tag:theconversation.com,2011:/us/topics/levothyrox-46801/articleslevothyrox – The Conversation2020-09-03T19:57:02Ztag:theconversation.com,2011:article/1452632020-09-03T19:57:02Z2020-09-03T19:57:02ZCe qu’il faut savoir sur la thyroïde<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/356415/original/file-20200903-16-ajsx4b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C0%2C1908%2C1077&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Située en avant de la trachée, la glande thyroïde peut être observée par échographie.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les controverses ayant trait à la glande thyroïde ont fait l’objet de nombreux débats et continuent à alimenter les discussions, qu’il s’agisse des conséquences thyroïdiennes de la catastrophe de Tchernobyl ou du scandale du Lévothyrox par exemple. On prête également mille maux à cet organe, depuis la perte ou la prise de poids jusqu’à la fatigue chronique, en passant par la dépression, les troubles sexuels, les douleurs musculaires, etc.</p>
<p>Comment une si petite glande peut-elle être responsable d’autant de symptômes et de polémiques ?</p>
<h2>Qu’est-ce que la thyroïde ?</h2>
<p>La thyroïde est une petite glande en forme de papillon, situé à la base du cou, juste devant la trachée. Il s’agit d’une glande endocrine, autrement dit un organe produisant des hormones qui passent dans la circulation sanguine et vont agir un peu partout dans l’organisme. De nombreuses fonctions vitales sont sous la dépendance des hormones thyroïdiennes. Celles-ci « gèrent » l’énergie du corps, c’est-à-dire la capacité à utiliser les nutriments apportés par l’alimentation (glucides, lipides, protides). Mais ce n’est pas tout : elles ont aussi un effet sur le cœur, le tube digestif, les muscles… et même les cheveux ! Au niveau du muscle cardiaque, les hormones thyroïdiennes provoquent une augmentation du rythme du cœur et accroissent la force de ses contractions, augmentant ainsi le débit sanguin. En outre, un bon fonctionnement thyroïdien chez la femme enceinte est essentiel au développement du cerveau du fœtus.</p>
<h2>Quels sont les liens entre iode et thyroïde ?</h2>
<p>Le manque d’iode est à la source de certains troubles de la thyroïde. Cet élément chimique naturel entre en effet dans la composition des hormones thyroïdiennes. La glande thyroïde le capte dans l’alimentation : un régime équilibré apporte environ 150 microgrammes d’iode par jour, ce qui est juste suffisant pour un bon fonctionnement thyroïdien. Parmi les aliments riches en iode figurent <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/guide_pro_femmes_enceintes.pdf#page=16">le lait et produits laitiers, les crustacés, les poissons d’origine marine, ou les œufs</a>. Pendant la grossesse, les besoins eu iode augmente jusqu’à 250 microgrammes par jour. Il est donc utile d’apporter un complément iodé durant cette période.</p>
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<figcaption><span class="caption">PuMS consacre son dernier numéro à la thyroïde, pour en apprendre encore davantage sur cet organe essentiel.</span></figcaption>
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<p>En cas de déficit en iode, la thyroïde compense en augmentant de volume, de manière à fonctionner davantage. Cet accroissement explique la survenue des « goitres endémiques » qui se développent particulièrement dans des zones géographiques ou la carence en iode est fréquente. </p>
<p>On l’ignore généralement, mais l’expression « crétin des Alpes », devenue aujourd’hui une insulte, était à l’origine une expression médicale. En effet, dans les années 1830, en France, le <a href="https://www.franceinter.fr/histoire/le-cretin-vient-il-des-alpes">crétinisme</a> était répandu, en particulier dans les Alpes. Les patients atteints de cette pathologie présentaient non seulement un goitre, mais aussi un retard de taille et de poids, ainsi qu’un retard mental. Il faudra attendre 1922 pour que l’on comprenne que ces problèmes sont liés à une carence en iode. Depuis cette découverte, une supplémentation de l’alimentation en iode (via l’iodation du sel) a permis d’éradiquer la maladie en France.</p>
