tag:theconversation.com,2011:/us/topics/lesbiennes-76596/articleslesbiennes – The Conversation2023-06-05T15:47:29Ztag:theconversation.com,2011:article/2064542023-06-05T15:47:29Z2023-06-05T15:47:29ZLes couples de même sexe sont-ils de plus en plus nombreux ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/528592/original/file-20230526-11069-1jdpul.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C0%2C2998%2C1994&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En France, environ 150 000 couples de même sexe habitent ensemble. Cela représente 1 % des couples cohabitants.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/vs-fjU4sQos">Tallie Robinson / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Désormais reconnus juridiquement dans une <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2023-1-page-1.htm">cinquantaine de pays</a>, les couples de même sexe sont également mieux repérés par la <a href="https://theconversation.com/sante-cardiovasculaire-et-minorites-sexuelles-vers-une-meilleure-prise-en-compte-en-france-205873">statistique</a> publique. Exploitant les derniers recensements et enquêtes, nous avons examiné leurs caractéristiques en Europe, au Canada, aux États-Unis et en Australie. Les couples de même sexe sont-ils en augmentation ? Les tendances sont-elles les mêmes pour les couples de femmes et d’hommes ? Quel est le pourcentage de couples mariés ? Où habitent-ils ? Ces caractéristiques varient-elles beaucoup selon les pays ?</p>
<p>Premier constat : partout où les statistiques sont disponibles, celles-ci révèlent une <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2023-1-page-1.htm">augmentation de la fréquence</a> des couples de même sexe cohabitants. Leur fréquence a triplé aux États-Unis entre 2000 et 2021 pour atteindre 1,8 % des ménages comprenant un couple. Au Canada, ils représentaient 1,1 % des familles comprenant un couple en 2021, contre seulement 0,5 % pour les couples de même sexe en 2001. On observe la même tendance en Australie avec 1,4 % des couples au recensement de 2021 contre 0,3 % à celui de 2001.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/528331/original/file-20230525-29-65n14z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Proportion de couples de même sexe parmi l’ensemble des couples" src="https://images.theconversation.com/files/528331/original/file-20230525-29-65n14z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/528331/original/file-20230525-29-65n14z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=732&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/528331/original/file-20230525-29-65n14z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=732&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/528331/original/file-20230525-29-65n14z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=732&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/528331/original/file-20230525-29-65n14z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=920&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/528331/original/file-20230525-29-65n14z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=920&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/528331/original/file-20230525-29-65n14z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=920&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2023-1-page-1.htm">Wilfried Rault, 2023, Population & Sociétés, n° 607</a></span>
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<p>L’augmentation de la fréquence des couples de même sexe est également perceptible en Europe. En Allemagne, leur part a plus que doublé entre 2010 et 2019 pour atteindre 0,7 % des couples à cette dernière date. En Espagne, elle est passée de 0,7 % en 2013 à 1 % en 2020. Le même type d’évolution a été observé au Royaume-Uni : les ménages comprenant un couple de même sexe représentaient 1 % des ménages conjugaux en 2015 et 1,4 % en 2018. En France, on comptait 170 000 personnes en couple de même sexe cohabitant en 2011, contre près de 305 000 personnes en 2020, soit 1 % des couples cohabitants.</p>
<h2>Les couples de femmes augmentent plus</h2>
<p>L’augmentation du nombre de <a href="https://theconversation.com/marcher-dans-la-rue-double-peine-pour-les-lesbiennes-123021">couples de femmes</a> est plus marquée que celle de couples d’hommes. Minoritaires en Espagne (39 % des couples de même sexe en 2020) et en France (43 % en 2020), les couples de femmes sont aussi nombreux que les couples d’hommes en 2021 au Canada et en Australie, et ils sont majoritaires aux États-Unis (52 %).</p>
<p>La sociodémographie des couples de même sexe révèle ainsi une augmentation sensible de leur nombre, celle-ci provenant à la fois d’une amélioration des outils de la statistique et d’une hausse de ces situations conjugales qui sont davantage acceptées socialement. Il est également possible que des personnes qui dissimulaient leur situation conjugale dans un contexte plus défavorable la déclarent désormais.</p>
<p>Une limite importante à la plupart de ces recensements est à noter : ils reposent sur la composition du logement et ne tiennent pas compte des configurations conjugales non cohabitantes, qui concernent plus souvent les couples de même sexe. En France par exemple, l’enquête <a href="https://books.openedition.org/ined/15898?lang=fr">Famille et logements</a> réalisée en 2011 a permis d’établir que les couples non cohabitants étaient 4 à 5 fois plus fréquents chez les personnes en couple de même sexe que chez celles en couple de sexe différent.</p>
<p>Les personnes en couple de même sexe sont, aussi, en moyenne, plus jeunes que celles en couple de sexe différent. En Australie, la moitié des personnes en couple de même sexe a moins de 40 ans (49 ans pour les personnes en couple de sexe différent).</p>
<p>De tels écarts apparaissent également en France où les femmes et les hommes en couple de même sexe ont en moyenne 41 et 44 ans respectivement, contre 51 et 53 ans pour les femmes et hommes en couple de sexe différent. La part de personnes en couple de même sexe est ainsi plus élevée dans les jeunes générations : 2 % des 25-29 ans sont en couple de même sexe, c’est deux fois plus que le pourcentage sur l’ensemble des couples (1 %). Leur part tombe à 0,4 % parmi les 60-75 ans en couple.</p>
<h2>Des couples moins souvent mariés</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/528333/original/file-20230525-15-dtvyq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Proportion de couples de même sexe et de sexe différent mariés, pacsés et en union libre en France selon l’âge (%)" src="https://images.theconversation.com/files/528333/original/file-20230525-15-dtvyq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/528333/original/file-20230525-15-dtvyq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=531&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/528333/original/file-20230525-15-dtvyq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=531&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/528333/original/file-20230525-15-dtvyq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=531&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/528333/original/file-20230525-15-dtvyq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=667&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/528333/original/file-20230525-15-dtvyq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=667&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/528333/original/file-20230525-15-dtvyq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=667&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2023-1-page-1.htm">Wilfried Rault, 2023, Population & Sociétés, n° 607</a></span>
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<p>Les couples de même sexe sont, en moyenne, moins souvent mariés que les couples de sexe différent. Aux États-Unis, 89 % des couples de sexe différent sont mariés (2019), mais seulement 58 % des couples de même sexe – depuis 2015 ils peuvent se marier dans tous les États du pays. Au Canada, où le mariage a été ouvert aux couples de même sexe en 2005, les écarts sont également marqués (74 % contre 37 % en 2021). Il en est de même en France où le mariage de deux personnes de même sexe est possible depuis 2013 : 73 % des couples de sexe différent sont mariés en 2020, contre 40 % des couples de femmes et 37 % des couples d’hommes. Ces différences sont en partie imputables au fait que ces couples sont plus jeunes et plus récents, donc moins enclins à avoir déjà eu recours au mariage. <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2023-1-page-1.htm">Ils ont aussi une moindre préférence pour le mariage à âge identique</a>.</p>
<p>Les couples de même sexe vivent moins souvent avec des enfants que les couples de sexe différent, surtout les hommes, même si la tendance générale est à la hausse. En Australie, en 2016, un quart des ménages constitués d’un couple de femmes comprenait également au moins un enfant, et en 2021, 38 %. Pour les hommes, la proportion est passée de 4 % à 7 %.</p>
<p>On observe ces mêmes tendances dans tous les pays étudiés. Au Canada, en 2021, 23 % des couples de même sexe résident avec des enfants, avec, là-aussi, des disparités très fortes entre les couples de femmes et les couples d’hommes : 33 % des premiers vivent avec des enfants et 11 % des seconds. C’est la même chose en France en 2020 où 27 % des couples de femmes et 6 % des couples d’hommes vivent avec au moins un enfant dans le ménage. Ceci explique par ailleurs pourquoi les <a href="https://doi.org/10.3917/popu.1904.0499">couples de femmes sont un peu plus souvent mariés que les hommes</a>.</p>
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<img alt="Deux femmes avec un bébé" src="https://images.theconversation.com/files/528596/original/file-20230526-15-7em0f0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/528596/original/file-20230526-15-7em0f0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/528596/original/file-20230526-15-7em0f0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/528596/original/file-20230526-15-7em0f0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/528596/original/file-20230526-15-7em0f0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/528596/original/file-20230526-15-7em0f0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/528596/original/file-20230526-15-7em0f0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">En France, 27 % des couples de femmes cohabitants et 6 % des couples d’hommes cohabitants vivent avec au moins un enfant.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/uaQpinemVoo">Kenny Eliason/Unsplash</a></span>
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<h2>Les métropoles, forces d’attractivité</h2>
<p>L’attractivité des grandes métropoles pour les minorités sexuelles a été observée de longue date. Du fait de <a href="https://theconversation.com/comment-les-touristes-lgbt-se-cachent-pour-mieux-voyager-163097">l’anonymat qu’elles permettaient</a>, mais aussi parce que celles-ci étaient pourvues en lieux de sociabilités et d’espaces de rencontres, les grandes villes ont très tôt représenté des lieux où il était plus facile de vivre une <a href="https://theconversation.com/etre-gay-en-guadeloupe-entre-homophobie-et-prejuges-raciaux-136884">sexualité souvent stigmatisée et réprimée</a>. Femmes et hommes en couple de même sexe vivent nettement plus souvent dans les grandes métropoles que les personnes en couple de sexe différent. Au recensement de 2021, 42 % des couples de même sexe canadiens résidaient dans l’une des trois plus grandes unités urbaines du pays (Toronto, Montréal, Vancouver) contre 34 % des couples de sexe différent. Cette tendance se retrouve dans les autres pays de l’étude pour lesquels l’information est disponible.</p>
<p>Aux États-Unis, les États de l’ouest du pays et ceux comprenant de grandes métropoles (État de New York, Washington DC, Massachusetts, Floride, Californie) sont des lieux de forte implantation des couples de même sexe. Tandis qu’ils représentent 1,5 % de l’ensemble des ménages conjugaux dans l’ensemble des États-Unis en 2019, le pourcentage de couples de même sexe est bien plus élevé dans certaines aires urbaines (≥2,4 %) : San Francisco, Portland, Seattle et Orlando.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/un-match-de-pedes-homophobie-ordinaire-et-heterosexualite-imposees-97710">Un « match de pédés » : homophobie ordinaire et hétérosexualité imposées</a>
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<h2>Une déconcentration favorisée avec le numérique ?</h2>
<p>En France, en 2020, les couples de même sexe sont plus nombreux en région parisienne et dans la ville de Paris que dans le reste du territoire. Tandis que 2,6 % des hommes et des femmes en couple hétérosexuel résident à Paris et 14,6 % dans l’agglomération parisienne, c’est le cas respectivement de 15,8 et 30 % des hommes et 6,1 % et 18,4 % des femmes en couple de même sexe. Ces dernières sont donc moins concentrées à Paris et plus réparties dans l’ensemble du territoire que les couples d’hommes. Cette répartition différente est observée dans tous les pays où de telles statistiques sont disponibles. Les couples de même sexe sont plus présents dans les départements des grandes métropoles du pays, notamment en Loire-Atlantique, Gironde, Rhône, Haute-Garonne, Hérault, Bouches-du-Rhône.</p>
<p>L’acceptation sociale croissante et l’essor de sociabilités fondées sur des espaces numériques pourraient favoriser une relative déconcentration. Le pourcentage de couples de même sexe qui vivent à Paris est d’ailleurs plus faible en 2020 qu’il ne l’était en 2011. On observe une telle déconcentration dans d’autres pays, au Canada notamment.</p>
<p>Dans l’ensemble, les caractéristiques des couples de même sexe se rapprochent de celles des couples de sexe différent sur plusieurs points. Pour autant, <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/25008/population.societes.530.site.rencontres.conjoint.fr.pdf">leurs spécificités</a> restent fortes et les expériences individuelles distinctes. Si la reconnaissance juridique et sociale des couples de même sexe figure parmi les grandes transformations de la famille et de la vie privée depuis la fin du XX<sup>e</sup> siècle, le processus de banalisation des minorités sexuelles est <a href="https://www.ined.fr/fichier/rte/General/Publications/Grandes%20enqu%C3%AAtes/Virage/virage-chapitre10.pdf">loin d’être abouti</a>.</p>
