tag:theconversation.com,2011:/us/topics/industrie-pharmaceutique-26016/articlesindustrie pharmaceutique – The Conversation2023-10-01T15:44:54Ztag:theconversation.com,2011:article/2125802023-10-01T15:44:54Z2023-10-01T15:44:54ZRéseaux sociaux : le pouvoir insoupçonné des influenceurs sur notre santé<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/545563/original/file-20230830-21-vp9dea.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=30%2C0%2C1122%2C779&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le médecin Michel Cymes compte aujourd’hui 140&nbsp;000 followers sur Instagram et 371&nbsp;800 sur TikTok.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/5/50/Michel_Cymes_Strasbourg_30_janvier_2015.jpg/1024px-Michel_Cymes_Strasbourg_30_janvier_2015.jpg">Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les réseaux sociaux constituent un territoire <a href="https://theconversation.com/fr/topics/marketing-21665">marketing</a> et commercial essentiel pour toutes les entreprises. Un état de fait qui place les influenceurs au centre du jeu, y compris dans le secteur de la santé, pourtant considéré comme « non marchand » en France. Comme dans d’autres domaines, ces personnalités suivies, voire adulées sur les plates-formes en ligne, sont pourtant en mesure d’influencer la perception des consommateurs envers les acteurs de la santé.</p>
<p>Parmi les plus suivis, citons : Michel Cymes (140 000 followers sur Instagram et 371 800 sur TikTok) ou encore Marine Lorphelin (984 000 followers sur Instagram et 17 800 sur TikTok) au sein de l’hexagone, mais aussi de Dr Mike Varshavski (4,5 millions de followers sur Instagram et 2 millions sur TikTok), outre-Atlantique.</p>
<h2>Conseiller virtuel de confiance</h2>
<p>La réalité de cette influence constitue l’une des conclusions de notre dernière étude (à paraître), réalisée dans le cadre de la <a href="https://www.edhec.edu/fr/recherche-et-faculte/centres-et-chaires/chaire-management-innovative-health">chaire « Management in Innovative Health »</a> de <a href="https://theconversation.com/institutions/edhec-business-school-2218">l’EDHEC Business School</a>. Nous relevons notamment dans cette enquête menée auprès de 630 personnes que les influenceurs jouent un rôle clé dans la confiance que les individus accordent aux marques. Autrement dit, dans un monde où les patients cherchent souvent des conseils fiables dans la mer agitée des informations en ligne, l’influenceur parlant de santé reste perçu comme un conseiller virtuel de confiance.</p>
<p>Au travers de notre étude, menée en France auprès de plus de 600 répondants (dont une grande partie est constituée des jeunes et utilisateurs des réseaux sociaux), il apparait que près de 40 % de la population interrogée semble attribuer une certaine importance à l’homophilie, c’est-à-dire la similarité perçue, lorsqu’il s’agit d’évaluer le niveau d’expertise des influenceurs.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/CxP5rVNsuJG/ ?hl=fr","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<p>De plus, près d’un tiers des participants estime que l’interaction avec des influenceurs du domaine de la santé les incite à considérer ces derniers comme des experts en médecine. Enfin, dans environ un cas sur quatre, la fiabilité des informations médicales diffusées par les influenceurs dépend non seulement des similitudes perçues avec ces derniers, mais également de la manière dont ils interagissent avec leur communauté.</p>
<p>Ainsi, plus la ressemblance est forte et plus il existe un niveau d’interaction élevé, plus cela impactera positivement la fiabilité des recommandations émises, augmentant de façon significative la confiance vis-à-vis des marques de médicaments précis.</p>
<p>Nos résultats confirment donc d’autres études récentes qui montrent que ces influenceurs, de par leur dynamique interpersonnelle unique avec leurs followers, peuvent être <a href="https://doi.org/10.1016/j.techfore.2021.121246">plus efficaces que les célébrités</a> ou les publicités traditionnelles dans la construction de la confiance des consommateurs envers une marque.</p>
<h2>Transparence nécessaire</h2>
<p>Ces analyses ont des implications clés pour les praticiens du marketing et les entreprises de santé. La recherche souligne la nécessité d’une évaluation plus nuancée des influenceurs, prenant en compte leur expertise, leur interactivité, leur fiabilité et leur homophilie, pour accroître la confiance envers une marque et atteindre des résultats marketing souhaitables. Pour les influenceurs eux-mêmes, maintenir leur expertise et leur fiabilité est par ailleurs essentiel pour rester pertinents.</p>
<p>Cependant, il est essentiel que les acteurs pharmaceutiques et les parties prenantes impliquées dans la délivrance de soins de santé appréhendent et ne mésestiment pas la place et le rôle de ces influenceurs. Bien que le contexte réglementaire français impose un cadre strict concernant la communication et la publicité dans le domaine de la santé, il devient nécessaire pour toutes les parties prenantes du secteur médical d’investir ce champ de réflexion duquel elles ne peuvent se tenir à distance.</p>
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<p>L’accélération du phénomène des influenceurs santé aux États-Unis – songeons par exemple au scandale de <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/03/02/alerte-sur-l-ozempic-un-antidiabetique-detourne-pour-perdre-du-poids_6163816_3224.html">l’Ozempic</a>, un antidiabétique détourné pour perdre du poids abondamment recommandé en ligne –, doit notamment nous faire prendre conscience de l’anticipation nécessaire de phénomènes sur lesquels les acteurs pharmaceutiques et médicaux n’auraient plus le pouvoir, notamment en termes de communication et de message transmis aux patients.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1631165083278618624"}"></div></p>
<p>Alors que les réseaux sociaux influencent notre perception de l’information et de la santé, les entreprises sont donc confrontées à un réel défi engendré par la nécessité de s’adapter et de naviguer dans ce paysage complexe dans le respect qu’imposent les normes éthiques.</p>
<p>Dans un monde hyperconnecté, si les influenceurs de santé constituent des alliés précieux pour les entreprises, seules les marques du secteur qui sauront établir des relations de confiance authentiques avec leur public parviendront à obtenir un avantage décisif sur leurs concurrents. Or, cette confiance ne pourra être acquise et soutenue que par des pratiques éthiques irréprochables, impliquant de fait une transparence totale vis-à-vis du bien-être du public. En définitive, c’est en alliant pouvoir d’influence et éthique que les marques du secteur de la santé se forgeront une réputation solide et durable, fondée sur une confiance sincère et réciproque des principaux acteurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212580/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Sur TikTok ou Instagram, certains profils très suivis façonnent notre confiance envers les marques de l’industrie pharmaceutique.Loick Menvielle, Professor, Management in Innovative Health Chair Director, EDHEC Business SchoolLéna Griset, Research Assistant, EDHEC Business SchoolRupanwita Dash, Senior Research Assistant, EDHEC Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2142762023-09-25T16:50:07Z2023-09-25T16:50:07ZLes produits de santé : une filière de poids dans les échanges internationaux<p>Les échanges internationaux de produits de santé ont pris leur essor à partir des années 2000, dans une vague d’ouverture globale amorcée par la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à la fin du cycle d’Uruguay en 1994. C’est dans ce cadre que l’Accord pharmaceutique plurilatéral a été négocié entre pays avancés pour supprimer les droits de douane sur un certain nombre de produits dont la liste a ensuite été élargie au fil des renégociations.</p>
<p>Sur les médicaments par exemple, les droits de douane appliqués sont aujourd’hui très faibles, voire nuls dans les pays avancés, et ont été <a href="https://www.wto.org/french/res_f/publications_f/who-wipo-wto_2020_f.htm">ramenés de 6,7 % à 2,5 % en moyenne depuis 1994</a> dans les pays en développement. L’ouverture des pays émergents et l’application de normes environnementales, plus ou moins contraignantes selon les zones géographiques, ont aussi eu un impact décisif sur la fabrication des produits de santé qui s’est de plus en plus internationalisée le long des chaînes de valeur. La traçabilité de ces biens essentiels à la vie est dans le même temps devenue plus opaque.</p>
<p>Leur classement insuffisamment détaillé et épars dans les nomenclatures internationales de commerce et de production contribue à cette opacité. On trouve ainsi des produits de santé parmi les produits chimiques, électriques, électroniques ou encore textiles. <a href="https://www.wto.org/english/res_e/reser_e/ersd201217_e.pdf">Mathias Helble</a>, aujourd'hui économiste à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), est le premier à avoir regroupé ces produits dans une liste pour apprécier l’importance et l’évolution des importations répondant aux besoins des systèmes de santé nationaux.</p>
<p>Réalisée après la Grande récession de 2008 marquant la fin de l’hypermondialisation, son <a href="https://www.wto.org/english/res_e/reser_e/ersd201217_e.pdf">étude</a> publiée en 2012 s’interrogeait déjà sur les bienfaits du dynamisme des échanges internationaux dans un domaine aussi crucial. En 2020, le choc du Covid-19 a clairement confirmé l’importance de la sécurité sanitaire pour les États et mis en lumière les questions de souveraineté industrielle posées par l’organisation internationale de la production.</p>
<h2>Une production fragmentée</h2>
<p>Le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (<a href="https://theconversation.com/institutions/cepii-2912">CEPII</a>) a élaboré une <a href="http://www.cepii.fr/CEPII/fr/publications/panorama/abstract.asp?NoDoc=13898">liste</a> des produits de santé dans la lignée du travail de Helble, et de ceux entrepris par des organisations internationales et nationales pour faire face à la pandémie de Covid-19. Celle-ci tend vers l’exhaustivité et inclut tout produit échangé contribuant au fonctionnement du système de soins. Identifiée pour la première fois dans un périmètre aussi large, cette filière de santé comprend 368 produits de la nomenclature du système harmonisé à six chiffres (version 1996) sur la période 2000-2021.</p>
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<p>Les produits sont répertoriés dans cinq branches regroupant les médicaments et l’ensemble de leurs composants, ainsi que les équipements de technologie médicale et le petit matériel de santé. Ainsi configurée, cette filière pèse lourd dans les échanges : en 2021, elle représente presque 13 % du commerce mondial de biens manufacturés (hors énergie) et se situe au deuxième rang parmi dix filières, après celle des produits électroniques (graphique 1).</p>
<p><iframe id="v50Dg" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/v50Dg/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Elle est aussi celle dont la progression a été la plus forte depuis 2000 (graphique 2). Ce dynamisme doit beaucoup à l’essor des échanges de préparations pharmaceutiques, dans lesquels les traitements issus de biotechnologies prennent une part croissante.</p>
<p><iframe id="0rbsW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/0rbsW/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La fragmentation internationale des processus de production est très marquée dans cette filière : en 2021, plus de la moitié des échanges concerne des biens intermédiaires et les échanges croisés de produits similaires atteignent un niveau record, le plus élevé de toutes les filières (51 % des flux, graphique 3). Celui-ci témoigne de la complexité de la division internationale du travail dans les produits de santé.</p>
<p><iframe id="T4G4y" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/T4G4y/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Contrairement aux flux univoques qui portent sur des échanges de produits clairement différents, ce type de commerce consiste en achats et ventes mutuels entre deux pays de produits aux caractéristiques techniques identiques. Autre particularité : c’est dans cette filière que la part des échanges de gamme moyenne de qualité/prix est la plus faible. Une part qui connaît un net recul depuis deux décennies, si bien qu’en 2021, 83 % des flux d’échanges se répartissent équitablement entre le haut et le bas de gamme.</p>
<h2>Le Covid-19, un révélateur de vulnérabilité</h2>
<p>Les pays avancés (selon la <a href="https://www.imf.org/en/Publications/WEO/weo-database/2023/April/groups-and-aggregates">classification du FMI</a>) sont les principaux acteurs sur le marché international des produits de santé : ils y réalisent près des trois quarts des exportations mondiales, alors que leur part dans l’ensemble des produits manufacturés s’élève à moins de 60 % (graphique 4).</p>
<p><iframe id="yhC3n" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/yhC3n/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Leurs échanges mutuels représentent à eux seuls 54 % des exportations mondiales en 2021 (graphique 5). Mais ce commerce intra-zone est marqué par un déclin relatif depuis les années 2000 (-16 points de pourcentage) tandis qu’augmentent les exportations des pays avancés vers les pays émergents et en développement. Ces derniers montent en puissance, essentiellement pour les produits bas de gamme, à la fois dans leurs exportations vers les pays avancés et leurs échanges mutuels.</p>
<p><iframe id="PqZGW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/PqZGW/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les <a href="http://www.cepii.fr/PDF_PUB/lettre/2022/let423.pdf">vulnérabilités créées par ces interdépendances</a> ont été révélées par des pénuries massives lors de la crise du Covid-19. Les autorités publiques de nombreux pays envisagent désormais la survenue d’autres pandémies, notamment celles que le réchauffement climatique pourrait favoriser. Parallèlement, la sécurisation des approvisionnements dans le domaine de la santé, comme dans tant d’autres, relève de plus en plus de la géostratégie à l’instar de la place accordée aux biotechnologies dans la <a href="https://www.nato.int/cps/fr/natohq/topics_184303.htm">politique d’innovation de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN</a>). Enfin, transition écologique oblige, la « décarbonation » est devenue un <a href="https://www.leem.org/presse/transition-ecologique-le-secteur-pharmaceutique-s-engage-sur-une-trajectoire-de">objectif primordial</a> dans la fabrication et les échanges des produits de santé. Tous ces éléments devraient conduire à un repositionnement géographique des entreprises des pays avancés au sein des chaînes de valeur internationales.</p>
<hr>
<p><em>Ce billet reprend des extraits du <a href="http://www.cepii.fr/CEPII/fr/publications/panorama/abstract.asp?NoDoc=13898">Panorama du CEPII 2023-03</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214276/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le secteur s’est fortement internationalisé depuis le début des années 2000, à la fois en termes de production et de vente. Ces interdépendances ont cependant fragilisé la filière.Deniz Unal, Économiste, rédactrice en chef du Panorama et coordinatrice des Profils du CEPII - Recherche et expertise sur l'économie mondiale, CEPIIAude Sztulman, Chercheur associé au CEPII, Maître de conférences, Université Paris Dauphine – PSLGuillaume Gaulier, Chercheur associé, CEPIIPierre Cotterlaz, Économiste, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2104202023-08-07T20:09:36Z2023-08-07T20:09:36ZPolluants émergents : pourquoi est-il si difficile d’améliorer la qualité des eaux littorales ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/539780/original/file-20230727-29-5wcarf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C24%2C4025%2C2372&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Débris de micro-plastiques sur une plage du Finistère. On estime que plus de 220 millions de tonnes de plastique sont produites chaque année. On estime que les déchets plastiques (macro, micro et nano) causent le décès de plus d'un million d'oiseaux marins et 100 000 mammifères marins chaque année.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://image.ifremer.fr/data/00618/73039/hd/28934.jpg">Ifremer/Intergovernmental Oceanographic Commission</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>La récente condamnation de l’État à cause des <a href="https://www.bretagne.ars.sante.fr/les-algues-vertes">algues vertes</a> en Bretagne, celle concernant un industriel chimique <a href="https://www.francebleu.fr/infos/environnement/l-usine-kem-one-de-lavera-condamnee-a-50-000-euros-d-amende-pour-avoir-pollue-la-mediterranee-8422467">responsable d’une pollution en Méditerranée</a> ou encore les inquiétudes autour d’<a href="https://www.anses.fr/fr/content/prevenir-intoxications-ostreopsis-cote-basque">algues toxiques</a> sur le littoral Sud Atlantique, montrent que la question de la pollution des eaux littorales suscite des préoccupations de plus en plus vives.</p>
<p>De fait, en France métropolitaine, seules la <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/environnement-littoral-et-marin-en-metropole-synthese-des-connaissances-en-2021">moitié des eaux côtières et 30 % des eaux estuariennes</a> sont dans un état écologique satisfaisant.</p>
<p>Parmi les produits présents dans l’eau, le terme de polluant émergent désigne tout composé chimique ayant des effets néfastes potentiellement connus ou suspectés sur l’environnement et la santé humaine et qui n’est pas couramment surveillé ou réglementé dans l’environnement par les pouvoirs publics. Si la dangerosité de certains de ces polluants est clairement établie, la question est vaste puisqu’environ <a href="https://www.norman-network.com/nds/susdat/">100 000 substances chimiques sont répertoriées au niveau européen</a>. Réduire cette pollution est donc un défi de taille.</p>
<h2>Les polluants émergents : des produits omniprésents</h2>
<p>Les grands types de polluants émergents comprennent : les produits pharmaceutiques (antibiotiques, hormones), les produits corporels (muscs, écrans solaires, cosmétiques), les pesticides, les produits chimiques industriels et ménagers, les tensioactifs (émulsifiants, agents moussants), les additifs industriels, les additifs et packaging alimentaires (phtalates, plastifiants), les métalloïdes (arsenic, silicium), les terres rares, les nanomatériaux, les microplastiques et autres.</p>
<p>La première phase du projet de recherche <a href="https://recherche.univ-pau.fr/fr/accueil/concilier-developpement-environnement-securise-et-biodiversite-preservee/micropolit.html">Micropolit</a> conduit à l’université de Pau a par exemple permis d’identifier une importante présence de détergents, de filtres UV, de muscs synthétiques et de produits pharmaceutiques anti-inflammatoires sur le littoral Sud Atlantique.</p>
<p>Ces <a href="https://www.ineris.fr/fr/ineris/actualites/polluants-chimiques-milieux-aquatiques-ineris-ofb-publient-resultats-surveillance">polluants émergents</a> comprennent à la fois de nouvelles substances chimiques et des composés utilisés depuis longtemps, mais présents en faibles concentrations et pas forcément considérés comme des polluants jusqu’à ce que de nouvelles méthodes de détection aient permis de les identifier. Certains sont incorporés dans les produits ingérés par la population et rejetés via les <a href="https://planbleu.org/wp-content/uploads/2021/05/Pollution-emergentes.pdf">eaux usées qui représentent leur principale voie d’accès à l’environnement</a> dans les pays développés. Les traitements conventionnels des stations de traitement des eaux usées ne sont <a href="https://www.inrae.fr/actualites/micropolluants-sortie-station-depuration-quels-impacts-sante-humaine-milieux-aquatiques">pas conçus pour éliminer ces polluants</a> si bien que leur efficacité est limitée.</p>
<h2>Des produits difficiles à identifier</h2>
<p>De nombreux polluants chimiques présents dans les eaux littorales sont directement issus des activités locales de <a href="https://www.notre-environnement.gouv.fr/themes/biodiversite/les-milieux-littoraux-et-marins-ressources/article/mer-et-littoral-1">ces zones attractives</a>. Ces dernières abritent plus de 8 millions d’habitants : industrie, activités portuaires, tourisme balnéaire, etc. Cependant, ces polluants peuvent aussi venir de très loin : jusqu’à <a href="https://www.unep.org/explore-topics/oceans-seas">80 % de la pollution des mers et des océans provient d’activités terrestres</a>.</p>
<p>Un produit repéré en Méditerranée ou dans l’Atlantique peut très bien provenir des égouts lyonnais ou des vallées pyrénéennes, car le littoral se situe au bout d’un continuum aquatique composé d’écosystèmes interconnectés (ruisseaux, zones humides, rivières, estuaires…) qui se succèdent. Il est donc le réceptacle de toutes les pollutions générées à des dizaines voire des centaines de kilomètres en amont.</p>
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<figcaption><span class="caption">Dans le Tarn, pollution du Cérou : cette association nettoie la rivière chaque semaine, France 3 Occitanie.</span></figcaption>
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<p>Les rejets domestiques et collectifs (hôpitaux par exemple) d’eaux usées, les ruissellements agricoles, l’aquaculture et les effluents industriels sont les principales sources de ces polluants aquatiques. Si certaines de ces sources sont facilement identifiables (une usine, un équipement), d’autres, comme pour les produits phytosanitaires, sont au contraire très diffuses et impossibles à localiser précisément.</p>
<h2>Des effets mal connus</h2>
<p>Certains de ces polluants peuvent causer une <a href="https://professionnels.ofb.fr/fr/node/1397">toxicité chronique et des perturbations endocriniennes</a> chez les humains et la faune aquatique. Le devenir et les effets d’une grande majorité d’entre eux sont mal connus et ils ne sont pas inclus dans la réglementation sur la qualité de l’eau. Estimer les effets sur les écosystèmes d’une pollution liée à ces molécules s’avère difficile, car il existe des dizaines de milliers de substances. Ils sont en outre souvent utilisés à faibles doses et leurs comportements sont très divers.</p>
<p>Par exemple, de <a href="https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/cge/filiere-parfums-cosmetiques.pdf">nombreux ingrédients cosmétiques</a> comme les muscs de synthèse, les filtres UV, des alkylphenols présents dans les détergents ou les cosmétiques ou encore des microplastiques, sont des polluants aquatiques persistants et néfastes pour la faune et la flore.</p>
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<span class="caption">Les produits comme les crèmes solaires sont sources de produits toxiques pour les éco-systèmes littoraux à diverses échelles, certains entrants étant encore peu ou mal identifiés.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/1042411">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>Leur impact dépend à la fois de leur mode d’action (certains sont beaucoup plus toxiques que d’autres), de leur persistance dans le temps (dégradation plus ou moins rapide) et de leurs sous-produits de dégradation lesquels sont parfois plus toxiques et se dégradent moins vite que le composé initial, comme le cas des <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/816600/les-metabolites-cette-nouvelle-menace-qui-plane-sur-leau-potable/">métabolites</a>, issus de <a href="https://beyondpesticides.org/dailynewsblog/2021/05/breakdown-products-metabolites-from-pesticides-may-be-more-toxic-than-parent-compound-study-finds/">certains pesticides</a>.</p>
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<p>Une importante préoccupation concerne les <a href="https://www.science-environnement.com/sante-environnement/effets-cocktail/">« effets cocktail »</a> c’est-à-dire les effets cumulatifs et synergiques entre les différentes substances. Les évaluer est une tâche complexe mais les <a href="https://controverses.minesparis.psl.eu/public/promo15/promo15_G19/www.controverses-minesparistech-4.fr/_groupe19/effet-cocktail/index.html">études scientifiques sont claires</a> : bien qu’encore très lacunaires, les connaissances acquises ces dernières années sur les effets combinés des polluants sont telles que nous devons prendre en compte ces effets combinés dans l’évaluation des risques.</p>
<p>Or, les gouvernements ne surveillent et ne réglementent que les niveaux individuels de certains produits chimiques et pour le moment le cadre réglementaire prend peu en considération l’effet cocktail.</p>
<h2>Réduire les risques : des objectifs fixés à l’échelle internationale</h2>
<p>Trouver des stratégies efficaces et durables d’identification de ces polluants émergents et d’atténuation de leurs effets néfastes est un grand défi pour les gestionnaires des milieux aquatiques, les régulateurs et les chercheurs.</p>
<p>L’Union européenne (UE) est un acteur majeur de la lutte contre la pollution de l’eau à travers la <a href="https://eur-lex.europa.eu/FR/legal-content/summary/strategy-for-the-marine-environment.html">Directive Cadre Stratégie pour le Milieu Marin</a> et la <a href="https://eur-lex.europa.eu/FR/legal-content/summary/good-quality-water-in-europe-eu-water-directive.html">Directive Cadre sur l’Eau</a>. Ces deux directives, qui s’imposent aux États membres, accordent une grande importance à la surveillance et au contrôle des polluants. L’UE est aussi à l’origine de <a href="https://echa.europa.eu/fr/regulations/reach/understanding-reach">REACH</a>, règlement destiné depuis 2007 à protéger la santé humaine et l’environnement contre les risques liés aux substances chimiques en obligeant les industriels qui les produisent à procéder à leur évaluation. Mais évaluer toutes les molécules est un chantier titanesque, les industriels sont parfois réticents et comme le montre le cas du bisphénol A, l’innocuité des produits de substitution n’est pas toujours garantie.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/perturbateurs-endocriniens-pourquoi-les-remplacants-du-bisphenol-a-posent-aussi-probleme-155772">Perturbateurs endocriniens : pourquoi les remplaçants du bisphénol A posent aussi problème</a>
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<h2>Sur le terrain, pas de solution magique mais des pistes d’action</h2>
<p>Pour <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Plan_micropolluants_def_light.pdf">réduire la présence de ces polluants émergents</a> dans les milieux littoraux, deux types de solutions sont envisageables : la première est de réduire les émissions polluantes. La deuxième solution est d’améliorer le traitement des eaux usées.</p>
<p>Parce que les points d’entrée et de circulation des produits dans l’eau sont multiples, la solution la plus efficace serait de réduire à la source les émissions polluantes. La réglementation au niveau européen et national peut instaurer des normes de fabrication, définir des seuils maximums, voire interdire certains produits.</p>
<p>Mais faute d’alternative, tous ne peuvent pas être interdits. Améliorer la situation des littoraux nécessite alors des efforts importants sur de vastes territoires en amont pour réduire l’usage des produits problématiques : le seul littoral Sud Atlantique est au débouché de 25 départements du <a href="https://eau-grandsudouest.fr/agence-eau/bassins-territoires/bassin-adour-garonne">bassin Adour Garonne</a>, soit un 1/5<sup>e</sup> du territoire métropolitain par exemple. Or motiver les acteurs socio-économiques de ces territoires représente une difficulté majeure : il faut les amener à adhérer à des mesures parfois contraignantes et coûteuses dont les bénéfices sont attendus bien loin de chez eux.</p>
<h2>Communiquer auprès des usagers</h2>
<p>La population détient également une partie de la solution : communiquer sur les nombreuses substances chimiques présentes dans les produits quotidiens permet <a href="http://www.santeenvironnement-nouvelleaquitaine.fr/eaux/r-e-g-a-r-d-lance-un-defi-a-80-familles-pour-reduire-les-micropolluants-dans-leau/">d’accompagner les changements de pratique</a> des consommateurs et de limiter le rejet de certaines substances. Certains projets de recherche comme <a href="https://www.leesu.fr/Presentation-de-Cosmet-eau">Cosmet’eau</a> sur les cosmétiques ou <a href="https://www.strasbourg.eu/lumieau-stra?p_p_id=eu_strasbourg_portlet_internal_link_viewer_InternalLinkViewerPortlet_INSTANCE_lEznd02jHGng&p_p_lifecycle=0&p_p_state=normal&p_p_mode=view&p_p_col_id=_com_liferay_nested_portlets_web_portlet_NestedPortletsPortlet_INSTANCE_zeWs8h6c1hTU__column-2&p_p_col_count=1">Lumieau-Stra</a> sur les produits ménagers ont notamment évalué l’efficacité des changements de pratiques.</p>
<p>Mais là encore, la diversité des produits concernés complique les choses : si on peut se passer de parfum, changer de marque de produit ménager, l’arrêt d’autres produits est plus difficile. C’est le cas des médicaments qui peuvent, comme à Bordeaux, représenter <a href="https://professionnels.ofb.fr/sites/default/files/pdf/documentation/CPA2022_Micropolluants_SecteurSante.pdf">plus de 90 % des polluants mesurés dans les eaux usées urbaines</a>.</p>
<p>Les efforts peuvent alors porter sur l’amélioration des procédés de traitement des eaux usées, insuffisamment efficaces à l’heure actuelle vis-à-vis de ces molécules.</p>
<p>Enfin, poursuivre les suivis de la qualité des eaux, tant littorales que continentales en amont pour vérifier les résultats de ces efforts est indispensable. Cela suppose de faire évoluer les normes pour intégrer ces polluants émergents dans les mesures de la qualité de l’eau. Le réseau européen <a href="http://www.norman-network.net/?q=node/100">NORMAN</a> qui regroupe les laboratoires et centres de recherche sur le sujet, travaille notamment à la hiérarchisation de ces nombreux produits afin de combler les lacunes en matière d’évaluation des risques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210420/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christine Bouisset et Mathilde Monperrus ont reçu des financements de l'université de Pau et des Pays de l'Adour et de la Communauté d'agglomération Pays-Basque dans le cadre du projet de recherche MICROPOLIT - Emerging micropollutants in aquatic ecosystems. Multidisciplinary approaches to face challenges and develop solutions from the river to the coast
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mathilde Monperrus ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La pollution, notamment chimique, de diverses activités implantées sur les littoraux menace la santé humaine et la riche biodiversité des littoraux.Christine Bouisset, Professeure de géographie, membre du laboratoire TREE - Transitions Energétiques et Environnementales, UMR 6031 CNRS, Université de Pau et des pays de l'Adour (UPPA)Mathilde Monperrus, Maître de conférence en chimie environnementale, Université de Pau et des pays de l'Adour (UPPA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2057252023-06-09T12:49:30Z2023-06-09T12:49:30ZLa surdose d’acétaminophène est l’une des principales causes de lésions hépatiques. Voici comment l’éviter<p>Larissa, une étudiante canadienne âgée de 21 ans, était en train de se remettre de la Covid-19 lorsqu’elle est morte des complications liées à une surdose accidentelle d’acétaminophène, un médicament que l’on trouve dans toutes les pharmacies et dans la plupart des salles de bain.</p>
<p>Au moment du décès de Larissa, sa sœur Darby étudiait en deuxième année à l’école de pharmacie de l’Université de Waterloo, où on aborde ce sujet en classe.</p>
<blockquote>
<p>On a été choqués par la rapidité avec laquelle cela s’est produit, se rappelle Darby. Larissa était en bonne santé et, moins d’une semaine après la surdose, son foie a lâché, elle a reçu une greffe de foie, puis elle est morte des suites de complications. On ne sait toujours pas ce qui s’est passé. C’est difficile parce qu’on se rend compte qu’on ne le saura probablement jamais. </p>
</blockquote>
<p>Avec le recul, Darby comprend qu’elle ne saura jamais ce qui a mené à cette surdose, mais elle est sûre que ce n’était pas délibéré. Sa sœur a sans doute voulu traiter des symptômes de la Covid-19 à un moment où elle se nourrissait mal.</p>
<p>En tant que spécialistes du foie et pharmaciennes, nous avons soigné des centaines de personnes victimes de surdoses d’acétaminophène et avons travaillé pendant des années pour sensibiliser aux risques d’une surdose accidentelle ou intentionnelle. Nous étions tous les trois en train de concevoir des <a href="https://uwaterloo.ca/pharmacy/resources-services-and-initiatives/health-resources/pharmacy5in5-resources#acetaminophen">outils pédagogiques</a> sur les lésions hépatiques liées à l’acétaminophène à l’intention des prestataires de soins de santé lorsque nous avons entendu l’histoire de Larissa.</p>
<h2>Principale cause d’insuffisance hépatique aiguë</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/522837/original/file-20230425-20-ybzm1z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une infographie décrivant les risques hépatiques de l’acétaminophène" src="https://images.theconversation.com/files/522837/original/file-20230425-20-ybzm1z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/522837/original/file-20230425-20-ybzm1z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=776&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/522837/original/file-20230425-20-ybzm1z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=776&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/522837/original/file-20230425-20-ybzm1z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=776&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/522837/original/file-20230425-20-ybzm1z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=976&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/522837/original/file-20230425-20-ybzm1z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=976&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/522837/original/file-20230425-20-ybzm1z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=976&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’acétaminophène est la cause la plus fréquente d’insuffisance hépatique liée à la prise de médicaments au Canada.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Kelly Grindrod)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>On trouve de l’acétaminophène dans plus de 600 produits, tels que Tylenol, Percocet, Midol, Robaxacet et NeoCitran. Il s’agit pourtant de l’une des principales causes <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/medicaments-et-appareils-medicaux/acetaminophene.html">d’insuffisance hépatique aiguë</a>, qui peut s’avérer fatale en l’absence d’une greffe de foie. Si des millions de personnes dans le monde prennent de l’acétaminophène chaque jour, pourquoi connaissons-nous si peu les risques de surdose ?</p>
<p>Chaque année, environ <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/medicaments-et-appareils-medicaux/acetaminophene.html">4 500 Canadiens sont hospitalisés</a> à la suite d’une surdose d’acétaminophène, ce qui représente 12 hospitalisations par jour. <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/rapports-publications/promotion-sante-prevention-maladies-chroniques-canada-recherche-politiques-pratiques/vol-40-no-4-2020/tendances-urgences-intoxications-acetaminophene-2011-2019.html">Près de la moitié des surdoses sont accidentelles</a>, comme cela a été le cas pour Larissa, selon sa famille.</p>
<p>Le risque est plus élevé pour les personnes qui consomment régulièrement trois boissons alcoolisées ou plus par jour, qui souffrent de malnutrition ou qui sont à jeun, car dans leur cas, une surdose peut se produire à des doses standard d’acétaminophène (la dose maximale recommandée sur 24 heures est de 4 000 milligrammes pour les adultes, et moins pour les enfants).</p>
<p>Une erreur fréquente consiste à combiner des médicaments contenant de l’acétaminophène en vente libre ou sur ordonnance. Une <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0229070">enquête que nous avons menée en 2020</a> a révélé que plus de la moitié des personnes interrogées ne savaient pas que les produits extra-forts contenaient jusqu’à deux fois plus d’acétaminophène que ceux de base.</p>
<p>La pénurie récente de médicaments contre la douleur et la fièvre destinés aux enfants a suscité des inquiétudes quant aux <a href="https://ismpcanada.ca/wp-content/uploads/ISMPCSB2022-i11-Imported-Acetaminophen.pdf">risques de surdose accidentelle</a>, puisque les parents ont dû soigner leurs enfants avec des produits pour adultes.</p>
<h2>Toxicité et surdose</h2>
<p>Des doses standard d’acétaminophène ne sont pas toxiques pour le foie : la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4498995/pdf/nihms690826.pdf">majeure partie est décomposée par le foie et quitte l’organisme avec les urines</a>. Mais le foie a une capacité limitée à décomposer l’acétaminophène.</p>
<p>Lorsqu’une trop grande quantité est absorbée pendant une période de 24 heures, le foie ne peut pas la décomposer assez rapidement. Le surplus d’acétaminophène se déverse dans une autre voie, où le foie le décompose en un produit qui est toxique pour lui. Plus on consomme d’acétaminophène en une seule fois, plus il y aura de produit toxique.</p>
<p>Dans les 24 heures suivant une surdose, on peut présenter des symptômes légers tels que nausées et vomissements, mais dans de nombreux cas, il n’y a aucun symptôme.</p>
<p>Après un jour ou deux, les lésions du foie apparaissent et les symptômes peuvent inclure des douleurs abdominales, une urine foncée et un jaunissement des yeux et de la peau. Au bout de trois jours, des symptômes tels que des saignements, des ecchymoses, de la confusion et de l’hypoglycémie signalent que le foie est défaillant et qu’il y a risque de décès.</p>
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<img alt="Une bouteille ouverte d’acétaminophène couchée sur le côté avec des caplets qui s’écoulent" src="https://images.theconversation.com/files/523061/original/file-20230426-221-dv5jxz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523061/original/file-20230426-221-dv5jxz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523061/original/file-20230426-221-dv5jxz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523061/original/file-20230426-221-dv5jxz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523061/original/file-20230426-221-dv5jxz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523061/original/file-20230426-221-dv5jxz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523061/original/file-20230426-221-dv5jxz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Lorsqu’on achète de l’acétaminophène pour des troubles courants tels que maux de tête ou douleurs arthritiques, il convient de choisir un produit de base. Les produits extra-forts augmentent le risque de surdosage accidentel.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Bien que le foie puisse se régénérer de lui-même, <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/medicaments-et-appareils-medicaux/acetaminophene.html">environ 6 % des personnes hospitalisées à la suite d’une surdose d’acétaminophène développent une insuffisance hépatique</a>.</p>
<p>Un traitement rapide est essentiel. Il existe un antidote (un médicament intraveineux appelé N-acétylcystéine), mais il est <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK548162/">plus efficace s’il est administré dans les 24 heures</a> après la surdose. Une greffe de foie peut être nécessaire, surtout si le traitement est fait trop tard, et de nombreuses personnes meurent dans l’attente d’un foie ou à la suite des complications d’une greffe de foie.</p>
<h2>L’acétaminophène sans risques</h2>
<p>Comme l’acétaminophène est un des médicaments les plus courants contre la douleur et la fièvre, il convient de prendre des mesures pour réduire les risques de lésions hépatiques.</p>
<p>Pour commencer, il faut toujours <a href="https://safemedicationuse.ca/tools_resources/tips_acetaminophen.html">lire les étiquettes</a>. Ensuite, il ne faut jamais consommer plus d’un produit contenant de l’acétaminophène à la fois et porter une attention particulière aux médicaments contre l’arthrite, le rhume et la grippe, le sommeil, les douleurs menstruelles et les maux de dos. Et on ne doit pas hésiter à poser des questions au pharmacien.</p>
<p>Vérifiez toujours les emballages d’acétaminophène pour connaître la dose unique maximale et la dose sur 24 heures. Si on commence à midi, la fenêtre de 24 heures se termine à midi le lendemain. Prenez-en moins si vous consommez régulièrement trois boissons alcoolisées ou plus par jour ou si vous n’arrivez pas à manger régulièrement, par exemple en cas de troubles de l’alimentation, de faiblesse liée à l’âge ou si vous souffrez de nausées ou de vomissements.</p>
<p>Lorsque vous achetez de l’acétaminophène pour des affections courantes telles que des maux de tête ou des douleurs arthritiques, optez pour le produit standard. Les produits extra-forts augmentent les risques de surdose.</p>
<p>En cas de surdose, appelez la <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/nouvelles/2023/03/le-canada-lance-le-1-844-poison-x-un-nouveau-numero-sans-frais-pour-les-centres-antipoison.html">ligne antipoison sans frais de Santé Canada (1-844-POISON-X)</a> ou votre centre antipoison local pour obtenir des conseils sur ce que vous devez faire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205725/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kelly Grindrod a reçu des fonds de recherche du CRSNG PromoScience, de l'Agence de santé publique du Canada, des Instituts de recherche en santé du Canada, de la British Academy et de la Canadian Foundation for Pharmacy.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Eric Yoshida est affilié à l'Université de la Colombie-Britannique et à l'Hôpital général de Vancouver. Il a participé à des essais cliniques parrainés par Gilead Sciences, Madrigal, Pfizer, Allergan, Celgene, Genfit, Intercept, Novodisc. Il a également reçu une bourse de recherche sans restriction de Paladin Laboratories. Il n'a aucun conflit d'intérêt avec cet article.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Trana Hussaini ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’acétaminophène est l’un des médicaments les plus couramment utilisés. Pourtant, la surdose d’acétaminophène est l’une des principales causes de lésions hépatiques. Elle peut être facilement évitée.Kelly Grindrod, Associate Professor, School of Pharmacy, University of WaterlooEric Yoshida, Professor of Medicine, University of British ColumbiaTrana Hussaini, Clinical associate professor, Faculty of Pharmaceutical Sciences, University of British ColumbiaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2009642023-03-02T20:01:05Z2023-03-02T20:01:05ZMediator : un procès dans l’indifférence, un scandale pourtant exemplaire<p>C’est dans une forme d’<a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/dans-le-pretoire/dans-le-pretoire-du-vendredi-24-fevrier-2023-2379071">indifférence</a> que se poursuit en appel le procès du Mediator depuis le 9 janvier 2023, si ce n’est pour dénoncer la remise récente de la Légion d’honneur à une lobbyiste des laboratoires Servier. C’est le parquet qui avait <a href="https://www.liberation.fr/societe/sante/affaire-du-mediator-le-parquet-de-paris-fait-appel-de-la-relaxe-partielle-des-laboratoires-servier-20210406_Z7WUHSFD5JBL3LTLKKD34PBDPU/">interjeté appel</a> du jugement rendu le 29 mars 2021 par le tribunal correctionnel de Paris.</p>