<h2>Hyperthyroïdie et hypothyroïdie : comment faire la différence ?</h2>
<p>Les besoins en hormones thyroïdiennes (levothyroxine) sont de 100 à 125 microgrammes par jour. C’est une autre glande, l’hypophyse, située à la base du cerveau, qui régule la production d’hormones thyroïdiennes pour la faire correspondre à nos besoins. Hypophyse et thyroïde collaborent : la thyréostimuline sécrétée par l’hypophyse (TSH) donne l’ordre à la thyroïde de travailler un peu plus ou un peu moins. Lorsque la thyroïde ne produit pas suffisamment d’hormones, l’information est perçue par l’hypophyse qui augmente sa production de TSH, ce qui stimule la thyroïde et lui fait produire davantage d’hormones. À l’inverse, lorsque la thyroïde « s’emballe » et produit un excès d’hormones, l’hypophyse réduit sa production de TSH, pour tenter de freiner la fabrication des hormones thyroïdiennes.</p>
<p>Lorsque, malgré la réaction de l’hypophyse, les hormones thyroïdiennes sont fabriquées en défaut ou en excès, des « dysthyroïdies » (dysfonctionnements de la thyroïde) se développent : on parle d’hypothyroïdie en cas de déficit d’hormones thyroïdiennes, et d’hyperthyroïdie lorsque ces dernières sont produites en excès.</p>
<p>L’hyperthyroïdie est généralement diagnostiquée assez rapidement, car les signes qui en résultent sont habituellement marqués (perte de poids, sueurs, tremblement, palpitations…). L’hypothyroïdie, au contraire, est souvent peu symptomatique, et ses signes (prise de poids, fatigue, ralentissement général…) se manifestent plus tardivement, ce qui retarde son diagnostic.</p>
<h2>Qu’est-ce que le Lévothyrox, et pourquoi y a-t-il eu une polémique à son sujet ?</h2>
<p>En cas d’hypothyroïdie, la prise d’hormones thyroïdiennes de synthèse, donc produites artificiellement, permet de pallier le défaut de production d’hormones par la thyroïde. La lévothyroxine est une telle hormone. Jusqu’à récemment, la majorité des patients en hypothyroïdie étaient traités par le Lévothyrox, médicament à base de lévothyroxine produit par le laboratoire Merck-Serono.</p>
<p>En mars 2017, ce laboratoire a commercialisé une nouvelle formule du Lévothyrox, sans changer la substance active, mais en en modifiant l’<a href="https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/excipient/31990">excipient</a> (substance associée au principe actif d’un médicament et dont la fonction est de faciliter l’administration, la conservation et le transport de ce principe actif dans l’organisme) : le lactose a été supprimé, et de l’acide citrique anhydre a été ajouté. <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/09/07/pourquoi-le-medicament-levothyrox-fait-il-polemique_5182477_4355770.html">Un grand nombre de patients a alors déclaré subir des effets secondaires</a> tels que maux de tête, diarrhées, insomnies, vertiges, perte de cheveux… Une partie de ces patients ont fini par bénéficier d’une rééquilibration de leur traitement par un ajustement de leur posologie. Cependant, une part d’entre eux ont continué à se plaindre de symptômes riches et non spécifiques, malgré la constatation de niveaux de TSH normaux, et sans qu’il soit possible de trouver une explication physiopathologique à cette symptomatologie.</p>
<p>Trois ans après ces événements, les médecins disposent désormais de plusieurs formulations de la levothyroxine (Levothyrox, L Thyroxine Henning, T Caps, Tyrofix), ce qui leur permet de proposer aux patients des substituts et évite le monopole par une seule firme pharmaceutique.</p>
<h2>Qu’appelle-t-on « nodule thyroïdien » ?</h2>