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<p><em>Ce texte est adapté d’un article publié par l’auteur dans « Population et Sociétés » n° 607, <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2023-1-page-1.htm">« Les couples de même sexe dans les pays occidentaux. Mieux reconnus et plus nombreux »</a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206454/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Wilfried Rault ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En se basant sur des recensements récents, une étude de l’INED fait le point sur la démographie des couples de même sexe en Occident.Wilfried Rault, Directeur de recherche à l'INED, Institut National d'Études Démographiques (INED)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1754022022-04-24T20:30:15Z2022-04-24T20:30:15ZQuels sont les noms qui rayonnent dans la littérature lesbienne ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/459310/original/file-20220422-11-nsydf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=36%2C3%2C1018%2C614&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Affiche proposée pour une exposition des Archives lesbiennes de Paris, en 1984</span> <span class="attribution"><span class="source">Michèle Larrouy</span></span></figcaption></figure><p>Dans un <a href="https://theconversation.com/ce-que-font-les-lesbiennes-a-la-litterature-147800">article publié sur The Conversation</a> l’an dernier, j’évoquais la littérature lesbienne en tant qu’objet d’étude littéraire mal connu : peu étudié, difficile à cerner, en dépit de l’intérêt qu’il représente à la fois pour l’histoire de la littérature des femmes, et pour la manière dont, aux XX<sup>e</sup> et XXI<sup>e</sup> siècles, on pense la théorie littéraire.</p>
<p>L’histoire lesbienne perturbe les canons établis, les normes narratives, les codes de la langue : au-delà de son point d’ancrage social, amoureux, politique ou philosophique – selon l’angle par lequel on préfère aborder le sujet du lesbianisme – elle interroge profondément l’objet littéraire et ses définitions.</p>
<h2>Noms absents et noms cryptés, dissimulés</h2>
<p>Pourtant, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Traude_B%C3%BChrmann">Traude Bührmann</a>, écrivaine allemande correspondante à la revue <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Lesbia_Magazine"><em>Lesbia Magazine</em></a> au cours des années 1980-1990, se demandait en novembre 1994 : « Quels sont les noms qui rayonnent dans la littérature lesbienne ? […] Quelle est l’importance des noms dans la littérature lesbienne ? » Car la réponse ne va pas de soi.</p>
<p>D’une part, ces noms sont trop mal connus. Il s’agit de cultures qui se propagent de bouche à oreille, de livres qui rencontrent des difficultés toutes particulières à être édités, puis diffusés et lus. L’histoire n’en est pas faite, sauf dans les cercles militants ou les milieux contre-culturels ; elle reste inaccessible à une grande majorité du public et sa diffusion a reposé longtemps sur les engagements bénévoles de quelques-unes.</p>
<p>D’autre part, les noms de la littérature lesbienne ont eux-mêmes été cryptés par une partie des autrices. Certaines d’entre elles écrivent leur œuvre ou partie de leur œuvre sous pseudonyme. L’exemple qui a le plus fait jaser les publics lesbiens (même français), au cours de la seconde moitié du XX<sup>e</sup> siècle, est sans doute celui de Patricia Highsmith : autrice de polars à succès, elle publie sous le pseudonyme de Claire Morgan <em>The Price of Salt</em> en 1952 (d’abord traduit par <em>Les Eaux dérobées</em> par Emmanuelle de Lesseps, puis connu sous le nom de <em>Carol</em>). Les rumeurs circulent, mais la véritable identité de l’autrice n’est révélée qu’en 1990.</p>
<p>En outre, le cryptage des noms est lié à un travail romanesque caractéristique de la littérature lesbienne des années 1970 : à l’heure du Nouveau Roman et des déconstructions romanesques en particulier, « la plupart des protagonistes n’avaient pas de nom propre », rappelle Traude Bührmann.</p>
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<p>« Elles s’appelaient Je, parfois Tu ou Elle. Pour savoir quelle est Je ou Tu ou Elle et dans quelle histoire, je dois connaître le nom de l’écrivaine, le titre du livre, et peut-être la date ou le lieu de sa parution. Cette protagoniste n’a donc pas une vie autonome, un futur indépendant. Elle n’a pas de nom qui puisse briller librement et éternellement au ciel du cosmos lesbien. »</p>
</blockquote>
<p>Et puis, bien entendu, s’il est parfois difficile de se rappeler les noms de la culture lesbienne, c’est aussi parce qu’ils sont tus, victimes d’un double silence : celui qui marque en général l’histoire culturelle des femmes, celui qui pèse sur la reconnaissance sociale du lesbianisme. Ces dernières semaines, on a vu souvent nier la <a href="https://www.liberation.fr/societe/droits-des-femmes/mais-qui-cherche-a-rendre-rosa-bonheur-hetero-20220401_Q5GPZRJ7O5CBLLOYCZSYBFDOMI/">vie lesbienne de Rosa Bonheur</a>, dont l’œuvre est mise en avant en cette année anniversaire. <a href="https://homoromance-editions.com/actualites/deces-de-lautrice-helene-de-monferrand-les-amies-dheloise.html">Le décès d’Hélène de Monferrand</a>, le 14 février 2022, n’a rencontré presque aucun écho dans les médias, même littéraires : elle était pourtant l’une des autrices principales de la littérature lesbienne des années 1990. </p>
<p>Il a fallu attendre <a href="https://etudeswittig.hypotheses.org/937">l’inauguration du jardin Monique Wittig</a>, en septembre 2021, pour que le mot « lesbienne » figure pour la première fois sur une plaque publique en France ; en mars 2022, <a href="https://www.komitid.fr/2022/03/11/plaque-pour-suzanne-leclezio-et-a-yvonne-ziegler-la-difficile-evocation-publique-de-lhomosexualite-dun-couple-de-resistantes/">l’hommage à Suzanne Leclézio et Yvonne Ziegler</a> omet de mentionner leur homosexualité et présente la seconde comme l’« amie bénévole » [sic !] de la première.</p>
<h2>S’il faut des noms…</h2>
<p>Difficile, donc, de voir rayonner les noms de la littérature lesbienne. Dans l’article « Ce que font les lesbiennes à la littérature », un grand nombre étaient cités déjà ; ceux des autrices les mieux connues, mais à vrai dire, l’article en oubliait beaucoup d’autres.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ce-que-font-les-lesbiennes-a-la-litterature-147800">Ce que font les lesbiennes à la littérature</a>
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<p>Même en se concentrant strictement sur l’histoire française de la littérature lesbienne (dont la définition pose problème, je renvoie sur ce point à l’article précédent et surtout, à l’ouvrage à paraître), on aurait pu citer par exemple les autrices recensées par Paula Dumont dans les quatre tomes de <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-entre_femmes_300_oeuvres_lesbiennes_resumees_et_commentees_paula_dumont-9782343054704-45899.html">son dictionnaire lesbien <em>Entre femmes</em></a>, dont les noms s’égrènent tout au long des XX<sup>e</sup> et XXI<sup>e</sup> siècles. Ou bien ceux – et il y aura de nouveau ici des oublis – de Gabrielle Reval, Jeanne Galzy, Hélène de Zuylen, Renée Dunan, Élisabeth de Clermont-Tonnerre, Célia Bertin, Juliette Cazal, Hélène Bessette, Irène Monesi, Françoise Mallet-Joris, Suzanne Allen, Nella Nobili, Rolande Aurivel, Jocelyne François, Mireille Best, Maryvonne Lapouge-Pettorelli, Danielle Charest, Geneviève Pastre, Cy Jung, Danièle Saint-Bois, Sabrina Calvo, Évelyne Rochedereux, Wendy Delorme, Ann Scott, Élodie Petit, Joëlle Sambi, plus récemment encore Pauline Gonthier, Tal Piterbraut-Merx, Jo Güstin, Alice Baylac (etc.).</p>
<p>Cela n’est rien encore si l’on ne cite pas aussi les noms de toutes celles et ceux qui, depuis des décennies, ont tâché de restituer cette histoire, de la faire vivre, de l’éditer et de la diffuser en dépit des résistances rencontrées au sein du champ littéraire. Il faut citer l’émergence des maisons d’édition lesbiennes à la fin des années 1990, l’évolution de l’édition et de la critiques spécialisées jusqu’à nos jours : les éditions Geneviève Pastre, les éditions Gaies et Lesbiennes, KTM Éditions, Homoromance, etc. Outre les noms déjà donnés, il faut citer les amorces de théorisation fournies par Marie-Jo Bonnet dans son important ouvrage <em>Les Relations amoureuses entre les femmes du XVI<sup>e</sup> siècle au XX<sup>e</sup> siècle</em> ; le travail fourni par les Archives lesbiennes, ainsi que par les revues qui ont commencé à voir le jour dans les années 1970. <em>Quand les femmes s’aiment</em>, <em>Désormais</em>, <em>Lesbia</em> et <em>Vlasta</em> surtout, en France, dont les pages ont notamment recueilli les critiques littéraires et artistiques de Catherine Gonnard, Suzette Robichon, Michèle Causse, Elisabeth Lebovici, Hélène de Monferrand, Danielle Charest, Évelyne Auvraud, Odile Baskevitch, Chantal Bigot et d’autres. Elles ont mené depuis plus de quarante ans un travail extrêmement précieux d’investigation, d’analyse et d’historicisation de la culture lesbienne – travail parfois mal reconnu lui-même.</p>
<p>Aujourd’hui ce travail de fond est relayé et approfondi par l’ensemble des plates-formes papier (<em>Jeanne Magazine</em>, <em>Panthère première</em>, <em>La Déferlante</em>), numériques (Roman Lesbien, Lesbien raisonnable, Mx Cordelia, Planète Diversité et quantité d’autres) ou radio (travail de Clémence Allezard sur France Culture notamment, Gouinement lundi, Radio parleur) qui permettent de faire connaître l’histoire des littératures lesbiennes. Impossible de citer tous les noms, tous les sites : ils foisonnent, peut-être particulièrement ces dernières années.</p>
<p>En ce qui concerne la recherche en littérature, cette profusion récente est en tout cas particulièrement flagrante, bien qu’elle ne corresponde pas encore à la reconnaissance évidente de ce sujet d’étude. Alors qu’elle est menée depuis la fin des années 1980, par des chercheuses précurseuses comme Gaële Deschamps ou bien <a href="https://www.jstor.org/stable/40620098?seq=1">Catherine Écarnot</a>, elle a longtemps peiné à s’institutionnaliser. Au-delà des thèses monographiques qui, souvent, abordent le sujet du lesbianisme en littérature, relativement peu d’articles scientifiques sont publiés en France sur cette question. On peut citer à cet égard le travail de <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02735801/document">Marta Segarra</a>, ou le travail particulièrement important mené ces derniers temps par Marie Rosier et Gabriela Cordone, principalement à propos de la scène lesbienne hispanophone : <a href="https://pufc.univ-fcomte.fr/revues/sken-graphie/scenes-queer-contemporaines.html">dans l’un des derniers numéros de la revue universitaire bisontine <em>Skén&graphie</em></a> ainsi que dans la revue <a href="https://www.cairn.info/revue-mouvements-2021-4-page-104.htm"><em>Mouvements</em></a>, elles se sont récemment attachées à analyser ce que peut signifier le lesbianisme en littérature, l’histoire de ses théorisations et les enjeux d’une recherche qui approfondisse ces questions. Enfin, on peut citer l’engouement très net de jeunes chercheur·ses pour le sujet : il semble que le <a href="https://lesjaseuses.hypotheses.org/3798">nombre de mémoires explicitement consacrés à la littérature lesbienne</a> ait énormément augmenté depuis 2020, et de plus en plus de projets se montent pour en valoriser le travail (à l’instar du <a href="https://bigtata.org/depot-electronique-de-memoires-et-theses-lgbtqia">dépôt électronique Big Tata</a>).</p>
<p>On se rend compte aussi d’un décalage entre aspirations de recherche et contenus déjà disponibles, lorsqu’on tente de réunir, à ce sujet, journées d’études ou séminaires. Un certain nombre de chercheur·ses sont engagé·e·s sur le sujet : le succès du <a href="https://www.ille.uha.fr/wp-content/uploads/2019/03/Programme-Sapphic-Vibes-%C3%A0-imprimer-final-1.pdf">colloque <em>Sapphic Vibes</em> en mars 2019</a>, organisé à l’université de Mulhouse, en est témoin. Néanmoins le sujet lesbien reste largement moins traité et moins maîtrisé, au sein de l’université, que son pendant masculin : en attestent les difficultés rencontrées par les organisateur·ices de <a href="http://www.ens-lyon.fr/formation/catalogue-de-cours/lgcg3104/2021">cours</a> ou de <a href="https://www.ens.psl.eu/agenda/seminaire-litterature-et-homosexualites/2017-05-09t140000">séminaires</a> qui souhaitent se pencher sur le sujet des rapports entre littérature et homosexualité tout en étant conscient·e·s des paramètres de genre à considérer, dont les séances comptent pourtant pour finir une bonne majorité de références masculines.</p>
<h2>Une histoire à relire, de nouvelles recherches à mener</h2>
<p>Ces listes sont longues et fastidieuses : c’est vrai. Mais elles signalent clairement, aussi, que la littérature lesbienne (française en l’occurrence) est loin de ne compter que deux ou trois noms isolés les uns des autres ; elle a une histoire longue, riche, nourrie par des dialogues entre écrivain·e·s, militant·e·s, étudiant·e·s et chercheur·ses, lecteurs et lectrices, archivistes, maisons d’éditions et libraires, depuis des dizaines d’années.</p>
<p>Nous avons tenté, dans un <a href="http://www.lecavalierbleu.com/nouveautes-a-paraitre/">ouvrage à paraître fin mai aux éditions du Cavalier bleu</a>, <em>Écrire à l’encre violette. Littératures lesbiennes en France de 1900 à nos jours</em>, de retracer cette histoire. À savoir : 80 % des droits d’auteur de l’ouvrage seront versés à la <a href="https://www.fondslesbien.org/">LIG</a>, afin de reconnaître la dimension entièrement collective de cette recherche.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/459301/original/file-20220422-26-k669ku.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/459301/original/file-20220422-26-k669ku.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/459301/original/file-20220422-26-k669ku.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/459301/original/file-20220422-26-k669ku.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/459301/original/file-20220422-26-k669ku.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=545&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/459301/original/file-20220422-26-k669ku.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=545&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/459301/original/file-20220422-26-k669ku.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=545&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Aurore Turbiau, Margot Lachkar, Camille Islert, Manon Berthier, Alexandre Antolin, Écrire à l’encre violette. Littératures lesbiennes en France de 1900 à nos jours, Paris, Le Cavalier bleu, 2022.</span>
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<p>Notre étude prend son départ en 1900 : sont alors publiées en France plusieurs œuvres ouvertement lesbiennes, après des siècles d’un silence quasi entier. Ensuite, des années folles à l’après-guerre, de l’histoire militante des années 1970 à la naissance de l’édition spécialisée après 1990, jusqu’à l’ébullition du début du XXI<sup>e</sup> siècle, ce sont des centaines de textes qui disent et théorisent leur propre existence. Ils parcourent tous les genres : récits de soi, romans de science-fiction et de fantasy, poésie, bande dessinée, expérimentation formelle, théâtre, romance et polar, littérature jeunesse, chanson.</p>