<p>Certes, le groupe pharmaceutique avait été reconnu coupable de « tromperie aggravée » et d’« homicides et blessures involontaires » en commercialisant un coupe-faim pour traiter le diabète en dépit du fait qu’il connaissait ses conséquences sur la santé et les risques cardio-vasculaires engendrés. La relaxe partielle pour obtention indue d’autorisation de mise sur le marché et escroquerie a néanmoins été jugée trop clémente par le procureur de la République.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1630614255471935499"}"></div></p>
<p>La salle qui accueillait auparavant le procès des attentats du 13 novembre 2015 s’est certes remplie le mardi 14 février pour l’audition de la lanceuse d’alerte Irène Frachon sans laquelle le produit continuerait peut-être toujours à faire des ravages. Les victimes se sont, elles, exprimées les jours suivants devant des bancs quasi déserts.</p>
<p>Et pourtant, l’affaire, aux dires de professionnels du secteur du médicament, tiraillés entre éthique et recherche de profit, marquerait un <a href="https://theconversation.com/soigner-la-population-ou-son-chiffre-daffaires-un-dilemme-pour-les-marketeurs-de-lindustrie-pharmaceutique-164180">tournant</a>. Discret, le procès n’en marquerait pas moins une frontière entre un avant et un après.</p>
<p>Pourquoi un tel paradoxe ? Comme le montrent nos travaux sur la <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/1056492615579081">criminalité en col blanc</a>, différents ressorts interviennent en fait : un crime en col blanc se trouve souvent caché et euphémisé, notamment car il s’avère bien délicat de faire la part des choses entre responsabilités individuelles et organisationnelles et car il est toujours possible de se réfugier derrière une défaillance des organismes de contrôle. Le cas du Mediator s’avère en fait une parfaite illustration des principaux enseignements de la littérature scientifique sur la question.</p>
<h2>Faillite de surveillance</h2>
<p>Le laboratoire Servier, 2<sup>e</sup> groupe pharmaceutique français, a conçu et vendu un médicament, le Mediator, de 1976 à 2009 alors que celui-ci était su toxique pour la santé au moins depuis 1995. Il aura fallu le courage d’Irène Frachon, pneumologue lanceur d’alerte, pour le dénoncer. Son ouvrage <em>Mediator 150 mg</em> avait même vu son sous-titre <em>Combien de morts ?</em> censuré un temps après un procès en référé intenté par le laboratoire.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/512963/original/file-20230301-2006-m3xm7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/512963/original/file-20230301-2006-m3xm7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512963/original/file-20230301-2006-m3xm7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=933&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512963/original/file-20230301-2006-m3xm7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=933&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512963/original/file-20230301-2006-m3xm7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=933&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512963/original/file-20230301-2006-m3xm7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1173&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512963/original/file-20230301-2006-m3xm7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1173&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512963/original/file-20230301-2006-m3xm7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1173&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Plusieurs éléments caractérisent la criminalité en col blanc. Apparaît bien souvent en premier lieu <a href="https://yalebooks.yale.edu/book/9780300033182/white-collar-crime/">l’ampleur des conséquences</a>. Durant les 33 ans de sa commercialisation, le Médiator a été prescrit à plus de 5 millions de personnes en France et aurait entraîné la mort de 1000 à 2000 personnes. Le coût pour la sécurité sociale a, lui, été chiffré à <a href="https://www.lefigaro.fr/actualite-france/2011/05/04/01016-20110504ARTFIG00652-le-mediator-a-coute-au-moins-12-milliard-a-la-secu.php">plus d’un milliard d’euros</a>.</p>
<p>Si les conséquences sont telles, expliquent les chercheurs, c’est bien souvent en raison d’un <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/9781118775004.ch11">manque de surveillance</a>. L’affaire Servier a ainsi permis de mettre en exergue les profondes déficiences des autorités françaises de contrôle. Des comparaisons avec nos voisins sont mobilisées à l’appui, ce même si un débat existe autour du retrait plus précoce du produit en Espagne et en Italie, respectivement, 2003 et 2004 : était-ce à l’<a href="https://sante.lefigaro.fr/actualite/2010/11/22/10565-2003-lespagne-retire-mediator-marche">initiative du laboratoire</a> pour en raison d’une demande insuffisante ou bien une initiative des autorités qui observaient de premiers cas de valvulopathie ?</p>
<p>Dès 2011, un <a href="https://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/Synthese_MEDIATOR.pdf">rapport</a> de l’Inspection générale des Affaires sociales, ainsi que <a href="https://www.apmnews.com/documents/rapport-mission-refonte-systeme-controle-medicaments-160311.pdf">celui</a> remis au président de la République par les professeurs Bernard Debré et Philippe Even pointait une <a href="https://www.apmnews.com/documents/rapport-mission-refonte-systeme-controle-medicaments-160311.pdf#page=77">« faillite »</a> du système du système de pharmacovigilance français, et en particulier de l’Agence sanitaire des produits de santé :</p>
<blockquote>
<p>« <a href="https://www.apmnews.com/documents/rapport-mission-refonte-systeme-controle-medicaments-160311.pdf#page=48">Pourquoi</a> l’honneur d’avoir dénoncé le Mediator est-il revenu au seul Dr Frachon, finalement aidé par C. Hill et par le Dr A. Weill (suspendu pour l’avoir aidé !) et non à une agence de 1 000 personnes ? », questionnent les seconds.</p>
</blockquote>
<p>Le scandale du Médiator est bien aussi la faillite du système de pharmacovigilance français, argument mobilisé par la défense. Lors de son audition par la mission d’information parlementaire en mars 2011, le fondateur de l’entreprise, Jacques Servier (décédé depuis) rappelait déjà que son groupe disposait de toutes les autorisations nécessaires pour la commercialisation de son produit coupe-faim.</p>
<h2>Pour éviter un bis repetita</h2>
<p>Si la criminalité économique peut perdurer, c’est aussi car des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/1745-9125.12206">mécanismes d’apprentissage</a> transmettent les techniques des fraudeurs, transformant alors un crime de quelques individus en <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1745-9125.1996.tb01211.x">criminalité organisationnelle</a>. Vendre un tel médicament sur une aussi longue période nécessite de fait l’implication de nombreuses personnes en interne et externe.</p>
<p>Le temps passant, les protagonistes du lancement de ce produit néfaste ont été obligés de transmettre les techniques nécessaires à cette infraction à d’autres cadres du groupe. Selon les criminologues, ils ont aussi dû leur expliquer les mobiles du groupe Servier, donner des justifications permettant de moins de sentir coupable et fournir les contacts avec les réseaux nécessaires pour faire perdurer les ventes.</p>
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<p>Cela fait que les criminels ont souvent, à tort ou à raison, un <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/01639625.2018.1491696">faible sentiment de culpabilité</a>. C’est sans doute en partie pour cela que le numéro 2 du groupe Servier, Jean-Philippe Seta déclarait à la cour d’appel au mois de janvier :</p>
<blockquote>
<p>« Nous nous sommes trompés dans l’évaluation du risque. Nous avons fait une erreur sévère, sérieuse, dont les conséquences ont été gravissimes pour les victimes ».</p>
</blockquote>
<p>Le laboratoire, avaient cependant estimé les <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/pharmacie-sante/mediator-retour-sur-un-scandale-sanitaire-1897243">juges</a> en première instance, « <em>disposait à partir de 1995, de suffisamment d’éléments pour prendre conscience des risques mortels</em> ». Le scandale sanitaire est ici présenté une « erreur », technique rhétorique d’euphémisation qui a pour objectif de se sentir moins coupable et d’anesthésier l’opinion et la justice.</p>
<p>C’est pourtant une réaction vigoureuse de la justice qui est maintenant nécessaire, aussi bien envers les acteurs individuels que la personne morale (le groupe Servier). L’un des premiers enseignements du père fondateur de la sociologie française, Émile Durkheim, repris maintes fois par les chercheurs, est en effet <a href="https://www-cairn-info.ezproxy.universite-paris-saclay.fr/de-la-division-du-travail-social--9782130619574.htm">l’importance des peines</a> pour fixer les normes acceptables de comportement dans une société.</p>
<p>Ainsi, aux États-Unis, le groupe Servier a-t-il été impliqué dans la vente d’un médicament similaire, le <a href="https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2011/06/08/dementi-de-servier-accuse-d-avoir-menti-aux-americains-pour-vendre-l-isomeride_1533361_3222.html">Redux</a>, aux effets tout aussi néfastes. En 2005, son partenaire Wyeth a été obligé de provisionner plus de <a href="https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2011/06/08/dementi-de-servier-accuse-d-avoir-menti-aux-americains-pour-vendre-l-isomeride_1533361_3222.html">20 milliards de dollars</a> pour faire face aux frais d’avocats et aux indemnisations des patients. Si la justice américaine est capable de punir justement et lourdement, pourquoi pas celle aussi de l’hexagone ?</p>
<p>Le tribunal correctionnel de Paris a condamné en 2021 le groupe Servier à 2,7 millions d’euros soit <a href="https://servier.com/wp-content/uploads/2022/08/servier-rapport-annuel-2020-21-1.pdf#page=34">0,4 % de son bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements</a>. Pour qu’un scandale du type Médiator ne survienne pas une nouvelle fois en France, il faudrait sans doute une peine plus dissuasive, à hauteur, par exemple, du bénéfice annuel de l’entreprise. Il serait souhaitable que le groupe Servier soit aussi condamné à rembourser le coût pour la sécurité sociale de ce médicament néfaste, soit plus d’un milliard. Sans peine exemplaire, il ne faudra pas s’étonner au prochain scandale sanitaire français. Une partie de notre santé future semble bien se trouver dans les mains des juges.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200964/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bertrand Venard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le procès en appel des laboratoires Servier suscite peu d’intérêt. Il présente pourtant tous les traits d’une criminalité en col blanc pour laquelle une condamnation vigoureuse semble nécessaire.Bertrand Venard, Professeur / Professor, AudenciaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1964412022-12-15T14:49:37Z2022-12-15T14:49:37ZMédicament lecanemab : une lueur d’espoir pour l’Alzheimer<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/500814/original/file-20221213-21589-54zuqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C1%2C994%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le lecanemab est un anticorps qui s’attache aux protéines bêta-amyloïde accumulées dans le cerveau et permettrait au système immunitaire de s’en débarrasser.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Le 30 novembre dernier, Eisai et Biogen annonçaient les <a href="https://eisai.mediaroom.com/2022-11-29-EISAI-PRESENTS-FULL-RESULTS-OF-LECANEMAB-PHASE-3-CONFIRMATORY-CLARITY-AD-STUDY-FOR-EARLY-ALZHEIMERS-DISEASE-AT-CLINICAL-TRIALS-ON-ALZHEIMERS-DISEASE-CTAD-CONFERENCE">résultats de leur dernier essai clinique de phase 3 sur l’Alzheimer</a>. Le verdict : un traitement de 18 mois au lecanemab ralentit de 27 % la perte fonctionnelle et cognitive chez des personnes atteintes de maladie d’Alzheimer légère ou d’un trouble cognitif léger lié à l’Alzheimer. <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa2212948">Les résultats de l’étude ont été également publiés dans le <em>New England Journal of Medicine</em></a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/alzheimer-au-coeur-de-linteraction-entre-linsuline-et-les-vaisseaux-sanguins-du-cerveau-195252">Alzheimer : au cœur de l’interaction entre l’insuline et les vaisseaux sanguins du cerveau</a>
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<p>Contrairement aux médicaments déjà approuvés pour l’Alzheimer, la compagnie pharmaceutique Eisai prétend que celui-ci est capable de ralentir la maladie plutôt que de simplement en réduire les symptômes.</p>
<p>Cette bonne nouvelle n’est cependant que le premier pas vers une véritable cure contre l’Alzheimer.</p>
<p>En tant qu’experts en neurosciences spécialisés dans l’étude de l’Alzheimer, nous suivons la recherche de traitements pour cette maladie de très près.</p>
<h2>Des résultats prometteurs, mais modestes</h2>
<p>Le lecanemab est un anticorps qui s’attache aux protéines bêta-amyloïde accumulées dans le cerveau et permettrait au système immunitaire de s’en débarrasser. Dans l’Alzheimer, cette protéine forme des agrégats et contribuerait à la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27025652/">progression initiale de la maladie</a>.</p>
<p>Eisai a donc sélectionné les personnes ayant les plus grandes chances de bénéficier du traitement : celles en début de maladie, ou ayant un trouble cognitif léger qui ont de grandes accumulations de bêta-amyloïde. C’est le cas d’environ <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35099509/">7 personnes sur 8 avec un diagnostic d’Alzheimer, et la moitié des personnes vivant avec un trouble cognitif léger</a>. Après un traitement de 18 mois, le tiers des personnes traitées était maintenant à des niveaux normaux de bêta-amyloïde.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/500815/original/file-20221213-22444-zd3iu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="personnes âgées font un casse-tête" src="https://images.theconversation.com/files/500815/original/file-20221213-22444-zd3iu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/500815/original/file-20221213-22444-zd3iu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/500815/original/file-20221213-22444-zd3iu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/500815/original/file-20221213-22444-zd3iu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/500815/original/file-20221213-22444-zd3iu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/500815/original/file-20221213-22444-zd3iu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/500815/original/file-20221213-22444-zd3iu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Un traitement de 18 mois au lecanemab ralentit de 27 % la perte fonctionnelle et cognitive chez des personnes atteintes de maladie d’Alzheimer légère ou d’un trouble cognitif léger lié à l’Alzheimer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Ce n’est <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34151810/">pas la première fois qu’un produit se débarrasse de la bêta-amyloïde</a>, mais c’est la première fois qu’un traitement mène à des bénéfices cognitifs et fonctionnels statistiquement clairs. Cependant, l’effet est petit : sur l’échelle d’évaluation clinique de la démence de 18 points (<a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3409562/"><em>clinical dementia rating scale – sum of boxes</em></a>), les personnes traitées ont perdu un demi-point. L’impact réel sur la vie d’une personne traitée demeure donc modeste. Comme les symptômes d’Alzheimer progressent lentement en début de maladie, il sera important de déterminer si l’effet se poursuit après plus de 18 mois.</p>
<h2>Des effets secondaires inquiétants</h2>
<p>Le traitement n’a cependant pas que du positif. Il a mené à un rétrécissement du cerveau 25 % plus rapide. Des chercheurs ont attribué cette atrophie à l’élimination de la bêta-amyloïde. L’idée ne fait cependant pas l’unanimité, puisque la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34224184/">bêta-amyloïde serait en quantité trop petite pour expliquer un tel rétrécissement</a>. Les conséquences d’un tel rétrécissement sont inconnues.</p>
<p>Un sixième des personnes traitées ont développé des œdèmes cérébraux – une accumulation d’eau indiquant qu’il y a de l’inflammation. Le traitement a aussi mené à deux fois plus d’hémorragies cérébrales – environ une personne sur six – par rapport aux personnes ayant reçu le placebo. Cependant, seulement 1 personne sur 30 a vraiment ressenti des symptômes liés à ces deux anomalies. Même si les microhémorragies bénignes sont plutôt fréquentes chez les personnes âgées, elles pourraient réduire la capacité du cerveau à s’adapter. Cela pourrait donc <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamaneurology/article-abstract/2526492">accroître la vulnérabilité du cerveau aux maladies cérébrales comme l’Alzheimer</a>.</p>
<p>Heureusement, des sous-groupes semblent tirer plus de bénéfices du traitement. Les hommes et les personnes de 75 ans et plus ont eu un ralentissement de plus de 40 % du déclin cognitif. Les personnes n’ayant pas le variant e4 du gène APOE, le <a href="https://www.science.org/doi/abs/10.1126/science.8346443">principal facteur de risque de l’Alzheimer</a>, ont eu moins d’effets secondaires tout en ayant un plus grand ralentissement de la progression de la maladie.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/m_ryJzQBYOY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le médicament lecanemab réduit le déclin cognitif chez les personnes atteintes de l’Alzheimer, mais il cause aussi des effets indésirables parfois sévères.</span></figcaption>
</figure>
<p>À l’inverse, les personnes portant deux copies de l’APOE e4 – provenant des deux parents – avaient six fois plus de chances de développer des symptômes provenant d’une hémorragie ou d’un œdème cérébral. De surcroît, ces personnes n’ont, en moyenne, pas eu d’effets positifs du lecanemab. Avoir une seule copie de l’APOE e4 semble permettre de bénéficier du traitement tout en augmentant légèrement les risques d’effets secondaires.</p>
<p>Ces données donnent espoir que les professionnels de santé pourront sélectionner les patients ayant le plus de chance de bénéficier du traitement.</p>
<h2>Un traitement demandant beaucoup de ressources</h2>
<p>Tout laisse croire que le lecanemab sera coûteux en termes de ressources. On doit d’abord s’assurer que la personne peut bénéficier du traitement en démontrant que son cerveau contient la bêta-amyloïde. Cela nécessite des équipements d’imagerie coûteux et rares en plus d’une équipe de professionnels bien formés.</p>
<p>Le médicament doit aussi être injecté toutes les deux semaines, demandant de mobiliser les patients, leurs proches et des professionnels de la santé. Pour gérer le risque d’effets secondaires, il faudra aussi offrir un suivi en imagerie. À cela s’ajoute le coût du médicament lui-même, qui n’a pas encore été annoncé. D’après des analystes, il pourrait se chiffrer à <a href="https://www.reuters.com/business/healthcare-pharmaceuticals/eisai-biogen-alzheimers-drug-could-be-available-some-next-year-2022-11-30/#:%7E:text=Several%20estimated%20lecanemab%20may%20be%20priced%20at%20around%20%2420%2C000%20per%20year">près de 20 000$ américains par année</a>.</p>
<p>Bref, le système de santé et le milieu de la recherche devront déployer des ressources importantes pour arriver à offrir ce nouveau traitement de façon équitable au plus grand nombre de gens. Il faudra offrir davantage de suivis médicaux et neuropsychologiques, fabriquer de nouvelles infrastructures d’imagerie cérébrales et former du personnel spécialisé.</p>
<p>Nous devons espérer que ce nouveau traitement en vaudra la chandelle.</p>
<p>Espérons également que les prochains résultats d’essais cliniques rapporteront une plus grande efficacité chez les femmes et chez les personnes porteuses de l’APOE e4.</p>
<p>Après tout, le lecanemab n’est que le début, et il en faudra bien plus pour véritablement traiter l’Alzheimer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196441/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frederic Calon a reçu des financements des Instituts de Recherche en Santé du Canada (IRSC/CIHR), du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG/NSERC), de la fondation canadiennes pour l’innovation, de la société Alzheimer Canada et du Fonds de recherche du Québec - Santé (FRQS).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Étienne Aumont a reçu des financements des Instituts de Recherche en Santé du Canada. </span></em></p>Un traitement de 18 mois au lecanemab ralentit de 27 % la perte fonctionnelle et cognitive chez des personnes atteintes de maladie d’Alzheimer légère. Mais ce n’est que le premier pas vers une véritable cure.Frederic Calon, Professeur, Université LavalÉtienne Aumont, Étudiant au doctorat en psychologie, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1897362022-09-27T13:25:48Z2022-09-27T13:25:48ZDes médicaments numériques qui bousculent les codes du monde pharmaceutique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/486336/original/file-20220923-17085-u3iw96.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C0%2C994%2C667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Parmi toutes les thérapies numériques proposées sur le marché, seulement une infime partie reçoit une homologation de la part d'une autorité de régulation, permettant ainsi en plus de sa commercialisation, son remboursement.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>C’est en 2017, dans le contexte de la crise des opioïdes, que la FDA (<a href="https://www.fda.gov/">Food and Drug Administration</a>) a pour la première fois homologué un « médicament numérique » ou DTx. Il s’agit du produit <a href="https://peartherapeutics.com/products/reset-reset-o/#:%7E:text=reSET%20is%20indicated%20as%20a,their%20primary%20substance%20of%20abuse.">« reSET »</a> de <a href="https://peartherapeutics.com/">Pear Therapeutics</a>. reSET est un dispositif qui consiste en un programme de douze semaines pour traiter les troubles liés à la consommation de substances causant une dépendance (cannabis, cocaïne ou alcool), par le recours à des techniques comportementales et cognitives.</p>
<p>C’est un peu comme si on se basait sur l’idée que les technologies numériques, dès lors considérées comme médicaments, pouvaient « réinitialiser » (<em>reset</em>) les erreurs du passé. Et on se souviendra que les effets délétères de certains médicaments addictifs sont en partie la responsabilité de cette même agence de régulation.</p>
<p>Au delà de cette coïncidence porteuse de sens, comment comprendre l’émergence de cette nouvelle classe de dispositifs thérapeutiques numériques ? Et surtout, quels sont les processus par lesquels des technologies numériques deviennent non seulement des produits de santé, mais aussi des médicaments validés, prescrits et éventuellement remboursés par les assurances collectives privées ou publiques ?</p>
<p>Nous proposons d’apporter un éclairage sur les manières dont les DTx invitent à repenser la pharmaceuticalisation, qui peut être définie comme le processus par lequel les médicaments pharmaceutiques deviennent des solutions à des problèmes de santé plus globaux. La nuance avec les DTx, c’est que le processus d’évaluation et d’approbation réglementaire, qui permet de garantir sécurité, efficacité et rentabilité économique, vise leur forme numérique (et non leur chimie ou leur biologie). Il s’agirait en fait d’<strong>un mode d’encapsulation du numérique</strong>. Voyons comment.</p>
<h2>Les différents types de DTx</h2>
<p>D’abord, il est indispensable de distinguer les DTx des « applications de bien-être ». Toutes les thérapies numériques proposées sur le marché ne sont pas des médicaments numériques. Les DTx se distinguent en ceci qu’ils reçoivent une homologation de la part d’une autorité de régulation, permettant ainsi, en plus de sa commercialisation, son remboursement. C’est ce que la FDA nomme les <a href="https://www.canada.ca/en/health-canada/services/drugs-health-products/medical-devices/application-information/guidance-documents/software-medical-device-guidance-document.html">« Software as a Medical Device (SaMD) »</a>.</p>
<p>Il faut donc bien distinguer la santé numérique (regroupant des applications et autres <em>techs</em> qui ne nécessitent pas de preuves cliniques), la médecine numérique (qui s’appuie sur des preuves cliniques, mais sans nécessairement requérir une approbation réglementaire) et les thérapies numériques (qui nécessitent une approbation réglementaire).</p>
<p>Les thérapies numériques fonctionnement toute ou presque via une application et traitent essentiellement des maladies chroniques. On distingue trois branches distinctes de médicaments numériques. Premièrement, on retrouve les médicaments numériques basés sur la <em>gamification</em>, sous la forme de jeux vidéos. On parle par exemple du jeu vidéo <a href="https://www.somryst.com/">« Somryst »</a>, approuvé par la FDA, qui traite l’insomnie chronique chez des patients adultes.</p>
<p>Deuxièmement, on répertorie les médicaments numériques basés sur la mobilisation des sens, ou thérapies numériques sensitives. <a href="https://lucine.fr/">« Lucine »</a>, une thérapie numérique personnalisée pour soulager la douleur chronique, en est un bon exemple. Avec Lucine, le traitement se fait à partir de la diffusion de sons, d’images ou encore de lumières.</p>
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<figcaption><span class="caption">Lucine, une thérapie numérique pour soulager la douleur chronique.</span></figcaption>
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<p>Enfin, on retrouve les médicaments numériques en tant qu’applications de suivi. Par exemple, <a href="https://www.diabeloop.fr/">« Diabeloop »</a> est une application d’autonomisation des suivis à partir d’un algorithme autoapprenant, dévelopée pour les personnes diabétiques. Cette thérapie est approuvée par les autorités françaises et peut être remboursée par certains types d’assurances.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/dkn7vtatewc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Diabeloop, jeune entreprise qui favorise l’intelligence collective.</span></figcaption>
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<h2>Avec ou sans médicament</h2>
<p>Les DTx ne sont pas seulement des dispositifs virtuels ; elles peuvent aussi être déployées en complémentarité avec des dispositifs physiques existants. En effet, on relève deux stratégies différentes déployées par les géants de l’industrie pharmaceutique : « standalone » ou « around the pill ». Dans la première configuration <a href="https://www.smartpatient.eu/blog/digital-therapeutics-and-pharma-how-novartis-sanofi-et-al-embrace-dtx">« standalone »</a> (DTx indépendante), la compagnie crée une thérapie numérique entièrement nouvelle pour traiter une maladie. Dans la configuration <a href="https://www.smartpatient.eu/blog/digital-therapeutics-and-pharma-how-novartis-sanofi-et-al-embrace-dtx">« around-the-pill »</a> (DTx en soutien à un médicament existant), la compagnie va plutôt chercher à développer un traitement numérique complémentaire à l’usage d’un médicament existant.</p>
<p>Par exemple, <a href="https://support.diabeloop.com/hc/fr/articles/360012884760-Qu-est-ce-que-le-DBLG1-">l’algorithme « DBLG1 »</a> développé par Diabeloop, est associé à un capteur de glucose en continu (CGM) et une pompe à insuline. Toutes les cinq minutes, un résultat de glycémie est envoyé à un terminal via la technologie Bluetooth. L’intelligence artificielle DBLG1 analyse les données en temps réel et calcule la juste dose d’insuline à administrer selon les paramètres biologiques personnalisés du patient (âge, poids, vitesse d’élimination) ainsi que les informations renseignées (repas, activité physique). Le corps est ainsi calculé, numérisé. Et les données générées lui reviennent sous forme d’injection d’insuline.</p>
<p>Cette approche « around the pill » est un exemple d’un DTx qui ne remplace pas un médicament ordinaire, mais fonctionne en parallèle pour traiter un aspect de la maladie qu’un médicament ne peut résoudre seul.</p>
<p>A noter que le <a href="https://www.juniperresearch.com/researchstore/key-vertical-markets/digital-therapeutics-market-research-report">développement</a> d’une DTx est estimé à trois à quatre ans en moyenne contre plus de vingt ans pour le développement d’une molécule. Une rapidité qui favorise un rapprochement entre industries du numérique et pharmaceutique, pour certains types de traitements.</p>
<h2>De nouvelles alliances numériques et pharmaceutiques</h2>
<p>Basée aux États-Unis, la <a href="https://dtxalliance.org/">« Digital Therapeutics Alliance (DTA) »</a> est l’association des parties prenantes de ce nouveau secteur. Elle a pour mission d’étendre l’adoption, la couverture et l’accès aux DTx validées cliniquement. En s’engageant directement auprès des fonctionnaires fédéraux et en soumettant des commentaires sur les règles et réglementations proposées, la DTA « veille » à ce que les intérêts de ses membres soient pris en compte dans les décisions politiques qui auront un impact économique. Membres parmi lesquels on retrouve Pear therapeutics, Roche, Bayer et Novartis.</p>
<p>Aux États-Unis, la mise sur le marché du médicament numérique « reSET » a été menée en étroite collaboration avec <a href="https://www.sandoz.ca/fr">Sandoz</a>, une filiale du groupe pharmaceutique <a href="https://www.novartis.ca/fr">Novartis</a>. Bien que le partenariat entre Pear Therapeutics et Sandoz ait été résilié (apparente divergence sur la vision long terme autour des objectifs stratégiques), il n’en demeure pas moins que la compagnie Pear Therapeutics a acquis une forte expertise pour transformer ses thérapies numériques en médicaments reconnus.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1542145990366576641"}"></div></p>
<p>L’entreprise compte aujourd’hui trois DTx homologués : <a href="https://peartherapeutics.com/products/reset-reset-o/#:%7E:text=reSET%20is%20indicated%20as%20a,their%20primary%20substance%20of%20abuse.">« reSET »</a> (traitement contre les dépendances), <a href="https://peartherapeutics.com/products/reset-reset-o/#:%7E:text=reSET%20is%20indicated%20as%20a,their%20primary%20substance%20of%20abuse.">« reSET-O »</a> (traitement contre la dépendance aux opioïdes), et <a href="https://www.somryst.com/">« Somryst »</a> (traitement contre les insomnies). Mais surtout, l’entreprise, fondée à Boston, présente sur son site Internet une liste impressionnante de produits en cours de développement comme en témoigne <a href="https://peartherapeutics.com/science/product-pipeline/">« son pipeline »</a>.</p>
<p>Dans son dernier <a href="https://peartherapeutics.com/pear-therapeutics-announces-operational-performance-metrics-for-full-year-2021-and-reaffirms-financial-and-operational-performance-metrics-for-full-year-2022/">rapport d’activité</a>, Pear Therapeutics faisait état d’une multiplication par 4 des prescriptions pour l’ensemble des trois produits labellisés par la FDA entre 2021 et 2022 et un accès élargi aux patients avec les assurances des états du Michigan et de l’Oklahoma, représentant une croissance de l’ordre de 20 %. Des indicateurs qui plaisent aux marchés financiers.</p>
<h2>Les enjeux de la pharmaceuticalisation du numérique</h2>
<p>Au final, ces nouvelles alliances entre compagnies numériques et pharmaceutiques laissent entrevoir des pratiques de capture économique et de marchandisation de la santé, déjà bien connues. Mais ce phénomène est également « innovant », comme on aime à dire dans le secteur, puisqu’il s’appuie sur une mise en forme pharmaceutique du numérique.</p>
<p>Plusieurs questions demeurent en suspens. Comment les médecins vont-ils prescrire ces médicaments numériques ? Comme le montrent les <a href="https://smarthealth.live/fr/2021/11/30/retour-sur-the-state-of-digital-therapeutics-2021/">chiffres en Allemagne</a>, il semblerait que les médecins généralistes ne soient pas encore prêts. Voudront-ils entrer dans une relation clinique numérique avec leurs patients ?</p>
<p>Des effets thérapeutiques de ces médicaments découleront des effets secondaires non négligeables, notamment une dépendance aux écrans ou aux environnements numériques. De quel type de pharmacovigilance devons-nous nous doter pour assurer un usage sécuritaire de ces médicaments ?</p>
<p>De plus, les enjeux des médicaments numériques ne graviteront pas seulement autour de la santé du patient, mais concerneront aussi la protection et la valorisation de ces données, dans un contexte de fortes attentes économiques.</p>
<p>Voilà l’ampleur de la tâche qui attend les régulateurs et une nécessaire « santé publique numérique », notamment au Canada, qui n’a encore que peu d’expérience en la matière.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189736/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cécile Petitgand est fondatrice et directrice de l'entreprise Data Lama, spécialisée en gestion des données. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-Christophe Bélisle-Pipon, Léo Cadillac et Pierre-Marie DAVID ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les thérapies numériques se distinguent en ceci qu’ils reçoivent une homologation de la part d’une autorité de régulation, permettant ainsi en plus de sa commercialisation, son remboursement.Pierre-Marie DAVID, Professeur adjoint, Université de MontréalCécile Petitgand, Coordonnatrice de l’initiative d’accès aux données de la Table nationale des directeurs de la recherche du Ministère de la santé et des services sociaux (MSSS), Université de MontréalJean-Christophe Bélisle-Pipon, Assistant Professor in Health Ethics, Simon Fraser UniversityLéo Cadillac, Etudiant en maîtrise de sociologie, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1789342022-03-13T17:37:21Z2022-03-13T17:37:21ZCommerce de produits pharmaceutiques : l’Europe résiste, la France décline. Que faire ?<p><em>Dans leurs travaux, les économistes Pierre Cotterlaz, Guillaume Gaulier, Aude Sztulman et Deniz Ünal, relèvent que les parts de marché françaises dans l’industrie pharmaceutique déclinent depuis vingt ans. Que faire face à cette situation qui a accentué la dépendance française aux importations, notamment asiatiques, au-delà des seuls produits Covid-19 ? Les économistes répondent aux questions d’Isabelle Bensidoun, économiste et adjointe au directeur du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII).</em></p>
<hr>
<p><strong>Dans une <a href="http://www.cepii.fr/CEPII/fr/publications/lettre/abstract.asp?NoDoc=13179">publication récente du CEPII</a>, vous montrez que l’Europe a su conserver ses parts de marché dans le commerce de produits pharmaceutiques ; une place qu’elle n’a pas gardée dans l’ensemble du secteur manufacturier. Quels ont été les ressorts de cette performance ?</strong></p>
<p>Dans cette industrie, l’Europe est en effet parvenue à maintenir ses parts de marché à l’exportation à des niveaux très élevés, proches de 75 % des exportations mondiales depuis 2000, tandis qu’elle en perd pour l’ensemble du secteur manufacturier (graphique 1).</p>
<p>Le Vieux Continent doit cette position de force à sa performance dans les produits situés en aval du processus de production (dans les préparations comme les médicaments ou les vaccins) qui représentent l’essentiel du commerce mondial en valeur de produits pharmaceutiques (plus de 80 % au cours des années 2010) et dans lesquels sa part de marché est considérable (78 % en 2020).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/451538/original/file-20220311-17-19lld5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/451538/original/file-20220311-17-19lld5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/451538/original/file-20220311-17-19lld5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=770&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/451538/original/file-20220311-17-19lld5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=770&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/451538/original/file-20220311-17-19lld5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=770&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/451538/original/file-20220311-17-19lld5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=967&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/451538/original/file-20220311-17-19lld5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=967&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/451538/original/file-20220311-17-19lld5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=967&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Parts de marché à l’exportation de l’Europe dans les produits pharmaceutiques (exportations de l’Europe en % des exportations mondiales de la branche).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Calcul des auteurs à partir de CEPII, base de données BACI</span></span>
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</figure>
<p>En amont, dans les produits de base tels que les principes actifs, l’Asie émergente a opéré une percée remarquable, principalement au cours de la décennie 2000, en bénéficiant de transferts d’activités des firmes multinationales depuis les pays avancés.</p>
<p>Or les prix des produits pharmaceutiques ont davantage augmenté en aval qu’en amont. La stratégie industrielle des producteurs européens privilégiant les activités en aval des chaînes de production s’est donc avérée financièrement rentable.</p>
<p>Mais elle est source de vulnérabilités pour l’Europe dans l’approvisionnement en produits de base, et ce d’autant plus que la concentration au niveau mondial des pays fournisseurs, déjà élevée en 2000, s’est encore renforcée en amont.</p>
<p><strong>Qu’en est-il pour la France ?</strong></p>
<p>Le tableau est très différent pour la France : ses parts de marché déclinent depuis vingt ans dans l’industrie pharmaceutique (graphique 2). Ce recul est même supérieur à celui enregistré pour l’ensemble du secteur manufacturier.</p>
<p>En aval, dans les préparations pharmaceutiques, les exportations françaises pèsent désormais moins de la moitié de celles de l’Allemagne (6 % contre 15 % des exportations mondiales de la branche), alors qu’elles étaient proches il y a deux décennies.</p>
<p>Le cas des vaccins est emblématique : alors qu’en 2000 la France assurait 23 % des exportations mondiales, sa part n’était plus que de 14 % en 2020, avant même la mise au point des nouveaux vaccins contre le Covid-19 pour lesquels l’Hexagone ne figure pas parmi les pionniers.</p>
<p>Au total, le pays a subi des pertes de part de marché à l’exportation aussi bien dans les médicaments que dans les autres préparations pharmaceutiques, avec une présence faible dans les biomédicaments qui sont les produits d’avenir. Le décrochage français <a href="https://www.cae-eco.fr/innovation-pharmaceutique-comment-combler-le-retard-francais">pourrait notamment s’expliquer</a> par l’insuffisance des financements publics alloués à la recherche fondamentale et plus largement par un écosystème peu propice à l’innovation.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/451539/original/file-20220311-23-1e9b4qy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/451539/original/file-20220311-23-1e9b4qy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/451539/original/file-20220311-23-1e9b4qy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/451539/original/file-20220311-23-1e9b4qy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/451539/original/file-20220311-23-1e9b4qy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/451539/original/file-20220311-23-1e9b4qy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/451539/original/file-20220311-23-1e9b4qy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/451539/original/file-20220311-23-1e9b4qy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Parts de marché à l’exportation de produits pharmaceutiques : France versus Allemagne (exportations du pays en % des exportations mondiales de la branche).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Calcul des auteurs à partir de CEPII, base de données BACI</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En amont, dans les produits de base, la France n’a pas non plus réussi à préserver ses parts de marché à l’exportation. Elle y enregistre même un très important déficit. Mais sa situation est comparable ici à celle de l’Allemagne, dont le déficit arrive au second rang mondial derrière les États-Unis et devant la France.</p>
<p>Malgré tout, l’industrie pharmaceutique dans son ensemble reste l’un des rares secteurs à l’origine d’excédents commerciaux réguliers pour l’Hexagone, et le seul à avoir <a href="https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/278462.pdf">contribué positivement</a> à l’évolution de ses exportations en 2020, première année de la pandémie.</p>
<p><strong>Mais au moment de la crise sanitaire, ce ne sont pas seulement les produits pharmaceutiques qui ont fait défaut !</strong></p>
<p>En effet, au printemps 2020, avec des pénuries dues à l’<a href="https://www.wto.org/french/tratop_f/covid19_f/medical_goods_update_jun21_f.pdf">explosion de la demande mondiale</a>, tous les pays ont réalisé combien l’approvisionnement en masques, écouvillons ou respirateurs était crucial. Si tous ont été pris au dépourvu, tous n’ont pas été confrontés aux mêmes difficultés. À cet égard, pour les produits et équipements de protection médicale, la France s’est avérée <a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/pbrief/2020/OFCEpbrief77.pdf">bien moins équipée que l’Allemagne</a>.</p>
<p>Au-delà des seuls « produits Covid-19 », la dépendance française aux importations concerne l’ensemble du petit matériel de santé où, contrairement à l’Allemagne, elle est constamment déficitaire depuis vingt ans (graphique 3)</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/451540/original/file-20220311-26-rrk2y9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/451540/original/file-20220311-26-rrk2y9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/451540/original/file-20220311-26-rrk2y9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/451540/original/file-20220311-26-rrk2y9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/451540/original/file-20220311-26-rrk2y9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/451540/original/file-20220311-26-rrk2y9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=607&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/451540/original/file-20220311-26-rrk2y9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=607&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/451540/original/file-20220311-26-rrk2y9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=607&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Parts de marché dans le petit matériel de santé et l’équipement de technologie médicale : France versus Allemagne (échanges du pays en % du commerce mondial).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Calcul des auteurs à partir de CEPII, base de données BACI</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le choix qu’a fait la France de ne pas maintenir une spécialisation dans le petit matériel de santé n’est pas nécessairement préoccupant pour l’avenir dès lors que l’approvisionnement à l’étranger est sécurisé. En effet, il s’agit surtout de produits à faible valeur ajoutée.</p>
