEFhVF-XXf1Ss-SaHBx5-2dcPL19-2cV3sxR-6RQnJA-2cUZCjv-2eiTb34-e8g9Zd-2eiU3ma-2cV1Wai-2cV1YMc-SaJACh-2dcPQzE-2eeft7y-bnAgEA-SaHzLE-QxxJRX-2eefgto-QxxKkH-SaHuFj-2cV1VEa-2eefhXq-QxxSPk-QxxMQT-2cV1Jdc-2eeffSJ-2dcPHjY-2cV1J1D-2eefgiJ-2dcPJ3G-SaJBaQ-2eefg4A-2cV1HKD-2eeffEj-9dsPvL/">Spencer Cooper/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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</figure>
<h2>Travailler côte à côte</h2>
<p>La recherche en robotique de cette période s’est concentrée sur le rapprochement des robots avec les humains, ce qui a donné lieu à une deuxième génération d’interactions humain-robot, matérialisée pour le grand public au début des années 2000, lorsque des machines, comme le <a href="https://www.irobot.fr/fr_FR/roomba.html">Roomba</a> et <a href="https://us.aibo.com/">l’Aibo</a>, ont commencé à entrer dans nos maisons.</p>
<p>Ces robots de deuxième génération travaillent à proximité des humains dans nos maisons et nos bureaux pour des « applications de service », telles que le nettoyage des sols, la tonte des pelouses et le nettoyage des piscines – un <a href="https://ifr.org/ifr-press-releases/news/31-million-robots-helping-in-households-worldwide-by-2019">marché d’environ 13 milliards de dollars US en 2019</a>. En 2009, il y avait environ 1,3 million de robots de service dans le monde ; un nombre qui avait augmenté en 2020 à environ 32 millions.</p>
<p>Toutefois, bien que ces robots opèrent dans un environnement plus humain que les robots industriels, ils interagissent toujours de manière assez minimale et basique. La plupart de leurs tâches quotidiennes sont des tâches indépendantes, qui nécessitent peu d’interaction. En fait, ils essaient même souvent d’<a href="https://www.mdpi.com/1424-8220/21/23/7898">éviter les interactions avec les humains</a> – ce qui n’est pas toujours aisé.</p>
<h2>Interagir avec les humains</h2>
<p>La relation entre humains et robots évolue désormais progressivement vers la troisième génération d’interactions. Les robots de la troisième génération ont la capacité d’interagir cognitivement ou socialement comme les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2352250X2030004X">robots dits « sociaux »</a>, mais aussi physiquement comme les <a href="https://jneuroengrehab.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12984-021-00815-5">exosquelettes</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="un robot de rééducation" src="https://images.theconversation.com/files/510590/original/file-20230216-28-ind8te.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510590/original/file-20230216-28-ind8te.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510590/original/file-20230216-28-ind8te.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510590/original/file-20230216-28-ind8te.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510590/original/file-20230216-28-ind8te.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510590/original/file-20230216-28-ind8te.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510590/original/file-20230216-28-ind8te.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Lokomat est un robot qui peut s’attacher physiquement aux humains et peut fournir une assistance physique pendant la rééducation.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/fondazionesantalucia/32523243650">Fondazione Santa Lucia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>Des robots capables d’assistance physique, qui pourraient être utilisés pour la rééducation et les soins aux personnes âgées, l’assistance sociale et la sécurité, ont par ailleurs été clairement identifiés comme prioritaires par les gouvernements en <a href="https://www.eurobotics.net/eurobotics/about/downloads/index.html">Europe</a>, <a href="http://robotics-vo.us/">aux Etats-Unis</a> ainsi qu'au <a href="http://www.meti.go.jp/english/press/2015/pdf/0123_01b.pdf">Japon</a> dès le milieu des années 2010. </p>
<p>Une façon notamment de répondre au <a href="https://academic.oup.com/gerontologist/article/51/4/425/599276">problème du vieillissement des populations dans ces pays développés</a>.</p>
<h2>Contester la définition du corps humain</h2>
<p>Nous voyons désormais lentement l’émergence d’une quatrième génération d’interactions humain-robot, dans laquelle les robots ne sont pas seulement physiquement proches des humains, mais bien connectés au corps humain lui-même. Les robots deviennent des extensions du corps humain.</p>
<p>C’est le cas des dispositifs d’augmentation fonctionnelle -tels que des membres robotiques surnuméraires- ou encore des dispositifs de remplacement fonctionnels tels que les avatars de robots (qui permettent à l'homme d'utiliser un corps de robot pour lui faire réaliser des tâches précises). D'autres dispositifs peuvent également fournir une perception sensorielle supplémentaire aux humains.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="photo de main avec le 6ᵉ doigt accroché" src="https://images.theconversation.com/files/510592/original/file-20230216-20-qe6kn7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510592/original/file-20230216-20-qe6kn7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510592/original/file-20230216-20-qe6kn7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510592/original/file-20230216-20-qe6kn7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510592/original/file-20230216-20-qe6kn7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510592/original/file-20230216-20-qe6kn7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510592/original/file-20230216-20-qe6kn7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un sixième doigt robotique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.youtube.com/watch?v=4-N2lvbvJLM">Yoichi Miyawaki/Sixth finger Project</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les interactions de quatrième génération sont fondamentalement différentes des autres générations en raison d’un facteur crucial : avant cette génération, l’humain et le robot sont clairement définis dans toutes leurs interactions par les limites physiques de leurs corps respectifs, mais cette frontière devient floue dans les interactions de quatrième génération, où les robots modifient et étendent le corps humain en termes de capacités motrices et sensorielles.</p>
<p>En particulier, les interactions de la quatrième génération devraient interférer avec ces « représentations corporelles ». On sait qu’il existe des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0168010215002655">représentations spécifiques de notre corps dans notre cerveau</a> qui définissent la façon dont notre cerveau reconnaît notre corps. Ces représentations <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2018.00535/full">déterminent notre cognition et nos comportements</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-se-construisent-les-representations-mentales-de-notre-corps-128871">Comment se construisent les représentations mentales de notre corps ?</a>
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<p>Par exemple, imaginez que vous faites vos courses dans une allée d’épicerie bondée. Pendant que vous atteignez des articles avec votre main droite, vous êtes capable, très implicitement et sans même vous en rendre compte d’éviter la collision de votre bras gauche avec les autres acheteurs. </p>
<p>Ceci est possible car votre cerveau a une représentation de la taille, de la forme de vos membres et est conscient et surveille chacun de vos membres. Si vous tenez un panier dans votre bras (ce qui change la taille et la forme du « bras »), vous aurez plus de difficultés à éviter instinctivement les collisions, et devrez faire un effort conscient pour que le panier ne heurte rien dans votre entourage proche.</p>
<p>De la même manière, notre cerveau peut-il s’adapter à un membre surnuméraire, ou autre addition robotique de quatrième génération, et mettre à jour ses représentations corporelles ? C’est ce que l’on appelle l’<a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0168010215002655">« incarnation »</a> en neurosciences.</p>
<p>Si l’incarnation de ces dispositifs peut se produire, à quelle vitesse cela se produit-il ? Quelles sont les limites de cette incarnation ? Comment cela affecte-t-il notre comportement et le cerveau lui-même ?</p>
<p>Les interactions humain-robot de quatrième génération ne remettent pas seulement en question l’acceptation de la machine par le cerveau de l’utilisateur, mais aussi l’acceptation de l’utilisateur dans la société : on ne sait toujours pas si notre société acceptera, par exemple des individus avec des bras robotiques supplémentaires. Cela dépendra certainement d’aspects culturels que nous essayons également d'analyser.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-prenons-nous-parfois-les-robots-pour-des-humains-188935">Pourquoi prenons-nous parfois les robots pour des humains ?</a>
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<p>En réalité, les robots de troisième et quatrième génération sont si proches des humains que nous devons mieux comprendre les comportements humains et notre cerveau pour les développer. </p>
<p>Dans nos travaux, nous combinons donc la recherche en robotique avec les neurosciences cognitives, motrices et sociales, pour développer ce que nous croyons être la <a href="https://www.lirmm.fr/ganesh-gowrishankar/">science des interactions humain-machine</a>. </p>
<p>C'est seulement grâce à une compréhension holistique des individus humains, des machines qui interagissent avec eux et de la société dans laquelle ils vivent, que nous pourrons développer les futures générations de robots. Et, dans un sens, la société du futur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199836/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ganesh Gowrishankar a reçu un financement de la Japan Science and Technology Agency (JST, Japan), Agence nationale de la recherche (ANR, France), l'lndo-French Center for the Promotion of Advanced Research ( IFCPAR/CEFIPRA) et l'Union européenne. Ganesh tient à remercier mes collaborateurs et étudiants impliqués dans nos projets en France, au Japon et en Inde.</span></em></p>Depuis les années 50, les robots se rapprochent de nous, jusqu’à, peut-être, ne faire qu’un avec nous. Vision d’un expert roboticien.Ganesh Gowrishankar, Chercheur au Laboratoire d'Informatique, de Robotique et de Microelectronique de Montpellier, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1978152023-02-13T20:37:28Z2023-02-13T20:37:28ZComment les villes peuvent faire face au risque d’inondations, l’exemple de Grenoble<p>En France métropolitaine, <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/prevention-des-risques-naturels">deux tiers des 36 000 communes sont exposées à une menace naturelle</a>. Une personne sur quatre et un emploi sur trois sont potentiellement menacés par le risque inondation, dont les conséquences humaines et économiques en font le <a href="https://theconversation.com/face-aux-inondations-la-tres-urbanisee-ile-de-france-en-premiere-ligne-60341">risque majeur au niveau national</a>. Dans ce contexte, le risque historiquement existant, couplé au changement climatique en cours, conduit à se questionner sur les efforts d’atténuation mais aussi d’adaptation des territoires.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/507924/original/file-20230202-10513-pj5mdx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/507924/original/file-20230202-10513-pj5mdx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=360&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/507924/original/file-20230202-10513-pj5mdx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=360&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/507924/original/file-20230202-10513-pj5mdx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=360&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/507924/original/file-20230202-10513-pj5mdx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=452&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/507924/original/file-20230202-10513-pj5mdx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=452&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/507924/original/file-20230202-10513-pj5mdx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=452&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Cartographie des territoires à risque important d’inondations en France.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Deuxième cycle de la directive inondation</span></span>
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<p>Nous avons mené dans ce contexte deux thèses jumelles, l’une en hydroclimatologie et l’autre en économie sur le cas des <a href="https://theconversation.com/comment-la-gestion-des-risques-lies-aux-inondations-a-evolue-en-france-49243">inondations</a> dans la métropole de Grenoble (Université Grenoble Alpes, IGE/PACTE). La <a href="https://www.theses.fr/2022GRALU014">première</a> s’intéresse à l’évolution des précipitations extrêmes dans les Alpes du Nord françaises depuis 1950 et à l’horizon 2100. <a href="http://www.theses.fr/s237057">La seconde</a> étudie les enjeux de l’adaptation au changement climatique d’un territoire à forte présence industrielle.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505357/original/file-20230119-25-kb1s64.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505357/original/file-20230119-25-kb1s64.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505357/original/file-20230119-25-kb1s64.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=309&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505357/original/file-20230119-25-kb1s64.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=309&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505357/original/file-20230119-25-kb1s64.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=309&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505357/original/file-20230119-25-kb1s64.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=388&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505357/original/file-20230119-25-kb1s64.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=388&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505357/original/file-20230119-25-kb1s64.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=388&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="source">Extrait de la BD « Réveil climatique »</span></span>