<p>Traude Bührmann disait encore, à propos des noms de la littérature lesbienne, qu’« une fois que les caractères ont des noms et des auras spécifiques, elles se représentent elles-mêmes et s’inscrivent dans la mémoire des lectrices avec leur figure et leur visage unique, leurs doigts et leur haleine. […] Des noms peuvent épeler une histoire. Des noms peuvent exprimer des idées, évoquer une vision du monde. » Nous espérons que cet ouvrage, <em>Écrire à l’encre violette</em>, contribuera à donner matière à cette mémoire fragile et malmenée, qu’il pourra participer à son tour à faire briller ces noms « au ciel du cosmos lesbien » (et littéraire, en général !).</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été relu par les co-auteurices du livre « Écrire à l’encre violette » : Margot Lachkar, Camille Islert, Manon Berthier et Alexandre Antolin.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175402/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurore Turbiau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’histoire lesbienne interroge profondément l’objet littéraire et ses définitions.Aurore Turbiau, Doctorante en littérature comparée, membre du collectif Les Jaseuses, membre de Philomel-Initiative Genre, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1411382020-06-24T21:18:17Z2020-06-24T21:18:17ZL’entrepreneuriat, source d’émancipation pour les minorités sexuelles et de genre ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/343684/original/file-20200624-133013-n9tnx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C32%2C1183%2C910&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Selon une étude, les personnes LGB ont davantage confiance dans leurs capacités à créer une activité que les non LGB.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Sebastien Durand / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le « <a href="https://www.strategies.fr/actualites//4014068W/mais-ou-est-passe-le-mois-des-fiertes-.html">mois des fiertés</a> » (<em>pride month</em> outre-Atlantique), en grande partie éclipsé par l’actualité de la crise sanitaire, a été ponctué par une série d’évènements tragiques. Le 14 juin dernier, <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/06/16/amnesty-international-denonce-l-oppression-du-pouvoir-egyptien-apres-le-suicide-d-une-militante-lgbt_6043020_3212.html">Sara Hegazy</a>, une militante LGBT égyptienne, mettait fin à ses jours après une période d’emprisonnement. La veille, le <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/selon-le-president-polonais-l-ideologie-lgbt-c-est-du-neo-bolchevisme-20200613">président polonais</a> attaquait lors d’un meeting électoral l’« idéologie LGBT » qu’il considère comme du « néo-bolchevisme ».</p>
<p>Mais, en parallèle, le mois de juin a été marqué par un arrêt de la Cour suprême des États-Unis <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/06/15/la-cour-supreme-des-etats-unis-interdit-les-discriminations-fondees-sur-l-orientation-sexuelle_6042928_3210.html">interdisant les discriminations au travail</a> fondées sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre.</p>
<p>Ces discriminations restent monnaie courante pour les minorités sexuelles en 2020. D’après la dernière <a href="https://fra.europa.eu/en/publication/2020/eu-lgbti-survey-results">étude</a> de l’Agence européenne des droits fondamentaux, « A long way to go for LGBTI equality », une personne LGBTI (lesbienne, gay, bisexuelle, transgenre, intersexuée) sur cinq s’estime discriminée sur son lieu de travail et une sur trois déclare avoir des difficultés à subvenir à ses besoins et à trouver un emploi en lien avec sa qualification.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/342955/original/file-20200619-43209-h2d476.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/342955/original/file-20200619-43209-h2d476.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=258&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/342955/original/file-20200619-43209-h2d476.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=258&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/342955/original/file-20200619-43209-h2d476.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=258&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/342955/original/file-20200619-43209-h2d476.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=324&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/342955/original/file-20200619-43209-h2d476.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=324&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/342955/original/file-20200619-43209-h2d476.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=324&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pourcentage des répondants qui se sont sentis discriminés au travail durant les 12 derniers mois du fait de leur appartenance à la communauté LGBT (comparaison entre 2012 et 2019).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fra.europa.eu/sites/default/files/fra_uploads/fra-2020-lgbti-equality_en.pdf">étude « A long way to go for LGBTI equality »</a></span>
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</figure>
<p>Ainsi, nous avons voulu comprendre si l’entrepreneuriat pouvait constituer une solution pour les minorités sexuelles, victimes ou particulièrement exposées à des discriminations sur le lieu de travail.</p>
<p>Notre <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/JOCM-12-2018-0365/full/html">étude</a>, publiée en septembre 2019, s’est focalisée sur la population lesbiennes, gays, bisexuels (LGB) parisienne. Elle tend à montrer que la création d’entreprise reste un recours privilégié pour cette communauté.</p>
<h2>Les LGB favorables à la création d’entreprise</h2>
<p>Dans un souci d’échapper à des pratiques discriminantes, et plus globalement de pouvoir affirmer son identité sereinement, la <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/j.2161-0045.2003.tb00630.x">création d’entreprise</a> a souvent été présentée comme une solution pour les personnes LGBT depuis les années 2000. C’était du moins le cas dans les zones géographiques où émergeait l’économie des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) et où pullulaient les créations d’entreprises. Deux décennies plus tard, cette affirmation reste pertinente.</p>
<p>Sur les 654 Parisiens que nous avons eu l’occasion d’interroger (266 LGB et 388 non LGB) au sujet de leur intention de créer une entreprise (dans l’absolu et dans un avenir proche), les LGB se révèlent majoritairement favorables au lancement de leur propre activité.</p>
<p>À noter que la capitale française s’avère relativement agréable à vivre pour la population LGB : 14 % de la population parisienne <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/JOCM-12-2018-0365/full/html">se déclare gaie ou lesbienne</a>, contre 7 % dans le reste de la population française.</p>
<p>Par ailleurs, les personnes LBG interrogées estiment que créer une entreprise représente une action positive. Elles accordent de l’importance à ce que pensent les personnes importantes de leur entourage concernant leur projet.</p>
<p>Enfin, les personnes LGB s’estiment majoritairement capables de relever le défi de l’entrepreneuriat alors que les réponses chez les non LGB restent plus nuancées. Comment analyser ces résultats ?</p>
<h2>Le rôle de la communauté</h2>
<p>Le protocole de recherche choisi ne nous permet pas de formuler des explications formelles. Par contre, il reste possible de les interpréter au regard de la notion de « capital social » dont bénéficient les personnes LGB, en particulier à Paris. Le capital social se définit comme l’ensemble des réseaux et relations sociales relatifs à une personne ou une entité.</p>
<p>L’appartenance à une communauté forte offrirait aux personnes LGB le capital social nécessaire pour susciter l’envie de créer son entreprise et générerait un cercle vertueux : une envie de créer son entreprise, les liens sociaux qui soutiennent la création, l’émancipation financière et personnelle qui en découle, les échanges avec les nouveaux venus dans la communauté, etc.</p>
<p>Par ailleurs, une communauté offre généralement la possibilité de rentrer en contact plus facilement avec ce qu’on appelle un « rôle modèle » (<em>role model</em> en anglais) c’est-à-dire une personne dont le comportement, l’exemple ou les succès peuvent inspirer d’autres individus.</p>
<p>Ce phénomène d’identification s’avère particulièrement présent dans le monde de l’entrepreneuriat. Un entrepreneur qui a réussi va influencer et donner envie aux personnes qui le côtoient de se lancer dans une aventure de création d’entreprise, surtout s’il fait partie de l’entourage proche (mère, père, meilleur ami). C’est ce que révèle une <a href="http://renouveau-economique-entrepreneuriat-feminin.fr/wp-content/uploads/2020/02/Liflet-EIT-Health-Role-Models-v1-SLL.pdf">étude</a> sur une population d’étudiantes dans le secteur de la santé.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/342957/original/file-20200619-43196-14r2jxj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/342957/original/file-20200619-43196-14r2jxj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/342957/original/file-20200619-43196-14r2jxj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/342957/original/file-20200619-43196-14r2jxj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/342957/original/file-20200619-43196-14r2jxj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/342957/original/file-20200619-43196-14r2jxj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/342957/original/file-20200619-43196-14r2jxj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pour les étudiantes dans le secteur de la santé, le rôle modèle le plus impactant est un entrepreneur parent et/ou ami proche.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://renouveau-economique-entrepreneuriat-feminin.fr/wp-content/uploads/2020/02/Liflet-EIT-Health-Role-Models-v1-SLL.pdf">GEM LAB Studies</a></span>
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<p>Mais, pour les personnes LGB, l’identification à des rôles modèles se produit rarement dans le cercle familial, les personnes LGB déclarant souvent sortir de ce cadre. En revanche, les amis entrepreneurs issus de la communauté LGB peuvent très bien jouer ce rôle. En les côtoyant, en les entendant parler, voire en parlant avec eux de leur entreprise, les personnes LGB sont plus disposées à développer une attitude positive envers la création d’entreprise.</p>
<p>En ce sens, la démarche communautaire et la possibilité de s’identifier permettraient aux personnes LGB de constituer le capital social nécessaire à toute aventure entrepreneuriale.</p>
<h2>Qu’en est-il des autres communautés ?</h2>
<p>Est-ce à dire que la communauté LGB, et en particulier de Paris, pourrait servir d’exemple aux autres communautés et minorités en mal d’émancipation (femmes, transgenres ou non binaires, minorités ethniques, etc.) ?</p>
<p>Selon une <a href="http://renouveau-economique-entrepreneuriat-feminin.fr/wp-content/uploads/2020/02/Liflet-EIT-Health-Role-Models-v1-SLL.pdf">étude</a> sur les rôles modèles et l’intention entrepreneuriale des étudiantes dans le secteur de la santé, trois critères essentiels doivent être réunis : le fait de côtoyer régulièrement l’entrepreneur, que ce dernier encourage et échange très régulièrement avec l’individu et qu’un certain degré de ressemblance s’établisse avec l’éventuel entrepreneur et la réussite entrepreneuriale de l’individu.</p>
<p>Ainsi, cela implique que les minorités puissent intégrer des réseaux et côtoyer des personnes qui leur « ressemblent » et ont réussi professionnellement. Or ces réseaux permettant la reconnaissance, la valorisation et l’émancipation des minorités restent encore peu nombreux et peu visibles. C’est uniquement au travers du développement de communautés de partage et d’entraide fortes que les minorités pourront non seulement être inspirées, mais aussi réellement incitées à créer leur entreprise.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/141138/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>À Paris, les personnes LGB se révèlent en majorité favorables à la création d’entreprise. La volonté de s’affranchir des discriminations et l’accès à une communauté pourraient expliquer ce résultat.Séverine Le Loarne-Lemaire, Professeur Management de l'Innovation & Management Stratégique, Grenoble École de Management (GEM)Rony Germon, Professeur Associé entrepreneuriat & innovation, IPAG Business SchoolSafraou Imen, Professeur Associé-Responsable du Département Marketing, PSB Paris School of BusinessLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1240592019-09-29T18:45:02Z2019-09-29T18:45:02ZLes débats sur la PMA relancent celui sur la GPA et ses enjeux juridiques<p>Le vendredi 27 septembre, les députés ont voté en première lecture (55 voix pour, 17 contre et 3 abstentions) l’article premier du <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/actualites-accueil-hub/bioethique-examen-du-projet-de-loi-par-les-deputes">projet de loi sur la bioéthique</a> qui prévoit d’étendre aux femmes célibataires et aux couples de lesbiennes l’accès aux techniques de <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/09/27/bioethique-les-deputes-adoptent-l-article-qui-elargit-l-acces-a-la-pma_6013315_823448.html">procréation médicalement assistée</a> (PMA). De son côté, <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/pma/pma-bioethique-assemblee-nationale-deputes-loi-belloubet-buzyn-enfants-couples_3631521.html">« le Sénat a annoncé »</a> qu’une commission spéciale sur le projet de loi bioéthique qui serait mise en place le 15 octobre, jour où l’Assemblée transmettra son texte à la chambre haute).</p>
<h2>Les controverses autour de la GPA</h2>
<p>Or, les débats sur la PMA ont relancé celui sur la gestation pour autrui (GPA). La GPA est une technique de procréation assistée pour laquelle la gestation de l’embryon, conçu in vitro, se déroule au sein de l’utérus d’une tierce femme, nommée « mère porteuse ». Celle-ci accepte de porter un enfant et de le remettre à la naissance à un couple ou une personne, appelés parents d’intention.</p>
<p>Si la mère fournit un ovule, on parle alors de procréation pour autrui, la mère porteuse étant aussi la mère génétique de l’enfant.</p>
<p>Certains craignent ainsi un <a href="http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2018/09/28/31003-20180928ARTFIG00016-l-editorial-du-figaro-magazine-l-effet-domino.php">« effet domino »</a> : l’assouplissement des conditions de recours à la PMA ne pourrait-il pas un jour faire tomber d’autres barrières ? Pourtant, la GPA <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/09/25/pma-dpi-acces-aux-origines-gpa-ce-que-changera-ou-non-la-loi-de-bioethique_6013025_4355770.html">n’apparaît pas dans le projet de loi</a>, et demeure à ce jour interdite en France.</p>
<p>Au-delà des discussions politiques entre les opposants et les partisans de cette pratique, la majorité de ces débats ignore souvent l’importance de ses enjeux économiques dont la réalité renvoie à des objectifs financiers qui peuvent paraître immoraux, et occulte le nécessaire encadrement par le droit de cette pratique en développement.</p>