<p>En revanche, les enjeux sont très différents dans une autre branche de santé où le pays n’est pas non plus très bien positionné : celle des équipements de technologie médicale, fortement intensifs en R&D, et dont la fabrication nécessite une main-d’œuvre qualifiée (imagerie médicale, appareils respiratoires, dispositifs implantables…). Pour ces équipements, la France est légèrement déficitaire, avec une part de marché faible et en déclin (3 % des exportations mondiales en 2020).</p>
<p>Par contraste, l’Allemagne se situe parmi les trois leaders mondiaux avec les États-Unis et la Chine, et dégage des excédents conséquents dans cette branche <a href="https://www.snitem.fr/wp-content/uploads/2020/01/Snitem-Panorama-chiffre-des-DM-2019.pdf">à fort potentiel d’avenir</a>. Les difficultés françaises ne relèveraient pas tant ici de la phase de R&D que du passage à la phase de production des dispositifs médicaux : <a href="http://www.ires.fr/index.php/etudes-recherches-ouvrages/eclairages/item/6247-eclairages-20-l-industrie-francaise-des-equipements-medicaux-a-l-heure-du-coronavirus">problèmes de financement et faible densité du tissu industriel</a> seraient les principaux responsables.</p>
<p><strong>Dans les industries de santé, la performance française est donc très éloignée de celle de l’Allemagne. Mais alors que faire ?</strong></p>
<p>Le premier enjeu, qui n’est pas propre à la France, est celui de la sécurité des approvisionnements. Pour cela, une solution naturelle est la constitution de stocks. C’est d’ailleurs l’une des réponses mises en œuvre dans l’Hexagone : depuis septembre 2021, les laboratoires pharmaceutiques sont contraints de <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/281379-penuries-de-medicaments-un-stock-minimal-obligatoire">stocker l’équivalent de deux mois de consommation</a> pour certaines substances cruciales.</p>
<p>La diversification des fournisseurs est une réponse complémentaire. Encore faut-il être capable de tracer les approvisionnements : les chaînes de production des produits pharmaceutiques sont <a href="https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/swd-strategic-dependencies-capacities_en.pdf">tellement complexes</a> qu’on peine parfois à identifier les points de vulnérabilité. Il y a donc un vrai besoin de transparence en la matière.</p>
<p>Enfin, d’importantes économies d’échelle peuvent être réalisées en mutualisant les moyens, et l’Union européenne apparaît comme l’échelon pertinent à cet égard. Elle vient d’ailleurs de se doter d’une nouvelle autorité, l’<a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_21_4672">HERA</a> (Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire), qui doit lui permettre de mieux répondre aux situations d’urgence sanitaire, notamment en maintenant des capacités de production prêtes à monter rapidement en puissance en cas de besoin.</p>
<p>Le deuxième enjeu est celui du maintien sur nos territoires d’activités à forte valeur ajoutée. Cela passe par un ensemble de mesures favorisant les écosystèmes d’innovation et de production. De nombreuses initiatives ont éclot en ce sens.</p>
<p>Par exemple, le <a href="https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2021/12/sante_innov30.pdf">plan Innovation Santé 2030</a>, dans lequel la France prévoit des financements pour inciter les acteurs de la filière à produire davantage sur le territoire, avec une emphase particulière sur les <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/investir-l-avenir-biomedicament-annonce-des-8-laureats-de-l-appel-a-projets">biomédicaments</a>.</p>
<p>Sur ces questions de localisation de l’activité, la coordination entre États européens permettrait d’éviter une coûteuse course aux subventions. Elle semble par ailleurs d’autant plus nécessaire que les chaînes de valeur sont souvent européennes. Mais une telle coopération peine pour l’heure à se concrétiser.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la série du CEPII « L’économie internationale en campagne » un partenariat CEPII – The Conversation</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178934/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Depuis 2021, les laboratoires pharmaceutiques ont l’obligation de stocker des médicaments et des initiatives visant à maintenir une production à forte valeur ajoutée sur le territoire émergent.Deniz Unal, Économiste, rédactrice en chef du Panorama et coordinatrice des Profils du CEPII - Recherche et expertise sur l'économie mondiale, CEPIIAude Sztulman, Chercheur associé au CEPII, Maître de conférences, Université Paris Dauphine – PSLGuillaume Gaulier, Chercheur associé, CEPIIIsabelle Bensidoun, Adjointe au directeur, CEPIIPierre Cotterlaz, Économiste, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1784622022-03-08T19:05:24Z2022-03-08T19:05:24ZComment mieux préparer l'écosystème de santé aux menaces sanitaires ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/450406/original/file-20220307-83984-fezcq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C7%2C1165%2C788&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La modélisation prospective d'un ensemble de paramètres, données de santé et extrinsèques, apparait comme une piste prometteuse pour anticiper les risques.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixnio.com/media/coronavirus-covid-19-health-care-influenza-syringe">Pixinio</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Comme nous l'avions souligné dans un précédent <a href="https://theconversation.com/laboratoires-pharmaceutiques-une-industrie-aujourdhui-encore-plus-reactive-que-prospective-174624">article</a>, les industries du médicament sont naturellement aux avant-postes de l'innovation scientifique et des traitements de l'urgence, davantage que de la veille à long terme. En témoigne encore le temps très court, moins d'un an, qui se sera écoulé entre la découverte des premiers cas d'une maladie inconnue à Wuhan et le lancement de la campagne vaccinale à grande échelle du Royaume-Uni.</p>
<p>En effet, l'ampleur et la complexité des phénomènes prospectifs – au-delà de leurs composantes scientifiques et logistiques – nécessitent de mutualiser veille et anticipation en croisant expertises et talents, et l'exercice ne peut être confié aux seuls laboratoires dont les contraintes et les exigences limitent naturellement des lectures intégratives et systémiques.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1484198044690264068"}"></div></p>
<p>Compte tenu des sommes requises en recherche (plus encore en développement clinique), de la nécessité de mobiliser des moyens, notamment humains, et face à la difficulté d'appréciation de phénomènes multifactoriels comme ceux des menaces pandémiques, le principe même de la prospective, exercice difficile et incertain, met notamment en exergue l'indispensable soutien des acteurs publics dans un effort à l'interface de plusieurs disciplines, mobilisant de nombreux savoir-faire.</p>
<h2>Le défi du changement climatique</h2>
<p>Il est donc finalement peu surprenant que la veille requise autour d'aspects macro-sociétaux soit l'apanage d'organismes publics, nationaux voire supranationaux, de fondations ou de think tanks indépendants du secteur industriel (Organisation Mondiale de la Santé, Biomedical Advanced Research and Development Authority, Gates Foundation, <a href="https://onehealthinitiative.com/">One Health Initiative</a>, etc.).</p>
<p>À analyser, par exemple, les processus et les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1111/j.1365-2796.2011.02415.x">facteurs d'influence du changement climatique sur la santé humaine</a>, on peut se rendre compte que ce <a href="https://www.nejm.org/doi/10.1056/NEJMra1109341?url_ver=Z39.88-2003&rfr_id=ori:rid:crossref.org&rfr_dat=cr_pub%20%200www.ncbi.nlm.nih.gov">tableau d'ensemble</a> sort assez largement du cadre strict de réponses en termes d'innovations thérapeutiques et concerne, à de très nombreux égards, les politiques territoriales, agricoles, environnementales et sanitaires, les décisions géopolitiques et la coopération internationale – apanage des dirigeants, des acteurs de santé publique, des associations, des ONGs bien davantage que des acteurs privés.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/450410/original/file-20220307-84357-1tncrf2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/450410/original/file-20220307-84357-1tncrf2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450410/original/file-20220307-84357-1tncrf2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=594&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450410/original/file-20220307-84357-1tncrf2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=594&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450410/original/file-20220307-84357-1tncrf2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=594&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450410/original/file-20220307-84357-1tncrf2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=746&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450410/original/file-20220307-84357-1tncrf2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=746&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450410/original/file-20220307-84357-1tncrf2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=746&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.nejm.org/doi/10.1056/NEJMra1109341">Nejm.org</a></span>
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<p>C'est sans doute la lettre et l'esprit qui anime la récente mise en place <a href="https://esante.gouv.fr/actualites/parisante-campus-le-nouveau-berceau-dinnovation-en-e-sante-inaugure">du campus PariSanté</a>, inauguré en grande pompe en décembre dernier. PariSanté Campus s'est donné les moyens de devenir un incubateur d'innovation, de recherche et de formation en santé numérique, grâce à la convergence de nombreux acteurs selon une dynamique d'écosystème, au croisement de nombreuses compétences : croisements bénéfiques entre acteurs publics et privés, acteurs du numérique et du soin, entrepreneurs et chercheurs…</p>
<p>Vecteur de synergies et d'interdisciplinarité, PariSanté Campus se propose de donner matière à un fertile terreau d'innovations tout autant que de référentiels pour le système de santé de demain.</p>
<p>Comme le promeut avec justesse et humour, le professeur Antoine Tesnière, son directeur général, la «sérendipité de la machine à café» permet, par la rencontre et l'échange informels, l'étincelle nécessaire à l'intelligence collective et une grammaire renouvelée de la prospective et de l'innovation.</p>
<h2>Combinatoire de données</h2>
<p>Accroître les solidarités entre secteurs et la multidisciplinarité des équipes fait partie des défis à relever, à notre sens, pour mieux préparer les industriels de santé aux nouvelles menaces. Pour cela, elles pourront également trouver un atout précieux dans la donnée.</p>
<p>La combinaison de modèles prédictifs, l'analyse de données statistiques associant conditions climatiques, sanitaires et transmission des maladies sur un plan régional, voire mondial, devrait ainsi faire l'objet d'attentions de plus en plus poussées et donner lieu à la mise en place d'outils de suivi et d'anticipation indispensables à l'analyse de futurs scénarii des maladies infectieuses à mesure que les conditions climatiques se modifient.</p>
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<figcaption><span class="caption">Inauguration PariSanté Campus (PariSanté Campus, décembre 2021).</span></figcaption>
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<p>Comme nous avions pu le montrer dans un <a href="https://thechoice.escp.eu/tomorrow-choices/how-can-big-data-help-to-understand-apprehend-and-control-a-pandemic/">récent article</a>, gouvernants, acteurs de santé publique, personnel médical et hospitalier tireraient profit de la modélisation fine et prospective d'un ensemble de paramètres, résultat d'une combinatoire de données de santé et de données extrinsèques plus générales, souvent issues des sciences sociales, dont il leur revient d'organiser l'architecture d'ensemble et de favoriser les échanges.</p>
<p>Il pourrait notamment s'agir de mettre à disposition les données de veille et d'anticipation des crises sanitaires au service des progrès thérapeutiques. Si les causes de la rapidité du développement de vaccins par des opérateurs privés sont multiples, on ne peut qu'être impressionné par l'incroyable systématique de la collecte et du traitement de données rendues possibles grâce à la puissance, nouvellement apprise, du big data et de l'intelligence artificielle en santé.</p>
<p>Ingénierie génomique, essais cliniques, plates-formes de production, optimisation logistique, instruments de pilotage et de suivi des campagnes de vaccination, détection précoce des risques de contamination, éducation thérapeutique des populations constituent autant de moyens, de méthodes, de métriques qui se nourrissent, depuis l'origine de la pandémie, de la collecte et de l'analyse de données massives.</p>
<p>Mais il convient aussi, dans le respect des règles de confidentialité requises, que les acteurs publics donnent davantage de liberté d'accès à des industriels à l'initiative de l'innovation thérapeutique, lorsque l'analyse de signaux faibles ou l'étude des scénarii futurs le réclament.</p>
<p>Il est, à ce titre, symptomatique et rassurant que PariSanté Campus – dont il a été question plus haut – compte le <a href="https://www.cnil.fr/fr/la-plateforme-des-donnees-de-sante-health-data-hub">Health Data Hub</a>, plate-forme nationale des données de santé, parmi ses cinq partenaires fondateurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178462/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Jallat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les acteurs de la santé peuvent notamment miser sur les apports du big data et de la modélisation pour améliorer leurs capacités de prospective aux côtés des pouvoirs publics.Frédéric Jallat, Professeur de marketing, directeur scientifique du mastère spécialisé en management pharmaceutique et des biotechnologies , ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1781442022-03-01T20:12:30Z2022-03-01T20:12:30ZTrouble de l'attention (TDAH) : la dangereuse explosion du traitement médicamenteux de l'enfant<p>Le Trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) est considéré comme le trouble mental le plus fréquent chez l’enfant et l’adolescent.</p>
<p>Or, dans la mesure où il n’existe aucun marqueur ni test biologique susceptible de contribuer au diagnostic, le TDAH est exclusivement défini sur la base de symptômes comportementaux : un déficit d’attention associé ou non à de l’impulsivité excessive et de l’hyperactivité. Pour cette raison, sa prévalence (fréquence de survenue d’un phénomène de santé dans une population pour une période donnée) varie considérablement d’un pays à l’autre : en 2012, il était d’environ 10 % aux États-Unis et inférieur à 1 % en Grande-Bretagne.</p>
<p>En France, l’industrie pharmaceutique a financé une étude publiée en 2011 concluant à une forte prévalence du TDAH (entre 3,5 et 5,6 % en 2008) alors même que la <a href="https://www.em-consulte.com/article/1385369/prevalence-diagnostic-et-medication-de-l-hyperacti">méthodologie et les données fournies pour étayer cette conclusion étaient très contestables</a>.</p>
<p>Les recommandations concernant le traitement du TDAH diffèrent aussi selon les pays et les régions. En France, et dans la majorité des pays européens, une approche éducative, sociale et psychothérapeutique est officiellement préférée. La médication y est, en principe, réservée aux <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanpsy/article/PIIS2215-0366(17)30167-0/fulltext">cas les plus sévères</a>.</p>
<h2>Le méthylphénidate, seul traitement autorisé</h2>
<p>Le méthylphénidate (MPH) est le seul traitement médicamenteux autorisé en France pour le Trouble déficitaire de l’attention. De manière générale, il est <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-psychanalyse-2002-2-page-433.htm">reconnu utile s’il favorise l’accès au travail de parole, de soin et d’éducation</a>. Réciproquement, il n’existe pas d’autre indication thérapeutique pour cette molécule.</p>
<p>Le MPH est commercialisé sous forme simple (<a href="https://www.vidal.fr/medicaments/gammes/ritaline-8866.html">Ritaline®</a>) ou sous forme retard (Ritaline-LP®, <a href="https://www.vidal.fr/medicaments/gammes/concerta-23814.html">Concerta®</a>, <a href="https://www.vidal.fr/medicaments/gammes/quasym-61574.html">Quasym®</a>, <a href="https://www.vidal.fr/medicaments/gammes/medikinet-lm-87338.html">Medikinet®</a>). Il est indiqué chez l’enfant à partir de six ans <a href="https://ansm.sante.fr/actualites/methylphenidate-donnees-dutilisation-et-de-securite-demploi-en-france">« lorsque les mesures correctives psychologiques, éducatives, sociales et familiales seules s’avèrent insuffisantes »</a> (ANSM, 2017).</p>
<p>De nombreuses études contre placebo ont prouvé son action pour diminuer les symptômes du TDAH… Mais elles sont de <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanpsy/article/PIIS2215-0366(18)30269-4/fulltext">court terme</a>. Les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31515165/">bénéfices d’un traitement au long cours restent toujours à démontrer</a>.</p>
<p><a href="https://academic.oup.com/jpepsy/article/32/6/643/1021192">Plusieurs enquêtes américaines</a> ayant suivi de <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamapsychiatry/fullarticle/205525">larges cohortes d’enfants</a> pendant des années montrent par ailleurs que le <a href="https://www.nature.com/articles/506146a#:%7E:text=Evidence%20is%20mounting%20that%20medication,difference%20to%20schoolwork%20or%20achievement.&text=Ben%20Harkless%20could%20not%20sit,rolling%20on%20an%20exercise%20ball.">traitement par psychostimulants (dont la Ritaline®)</a> ne présente <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4815037/">aucun bénéfice à long terme</a> <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0222961710000103">sur les risques d’échec scolaire</a>, de <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamapsychiatry/fullarticle/1691781">délinquance et de toxicomanie associés au TDAH</a>.</p>
<h2>Le méthylphénidate n’est pas une panacée</h2>
<p>Autre point : si les effets secondaires de court terme semblent mineurs, ceux de long terme sont largement inconnus.</p>
<p>L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) mentionne ainsi une liste relativement importante d’effets indésirables comprenant notamment <a href="https://ansm.sante.fr/actualites/methylphenidate-donnees-dutilisation-et-de-securite-demploi-en-france">nervosité, troubles du sommeil, céphalées, amaigrissement, risques d’aggravation de pathologies psychiatriques et de passages à l’acte violents ou suicidaires, risques de maladies cardiovasculaires et cérébrovasculaires</a> (pp. 18-22).</p>
<p>Pour ces raisons, et dans la mesure où le MPH est un psychostimulant classé stupéfiant (Vidal), sa prescription a toujours été soumise à un encadrement et à des conditions de délivrance stricts : prescription initiale et renouvellements annuels réalisés en milieu hospitalier par des médecins spécialistes (jusqu’au 13 septembre 2021), renouvellements mensuels sur ordonnance sécurisée, identification du pharmacien exécutant l’ordonnance.</p>
<p>Notre récente étude, réalisée dans les bases de données de la Sécurité sociale, pointe pourtant une <a href="https://www.em-consulte.com/article/1501479/la-prescription-de-methylphenidate-chez-l-enfant-e">augmentation inexorable de son emploi chez l’enfant et l’adolescent</a>, ainsi qu’une rupture systématique des obligations réglementaires de prescription.</p>
<h2>Hausse continue de la prescription de méthylphénidate chez l’enfant</h2>
<p>En effet, ce travail réalisé auprès de l’ensemble des enfants et des adolescents français (0-17 ans) ayant bénéficié d’au moins une prescription de MPH entre 2010 et 2019, montre que la consommation a plus que doublé ces dix dernières années : +56 % pour l’incidence (ici, nombre de nouvelles prescriptions par an entre 2010 et 2019), et +116 % pour la prévalence. Cette hausse s’inscrit dans un continuum puisque de précédents travaux faisaient déjà état d’une augmentation de +65 % entre 2003 et 2005, puis +135 % entre 2005 et 2011.</p>
<p>Un rapport de l’ANSM montre également qu’entre 2008 et 2014, la prévalence de la prescription pour les enfants de 6 à 11 ans a augmenté de +63 % et presque doublé chez les 12-17 ans.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/449158/original/file-20220301-15-ciyu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Le graphe montre 3 courbes : une première (enfants de 3 à 5 ans) qui reste stable et basse ; deux autres, à la croissance parallèle (6-11 et 12-17 ans) entre 2010 et 2019" src="https://images.theconversation.com/files/449158/original/file-20220301-15-ciyu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/449158/original/file-20220301-15-ciyu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/449158/original/file-20220301-15-ciyu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/449158/original/file-20220301-15-ciyu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/449158/original/file-20220301-15-ciyu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/449158/original/file-20220301-15-ciyu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/449158/original/file-20220301-15-ciyu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évolution du taux de prévalence de la prescription de MPH. Ce taux est exprimé en pourcentage de la population générale pour chaque tranche d’âge et chaque période.</span>
<span class="attribution"><span class="source">S. Ponnou et coll., in Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence (2022)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Cette augmentation se double d’un allongement considérable des durées de traitement : la durée médiane de la consommation chez les enfants de 6 ans en 2011 était de 5,5 ans et jusqu’à plus de 8 ans pour 25 % d’entre eux. Plus préoccupant encore : les enfants les plus jeunes sont ceux pour lesquels les durées de traitement sont les plus longues.</p>
<p>Ces durées sont <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00228-007-0401-6">sans comparaison avec celles mises en exergue dans le courant des années 2000</a> : la durée médiane de prescription de MPH chez l’enfant en 2005 en France était alors de 10,2 mois.</p>
<h2>Des conditions de prescription bafouées</h2>
<p>En France, l’Autorisation de mise sur le marché (AMM) est accordée par l’ANSM après une procédure d’évaluation du bénéfice/risque du médicament. Cette autorisation peut être assortie de conditions et de recommandations de prescription, comme c’est le cas pour le méthylphénidate. Or l’analyse des bases de données de santé montre une multiplication du nombre de prescriptions hors des cadres réglementaires :</p>
<ul>
<li><p>Avant l’âge de 6 ans, contrairement aux indications de la mise sur le marché,</p></li>
<li><p>Avec des durées de traitement particulièrement longues et en constante augmentation. Les recommandations de prescription mentionnent clairement des usages de court terme et des réévaluations constantes des bénéfices du médicament,</p></li>
<li><p>Des premières prescriptions (25 %) et des renouvellements annuels (50 %) qui ne sont pas effectués par un spécialiste hospitalier, contrairement aux obligations réglementaires en vigueur jusqu’au 13 septembre 2021,</p></li>
<li><p>Avec un suivi médical et psychoéducatif des enfants qui ne semble pas toujours réalisé de manière satisfaisante : 84 % des enfants ne bénéficient d’aucune consultation médicale par le service hospitalier prescripteur dans les 13 mois suivant l’initiation. Entre 2010 et 2019, le nombre de consultations en centres médico-psychopédagogiques (CMPP) a été divisé par quatre tandis que la prévalence de la consommation de MPH a plus que doublé. Ces résultats suggèrent un risque de substitution des pratiques psychothérapeutiques et socio-éducatives par des prescriptions médicamenteuses.</p></li>
<li><p>Une prescription qui n’est pas nécessairement associée au diagnostic de TDAH, pourtant sa seule indication autorisée. A fortiori, lorsqu’un diagnostic psychiatrique est posé, il ne correspond pas toujours à l’indication thérapeutique définie par l’AMM. Or, le Résumé des caractéristiques du produit (RCP) précise que « les <a href="http://agence-prd.ansm.sante.fr/php/ecodex/rcp/R0141880.htm">psychostimulants ne sont pas destinés […] aux patients atteints d’autres pathologies psychiatriques primaires</a> ».</p></li>
<li><p>Un quart (22,8 %) des enfants et adolescents consommateurs de MPH reçoivent un ou plusieurs autres médicaments psychotropes dans l’année suivant la première prescription : neuroleptiques (64,5 %), anxiolytiques (35,5 %), antidépresseurs (16,2 %), antiépileptiques (11 %), hypnotiques (4,8 %) et antiparkinsoniens (3 %). Ces co-prescriptions sont souvent très éloignées de leur zone d’AMM et se situent hors des recommandations de la Haute autorité de santé (HAS). Or ces associations avec d’autres psychotropes – en particulier les antipsychotiques – présentent de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7994286/">sérieux risques pour la santé et devait être évitées</a>.</p></li>
</ul>
<h2>Effet des facteurs scolaires et sociaux</h2>
<p>L’étude montre également que le système scolaire contribue de manière significative à la prescription de psychostimulants : les enfants les plus jeunes de leur classe – nés en décembre plutôt qu’en janvier – présentent un risque accru de médication de +44 à +60 % (+54 % en moyenne au fil de la période 2010-2019).</p>
<p>Pourtant, il semble normal que les capacités d’attention des enfants les plus jeunes de leur classe soient potentiellement moins soutenues que celles de leurs camarades plus âgés, sans que cela n’engage de conclusion en termes de pathologie, de handicap ou de médication.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/449160/original/file-20220301-25-a0pizr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Le graphe montre que les enfants les plus jeunes d’une classe sont les plus concernés par les prescriptions ; et que le niveau de prescription générale monte tous les ans" src="https://images.theconversation.com/files/449160/original/file-20220301-25-a0pizr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/449160/original/file-20220301-25-a0pizr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/449160/original/file-20220301-25-a0pizr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/449160/original/file-20220301-25-a0pizr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/449160/original/file-20220301-25-a0pizr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=573&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/449160/original/file-20220301-25-a0pizr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=573&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/449160/original/file-20220301-25-a0pizr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=573&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Enfants et adolescents ayant reçu une prescription de MPH selon leur mois de naissance en France entre 2010 et 2019 (cohorte de 144 509 enfants).</span>
<span class="attribution"><span class="source">S. Ponnou et coll., in Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence (2022)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>De plus, les enfants issus des classes sociales les plus défavorisées ou présentant des conditions sociales défavorables ont un risque accru de médication.</p>
<p>En 2019, 21,7 % des enfants recevant du MPH vivaient dans des familles bénéficiant de la Couverture maladie universelle (CMU) ou d’un dispositif apparenté. Ceci alors que, selon l’Insee, ces aides n’étaient attribuées qu’à 7,8 % de la population française. La prescription est donc significativement plus fréquente chez les enfants des familles bénéficiaires de la CMU, et cette tendance a augmenté entre 2010 et 2019.</p>
<p>Si l’on considère également les enfants consommateurs de MPH disposant d'un diagnostic de <a href="https://www.em-consulte.com/article/1501479/la-prescription-de-methylphenidate-chez-l-enfant-e">défavorisation sociale</a> (touchés par exemple par des difficultés liées à l’éducation, à l’alphabétisation, à l’emploi et au chômage, à l’environnement physique, au logement, aux conditions économiques ou à l’environnement social, etc.), le pourcentage d’enfants avec des difficultés sociales atteint 25,7 %.</p>
<p>Ces éléments pointent un risque de médication de l’enfant selon son âge ou ses origines sociales. Ces discriminations s’ajoutent à des ruptures des réglementations de prescription qui forgent le pacte démocratique entre les citoyens et leur système de santé.</p>
<p>Face à cette situation, ni l’AMM, ni les recommandations ou les lettres de rappel de l’ANSM, ni les alertes des chercheurs ou des professionnels de santé ayant dénoncé ces abus depuis de longues années <a href="https://www.cairn.info/revue-enfances-et-psy-2004-1-page-42.htm">ne semblent pas avoir été entendues</a>.</p>
<h2>Quelles pratiques et quelles politiques de santé ?</h2>
<p>Ces enjeux sont d’autant plus vifs que le 13 septembre 2021, la HAS a décidé la fin de la Prescription initiale hospitalière (PIH) pour le MPH – une mesure qui avait pour fonction de garantir l’accompagnement des enfants et de leurs parents.</p>
<p>Cette décision augure une poursuite du phénomène, ainsi qu’une accentuation du non-respect des conditions de prescription. Or, les travaux scientifiques sont particulièrement <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22544019/">réservés quant à la prescription de médicaments psychotropes chez l’enfant et l’adolescent</a>, et insistent sur l’<a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0929693X14004837">importance de la surveillance</a> et sur le rôle des agences de santé et de sécurité du médicament.</p>
<p>Ces réserves s’expliquent par la <a href="https://www.em-consulte.com/article/690835/panorama-de-la-prescription-et-de-la-consommation-">rareté d’études robustes sur l’efficacité des traitements</a>, des effets indésirables importants et une balance bénéfice/risque qui conduit à un nombre limité d’autorisations de mise sur le marché pour les psychotropes en population pédiatrique.</p>
<p>En revanche, les pratiques psychothérapeutiques, éducatives et sociales orientées par la parole font leurs preuves dans la clinique et sont recommandées en première intention en France dans le soin des enfants et des adolescents.</p>
<p>Quels bénéfices attendre d’une médicalisation croissante des comportements de l’enfant, et d’une dérégulation progressive de la prescription de psychostimulants voire de psychotropes : enfants, adolescents et famille peuvent-ils y trouver un meilleur soutien ? L’accueil des patients et les pratiques de soin peuvent-ils en être améliorés ? Le lien entre la population, les praticiens et les services de santé peut-il en sortir renforcé ?</p>
<p>Le modèle américain, qui fait référence en termes de médicalisation de la souffrance psychique, montre que <a href="https://esprit.presse.fr/article/gonon-francois/la-psychiatrie-biologique-une-bulle-speculative-36379">ce serait plutôt le contraire</a>.</p>
<p>Ces questions interrogent à la fois les capacités de régulation de la communauté médicale, des agences de santé et des pouvoirs publics. Mais elles touchent aussi à des choix de société : quelles pratiques et quel modèle de soin souhaitons-nous pour nos enfants et les prochaines générations ? Ces enjeux sensibles et complexes méritent a minima un débat scientifique, politique et citoyen éclairé et contradictoire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178144/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sébastien Ponnou a obtenu des financements au titre du CIRNEF (EA7454) et de l'Université de Rouen Normandie pour ses recherches dans les bases de données de santé. Ces financements proviennent de l'organisme mutualiste EOVI MCD Fondation et de l'Union Européenne. </span></em></p>C’est le trouble mental le plus fréquent de l’enfant et l’adolescent. Le TDAH est, officiellement, traité via une approche sociale, éducative… Dans les faits, la médication (Ritaline®, etc.) explose.Sébastien Ponnou, Psychanalyste, professeur des universités en sciences de l'éducation - CIRCEFT-CLEF, EA 4384, Université Paris 8 – Vincennes Saint-DenisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1744972022-01-27T19:21:44Z2022-01-27T19:21:44ZSûreté des médicaments : les conséquences durables du scandale du diéthylstilbestrol<p>En 2020, alors que la crise sanitaire due au Covid-19 faisait rage, l’écrivaine Marie Darrieussecq, confinée, <a href="https://www.lemonde.fr/livres/article/2020/04/13/marie-darrieussecq-confinee-un-an-et-demi-dans-mon-lit_6036441_3260.html">décrivait ses trois éprouvantes grossesses passées allongées</a>. Au-dessus d’elle avait pesé une lourde épée de Damoclès : un risque de fausse couche plus élevé. La cause de cette situation était à chercher du côté d’une autre crise sanitaire, plus ancienne : celle du Distilbène®, l’une des appellations commerciales du diéthylstilbestrol.</p>
<p>Découverte en 1938, cette hormone de synthèse a été largement utilisée partout dans le monde pendant plusieurs décennies, en raison de son bas coût de production et parce qu’elle n’était protégée par aucun brevet. Ses indications étaient variées : atténuation des symptômes de la ménopause ; blocage de la lactation ; « pilule du lendemain » ; traitement des dysfonctionnements menstruels ; ou encore limitation des risques de complications de grossesse tels que les accouchements prématurés ou fausses couches. </p>
<p>Des années 1950 aux années 1980, le diéthylstilbestrol aurait ainsi été prescrit à des dizaines de milliers de Françaises. Pourtant, les premiers doutes quant à son efficacité avaient émergé dès 1953. Pire, son innocuité était clairement remise en question dès 1971. À cette date, des chercheurs américains avaient déjà mis en évidence un risque accru de cancer du vagin chez les jeunes femmes dont les mères avaient pris du diéthylstilbestrol lorsqu’elles étaient enceintes. </p>
<p>On sait aujourd’hui que l’exposition à cette substance durant la grossesse a de nombreuses conséquences délétères sur la santé des enfants à naître. Plus grave encore : ces conséquences, qui concernent non seulement les femmes, mais aussi les hommes, s’étendraient sur plusieurs générations. Pourtant, la France a mis plusieurs années à contre-indiquer l’emploi du diéthylstilbestrol chez les femmes enceintes.</p>
<p>Études d’évaluation des risques mal conçues, absence de système de surveillance efficace, retard dans la prise en compte des résultats scientifiques les plus récents, inertie des pouvoirs publics, etc. Retour sur un scandale sanitaire majeur qui a mené à la mise en place d’un système de pharmacovigilance plus performant dont nous bénéficions aujourd’hui. Mais à quel prix ?</p>
<h2>Une des premières hormones de synthèse agissant comme les œstrogènes</h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/443020/original/file-20220127-4708-10fknmh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/443020/original/file-20220127-4708-10fknmh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=365&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/443020/original/file-20220127-4708-10fknmh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=365&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/443020/original/file-20220127-4708-10fknmh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=365&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/443020/original/file-20220127-4708-10fknmh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/443020/original/file-20220127-4708-10fknmh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/443020/original/file-20220127-4708-10fknmh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Représentation 3D d’une molécule de diéthylstilbestrol.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/File:Diethylstilbestrol_molecule_ball.png">Medgirl131 / Wikimedia Commons</a></span>
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<p>Le diéthylstilbestrol (DES) fut synthétisé pour la première fois <a href="https://ui.adsabs.harvard.edu/abs/1938Natur.141..247D/abstract">en 1938</a> par le chercheur britannique Edward Charles Dodds et ses collaborateurs. Appartenant à la famille chimique des œstrogènes, des hormones naturelles, il possède des similitudes d’activité avec elles sur de nombreux tissus de l’organisme, tout en étant <a href="https://academic.oup.com/endo/article/138/3/863/2987391">bien plus puissant</a>. </p>
<p>À cette époque, aux États-Unis, il était déjà nécessaire de prouver qu’un médicament n’était pas nocif avant de le mettre sur le marché. Or, l’autorisation de commercialisation du DES avait été initialement été refusée. Des études scientifiques de l’époque montraient en effet que son administration ou celle de substances similaires entraînait des effets néfastes aussi bien chez <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/14933079/">les humains</a> que chez <a href="https://rupress.org/jem/article-pdf/88/3/373/1183960/373.pdf">les animaux</a>.</p>
<p>La molécule a pourtant été utilisée en 1941 pour traiter les carences en œstrogènes retrouvées, par exemple, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20286640/">au cours de la ménopause</a>, tout en étant contre-indiquée chez la femme enceinte. La situation change en 1947, lorsque la Food and Drug Administration (FDA), en charge de la commercialisation des médicaments, autorise la mise sur le marché du diéthylstilbestrol pour prévenir les complications de grossesse, surtout pour la prévention des fausses couches en cas d’antécédent, de menace ou de baisse des hormones dans les urines. Le pic des prescriptions de DES aux États-Unis se situe aux alentours <a href="https://doi.org/10.2515/therapie/2014012">des années 1950 à 1954</a>. Assez rapidement, cependant, les premiers doutes quant à son efficacité réelle ont émergé.</p>
<h2>Des études mal conçues</h2>
<p>L’autorisation de la FDA survient dans un contexte <a href="https://www.cairn.info/revue-sciences-sociales-et-sante-2016-3-page-47.htm">d’engouement médical pour les œstrogènes</a>. On pense alors que les fausses couches sont la conséquence d’une sécrétion insuffisante d’hormones par le placenta, et le DES permettrait de la corriger.</p>
<p>Cette hypothèse, qui s’est avérée fausse (on sait aujourd’hui que la baisse du taux d’œstrogène n’est pas à l’origine de la fausse couche, mais en est la manifestation), était à l’époque soutenue par les études des scientifiques George V. Smith et Olive Watkins Smith. Problème : leurs travaux, <a href="https://www.ajog.org/article/S0002-9378(99)70409-6/fulltext">publiés en 1948</a> et <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/15392965/">en 1949</a>, comportaient plusieurs erreurs méthodologiques, telles qu’une absence de groupe témoin ou de tirage au sort (ou randomisation) des participantes, ainsi que l’absence d’administration d’une molécule sans effet thérapeutique (ou placebo).</p>
<p>En réalité, le DES s’est avéré inefficace pour diminuer le risque de fausses couches. Les premiers doutes à ce sujet émergent en 1953, lorsque Walter J. Dieckmann et ses collaborateurs constatent que son administration <a href="https://doi.org/10.1016/S0002-9378(16)38617-3">n’empêche pas les complications de grossesse</a>. </p>
<p>Mais ce n’est que près de vingt ans plus tard que les véritables conséquences de l’administration de cette molécule allaient être scientifiquement mises en évidence. Et elles vont bien au-delà du risque de fausse couche.</p>
<h2>Des effets délétères ignorés en France</h2>
<p>Interpellés par la survenue de cancers rares (adénocarcinome à cellules claires) du vagin chez plusieurs jeunes femmes dont les mères avaient pris du DES durant leurs grossesse, Arthur L. Herbst et ses collaborateurs ont entrepris une étude rétrospective sur le sujet. Leurs résultats, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/5549830/">publiés en 1971</a>, ont révélé une augmentation de l’incidence de ces cancers. Ils ont amené la FDA à contre-indiquer ce médicament pour les femmes enceintes.</p>
<p>En France, la réaction des autorités sera plus tardive, notamment parce qu’il n’existait pas à l’époque de structure dédiée à la pharmacovigilance. En outre, nombre de professionnels français <a href="https://www.cairn.info/revue-sciences-sociales-et-sante-2016-3-page-47.htm#re3no3">sont restés sourds aux alertes américaines</a>, pourtant relayées par certains praticiens dès la publication des travaux d’Arthur Herbst. À partir de 1976, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/1214039/">un an après la première description d’un cancer rare chez une jeune fille française</a>, le DES n’est plus indiqué pour la prévention des fausses couches en France et, un an plus tard, il est discrètement contre-indiqué pendant la grossesse dans un ouvrage médical français, le Dictionnaire Vidal. Ce n’est qu’en 1977 que le DES est interdit aux femmes enceintes, suite à la création d’une commission technique nationale de pharmacovigilance. </p>
<p>Mais la mesure de la situation n’était pas encore prise, comme allaient le prouver la lanceuse d’alerte <a href="https://scholar.google.fr/scholar?as_sdt=0%2C5&btnG&hl=fr&inst=12836345755951684912&q=UTERINE%20MALFORMATIONS%20IN%20DISTILBENE%20EXPOSED%20FEMALE%20OFFSPRINGS%20DURING%20UTERINE%20LIFE%20AND%20CONSEQUENCES%20ON%20FERTILITY">Anne Cabau</a> et les révélations du journal <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1983/02/16/trente-ans-apres-les-enfants-du-distilbene_3146364_1819218.html">« Le Monde »</a>, en 1983. À cette époque, la récente <a href="https://www.pharmacovigilance-bfc.fr/pharmacovigilance/historique/">Commission de la pharmacovigilance</a> semble surtout préoccupée par la gestion d’un éventuel <a href="https://www.cairn.info/revue-sciences-sociales-et-sante-2016-3-page-47.htm#re6no6">« affolement »</a>. S’il est un temps envisagé d’établir un registre des cancers rares (adénocarcinome à cellules claires), le projet ne verra finalement pas le jour. </p>
<p>(<em>En 1983, <a href="https://histoire.inserm.fr/les-femmes-et-les-hommes/alfred-spira">Alfred Spira</a>, de l’Institut national de la santé et de la recherche (Inserm), publie avec ses collaborateurs une étude évaluant à <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/6361926/">200 000</a> le nombre de femmes traitées en France et <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007%2F978-2-287-73307-9_1">à 160 000 les naissances d’enfants exposés</a>. Ces estimations se basaient sur les chiffres de vente, ndlr</em>).</p>
<p>Aux États-Unis en revanche, Arthur Herbst a mis en place un registre international des cancers avec ou sans exposition au DES, après avoir publié ses résultats. Quelques années plus tard, <a href="https://diethylstilbestrol.co.uk/des-action-groups/">des associations de patients sont créées</a>, parmi lesquelles <a href="https://desaction.org/about-us/">« DES action USA »</a>, <a href="https://opengovca.com/corporation/1371193">« DES action Canada »</a> (aujourd’hui dissoute) et <a href="https://www-descentrum-nl.translate.goog/Missie,-visie-en-beleid?_x_tr_sl=nl&_x_tr_tl=en&_x_tr_hl=fr&_x_tr_pto=wapp">« DES Centrum »</a> (Pays-Bas) à la fin des années 1970 et au début des années 1980, ou encore « DANE 45 » en France, en 1986.
