tag:theconversation.com,2011:/us/topics/integration-21754/articlesintégration – The Conversation2024-02-21T15:45:16Ztag:theconversation.com,2011:article/2216342024-02-21T15:45:16Z2024-02-21T15:45:16ZRéfugiés : favoriser l’intégration sur le marché du travail par la reconnaissance des compétences<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/570595/original/file-20240122-27-hhoewy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=66%2C17%2C2038%2C1302&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le Passeport européen des qualifications pour les réfugiés, lancé en 2018, constitue un exemple d’initiative pour une meilleure adéquation entre l’offre et la demande sur le marché du travail.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://search.coe.int/directorate_of_communications/Pages/result_details.aspx?ObjectId=0900001680796fc0">Communiqué de presse du Conseil de l’Europe (2018)</a></span></figcaption></figure><p>La question de <a href="https://cordis.europa.eu/article/id/415479-migration-and-migrant-integration-enabling-knowledge-based-approaches-to-migration-policy">l’intégration des réfugiés</a>, définis comme des personnes qui ont fui leur pays d’origine en quête de protection et de sécurité dans un autre pays et sans possibilité de retour, a pris de l’importance en Europe au cours de la dernière décennie. Ces personnes ont souvent vécu l’expérience traumatisante de tout perdre et se retrouvent dans un pays qu’elles n’ont pas choisi. Contrairement aux migrants volontaires, les réfugiés sont donc confrontés à des défis uniques en termes d’intégration sociale et économique.</p>
<p>Dans le même temps, les élections nationales en Europe continuent de refléter une <a href="https://theconversation.com/the-impact-of-immigration-on-eu-countries-nationalistic-sentiments-117632">forte opposition à la migration en général</a> et aux migrants réfugiés en particulier. Les gouvernements nationaux ont tendance à adopter des mesures politiques très conservatrices, souvent fondées sur l’hypothèse qu’un afflux de réfugiés constitue une menace pour la société d’accueil.</p>
<p>L’adoption récente de la <a href="https://theconversation.com/comment-la-loi-immigration-souligne-de-graves-dysfonctionnements-democratiques-220301">loi sur l’immigration</a> par le parlement français illustre cette évolution vers un paysage plus restrictif pour les réfugiés et les organisations qui les soutiennent. Les tentatives des gouvernements italien et britannique d’établir des centres d’accueil de réfugiés en Albanie et au Rwanda, respectivement, témoignent d’un changement de politique similaire.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1136791844170457088"}"></div></p>
<p>Pourtant, une importante <a href="https://www.unhcr.org/fr-fr/sites/fr-fr/files/2023-06/UNHCR_Rapport_2023_quanti_pages_V5.pdf">étude</a> publiée en juin 2023 par l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) suggère qu’il existe une demande émergente de talents réfugiés dans le secteur privé. Réalisée à partir d’une enquête en ligne menée auprès d’entreprises françaises, l’étude a sollicité 225 entreprises et a révélé une volonté et un intérêt notables de la part de ces entreprises pour le recrutement des réfugiés. L’enquête englobe un large éventail d’industries, avec dix-sept secteurs représentés, dont le secteur des services, le commerce, l’industrie manufacturière et la construction.</p>
<h2>Un contexte de pénurie de main-d’œuvre</h2>
<p>La figure ci-dessous résume les principales conclusions de l’enquête : 44 % des entreprises interrogées se déclarent mobilisées en faveur des réfugiés. Quant aux 49 % des entreprises qui répondent le contraire, elles l’expliquent principalement par un manque d’information sur le sujet ou l’absence d’opportunité et/ou de partenariat.</p>
<p><iframe id="ZMOvB" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ZMOvB/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En outre, 71 % des entreprises indiquent qu’elles embaucheraient des travailleurs réfugiés si certains obstacles étaient levés. Surmonter les obstacles linguistiques, permettre aux réfugiés d’accéder au marché du travail et combler les lacunes en matière d’information auprès des employeurs potentiels faciliterait donc l’intégration économique et sociale des réfugiés dans le pays d’accueil.</p>
<p>Dans le contexte actuel de <a href="https://www.data.gouv.fr/fr/reuses/penurie-de-main-doeuvre-quels-sont-les-metiers-sous-tension-spallian/">pénurie de main-d’œuvre</a>, ces réfugiés pourraient de surcroît combler des emplois laissés vacants par les autochtones. Mieux, ils pourraient contribuer positivement au marché du travail en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0022199613001268">renforçant la diversité des compétences</a> productives dans l’économie de destination.</p>
<h2>Des opportunités limitées</h2>
<p>Les gains pour l’économie d’accueil apparaissent potentiellement importants, mais ils restent actuellement théoriques car les réfugiés ont environ <a href="https://academic.oup.com/joeg/article-abstract/22/2/351/6370048?redirectedFrom=fulltext">12 % de chances de moins d’avoir un emploi</a> que les migrants volontaires aux caractéristiques similaires, et cet écart persiste jusqu’à 10 ans après l’immigration.</p>
<p>En effet, outre le profond traumatisme lié au déplacement forcé, les réfugiés sont souvent confrontés à la <a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/amd.2020.0157">difficulté de faire connaître leurs compétences</a>, leurs qualifications et leur expérience lorsqu’ils cherchent un emploi dans les pays d’accueil. Cet obstacle <a href="https://www.researchgate.net/profile/Betina-Szkudlarek/publication/340257562_Unveiling_the_Canvas_Ceiling_A_Multidisciplinary_Literature_Review_of_Refugee_Employment_and_Workforce_Integration/links/5f7fc2e292851c14bcb8ea16/Unveiling-the-Canvas-Ceiling-A-Multidisciplinary-Literature-Review-of-Refugee-Employment-and-Workforce-Integration.pdf">limite inévitablement leur accès aux opportunités d’emploi</a> souhaitées et correspondantes à leurs parcours.</p>
<p>Comment commencer à remédier à cette inadéquation ? Il existe actuellement deux approches complémentaires. La première consiste à améliorer les compétences linguistiques en les associant à une formation professionnelle ou à un enseignement complémentaire. Parler la langue du pays d’accueil permet aux réfugiés de s’inscrire dans le système éducatif et <a href="https://www.nber.org/system/files/working_papers/w30534/w30534.pdf">facilite la transférabilité de leurs compétences</a>.</p>
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<p>La Délégation interministérielle à l’accueil et à l’intégration des réfugiés (Diair) fournit ainsi des <a href="https://accueil-integration-refugies.fr/wp-content/uploads/2018/06/Strat%C3%A9gie-int%C3%A9gration-V050618-Logos.pdf">informations détaillées</a> sur l’accès des réfugiés et des autres migrants à l’enseignement des langues et à la formation professionnelle. Récemment, <a href="https://start.lesechos.fr/apprendre/universites-ecoles/sciences-po-dauphine-les-ponts-comment-ces-ecoles-aident-des-refugies-a-sintegrer-2013469?xtor=CS2-13">divers programmes ont également vu le jour</a> dans les établissements d’enseignement, offrant aux réfugiés la possibilité de poursuivre leurs études et d’améliorer leur employabilité.</p>
<p>La deuxième approche consiste à aider les réfugiés à mettre en valeur leurs compétences et aptitudes existantes. Le <a href="https://rm.coe.int/sample-eqpr-/16809874fb">Passeport européen des qualifications pour les réfugiés</a>, lancé en 2018, constitue par exemple aujourd’hui un moyen de faire valoir leurs qualifications auprès d’employeurs potentiels. Bien que le document ne serve pas de reconnaissance des compétences professionnelles effectives des réfugiés, il décrit efficacement le parcours éducatif, l’expérience professionnelle antérieure et les compétences linguistiques du demandeur sur la base des informations dont il dispose.</p>
<p>La diversité des systèmes d’éducation et de qualification d’un pays à l’autre nécessite des méthodes d’évaluation des compétences plus ciblées et plus ambitieuses. Ces méthodes permettraient d’aligner les compétences et les qualifications des réfugiés sur les exigences spécifiques du pays d’accueil et les besoins des entreprises, favorisant ainsi un processus d’appariement plus efficace.</p>
<h2>Une solution gagnant-gagnant</h2>
<p>Une évaluation et une reconnaissance efficaces des compétences des réfugiés peuvent présenter de nombreux avantages. Pour les réfugiés, cela signifie éviter la dévaluation de leurs compétences et permettre une intégration rapide sur le marché du travail souhaité sans avoir besoin de poursuivre des études. Les entreprises peuvent quant à elles bénéficier d’un accès plus efficace aux qualifications dont elles ont besoin et obtenir des informations plus fiables.</p>
<p>En outre, mobiliser le potentiel inexploité de la main-d’œuvre réfugiée peut contribuer à atténuer les pénuries observées aujourd’hui dans divers secteurs. Enfin, d’un point de vue sociétal et économique, faciliter l’accès rapide à l’emploi peut non seulement alléger le fardeau des systèmes de protection sociale, mais aussi favoriser la cohésion sociale. Cela contribuerait par la suite à modifier le discours et les perceptions négatives que les autochtones ont généralement à l’égard des réfugiés.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Cette contribution est publiée en partenariat avec le <a href="https://www.printempsdeleco.fr/">Printemps de l’Économie</a>, cycle de conférences-débats qui se tiendront du mardi 2 au vendredi 5 avril au Conseil économique social et environnemental (Cese) à Paris. Retrouvez ici le <a href="https://www.printempsdeleco.fr/12e-edition-2024">programme complet</a> de l’édition 2024, intitulée « Quelle Europe dans un monde fragmenté ? ».</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221634/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Simone Moriconi est membre de l'IESEG School of Management (LEM UMR-9221), de l'Institut Convergences Migrations, et du CESifo Munich. Il a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Juan Munoz Morales est membre de de l'ÉSEG School of Management (LEM UMR-9221), et de IZA. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Farah Kodeih ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les réfugiés, qui ont environ 12% de chances de moins d’avoir un emploi que les migrants volontaires, peinent à faire valoir leurs formations et expériences passées dans leurs pays d’accueil.Simone Moriconi, Full professor, IÉSEG School of ManagementFarah Kodeih, Associate professor of strategy, IÉSEG School of ManagementJuan Munoz Morales, Assistant Professor of Economics, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2199242023-12-21T17:42:22Z2023-12-21T17:42:22Z1882-1932 : les migrations vues à travers l’histoire des occupants du quartier de la Plaine-Saint-Denis<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/565838/original/file-20231214-23-ztwtum.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1012%2C567&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Carte postale de la Plaine-Saint-Denis, avenue de Paris, quartier de l'Étoile. Vers 1900. Photo Neurdein.</span> </figcaption></figure><p><em>Fabrice Langrognet est historien des migrations à l’Université d’Oxford et à l’Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne. Il est l’auteur de l’ouvrage <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/voisins_de_passage-9782348077463">« Voisins de passage – Une microhistoire des migrations »</a> (éditions La Découverte, 2023) dans lequel, à travers une impressionnante analyse d’archives, il retrace l’histoire des occupants des immeubles des 96-102, avenue de Paris (devenue l’avenue du Président-Wilson) à la Plaine-Saint-Denis, entre 1882 et 1932. En nous livrant ainsi une microhistoire de ces nouveaux arrivants, il nous éclaire sur leurs relations interpersonnelles et sur la place qu’occupaient l’origine et la nationalité dans leur quotidien.</em></p>
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<p><strong>Vous décrivez dans votre ouvrage les phénomènes de « francisation » qui s’opéraient chez les immigrés de la Plaine Saint-Denis. Peut-on pour autant parler d’assimilation à cette époque ?</strong></p>
<p><strong>F. L.</strong> : Du point de vue juridique, ce n’est qu’à partir de 1927 que les formulaires de naturalisation comportent des éléments d’appréciation relatifs à « l’assimilation » des étrangers et des étrangères qui aspirent à devenir des citoyens français. Ainsi, un formulaire de demande – parmi tant d’autres – renseigné à la Plaine-Saint-Denis en 1930 et signé par le commissaire de police du quartier indique, au sujet d’un ouvrier estrémègne d’une vingtaine d’années :</p>
<p>« Parle notre langue couramment/Est assimilé/Vit dans un milieu espagnol/Fréquente nos nationaux/Est susceptible d’une assimilation complète. »</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/565822/original/file-20231214-25-mdlz5x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/565822/original/file-20231214-25-mdlz5x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565822/original/file-20231214-25-mdlz5x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=981&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565822/original/file-20231214-25-mdlz5x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=981&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565822/original/file-20231214-25-mdlz5x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=981&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565822/original/file-20231214-25-mdlz5x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1233&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565822/original/file-20231214-25-mdlz5x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1233&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565822/original/file-20231214-25-mdlz5x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1233&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« Voisins de passage. Une microhistoire des migrations », de Fabrice Langrognet, paru le 28 septembre 2023 aux éditions La Découverte.</span>
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<p>Pour autant, il ne faudrait pas en tirer de conclusions hâtives qui pécheraient par anachronisme : à l’époque, ces considérations ne constituent <a href="https://www.theses.fr/2009EHES0059">pas encore des critères d’accession à la nationalité</a> ou au séjour sur le territoire national. L’analyse systématique des dossiers de naturalisation montre que ni une faible connaissance de la langue française, ni des fréquentations dans un milieu exclusivement étranger ne constituent alors des obstacles à la naturalisation.</p>
<p>Ce qui intéresse alors les autorités françaises, c’est <a href="https://www.cairn.info/revue-plein-droit-2020-3-page-36.htm">avant tout le sexe et l’âge du demandeur</a> – en vue de son service militaire – et la circonstance qu’il ait ou non des enfants mâles, qui seront les futurs conscrits de la République. Il n’y a guère qu’un casier judiciaire particulièrement fourni qui puisse entraver le processus de naturalisation ; à supposer, bien entendu, que l’administration parvienne à retrouver la trace des condamnations de l’intéressé, ce qui est loin d’être toujours le cas.</p>
<p><strong>Votre livre souligne que la manière dont les gens venus d’ailleurs s’insèrent dans le tissu social du quartier que vous avez étudié ne se réduit pas à la seule question de la nationalité. Pouvez-vous dire un mot des logiques socioculturelles qui sont à l’œuvre ?</strong></p>
<p><strong>F. L.</strong> : Au tournant du XX<sup>e</sup> siècle, l’insertion sociale des nouveaux venus – provinciaux, étrangers, coloniaux – dans cette banlieue industrielle en effervescence qu’est la Plaine-Saint-Denis n’est que très imparfaitement corrélée à la citoyenneté juridique, qui est somme toute un enjeu assez marginal… jusqu’à ce que la guerre en fasse une question de vie ou de mort.</p>
<p>Ce qu’explore notamment mon ouvrage, c’est précisément que la transformation des hommes, des femmes et des enfants migrants en « gens d’ici » est complexe, réversible et tient à des paramètres multiples : réseaux de solidarité, ancienneté sur place, respectabilité (familiale, professionnelle, commerçante, militaire à l’issue de la Première Guerre mondiale), mais aussi contrastes qui peuvent se faire jour avec d’autres familles, notamment celles qui sont plus fraîchement arrivées. Le statut social inférieur de ces dernières favorise, dans les hiérarchies sociales et les représentations, l’intégration symbolique relative de celles qui les ont précédées, lesquelles deviennent du même coup moins étrangères, plus locales – et ce, quelle que soit leur nationalité.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/566341/original/file-20231218-19-y966zi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566341/original/file-20231218-19-y966zi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566341/original/file-20231218-19-y966zi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566341/original/file-20231218-19-y966zi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566341/original/file-20231218-19-y966zi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566341/original/file-20231218-19-y966zi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566341/original/file-20231218-19-y966zi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Sortie des ouvriers de la verrerie Legras à la Plaine-Saint-Denis au début du XXᵉ siècle. Malgré des conditions de travail particulièrement rudes, l’usine offre alors une possibilité d’embauche à des centaines de nouveaux arrivants.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Plaine_Saint-Denis.Verrerie_Legras.jpg">Wikimedia</a></span>
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<p>Bien connu des sociologues et des anthropologues des migrations, <a href="https://www.fayard.fr/livre/logiques-de-lexclusion-9782818506745/">ce mécanisme</a> d’intégration relative n’est pas facile à documenter à plus d’un siècle de distance. Mais ces déplacements socioculturels sont essentiels car lorsqu’on combine leur analyse, comme je m’y suis employé, avec celle des déplacements des individus à travers l’espace, ils nous permettent d’enrichir et d’affiner notre compréhension des phénomènes migratoires de jadis, trop souvent réduits à des faits stylisés et désincarnés.</p>
<p><strong>Avez-vous identifié des tensions particulières entre les immigrés issus des colonies françaises et les occupants déjà installés à la Plaine-Saint-Denis ?</strong></p>
<p><strong>F. L.</strong> : Si des sujets coloniaux originaires du Maghreb, notamment kabyles, sont présents à Paris dès les premières années du XX<sup>e</sup> siècle (<a href="https://www.la-croix.com/Actualite/France/L-immigration-maghrebine-en-France-_NG_-2009-11-13-600867">où ils sont notamment employés au creusement des lignes du métro</a>), il faut attendre la Première Guerre mondiale pour que leur nombre s’accroisse de façon significative. Les autorités militaires françaises, comme au reste leurs homologues britanniques, recourent en effet largement à l’Empire pour se fournir en combattants, mais aussi pour <a href="https://www.histoire-immigration.fr/les-etrangers-dans-les-guerres-en-france/l-appel-aux-travailleurs-etrangers-coloniaux-et-chinois-pendant-la-grande-guerre">répondre aux besoins considérables de main-d’œuvre</a> d’une industrie de l’armement qui devient rapidement titanesque.</p>
<p>À la Plaine-Saint-Denis, en 1918, un dépôt de travailleurs tunisiens affectés au tri des vêtements militaires voisine avec les baraquements tout proches de recrues indochinoises chargées d’entretenir et de réparer les vois ferrées endommagées par les bombardements ennemis. Attestée par divers incidents, la <a href="https://www.cairn.info/revue-migrations-societe-2014-6-page-51.htm">xénophobie à l’égard de ces sujets coloniaux est réelle, mais elle ne doit pas être exagérée</a>. Comme le livre le souligne, les sources gardent la trace de nombreuses relations amicales et amoureuses qui se nouent entre les « Plainards » bien établis et ces migrants venus de plus loin qu’auparavant.</p>
<p>Un élément intéressant à relever ici est qu’en l’espèce, le gouvernement français met en œuvre à l’égard des ouvriers issus de l’Empire colonial une politique délibérée de « non-intégration », pour ainsi dire. Dans l’espace urbain, ces hommes sont en effet <a href="https://www.histoire-immigration.fr/integration-et-xenophobie/enregistrer-et-identifier-les-etrangers-en-france-1880-1940">ségrégués et soumis à un contrôle étroit</a> : il ne faut surtout pas que les ressortissants de l’Empire (auxquels les ouvriers chinois sont assimilés, à leur grand dam), dont le séjour n’a pas vocation à se prolonger au-delà de la fin du conflit, se mêlent à la population locale. Il s’agit d’abord d’éviter qu’ils ne goûtent à une liberté qui pourrait leur donner des idées d’émancipation politique après la guerre. Ensuite, on veut faire obstacle à leur promiscuité sexuelle avec les femmes françaises, une question particulièrement sensible qui fait rejouer en métropole des enjeux de race et de genre qui avaient été jusque-là cantonnés au contexte colonial.</p>
<p><strong>Vues comme rebelles vis-à-vis de l’autorité, les banlieues ont aujourd’hui une mauvaise image au sein de la société ; cela a-t-il toujours été le cas ?</strong></p>
<p><strong>F. L.</strong> : Ce n’est pas d’aujourd’hui que la banlieue fait l’objet de stéréotypes, souvent dépréciatifs. Mais il ne faut pas oublier qu’au XIX<sup>e</sup> siècle, ce sont longtemps les faubourgs parisiens de l’est et du sud qui cristallisent les peurs des élites, car c’est là que se hérissent régulièrement les barricades à partir de la Révolution française et que se concentre une population dense, migrante et très politisée, à laquelle on n’hésite pas à prêter toute une série de vices et de mœurs interlopes.</p>
<p>À partir de la construction des <a href="https://books.openedition.org/psorbonne/2381?lang=fr">fortifications de Thiers</a> au milieu du XIX<sup>e</sup> siècle et l’<a href="https://books.openedition.org/ined/1576?lang=fr">industrialisation de la petite couronne</a>, la banlieue parisienne commence à exercer une fascination nouvelle. Par exemple, <a href="https://theconversation.com/aux-frontieres-de-paris-apprendre-de-la-zone-et-de-ses-conflits-212287">l’association entre délinquance juvénile et banlieue parisienne</a> remonte au moins à la Belle Époque, lorsque les quotidiens nationaux décident de faire leurs choux gras des méfaits supposés de ceux qu’on appelle bientôt les « apaches ».</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566358/original/file-20231218-27-nolq7y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/566358/original/file-20231218-27-nolq7y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566358/original/file-20231218-27-nolq7y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=873&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566358/original/file-20231218-27-nolq7y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=873&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566358/original/file-20231218-27-nolq7y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=873&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566358/original/file-20231218-27-nolq7y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1097&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566358/original/file-20231218-27-nolq7y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1097&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566358/original/file-20231218-27-nolq7y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1097&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une du supplément illustré du <em>Petit Journal</em>, « Mœurs d’apaches », 19 mai 1907.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les historiennes et les historiens ont depuis longtemps montré comment cette délinquance était largement surévaluée et participait d’une mythologie entretenue pour susciter la curiosité des lecteurs. Cette imagerie, qui perdura pendant de longues décennies – que l’on songe au fameux film <a href="https://www.telerama.fr/cinema/casque-d-or_cri-7030069.php">Casque d’Or, de Jacques Becker</a>, sorti en 1952 – se fondit après la Seconde Guerre mondiale dans de nouvelles représentations négatives, nourries par les bidonvilles puis la construction des grands ensembles de logements sociaux.</p>
<p>Sur ces questions, il faut renvoyer au travail précieux de l’<a href="https://www.amulop.org">Association pour un musée du logement populaire</a> qui tâche de restituer, par la microhistoire, l’expérience vécue des habitantes et des habitants de la banlieue populaire à rebours des caricatures.</p>
<p>En ce qui concerne les forces de l’ordre, rien dans les sources du début du XX<sup>e</sup> siècle que j’ai consultées ne permet de détecter des différences significatives de traitement à raison de l’origine des individus, au contraire d’éléments relatifs à l’hygiène, au travail et à la moralité (entendez par là le rapport à l’alcool et à la sexualité réelle ou supposée) qui, eux, suscitent quantité de biais défavorables chez les représentants du système policier et judiciaire.</p>
<p><strong>La nationalité a-t-elle une importance dans les revendications sociales des populations immigrées de l’époque ?</strong></p>
<p><strong>F. L.</strong> : Dans les diverses formes de protestation collective que l’on observe alors à Saint-Denis, l’origine géographique, ethnonationale ou raciale n’est jamais centrale, et encore moins revendiquée, au moins jusqu’à l’entre-deux-guerres et l’arrivée à Saint-Denis, à la toute fin des années 1930, de nombreux réfugiés républicains espagnols.</p>
<p>C’est là une différence intéressante avec l’histoire des migrations aux États-Unis, où l’origine ethnique joue par exemple un <a href="https://www.theses.fr/1991PA040167">rôle important dans les grandes grèves du textile du Massachusetts de 1912</a>.</p>
<p>En vérité, les questions identitaires auxquels les descendants d’immigrés sont aujourd’hui confrontés en France trouvent pour une bonne part leur matrice dans la décolonisation, qui n’intervient qu’après la Seconde Guerre mondiale. Les lectrices et les lecteurs peuvent à cet égard se tourner avec profit vers <a href="https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1977_num_15_1_2561">« Les trois “âges” de l’émigration algérienne en France »</a>, un texte d’Abdelmalek Sayad qui date des années 1970 mais demeure tout à fait fécond aujourd’hui.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219924/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabrice Langrognet est membre de l'Institut Convergences Migrations (Paris), du Global Public Policy Institute (Berlin) et de l'Association pour un Musée du Logement populaire.</span></em></p>Auteur d’un ouvrage de microhistoire, Fabrice Langrognet évoque avec nous l’histoire des occupants d’un immeuble de la Plaine-Saint-Denis au tournant du XXᵉ siècle.Fabrice Langrognet, Chercheur associé au Centre d'histoire sociale des mondes contemporains (CHS), Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1974972023-01-25T14:37:19Z2023-01-25T14:37:19ZGarantir l’inclusion des personnes en situation de handicap : la douce magie d’un espace habilitant<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/505188/original/file-20230118-11-69v9i0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C0%2C991%2C667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'espace habilitant est un espace sécuritaire, confortable, stimulant, collaboratif, flexible et permettant le pouvoir d’agir.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Imaginez être Harry Potter, jeune humain étudiant à l’école de sorcellerie Poudlard. Vous décidez de rendre visite à votre ami Hagrid, gardien semi-géant de l’école. En arrivant chez lui, tout vous paraît beaucoup trop grand, trop lourd, inaccessible. Vous vous sentez terriblement petit, vulnérable et impuissant dans cet espace, pourtant parfaitement adapté à Hagrid. </p>
<p>À l’inverse, ce dernier se retrouve bien embarrassé lorsqu’il doit partager une table avec les autres employés de l’école. Il est trop grand, trop gros, renverse tout sur son passage… Il se sent terriblement encombrant, isolé et maladroit. Harry et Hagrid vivent, chacun leur tour, une situation de handicap qu’ils auraient aimé éviter.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"521712526841507841"}"></div></p>
<p>Respectivement doctorant en sciences biomédicales et chercheur en ergothérapie à l’UQTR, nous avons travaillé à l’élaboration d’un concept, celui d’<a href="https://www.researchgate.net/publication/338066762_Le_concept_d%E2%80%99espace_habilitant_une_avenue_theorique_prometteuse_en_ergonomie">espace habilitant</a>, qui permettrait d’améliorer ces situations, encore bien présentes dans le monde des magiciens comme du commun des mortels… </p>
<p>Le concept d’espace habilitant identifie les principaux attributs nécessaires à la conception et l’adaptation des espaces. Nous vous le présentons ici dans une approche ludique, autour de l’univers d’Harry Potter.</p>
<h2>Une question d’espace</h2>
<p>Plusieurs courants se sont intéressés à la possibilité de rendre les espaces de vie plus <a href="https://inrs.ca/linrs/equite-diversite-et-inclusion/">inclusifs</a>, permettant ainsi à chacun d’y réaliser ses activités. Lorsque l’on parle d’espace, on ne pense pas seulement à un environnement physique, mais également à tout ce que cela implique : les gens qui y évoluent, le matériel présent, les conditions environnementales, les activités que chacun veut faire, la signification que ce lieu peut avoir, etc. C’est ce que l’on appelle une <a href="https://www.cnrtl.fr/definition/holistique">vision holistique</a> de l’espace. </p>
<p>Plusieurs outils théoriques de disciplines diverses (architecture, philosophie, ergothérapie, sociologie, urbanisme, psychologie) peuvent aider à comprendre ces situations et la complexité de ces espaces. À titre d’exemple, le concept d’<a href="https://www.irsst.qc.ca/en/publications-tools/video/i/100167/n/concept-environnement-capacitant">environnement capacitant</a> s’attarde aux aspects inclusif, sécuritaire et développemental d’un espace. Le concept de l’<a href="https://caot.ca/document/4210/L%20-%20Les%20occupations%20et%20la%20sant%C3%A9%20(2008).pdf">habilitation aux occupations</a> va quant à lui s’intéresser à l’accompagnement individuel des personnes afin de les aider à effectuer les activités qu’ils souhaitent. Dans une vision plus collective, le concept d’<a href="https://www.inspq.qc.ca/sites/default/files/publications/2775-accessibilite-universelle-conception-environnements.pdf">accessibilité universelle</a> va chercher davantage à garantir, par l’adaptation des espaces, une sécurité et une liberté d’action pour tous.</p>
<p>Afin d’englober tous ces concepts, nous nous sommes penchés sur le développement du concept d’espace habilitant.</p>
<h2>Les ingrédients nécessaires à l’espace habilitant</h2>
<p>Nous avons proposé ce concept afin d’identifier les critères fondamentaux nécessaires à l’habilitation d’un espace, c’est-à-dire favorisant le bien-être, l’inclusion et le développement de tous. C’est un peu comme si l’on décidait de concevoir une potion dans le but d’aider les professeurs de Poudlard à adapter l’école. Après concertation, <a href="https://www.researchgate.net/publication/338066762_Le_concept_d%E2%80%99espace_habilitant_une_avenue_theorique_prometteuse_en_ergonomie">six ingrédients</a> ont été sélectionnés pour préparer la potion d’espace habilitant :</p>
<ul>
<li><p>de la sécurité </p></li>
<li><p>du confort</p></li>
<li><p>de la stimulation, afin de maintenir nos sens éveillés et encourager notre développement</p></li>
<li><p>de la collaboration, qui doit favoriser la communication, le partage et la transparence entre les personnes. En effet, si chacun peut s’exprimer, être entendu, mais également entendre les réalités, besoins, envies des autres, la cohabitation sera plus aisée</p></li>
<li><p>du pouvoir d’agir, qui permettra à chacun de décider, d’être l’acteur principal et le décisionnaire de ce qu’il fait et de la façon dont il occupe l’espace </p></li>
<li><p>de la flexibilité, qui va permettre à la personne de se réapproprier son espace et de l’adapter en fonction des envies et besoins</p></li>
</ul>
<p>Mais l’être humain est complexe. Il faut donc accepter le fait qu’il est impossible de le cerner complètement et que la première version de l’espace ne sera habilitante que temporairement. C’est pour cette raison que l’ingrédient de flexibilité devient indispensable. Il faut que l’espace puisse nous permettre de le modifier en fonction de notre propre évolution.</p>
<p>Le meilleur exemple de cette flexibilité est l’aménagement d’une maison intergénérationnelle. Selon l’âge et les besoins spécifiques de ses résidents (apparition ou évolution d’un handicap, passage à l’adolescence, besoin d’agrandissement), elle sera amenée à s’adapter.</p>
<h2>Une potion réussie n’est pas suffisante</h2>
<p>Un espace sécuritaire, confortable, stimulant, collaboratif, flexible et permettant le pouvoir d’agir serait donc un espace habilitant. C’est bien, mais le problème n’est pourtant pas encore complètement résolu. Il faut d’abord et avant tout s’intéresser à la politique et à la législation du contexte dans lequel l’espace se trouve. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/506179/original/file-20230124-14-u6qsnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="grand-père tient son petit fils" src="https://images.theconversation.com/files/506179/original/file-20230124-14-u6qsnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506179/original/file-20230124-14-u6qsnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506179/original/file-20230124-14-u6qsnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506179/original/file-20230124-14-u6qsnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506179/original/file-20230124-14-u6qsnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506179/original/file-20230124-14-u6qsnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506179/original/file-20230124-14-u6qsnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’aménagement d’une maison intergénérationnelle est un bon exemple de flexibilité, ingrédient nécessaire à la conception d’un espace habilitant.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Unsplash/Jimmy Cohen)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Par exemple, au Québec, la <a href="https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/e-20.1">loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale</a> ou encore le <a href="https://www.quebec.ca/gouvernement/ministere/securite-publique/publications/plan-action-personnes-handicapees-2021-2022">plan d’action à l’égard des personnes handicapées du ministère de la Sécurité publique</a> cadrent, responsabilisent, orientent, soutiennent l’organisation de l’accompagnement des instances. </p>