<p>Situés au sein du tissu thyroïdien, les nodules de la thyroïde sont très fréquents. On les rencontre davantage chez la femme que chez l’homme,du fait de facteurs hormonaux. Une femme sur deux a des nodules après 60 ans, et leur fréquence augmente avec l’âge. Ils sont palpables dans 5 % des cas dans la population féminine française, et détectables par échographie thyroïdienne. Dans 95 % des cas, les nodules sont bénins, mais dans 5 % des cas, ils correspondent à des cancers de la thyroïde. Ces cancers sont généralement de bon pronostic, en particulier lorsque les nodules sont de petite taille. Le carcinome papillaire est le type de cancer le plus fréquent : il représente 85 % des cancers thyroïdiens dérivés de la cellule thyroïdienne.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/356289/original/file-20200903-14-198jc9u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/356289/original/file-20200903-14-198jc9u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/356289/original/file-20200903-14-198jc9u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=362&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/356289/original/file-20200903-14-198jc9u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=362&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/356289/original/file-20200903-14-198jc9u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=362&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/356289/original/file-20200903-14-198jc9u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=455&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/356289/original/file-20200903-14-198jc9u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=455&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/356289/original/file-20200903-14-198jc9u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=455&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La majorité des nodules qui se développent dans la glande thyroïde sont bénins.</span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Pour éviter les chirurgies inutiles, le praticien recherche les facteurs de risque de cancer auxquels la personne aurait pu être soumise, tels qu’une irradiation dans l’enfance ou l’existence d’une polypose colique familiale, par exemple. Il analyse également les résultats d’examens, en particulier celui du dosage de la TSH (réalisé suite à une prise de sang), qui indique si le nodule fabrique ou non des hormones. Parmi les autres examens, l’observation du nodule par échographie thyroïdienne donne des arguments en faveur ou en défaveur d’un éventuel cancer, grâce à l’utilisation d’une classification européenne des signes échographiques observés (score EU-TIRADS). Ce score ainsi que la taille du nodule guident les indications qui seront données suite à une cytoponction du nodule thyroïdien (geste qui consiste à prélever des cellules thyroïdiennes afin de les analyser à la recherche de signes de cancer thyroïdien).</p>
<p>Le traitement des nodules thyroïdiens cancéreux est chirurgical. Il peut être éventuellement complété par un traitement à base d’iode radioactif : l’objectif est de détruire les reliquats postopératoires et de détecter d’éventuelles métastases (qui concernent 5 % des patients porteurs d’un cancer thyroïdien).</p>
<h2>Que faire en cas de nodules bénins de la thyroïde ?</h2>
<p>Les nodules bénins nécessitent le plus souvent une simple surveillance clinique par palpation et suivi échographique. Cependant, leur augmentation de taille peut gêner le patient et conduire à un traitement chirurgical. Lorsque la thyroïdectomie est totale, il est nécessaire de prendre un traitement substitutif définitif par hormones thyroïdiennes.</p>
<p>Afin d’éviter cette chirurgie, des techniques alternatives prometteuses se sont développées. C’est notamment le cas de la thermoablation, qui consiste à détruire le nodule par la chaleur. Celle-ci est générée grâce à une sonde laser ou une électrode de radiofréquence introduite dans le nodule à traiter, sous repérage échographique. Cette approche permet des réductions significatives de volume du nodule, de l’ordre de 70 à 80 % à un an, en moyenne. Il est ainsi possible d’éviter ou de retarder la chirurgie, tout en respectant le fonctionnement de la glande.</p>
<h2>La catastrophe de Tchernobyl a-t-elle provoqué des cancers thyroïdiens ?</h2>