Elles contribueront à la mise en place de cohortes (groupes de personnes suivies dans le temps, présentant certaines caractéristiques) en vue d’étudier des effets du diéthylstilbestrol sur trois générations. Ces cohortes sont encore utilisées de nos jours pour les études scientifiques.</p>
<p>Au début des années 1990, aux États-Unis, l’institut national du cancer États-Unis lance de son côté une étude à l’échelle nationale afin de connaître les effets à long terme du DES pour les femmes traitées pendant leur grossesse (première génération) ainsi que pour la seconde génération (leurs enfants). Une autre cohorte a été créée au début des années 2000 afin d’évaluer les effets du DES sur les enfants des mères exposées durant la grossesse de leur mère (troisième génération).</p>
<p>Ces recherches sur les générations d’enfants nés de « mères Distilbène® » ont permis de mieux comprendre les effets délétères à long terme de l’exposition au DES.</p>
<h2>Des effets sur plusieurs générations de femmes</h2>
<p>Si l’exposition au DES n’est pas sans conséquence pour les mères traitées par cette molécule, chez qui elle augmente le risque de cancer (du sein notamment), c’est pour leurs enfants que les effets s’avèrent particulièrement délétères.</p>
<p>Outre la survenue plus fréquente de cancers normalement rares du vagin et du col de l’utérus observés chez les filles des femmes ayant pris du DES durant leur grossesse (seconde génération), d’autres anomalies de l’appareil génital féminin (adénose - une lésion bénigne de la muqueuse vaginale pouvant se transformer en cancer - malformations de l’utérus, etc.) ont également été découvertes. Certaines anomalies risquent de provoquer une infertilité ou des difficultés pour l’obtention d’une grossesse à terme. Pour ces femmes, le risque de grossesse extra-utérine (implantation de l’embryon en dehors de l’utérus), une source de complications, est multiplié par 10, celui de prématurité est multiplié par 2 à 3, et celui de fausses couches au deuxième trimestre de grossesse est multiplié par <a href="https://doi.org/10.2515/therapie/2014012">6 à 14</a>. Un risque augmenté de cancer du sein a également été rapporté. Ces femmes sont également à risque de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16887893/">ménopause précoce</a>. </p>
<p>En plus de ces problèmes gynécologiques, des maladies concernant, par exemple, le <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29069384/">système cardiovasculaire</a> ont également été décrites pour la seconde génération de « filles Distilbène® ». Des troubles neurologiques ou <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28064340/">psychiques</a> sont aussi envisageables. </p>
<p>En ce qui concerne la troisième génération, autrement dit les petites-filles des femmes traitées entre 1950 et 1980 en France, de premières études ont indiqué l’existence de séquelles liées à la prématurité, telles que de la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27203157/">paralysie cérébrale</a>, ainsi que des troubles de la fonction de la reproduction, avec des <a href="https://doi.org/10.2515/therapie/2014012">irrégularités de la durée des cycles menstruels</a>. Le risque de cancer est quant à lui difficile à évaluer actuellement par un manque de recul, mais il touche probablement les trois générations.</p>
<p>Il faut cependant souligner que toutes les femmes exposées directement ou indirectement au DES ne développeront pas une maladie. </p>
<h2>Des conséquences pour les hommes également</h2>
<p>Les recherches ont montré que les hommes exposés au DES lorsqu’ils étaient dans le ventre de leur mère (la « seconde génération ») présentent davantage de risque d’être victimes <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/19689815/">d’anomalies de l’appareil génital</a>, telles que kystes de l’épididyme (organe permettant la maturation et le stockage des spermatozoïdes) ou cryptorchidie (absence de descente des testicules). </p>
<p>Cette exposition <em>in utero</em> n’a pas directement augmenté le risque d’infertilité, cependant les complications liées à la cryptorchidie peuvent parfois mener à la stérilité. Cette affection est aussi un facteur de risque connu de cancer du testicule. Or, si une correction chirurgicale de la cryptorchidie permet de diminuer le risque d’infertilité, elle n’élimine <a href="https://www.cua.org/system/files/Guideline-Files/Gui14_Cryptorchidisn.pdf">pas complètement celui de cancer</a>, et les traitements contre le cancer peuvent entraîner eux aussi des problèmes de fertilité. Une étude scientifique récente, robuste et à fort niveau de preuves (méta-analyse et revue systématique), indique à ce sujet que le risque de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31555759/">cancer du testicule</a> pour les hommes de seconde génération est multiplié par trois. </p>
<p>Soulignons toutefois qu’aujourd’hui, en 2022, ces hommes ne sont plus réellement concernés, car ce cancer survient majoritairement à la puberté et atteint un pic vers 30 ans (or ils sont aujourd’hui plus âgés). De la même façon, la cryptorchidie dont ils auraient pu avoir été victimes est généralement corrigée en bas âge. Ces hommes peuvent en revanche porter des kystes de l’épididyme, lesquels font l’objet d’une chirurgie lorsqu’ils provoquent des symptômes tels que douleur ou gêne. </p>
<p>Pour les hommes de la troisième génération issus d’une mère de seconde génération exposée au DES en France, le risque <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27203157/">d’hypospadias (malformation de la verge) et de cryptorchidie</a> est augmenté. Pour les hommes issus d’un père DES de seconde génération , une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29609831/">cryptorchidie et un développement insuffisant du pénis</a> ont aussi été observés.</p>
<p>Des troubles identiques à ceux des femmes de troisième génération ont également été retrouvés pour la troisième génération d’hommes lorsqu’ils provenaient d’une mère DES de seconde génération exposée au DES en France (ces troubles concernent le <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27203157/">handicap</a> lié à la prématurité, notamment).</p>
<p>Soulignons qu’en France, le diéthylstilbestrol a été aussi utilisé jusqu’en 2018 pour traiter certains troubles de la prostate, dont le cancer. Un risque augmenté d’<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/17103190/">hypospadias</a> a été retrouvé chez des garçons issus de pères traités avec des médicaments avant la conception. </p>
<h2>Comment puis-je savoir si je présente un risque ?</h2>
<p>En France, les campagnes ponctuelles de sensibilisation sur le DES dans les années 1990 et les recommandations des autorités sanitaires auprès des professionnels de santé dans les années 2000 ont été très insuffisantes. Souvent, par exemple, les personnes concernées n’ont appris l’existence de lieux spécialisés dans la prise en charge du DES que grâce aux associations de patients. Par ailleurs, en 2010, seule la moitié des gynécologues connaissait l’ensemble des conséquences d’une exposition au DES. Résultats : fréquemment, les femmes concernées ne découvraient leur exposition au DES qu’à la suite d’articles parus dans la presse, de documentaires télévisés ou par la publication d’arrêts de justice.</p>
<p>D’après l’association <a href="http://www.des-france.org/accueil/index.php">Réseau DES France</a>, les mères dont l’âge est compatible avec une exposition au DES pendant leur grossesse <a href="http://www.des-france.org/accueil/article.php ?rubrique=16#chezqui">doivent se poser plusieurs questions</a> : Se sont-elles vues administrer un éventuel traitement pour éviter les fausses couches ? Des dosages hormonaux ont-ils été réalisés durant leur grossesse ? </p>
<p>Une exposition au DES doit être recherchée chez la mère ou la grand-mère dans plusieurs cas de figure : en cas d’anomalies à la naissance (cryptorchidie, hypospadias, cœur, œsophage, etc.), d’infertilité, de complications de grossesse, de certains cancers (sein, col et corps de l’utérus, vagin, testicules, etc.), de troubles neurologiques ou de handicap des enfants ou des petits-enfants. </p>
<p>Il n’est pas toujours simple de retrouver une trace écrite d’une prescription au DES, mais quelques pistes peuvent être explorées : le carnet de santé de l’enfant, des ordonnances conservées par les patientes exposées au DES, etc.</p>
<p>Un suivi gynécologique annuel est recommandé pour les femmes DES de deuxième et troisième générations, afin de rechercher des malformations, des nodules ou des lésions évoquant des maladies associées au DES. Pour les femmes des trois générations, le dépistage du cancer du sein suit les recommandations du programme national de dépistage de la Haute Autorité de Santé : mammographie tous les deux ans entre 50 et 74 ans. En cas d’anomalies des seins, ou de saignements inhabituels, il est recommandé de consulter rapidement. </p>
<p>Le dépistage des troubles neurologiques, du handicap et des anomalies des différents organes peut être réalisé, en début de vie, par un pédiatre. Plus tard, à l’adolescence ou à l’âge adulte, un urologue peut aussi être consulté pour les anomalies de l’appareil génital masculin.</p>
<h2>Un cas d’école qui a changé l’évaluation des médicaments</h2>
<p>Le cas du DES a renforcé, en France, la pharmacovigilance. Une commission nationale dédiée a été créée, en 1982. Au début des années 2000, l’Agence française de Sécurité sanitaire des Produits de Santé (Afssaps, désormais Agence Nationale de Sécurité du Médicament ou ANSM) a tout d’abord élaboré avec le Réseau DES France une fiche de signalement des effets indésirables et des recommandations. Elle a également depuis <a href="https://doi.org/10.2515/therapie/2014012">collaboré avec plusieurs organismes et associations de patients</a> pour évaluer les risques de l’exposition au DES. </p>
<p>De nos jours, les critères qui ont présidé à l’autorisation du DES ont aussi évolué. La <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/17287107/">méthodologie désormais acceptée</a> pour évaluer l’efficacité d’un traitement est l’essai randomisé (caractérisé par une répartition aléatoire des participants entre le groupe témoin et le groupe recevant le traitement) en double aveugle (l’administration du médicament ou du placebo n’est connue ni du patient, ni de la personne chargée d’évaluer l’effet du traitement). </p>
<p>Certains soulignent que la mise en place de ces nouveaux critères a mené à l’absence de reconnaissance de savoirs cliniques établis, parce que jugés insuffisamment fondés. C’est peut-être le prix à payer pour limiter le risque de nouvelles crises sanitaires d’une telle ampleur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174497/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine Batias ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Administré à des millions de femmes enceintes, le diéthylstilbestrol s’est avéré non seulement inefficace, mais aussi toxique sur plusieurs générations. Retour sur un scandale sanitaire méconnu.Catherine Batias, Enseignante et chercheuse en toxicologie, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1746242022-01-17T19:37:14Z2022-01-17T19:37:14ZLaboratoires pharmaceutiques : une industrie, aujourd’hui encore, plus réactive que prospective<p>Dans un récent ouvrage, l’épidémiologiste Jean-David Zeitoun nous rappelle que nous avions perdu de vue le fait que l’amélioration de la santé humaine et l’accroissement de l’espérance de vie étaient <a href="http://www.denoel.fr/Catalogue/DENOEL/Document/La-Grande-Extension">davantage des anomalies que des règles</a> établies à l’échelle de l’évolution.</p>
<p>Cette <em>grande extension</em> de notre espérance de vie n’a en effet commencé que fort récemment, autour du milieu du XVIII<sup>e</sup> siècle en Occident. Les effets progressifs, discontinus mais mutuellement bénéfiques de la désinfection, d’une meilleure alimentation, des progrès de la médecine et des découvertes scientifiques de l’industrie pharmaceutique ont, depuis lors, permis de faire progresser la durée de vie de 50 ans voire davantage dans les pays développés.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/zHGw4ePWDPc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Jean-David Zeitoun présente son livre <em>La grande extension</em> (Librairie Mollat, octobre 2021).</span></figcaption>
</figure>
<p>Or, nous alerte Jean-David Zeitoun, nous assistons aujourd’hui à un tassement voire aux prémices d’une possible diminution de l’espérance de vie, expliquée par l’émergence de deux types de méta-problèmes : les risques comportementaux d’une part (tabagisme, mauvaise alimentation, sédentarité parmi d’autres) et les risques environnementaux d’autre part (pollution, réchauffement climatique, déforestation, agriculture extensive notamment). À l’origine de nombreuses maladies chroniques, ces deux facteurs majeurs rendent désormais probable un recul de la santé humaine.</p>
<h2>Organisations apprenantes</h2>
<p>Pourtant, de l’aveu même de certains spécialistes ou hauts responsables du secteur de la santé, il ne se passe, au fond, qu’encore peu de choses en matière d’analyse prospective en santé.</p>
<p>Si l’attention des acteurs se concentre, assez logiquement aujourd’hui, sur la sécurité logistique et les veilles technologiques et règlementaires, elles restent beaucoup moins systématiques sur l’analyse de signaux faibles ou les <a href="https://hbr.org/1985/09/scenarios-uncharted-waters-ahead">scénarios géopolitiques et sociétaux</a> comme cela peut être le cas dans l’énergie, ou encore le <a href="https://www.definitions-marketing.com/definition/cahier-de-tendances/">décodage de tendances socioculturelles</a> à bas bruit dans la mode ou la communication média par exemple.</p>
<p>Par nature, la grande majorité des industriels réfléchissent en réalité davantage à la façon de pouvoir répondre le plus rapidement possible à des phénomènes émergents (exploitation) plutôt que d’anticiper des phénomènes complexes et multifactoriels sur le temps long (exploration).</p>
<p>À titre d’illustration et selon nos informations, plusieurs laboratoires ont décidé d’arrêter leurs recherches sur le SARS-CoV-1 au moment où le virus a disparu, sans beaucoup plus d’anticipation.</p>
<p>Pour utiliser une terminologie académique, on pourrait dire que les industries de santé représentent des <a href="https://ocottray.medium.com/organisation-ambidextre-manager-les-changements-%C3%A9volutifs-et-radicaux-77616a280781">organisations plus apprenantes qu’ambidextres</a>. Dans le cas du Covid-19, les <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/12/23/vaccin-anti-covid-les-raisons-de-ce-record-de-vitesse_6064337_3244.html">outils de séquençage à haut débit</a> auront ainsi permis aux chercheurs de passer de la simple publication du virus à l’obtention de son génome détaillé en moins de 10 jours. Pour mémoire, il aura fallu 18 mois pour isoler le virus du sida et deux années supplémentaires pour en obtenir la séquence génétique complète…</p>
<p>Il est finalement peu surprenant que la veille autour des aspects macro-sociétaux et des pandémies soit l’apanage d’organismes publics, nationaux voire supranationaux, de fondations ou de think tanks indépendants du secteur industriel (Organisation mondiale de la santé, Biomedical Advanced Research and Development Authority, Gates Foundation, etc.) établis sur l’idée même d’observatoires indépendants, renseignés, en large partie abstraits des notions d’investissements, de prise de risque et de profitabilité.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1457826851276169222"}"></div></p>
<p>A contrario, les contraintes de la <a href="https://www.cairn.info/revue-savoir-agir-2011-2-page-13.htm">financiarisation des industries de santé</a> en cours depuis le début des années 2000, imposent aux acteurs des pratiques, des techniques et des logiques de rentabilité plus immédiates malgré les montants consacrés à la mise en place de solutions thérapeutiques innovantes et l’indéniable ampleur des investissements dédiés à la R&D (de <a href="https://theconversation.com/les-big-pharma-sont-ils-vraiment-des-ogres-financiers-170230">13 à 25 % de leur chiffre d’affaires sur prescription</a> selon les laboratoires).</p>
<p><iframe id="E1z3g" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/E1z3g/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La financiarisation des entreprises de la santé peut s’expliquer en partie par le fait que la productivité de cette R&D et l’augmentation des risques assumés par les acteurs privés ne sont nullement prises en considération par les acteurs publics. Il n’empêche que les impératifs de rentabilité empêchent, en partie, les industriels de poursuivre l’analyse prospective par la mise en place de solutions thérapeutiques capables de répondre à certaines des menaces importantes qui se font jour – aujourd’hui déjà – à l’instar de l’antibio-résistance, parmi d’autres.</p>
<h2>700 000 décès par an</h2>
<p>De quoi s’agit-il ? Chacun sait désormais que les bactéries exposées aux antibiotiques sont capables de développer des mécanismes de défense toujours plus efficaces contre les traitements proposés. Petit à petit, les antibiotiques ne sont plus à même de traiter les infections dues à des bactéries devenues résistantes.</p>
<p>La résistance aux antibiotiques est <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/prevention-en-sante/les-antibiotiques-des-medicaments-essentiels-a-preserver/des-antibiotiques-a-l-antibioresistance/article/l-antibioresistance-pourquoi-est-ce-si-grave">l’une des plus grandes menaces sanitaires à venir</a>. Elle peut toucher n’importe qui, à tout âge et dans n’importe quel pays. On estime que la résistance bactérienne est responsable aujourd’hui de 700 000 décès par an dans le monde.</p>
<p>Les conséquences de ce phénomène sont doubles et laissent entrevoir des lendemains difficiles et une <a href="https://www.inserm.fr/wp-content/uploads/2020-01/inserm-pprantibioresistance.pdf">bataille toujours plus ardue contre les résistances bactériennes</a> dont sont bien évidemment conscients les industriels :</p>
<ul>
<li><p>La résistance aux antibiotiques compromet les progrès de la médecine moderne. Sans antibiotiques efficaces pour prévenir et traiter les infections, les transplantations d’organes, les chimiothérapies et certaines interventions chirurgicales seront entravées. Les maladies résistantes aux antibiotiques pourraient ainsi engendrer environ 10 millions de décès par an d’ici 2050 et rapidement devenir la <a href="https://www.who.int/fr/news/item/29-04-2019-new-report-calls-for-urgent-action-to-avert-antimicrobial-resistance-crisis">principale cause de mortalité dans le monde</a>.</p></li>
<li><p>Lorsqu’une infection ne peut plus être traitée par un antibiotique de première intention, des médicaments plus coûteux doivent alors être administrés. La prolongation de la durée de la maladie due à la résistance bactérienne augmente les coûts et la charge financière globale du traitement. La résistance aux antibiotiques pourrait ainsi causer des dommages économiques équivalents à ceux de la crise financière de 2008-2009. Selon l’OMS, la résistance aux antimicrobiens pourrait faire basculer jusqu’à <a href="https://www.who.int/fr/news/item/29-04-2019-new-report-calls-for-urgent-action-to-avert-antimicrobial-resistance-crisis">24 millions de personnes dans l’extrême pauvreté</a> d’ici 10 ans.</p></li>
</ul>
<p>Or, même si la mise à disposition de nouvelles classes d’antibiotiques, ciblant les germes multi-résistants, devrait naturellement être considérée comme une mesure d’urgence, on constate que de moins en moins d’antibiotiques innovants sont aujourd’hui commercialisés sur le marché. La rentabilité souvent faible de la production et de la commercialisation des antibiotiques en est la cause première.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/440012/original/file-20220110-27-17cjjs0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/440012/original/file-20220110-27-17cjjs0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/440012/original/file-20220110-27-17cjjs0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/440012/original/file-20220110-27-17cjjs0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/440012/original/file-20220110-27-17cjjs0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/440012/original/file-20220110-27-17cjjs0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/440012/original/file-20220110-27-17cjjs0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Selon l’OMS, jusqu’à 24 millions de personnes dans le monde pourrait basculer dans l’extrême pauvreté en raison de la résistance aux antibiotiques.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Antibiotic_resistant_bacteria.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Sans soutien ni financements publics, le coût de développement d’un antibiotique, estimé à plus d’un milliard et demi de dollars, reste souvent prohibitif pour des acteurs privés tenus de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0168851017302002?via%3Dihub">générer un retour sur investissement suffisant</a>. C’est pourquoi de nombreuses entreprises pharmaceutiques renoncent à se lancer dans le développement de traitements antibiotiques, préférant <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-020-02884-3">diriger leurs efforts vers des aires plus rentables</a> et des besoins plus immédiats, l’oncologie par exemple.</p>
<h2>Un ensemble de paramètres à considérer</h2>
<p>Face à ces risques, comme nous avions pu le montrer dans un <a href="https://thechoice.escp.eu/tomorrow-choices/how-can-big-data-help-to-understand-apprehend-and-control-a-pandemic/">récent article</a>, gouvernants, acteurs de santé publique, personnel médical et hospitalier, médecins de ville et pharmaciens de proximité tireraient profit de la modélisation fine et prospective, via des solutions de big data, d’un ensemble de paramètres, résultat d’une combinatoire de données de santé et de données extrinsèques plus générales, parmi lesquelles :</p>
<ul>
<li><p>Les changements écologiques, climatiques et l’exploitation intensive des terres arables.</p></li>
<li><p>Les déplacements de population, le tourisme mondial (affaires ou agrément), le transport de marchandises et les mouvements migratoires.</p></li>
<li><p>Des facteurs socio-démographiques tels que la densité des populations, la pauvreté, l’hygiène et l’alimentation.</p></li>
<li><p>L’insuffisance ou l’application erronée des mesures de santé publique.</p></li>
</ul>
<p>Pour autant, qu’ils ne soient ni techniques ni médicaux, la prise en compte et la maîtrise de ces facteurs extrinsèques sont également indispensables à l’analyse et la caractérisation d’une maladie infectieuse. Et quand bien même semblent-ils marginaux de prime abord, chacun d’eux est absolument instrumental, favorisant l’émergence et la propagation des maladies infectieuses.</p>
<p><em><strong>A lire aussi</strong> : notre <a href="https://theconversation.com/fr/topics/serie-planet-pharma-113837">série internationale « Planet pharma »</a></em></p>
<p>De notre analyse ressort une conclusion sans équivoque : afin d’appréhender le processus pandémique de façon efficace et prospective, en vue de le bloquer le plus tôt possible, il devient impératif d’adopter une démarche analytique interdisciplinaire reposant sur le partage de données abondantes, hétérogènes, complexes, multifactorielles, essentiellement non structurées qui permettent aux acteurs publics et privés de mettre en place un système de veille et d’alerte plus efficace des phénomènes épidémiologiques à l’échelle planétaire.</p>
<p>Autrement dit, identifier l’émergence d’une maladie nouvelle et prédire sa capacité à se transformer en pandémie, requiert le travail conjoint de professionnels de santé associé à l’expertise d’autres corps de métier (sociologues, économistes, climatologues, géopolitologues notamment) que les industriels de la santé ne connaissent ni ne convoquent par manque de proximité professionnelle et de relations suivies.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174624/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Jallat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Par nature, les acteurs du secteur sont plus enclins à suivre les évolutions technologiques et règlementaires que les tendances macro-sociétales.Frédéric Jallat, Professeur de marketing, directeur scientifique du mastère spécialisé en management pharmaceutique et des biotechnologies , ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1702302021-12-07T11:57:54Z2021-12-07T11:57:54ZLes « Big Pharma » sont-ils vraiment des ogres financiers ?<p>Le marché mondial du médicament a atteint en 2020 presque <a href="https://www.leem.org/marche-mondial">1 000 milliards d’euros dans le monde</a>, enregistrant une croissance de 8 % par rapport à 2019. Tels sont les chiffres livrés par le LEEM (l’organisme professionnel des entreprises du médicament en France) dans un rapport paru en octobre 2021, qui souligne notamment que si les États-Unis demeurent le principal marché (46 %), l’Europe en représente (24 %).</p>
<p>Le secteur a enregistré d’importants mouvements de rapprochements au cours des dernières années, à l’image du <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/12/12/industrie-pharmaceutique-astrazeneca-rachete-l-americain-alexion-pour-39-milliards-de-dollars_6063174_3234.html">rachat de l’américain Alexion par l’anglo-suédois AstraZeneca</a>, fin 2020.</p>
<p>L’industrie pharmaceutique demeure cependant <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2020/11/26/big-pharma-que-pesent-les-grands-acteurs-de-l-industrie-du-medicament-et-des-vaccins_6061237_4355770.html">moins concentrée que d’autres secteurs</a>, comme l’automobile ou la bière par exemple.</p>
<p>Toujours selon le LEEM, les cinq premiers groupes représenteraient 22 % du marché mondial. Une puissance qui a contribué à relancer les <a href="https://www.lavoixdunord.fr/875498/article/2020-10-06/bigpharma-puces-5g-les-cinq-theories-complotistes-sur-le-covid-19-les-plus">théories du complot</a> autour des « Big Pharma » pendant la pandémie, accusés de s’organiser pour dégager des profits indus au détriment de la santé publique et du bien commun.</p>
<p>Compte tenu de ce contexte particulier, nous avons étudié la situation financière des dix plus grandes compagnies pharmaceutiques mondiales sur le critère du chiffre d’affaires du médicament sur prescription.</p>
<p>Ont été retenus cinq groupes américains (AbbVie, Bristol Meyers, Johnson & Johnson, Merck et Pfizer), deux suisses (Novartis et Roche), un britannique (GlaxoSmithKline), un français (Sanofi) et un japonais (Takeda).</p>
<h2>Forte intensité de recherche et développement (R&D)</h2>
<p>Le chiffre d’affaires généré par les ventes de médicaments sur prescription est majoritaire pour l’ensemble des entreprises voire quasi-exclusif pour certaines d’entre elles (AbbVie, Bristol Myers Squibb, Novartis, Takeda). Les autres développent des activités connexes : diagnostic, ventes de médicaments OTC (sans ordonnance), produits de soins de santé grand public comme la parapharmacie (Johnson & Johnson notamment), nutrition, etc.</p>
<p>_<strong>A lire aussi</strong> : notre <a href="https://theconversation.com/fr/topics/serie-planet-pharma-113837">série internationale sur le sujet</a></p>
<p>Les grandes entreprises du secteur dépensent également fortement en recherche et développement (de 13 à 25 % de leurs ventes de médicaments sur prescription selon les entreprises), ce qui démontre l’ampleur des investissements nécessaires à la création de nouvelles solutions thérapeutiques. En effet, l’ensemble des recherches ne sont pas couronnées de succès et des pistes prometteuses et coûteuses peuvent s’avérer sans issue.</p>
<p>Si l’on fait un focus sur le développement des vaccins, il apparaît, d’une part, que le marché est beaucoup plus concentré (Johnson&Johson, Pfizer, Merck, GSK et Sanofi représentent 80 % du marché), et d’autre part que les frais de R&D nécessaires représentent <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2020/11/26/big-pharma-que-pesent-les-grands-acteurs-de-l-industrie-du-medicament-et-des-vaccins_6061237_4355770.html">plus de 20 % du chiffre d’affaires</a>. On note ainsi que</p>
<p>Pfizer et Johnson&Johnson, les deux producteurs de vaccins contre le Covid-19 au sein de notre échantillon, affichent des frais de R&D parmi les plus élevés (respectivement 22 et 25 % de leurs chiffres d’affaires respectifs).</p>
<iframe title="Part de l'activité pharmaceutique sur prescription et% du chiffre d'affaires et% du chiffre d'affaires dédié à la R&D en 2020." aria-label="Barres regroupées" id="datawrapper-chart-E1z3g" src="https://datawrapper.dwcdn.net/E1z3g/2/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="969" width="100%"></iframe>
<p>On constate par ailleurs que le modèle qui consiste à <a href="https://theconversation.com/les-big-pharma-les-start-up-et-linnovation-pourquoi-sanofi-a-perdu-la-course-au-vaccin-159758">racheter des start-up</a>, souvent des « biotechs », ayant franchi les premiers stades avant l’autorisation de mise sur le marché pour ensuite achever ce processus et assurer la production et la distribution, ne dispense pas de dépenses de R&D importantes.</p>
<h2>Fortes marges</h2>
<p>L’un des éléments notables est que l’ensemble de ces entreprises dégage des marges d’exploitation importantes. Cet indicateur, ratio du bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement (EBITDA) par rapport au chiffre d’affaires, s’élève à 28 % pour Sanofi, et même à 48 % pour AbbVie. À titre de comparaison, les marges d’exploitation sont, en moyenne, à environ 18 % au sein des entreprises du S&P 500, l’indice boursier qui regroupe 500 grandes sociétés américaines, tous secteurs confondus. Notons en outre que la pandémie n’a pas conduit à un renforcement notable de leurs marges (en moyenne 36,11 % en 2020 contre 34,29 % en 2019).</p>
<iframe title="Performance financière 2020 des grands laboratoires pharmaceutiques" aria-label="Graphique en colonnes" id="datawrapper-chart-w4aYw" src="https://datawrapper.dwcdn.net/w4aYw/2/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="305" width="100%"></iframe>
<p>Les grands groupes pharmaceutiques disposent donc d’une capacité à valoriser leurs investissements en recherche dans leurs prix de vente. Ceux-ci font pourtant l’objet de négociations intenses avec les organismes de sécurité sociale et les mutuelles. En effet, le prix doit permettre de faire face aux investissements en R&D d’un côté, et déboucher sur un véritable bénéfice thérapeutique additionnel de l’autre. Sachant par ailleurs qu’un nombre réduit de médicaments génère effectivement ces marges.</p>
<p>Du point de vue de la rentabilité, le tableau est moins idyllique car leur rentabilité économique (ROA, résultat net/total de l’actif) tout à fait satisfaisante n’est pas exceptionnelle, compte tenu des investissements nécessaires (de 2,1 % pour le japonais Takeda à 15 % pour le suisse Roche, pour une moyenne de 2,2 % pour les entreprises du S&P 500).</p>
<p>Leur rentabilité est également restée similaire à celle enregistrée avant la pandémie (en moyenne 6,82 % en 2020 contre 7,44 % en 2019). Cette situation ne diffère pas pour les deux producteurs de vaccins contre la Covid-19, Jonhson&Johnson et Pfizer.</p>
<iframe title="Rentabilité économique 2020 des grands laboratoires pharmaceutiques" aria-label="Graphique en colonnes" id="datawrapper-chart-1nSPl" src="https://datawrapper.dwcdn.net/1nSPl/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="400" width="100%"></iframe>
<p>Cette situation se traduit par un multiple EBIDTA (excédent brut d’exploitation) de valorisation qui n’apparaît pas excessif. Cet indicateur, qui rapporte la valeur de l’entreprise en bourse à l’EBIDTA et permet ainsi aux investisseurs de réaliser des comparaisons en termes de performance, varie en effet de 8,13 pour Takeda à 13,93 pour Johnson&Johnson, contre un ratio moyen pour les entreprises du S&P 500 de 16,45.</p>
<iframe title="Multiple de valorisation EBIDTA" aria-label="Graphique en colonnes" id="datawrapper-chart-r2Lj3" src="https://datawrapper.dwcdn.net/r2Lj3/5/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="400" width="100%"></iframe>
<p>Les actions des grands laboratoires pharmaceutiques constituent donc de bons investissements pour leurs actionnaires, sans pour autant faire figure de mine d’or.</p>
<p>Certes, les grands groupes pharmaceutiques, les « Big Pharma » et leurs actionnaires <a href="https://www.humanite.fr/big-pharma-les-actionnaires-touchent-le-jackpot-704626">ne sont pas à plaindre</a>, loin de là. Cependant, l’analyse de leur situation financière ne permet de mettre en évidence aucun « scandale » ou « complot ».</p>
<p>Leurs performances financières dans cette période de pandémie sont plutôt le reflet d’un « business as usual ». En revanche, l’émergence d’une nouvelle technologie fondée sur l’ARN messager ouvre vraisemblablement des perspectives prometteuses. Le rachat de la biotech américaine <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/chimie-pharmacie/pourquoi-sanofi-renonce-a-l-arn-messager-pour-son-vaccin-contre-le-covid-893277.html">Translate Bio par Sanofi</a> pour 2,7 milliards d’euros en 2020, bien que le vaccin contre le Covid-19 ait été abandonné, en est l’illustration la plus tangible.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/170230/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Caby est Délégué Général de la FNEGE (Fondation Nationale pour l'Enseignement la Gestion des Entreprises)</span></em></p>Les géants de l'instruire pharmaceutique se distinguent par leurs marges mais leurs valorisations en bourse restent dans la moyenne des grandes entreprises cotées. La crise n'a pas changé la donne.Jérôme Caby, Professeur des Universités, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1720822021-12-07T11:57:51Z2021-12-07T11:57:51ZL’industrie pharmaceutique peut-elle vraiment restaurer sa réputation avec la pandémie ?<p>La course au développement des vaccins contre le Covid-19 a placé le rôle des laboratoires pharmaceutiques sur le <a href="https://fortune.com/longform/covid-vaccine-big-pharma-drugmakers-coronavirus-pharmaceutical-industry/">devant de la scène</a>.</p>
<p>Ces derniers mois, le monde entier a été témoin non seulement de la rapidité avec laquelle ils ont mené les essais cliniques et ont obtenu les autorisations de mise sur le marché de plusieurs vaccins très efficaces, à l’instar de Pfizer, Moderna et AstraZeneca. Une réussite sans précédent qui n’aurait pas été possible sans les <a href="https://doi.org/10.1038/s41587-021-00912-9">partenariats établis au sein de l’industrie</a>, que ce soit au niveau national ou international.</p>
<p>Cette stratégie a eu une conséquence somme toute inattendue, à savoir la nette amélioration de la réputation des labos pharmaceutiques depuis début 2020. En effet, selon une enquête de février 2021, près des deux tiers des Américains en ont désormais une <a href="https://www.fiercepharma.com/marketing/pharma-reputation-hits-high-americans-two-thirds-now-give-positive-rating-harris-poll">opinion favorable</a>.</p>
<p>Cependant, le <a href="https://www.ft.com/content/7ad9d74e-f4e7-4b30-9391-0b934662b6ac">spectre de la disgrâce continue de planer</a> alors même que les grands labos sont considérés comme des héros de la pandémie.</p>
<p>La controverse sur les effets secondaires potentiellement graves du vaccin d’AstraZeneca en est le parfait exemple. L’entreprise anglaise a subi un véritable retour de bâton en raison de l’absence d’un plan de réponse à la crise et des <a href="https://www.theguardian.com/business/2021/mar/26/how-the-astrazeneca-vaccine-became-a-political-football-and-a-pr-disaster">messages contradictoires délivrés par les différentes parties prenantes</a>.</p>
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<img alt="AstraZeneca sign on the side of a building" src="https://images.theconversation.com/files/411054/original/file-20210713-15-37yx3u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/411054/original/file-20210713-15-37yx3u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=329&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/411054/original/file-20210713-15-37yx3u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=329&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/411054/original/file-20210713-15-37yx3u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=329&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/411054/original/file-20210713-15-37yx3u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/411054/original/file-20210713-15-37yx3u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/411054/original/file-20210713-15-37yx3u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le siège mondial d’AstraZeneca à Londres.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Kirsty Wigglesworth/AP</span></span>
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<p>L’élan de popularité actuel permettra-t-il à l’industrie pharmaceutique de changer en profondeur une image publique entachée ? En tant que chercheur en relations publiques, je pense que les laboratoires ne redoreront leur blason que s’ils donnent la priorité aux pratiques socialement responsables.</p>
<h2>Une réputation entachée</h2>
<p>Avant la crise sanitaire, l’industrie pharmaceutique était sous le feu des attaques depuis plusieurs années. Aux États-Unis, <a href="https://news.gallup.com/poll/266060/big-pharma-sinks-bottom-industry-rankings.aspx">sa réputation avait notamment sombré dans l’enquête réalisée par l’institut de sondage Gallup en août 2019</a>, où elle enregistrait à peine 27 % d’opinions favorables. Le coût élevé des médicaments, les dépenses massives de publicité et de lobbying et la crise des opiacés avaient largement terni son image.</p>