<p>Ensuite, il importe de mobiliser l’<a href="https://ceppp.ca/actualite/quest-ce-que-le-partenariat-avec-les-patients-et-le-public-7-articles-scientifiques-incontournables/">expérience vécue des personnes comme équivalente à celles des différents professionnels</a> qui vont penser et concevoir les espaces. Et oui, si le professeur Rogue est expert des potions et le professeur Flitwick des sortilèges, ils ne pourront rien faire sans l’expertise acquise par le vécu des personnes qui vivent une situation de handicap au quotidien. Cette expertise située est le facteur central à la bonne mise en place d’un espace habilitant.</p>
<p>Si, lors de la conception de Poudlard, des semi-géants, des nains, des centaures, des étudiants avaient pu s’exprimer et participer à la conception de l’école, il est certain que ni Harry ni Hagrid n’auraient à revivre ce genre de situation. Ils auraient le sentiment d’être dans les meilleures dispositions pour réaliser leurs occupations et poursuivre leur combat contre les forces du mal !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197497/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lefay Galaad a reçu des financements du Centre de recherche et d'expertise en gérontologie sociale (CREGES).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pierre-Yves Therriault a reçu des financements du Centre de recherche et d'expertise en gérontologie sociale (CREGES).</span></em></p>La volonté des politiques publiques d’améliorer l’inclusion et le maintien des personnes en situation de handicap dans leurs espaces de vie est soumise à nombreux défis.Lefay Galaad, Candidat au doctorat en sciences biomédicales, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)Pierre-Yves Therriault, Professeur titulaire au Département d'ergothérapie, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1965322022-12-13T19:00:59Z2022-12-13T19:00:59ZFrance-Maroc : le vrai-faux procès identitaire fait aux supporters binationaux<p>Des drapeaux marocains, algériens, tunisiens ou encore sénégalais brandis par des supporters qui ont toujours vécu en France et possèdent dans leur grande majorité la nationalité de ce pays à chaque fois ; ces scènes d’avant et d’après-match ne manquent pas de susciter des <a href="http://www.slateafrique.com/2063/en-france-la-binationalite-au-banc-des-accuses">débats et des controverses</a> dans les médias, le champ politique et les milieux intellectuels. C’est notamment le cas avec le match opposant France et Maroc le 14 décembre 2022 durant la Coupe du Monde de football.</p>
<p>Comment peut-on être Français et supporter une équipe de football étrangère. Dès lors, l’on voit surgir toutes sortes d’explications qui tournent en général autour des thèmes du « malaise identitaire », de <a href="https://www.cairn.info/revue-migrations-societe-2011-4-page-3.htm?ref=doi">« la double allégeance »</a> du « déficit d’intégration » ou encore de la « crise des banlieues » qui contribuent généralement <a href="http://www.mediapart.fr/journal/france/300411/la-binationalite-vrai-phenomene-faux-probleme">à stigmatiser les supporters binationaux</a>. Au mieux, à entretenir à leur égard un regard compréhensif mais à forte connotation misérabiliste. Ainsi, les supporters binationaux arboreraient les emblèmes nationaux du pays de leurs parents ou grands-parents par réaction aux discriminations subies et au racisme ambiant.</p>
<p>D’une manière générale, quel que soit le positionnement idéologique et politique des commentateurs du fait binational dans le champ sportif, ce sont plutôt des interprétations culturalistes et identitaires qui prédominent, évacuant la dimension sociologique du phénomène.</p>
<h2>Un attachement à la francité assumé et transgressif</h2>
<p>Or, aujourd’hui les manifestations de <a href="https://doi.org/10.3917/migra.163.0003">binationalité</a> ou de <a href="https://books.openedition.org/iremam/3540?lang=fr">plurinationalité</a> dans le champ sportif ou dans les autres champs sociaux (politique, culturel et économique) doivent être perçues comme des <a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/06/11/binationalite-notre-futur_1534992_3232.html">pratiques sociales banalisées</a> qui se jouent principalement au sein de l’espace public hexagonal.</p>
<p>Les supporters exhibent un emblème étranger, revendiquent leur soutien à une équipe africaine, arabe ou maghrébine, ou encore défilent sur les Champs-Élysées ou sur le Vieux-Port de Marseille en entonnant les hymnes nationaux du pays de leurs ancêtres, non pour affirmer une quelconque rupture avec leur société de naissance (la France) mais, au contraire, pour exprimer leur attachement à la <a href="https://theses.hal.science/tel-01500092/document**">francité</a> sur un mode à la fois assumé et transgressif.</p>
<p>En ce sens, la binationalité des supporters de football, l’art de passer d’un drapeau à l’autre ou de les combiner dans une même séquence temporelle vient contester les conceptions exclusivistes et puristes de l’identité nationale qui s’affirment aujourd’hui en Europe, au Maghreb et en Afrique de l’Ouest, tendant à présenter les binationaux comme des <a href="https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1979_num_26_1_2633">« enfants illégitimes »</a>.</p>
<p>Car en France, en Algérie et en Tunisie et dans une moindre mesure au Maroc, les binationaux apparaissent de plus en plus comme des citoyens suspects. Exhiber sa binationalité dans le stade, c’est donc aussi transgresser les approches essentialistes de <a href="https://irmc.hypotheses.org/295">l’identité nationale</a> qui font aujourd’hui un retour en force sur les deux rives de la Méditerranée, dans des contextes de crise sociale et économique marqués par la montée des populismes et des nationalismes exacerbés.</p>
<h2>La binationalité en ligne de mire dans les pays d’origine</h2>
<p>Sur ce plan, il convient de rappeler que la binationalité a été longtemps combattue par les États d’origine qui la considéraient comme une <a href="https://doi.org/10.3917/come.039.0027">forme de trahison nationale</a>, voire d’apostasie religieuse. Les parents immigrés se devaient d’éduquer leurs enfants dans le culte des héros et des martyrs des mouvements de libération nationale et il était inconcevable pour eux qu’ils deviennent « français » (la nationalité de l’ancien colonisateur). Le système des amicales et des associations liées aux États d’origine cherchaient ainsi à entretenir le « mythe du retour » dans la mère-patrie et à préserver les immigrés et leurs descendants des influences néfastes de la société d’accueil (permissivité des mœurs, pluralisme politique, liberté syndicale,, etc.)</p>
<p>Dans ce contexte d’émulation nationaliste post-coloniale, le champ sportif, en général, et le football, en particulier, participaient à entretenir dans les familles immigrées le sentiment d’allégeance à la nation d’origine.</p>
<p>De ce point de vue, pour les nouvelles générations nées en France, l’acquisition ou la réintégration à la nationalité française est apparue comme un combat individuel et collectif sur deux fronts. D’une part, à l’égard des États d’origine qui la considéraient comme un acte antipatriotique et, d’autre part, vis-à-vis d’une partie de la société française pour qui les enfants d’immigrés africains et maghrébins étaient encore des étrangers inassimilables ou des <a href="http://www.telerama.fr/idees/nous-sommes-tous-de-mauvais-francais,52033.php">« Français de papiers »</a>.</p>
<p>Revendiquer publiquement sa binationalité, notamment dans les événements sportifs comme la Coupe du monde de football, c’est donc transgresser à la fois la doxa nationaliste des États d’origine et les préjugés racistes d’une partie de la société hexagonale.</p>
<h2>Le signe d’une émancipation personnelle et collective</h2>
<p>Ce détour historique sur la construction des identités nationales postcoloniales (celle de l’ancienne puissance impériale comme celle des nouveaux États indépendants) apparaît indispensable pour saisir ce qui se « joue » aujourd’hui, en ce début de XXI<sup>e</sup> siècle, dans les rituels sportifs des binationaux qui sont trop souvent interprétés comme une forme de « schizophrénie identitaire », de « double allégeance » ou, pire, un défaut d’intégration sociale, <a href="https://www.slate.fr/story/20425/explication-enlever-nationalite-francaise">voire d’hostilité à la France</a>.</p>
<p>Or, au contraire, ces pratiques binationales en rapport avec le foot, qu’elles émanent des <a href="https://doi.org/10.3917/inso.187.0110">supporters ou des joueurs</a>, constituent le signe d’une émancipation personnelle et collective à l’égard d’héritages nationalistes figés, cherchant à classer les individus et les groupes sociaux dans des catégories identitaires immobiles et stériles.</p>
<p>On peut être successivement ou simultanément supporter de l’équipe de France et des Lions de l’Atlas sans y percevoir subjectivement la moindre incohérence ou trahison identitaire à l’égard de son pays de vie et de la terre d’origine de ses ancêtres. À cet égard, l’on serait tenté de dire que les pratiques binationales dans le champ sportif le football en serait la meilleure illustration constitue la marque d’une forme de modernité sociale et politique qui, sans nier les identités nationales, tend à les mixer sur un mode dialogique et ludique.</p>
<h2>Des reconstructions identitaires déterritorialisées</h2>
<p>Dans le contexte de la Coupe du monde 2022, l’analyse des réseaux sociaux révèle ainsi l’extraordinaire créativité lexicale et graphique des internautes pour exprimer par les mots et les images leur soutien à une, deux, voire trois équipes nationales.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1600509185522688003"}"></div></p>
<p>Le Qatar a d’ailleurs su <a href="https://www.france24.com/fr/sports/20221130-on-se-sent-ici-chez-nous-maroc-tunisie-arabie-saoudite-au-qatar-la-f%C3%AAte-du-football-arabe">exploiter habilement</a> cette binationalité sportive, en présentant l’évènement comme une réussite pour tous les Arabes ici et là-bas (ceux des pays d’origine et de la diaspora) et <a href="https://www.letemps.ch/sport/audela-controverses-coupe-monde-qatar-federe-monde-arabe">comme une communion identitaire pacifique</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1601635945073152000"}"></div></p>
<p>Il est vrai que les expressions telles que « la victoire de l’Afrique », « le retour du monde arabe », « la célébration du Maghreb » (en arabe, le mot al-Maghrib désigne à la fois le Maroc et l’ensemble régional) ou <a href="https://orientxxi.info/magazine/coupe-du-monde-de-football-un-moment-palestinien,6076">« le moment palestinien »</a> expriment un fort sentiment de coappartenance, notamment depuis les bonnes performances de l’équipe nationale du Maroc.</p>
<p>Toutefois, il ne s’agit pas d’une résurgence au sein des populations françaises d’ascendance africaine et maghrébine du nationalisme arabe des années 1960-1970 (avec la <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/publications/manuel_d_histoire_critique/a53279">figure emblématique de Gamal Abdel Nasser</a>), du tiers-mondisme d’antan, de panislamisme, ou d’une quelconque forme de panafricanisme, car la majorité des descendants d’immigrés, contrairement à leurs parents et grands-parents, n’ont pas vécu ces mouvements idéologiques postindépendance.</p>
<p>Il s’agit de reconstructions identitaires déterritorialisées, qui font d’abord sens dans les débats, les controverses et les enjeux de la société française actuelle. À la question récurrente et parfois obsédante des éditorialistes « Comment peut-on être Français et soutenir une équipe étrangère », la recherche en sciences sociales apporte nécessairement des réponses nuancées, <a href="https://books.openedition.org/iremam/3540?lang=fr">contribuant à dédramatiser</a> les pratiques binationales et à les recontextualiser dans le moment sportif.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196532/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Geisser ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Certains matchs de foot voient des revendications publiques et fortes de binationalité qui montrent un attachement à la fois assumé et transgressif à la francité.Vincent Geisser, Sociologue, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1928752022-10-23T15:26:50Z2022-10-23T15:26:50ZLa notion de « génération Z » entrave l’intégration des jeunes sur le marché du travail<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/490842/original/file-20221020-22-h06yww.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=109%2C120%2C1080%2C724&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les parcours individuels, la transmission d’un métier et l’impression de faire partie d’une équipe comptent bien davantage que les supposées caractéristiques d’une tranche d’âge.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/en/photo/1628482">PxHere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Classer les salariés en « générations X, Y, ou Z » pose question. On s’aperçoit bien vite qu’il n’y a <a href="https://www.pole-emploi.fr/employeur/des-conseils-pour-gerer-vos-ress/generations-x-y-z--un-rapport-au.html">pas d’accord</a>, sur les <a href="https://www.amplitude-formation.com/generations-x-y-z-leurs-differences-face-au-travail/">limites chronologiques</a> ou sur les qualités et défauts supposés de chaque génération : vivre à une même époque ne suffit pas à définir une <a href="https://www.persee.fr/doc/agora_1268-5666_2001_num_26_1_1924">expérience commune</a> à toute une classe d’âge et les <a href="http://harris-interactive.fr/wp-content/uploads/sites/6/2021/09/Rapport_Harris_-_Le_coeur_des_Francais_2021_Challenges.pdf">enquêtes</a> empiriques vont à l’encontre des clichés sur une supposée spécificité des jeunes générations. Les « boomers » se sont, par exemple, vus <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k33548903/f27.item">reprocher</a> dans les années 1970 certains traits communs avec ceux attribués aujourd’hui aux générations Y ou Z.</p>
<p>Des travaux sociologiques ont déjà tenté de rendre compte des conflits entre <a href="https://theconversation.com/fr/topics/generations-39137">générations</a> sur un lieu de travail, comme ceux de Stéphane Beaud et Michel Pialoux dans les usines de Sochaux-Montbéliard. Dans l’industrie, une partie des ouvriers nés après la Deuxième Guerre avaient tenté en leur temps d’autres <a href="https://editions-croquant.org/temoignages/782-les-vies-prolongees-des-usines-japy-le-travail-ouvrier-a-beaucourt-de-1938-a-2015.html">expériences de travail</a> et la plupart n’ont pas voulu que leurs enfants deviennent ouvriers. Le contexte culturel post 1968 et, localement, les changements organisationnels et les fermetures d’usines, expliquent en partie leur déception face au travail et des <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/retour_sur_la_condition_ouvriere-9782707169761">relations difficiles</a> avec les plus jeunes générations, parfois plus diplômées que leurs pairs avec la création du baccalauréat professionnel.</p>
<p>Ces travaux, à la suite desquels nous inscrivons les <a href="https://injep.fr/wp-content/uploads/2018/09/rapport-2017-02-rapports-jeunes-travail-v2.pdf">nôtres</a>, montrent aussi que les conflits entre générations découlent souvent des politiques RH. Alterner des phases sans embauches de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/jeunes-21920">jeunes</a>, puis de recrutements précaires, traiter différemment jeunes et anciens, les séparer voire les opposer, penser que le diplôme peut remplacer l’expérience et tout un tas d’autres pratiques conduisent à la méfiance, une moindre transmission du métier et à un accroissement des divergences.</p>
<p>Si enfermer tous les jeunes sous une même étiquette peut, certes, fournir un outil de gestion pratique, cela reflète mal la diversité des situations ni la complexité des processus qui façonnent le rapport au <a href="https://theconversation.com/fr/topics/travail-20134">travail</a>. Il ne faudrait pas oublier de prendre en compte les parcours individuels ainsi que l’importance de la transmission d’un métier et de l’intégration au sein du collectif de travail pour donner un sens aux efforts consentis au quotidien.</p>
<h2>Effet de parcours ou de génération ?</h2>
<p>Le rapport au travail est notamment structuré par la position sociale. Les jeunes peu diplômés des régions touchées par le chômage soulignent plus que les autres <a href="https://injep.fr/wp-content/uploads/2018/09/rapport-2017-02-rapports-jeunes-travail-v2.pdf">l’importance d’avoir un emploi</a>, et cela vaut aussi bien pour les générations X, Y ou Z. Les plus diplômés ont, eux, davantage de marges de manœuvre pour expérimenter et trouver l’activité qui leur convient.</p>
<p>Des études longitudinales (c.-à-d., qui suivent les mêmes personnes dans le temps) montrent, en outre, que les <a href="https://www.cairn.info/revue-agora-debats-jeunesses-2022-2-page-7.htm">priorités peuvent évoluer</a> avec les premières confrontations au monde du travail. Lors de la recherche d’un premier emploi beaucoup souhaitent trouver un travail qui a du sens à leurs yeux, qui correspond à un domaine qui les passionne ou qui offre de bonnes rémunérations. Au bout de 3 à 5 ans ils mettront plutôt en avant la bonne ambiance de travail ou la recherche d’un équilibre, comme premier critère d’un emploi satisfaisant. C’est là plus un effet de trajectoire que de génération.</p>
<p>La socialisation professionnelle plus ou moins aboutie au sein d’un collectif de travail doit permettre de justifier ou non les efforts consentis et de construire puis d’entretenir l’intérêt pour une activité particulière. Deux illustrations issues d’entretiens informels pour une enquête en préparation sur le rapport au travail dans les entreprises des technologies de l’information et de la communication en témoignent.</p>
<h2>Moments de changements</h2>
<p>Un jeune ingénieur UX designer (il a pour mission de diminuer au maximum les questions que peut se poser l’utilisateur d’un site Internet) a fait plusieurs stages dans des start-up. S’il en a apprécié l’ambiance, il déplorait l’absence de contacts avec d’autres personnes exerçant la même activité ainsi qu’un manque d’organisation. Des appels d’offre sur lesquels l’équipe avait beaucoup travaillé ont, par exemple, été manqués suite à un dépôt trop tardif.</p>
<p>Pour son premier poste, il a ensuite choisi une entreprise qui propose des services numériques aux amateurs et collectionneurs de bandes dessinées. Pourtant lui-même passionné par le neuvième art, il découvre que là encore son travail reste peu reconnu. Ses projets sont systématiquement critiqués par le créateur de l’entreprise qui finit cependant par les adopter, faute d’alternatives techniques viables. D’autres tâches (de marketing, de saisie) occupent une part croissante de son temps. L’absence de progression dans son métier le conduit à douter de ses choix de carrières.</p>
<p>Il démissionne alors pour intégrer la filiale spécialisée en UX design d’un grand groupe. Le travail sur de gros projets, avec d’autres UX designers ayant des expériences et formations différentes, lui permet de renouer avec son intérêt initial pour la spécialité. Il n’envisage plus de changer de travail.</p>
<p>L’autre exemple est celui d’un Français parti à 19 ans étudier dans une capitale étrangère. A cause de l’épidémie liée au coronavirus, il n’a pas pu faire de stage dans son cursus. Après sa licence, pour connaître le monde du travail et gagner un peu d’argent, il se fait embaucher par une plate-forme de livraison de repas pour laquelle il doit gérer, depuis l’étranger, les livreurs français. Pris en charge par une collègue expérimentée il apprend vite et est bien noté.</p>
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<p>La capacité de ses collègues plus âgées à jongler avec plusieurs écrans d’ordinateurs tout en maintenant une bonne ambiance dans l’équipe et avec les livreurs l’enthousiasme. Il peut donner du sens à son travail en trouvant des moyens d’arranger la vie et le travail des livreurs qu’il apprécie.</p>
<p>Toutefois, arrive le moment ou pour augmenter la rentabilité, l’entreprise restructure le service et les algorithmes. Ses collègues les plus expérimentées trouvent d’autres emplois et les marges de manœuvre avec les livreurs disparaissent. Plusieurs salariés du service se mettent en arrêt pour burn-out. La reprise d’un master devient alors un moyen de fuir cet emploi devenu sans intérêt.</p>
<h2>Un âge de transition</h2>
<p>La jeunesse comme <a href="https://www.dunod.com/sciences-humaines-et-sociales/sociologie-jeunesse-1">âge spécifique</a> entre l’adolescence et l’âge adulte est une construction récente comme l’expliquent les travaux du sociologue Olivier Galland. Elle a d’abord concerné les hommes de la bourgeoisie qui, au XIX<sup>e</sup> siècle, quittaient leur famille pour les études. Ce temps de liberté, d’expérimentation des idées, du mode de vie, de la sexualité, questionnait peu le futur travail, déterminé par les études et l’origine familiale.</p>
<p>A partir des années 1960, ce modèle va petit à petit se démocratiser avec l’extension des études supérieures. Les transformations structurelles du marché du travail (moins d’ouvriers, plus de professions intermédiaires et de cadres), l’apparition de nouvelles filières et de nouveaux métiers et, à partir de la fin des années 1970, la montée du chômage, font que la recherche de soi et l’interrogation sur l’avenir se portent de plus en plus sur la carrière envisagée. La plupart des jeunes salariés doivent passer par une période, plus ou moins longue suivant le diplôme, de précarité.</p>
<p><iframe id="Hhmoz" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Hhmoz/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La promesse d’un emploi stable et d’une progression de carrière en contrepartie de la docilité et d’un fort investissement au départ s’avère de plus en plus illusoire. La situation que vivent les nouveaux entrants sur le marché du travail est paradoxale : ils doivent, avec moins de repères que leurs aînés, trouver leur voie et faire leur place, alors même que la stabilité professionnelle et les collectifs de travail capables de transmettre un métier font plus souvent <a href="https://www.cairn.info/les-risques-du-travail--9782707178404-page-147.htm">défaut</a>.</p>
<p>En réaction, certains jeunes peuvent développer un rapport au temps paradoxal. Alors qu’ils savent par expérience, notamment les plus modestes, qu’un CDI reste indispensable pour faire des projets à long terme (développer un métier, fonder une famille), certains craignent, de s’enfermer trop précocement dans une voie dont ils ne <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/01/23/quete-de-sens-immediatete-mobilite-accrue-le-rapport-des-jeunes-au-travail-une-revolution-silencieuse_6110648_3234.html">perçoivent pas l’intérêt</a>.</p>
<p>Ceux qui en ont les moyens peuvent alors multiplier les expériences d’emploi et de formation. D’autres, à qui ne sont proposés que des emplois sans intérêt et mal payés, finissent par concevoir l’intérim comme un moyen de gagner un petit peu plus d’argent et de temps pour des activités plus valorisantes. Cette période reste toutefois vécue comme <a href="https://www.cairn.info/revue-agora-debats-jeunesses-2007-4-page-96.htm">transitoire</a>, jusqu’au moment où l’on pourra enfin trouver sa place.</p>
<p>Catégoriser et traiter chaque âge en fonction de clichés pas toujours validés par l’observation peut ainsi opposer les salariés, empêcher la coopération entre les âges et finalement rendre l’intégration des jeunes plus difficile. Il semble que ce ne soit pas un baby-foot ou des journées de bénévolat offertes à des associations qui vont fidéliser les jeunes entrants, mais la transmission d’un métier et la construction collective d’un <a href="https://www.anact.fr/les-dimensions-collectives-de-la-qualite-de-vie-au-travail">sens positif au travail</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192875/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Loriol ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Classer les salariés en classe d’âge, c’est oublier de considérer les trajectoires individuelles et l’esprit d’équipe qui donnent sens aux tâches du quotidien.Marc Loriol, Directeur de recherche CNRS, sociologue, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1610282021-11-08T20:36:41Z2021-11-08T20:36:41ZDe l’électron au photon, le silicium fait sa (seconde) révolution<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/426399/original/file-20211014-17-1dhfcd6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C41%2C1101%2C906&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Utiliser la lumière pour faire des calculs et transmettre l’information présente certains avantages par rapport à l’utilisation des électrons.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Silicon_Photonics_300mm_wafer.JPG">Ehsanshahoseini, wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le saviez-vous ? Chacune de vos connexions Internet est aujourd’hui traitée par des circuits qui allient l’<a href="https://www.fibrefr.com/data-center">efficacité de l’électronique avec celle de l’optique</a>. Et la convergence de ces deux domaines scientifiques prend un nouveau tournant avec l’apparition de dispositifs encore plus efficaces pour s’adapter à la forte demande des consommateurs, principalement en termes de rapidité de traitement de l’information. Il est en effet peu concevable aujourd’hui de réduire l’utilisation que nous faisons d’Internet ou d’en dégrader ses performances, car les infrastructures ne sont plus capables de répondre à la demande.</p>
<p>Cette révolution numérique qui a débuté au XX<sup>e</sup> siècle avec le déploiement à grande échelle de l’électronique prend sa source grâce à l’utilisation d’un matériau : le silicium, le semi-conducteur de référence qui permet de réaliser des circuits électroniques. Cependant, depuis quelques années, les progrès fulgurants de l’électronique atteignent des limites fondamentales : la puissance électrique consommée pour réaliser les calculs et les communications <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-018-06610-y">est gigantesque</a>, et les vitesses d’opération et de traitement de l’information deviennent trop faibles <a href="https://www.cisco.com/c/en/us/solutions/collateral/executive-perspectives/annual-internet-report/white-paper-c11-741490.html">par rapport à une demande toujours croissante</a>.</p>
<p>Depuis quelques années, des circuits utilisant à la fois l’électronique et la photonique – qui consiste à remplacer les signaux électroniques par des signaux lumineux – sont <a href="https://www.intel.fr/content/www/fr/fr/architecture-and-technology/silicon-photonics/silicon-photonics-overview.html">disponibles commercialement</a>. Ces circuits <a href="https://ee.stanford.edu/%7Edabm/100.pdf">permettent de limiter la puissance énergétique</a> consommée dans les systèmes de communications, <a href="https://venturebeat.com/2021/04/12/intel-advances-in-silicon-photonics-can-break-the-i-o-power-wall-with-less-energy-higher-throughput/">principalement dans les <em>data centers</em></a>, forts consommateurs de puissances électriques.</p>
<p>Il faut noter qu’il est difficile de comparer quantitativement les communications optiques aux technologies actuelles sur un seul paramètre (ici, l’énergie consommée), étant donné que les autres paramètres ne sont pas fixes (la vitesse de communication est très largement augmentée par exemple).</p>
<h2>Le silicium peut répondre aux nouveaux défis de l’intégration optique sur puce</h2>
<p>Le silicium, matériau de référence en électronique, est devenu en seulement quelques années le matériau de base de l’« optique sur puce », avec le développement de circuits intégrés où les électrons sont remplacés par des photons, les particules élémentaires de lumière. L’optique intégrée à base de silicium, communément appelée « photonique silicium », apporte de nouvelles solutions pour répondre d’une part à la saturation du trafic Internet <a href="https://www.phonandroid.com/internet-le-trafic-mondial-sera-multiplie-par-trois-dici-2022-a-cause-de-la-5g-netflix-et-le-svod.html">due à une demande toujours plus forte</a>, et d’autre part à la réduction de l’impact énergétique des systèmes de communications actuels.</p>
<p>En effet, l’augmentation de la vitesse de propagation de l’information rencontre des <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Optical_interconnect">limitations fondamentales</a> si elle est effectuée par uniquement des connexions électriques : les lignes électriques n’arrivent pas à suivre la cadence imposée par l’augmentation de la vitesse des signaux. Une première solution a déjà été déployée depuis de nombreuses années en utilisant des fibres optiques pour toutes les communications longues distances (de plusieurs mètres à plusieurs centaines de kilomètres). Malheureusement, cela ne suffit pas, car les communications courtes distances (de quelques centimètres à quelques dizaines de centimètres) au sein même des circuits intégrés, effectuées par des interconnexions métalliques, rencontrent également des limitations. Une des solutions est donc d’<a href="https://ee.stanford.edu/%7Edabm/100.pdf">intégrer l’optique au sein même du circuit</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-5g-gonflera-notre-consommation-denergie-147492">Pourquoi la 5G gonflera notre consommation d’énergie</a>
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<p>La convergence de l’électronique et de la photonique sur un même circuit passe par la convergence de la technologie. Dans cet objectif, l’utilisation du silicium pour l’électronique et la photonique semble évidente. Cela permet de donner accès à l’ensemble des infrastructures déjà mises en place pour la microélectronique. De plus, le silicium possède des propriétés optiques fondamentales très intéressantes pour propager la lumière sur puce dans des structures optiques appelées « guides d’onde », qui permettent d’intégrer de nombreux composants optiques sur les circuits électroniques afin d’exploiter les avantages de la photonique en <a href="https://www.photoniques.com/articles/photon/pdf/2018/05/photon201893p18.pdf">gardant les points forts de l’électronique</a>. En particulier, pour réaliser une communication optique sur puce, il est nécessaire de développer à minima des sources de lumière (laser), des modulateurs optiques pour le codage de l’information et des détecteurs de lumière pour retranscrire l’information au sein du circuit électronique.</p>
<p>Ces circuits photoniques silicium sont aujourd’hui produits par les principaux acteurs de la microélectronique et des télécommunications optiques, par exemple STMicroelectronics, Intel, CISCO, NEC, Huawei, Fujitsu ou Hewlett Packard et sont <a href="https://www.photonics.com/Articles/Data_Centers_and_More_for_Silicon_Photonics/a64879">aujourd’hui présents dans les centres de données</a> (<em>data center</em> en anglais). En France, les principaux acteurs sont <a href="https://www.st.com/content/st_com/en.html">STMicroelectronics</a>, le <a href="http://www.3-5lab.fr/index.php">III-V Lab</a>, <a href="https://www.scintil-photonics.com">Scintil Photonics</a>, le <a href="https://www.leti-cea.fr/cea-tech/leti/Pages/Accueil.aspx">CEA/Leti</a>, le <a href="https://www.c2n.universite-paris-saclay.fr/fr/">Centre de nanosciences et nanotechnologies, C2N</a> (CNRS, Université Paris-Saclay) et l’<a href="https://inl.cnrs.fr">Institut des nanotechnologies de Lyon, INL</a> (CNRS, Université de Lyon).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/414346/original/file-20210803-17-1thjuov.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/414346/original/file-20210803-17-1thjuov.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=506&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/414346/original/file-20210803-17-1thjuov.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=506&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/414346/original/file-20210803-17-1thjuov.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=506&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/414346/original/file-20210803-17-1thjuov.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=636&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/414346/original/file-20210803-17-1thjuov.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=636&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/414346/original/file-20210803-17-1thjuov.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=636&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Du substrat silicium de 300 millimètres de diamètre utilisé pour la fabrication des circuits photoniques et électroniques au circuit lui-même de quelques centimètres carrés et jusqu’à la structure photonique (guide d’onde) de quelques centaines de nanomètres où la lumière se propage.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurent Vivien, C2N, STMicroelectronics, CEA-Leti</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<h2>Le silicium a néanmoins quelques petits défauts…</h2>
<p>La perfection n’existant pas, le silicium présente cependant plusieurs inconvénients intrinsèques pour son utilisation en optique. L’un est de nature électronique, c’est sa <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Semi-conducteur">structure de bandes d’énergie</a> dite « indirecte ». L’autre cristallin, c’est sa <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Maille_(cristallographie)">maille cristalline</a> « centrosymmétrique ». Ces deux caractéristiques conduisent à une très faible efficacité du processus d’émission de photons – un problème pour la réalisation de sources de lumière – et l’absence de l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_%C3%A9lectro-optique">« effet électro-optique de type Pockels »</a> – couramment exploité pour le codage rapide de l’information dans les systèmes de télécommunications (d’un codage électronique à un codage lumineux, grâce à l’utilisation d’un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_%C3%A9lectro-optique#Modulateurs_%C3%A9lectro-optiques">« modulateur électro-optique »</a>).</p>
<p>De plus, la transparence du silicium, avantage incontesté pour la propagation de la lumière, devient un inconvénient pour la détection de celle-ci. C’est-à-dire pour la transformation du signal optique en signal électrique et permettre le traitement de l’information sur puce. En effet, une des principales propriétés physiques pour détecter la lumière est l’absorption, qui est nulle si le matériau est transparent.</p>
<h2>Mais la photonique a de la ressource</h2>
<p>Malgré ces inconvénients, la possibilité d’intégrer de nombreux composants photoniques (on parle de « densité d’intégration ») et de les « co-intégrer » avec des composants électroniques, sur une même puce, est une force indéniable, et de nombreux efforts de recherche académique et industrielle ont été déployés pour <a href="https://www.photoniques.com/articles/photon/pdf/2018/05/photon201893p18.pdf">atteindre aujourd’hui des performances remarquables</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/au-xxi-siecle-la-lumiere-sinvite-dans-les-nouvelles-technologies-152019">Au XXIᵉ siècle, la lumière s’invite dans les nouvelles technologies</a>
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<hr>