<p>Le 26 avril 1986, une explosion a détruit le réacteur de la tranche n°4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Il s’en est suivi une puissante émission d’isotopes radioactifs, et en particulier d’iode 131. Ce dernier a provoqué, en se fixant dans la glande thyroïde, une augmentation de l’incidence du cancer thyroïdien en particulier chez les enfants et les adolescents de Biélorussie et d’Ukraine. La glande thyroïde est en effet particulièrement radiosensible avant l’âge de 15 ans. La contamination des jeunes a résulté non seulement de contacts externes avec l’iode 131, mais surtout de son ingestion, via la consommation d’aliments contaminés. En France, aucune augmentation d’incidence de ce type n’a été constatée : le cancer thyroïdien reste exceptionnel chez l’enfant (cf. ligne XI du <a href="https://rnce.inserm.fr/index.php/fr/statistiques/statistiques-d-incidence/taux-de-incidence-de-2010-2014-par-groupe-diagnostique">tableau de données du registre national des tumeurs solides de l’enfant</a>).</p>
<h2>Les cancers de la thyroïde sont-ils de plus en plus fréquents ?</h2>
<p>Concernant l’adulte, l’augmentation d’incidence observée a surtout été expliquée par une amélioration du dépistage des microcancers, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/15650358/">elle-même due au développement de l’échographie et des cytoponctions</a>. Cette augmentation d’incidence semble se stabiliser, en particulier pour les petites tumeurs. Il est probable que cette stabilisation soit le reflet de l’impact des recommandations internationales sur la prise en charge des nodules thyroïdiens. Publiées en 2011 et 2015, ces recommandations conseillent de ne plus ponctionner des nodules de moins d’un centimètre.</p>
<h2>Comment prendre soin de sa thyroïde ?</h2>
<p>Prendre soin de sa thyroïde, c’est d’abord connaître son existence, puis tenir compte de ces quatre recommandations :</p>
<ul>
<li><p>En cas de symptômes, pratiquer un dosage de la TSH qui permet de diagnostiquer ou d’écarter une dysfonction hormonale de la thyroïde ;</p></li>
<li><p>En cas de facteur de risque de cancer thyroïdien, mettre en place une surveillance avec un spécialiste ;</p></li>
<li><p>Si des nodules sont diagnostiqués, assurer une prise en charge « raisonnable », consistant en une bonne évaluation échographique et des indications de componctions fondées sur l’aspect et la taille du nodule. On ne néglige pas un nodule, mais on ne l’opère pas sans raison !</p></li>
<li><p>Consommer suffisamment d’iode, soit 150 µg/j en évitant les excès, qui peuvent survenir possibles chez les <a href="https://www.anses.fr/fr/content/consommation-d%E2%80%99algues-rester-vigilant-sur-le-risque-d%E2%80%99exc%C3%A8s-d%E2%80%99apport-en-iode">grands consommateurs d’algues</a> (alimentation japonaise) ou en cas de prise de compléments alimentaires. Ces excès peuvent en effet être à l’origine d’hyperthyroïdie induites par l’iode. Ils peuvent aussi dévoiler des pathologies thyroïdiennes passées inaperçues.</p></li>
</ul>
<hr>
<p><em>Cet article a été rédigé en partenariat avec le site de la chaîne santé de l’université de Paris <a href="https://pums.fr/">pums.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/145263/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Boris Hansel a reçu des financements de la fondation AP-HP pour la recherche </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Laurence Leenhardt ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Hypo- ou hyperthyroïdie, goitre, nodule… Ces pathologies sont liées à un dysfonctionnement de la thyroïde, petite glande logée à la base du cou. Comment fonctionne-t-elle ? Comment en prendre soin ?Boris Hansel, Médecin, Professeur des universités- Praticien hospitalier, Inserm U1148, Faculté de Santé, Université Paris CitéLaurence Leenhardt, PU-PH - Chef d’Unité thyroïde tumeurs endocrines, Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1073172018-11-25T20:15:31Z2018-11-25T20:15:31ZVaccination : pourquoi tant de défiances ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/247053/original/file-20181123-149308-tklumu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C8%2C5492%2C3653&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La vaccination permet de protéger les plus vulnérables.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>En Europe, les avancées sanitaires majeures du XX<sup>e</sup> siècle, au premier rang desquelles la vaccination, ont conduit au recul des maladies infectieuses « historiques » (telles que la poliomyélite ou la diphtérie), voire à leur éradication (variole).</p>