<p>Un constat en phase avec les recherches menées en Europe puisque dans une <a href="https://doi.org/10.1177/2046147X18774588">analyse qualitative publiée par Public Relations Inquiry</a>, une équipe de chercheurs de l’université de Gand a étudié la manière dont les entreprises pharmaceutiques belges réagissaient à la mauvaise image qu’elles véhiculaient.</p>
<p>Il en ressort que cette perception négative reflète des problèmes de société plus larges, notamment des écarts croissants en matière de revenus et de santé. Le grand public attend des labos qu’ils sauvent des vies en développant des médicaments innovants, abordables et efficaces. Si leurs actions et motivations sont en contradiction avec de telles attentes, ils perdent sa confiance. Toutefois, celle-ci peut facilement revenir via la publication de rapports sur la responsabilité des entreprises, et des campagnes de communication.</p>
<p>La réputation de l’industrie pharmaceutique est aussi liée au traitement qu’en font les médias. Une <a href="https://doi.org/10.1007/s43441-019-00048-8">enquête de 2020 sur la couverture médiatique des grands labos</a> a montré que la majorité des articles étaient neutres et portaient sur des sujets tels que les capitaux, la valorisation boursière, les bénéfices, les fusions, acquisitions et restructurations, et que cette couverture devenait plus négative lorsqu’elle traitait, de manière plus épisodique, sur des sujets sensibles.</p>
<p>En d’autres termes, les médias parlent davantage des grands labos sous l’angle des affaires plutôt que sous celui de la société et de la santé publique. Ce manque d’attention à l’égard des responsabilités sociales de l’industrie a contribué à la méfiance croissante du public à son égard ces dernières années.</p>
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<img alt="Un homme tient une pancarte sur laquelle on peut lire ‘Les toxicomanes méritent des soins de santé’ avec un cœur." src="https://images.theconversation.com/files/411056/original/file-20210713-25-5pdfbs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/411056/original/file-20210713-25-5pdfbs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/411056/original/file-20210713-25-5pdfbs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/411056/original/file-20210713-25-5pdfbs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/411056/original/file-20210713-25-5pdfbs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/411056/original/file-20210713-25-5pdfbs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/411056/original/file-20210713-25-5pdfbs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un homme tient une pancarte lors d’une manifestation à Vancouver en 2017, lors de la première Journée nationale de sensibilisation aux surdoses d’opiacés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">The Canadian Press/Darryl Dyck</span></span>
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<h2>Un regain de réputation grâce aux vaccins, mais un regain fragile</h2>
<p>Au vu de ces facteurs, il n’est pas surprenant que les efforts déployés par l’industrie pharmaceutique en faveur des vaccins contre le Covid-19, combinés à une vaste couverture médiatique, aient entraîné une <a href="https://www.vox.com/policy-and-politics/2021/4/2/22362078/covid-19-vaccines-pfizer-pharma-companies-popularity">amélioration substantielle de son image dans l’opinion publique</a>. Selon une <a href="https://www.filesforprogress.org/datasets/2021/3/dfp-pharma-infrastructure-funding.pdf">enquête menée par le groupe de réflexion Data for Progress en mars 2021</a>, 56 % des personnes interrogées avaient une opinion favorable des labos pharmaceutiques, soit le double de l’indice du sondage Gallup de 2019.</p>
<p>Néanmoins, un examen plus approfondi des données les met doublement en garde.</p>
<p>D’abord, le prix des médicaments reste la principale préoccupation du public. Dans l’enquête Data for Progress, 72 % des électeurs américains soutiennent les mesures politiques susceptibles de réduire le prix des médicaments sur ordonnance. De son côté, l’industrie pharmaceutique insiste sur le fait que les prix actuels des vaccins contre le Covid-19 ne resteront pas aussi bas très longtemps.</p>
<h2>Les prix des vaccins vont-ils augmenter ?</h2>
<p>En février, Frank D’Amelio, directeur financier de Pfizer, a déclaré lors <a href="https://www.biopharmadive.com/news/coronavirus-vaccines-pricing-questions-moderna-pfizer/594762/">d’une conférence téléphonique avec des analystes de Wall Street</a> que son groupe allait « s’intéresser davantage aux prix » après la pandémie, et laissé entendre que celui de son vaccin contre le Covid-19 subirait une hausse substantielle.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/411057/original/file-20210713-17-5dcfkv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Des dirigeants de Pfizer Canada lors d’une conférence de presse à Montréal en 2012" src="https://images.theconversation.com/files/411057/original/file-20210713-17-5dcfkv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/411057/original/file-20210713-17-5dcfkv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/411057/original/file-20210713-17-5dcfkv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/411057/original/file-20210713-17-5dcfkv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/411057/original/file-20210713-17-5dcfkv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=516&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/411057/original/file-20210713-17-5dcfkv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=516&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/411057/original/file-20210713-17-5dcfkv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=516&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des dirigeants de Pfizer Canada lors d’une conférence de presse à Montréal en 2012.</span>
<span class="attribution"><span class="source">The Canadian Press/Graham Hughes</span></span>
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<p>L’entreprise facture actuellement 19,50 dollars par dose, alors que le prix habituel des autres vaccins oscille entre 150 et 175 dollars. Si elle était mise en œuvre, cette politique de prix agressive susciterait sans aucun doute des critiques de la part du grand public, notamment des pays en développement qui ont déjà été négligés lors du premier cycle de distribution des vaccins.</p>
<p>Ensuite, la vitesse remarquable de la recherche et de l’innovation atteinte au cours du développement du vaccin contre le Covid-19 est due principalement aux aides publiques et aux différents partenariats. Il n’est pas certain que ces mesures exceptionnelles annoncent l’émergence d’un nouveau modèle où les gouvernements amélioreraient la réglementation relative au contrôle des brevets, à la publicité, à la transparence des données cliniques et aux dépenses de lobbying.</p>
<p>S’ils veulent vraiment redorer leur image, les grands labos doivent profiter de leur popularité actuelle pour privilégier les pratiques socialement responsables. À commencer par une tarification plus équitable des médicaments et un véritable engagement contre les disparités en matière de santé publique.</p>
<hr>
<p><em>Traduit de l’anglais par Karine Degliame-O’Keeffe pour <a href="http://www.fastforword.fr">Fast ForWord</a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172082/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sibo Chen reçoit des fonds de l'Université Ryerson et du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.</span></em></p>S’ils veulent vraiment redorer leur image, les grands labos feraient bien de profiter de leur popularité actuelle pour privilégier les pratiques socialement responsables.Sibo Chen, Assistant Professor, School of Professional Communication, Toronto Metropolitan UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1720882021-12-07T11:57:50Z2021-12-07T11:57:50ZDu Missouri au Bangladesh : itinéraire d’un vaccin Pfizer contre le Covid-19<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/432386/original/file-20211117-17-qqrjml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C44%2C7360%2C4858&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un Bangladais reçoit une dose de vaccin Covid-19.</span> <span class="attribution"><span class="source">Mahmud Hossain Opu/AP</span></span></figcaption></figure><p>Immuniser la planète contre le Covid-19 constitue un défi logistique sans précédent que l’on pourrait comparer à une mobilisation mondiale en temps de guerre, si ce n’est qu’on a affaire à un ennemi invisible et présent partout.</p>
<p>Certains des vaccins doivent être conservés <a href="https://theconversation.com/how-mrna-vaccines-from-pfizer-and-moderna-work-why-theyre-a-breakthrough-and-why-they-need-to-be-kept-so-cold-150238">à très basse température</a>, quasiment à tous les stades de leur parcours, jusqu’à leur injection. Les vaccins sont <a href="https://www.dw.com/en/the-covid-19-vaccines-where-do-they-come-from-where-will-they-go/a-56134178">principalement produits</a> dans les pays riches, alors que c’est <a href="https://www.nytimes.com/2021/08/02/world/europe/covax-covid-vaccine-problems-africa.html">dans les pays les plus pauvres que le besoin s’en fait le plus sentir</a>, surtout aujourd’hui.</p>
<p>Si de <a href="https://www.nytimes.com/interactive/2021/world/covid-vaccinations-tracker.html">nombreux pays riches</a> comme Israël, le Canada et le Royaume-Uni sont parvenus à vacciner la plupart de leurs citoyens, la <a href="https://fortune.com/2021/06/30/covid-vaccines-global-vaccination-rates-by-country/">grande majorité de la population</a> mondiale n’a pas encore reçu sa première dose.</p>
<p>Voilà plus de vingt ans que <a href="https://scholar.google.com/citations?user=ncDgo0QAAAAJ&hl=en&oi=ao">j’étudie les chaînes d’approvisionnement mondiales</a>, y compris celles qui concernent les médicaments et autres produits liés à la santé. Pour illustrer la complexité et la difficulté du processus, je vous invite à suivre le parcours d’une dose de vaccin Pfizer (qui a été <a href="https://www.npr.org/sections/coronavirus-live-updates/2021/08/23/1030251410/pfizer-covid-vaccine-fda-approval">autorisée par la Food and Drug Administration</a> le 23 août 2021), depuis une usine du Missouri jusqu’à son injection dans le bras d’un Bangladais.</p>
<h2>Du Missouri au Michigan, en passant par le Massachusetts</h2>
<p>Le vaccin Pfizer a en fait été développé <a href="https://www.pfizer.com/news/press-release/press-release-detail/pfizer-and-biontech-co-develop-potential-covid-19-vaccine">dans le cadre d’un partenariat avec BioNTech</a>, une société allemande.</p>
<p><a href="https://www.pfizer.com/news/hot-topics/mrna_technology_at_the_forefront_during_global_pandemic">C’est l’un</a> des deux vaccins qui utilisent la <a href="https://extranet.who.int/pqweb/sites/default/files/documents/Status_Covid_VAX_15July2021.pdf">nouvelle technologie de l’ARN messager</a> (ou ARNm), consistant à fournir des instructions génétiques afin <a href="https://theconversation.com/how-mrna-vaccines-from-pfizer-and-moderna-work-why-theyre-a-breakthrough-and-why-they-need-to-be-kept-so-cold-150238">d’encoder une protéine virale</a>. Une fois que les cellules de la personne vaccinée commencent à fabriquer la protéine du coronavirus, son système immunitaire est incité à produire de puissants anticorps capables de neutraliser le virus s’il est appelé à le rencontrer.</p>
<p>Le voyage qu’entreprend la dose de vaccin pour être distribuée deux mois plus tard démarre par la production des <a href="https://www.nytimes.com/interactive/2021/health/pfizer-coronavirus-vaccine.html">ingrédients de base</a> dans une usine Pfizer à Chesterfield, une banlieue de Saint-Louis, dans le Missouri. Cette usine produit la matière première essentielle, appelée plasmide, qui se compose de brins d’ADN contenant les instructions génétiques nécessaires à la fabrication des protéines du coronavirus.</p>
<p>Les éprouvettes de ces fragments d’ADN sont congelées, ensachées, scellées, placées dans un conteneur et envoyées à Andover, dans le Massachusetts. L’ADN y est transformé en ARNm, qui est l’ingrédient actif du vaccin, sa « substance médicamenteuse ».</p>
<p>L’ARNm est ensuite emballé dans des sacs en plastique, dont chacun contient de quoi produire dix millions de doses, congelées et expédiées à Kalamazoo, dans le Michigan, pour la dernière étape du processus : la formulation et le remplissage.</p>
<p>La substance médicamenteuse est d’abord associée à des nanoparticules lipidiques – en gros, de la graisse – pour protéger l’ARNm et l’aider à pénétrer dans les cellules humaines. Ensuite, le mélange est introduit dans des éprouvettes en verre, à raison de six doses par éprouvette, elles-mêmes emballées et congelées avant d’être distribuées.</p>
<p>J’ai présenté ici un processus simplifié en trois étapes. La fabrication d’un vaccin, qui nécessite plus de 200 éléments différents issus d’usines réparties dans le monde entier, est nettement plus complexe.</p>
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<img alt="Un homme vêtu d’un équipement de protection et d’un tee-shirt jaune verse de la neige carbonique dans un carton contenant les vaccins Pfizer" src="https://images.theconversation.com/files/416804/original/file-20210818-27-1e9hhe2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/416804/original/file-20210818-27-1e9hhe2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/416804/original/file-20210818-27-1e9hhe2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/416804/original/file-20210818-27-1e9hhe2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/416804/original/file-20210818-27-1e9hhe2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/416804/original/file-20210818-27-1e9hhe2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/416804/original/file-20210818-27-1e9hhe2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les cartons spécialement conçus par Pfizer sont remplis de neige carbonique pour conserver les éprouvettes de vaccin à des températures polaires.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://newsroom.ap.org/detail/VirusOutbreakWastedVaccineDoses/dc6f3fc52c3f41be963574cb4f71aa59/photo?Query=Pfizer%20AND%20boxes&mediaType=photo&sortBy=arrivaldatetime:desc&dateRange=Anytime&totalCount=203&currentItemNo=38">Morry Gash/AP</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Conserver les éprouvettes à très basse température</h2>
<p>En attendant d’être distribuées, les éprouvettes doivent être <a href="https://www.pfizer.com/news/press-release/press-release-detail/pfizer-and-biontech-submit-covid-19-vaccine-stability-data">conservées à des températures</a> allant de -80 à -60 °C, dans des super-congélateurs.</p>
<p>Pour vous donner une idée, la température annuelle moyenne au pôle Sud <a href="https://www.climatestotravel.com/climate/antarctica">avoisine les -50 °C</a>. Quant aux glaces ou aux steaks surgelés, ils doivent être maintenus, pendant le stockage et le transport <a href="https://cwi-logistics.com/news/how-cold-does-a-warehouse-have-to-be-to-keep-ice-cream//">à -30 °C</a>.</p>
<p>Pour faciliter le transport de ses vaccins aux États-Unis et dans le monde entier, Pfizer a conçu ses propres glacières. <a href="https://www.cdc.gov/vaccines/covid-19/info-by-product/pfizer/pfizer-bioNTech-faqs.html">Les éprouvettes sont placées sur des plateaux</a> conçus pour 195 éprouvettes. Les glacières, qui contiennent cinq plateaux (soit 5 850 doses), sont équipées d’un traceur GPS et d’un capteur de température.</p>
<p>Les glacières Pfizer ne nécessitent aucun autre équipement particulier pour transporter les vaccins, et la température très froide y est maintenue à l’aide de neige carbonique, remplacée tous les cinq jours.</p>
<p>La neige carbonique étant composée de dioxyde de carbone sous forme solide, elle devient progressivement gazeuse, ce qui peut être dangereux sans une ventilation adéquate.</p>
<p>Dès qu’une cargaison est prête à partir, Pfizer <a href="https://www.biopharmadive.com/news/coronavirus-vaccine-freight-forwarder-distribution/589880/">contacte l’un des transporteurs internationaux</a> avec lesquels il a établi un partenariat, comme UPS ou DHL, qui achemine sous 48 h une certaine quantité de boîtes vers un pays donné.</p>
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<img alt="Deux hommes se tiennent à côté d’un entrepôt frigorifique contenant des cartons de vaccin Pfizer" src="https://images.theconversation.com/files/416808/original/file-20210818-15-1m9pi0r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/416808/original/file-20210818-15-1m9pi0r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/416808/original/file-20210818-15-1m9pi0r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/416808/original/file-20210818-15-1m9pi0r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/416808/original/file-20210818-15-1m9pi0r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/416808/original/file-20210818-15-1m9pi0r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/416808/original/file-20210818-15-1m9pi0r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les pays doivent disposer d’une infrastructure de stockage à très basse température, comme cet entrepôt en Turquie, pour accepter les doses de vaccin Pfizer.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://newsroom.ap.org/detail/VirusOutbreakTurkey/5d1afecb5c184ffd9b23d67785538aec/photo?Query=cold%20storage%20vaccine&mediaType=photo&sortBy=arrivaldatetime:desc&dateRange=Anytime&totalCount=100&currentItemNo=9">Turkish Health Ministry/AP</a></span>
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<h2>Le dernier kilomètre d’une éprouvette</h2>
<p>Pour qu’un pays puisse recevoir le vaccin Pfizer, il doit être en mesure de conserver des produits médicaux très froids. Ce n’est pas un problème pour les nations les plus riches, mais les pays pauvres ont rarement les infrastructures nécessaires.</p>
<p>Une fois arrivé à destination, le chargement est placé dans un super-congélateur, généralement à l’aéroport ou dans un dépôt central, jusqu’à ce qu’il soit prêt à être utilisé. Le vaccin peut être conservé environ un mois avant d’être injecté.</p>
<p>Dans les pays pauvres disposant des infrastructures requises, comme le Bangladesh, la distribution est néanmoins limitée à quelques hôpitaux des grandes zones urbaines possédant des chambres froides à très basse température. Dans ce cas précis, seuls <a href="https://www.dhakatribune.com/bangladesh/2021/06/30/7-dhaka-vaccine-centres-to-administer-pfizer-jabs-from-thursday">sept hôpitaux de la capitale, Dhaka</a>, sont équipés pour conserver les vaccins Pfizer.</p>
<p>Le voyage glacé du vaccin Pfizer ne constitue lui-même qu’une partie de l’opération de vaccination. Les fournitures auxiliaires nécessaires à la vaccination se composent de seringues spéciales permettant de délivrer une dose de 0,3 ml, d’aiguilles, de tampons d’alcool stériles et d’équipements de protection individuelle pour le personnel de santé qui administre le vaccin.</p>
<p>De même, la préparation de l’injection du vaccin Pfizer est un processus complexe. Tout d’abord, l’infirmier laisse le vaccin décongeler jusqu’à une température comprise entre 2 et 8 °C dans un réfrigérateur où il peut se conserver 31 jours. Juste avant la vaccination, l’infirmier laisse l’éprouvette à température ambiante (entre 2 et 25 °C), où sa durée de vie n’excédera pas six heures.</p>
<p>Le vaccin voyageant sous forme de concentré, <a href="https://www.cdc.gov/vaccines/covid-19/info-by-product/pfizer/downloads/diluent-poster.pdf">l’infirmier doit le diluer dans 1,8 ml de solution saline</a>, obtenant ainsi de quoi réaliser six doses.</p>
<p>Une difficulté supplémentaire tient au fait que de nombreux pays à revenu faible ou moyen utilisent des seringues qui garantissent une dose maximale fixe et sont automatiquement désactivées après une seule utilisation. Cela permet d’éviter les approximations et les erreurs. L’UNICEF est chargée de livrer ces fournitures supplémentaires aux pays les plus pauvres qui reçoivent leurs vaccins par le biais de COVAX, <a href="https://www.gavi.org/covax-facility">l’initiative mondiale mise en place pour distribuer</a> les vaccins Covid-19 aux pays à faible revenu et à revenu intermédiaire.</p>
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<img alt="Plusieurs seringues contenant des doses diluées de 0,3 ml de vaccin Pfizer attendent dans leur boîte" src="https://images.theconversation.com/files/416807/original/file-20210818-15-ho04l0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/416807/original/file-20210818-15-ho04l0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/416807/original/file-20210818-15-ho04l0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/416807/original/file-20210818-15-ho04l0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/416807/original/file-20210818-15-ho04l0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/416807/original/file-20210818-15-ho04l0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/416807/original/file-20210818-15-ho04l0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La dernière étape du processus avant l’inoculation consiste à diluer le vaccin dans une solution saline pour créer des doses de 0,3 ml.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://newsroom.ap.org/detail/VirusOutbreakCalifornia/6dff429a78cf466b87943fc6e3abe910/photo?Query=pfizer%20AND%20syringes&mediaType=photo&sortBy=arrivaldatetime:asc&dateRange=Anytime&totalCount=226&currentItemNo=67">Jae C. Hong/AP</a></span>
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<h2>Un exploit monumental</h2>
<p>D’autres vaccins sont beaucoup moins contraignants en matière de chaîne du froid, ils n’ont pas besoin d’être dilués et sont injectés à l’aide de seringues standard, ce qui les rend accessibles à bien plus de pays, y compris dans les zones rurales.</p>
<p>La plupart des vaccins Covid-19 <a href="https://extranet.who.int/pqweb/sites/default/files/documents/Status_Covid_VAX_15July2021.pdf">dont l’utilisation est approuvée par l’Organisation mondiale de la santé</a>, tels que ceux fabriqués par AstraZeneca et Johnson & Johnson, ne nécessitent qu’un stockage au froid standard, entre 2 et 8 °C).</p>
<p>Je me suis intéressé à Pfizer en partie parce qu’il s’est taillé la part du lion dans les <a href="https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2021/06/10/fact-sheet-president-biden-announces-historic-vaccine-donation-half-a-billion-pfizer-vaccines-to-the-worlds-lowest-income-nations">doses données par les États-Unis</a> pour le programme COVAX.</p>
<p>Au 22 août 2021, un total de <a href="https://ourworldindata.org/covid-vaccinations">4,97 milliards de doses de vaccin contre la Covid-19</a> avait été administré, un exploit inimaginable à l’automne 2020. Mais la couverture mondiale s’avère très inégale. Un peu plus de la moitié de la population des pays à revenu élevé est vaccinée, contre 1,4 % seulement des populations à faible revenu, originaires, pour la plupart, de pays africains.</p>
<p>Le développement de plusieurs vaccins, <a href="https://extranet.who.int/pqweb/sites/default/files/documents/Status_Covid_VAX_15July2021.pdf">dont dix ont été approuvés par l’OMS</a>, en <a href="https://covid19.nih.gov/news-and-stories/vaccine-development">l’espace d’un an pour la plupart</a> représente une véritable prouesse, fruit de la science et de la collaboration mondiale, surtout quand on sait qu’il fallait jusqu’ici <a href="https://www.weforum.org/agenda/2020/06/vaccine-development-barriers-coronavirus">compter une dizaine d’années en moyenne</a> pour y parvenir.</p>
<p>La création des chaînes d’approvisionnement capables de fournir ces vaccins indispensables aux peuples du monde entier constituera un exploit tout aussi remarquable.</p>
<hr>
<p><em>Traduit de l’anglais par Catherine Biros pour <a href="http://www.fastforword.fr">Fast ForWord</a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172088/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ravi Anupindi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Chaque dose de Pfizer suit un parcours long et complexe au cours duquel elle sera mélangée et conservée à des températures polaires selon un protocole bien spécifique avant de pouvoir être injectée.Ravi Anupindi, Professor of Technology and Operations, University of MichiganLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1720872021-12-07T11:57:49Z2021-12-07T11:57:49ZLa question des brevets et de l’industrie pharmaceutique américaine : les leçons de l’histoire<p>L’industrie pharmaceutique dans son ensemble est fermement opposée à l’idée de renoncer aux brevets des vaccins contre la Covid-19. Pourtant, les laboratoires étaient autrefois contre le dépôt de brevet, comme l’explique un historien.</p>
<p>Les États-Unis, l’Europe et d’autres pays riches ont déjà vacciné une grande partie de leur population, mais les <a href="https://theconversation.com/global-herd-immunity-remains-out-of-reach-because-of-inequitable-vaccine-distribution-99-of-people-in-poor-countries-are-unvaccinated-162040">pays pauvres sont à la traîne</a>. C’est pourquoi l’annonce surprise du gouvernement américain qui, au printemps, déclarait son intention de <a href="https://www.reuters.com/business/healthcare-pharmaceuticals/us-raise-covid-19-vaccine-intellectual-property-issues-with-wto-may-take-time-2021-06-10/">soutenir l’abandon des brevets sur les vaccins contre la Covid-19</a>, est capitale.</p>
<p>Les laboratoires pharmaceutiques ont rapidement <a href="https://www.wsj.com/articles/covid-19-vaccine-makers-press-countries-to-oppose-patent-waiver-11622021402">exprimé leur opposition</a> à cette initiative, mais les défenseurs de la santé publique <a href="https://www.statnews.com/pharmalot/2020/10/14/wto-patents-covid19-coronavirus-pandemic-vaccines/">s’en sont réjoui</a>. <a href="https://doi.org/10.1038/d41586-021-01242-1">En théorie</a>, renoncer aux brevets permettrait aux pays les plus pauvres de se procurer à moindre coût des versions génériques des vaccins contre le Covid-19, même si elles sont produites dans un autre pays, et les aiderait ainsi à combattre plus efficacement la crise sanitaire. Le Parlement européen <a href="https://www.politico.eu/article/european-parliament-backs-patent-waiver-for-coronavirus-vaccines/">est à présent</a> favorable, lui aussi, à cette initiative.</p>
<p>Bien sûr, renoncer aux brevets aurait des conséquences majeures pour la production mondiale de vaccins. Mais l’annonce des États-Unis doit aussi être envisagée dans le contexte des débats de longue date sur les brevets pharmaceutiques dans le pays.</p>
<p>En tant qu’historien, j’ai <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/M/bo17212890.html">étudié ces questions en profondeur</a>. Mes recherches montrent que les discussions houleuses sur la moralité du dépôt de brevets pour les médicaments remontent aux premiers temps de la République américaine, tout comme les efforts pour limiter – voire interdire – ce phénomène. Les velléités de limiter strictement le dépôt de brevets pharmaceutiques, ou même de les éliminer complètement, sont loin d’être une position radicale, contrairement à ce <a href="https://www.wsj.com/articles/elizabeth-warren-tells-the-truth-11621195472">que suggèrent certains critiques</a>. En fait, à bien des égards, c’est un point de vue profondément conservateur.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/408453/original/file-20210625-24688-110x6el.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Vaccination station in India" src="https://images.theconversation.com/files/408453/original/file-20210625-24688-110x6el.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/408453/original/file-20210625-24688-110x6el.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/408453/original/file-20210625-24688-110x6el.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/408453/original/file-20210625-24688-110x6el.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/408453/original/file-20210625-24688-110x6el.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/408453/original/file-20210625-24688-110x6el.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/408453/original/file-20210625-24688-110x6el.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Un centre de vaccination en Inde, où l’on comptait, fin juin, près de 400 000 décès dus à la Covid, selon les chiffres officiels. Beaucoup estiment que le nombre réel est bien plus élevé.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://newsroom.ap.org/detail/VirusOutbreakIndia/305a7d1239544fa3b39d527f3c8f3858/photo?Query=india%20AND%20vaccination&mediaType=photo&sortBy=arrivaldatetime:desc&dateRange=Anytime&totalCount=1063&currentItemNo=0">Mahesh Kumar/AP</a></span>
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<h2>L’opposition de l’<em>establishment</em></h2>
<p>Aux États-Unis, le premier <a href="https://connecticuthistory.org/first-american-medicine-patent-today-in-history-april-30/">brevet déposé pour un médicament</a> date de 1796, pour les « pilules biliaires Windham du Dr Lee », utilisées notamment contre les problèmes digestifs. Au <a href="https://americanhistory.si.edu/collections/object-groups/balm-of-america-patent-medicine-collection/history">siècle suivant</a>, les fabricants de médicaments ont produit un flot incessant de substances, protégées à la fois par des brevets et le secret commercial. La plupart de ces remèdes pouvaient être facilement recréés dans une pharmacie, et <a href="https://historicmissourians.shsmo.org/john-sappington">certains étaient indéniablement efficaces</a>.</p>
<p>Toutefois, ces médicaments soi-disant brevetés étaient aussi très controversés. Les médecins et d’autres critiques les <a href="https://books.google.com/books?id=AdI9AQAAMAAJ&newbks=1&newbks_redir=0&dq=quackery%20%22patent%20medicine%20%22&pg=RA1-PA349#v=onepage&q&f=false">dénonçaient à cor et à cri</a> car beaucoup faisaient l’objet de publicité mensongère. Les médecins s’opposaient aussi aux tentatives d’instaurer un monopole sur ces remèdes.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/408454/original/file-20210625-25-zmz8xp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="A newspaper notice recording the first patented drug in U.S. in late 18th century" src="https://images.theconversation.com/files/408454/original/file-20210625-25-zmz8xp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/408454/original/file-20210625-25-zmz8xp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=944&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/408454/original/file-20210625-25-zmz8xp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=944&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/408454/original/file-20210625-25-zmz8xp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=944&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/408454/original/file-20210625-25-zmz8xp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1186&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/408454/original/file-20210625-25-zmz8xp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1186&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/408454/original/file-20210625-25-zmz8xp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1186&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le premier médicament breveté aux États-Unis date de 1796. Il était censé guérir « les maux de tête, d’estomac et d’intestins […] les coliques et toutes formes d’occlusion. ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://connecticuthistory.org/first-american-medicine-patent-today-in-history-april-30/">Connecticuthistory.org</a></span>
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</figure>
<p>A l’époque, les praticiens estimaient que la science devait servir les patients et non les intérêts commerciaux privés, et que les connaissances médicales devaient être partagées et utilisées librement. Les brevets et le secret commercial interféraient avec ce processus. Après tout, si un pharmacien était capable de préparer un remède à moindre coût, ne devait-on pas l’autoriser à le faire ? Pour les médecins américains, restreindre l’accès aux médicaments en se fondant sur le droit à la propriété intellectuelle ou commerciale était <a href="https://books.google.com/books?id=hyMzAQAAMAAJ&pg=RA2-PT134#v=onepage&q&f=false">inacceptable d’un point de vue éthique</a>.</p>
<p>La condamnation morale des brevets pharmaceutiques était si forte que l’American Medical Association (AMA) en a fait la pierre angulaire de son premier <a href="https://www.ama-assn.org/sites/ama-assn.org/files/corp/media-browser/public/ethics/1847code_0.pdf">Code de déontologie médicale</a> en 1847, estimant que le fait de « détenir un brevet pour un instrument chirurgical ou un médicament » constituait « une atteinte à la dignité de la profession » médicale.</p>
<p>La chose n’était pas prise à la légère. Se conformer au code était obligatoire pour obtenir l’autorisation d’exercer dans de nombreux états. Violer l’interdiction de dépôt de brevet pouvait avoir de sérieuses conséquences sur la carrière du contrevenant. En 1849, de grands pontes ont même <a href="https://books.google.com/books?id=gcVXAAAAMAAJ&newbks=1&newbks_redir=0&dq=editions%3ATsME1L_69eEC&pg=PA395#v=onepage&q&f=false">tenté de faire passer une loi</a> interdisant purement et simplement les brevets pour les médicaments.</p>
<p>Ce cadre éthique a aussi favorisé l’émergence de ce que l’on appelle aujourd’hui les médicaments génériques. Quelques entreprises se sont mises à fabriquer des préparations standard, <a href="https://www.britannica.com/biography/E-R-Squibb">renonçant totalement aux brevets</a> et au secret commercial. Après la Guerre de Sécession, ces entreprises sont devenues les plus grands fabricants de médicaments du pays. Elles se sont aussi mises à construire des laboratoires et à investir des ressources dans le développement de nouveaux produits. À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, <a href="https://www.bms.com/about-us/our-company/history-timeline.html">ces mêmes entreprises ont pris énormément d’ampleur</a> jusqu’à former la base de l’industrie pharmaceutique américaine actuelle.</p>
<h2>Changement d’orientation</h2>
<p>En chemin, elles ont aussi abandonné l’engagement en faveur d’une science ouverte et accessible qui avait fait leur fortune. Dès les années 1880, certains fabricants de médicaments américains <a href="https://books.google.com/books?id=6hUCAAAAIAAJ&newbks=1&newbks_redir=0&dq=Parke%20Davis%20patent&pg=PP10#v=onepage&q&f=false">ont commencé à exprimer</a> le besoin de faire breveter leurs produits. <a href="https://www.reuters.com/business/healthcare-pharmaceuticals/world-bank-chief-says-does-not-support-vaccine-intellectual-property-waiver-wto-2021-06-08/">Leurs arguments</a> étaient les mêmes qu’aujourd’hui, à savoir que les brevets étaient nécessaires pour encourager l’investissement dans la recherche.</p>
<p><a href="https://books.google.com/books?id=XUI1AQAAMAAJ&newbks=1&newbks_redir=0&dq=patent%20quackery%20monopoly%20medicine%20OR%20drug%20OR%20remedy&pg=PA457#v=onepage&q&f=false">Certains médecins ont adhéré à cette idée</a> – surtout les jeunes, qui se rebiffaient contre le rigide Code de déontologie de l’AMA – mais les plus conservateurs en ont été outragés. Ils ont continué à considérer le dépôt de brevets pharmaceutiques comme une forme de charlatanisme. En 1921 encore, H. K. Mulford, l’un des plus gros fabricants de médicaments de l’époque, maintenait cette position et <a href="https://books.google.com/books?id=kqKDBQAAQBAJ&lpg=PA240">refusait de faire breveter ses produits</a>.</p>
<p>Au début des années 1950, le débat était globalement clos. Les laboratoires pharmaceutiques avaient entièrement adopté le concept des brevets, mais aussi convaincu les professionnels de la santé d’en faire autant. De fait, comme <a href="https://www.ucpress.edu/book/9780520271142/pills-power-and-policy">l’a montré</a> l’historienne Dominique Tobbell, les deux groupes ont œuvré de concert pour entraver toute tentative de limiter le dépôt de brevets. Dans les années 1980, cette puissante alliance a pris l’ascendant sur la politique commerciale et les régulations gouvernementales : depuis plus de trente ans, le gouvernement américain <a href="https://lawecommons.luc.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1417&context=facpubs">mène une active campagne de promotion des brevets pharmaceutiques</a> sur la scène internationale. Les États-Unis ont fait tout leur possible pour <a href="https://digitalcommons.law.uw.edu/wilj/vol9/iss2/7/">obliger les autres pays</a> à <a href="https://scroll.in/pulse/877528/why-the-united-states-and-pharmaceutical-giants-want-indias-law-on-working-of-patents-revoked">renforcer leurs lois nationales sur les brevets</a> afin de mieux défendre les profits des industriels.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/408452/original/file-20210625-28-1qy2jks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Pill production in 1944 US factory" src="https://images.theconversation.com/files/408452/original/file-20210625-28-1qy2jks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/408452/original/file-20210625-28-1qy2jks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=471&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/408452/original/file-20210625-28-1qy2jks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=471&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/408452/original/file-20210625-28-1qy2jks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=471&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/408452/original/file-20210625-28-1qy2jks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=592&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/408452/original/file-20210625-28-1qy2jks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=592&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/408452/original/file-20210625-28-1qy2jks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=592&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, le débat sur le dépôt de brevet pour les médicaments a pris fin, en partie parce que les médecins et les fabricants se sont mis à encourager cette pratique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/packing-pills-at-may-and-bakers-in-dagenham-news-photo/3260531?adppopup=true">Hulton Archive</a></span>