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<h2>Deux rivières majeures</h2>
<p>La plaine de Grenoble est associée à un <a href="https://www.fetedelascience.fr/sites/default/files/2022-11/Eureka_Reveil%20climatique_version_web.pdf">risque d’inondation singulier</a> : elle est traversée par deux rivières majeures – l’Isère et le Drac – drainant toutes deux une large région des Alpes du Nord françaises, et compte une centaine de torrents descendant des massifs du Vercors, de la Chartreuse et de Belledonne.</p>
<p>Au long de son <a href="https://theconversation.com/une-plongee-pleine-denseignement-dans-deux-si%C3%A8cles-dinondations-60389">histoire</a>, cette plaine a connu plusieurs événements dévastateurs. L’enjeu des inondations a constitué une variable déterminante dans les choix d’aménagements de l’époque et dans la façon dont la plaine s’est urbanisée. Depuis le milieu du XIX<sup>e</sup> siècle, aucune crue de rivière d’ampleur exceptionnelle ne s’est produite. En parallèle, des travaux majeurs d’endiguement, de busage et de sécurisation ont été menés (160 km de digues aujourd’hui). Le danger présent est ainsi celui d’un effacement, au fil des années, de la culture et de la mémoire du risque. </p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505358/original/file-20230119-20-qfw045.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505358/original/file-20230119-20-qfw045.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505358/original/file-20230119-20-qfw045.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=504&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505358/original/file-20230119-20-qfw045.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=504&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505358/original/file-20230119-20-qfw045.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=504&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505358/original/file-20230119-20-qfw045.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=634&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505358/original/file-20230119-20-qfw045.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=634&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505358/original/file-20230119-20-qfw045.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=634&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="source">Extrait de la BD « Réveil climatique »</span></span>
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<p>Si l’évolution en cours des températures est bien perçue et connue des acteurs du territoire, les tendances sur les précipitations extrêmes et les crues dans le contexte du changement climatique sont beaucoup plus incertaines, en particulier dans les Alpes du Nord françaises qui se situent au carrefour des influences climatiques atlantiques et méditerranéennes. </p>
<hr>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Pour suivre au plus près les questions environnementales, retrouvez chaque jeudi notre newsletter thématique « Ici la Terre ». Au programme, un mini-dossier, une sélection de nos articles les plus récents, des extraits d’ouvrages et des contenus en provenance de notre réseau international. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-environnement-150/">Abonnez-vous dès aujourd’hui</a>.</em></p>
<hr>
<h2>Précipitations extrêmes et pluies extrêmes</h2>
<p>Nos travaux ont mis en évidence une augmentation des précipitations extrêmes (pluie et neige) depuis 1950 sur les bassins versants du Drac à Grenoble et sur le bassin de l’Arc (vallée de la Maurienne). Sur ces régions, pour lesquelles les extrêmes proviennent principalement des masses d’air en provenance de la Méditerranée, le niveau de précipitation qui survenait en moyenne une fois tous les dix ans en 1950 est désormais atteint en moyenne une fois tous les trois ans aujourd’hui. </p>
<p>Même si de telles hausses ne semblent pas être observées plus au nord des Alpes, l’élévation en altitude de la limite entre pluie et neige contribue à la progression des pluies extrêmes. Le niveau de pluie qui arrivait en moyenne une fois tous les dix ans en 1950 est atteint en moyenne une fois tous les trois ans aujourd’hui sur le bassin versant de l’Isère à Grenoble au printemps. Ainsi, l’Isère à Grenoble a connu plusieurs crues décennales au printemps ces 20 dernières années en 2001, 2010 et 2015.</p>
<p>Nous avons aussi étudié les torrents de l’agglomération grenobloise à partir d’une <a href="https://doi.org/10.3390/w14040548">base d’événements historiques</a> recensant les principaux épisodes de crue sur la Métropole depuis 1850. Nous observons une augmentation de la fréquence des crues torrentielles dommageables sur le territoire de l’agglomération. Tendance qui peut s’expliquer par plusieurs facteurs dont l’évolution du climat, mais aussi l’augmentation de l’exposition des actifs à la suite de l’urbanisation des versants et de la plaine, et la capacité grandissante à recenser les événements.</p>
<h2>L’économie du territoire en question</h2>
<p>Dans ce cadre, le futur économique du territoire devient questionné par trois dimensions : le changement climatique et ses effets locaux, le devenir de l’écosystème industriel local déjà présent, et ses perspectives de développement qui se traduisent via les stratégies locales (plan local d’urbanisme, schéma directeur de l’énergie, stratégie économique et attractivité, etc.).</p>
<p>La Métropole de Grenoble <a href="https://plateforme-iet.auvergnerhonealpes-entreprises.fr/informations-economiques/publications/schema-directeur-des-espaces-economiques-metropolitains-une-vision-strategique-a-10-ans-pour-accueillir-et-accompagner-les-entreprises">abrite 220 000 emplois et compte six filières industrielles</a> avec une forte présence de la microélectronique et de l’énergie. Dans un territoire où l’eau traverse tout l’espace métropolitain, l’adaptation de l’écosystème industriel requiert une approche systémique, au-delà des zones inondables, et explorant les interdépendances entre les acteurs économiques. </p>
<p>Cette approche spatiale se couple à un processus temporel de flexibilisation des politiques industrielles pour tenir compte des réalités géophysiques du territoire. <a href="https://www.isere.gouv.fr/Publications/Mises-a-disposition-Consultations-enquetes-publiques-concertations-prealables-declarations-de-projets/Consultation-du-public/Autres-consultations-du-public/Strategie-locale-de-gestion-des-risques-d-inondation-du-TRI-de-Grenoble-Voiron">50 % de la population et des emplois</a> du périmètre TRI Grenoble-Voiron seraient en effet exposés à un risque inondation.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505361/original/file-20230119-13-ofd5p5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505361/original/file-20230119-13-ofd5p5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505361/original/file-20230119-13-ofd5p5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=279&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505361/original/file-20230119-13-ofd5p5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=279&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505361/original/file-20230119-13-ofd5p5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=279&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505361/original/file-20230119-13-ofd5p5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=350&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505361/original/file-20230119-13-ofd5p5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=350&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505361/original/file-20230119-13-ofd5p5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=350&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les politiques flexibles pour une adaptation. Elles sont capables d’afficher des points d’inflexion vers des scénarios viables quand le risque devient inacceptable.</span>
<span class="attribution"><span class="source">link.springer.com/article/10.1007/s10584-012-0444-2</span></span>
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</figure>
<h2>Analyses à petite échelle</h2>
<p>Une adaptation viable et efficace suppose des interventions connectées avec les réalités du territoire. Pour ce faire, nous couplons la littérature scientifique et l’analyse du territoire à l’étude de « micro-scènes » présentant un enjeu d’inondation et la présence d’intérêts économiques et industriel. Nous nous sommes ainsi penchés sur trois micro-scènes afin de produire des conclusions susceptibles d’informer la décision locale : </p>
<ul>
<li><p>Le Verderet, un torrent anthropisé et busé en dessous de la ville de Grenoble, qui malgré une histoire riche de sécurisation, reste source d’aléas torrentiels avec des temps de réaction courts. </p></li>
<li><p>Athanor, une installation de traitement et d’incinération des déchets critique pour le quotidien du territoire, pour sa transition énergétique et exposée au risque de crues de l’Isère. </p></li>
<li><p>La Presqu’île scientifique : lieu de confluence de l’Isère et du Drac et pôle stratégique de concentration d’activités de recherches scientifiques, technologiques et des réseaux critiques.</p></li>
</ul>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505362/original/file-20230119-24-w9y9jg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505362/original/file-20230119-24-w9y9jg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505362/original/file-20230119-24-w9y9jg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=245&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505362/original/file-20230119-24-w9y9jg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=245&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505362/original/file-20230119-24-w9y9jg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=245&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505362/original/file-20230119-24-w9y9jg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=308&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505362/original/file-20230119-24-w9y9jg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=308&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505362/original/file-20230119-24-w9y9jg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=308&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Extrait de la BD et réseau hydrographique de la métropole de Grenoble (Source de la carte : GAM).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>L’étude des scènes montre des résultats diversifiés. Le cas du Verderet souligne la différence entre les enjeux hydrauliques liés aux grandes rivières (Isère et Drac) et ceux liés aux torrents : malgré une trajectoire « grise » de sécurisation, le risque reste présent et appelle à considérer des solutions adaptatives et non uniquement curatives. </p>
<p>La scène d’Athanor montre le niveau d’interdépendance entre les installations stratégiques et les ambitions du territoire conduisant à des immobilités critiques au niveau spatial. </p>
<p>Enfin, la Presqu’île invite à reconsidérer les priorités de la zone entre le besoin de se développer économiquement, et celui de réduire la vulnérabilité au risque.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/505363/original/file-20230119-25-rstks0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505363/original/file-20230119-25-rstks0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505363/original/file-20230119-25-rstks0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=121&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505363/original/file-20230119-25-rstks0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=121&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505363/original/file-20230119-25-rstks0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=121&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505363/original/file-20230119-25-rstks0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=152&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505363/original/file-20230119-25-rstks0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=152&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505363/original/file-20230119-25-rstks0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=152&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Extrait de la BD « Réveil climatique »</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505364/original/file-20230119-15-r25b8l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505364/original/file-20230119-15-r25b8l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505364/original/file-20230119-15-r25b8l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505364/original/file-20230119-15-r25b8l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505364/original/file-20230119-15-r25b8l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=541&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505364/original/file-20230119-15-r25b8l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=541&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505364/original/file-20230119-15-r25b8l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=541&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Extrait de la BD « Réveil climatique »</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les enseignements de ces micro-scènes et les tendances climatiques observées sont utiles pour construire des stratégies d’adaptation viables et durables sur le territoire de la Métropole de Grenoble.</p>
<hr>
<p><em>Antoine Blanc, auteur de la thèse en hydroclimatologie, a contribué à la rédaction de cet article. Le livre « Réveil climatique » est <a href="https://www.fetedelascience.fr/sciences-en-bulles-reveil-climatique">disponible gratuitement</a> en ligne.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197815/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>La thèse en sciences économiques fait partie du projet climat-métro porté par l'Université Grenoble Alpes et Grenoble Alpes Métropole. Cette thèse est financée par la région AURA dans le cadre de l'IND-EX.