<p>L’intégration d’autres matériaux semi-conducteurs sur des puces silicium a également ouvert de nombreuses perspectives pour répondre aux limitations du silicium en photonique. Par exemple, des sources lasers à base de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Semi-conducteur_III-V">semi-conducteurs III-V</a> peuvent être intégrées sur silicium – ce type de semi-conducteur est l’élément phare de toutes les sources lasers utilisées aujourd’hui en télécom. D’autres composants optiques, comme des <a href="https://www.osapublishing.org/oe/fulltext.cfm?uri=oe-21-19-22471&id=264593">modulateurs</a> jouant sur la variation de la densité de porteurs (électrons et trous) dans le silicium et des <a href="https://www.degruyter.com/document/doi/10.1515/nanoph-2020-0547/pdf">photodétecteurs en germanium</a>, ont également été développés. Cette complémentarité et cette intégration sur la plate-forme silicium apportent des solutions solides et matures pour répondre aux grands défis des communications optiques sur puce.</p>
<p>Dans ce contexte où les enjeux scientifiques, technologiques et applicatifs sont immenses, le <a href="https://www.c2n.universite-paris-saclay.fr/fr/">Centre de Nanosciences et Nanotechnologies, C2N</a>, pionnier dans le domaine de la photonique silicium, a démontré avec ses partenaires des composants innovants clés pour la <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-019-40497-7">propagation</a>, l’<a href="https://www.c2n.universite-paris-saclay.fr/fr/science-societe/actualites/actu/24">émission</a>, la <a href="https://www.osapublishing.org/oe/fulltext.cfm?uri=oe-27-7-9740&id=407610">modulation</a> et la <a href="https://www.degruyter.com/document/doi/10.1515/nanoph-2020-0547/pdf">détection optique</a> sur puce.</p>
<h2>Un futur prometteur pour la photonique silicium</h2>
<p>La « photonique silicium » ne s’arrête pas seulement à trouver des solutions pour les communications optiques sur puces. Elle est aujourd’hui considérée comme la plate-forme scientifique et technologique idéale pour le développement des circuits de demain dans <a href="https://www.photoniques.com/articles/photon/pdf/2018/05/photon201893p18.pdf">tous les systèmes de communications optiques</a> (télécom, 5G, 6G…), les <a href="https://www-degruyter-com.proxy.scd.u-psud.fr/document/doi/10.1515/nanoph-2018-0113/pdf">capteurs</a> (LIDAR, détection de molécules biologiques et chimiques, spectroscopie dans le proche et le moyen infrarouge, gyroscope, systèmes de visualisation…) et les <a href="https://www.c2n.universite-paris-saclay.fr/fr/science-societe/actualites/actu/141">circuits quantiques</a> (sécurisation des données, ordinateur quantique).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161028/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Vivien a reçu des financements de l'ERC (European Research Council), de l'Agence Nationale de la Recherhce (ANR) et la Direction générale des entreprises (DGE) - Nano2022. </span></em></p>On peut maintenant intégrer des signaux optiques et électroniques sur les puces en silicium. De quoi réduire la puissance électrique consommée dans les systèmes de communication.Laurent Vivien, Directeur de recherche CNRS au Centre des Nanosciences et Nanotechnologies, Université Paris Saclay, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1677392021-10-21T13:45:10Z2021-10-21T13:45:10ZParc Extension : voici comment s'intègrent les immigrants dans le plus multiethnique quartier montréalais<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/427105/original/file-20211018-21-18att0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les immigrants en provenance de l'Asie du Sud-Est sont en grand nombre dans le quartier Parc-Extension. Et une enquête révèle que loin de ce qu'on entend dans les médias, ils s'intègrent très bien et apprécient leur vie. </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les immigrants développent un sentiment d'appartenance à la société d'accueil loin de l'image militante que l'on retrouve souvent dans les médias de masse et dans les discours de personnalités. Sur le terrain, pour se sentir partie prenante de la société, les personnes immigrantes demandent d'abord une réponse adéquate à leurs besoins de base.</p>
<p>En raison du pluralisme qu'on y côtoie et des influences parfois concurrentes des cultures française et anglo-saxonne qui s'y manifestent, Montréal constitue un terrain privilégié pour l'observation des dynamiques liées à l'immigration, à l'intégration et parfois au choc des valeurs.</p>
<p>En tant que chercheur universitaire en éthique appliquée et en communication, il m'a toujours semblé essentiel de comprendre comment les valeurs et les préférences des individus s'incarnent ou se transforment au fil des expériences de vie, dans des temps et des espaces divers. Et justement, la rencontre entre une personne immigrante et la société qui l'accueille offre un point de vue unique sur l'évolution intérieure des individus.</p>
<h2>Les Sud-Asiatiques de Parc-Extension : une communauté méconnue</h2>
<p>Afin de mieux saisir l'incidence du parcours migratoire sur la transformation des valeurs et des préférences, j'ai décidé, il y a quelques années, de m'intéresser aux expériences particulières vécues par les membres de l'une des communautés immigrantes qui composent la mosaïque culturelle de Montréal : les Sud-Asiatiques <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Parc-Extension">du quartier multiculturel Parc-Extension</a>.</p>
<p>Cette communauté, <a href="http://www.quebecinterculturel.gouv.qc.ca/publications/fr/diversite-ethnoculturelle/com-sud-asiatique-2006.pdf">de plus en plus nombreuse à s'établir dans la métropole</a>, reste l'une des plus méconnues des Québécois. L'éloignement relatif des cultures d'origine des Sud-Asiatiques par rapport aux cultures occidentales représente un champ d'études très riche pour l'étude des valeurs dans un contexte multiethnique.</p>
<p>Ces immigrants viennent de pays comme l’Inde, le Pakistan, le Bangladesh ou le Sri Lanka. Ils occupent, depuis les années 1970, une place grandissante dans le quartier Parc-Extension. Après la Seconde Guerre mondiale, ce quartier avait d’abord accueilli des immigrants d’Europe de l’Est, de l’Italie et de la Grèce. La méconnaissance des Québécois à l’égard de leurs concitoyens sud-asiatiques peut s’expliquer entre autres par la langue et par leur statut socioéconomique inférieur aux moyennes montréalaise et québécoise, qui rendent leur accès à une visibilité sociale plus difficile.</p>
<p>Selon <a href="https://www.centraide-mtl.org/wp-content/uploads/2021/01/Portrait-Montreal-Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension-2019-2020.pdf">un portrait récent tracé par l'organisme Centraide</a>, 69% de la population de Parc Extension a une langue maternelle autre que le français et l'anglais et 10% ne parle aucune des deux langues officielles. Sur le plan économique, 38% des résidents ont un faible revenu et 40% des ménages locataires consacrent plus du tiers de leurs revenus au loyer. Pour beaucoup de Sud-Asiatiques, Parc-Extension reste un quartier « transitoire » qu'ils habitent quand ils arrivent au pays, mais qu'ils quittent quand leur statut social et économique s'améliore. Cette réalité pourrait toutefois se modifier à l'avenir, car le quartier se gentrifie, <a href="https://www.facebook.com/parc.ex.contre.la.gentrification/">au grand dam de nombreux organismes communautaires qui dénoncent les rénovictions</a>. Ce phénomène fait qu'il devient de plus en plus compliqué pour plusieurs de s'installer, puis de demeurer dans Parc-Extension.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un homme passe devant une pancarte" src="https://images.theconversation.com/files/427106/original/file-20211018-13-mij616.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/427106/original/file-20211018-13-mij616.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/427106/original/file-20211018-13-mij616.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/427106/original/file-20211018-13-mij616.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/427106/original/file-20211018-13-mij616.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/427106/original/file-20211018-13-mij616.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/427106/original/file-20211018-13-mij616.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un homme marche devant une pancarte dans le quartier montréalais de Parc-Extension, le 31 août 2019, lors d'un événement communautaire où les gens ont exprimé leurs préoccupations à l'égard de la gentrification de l'arrondissement multiculturel.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Graham Hughes</span></span>
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</figure>
<p>Ma recherche m'a mené à réaliser des entrevues auprès d'une quarantaine d'hommes et de femmes de ce quartier. <a href="https://newdiversities.mmg.mpg.de/wp-content/uploads/2021/06/2021_23-01_.07_Farmer.pdf">Les résultats globaux ont été publiés en 2021</a> dans la revue allemande <em>New Diversities</em> .</p>
<h2>Trois caractéristiques essentielles favorisant l’appartenance</h2>
<p>Selon les données recueillies, trois facteurs sont essentiels à l’attachement des résidents envers le lieu où ils habitent. Le premier est la <em>qualité des relations interpersonnelles</em>. Nous entendons par là les relations avec des proches (amis, familles, voisins) ou des collègues, mais également les interactions sociales de la vie quotidienne. À cet égard, beaucoup de Sud-Asiatiques se sont dits enchantés par la gentillesse des gens dans leur quartier, comme dans les sociétés québécoise et canadienne en général.</p>
<p>Le deuxième facteur est le <em>sentiment de sécurité</em> lié à la faible criminalité. Ce sentiment découle de la possibilité de pouvoir circuler librement sans être victime de crimes ou d’incivilités. Ce facteur s’est évidemment révélé crucial pour les femmes que nous avons interrogées, mais les hommes y attachent aussi beaucoup d'importance.</p>
<p>Enfin, le troisième facteur est la <em>qualité des infrastructures urbaines</em>. Cette notion renvoie à l’ensemble des installations et équipements (routes, transport, bibliothèques, parcs, terrains de jeux, etc.) nécessaires au bon fonctionnement et à la jouissance d’un territoire. Ce facteur a été jugé aussi important que la sécurité.</p>
<p>Deux autres facteurs ont aussi été jugés significatifs, mais moins que les trois premiers. Il s’agit d’une part de la <em>qualité des programmes sociaux</em> relatifs à la santé, à l'éducation et à l'emploi, et d’autre part de la <em>similitude culturelle</em>, donc de la possibilité de retrouver certains aspects de la culture d’origine dans la société d’accueil (épiceries, lieux de culte, fêtes traditionnelles, etc.).</p>
<h2>Appartenance : satisfaire les besoins concrets d’abord</h2>
<p>Lors de l’analyse des données, il est apparu que les facteurs renforçant l’appartenance à un lieu semblaient fortement déterminés par les besoins psychologiques fondamentaux définis dans <a href="https://www.simplypsychology.org/maslow.html">la pyramide de Maslow</a>.</p>
<p>En effet, selon le psychologue américain auteur de la théorie de la motivation et des besoins, les besoins de sécurité, de relations interpersonnelles riches et d’estime des autres apparaissent comme essentiels à une vie heureuse et signifiante.</p>
<p>Les liens entre les facteurs favorisant l’appartenance et les besoins psychologiques fondamentaux permettent également de saisir pourquoi certains autres facteurs n’ont pas été jugés particulièrement dignes d’intérêt, alors qu’ils font régulièrement l’objet de débats publics animés sur les questions touchant à l’immigration et au vivre-ensemble.</p>
<p>Par exemple, même si ce sujet était très discuté dans les médias au moment des entrevues, <a href="http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/showdoc/cs/L-0.3">toute la question de la laïcité et du port des signes religieux visibles est presque passée sous le radar</a>. En fait, une seule personne sur quarante (se décrivant comme « activiste ») l’a mentionné comme pouvant nuire au sentiment d’appartenance. </p>
<p>Cet aspect apparemment étonnant des résultats est en vérité assez logique. Un lieu devient attractif notamment par les besoins concrets qu’on peut y satisfaire. Or les débats théoriques sur les lois ou les modèles d’intégration des immigrants s’éloignent des besoins fondamentaux de la plupart des gens. Ces questions plutôt abstraites intéressent bien davantage les politiciens, les intellectuels ou les activistes que les gens ordinaires.</p>
<p>Sur ces thèmes « chauds » de l'actualité, nous constatons malheureusement un écart parfois considérable entre la réalité décrite par les médias de masse ou les personnalités publiques, et celle qui se déploie tous les jours dans les rues et les quartiers de nos villes. Sans nécessairement crier au « complot » ou à la « manipulation de l'opinion publique », ce constat devrait inciter celles et ceux qui désirent avoir accès à un portrait juste des questions sociales d'actualité à diversifier leurs sources crédibles d'information afin de développer un point de vue citoyen éclairé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/167739/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yanick Farmer a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH). </span></em></p>Les besoins de sécurité et la qualité des relations interpersonnelles apparaissent comme essentiels à une vie heureuse pour les immigrants, ce qui correspond aux besoins psychologiques fondamentaux.Yanick Farmer, professeur titulaire en éthique de la communication, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1586812021-05-10T14:02:42Z2021-05-10T14:02:42ZDécouvrez qui sont les 100 000 Français qui vivent au Canada<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/398469/original/file-20210503-19-lhkd0p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5937%2C3997&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La première communauté de citoyen français, nés en France et vivant à l’étranger, se trouve au Canada et plus précisément au Québec. </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le Canada <a href="https://lepetitjournal.com/montreal/installation/francais-au-canada-vous-etes-toujours-plus-nombreux-228485">attire de plus en plus de Français</a>. La langue française associée à la culture nord-américaine et le besoin de main-d’œuvre sont d’indéniables atouts pour attirer les Français en quête de nouvelles perspectives professionnelles ou personnelles.</p>
<p>Par conséquent, la première communauté de citoyens français vivant à l’étranger (hors Europe), se trouve au Canada et plus précisément au Québec. On constate cependant que l’époque où le Canada vu de France se réduisait au Québec est dépassée : le bilinguisme officiel au Nouveau-Brunswick ou les développements économique et technologique à Halifax, attirent aussi un nombre croissant de Français.</p>
<p>Mais qui sont les Français qui vivent au Canada et comment se déroule leur intégration ?</p>
<p>En tant que professeurs français attachés à différentes universités canadiennes, nous avons voulu répondre à cette question en analysant les données de la liste consulaire et en interrogeant 700 Français vivant au Canada entre le 28 Mars et le 5 avril 2021.</p>
<h2>Plus nombreux qu’on le croit</h2>
<p>Selon les données du ministère des Affaires étrangères, 98 894 Français sont inscrits sur les listes consulaires au Canada, dont 61 074 dans la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Premi%C3%A8re_circonscription_des_Fran%C3%A7ais_%C3%A9tablis_hors_de_France">circonscription électorale de Montréal</a>, 14 268 à Québec, 13 370 dans la circonscription électorale de Toronto, 10 182 à Vancouver et 804 dans celle de Moncton.</p>
<p>En raison du caractère facultatif de l’inscription sur les listes consulaires, ces données seraient en dessous de la réalité. Selon le dernier numéro <a href="https://www.lexpress.fr/emploi/gestion-carriere/l-edition-2020-du-numero-canada-de-l-express-disponible-mi-septembre_2127099.html">« S’installer au Canada »</a> du journal l’Express : les deux tiers des Français du Canada vivent à Montréal, dont 28 % sur Le Plateau-Mont-Royal, 18,5 % à Côte-des-Neiges et 16 % à Rosemont-la-Petite-Patrie.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1306541938779271168"}"></div></p>
<p>La liste consulaire nous informe que 13 % de ces Français sont nés à l’étranger, 12 % sont nés au Canada et 75 % sont nés en France. La moyenne d’âge de ces expatriés est de 44 ans et, selon le sondage réalisé dans le cadre de cette étude, 65 % sont salariés, 13 % retraités, 12 % indépendants et 10 % étudiants ou avec un autre statut.</p>
<p>En bref, le profil le plus commun du Français qui vit au Canada est un quadragénaire, né en France, qui travaille et vit au Québec, plus précisément à Montréal!</p>
<h2>Les difficultés d’intégration</h2>
<p>Au-delà de la partie administrative (VISA, Programme vacances-travail, permis de travail, résidence permanente), les immigrés français rencontrent un certain nombre de difficultés pour s’intégrer dans cette nouvelle vie. Il ressort de notre enquête qualitative deux difficultés majeures :</p>
<p>La première concerne les relations humaines. La distance avec la famille restée en France et la difficulté de créer des liens est un enjeu pour l’intégration. La pandémie et les mesures du gouvernement français (interdire le retour en France en milieu de pandémie) ont accentué cette perception d’éloignement.</p>
<p>Comme la plupart des Québécois, Acadiens, Canadiens ont déjà leurs cercles d’amis avant son arrivée, les immigrants Français trouvent qu'il est plus difficile de créer des liens, comme en témoigne l'un des répondants : « Il est plus difficile d’entrer en relation avec des familles pure laine. La plupart de mes amis sont immigrés, enfants d’immigrés ou en couple avec des immigrés ou enfants d’immigrés. »</p>
<h2>La santé et l’éducation</h2>
<p>La deuxième difficulté qui ressort de notre sondage concerne, comme le précise une autre répondante, « l’accès au système de santé en temps opportun ». La compréhension du système de santé, la difficulté d’avoir un médecin de famille et les frais associés aux soins poussent de nombreux Français à retourner en France pour se faire soigner. Selon <a href="https://www.banquetransatlantique.com/fr/actualites/communique-observatoire-expatriation-2021.html?gclid=CjwKCAjw7J6EBhBDEiwA5UUM2nZRYZgFU-XdAmJoWfA6bTmDzsjfuW8ezhzrGvI6FOwMb06xweEeexoCk7oQAvD_BwE">l’Observatoire de l’expatriation</a>, 57 % des expatriés français préfèrent se faire soigner en France plutôt que dans leur pays d’accueil.</p>
<p>En ce qui concerne l’éducation, à la question: «Si vous avez des enfants ou si vous en aviez, vous préféreriez les scolariser dans…», une proportion de 44 % des Français qui vivent au Canada ont répondu le système éducatif québécois francophone, 36 % l’école française et 20 % l’école québécoise anglophone. </p>
<p>L’enseignement francophone reste donc une priorité pour ces Français de l’étranger avec une préférence pour le système québécois. À noter que selon le classement international des systèmes éducatifs <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/education/2019-12-03/tests-internationaux-pisa-les-eleves-quebecois-encore-au-sommet">PISA</a>, publié tous les trois ans par l’OCDE, le Québec est devant la France.</p>
<p><a href="https://quebec.consulfrance.org/Les-correspondances-de-diplomes">L’équivalence des diplômes</a> est également un enjeu clé qui est ressorti de ce sondage. De nombreuses formations et diplômes similaires ne sont pas encore reconnus de chaque côté de l’Atlantique. Cette situation préoccupe dans les deux sens – pour les Français qui viennent ici, mais aussi pour les jeunes qui voudraient poursuivre leurs études en France.</p>
<h2>Être respecté et s'épanouir</h2>
<p>Selon les recherches fondatrices de <a href="https://books.google.ca/books/about/The_Nature_of_Human_Values.html?id=fUdqAAAAMAAJ&redir_esc=y">Rokeach</a> aux États-Unis ou de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/076737019100600301?casa_token=VX1I2_dYMpEAAAAA:Bp89kzHUso3Fbx6Pz1ZrMn3dyEoGqxeTOnv1zy8T6jDEtr-l5ZuJ8L5vRpq7ttfwNodBBydnpKq01pc">Valette-Florence</a> en France, les valeurs sont des croyances durables déterminant qu’un comportement soit préférable à un autre. Selon ces mêmes travaux, les valeurs sont à la fois stables et dynamiques.</p>
<p>Notre recherche s’est intéressée aux valeurs des Français qui vivent au Canada. Les résultats montrent « qu’être respecté » est la valeur la plus importante pour eux. Cette valeur traduit le fait que l’individu cherche à obtenir de la reconnaissance d’autrui, par exemple en achetant une belle voiture. La difficulté de se réaliser quand cette valeur est mise de l’avant est liée à la nécessaire approbation d’autrui. Elle est en contraste avec la valeur « se respecter soi-même », qui apparaît en troisième position dans notre sondage. Cette dernière est en effet plus centrée vers l’individu et son développement personnel.</p>
<p>La deuxième valeur la plus importante pour les Français qui vivent au Canada est « l’épanouissement ». Ce résultat est cohérent avec <a href="https://www.banquetransatlantique.com/fr/actualites/communique-observatoire-expatriation-2021.html?gclid=CjwKCAjw7J6EBhBDEiwA5UUM2nZRYZgFU-XdAmJoWfA6bTmDzsjfuW8ezhzrGvI6FOwMb06xweEeexoCk7oQAvD_BwE">l’étude</a> de l’Observatoire de l’expatriation, qui indique que 90 % sont satisfaits et recommandent l’expérience. En comparaison, les principales valeurs mises en avant par les Français de France sont « l’épanouissement » et « les relations chaleureuses ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1382284147046121474"}"></div></p>
<h2>Plus à gauche</h2>
<p>Sur le plan politique, les Français qui vivent au Canada se situent légèrement à gauche sur une échelle (extrême gauche, gauche, centre, droite, extrême droite). Phénomène générationnel, le glissement vers la gauche représente un changement considérable par rapport au passé. En effet, au premier tour des élections législatives de 2017, le partis du centre (En Marche!) avait récolté <a href="http://loutardeliberee.com/legislatives-2017-resultats-1er-tour-quebec-montreal-quebec/">50,5% des voies dans la circonscription éléctorale de Montréal</a>. </p>
<p>Les dernières mesures, dont l'interdiction de rentrer en France à un certain moment de la pandémie, ont définitivement joué un rôle dans la perte de vitesse de la majorité présidentielle. On peut aussi penser qu’une société canadienne plutôt « sociale-démocrate » et pluriculturelle, dans laquelle la laïcité des institutions et un certain communautarisme cohabitent n’est pas étrangère à un regard moins marqué par des oppositions partisanes. </p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/395007/original/file-20210414-17-wjxzzt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/395007/original/file-20210414-17-wjxzzt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/395007/original/file-20210414-17-wjxzzt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1500&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/395007/original/file-20210414-17-wjxzzt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1500&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/395007/original/file-20210414-17-wjxzzt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1500&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/395007/original/file-20210414-17-wjxzzt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1884&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/395007/original/file-20210414-17-wjxzzt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1884&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/395007/original/file-20210414-17-wjxzzt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1884&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Notre recherche s’est intéressée aux valeurs des Français qui vivent au Canada. Les résultats montrent « qu’être respecté » est la valeur la plus importante.</span>
<span class="attribution"><span class="source">infographie fournie par l’auteur</span></span>
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</figure>
<p>À noter que 24 % ne se situent pas sur ce continuum et ne se sentent donc pas représentés par les idées des traditionnels partis politiques de France. Inévitablement, pour beaucoup, les questions locales seront plus préoccupantes que des dossiers ou des débats politiques purement liés à la France. </p>
<p>Concernant l’environnement, les Français qui vivent à l’est du Canada affichent une [sensibilité environnementale élevée]. Comment pourrait-on vivre au Canada sans se sentir proche d’une nature immense et omniprésente ? Les Français de l’étranger sont d'ailleurs embarrassés par la pollution associée à leurs allers-retours en France. Or ces voyages, pour visiter des proches restés en France, sont essentiels à leurs yeux.</p>
<h2>Le béret et la baguette</h2>
<p>l’image un peu éculée du Français à vélo avec <a href="https://theconversation.com/paris-le-cliche-prefere-des-series-125374">un béret et une baguette</a> semble bien révolue et a été remplacée par celle de jeunes professionnels, hommes et femmes.</p>
<p>Malgré l’ancienneté de sa relation avec le Canada et ses populations autochtones depuis plus de cinq siècles, la France affirme clairement sa présence aujourd’hui dans tout l’est du Canada. Cela se traduit en grande partie par l’implication de citoyens français dans la vie des communautés québécoises ou acadiennes.</p>
<p>Les Français de l’étranger ont un rôle important dans l’évolution future tant de la France moderne que de cette <a href="https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/ile-de-la-tortue">Île de la Tortue</a>, comme certains peuples autochtones désignent le continent nord-américain, sur laquelle nous vivons.</p>
<p><em>Les auteurs souhaitent remercier M. Henri Paratte, professeur retraité de l'Université Acadia, qui a fortement contribué à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/158681/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Léo Trespeuch est inscrit sur la liste citoyenne et indépendante de tout parti politique: "Nous Français de l'Étranger" pour les éléctions consulaires françaises 2021.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>David Pavot et Élisabeth Robinot ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Le profil le plus commun du Français qui vit au Canada est un quadragénaire, né en France, qui travaille et vit au Québec, plus précisément à Montréal!Léo Trespeuch, Professeur en Sc. de Gestion et co-fondateur de l'observatoire de la philanthropie, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)David Pavot, Université de Sherbrooke Élisabeth Robinot, Professeure en marketing ESG UQAM, Co-foundatrice de l'Observatoire de la Philanthropie, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1573422021-03-21T17:40:36Z2021-03-21T17:40:36Z« Parastronautes » : l’agence spatiale européenne, un exemple pour tous ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/390122/original/file-20210317-13-5kdotl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=44%2C0%2C4928%2C3253&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les critères de sélection des «&nbsp;parastronautes&nbsp;» restent les mêmes que pour des personnes valides&nbsp;: «&nbsp;des individus qui sont psychologiquement, cognitivement, techniquement et professionnellement qualifiés&nbsp;».</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.esa.int/ESA_Multimedia/Images/2016/01/Principia_spacewalk">ESA</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>En février dernier, l’agence spatiale européenne (ESA) a lancé une <a href="http://www.esa.int/About_Us/Careers_at_ESA/ESA_Astronaut_Selection/Parastronaut_feasibility_project">étude de faisabilité</a> afin de recruter des <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/espace/exploration/l-esa-fait-appel-aux-candidatures-pour-recruter-des-astronautes-et-des-parastronautes_151854">« parastronautes »</a>. Cette étude s’inscrit dans un programme plus large visant à développer la diversité et favoriser l’inclusion de personnes différentes <a href="http://www.esa.int/About_Us/Careers_at_ESA/ESA_Astronaut_Selection/Parastronaut_feasibility_project">y compris ceux ayant une déficience physique</a>. Pour autant, les critères de sélection restent les mêmes :</p>
<blockquote>
<p>« Des individus qui sont psychologiquement, cognitivement, techniquement et professionnellement qualifiés pour être astronaute. »</p>
</blockquote>
<p>Évidemment, très peu d’entre nous, en situation de handicap ou pas, deviendront un jour astronautes, mais le signal que l’ESA envoie avec cette démarche est important. Un autre domaine devient accessible et ouvre ainsi de nouvelles perspectives sur le recrutement des travailleurs handicapés et les barrières quotidiennes qu’ils expérimentent.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1358782412147326976"}"></div></p>
<p>Si l’exemple de l’ESA peut inspirer les entreprises et leurs managers pour promouvoir l’emploi et le maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés, c’est sans doute autour de trois axes : une remise en cause des stéréotypes et des préjugés, une mise en œuvre plus systématique d’un aménagement raisonnable et une réflexion sur la notion de performance durable.</p>
<h2>Adaptations « techniques »</h2>
<p>En ce qui concerne la lutte contre les préjugés, des initiatives comme celle de l’ESA apparaissent d’autant plus précieuses que les recherches que nous avons menées montrent que la <a href="https://academic.oup.com/cje/article/39/2/299/1690664?login=true">loi ne suffit pas</a> à modifier les comportements des entreprises et des dirigeants.</p>
<p>Selon le baromètre perception de l’emploi des personnes en situation de handicap de <a href="https://www.agefiph.fr/espace-presse/tous-les-documents-presse/barometre-agefiph-ifop-la-perception-de-lemploi-des">l’Agefiph-IFOP</a> (2020), 62 % des employeurs jugent encore difficile l’embauche de personnes handicapées, bien que ce pourcentage ait diminué de 9 points entre 2018 et 2019.</p>
<p>Dans le cas de l’ESA, des adaptations « techniques » restent en effet possibles tant que celles-ci permettent de garantir la sécurité de la mission et que le « parastronaute » puisse être aussi utile que les autres astronautes. Il appartient donc à l’agence spatiale d’aménager les situations de travail aux spécificités du travailleur handicapé.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/390117/original/file-20210317-21-1w94by0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/390117/original/file-20210317-21-1w94by0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/390117/original/file-20210317-21-1w94by0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/390117/original/file-20210317-21-1w94by0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/390117/original/file-20210317-21-1w94by0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/390117/original/file-20210317-21-1w94by0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/390117/original/file-20210317-21-1w94by0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Infographie créée pour la campagne de sélection d’astronaute(s) avec un handicap.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.esa.int/ESA_Multimedia/Images/2021/02/Astronaut_selection_parastronaut_feasibility_project">ESA</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce principe constitue un levier particulièrement efficace pour une meilleure intégration des personnes présentant une déficience physique. En effet, les <a href="https://www.semanticscholar.org/paper/Stigmate-%3A-les-usages-sociaux-des-handicaps-Goffman-Kihm/4365869df0c2967b18e088dcc85932e40035496e">deux principales causes de discrimination liées au handicap</a> sont d’une part les préjugés dont sont victimes les personnes en situation de handicap et, d’autre part le refus de tenir compte de leurs spécificités.</p>
<p>Actuellement, pour refuser d’embaucher une personne handicapée, un employeur peut se prévaloir « d’une exigence professionnelle essentielle et déterminante » pour ne pas remplir l’obligation légale de mettre en place des aménagements raisonnables permettant aux travailleurs handicapés d’accéder à un emploi.</p>
<p>Le caractère déraisonnable s’apprécie en fonction des coûts financiers (il existe toutefois des <a href="https://www.agefiph.fr/aides-handicap/aide-ladaptation-des-situations-de-travail#:%7E:text=L%E2%80%99aide%20a%20pour%20objectif,travail%20d%E2%80%99une%20personne%20handicap%C3%A9e.&text=Tout%20travailleur%20ind%C3%A9pendant%20handicap%C3%A9%20d%C3%A9tenteur,de%20la%20survenance%20du%20handicap.">aides</a>) ou de l’impact sur l’organisation du travail par rapport à la taille et aux ressources propres de l’entreprise. Néanmoins, si l’ESA peut le faire, le champ des possibles semble s’ouvrir.</p>
<h2>Viser une « performance durable »</h2>
<p>En matière d’intégration professionnelle des personnes en situation de handicap, il existe un <a href="https://theconversation.com/comment-credibiliser-davantage-les-responsables-diversite-dans-lentreprise-110724">potentiel de résistance</a> de la part des parties prenantes qui ne voient pas l’urgence ou la nécessité d’un changement. En conséquence, il s’agit de penser à une action à <a href="http://citeseerx.ist.psu.edu/viewdoc/summary?doi=10.1.1.191.874">plusieurs niveaux</a> afin de promouvoir le changement et de faire progresser l’agenda de l’égalité, de la diversité et de l’inclusion. En fait, la <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1468-2338.2010.00584.x">loi définit</a> le contexte dans lequel les organisations et les gestionnaires opèrent.</p>
<p>Par la suite, il est important de se concentrer sur le niveau managérial afin de doter les managers des compétences nécessaires pour gérer la diversité et les organisations pour adapter leur <a href="https://theconversation.com/premiere-ministre-et-jeune-maman-ce-que-revele-le-cas-de-jacinda-ardern-101718">culture</a>. L’adhésion et l’engagement des managers peuvent en effet faire la différence dans le processus d’intégration des travailleurs handicapés dans l’entreprise.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1271384156413530113"}"></div></p>
<p>Or, il y a aujourd’hui une nécessité « de faire évoluer la culture managériale dans une approche de performance durable qui tienne compte des délais d’adaptation au poste et de la remise en cause des valeurs et croyances » comme le soulignaient les chercheuses Anne Janand, Lidwine Maizeray, Catherine Voynnet-Fourboul dans un <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01916428">article</a> de recherche en 2018.</p>