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</figure>
<h2>Tirer les leçons du passé</h2>
<p>C’est pourquoi la décision des États-Unis de renoncer temporairement aux brevets sur les vaccins contre la Covid-19 est particulièrement significative. Elle marque la volonté nouvelle du gouvernement de remettre en question la sacralisation de fait des brevets pharmaceutiques et d’autres formes de propriété intellectuelle. Cette annonce reflète aussi les <a href="https://undark.org/2021/06/16/how-patent-extensions-keep-some-drug-costs-high/">années d’efforts</a> des réformateurs pour démontrer que ces brevets <a href="https://theconversation.com/ending-the-pandemic-will-take-global-access-to-covid-19-treatment-and-vaccines-which-means-putting-ethics-before-profits-141763">limitent l’accès aux médicaments dans les pays pauvres</a>.</p>
<p><iframe id="8ArOy" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/8ArOy/14/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Je crois cependant qu’il faut en faire plus, et vite. Les États-Unis devraient encourager l’abandon des brevets non seulement pour les vaccins contre le Covid mais aussi pour toute forme de propriété intellectuelle susceptible d’interférer avec le transfert des connaissances et des technologies nécessaires à la fabrication de ces produits complexes. Comme <a href="https://blog.petrieflom.law.harvard.edu/2021/05/05/covid-vaccine-patent-waiver/">d’autres l’ont souligné</a>, cela ne <a href="https://www.cfr.org/in-brief/debate-over-patent-waiver-covid-19-vaccines-what-know">suffira pas à augmenter la production mondiale de vaccins</a>. Il s’agit néanmoins d’une étape essentielle, puisque les fabricants de vaccins <a href="https://theconversation.com/us-support-for-waiving-covid-19-vaccine-patent-rights-puts-pressure-on-drugmakers-but-what-would-a-waiver-actually-look-like-160582">ne partagent pas de leur plein gré leurs secrets et leur savoir-faire</a> à une échelle suffisante.</p>
<p>De mon point de vue, nous avons désespérément besoin de progresser vers un système global de développement des vaccins qui en assure l’accès à tous. La question de savoir si les brevets ont une place dans un tel système reste ouverte, mais je suis sceptique.</p>
<p>Au XIX<sup>e</sup> siècle, les médecins pensaient que les brevets pour les médicaments entravaient le progrès scientifique et portaient préjudice aux patients. Les prédécesseurs de l’industrie pharmaceutique d’aujourd’hui étaient du même avis. Il est temps de nous en souvenir.</p>
<hr>
<p><em>Traduit de l’anglais par Iris Le Guinio pour <a href="http://www.fastforword.fr">Fast ForWord</a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172087/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Joseph M. Gabriel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’industrie pharmaceutique dans son ensemble est opposée à l’idée de renoncer aux brevets des vaccins contre le Covid. Pourtant, les laboratoires ont longtemps eu la position inverse.Joseph M. Gabriel, Associate Professor of History and Social Medicine, Florida State UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1720812021-12-07T11:57:47Z2021-12-07T11:57:47ZDes décennies de profits et de scandales pour une industrie pharmaceutique qui mise sur les vaccins<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/432372/original/file-20211117-19-13pi263.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=46%2C0%2C5162%2C3160&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption"></span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/QwFyqPKyyY0">Elsa Olofsson/Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Quelques semaines avant l’apparition des premiers cas de Covid-19, Gallup a publié un <a href="https://news.gallup.com/poll/266060/big-pharma-sinks-bottom-industry-rankings.aspx">sondage</a> sur ce que pensaient les Américains de vingt-cinq secteurs économiques.</p>
<p>L’industrie pharmaceutique figurait tout en bas de la liste. Après la publicité, l’industrie pétrolière, et le secteur bancaire.</p>
<p>Si la pandémie et les nouveaux vaccins ont <a href="https://theconversation.com/big-pharmas-covid-19-reputation-boost-may-not-last-heres-why-162975">inversé cette tendance pour l’instant</a>, n’oublions pas les raisons d’une telle perte de crédibilité. Ni celles de leur essor. L’entreprise Johnson & Johnson vaut actuellement quelque 450 milliards de dollars, soit l’équivalent du PIB de la Norvège.</p>
<h2>Naissance des géants</h2>
<p>L’idée d’une potion miraculeuse ou d’un remède universel apparaît déjà dans la mythologie grecque. Le <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Hippocratic_Oath">serment d’Hippocrate</a> mentionne même la déesse Panacée.</p>
<p>Mais il faut attendre le XIX<sup>e</sup> siècle pour que l’industrie pharmaceutique moderne prenne son essor. À la veille du XX<sup>e</sup> siècle, l’entreprise allemande Bayer lance ses premiers gros succès, dont… l’aspirine et l’héroïne.</p>
<p>À la même époque, les laboratoires américains demandent à être <a href="https://theconversation.com/the-us-drug-industry-used-to-oppose-patents-what-changed-161319">protégés par des brevets</a> ou le droit exclusif de commercialiser un médicament pendant un laps de temps donné. Dans les années 1950, ils obtiennent satisfaction, faisant bientôt des États-Unis le plus grand marché de médicaments de la planète.</p>
<p>En plus des brevets, le succès des laboratoires s’explique par le droit à faire de la publicité directement auprès des médecins, et aux États-Unis, des consommateurs, par le biais de spots publicitaires. Au début du XXI<sup>e</sup> siècle, en des temps reculés où Facebook et autres géants de la technologie n’existent pas encore, l’industrie pharmaceutique compte parmi les secteurs les plus rentables de la planète.</p>
<h2>Remèdes miracles</h2>
<p>Il est indéniable que de nombreux médicaments permettent de vivre plus longtemps et d’atténuer la douleur. Toutes précautions gardées, certaines découvertes constituent des avancées majeures.</p>
<p>Les antibiotiques ont révolutionné le traitement des infections mortelles tout en donnant un souffle nouveau à la science de l’époque. Dans les années 1940, l’un des premiers <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3164257/">essais contrôlés randomisés</a> à être publié portait sur les effets de la streptomycine contre la tuberculose.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/414244/original/file-20210803-13-1q9a091.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/414244/original/file-20210803-13-1q9a091.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/414244/original/file-20210803-13-1q9a091.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/414244/original/file-20210803-13-1q9a091.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/414244/original/file-20210803-13-1q9a091.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/414244/original/file-20210803-13-1q9a091.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/414244/original/file-20210803-13-1q9a091.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Selman Waksman, inventeur de la streptomycine, teste le médicament avec deux associées.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Waksman,_selman.jpg">New Jersey Agriculture Experimental Station at Rutgers University/Wikimedia</a></span>
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</figure>
<p>Les années 1990 voient l’apparition d’une autre sorte de remède miracle avec la trithérapie, destinée à endiguer l’épidémie de sida, ce mystérieux virus, synonyme de peine de mort, qui va bientôt devenir une maladie avec laquelle on peut vivre.</p>
<p>En ce qui concerne les cancers, si certains restent incurables, d’autres sont traités et même évités grâce à des médicaments qui s’avèrent efficaces.</p>
<h2>Prix exorbitants, évasion fiscale</h2>
<p>Pourtant, à chaque fois, les remèdes en or ont leur revers. Comme le signale l’Organisation mondiale de la santé (OMS), <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.5694/mja16.01042">l’usage excessif d’antibiotiques</a> a contribué à renforcer la résistance aux antibiotiques, <a href="https://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/antibiotic-resistance">« l’une des plus graves menaces pesant sur la santé mondiale »</a>.</p>
<p>L’inflation des prix et les brevets appliqués aux traitements contre le sida les ont placés hors de portée des plus démunis, et les tarifs n’ont baissé qu’après de <a href="https://www.msf.org/access-medicines-depth-access-campaign">vastes campagnes mondiales</a> appelant à les rendre plus accessibles.</p>
<p>Pour certains traitements <a href="https://www.bmj.com/content/325/7358/269?tab=responses">anticancéreux</a>, qui ne procurent parfois que des bienfaits minimes, les laboratoires exigent des tarifs exorbitants qui alimentent les profits astronomiques de l’industrie pharmaceutique tout en nuisant à sa réputation. Le coût de l’antihistaminique Epipen, vital pour certains, a ainsi augmenté de plus de 400 %, faisant du prix des médicaments un <a href="https://www.forbes.com/sites/arleneweintraub/2016/09/01/epipen-only-scratches-the-surface-of-the-drug-price-crisis-jama-study-says/?sh=3d3292d41c7a">enjeu majeur</a> de l’élection présidentielle de 2016 aux États-Unis.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Two epipens sit in front of their pack" src="https://images.theconversation.com/files/414246/original/file-20210803-23-1iib9o9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/414246/original/file-20210803-23-1iib9o9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/414246/original/file-20210803-23-1iib9o9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/414246/original/file-20210803-23-1iib9o9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/414246/original/file-20210803-23-1iib9o9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/414246/original/file-20210803-23-1iib9o9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/414246/original/file-20210803-23-1iib9o9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le prix d’Epipen a augmenté de plus de 400 %.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/saint-louis-united-states-august-25-473806648">Shutterstock</a></span>
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<p>Le secteur prétend que les prix élevés servent à financer la recherche. Ses détracteurs avancent que les entreprises dépensent parfois davantage en marketing, et que leurs profits proviennent dans certains cas de travaux financés par les contribuables.</p>
<p>Pis encore, les grands laboratoires sont aussi spécialistes de l’évasion fiscale. En 2015, lors d’une <a href="https://www.michaelwest.com.au/big-pharma-bosses-front-up-to-senate-inquiry-into-corporate-tax-avoidance/">audience au sénat australien</a>, on a appris que le taux d’imposition de ces sociétés n’était que de 1 %.</p>
<p><a href="https://www.oxfam.org/en/press-releases/drug-companies-cheating-countries-out-billions-tax-revenues">Un rapport d’Oxfam</a> mené au niveau mondial en 2018 a conclu que l’industrie pharmaceutique commettait des « fraudes fiscales de l’ordre de plusieurs milliards de dollars ».</p>
<h2>Les pratiques commerciales toxiques sont dangereuses pour la santé</h2>
<p>Le plus grave problème posé par les géants du médicament, c’est leur <a href="https://theconversation.com/time-to-end-drug-company-distortion-of-medical-evidence-127495">influence néfaste</a> sur la recherche médicale. L’industrie domine ce secteur et il existe des <a href="https://www.cochrane.org/MR000033/METHOD_industry-sponsorship-and-research-outcome">preuves solides</a> que les études financées par les entreprises tendent à présenter des biais favorables au produit du sponsor.</p>
<p>La formation médicale est aussi lourdement sponsorisée, et on a démontré qu’un docteur qui accepte une <a href="https://theconversation.com/drug-companies-are-buying-doctors-for-as-little-as-a-16-meal-61364">simple invitation à déjeuner</a> lors d’une « formation » prescrit davantage de médicaments du sponsor.</p>
<p>Les recommandations, si importantes en matière d’ordonnance, sont trop souvent <a href="https://bmjopen.bmj.com/content/9/2/e025864">rédigées par des experts médicaux</a> en lien avec les sociétés pharmaceutiques.</p>
<p>Cette stratégie commerciale repose en bonne part sur ces experts, parfois qualifiés de <a href="https://www.bmj.com/content/336/7658/1402">« leaders d’opinion »</a>, qui clament leur indépendance mais acceptent des honoraires pour services de conseil ou présentations « pédagogiques » à d’autres médecins.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Médecin tapant sur son ordinateur" src="https://images.theconversation.com/files/414248/original/file-20210803-15-rn30tb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/414248/original/file-20210803-15-rn30tb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/414248/original/file-20210803-15-rn30tb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/414248/original/file-20210803-15-rn30tb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/414248/original/file-20210803-15-rn30tb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/414248/original/file-20210803-15-rn30tb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/414248/original/file-20210803-15-rn30tb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une simple invitation à déjeuner lors d’une formation peut pousser un docteur à prescrire les médicaments d’un laboratoire.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/doctor-typing-on-his-computer-office-142168426">Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Un ex-commercial du médicament, devenu lanceur d’alerte, l’a expliqué très clairement dans un article paru en 2008 dans la revue médicale britannique <a href="https://www.bmj.com/content/336/7658/1402"><em>The BMJ</em></a> :</p>
<blockquote>
<p>« Les leaders d’opinion jouaient pour nous le rôle de commerciaux, et nous évaluions régulièrement notre retour sur investissement, en surveillant les prescriptions avant et après leurs présentations.</p>
<p>« Si cet intervenant ne produisait pas l’effet escompté, l’entreprise ne l’invitait plus ».</p>
</blockquote>
<p>Le marketing néfaste privilégie les pilules les plus récentes et les plus onéreuses au détriment de solutions plus anciennes et plus abordables, ou l’attentisme, source de nombreux maux et de gaspillage de précieuses ressources.</p>
<h2>Des entreprises criminelles</h2>
<p>En 2009, Pfizer a dû payer une amende record de <a href="https://web.archive.org/web/20091212121012/http://www.stopmedicarefraud.gov/index.html">2,3 milliards de dollars</a> pour promotion illégale, déclarations fausses et trompeuses sur la sûreté des médicaments, et pots de vin aux médecins. Ce montant comprenait une amende criminelle de 1,2 milliard de dollars, la plus importante jamais décidée dans le cadre d’une poursuite pénale aux États-Unis.</p>
<p>L’un des lanceurs d’alerte dans cette affaire appartenait à une <a href="https://www.allenandunwin.com/browse/books/academic-professional/health/Sex-Lies--Pharmaceuticals-Ray-Moynihan-9781742370187">équipe commerciale dédiée</a> chargée de la promotion du Viagra. Il a révélé que des médecins avaient été invités à des petits-déjeuners, des déjeuners, des dîners, des spectacles à Broadway, des parties de golf, des séjours au ski, des soirées au casino et à des clubs de strip-tease.</p>
<p>En 2013, Johnson & Johnson a déboursé 2,2 milliards de dollars au civil et au pénal pour avoir placé <a href="https://www.justice.gov/opa/pr/johnson-johnson-pay-more-22-billion-resolve-criminal-and-civil-investigations">« le profit avant la santé du patient »</a>. L’entreprise avait exagéré les mérites de puissants neuroleptiques pour réguler le comportement des personnes âgées et des plus vulnérables, surestimant les bénéfices et sous-estimant la dangerosité des effets secondaires, tels que les accidents vasculaires cérébraux.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un homme âgé porte un comprimé à sa bouche dans une main et un verre d’eau dans l’autre." src="https://images.theconversation.com/files/414247/original/file-20210803-23-13hydnm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/414247/original/file-20210803-23-13hydnm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/414247/original/file-20210803-23-13hydnm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/414247/original/file-20210803-23-13hydnm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/414247/original/file-20210803-23-13hydnm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/414247/original/file-20210803-23-13hydnm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/414247/original/file-20210803-23-13hydnm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les laboratoires pharmaceutiques ont été condamnés à d’énormes amendes pour avoir placé les profits avant la santé.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/asian-old-man-taking-pill-another-1679120026">Shutterstock</a></span>
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<p>D’autres documents judiciaires de la même période dévoilent les <a href="https://www.bmj.com/content/338/bmj.b1914.extract">manœuvres</a> de la multinationale Merck pour défendre le Vioxx, son médicament contre l’arthrose. Elle avait créé un faux journal médical et dressé des listes secrètes d’universitaires à « neutraliser » et « discréditer ».</p>
<p>Vioxx a finalement été retiré du marché parce qu’il provoquait des crises cardiaques. La revue <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(05)17864-7/fulltext"><em>The Lancet</em></a> estime qu’il serait responsable de 140 000 cas d’insuffisance coronarienne.</p>
<h2>Enquêtes et réformes</h2>
<p>Des scandales comme celui du Vioxx ont terni l’image de l’industrie pharmaceutique, désormais soumise à une étroite surveillance.</p>
<p>Aux États-Unis, la National Academy of Sciences a produit un <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK22942/">rapport historique</a> soutenant que la proximité entre les médecins et les laboratoires pouvait constituer une menace pour l’intégrité de la science, l’objectivité de la formation, la qualité des soins et la confiance publique dans la médecine.</p>
<p>Les audiences du Congrès américain sur les pratiques commerciales nuisibles ont débouché sur la création du registre <a href="https://openpaymentsdata.cms.gov/">Open Payments</a>, qui répertorie publiquement chaque paiement accordé par les entreprises aux médecins.</p>
<p>Beaucoup d’autres pays procèdent à des <a href="https://www.bmj.com/content/367/bmj.l6576">réformes plus ambitieuses</a>, passant de la transparence à l’indépendance. L’Italie a adopté une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20055898/">taxe spéciale</a> sur la communication des firmes pharmaceutiques afin de financer la recherche d’intérêt public. La Norvège, elle, impose un cadre très strict aux formations médicales <a href="https://www.legeforeningen.no/om-oss/Styrende-dokumenter/legeforeningens-lover-og-andre-organisatoriske-regler/avtale-mellom-legemiddelindustriforeningen-og-den-norske-lageforening-om-retningslinjer-for-samarbeid-og-samhandling-mellom-leger-legeforeningen-og-legemiddelindustrien/#23800">sponsorisées par l’industrie</a>.</p>
<p>Mais le chemin est encore long. D’après une <a href="https://www.bmj.com/content/369/bmj.m1505">étude</a> réalisée en 2020, 80 % des professionnels à la tête des plus puissantes organisations de médecins reçoivent toujours de l’argent des entreprises commercialisant des médicaments et du matériel médical, au titre de la recherche, des missions de conseil et des services rendus.</p>
<p>Même le financement des agences chargées d’évaluer les médicaments, comme la <a href="https://www.fda.gov/about-fda/fda-basics/fact-sheet-fda-glance">Food and Drug Administration</a> (l’agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux), repose toujours sur une contribution conséquente de l’industrie pharmaceutique, qui paie pour faire valider la commercialisation de ses produits.</p>
<p>Et le marketing néfaste perdure. Le mois dernier, un groupe de laboratoires, dont Johnson & Johnson, <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2021/jul/21/us-opioid-settlement-state-attorneys-general-johnson-and-johnson">se sont mis d’accord pour payer</a> 26 milliards de dollars au titre de leur responsabilité dans l’épidémie d’addiction aux opioïdes.</p>
<h2>Une ordonnance de confiance</h2>
<p>Un directeur de laboratoire <a href="https://www.fiercepharma.com/pharma/amid-challenges-a-covid-19-opportunity-for-pharma-a-chance-to-bolster-its-reputation-lilly">aurait annoncé</a> l’an dernier que l’industrie pharmaceutique bénéficiait, avec la pandémie de Covid-19, d’une « chance rare de se refaire une [réputation] ».</p>
<p>Compte tenu des comportements qui ont détruit la crédibilité des laboratoires, on peine à croire que la pandémie puisse, comme par magie, mettre un terme aux pratiques commerciales trompeuses et aux coûts faramineux des médicaments.</p>
<p>Toute rémission post-pandémie devra passer par des réformes radicales.</p>
<hr>
<p><em>Cet article fait partie d’une série d’articles publiés dans les différentes éditions de The Conversation, intitulée <a href="https://theconversation.com/au/topics/the-business-of-pharmaceuticals-108206"><em>Le business des laboratoires pharmaceutiques</em></a>. Cliquez <a href="https://theconversation.com/au/topics/the-business-of-pharmaceuticals-108206">ici</a> pour découvrir les autres articles.</em></p>
<p><em>Traduit de l’anglais par M. André pour <a href="http://www.fastforword.fr">Fast ForWord</a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172081/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ray Moynihan est professeur adjoint à l'Institute for Evidence-Based Healthcare de l'Université Bond et professeur associé à l'Université de Sydney. Il reçoit un financement par le biais de subventions compétitives du Conseil national australien de la santé et de la recherche médicale, financé par des fonds publics.</span></em></p>La pandémie de Covid-19 donne aux laboratoires pharmaceutiques l’occasion de redorer leur image. Mais comment ont-elles pu devenir si puissantes et descendre si bas ?Ray Moynihan, Assistant Professor, Bond UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1635392021-09-20T19:53:46Z2021-09-20T19:53:46ZSoigner la maladie d’Alzheimer en réutilisant d’autres médicaments ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/422185/original/file-20210920-14371-1beqk3l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C6446%2C4300&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les effort pour mettre au point des médicaments efficaces contre la maladie d’Alzheimer n’ont pas encore porté leurs fruits.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/zBsdRTHIIm4"> Steven HWG / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Le repositionnement de médicament consiste à utiliser un principe actif déjà commercialisé pour le traitement d’une maladie <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/jphp.13273">afin d’en soigner une autre</a>.</p>
<p>Cette stratégie a notamment été mobilisée dans le contexte de la pandémie de Covid-19 pour essayer de trouver des médicaments ayant une activité antivirale dirigée contre le SARS-CoV-2. Sans succès marquant jusqu’ici, malheureusement, toutefois des essais sont toujours en cours.</p>
<p>Ce manque de succès ne doit cependant pas laisser penser que cette approche est inutile : elle a déjà fait ses preuves pour lutter contre d’autres pathologies, et soulève de grands espoirs en ce qui concerne la maladie d’Alzheimer. Explications.</p>
<h2>Avantages et inconvénients du repositionnement de médicaments</h2>
<p>Mettre au point de nouveaux médicaments est à la fois scientifiquement compliqué et financièrement coûteux. Certes, l’innovation thérapeutique a connu de grands succès durant la seconde moitié du XX<sup>e</sup> siècle, et jusqu’à récemment (notamment en cancérologie), grâce aux progrès de la génétique et de la biologie moléculaire. Mais dans certains domaines, comme les maladies bactériennes par exemple, il est difficile de trouver de nouvelles molécules pour remplacer les antibiotiques devenus inefficaces.</p>
<p>L’un des facteurs à l’origine de cette situation est l’augmentation des coûts de recherche et développement par médicament approuvé : <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0147215">ils ont doublé tous les neuf ans environ entre 1950 et 2010</a>, principalement en raison des échecs survenant durant le processus. Cet accroissement des coûts influe sur le marché du médicament, les <a href="https://books.openedition.org/cdf/4437?lang=fr">acteurs privés étant tentés de délaisser la recherche fondamentale</a>.</p>
<p>Dans une telle situation, le repositionnement de médicament présente plusieurs avantages : outre le gain de temps, il permet de simplifier les procédures réglementaires pour obtenir une autorisation de mise sur le marché (puisque les essais cliniques ont déjà été effectués chez l’être humain, il n’est pas systématiquement nécessaire d’en refaire d’autres), et de réduire le coût du développement. Soulignons ici que la démarche de repositionnement d’un médicament est souvent réalisée par un laboratoire différent de celui qui a initialement commercialisé la molécule.</p>
<p>L’un des inconvénients est que les médicaments repositionnés ont une protection intellectuelle moins intéressante. En effet, les molécules commercialisées ont déjà fait l’objet d’un brevet d’invention. Dans le cadre d’un repositionnement, elles ne peuvent plus faire l’objet que d’un brevet d’application dans une nouvelle indication. Or, la protection qui en découle est moins forte que celle conférée par un brevet d’invention.</p>
<h2>Le repositionnement, une pratique qui n’est pas récente</h2>
<p>Plusieurs exemples de repositionnement de médicaments, quelquefois très anciens, jalonnent l’histoire de la thérapeutique. Dans les années 1970, l’aspirine a été repositionnée en tant qu’antiagrégant plaquettaire, pour empêcher la formation de caillots sanguins (ou thrombus, qui surviennent suite à l’agrégation des plaquettes sanguines). À l’époque, on a avait remarqué que les enfants opérés des amygdales auxquels on donnait des chewing-gums à l’aspirine pour apaiser les douleurs saignaient davantage que les autres.</p>
<p>À l’origine d’un scandale sanitaire mondial, le <a href="https://www.sciencedirect.com/topics/pharmacology-toxicology-and-pharmaceutical-science/thalidomide">thalidomide a lui aussi été repositionné</a> dans la lutte contre les maladies auto-immunes et en cancérologie. Pour mémoire, cette molécule prescrite durant les années 1950 et 1960 afin de lutter contre les nausées et les vomissements était nocive pour le fœtus, provoquant de graves malformations des membres et de divers organes. Les effets du thalidomide sur la régulation du système immunitaire ont été découverts par un médecin israélien, Jacob Sheskin, en 1964. Après en avoir administré à un patient souffrant d’<strong><a href="https://www.edimark.fr/Front/frontpost/getfiles/19465.pdf">érythème noueux lépreux</a> (une grave complication immunologique de la lèpre qui se traduit par une inflammation de la peau et des nerfs)</strong> pour le faire dormir, il a assisté à une amélioration spectaculaire de son état (le thalidomide a été <a href="https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2009-10/thalidomide_reactions_lepreuses.pdf#page=3">autorisé aux États-Unis dès 1998 dans cette indication</a> – en France, il est <a href="https://ansm.sante.fr/dossiers-thematiques/medicaments-utilises-en-cancero-immunologie">prescrit en première intention pour traiter le cancer de la moelle osseuse</a> chez certains patients âgés).</p>
<p>Le sildénafil, un médicament destiné à lutter contre l’hypertension, a quant à lui été repositionné dans le traitement des troubles érectiles : il est vendu dans cette nouvelle indication par le laboratoire pharmaceutique Pfizer, sous l’appellation commerciale Viagra®. Un autre antihypertenseur, le minoxidil, a été repositionné avec succès pour traiter la chute des cheveux.</p>
<p>Ces changements d’indication sont généralement de purs produits de la <a href="https://www.academie-francaise.fr/serendipite">sérendipité</a>, autrement dit ces nouveaux emplois ont été découverts inopinément. Aujourd’hui, cependant, de nouvelles méthodes permettent de davantage rationaliser la démarche.</p>
<h2>Comment savoir quels médicaments sont repositionnables ?</h2>
<p>Diverses approches peuvent être utilisées pour identifier les candidats au repositionnement. Attardons-nous sur trois d’entre elles :</p>
<ul>
<li><p>Le criblage de chimiothèques (des « bibliothèques » de substances chimiques, où les livres sont remplacés par des molécules) : ayant souvent pour objet des molécules originales, cette approche s’est récemment étendue à des collections de substances actives déjà commercialisées. La mise au point de plateformes de tests à haut débit permet de nos jours de vérifier rapidement les effets de milliers de molécules sur des cibles d’intérêt thérapeutique. De cette façon, on peut rapidement déterminer si certaines de ces molécules ont une activité biologique intéressante (antitumorale, antibactérienne, régulatrice du système immunitaire, etc.) ;</p></li>
<li><p>Le recueil et l’exploitation des informations contenues dans les bases de données existantes : cette approche consiste à identifier certains mécanismes impliqués dans la maladie que l’on souhaite traiter (activité d’une enzyme particulière, par exemple). Une fois une cible thérapeutique potentielle découverte, on choisit des médicaments dont on sait qu’ils ont une activité sur ce type de cible (inhibition des membres de la famille de l’enzyme identifiée, par exemple). Reste alors à tester <em>in vitro</em> si ce choix éclairé est correct ;</p></li>
<li><p>Les banques mondiales de recueil des effets indésirables des médicaments constituent également de précieux outils pour repérer des substances actives ayant un intérêt thérapeutique potentiel dans une autre indication que leur indication initiale.</p></li>
</ul>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/422225/original/file-20210920-16-t75o9n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/422225/original/file-20210920-16-t75o9n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/422225/original/file-20210920-16-t75o9n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/422225/original/file-20210920-16-t75o9n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/422225/original/file-20210920-16-t75o9n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/422225/original/file-20210920-16-t75o9n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/422225/original/file-20210920-16-t75o9n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Exemple de plateforme de screening à haut-débit : au National Center for Advancing Translational Sciences des National Institutes of Health états-uniens, un bras robotique récupère des plaques de composés dans des incubateurs (à droite) et les place sur une station de transfert (au premier plan), où ils seront transférés sur des plaques de test.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/64860478@N05/5964663649">NCATS Laboratories / NIH</a></span>
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</figure>
<p>Ces méthodes ont permis d’entreprendre rapidement de nombreux essais cliniques de médicaments, toujours en cours actuellement, dans le cadre de la pandémie de Covid-19. Mais il est un autre domaine de la thérapeutique particulièrement concerné par la démarche de repositionnement : c’est celui des maladies neurodégénératives en général, et de la maladie d’Alzheimer en particulier.</p>
<h2>De grands espoirs pour la maladie d’Alzheimer</h2>
<p>Le bilan des essais cliniques menés depuis vingt ans pour augmenter le maigre panel de substances jugées suffisamment actives contre la maladie d’Alzheimer est terrible : depuis la mise sur le marché voici 20 ans de la mémantine (médicament destiné à ralentir l’évolution de la maladie), tous ont échoué. À l’heure actuelle, seuls quatre médicaments anti-Alzheimer sont disponibles. Leur rapport bénéfice/risque étant jugé insuffisant, ils sont déremboursés en France depuis 2018.</p>
<p>Ces échecs ont incité les chercheurs et les sociétés pharmaceutiques à tenter d’améliorer leur taux de réussite en augmentant le nombre de molécules évaluées en études cliniques et en accélérant celles-ci. À titre d’illustration, en février 2020 le site gouvernemental américain des essais cliniques anti-Alzheimer recensait 53 études impliquant 58 substances actives <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32807237/">déjà approuvées par la Food and Drug Administration</a>. Cela représentait 39 % de la totalité des 136 essais cliniques anti-Alzheimer.</p>
<p>Cette proportion est en augmentation constante chaque année depuis 2016 où elle s’élevait déjà à 24 %. La grande majorité (près de 80 %) de ces substances actives est supposée interférer avec l’évolution de la maladie d’Alzheimer. Les autres présentent des effets purement symptomatiques : ils minorent provisoirement les troubles cognitifs de la maladie (problèmes de mémoire notamment).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/422226/original/file-20210920-27-1p6z29a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/422226/original/file-20210920-27-1p6z29a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/422226/original/file-20210920-27-1p6z29a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/422226/original/file-20210920-27-1p6z29a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/422226/original/file-20210920-27-1p6z29a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=491&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/422226/original/file-20210920-27-1p6z29a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=491&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/422226/original/file-20210920-27-1p6z29a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=491&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Exemple de plaques 96 puits, 384 puits ou 1 536 puits utilisée pour le criblage (screening). Les progrès technologiques ont permis de tester un plus grand nombre d’échantillons simultanément.</span>
<span class="attribution"><span class="source">NCATS / NIH</span></span>
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<p>Les trois approches décrites plus haut ont porté leurs fruits : le criblage de chimiothèques a permis de sélectionner parmi les actuels médicaments sur le marché de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25549849/">nouveaux candidats cliniques dans l’indication de la maladie d’Alzheimer</a>. De son côté, l’analyse des informations contenues dans les bases de données a permis d’identifier les protéines impliquées dans la pathologie et de sélectionner, parmi les substances actives commercialisées, celles dont le mécanisme d’action <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0168812">emprunte leurs voies de signalisation</a>. Enfin, les bases de données d’effets indésirables ont permis d’identifier les molécules dont les effets secondaires étaient partagés avec les actuels médicaments anti-Alzheimer. S’appuyant sur de telles analyses, qualifiées d’analyses de « disproportionalité », de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33274491/">nouveaux repositionnements de médicaments ont pu être proposés dans la maladie d’Alzheimer</a>.</p>
<h2>Quelles familles de médicaments sont concernées ?</h2>
<p>Les liens étroits existant entre les maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer et certains cancers, les maladies cardiovasculaires ou encore les troubles métaboliques expliquent que l’on retrouve, parmi les médicaments actuellement proposés en repositionnement dans cette indication, des molécules utilisées jusqu’ici en oncologie, des antihypertenseurs, ou encore des hypoglycémiants. Plusieurs médicaments psychotropes utilisés en psychiatrie ou en neurologie sont également en cours d’étude.</p>
<p>Si, pour l’instant, la vingtaine d’essais cliniques achevés n’a abouti à aucun repositionnement dans la maladie d’Alzheimer, une quinzaine d’essais sont encore en phase III. Citons par exemple l’anticancéreux masitinib, le losartan (un sartan très utilisé comme antihypertenseur), ou encore la metformine, un antidiabétique oral.</p>
<p>La maladie d’Alzheimer demeure certes une impasse médicale. Toutefois, ces médicaments en repositionnement entretiennent l’espoir d’en sortir, au même titre que les encourageants résultats d’essais cliniques obtenus récemment <a href="https://theconversation.com/le-nouveau-traitement-autorise-contre-lalzheimer-percee-medicale-ou-mirage-commercial-162405">avec les anticorps qui s’attaquent aux agrégats de protéines amyloïdes</a> s’accumulant dans le cerveau des personnes malades.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163539/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Patrick Dallemagne a reçu des financements de :