Cette thèse se déroule au laboratoire de sciences sociales PACTE et l'Institut des Géosciences de l'Environnement IGE de Grenoble.</span></em></p>Le risque d’inondations progresse dans la métropole de Grenoble avec le changement climatique. Un enjeu qui impose à la métropole d’adapter son économie, et notamment son industrie.Mohammed Kharbouche, Doctorant en économie au sein du laboratoire Pacte, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1976282023-01-16T18:14:47Z2023-01-16T18:14:47ZLa « désindustrialisation » française, une notion à relativiser<p>Le débat actuel sur l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/industrie-21143">industrie</a> est dominé par l’idée de réparation d’un passé qui a mal tourné : relocalisation, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reindustrialisation-86098">réindustrialisation</a>, retour au made in France ou au made in Europe. Ces termes sont ambigus. La relocalisation ne peut pas consister essentiellement à faire revenir en France ou en Europe des activités que nous aurions délocalisées en Chine ou ailleurs. Du reste, les délocalisations au sens strict du terme – je ferme une usine et je transfère son activité ailleurs – ont été peu nombreuses. Et elles pèsent peu dans le bilan des emplois perdus.</p>
<p>Ce qui s’est passé avec la mondialisation, c’est une réorganisation complexe des chaînes de valeur, où la part des activités effectuée en France par les firmes d’assemblage, leurs sous-traitants et leurs fournisseurs a baissé, plus ou moins fortement selon les cas, allant parfois à presque zéro, comme dans certains secteurs de la consommation grand public. (Le made in France, selon l’Insee, représente 81 % de la consommation totale des Français, mais seulement <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4166056">36 % de celle des biens manufacturés</a>).</p>
<p>Les grandes entreprises françaises ont joué activement ce jeu du déploiement international des chaînes de valeur, à la fois pour baisser les coûts et pour aller à la rencontre des marchés en croissance. Il y a, de ce fait, une économie française off-shore très importante. Les entreprises françaises emploient environ <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/conjoncture/les-grands-groupes-francais-investissent-massivement-a-letranger-1136416">six millions de personnes à l’étranger</a>, dont plus de la moitié dans les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/services-29744">services</a>. L’industrie allemande, située sur des créneaux à plus forte valeur ajoutée, a privilégié au contraire l’exportation à partir de son territoire. Elle est donc très vulnérable aux coûts de production sur ce territoire national, comme <a href="https://energynews.pro/la-vulnerabilite-allemande-au-gaz-russe/">on le voit aujourd’hui avec l’énergie</a>.</p>
<h2>Nouvelles articulations</h2>
<p>Il y a beaucoup à faire pour regagner des productions sur le sol national (et européen), notamment pour les biens de consommation courante. Mais l’enjeu n’est pas d’organiser le grand rapatriement des usines ayant migré à l’autre bout du monde. Il est de développer des activités nouvelles, de prendre ou de reprendre des positions stratégiques dans les chaînes de valeur, y compris dans les maillons logistiques (les ports notamment) et de réduire nos dépendances.</p>
<p>Pour cela, il faut comprendre avant tout la nouvelle géographie de la valeur et de l’indépendance, qui ne se superpose pas simplement à celle de la production physique. Il faut regarder l’avenir autrement que dans le rétroviseur. Ce qui émerge sous nos yeux, c’est bien sûr une conjoncture très différente (néoprotectionnisme, pandémie, Ukraine). Mais ce sont aussi de profondes transformations, beaucoup moins visibles, dans les manières de produire, en particulier sous l’effet de la révolution numérique.</p>
<p>Ce sont de nouvelles articulations entre techniques, organisations et imaginaires qui redéfinissent ce que nous pouvons appeler « industrie ». Il s’agit de comprendre ces nouvelles réalités, qui nous éloignent de plus en plus des imageries conventionnelles. […]</p>
<h2>Désindustrialisation ? Oui et non</h2>
<p>Notre pays, comme d’autres en Europe, s’est-il <a href="https://theconversation.com/fr/topics/desindustrialisation-36070">« désindustrialisé »</a> ? Bien entendu, il y a derrière ce terme une réalité, qui s’impose dans nos paysages – même si on remarque davantage les hauts fourneaux rouillés que les nouvelles activités, parfois très sophistiquées, qui se créent dans le secret de boîtes en aluminium banalisées aux abords de nos villes ou dans nos campagnes.</p>
<p>Dans les dernières décennies, notre pays a incontestablement perdu en substance industrielle, notamment dans les secteurs des biens de consommation courante (électroménager, électronique de loisir, jouets, habillement, etc.), qui sont aujourd’hui massivement importés, et qu’il serait évidemment plus écologique et parfois plus économique de réinscrire dans des chaînes plus courtes.</p>
<p>Envoyer le bois de nos forêts en Chine pour le faire revenir sous forme de meubles est absurde. On pourrait multiplier ce type d’exemples. Mais la ritournelle de la « désindustrialisation » doit être relativisée. La production industrielle réalisée sur le sol national a <a href="https://journals.openedition.org/rge/5187">plus que doublé en volume depuis les années 1970</a>, malgré un grand trou d’air après la crise financière.</p>
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<p>D’où viennent alors les baisses de l’emploi, qui sont massives et continues depuis les années 1950 ? La première explication est le changement de périmètre statistique qu’on vient d’évoquer, le passage des activités externalisées de la rubrique « industrie » à la rubrique « service ». Effet purement optique, donc.</p>
<p>La deuxième explication, la plus importante, et de loin, est celle des gains de productivité : grâce à la mécanisation et à l’automatisation, une heure de travail produit aujourd’hui quatre fois plus qu’il y a trente ans. En troisième lieu, les pertes de marchés expliquent une part de la baisse, mais sans doute guère plus de 20 %. Notons aussi que les objets manufacturés, en prix relatifs, sont de moins en moins chers par rapport aux services. Pensez à ce que vous obtenez pour 1 000 euros si vous achetez un bien industriel sophistiqué, une voiture ou un ordinateur, incorporant une extraordinaire quantité de travail et de savoir, et à ce que la même somme vous procure dans le domaine des services ou du bâtiment.</p>
<h2>2021, année faste</h2>
<p>L’emploi industriel, par ailleurs, ne diminue pas dans un mouvement continu et homogène, comme celui d’un glacier qui recule inexorablement. Il se renouvelle activement, même si on ne s’en rend pas compte. L’économiste Laurent Davezies a montré que, y compris dans la période la plus noire, celle de la décennie qui a suivi la crise financière de 2008-2009, de nombreux <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/l-etat-a-toujours-soutenu-ses-territoires-laurent-davezies/9782021451535">emplois industriels ont continué à être créés</a> dans un grand nombre de communes françaises.</p>
<p>De 2009 à 2019, 190 000 emplois salariés industriels privés ont été créés dans 6 400 communes. Après le coup d’arrêt du Covid, 2021 a été une <a href="https://trendeo.net/blog/les-donnees-trendeo-sur-lannee-2021-une-bonne-annee-malgre-de-fortes-interrogations-pour-la-suite/">année faste</a>, selon le cabinet Trendeo. Aujourd’hui, la grande hémorragie semble être endiguée.</p>
<p>Qu’en sera-t-il à l’avenir ? Quel sera l’effet de la guerre en Ukraine, de l’augmentation des prix de l’énergie, de la fragilisation des chaînes d’approvisionnement, du retour de l’inflation ? Il est trop tôt pour le dire. Ce qui est certain, en revanche, c’est que le grand retour des cols bleus imaginé par certains n’aura pas lieu. Les usines et les entrepôts seront de plus en plus automatisés, avec peu de personnel et des exigences de formation très fortement croissantes.</p>
<h2>Des frontières de plus en plus floues</h2>
<p>À terme, certains imaginent des « usines noires » qui fonctionneront en continu, de jour comme de nuit, sans éclairage et sans autres êtres vivants que les gardiens et leurs chiens. Les emplois continueront à être créés essentiellement dans les services : services aux entreprises et, surtout, comme c’est le cas aujourd’hui, services aux personnes, c’est-à-dire liés au soin, au vieillissement, au commerce et au e-commerce, à la sécurité, aux loisirs, etc.</p>
<p>C’est une situation paradoxale. D’un côté, on a mille fois raison de vouloir réancrer localement les activités de fabrication, pour de multiples motifs : impact écologique positif des circuits courts ; effet d’entraînement sur le reste des activités ; élévation des compétences dans les territoires ; dépendance moindre aux aléas des longues chaînes logistiques. D’un autre côté, il faut être conscient du fait que les impacts sur l’emploi seront surtout indirects et resteront limités.</p>
<p>La réalité est que les frontières entre le monde des services, celui des industries manufacturières et celui du numérique sont de plus en plus floues et poreuses. De nombreux services fonctionnent exactement comme des industries (télécommunications, énergie, services urbains). La production matérielle, de son côté, mobilise d’innombrables services (communication, informatique, maintenance technique, sans parler des services plus banals comme l’immobilier, le nettoyage, la restauration, etc.).</p>
<p>Lorsqu’on additionne ces activités qui constituent le « cœur productif » de l’économie (hors services aux personnes), on arrive ainsi à une part dans la production nationale qui se situe entre 30 et 40 % (je dois ce calcul à <a href="https://www.xerficanal.com/economie/emission/Olivier-Passet-Le-dynamisme-productif-francais-est-bien-meilleur-qu-on-ne-le-dit_2530.html">l’économiste Olivier Passet</a>), bien supérieure à celle qu’avancent en général les discours sur la désindustrialisation.</p>
<h2>De l’acier aux« solutions-acier »</h2>
<p>L’évolution la plus importante concerne ce qu’en novlangue managériale on appelle les « modèles d’affaire » ou « modèles économiques ». De même que les services s’industrialisent, l’industrie devient de plus en plus « servicielle ». Comme consommateurs, nous avons de plus en plus affaire à des mélanges de biens et de services, des services incluant des biens et réciproquement.</p>