<p>Nul doute qu’à ce sujet, les « parastronautes » pourront contribuer à lutter contre les préjugés en confirmant ce qu’a encore montré une <a href="https://www.strategie.gouv.fr/publications/emploi-handicapees-performance-entreprises">étude</a> récente de France Stratégie : la performance économique et financière des entreprises n’est pas pénalisée par des investissements favorisant l’embauche des travailleurs handicapés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/157342/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’ESA a lancé un programme pour recruter astronautes en situation de déficience physique. Un signal fort qui peut contribuer plus globalement à changer la perception des entreprises sur ce sujet.Sylviane Chabli, Professeure en Gestion des Ressources Humaines, Grenoble École de Management (GEM)Mark Smith, Professor, Director & former Dean, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1563272021-03-17T19:22:04Z2021-03-17T19:22:04ZL’impression 3D, au-delà du plastique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/389570/original/file-20210315-13-isuc12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C154%2C896%2C583&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">On peut même imprimer du sucre en 3D. Ici, une confection de la Patisserie Numérique.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.lapatisserienumerique.com/fr/home-fr/">La Patisserie Numérique</a>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Aujourd’hui, vous pouvez télécharger des plans pour fabriquer le porte-téléphone de votre vélo avec une imprimante 3D – dans le fab lab de votre ville ou, si vous êtes passionné, chez vous. Dans les premiers mois de la crise du Covid-19, les imprimantes 3D ont été mises à contribution pour fabriquer des visières nécessaires aux soignants et pour <a href="https://theconversation.com/les-fab-labs-apportent-des-solutions-concretes-et-locales-a-la-crise-du-covid-19-136277">prototyper des respirateurs</a>.</p>
<p>La fabrication additive ou « impression 3D » est désormais <a href="https://www.3dnatives.com/en/what-were-the-3d-printing-trends-of-2020/">bien établie dans le paysage industriel</a>. Cette technique, apparue dans les années 2000, consiste à ajouter de la matière et s’oppose à l’usinage industriel, qui procède par moulage pour les plastiques et qui retranche de la matière dans le cas du métal ou du bois. Les premiers usages ont été le prototypage rapide à base de plastique fondu déposé couche après couche pour constituer un objet en volume. Aujourd’hui, les révolutions de la fabrication additive ne résident plus seulement dans sa facilité et la rapidité du prototypage, mais plutôt dans l’utilisation de nouveaux matériaux.</p>
<p>Les fab labs sont considérés depuis longtemps <a href="https://theconversation.com/fab-lab-do-it-yourself-hackers-et-autres-open-source-76881">comme de nouveaux lieux de démocratie</a> où s’approprier les technologies et la fabrication d’objets adaptés à leur utilisateur. De plus, le monde de la logistique permet aujourd’hui aux particuliers de commander des matières premières variées, et d’expérimenter de nouveaux matériaux à imprimer, s’éloignant du « simple » prototypage plastique pour fabriquer des objets les plus sophistiqués avec des matériaux de plus en plus innovants.</p>
<h2>Les matériaux intelligents</h2>
<p>Au <a href="https://dvic.devinci.fr/">De Vinci Innovation Center</a>, nous explorons deux grands axes autour de la fabrication additive inspirée du vivant : les matériaux intelligents et les matériaux organiques.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/389571/original/file-20210315-15-11lpmhd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/389571/original/file-20210315-15-11lpmhd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=272&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/389571/original/file-20210315-15-11lpmhd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=272&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/389571/original/file-20210315-15-11lpmhd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=272&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/389571/original/file-20210315-15-11lpmhd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=342&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/389571/original/file-20210315-15-11lpmhd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=342&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/389571/original/file-20210315-15-11lpmhd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=342&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des objets imprimés en plastique, en résine, mais aussi, ici, en silicone dopé avec une poudre métallique pour réaliser un capteur souple intelligent.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Clément Duhart</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La pensée ingénieure a tendance à séparer un système en sous-ensembles, d’un côté l’électronique et d’un autre le corps mécanique. Cette répartition des tâches est présente à toutes les étapes de conception d’un produit du <em>design</em> jusqu’à l’industrialisation. Ceci contraste avec l’approche de la nature, très « intégrée » dirait-on dans un jargon d’ingénieur, puisque ses systèmes décisionnels, ses capteurs sensoriels et ses actionneurs musculaires font partie d’un tout. Ce type de conception offre de nombreux avantages en termes de robustesse, d’esthétisme ou encore d’intégration.</p>
<p>Le champ d’exploration des matériaux intelligents consiste à créer des matières dans lesquelles l’ensemble des éléments sont directement intégrés. Grâce à la fabrication additive, un objet peut être conçu avec différents matériaux aux propriétés mécaniques variées, tout en intégrant en leur sein des circuits électroniques faits d’encre conductive par exemple. Il est également possible d’envisager de nouveaux types d’énergie pour la motorisation tels que la pression pneumatique ou hydraulique en dessinant des structures de canaux plus ou moins complexes à l’intérieur de la matière lors de l’impression. </p>
<p>Par exemple, nous avons expérimenté la conception de muscles pneumatiques que nous pouvons combiner avec de l’encre conductive pour dessiner des capteurs d’étirement inspirés de travaux en <a href="https://ieeexplore.ieee.org/ielx7/7361/8169217/08080224.pdf"><em>soft robotics</em></a>. Il devient alors impossible de dissocier l’actuateur du capteur, qui sont devenus une seule matière.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/hrwBOjJ8aKU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La peau synthétique développée au De Vinci Innovation Center.</span></figcaption>
</figure>
<p>Par exemple, nous avons créé une <a href="https://dvic.devinci.fr/resource/projects/ssi/">peau synthétique</a> multicouche intégrant le derme, l’épiderme, des veines et une texture capable de sentir le toucher. Pour poursuivre ces travaux, nous avons mis en place une chaire de recherche avec la <a href="http://www.lynxter.fr">start-up Lynxter</a> pour explorer l’ensemble des opportunités des matériaux dits « intelligents » sur la fabrication additive. L’espoir est de voir peut-être un jour naître une imprimante 3D biologique, capable d’imprimer des organes ou structures vivantes autonomes tel que fantasmé dans le film « Le Cinquième élément ».</p>
<h2>Imprimer des matériaux issus du monde du vivant</h2>
<p>Ces dernières décennies, l’évolution industrielle et économique a été influencée par la matière bon marché et poussée vers l’énergie accessible principalement extraite du pétrole. Leur abondance nous a empêchés de penser la matière autrement que par la sidérurgie et le plastique.</p>
<p>Nous commençons maintenant à repenser notre rapport aux objets manufacturés et aux outils technologiques, notamment à travers les mouvements dits <a href="https://www.youtube.com/watch?v=SfGORMt0nGQ">« low tech »</a>. La conception de nouveaux produits est influencée par de nouveaux matériaux et mécanismes empruntés au monde vivant et inspirés par la biodiversité de notre planète.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/biomimetisme-sinspirer-de-la-nature-pour-rendre-linnovation-plus-soutenable-86164">Biomimétisme : s’inspirer de la nature pour rendre l’innovation plus soutenable</a>
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<p>Par exemple, la soie à haute densité est un matériau très résistant et flexible, à faible coût de production et potentiellement local, et est biodégradable par exposition aux ultra-violets. On pourrait ainsi envisager de fabriquer un dossier de chaise personnalisé à notre dos par fabrication additive en soie et à faible impact écologique en termes de production de matière première et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89nergie_grise">d’énergie grise</a>, en lieu et place d’une chaise fortement carbonée en plastique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/389073/original/file-20210311-15-1b059ez.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/389073/original/file-20210311-15-1b059ez.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=351&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/389073/original/file-20210311-15-1b059ez.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=351&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/389073/original/file-20210311-15-1b059ez.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=351&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/389073/original/file-20210311-15-1b059ez.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=441&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/389073/original/file-20210311-15-1b059ez.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=441&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/389073/original/file-20210311-15-1b059ez.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=441&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Deux étudiants développent un matériau micro-poreux inspiré du lichen, pour l’utiliser dans des vêtements.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Clément Duhart</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une partie du groupe « Resilient Futures » dirigé par Marc Teyssier s’intéresse à la culture de cellules vivantes pour la production et le conditionnement de matière organique pour la fabrication additive, en collaboration avec la start-up française <a href="http://masp.tech">MASP</a>. Un des objectifs à court terme est de conditionner à grande échelle de la soie, mais d’autres matières organiques sont également à l’étude. Le marc de café, une fois traité, peut être imprimé et stabilisé pour créer des couches semblables à du cuir animal – une activité inspirée <a href="http://fabtextiles.org/coffee-leather-bag/">du fab lab de Barcelone</a>. Dans le cadre de la confection alimentaire, nous explorons comment la cuisine moléculaire et la fusion permettent d’imprimer des aliments en trois dimensions.</p>
<h2>L’impression 3D guidera-t-elle la révolution écologique dans l’industrie et la logistique ?</h2>
<p>La fabrication additive plastique et résine a souvent été associée à une <a href="https://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/articles/impression-3d-ecologique-53391/">technologie à forte empreinte carbone</a> en raison de la matière première employée. De nombreux projets et entreprises tentent de recycler cette matière première en nouveau filament d’impression, mais pour l’heure ces tentatives restent limitées. D’une part, la qualité de la matière recyclée n’est pas toujours satisfaisante pour des produits finis et d’autre part les processus de retraitement ont eux-mêmes un impact sur la planète même si des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959652614001504">activités de recherche tendent à améliorer ce statu quo</a>. Aujourd’hui, les déchets issus de la fabrication additive plastique ou résine peuvent suivre la chaîne traditionnelle de valorisation et être employés dans d’autres secteurs industriels moins exigeants en termes de propriétés chimiques et mécaniques, par exemple pour des <a href="https://www.actu-environnement.com/blogs/gregory-giavarina/133/Gregory-Giavarina-batiment-plastiques-recycles-utilisation-212.html">matériaux de construction</a>.</p>
<p>Enfin, la culture de matériaux issus du vivant nous permet de penser au-delà du tout pétrole, et de tenter de voir les nouvelles technologies comme une opportunité de changement. Si la fabrication additive est déjà un formidable outil de prototypage, elle devient maintenant un outil de fabrication tous matériaux – potentiellement plus « verts », et de fabrication personnalisée – donc adaptée aux usages, voire réduisant le transport de marchandises, comme l’a souligné Neil Gershenfeld, <a href="https://fab.cba.mit.edu/">l’inventeur des fab labs</a>. Les produits finis n’auraient alors plus besoin de parcourir plusieurs fois le tour de la terre en cumulant les distances parcourues par les différentes pièces qui le composent. Le développement d’espace de fabrication digital dans nos quartiers nous permettrait d’acheter les plans de fabrication de certains objets sur Internet et de les fabriquer localement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/156327/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Clément Duhart ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Métal, argile, verre, matériaux intelligents ou matière organique, l’impression 3D poursuit sa révolution.Clément Duhart, Enseignant systèmes embarqués, docteur en informatique, Pôle Léonard de VinciLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1490782020-11-08T17:30:27Z2020-11-08T17:30:27Z« Séparatisme » : et si la politique antiterroriste faisait fausse route ?<p>La pandémie de la Covid-19 avait momentanément détourné l’attention du débat public de la question des musulmans de France. Le 16 octobre dernier, la décapitation de Samuel Paty, enseignant d’histoire-géographie à Conflans, suivie d’une seconde attaque au couteau à la Basilique de Notre-Dame à Nice le 31 octobre, a réactivé les réflexes sécuritaires et une rhétorique de <a href="https://journals.openedition.org/lectures/18666?lang=en">laïcité « identitaire »</a>.</p>
<p>La fermeture de mosquées et la dissolution d’associations telles que le Collectif de Lutte Contre l’Islamophobie (CCIF) sont-elles cependant de bonnes solutions au problème ? Fait-on face, réellement, en France, à un problème de « séparatisme » musulman ?</p>
<p>Les enquêtes en cours permettront de déterminer les raisons profondes, individuelles ou collectives, conscientes ou inconscientes qui ont poussé les assaillants à commettre les meurtres de Conflans et de Nice. Car vouloir comprendre, contrairement aux propos d’un ancien premier ministre, lorsqu’il s’agit de tels actes, <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2016/03/03/terrorisme-la-cinglante-reponse-des-sciences-sociales-a-manuel-valls_4875959_3224.html">ne veut jamais dire justifier</a>. Au contraire, il est essentiel de comprendre pour pouvoir agir. A commencer par comprendre de quoi il est question quand on évoque l’adhésion à la « laïcité » des personnes de confession musulmane en France et leur « intégration ».</p>
<h2>Le terrorisme : une question sociétale ?</h2>
<p>Le texte élaboré par le <a href="https://www.lesechos.fr/politique-societe/gouvernement/le-gouvernement-durcit-le-projet-de-loi-contre-le-separatisme-1261324">gouvernement</a> qui sera présenté début décembre prochain, propose de « renforcer la laïcité et conforter les principes républicains », d’intégrer désormais des mesures visant à renforcer « l’arsenal législatif » en matière de terrorisme. Le gouvernement diagnostique ainsi que le problème du terrorisme relève d’un problème sociétal, à savoir le manque d’intégration des populations musulmanes en France, et plus spécifiquement de l’atteinte aux principes de la laïcité.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1313459612985810947"}"></div></p>
<p>Or, quelles preuves nous donne le gouvernement de ce lien ? Quels indices a-t-on d’un manque d’intégration ou d’une remise en question des institutions de la République par les musulmans de France ?</p>
<p>Cette analyse d’un problème « sociétal » n’est pas nouvelle mais reste cependant relativement récente. En effet, les politiques de lutte antiterroriste ont marqué un tournant après les attentats de Mohamed Merah en 2012.</p>
<p>Si les politiques françaises antiterroristes reposaient jusqu’alors sur le travail des juges et des services de police spécialisés, en 2014 est actée une politique qui fait la synthèse entre les modèles nord-européens basés sur la représentation communautaire (Royaume-Uni, Pays Bas) et les pratiques françaises de prévention de la délinquance et de lutte contre les dérives sectaires. En résulte une approche de lutte contre la « radicalisation » qui s’appuie sur la coordination d’un grand nombre d’acteurs publics venus certes du domaine de la sécurité (juges, renseignement, police) mais pour la première fois, également du travail social (travailleurs sociaux, protection judiciaire de la jeunesse) et associatif (prévention spécialisée, lutte contre les dérives sectaires, etc.). Enfin, le gouvernement renforce la concertation avec les acteurs musulmans, au sein de plusieurs instances de dialogue.</p>
<p>Mais a-t-on véritablement affaire à un phénomène de radicalisation de la population musulmane en France qui conduirait à une forme de séparatisme ?</p>
<p>En 2018, nous nous sommes interrogés sur ce « tournant sociétal » de 2014 de l’antiterrorisme, et avons cherché à répondre à cette question.</p>
<h2>Nos résultats montrent un constat inverse à celui établi par le gouvernement</h2>
<p>Nous avons ainsi mené la <a href="https://openaccess.leidenuniv.nl/bitstream/handle/1887/72151/Rapport-Anti-terrorisme-et-Discriminations-FINAL2.pdf">première étude quantitative interrogeant les liens entre antiterrorisme et discrimination</a> en France. Un enquête qui nous permet de répondre directement à ces questions avec des données chiffrées. Celles-ci nous donnent une image inversée du diagnostic gouvernemental.</p>
<p>Pour cette étude, nous avons interrogé deux groupes : un groupe de personnes s’identifiant comme « musulmanes » et un « groupe de contrôle » composé de non-musulmans (pour les détails méthodologiques, nous renvoyons à notre étude). Quel est le constat ?</p>
<p>Contrairement aux discours médiatiques du gouvernement, mais en ligne avec un ensemble <a href="https://www.ined.fr/en/publications/editions/document-travail/trajectories-and-origines-survey-on-population-diversity-in-france-initial-findings-en/">d’études réalisées</a> par le passé, l’image du groupe « musulman » qui ressort de nos chiffres est celle d’une population qui fait très largement confiance aux institutions de la République.</p>
<h2>Une forte confiance dans les institutions</h2>
<p>D’après notre étude, le niveau de confiance des musulmans dans les institutions est similaire à celui des non-musulmans, voire supérieur dans certains cas (comme l’école, avec un score de confiance de 6,9/10 pour les musulmans et de 6,3/10 pour le groupe de contrôle), à l’exception des médias (4,6/10 et 5/10) et des forces de l’ordre (6,5/10 et 6,9/10). Ce qui ressort de l’étude ressemble ainsi plutôt à une adhésion massive des musulmans de France à la République.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/367562/original/file-20201104-17-1tkr8gm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/367562/original/file-20201104-17-1tkr8gm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/367562/original/file-20201104-17-1tkr8gm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=616&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/367562/original/file-20201104-17-1tkr8gm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=616&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/367562/original/file-20201104-17-1tkr8gm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=616&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/367562/original/file-20201104-17-1tkr8gm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=775&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/367562/original/file-20201104-17-1tkr8gm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=775&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/367562/original/file-20201104-17-1tkr8gm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=775&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Confiance dans les institutions.</span>
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</figure>
<p>Or, cette confiance est d’autant plus surprenante que les musulmans déclarent dans le même temps se sentir discriminés, bien plus que le reste de la population (58 % du groupe des musulmans contre 27 % des non-musulmans). La différence entre les scores est encore plus frappante dans certaines situations : plus de 3 fois plus lors de la recherche d’un logement (24 % contre 7 %) ou à l’école (18 % contre 5 %), et jusqu’à 5 fois plus lors d’interactions avec la police (26 % contre 5 %).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/367563/original/file-20201104-23-1g9qrl2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/367563/original/file-20201104-23-1g9qrl2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/367563/original/file-20201104-23-1g9qrl2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/367563/original/file-20201104-23-1g9qrl2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/367563/original/file-20201104-23-1g9qrl2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/367563/original/file-20201104-23-1g9qrl2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/367563/original/file-20201104-23-1g9qrl2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/367563/original/file-20201104-23-1g9qrl2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le sentiment de discrimination.</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des mesures contraignantes mais globalement acceptées</h2>
<p>Concernant les politiques antiterroristes et ses effets, nous avons fait les constats suivants : elles sont considérées comme justifiées par une grande partie de nos répondants, notamment en ce qui concerne le ciblage de populations spécifiques, avec un score de 4,8/10 pour les musulmans contre 6/10 pour le groupe de contrôle.</p>
<p>Et cela, malgré des effets considérés comme négatifs de ces politiques, puisqu’un grand nombre de répondants musulmans se sentent stigmatisés par l’antiterrorisme, en considérant par exemple être choisis de façon délibérée dans les interactions avec des agents publics, le plus souvent à cause de leur origine ou de leur couleur de peau (37 %), soit 2,5 fois plus que le groupe de contrôle (9,7 %). Ils se sentent par ailleurs considérablement moins bien traités lors de ces interactions (6,9/10) que le groupe de contrôle (8,5/10).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/367564/original/file-20201104-21-tm4aks.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/367564/original/file-20201104-21-tm4aks.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/367564/original/file-20201104-21-tm4aks.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=552&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/367564/original/file-20201104-21-tm4aks.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=552&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/367564/original/file-20201104-21-tm4aks.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=552&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/367564/original/file-20201104-21-tm4aks.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=694&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/367564/original/file-20201104-21-tm4aks.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=694&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/367564/original/file-20201104-21-tm4aks.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=694&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Justification du ciblage.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Enfin, le dernier résultat important de notre enquête est que, tant chez les musulmans que chez les non-musulmans, la baisse de confiance dans les institutions ainsi que le changement de comportement face à l’antiterrorisme (limitation de la liberté d’expression, repli) s’expliquent avant tout par un seul et même facteur, l’expérience de la discrimination.</p>
<p>Et cela, sous contrôle d’autres facteurs tels que la religion, l’âge, la classe sociale ou le genre. Or, le groupe « musulman » comportant plus de personnes se décrivant comme discriminées, il est particulièrement susceptible d’être sensible à ces effets secondaires.</p>
<p>La rhétorique perçue comme discriminatoire dans les médias et dans le discours politique, ainsi que l’action de l’État en matière d’antiterrorisme, participe de ce sentiment de discrimination de personnes qui n’ont, a priori, rien à voir avec des réseaux terroristes.</p>
<h2>Des mesures peu efficaces</h2>
<p>Bien que l’on ne dispose pas encore du contenu exhaustif du futur projet loi rebaptisé « projet de loi visant à renforcer la laïcité et conforter les principes républicains », qui sera proposé en décembre, certaines mesures ont été déjà annoncées par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin :</p>
<blockquote>
<p>« faire respecter les obligations de neutralité aux organismes parapublics d’une part et aux organismes concessionnaires, délégataires et prestataires du service public d’autre part »</p>
</blockquote>
<p>Ce qui se traduira par un contrôle renforcé des associations ; la pénalisation des certificats de virginité et renforcement de la lutte contre la polygamie et les mariages forcés ; la fin de la scolarisation à domicile ; la séparation et transparence des activités cultuelles et socio-culturelles des associations, plus particulièrement musulmanes.</p>
<p>Sur la base de notre étude, il nous semble que ces propositions, en dehors de l’affichage politique de fermeté, ne résoudront pas grand chose, car le problème qu’elles tentent de résoudre, n’en est en réalité pas un. Bien sûr, il existe des groupements extrêmes et radicaux, et s’ils font le choix de la violence politique, ils représentent un danger.</p>
<p>Mais ce sont des groupements et des réseaux qui ne représentent qu’un très petit nombre d’individus. Il n’y a pas, en France, de rejet des valeurs et des institutions de la République par une majorité de musulmans. Il faut plutôt faire le constat inverse, celui d’une adhésion massive. Il y a en revanche un fort sentiment de discrimination des populations musulmanes, auquel contribuent, partiellement, les politiques antiterroristes.</p>
<h2>Ne pas faire l’économie de la lutte contre les discriminations</h2>
<p>Notre proposition, basée sur les données chiffrées que nous avons mises en évidence, est donc simple : l’action politique antiterroriste ne peut pas faire l’économie de la lutte contre les discriminations.</p>
<p>Lutter contre les discriminations et contre l’islamophobie devient dans ce cadre un outil de l’action publique qui permet de renforcer la cohésion sociale et contribue à l’adhésion de l’ensemble de la population aux valeurs de la vie commune. Dans notre rapport nous indiquons des chantiers à privilégier, notamment les médias et la police.</p>
<p>Le modèle du Royaume-Uni, où un organe indépendant (<a href="https://terrorismlegislationreviewer.independent.gov.uk/">Independent Reviewer of Counter-Terrorism Legislation</a>) contrôle les possibles dérives (en termes de libertés civiles ou de discrimiantions) de l’antiterrorisme, pourrait être une piste de réflexion.</p>
<p>L’escalade et la surenchère d’une laïcité « identitaire » – qui s’éloigne de plus en plus de visions apaisées de la laïcité, telles que celles promues par l’actuelle direction de l’<a href="https://www.lefigaro.fr/actualite-france/l-observatoire-de-la-laicite-un-organe-consultatif-abonne-aux-polemiques-20201020">Observatoire de la laïcité</a> – ne font que contribuer à l’escalade et à la polarisation.</p>
<p>Dès lors, s’il n’y a pas de « séparatisme » en France, il est peut-être nécessaire de repenser l’amalgame entre terrorisme et religion, et laisser à la police, aux services de renseignement et aux juges d’instruction, le travail de démanteler les réseaux violents – réseaux qui eux, ont bien compris l’utilité rhétorique de ce sentiment de discrimination.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149078/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Francesco Ragazzi receives funding from Open Society Foundations (OSF), European Research Council, Nederlands Research Organization</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Amal Tawfik receives funding from Swiss National Science Foundation (SNSF) .</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sarah Perret a reçu des financements de l'European Research Council (ERC). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Stephan Davidshofer receives funding from Swiss National Science Foundation (SNSF) </span></em></p>Une étude récente montre que contrairement à certains discours, la population « musulmane » en France fait très largement confiance aux institutions de la République.Francesco Ragazzi, Associate Professor, Leiden UniversityAmal Tawfik, Academic Associate in Sociology, School of Health Sciences (HESAV), HES-SO University of Applied Sciences and Arts Western Switzerland, Haute école spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO)Sarah Perret, Chercheuse, King's College London, École normale supérieure (ENS) – PSLStephan Davidshofer, Lecturer, Université de GenèveLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1472912020-10-12T18:37:06Z2020-10-12T18:37:06ZÉglise : la délicate intégration des prêtres « venus d’ailleurs »<p>Historiquement considérée comme pourvoyeur de missionnaires pour l’Afrique, la France est devenue grand demandeur des prêtres appelés <em>fidei donum</em>, c’est-à-dire des missionnaires envoyés par leur diocèse pour une durée déterminée afin d’aider une Église qui est en situation de pénurie de prêtres.</p>
<p>En raison de la crise des vocations, ces prêtres venus d’Afrique sont de plus en plus nombreux à entrer en France chaque année. Selon les <a href="https://www.lepoint.fr/societe/les-pretres-venus-d-ailleurs-un-espoir-et-un-probleme-pour-l-eglise-de-france-17-04-2014-1813866_23.php">chiffres de l’Église</a>, ils étaient 916 en 2014, soit plus de la moitié de l’ensemble des 1 620 prêtres étrangers, ou « venus d’ailleurs » pour reprendre la terminologie de l’Église.</p>
<p>Comme tout expatrié, ces missionnaires africains, principalement ceux de l’Afrique francophone, sont confrontés à un certain nombre de difficultés de type culturel, professionnel, etc. S’ils peuvent être rapprochés d’expatriés d’entreprise, la nature de leur travail les singularise. Être prêtre, c’est être professionnellement engagé 24 heures sur 24. Vie professionnelle et vie privée sont étroitement entremêlées.</p>
<h2>Des messes moins animées</h2>
<p>Pour autant, cet engagement dans une communauté chrétienne qui se définit comme catholique universelle devrait faciliter leur intégration et ne les confronter qu’à des difficultés d’ordre climatique et culturel. Or, plusieurs <a href="https://journals.openedition.org/assr/17503">travaux</a> montrent qu’en France et dans d’autres pays, les difficultés rencontrées par ces prêtres sont beaucoup plus importantes que cela.</p>
<p>Sans nier la véracité de ces résultats, il convient de noter que l’on sait peu de choses à l’heure actuelle sur la manière dont ces prêtres font face à ces difficultés. Pour mieux connaître les défis qu’ils rencontrent et leurs stratégies d’ajustement, nous en avons interrogé 40 d’entre eux, entre 2018 et 2020 en région parisienne, sous forme d’entretiens semi-directifs d’une durée moyenne de 30 minutes. Tous ont requis l’anonymat.</p>
<p>D’abord, au-delà des différences culinaires et vestimentaires, les prêtres missionnaires admettent leur surprise de trouver un contexte social et culturel radicalement différent de ce qu’ils imaginaient avant leur arrivée, à l’instar de ce missionnaire interrogé :</p>
<blockquote>
<p>« Ici en France j’ai appris à vivre comme un Français, je dois laisser ma soutane et m’habiller comme eux, je dois m’efforcer de parler comme eux en imitant leur accent, je dois m’adapter à leur alimentation, je dois m’acclimater au froid et à la neige. J’avoue que ce que nous entendions de la France depuis l’Afrique est bien différent de la réalité. »</p>
</blockquote>
<p>Quant aux différences dans leur activité, beaucoup soulignent le caractère triste des assemblées dominicales qui manquent de dynamisme. Comme le rappelle un missionnaire :</p>
<blockquote>
<p>« En Afrique, les cérémonies sont généralement dynamiques, vivantes parce que bien animées et parfois dansantes. Ici, ce n’est pas pareil. Non pas que c’est mal animé mais les cérémonies sont pour la plupart trop classiques et les gens sont heureux comme ça. »</p>
</blockquote>
<p>Un autre l’explique par l’absence de la jeunesse dans les paroisses :</p>
<blockquote>
<p>« Le caractère parfois triste des cérémonies est dû au fait de l’absence flagrante des jeunes dans les églises de France. Ce sont en effet les jeunes qui font la force de nos paroisses en Afrique en intégrant dans les cérémonies les instruments de musique comme la batterie et les tambours et autres. »</p>
</blockquote>
<p>La mission des prêtres en paroisse de France semble en outre très limitée du fait de la place importante accordée aux fidèles laïcs. Un autre ajoute :</p>
<blockquote>
<p>« On n’a plus besoin de nous que pour célébrer la messe et donner les sacrements, le reste ils s’en chargent eux-mêmes. Même les cérémonies de baptême et de mariage sont réduites à leur strict minimum et ne doivent pas excéder 30 minutes, alors que ce sont les lieux de grandes fêtes en Afrique où la cérémonie peut durer deux heures. »</p>
</blockquote>
<p>Heureusement, face à ces difficultés, les prêtres expatriés expliquent pouvoir s’appuyer sur deux précieuses ressources pour s’adapter : leur formation et la communauté paroissiale.</p>
<h2>Précieux bénévoles</h2>
<p>Les missionnaires que nous avons interrogés sont nombreux à mettre en avant la qualité de leur formation, délivrée par les missionnaires français avant leur départ, comme un élément clé de leur adaptation à leur nouveau contexte. Comme en témoigne l’un d’entre eux :</p>
<blockquote>
<p>« Notre grande chance est que nous avons été formés par les missionnaires français venus en Afrique. Nous avons parfois le sentiment qu’ils nous ont formés d’abord pour venir faire fonctionner l’Église de France. »</p>
</blockquote>
<p>À cela s’ajoutent quelques mois d’expérience ou de stage en paroisse en Afrique qui permettent aux candidats de comprendre comment gérer une paroisse. Plusieurs ont bénéficié d’un complément de formation sous la forme plusieurs ministères exercés comme ceux de vicaire, curé ou aumônier. Là encore un atout précieux, selon un autre missionnaire :</p>
<blockquote>
<p>« Ces expériences me permettent de vite comprendre les problèmes que posent mes paroissiens. »</p>
</blockquote>
<p>La seconde ressource est le soutien des bénévoles en paroisse. Ces derniers répondent à leurs divers questionnements, souligne un missionnaire :</p>
<blockquote>
<p>« Nous ne pouvons rien faire sans ces bénévoles qui sont très utiles pour le fonctionnement de la paroisse. C’est parmi eux que nous nous faisons nos premiers amis pour bien comprendre la paroisse et la mentalité des paroissiens. »</p>
</blockquote>
<p>Un autre missionnaire témoigne aussi de cet appui précieux :</p>
<blockquote>
<p>« Je me suis vite renseigné sur les compétences socioprofessionnelles de mes collaborateurs pour savoir quel service je peux demander à chacun. »</p>
</blockquote>