<h2>Une interdiction en perte de légitimité et d’efficience</h2>
<p>À l’instar de la France, la <a href="http://www.senat.fr/lc/lc182/lc182_mono.html">majorité des pays dans le monde proscrit le recours aux mères porteuses</a>.</p>
<p>Elle est néanmoins <a href="https://journals.openedition.org/cdst/541">autorisée</a> sous certaines conditions dans quelques pays comme les États-Unis ou l’Inde par exemple.</p>
<p>Les États fondent son interdiction sur les principes d’indisponibilité du corps humain, de l’état de la personne et, plus généralement, de respect de la dignité humaine. L’indisponibilité du corps humain ou plus précisément de sa non-patrimonialité pose les limites à la libre disposition de soi et interdit que son corps soit considéré comme une chose pouvant faire l’objet d’une convention.</p>
<p>Toutefois, le principe d’indisponibilité a reçu quelques aménagements en ouvrant par le recours au don, des éléments et produits du corps humain à la circulation des biens. Le <a href="http://cours-de-droit.net/l-indisponibilite-du-corps-humain-a127133318/">principe d’indisponibilité du corps humain</a> selon une conception holistique s’efface au profit d’une disponibilité par le don à toutes les parties séparables du corps : sang, tissus, organes, gamètes… Cela concerne aussi les déchets : cordon ombilical, restes d’une ablation, etc.</p>
<p>La maternité pour autrui illustre bien cette ambiguïté puisqu’elle n’est pas considérée comme contraire à la dignité dans les pays où elle est légale dès lors qu’elle relève du don.</p>
<h2>Le droit d’être parent en question</h2>
<p>À cela vient s’ajouter la <a href="https://www.cairn.info/revue-laennec-2012-1-page-24.htm">question du droit d’être parent</a> qui opère une rupture dans la conception de la maternité. Depuis une vingtaine d’années, les techniques d’insémination artificielle et de fécondation in vitro permettent à une femme de porter un enfant conçu en dehors de tout rapport charnel.</p>
<p>Accepté pour les couples souffrant de stérilité, le droit d’être parent se pose désormais pour les célibataires, mais aussi pour les couples homosexuels, bien que la tendance aille vers une <a href="https://www.nouvelobs.com/societe/20170705.OBS1689/un-enfant-ne-de-gpa-pourra-etre-adopte-par-son-second-parent.html">restriction de l’adoption homoparentale</a> (le droit d’adoption pour le second parent n’est pas automatique).</p>
<p>Plus qu’un droit, il s’agirait d’une liberté fondamentale qu’il conviendrait d’accorder à tous ceux qui n’ont pas la chance de procréer. Mise à mal par ces nouveaux droits, l’interdiction instituée dans certains pays doit faire face de surcroît aux assauts d’un <a href="https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2006-3-page-88.htm">tourisme de la procréation</a> de plus en plus organisé. La pratique étant admise et possible à l’étranger, il devient en effet de plus en plus facile de contourner l’interdiction en se déplaçant hors du pays pour en bénéficier.</p>
<h2>Des retours sur le territoire autorisés et régularisés</h2>
<p>Ce contournement est en outre facilité par les règles du droit international privé qui empêchent le plus souvent les États où la pratique est prohibée de poursuivre, à leur retour, les couples ayant eu recours à une mère de substitution dans un pays où cette pratique est autorisée.</p>
<p>Ces législations internes opposées à une telle pratique sont cependant contraintes à prendre position <a href="https://journals.openedition.org/cdst/543">sur le sort et la régularisation</a> sur leur territoire des enfants issues de GPA à l’étranger.</p>
<p>De nombreux États, y compris dans ceux où la GPA est interdite, acceptent cette régularisation. D’autres pays, en revanche, la refusent catégoriquement ce qui n’est pas sans incidences préjudiciables pour les parents et surtout pour l’enfant dont l’absence de filiation le privera de certains droits reconnus aux autres enfants.</p>
<p>Parmi les pays qui interdisent la GPA, l’exemple de la France est symptomatique des difficultés liées à cette question. Dans <a href="https://www.revuegeneraledudroit.eu/blog/2014/09/15/la-france-contrainte-de-faire-primer-linteret-superieur-de-lenfant-issu-dune-gpa/">deux affaires</a> la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) le 26 juin 2014 pour avoir refusé à des couples hétérosexuels la transcription des actes de naissance d’enfants nés de mère porteuse aux États-Unis.</p>
<p>Depuis, la jurisprudence française <a href="https://www.village-justice.com/articles/gpa-que-reste-prohibition-francaise,29499.html">a évolué mais reste fluctuante</a>. Pour mettre fin à ces situations iniques, un adoucissement des réglementations avec à terme, une levée de l’interdiction paraît donc inéluctable. En effet, comment peut-on maintenir une interdiction qui n’aura vocation à s’appliquer que pour les individus qui n’ont pas les moyens de s’y soustraire ? Comment maintenir un système qui accepte de régulariser la pratique dès lors qu’elle est commise à l’étranger et qui encourage par là même le tourisme procréatif et ses effets déviants ?</p>
<h2>Les conditions du recours à la GPA</h2>
<p>Les pays qui ont légalisé la pratique sur leur propre territoire ont été amenés à répondre à toute une série d’interrogations. Malgré leur grande diversité, la comparaison entre ces différentes législations fait ressortir deux catégories de règles. La première se rapporte aux conditions de recours à la GPA, la seconde en précise les effets.</p>
<p>La majorité des pays conditionne le recours à la GPA à l’impossibilité de porter un enfant pour raisons médicales. L’exigence d’une infertilité pathologique explique que son ouverture soit réservée aux couples hétérosexuels, mariés comme en <a href="http://www.slate.fr/story/93287/gpa-israel">Israël</a>, premier pays à avoir autorisé la maternité pour autrui, ou en <a href="https://www.lexpress.fr/actualites/1/monde/la-grece-de-plus-en-plus-ouverte-au-tourisme-du-bebe-par-procreation-assistee_1564725.html">Grèce</a>.</p>
<p>D’autres États admettent l’infertilité « naturelle » pour l’ouvrir à d’autres catégories de demandeurs. Il en est ainsi de la Californie et du <a href="https://babygest.com/fr/gestation-pour-autrui-au-canada/#prix-dune-gpa-au-canada">Canada</a> où les bénéficiaires peuvent être des célibataires ou des couples homosexuels.</p>
<p>L’obligation de résider dans le pays est très souvent requise pour au moins un, voire les deux parents d’intention. Telle est d’ailleurs la solution retenue par la majorité des législations étudiées qui exigent également une obligation de résidence pour la mère porteuse, ceci afin d’éviter d’être une terre de destination privilégiée au tourisme procréatif.</p>
<p>Reste la question financière, la mère porteuse doit-elle recevoir une rémunération ? Le commun dénominateur des diverses législations étudiées réside dans l’idée qu’une telle démarche ne doit se faire que dans un but altruiste, comme au <a href="https://babygest.com/fr/gestation-pour-autrui-au-canada/#prix-dune-gpa-au-canada">Canada</a>, rejoignant ainsi les partisans d’une GPA dite « éthique ». Aussi, la somme versée par les parents d’intention ne peut l’être sous la forme d’une rémunération, mais d’une indemnisation couvrant les frais médicaux, les frais de vêtements et d’alimentation, les jours de travail manqués, et autres frais afférents à la grossesse… La GPA devient donc un acte « purement altruiste » de la part de la femme qui se présente, avec cependant pour conséquence de voir diminuer les chances pour en trouver.</p>
<h2>Quels effets ?</h2>
<p>Après avoir posé les conditions du recours à la GPA, il faut en préciser les effets. Les techniques de rattachement de l’enfant à ses parents d’intention peuvent être regroupées en deux catégories. La première est celle qui consiste à établir une filiation automatique à l’égard du ou des parents d’intention. Le recours à ce mode direct de rattachement est mis en place dans les pays comme en Californie où <a href="https://www.academia.edu/7904773/G._WIllems_et_J._Sosson_L%C3%A9gif%C3%A9rer_en_mati%C3%A8re_de_gestation_pour_autrui_quelques_rep%C3%A8res_de_droit_compar%C3%A9">seule la GPA gestationnelle est autorisée</a> et où l’enfant n’a donc aucun lien génétique avec la mère.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les jumelles Mennesson sont nées en 2000 en Californie d’une gestation pour autrui (GPA), CNNews.</span></figcaption>
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<p>Cet établissement direct s’opère toujours sous contrôle judiciaire et ne saurait résulter du seul accord de volonté issu du contrat.</p>
<p>La deuxième technique a recours à des règles qui s’apparentent à une procédure d’adoption. La mère porteuse est considérée <a href="https://surrogate.com/surrogacy-by-state/florida-surrogacy/florida-surrogacy-laws/">comme la mère de l’enfant</a> comme en Floride.</p>
<p>Les parents d’intention devront, une fois l’enfant né, obtenir du juge une décision opérant un transfert de parenté ou de filiation. Ces lois encadrant la GPA ne sont toutefois pas toujours suffisantes pour résoudre tous les problèmes, mais elles ont le mérite d’exister et en exerçant un contrôle sur ses pratiques, de les soustraire à une marchandisation bien plus désastreuse dans les pays où il n’existe aucune réglementation.</p>
<h2>L’Asie et ses « usines » à bébés</h2>
<p>Pour prendre un exemple, l’Inde est devenue la première « plate-forme » mondiale de la GPA. Alors que ces cliniques étaient presque exclusivement installées en zones urbaines, le <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2016/10/12/portrait-des-meres-porteuses-indiennes-loin-des-idees-recues_5012047_3244.html">phénomène</a> gagne aujourd’hui les zones rurales mais aussi les classes moyennes. Les populations paysannes, plus pauvres, acceptent des ventes à des tarifs encore plus bas nécessaires pour concurrencer la Thaïlande. En décembre 2018 l’Inde a considérablement durci sa réglementation en interdisant la <a href="https://timesofindia.indiatimes.com/india/lok-sabha-passes-surrogacy-regulation-bill-2016-which-bans-commercial-surrogacy/articleshow/67165408.cms">commercialisation de la GPA</a> afin de mettre fin <a href="https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/linde-encadre-severement-la-gestation-pour-autrui">au trafic des ventres de femmes</a>.</p>
<p>En Chine, où la GPA est illégale le trafic concernerait pourtant <a href="https://www.nytimes.com/2014/08/03/world/asia/china-experiences-a-booming-black-market-in-child-surrogacy.html">10 000 enfants par an</a>. Destinés aux couples les plus fortunés, les nourrissons se vendent jusqu’à 240 000 $ soit environ 220 000 euros.</p>
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<figcaption><span class="caption"><em>Envoyé spécial</em>, 31 janvier 2019 sur les marchés clandestins de la GPA qui ont émergé dans le monde.</span></figcaption>
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<p>La GPA va dans le sens de l’histoire. L’interdire en France pousse les couples à se tourner vers l’étranger. Or deux difficultés en découlent, hormis l’impact délétère sur le couple lui-même : la non-reconnaissance administrative de l’enfant né à l’étranger d’une part, le risque de marché parallèle d’autre part. Le débat idéologique, souvent simpliste et manichéen, n’est donc pas le seul axe à envisager dans l’autorisation de la GPA. Il s’agit de garder à l’esprit les risques réels de dérive, nécessitant un cadre juridique adéquat, rigoureux et exhaustif pour anticiper et prévenir tout dérapage.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124059/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Au-delà des discussions politiques entre les opposants et les partisans de la GPA, la majorité de ces débats ignore souvent l’importance de ses enjeux économiques et leur encadrement par le droit.Eric Vernier, Directeur de la Chaire Commerce, Echanges & Risques internationaux - ISCID-CO, Université du Littoral Côte d'Opale, Chercheur au LEM (UMR 9221), Université de LilleIsabelle Baudet, Professeur associé en Droit, ExceliaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1243972019-09-29T18:42:46Z2019-09-29T18:42:46ZPMA et homoparentalité : que sait-on vraiment du développement des enfants de mères lesbiennes ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/294669/original/file-20190929-185415-x52v4e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C0%2C3380%2C2061&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La qualité des relations au sein du couple parental influe davantage sur le développement de l'enfant que la structure de la famille. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/two-beautiful-girls-baby-on-beach-114530857?src=L_QyzF_YC74GMF7QqmW4LQ-1-12">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Le 24 septembre dernier a débuté à l’Assemblée nationale l’examen du projet de révision des lois de bioéthique. Parmi les mesures les plus débattues figure l’ouverture de la procréation médicalement assistée à toutes les femmes (PMA, aussi désignée par le vocable médical « assistance médicale à la procréation » – AMP).</p>
<p>Or, dans un avis rendu public le 21 septembre, l’Académie de médecine qualifiait la « conception délibérée d’un enfant privé de père » de <a href="http://www.academie-medecine.fr/wp-content/uploads/2019/09/Rapport-sur-le-projet-de-loi-relatif-a%CC%80-la-bioe%CC%81thique-2019-09-ANM.pdf">« rupture anthropologique majeure »</a>. Elle affirmait que cette pratique n’était « pas sans risques » pour son « développement psychologique » et son « épanouissement ».</p>
<p>Que penser de cette position, alors même que le Comité consultatif national d’éthique ou du Conseil d’État se sont prononcés en faveur d’une ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules ? Est-elle « un peu datée », comme l’affirme la ministre de la Santé Agnès Buzyn, pour qui « considérer qu’il y a un lien direct entre défaut de construction de l’enfant et famille monoparentale est faux » ?</p>
<p>L’examen détaillé des recherches portant sur le développement des enfants de familles homoparentales suggère effectivement que la structure familiale n’a quasiment pas d’effet sur le développement psychologique. Quels sont les principaux enseignements à retenir de ces travaux, en particulier ceux portant <a href="https://oliviervecho.fr/_media/vecho-schneider-zaouche-gaudron.-homoparentalite-et-amp-version-acceptee-11-06-2018.pdf">sur les enfants de mères lesbiennes conçus par PMA</a>, directement visées par les débats en cours au Parlement ?</p>
<h2>Plusieurs décennies d’études</h2>
<p>Les études relatives au développement des enfants de familles homoparentales sont disponibles depuis maintenant plusieurs dizaines d’années. Après avoir examiné en 2005 une <a href="https://www.cairn.info/revue-la-psychiatrie-de-l-enfant-2005-1-page-271.htmSee#">recension des 30 premières années de recherche</a> portant sur les enfants de familles homoparentales, nous nous sommes penchés sur les travaux liés à <a href="https://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S0222961715000859">l’adoption par les couples homosexuels</a>, puis plus récemment sur les études concernant les <a href="https://www.em-consulte.com/article/1225863/homo-%20parentalite-%20et-assistance-medicale-a-la-procre">familles de mères lesbiennes ayant eu recours à l’AMP</a>.</p>