<p>Les services accessibles par votre smartphone illustrent cette fusion. L’économiste Michèle Debonneuil a parlé de <a href="http://www.touteconomie.org/node/15723">secteur « quaternaire »</a>, combinant le secondaire et le tertiaire. Les industriels ne vendent plus des matériaux, des objets, des systèmes matériels. Ils vendent des fonctionnalités, des solutions, des performances, des expériences. La sidérurgie ne vend plus de l’acier, mais des « solutions-acier » plus ou moins spécifiques à tel ou tel usage.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/504009/original/file-20230111-15-6zrfrs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/504009/original/file-20230111-15-6zrfrs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/504009/original/file-20230111-15-6zrfrs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1122&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/504009/original/file-20230111-15-6zrfrs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1122&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/504009/original/file-20230111-15-6zrfrs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1122&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/504009/original/file-20230111-15-6zrfrs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1410&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/504009/original/file-20230111-15-6zrfrs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1410&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/504009/original/file-20230111-15-6zrfrs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1410&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/bifurcations/">Éditions de l’aube, octobre 2022</a></span>
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<p>Dans l’aviation, les motoristes vendent des heures de vol et la maintenance des réacteurs. Michelin facture des kilomètres de roulage pour les camions, des atterrissages pour les avions. Philips vend des lumens, des prestations d’éclairage garanties pour des commerces, des aéroports, et non plus (seulement) des ampoules. Ce schéma est courant depuis longtemps dans les secteurs professionnels (B to B : business to business). Or il est en train de se déployer lentement mais sûrement vers les secteurs du grand public.</p>
<p>Cette évolution n’en est qu’à ses débuts, mais elle va changer fondamentalement notre économie. On pourrait la résumer comme le basculement d’une économie des choses vers une économie des usages – se doublant souvent du passage d’une économie de la propriété à une économie de l’accès. Prenons l’exemple des déplacements. L’économie des transports a été longtemps centrée sur l’objet automobile et sur la propriété de cet objet, symbole de l’accès à la modernité. Elle se déplace aujourd’hui vers une économie de la mobilité. Ce qui compte pour vous ou moi est la facilité et la souplesse de déplacement, quel que soit le mode utilisé.</p>
<p>Déjà, les jeunes urbains possèdent de moins en moins de voitures, et la gamme des offres de services regroupées sous le terme « MaaS » (Mobility as a Service) s’étend. La vente des voitures plafonne, mais les services du type leasing de plus ou moins longue durée se développent rapidement. Certains prédisent qu’il pourrait être bientôt aussi démodé de posséder une voiture en ville que d’y entretenir son cheval !</p>
<p>Cette économie de la mobilité, on le voit, s’inscrit dans un univers plus complexe que celui de la fabrication des voitures. Une complexité de nature différente, surtout. En effet, s’il est incroyablement difficile de fabriquer en masse un objet aussi compliqué qu’une voiture, le nouveau défi pour les industriels est très différent : il est de s’intégrer dans une économie de la ville et des territoires, c’est-à-dire d’affronter la complexité de la société, loin du monde fermé et maîtrisé de l’usine.</p>
<p>Pour l’ensemble des acteurs, l’enjeu est de passer des oppositions rigides entre transports collectifs, modes doux et automobilité à une vision nouvelle où la voiture devient une variante du transport collectif, grâce au partage et à la mutualisation des usages (autopartage, covoiturage). […]</p>
<p>Ce basculement vers des modèles serviciels est-il bon pour l’écologie ? A priori, oui, puisque si je vends un service appuyé sur un objet, mon intérêt est que cet objet soit le plus durable possible. Si je vends des kilomètres de roulage, j’ai intérêt à ce que mes pneus durent. Tout un courant de réflexion s’est développé autour de cette idée, sous le nom d’« économie des fonctionnalités ». C’est une voie de progrès intéressante. Mais l’expérience montre qu’elle ne constitue pas une solution miracle.</p>
<hr>
<p><em>Ce texte est extrait du livre <a href="https://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/bifurcations/">« Bifurcations : réinventer la société industrielle par l’écologie ? »</a> de Pierre Veltz, publié aux Éditions de l’aube en octobre 2022. Les intertitres ont été ajoutés par la rédaction</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197628/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Veltz ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les mutations du système de production brouillent les frontières entre services et industrie, dont les entreprises continuent d’occuper une place essentielle dans l’économie française.Pierre Veltz, Professeur émérite, École des Ponts ParisTech (ENPC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1971662023-01-11T17:39:07Z2023-01-11T17:39:07ZMétaux rares : comment impliquer les consommateurs face aux enjeux actuels ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/502948/original/file-20230103-3468-1356bj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=55%2C0%2C1126%2C697&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'exploitation des métaux indispensables notamment à la fabrication de nos produits électroniques produit un impact important sur l'environnement, l'atmosphère, les sols et les eaux.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/l-exploitation-minière-à-ciel-ouvert-1327116/">NoName_13/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les métaux rares ont pris une place importante dans les sociétés occidentales et sont présents dans une <a href="https://theconversation.com/au-pays-des-puces-electroniques-linnovation-et-les-ressources-coutent-tres-cher-191977">majorité de produits</a> utilisés quotidiennement : ordinateurs portables, smartphones, ampoules à LED, panneaux photovoltaïques, batteries pour véhicules électriques, etc. L’Union européenne (UE), consciente de sa dépendance envers les principaux pays producteurs de ces métaux notamment révélée par la crise du Covid-19 et la guerre en Ukraine, a fait le choix de relocaliser l’extraction de certains métaux sur son territoire, avec l’ouverture de nouvelles mines.</p>
<p>En 2022, par exemple, la société Imerys projette de créer une <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/energie/mines-de-lithium-en-france-des-projets-mais-encore-beaucoup-d-interrogations_5546643.html">mine française</a> de lithium. En effet, la Russie reste l’un des principaux exportateurs de <a href="http://theconversation.com/war-in-ukraine-could-cut-global-supply-of-essential-elements-for-making-green-technology-179138">palladium et de platine</a>, tandis que l’Ukraine produit, quant à elle, une grande partie du <a href="https://theconversation.com/relocaliser-lextraction-des-ressources-minerales-en-europe-les-defis-du-lithium-138581">lithium</a> exporté en France.</p>
<p>Face à cette situation, les entreprises tentent également de s’adapter, et notamment le secteur automobile qui connaît une crise s’agissant de l’approvisionnement en semi-conducteurs. Certains constructeurs soulignent l’importance d’en relocaliser la production en Europe. Renault entend désormais entretenir une relation très étroite avec le fournisseur de puces français STMicroelectronics afin de sécuriser l’approvisionnement, essentiel dans la <a href="https://www.autojournal.fr/info-metier-de-lauto/crise-semi-conducteurs-reponse-constructeurs-279083.html">production automobile</a>.</p>
<p>Ces ruptures ne sont pas seulement un enjeu industriel, mais aussi un enjeu stratégique pour les États. C’est pourquoi la France a choisi d’injecter une enveloppe de 700 millions d’euros pour renforcer son tissu industriel et <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/face-au-chaos-de-l-approvisionnement-bercy-lance-un-pret-de-700-millions-d-euros-pour-l-industrie-898379.html">technologique</a>. La France poursuit l’objectif de retrouver sa <a href="https://www.lefigaro.fr/vox/societe/souverainete-technologique-la-france-a-de-nouveau-un-role-singulier-a-jouer-dans-le-monde-20210409">souveraineté</a> technologique, en lançant notamment le projet « Nano 2022 », pour préserver le contrôle des technologies nécessaires aux secteurs de l’industrie et de la défense. </p>
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<p>De plus, la France entend investir massivement dans ce secteur, en propre et aux côtés de l’UE, en mettant en place un plan d’investissement « France 2030 », à hauteur de <a href="https://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/livre-blanc/france-2030-industrie-futur-106762">30 milliards d’euros</a> pour permettre à la France de réaliser sa transition énergétique et numérique, tout en restant compétitive sur le plan industriel.</p>
<h2>Problématiques éthiques</h2>
<p>Tel est le cas du lithium par exemple, qui pourrait être exploité sur le territoire national. Cette relocalisation permettrait ainsi de limiter les impacts environnementaux, et de rendre la chaîne d’approvisionnement de ces métaux plus transparente. En effet, l’exploitation de ces métaux, et principalement des terres rares en Chine, a un impact important sur <a href="http://theconversation.com/en-chine-lexploitation-des-terres-rares-saccompagne-dune-pollution-massive-183676">l’environnement</a>, l’atmosphère, les sols et les eaux. Ces impacts, ainsi que les problématiques <a href="https://hir.harvard.edu/not-so-green-technology-the-complicated-legacy-of-rare-earth-mining/">d’éthique</a> liées aux conditions de travail, sont en partie imputables aux réglementations des pays producteurs. À cet égard, la relocalisation des productions minières en Europe permettrait dans une certaine mesure de limiter l’impact de ces activités.</p>
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<img alt="Circuit imprimé" src="https://images.theconversation.com/files/502950/original/file-20230103-14-melcc4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/502950/original/file-20230103-14-melcc4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/502950/original/file-20230103-14-melcc4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/502950/original/file-20230103-14-melcc4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/502950/original/file-20230103-14-melcc4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/502950/original/file-20230103-14-melcc4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/502950/original/file-20230103-14-melcc4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les métaux rares sont présents dans une majorité de produits utilisés quotidiennement comme les ordinateurs portables.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/partie-informatique-circuit-imprimé-7136373/">Joachim Schnürle/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Les consommateurs, eux aussi, s’interrogent et s’engagent davantage sur les questions de <a href="https://www.bcg.com/publications/2020/sustainability-matters-now-more-than-ever-for-consumer-companies">développement durable</a>. Or, nos <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/16258312.2021.1984168">recherches</a> montrent que, dans le contexte actuel, les entreprises peuvent impliquer ces acteurs finaux afin de répondre aux enjeux environnementaux et éthiques. Cette <a href="https://www.researchgate.net/publication/229613900_Consumer_integration_in_sustainable_product_development">intégration</a> est donc devenue un axe stratégique pour les entreprises afin de répondre à plusieurs critères : que ce soit pour réduire les risques d’approvisionnement, augmenter la performance, améliorer la durabilité ou encore la disponibilité des ressources grâce au recyclage.</p>