<p>Il n’en reste pas moins que ces expatriés particuliers que sont les prêtres missionnaires africains vivent une intégration délicate. Cependant, grâce à leur formation en Afrique et au soutien des bénévoles dans les paroisses, ils disposent d'atouts précieux pour atteindre leur objectif : évangéliser les fidèles de France.</p>
<hr>
<p><em>Ce travail a bénéficié des résultats des travaux menés au sein des « ateliers thèses » de l’Observatoire « Action sociétale et action publique » (ASAP).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147291/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les missionnaires africains expatriés, qui seraient un millier en France, témoignent d’un choc culturel auquel ils ne s’attendaient pas.Isaac Houngué, Doctorant en science de gestion, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)François Grima, Professeur des Universités, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Olivier Meier, Professeur des Universités, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1401782020-06-08T18:13:15Z2020-06-08T18:13:15ZWilliamson, une vie de recherche dédiée à la nature et aux frontières de l’entreprise<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/340028/original/file-20200605-176542-ztgoaa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C8%2C1118%2C789&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les travaux de l’économiste américain ont servi à démontrer la supériorité de la firme sur le marché en matière de création de valeur compte tenu de l’existence de coûts de transaction.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Oliver_E._Williamson.jpg">Siivetjasilmat / Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Oliver E. Williamson est un économiste américain, né le 27 septembre 1932 à Superior, une ville du Wisconsin et décédé le 21 mai 2020 à Oakland, près de Berkeley (sa ville de cœur où il était professeur), en Californie.</p>
<p>Il obtint aux côtés d’Elinor Ostrom le prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel en 2009 pour « son analyse de la gouvernance économique, et notamment des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13501780902940729">frontières de l’entreprise</a> ».</p>
<p>Il fut un auteur prolifique de 1963 à 2016, bénéficiant d’une grande influence en économie, et tout particulièrement dans ces deux sous-champs disciplinaires que constituent l’<a href="https://www.cambridge.org/core/journals/journal-of-institutional-economics/article/close-relation-between-organization-theory-and-oliver-williamsons-transaction-cost-economics-a-theory-of-the-firm-perspective/3E1944A19555DA0C019CEA24DB9D816F">économie des institutions et l’économie des organisations</a>, mais aussi en management, et dans une moindre mesure en science politique, en droit et en sociologie.</p>
<h2>De l’intérêt de l’entreprise</h2>
<p>La contribution majeure de Williamson consiste à proposer une analyse heuristique (qui s’intéresse à la manière de découvrir les faits) des structures de gouvernance que sont l’entreprise, le marché, et ce qu’il nommera plus tard les « <a href="https://www.jstor.org/stable/2393356?seq=1#metadata_info_tab_contents">formes hybrides</a> ».</p>
<p>Ces organisations hybrides ne sont ni des entreprises ni des marchés, mais une sorte de <a href="https://books.google.fr/books/about/Markets_and_Hierarchies.html?id=JFi3AAAAIAAJ&redir_esc=y">synthèse des deux</a>, à l’image des réseaux de coopération interfirmes.</p>
<p>Pour développer son analyse économique, il s’appuie sur le droit et notamment sur le courant américain dit du « pluralisme industriel » (avec l’idée qu’il existe plusieurs sources de droit dans la régulation des relations professionnelles) ainsi que sur la <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/theorie-des-organisations/">théorie des organisations</a>, qui s’étend des travaux d’Herbert Simon, prix Nobel d’économie en 1978 fondée sur la psychologie cognitive à l’analyse stratégique du Français Michel Crozier.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/340039/original/file-20200605-176564-1rotk9z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/340039/original/file-20200605-176564-1rotk9z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=921&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/340039/original/file-20200605-176564-1rotk9z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=921&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/340039/original/file-20200605-176564-1rotk9z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=921&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/340039/original/file-20200605-176564-1rotk9z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1157&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/340039/original/file-20200605-176564-1rotk9z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1157&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/340039/original/file-20200605-176564-1rotk9z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1157&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dans cet ouvrage, Williamson étudie la notion de coût de transaction et son impact sur l’existence et l’organisation de la firme.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Free Press (1987)</span></span>
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</figure>
<p>D’une certaine manière, l’approche williamsonienne cultive ce que l’on recherche de plus en plus en sciences sociales : la <a href="https://classiques-garnier.com/la-theorie-de-la-firme-comme-entite-fondee-sur-le-pouvoir-tfep.html">pluridisciplinarité</a>.</p>
<p>Ces travaux, qui ont fait l’objet de nombreuses études empiriques (c’est-à-dire s’appuyant sur l’expérience et les données) au niveau international, ont eu le grand mérite d’éclairer une question centrale en économie industrielle, celle des frontières de l’entreprise : quand un agent économique doit-il décider de ne plus utiliser le marché pour réaliser une transaction, mais recourir à l’intégration, c’est-à-dire à l’entreprise ?</p>
<p>Cette question cardinale des débats modernes en économie de l’entreprise a permis de proposer des <a href="https://books.google.fr/books/about/The_Economic_Institutions_of_Capitalism.html?id=lj-6AAAAIAAJ&redir_esc=y">outils d’arbitrage rigoureux</a> entre la sous-traitance et la réalisation en interne d’une activité économique dans des économies développées fondées sur la spécificité des actifs (qu’ils soient physiques, humains ou immatériels).</p>
<p>Williamson s’est attaché à comprendre la supériorité de l’entreprise vis-à-vis du marché dans ces situations économiques où l’allocation optimale des ressources spécifiques n’est plus garantie en raison de la <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/jep.5.2.25">rationalité limitée</a> (une multitude de facteurs cognitifs, organisationnels et environnementaux affectant la prise de décision) et du comportement potentiellement opportuniste des agents économiques.</p>
<p>L’entreprise émerge alors comme l’institution du capitalisme la plus efficace pour générer la création de valeur économique et minimiser ce que Williamson nomme « les <a href="https://creation-entreprise.ooreka.fr/astuce/voir/644129/couts-de-transaction">coûts de transaction</a> » (à savoir, dans ce cas précis, les coûts associés à l’internalisation des aléas contractuels comme les retards ou reports de délais, des dépenses supplémentaires ou les manques à gagner).</p>
<p>Ainsi Williamson élabore les bases constitutives d’une théorie de l’entreprise en tant que hiérarchie fondée sur le <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00213624.2019.1573094">contrat de travail</a>.</p>
<h2>L’entreprise comme institution hiérarchique</h2>
<p>Ainsi « la subordination » justifie la supériorité de l’entreprise vis-à-vis du marché, notamment en matière juridique, car elle permet aux employeurs de bénéficier d’une autorité hiérarchique (en somme de pouvoir donner des directives légitimes aux employés avec une probabilité très forte d’acceptation et sans coûts supplémentaires) permettant d’allouer les ressources sans recourir au mécanisme des prix.</p>
<p>Pour Williamson, c’est la firme qui constitue la <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Les_theories_economiques_de_l_entreprise-9782707176790.html">meilleure structure de gouvernance</a> pour assurer le bon déroulement de la transaction, lorsque les actifs sont générateurs de valeur, à travers la relation d’emploi.</p>
<p>Force est de constater que le rapport salarial est au cœur du capitalisme et que le contrat de travail, qui fait émerger le rapport formel de subordination, est une propriété invariante des entreprises modernes que l’on retrouve au cœur des régulations sociales des pays développés.</p>
<p>C’est ce qu’évoquent par exemple en France l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007035180">arrêt</a> de la Chambre sociale du 13 novembre 1996 et les interprétations jurisprudentielles associées ainsi que les débats récents suscités par les <a href="https://lentreprise.lexpress.fr/rh-management/droit-travail/les-ordonnances-macron-une-revolution-ou-une-regression_1945612.html">ordonnances Macron</a> de 2017 sur la notion de subordination.</p>
<p>Ainsi la théorie de l’entreprise de Williamson dévoile une approche réaliste qui complète les travaux initiaux du prix « Nobel » d’économie 1991, Ronald Coase, lequel constitue aux côtés de John R. Commons l’un des économistes ayant le plus influencé l’œuvre williamsonienne.</p>
<p>L’analyse des structures de gouvernance ne doit pas être déconnectée de celle de l’environnement institutionnel – c’est-à-dire de l’ensemble des règles influant sur la production d’une nation –, car ces règles structurent les attributs des transactions qui, eux-mêmes, déterminent le type de contrat à mettre en œuvre.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/340030/original/file-20200605-176575-iby0nr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/340030/original/file-20200605-176575-iby0nr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/340030/original/file-20200605-176575-iby0nr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/340030/original/file-20200605-176575-iby0nr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/340030/original/file-20200605-176575-iby0nr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/340030/original/file-20200605-176575-iby0nr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/340030/original/file-20200605-176575-iby0nr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pour Williamson, l’entreprise est une institution où s’opère une régulation hiérarchique. Markets and Hierarchies : A Study in the Internal Organizations, 1975.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Editeur : Free Press</span></span>
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</figure>
<p>Williamson propose alors une théorie de la firme en tant qu’institution hiérarchique fondée sur un ordre privé interne, propre à l’entreprise. À la régulation marchande se substitue une régulation autoritaire.</p>
<p>L’autorité est source de valeur dans l’organisation. Elle permet de diviser et de diriger le travail de l’employé, mais aussi de régler les différends à moindres coûts. L’autorité fixe les règles du jeu à l’intérieur de la firme. Mais l’organisation ne s’arrête pas aux règles formelles.</p>
<p>La logique collective privée relève du domaine de la gouvernance, c’est-à-dire, pour Williamson, des moyens par lesquels la firme « transmet les ordres, remédie aux conflits et réalise des gains collectifs mutuels ».</p>
<p>Williamson est un penseur majeur de l’entreprise qui a influencé un grand nombre de chercheurs contemporains en économie des organisations, à l’image des <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2016/10/19/nobel-d-economie-la-reconnaissance-d-un-nouveau-champ-disciplinaire_5016429_3232.html">travaux</a> des prix « Nobel » 2016 Oliver Hart et Bengt Holmström, qui développeront l’œuvre williamsonienne à travers ce que l’on appellera la formalisation des contrats incomplets et l’analyse des contrats incitatifs.</p>
<hr>
<p><em><a href="https://virgilechassagnonblog.wordpress.com/2020/05/25/nomination-pour-le-prix-2020-du-meilleur-jeune-economiste/">Virgile Chassagnon</a> a été nominé au « Prix 2020 du Meilleur Jeune Economiste ».</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/140178/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Virgile Chassagnon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le prix « Nobel » d’économie 2009, décédé en mai dernier, a notamment proposé des outils d’arbitrage entre la sous-traitance des activités (le marché) et leur réalisation en interne (l’entreprise).Virgile Chassagnon, Professeur des Universités en Economie (FEG-CREG), Directeur de l'Institut de Recherche pour l'Economie Politique de l'Entreprise, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1187242019-08-25T18:42:49Z2019-08-25T18:42:49ZLa France est-elle vraiment en marche vers l’école inclusive ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/286048/original/file-20190729-43109-1in9sfy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C10%2C992%2C654&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption"> En 2006, l'ONU posait ainsi un « droit à l'éducation sans discrimination », clé de voûte morale de l'idéal inclusif.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>C’est dans un collège de région parisienne que cela se passe. On y fête le départ en retraite de la principale. Une femme de conviction qui, quelques années plus tôt, avait oeuvré à l’installation d’un dispositif d’inclusion des élèves en situation de handicap – une Unité localisée pour l’inclusion scolaire (<a href="http://www.ih2ef.education.fr/?id=79&a=73&cHash=2c2142776f">ULIS</a>), comme il en existe désormais des centaines depuis que le Ministère de l’Education nationale les a créées en 2009.</p>
<p>Pour mettre en place cette ULIS, la principale s’était heurtée à maintes résistances parmi les enseignants. Elle avait dû, raconte-t-elle, taper du poing sur la table. Aujourd’hui, elle estime avoir accompli sa mission : le dispositif ULIS fonctionne et fait partie du paysage, des élèves en situation de handicap sont inclus en classe ordinaire.</p>
<p>Ce discours positif est au diapason de <a href="https://www.education.gouv.fr/cid142657/pour-une-rentree-pleinement-inclusive-en-2019.html">celui du ministère</a>, qui insiste sur la réussite quantitative du virage inclusif pris par l’école française, depuis 2005.</p>
<h2>Rester sur le seuil</h2>
<p>Dans la cour, ce jour-là, les élèves de toutes les classes se réunissent. Clément, élève en situation de handicap issu de l’ULIS, est présent également, mais il paraît hésitant. Appartient-il à une classe, comme chacun, ou bien est-il un « ulissien » comme disent parfois les enseignants ? Où doit-il se mettre ? Les élèves organisent une danse collective, un flashmob, en l’honneur de leur principale.</p>
<p>Quand la musique retentit et que les élèves se mettent à danser, Clément reste seul, en lisière du groupe. S’il imite les autres adolescents et s’essaie à quelques pas de danse, il suit une partition quelque peu solitaire. Je l’observe de loin et ne peux m’empêcher de penser que Clément, quoi qu’on en dise, n’est décidément pas un élève comme les autres.</p>
<p>A la fois présent et absent, en dedans et en dehors de la communauté de ses pairs, le seul des élèves de l’ULIS à danser. Un vers du poète <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Yves_Bonnefoy">Yves Bonnefoy</a> a résonné dans ma mémoire, reflétant le paradoxe actuel de Clément et celui de l’école inclusive dans son ensemble : « Dans le leurre du seuil ». Sommes-nous, comme il est souvent vanté, dans une école désormais inclusive qui offrirait à chacun un droit égal à la scolarisation – ou n’est-ce qu’une illusion ?</p>
<p>La situation de Clément n’apporte pas de réponse mais pose le problème : si ces élèves sont bien conviés à franchir un seuil, n’y restent-ils pas bloqués, ni dedans, ni dehors, dans un entre-deux qui continue de signer leur étrange destin dans la communauté éducative ?</p>
<h2>Dispositifs stigmatisants</h2>
<p><a href="https://handicap.gouv.fr/IMG/pdf/rers_-handicap_2018.pdf">Les chiffres</a> plaident pour faire accroire que le processus inclusif est en marche et qu’il produit des résultats positifs : il y avait, en 2004, 37 000 élèves en situation de handicap dans les collèges et lycées. Ils sont aujourd’hui autour de 140 000, soit une augmentation soutenue de 10 % en rythme annuel, pour presque 6 % dans le premier degré. Dans le même temps, les effectifs d’enfants présents dans les établissements spécialisés médico-sociaux restent stables, autour de 78 000.</p>
<p>Au-delà du succès quantitatif, l’inclusion s’appuie sur, au moins, deux types de justifications qui lui valent d’avoir remporté une incontestable <a href="http://dx.doi.org/10.1016/j.alter.2012.11.007">victoire morale</a>. La première est constituée par l’approche par les droits, soutenue par l’ONU et incarnée dans la <a href="http://unesdoc.unesco.org/images/0009/000984/098427%20fo.pdf">Déclaration de Salamanque</a> (Unesco, 1994), signée par une centaine d’États, dont la France.</p>
<p>Il s’agit de promouvoir un droit universel à la scolarisation de tous les élèves dans les écoles de proximité et de rompre avec la tendance historique qui consistait à <em>ségréguer</em> les enfants « anormaux » dans des classes ou établissements spécialisés. En 2006, l’ONU posait ainsi un « droit à l’éducation sans discrimination » que l’on peut considérer comme la <a href="https://www.firah.org/la-convention-relative-aux-droits-des-personnes-handicapees.html">clé de voûte</a> morale de l’idéal inclusif.</p>
<p>La seconde catégorie de justification de l’inclusion est celle de l’<a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/001440296803500101">efficacité</a>. Elle affirme qu’une pédagogie centrée sur les élèves et leurs besoins en classe ordinaire, c’est-à-dire dans l’école de quartier, est celle qui permet les plus grands progrès au plus grand nombre.</p>
<p>De nombreuses recherches pointent en parallèle la faible capacité des dispositifs spécialisés à faire progresser les élèves en grande difficulté ou en situation de handicap qui y sont scolarisés et, plus encore, la dimension stigmatisante de l’aide spécifique qu’ils y reçoivent.</p>
<p>C’est un argument qui résonne de manière particulièrement contre-intuitive aux oreilles de nombre d’enseignants, pour lesquels une forme de bon sens consensuel fait penser que des enfants en très grande difficulté seront d’autant mieux aidés qu’ils disposeront de dispositifs spécialisés, spécifiques, voire séparés. Les promoteurs de l’inclusion considèrent que de tels dispositifs composent un environnement restreignant le potentiel de développement des enfants.</p>
<h2>Désarroi enseignant</h2>
<p>Depuis la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000027677984">loi de refondation</a> de l’école de la République, la France s’est rangée à ces arguments et a accéléré un <a href="https://journals.openedition.org/ries/6618">processus inclusif</a> qui demeure largement inachevé. Pourquoi cet inachèvement ? On peut invoquer deux types de difficultés absentes ou minorées dans les discours officiels.</p>
<p>Le premier est le maintien d’un très grand nombre de structures ou de dispositifs spécialisés, comme l’ULIS que fréquente Clément dans son collège. S’il est inclus, c’est quelques heures par semaines, dans certains cours, avec certains enseignants suffisamment volontaires pour accepter ce qu’ils continuent de considérer comme une charge.</p>
<p>Le reste de la semaine, Clément est dans la « classe ULIS », avec ses pairs en situation de handicap. Là, un enseignant spécialisé tente de remédier à des lacunes qu’on pense trop souvent rédhibitoires pour profiter de certains enseignements complexes en classe de français ou de mathématiques, par exemple.</p>
<p>Le second type de difficulté relève de l’épuisement des enseignants et de leur sentiment de désarroi pédagogique, voire parfois d’émotions très négatives que leur procure la rencontre avec l’altérité radicale du handicap : ils peuvent éprouver de la honte et de la culpabilité à ne pas être à la hauteur de l’idéal inclusif, à <a href="http://www.theses.fr/2016PA080087">ne pas savoir comment faire</a> avec ces élèves qu’ils pensent comme trop différents.</p>
<p>Ces émotions négatives, qu’aucune formation ni aucun discours public ne prennent réellement en compte, ont des conséquences néfastes : combien d’enseignants, dans le collège de mes recherches, se montrent-ils capables de réellement solliciter cognitivement les élèves de l’ULIS, d’adapter des supports pour eux, ou de seulement les considérer d’une attention en cours ? Ils sont présents, mais absents, ces élèves dont le handicap fait peine à voir…</p>
<p>Ces souffrances professionnelles des enseignants sont la part masquée de l’inclusion. Or, si l’on veut poursuivre le processus inclusif, il faut à la fois les entendre et les transformer, autrement qu’en culpabilisant les professeurs. Une logique de déni institutionnel veut faire croire qu’on n’arrête pas le progrès. Sans doute. Mais il n’y aura pas d’inclusion heureuse sans enseignants heureux d’enseigner à tous les élèves. Il y a là un chantier d’ampleur qu’on ne peut ignorer plus longtemps.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118724/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexandre Ployé a reçu des financements de l'UE pour un projet de recherche Erasmus </span></em></p>En 2004, il y avait 37 000 élèves en situation de handicap dans le secondaire. Ils sont aujourd’hui 140 000 environ. Mais derrière les chiffres se pose la question de leur réelle intégration.Alexandre Ployé, Maître de conférences, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1204792019-08-01T21:56:45Z2019-08-01T21:56:45ZLes défis de la Zone de libre-échange africaine sont aussi sécuritaires<p>L’engagement dans la Zone de libre-échange continentale africaine implique pour les États de renoncer à une partie importante de leur souveraineté. Pourtant, dans un contexte de violences généralisées, les souverainetés étatiques n’ont jamais été autant défiées. Les acteurs contestataires de l’État sont des mouvements rebelles, des groupes terroristes, djihadistes, des milices d’autodéfense, des criminels transnationaux, etc. Ces acteurs sont principalement caractérisés par leurs capacités de mobilité. Ils se jouent des frontières et de la souveraineté territoriale des États.</p>
<p>A l’heure où il est exigé de certains États de renforcer leur présence dans les zones frontières et périphériques, le libre-échange continental des biens et des personnes ne constituera-t-il pas une véritable préoccupation ?</p>
<h2>Le casse-tête de la sécurisation des frontières</h2>
<p>A l’intérieur du continent, <a href="https://www.fes-pscc.org/fileadmin/user_upload/documents/publications/Rapport_de_synthe__se_des_e__tudes-pays.pdf">des milliers de kilomètres de frontières sont autant d’espaces de violences</a>. Les États en situation de conflit armé – par exemple la Libye, le Mali, le Niger, le Nigéria, le Burkina Faso, la Centrafrique, le Soudan, la République démocratique du Congo, la Somalie – ont en partage des milliers de kilomètres avec d’autres États. </p>
<p>Cela explique que les conflits au Mali, en République démocratique du Congo finissent par affecter toute la communauté régionale, avec comme conséquence des millions de déplacés et de réfugiés. La bande sahélo-saharienne, le golfe de Guinée, les Grands lacs, la Corne d’Afrique sont autant d’espaces de conflictualité. </p>
<p>Par conséquent, les problèmes de circulation des biens et des personnes dans ces zones sont moins liés au problème infrastructurel qu’à des questions de gouvernance, de paix et de sécurité. Ces zones frontières et périphériques parce qu’elles sont vulnérables, du fait à la fois de la faible présence de l’État, mais aussi et surtout, par le fait qu’elles constituent <a href="https://reliefweb.int/report/world/conseil-de-s-curit-de-nouvelles-tendances-alarmantes-dans-le-trafic-de-stup-fiants-sont">des espaces de transit et de trafic en tout genre</a> (tel le Sahel), sont demeurées très conflictogènes. Un libre-échange inclusif devra éviter de limiter les échanges commerciaux aux capitales régionales.</p>
<h2>Le défi des grands foyers de tension</h2>
<p>Ces questions sécuritaires se posent dans le cyberespace. Avec une Afrique <a href="https://theconversation.com/de-belles-perspectives-economiques-pour-lafrique-subsaharienne-et-cinq-raisons-dy-croire-117219">en plein processus de digitalisation et de numérisation</a>, l’assurance de la cybersécurité dans le commerce électronique – une affaire des entreprises mais encore plus des États - doit inciter à l’investissement. </p>
<p>Mais, pour l’essentiel, les préoccupations sécuritaires sont d’ordre physique avec une économie de la guerre encore à l’ordre du jour. Les anciens foyers de tensions – <a href="https://www.bbc.com/afrique/region-46861704">Tchad</a>, Golfe de Guinée – sont encore des espaces du métier des armes où les comportements de mercenariat, de banditisme, de criminalité transnationale se mêlent, dans des contextes où des milliers de jeunes sont faciles à recruter, sur des terrains où l’abondance de ressources minières exportables. La <a href="https://www.cairn.info/revue-afrique-contemporaine-2016-4-page-27.htm">fragilité des armées nationales</a>, le faible revenu économique par habitant sont des conditions permissives au recours à la violence pour obtenir des biens économiques et politiques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/esclavagisme-razzia-tueries-les-inspirations-locales-de-boko-haram-112547">Esclavagisme, razzia, tueries : les inspirations locales de Boko Haram</a>
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<p>Depuis le début des années 2000, le terrorisme se nourrit des conflictualités internes aux États sous-tendues par des frustrations relatives, du déni de reconnaissance des identités de certains groupes, du manque de redistribution des richesses nationales. Son intensification ces dernières années exclut, dans une bonne partie de ces États, des opportunités que pourrait offrir la Zone de libre échange continentale. </p>
<p>La lutte contre le terrorisme a conduit à la militarisation de grands espaces. Les violences dites terroristes s’ajoutant aux guerres civiles classiques liées aux violences communautaires, aux violences post-électorales, aux violences sécessionnistes, constituent de véritables défis à relever pour aspirer à une égalité de circulation des biens et des personnes au sein de la ZLEC. </p>
<p>Dans un continent où tout est presque priorité, la sécurité des personnes et des biens ne saurait attendre encore. L’intégration doit <a href="https://www.ecowas.int/adapter-larchitecture-de-securite-ouest-africaine-aux-nouvelles-menaces-terroristes/?lang=fr">s’accompagner de mécanismes de pacification</a> des régions soumis au péril des conflictualités. L’intégration doit contribuer à renforcer la puissance des États. Mais la ZLEC est-elle réellement l’outil pertinent pour transformer l’Afrique en un grand espace de libre circulation ?</p>
<h2>La ZLEC peut-elle pacifier le continent ?</h2>
<p>En attendant de voir les résultats qu’engendrera la Zone de libre-échange, les expériences d’intégration dans d’autres espaces continentaux – Union européenne, <a href="http://publications.gc.ca/Collection-R/LoPBdP/BP/bp327-f.htm">Accord de libre-échange nord-américain</a> ( par ailleurs remplacé par l’Accord États-Unis-Mexique-Canada), Association des nations de l’Asie du Sud-Est – ont eu comme résultat la pacification des relations inter-étatiques. </p>
<p>Les échanges commerciaux favorisent-ils la paix ? L’atteinte de l’objectif de l’Union africaine contenu dans l’Agenda 2063 « une Afrique vivant dans la paix et dans la sécurité » peut-elle être facilitée par l’opérationnalisation de la ZLEC. Sur les 54 États africains qui ont signé l’accord, pas moins d’une vingtaine sont concernés directement ou indirectement par des violences politiques (terroristes, communautaires, sécessionnistes). </p>
<p>L’objectif de « faire taire les armes d’ici 2020 » ne sera sans doute pas atteint. C’est en cela que les questions sécuritaires, tout en posant des défis à la zone de libre-échange, pourraient trouver leur solution en celle-ci. Face aux interventionnismes sécuritaires et développementalistes des partenaires extérieurs, la ZLEC peut être considérée comme un renouveau paradigmatique dans les processus de pacification du continent pour plusieurs raisons. </p>
<p>D’abord, l’accroissement des échanges entre les États et les peuples aura pour avantage de créer des intérêts mutuels et des biens communs. Ensuite, les interdépendances encourageront les acteurs à régler leurs différends à l’aide des lois, des normes du marché et de la concurrence – ce qui crée des perceptions et relations de rivalité et non d’inimitié. L’atmosphère des affaires par la culture des contrats et des règles d’échanges sera hostile aux comportements de pillage des ressources naturelles auquel s’adonnent des acteurs illégaux – souvent en lien avec des États. </p>
<p>Enfin, tout ceci (les règles de jeu, les normes, les interdépendances, les intérêts mutuels) contribuera à la consolidation des institutions qui protègent les biens et les personnes, même s’il faudra que les futures richesses générées par ces échanges profitent aux populations. La paix par le commerce sera-t-elle enfin expérimentée en Afrique ?</p>
<p>Les questions sécuritaires doivent pouvoir être considérées de manière globale. La sécurité humaine recouvre à la fois les dimensions militaires, économiques, sociétales et environnementales. Le libre-échange a toujours posé des défis sécuritaires qu’il ne serait pas prudent d’ignorer dans le cadre du plus grand marché continental du monde. Cependant, développer l’Afrique par le commerce intra-africain sera peut-être – qui sait ? – l’autre nom de la paix en Afrique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/120479/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian Abadioko Sambou ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les problématiques sur la ZLEC ne se posent pas seulement en termes économiques et commerciaux. Elles comportent également des enjeux et des défis sécuritaires qui requièrent beaucoup de diligence.Christian Abadioko Sambou, ATER Sciences politiques, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1185642019-06-27T21:20:40Z2019-06-27T21:20:40ZAfrique : les conditions de réussite de la zone de libre‑échange continentale<p>Le 30 mai 2019 <a href="https://www.bbc.com/afrique/region-48476768">est entrée en vigueur la nouvelle zone de libre-échange continentale (ZLEC)</a>, l’une des plus vastes au monde si l’on raisonne en termes de nombre de pays impliqués (27 – soit plus de la moitié du continent), démographique (près de 1,2 milliard de personnes), ou d’étendue géographique.</p>
<p>Sa mise en place ne répond pas à un dogme, mais à une volonté concrète de fluidifier les échanges au cœur du continent afin d’en faire un socle pour le développement de l’Afrique. Car, sous sa forme actuelle, le commerce africain est un paradoxe. D’un côté, le continent détient l’une <a href="https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-afrique/20131221.RUE0961/l-afrique-grandeur-nature-la-carte-qui-bouscule-les-idees-recues.html">des superficies les plus étendues de la planète</a> derrière le continent asiatique (près de 30 millions de km<sup>2</sup>), et représente 16 % de la population mondiale (deux fois l’Amérique latine et trois fois l’Amérique du Nord). D’un autre côté, elle pèse moins de 5 % du commerce mondial, son commerce intérieur étant fortement balkanisé (6 % seulement du total des échanges entre pays).</p>
<p>Cette situation tient d’abord à des raisons historiques, notamment la manière dont le <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/docserver/9789264302525-6-fr.pdf?expires=1560900508&id=id&accname=guest&checksum=8E83AD6AD5F103A2176188F435420FE8">continent a été intégré dans la division internationale des échanges</a> après le XV<sup>e</sup> siècle. Depuis, les pays n’ont jamais réussi à changer leur positionnement sur les chaînes de valeur internationales (toutes les activités nécessaires à la production des biens et services, depuis leur conception, jusqu’à leur production finale). Le continent est resté un <a href="https://www.dw.com/fr/la-croissance-africaine-encore-trop-d%C3%A9pendante-de-la-chine/a-42260751">grand pourvoyeur de matières premières</a> pour les pays industrialisés – et aujourd’hui pour les pays émergents comme la Chine. Il <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/08/30/la-chute-des-matieres-premieres-un-avertissement-pour-l-afrique_5348118_3212.html">subit fréquemment les fluctuations des prix sur les marchés</a> internationaux, importe une grande partie des produits transformés et à plus forte valeur ajoutée.</p>
<p>Mécaniquement, cette asymétrie a mené les pays sur des trajectoires de balance de paiement déséquilibrés, les a enfermés dans un cercle vicieux de <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/03/30/l-afrique-face-au-spectre-d-une-nouvelle-crise-de-dette_5278524_3234.html">crises périodiques de surendettement</a> et en a fait des pays extravertis c’est-à-dire que les économies sont sous dépendance des marchés de capitaux et du commerce extérieurs.</p>
<p>La ZLEC peut-elle constituer un point de départ pour inverser cette situation ?</p>
<h2>Ne pas dissocier le commerce des relations géopolitiques</h2>
<p>La première erreur à ne pas commettre serait de continuer à dissocier le commerce des relations géopolitiques. L’Afrique compte déjà un nombre élevé de communautés économiques régionales (14), sans que cela ait eu un effet sur le développement du commerce. Du fait d’un manque de coordination, voire de la mésentente politique entre États, et malgré la libéralisation commerciale <em>de jure</em>, les pays <a href="https://journals.openedition.org/interventionseconomiques/2815#tocto2n3">ont toujours négocié en ordre dispersé les accords commerciaux</a> avec le reste du monde.</p>
<p>Pire, entre eux-mêmes ils ont maintenu des barrières non tarifaires – ce qui a provoqué de grandes distorsions économiques et annihilé les effets positifs qu’aurait dû avoir le désarmement tarifaire. Pour donner son plein effet, la ZLEC doit être complétée, rapidement, par une harmonisation des règles d’acheminement, de conditionnement, des délais et procédures de dédouanement, la mise en place d’instance de contrôle et de règlements des litiges, etc. Tout ceci n’est pas une affaire de technocratie, mais avant tout de volonté politique. Chacun devrait penser « Afrique » et ne plus se focaliser sur les seuls intérêts nationaux.</p>
<p>À l’heure où les gouvernements d’autres continents, en Europe et en Asie par exemple, se battent pour faire valoir auprès des populations l’idée d’une identité continentale – au prix parfois d’âpres débats –, cultiver auprès des ménages, des entreprises et de tous les acteurs de terrain africains la vision d’un commerce destiné à pousser un panafricanisme vecteur de paix, de justice et de prospérité n’est pas inaccessible.</p>
<h2>Ne pas dissocier le commerce de la lutte contre la pauvreté</h2>