<p>Outre leur nombre, bien évidemment en croissance, nous avons constaté, lors de nos diverses analyses, une évolution des études concernées. Nous avons pu relever trois caractéristiques majeures, partiellement articulées :</p>
<ul>
<li><p>une modification des critères retenus pour attester du développement des enfants, adolescents ou adultes élevés au sein d’une famille homoparentale. Alors que les premières études mettaient par exemple fortement l’accent sur la question de possibles troubles du comportement ou sur celle de la « transmission » de l’homosexualité des parents homosexuels à leurs enfants (ce qui n’a jamais été démontré), les recherches plus récentes concernent davantage la qualité des relations au sein de la famille ;</p></li>
<li><p>une évolution des types de familles, selon leur mode de construction : les premières études visaient plutôt le développement des enfants de familles homoparentales conçus dans le cadre d’une union hétérosexuelle antérieure. Les suivantes se sont progressivement ouvertes aux enfants relevant de l’adoption, notamment suite à la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000027414540&categorieLien=id">loi du 17 mai 2013</a> ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. À présent, l’évolution des techniques de procréation médicalement assistée et l’accès possible des (futurs) parents aux dites techniques, dans un cadre légal ou non, oriente les recherches ayant pour objet les enfants issus de PMA ;</p></li>
<li><p>des progrès méthodologiques dans la conduite des études. Les chercheurs se sont notamment progressivement montrés plus attentifs aux critères qui président à l’élaboration des groupes comparatifs (par exemple, familles homoparentales versus familles monoparentales).</p></li>
</ul>
<p>Concernant plus spécifiquement les enfants de mères lesbiennes conçus par PMA, nous avons identifié et analysé 16 publications internationales parues entre 1997 et 2017, portant sur 9 cohortes d’enfants vivant aux États-Unis (pour 6 études), en Europe (2 études) et en Israël (1 étude). Ces cohortes étaient constituées de 12 à 283 sujets, jeunes enfants, adolescents, ou adultes.</p>
<h2>Absence d’effet de la structure familiale</h2>
<p>Les critères développementaux classiquement retenus dans ce type de travaux sont de plusieurs types : problèmes de comportements « internalisés » (tels que dépression, anxiété, etc.), problèmes de comportement « externalisés » (délinquance, agression, prise de substances psychoactives…), estime de soi, compétences sociales.</p>
<p>Concernant les enfants issus de PMA élevés par des mères lesbiennes, le constat est celui d’une quasi-absence d’effet de la structure familiale sur le développement psychologique. Ces résultats sont conformes aux bilans précédents concernant les familles homoparentales, de façon générale ou dans le cadre de l’adoption. Au final, c’est surtout la qualité des relations au sein du couple parental, indépendamment de sa structure, qui apparaît être en lien avec la manifestation de problèmes comportementaux et d’adaptation sociale chez l’enfant lorsque ceux-ci existent.</p>
<p>Si la structure familiale se révèle, en tant que telle, une variable très faiblement explicative, qu’en est-il des effets de la qualité des relations intrafamiliales ? Les études semblent mettre au jour une tendance à une plus grande flexibilité et une meilleure communication au sein des familles homoparentales que dans les autres familles.</p>
<p>En matière de communication, justement, comment est vécue par les enfants la révélation de leur mode de conception ?</p>
<h2>Une révélation bien accueillie</h2>
<p>Dans les études que nous avons analysées, les enfants pouvaient être issus soit d’un donneur anonyme, soit d’un donneur dont l’identité pourra leur être révélée à leur majorité.</p>
<p>Premier constat : chez les plus jeunes, aucun lien spécifique n’est observé entre l’accès à l’information relative au donneur et des problèmes de comportement. Second constat : les adolescents de familles homoparentales semblent informés plus précocement de leur mode de conception que ceux des autres familles.</p>
<p>Cette connaissance n’affecte leurs relations avec leurs parents. D’une part, ils semblent en moyenne peu troublés par cette annonce, et d’autre part, plus ils sont informés jeunes et plus ils semblent à l’aise pour rechercher l’information relative à leur donneur. En outre, au sein des familles homoparentales les enfants semblent être plus soutenus pour le faire, et ils informent plus volontiers leur entourage familial de leurs démarches.</p>
<p>En abordant la question de l’adoption dans un article précédent, nous avions évoqué l’hypothèse un peu provocante d’un contexte non pas « à risque », mais potentiellement mieux préparé aux difficultés éventuelles d’une filiation spécifique. Elle pourrait être reformulée à l’identique ici.</p>
<p>Ce tableau globalement positif ne doit cependant pas faire oublier que les familles homoparentales peuvent se trouver confrontées à d’autres difficultés, en particulier en raison du rejet ou des discriminations sociales dont elles peuvent faire l’objet.</p>
<p>Au final, tout en renvoyant aux précautions méthodologiques et à la prudence que nous gardons toujours quant aux résultats produits, il nous semble important de souligner que les réserves fréquemment formulées à propos les familles homoparentales, telles que celles de l’Académie de médecine, sont paradoxales. Elles mettent en effet en avant la relativité méthodologique des données empiriques recueillies, sans toutefois jamais en produire de contradictoires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124397/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’accès à la PMA pour toutes les femmes, prévu dans le projet de loi de bioéthique, a relancé le débat sur les conséquences psychologiques pour les enfants ainsi conçus. Que dit la science ?Benoît Schneider, Psychologue, professeur émérite en psychologie de l’éducation, Université de LorraineChantal Zaouche Gaudron, Professeure des universités, Université Toulouse – Jean JaurèsOlivier Vecho, Maître de Conférences en psychologie du développement, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1230212019-09-25T18:49:48Z2019-09-25T18:49:48ZMarcher dans la rue : double peine pour les lesbiennes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/293859/original/file-20190924-51401-1bu40zv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C267%2C1899%2C1003&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour de nombreuses femmes, le harcèlement de rue est double: il est à la fois lié au sexisme ambiant et à leur orientation sexuelle.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/mur-de-briques-jeune-fille-chauss%C3%A9e-1868217/">Pexels/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Si l’actualité <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/05/22/agression-transphobe-a-paris-un-homme-condamne-a-six-mois-de-prison-ferme_5465638_3224.html">récente</a> a tristement mis en lumière l’<a href="https://www.sos-homophobie.org/sites/default/files/rapport_homophobie_2019_interactif.pdf">homophobie et la transphobie</a> qui se déploient dans l’espace public, rares ont été les témoignages et les analyses relatives aux places plus spécifiques des <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/cgq/2018-v62-n175-cgq04385/1057084ar/">lesbiennes</a>. Assez étrangement, alors que les questions de harcèlement et de sexisme de rue ont été fortement médiatisées, la lesbophobie est restée peu documentée malgré une <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/05/14/sos-homophobie-constate-une-hausse-des-temoignages-de-lesbiennes-victimes-de-harcelement-et-de-violences_5461731_3224.html">« augmentation des cas de lesbophobie »</a> comme le rapporte SOS-Homophobie cité par <em>Le Monde.</em></p>
<p><a href="https://www.20minutes.fr/societe/2514187-20190516-video-violences-etude-met-lumiere-inaction-temoins-face-agressions-personnes-lgbti">À travers une récente enquête</a>, réalisée avec ma collègue sociologue Johanna Dagorn, nous avons tenté de quantifier l’expérience lesbienne dans l’espace public, entre « sexisme » et « homophobie ».</p>
<h2>Un climat urbain spécifique</h2>
<p>L’enquête « Ville et LGBTI-phobie » à laquelle nous avons participé, a été commanditée par la mairie de Bordeaux en 2019 et réalisée par le biais d’un questionnaire auquel ont répondu 1042 personnes, pour partie représentatives de la sociologie des habitant·e·s de Bordeaux, les personnes de plus de 65 ans et les ouvrier·e·s étant sous représenté·e·s. L’ensemble des répondantes (lesbiennes, gays, bisexuel·le·s et transgenres) résidaient dans la ville de Bordeaux et ont témoigné de faits qui se sont déroulés dans les espaces et transports publics de la ville au cours des 12 derniers mois.</p>
<p>Cette enquête, inédite à l’échelle d’un territoire municipal en France, tentait de quantifier et de qualifier les expériences discriminatoires vécues par les LGBTI en ville (espaces publics, services publics…). Nous avons ainsi essayé d’analyser et dégager des tendances issues des réponses reçues. Que vivent les personnes qui ont subi des agressions, peu importe le type d’agression subie ? Sont-elles plutôt sereines ou inquiètes dans leurs déplacements ?</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/292071/original/file-20190911-190007-2duir6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/292071/original/file-20190911-190007-2duir6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/292071/original/file-20190911-190007-2duir6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=221&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/292071/original/file-20190911-190007-2duir6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=221&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/292071/original/file-20190911-190007-2duir6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=221&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/292071/original/file-20190911-190007-2duir6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=278&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/292071/original/file-20190911-190007-2duir6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=278&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/292071/original/file-20190911-190007-2duir6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=278&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Tableau 1.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ville et LGBTI-phobie 2019</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Pour lire ce tableau.</p>
<p>(1) 47,64 % des personnes victimes de lesbophobie se disent sereines durant leurs déplacements en ville</p>
<p>Les résultats sont assez nets : être victimes de gayphobie ou de lesphobobie n’a pas le même impact sur la notation de l’ambiance générale, c’est-à-dire de la perception de la sécurité, du risque discriminatoire, et des possibilités de déplacements dans la ville.</p>
<p>Si l’on sélectionne les réponses en fonction du genre des répondant·e·s, on observe que, très clairement, le fait d’être une femme fait augmenter les expériences inquiétantes et stressantes. La géographie du genre a déjà montré combien la ville était inégalitaire. Ces chiffres le confirment.</p>
<h2>Une ambiance urbaine</h2>
<p>Nous avons aussi demandé aux répondant·e·s de « noter » l’ambiance urbaine, de 1 à 10. Voici les moyennes, réparties par sexe.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/294028/original/file-20190925-51438-1qyt9ha.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/294028/original/file-20190925-51438-1qyt9ha.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=120&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/294028/original/file-20190925-51438-1qyt9ha.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=120&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/294028/original/file-20190925-51438-1qyt9ha.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=120&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/294028/original/file-20190925-51438-1qyt9ha.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=150&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/294028/original/file-20190925-51438-1qyt9ha.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=150&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/294028/original/file-20190925-51438-1qyt9ha.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=150&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Tableau 2.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ville et LGBTI-phobie 2019</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Si l’expérience urbaine des femmes est, nous le savons, bien plus dégradée que celle des hommes, un focus sur les victimes de discriminations nous indique un affaiblissement supplémentaire du climat urbain, du fait de l’homophobie.</p>
<p>Cette « double peine » vécue par les lesbiennes est donc augmentée lorsque l’identité de genre de la personne ne correspond pas aux attentes sociales du genre féminin. Pour le dire plus nettement, les lesbiennes jugées « masculines » sont la cible d’un plus grand nombre de quolibets selon les témoignages recensés. Stipulons enfin que dans nos enquêtes « femmes et déplacements », portant sur l’usage de la ville par les femmes sans distinction de sexualité, la moyenne des notes, pour Bordeaux, <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01519493">était de 6/10</a>, ce qui permet de comparer les effets « sexe » et « sexualité » dans ces notations (10 étant la note maximale).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/292074/original/file-20190911-190061-1tltx5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/292074/original/file-20190911-190061-1tltx5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/292074/original/file-20190911-190061-1tltx5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=116&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/292074/original/file-20190911-190061-1tltx5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=116&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/292074/original/file-20190911-190061-1tltx5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=116&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/292074/original/file-20190911-190061-1tltx5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=146&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/292074/original/file-20190911-190061-1tltx5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=146&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/292074/original/file-20190911-190061-1tltx5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=146&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Tableau 3.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ville et LGBTI-phobie</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<h2>Prendre en compte la continuité des violences</h2>