<p>Par exemple, le 17 novembre 2021, le géant américain du numérique Apple a annoncé le <a href="https://www.apple.com/newsroom/2021/11/apple-announces-self-service-repair/">« Self Service Repair »</a>. Il s’agit d’un service permettant aux utilisateurs d’effectuer eux-mêmes certaines réparations, comme le changement de la batterie, de l’appareil photo ou de l’écran. L’utilisateur reçoit un manuel et des outils pour l’aider à effectuer ces réparations en toute sécurité. L’objectif de cette réparation par l’utilisateur est de répondre aux enjeux de durabilité en lien avec l’exploitation des métaux rares grâce à une longévité accrue des produits technologiques.</p>
<h2>Incitation au recyclage</h2>
<p>Cette méthode d’intégration, <a href="https://www.theses.fr/s207797">parmi d’autres</a>, fait référence aux « <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/1540-5885.1840247">user toolkits</a> », et permet de transférer les tâches normalement effectuées par l’entreprise à l’utilisateur, rendant ainsi le processus moins cher et plus rapide tout en maintenant une qualité élevée. Cet exemple met en évidence que le consommateur peut jouer un rôle accru pour répondre aux enjeux environnementaux et éthiques liés aux objets comprenant des métaux rares. Les entreprises peuvent donc tirer avantage des consommateurs afin de proposer des produits plus durables.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/502945/original/file-20230103-70262-u895vi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un homme répare un circuit imprimé" src="https://images.theconversation.com/files/502945/original/file-20230103-70262-u895vi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/502945/original/file-20230103-70262-u895vi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/502945/original/file-20230103-70262-u895vi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/502945/original/file-20230103-70262-u895vi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/502945/original/file-20230103-70262-u895vi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/502945/original/file-20230103-70262-u895vi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/502945/original/file-20230103-70262-u895vi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Faciliter la réparation des appareils, une piste pour impliquer davantage le consommateur dans la limitation de la consommation de métaux rares.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/mains-technologie-sans-visage-ordinateur-4705634/">Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les États souhaitent également impliquer ces consommateurs. En France, en avril 2022, dans le cadre de l’élection présidentielle, le président de la République Emmanuel Macron a ainsi émis la possibilité de mettre en place un dispositif de <a href="https://www.usine-digitale.fr/article/emmanuel-macron-promet-une-prime-au-retour-pour-recycler-ses-vieux-smartphones.N1995352">collecte des objets</a> usagés (téléphones, tablettes, ordinateurs entre autres) moyennant une somme d’argent, permettant ainsi de favoriser la filière du recyclage.</p>
<p>Cette reconnaissance des enjeux liés aux métaux rares par les entreprises et les États, liée aux conjonctures actuelles (pandémie, guerre en Ukraine…), constitue une première étape vers une prise de conscience globale incluant ainsi les consommateurs en leur donnant un rôle actif. L’intégration des consommateurs permet ainsi de résoudre le problème de longévité grâce à la réparation et au recyclage, limitant les besoins en approvisionnement et de ce fait permettant la réduction de dépendance face aux métaux rares.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197166/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>En plus des politiques visant à limiter la dépendance aux pays miniers, les entreprises encouragent des pratiques durables comme la réparation et les États envisagent d’inciter davantage au recyclage.Justine Marty, Assistant professor, Kedge Business SchoolSalomée Ruel, Professeure associée en Supply Chain Management et Management des Systèmes d'Information, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1942892022-11-24T22:28:16Z2022-11-24T22:28:16ZLa blockchain doit évoluer pour être compétitive. Voici la piste technologique d’un acteur majeur du domaine<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/494618/original/file-20221110-25-53no57.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C15%2C2038%2C1134&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une ferme de minage de Bitcoin dans un hangar utilise de l'électricité pour faire des calculs intensifs et participer à l'élaboration d'un nouveau bloc de chaîne.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/moia/14266642578/"> Marko Ahtisaari, Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>De nombreux secteurs industriels, économiques ou sociétaux, comme les domaines bancaires, logistiques, de l’agroalimentaire ou de la santé, voient dans la blockchain une innovation majeure de sécurisation et de fluidification de leurs transactions numériques.</p>
<p>Parfois qualifiée de révolutionnaire, cette technologie, initiée par le Bitcoin en 2008, reste souvent incomprise et sujette à des doutes justifiés quant à sa maîtrise, notamment de ses impacts économiques et environnementaux. Le 15 septembre 2022, la blockchain Ethereum, un des acteurs principaux du domaine, a effectué une évolution majeure, appelée « The Merge », en modifiant son mécanisme interne de validation, passant de la « preuve de travail » à la « preuve d’enjeux ». Loin d’être une anecdote technique, cette évolution lève un verrou important qui va permettre de produire des solutions plus efficaces, fiables et durables à l’échelle industrielle.</p>
<p>Le but est de certifier les transactions, sécuriser les systèmes d’information et contribuer à établir une véritable confiance numérique dans un monde où la modalité numérique des interactions individuelles est devenue incontournable et majoritaire. Par exemple, le <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-031-14054-9_28">monde de la logistique et du transport international sur les grandes places portuaires</a> est en attente du déploiement de solutions réellement efficaces qui, associées à la digitalisation du traçage des marchandises et des conteneurs, permettront de <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03318208">sécuriser et de fluidifier de manière significative le passage portuaire dans un contexte de <em>smart port</em></a> – un sujet sur lequel nous travaillons beaucoup en collaboration avec le port du Havre.</p>
<p>Mais à l’heure actuelle, la blockchain ne permet pas des taux de transactions élevés (par rapport aux réseaux de payements par carte bancaire par exemple), car elle demande de faire de longs calculs… qui sont aussi très énergivores.</p>
<h2>Mais c’est quoi, au juste, une « blockchain » ?</h2>
<p>Une blockchain, ou « chaîne de bloc », est un registre numérique décentralisé où sont notarisées des transactions. Un réseau de validateurs agit comme des notaires numériques : ils maintiennent chacun une copie du registre de transactions, empêchant ainsi que l’un d’eux le modifie sans l’accord des autres. Les nouvelles transactions sont agrégées en blocs chaînés (voir figure ci-dessous).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/494614/original/file-20221110-23-dgj0rr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="schéma expliquant le fonctionnement des blockchains" src="https://images.theconversation.com/files/494614/original/file-20221110-23-dgj0rr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/494614/original/file-20221110-23-dgj0rr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/494614/original/file-20221110-23-dgj0rr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/494614/original/file-20221110-23-dgj0rr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/494614/original/file-20221110-23-dgj0rr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=530&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/494614/original/file-20221110-23-dgj0rr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=530&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/494614/original/file-20221110-23-dgj0rr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=530&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Création d’un nouveau bloc.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cyrille Bertelle et Claude Duvallet</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Chaque nouveau bloc à chaîner contient une « empreinte numérique » du précédent, empêchant ainsi toute tentative de modification d’un bloc : en modifiant l’empreinte, celui-ci casserait la chaîne.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/494615/original/file-20221110-14-6ww6p8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="schéma expliquant le fonctionnement des blockchains" src="https://images.theconversation.com/files/494615/original/file-20221110-14-6ww6p8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/494615/original/file-20221110-14-6ww6p8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=261&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/494615/original/file-20221110-14-6ww6p8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=261&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/494615/original/file-20221110-14-6ww6p8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=261&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/494615/original/file-20221110-14-6ww6p8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=328&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/494615/original/file-20221110-14-6ww6p8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=328&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/494615/original/file-20221110-14-6ww6p8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=328&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Ajout d’un nouveau bloc.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cyrille Bertelle et Claude Duvallet</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>La blockchain est qualifiée d’infalsifiable grâce aux deux mécanismes précédemment décrits : la technique de chaînage et la duplication sur le réseau de validateurs.</p>