<p>Une seconde erreur à ne pas répéter est de dissocier le commerce de la lutte contre la pauvreté. <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/understanding-poverty">L’Afrique compte le plus grand nombre de pauvres</a> sur la planète. <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/research/brief/poverty-and-shared-prosperity-2018-piecing-together-the-poverty-puzzle-frequently-asked-questions">Plus de 40 % des subsahariens vivent sous le seuil de pauvreté</a>. Les infrastructures de transport, d’énergie, d’accès à l’eau et au numérique, y font encore cruellement défaut. La pollution domestique y explique un quart des décès et <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/03/30/l-afrique-face-au-spectre-d-une-nouvelle-crise-de-dette_5278524_3234.html">raccourcit l’espérance de vie</a>. L’exposition aux particules fines est la deuxième plus élevée dans le monde à cause des émissions toxiques liées à l’utilisation domestique de la biomasse – matière organique d’origine végétale (microalgues incluses), animale, bactérienne ou fongique (champignons), utilisable comme source d’énergie.</p>
<p>Dans ce contexte, le commerce n’est pas une fin en soi, mais un moyen. L’une des faiblesses des politiques commerciales jusqu’à présent a été la lenteur de leur mise en œuvre concrète. La construction d’infrastructures routières ou de postes douaniers prend un temps considérable, les procédures sont longues à entrer en application, l’<a href="https://www.cairn.info/revue-d-economie-financiere-2014-4-page-165.htm?contenu=resume">accès aux financements</a> – notamment par le biais des marchés de capitaux privés – n’est pas toujours sécurisé. Cette lenteur est d’origine systémique : temps lié aux décaissements, aux travaux d’études, désaccords politiques, démotivation des acteurs sur le terrain, maintien de positions oligopolistiques, faiblesse des régulations, comportements non coopératifs entre acteurs politiques, absence de vision à long terme.</p>
<p>Tout ceci empêche la montée en gamme rapide des systèmes productifs et l’accumulation de nouveaux savoir-faire par la pratique. Des changements ne peuvent avoir lieu que s’il y a un « choc » dans la prise de conscience du caractère urgent de faire <a href="https://news.un.org/fr/story/2018/03/1009032">bondir le commerce infrarégional</a>. Car il s’agit de créer, au plus vite, de la richesse et des emplois pour absorber l’arrivée sur le marché du travail de générations de plus en plus jeunes.</p>
<h2>Prendre soin de ses terres</h2>
<p>L’Afrique peut s’inspirer de l’Asie. Par exemple, en quarante ans seulement de son implication dans le commerce international, la <a href="http://french.xinhuanet.com/2015-10/16/c_134721458.htm">Chine a sorti de la pauvreté près de 700 millions de ruraux</a> : le taux de pauvreté du pays y est passé de 97 % en 1978 à près de 3 % en 2018. L’Afrique n’y parviendra que si elle cible les segments prioritaires de son commerce intracontinental : les innovations au service de l’agriculture dans les zones rurales couplées à un investissement dans les infrastructures de base, la santé et l’éducation pour hausser les compétences humaines.</p>
<p>Par ailleurs, l’Afrique a des avantages dont elle ne tire aucun bénéfice. Richement dotée en ressources naturelles non carbonées, son rôle dans la transition vers une économie verte mondiale pourrait être une opportunité. Mais en raison des rapports de puissance géopolitiques qui lui sont défavorables, elle brade ses rares terres dans l’exportation à des pays tiers, alors qu’elle pourrait devenir un exportateur de produits finis utilisés ailleurs dans le monde dans la nouvelle économie numérique.</p>
<p>En outre, la surexploitation de certaines terres agricoles et ressources forestières met en danger la préservation de ses écosystèmes naturels. Au moment où les <a href="http://www.fao.org/worldfoodsituation/csdb/fr/">réserves mondiales en céréales ne cessent de diminuer</a> et que la sécurité alimentaire est un enjeu mondial, le continent <a href="https://www.lepoint.fr/economie/agriculture-l-afrique-peut-nourrir-toute-la-planete-14-04-2015-1921086_28.php">compte de nombreuses terres arables non exploitées</a> (d’une superficie comprise entre 200 et 250 millions d’hectares). L’Afrique pourrait ainsi devenir le grenier à grains du monde et faire de l’agriculture le fer de lance de ses exportations. Mais une partie de ces terres est achetée en masse par de nouvelles puissances émergentes.</p>
<h2>Le défi du commerce infra-africain</h2>
<p>La troisième condition de réussite de la ZLEC reposera sur la réponse à la question suivante : que peut faire le continent africain pour lui-même et par lui-même, en matière de commerce ? Le continent doit rapidement mettre fin à sa grande dépendance des importations, qu’il s’agisse de produits et services intermédiaires – intrants dans la production –, de produits manufacturés et de services en provenance de pays tiers.</p>
<p>Pour ce faire, les pays doivent encourager les créativités et les innovations locales en mettant en place <a href="https://www.wto.org/french/tratop_f/roi_f/roi_info_f.htm">des règles d’origine</a> pour promouvoir un minimum de contenu africain dans la valeur ajoutée des produits et des services. Cela nécessitera sans doute une renégociation des accords commerciaux que les pays ont déjà passé avec les Amériques, l’Europe et l’Asie. Les nouveaux interlocuteurs des pays tiers seront les représentants de la ZLEC, non plus ceux des pays ou des autres zones de libre-échange existantes.</p>
<p>Cela nécessitera un grand courage politique. Il occasionnera, peut-être des tensions géopolitiques, mais ce sera, sans doute, un prix à payer pour accroître le bien-être des générations présentes et futures. Sur le plan économique, la référence de l’Afrique ne peut plus être les modèles de référence hérités du XIX<sup>e</sup> siècle, ou les nouvelles théories du commerce international qui en ont hérité, mais plutôt la théorie de la croissance en <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2010/06/21/kaname-akamatsu-et-le-vol-d-oies-sauvages-par-pierre-jacquet_1376018_3234.html">vol d’oies sauvages de l’économiste japonais Akamatsu</a>.</p>
<p>Le commerce ne permet à une nation de s’enrichir que s’il génère une montée en gamme progressive dans les chaînes de valeur intracontinentale, que si les industries et activités naissantes ont le temps de s’aguerrir avant d’affronter la concurrence mondiale (ce qui est possible grâce à un protectionnisme provisoire). Historiquement, toutes les nations du monde ont agi de la sorte. Certains pays restent fortement protégés de la concurrence internationale, sur des secteurs qu’ils considèrent comme stratégiques. Ce sera aux Africains de définir les segments qu’ils jugent comme étant stratégiques au sein de la ZLEC.</p>
<h2>La ZLEC, un « bien commun »</h2>
<p>Le chemin pour la réussite de la ZLEC sera sans doute long, impliquant plusieurs générations et un changement d’approche du rôle de l’Afrique dans la division internationale des échanges. C’est une affaire de plusieurs générations. Le point important est que la génération actuelle des chefs d’État et de gouvernements ait ouvert une voie, tracé un chemin, donné un cap.</p>
<p>Pour le maintenir, ils devront convaincre les populations de ce que la ZLEC figure parmi les biens communs au sens où le définissait le philosophe John Rawls, c’est-à-dire un acquis que toutes les générations à venir devront défendre coûte que coûte au nom du bien-être de tous.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118564/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gilles Dufrénot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Sa mise en place ne répond pas à un dogme, mais à une volonté concrète de fluidifier les échanges au cœur du continent afin d’en faire un socle pour le développement de l’Afrique.Gilles Dufrénot, Economiste, Chercheur associé au CEPII et Professeur à Aix-Marseille Université, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1182852019-06-04T23:09:30Z2019-06-04T23:09:30ZIntégrer ceux qui n’ont pas les codes en entreprise : un équilibre délicat à trouver<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/277883/original/file-20190604-69071-13fxkbr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C64%2C941%2C598&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">De nos jours, les différences entre les entreprises se jouent notamment sur la créativité, qui repose elle-même sur la diversité des effectifs.</span> <span class="attribution"><span class="source">Andrey_Popov/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>On le sait depuis longtemps – au moins depuis l’Antiquité –, l’homme est un <a href="https://la-philosophie.com/homme-animal-politique-aristote">animal politique</a> qui s’accomplit parmi les autres et dans une société régie par des règles communes. De nos jours, une partie de ces règles se matérialise par ce que l’on nomme les <a href="https://www.cairn.info/revue-actualites-en-analyse-transactionnelle-2009-2-page-51.htm?contenu=article">« codes sociaux »</a>. Autrement dit, des marqueurs forts, regroupant essentiellement le langage, le comportement et la culture, qui sont autant de signes extérieurs d’adaptation positive à son milieu.</p>
<p>Cette problématique d’appartenance au groupe prend une tout autre dimension quand il s’agit d’intégrer les codes de cette microsociété particulière que représente l’entreprise. Entre « habiletés sociales » générales et codes spécifiques d’une « culture » d’entreprise particulière, les décalages peuvent s’avérer fort problématiques pour certains salariés. Alors, comment faire ?</p>
<h2>Des codes mésestimés, voire méprisés</h2>
<p>Résultant d’un long apprentissage et constituant une sorte de langage commun, les codes sociaux sont autant de « preuves » que celui qui les émet appartient bien au groupe auquel il prétend être affilié. En entreprise, ils représentent la reconnaissance et l’intégration de la norme que l’entreprise entend véhiculer et qui s’est coconstruite en interaction avec les membres qui la constitue. L’arrivée d’un nouveau membre est donc potentiellement, une « menace » pour son équilibre.</p>
<p>L’organisation a donc besoin de recevoir, de la part du nouvel arrivant, des éléments rassurants quant à sa future collaboration. Or, de nos jours, entre populations issues de logiques différentes, aspirations individuelles fortes et tensions sur certains bassins d’emploi, la question de la maîtrise des codes sociaux est devenue, pour l’entreprise, un enjeu crucial, à mi-chemin entre responsabilité et survie. Comment s’adapter à cette <a href="https://citations.ouest-france.fr/citation-charles-darwin/especes-survivent-sont-especes-fortes-45704.html">évolution</a> ? Et, corollairement, comment, pour un salarié, trouver sa place dans l’écosystème que représente l’entreprise ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/277885/original/file-20190604-69055-3oxcxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/277885/original/file-20190604-69055-3oxcxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/277885/original/file-20190604-69055-3oxcxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/277885/original/file-20190604-69055-3oxcxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/277885/original/file-20190604-69055-3oxcxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/277885/original/file-20190604-69055-3oxcxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/277885/original/file-20190604-69055-3oxcxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les « interactions sociales codifiées » sont de plus en plus remises en cause, y compris parmi les jeunes les plus diplômés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Elnur/Shutterstock</span></span>
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<p>La non-intégration ou à la mauvaise intégration des codes sociaux des salariés a souvent une origine personnelle simple : celle de l’appartenance à un milieu initial différent, voire très différent, de celui de l’entreprise. Dans une société cosmopolite, multiculturelle, les nouveaux entrants ne connaissent pas forcément ces règles, souvent implicites. En outre, le rapport l’autorité directe est de plus en plus remis en cause. Si la logique de hiérarchie pyramidale reste le <a href="https://www.cadreo.com/actualites/dt-la-hierarchie-pyramidale-reste-la-norme-dans-les-entreprises">modèle le plus courant</a>, la génération montante aspire à un management horizontal plus proche de sa culture en réseau.</p>
<p>Il y a donc là un décalage flagrant entre aspirations individuelles et attente collective, et ce quel que soit le niveau de qualification. En effet, même les jeunes les plus diplômés mésestiment – <a href="https://www.huffingtonpost.fr/michael-dias/pourquoi-la-generation-y-est-elle-en-train-de-demissionner_a_21648282/">et parfois même méprisent</a> – la part des « interactions sociales codifiées » qui sera incontournable dans n’importe quelle fonction au sein de l’entreprise.</p>
<h2>Un cadre plus « cool »… en apparence</h2>
<p>Or, dans un marché du travail sous tension, la maîtrise des codes fait toujours la loi. « En apparence, les règles de la vie en société <a href="https://www.lepoint.fr/societe/les-nouveaux-codes-de-la-reussite-23-05-2013-1689573_23.php">se sont assouplies</a> », dit Jean‑François Amadieu, sociologue et directeur de l’Observatoire des discriminations, interrogé par le magazine Le Point. Tout se passe donc comme si le monde du travail était devenu « cool ». Mais c’est faux. En réalité, le déterminisme social, les réseaux, une bonne expression orale et écrite n’ont sans doute jamais été aussi cruciaux. « Tout le monde n’a pas relâché les codes, et il y a aujourd’hui si peu de places à prendre que les maîtriser est encore plus déterminant qu’autrefois », poursuit ainsi le sociologue.</p>
<p>Dans ce contexte, la première action à opérer serait donc, étonnamment, de faire prendre conscience aux nouveaux entrants de l’importance de maîtriser ces codes sociaux pour réussir leur vie professionnelle. Car quand tant de demandeurs d’emploi affichent les mêmes formations, la différence se fera immanquablement sur d’autres critères ! Ensuite, la formation individuelle est probablement le levier le plus important pour acquérir ces « réflexes », et en particulier, toutes les formes que peuvent revêtir les formations en alternance (mix entre la théorie et la pratique ; stages longs, etc.) qui donnent souvent des <a href="https://www.orientation-education.com/article/quelle-insertion-apres-une-alternance">résultats probants</a> en termes d’insertion professionnelle.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"912536545823006720"}"></div></p>
<p>Enfin, le tutorat en entreprise (ou compagnonnage) – quoique peu utilisé de nos jours car demandant un <a href="https://e-rse.net/microDON-auto-diagnostic-entreprise-actions-solidaires-collaborateurs-272846/#gs.fdv8nh">investissement important</a> de la part de la structure d’accueil – semble être une solution particulièrement efficace. Ce dispositif cherche en effet à créer les conditions de cohésion en intégrant les habiletés humaines.</p>
<h2>« Jeu de rôle » nécessaire ?</h2>
<p>Mais qu’on ne s’y trompe pas : pour une entreprise, faire intégrer les codes sociaux, c’est bien faire intégrer sa propre norme au nouvel arrivant. En creux, on lui demande donc de « choisir » une adaptation, voire un renoncement à certains de ses choix et/ou capacités individuelles. Et c’est un point essentiel : car acceptée par le salarié, l’adoption plénière de ces codes sociaux pourra être l’un de ses plus puissants vecteurs de son ascension sociale ; alors que refusée, cela pourrait être un motif d’exclusion.</p>
<p>Dans de telles conditions, doit-on parler de « norme intégrée » ou de « jeu de rôle » nécessaire ? Si cela est perçu comme un « jeu de rôle », pourquoi pas ? Mais s’il s’agit d’intégrer les codes pour être simplement accepté par le groupe, en absorbant une personnalité autre que la sienne pour pouvoir exister au sein de l’entreprise, est-ce vraiment la solution idéale pour l’individu, mais également pour l’entreprise ? Car créer un « milieu » artificiel et contraint entraînerait sûrement le groupe à vivre une certaine harmonie, certes indispensable à court terme, mais sans garanties sur sa survie à long terme. En effet, celui-ci étant créé à la fois « contre » certaines aspirations individuelles, mais également au détriment de son propre dynamisme, risquerait fort de mettre en péril sa future compétitivité.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/277884/original/file-20190604-69091-16v7jq6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/277884/original/file-20190604-69091-16v7jq6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/277884/original/file-20190604-69091-16v7jq6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/277884/original/file-20190604-69091-16v7jq6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/277884/original/file-20190604-69091-16v7jq6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/277884/original/file-20190604-69091-16v7jq6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/277884/original/file-20190604-69091-16v7jq6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Se fondre dans les normes est-il vraiment la solution idéale pour l’individu et pour l’entreprise ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">Tatiana Chekryzhova/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Reste donc une dernière question : comment combiner la stabilité de l’entreprise, encadrée par ces fameux codes sociaux, avec le dynamisme externe ?</p>
<p>Car il y a bien un souci : les équipes dynamiques qui font les entreprises performantes ne sauraient être le fait de gens uniquement respectueux des codes. De nos jours, la différence majeure entre deux entreprises tient essentiellement à cet élément discriminant qu’est la créativité, cette dimension presque indéfinissable en elle-même mais qui repose bien sur les personnalités propres des individus.</p>
<p>Les entreprises en sont d’ailleurs bien conscientes : transformer ou écarter celui qui est « différent », c’est se priver d’une richesse et d’un talent que, par définition, le groupe ne possède pas en propre. C’est donc probablement dans les compétences personnelles différentes de ces nouveaux entrants, porteurs de nouvelles valeurs et donc de nouveaux codes sociaux, qu’une nouvelle richesse est à trouver. Certes, acquérir les codes demeure essentiel pour une bonne intégration dans l’entreprise, mais parvenir à les dépasser pour construire ensemble la société de demain est davantage le véritable défi à relever.</p>
<blockquote>
<p>« Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis ». (Saint-Exupéry).</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/118285/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cécile Dutriaux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les entreprises oscillent systématiquement entre besoin d’être rassurées sur une certaine conformité et nécessité de trouver des personnalités originales qui dynamiseront son activité.Cécile Dutriaux, Doctorante, chaire EPPP, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1068662018-11-13T23:08:04Z2018-11-13T23:08:04ZPodcast : migrants ou réfugiés ? Crise ou phénomène durable ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/245352/original/file-20181113-194503-uzc7jn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1078%2C574%2C3725%2C3290&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Fresque murale rue Ordener à Paris.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jmenj/34740169605/in/photolist-UVSs6t-4m8j7m-2amSUtW-dALBpA-buuVv3-W4tmxo-27gfrD5-PECxvC-dmXN1s-jpXKnz-dLtja9-2a4VB2D-gWhGNJ-h7VNR1-XkRxQA-Q9qQJ1-bHpHZx-XkoR1x-5gD22W-7c7x4W-dLthYs-92W38K-4NwdPd-bHpHEB-dZ1kcK-PD5VNJ-XGhoVy-dLtm6Y-PD5UhY-cvAymG-6BJHLe-dLnPtM-WqHnZd-XgzRFJ-dmXNaj-5ikFKB-d4Qx7Q-eaN8jt-26W76vK-N8p2ep-W4toUN-7XLQzt-buuVzN-jxVc14-86xbJR-26W74Yr-ieT4fC-UHZsvW-trW9xS-XkoDKg">Jeanne Menjoulet / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Alors qu’en 2018 le nombre de migrants en Europe est le plus faible des dernières années, et que l’on ne cesse de parler de « crise des migrants », retour sur un débat à la fois lexical, politique et socio-économique avec trois experts de disciplines différentes.</p>
<hr>
<p><em><strong>Animation </strong>: Yves Bongarçon (<a href="https://www.moustictheaudioagency.com/">Moustic the Audio Agency</a>) et Didier Pourquery (The Conversation France). <strong>Réalisation </strong>: Joseph Carabalona et Thierry Imberty (Moustic the Audio Agency).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/106866/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Éclairages d'experts autour des mots, des chiffres, des tendances et des lois qui traversent le débat autour des réfugiés.Marie Veniard, Maître de conférences en sciences du langage, fellow à l'Institut Convergences Migrations, Université Paris CitéSperanta Dumitru, Associate professor, Université Paris CitéThomas Lacroix, Chargé de recherche CNRS, Chercheur associé CERI SciencePo, directeur adjoint Migrinter, Université de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/988242018-06-27T21:02:02Z2018-06-27T21:02:02ZComment l’association Singa facilite l’insertion des réfugiés<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/224544/original/file-20180624-26549-wexb35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Singa World cup</span> </figcaption></figure><p><em>Nous republions cet article dans le cadre de la 6e édition de <a href="http://www.reportersdespoirs.org/la-semaine-des-solutions">l’opération la France des Solutions</a> dont The Conversation est partenaire. Du 8 au 14 octobre retrouvez des solutions dans 50 médias dans toute la France !</em></p>
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<p><em><strong>Quand ils sont une foule sans visages, les réfugiés peuvent faire peur, mais l’association Singa montre qu’ils peuvent être utiles à la société en les associant à des nationaux autour de projets communs.</strong></em></p>
<h2>Quand les réfugiés sont une foule sans visages</h2>
<p>Nathanaël Molle a vécu dans plusieurs pays et continents et sait pourquoi les migrants font peur.</p>
<blockquote>
<p>« Assez récemment, dans les représentations collectives, le réfugié est devenu un élément indistinct, non identifié, au sein d’une horde en mouvement potentiellement menaçante. Ce sont ces images de crises, de guerres et de misère qui, relayées par les médias et les acteurs politiques, forgent cet imaginaire collectif très négatif. C’est d’autant plus le cas dans les pays en voie de développement où les effets de la crise sont encore plus nets. »</p>
</blockquote>
<p>Des ONG interviennent pourtant partout, mais Nathanël Molle a pu voir que, si elles nourrissent les réfugiés, les soignent, les logent, voire les aident à lancer une activité, elles ne se préoccupent pas du processus d’insertion dans le pays d’accueil. Or, là se situe une grande partie du problème.</p>
<h2>Les obstacles à franchir</h2>
<p>Le premier obstacle est la langue.</p>
<blockquote>
<p>« En France, pays de la francophonie, on n’y accorde pas d’importance, à la différence de pays comme l’Allemagne. Afin de ne pas dépenser “inutilement” de l’argent dans les 400 heures de formation qui leur sont théoriquement dues, l’Administration ne fait subir aux demandeurs du statut de réfugié qu’un test linguistique sommaire. De ce fait, la plupart d’entre eux n’a pas accès à l’outil le plus important pour construire une nouvelle vie, ce qui les confine à des métiers ne nécessitant pas la maîtrise de la langue et ne correspondant pas à leurs qualifications. Dix ans après leur arrivée, certains ne savent toujours pas parler français, car ils n’ont pu qu’enchaîner les petits boulots, mais ils s’entendent dire qu’ils ne veulent pas s’intégrer… Cela fait peser sur les seuls enfants, scolarisés dans notre langue, le rôle d’intermédiaires entre leurs parents et le reste de la société. »</p>
</blockquote>
<p>La non-équivalence des diplômes conduit aussi au déclassement. Les traumatismes du voyage, la suspicion dont ils sont l’objet, la longue attente de leur permis de séjour, ne les mettent guère en situation pour chercher une place dans la société d’accueil. Les travailleurs sociaux sont débordés : chez <a href="http://www.france-terre-asile.org/">France Terre d’Asile</a>, un travailleur social devait suivre 800 personnes en 2016.</p>
<h2>La communauté Singa</h2>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/224545/original/file-20180624-26567-1gai1fd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/224545/original/file-20180624-26567-1gai1fd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/224545/original/file-20180624-26567-1gai1fd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=817&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/224545/original/file-20180624-26567-1gai1fd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=817&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/224545/original/file-20180624-26567-1gai1fd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=817&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/224545/original/file-20180624-26567-1gai1fd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1027&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/224545/original/file-20180624-26567-1gai1fd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1027&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/224545/original/file-20180624-26567-1gai1fd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1027&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">N. Molle.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Nathanaël Molle a eu l’idée, avec Guillaume Capelle, qui a fait les mêmes constats en Australie, de créer <a href="https://www.singafrance.com/">Singa</a>, communauté de professionnels, d’entrepreneurs, d’artistes, de sportifs, d’étudiants, etc., rassemblant des réfugiés et des nationaux autour d’intérêts communs. Les réfugiés y trouvent un cadre d’accueil, se créent un réseau social et professionnel, apprennent le français, trouvent des opportunités, mais peuvent aussi, en retour, enseigner leur langue, entretenir une passion… Quant aux nationaux, ils viennent pour transmettre, accompagner, apprendre et faire avec d’autres ce qui les passionne.</p>
<p>Un programme Langues et cultures vise l’apprentissage des langues et des codes. Il est fondé sur la constitution de binômes appelés <em>buddies</em> (potes en anglais). Ensemble, ils définissent des objectifs et il n’y a pas de différence entre réfugiés et nationaux. Un grand nombre d’événements sont organisés autour de l’art, de la cuisine, de la musique, etc. Des projets sont menés en commun, animations, fêtes, voire créations d’entreprises.</p>
<p>En 2015, Singa lance <em>Calm</em> (« comme à la maison »), renommé depuis <em><a href="https://www.jaccueille.fr">J'accueille</a></em>, pour loger les réfugiés chez l’habitant. Les débuts sont modestes, mais la publication de la photo du petit Ilan mort sur une plage de Turquie a fait affluer plus de 5 000 propositions de la France entière.</p>
<h2>Un modèle original</h2>
<p>Singa a inventé un nouveau modèle économique : sachant les aléas des subventions, elle propose des prestations à des entreprises, à des communes ou encore à une grande bibliothèque pour adapter son accueil aux migrants. Les outils numériques sont utilisés pour gérer les événements et les personnes, toujours plus nombreux, de sorte que Singa gérait en 2016 15 000 membres avec seulement 14 personnes. Elle comprend aujourd’hui 20 000 membres, s’implante au Canada, en France, en Belgique et en Allemagne, et est un acteur écouté des pouvoirs publics.</p>
<p>Nathanaël Molle s’est depuis lancé dans un nouveau projet, <a href="https://bit.ly/2Kdqrm1">Waya</a>, dont l’objectif est de créer une plate-forme collaborative en plusieurs langues, nourrie par des migrants installés, permettant aux personnes fraîchement arrivées d’avoir accès aux informations et services dont elles ont besoin pour moins dépendre de personnes tiers.</p>
<p>Il poursuit son rêve d’une société où les réfugiés seraient vus comme une richesse et où tout serait fait pour les y aider.</p>
<h2>Entrepreneurs et entreprenants</h2>
<p>Les jeunes créateurs, imprégnés de culture numérique, ont fait ce qu’annoncent Nicolas Colin et Henri Verdier dans <a href="https://bit.ly/2MqKOZw">L’âge de la multitude</a> : mobiliser la puissante multitude de gens instruits, formés, équipés et connectés pour bouleverser l’ancien ordre économique et social.</p>
<p>Ils empruntent à la culture et aux méthodes des start-up pour poursuivre des objectifs sociaux. Ce sont des entreprenants à cheval entre les catégories classiques de l’entrepreneur-startupper et de l’entrepreneur social. Ces profils hybrides sont probablement appelés à se développer si on sait les encourager.</p>
<hr>
<p><em>Pour en savoir plus sur la richesse et la pertinence de l’action de Singa : <a href="https://www.ecole.org/fr/seance/1189-renforcer-la-societe-avec-les-refugies">renforcer la société avec les réfugiés</a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/98824/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Michel Berry est fondateur et animateur du Jardin des entreprenants</span></em></p>Quand ils sont une foule sans visages, les réfugiés font peur, mais l’association Singa montre qu’ils peuvent être utiles à la société en les associant à des nationaux autour de projets communs.Michel Berry, Fondateur de l'école de Paris du Management, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/936172018-03-28T19:00:34Z2018-03-28T19:00:34ZImmigration : peut-on concilier humanité et fermeté ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/212430/original/file-20180328-109175-jyuubl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C6%2C2048%2C1526&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une photo de migrants accrochée à Paris, dans le quartier de Stalingrad.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jmenj/30413992660/in/photolist-NkzEpN-fqsD2j-cyu48-fbeq4D-QKaa8c-oZxPMW-bD3QaN-J88yoF-J88yjH-J88ye2-5bEQWs-Lqzndy-dnGpqq-czD8mG-taRhv-X63eQz-MQ5thT-eb8ogF-2VqZxQ-5RJK8o-3bnvdy-7KWQP2-bD3Po3-qWFhjA-STo2zj-anSii7-51Povp-m9VGYH-bV8pfU-XQdJc9-nanco5-S8WKsG-oJ8nQ3-RX5r2Z-fgD7v9-dT26bo-UqyEEV-XQYPCa-4Ns1Hp-QSD1q5-yh7ubf-GN4CzG-pQJA5-fNUsT-9TMnqQ-777emD-qknmCx-bKZZ3a-2VqXds-PQ5x9W">Jeanne Menjoulet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>L’accueil des migrants place, semble-t-il, devant un dilemme insoluble : l’hospitalité ou la dureté. Nous serions sommés de choisir entre deux attitudes, et deux voies, paraissant inconciliables : l’humanisme, qui se traduirait par l’accueil bienveillant de (si possible tous) ceux qui se présentent ; ou l’égoïste repli sur soi, qui se traduirait dans le refus haineux du réfugié. Le devoir d’accueil de l’autre, notre frère en humanité, versus le droit de se défendre contre des « assaillants » venus d’ailleurs, et perçus comme des « perturbateurs sociétaux ».</p>
<p>Est-il possible de dépasser cette opposition apparemment irréductible, et de concilier humanité et fermeté ?</p>
<h2>L’intégration, nœud du problème</h2>
<p>Le drame est que les migrants sont perçus comme indésirables <em>aujourd’hui</em> parce que (pense-t-on) source de troubles et de problèmes, non seulement aujourd’hui, mais surtout <em>demain</em>. C’est la capacité des immigrés (et de leurs descendants) de s’intégrer qui est mise en question.</p>
<p><a href="http://lemonde.fr/idees/article/2018/03/03/jerome-fourquet-la-ligne-de-fermete-choisie-par-le-gouvernement-va-dans-le-sens-de-l-opinion_5265101_3232.html">Un récent sondage de l’IFOP</a> le montre bien : plus de 7 Français sur 10 estiment que les personnes issues de l’immigration sont mal intégrées dans la société française, et cela, à cause essentiellement de raisons qui leur incomberaient. Le refus actuel d’une acceptation inconditionnelle et massive serait ainsi justifié par l’existence de différences (d’habitus, de comportement, de pratiques sociales et religieuses) jugées pathogènes pour la nation française avec, à terme, un potentiel risque de destruction.</p>
<p>Force est de reconnaître qu’à cet égard certains faits posent question, à tel point qu’on hésite à les évoquer, le sujet étant devenu tabou. Ainsi en va-t-il de la « suractivité délictuelle » des jeunes issus de l’immigration, <a href="https://sebastianroche.wordpress.com/2015/07/14/selon-une-etude-menee-en-isere-deux-tiers-des-mineurs-delinquants-sont-dorigine-etrangere-04072010/">mise en évidence dès 2004 par une recherche conduite en Isère</a>.</p>
<p>En 2012, les statistiques de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) confirment une <a href="http://delinquance.blog.lemonde.fr/2013/12/16/la-part-des-etrangers-mis-en-cause-pour-vols-a-fortement-augmente-depuis-2008/">forte hausse de la délinquance des étrangers</a>. Et les travaux de Farhad Khosrokhavar (2004, 2016) établissent que l’islam est devenue « la première religion carcérale de France », le taux des détenus musulmans dépassant souvent les 50 %, et avoisinant parfois les 70 ou 80 %.</p>
<p>Y aurait-il un inéluctable destin conduisant de l’immigration à la délinquance, puis au terrorisme, dans une sorte de spirale négative de la non-intégration ?</p>
<h2>Pour les immigrés, les dérives comportementales sont-elles une fatalité ?</h2>
<p>Il est clair, toutefois, que la surreprésentation, dans les prisons françaises, des personnes issues de l’immigration, peut avoir de multiples causes, sociales, et économiques, autant qu’individuelles.</p>
<p>On peut évoquer les conditions de vie qui leur sont faites, leur confinement dans des quartiers ghettos, le racisme latent, etc., et affirmer que l’urgence est de lutter contre les inégalités qui souvent les accablent. C’est pourquoi il devrait être aussi clair qu’il convient de refuser de s’enliser dans l’évocation de ce qui serait une propension à la délinquance chez les immigrés, comme s’il y avait chez eux un penchant naturel pour le délit.</p>
<p>Mais le moins que l’on puisse dire est que ces faits signent un échec, au moins partiel, de leur intégration. Et que l’on se trouve alors face à un double problème : prendre des mesures (politiques, sociales, économiques, scolaires) susceptibles de favoriser cette intégration ; et lutter contre tout ce qui pourrait conforter la croyance selon laquelle « immigration » est, par essence, synonyme de danger social.</p>
<p>Le défi est alors de casser le lien que l’opinion établit entre <em>la personne</em> des immigrés, et les phénomènes délictueux. Il nous semble qu’une guerre affirmée, et acharnée, contre les <em>comportements</em> répréhensibles serait de nature à faire progresser en ce sens, et partant, à faire mieux accepter, a priori, les migrants.</p>
<h2>De l’humanisme compassionnel à l’humanisme de raison</h2>
<p>Certains réclament une fermeté s’exerçant en quelque sorte a priori, en prônant une gestion « froide » du problème. Il y aurait lieu de tout mettre en œuvre pour, selon l’adage, prévenir, plutôt que guérir. Autant que possible interdire l’entrée sur le territoire national ; en tout cas trancher le plus vite possible de l’avenir dévolu à chacun. Et pour cela ne pas hésiter à faire subir la dureté d’un traitement froidement administratif, dès le premier pas en France, et si possible avant (au sein des pays d’origine).</p>