<p>Nous avons également demandé aux répondant·e·s de décrire les agressions, les interpellations, les violences. Une agression sexuelle ne pouvant se comparer à un regard insistant, il convient d’être attentif à l’éventail, au continuum, des violences.</p>
<figure class="align-center ">
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<span class="caption">Tableau 4.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ville et LGBTI-phobie</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Quand on examine avec plus de précision les « faits » relevés par les victimes nous observons trois choses : d’une part, les personnes trans, queer ou non-binaires sont celles qui déclarent le plus de faits et de faits cumulés. Peu importe les items, ce sont celles qui subissent le plus de violences cumulées.</p>
<p>D’autre part, les « gays » et les « lesbiennes », ou les personnes s’identifiant comme telles ne vivent pas totalement la même chose. Être homosexuel·le n’est pas « en soi » suffisant pour comprendre l’expérience urbaine des lesbiennes.</p>
<p>En effet, si les gays sont plus soumis aux agressions et aux menaces, les lesbiennes sont bien plus victimes d’exhibition, de viols ou de tentatives de viol. La typologie des violences entre gays et lesbiennes ne se superpose donc pas tout à fait.</p>
<p>Les expériences urbaines des lesbiennes sont d’ailleurs très proches de celles de l’ensemble des femmes enquêtées dans leur peur du viol notamment. Elles expérimentent en plus des injures « sexistes » et d’autres « homophobes » qui peuvent provenir d’hommes directement lesbophobes, comme en témoignent des couples agressés du fait de se tenir la main. Mais ces injures peuvent aussi provenir d’hommes qui se voient refuser leurs avances harcelantes : la lesbienne devient alors la figure de la femme qui se refuse aux hommes, dans un imaginaire profondément hétérosexiste.</p>
<p>Par ailleurs, elles sont légèrement plus nombreuses que les femmes à connaître des « violences physiques ». Ici, l’effet « sexualité » se ressent sur le motif des violences : le passage à l’acte qu’autorise l’homophobie semble le principal facteur explicatif.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293857/original/file-20190924-51414-okasyl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293857/original/file-20190924-51414-okasyl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=602&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293857/original/file-20190924-51414-okasyl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=602&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293857/original/file-20190924-51414-okasyl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=602&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293857/original/file-20190924-51414-okasyl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=757&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293857/original/file-20190924-51414-okasyl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=757&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293857/original/file-20190924-51414-okasyl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=757&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Image issue du Tumblr « Lesbeton » consacré aux témoignages de victimes de lesbophobie dans la rue, dans différentes villes en France.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://lesbeton.tumblr.com/">Lesbeton</a></span>
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</figure>
<h2>Mesurer la fréquence des discriminations</h2>
<p>Enfin, nous avons pu mesurer la fréquence des discriminations, des agressions et des injures subies par les personnes qui en ont été victimes. Trois points nous semblent importants à souligner face à ces données :</p>
<p>Majoritairement (50 % des répondant·e·s), ces agressions arrivent une ou deux fois dans l’année pour les victimes de gay et lesbophobies, mais un nombre non négligeable de lesbiennes subissent des agressions et interpellations lesbophobes parfois entre trois et cinq fois au cours des 12 derniers mois (33 %).</p>
<p>Du côté de la lesbophobie toujours, l’accumulation sexisme + homophobie fait nettement augmenter la fréquence des évènements. C’est encore une fois les personnes trans, queer, non-binaires ou intersexes qui témoignent de la fréquence la plus élevée : 17 % d’entre elles subissent ces agressions plus de 10 fois dans l’année !</p>
<figure class="align-center ">
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<figcaption>
<span class="caption">Tableau 5.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ville et LGBTI-phobie</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des témoins agresseurs</h2>
<p>Face aux violences, verbales ou physiques, la citoyenneté des témoins est-elle engagée de la même façon lorsque la victime est une lesbienne ou un gay ? Nous avons posé la question aux personnes victimes de LGBTIphobies.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/292078/original/file-20190911-190002-3siax3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/292078/original/file-20190911-190002-3siax3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=273&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/292078/original/file-20190911-190002-3siax3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=273&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/292078/original/file-20190911-190002-3siax3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=273&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/292078/original/file-20190911-190002-3siax3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=343&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/292078/original/file-20190911-190002-3siax3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=343&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/292078/original/file-20190911-190002-3siax3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=343&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Tableau 6.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ville et LGBTI-phobie</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Comparativement à <a href="https://theconversation.com/quel-droit-a-la-ville-pour-les-lgbt-105427">nos enquêtes</a> sur les femmes et leurs déplacements en milieu urbain où 87 % des témoins ne faisaient rien face à des violences sexistes et 7 % y participaient (en moyenne sur les villes étudiées), nous avons ici beaucoup moins de témoins inactifs.</p>
<p>Mais ce n’est pas forcément pour « aider » la victime : au contraire ! Entre 11 % et 38 % des témoins, selon les victimes, ont participé à l’agression, c’est-à-dire sont passés du statut de témoin à celui d’auteur.</p>
<p>Quant aux témoins qui sont intervenus, ils sont plus nombreux à l’avoir fait lorsque les victimes étaient des femmes que des hommes ou que des personnes qui s’identifient comme « trans » ou « queer », etc.</p>
<p>Au total, il apparaît que, non seulement la question des violences sexistes est au cœur d’expériences sociales plus larges que celle des « femmes » supposément toutes hétérosexuelles, mais plus encore que les discriminations cumulées que vivent les lesbiennes méritent une attention toute particulière de la part des politiques publiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/123021/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arnaud Alessandrin a reçu des financements de la Mairie de Bordeaux pour mener cette étude. Il est par ailleurs codirecteur de l'observatoire bordelais de l'égalité. </span></em></p>Si les questions de harcèlement et de sexisme dans la rue ont été très médiatisées, la lesbophobie reste peu documentée. Une étude tente de quantifier l’expérience lesbienne dans l’espace public.Arnaud Alessandrin, Sociologue, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1163962019-05-01T15:32:48Z2019-05-01T15:32:48ZEnvie d'une relation libre ? Vous n'êtes pas seul!<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/272010/original/file-20190501-113830-2qaxu6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les hommes sont plus susceptibles que les femmes de souhaiter une relation libre. </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Plus d'un Canadien sur dix aimerait avoir une relation libre, selon notre récente étude auprès de 2 003 adultes au pays. Mais la réalité est tout autre! </p>
<p>Il s'agit de relations romantiques dans lesquelles certaines interactions sexuelles et/ou émotionnelles avec plus d'un partenaire sont permises. Les relations libres peuvent inclure le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Polyamour">polyamour</a> (appelé aussi pluriamour), l'échangisme et une myriade d'autres formes d'accords individualisés. </p>
<p>De plus en plus, <a href="https://www.menshealth.com/sex-women/a27257850/non-monogamous-relationships/">ces types de relations</a> font <a href="https://www.lequotidien.com/le-mag/sexologie/la-polyamorie-ou-lamour-au-pluriel-80d3c41323bc7494101827b1751ebbeb">l'objet d'articles dans les médias canadiens</a>, et il semble qu'elles soient <a href="https://www.fatherly.com/love-money/how-common-open-relationship-non-monogamous-relationships/">de plus en plus courantes</a>.</p>
<p>Cependant, jusqu'à présent, les seules données fiables provenaient des États-Unis. Dans les études américaines, <a href="http://www.dx.doi.org/10.1007/s10508-018-1178-7">de deux à quatre pour cent des adultes déclarent avoir une relation libre</a>. </p>
<p>Notre recherche obtient des résultats similaires: <a href="https://doi.org/10.1080/00224499.2019.1580667">2,4 pour cent de tous les Canadiens et 4 pour cent de ceux qui ont des relations amoureuses déclarent avoir une relation libre</a>. </p>
<p>Vingt pour cent des participants ont indiqué qu'ils avaient déjà eu une relation libre et 12 % ont indiqué qu'une telle relation était leur type idéal.</p>
<p>Les participants étaient presque trois fois plus nombreux à déclarer « idéales » les relations libres que d'être réellement engagés dans une telle relation. </p>
<h2>Les hommes et les femmes diffèrent</h2>
<p>Les hommes n'étaient pas plus susceptibles que les femmes de déclarer vivre actuellement une relation libre.</p>
<p>Cependant, beaucoup plus d'hommes (25 %) que de femmes (15 %) ont déclaré qu'ils avaient eu une relation libre à un moment ou à un autre de leur vie.</p>
<p>De plus, 18 % des hommes ont indiqué que ce type de relation était leur idéal, contre seulement six pour cent des femmes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/271112/original/file-20190425-121233-cn8etv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/271112/original/file-20190425-121233-cn8etv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/271112/original/file-20190425-121233-cn8etv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/271112/original/file-20190425-121233-cn8etv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/271112/original/file-20190425-121233-cn8etv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/271112/original/file-20190425-121233-cn8etv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/271112/original/file-20190425-121233-cn8etv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les jeunes de 20 à 40 ans sont plus susceptibles d'avoir des relations libres.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Il s'agit là d'une différence importante qui, si elle s'avère, pourrait être une véritable source de conflit dans les couples hétérosexuels. </p>
<p>Ce que nous ne savons pas, et cela mérite d'être exploré dans de futures recherches, c'est si les hommes et les femmes affichent les mêmes préférences selon leur orientation sexuelle. Nous n'avons pas pu interroger les participants sur leur orientation sexuelle. Nous ignorons donc si les hommes gais, bisexuels et hétérosexuels sont tous aussi susceptibles de vouloir être dans une relation libre. Il en va de même pour les lesbiennes, les bisexuelles et les hétérosexuelles.</p>
<h2>Les 20 à 40 ans sont les plus ouverts</h2>
<p>Les personnes qui avaient des relations libres étaient plus nombreuses dans la catégorie d'âge des 20-40 ans. Idem pour ceux qui ont jugé « idéal » ce type de relations. Les participants aux relations libres ne se sont pas déclarés, par ailleurs, ni plus ni moins satisfaits que ceux impliqués dans des relations monogames. Ils ont tous deux affirmé être de « plutôt » à « très » satisfaits. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/271114/original/file-20190425-121237-b94ysr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/271114/original/file-20190425-121237-b94ysr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/271114/original/file-20190425-121237-b94ysr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/271114/original/file-20190425-121237-b94ysr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/271114/original/file-20190425-121237-b94ysr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/271114/original/file-20190425-121237-b94ysr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/271114/original/file-20190425-121237-b94ysr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Il faut faire plus de recherche sur les préférences relationnelles des hommes et des femmes de différentes orientations sexuelles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Unsplash/Sharon Mccutcheon)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Ce qui ressort comme le plus intéressant est le fait d'avoir une correspondance entre son type de relation réel et son type de relation préféré. Cette correspondance est associée aux niveaux de satisfaction les plus élevés - tant pour les relations libres que monogames.</p>
<h2>Des applications cliniques</h2>
<p>Nous espérons que des études futures puissent nous donner des indices sur les relations libres dans d'autres pays, ainsi sur celles que vivent les hommes et les femmes gais et bisexuels.</p>
<p>L'une des questions que les gens se posent le plus au sujet des relations libres est : « peuvent-elles durer ? ». Certaines données indiquent que <a href="https://www.doi.org/10.1177/1363460716649337">leur durée - du moins avec les partenaires principaux - pourrait en fait être plus longue </a> que celle des relations monogames. </p>
<p>Des recherches plus poussées sur la durée et la santé des relations libres pourraient contribuer grandement à réduire la stigmatisation qui les entoure encore bien souvent.</p>