<p>Deux questions se posent alors : d’abord, comment fonctionne l’inscription d’un nouveau bloc dans la chaîne pour qu’il soit accepté par l’ensemble des validateurs ? Ensuite, comment inciter ces validateurs à travailler au bon fonctionnement de la blockchain ?</p>
<p>La première question repose sur un « mécanisme de consensus » entre l’ensemble des validateurs – la mutation récente d’Ethereum porte sur ce mécanisme. La seconde question conduit à rémunérer le validateur sélectionné pour inscrire un nouveau bloc par une cryptomonnaie, associée à la blockchain.</p>
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<h2>La croissance sans fin des ressources nécessaires au consensus par « preuve de travail »</h2>
<p>La <a href="https://bitcoin.org/bitcoin.pdf">première blockchain est le Bitcoin</a>, mis en place en 2008 par Satoshi Nakamoto. Sa conception repose sur un mécanisme de consensus entre les validateurs du réseau, appelé « preuve de travail », qui permet de valider collectivement chaque nouveau bloc à inscrire et de rémunérer le validateur sélectionné pour le faire. Celui-ci est sélectionné car il est le premier à résoudre un problème cryptographique nécessitant d’importantes ressources de calcul (ordinateurs, temps, énergie) qui s’accroissent avec le développement de la cryptomonnaie.</p>
<p>Au début du Bitcoin, ce mécanisme de « preuve de travail » s’effectuait grâce au travail de quelques dizaines de validateurs utilisant des micro-ordinateurs. Aujourd’hui, il mobilise plusieurs dizaines de milliers de validateurs qui travaillent simultanément (faisant les mêmes calculs pour résoudre le même problème) sur des ressources informatiques puissantes appelées fermes de minage. Le <a href="https://selectra.info/energie/actualites/insolite/bitcoin-consommation-electricite">coût énergétique de ces fermes de minage</a> dans le monde est estimé en 2022 à une consommation énergétique proche de 75 % de celle des ménages français.</p>
<p>L’usage du Bitcoin est pourtant encore relativement confidentiel par rapport aux règlements effectués par un réseau bancaire comme Visa ou Mastercard. Son extension conduirait à une <a href="https://www.dunod.com/sciences-techniques/au-dela-du-bitcoin-dans-univers-blockchain-et-cryptomonnaies">catastrophe écologique avant de s’essouffler puis mourir naturellement</a>, sauf à rester à un <a href="https://scilogs.fr/complexites/preuve-de-travail-vs-preuve-denjeu/">niveau d’utilisation anecdotique</a>. Par ailleurs, ce qui est lié au coût du calcul, les taux de transactions sont très faibles (plusieurs minutes pour effectuer et valider chaque transaction) par rapport à ceux des réseaux bancaires comme Visa (des milliers de transactions par seconde).</p>
<p><a href="https://blockchainlab.com/pdf/Ethereum_white_paper-a_next_generation_smart_contract_and_decentralized_application_platform-vitalik-buterin.pdf">Ethereum</a>, lancé en 2015 en se basant sur un nouveau concept, celui de « smart contract », vise à sécuriser et automatiser des opérations plus sophistiquées que des simples échanges de valeurs monétaires. Ce nouveau concept ambitionne ainsi de révolutionner la gestion des transactions de l’ensemble des acteurs industriels, économiques et sociétaux cités précédemment. À ses débuts, Ethereum utilisait le mécanisme de consensus de Bitcoin qui avait fait ses preuves (la « preuve de travail »), tout en annonçant une transition vers d’autres mécanismes de validation plus vertueux énergétiquement.</p>
<h2>Les alternatives à la « preuve de travail »</h2>
<p>Les mécanismes de consensus ont fait l’objet d’<a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1383762122000777">importants travaux de recherche avant l’apparition de la blockchain</a>. En effet, les réseaux pair-à-pair qui stockent et partagent des données ne peuvent pas fonctionner sans ces mécanismes, qui permettent de valider les informations partagées.</p>
<p>De nombreux modèles conceptuels de consensus existent : la preuve de travail (celle du Bitcoin), la preuve d’enjeu (à l’origine de l’évolution « The Merge » d’Ethereum), la preuve de capacité, la preuve d’enjeu déléguée, la preuve de service, la preuve d’autorité, la preuve de confiance pour n’en citer que quelques-unes. Ces consensus se caractérisent notamment par la méthode de sélection des validateurs et le mécanisme de validation lui-même.</p>
<p>La preuve d’enjeu, retenue pour l’évolution d’Ethereum, ne repose pas sur la sélection d’un validateur, consécutive à un calcul coûteux effectué de façon concurrente par l’ensemble des validateurs (comme dans Bitcoin). La sélection se fera par un tirage aléatoire proportionnel à son « enjeu », qui correspond à une quantité de jetons représentative de la qualité de son activité. Seul le validateur sélectionné construira le nouveau bloc – sans résoudre de coûteux problème cryptographique – et le soumettra à l’approbation de tous les autres. Ainsi, le coût de l’opération devient quasiment négligeable par rapport à la preuve de travail.</p>
<p>Une limitation est que le choix de la technique du consensus retenu ne doit pas conduire à des situations de monopole de certains validateurs (éventuellement soutenus par des organisations ou des états) dans un système ouvert et public, grâce à leur capacité de calcul ou d’enjeux. À l’échelle d’un réseau mondial visant de nombreux secteurs d’activités, Ethereum devait s’assurer qu’il préservait la confiance du système lors de l’introduction de son nouveau consensus. Même si le mécanisme de « preuve d’enjeu » a été largement étudié, il n’avait jamais été déployé à une si grande échelle que celle visée par Ethereum.</p>
<p>Pour conclure, les blockchains publiques basées sur la preuve de travail sont vouées à l’échec pour un réel déploiement durable à des échelles industrielles. Le Bitcoin en est une illustration.</p>
<p>La migration vers la preuve d’enjeu (ou un autre mécanisme plus vertueux en coût énergétique) est incontournable pour que la blockchain réponde aux grands enjeux économiques, industriels et sociétaux sur lesquels elle est attendue.</p>
<p>Mais, son déploiement reste conditionné à la nécessité de rémunérer les validateurs sur une blockchain publique par une cryptomonnaie qui est inévitablement liée à des appétits de spéculation. Il faut savoir <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03371853">maîtriser cet « effet de bord »</a> dans l’ingénierie des nouveaux systèmes d’informations à base de blockchains.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194289/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cyrille Bertelle a reçu des financements de la Région Normandie, de l'état français et de l'Europe via des fonds FEDER dédiés à la recherche.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Claude Duvallet a reçu des financements de la Région Normandie, de l'état français et de l'Europe via des fonds FEDER dédiés à la recherche.</span></em></p>La technologie blockchain consomme trop d’énergie et est trop lente pour être viable – mais Ethereum, acteur majeur du domaine, vient de changer de fonctionnement.Cyrille Bertelle, Professeur des universités en informatique au Laboratoire d’Informatique, du Traitement de l’Information et des Systèmes (LITIS), Université Le Havre NormandieClaude Duvallet, Maître de conférences en informatique au Laboratoire d’Informatique, du Traitement de l’Information et des Systèmes, Université Le Havre NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1947762022-11-17T17:19:57Z2022-11-17T17:19:57ZL’Afrique profitera-t-elle de « l’après-Chine » dans les industries de main-d’œuvre ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/495669/original/file-20221116-14-87tls3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C35%2C1129%2C747&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 2050, la croissance démographique devrait impliquer la création de plus de 20&nbsp;millions de nouveaux emplois par an en Afrique.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/127716409@N05/24224772467">Rwanda Green Fund/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Ce dimanche 20 novembre marquera la <a href="https://www.un.org/fr/observances/africa-industrialization-day">journée mondiale de l’industrialisation de l’Afrique</a> célébrée annuellement par l’ensemble de la communauté internationale depuis son lancement par les Nations unies en 1989. Le sujet garde aujourd’hui toute sa pertinence tant le continent, et notamment l’Afrique subsaharienne, est resté jusqu’ici la périphérie de l’industrie mondiale.</p>
<p>Cependant, les évolutions structurelles récentes de cette dernière offrent à présent une opportunité historique de donner une impulsion à cette industrialisation africaine, comme nous le montrons dans l’étude <a href="https://www.afd.fr/fr/ressources/quelles-perspectives-dindustrialisation-tardive-pour-lafrique-subsaharienne">« Quelles perspectives d’industrialisation tardive pour l’Afrique subsaharienne »</a>, récemment publiée par l’Agence française de développement (AFD) – à condition toutefois d’être en mesure de la saisir.</p>
<p>L’étude s’intéresse plus particulièrement à l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/industrie-21143">industrie</a> légère, qui produit des biens de consommation et nécessite une utilisation limitée de capital. À ce titre, cette industrie légère a toujours été une activité à la recherche d’une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/main-doeuvre-77921">main-d’œuvre</a> abondante et de salaires bas, ce qui a provoqué un déplacement régulier à l’échelle mondiale de ses productions vers de nouveaux territoires plus attractifs et à y créer des emplois, souvent nombreux.</p>
<p>En règle générale, ces activités industrielles mobiles ont constitué la première étape du processus d’industrialisation des pays d’accueil, en particulier en Asie de l’Est. Dans cette perspective, la dernière étape marquante a été la constitution de l’« atelier du monde » chinois, dont les parts de marché ont atteint des niveaux impressionnants.</p>
<h2>« L’après-Chine » a commencé</h2>
<p>Après le Japon et les « dragons » asiatiques, la Chine a en effet atteint à son tour un sommet sur le marché mondial dans les industries de main-d’œuvre. Les salaires y ont progressé, les investissements se sont orientés vers des activités à plus forte valeur ajoutée, et les parts de marché de la Chine ont commencé à décliner dans l’industrie légère.</p>
<p>« L’après-Chine » a ainsi commencé dans ces activités intensives en travail et a déjà ouvert des marchés aux pays plus pauvres d’Asie. La filière habillement apparaît particulièrement concernée, ainsi que d’autres industries de main-d’œuvre comme les chaussures, le cuir, les meubles, etc.</p>