<p>Dans cette logique, un humanisme se traduisant par de la mollesse et des atermoiements est dénoncé comme une faiblesse coupable, nocive à la fois pour ceux qui resteront (et dont l’intégration sera retardée), et pour ceux qui devront repartir (et qui auront eu le temps de se bercer de faux espoirs). On doit, le plus vite possible, la vérité au demandeur d’accueil. La fermeté n’est que l’expression concrète d’un <strong>devoir de vérité</strong> à l’égard de sa personne, dans un contexte où « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/212439/original/file-20180328-109199-6gzcia.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/212439/original/file-20180328-109199-6gzcia.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/212439/original/file-20180328-109199-6gzcia.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/212439/original/file-20180328-109199-6gzcia.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/212439/original/file-20180328-109199-6gzcia.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/212439/original/file-20180328-109199-6gzcia.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/212439/original/file-20180328-109199-6gzcia.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« Retour à la rue », série photographique sur les migrants à Paris.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jmenj/9465788112/in/photolist-fqsD2j-cyu48-fbeq4D-QKaa8c-oZxPMW-J88yoF-J88yjH-J88ye2-5bEQWs-Lqzndy-dnGpqq-czD8mG-MQ5thT-eb8ogF-2VqZxQ-5RJK8o-7KWQP2-bD3QaN-taRhv-X63eQz-3bnvdy-qWFhjA-anSii7-51Povp-m9VGYH-bV8pfU-nanco5-S8WKsG-oJ8nQ3-RX5r2Z-fgD7v9-dT26bo-UqyEEV-XQYPCa-4Ns1Hp-QSD1q5-yh7ubf-GN4CzG-bKZZ3a-pQJA5-fNUsT-qknmCx-STo2zj-XQdJc9-9TMnqQ-777emD-2VqXds-d9csqw-GgtkmE-YUnVv7">Jeanne Menjoulet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Mais, si elles exigent d’être fermement mises en application, les conditions d’accueil doivent être clairement établies. Sauf à décider que tout migrant, quel qu’il soit, d’où qu’il vienne, a le droit absolu d’être accepté, il y a bien une décision, d’acceptation ou de refus, à prendre. Cela doit se faire par référence à des critères de droit, à la fois clairs (ils doivent avoir été explicités, et rendus publics), et équitables (en adéquation avec des exigences d’ordre éthique). C’est cette exigence de traitement selon le droit qui légitime l’accueil de tous dans la dignité, quel que soit leur sort futur. En attendant que l’on ait statué sur celui-ci, il faut offrir à chacun des conditions de vie décente : tel est le <strong>devoir d’hospitalité.</strong></p>
<p>Ces deux devoirs caractérisent un humanisme de raison, centré sur le respect de la personne, qui diffère d’un humanisme compassionnel, lequel pourrait conduire à tout excuser, même ce qui est inexcusable au regard des règles de l’État de droit.</p>
<h2>Humanité à l’égard des personnes, fermeté à l’égard des comportements</h2>
<p>Si l’on veut donc prévenir l’amalgame entre immigration et trouble social, voire entre immigration et délinquance, ou pire encore immigration et terrorisme, il est impératif de distinguer les <strong>personnes</strong> et les <strong>actes</strong> ou <strong>comportements</strong>. La critique « de gauche » des postures et des attitudes répressives à l’égard des migrants souligne l’impérieuse nécessité de respecter les personnes. Mais c’est une impérieuse nécessité de même niveau que souligne la critique « de droite », qui s’élève contre des comportements inadmissibles (squats, vols, violences), au nom du respect dû aux habitants du pays où l’on demande d’être accueilli.</p>
<p>La non-distinction entre les personnes et les comportements est à l’origine d’une double erreur symétrique : la dureté envers les personnes et l’indulgence envers les comportements. Le respect dû aux immigrés, et à leurs descendants, ne doit pas, au motif de leur fragilité, et des souffrances qu’ils endurent (humanisme compassionnel), se traduire par une indulgence particulière à l’égard de comportements qui ne respecteraient pas les règles de l’État de droit. Contre les comportements hors règle, la rigueur est de mise, dès le début, et sans faiblesse.</p>
<p>Même quand « elles sont le fait des minorités issues des pays colonisés », les « inconduites » et les <a href="http://lemonde.fr/idees/article/2015/01/13/osons-voir-les-tares-morales-d-une-minorite-desocialisee_4555132_3232.html?xtmc=hugues_lagrange&xtcr=16">« tares morales »</a> doivent être fermement condamnées. Le sociologue <a href="http://lemonde.fr/idees/article/2018/03/06/tarik-yildiz-l-enjeu-n-est-pas-la-structuration-de-l-islam-mais-la-lutte-contre-une-ideologie_5266154_3232.html">Tarik Yildiz</a> vient d’exprimer très clairement cette nécessité : une des seules façons de briser l’engrenage qui entraîne de la petite délinquance au djihadisme est de faire strictement respecter les lois « dès le premier acte de délinquance ».</p>
<p>Symétriquement, l’intolérance à l’égard de comportements répréhensibles ne doit pas se traduire par une dureté particulière à l’égard de la personne des migrants, dont l’accueil – ne serait-ce qu’à titre temporaire – doit se faire dans des conditions conformes aux exigences du respect dû à toute personne. Mais tant qu’on ne liera pas fortement l’exigence du respect de la personne avec l’exigence du respect que toute personne doit aux lois républicaines, un espace existera dans lequel s’engouffreront les préjugés, les soupçons, et finalement les haines.</p>
<h2>Accueillir en toute clarté tant pour les devoirs que pour les droits</h2>
<p>Autrement dit, la meilleure façon de bien accueillir les migrants est de le faire dans la clarté pour ce qui concerne à la fois la prise en charge légale de leur présence en France (et à condition que l’on se donne les moyens de cette prise en charge) ; et les comportements qui seront exigés d’eux en tant que membre – temporaire ou permanent – de la communauté française.</p>
<p>En somme, et comme toujours, la seule solution pour le « survivre » ensemble est dans une articulation viscérale entre des droits et des devoirs, la <em>personne</em> étant le lieu emblématique des droits, et les <em>actes</em> ou <em>comportements</em>, celui des devoirs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/93617/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charles Hadji ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À l’égard des migrants, seul un humanisme de raison, respectueux des personnes, mais intransigeant à l’égard de leurs actes, peut permettre de concilier humanité et fermeté.Charles Hadji, Professeur honoraire (Sciences de l’éducation), Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/891232018-02-28T21:09:59Z2018-02-28T21:09:59ZRedécouvrons le droit à la ville<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/208250/original/file-20180228-36706-1thj17c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5463%2C3620&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les jardins urbains changent le visage d’un quartier et les dynamiques sociales et écologiques d’une ville.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/alainrouiller/31271926665/in/album-72157677128763225/">Alain Rouiller/flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Face aux enjeux contemporains de crises écologique et sociale, le concept de « droit à la ville », hérité des décennies passées, apparaît de nouveau comme un concept d’une grande pertinence. Bien qu’il ait connu un fort succès académique, ce droit à la ville a peu influencé les mondes civils et politiques.</p>
<p>Précédemment focalisé sur des mouvements extraordinaires, et par extension éphémères, un nouveau droit à la ville peut aujourd’hui s’inventer. Cette invention passe par la valorisation et la mise en politique des actes citoyens ordinaires, processus cachés qui renouvellent pourtant, de manière permanente, l’intimité des sociétés.</p>
<h2>Donner une place centrale aux habitants</h2>
<p>Créé à la fin des années 1960 par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Lefebvre">Henri Lefebvre</a>, le droit à la ville a pour ambition de donner une grande importance au corps social dans les processus de création de l’urbain. Le philosophe avance l’idée que fabriquer la ville ne doit pas être réservé aux élites : intégrer les citoyens aux processus de construction de la ville <a href="http://www.persee.fr/doc/homso_0018-4306_1967_num_6_1_1063">devient fondamental</a> pour exercer l’égalité et la liberté d’agir. Il propose alors deux éléments essentiels à inclure dans les politiques urbaines : l’appropriation et la participation.</p>
<p>L’appropriation a pour objectif d’offrir la possibilité aux populations d’occuper l’espace urbain à des fins de partage et de créativité. Elle doit se manifester par une <a href="https://www.cairn.info/revue-rue-descartes-2009-1-page-40.htm">démarche globale</a> pour penser la vie de quartier et la vie en ville. La participation revendique la capacité de chacun à prendre part aux décisions qui façonnent la ville : dans les politiques générales de planification de l’espace urbain, les choix d’investissement des grandes entreprises, les arbitrages dans des stratégies de développement, etc.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/0kyLooKv6mU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Entretien avec Henri Lefebvre.</span></figcaption>
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<p>Lefebvre insiste sur la nécessité de donner aux habitants une place centrale dans les prises de décisions, demandant parfois de refonder des processus identitaires dans les systèmes d’appartenance à un lieu de vie ou à un collectif. Le controversé droit de vote des étrangers, fixé par le lieu de résidence et non par la nationalité, témoigne de cette vision égalitaire de la participation des citoyens à la vie urbaine.</p>
<p>Depuis sa création, le droit à la ville a beaucoup imprégné les travaux scientifiques : la justice sociale, la justice environnementale et les politiques de solidarité qui ont fait couler beaucoup d’encre ces dernières années, sont autant de thématiques qui en découlent. Néanmoins, quarante ans après sa création, le concept n’a pas réellement réussi à pénétrer le milieu politique.</p>
<h2>Extraordinaire mais éphémère</h2>
<p>Si certaines communes se dotent de plus en plus de conseils de quartier, de budgets participatifs ou de conseils citoyens, ces initiatives restent de l’ordre du symbole, sont souvent très peu représentatives. Et la ville continue à se fabriquer par des approches fortement descendantes. Ce succès manqué s’explique en partie par le fait que le droit à la ville se définit peu dans la pratique : son essence généraliste et ses contours juridiques aléatoires font de lui un concept difficilement mobilisable.</p>
<p>Il a néanmoins fait naître une production intellectuelle et académique riche en enseignements. En appréciant le concept à des formes de protestation exceptionnelles – les <a href="http://www.liberation.fr/evenement/1999/12/06/apres-les-manifestations-de-seattle-le-sommet-de-l-omc-s-est-acheve-samedi-sur-un-constat-d-echec-la_291823">émeutes de Seattle</a> en 1999, les manifestations à l’origine des <a href="http://www.jeuneafrique.com/mag/502443/politique/geopolitique-les-7-printemps-des-revolutions-arabes/">printemps arabes</a> à partir de décembre 2010 ou plus récemment les occupations des places publiques par le mouvement <a href="https://theconversation.com/fr/topics/nuit-debout-26696">« Nuit debout »</a> –, les penseurs qui ont suivi Henri Lefebvre ont prouvé que des revendications fortes et non violentes pouvaient jouir d’un important retour médiatique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"717121438797279237"}"></div></p>
<p>Ces événements marquants qui ont fédéré des centaines de milliers de personnes se sont également révélés éphémères. Si pendant quelques jours, ils dévoilent l’espoir d’un avenir commun, ils laissent finalement place à un retour routinier du marché capitaliste et des systèmes d’oppression sous-jacents. Le cas des <a href="https://theconversation.com/fr/search?utf8=%E2%9C%93&q=printemps+arabe">printemps arabes</a> fait figure d’exception : des changements constitutionnels majeurs ont donné suite aux mouvements citoyens.</p>
<p>Mais ces évolutions ont pu se produire uniquement parce que des partis politiques existants ont repris, tout en les déformant, les revendications publiques des manifestants : derrière une écoute apparente des demandes du peuple, les politiciens ne font en fait que <a href="http://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13688790500375132">parler à sa place</a>.</p>
<h2>L’ordinaire pour repenser le droit à la ville</h2>
<p>Une question se pose dès lors : comment penser un droit à la ville pertinent sans que la parole des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/citoyennete-23094?page=2">citoyens</a> ne soit reprise et transformée à des fins individuelles ? Au-delà des revendications extraordinaires, nous sommes convaincus que le droit à la ville peut s’inscrire dans une valorisation des pratiques ordinaires.</p>
<p>Derrière les apparences, les gestes quotidiens des citadins sont de magnifiques espaces de création et de résistance : à la sortie du travail, faire un détour par un parc ou une rue que l’on aime ; faire du lèche-vitrine chez les artisans du quartier ; prendre le vélo davantage que le métro ; faire un arrêt non prévu à la terrasse d’un café ; laisser sécher son linge entre deux fenêtres ; décorer son balcon avec un olivier ; discuter avec son voisin…</p>
<p>Tous ces gestes, si ordinaires soient-ils, façonnent la ville, lui donnent une odeur et une couleur, réinventent sans cesse la danse de ses habitants et les formes de son intimité. Ils créent de nouveaux espaces de solidarité. Dans son livre maître <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-essais/L-invention-du-quotidien-I"><em>L’invention du quotidien</em></a> (1990), l’historien et sociologue Michel de Certeau analysait déjà les actes ordinaires comme une production permanente de culture et de partage.</p>
<p>Selon lui, les citadins ne se contentent pas de consommer : ils produisent et inventent le quotidien par d’innombrables mécanismes de créativité et par des pratiques sociales sans cesse renouvelées. Pour emprunter l’expression de <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/une-vie-une-oeuvre/claude-levi-strauss-1908-2009-lhomme-en-perspective">Claude Lévi-Strauss</a>, les citadins « bricolent » avec les espaces qu’ils fréquentent et les contraintes d’un modèle sociétal pour s’inventer un parcours de vie qui participe à leur émancipation.</p>
<h2>Cultiver la biodiversité urbaine</h2>
<p>Le cas des jardins urbains – particulièrement à la mode en ce moment – est tout à fait intéressant. D’abord, parce que pratiquer une activité agricole en ville constitue une approche d’appropriation de l’espace urbain, chère aux concepteurs du droit à la ville. Les individus utilisent ainsi <a href="https://www.cairn.info/revue-espaces-et-societes-2008-3-page-37.htm">des friches</a>, des terrains non urbanisables, ou <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01230153">des interstices urbains</a> pour porter leurs projets agricoles.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/208243/original/file-20180228-36683-1wz6yee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/208243/original/file-20180228-36683-1wz6yee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/208243/original/file-20180228-36683-1wz6yee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/208243/original/file-20180228-36683-1wz6yee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/208243/original/file-20180228-36683-1wz6yee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/208243/original/file-20180228-36683-1wz6yee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/208243/original/file-20180228-36683-1wz6yee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Entre 2011 et 2015, les personnes et associations du collectif PUM ont expérimenté la friche Eggevoort, le terrain vague au pied du Parlement européen : comment faire fonctionner un espace public non défini comme bien commun ? Comment les expériences de terrain peuvent-elles nourrir les agendas d’urbanisme ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/toyfoo/5812554795/in/photolist-9RCS2Z-nJB28x-ETB9sP-FGncVC-axGuk7-etsapk-jXDrVn-PDoNip-T1yptq-PAb3e5-NpZG2B-aetTrY-UijRHY-V33E3U-9g8M2R-b8wv4P-RFEU6b-iKk3d8-7xe712-7xhUBb-84buxP-71bSQt-oW5VUK-a55kPC-aer5Gc-91zq2x-84bGP8-5Bv6GA-8HNXfh-JrLAyB-84bfRr-Z3ypw7-Z3Aw1B-T1yp7d-TXJYCP-pEcHTr-84bFRg-84bvSR-9SsT5B-84evzm-pTymet-8QtD9C-84e3SW-ibUsZh-9RFCJL-23Dz3Fh-cYgyyh-XgBJtk-CYfrHb-6Xfo7Z/">Thomas Laureyssens/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Ensuite, parce que le jardinage consiste en partie à créer. Créer un espace par la délimitation de sa parcelle, le dessin des différentes planches de culture, la construction éventuelle d’une cabane pour inviter les amis. C’est aussi créer du vivant, créer avec la terre, créer de la <a href="https://theconversation.com/en-direct-des-especes-la-biodiversite-urbaine-enjeu-de-nature-ou-de-societe-90146">biodiversité en ville</a> par les semences choisies, les techniques de travail du sol pratiquées, les formes d’élevage mobilisées. Cette biodiversité retrouvée <a href="https://www.researchgate.net/publication/306256050_Beyond_the_Kale_Urban_Agriculture_and_Social_Justice_Activism_in_New_York_City">apporte des avantages</a> à la société qui vont bien au-delà des jardiniers eux-mêmes : le maintien d’espèces, la création de corridors biologiques, la lutte contre l’îlot de chaleur urbain et la pollution urbaine ou encore de nouveaux processus éducatifs pour les personnes de passage.</p>
<p>Enfin, parce qu’un jardin ramène de <a href="http://journals.openedition.org/lectures/8672">l’esthétisme</a> dans les milieux urbains de manière plus ou moins réussie, plus ou moins voulue. Cette beauté retrouvée se caractérise par la mise en place de nombreux « symboles » dans les jardins, qui participent à la structuration paysagère de la ville : des plantes d’ornement, des éléments de décoration, des épouvantails faits maison, la revalorisation de nombreux matériaux pour les cultures. Autant d’éléments paysagers qui confèrent une lecture, une histoire et une âme à un quartier.</p>
<h2>Une vision du vivre-ensemble</h2>
<p>Les personnes qui fréquentent ces jardins ont des profils multiples. Dans les métropoles, ce sont souvent des cadres supérieurs qui ont envie de réinventer leur vie de quartier par un accès pérenne à des lieux de nature. Dans les villes petites et moyennes, ce sont des chômeurs de longue durée, des retraités à petits revenus, ou encore des gens ayant vécu des événements marquants qui ont pu les marginaliser (séjour en prison, décès d’un membre de leur famille, maladies graves, etc.).</p>
<p>Dans les deux cas, il s’agit de personnes subissant les différentes <a href="http://www.lesprairiesordinaires.com/geacuteographie-de-la-domination.html">formes d’oppression</a> du système capitaliste et de la conformation sociale des villes néolibérales. Sauf cas exceptionnel, il est rare que les jardiniers – surtout quand ces derniers sont issus de situations de précarité – s’ancrent dans des processus de revendications politiques à l’échelle locale ou nationale. Pourtant, par les échanges qui s’y créent, ces jardins changent le visage d’un quartier et les dynamiques sociales et écologiques d’une ville.</p>
<p>De la terrasse d’un café entre deux réunions, aux planches de culture des jardins urbains, les différentes formes de réappropriation des espaces sont autant d’actes politiques qui traduisent une vision du <a href="https://theconversation.com/fr/search?utf8=%E2%9C%93&q=vivre+ensemble">vivre ensemble</a>. La simplicité apparente de ces actions cache une extraordinaire complexité qui permet de questionner la façon dont les villes sont pensées et créées.</p>
<p>Valoriser ces actes ordinaires, les structurer et les représenter dans des politiques publiques opérationnelles permettrait de remodeler les organes de participation à différentes échelles d’action, et ainsi les rendre davantage représentatives et décisionnaires. Repenser le droit à la ville par l’ordinarité des parcours de vie est une aventure théorique et politique passionnante, ô combien pertinente pour enfin conférer aux processus d’urbanisation un véritable <a href="https://davidharvey.org/media/righttothecity.pdf">« pouvoir collectif »</a>. Lors de votre prochaine promenade, tendez l’oreille, observez d’un œil discret : les hommes et les femmes politiques sont partout autour de vous.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/89123/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Damien Deville ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Fabriquer la ville ne doit pas être réservé aux élites : les citoyens doivent pouvoir s’approprier l’espace urbain et mobiliser leur créativité pour réinventer le quotidien.Damien Deville, Agroécologue et anthropologue de la nature, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/920752018-02-22T19:57:47Z2018-02-22T19:57:47ZMigrants : les musées ont un rôle à jouer<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/207131/original/file-20180220-116346-1pty12a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption"> Le musée national du Danemark tend la main aux nouveaux arrivants.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/51443772@N06/16036698579/sizes/l">Statens Museum for Kunst/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Bastions de la culture locale et nationale, les musées donnent souvent l’impression d’être plus ancrés dans la tradition et l’histoire qu’aux prises avec les problèmes actuels. Pourtant, au cours de ces dernières années, certains musées ont décidé d’adopter des programmes de justice sociale, conscients du rôle qu’ils ont à jouer dans la société du XXI<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Dans le cadre de mes récents <a href="https://www.routledge.com/Museums-Immigrants-and-Social-Justice/Labadi/p/book/9781138502291">travaux</a> sur la façon dont les musées peuvent répondre aux besoins sociaux et économiques des migrants, j’ai mené des recherches dans cinq musées et galeries d’art à Copenhague, Manchester et Paris.</p>
<p>J’ai constaté que les musées avaient un rôle unique à jouer, en offrant aux migrants la possibilité d’apprendre la langue de leur pays d’accueil et d’acquérir des compétences professionnelles. Mais, malgré les programmes en cours, les musées ont encore du mal à attirer les migrants les moins favorisés, ce qui tend à renforcer leur image élitiste.</p>
<p>Une partie de mes recherches se concentrait sur le <a href="http://www.museum.manchester.ac.uk/">musée de Manchester</a>, qui a mené deux programmes de bénévolat destinés à un large éventail de participants, y compris des migrants. Le programme <a href="http://www.lotterygoodcauses.org.uk/project/touch-volunteer-programme"><em>In Touch Volunteer</em></a> s’est déroulé entre 2007 et 2010, suivi du programme <a href="https://www.manchestercommunitycentral.org/news/inspiring-futures-volunteering-wellbeing-0"><em>Inspiring Futures : Volunteering for Wellbeing</em></a> entre 2013 et 2016. En outre, le musée de Manchester et la Manchester Art Gallery proposent régulièrement des cours d’anglais gratuits dans le cadre d’un programme permanent appelé <a href="http://manchesterartgallery.org/exhibitions-and-events/event/english-corner-12/"><em>English Corner</em></a>.</p>
<h2>Créer de nouvelles compétences professionnelles</h2>
<p>Les musées jouent un rôle clé dans le développement des compétences de communication indispensables à l’apprentissage d’une langue étrangère. Les objets qui y sont exposés sont des supports particulièrement efficaces qui permettent aux migrants d’apporter leurs expériences quotidiennes et leurs récits de vie dans la salle de classe – selon une stratégie nommée « faire entrer l’extérieur ». Une étude de <a href="http://dera.ioe.ac.uk/22304/1/doc_3341.pdf">2007</a> qui analyse les cours d’anglais suivis dans ce cadre démontre que de telles stratégies sont essentielles, car elles aident les élèves à construire des phrases plus complexes et à parler plus couramment.</p>
<p>Ce processus a été clairement observé lors d’une session <em>English Corner</em> organisée pour un groupe de réfugiées au musée de Manchester. Une Somalienne, que j’ai interviewée une semaine après cette session au musée, y a parlé presque exclusivement d’un bol issu de sa communauté, qu’elle a pu manipuler et utiliser pour focaliser le cours sur cet objet. Elle était évidemment très fière qu’un tel objet se trouve au musée, mais aussi d’avoir pu le toucher et en expliquer les différentes fonctions aux autres participants.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/205985/original/file-20180212-58339-digfaz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/205985/original/file-20180212-58339-digfaz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/205985/original/file-20180212-58339-digfaz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/205985/original/file-20180212-58339-digfaz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/205985/original/file-20180212-58339-digfaz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/205985/original/file-20180212-58339-digfaz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/205985/original/file-20180212-58339-digfaz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Au Manchester Museum, des papillons accueillent les visiteurs.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/131612000@N05/32570194944/sizes/l">tom_t.photography/Flickr.com</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>Les musées peuvent également fournir aux migrants des compétences essentielles en matière d’emploi, de nature à rehausser leur estime de soi et leur confiance en eux. Les volontaires du programme <em>Inspiring Future</em> du Musée de Manchester ont ainsi pris part à dix sessions autour du développement des connaissances patrimoniales. Ils ont ensuite travaillé pendant 60 heures dans les galeries du musée, où ils étaient chargés d’interagir avec le public autour d’un objet précis qu’ils étaient autorisés à toucher. Les bénévoles que j’ai interviewés se sentaient privilégiés de pouvoir toucher ces objets chargés d’histoire – cela leur donnait un prestige social et les transformait en experts.</p>
<p>Une <a href="https://issuu.com/volunteeringmm/docs/if_annual_sroi_report_2014">évaluation indépendante</a> du programme, menée par le cabinet d’études « Envoy Partnership », a permis de constater que ces activités de volontariat renforçaient en effet la confiance en soi des participants. Bien qu’ils se soient sentis peu confiants au début du projet, un an après l’expérience de bénévolat, la plupart ont déclaré qu’ils se sentaient souvent confiants, et c’était encore plus manifeste deux ans après. Ces volontaires étaient tous convaincus qu’il s’agissait d’un résultat direct du programme.</p>
<h2>Certains migrants restent exclus</h2>
<p>Mais malgré l’importance de ces programmes pour le développement des compétences linguistiques et professionnelles, la plupart d’entre eux ont en fait marginalisé ou exclu les migrants les plus défavorisés ou ceux qui ne parlaient pas couramment la langue de leur pays d’accueil.</p>
<p>Même lorsque les programmes étaient organisés à l’intention des migrants les moins privilégiés, tels que les réfugiés et les demandeurs d’asile, ils ne venaient pas au musée par eux-mêmes. Les <a href="https://issuu.com/manchestermuseum/docs/intouch">évaluations officielles</a> des programmes de volontariat du musée de Manchester confirment ces tendances. Alors que les migrants récents et les demandeurs d’asile constituaient un des groupes cibles du programme <em>In Touch</em>, seuls 13 des 203 participants au total avaient le statut de réfugié ou de demandeur d’asile et 28 étaient issus de minorités ethniques, ce qui laisse supposer qu’il y avait des migrants parmi eux.</p>
<p>Le programme qui lui a succédé, <em>Inspiring Futures</em>, ne ciblait pas spécifiquement les migrants récents et les demandeurs d’asile. La première année <a href="https://issuu.com/volunteeringmm/docs/if_annuelle_sroi_report_2014">d’évaluation</a> a indiqué que 85,7 % des participants à ce programme étaient blancs – et ceux que j’ai interviewés étaient tous originaires des États-Unis. La deuxième année <a href="https://volunteeringforwellbeing.org.uk/wp-content/uploads/2014/04/YEAR-2-report-FINAL-FULL.pdf">d’évaluation</a> indique que le programme est devenu encore plus homogène sur le plan ethnique, avec moins de 10 % des participants issus de minorités ethniques.</p>
<p>Les tendances étaient légèrement différentes à Copenhague, car les programmes que j’ai étudiés – des projets d’apprentissage du danois et des projets d’insertion professionnelle à la Galerie nationale du Danemark et au Musée Thorvaldsens – ne s’adressaient qu’aux migrants. Pour autant, il s’agissait de migrants issus de milieux relativement aisés. Lorsque des migrants issus de milieux moins privilégiés ont été recrutés (en 2016), les résultats obtenus ont été moins concluants et la progression moins marquée que chez les autres participants.</p>
<p>Les musées doivent mieux comprendre les problèmes auxquels sont confrontés les migrants les plus défavorisés et les raisons pour lesquelles ils ne participent pas aux programmes qui les ciblent. En développant des programmes novateurs pour fournir des compétences linguistiques et professionnelles qui permettent de lutter contre de multiples formes d’exclusion et en étendant leurs activités hors de leurs murs, ils pourraient toucher ces migrants et demandeurs d’asile.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/92075/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sophia Labadi received finance from the National Gallery of Denmark to conduct her research there.</span></em></p>Au cours de ces dernières années, certains musées ont décidé d’adopter des programmes de justice sociale, conscients du rôle qu’ils ont à jouer dans la société actuelle.Sophia Labadi, Senior Lecturer in Heritage and Archaeology, University of KentLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/865252017-11-16T20:31:49Z2017-11-16T20:31:49ZReconnaître aux diplômés de droit un véritable statut de juriste<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/193992/original/file-20171109-13311-1uzdqpe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Faculté de droit, place du Panthéon à Paris.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/149617375@N05/31587543430/in/photolist-Q8hqaL-bxCYLg-bjJ6MC-bxCYbp-XytYps-fui61T-JtaEY7-dxhR9D-aUXgu4-aUXgpP-bxCYiB-81BJAv-bxCYBK-9RU313-bjJ5YA-4SjKWi-4SoSw5-4Sp1tC-4SjED6-BkSv34-BS5HBW-32L57s-4SjGKT-4SoWQw-dxoioE-43GTWU-bxCXoc-dxoj4u-bjJ6a1-bjJ5PY-T9kTQA-RdQ3pp-dxhRHp-81BJqH-AqM7gd-AqM6MC-MFVQQQ-TFC4n8-TT2D5R-R1LaWW-Nfu2o7-ReVgY2-R1LcBQ-QDwRyU-R4onkn-Nfu27A-PrSRay-NftYZE-vtc1dS-vtb1Jy">Dionisos Olympian/Flickr</a></span></figcaption></figure><p>Chaque rentrée, le droit est une des formations les plus plébiscitées par les étudiants. On y accueille près de <a href="http://bit.ly/2iGb7Rg">30 000 bacheliers en première année</a> attirés par la matière elle-même ou par la pluridisciplinarité qu’elle représente : l’Histoire, l’économie, la philosophie ou même la sociologie sont autant de thèmes abordés et approfondis à <a href="http://bit.ly/2j7lAG8">travers des études de droit</a>.</p>
<p>Étudier le droit, c’est se placer dans une tradition universitaire qui en, France, date du XIII<sup>e</sup> siècle. Historiquement, la faculté de droit délivrait, à l’instar de celle de médecine, un enseignement indispensable pour l’exercice des professions juridiques.</p>
<p>Aujourd’hui, si le droit est toujours réputé utile dans la vie quotidienne, le cursus universitaire, pourtant devenu international avec le système <a href="https://www.orientation-education.com/article/lmd">LMD</a>, ne suffit plus en France pour avoir le <a href="http://lemde.fr/1qSCfXi">droit d’exercer le droit</a>.</p>
<h2>Le renouveau de l’Université</h2>
<p>D’un certain point de vue, la « démocratisation » de l’accès à l’université dans les années 1970 renoue avec l’<a href="https://www.franceinter.fr/emissions/la-marche-de-l-histoire/la-marche-de-l-histoire-16-septembre-2014">idéal originel</a> de cette institution : quand les étudiants se pressaient à la <a href="http://www.paris-sorbonne.fr/Vu-du-Moyen-Age-universite">Sorbonne</a> pour recevoir un enseignement libre et gratuit.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/194039/original/file-20171109-13329-176i436.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/194039/original/file-20171109-13329-176i436.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/194039/original/file-20171109-13329-176i436.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/194039/original/file-20171109-13329-176i436.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/194039/original/file-20171109-13329-176i436.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/194039/original/file-20171109-13329-176i436.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/194039/original/file-20171109-13329-176i436.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/194039/original/file-20171109-13329-176i436.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le collège de Sorbonne au XVIᵉ siècle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fourquemin, Nousveaux (Édouard Auguste), Pernot (François Alexandre)</span></span>
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<p>La faculté de droit permet aussi à travers la <a href="http://fac-droit.univ-lorraine.fr/content/capacite-en-droit">« capacité »</a>, de donner leur chance à des étudiants n’ayant pas le baccalauréat mais qui sont motivés à se lancer dans l’enseignement supérieur. Les formations ont su s’adapter à l’international, proposant des <a href="https://formations.univ-lorraine.fr/fr-FR/fiche/presentation/UL-PROG774/UL-PROG779">diplômes</a> orientés sur la Common Law ou en partenariat avec d’autres universités étrangères.</p>
<p>Loin des clichés des étudiants « livrés à eux-mêmes », les cours sont accompagnés de travaux dirigés dans lesquels les étudiants rédigent des commentaires d’arrêts ou résolvent des cas pratiques. De plus, des systèmes de tutorat ont été mis en place afin d’aider les étudiants à assimiler la méthodologie (<a href="http://www.letudiant.fr/etudes/fac/plan-reussite-en-licence-le-bilan-introuvable-12153.html">plan licence</a>). Sans oublier que le <a href="http://www.letudiant.fr/etudes/fac/reussir-sa-licence-a-la-fac-comment-serez-vous-note-a-l-universite/evaluations-a-la-fac-mes-notes-peuvent-elles-se-compenser.html">système de compensation</a> et de conservation des unités validées permet aux étudiants persévérants de s’en sortir.</p>
<h2>Une spécialisation en Master 2</h2>