<p>Les résultats de notre recherche peuvent également avoir des implications cliniques. Étant donné qu'une minorité importante de nos répondants préfère les relations libres, il pourrait être utile pour les cliniciens de faciliter la discussion des couples, lors de thérapies, sur leurs préférences relationnelles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/116396/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nichole Fairbrother a reçu des financements du New Initiatives Award de la Faculté des arts de l'Université Ryerson.</span></em></p>Entre fantasme et réalité: les Canadiens sont presque trois fois plus susceptibles de souhaiter une relation libre que d'en avoir une. Seul 2,4% d'entre eux vivent une telle relation.Nichole Fairbrother, Assistant Professor, Department of Psychiatry, University of British ColumbiaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/834532017-09-19T18:48:19Z2017-09-19T18:48:19ZCondition des LGBT à l’échelle mondiale : où en sommes-nous ?<p>L’accueil des <a href="http://www.lemonde.fr/international/article/2017/06/06/l-accueil-des-homosexuels-tchetchenes-en-france-s-organise_5139694_3210.html">réfugiés homosexuels tchétchènes en France et dans d’autres pays démocratiques</a> doit nous ouvrir les yeux sur la condition des LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres) à l’échelle mondiale.</p>
<p>Tandis qu’une trentaine <a href="http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2017/09/02/asile-au-canada-pour-une-trentaine-d-homosexuels-tchetchenes_5180168_3222.html">d’homosexuels tchétchènes viennent de trouver refuge au Canada</a>, il convient de rappeler que le Président tchétchène <a href="http://www.lepoint.fr/monde/assassinats-d-homosexuels-ils-sont-le-demon-pour-ramzan-kadyrov-15-07-2017-2143401_24.php">Ramzan Kadyrov</a> organise dans son pays, et dans une <a href="http://tetu.com/2017/04/03/tchetchenie-purge-anti-gay/">relative indifférence</a> internationale, la traque des minorités sexuelles. Arrestations massives, détentions, tortures, crimes d’honneur…</p>
<p>Un contraste saisissant au moment où, dans les pays démocratiques, les <a href="http://www.mygayprides.com/europe/"><em>gay prides</em></a> dépolitisées s’achèvent en musique et aux couleurs du <em>rainbow flag</em>, où le film <a href="https://www.youtube.com/watch?v=C5wiP5YULYQ"><em>120 battements par minute</em></a> nous rappelle que les trithérapies contre le VIH sont infiniment plus efficaces aujourd’hui qu’il y a vingt ans, où six nouveaux pays européens reconnaissent le mariage entre personnes de même sexe depuis 2013, et où les témoignages de plus en plus nombreux de jeunes adultes ayant grandi dans des familles homoparentales posent les jalons d’une reconnaissance de ces filiations non traditionnelles.</p>
<p>Le sort des <a href="http://www.telerama.fr/monde/meurtres-d-homosexuels-en-russie-etre-gay-en-tchetchenie-c-est-deja-etre-en-danger-de-mort,156714.php">homosexuels en Russie</a> ne préoccupe guère davantage. Depuis 2013, une loi de censure contre la « propagande homosexuelle », c’est-à-dire contre toute expression publique favorable aux droits des homosexuels, alimente une <a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/06/25/l-homophobie-est-profondement-ancree-dans-la-societe-russe_5150704_3232.html">homophobie endémique</a>. Encourageant la répression de l’avortement, Elena Mizoulina est l’auteure de cette loi écrite au nom des « valeurs familiales », celles-là mêmes pour lesquelles La Manif pour tous s’est mobilisée en France contre l’ouverture du mariage civil et de l’adoption aux couples de même sexe. Le tropisme poutinien de Marine Le Pen ou de <a href="http://www.huffingtonpost.fr/2016/10/27/francois-fillon-explique-pourquoi-il-a-vote-contre-la-depenalisation-homosexualite_a_21593561/">François Fillon, hostile à la dépénalisation de l’homosexualité en 1982</a> ainsi qu’au <a href="http://www.rtl.fr/actu/politique/francois-fillon-le-mariage-pour-tous-a-perturbe-le-droit-a-la-filiation-7785965677">« mariage pour tous »</a> en 2013, n’a d’ailleurs pas échappé à cette marge obscurantiste et réactionnaire de l’électorat pour qui les droits des homosexuels n’incluent pas l’engendrement.</p>
<h2>En terres d’islam, des violences inouïes</h2>
<p>En Iran, la pendaison de <a href="http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20160805.OBS5876/iran-un-adolescent-homosexuel-pendu.html">Hassan Afshar</a>, dix-neuf ans, nous plonge dans la dure réalité en terres d’islam. Dans un pays avancé comme la Tunisie, doté d’une Constitution qui favorise l’égalité des sexes, le <a href="http://www.huffpostmaghreb.com/hakim-fekih/homosexualite-en-tunisie-_b_16673320.html">code pénal</a> punit l’homosexualité de trois ans de prison et les arrestations discriminatoires sont loin d’avoir disparu.</p>
<p>De Fès à Béni Mellal, nombre de lynchages ignobles ont été relatés ces dernières années au Maroc, où les minorités sexuelles peuvent être poursuivies en justice. À l’occasion de la parution de son essai <em>Sexe et mensonges : la vie sexuelle au Maroc</em> (éd. Les Arènes), Leïla Slimani, prix Goncourt 2016, déclarait <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-de-8h20/l-invite-de-8h20-28-aout-2017">au micro de France Inter</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Tout le monde nous condamne au silence. Chez vous, vous pouvez être homosexuel, avoir des relations sexuelles hors mariage ou commettre l’adultère même si c’est interdit par la loi. Tout cela opère une espèce de glissement. Une fois que vous êtes dans l’illégalité, vous pouvez aussi faire n’importe quoi. Après, comment luttez-vous contre l’inceste ou la pédophilie ? Sont illégaux un certain nombre de comportements sexuels qu’on ne peut évidemment pas mettre sur le même plan. On vous demande simplement de vous taire, de vous cacher, d’être le plus hypocrite possible. »</p>
</blockquote>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/dy1N6wWxnaw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>En décembre 2015, une trentaine d’Égyptiens étaient arrêtés pour « débauche » <a href="http://www.lesinrocks.com/2015/02/19/actualite/les-atroces-techniques-de-legypte-pour-detecter-les-homosexuels-11563755/">dans un sauna du Caire</a>. Humiliés mais acquittés par la justice, ces derniers peuvent s’estimer chanceux dans un pays où sévit une police des mœurs implacable. En Arabie saoudite, les homosexuels risquaient jadis la <a href="http://www.liberation.fr/planete/2002/01/02/homosexuels-decapites-en-arabie-saoudite_389128">décapitation</a>. Cherchant à redorer son image, le royaume wahhabite se « contente » désormais de les flageller.</p>
<p>Ces dernières années, Daech a torturé, lapidé ou défenestré plusieurs dizaines d’homosexuels syriens et irakiens <a href="http://www.lefigaro.fr/international/2015/08/26/01003-20150826ARTFIG00091-l-onu-attentive-aux-terribles-temoignages-d-homosexuels-traques-par-Daech.php">sous les yeux de hordes exaltées</a>.</p>
<h2>Harcèlement et torture</h2>
<p>Considérée comme un acte contre-nature, l’homosexualité est condamnée par trente-six États africains. Le Nigéria, le Soudan, la Somalie et la Mauritanie prévoient la peine de mort. Introduit au milieu du XIX<sup>e</sup> siècle sous la colonisation britannique, l’<a href="http://www.liberation.fr/planete/2016/02/03/l-inde-fait-un-pas-vers-la-depenalisation-de-l-homosexualite_1430730">article 377 du code pénal indien</a> punit de dix ans de prison les relations homosexuelles. Bien que les condamnations soient inhabituelles, le <a href="http://www.liberation.fr/planete/2016/02/03/l-inde-fait-un-pas-vers-la-depenalisation-de-l-homosexualite_1430730">harcèlement policier demeure inaltérable</a>.</p>
<p>En Chine, les <a href="https://www.letemps.ch/societe/2017/04/19/chine-veut-guerir-gays-coups-delectrochocs-medicaments-douches-glacees">thérapies de conversion</a> se multiplient où les homosexuels subissent douches glacées, électrochocs et lavages de cerveau dignes du film <em>Orange mécanique</em>. Prônés par les fondamentalistes chrétiens, thérapies de conversion et exorcismes ont également cours sur le sol américain alors que plusieurs États ont décidé de les interdire. En début d’année, plusieurs milliers d’homosexuels avaient manifesté autour de <a href="http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2017/02/04/97001-20170204FILWWW00182-new-york-la-communaute-gay-manifeste-contre-trump.php">Stonewall Park</a>, afin de s’opposer au discours nationaliste et à la politique xénophobe de Donald Trump, craignant, à tort ou à raison, que la stigmatisation des minorités sexuelles ne supplante celle des minorités ethniques et religieuses.</p>
<h2>Et en France ?</h2>
<p>En France, les discours avilissants contre les homosexuels polluent sans difficulté la démocratie. Ulcérée par le désir de nombreux homosexuels de fonder une famille, fustigeant l’homoparentalité, la France réactionnaire de La Manif pour tous, viscéralement hostile à l’égalité des droits, réhabilite par son discours rétrograde la figure de l’homosexuel pervers, habité par le désir contre-nature d’avoir des enfants avec une personne du même sexe. <a href="http://www.liberation.fr/debats/2016/05/24/la-derive-identitaire-de-houria-bouteldja_1454884">Houria Bouteldja, égérie des « Indigènes de la République »</a>, dénonce vigoureusement « l’impérialisme gay », celui-là même contre lequel entendaient probablement lutter Redouane Dabi et Ayoub Sedki, deux Marocains extradés il y a un an, et qui <a href="http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20160904.OBS7401/deux-marocains-radicalises-voulaient-commettre-des-attentats-a-metz.html">projetaient des attentats dans une boîte homosexuelle de Metz</a>. En outre, le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, nous apprenait il y a quelques jours <a href="http://www.liberation.fr/direct/element/un-attentat-dejoue-fin-aout-visait-des-boites-gays-de-paris_70535/">qu’un projet d’attentats visant des « établissements gays »</a> avait été déjoué le 22 août dernier.</p>
<p>Alors que l’Assemblée nationale venait d’adopter l’inéligibilité pour dix ans des personnes versant dans la provocation à la haine raciale, sexiste ou homophobe, le Conseil Constitutionnel a jugé que cette disposition était une <a href="https://tetu.com/2017/09/11/declarations-homophobes-homophobie-ne-rendront-finalement-ineligible-france/">atteinte insupportable à la liberté d’expression</a>. Les humiliations publiques orchestrées par <a href="http://www.huffingtonpost.fr/2017/05/19/en-direct-dans-tpmp-hanouna-piege-un-homosexuel-sos-homophobie_a_22098738/">Cyril Hanouna</a> recueillent des ovations populaires déconcertantes. Quant à Marine Le Pen, qui voyait dans l’ouverture du mariage aux couples de même sexe une étape supplémentaire vers la <a href="http://www.liberation.fr/france/2011/06/14/marine-le-pen-compare-le-mariage-homosexuel-a-la-polygamie_742598">reconnaissance de la polygamie</a>, favorable à ce que des élus refusent de marier des couples au nom de leurs convictions religieuses, elle fut qualifiée pour le second tour de l’élection présidentielle.</p>
<p>Nous n’avons aucune raison de nous accoutumer à une aussi sordide et scandaleuse réalité. Partout, les droits fondamentaux doivent être continuellement et courageusement défendus. L’intégrisme religieux, les poncifs extrémistes et l’intolérance, qui précèdent les violences, saccagent toutes formes d’horizon, d’espoir et de liberté. Il n’est que temps d’y mettre un terme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/83453/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alban Ketelbuters ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’accueil récent des réfugiés homosexuels tchétchènes en France et dans d’autres pays démocratiques doit nous ouvrir les yeux sur la condition des LGBT à l’échelle mondiale.Alban Ketelbuters, Doctorant en Histoire et civilisations., École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/495542015-10-29T01:24:29Z2015-10-29T01:24:29ZLes jeunes perdus dans le dédale des catégories<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/99364/original/image-20151022-7999-1f6deyf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Chaque individu appartient à plusieurs groupes et sous-groupes.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/ernest-morales/2348178001/in/photolist-4zv2vB-4drZms-dHaqu3-pZ8h95-4do2cB-55vvGi-4do2n2-ayAoDP-Mhgnj-8Khayv-bMT8a-4MRdEh-bMT1B-4Eceab-bMTqc-4MRdAJ-bM7oC-4CTuaT-4FVUME-4MM2YR-4MM2TX-bM6L3-bM7yd-cnJ2Uy-bM6TN-bM6RV-4drZed-5W3HpH-5WyA5e-4do2fn-5WyAK6-4drZwf-4QkeEf-4drZ5o-4Csgaw-5W3HQ2-4BmeGs-4Ls8o4-4MRdHL-4E7XCV-4CnZKr-4Er66C-4zzicw-4zv2nx-4FVV29-4CXJUd-4CnZdF-4Lwmph-4zzhE7-4CnZAp">Ernest Morales/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>La catégorisation est un processus essentiel de l’esprit humain. Il s’agit de classer les entités qui nous entourent dans des groupes et sous-groupes permettant une meilleure compréhension de notre environnement. Ainsi, on distingue traditionnellement une catégorisation verticale (du groupe le plus large au groupe le plus étroit) et une catégorisation horizontale (entre les différentes espèces de chiens, par exemple).</p>
<p>Cette distinction est transposable chez l’individu, pour lequel on effectue, notamment, une « catégorisation sociale ». En effet, nous sommes plus ou moins consciemment classés par nos congénères d’après notre apparence physique, notre statut social, nos goûts, etc. Or, depuis la seconde moitié du XX<sup>e</sup> siècle, le nombre de groupes augmente considérablement, bouleversant tous les codes établis jusqu’alors.</p>
<p>Pourquoi un tel phénomène, que l’on pourrait qualifier de « surcatégorisation » ? Jusqu’aux XVI<sup>e</sup>-XVII<sup>e</sup> siècles, le « nous » primait sur le « je ». Il existait, bien évidemment, une conscience individuelle et propre à chacun. Mais le clan, la famille et la communauté religieuse (voire le sentiment d’appartenance à son royaume ou à son empire) représentaient les groupes majeurs dans lesquels l’individu devait s’insérer. Et cette intégration était elle-même une condition <em>sine qua non</em> d’acceptation, car les « marginaux » – ou à défaut les minorités – constituaient les cibles parfaites de diverses persécutions et lois inégalitaires.</p>
<h2>L’Occident, de gré ou de force</h2>
<p>Aujourd’hui, la mondialisation initiée par les pays occidentaux (ouverture des frontières, partage culturel accru – notamment grâce aux technologies de l’information et de la communication –, etc.) tend à uniformiser les connaissances et les pratiques. L’Occident (Europe et États-Unis principalement) est devenu, pour beaucoup de pays émergents, un modèle à imiter, de gré ou de force. Cependant, les zones géographiques à l’origine de cette acculturation intègrent également de plus en plus d’éléments extérieurs : accroissement du nombre de religions, modifications des mœurs culturelles (alimentaires par exemple), etc.</p>
<p>Par ailleurs, la Seconde Guerre mondiale et la décolonisation ont, sans doute, laissé des traces indélébiles du fait de la violence des actions perpétrées, notamment l’exploitation et l’élimination systématique de certains groupes estimés trop éloignés du « prototype » social et culturel (l’élément le plus représentatif de la catégorie auto-proclamée dominante).</p>
<h2>Sentiment d’égarement</h2>