<p><iframe id="t9AGl" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/t9AGl/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En parallèle, du point de vue démographique, le XXI<sup>e</sup> siècle sera celui de l’Afrique. Alors que l’Asie a concentré les deux tiers de l’augmentation de la population active mondiale depuis 60 ans, dans les prochaines décennies, les nouveaux actifs seront principalement africains. En 2050, la population active de l’Afrique subsaharienne comptera 700 millions de personnes supplémentaires ; ce qui impliquera la création de plus de 20 millions de nouveaux emplois par an !</p>
<p><iframe id="G4aXA" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/G4aXA/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le recul de la Chine dans les industries de main-d’œuvre ouvre donc des opportunités à d’autres pays en développement. Toutefois, le nombre de bénéficiaires de cette ouverture reste, pour l’instant, limité. L’essentiel du potentiel généré par le déclin chinois dans ces branches est en effet actuellement capté par une demi-douzaine d’exportateurs asiatiques, comme le Bangladesh, le Vietnam ou encore le Cambodge.</p>
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<p>Si, dans une première phase, les exportations de ces producteurs se substitueront en partie à celles de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/chine-20235">Chine</a>, ils restent néanmoins bien plus petits et leur capacité d’absorption est limitée. Ces pays atteindront également un seuil de saturation, marqué par des augmentations de salaire, l’érosion de leur compétitivité et de leurs parts de marché. Ne pouvant plus absorber tout le recul chinois, ils libèreront alors des opportunités pour une nouvelle génération d’exportateurs.</p>
<h2>30 millions d’emplois mobiles à l’horizon 2030</h2>
<p>Dans cette seconde phase, à la fin de la présente décennie, exportations et emplois se déplaceront vers une nouvelle génération de producteurs. Notre étude estime, dans un scénario moyen, que près de 16 millions d’emplois formels et autant d’emplois informels seront concernés à l’horizon 2030, la plupart dans les branches <a href="https://theconversation.com/fr/topics/textile-habillement-26481">textile-habillement-cuir</a>, soit plus de 30 millions d’emplois cumulés.</p>
<p>Or, à cet horizon, ni l’Asie de l’Est, ni le Bangladesh, ni l’Afrique du Nord et encore moins l’Amérique latine ne pourront se substituer aux fournisseurs actuels. Le changement technique et les perspectives d’automatisation ne remettront pas en cause l’intensité en main-d’œuvre dans la production de vêtements, de chaussures, ou d’articles en cuir.</p>
<p>Les transitions vers des économies bas carbone (relocalisation, taxe carbone) n’auront en outre qu’un impact marginal sur la localisation envisagée de ces activités à l’horizon 2030. Il n’y aura pas de relocalisation significative au Nord. L’intensité en main-d’œuvre de ces productions restera en effet élevée et ne permettra pas de produire massivement dans des pays à salaires élevés ou intermédiaires.</p>
<p>Les avantages comparatifs dans ces branches se situeront alors en Inde ou en Afrique subsaharienne. Or, si l’Inde s’est affirmée jusqu’ici comme un producteur important, avec plus de 50 millions d’emplois dans l’industrie de l’habillement, le pays reste un exportateur modeste dont la part dans les exportations mondiales stagne. Ses productions visent d’abord le marché intérieur et sa compétitivité internationale est faible.</p>
<p><iframe id="uG80B" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/uG80B/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Certes, ces nouvelles opportunités ne peuvent certainement pas transformer l’Afrique subsaharienne en géant industriel ni résoudre le défi de l’emploi sur le sous-continent. Cependant, elles ouvrent bien la possibilité d’un doublement de l’emploi industriel actuel.</p>
<p>De 10 à 30 millions d’emplois pourraient être créés dans ces industries d’exportation vers 2030 dans des pays africains. Mais lesquels ? À ce stade, le raisonnement à l’échelle du continent trouve ses limites. Si ces emplois mobiles prennent la direction de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/afrique-20142">Afrique</a> ce sera, au moins dans un premier temps, vers un petit groupe de pays, qui apparaîtront plus attractifs et plus compétitifs.</p>
<p>L’enjeu principal résidera dans la compétitivité « hors usine ». À ce niveau, la crédibilité des incitations et la qualité des infrastructures, c’est-à-dire les politiques publiques, devraient faire la différence.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie les 23 et 24 septembre 2022 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194776/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La hausse des salaires et la réorientation des investissements ont conduit à un recul des parts de marché de la Chine. Une opportunité pour le développement économique du continent africain.Marc Lautier, Professeur d'économie, Université Rennes 2Jean-David Naudet, Conseiller au directeur exécutif Innovations, recherche et savoirs, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1935682022-11-11T17:13:37Z2022-11-11T17:13:37ZSortir du capitalisme, condition nécessaire mais non suffisante face à la crise écologique<p><em>Alors que les impératifs de sobriété et de décarbonation se font de plus en plus pressants, les pays restent dans leur immense majorité extrêmement dépendants des ressources fossiles, dont la combustion à l’échelle mondiale aggrave et accélère la crise climatique. Dans « L’Emballement du monde », <a href="https://ecosociete.org/livres/l-emballement-du-monde">qui vient de paraître aux éditions Écosociété</a>, l’ingénieur et économiste Victor Court propose d’explorer les liens historiques entre énergie et domination au sein des sociétés humaines. L’extrait que nous vous proposons ci-dessous se consacre plus particulièrement à l’examen critique du concept de « Capitalocène », proposé par le chercheur et militant suédois Andreas Malm, pour identifier les responsables du réchauffement climatique.</em></p>
<hr>
<p><a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-science-a-comme-anthropocene-146440">Le concept d’Anthropocène</a> suggère que toutes les actions humaines peuvent être instantanément subsumées sous une activité globale dont l’empreinte affecte la biogéosphère. Il fabrique ainsi une humanité abstraite, aussi uniformément concernée que responsable.</p>
<p>Ce grand discours est problématique, car, s’il est certain que tous les humains vont subir les conséquences du dérèglement climatique et de l’effondrement de la biodiversité (dans des proportions très différentes cependant), il est impossible au regard de l’histoire d’affirmer que tous les membres de l’humanité partagent le même degré de responsabilité dans ce désastre.</p>
<p>Un Nord-Américain ne peut pas être aussi responsable des bouleversements du système Terre qu’un Kenyan qui consomme en moyenne 30 fois moins de matières premières et d’énergie que lui.</p>
<p>C’est principalement en raison de cette défaillance conceptuelle qu’<a href="https://lafabrique.fr/lanthropocene-contre-lhistoire/">Andreas Malm</a> a proposé, l’un des premiers, la notion de « Capitalocène » comme solution de remplacement.</p>
<p>L’humanité évoluerait dans cette époque depuis environ 200 ans, au moment de la mise en place du capital fossile – un système défini par Malm, rappelons-le, comme « la production de valeur d’échange et la maximisation des profits au moyen de l’énergie fossile ».</p>
<p>Bien qu’elle soit très enrichissante sur le plan intellectuel, cette idée n’est pas non plus exempte de défauts.</p>
<h2>L’avènement du capitalisme fossile</h2>
<p>Tout d’abord, si le concept de Capitalocène sert à désigner une nouvelle époque géologique qui aurait commencé avec la révolution industrielle, alors il souffre d’un problème de dénomination, car le capitalisme ne désigne pas un mode d’organisation économique que l’on peut restreindre aux 200 dernières années. […]</p>
<p>Il a existé en Europe un capitalisme marchand que l’on peut qualifier de « <a href="https://www.cairn.info/une-histoire-du-monde-global--9782361060299-page-231.htm">concentré</a> » à partir du XII<sup>e</sup> siècle environ. De plus, les premiers indices d’acquisition de terres par quelques riches familles datent du milieu du III<sup>e</sup> millénaire avant l’ère commune à Sumer, tandis que la propriété privée lucrative – concept qui fonde probablement plus que tout autre la notion de capitalisme – est avérée depuis les Romains.</p>
<p>Comme le synthétise l’archéologue <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/une_histoire_des_civilisations-9782707188786">Dominique Garcia</a> :</p>
<blockquote>
<p>« L’accumulation du capital couplée à la recherche de profit s’est d’abord développée avec l’appareil d’État et les institutions des palais et des temples. » […]</p>
</blockquote>
<p>La question de l’origine antique ou médiévale du capitalisme est très complexe, et il n’est pas question ici de tenter d’y répondre convenablement. Malgré tout, il faut admettre que le capitalisme marchand du second Moyen Âge et du début de la période moderne a été suivi à partir du XIX<sup>e</sup> siècle par un capitalisme fossile, auquel on peut d’abord ajouter le qualificatif d’« industriel », mais qui serait peut-être mieux désigné aujourd’hui par le terme « financier » – même si l’industrie reste forcément le soubassement sur lequel la finance et les services s’appuient pour activer leurs processus d’accumulation du capital.</p>
<p>Il est même clair qu’à partir du XVI<sup>e</sup> siècle, le capitalisme marchand a préparé le terrain pour que le capitalisme industriel s’exprime pleinement par la suite, notamment par le biais du système colonial des plantations esclavagistes.</p>
<p>En effet, nous disent <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/l-evenement-anthropocene-jean-baptiste-fressoz/9782757859599">Christophe Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz</a> :</p>
<blockquote>
<p>« L’Anthropocène n’est pas sorti tout armé du cerveau de James Watt, de la machine à vapeur et du charbon, mais d’un long processus de mise en relation économique du monde, d’exploitation des hommes et du globe, remontant au XVI<sup>e</sup> siècle et qui a rendu possible l’industrialisation. »</p>
</blockquote>
<p>La dénomination de Capitalocène n’est donc pas adaptée pour désigner les 200 dernières années du capitalisme fossile, comme Andreas Malm et d’autres souhaitent le faire. Si Capitalocène il y a, celui-ci remonte au XVI<sup>e</sup> siècle, voire au début du second Moyen Âge (XII<sup>e</sup> siècle), et peut-être même à l’Antiquité dans des formes plus diffuses.</p>
<h2>Des régimes non capitalistes extrêmement extractivistes</h2>
<p>Ensuite, le terme Capitalocène tend à évincer un fait majeur du XX<sup>e</sup> siècle, à savoir que des régimes non capitalistes – ou en tout cas n’autorisant pas la propriété privée – ont été extrêmement extractivistes et polluants. Tout comme les sociétés capitalistes, ces régimes d’inspiration socialiste prenant la forme de collectivismes bureaucratiques et totalitaires ont massivement eu recours aux énergies fossiles, tout en engendrant des désastres écologiques comparables à ceux du capitalisme occidental.</p>