Fondation Alzheimer
Fondation Vaincre Alzheimer
France Alzheimer
UNADEV</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christophe Rochais a reçu des financements de Fondation Vaincre Alzheimer, FRM. </span></em></p>Découvrir de nouveaux médicaments pour soigner des maladies dépourvues de traitement ou émergentes est compliqué et coûteux. Le repositionnement de molécules existantes constitue parfois une solution.Patrick Dallemagne, Professeur, membre de l'Académe Nationale de Pharmacie, Université de Caen NormandieChristophe Rochais, Professeur, Université de Caen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1678272021-09-14T21:50:12Z2021-09-14T21:50:12ZIndustrie pharmaceutique : le secteur privé ne suffit plus à porter l’innovation<p>Les problèmes économiques des sociétés peuvent être analysés à partir de leur capacité à organiser la <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00998809">chaîne de valeur de la connaissance</a>, c’est-à-dire rechercher, développer, industrialiser et commercialiser la connaissance. Cette organisation est efficace quand elle permet d’accéder à une nouvelle routine qui supplante une façon établie de résoudre un problème. Pour cela, les industries intensives en connaissances investissent donc massivement en actifs immatériels (R&D, capital humain, capital organisationnel, etc.).</p>
<p>Cependant, dans l’industrie pharmaceutique, nous sommes face à un paradoxe : le vaccin contre la Covid-19 a pu être créé en un an au lieu des dix ans habituels, alors que la financiarisation de l’industrie pharmaceutique a entraîné un tassement des dépenses de R&D par rapport au chiffre d’affaires dans de nombreux pays.</p>
<h2>La France décroche</h2>
<p>La recherche de valeur pour l’actionnaire a en effet conduit les Big Pharma, les mastodontes du secteur, à affecter une <a href="https://theconversation.com/les-big-pharma-les-start-up-et-linnovation-pourquoi-sanofi-a-perdu-la-course-au-vaccin-159758">grande partie des profits aux rachats d’actions et à la distribution de dividendes</a>. En France, Sanofi a par exemple distribué <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/vaccins-dessous-dune-guerre-economique/00098197">99 % de ses profits en rachat d’actions</a> et distributions de dividendes ces dix dernières années, selon <em>Alternatives économiques</em>. Ces dépenses, qui auraient pu financer la recherche fondamentale, s’exercent donc au détriment de l’innovation.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/420874/original/file-20210913-19-ng6o4e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/420874/original/file-20210913-19-ng6o4e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/420874/original/file-20210913-19-ng6o4e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/420874/original/file-20210913-19-ng6o4e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/420874/original/file-20210913-19-ng6o4e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/420874/original/file-20210913-19-ng6o4e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/420874/original/file-20210913-19-ng6o4e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/420874/original/file-20210913-19-ng6o4e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/cae-focus053.pdf">CAE (2021)</a></span>
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<p>Plus largement, le décrochage de l’industrie pharmaceutique française n’est que le reflet d’un décrochage plus général. En 2019, le <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/r-d-pourquoi-l-allemagne-s-en-sort-mieux-que-la-france-814558.html">ratio global R&D/PIB se situait à 2,2 %</a> contre environ 3 % en Allemagne. Sur ces 2,2 %, 18 % seulement sont affectés à la biologie-santé et les crédits publics pour la santé ont <a href="https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/cae-focus053.pdf">diminué de 28 % entre 2011 et 2018</a>. Cela ne reste pas sans conséquences sur le nombre de publications, de citations et de brevets déposés.</p>
<p>Aux États-Unis, les entreprises les plus financiarisées sont celles dont les <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/08911916.2018.1549842">dépenses de R&D sont les moins productives</a> par dollar dépensé. Merck et Pfizer acquièrent des « blockbusters » créés par d’autres entreprises, encaissent les revenus de la propriété intellectuelle et participent peu à l’effort de développement des médicaments. Ces entreprises deviennent des « plates-formes de transactions ».</p>
<p>Deux aspects retiennent l’attention. D’une part, la schizophrénie de l’attitude française valorise la production de nouvelles connaissances <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2013/05/13/quand-l-innovation-est-prise-au-piege_3176249_3234.html">sans en vouloir les applications</a> qui transforment les façons d’agir, déclasse les produits et les processus existants, et réalloue les compétences. Ainsi, dans l’industrie pharmaceutique, la <a href="https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/cae-focus053.pdf">France ne privilégie pas la production de médicaments innovants</a>.</p>
<h2>Division sociale du travail</h2>
<p>D’autre part, les choix innovants sont forcément ambigus et risqués. En effet, comme nous l’avons observé dans nos recherches, il est difficile d’évaluer a priori l’acceptabilité sociale des politiques alternatives, de distinguer les bons projets de ceux qui le sont moins, de sélectionner les directions dans lesquelles l’effort des R&D sera amplifié et de <a href="https://www.istegroup.com/fr/produit/le-capital-risque-et-le-financement-de-linnovation/">maîtriser le rythme du progrès technologique</a>.</p>
<p>C’est pourquoi les investissements publics dans la réalisation des essais cliniques ont constitué un mécanisme de consolidation dans la crise de la Covid. Les économistes Ruchir Agarwal et Patrick Gaule l’ont démontré dans leur récente analyse de <a href="https://covid-19.iza.org/publications/dp14079/">300 000 essais dans 209 pays</a>, en distinguant la Covid de 75 autres maladies.</p>
<p>Le premier échantillon, qui regroupe 75 maladies, dessine une régularité empirique, « la loi de l’effort décroissant ». Lorsque le nombre de patients augmente de 1 %, l’effort de R&D ne croit que de 0,43 %. En revanche, le second échantillon, qui porte sur la Covid, représente une exception à cette loi. Le nombre d’essais cliniques, 7 à 20 fois supérieur que celui impliqué par la taille du marché, n’a pas généré de baisse de l’investissement (effets d’éviction).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1390352811511017473"}"></div></p>
<p>Tout se passe donc comme si une division sociale du travail s’était mise en place. Les institutions publiques de recherche (universités, hôpitaux, centres spécialisés, etc.) ont assuré 70 % de tous les essais cliniques dans le monde. Aux États-Unis, le secteur public a ainsi favorisé la mise à l’échelle de l’innovation en permettant au secteur privé, qui a bénéficié d’un <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/sante/l-operation-warp-speed-de-trump-a-paye-pour-le-monde-entier_149579">soutien gouvernemental</a>, de mettre sur le marché des vaccins en un temps record.</p>
<p>Les arguments économiques ne sont donc pas suffisants pour rendre compte de l’implantation d’une nouvelle routine. L’argument organisationnel et relationnel devient prépondérant pour comprendre l’articulation des acteurs publics et privés au sein de partenariats. Les motivations non marchandes, comme la volonté de construire des effets de réputation en mettant à la disposition des produits sûrs et efficaces, jouent également un rôle clé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/167827/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bernard Guilhon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La crise de la Covid-19 a révélé le rôle clé des institutions publiques après des années de tassement des efforts de R&D chez les grands laboratoires privés du secteur.Bernard Guilhon, Professeur de sciences économiques, SKEMA Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1648142021-08-03T19:40:50Z2021-08-03T19:40:50ZNanomatériaux : pourquoi proposer de s’en passer ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/413133/original/file-20210726-24-15bb8mu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=32%2C0%2C3600%2C2376&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il est désormais interdit en France et en Europe d’utiliser du dioxyde de titane nanométrique dans l’industrie alimentaire (comme blanchissants ou pour rendre les produits brillants notamment).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/_qS0EQGn6qg">Sharon McCutcheon, Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Crèmes solaires avec des nanoparticules de dioxyde de titane, chaussettes antibactériennes à base de nanoargent : les produits commerciaux contenant des nanomatériaux sont aujourd’hui fréquents dans le secteur cosmétique, l’agroalimentaire, l’industrie chimique ou le transport. Les risques pour la santé humaine que représentent ces produits ne sont pas toujours connus et restent difficiles à évaluer.</p>
<p>Dès 2006, l’Anses a commencé à évaluer les risques que peuvent représenter les nanomatériaux <a href="https://www.anses.fr/fr/content/les-nanomat%C3%A9riaux">pour la santé humaine et pour l’environnement</a>. Dans son <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/AP2008et0005Ra.pdf">expertise</a> de 2010 s’intéressant plus particulièrement à la santé du consommateur et de l’environnement, une des premières étapes visait à recenser les nanomatériaux disponibles sur le marché et à identifier les produits finis qui les contenaient.</p>
<p>L’exercice fut complexe car aucun recensement officiel ne contenait ces informations : c’est le croisement de plusieurs sources de données et l’interrogation directe des industriels et metteurs sur le marché qui a permis d’en lister une partie. À partir de cette liste, quatre types de produits ont été fléchés, notamment les crèmes solaires qui contiennent du dioxyde de titane nanométrique et les chaussettes dans lesquelles on introduit du nanoargent pour ses propriétés antibactériennes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/413132/original/file-20210726-17-anrqv5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/413132/original/file-20210726-17-anrqv5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/413132/original/file-20210726-17-anrqv5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/413132/original/file-20210726-17-anrqv5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/413132/original/file-20210726-17-anrqv5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/413132/original/file-20210726-17-anrqv5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/413132/original/file-20210726-17-anrqv5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Il existe des chaussettes antibactériennes utilisant les propriétés de nanoparticules d’argent (effet inhibiteur de croissance ou létal pour les micoorganismes). Outre l’exposition humaine, le lavage tend à relâcher les particules dans l’environnement.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/XMg8GBzNmgA">Nick Page/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Ces produits ont fait l’objet d’études approfondies et les conclusions de l’Anses étaient claires : d’après les données qui étaient à sa disposition, les risques pour la santé humaine que présentaient ces produits ne pouvaient être écartés.</p>
<h2>Dans quels produits sont utilisées les nanoparticules ?</h2>
<p>Plusieurs initiatives ont depuis été mises en place pour améliorer les connaissances sur ces nanoparticules, les méthodes pour les mesurer, les différentes voies par lesquelles nous y sommes exposés et les dangers qu’elles représentent.</p>
<p>Parmi elles, la <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/ANSES-Rapport_final_CRD_ISJPS_R-Nanos_dec2020.pdf">loi Grenelle 2 votée en 2012</a> est venue instaurer une déclaration obligatoire des nanomatériaux, pour leurs producteurs, importateurs et distributeurs en France. Ce dispositif de déclaration qui a le mérite d’exister est cependant incomplet car les produits finis et leurs marques ne sont malheureusement pas visés.</p>
<p>Le recueil annuel de données via ce dispositif a néanmoins permis de dresser un état de l’art de l’utilisation et de la présence de ces « objets » sur le territoire français. C’est grâce à ce dernier, le <a href="https://www.actu-environnement.com/ae/dossiers/nanomateriaux/reglementation-nanos.php">premier de ce type en Europe</a>, que l’on sait par exemple que plus de 400 000 tonnes de nanomatériaux sont produites et importées en France chaque année, une quantité loin d’être négligeable. Les secteurs dans lesquels ils sont utilisés sont extrêmement variés : alimentaire, agriculture, cosmétique, bâtiment, transport, plastiques, caoutchouc, peintures ou industrie chimique plus largement.</p>
<p>Cependant, d’après notre <a href="https://www.anses.fr/fr/content/nanomat%C3%A9riaux-evaluation-du-dispositif-national-de-d%C3%A9claration-r-nano">évaluation récente</a> la qualité des données déposées par les déclarants est mauvaise et le dispositif est encore trop souple, il doit impérativement être consolidé. En effet, si les données sur les noms des substances à l’état nanoparticulaire sont correctes, celles permettant de les caractériser, et donc utiles à l’évaluation des dangers qu’elles pourraient représenter pour la santé, ne sont globalement pas renseignées… ou souvent erronées.</p>
<p>Suite à cette évaluation, l’Anses a donc tiré la sonnette d’alarme <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/12/01/donnees-absentes-ou-erronees-l-impossible-evaluation-des-risques-lies-aux-nanomateriaux_6061711_3244.html">à la fin de l’année 2020</a>.</p>
<p>À ce jour, plus d’une décennie après la première évaluation de l’Anses sur les produits finis, la question des risques que ces nanomatériaux représentent pour la santé n’est pas résolue.</p>
<h2>Quels sont leurs effets ?</h2>
<p>Si on ne sait pas toujours comment nous sommes exposés aux nanomatériaux, certains travaux se sont attachés à évaluer les problèmes qu’ils posent pour la santé et l’environnement.</p>
<p>L’Anses a par exemple beaucoup travaillé <a href="https://www.anses.fr/fr/content/dioxyde-de-titane">sur le dioxyde de titane</a> utilisé en tant qu’additif alimentaire en examinant les données de différentes études montrant, chez l’animal, sa capacité à entraîner des lésions colorectales précancéreuses. Par la suite, la France <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000038410047/,2019">a interdit</a> l’utilisation de denrées contenant l’additif E 171 (dioxyde de titane nanométrique). Et ce n’est que <a href="https://www.efsa.europa.eu/fr/news/titanium-dioxide-e171-no-longer-considered-safe-when-used-food-additive">très récemment</a>, en 2021, que l’Agence Européenne des Aliments a finalement considéré qu’au regard de tous les éléments fournis, le E 171 ne pouvait plus être considéré comme sûr en tant qu’additif alimentaire.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/413131/original/file-20210726-13-1mvxnjt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/413131/original/file-20210726-13-1mvxnjt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/413131/original/file-20210726-13-1mvxnjt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/413131/original/file-20210726-13-1mvxnjt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/413131/original/file-20210726-13-1mvxnjt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/413131/original/file-20210726-13-1mvxnjt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/413131/original/file-20210726-13-1mvxnjt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Depuis de nombreuses années, les fabricants mettent des particules minérales de tailles nanométriques d’oxyde de titane et/ou d’oxyde de zinc dans les crèmes solaires, afin d’en augmenter l’indice de protection. Elles atténuent les rayonnements UV par une combinaison d’absorption et de diffusion de la lumière.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jb912/8940223769/">Jeffrey, Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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</figure>
<p>Les études poussées sont menées sur les nanomatériaux pour lesquels il existe des alertes de danger émanant de la littérature scientifique, mais les autres ?</p>
<p>Une des grandes difficultés réside dans le fait qu’il est impossible d’élargir des conclusions obtenues pour un nanomatériau à l’ensemble des nanomatériaux de la même nature chimique. En effet, dès lors qu’un paramètre varie (la taille par exemple, ou encore la façon dont les nanomatériaux sont enrobés ou recouverts), même faiblement, les nanomatériaux deviennent des objets différents dont les dangers peuvent aussi différer. Il apparaît inconcevable d’attendre que des conclusions soient émises pour l’ensemble des nanomatériaux et toutes leurs formes. C’est pour cette raison que des approches alternatives ont vu le jour, et font toujours l’objet de développement, comme le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2452074819300916">groupement des nanomatériaux</a> en fonction de leurs propriétés physico-chimiques ou de la façon dont ils interagissent avec le corps humain.</p>
<h2>Quelle est l’utilité des nanomatériaux ?</h2>
<p>Mais en attendant les recherches et les approches alternatives, et dans ce contexte de fortes incertitudes, la question de l’utilité des nanomatériaux se pose clairement.</p>
<p>Dès ses <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/AP2008et0005Ra.pdf">conclusions de 2010</a>, en raison des incertitudes qui persistent sur les risques que ces objets peuvent représenter lorsqu’ils sont insérés dans des produits de la vie courante, l’Anses recommandait de limiter l’exposition des personnes aux nanomatériaux.</p>
<p>Comment faire pour que l’exposition des consommateurs, mais aussi des travailleurs, diminue réellement ? Un étiquetage sur tous les produits visant à indiquer la présence de nanomatériaux n’apparaît pas satisfaisant. En effet, il n’empêche pas l’exposition des travailleurs et ne ferait que reporter sur le consommateur le choix de s’exposer, ou non, à une substance dont le danger n’est pas pleinement connu. Ceci ne permet pas non plus de prévenir la dispersion des nanomatériaux dans l’environnement lors de l’utilisation du produit les contenant ou au moment de sa fin de vie (recyclage).</p>
<p>Concrètement, l’Anses recommande l’utilisation de produits dépourvus de nanomatériaux et rappelle qu’il faut favoriser les produits sûrs, sans nanomatériaux et qui sont équivalents en termes de fonction et d’efficacité.</p>
<p>Parce que la sécurité des produits disponibles sur le marché est de la responsabilité de leur producteur d’après le <a href="https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/Publications/Vie-pratique/Fiches-pratiques/obligation-generale-de-securite">Code de la consommation</a>, il faudrait exiger de ces derniers des produits dépourvus de nanomatériaux dès lors que leur innocuité n’a pu être démontrée. Dans cette lignée, des travaux voient peu à peu le jour sur la notion d’utilité collective et la Commission européenne <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_20_1839">s’y penche également</a> : il s’agit de s’assurer que lorsque les nanomatériaux sont utilisés, les bénéfices sont sans aucun doute bien plus grands que les risques qu’ils peuvent faire peser sur les personnes et l’environnement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/164814/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurelie Niaudet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Plus de 400 000 tonnes de nanomatériaux sont produites et importées en France chaque année. Mais ces objets constituent aujourd’hui encore des défis scientifiques importants d’évaluation des risques.Aurelie Niaudet, Adjointe au sein de l'unité d'évaluation des risques liés aux agents physiques, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1641802021-07-15T20:15:15Z2021-07-15T20:15:15ZSoigner la population ou son chiffre d’affaires ? Un dilemme pour les marketeurs de l’industrie pharmaceutique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/410384/original/file-20210708-13-13k26pc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1151%2C722&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour les professionnels du secteur, les missions santé et profits peuvent entrer en compétition.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Michal Jarmoluk / Pixabay</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>De nombreux scandales frappent régulièrement l’industrie pharmaceutique. L’Oxycodon, par exemple, a été massivement distribué aux États-Unis bien qu’étant un antalgique opiacé au fort pouvoir d’addiction. Quelque <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/02/ROBIN/58390">200 000 morts</a> par overdose peuvent lui être imputés outre-Atlantique depuis 1999.</p>
<p>Plus proche de nous, le Mediator des laboratoires Servier a mis plus de 15 ans à se voir retirer de la commercialisation alors que sa prescription comme coupe-faim, en dehors de son indication thérapeutique initiale, a causé de nombreuses victimes dont <a href="https://theconversation.com/avec-la-fille-de-brest-personne-noubliera-le-scandale-du-mediator-69027">2 000 morts</a> répertoriées. Le dénouement du procès en mars 2021, tout comme pour <a href="https://theconversation.com/levothyrox-jusquou-laffaire-a-t-elle-entame-la-confiance-des-citoyens-95240">celui du Lévothyrox</a> de Merck, pointe, au-delà de la responsabilité des médecins, <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/levothyrox/levothyrox-les-victimes-indemnisees_4022921.html">celle des laboratoires</a> produisant ces médicaments.</p>
<p>Ces différents scandales ne sont que la manifestation visible d’une tension permanente inhérente à ce secteur entre la recherche de profit et la mission santé qui le caractérise. Les professionnels du marketing qui ont la charge de promouvoir les médicaments auprès des patients et des médecins semblent particulièrement concernés par ce conflit éthique qui parfois apparaît : soigner ou vendre ?</p>
<p>Au cours de nos <a href="https://rdcu.be/b9sgh">recherches</a> nous nous sommes demandé comment les marketeurs du secteur pharmaceutique ressentent cette tension et comment ils y font face.</p>
<h2>Intérêt économique, mission santé</h2>
<p>Les conflits éthiques rencontrés peuvent conduire les marketeurs à des situations dites de <a href="https://psycnet.apa.org/record/1993-97948-000">« dissonance morale »</a>. Cela renvoie à des moments durant lesquels les comportements ou décisions d’un individu entrent en conflit avec ses valeurs morales. La dissonance morale, parce qu’elle met en jeu des éléments centraux dans l’identité de l’individu comme ses valeurs, peut générer un important inconfort psychologique, donner naissance à de la culpabilité et atteindre l’estime de soi.</p>
<p>L’individu va alors s’engager dans des stratégies visant à réduire cet état de dissonance qui reposent principalement sur le recours à des mécanismes d’autojustification mais peuvent aussi consister à changer de comportement ou rechercher du soutien social.</p>
<p>Pour comprendre les attitudes des professionnels du marketing dans le secteur pharmaceutique, nous avons mené des entretiens approfondis avec 18 d’entre eux.</p>
<p>Ils traduisent, chez ces individus, des conflits éthiques plus ou moins graves. Ceux-ci ont trait, en majorité, à des décisions qui présentent un intérêt économique alors qu’elles induisent un manquement par rapport à la mission santé. Il peut s’agir d’un préjudice potentiel aux patients, d’une infraction à la réglementation ou encore d’un manquement à un principe de déontologie professionnelle. Les conflits semblent vécus avec d’autant plus d’intensité que le choix a des conséquences importantes sur la santé des patients.</p>
<h2>Le tournant de l’affaire Servier</h2>
<p>Pour résoudre ce conflit, trois stratégies ressortent de notre série d’entretiens. La première d’entre elles consiste à <strong>minimiser le caractère sensible au regard de l’éthique</strong>. C’est adopter une politique de l’autruche, ignorer le conflit ou l’évacuer le plus vite possible.</p>
<p>Un enquêté nous explique par exemple :</p>
<blockquote>
<p>« Je ne dirais pas non plus que l’industrie pharmaceutique est blanche comme neige. Il y a eu des cas comme Servier, de gens qui ont été malhonnêtes. Mais ce n’est pas le cas de la plupart des gens qui travaillent dans le secteur. Ils sont contents de travailler dans une industrie qui a apporté du bien à la société ».</p>
</blockquote>
<p>Selon ces professionnels, les missions santé et économique ne rentrent pas en compétition : faire du profit est un moyen de financer la recherche médicale. Les laboratoires pharmaceutiques apparaissent ainsi comme « les principaux investisseurs dans la santé ».</p>
<p>En outre, ils soulignent que leurs pratiques sont extrêmement encadrées par la loi. Plusieurs répondants rappellent que le Mediator a fait date :</p>
<blockquote>
<p>« Il n’y a plus de problème car tout a été réglementé. Les problèmes de conflit d’intérêt type Servier, c’est fini, ça ne peut plus se produire. Il y a eu vraiment un avant et un après Mediator, ça a vraiment changé ».</p>
</blockquote>
<p>Ne pouvant pas ignorer les attaques portées par la presse à l’encontre de l’industrie pharmaceutique, ils s’en défendent en dénonçant en retour le rôle des médias qui les attisent, des titres qui recherchent à « faire du buzz » et des « journalistes qui n’ont que ça à se mettre sous la dent ».</p>
<h2>Comme des héros</h2>
<p>D’autres répondants, au contraire, ont bien conscience des risques que présente le produit commercialisé pour les patients. Toutefois, ils affirment précisément <strong>prendre ces risques au nom du bien du patient</strong>. Voici par exemple comment se justifie la décision de doubler les doses recommandées par la réglementation pour des enfants atteints de pathologies graves :</p>
<blockquote>
<p>« Même si c’est un produit qui est dangereux, potentiellement dangereux, et sur lequel tu n’as pas trop de recul, tu te dis que tu peux décider avec le responsable scientifique de soutenir les médecins doublant les doses parce qu’il y avait un intérêt thérapeutique. »</p>
</blockquote>
<p>La mise en avant du bien du patient est troublante car elle conduit les marketeurs à occulter la dimension économique de leur activité et à la présenter comme secondaire. Pourtant un doublement des doses permet bel et bien de développer les ventes du produit.</p>
<p>Se référer au bien-être du patient peut ainsi paradoxalement servir à cautionner des actes non éthiques.</p>
<p>Le tout en se présentant même parfois comme des héros qui accomplissent de véritables miracles pour leurs patients. L’un d’entre eux se justifie :</p>
<blockquote>
<p>« Notre produit était très bénéfique aux patients, tout le monde nous en était reconnaissant… On avait à la fois des professionnels de santé qui nous disaient “nos patients sont ravis, les taux de cholestérol sont super bas, c’est génial” et des patients qui témoignaient “mon médecin me force à prendre des hypocholestémiants depuis trois ans et j’avais toujours mal partout… ça fait deux mois que je prends vos produits et non seulement mon taux de cholestérol est bas mais surtout je n’ai plus mal nulle part” ».</p>
</blockquote>
<p>Leur façon de présenter leur métier finit même parfois par se confondre avec celle des soignants.</p>
<p>Dernière stratégie, certains répondants constatent que la logique de rentabilité prime sur la mission santé, et développent une <strong>défiance face aux discours développés par les autres commerciaux</strong> :</p>
<blockquote>
<p>« De nos jours, l’argent prend une ampleur tellement importante et j’ai l’impression qu’il y a très peu d’éthique dans les organismes et chez les personnes qui commercialisent les produits. »</p>
</blockquote>
<p>La désillusion de ces marketeurs est telle que, contrairement aux cas évoqués précédemment, ils n’arrivent plus à trouver d’arguments pour justifier leurs actions marketing et réduire leur mal-être.</p>
<blockquote>
<p>« Je n’étais pas très tranquille car j’avais l’impression de vendre quelque chose qui pouvait peut-être faire du mal aux gens ou même être fatal pour certaines personnes. Je culpabilisais un peu en fait… Je me disais que j’aurais bien aimé commercialiser des vêtements, en tout cas des produits clairs. »</p>
</blockquote>
<p>La seule issue à leur dissonance semble ainsi d’éviter les pratiques posant problème en changeant de fonction, d’entreprise, voire même en quittant définitivement le secteur pharmaceutique.</p>
<h2>Affaires de formation et de réglementation</h2>
<p>Que faire alors ? Il semble difficile d’adresser des recommandations aux laboratoires car se pose la question de la réelle volonté des directions générales à prévenir les comportements non éthiques des salariés lorsque ces comportements sont adoptés dans leur intérêt économique.</p>
<p>Toutefois, la mise en avant de l’existence de la dissonance morale et de la souffrance psychologique qu’elle engendre chez les travailleurs devrait les préoccuper. Des études montrent en effet que celles-ci impliquent des <a href="https://psycnet.apa.org/record/2005-05063-001">conséquences négatives</a>, telles que la perte d’implication au travail ou l’augmentation du turnover.</p>
<p>Cela prévaut d’autant plus dans l’industrie pharmaceutique qui touche à une noble cause, la santé, à laquelle les répondants demeurent généralement très attachés.</p>
<p>Au niveau externe, il conviendrait d’intégrer une dimension éthique de manière plus systématique dans les formations au marketing, tout particulièrement dans les cursus spécialisés en marketing de la santé.</p>
<p>Par ailleurs, si la loi s’est renforcée, notamment après l’affaire du Mediator, notons que cela n’a pas empêché de nouveaux scandales, en particulier sur de nouveaux marchés comme les <a href="https://www.lemonde.fr/implant-files/video/2018/11/25/implant-files-comprendre-le-scandale-de-la-surveillance-des-dispositifs-medicaux_5388428_5385406.html">implants</a>. L’État, pour protéger le citoyen, devrait ainsi notamment s’intéresser aux produits para-médicaux qui font aujourd’hui l’objet d’une réglementation moins contraignante.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/164180/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les professionnels répondent au conflit éthique de diverses façons, entre politique de l’autruche, soutenir mordicus les bienfaits des produits, et parfois décider de quitter le secteur.Loréa Baïada-Hirèche, Maître de conférences en management des ressources humaines, Institut Mines-Télécom Business School Anne Sachet-Milliat, Enseignant-chercheur en éthique des affaires, ISC Paris Business SchoolBénédicte Bourcier-Béquaert, Enseignant-chercheur en marketing, ESSCA School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1593912021-06-16T17:30:55Z2021-06-16T17:30:55ZSystèmes à base de graphène : où en est-on du difficile passage à l’échelle industrielle ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/404769/original/file-20210607-28372-11rxxdg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C7%2C1005%2C872&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le graphène, combiné avec d'autres matériaux, permet d'attendre de nombreuses propriétés physiques et chimiques, ouvrant la voie à de potentielles applications. Ici, des nanofibres de carbone couvertes de graphène.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/zeissmicro/31235545401/">ZEISS Microscopy, Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Lorsqu’en 2004, Konstantin Novoselov et Andre Geim de l’Université de Manchester ont annoncé dans le <a href="http://www.condmat.physics.manchester.ac.uk/pdf/mesoscopic/publications/graphene/Science_2004.pdf">journal Science</a> avoir isolé une feuille unique de graphène – un cristal bidimensionnel de carbone ayant une structure en nid d’abeille, l’onde de choc dans le monde scientifique a été immense.</p>
<p>La technique utilisée par Konstantin Novoselov et Andre Geim est extrêmement simple : ils ont utilisé du scotch pour isoler pas à pas des couches de graphite, comme celles que l’on trouve dans les traces de simples crayons à papier, pour obtenir au final une couche unique, du graphène. Ce coup de génie leur a valu le prix Nobel de Physique en 2010.</p>
<h2>Des propriétés qui sortent de l’ordinaire</h2>
<p>La structure du graphène lui confère une série de propriétés extraordinaires même à température ambiante. Regardons-les d’un peu plus près. En étant purement bidimensionnel et d’épaisseur d’un atome, le graphène est un matériau extrêmement léger : une surface équivalente à un champ de foot pourrait être recouverte par une couche de graphène pour un poids total inférieur à un gramme. En étant de l’épaisseur d’un atome de carbone, une feuille de graphène assure la transmission de l’amplitude d’un rayon de lumière blanche à plus de 95 %, ce qui le place bien au-dessus du verre classique, qui n’en transmet que 80 %.</p>
<p>Sa structure lui confère une conductivité thermique extraordinaire, bien supérieure à celle du cuivre et même au-delà de celle du diamant lorsque le graphène est « suspendu », c’est-à-dire qu’il n’y a pas de « substrat », de surface dessous pour le soutenir.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-graphene-ou-la-revolution-programmee-de-lelectronique-cest-pour-bientot-157436">Le graphène ou la révolution programmée de l’électronique : c’est pour bientôt ?</a>
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<p>L’enthousiasme du monde académique pour le graphène a été immédiat et de nombreuses applications ont vu le jour rapidement notamment dans le domaine de l’électronique.</p>
<h2>Du laboratoire au grand public</h2>
<p>De par ses propriétés extraordinaires, le graphène est déjà inclus ou est en passe de l’être dans le renforcement des matériaux en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0079642517300968">remplacement des nanotubes de carbones</a>, le traitement des surfaces de verre <a href="https://www.nature.com/news/graphene-the-quest-for-supercarbon-1.14193">pour les vitres intelligentes, les lunettes et pour les écrans tactiles</a>, en passant par la <a href="https://www.graphene-info.com/graphene-water-treatment">filtration de l’eau</a> grâce à sa structure en nid d’abeille atomique, les <a href="https://www.graphene-info.com/graphene-batteries">batteries électriques</a> et l’<a href="https://www.graphene.manchester.ac.uk/learn/applications/electronics/">électronique flexible</a> pour des systèmes enroulables et pliables extrêmement fins. </p>
<p>Dans le domaine de la santé, le graphène participe à des <a href="https://www.chemeurope.com/en/publications/702661/graphene-quantum-dots-band-aids-used-for-wound-disinfection.html">pansements intelligents</a> et à des <a href="https://www.theengineer.co.uk/graphene-production-200-times-capacity/">traitements contre le cancer</a> malgré une <a href="https://pubs.acs.org/doi/abs/10.1021/acs.chemrestox.0c00340">potentielle toxicité</a> selon les cas.</p>
<p>Toutefois, pour le moment il est essentiellement utilisé comme composant secondaire ou d’appoint.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/404770/original/file-20210607-27-1r57buz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/404770/original/file-20210607-27-1r57buz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/404770/original/file-20210607-27-1r57buz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/404770/original/file-20210607-27-1r57buz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/404770/original/file-20210607-27-1r57buz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/404770/original/file-20210607-27-1r57buz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/404770/original/file-20210607-27-1r57buz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un dispositif électronique à base de graphène en laboratoire, vu en microscopie optique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/cambridgeuniversity-engineering/9415593436/">Matteo Bruna, Department of Engineering, University Of Cambridge/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>C’est comme substituant du silicium que l’utilisation du graphène pur présente de nombreuses promesses pour réaliser un véritable bond technologique. Dès 2011, IBM a présenté le premier circuit intégré ayant un <a href="https://www-03.ibm.com/press/us/en/pressrelease/34726.wss">transistor exclusivement en graphène</a>.</p>
<p>Cependant, aujourd’hui encore la majorité des produits développés s’arrêtent à la phase du prototypage et une utilisation dans des systèmes commerciaux du graphène reste encore problématique.</p>
<h2>Le difficile passage à l’échelle industrielle</h2>
<p>En effet, plusieurs facteurs empêchent une vraie industrialisation à large échelle. Le coût d’obtention de plaquettes de graphène (de taille micronique sur une épaisseur atomique) reste encore trop élevé, autour de 100 à 700 euros par kilogramme. La largeur de cette fourchette de prix est influencée par <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/2053-1583/abddcd">plusieurs facteurs</a>, tels que la qualité du graphène souhaitée, la taille des plaquettes et la technique de production. Par exemple, une feuille de 1 centimètre carré de graphène pur coûtera bien plus cher à faire qu’une multitude de plaquettes représentant la même surface au total.</p>