<p>En général, l’année de Master 1, comme celle de <a href="https://formations.univ-lorraine.fr/fr-FR/fiche/presentation/UL-PROG774">Licence 3</a> propose des troncs communs selon les sections : <a href="http://fac-droit.univ-lorraine.fr/sites/fac-droit.univ-lorraine.fr/files/users/documents/m1_droit_de_lentreprise_pub_pdf_standard_rev2016.pdf">droit de l’entreprise</a>, <a href="http://fac-droit.univ-lorraine.fr/content/m1-droit-public-et-science-politique-nancy">droit public</a>, et <a href="http://fac-droit.univ-lorraine.fr/sites/fac-droit.univ-lorraine.fr/files/users/documents/m1_droit_prive_pub_pdf_standard_rev2016.pdf">droit privé</a>. En leur sein, certains parcours permettent de renforcer l’étude de certaines matières plutôt que d’autres. Tout au long du cursus, chaque étudiant est libre de personnaliser ses enseignements à travers un large choix de matières à option tout en suivant des cours appelés matières fondamentales telles que le droit constitutionnel, le droit des contrats et bien entendu le droit administratif. Par la suite, le cycle Master constitue le prolongement des choix effectués par l’étudiant durant sa licence tout en lui permettant de s’ouvrir à d’autres branches du Droit.</p>
<p>La sélection à l’issue du Master 1 a fait l’objet de <a href="http://www.leprogres.fr/education/2017/11/02/certains-allaient-vers-le-master-ou-ils-avaient-vu-la-lumiere">polémiques</a> récentes : si certains Masters sont en effet très sélectifs, en général les facultés agissent de sorte à ce que chacun puisse obtenir une place dans au moins un Master 2. L’importance de l’admission en Master 2 témoigne du succès de cette année supplémentaire plus professionnalisante. Alors qu’auparavant, rares étaient les étudiants qui poursuivaient en <a href="http://etudiant.aujourdhui.fr/etudiant/info/qu-est-ce-qu-un-dea-un-dess-ou-un-doctorat.html">DEA</a> ou en <a href="http://etudiant.aujourdhui.fr/etudiant/info/qu-est-ce-qu-un-dea-un-dess-ou-un-doctorat.html">DESS</a>, aujourd’hui ces derniers n’hésitent pas à effectuer plusieurs Masters 2 pour multiplier les spécialités ou préparer un doctorat.</p>
<h2>Le monopole des écoles de droit</h2>
<p>Là où le bât blesse, c’est qu’auparavant l’université ne constituait dans la formation des juristes que la partie théorique, tandis que la partie pratique était, quant à elle, assurée par les écoles de droit. Le système LMD est venu se greffer à cette formation sans remettre en cause ce monopole des écoles professionnelles dans la formation des juristes.</p>
<p>Ainsi, pour devenir avocat, magistrat, notaire, commissaire priseur, huissier, ou encore greffier, nul besoin d’avoir atteint le niveau Master, il faut en revanche réussir un examen ou un concours, particulièrement difficile, qui permet d’accéder à l’« école » correspondant à la profession souhaitée où une formation expresse y est encore dispensée. Pour réussir ces concours, mieux vaut faire une <a href="https://www.village-justice.com/articles/point-Prepa-avocats,9907.html">« prépa »</a>. Si l’université propose des formations à des tarifs raisonnables, elle n’a pas les moyens pour les mettre en place dans des concours très spécifiques, niches très lucratives pour des organismes privés.</p>
<p>Ces écoles sont gérées par les professionnels eux-mêmes. Malheureusement l’enseignement n’y tient pas forcément ses promesses : loin d’être concrets, les cours sont souvent décrits par les élèves comme étant des doublons de ceux dispensés dans la faculté, sans forcément la passion de <a href="http://bit.ly/2habf7X">ses enseignants</a>. Enfin l’obtention du diplôme y est souvent vue comme une formalité avec un <a href="http://web.lexisnexis.fr/newsletters/avocats/02_2014/g-n-3-etude.pdf">taux de réussite</a> qui avoisine les 100 %.</p>
<h2>Diplômés mais recalés des métiers du droit</h2>
<p>Le droit a plutôt bonne réputation auprès du grand public, souvent associé à une image de rigueur et de sérieux. C’est peut-être pour cette raison que le taux d’insertion professionnelle, après 1 an, y est de <a href="http://bit.ly/2pKPAsT">80 %</a> contre 68 % pour les « sciences fondamentales ». Néanmoins, ce chiffre est inférieur à celui des « sciences technologiques » plafonnant à 87 %.</p>
<p>Pour autant, les 2/3 des diplômés en droit ne trouvent pas de travail dans les <a href="http://www.lemonde.fr/enseignement-superieur/article/2012/10/03/le-droit-fait-rever-mais-pas-toujours-reussir_1769293_1473692.html">métiers du droit.</a> Ils sont en moyenne moins bien payés que les autres bac+5 et moins souvent cadres aussi. Il existe dans le monde professionnel une demande croissante de spécialisation qui expose souvent les diplômés en droit à un déclassement puisqu’ils ont eu le tort de <a href="http://bit.ly/2znQBLU">s’éloigner de leur cœur de compétence</a>.</p>
<h2>La fabrication de déserts judiciaires</h2>
<p>Ces barrières à l’exercice du droit ont aussi un prix pour les populations, comme le numerus clausus en médecine : elles façonnent des déserts judiciaires (parfois les mêmes que les <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/veille/deserts-medicaux-france">déserts médicaux</a>). Cela est d’autant plus incompréhensible que les 2/3 des diplômés en droit ne peuvent travailler dans le droit.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/192348/original/file-20171029-13378-1jxz0n2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/192348/original/file-20171029-13378-1jxz0n2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/192348/original/file-20171029-13378-1jxz0n2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=817&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/192348/original/file-20171029-13378-1jxz0n2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=817&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/192348/original/file-20171029-13378-1jxz0n2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=817&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/192348/original/file-20171029-13378-1jxz0n2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1027&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/192348/original/file-20171029-13378-1jxz0n2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1027&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/192348/original/file-20171029-13378-1jxz0n2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1027&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Nombre d’avocats pour 100 000 habitants par barreau (2012).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ministère de la Justice</span></span>
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<p>Comparée à celle de ses voisins, la densité des <a href="http://web.lexisnexis.fr/newsletters/avocats/07_2013/pdf5.pdf">avocats</a> en France reste faible : il y a trois fois plus d’avocats en Allemagne et en Italie, plus de deux fois plus en Espagne.</p>
<p>Concernant les notaires, le nombre de professionnels formés a augmenté de <a href="http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2017/01/08/20002-20170108ARTFIG00035-pour-les-notaires-la-loi-macron-tourne-au-fiasco.php">12 000 ces 10 dernières années</a>, tandis que le nombre d’offices restait stable. On sait que le revenu moyen des offices a, quant à lui, augmenté de près de 60 % entre 2001 et 2010. Selon l’Autorité de la concurrence, les notaires ont tout simplement fermé l’accès à la profession.</p>
<p>Alors que la loi Macron devait créer <a href="https://www.lesechos.fr/04/07/2017/LesEchos/22479-020-ECH_loi-macron---les-nouveaux-notaires-s-installent-tres-lentement.htm">1002</a> nouveaux offices notariaux susceptibles d’accueillir 1650 jeunes notaires d’ici 2018, seulement <a href="http://www.courrier-picard.fr/69040/article/2017-11-06/les-notaires-macron-pretent-serment-dans-le-compiegnois">68</a> ont pour le moment été attribués.</p>
<h2>Créer des Juniors entreprises au sein des Universités</h2>
<p>Pour permettre à leurs diplômés d’acquérir plus d’expérience professionnelle, des <a href="http://www.lemonde.fr/campus/article/2015/12/09/les-junior-entreprise-essaiment-dans-les-universites_4827664_4401467.html">juniors entreprises</a> sont régulièrement créées à l’Université. Si cela est déjà le cas dans de nombreuses filières, en droit, les facultés hésitent devant la mainmise des professionnels. Ainsi, certains préfèrent opter pour une formule alternative : la <a href="http://www.leparisien.fr/malakoff-92240/une-question-de-droit-bienvenue-a-la-clinique-juridique-de-malakoff-chaque-mercredi-a-la-fac-de-droit-paris-descartes-les-etudiants-conseillent-gratuitement-les-particuliers-21-03-2017-6782259.php">clinique juridique</a>.</p>
<p>À l’Université Montesquieu de Bordeaux, la clinique du droit se traduit par une « information juridique » gratuite donnée par oral et non une consultation juridique. Ensuite, si cela est nécessaire, la clinique oriente la personne vers un avocat. Cela est notamment prévu en cas de litige plus sérieux.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/_g_71yhgXvc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Ces initiatives sont bien sûr louables et contribuent à améliorer la formation universitaire d’un point de vue pédagogique, mais elles omettent un aspect essentiel des métiers du droit : la relation d’affaires qu’entretient le juriste avec son client. En effet, qu’il soit notaire, huissier ou avocat, tout praticien en droit est censé constituer sa clientèle pour vivre de son métier.</p>
<p>À l’inverse, pour les écoles de commerces ou d’ingénieurs, créer une junior entreprise sert justement à faire comprendre les enjeux économiques aux futurs diplômés.</p>
<h2>Les critères de recrutement des cabinets « prestigieux »</h2>
<p>Pour <a href="https://www.youtube.com/watch?v=zMmClk8k1Bw">Anne-Cecile Nègre</a>, consultante recrutement chez Lincoln Associé :</p>
<blockquote>
<p>« C’est malheureux à dire, mais n’avoir fait que droit, cela devient souvent insuffisant. […] Aujourd’hui, les doubles ou triples formations sont vraiment ce qu’il y a de plus recherché ».</p>
</blockquote>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/zMmClk8k1Bw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>En tête de ses choix, elle préconise de faire une école de commerce dont les droits d’entrée gravitent en moyenne autour de <a href="http://www.letudiant.fr/educpros/enquetes/frais-de-scolarite-les-ecoles-de-commerce-toujours-plus-haut-1.html.">10 000 euros</a>, ensuite figurent les LLM de préférence « dans une <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ivy_League">« Ivy League »</a>, cette fois-ci le prix pour un LLM aux États-Unis se situe autour des <a href="http://etudiant.aujourdhui.fr/etudiant/info/faire-un-ll-m-aux-etats-unis.html">35 000 dollars</a> auxquels il faut ajouter 15 000 dollars pour le coût de la vie. À titre de comparaison, le montant des <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2865">droits d’inscription</a> à l’université en France coûte 184 euros en licence, 256 en master, et 391 en doctorat.</p>
<p>Certes les cabinets d’avocats sont libres de recruter les diplômés des formations qu’ils souhaitent, il s’agit de la liberté d’entreprise. Mais au nom de cette même liberté, les diplômés de droit ne devraient-ils pas avoir accès aux métiers pour lesquels ils ont été formés tout au long de leurs années à l’Université ?</p>
<h2>Créer un statut légal du juriste</h2>
<p>L’alinéa 1 de l’article 54 de la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006068396">loi du 31 décembre 1971</a> dispose qu’un professionnel du droit doit être au moins titulaire d’une licence de droit ou alors disposer de « compétences juridiques appropriées ». Cette formule sibylline a de quoi surprendre car le principe d’un diplôme d’État est justement de sanctionner qui détient ou non les compétences ad hoc.</p>
<p>L’article 56 de la même loi précise ensuite que les professionnels qui ont le droit d’exercer une activité de consultation juridique et de rédaction des contrats sont Les avocats, les notaires, les huissiers de justice, les commissaires-priseurs judiciaires, les administrateurs judiciaires et les mandataires-liquidateurs…</p>
<p>Puis vient le cas spécifique des <a href="https://www.village-justice.com/articles/Exercice-droit-petit-rappel-concernant,14677.html">enseignants à l’université</a> (article 57), et enfin celui des juristes d’entreprise (article 58). Ces derniers peuvent dispenser des conseils juridiques, rédiger des actes, mais exclusivement pour leur entreprise.</p>
<p>Donc d’après la loi, un simple titulaire d’une licence de droit ou même « de compétences juridiques appropriées » sorties dont on ne sait où, peut se faire juriste du moment qu’il est recruté par une entreprise, mais avoir obtenu un doctorat en droit (bac+8) ne permet pas à lui seul de dispenser des consultations juridiques sous peine d’être condamné pour exercice illégal du droit. Comment face à ces entraves un jeune peut valoriser son diplôme de droit sur le marché du travail ?</p>
<p>Il est donc urgent de conférer aux juristes un statut légal sur le modèle américain des <a href="https://www.village-justice.com/articles/notion-avocat-traduction-juridique,14648.html"><em>lawyers</em></a> et permettre aux diplômés d’un master en droit (bac+5 soit autant qu’un ingénieur) de dispenser des consultations juridiques, de rédiger des actes, et ainsi avoir le droit d’assister des justiciables là où la présence d’un avocat n’est pas <a href="https://justice.ooreka.fr/tips/voir/357709/8-cas-ou-un-avocat-n-est-pas-obligatoire">indispensable</a> par exemple aux prud’hommes ou encore dans un tribunal de police…</p>
<p>Ce nouveau statut du juriste donnerait l’opportunité aux diplômés de droit de débuter une carrière professionnelle sans être bloqué par ce plafond de verre qu’est la condition « X années d’expérience exigées » avant d’être embauché, et en même temps endiguerait la pénurie des professionnels du droit dans les déserts judiciaires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/86525/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les études de droit font rêver beaucoup de bacheliers mais les voies d’accès aux professions du droit sont complexes et étroites. Analyse de cette évolution et proposition de solutions.Guillaume Bagard, Doctorant contractuel en Histoire du Droit, Université de LorraineInès Ahmed Youssouf Steinmetz, doctorante en droit, Université de LorraineJordan Poulet, Doctorant contractuel en Histoire du Droit, Université de LorraineJulien Florémont, Doctorant en histoire du Droit, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/864882017-11-02T20:51:24Z2017-11-02T20:51:24ZMieux préparer l’élève‑ingénieur à la vie de l’entreprise en cinq leçons<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/192331/original/file-20171029-13378-1pqme30.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le travail par projets.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/photo/40697/">hackNY via Visualhunt </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Pendant ses années de formation en école d’ingénieurs, un élève peut malheureusement avoir une fausse idée de ce que lui réserve le monde du travail sitôt qu’il aura son diplôme en poche. Il devra trouver un emploi, se réveiller tôt, ne pas sortir tous les soirs avec ses amis…</p>
<p>Certes ! Mais il n’y a pas que ça. En effet, beaucoup de choses qu’on apprend en école ne nous préparent pas à réussir au bureau. Et le risque est grand de sous-estimer à quel point le « monde réel » est vraiment différent, si on reste sur des contenus enseignés classiquement.</p>
<p>Nous présentons dans cet article un contexte pédagogique en lien avec les entreprises. Il s’agit des <a href="http://ehttp://www.webdeux.info/developper-produit-web-equipe-deleves-ingenieurs/">projets industriels</a> qui portent sur de réelles problématiques techniques et scientifiques du moment qui sont soumises aux écoles d’ingénieurs par des entreprises partenaires.</p>
<p>Il nous semble que ces projets sont un outil privilégié pour confronter l’élève-ingénieur à la (vraie) vie qu’il rencontrera en entreprise dès sa sortie de l’école.</p>
<p>Voici cinq leçons qu’il va devoir apprendre durant ces projets… et dans la vraie vie.</p>
<h2>1. Le problème à résoudre n’est jamais complètement défini</h2>
<p>En situation scolaire, les exercices qui sont donnés ont des paramètres clairement identifiés. Mais dans le monde du travail, cette situation ne se produit que très rarement.</p>
<p>Au lieu de ça, les consignes sur ce qu’on a à faire sont souvent ambiguës. On nous donne une tâche, mais elle peut s’avérer plus importante ou conséquente que ce à quoi on s’attendrait.</p>
<p>Pour réussir, l’ingénieur devra donc se familiariser avec des objectifs peu clairs et prendre l’initiative de trouver ce qui est à fournir.</p>
<p>Dans les <em>projets industriels</em>, les énoncés ne sont jamais clairement définis. C’est l’occasion pour l’équipe d’élèves de prendre de la hauteur (<em>think out of the box</em>). Ils apprennent à se donner plus de temps que ce qu’ils ne prévoyaient pour accomplir les diverses tâches, à prévoir plus de marge pour les cas où le projet exigerait davantage de temps, à rechercher des exemples passés, à demander autour d’eux à d’autres équipes, à des experts, à faire repréciser par l’entreprise ce qu’elle attend réellement.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/192332/original/file-20171029-2402-15cj5ue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/192332/original/file-20171029-2402-15cj5ue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/192332/original/file-20171029-2402-15cj5ue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/192332/original/file-20171029-2402-15cj5ue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/192332/original/file-20171029-2402-15cj5ue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/192332/original/file-20171029-2402-15cj5ue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/192332/original/file-20171029-2402-15cj5ue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/192332/original/file-20171029-2402-15cj5ue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Résoudre de vrais problèmes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/23747091778/e81b35fff3/">Austin Community College/Visual Hunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>2. La vie n’offre pas toujours une seconde chance</h2>
<p>En école, on a toujours le semestre suivant, ou la session de rattrapage de septembre, pour récupérer des points. Mais dans la vie réelle, le bouton « remise à zéro » n’existe pas. Être adulte signifie avoir affaire à des collègues, des projets ou des situations qu’on aimerait parfois facilement changer ou éviter mais qu’il faut apprendre traiter de façons saines.</p>
<p>En <em>projet industriel</em>, le futur ingénieur sera amené à apprendre au jour le jour la meilleure façon de gérer des relations humaines difficiles, aussi bien avec ses collègues qu’avec l’entreprise. C’est un apprentissage sur le long terme.</p>
<p>S’il n’aime pas un aspect de son projet, il devra en profiter pour développer des compétences nouvelles dans ce domaine.
S’il commet des erreurs (ce qui ne manquera pas d’arriver) il devra apprendre à ne pas paniquer. Il devra attaquer son erreur, déterminer où il s’est trompé et travailler en équipe pour la réparer.</p>
<p>Non, on ne peut pas changer les règles du jeu en cours de <em>projet industriel</em>, mais on va apprendre à faire face aux diverses situations délicates.</p>
<h2>3. On n’est pas systématiquement récompensé de ses efforts</h2>
<p>Dans la plupart des enseignements donnés en classe, le travail acharné est récompensé. Même si on est plutôt mauvais dans une matière, si l’enseignant s’aperçoit qu’on réalise un travail acharné, qu’on y passe beaucoup d’heures, qu’on participe activement en TD et en TP, on peut s’en sortir. C’est comme ça d’ailleurs que nombre d’étudiants de l’université admettent avoir obtenu leur diplôme.</p>
<p>Mais pour ce qui concerne le monde professionnel, l’effort seul ne mène pas très loin. Certes, la quantité de travail est reconnue ; mais à la fin de la journée, ce sont bien les résultats qui comptent.</p>
<p>En <em>projet industriel</em>, si vous êtes resté au travail jusqu’à 20 heures et que vous n’avez toujours pas envoyé le rapport à temps, ou si vous êtes arrivé très tôt le matin, mais que vous avez oublié de passer cet appel téléphonique important, votre effort n’a pas vraiment d’importance.</p>
<p>Si vous n’êtes pas fiable dans votre investissement sur le projet ou que vous ne respectez pas une date limite, vous avez échoué.</p>
<h2>4. L’essentiel n’est pas la quantité de pages</h2>
<p>Fini les rapports de travaux pratiques qui doivent faire plusieurs pages ou en tous cas avoir une certaine épaisseur pour donner l’impression qu’on a bien compris et beaucoup travaillé.</p>
<p>On est habituellement récompensé pour les gros dossiers et pénalisé lorsqu’il y a peu de matière. On est conditionné pour étoffer nos arguments avec force exemples et références. </p>
<p>Mais cela est très éloigné de la réalité du monde professionnel. En <em>projet industriel</em>, délayer les choses et produire beaucoup de papier ne convaincra personne et irritera les gens. Il faudra aller au but, le plus rapidement possible.</p>
<p>Lorsqu’on aura à présenter ses idées devant un groupe de personnes, il faudra mettre en avant les choses importantes qu’on souhaite souligner. Avant d’envoyer un courrier électronique, il faudra le relire et le modifier afin qu’il ne contienne pas plus d’un ou deux paragraphes.</p>
<p>Cet effort vers la concision aidera plus tard l’ingénieur à se démarquer positivement.</p>
<h2>5. Le succès ne se résume pas à impressionner les autres</h2>
<p>En école d’ingénieurs, on doit répondre souvent à une personne – notre professeur.</p>
<p>Au travail, notre patron a un patron, et ce patron a lui-même un patron. Dans de nombreuses situations, notre patron et notre équipe doivent rendre compte à de multiples parties prenantes, différents services ou départements.</p>
<p>Toutes ces personnes ont leur mot à dire sur la qualité et la quantité de ce qu’on produit. C’est pourquoi il est important dans chaque situation de travail de traiter les autres avec respect et de satisfaire voire même de dépasser leurs attentes. Tous ont leur mot à dire sur la manière dont on s’y prend et sur ce qu’on devrait faire.</p>
<p>La transition vers le « monde réel » peut être difficile, mais en développant ses compétences en communication, en affinant ses capacités de gestion du temps et en s’appuyant sur l’ingénieur en charge du projet, cela peut être plus simple.</p>
<p>On fait partie d’un écosystème complexe. Il est nécessaire de regarder autour de nous pour apprendre à connaître ce monde qui nous entoure.</p>
<hr>
<p><em>Nota : Cette étude repose sur plus de <a href="http://esisar.grenoble-inp.fr/entreprises/les-projets-industriels-131529.kjsp">450 projets</a> menés avec quelques 250 entreprises. Concrètement, tous les élèves-ingénieurs de quatrième année à l’Esisar-GrenobleINP, constituent des équipes de trois, et travaillent pendant un semestre entier (18 homme/mois, soit 2 400 heures d’études et de réalisation) sur un projet de R&D encadré par des ingénieurs seniors rattachés à l’école.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/86488/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Luc Koning est professeur des universités au sein du groupe Institut Polytechnique de Grenoble.</span></em></p>Pendant ses années de formation en école d’ingénieurs, un élève peut malheureusement avoir une fausse idée de ce que lui réserve le monde du travail.Jean-Luc Koning, Directeur des Projets Industriels, Institut polytechnique de Grenoble (Grenoble INP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/723742017-02-08T21:14:24Z2017-02-08T21:14:24ZPour une véritable politique publique du sport<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/156087/original/image-20170208-17337-16byexs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Salle du gym.</span> <span class="attribution"><span class="source">Sport et Citoyenneté</span></span></figcaption></figure><p>A la sortie d’une conférence <a href="http://bit.ly/2kOSIBL">sur l’emploi</a> dans les associations sportives – regroupant des représentants du mouvement olympique, de l’État, d’associations d’aide à l’emploi dans le sport et d’élus de collectivités – je m’interroge quant aux contours d’une future politique publique en matière de sport.</p>
<p>Mon interrogation, qui est en fait une inquiétude, augmente lorsque j’imagine le prochain Président de la République, quel que soit son bord politique, traiter de cette question…</p>
<h2>Quel grand projet pour le sport ?</h2>
<p>En France, il manque encore dans ce domaine un projet de grande envergure, une vision de long terme. Une véritable politique publique mettrait en place un investissement massif d’argent public, avec une stratégie et un projet comprenant des objectifs, des évaluations, portée – rêvons un peu – par un « leader » décisionnaire qui veillerait aux répercussions concrètes d’une telle politique. En ces termes, le dispositif parait simple et pourtant il n’existe pas encore, par manque de volonté politique et/ou de moyens.</p>
<p>Afin de répondre à ce déficit, notre politique publique devrait comprendre, au même titre que nos <a href="http://bit.ly/2k3WuT7">voisins européens</a>, la notion d’efficience, c’est-à-dire une recherche constante de pragmatisme pour une utilisation efficace et exemplaire de l’argent public. Sans cela, notre système de gouvernance du sport, par ailleurs très complexe, ne pourra s’améliorer, se moderniser, se mettre en phase avec la société.</p>
<p>Et ce, d’autant plus que le manque de traçabilité des dépenses publiques sportives qui en découle détourne les investisseurs privés des projets publics, à l’instar, encore une fois, d’autres pays européens. Ce sont ces modèles de développement économique, totalement bouleversés, qui font que les pouvoirs publics et le monde économique n’ont pas encore trouvé – ou ont perdu ? – la bonne manière de travailler ensemble.</p>
<p>La scission est simple, lorsque les collectivités ont pour objectif de veiller à la santé et au bien-être des citoyens, sans pour autant avoir les finances nécessaires pour suivre et maintenir l’attractivité de leur territoire, les entreprises, elles, entrent dans un marché mondialisé où leur implantation territoriale ne constitue pas toujours un élément de compétitivité.</p>
<p>A quelques mois des prochaines échéances électorales nationales, il me semble que notre politique publique sportive doit être un élément central de l’agenda politique. Pour cela, le lien entre le sport et la politique ne doit pas, ne doit plus, se résumer à la simple remise de médailles en période glorieuse, d’autant plus si c’est aux seules fins d’un self marketing ou d’une communication personnelle.</p>
<p>Prenons deux exemples, celui du bénévolat et celui de la promotion de la citoyenneté par le sport.</p>
<h2>Relancer et soutenir le bénévolat</h2>
<p>Le monde sportif – on le voit bien lorsque l’on va sur le terrain – est aux abois. Plusieurs indicateurs nous confirment cette tendance. A commencer par le nombre de bénévoles qui diminue, certes pas considérablement mais on déplore une baisse de l’engagement en 2016 <a href="http://bit.ly/2euCgVn">(-2,2 % du nombre de bénévoles sportifs en France)</a>. Pourtant, l’emploi associatif sportif est structuré à l’origine par le bénévolat puisque c’est un de ses fondamentaux.</p>
<p>Malheureusement, aujourd’hui, parce qu’il devient extrêmement technique, que les responsabilités y sont de plus en plus fortes, les bénévoles sont esseulés. Si on ajoute à ce retrait la diversification de la demande sportive – loisir, détente, santé, bien-être – et l’augmentation des emplois du secteur, on aboutit à une situation où les bénévoles sont à un degré de saturation important. Ils ne sont pas aidés à appréhender l’évolution générale de la société qui tend vers plus de technologies, d’instantanéité. Ils ont parfois du mal à se professionnaliser, à récolter des subventions pour leurs clubs et associations, à faire face à un manque cruel de reconnaissance à tous les niveaux.</p>
<p>Pour les renforcer et leur apporter du soutien, la vague portée par la candidature de Paris aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 pourrait être un levier pour notamment leur accorder un véritable statut et apporter des réponses à ces problématiques grandissantes. Mais ces questions, largement abordées lors des ateliers de réflexion pour décider de l’opportunité d’une candidature française devront être traitées au-delà des jeux politiciens. Bien heureusement certains acteurs publics tels que la Maire de Paris et la Présidente de la Région Ile de France semblent avoir compris ces enjeux et ces problématiques, et le prochain Ministre des Sports devra impérativement s’inscrire dans ce courant.</p>
<h2>Le sport citoyen, ciment social</h2>
<p>Par ailleurs, le sport est l’un des principaux lieux de citoyenneté active de notre société. Il est un ciment social parce qu’il est un vecteur d’éducation (à l’école comme dans les clubs), il est créateur de lien social, d’engagement dans la cité, de volontariat, de bien-être. Il permet l’apprentissage de règles et de valeurs dès le plus jeune âge…</p>
<p>Tous ces effets, tous ces impacts ont vocation à être protégés et soulignent l’évidence, la nécessité, de créer des synergies entre tous les acteurs concernés, dans le cadre de politiques publiques locales avec des directives nationales claires. Écoles, collectivités publiques, établissements médico-sociaux, maisons de retraite… tous sont concernés par le sport et l’activité physique, tous doivent pouvoir travailler ensemble autour de l’objectif du bien commun.</p>
<p>Un des points problématiques est que les services déconcentrés en matière sportive pâtissent, comme d’autres secteurs, du « millefeuille administratif ». C’est un sujet à mettre à l’ordre du jour du prochain Ministre des sports ou Président de la République afin de résoudre cette source de <a href="http://bit.ly/2kmX9Qw">complexité et de gaspillage</a>.</p>
<p>On y retrouve des fonctionnaires de l’État qui sont, certes, compétents, mais qui se cantonnent parfois à la simple réalisation de leurs tâches. Tâches qui elles-mêmes sont, à leur décharge, peu claires voire même inutiles. Alors est-ce leur rôle d’aller au-delà ? La question s’impose.</p>
<p>Ils aiment ce secteur sans pour autant oser aller plus loin que leurs prérogatives. Le partenariat avec les associations sportives ou œuvrant dans le secteur sportif pourrait être rénové, élargi – sans tomber dans le travers comptable d’une substitution des associations aux administrations.</p>
<p>À titre d’exemple, un investissement structuré par des guides de simplification permettrait d’en faciliter le financement (notamment issu de subventions européennes). Un accompagnement plus poussé, davantage centré sur les compétences que sur les relations amicales ou les intérêts personnels, s’avèrerait lui aussi salutaire. Les fonctionnaires de l’État sont des forces vives nécessaires à la construction d’une citoyenneté active !</p>
<p>Nous avons la chance, il faut le reconnaître, de travailler dans un secteur qui a une puissance médiatique, sociale et économique immense mais hélas sous-évaluée et sous-utilisée. Arrêtons les guerres de chapelle pour se centrer sur l’intérêt général.</p>
<p>Les premiers à devoir impulser un tel changement sont, sans aucun doute, les acteurs publics, quels qu’ils soient et à tous les niveaux de la gouvernance. Il y a maintenant suffisamment de données, de travaux scientifiques, de recommandations pour démontrer que le sport n’est plus un sujet secondaire. Les reproches ne doivent plus concerner les bénévoles, le mouvement sportif et les élus de la nation volontaires, mais bien ceux qui ne changent pas un cadre légal rigide et complexe, qui n’ont pas le courage d’aller au-delà de leur feuille de route ou qui sont tout simplement rétifs au changement, y compris démocratique – ainsi du scandale du cumul des mandats dans les fédérations qui obère tous les efforts de représentativité et de diversité.</p>
<p>Sans un tel effort, la crise dans laquelle nous sommes entraînera encore davantage un déficit de citoyenneté dans un secteur d’activité qui pourtant attire encore énormément les jeunes, qui n’est pas en crise économique, et qui à force d’être méprisé risque de s’organiser autour d’une certaine « ubérisation »…</p>
<h2>L’impulsion publique</h2>
<p>Si les villes sont des lieux privilégiés, si elles ont parfois un fort potentiel et un fort dynamisme, cela ne doit en aucun cas les amener à être modestes, mais plutôt à tendre vers un développement encore plus grand. Il s’agit d’aller vers un nivellement vers le haut, vers un cercle vertueux, vers « la clause de la ville ou de la nation la plus favorisée ». Ce nivellement vers le haut ne dépend que de la volonté des acteurs qui régissent et organisent le sport français, des convictions qu’ils portent dans leurs projets et du suivi qu’ils leur donnent.</p>
<p>La <a href="http://www.paris2024.org/fr">candidature de Paris</a> pour l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et les élections présidentielles et législatives de 2017, sont alors autant d’opportunités d’influencer positivement notre système, de tendre vers une organisation plus viable, mais aussi de mettre en place des outils permettant une bonne compréhension économique et sociétale d’une activité en très forte croissance.</p>
<p>Si les politiques choisissent l’immobilisme face à de telles thématiques ils seront rapidement dépassés par les ambitions de leurs citoyens. Il y a en effet en Europe 35 millions de bénévoles actifs dans le sport, qui sont des citoyens honnêtes et engagés, mais qui ont impérativement besoin de soutien et de reconnaissance.</p>
<p>Et, pour revenir à cette conférence qui m’a donné l’envie d’écrire ces quelques lignes, lorsque j’entends les appels au secours des acteurs de terrain, qui font le sport, vers nos décideurs et qu’en réponse il y a de la volonté mais une impuissance dans le meilleur des cas, et, au pire, une suspicion d’incompétence et de mauvaise gestion, je me dis qu’il y a un vrai problème et qu’il ne faut plus se taire. Les associations sont dirigées par des citoyens, pour la plupart irréprochables et bénévoles, qui paient leurs impôts au titre de leurs associations et à titre personnel, sans justement voir ce retour d’argent public qui n’est plus assez injecté dans le sport que nous aimons tous.</p>
<p>Tout n’est pas noir, heureusement, la valorisation de l’engagement des bénévoles dans la <a href="http://bit.ly/2hL9Czi">loi Égalité et citoyenneté</a> va dans le bon sens mais faisons le pari d’aller encore plus loin… Nous souhaitons tous le changement, l’évolution, des décideurs publics courageux et ce n’est pas le dynamisme porté par le sport qui viendra restreindre nos ambitions. Car si le prochain gouvernement ne veut pas d’une politique publique du sport ambitieuse il sera alors vraiment temps de confier l’intégralité de ce secteur exceptionnel, mais sous utilisé, à un autre acteur…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/72374/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julian Jappert est Directeur du Think-tank Sport et Citoyenneté.</span></em></p>Trop absents des débats autour des élections de 2017, le sport et les politiques publiques autour du sport doivent revenir au centre des préoccupations des candidats… et des élus.Julian Jappert, Intervenant, droit de la concurrence appliqué au sport, AudenciaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.