<p>Partant de ce constat, le philosophe <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/l_age_productiviste-9782707198921">Serge Audier</a> écrit :</p>
<blockquote>
<p>« Si l’on décidait de parler de « capitalocène », peut-être faudrait-il alors se résoudre à parler également, en un certain sens, de « socialocène » et surtout de « communistocène », ce que curieusement personne ne se risque à faire. Aussi pénible que soit la reconnaissance du rôle majeur joué dans la crise écologique non seulement par les régimes communistes, mais aussi, beaucoup plus largement, par le socialisme et la gauche dans leur axe majoritaire, cette responsabilité historique doit être pleinement assumée. »</p>
</blockquote>
<p>Andreas Malm reconnaît cette objection et il propose d’ailleurs de désigner par « stalinisme fossile » ce type de système économique qui se définit par « la maximisation du pouvoir bureaucratique au moyen des combustibles fossiles ». Pour autant, Malm ne conclut pas que cette réalité invalide sa proposition d’utiliser le concept de Capitalocène pour désigner l’époque où l’humanité est devenue une force agissante d’ampleur tellurique.</p>
<p>Ses arguments consistent à dire que « chronologiquement, causalement, historiquement, le lien entre l’économie fossile et le capitalisme semble plus étroit » et que « surtout, le stalinisme est mort ».</p>
<p>Certes, le stalinisme n’est plus, et allons même jusqu’à admettre l’intensité moindre de son lien avec l’énergie fossile par rapport au capitalisme (hypothèse hautement contestable qu’il s’agirait de démontrer). Cela n’enlève strictement rien au problème : il a existé des économies fossiles ne reposant pas sur le capitalisme (de propriété privée) au XX<sup>e</sup> siècle, et il faut reconnaître que les doctrines socialistes et communistes ne se sont réellement souciées des contraintes écologiques qu’assez récemment.</p>
<p>Ceci renforce l’idée que le concept de Capitalocène est inadapté pour correctement qualifier la période pendant laquelle les activités humaines ont fait sortir la Terre de l’Holocène.</p>
<h2>Un jour, la fin de l’accumulation infinie ?</h2>
<p>En plus de son incapacité à capter la réalité du passé, le concept de Capitalocène pourrait être aussi inopérant dans le futur.</p>
<p>Même s’il est difficile de le définir, le capitalisme a bien eu un début et par extension il est fort probable qu’il aura une fin – même s’il nous paraît parfois <a href="https://newleftreview.org/issues/ii21/articles/fredric-jameson-future-city">plus facile d’imaginer la fin du monde que celle du capitalisme</a>.</p>
<p>En vérité, on peut être absolument certain que la fin du capitalisme arrivera un jour pour une raison très simple : dans un monde où les limites physiques sont par définition finies, l’accumulation infinie du capital est logiquement impossible […].</p>
<p>Cette fin du capitalisme ne correspondra sûrement pas à une chute brutale. Comme son origine, elle sera issue d’un long processus qui impliquera qu’au bout d’un moment, à force de mutations, le mot « capitalisme » recouvrira une réalité trop différente pour que les politologues et les économistes continuent d’utiliser cette notion.</p>
<p>Dans ce futur hypothétique, les humains vivront peut-être dans des sociétés non capitalistes, mais en soi cela n’implique pas automatiquement que les activités humaines ne perturberont plus l’environnement à une échelle planétaire. Dans un monde où la propriété (privée ou étatique) aurait disparu – ou en tout cas ne serait plus une source de domination et d’exploitation comme aujourd’hui –, il faudrait encore parvenir à empêcher la mise en place d’autres formes d’accaparement sauvage de l’énergie et des matières premières pour que les humains ne poursuivent pas leur entreprise de destruction massive de la biogéosphère.</p>
<h2>L’hypothèse d’un communisme réel</h2>
<p>Plutôt que de réfléchir à cette question par un voyage dans le futur, tentons de voyager dans le passé. Imaginons qu’à partir du XVI<sup>e</sup> siècle, le monde ait emprunté une trajectoire différente.</p>
<p>Au lieu de prendre la voie du capitalisme moderne en allant exploiter les Amériques et l’Afrique, l’Europe aurait choisi celle d’un communisme réel – donc très loin des expériences soviétiques et chinoises de collectivisme d’État que nous avons connues au XX<sup>e</sup> siècle. On parle ici d’un communisme libertaire tel que celui imaginé par <a href="https://wildproject.org/livres/l-ecologie-sociale">Murray Bookchin</a> dans les années 1970-80, ou plus récemment par <a href="https://ladispute.fr/catalogue/en-travail-conversation-sur-le-communisme/">Bernard Friot et Frédéric Lordon</a>. On pourrait aussi évoquer l’écosocialisme d’<a href="https://www.seuil.com/ouvrage/leur-ecologie-et-la-notre-andre-gorz/9782021451863">André Gorz</a> et d’<a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-convivialite-ivan-illich/9782757842119">Ivan Illich</a>.</p>
<p>Maintenant, quels arguments peut-on avancer pour établir que, dans ce genre de configuration, les combustibles fossiles n’auraient pas été exploités ? Bien sûr, les penseurs que nous venons de citer ont justement formulé leurs propositions pour nous aider à sortir des combustibles fossiles – et plus largement à rester à l’intérieur des limites du système Terre.</p>
<p>Mais est-on certain que ces intellectuels auraient fait preuve du même égard pour le climat et la biodiversité s’ils avaient vécu au XVIII<sup>e</sup> ou au XIX<sup>e</sup> siècle ? Et en dehors de ces individus, en quoi les sociétés dans leur ensemble auraient-elles été mieux positionnées pour choisir délibérément de renoncer à l’abondance matérielle associée à la manne fossile ? Honnêtement, on ne voit pas bien comment élaborer un argumentaire convaincant.</p>
<p>Tout au plus peut-on imaginer que les ressources fossiles auraient été exploitées un peu moins frénétiquement, et sûrement aussi avec plus d’équité. Mais on peut penser que le résultat en matière de déstabilisation du système Terre aurait été <em>grosso modo</em> le même, le désastre environnemental que nous connaissons aujourd’hui serait seulement arrivé un peu plus tard.</p>
<p>Ainsi, si on peut être certain de la nature intrinsèquement destructrice du capitalisme – et qu’en cela les souhaits de développement durable, de croissance verte et d’économie circulaire s’inscrivant dans ce cadre ne pourront jamais être autre chose que de vaines incantations –, rien ne dit qu’une économie non capitaliste conduirait automatiquement à une société plus soutenable.</p>
<h2>Exploitation, accaparement, pillage</h2>
<p>Mettre le capitalisme à l’arrêt est donc une condition nécessaire, mais non suffisante pour instaurer un vivre humain qui demeurerait à l’intérieur des limites du système Terre. Si les géologues du présent entérinent finalement la sortie de l’Holocène et nomment Capitalocène l’époque géologique actuelle, ceux du futur se retrouveront dans une situation très embarrassante si le capitalisme vient à disparaître, mais qu’en même temps les humains maintiennent leur emprise destructrice sur la planète.</p>
<p>Enfin, comme le concept d’Anthropocène, celui de Capitalocène entraîne un problème d’identification des responsabilités.</p>
<p>Il pourrait tout d’abord laisser penser à certains que les capitalistes – c’est-à-dire les détenteurs des moyens de production – sont les seuls coupables. Nul doute que par le pouvoir et la richesse qu’ils détiennent, certains capitalistes, sinon la plupart, sont individuellement responsables d’un grand nombre d’actions néfastes pour l’humanité.</p>
<p>La réalité est tout de même plus complexe […], et chaque individu peut comprendre qu’il participe lui aussi à la perpétuation du capitalisme fossile, ne serait-ce que par ses choix de consommation – ou plutôt par son non-choix de changer radicalement son mode de vie –, sans oublier bien sûr la responsabilité énorme qui revient aux dirigeants politiques à cause de leur inaction. […]</p>
<p>C’est bien parce que tous ces acteurs sont interconnectés aux processus de production et de consommation – très souvent au travers de relations antagonistes – que nous avons tant de mal à renoncer aux énergies fossiles.</p>
<p>Mais quoi qu’il en soit, avec le concept de Capitalocène, ce que Malm et d’autres penseurs souhaitent désigner comme le vrai responsable des maux de l’humanité correspond plutôt au capital, c’est-à-dire le rapport social d’exploitation qui existe entre les capitalistes et les travailleurs ne détenant pas les moyens de production.</p>
<p>La source de la propension destructrice de certaines sociétés humaines – dans lesquelles se trouve la quasi-totalité de l’humanité aujourd’hui – se situerait donc non pas dans le fait qu’il existe des capitalistes en tant que tels, mais dans le fait que ces derniers – comme d’autres avant eux – sont en mesure d’exploiter leurs semblables, notamment en rétribuant leur force de travail à une valeur inférieure à celle produite réellement par ce travail, afin de créer une plus-value qu’ils peuvent accaparer.</p>
<p>En fin de compte, la logique du capital renvoie à un phénomène plus large que chacun peut observer dans l’histoire et surtout dans sa vie quotidienne : l’existence protéiforme et omniprésente de relations de domination entre les individus […]. Et l’existence d’une domination institutionnalisée qui traverse la totalité de la société n’est pas une exclusivité des 200 à 300 dernières années.</p>
<p>[…]</p>
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<span class="caption">« L’Emballement du monde » est paru aux éditions Écosociété le 10 novembre 2022.</span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Finalement, malgré ses qualités indéniables, le concept de Capitalocène souffre d’insuffisances à la fois trop nombreuses et trop importantes pour être un substitut pertinent du concept d’Anthropocène. L’exploitation de la majorité par une minorité pour accaparer des surplus tout en pillant les ressources de la nature n’a pas attendu le capitalisme moderne pour exister.</p>
<p>Le capitalisme n’est donc pas en soi la cause ultime de la destruction de notre environnement global, même s’il faut reconnaître qu’il fait preuve d’une efficacité redoutable dans ce domaine, en particulier depuis qu’il est basé sur l’énergie fossile. </p>
<p>[…]</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193568/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Victor Court est membre de la chaire « Énergie & Prospérité » et chercheur associé au Laboratoire Interdisciplinaire des Energies de Demain (LIED, Université Paris Cité). Les opinions exprimées dans ces pages n’engagent que leur auteur, elles ne reflètent en aucun cas le point de vue des institutions auxquelles il est affilié.</span></em></p>Peut-on vraiment dire que le capitalisme industriel des 200 dernières années est le responsable du réchauffement climatique ?Victor Court, Enseignant-chercheur en économie à IFP School, IFP Énergies nouvelles Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.