<p>La mise en place et l’optimisation de procédés industriels adéquats demandent des investissements considérables. Plusieurs méthodes ont été développées afin d’aboutir à la production de feuillets de graphène, par exemple l’<a href="https://pubs.rsc.org/en/content/articlehtml/2014/cs/c3cs60217f">exfoliation mécanique en phase liquide</a>, le <a href="https://science.sciencemag.org/content/324/5932/1312.abstract">dépôt chimique en phase vapeur</a>, l’<a href="http://www.cnrs.fr/inc/communication/direct_labos/penicaud2.htm">oxydation de graphite en milieu acide</a> et récemment la <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-020-1938-0">méthode du chauffage flash</a> de produits carbonés comme les déchets alimentaires, les plastiques. Des entreprises commencent aussi à développer des <a href="https://www.theengineer.co.uk/graphene-production-200-times-capacity/">approches nouvelles</a> pour produire du graphène à grande échelle. Ces techniques sont efficaces, mais leur mise en place et leur optimisation requièrent des moyens encore considérables.</p>
<h2>Niche du marché malgré les milliards investis</h2>
<p>Ainsi, les produits à base de graphène constituent, pour le moment, une niche du marché qui ne réussit pas vraiment à décoller. En 2019, la <a href="https://www.grandviewresearch.com/industry-analysis/graphene-industry">taille du marché</a> du graphène a été estimée à « seulement » 79 millions de dollars, alors que celle du <a href="https://www.alliedmarketresearch.com/carbon-nanotube-market">marché des nanotubes de carbone</a> par exemple a été estimée à 2,6 milliards de dollars. D’ici 2027, la croissance du marché du graphène devrait être de 38 %, mais dans le même temps celui des nanotubes de carbone devrait atteindre 5,8 milliards de dollars. L’industrie du graphène est toujours perçue par les potentiels investisseurs comme un marché encore immature à cause d’un <a href="https://www.nature.com/articles/s41563-021-00999-0">manque de standardisation et de fiabilité</a> sur les propriétés du produit vendu. Cette vision par les bailleurs de fonds du marché du graphène reste le principal frein d’expansion et de développement de ce marché spécifique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/404771/original/file-20210607-13-1rj5t8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/404771/original/file-20210607-13-1rj5t8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=599&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/404771/original/file-20210607-13-1rj5t8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=599&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/404771/original/file-20210607-13-1rj5t8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=599&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/404771/original/file-20210607-13-1rj5t8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=752&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/404771/original/file-20210607-13-1rj5t8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=752&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/404771/original/file-20210607-13-1rj5t8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=752&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Encre de graphène, à base de graphite en poudre dans de l’alcool. Les encres électroniques comme celles-ci permettent d’imprimer des circuits électroniques avec des imprimantes jet d’encre.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/cambridgeuniversity-engineering/29839773526/">James Macleod, Department of Engineering, University Of Cambridge/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Néanmoins, diverses industries et de grands groupes comme Samsung ont commencé depuis 2014-2015 à investir dans des programmes internes de plusieurs milliards d’Euros afin de développer de nouveaux produits à base de graphène, ou du moins utilisant certaines des propriétés remarquables de celui-ci. L’Union européenne a alloué un <a href="https://graphene-flagship.eu/collaboration/about-us/the-graphene-flagship/">programme de financement</a> décennal d’un milliard d’Euros depuis 2013 pour le développement du secteur de la R&D autour du Graphene. En 2020, celle-ci a complété ce programme par un <a href="https://cordis.europa.eu/project/id/952792">autre programme de financement</a> de quatre ans de 20 millions d’euros avec l’objectif le développement et l’introduction dans le marché de nouveaux composants électroniques à base de graphène.</p>
<p>Des initiatives similaires ont été mises en place dans le monde. En 2015, la Corée du Sud a alloué un investissement quinquennal de 108 millions de dollars pour encourager la commercialisation du graphène. En Chine, le gouvernement a identifié l’industrialisation du graphène comme une des priorités dans son plan de développement pour la période 2016-2020. En 2013, le « Graphene Council » a été fondé aux États-Unis. Cette association a pour but de servir de réseau pour la communauté mondiale du graphène. Elle propose par exemple des <a href="https://www.thegraphenecouncil.org/page/VerifiedProducer">services de certification pour les différents producteurs de graphène</a> pour créer des standards de production et de qualité qui puissent être reconnus par de potentiels investisseurs.</p>
<p>Les systèmes « tout graphène » ne sont pas encore prêts pour passer des applications en laboratoire vers l’industrie. Cependant, les investissements et les progrès sont réels. Si nos ordinateurs ont un jour des fréquences de calcul de plusieurs térahertz sans surchauffer, ou que nos véhicules électriques alimentent nos logis en électricité, il y a de fortes chances pour que le graphène ait quelque chose à voir là-dedans.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159391/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le graphène suscite de grands espoirs applicatifs mais peine à parvenir à l’échelle industrielle.Serena Gallanti, Assistant Professor - Energy storage, ECE ParisFilippo Ferdeghini, Enseignant-chercheur en nanoscience, ECE ParisFrançois Muller, Enseignant-Chercheur en nanosciences et nanotechnologies, ECE ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1606592021-05-11T17:58:44Z2021-05-11T17:58:44ZLes incertitudes de l’action judiciaire européenne contre AstraZeneca<p>Lundi 26 avril 2021, la <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/vaccin/covid-19-l-union-europeenne-lance-une-action-en-justice-contre-astrazeneca-pour-non-respect-de-ses-engagements-de-livraison-de-vaccins_4387175.html">Commission européenne annonçait</a> avoir engagé, en son nom et en celui des vingt-sept États membres, une action en référé (en urgence) <a href="https://www.proximus.be/pickx/fr/2136518/action-en-justice-contre-astrazeneca-une-premiere-audience-mercredi">devant le tribunal de première instance de Bruxelles</a> contre le laboratoire anglo-suédois AstraZeneca qui n’aurait pas correctement exécuté ses obligations en vertu de <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_20_1438">son contrat conclu en novembre dernier avec Bruxelles</a> pour la fourniture de doses de vaccin contre la Covid-19.</p>
<p>Le mardi 11 mai, la Commission européenne, qui a annoncé <a href="https://www.lepoint.fr/sante/l-ue-n-a-pas-renouvele-sa-commande-astrazeneca-pour-apres-juin-09-05-2021-2425637_40.php">ne pas vouloir renouveler son contrat avec le laboratoire</a>, a en outre déposé une <a href="https://www.lefigaro.fr/economie/nouvelle-plainte-de-l-union-europeenne-contre-astrazeneca-20210510">nouvelle plainte</a> visant à obtenir une indemnisation de la part du groupe.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1391358124926423041"}"></div></p>
<p>Deux choses sont reprochées au laboratoire : des doses en quantité insuffisante (50 millions livrées au premier semestre 2021 sur les 120 millions promises et 70 millions sur les 180 millions prévues pour le second semestre) et des retards de livraison. Mais le laboratoire est-il réellement « fautif » ? À quoi ce dernier s’est-il précisément engagé contractuellement ?</p>
<h2>Obligation de résultat ou de moyens ?</h2>
<p>La lecture du contrat révèle la fragilité des accusations formulées par la Commission et surtout le manque de sécurisation dû sans doute à l’absence de prévision par les deux parties d’un problème qui s’est révélé bien après la conclusion du contrat : celui de l’insuffisance des capacités de production. Mais peut-on aujourd’hui réellement en faire le grief au laboratoire AstraZeneca ?</p>
<p>Au cœur du différend, la qualification de la nature de l’obligation lui incombant : celle de fournir ses « best reasonable efforts » (meilleurs efforts raisonnables) pour fabriquer des « doses initiales » de vaccin dans l’Union européenne et les livrer. Le juge belge saisi, juge de droit civil à l’instar du juge français, devra s’interroger sur la compréhension en droit des contrats belge (très proche du droit français) de cette notion d’origine anglo-saxonne pour déterminer à quoi le laboratoire s’est précisément engagé et quelle était son intention au jour de la conclusion du contrat.</p>
<p>En clair : ce dernier a-t-il accepté de faire de son obligation de fabriquer et de fournir les doses une obligation de résultat ou de moyens ? La première est bien plus contraignante que la seconde.</p>
<p>En effet, dans le cas d’une obligation de résultat, le seul constat que le résultat promis n’a pas été atteint – quantités insuffisantes ou retards dans les livraisons – permettrait à la Commission d’engager la responsabilité du laboratoire et d’être certaine d’obtenir des dommages et intérêts. Il lui suffirait de prouver ce fait objectif.</p>
<p>Mais si l’obligation est en revanche interprétée comme une obligation de moyens, les chances de succès de l’action s’avèrent bien moindres. Dans cette hypothèse, le débiteur ne s’engage pas à fournir un résultat à une date précise. Il s’engage « seulement » à mettre en œuvre tous les moyens qui sont à sa disposition pour espérer atteindre le résultat fixé dans le calendrier prévu. Et le créancier qui constaterait que ledit résultat n’aurait pas été atteint à l’échéance, devrait alors rapporter la preuve bien plus difficile que le laboratoire n’aurait pas en réalité déployé tous ses efforts possibles, qu’il aurait fait preuve d’une inaction coupable, d’une insuffisance, d’une négligence, etc., pour le faire condamner.</p>
<p>Le seul défaut de résultat ne permettrait pas d’obtenir sa condamnation, d’autant que le laboratoire pourrait évidemment se défendre en montrant qu’au contraire il a bien mobilisé tous les moyens qui étaient raisonnablement à sa disposition pour espérer livrer toutes les doses promises selon le calendrier fixé.</p>
<p>Pour l’aider à qualifier l’obligation, le juge utilise des critères et notamment celui de l’aléa : plus l’exécution de l’obligation est soumise à l’existence d’un aléa qui en rend l’exécution incertaine, plus la balance penchera du côté d’une obligation de moyens, le débiteur n’ayant pas pu s’engager avec certitude à fournir un résultat dont l’existence dépend largement d’évènements extérieurs et incertains qu’il ne maîtrise pas. L’exemple typique de l’obligation de moyens est celui du médecin vis-à-vis de son patient qu’il ne peut pas s’engager à guérir en raison des trop grandes incertitudes en la matière.</p>
<h2>« Meilleurs efforts raisonnables »</h2>
<p>De la même manière, l’aléa évident inhérent à la mise au point d’un nouveau type de vaccin et à sa production de masse, à une échelle globale dans un contexte de pandémie, devrait vraisemblablement conduire le juge belge à retenir la qualification d’obligation de moyens. Ce d’autant plus que l’obligation est assortie d’une clause de « best reasonable efforts » que l’on retrouve habituellement dans les contrats d’affaires internationales où l’obtention du résultat souhaité ne peut justement pas être garantie de manière absolue, principalement dans les opérations très risquées (par exemple <a href="http://droit-et-commerce.org/medias/ConferenceDroitEtCommerce-13052013.pdf">dans les contrats de lancement de satellites</a>).</p>
<p>Son interprétation tend plutôt à alléger l’obligation à la charge du laboratoire qui ne s’est pas engagé à fournir ses « meilleurs efforts » dans la fabrication des vaccins, clause permettant habituellement de qualifier l’obligation de moyens, mais « seulement » ses meilleurs efforts « raisonnables », ce qui tendrait encore à limiter les efforts attendus.</p>
<p>La Commission ne pouvait pas ainsi attendre du laboratoire qu’il fournisse des efforts démesurés sur le plan matériel et économique (par exemple la construction de nouvelles usines). L’insertion de cette clause dans le contrat, acceptée par les deux parties, pourrait alors être une manière de dire qu’en raison des circonstances particulières liées à la pandémie on n’exigera pas trop du débiteur.</p>
<p>Mais à quel degré de diligence le laboratoire s’est-il précisément engagé ? Pour apprécier ses efforts fournis (critère subjectif) en vue d’étendre sa capacité de production et exécuter ses obligations contractuelles, le juge belge devra les comparer, objectivement, avec ceux qu’un autre laboratoire similaire dans sa taille à AstraZeneca et placé dans les mêmes circonstances, à savoir celles d’une pandémie globale (art. 1.9 du contrat), aurait pu faire.</p>
<p>Pour retenir sa responsabilité contractuelle, il faudra donc que la Commission réussisse à démontrer l’écart entre le degré d’effort fourni par AstraZeneca et celui qu’aurait fourni ou pu fournir un autre laboratoire comparable dans sa taille et soumis aux mêmes difficultés. Par exemple : le laboratoire Pfizer/BioNTech qui aurait non seulement honoré mais <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Pourquoi-lUnion-europeenne-attaque-elle-AstraZeneca-justice-2021-04-27-1201152918">même surpassé ses engagements contractuels</a>.</p>
<h2>Possibilités non exploitées</h2>
<p>Mais la comparaison a ses limites car la lettre du contrat exprime aussi un devoir de coopération et de confiance entre les parties, la Commission et les États devant « … soutenir leur cocontractant dans le développement du vaccin compte tenu du besoin urgent… » (art. 1.9 b), voire l’assister dans la <a href="https://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/commission/affaires_europeennes/Actualites/vfActualites_europeennes_n_66_Vaccin_19-12_4_pages_vaccin_Final.pdf">production des produits finis</a> (art. 5.4) et la fourniture des <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/pharmacie-sante/vaccins-anti-covid-les-premieres-penuries-dingredients-inquietent-1296855">matières premières nécessaires</a> à la fabrication des vaccins (art. 6.1).</p>
<p>Ainsi, si le laboratoire doit fabriquer ou faire fabriquer les doses de vaccins sur le territoire de l’Union européenne, Royaume-Uni compris, selon ses propres schémas (production directe au sein de filiales européennes ou recours à des façonniers, donc à la sous-traitance), la Commission peut en cas de difficulté lui indiquer d’autres façonniers installés sur le territoire européen susceptibles de fabriquer lesdites doses. Et comme une ultime solution, le laboratoire est autorisé à faire fabriquer des doses dans des installations situées hors de l’Union européenne.</p>
<p>Ces diverses possibilités ont-elles été exploitées ? AstraZeneca a-t-il notamment fait <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/03/25/vaccins-astrazeneca-a-signe-des-contrats-avec-l-europe-et-le-royaume-uni-qui-ne-sont-pas-compatibles_6074468_3244.html">produire des doses dans ses usines anglaises pour le marché européen</a> ? Et à défaut, avait-il d’autres moyens à sa disposition pour espérer de bonne foi respecter ses engagements contractuels et les a-t-il exploités ? La preuve à la charge de la Commission n’est à l’évidence pas facile à rapporter et la lettre du contrat insuffisamment sécurisée. Les futurs contrats d’approvisionnement en doses de vaccin de « seconde génération » devront faire preuve d’une plus grande fermeté à l’égard des engagements des laboratoires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/160659/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’action en référé lancée par Bruxelles, qui reproche notamment au laboratoire des retards de livraison, repose sur l’hypothétique preuve d’une insuffisance des moyens déployés.Clotilde Jourdain-Fortier, Professeur en droit international économique - CREDIMI, Université de Bourgogne – UBFCMathieu Guerriaud, Maître de conférences en Droit pharmaceutique et de la santé, pharmacovigilance et iatrogénie - CREDIMI, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1604662021-05-10T17:33:06Z2021-05-10T17:33:06ZL’effet ambivalent de la réputation des entreprises sur leurs décisions d’acquisitions internationales<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/399183/original/file-20210506-19-k1fdm1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C134%2C773%2C531&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La réputation de LVMH a constitué un atout majeur du groupe de luxe pour acquérir Tiffany début 2021.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La réputation des entreprises fait l’objet d’une <a href="https://business.lesechos.fr/directions-marketing/communication/e-reputation/0603305615362-reputation-des-entreprises-l-ere-du-bulletin-de-notes-337866.php">attention croissante</a>, de la part des entreprises elles-mêmes qui cherchent à l’améliorer ou à la préserver, mais également de la part de leurs parties prenantes. Pour les consommateurs, par exemple, la réputation d’une entreprise représente un <a href="https://doi.org/10.1016/j.jbusvent.2019.06.005">indicateur de la qualité</a> des produits ou des services proposés. Pour les organisations non gouvernementales (ONG), la réputation constitue un <a href="https://theconversation.com/three-ways-sports-direct-can-rebuild-its-reputation-65703">levier</a> sur lequel elles peuvent s’appuyer pour infléchir les actions d’une entreprise, par exemple en pointant du doigt son <a href="https://theconversation.com/droits-de-lhomme-limpact-indirect-des-multinationales-dans-les-pays-emergents-123384">impact social</a> ou environnemental.</p>
<p>La réputation d’une entreprise, définie comme la perception par ses parties prenantes de sa capacité à créer de la valeur, peut être considérée comme un signal. Celui-ci est important dans la mesure où il existe une asymétrie d’information entre l’entreprise et ses parties prenantes.</p>
<p>Par exemple, les consommateurs ne connaissent pas toujours les conditions dans lesquelles sont produits les biens ou les services qu’ils consomment. De même, les actionnaires ne connaissent pas forcément la capacité d’une entreprise à réussir une acquisition ou une entrée sur un marché étranger. De fait, selon l’économiste américain Joseph Stiglitz, des asymétries d’information apparaissent à chaque fois que <a href="https://www.nobelprize.org/uploads/2018/06/stiglitz-lecture.pdf">« différentes personnes savent des choses différentes »</a>.</p>
<h2>Exploiter les avantages concurrentiels</h2>
<p>Dans ce contexte, la réputation fournit donc un signal de qualité, lorsqu’une partie n’est pas pleinement consciente des caractéristiques d’une autre, ou un signal d’intention, lorsqu’une partie n’est pas pleinement consciente des intentions de l’autre. La réputation va donc jouer un <a href="https://theconversation.com/americas-worsening-global-reputation-could-put-billions-in-us-exports-at-risk-78152">rôle crucial</a> dans la vie des entreprises et en particulier <a href="https://doi.org/10.1080/00208825.2017.1241086">influencer leurs performances</a> et leurs stratégies.</p>
<p>Dans une <a href="https://doi.org/10.1016/j.jbusres.2021.03.044">étude</a> récente publiée dans <em>Journal of Business Research</em>, nous étudions, à partir d’une base de données longitudinale de 869 acquisitions réalisées par des multinationales européennes et américaines, l’influence de la réputation des entreprises sur leurs décisions en matière d’acquisitions internationales, qui constituent l’un des <a href="https://unctad.org/fr/node/31916">modes de croissance internationale privilégiés</a> par les entreprises. En effet, les acquisitions leur permettent d’exploiter leurs avantages concurrentiels tout en limitant les risques d’une entrée sur un marché <em>ex nihilo</em>, sans partenaire local.</p>
<p>D’ailleurs, en dépit de la crise sanitaire et économique, les acquisitions internationales restent d’actualité. Ainsi, l’enseigne de grande distribution Carrefour a annoncé il y a quelques semaines le <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/a-suivre-aujourdhui-carrefour-1397954">rachat de Grupo Big</a>, numéro 3 de la distribution alimentaire au Brésil. Le laboratoire pharmaceutique Sanofi a, de son côté, récemment annoncé <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/sanofi-acquiert-une-biotech-americaine-specialisee-dans-larn-messager-1399795">l’acquisition de Tidal Therapeutics</a>, une entreprise américaine spécialisée dans l’ARN messager.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/399180/original/file-20210506-17-evd7jz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/399180/original/file-20210506-17-evd7jz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/399180/original/file-20210506-17-evd7jz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/399180/original/file-20210506-17-evd7jz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/399180/original/file-20210506-17-evd7jz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/399180/original/file-20210506-17-evd7jz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/399180/original/file-20210506-17-evd7jz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le rachat du numéro 3 brésilien de la distribution alimentaire par l’enseigne Carrefour montre que les acquisitions internationales restent d’actualité malgré la crise.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Damien Meyer/AFP</span></span>
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<p>Notre étude aboutit à deux résultats significatifs. Tout d’abord, nous montrons que la réputation a un effet ambivalent sur les décisions des entreprises de réaliser des acquisitions internationales. Une bonne réputation de l’acquéreur va représenter un actif intangible qui va constituer un signal pour les parties prenantes et réduire l’asymétrie d’information. Nous identifions ainsi un effet avantage lié à la réputation, qui va contrebalancer le désavantage lié au fait d’être une entreprise étrangère et qui va permettre à l’acquéreur de saisir des opportunités sur de nouveaux marchés.</p>
<p>Par exemple, la très <a href="https://www.reptrak.com/rankings/">bonne réputation de LVMH</a> dans le domaine du luxe, ainsi que celle de fin stratège de son PDG, ont constitué des <a href="https://www.nytimes.com/2020/10/30/business/bernard-arnault-lvmh-tiffany-battle.html">atouts majeurs</a> pour l’acquisition de la société américaine Tiffany début 2021, la plus importante opération jamais réalisée dans ce secteur.</p>
<p>Toutefois, une bonne réputation va également être synonyme d’attentes élevées de la part des parties prenantes, qui peuvent dissuader l’acquéreur potentiel de s’engager dans une opération stratégique risquée. Nous identifions ainsi un effet préservation de la réputation. Un échec de l’acquisition internationale, possible lorsque l’on sait que la plupart des acquisitions internationales <a href="https://hbr.org/2020/03/dont-make-this-common-ma-mistake">se soldent par un échec</a>, pourrait en effet dégrader la réputation de l’acquéreur.</p>
<p>Ainsi, l’échec de l’intégration de la chaîne britannique The Body Shop dans le groupe L’Oréal, acquise en 2006 et revendue en 2017, a <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/mode-luxe/les-sept-grands-defis-du-nouveau-patron-de-loreal-1311289">freiné les ambitions</a> du groupe français en matière de cosmétiques bio.</p>
<h2>Surmonter les risques</h2>
<p>En définitive, la réputation a bien un effet ambivalent sur les stratégies d’expansion internationale des entreprises. Une bonne réputation accroît la probabilité que les entreprises effectuent des acquisitions internationales mais la crainte de dégrader une excellente réputation réduit cette probabilité.</p>
<p>Notre étude montre ensuite que les connaissances et le savoir-faire acquis lors des expériences internationales passées, une autre ressource intangible des entreprises, vont interagir avec la réputation dans la décision d’une entreprise de réaliser des acquisitions internationales. L’expérience internationale va renforcer les deux effets identifiés auparavant.</p>
<p>Les entreprises ayant déjà une expérience significative à l’international et dotées d’une bonne réputation seront plus à même de réussir leurs acquisitions internationales et la probabilité qu’elles prennent ce type de décision sera plus élevée.</p>
<p>Toutefois, davantage d’expérience signifie également pour l’entreprise une meilleure connaissance des risques associés aux acquisitions internationales et donc, à partir d’un certain niveau de réputation, une plus grande prudence face à des choix stratégiques risqués. De la même façon, une entreprise cumulant faible expérience internationale et faible réputation aura une très faible probabilité de s’engager dans une acquisition internationale.</p>
<p>En conclusion, nos résultats permettent de mieux comprendre l’influence de la réputation sur les choix stratégiques des entreprises, et en particulier leurs choix d’expansion internationale. Ils montrent que la réputation est une ressource qui va permettre à l’entreprise de <a href="https://hbr.org/2017/04/prestigious-firms-make-riskier-acquisitions-than-other-firms">surmonter les risques et les coûts</a> liés à une acquisition internationale, par l’envoi d’un signal qui permettra de réduire l’asymétrie d’information et donc de rassurer les parties prenantes.</p>
<p>Mais nos travaux suggèrent également que les dirigeants font un arbitrage entre l’avantage qu’ils peuvent retirer d’une bonne réputation et les risques en termes de réputation liés à des décisions stratégiques périlleuses. La perception des dirigeants de leur marge de manœuvre stratégique est donc influencée par la réputation de leurs entreprises.</p>
<p>Prendre conscience de cette influence est important car cela permet aux dirigeants de mieux comprendre ce qui guide leurs décisions, et ainsi de surmonter leurs réticences ou leurs craintes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/160466/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Selon une étude, une bonne réputation de l’acquéreur peut favoriser la prise de risque tout comme elle peut conduire à une plus grande prudence dans ce type d’opération.Olivier Lamotte, Professeur en économie et stratégie internationales - Professor of international economics and strategy, EM NormandieAna Colovic, Professeur de stratégie et de management international/ Professor of Strategy and International Business, Neoma Business SchoolLudivine Chalencon, Maître de conférences, finance et comptabilité, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3Ulrike Mayrhofer, Professeur des Universités en Sciences de Gestion à l'IAE Nice, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1606342021-05-10T17:32:38Z2021-05-10T17:32:38ZCovid-19 : la levée des brevets sur les vaccins, remède miracle ou mirage ?<p>Mercredi 5 mai, le président des États-Unis, Joe Biden, a annoncé à la surprise générale que l’administration américaine soutenait désormais la <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20210506-covid-19-le-soutien-am%C3%A9ricain-%C3%A0-une-lev%C3%A9e-des-brevets-sur-les-vaccins-suscite-l-espoir-en-afrique">levée provisoire des brevets sur les vaccins contre la Covid-19</a> pour accélérer la lutte contre la pandémie. Quelques heures plus tard en France, le président de la République Emmanuel Macron lui emboîtait le pas, appelant à faire de la recette du traitement <a href="https://www.bfmtv.com/sante/covid-19-comment-emmanuel-macron-a-change-d-avis-sur-la-levee-des-brevets-des-vaccins_AN-202105070204.html">« un bien public mondial »</a>.</p>
<p>Avec ces revirements, les États-Unis et la France ont rejoint une liste de plusieurs pays, <a href="https://www.courrierinternational.com/article/controverse-faut-il-lever-les-brevets-sur-les-vaccins-contre-le-covid-19">comme l’Inde et l’Afrique du Sud</a>, qui réclamaient depuis plusieurs semaines à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) de renégocier les règles de la propriété intellectuelle pour en exclure temporairement les vaccins contre la Covid-19.</p>
<p>Cependant, on peut s’interroger sur la multiplication de ces demandes de dérogation. En effet, des mécanismes en faveur de la sauvegarde de la santé publique et des outils permettant de passer outre les brevets des médicaments existent déjà dans les textes internationaux.</p>
<h2>Des dérogations possibles depuis 1953</h2>
<p>Le brevet d’invention est un titre de propriété industrielle octroyé pour <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041573176">vingt ans</a>, qui protège une <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000019298703">invention nouvelle, inventive et susceptible d’application industrielle</a>. Il confère à son détenteur un monopole d’exploitation et plus précisément le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000028716778/">droit de s’opposer à toute utilisation de l’invention</a> par un tiers non autorisé. Seul le titulaire du brevet peut donc choisir la personne qui pourra reproduire son invention, louer le brevet (licence) ou le vendre (cession).</p>
<p>Les médicaments, et plus précisément les spécialités pharmaceutiques (dont font partie les vaccins) bien qu’étant des produits à part – des biens de santé – constituent aussi des biens marchands, industriels, qui en tant que tels peuvent être protégés par un ou des brevets d’invention. En général, une multitude de brevets protège un médicament : des brevets sur la molécule elle-même (invention de produit), des brevets sur le procédé de fabrication (invention de procédé), des brevets sur l’indication du médicament (brevet d’application) et même sur les combinaisons de médicaments.</p>
<p>Cet ensemble de brevets, que l’on désigne parfois sous le terme de « grappe de brevets » a pour but de protéger l’invention que représente le médicament et surtout le capital investi dans son développement, car celui-ci dépasse désormais le milliard d’euros. En effet, le coût de développement d’un médicament est passé de 0,8 milliard de dollars en 2003 à <a href="https://www.cae-eco.fr/innovation-pharmaceutique-comment-combler-le-retard-francais">plus de 2,5 milliards en 2016</a>.</p>
<p>En France, le gouvernement avait compris <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000485778">dès 1953</a> qu’octroyer un brevet portant sur un médicament pouvait être problématique, en particulier s’il conduisait à une production insuffisante de médicament – ce qui est actuellement le cas avec les vaccins contre la Covid-19 – ou à un prix trop élevé. Il avait alors permis de déroger au droit du brevet dans l’intérêt des patients, c’est-à-dire autorisé que l’invention brevetée puisse, très exceptionnellement, être fabriquée par un tiers intéressé, avec ou sans l’accord du titulaire du brevet. Le principe de la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006279494">licence d’office dans l’intérêt de la santé publique</a> était né, comme une nouvelle arme entre les mains de l’État au service de l’intérêt général.</p>
<p>Désormais, cette licence existe dans <a href="https://www.wipo.int/edocs/mdocs/scp/fr/scp_30/scp_30_3-main1.pdf">156 autres pays</a>. En droit international, la quatrième Conférence ministérielle de l’OMC à Doha du 14 novembre 2001 avait adopté une déclaration sur l’application des Aspects des droits de propriété intellectuelle liés au commerce (ADPIC) dans le contexte de la santé publique, qui prévoit expressément la possibilité pour les États de recourir à ce type de licence en cas d’épidémie comme celle que nous connaissons.</p>
<p>En dehors de cette licence d’office, qui vise le territoire national, il est aussi possible de produire des médicaments et de les exporter vers des pays connaissant de graves problèmes de santé publique, en outrepassant le brevet, grâce à une autre licence : la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006279496">licence obligatoire</a>.</p>
<h2>Des usines déjà sous tension</h2>
<p>Mais la mise en œuvre de telles licences serait-elle aujourd’hui efficace pour favoriser l’égal accès de tous aux doses de vaccin ? La solution, justifiée au nom de l’éthique et du bien commun, s’avère en réalité discutable. En effet, le brevet n’apparaît pas comme un facteur limitant, à la différence de la production des matières premières (substances actives et excipients) et de l’enflaconnage de ces produits nécessaires à la réalisation du vaccin.</p>
<p>Pour que cette levée des brevets soit efficace, des laboratoires façonniers devraient déjà être dans les starting-blocks à travers le monde et donc prêts à produire les vaccins. Cela aurait peut-être pu être le cas avec des technologies classiques – et encore – mais pas avec des technologies disruptives comme celle de l’ARN messager que des tiers ne parviendraient pas forcément à produire dans l’immédiat en cas de levée des brevets. En d’autres termes, détruire le monopole d’exploitation dont jouit le titulaire du brevet ne permettrait pas l’acquisition de la technologie.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/399703/original/file-20210510-5598-joire6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/399703/original/file-20210510-5598-joire6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/399703/original/file-20210510-5598-joire6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/399703/original/file-20210510-5598-joire6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/399703/original/file-20210510-5598-joire6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/399703/original/file-20210510-5598-joire6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/399703/original/file-20210510-5598-joire6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Depuis 2001, l’Organisation mondiale du commerce prévoit des possibilités d’outrepasser les règles de propriété intellectuelle en cas d’épidémie telle que la Covid-19.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Les cas où une invention est susceptible d’être exploitée à la seule lecture du brevet restent exceptionnels : le brevet ne contient que très peu de détails techniques et le savoir-faire s’adapte en fonction des circonstances particulières de son exploitation. Il faudrait ainsi des mois de rétro-ingénierie ou alors il faudrait forcer les laboratoires à faire un véritable transfert de technologie. Quand bien même, cela prendrait encore une fois des mois pour reconvertir des usines pour produire l’ARN messager et les excipients, et bien plus pour construire <em>de novo</em> une usine.</p>
<p>Quant aux usines d’enflaconnages, beaucoup sont déjà sous tension ou <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20210426-%C3%A9tats-unis-sanofi-s-associe-%C3%A0-moderna-pour-produire-jusqu-%C3%A0-200-millions-de-doses-de-vaccin">produisent déjà des vaccins sous licence</a>. Pourrait-on en trouver d’autres, au risque d’arrêter des lignes de production de médicaments injectables essentiels pour le traitement d’autres pathologies ?</p>
<h2>Course aux matières premières</h2>
<p>De surcroît, un autre problème surviendrait si les brevets étaient levés et si quelques hypothétiques laboratoires étaient prêts : les laboratoires façonniers disposeraient-ils, dans le cas des vaccins d’AstraZeneca et Janssen, des mêmes vecteurs viraux qui permettent de faire entrer un fragment du matériel génétique du virus SARS-CoV-2 dans une cellule pour déclencher <em>in fine</em> une réponse immunitaire ? Si cela n’était pas le cas, de nouveaux essais cliniques seraient nécessaires…</p>
<p>Autre problème, pour des vaccins comme ceux de Pfizer ou de Moderna, il pourrait se produire une course aux matières premières, notamment sur les excipients lipidiques, les substances qui protègent l’ARN messager et lui permettent de rentrer dans nos cellules, ce qui impacterait très négativement la production globale.</p>
<p>Mais ce problème inquiète désormais peu les États-Unis alors que <a href="https://ourworldindata.org/covid-vaccinations?country=USA">presque 50 % des Américains ont reçu au moins une dose de vaccins</a>… Cela pourrait d’ailleurs expliquer le revirement de position outre-Atlantique sur la levée des brevets.</p>
<p>Ainsi, on voit clairement que cette levée des brevets résoudra difficilement la question de l’accès au vaccin. Il ne s’agit pas d’une solution miracle mais plutôt d’un mirage quelque peu démagogique. Il n’est pas souhaitable de se focaliser aujourd’hui sur les brevets, mais plutôt sur les capacités de production et sur la souveraineté pharmaceutique.</p>
<p>Il est indispensable qu’un maximum de pays ait la capacité de subvenir à leurs besoins en matière de médicaments par la mise en œuvre de productions locales, et c’est seulement quand ces capacités existeront qu’une éventuelle levée de brevet pourrait être utile.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/160634/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La suspension temporaire de la propriété intellectuelle réclamée par Washington et Paris entraînerait une longue réorganisation de la production incompatible avec l’urgence qu’exige la pandémie.Clotilde Jourdain-Fortier, Professeur en droit international économique - CREDIMI, Université de Bourgogne – UBFCMathieu Guerriaud, Maître de conférences en Droit pharmaceutique et de la santé, pharmacovigilance et iatrogénie - CREDIMI, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.