<p>La première conséquence de cette surcatégorisation, la plus évidente et la plus relayée par les médias de masse, est la perte de repères et/ou d’identité. Les « jeunes » – adolescents et jeunes adultes – sont les plus concernés par cette perte, et leur sentiment d’égarement est souvent exacerbé par les réseaux sociaux et l’existence de « groupes » toujours plus nombreux. Ces groupes, qui retranscrivent dans la sphère numérique la surcatégorisation existante dans le monde réel, peuvent concerner des sujets aussi divers que les goûts vestimentaires ou musicaux, l’origine ethnique, l’appartenance religieuse ou encore la couleur des cheveux – entre autres.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/99365/original/image-20151022-8031-fkxq6g.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/99365/original/image-20151022-8031-fkxq6g.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/99365/original/image-20151022-8031-fkxq6g.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/99365/original/image-20151022-8031-fkxq6g.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/99365/original/image-20151022-8031-fkxq6g.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/99365/original/image-20151022-8031-fkxq6g.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/99365/original/image-20151022-8031-fkxq6g.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les réseaux sociaux ajoutent au morcellement.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.google.fr/imgres?imgurl=http%3A%2F%2Fwww.economie.gouv.fr%2Ffiles%2Fjeunes.JPG&imgrefurl=http%3A%2F%2Fwww.economie.gouv.fr%2Fess%2Flemploi-dans-less-des-perspectives-pour-jeunes&h=267&w=400&tbnid=Y7DwB5RzMdg3HM%3A&docid=3d1E2Va5TTmDhM&ei=JfooVvG2EoOAaYrwq4gO&tbm=isch&iact=rc&uact=3&dur=3920&page=2&start=14&ndsp=20&ved=0CG4QrQMwE2oVChMIsd2ul6zWyAIVA0AaCh0K-Arh">Ministère de l’Economie</a></span>
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<p>Cet étrange mélange de catégories empêche de nombreuses personnes de trouver leur place. Et bien qu’il apparaisse de plus en plus indispensable d’appartenir à un (ou des) groupe(s) précis pour ne pas se perdre dans cet imbroglio, la moindre difficulté à se situer peut mener à de graves situations. Dans le pire des cas, cela peut même conduire à un sentiment dépressif profond et, parfois, au suicide, comme <a href="http://www.ladepeche.fr/article/2010/06/25/861845-coursan-suicides-en-serie-dans-un-college.html">en 2010, à Coursan,</a>où un adolescent avait péri lors d’une tentative de suicide collective. Sa fréquence chez les jeunes ne cesse d’inquiéter les <a href="http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2012/01/27/01016-20120127ARTFIG00729-le-suicide-des-5-12-ans-alarme-les-specialistes.php">spécialistes</a> dont les études ne semblent malheureusement pas émouvoir les pouvoirs publics.</p>
<h2>LGBT et les frères Kouachi</h2>
<p>Le traumatisme classificateur concerne évidemment d’autres catégories, notamment les « minorités ». Les LGBT (lesbiennes, gays, bi et trans), par exemple, sont victimes d’une intolérance qui, si elle tend à se résorber, est toujours présente, parfois de manière virulente. Paru en septembre 2015, un <a href="http://blog.francetvinfo.fr/over-the-rainbow/2015/09/14/le-suicide-chez-les-lgbtqi-nobody-is-innocent.html">article</a> sur le suicide chez les LGBT traduit la difficulté, pour ces personnes, d’exister au sein de leurs propres catégories et, a fortiori, dans la société tout entière.</p>
<p>Autre conséquence majeure, souvent en lien avec la première : la « radicalisation ». Comment ne pas mentionner, sur ce fait, les attentats de début janvier 2015 à <em>Charlie Hebdo</em> ? Car les frères Kouachi, devenus orphelins dès leur adolescence, semblent bien avoir trouvé dans les groupes religieux radicaux le moyen d’exister et d’être utiles à ceux qui les ont embrigadés. Bien qu’il s’agisse de formations terroristes aux motivations meurtrières, elles constituent malgré tout des catégories définies au sein desquelles tout individu en quête de repères est susceptible de trouver des réponses à ses questions existentielles. Surtout si cet individu, au fil du temps, en est venu à haïr les autres catégories socioculturelles dans lesquelles il ne peut s’intégrer – du fait de ses croyances personnelles ou de l’opposition de ses contemporains.</p>
<h2>Mortifère morcellement ?</h2>
<p>Il est difficile de prétendre disposer de la solution à des problèmes de société désormais mondialisés. Cependant, deux éléments peuvent être avancés – sans doute utopiques. Afin de lier à nouveau l’individu à une société dans laquelle il a perdu pied, il semble de plus en plus important de ne plus reléguer à la marge les groupes sociaux depuis toujours désignés comme tels. Car ostraciser une communauté revient à multiplier les catégories, et par là même ouvrir la porte à un mortifère morcellement de la société.</p>
<p>Deuxièmement, il est indispensable, à la suite des conflits où l’Occident intervient militairement, de ne plus imposer de façon radicale un mode de pensée aux antipodes des cultures locales. Car demander à des populations, aux traditions parfois plusieurs fois centenaires, une adaptation quasiment immédiate à un fonctionnement qui leur est étranger ne peut déboucher que sur deux phénomènes : l’acceptation ou le rejet violent. Et on sait, notamment au travers des groupes terroristes, à quelles catastrophes peut mener le second.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/49554/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Simon Thuault est contractuel à l'université Paul-Valéry Montpellier 3 (Ecole Doctorale 60).</span></em></p>L'individualisation, conjuguée au développement des réseaux sociaux, insère chaque personne dans une multitude de groupes, et de catégories. Un phénomène qui conduit au morcellement du vivre-ensemble.Simon Thuault, Doctorant contractuel (Egyptologie), Université Paul Valéry – Montpellier IIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/469572015-09-20T14:01:05Z2015-09-20T14:01:05ZLes orientations sexuelles en Afrique, un concept à géométrie variable<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/94697/original/image-20150914-21816-znoy5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Parade en Afrique du Sud, un des pays du continent qui ne répriment pas les homosexuels.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Lesbian_Angels.jpg">Diricia De Wet/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le 13 janvier 2014 l’ancien président nigérian, Goodluck Jonathan, <a href="http://www.lemonde.fr/afrique/article/2014/01/13/le-nigeria-promulgue-une-loi-interdisant-l-homosexualite_4347396_3212.html">signait un arrêté contre l’homosexualité</a> ; en Ouganda, où le décret antihomosexualité mijotait depuis 2009, le Président au pouvoir depuis 1986, Yoweri Museveni, <a href="http://world.time.com/2014/01/17/ugandan-president-blocks-anti-gay-bill/">hésitait</a> quant au sort de cet « individu anormal » que serait l’homosexuel : « est-ce qu’on le tue ? ou est-ce qu’on l’emprisonne ? » C’est l’emprisonnement à vie qui a finalement été retenu lors de la <a href="http://www.lemonde.fr/afrique/article/2014/02/24/en-ouganda-une-loi-antihomosexualite-drastique-entre-en-vigueur_4372439_3212.html">promulgation de la loi</a> le 24 février 2014.</p>
<p>Museveni n’est pas le seul à chercher le moyen de réprimer les coupables de dissidence sexuelle. Dans la foulée du procès pour « sodomie » du premier président du Zimbabwe, Canaan Banana, son successeur Robert Mugabe avait, lors de sa campagne présidentielle en 2002, décrit les « homosexuels » comme étant des « fous à lier ». « Nous ne voulons pas importer ce fléau [l’homosexualité] dans notre pays », a-t-il poursuivi, « nous avons notre propre culture, notre propre peuple ».</p>
<p>Au moins 76 pays membres des Nations unies sont régis par des lois qui criminalisent les relations de même sexe ; quelque 37 États-nations africains, ainsi que des pays du Moyen-Orient, en constituent la majorité. Pour les homosexuels, la sortie de l’anonymat en Afrique est donc une démarche périlleuse. </p>
<h2>Criminalisation et mépris</h2>
<p>L’homosexualité – un terme à la définition floue, issu du registre médical du XIX<sup>e</sup> siècle européen finissant – est encore considérée comme étant intrinsèquement « non-africaine ». Lorsque l’Église d’Angleterre s’engagea dans une tentative de réforme sur l’homosexualité en 1998, la Communion anglicane s’y opposa fermement, à l’exception de l’évêché sud-africain. </p>
<p>L’Église en Afrique, surtout sa branche évangéliste, affiche un net mépris envers l’homosexualité qu’elle considère comme une abomination contre Dieu. Roger Ross Williams, le premier réalisateur afro-américain à recevoir l’Oscar du meilleur court métrage documentaire, a, à l’occasion de son deuxième film, <a href="http://www.imdb.com/title/tt1874513/"><em>God Loves Uganda</em></a>, émis l’avis selon lequel les missionnaires africains étaient coupables de sermons incendiaires contre les relations de même sexe dans un pays comme l’Ouganda qui est pourtant un des premiers consommateurs de pornographie gay au monde.</p>
<p>L’homosexualité est souvent dépeinte en Afrique comme une importation de l’Occident perverti. Mais le continent africain a toujours été un des berceaux de la diversité de genre et ceci, bien avant la colonisation. Il est dès lors étonnant de constater qu’homosexualité et cultures africaines continuent d’être conçues comme s’excluant mutuellement. De plus, beaucoup de sexualités africaines tombent en dehors du champ d’application de la loi, et même du langage. </p>
<p>Bien que les pratiques homosexuelles existent partout sur le continent africain, c’est la revendication d’une identité homosexuelle qui est frappée d’interdit et la notion même de « sexe » reste un angle mort. Comme l’a démontré le chercheur <a href="http://www.ohioswallow.com/author/Marc+Epprecht">Marc Epprecht</a>, les hommes africains qui ont des relations sexuelles avec d’autres hommes, ou les femmes africaines avec d’autres femmes ne se considèrent pas comme relevant de la catégorie gay, homosexuelle, ou bisexuelle. Ces personnes font rarement partie d’organisations de type LGBT et, si elles tombent malades, ne sont pas comptabilisées dans la littérature médicale autour du VIH et du SIDA. En Afrique, comme en Amérique Latine, et d’autres parties du monde, il existe une tension entre l’identité homosexuelle et la pratique sexuelle avec quelqu’un de même sexe.</p>
<p>Dans de nombreux cas récents de jurisprudence et d’argumentaires autour du désir homosexuel en Afrique et dans le monde arabe, nous observons une résistance à l’occidentalisation. « Gay » et « lesbienne », termes qui rappellent les luttes de libération sexuelle dans les pays occidentaux, et, plus récemment, le mot « queer », notamment popularisés par un courant de pensée universitaire, sont le signe d’un certain degré de mondialisation de l’identité sexuelle. </p>
<p>Or, ces mots, importés en Afrique par le truchement des langues européennes coloniales, se heurtent souvent à des désignations et pratiques locales. Par exemple, en Afrique du Sud, un homme ayant le rôle actif dans un rapport sexuel avec un autre homme sera appelé « straight » et n’est donc pas perçu comme « gay » puisqu’il pénètre son partenaire. </p>
<h2>« Lesbiens mâles »</h2>
<p>L’expression « lesbiens mâles » est un essai de traduction d’une notion en langue <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Haoussas">haoussa</a> dans le nord du Nigéria pour désigner des partenaires masculins « passifs » : yan kifi ; dans la culture <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Damaras">damara</a> en Namibie, « l’homme lesbien » est une traduction de « gouine » active, soit une « hommasse » ayant des rapports sexuels avec sa « femme ». A Kampala en Ouganda, où les clauses 140 et 141 du Code pénal condamnent l’homosexualité, des femmes ougandaises se disent être des « tommy-boys » ou garçons manqués, c’est-à-dire des femmes, biologiquement parlant, qui se perçoivent comme étant des hommes (plutôt que des lesbiennes) : elles sont des partenaires dominants dans les rapports sexuels avec leurs partenaires féminins et elles se font aisément passer pour hommes.</p>
<p>Beaucoup d’hommes africains gays se réclament de croyances animistes et de cultes spirituels de possession. Par exemple, un homme gay <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Shonas">shona</a> au Zimbabwe prétendra être habité par son « auntie » ou tante. Dans son autobiographie <em>Black Bull, Ancestors and Me</em>, écrit une décennie après la nouvelle constitution sud-africaine post-Apartheid de 1996 (et sa très célèbre clause contre la discrimination sur la base de l’orientation sexuelle), l’auteure <a href="https://www.tumblr.com/search/nkunzi%20zandile%20nkabinde">Nkunzi Zandile Nkabinde</a> évoque son parcours de lesbienne et de sangoma ou guérisseuse traditionnelle zouloue ; « femme mâle, » Nkabinde est « possédée » par un ancêtre masculin dominant, le Taureau noir du titre. La relation qu’elle entretient avec son « ancestral wife » (épouse ancestrale) est en parfaite adéquation avec les cultes zoulous de possession.</p>
<p>Mais les deux partenaires ne partagent pas la même identité de genre. Ces épouses ancestrales sont aux femmes mâles ce que les « dees » (de la dernière syllabe de « ladies ») sont à leurs « toms » en Thaïlande. Les « toms » thaïlandais sont des femmes au sens biologique « capables » (« khlong-tua » en thaï) de rapports sexuels avec leurs « dees » et leur offrent protection sans que cette relation soit pour autant perçue comme étant lesbienne. Même si Nkabinde, contrairement au tom thaïlandais, traduit son identité de genre par « tomboy », lesbienne et butch, la dénomination zouloue d’épouse ancestrale ne fait pas partie du vocabulaire mondialisé sur l’homosexualité, et des droits qui leur sont reconnus. </p>
<p>Ce vif débat autour de l’instabilité du genre ne peut être résolu que si les instances africaines évoluent, à l’instar de l’Inde qui a en 2014 reconnu un « troisième genre », transcendant le système binaire occidental de gay/homosexuel par opposition à straight/hétérosexuel. Il s’agit de reconnaître « l’amour qui ne dit pas son nom, » et ceci en plusieurs langues.</p>
<p><em>La <a href="https://theconversation.com/sex-in-africa-is-more-diverse-than-gay-or-straight-22500">version originale</a> de cet article a été publiée sur The Conversation UK.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/46957/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chantal Zabus ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Malgré leur criminalisation les relations homosexuelles sont courantes en Afrique. Mais les mots pour désigner l'acte et les acteurs-actrices ne sont pas ceux de la mondialisation.Chantal Zabus, Professeur des Universités, membre de l'Institut Universitaire de France (IUF), Université Sorbonne Paris NordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.