<p>Pourtant, en France, et plus largement dans les pays occidentaux, les questions des infections à prévention vaccinale, de la perception du risque lié aux vaccins et aux maladies, ainsi que l’impact des controverses sur la couverture vaccinale sont récemment devenus des enjeux cruciaux de santé publique.</p>
<p>Crainte des effets indésirables, méfiance envers l’industrie pharmaceutique, offensives d’opposants à la vaccination, amplification des doutes via les réseaux sociaux sont autant de raisons qui expliquent la progression des positions sceptiques. Des positions diverses qui, si elles ne se traduisent pas systématiquement par un rejet total de la vaccination, limitent son efficacité.</p>
<h2>L’ambigu principe de précaution</h2>
<p>Le principe de précaution est l’un des paramètres de la polémique. Ce concept, initialement forgé dans le secteur de la protection environnementale, est mentionné dans le <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/sites/odyssee-developpement-durable/files/9/Declaration_de_Rio_1992_fr.pdf#page=3">quinzième principe</a> de la <a href="http://www.un.org/french/events/rio92/rio-fp.htm">Déclaration de Rio sur l’Environnement et le Développement</a>, adoptée en 1992 dans le prolongement du Sommet de la Terre.</p>
<p>Étendu au domaine de la santé, il a prévalu durant la crise de la vache folle, avec l’<a href="http://www.senat.fr/rap/r00-321-1/r00-321-1110.html">abattage du bétail en 1994</a>, et au cours de l’<a href="https://www.liberation.fr/france/2018/02/07/sang-contamine-que-sont-devenus-les-principaux-acteurs-du-scandale_1628208">affaire du sang contaminé</a>, cinq ans plus tard.</p>
<p>En ce qui concerne les politiques vaccinales, le principe de précaution est utilisé comme un argument politique, invoqué pour inciter à la vaccination ou, au contraire, pour la prévenir. Ce fut notamment le cas lorsqu'en 1998 le ministre de la Santé Bernard Kouchner <a href="https://www.liberation.fr/societe/1998/10/02/l-arret-equivoque-du-vaccin-de-l-hepatite-ben-suspendant-la-vaccination-en-6e-kouchner-relance-les-s_249755">a suspendu la vaccination des collégiens contre l’hépatite B</a>, en raison d’un lien supposé avec la survenue de sclérose en plaques (SEP). Bernard Kouchner avait alors demandé au médecin de famille de déterminer le risque de SEP au vu de l’histoire du patient. Ce faisant, au nom du principe de précaution ou par crainte politique d’un nouveau scandale sanitaire, le ministre allait donner corps à la longue <a href="http://www.who.int/vaccine_safety/committee/topics/hepatitisb/multiple_sclerosis/Jun_2002/fr/">polémique hépatite B/SEP</a>.</p>
<p>Malencontreux hasard, la même année la revue scientifique médicale britannique <em>The</em> <em>Lancet</em> publiait un article frauduleux du chirurgien gastro-entérologue <a href="http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/9500320.">Andrew Wakefield</a>, du <em>Royal Free Hospital</em> à Londres. Celui-ci supposait un lien causal entre le vaccin anti-rougeole/oreillons/rubéole (ROR) et l’autisme. Cette corrélation a été définitivement réfutée par le <em>Medical Research Council</em> en 2003. De nombreuses publications scientifiques ont également prouvé la faiblesse de l’étude de Wakefield et l’absence flagrante de preuves. Elle reste pourtant revendiquée en France, où elle est notamment à l’origine de la résistance à la vaccination contre la rougeole, qui a participé à l’épidémie de 2011. Cette étude invalidée perdure comme un élément fondamental du socle argumentaire « antivax ».</p>
<p>La gestion de la crise de la grippe A (H1N1) en France en 2009-2010 a par ailleurs montré les limites du recours à l’argument du principe de précaution pour inciter à la vaccination. La vaccination massive souhaitée par les autorités de santé publique n’a en effet pas eu lieu.</p>
<h2>La crainte des effets indésirables après immunisation</h2>
<p>La peur des effets indésirables, souvent déclinée confusément par les sceptiques, constitue une cause récurrente de crainte, amplifiée par Internet et les réseaux sociaux, et aggravée par des pétitions ne reposant sur aucun élément scientifiquement prouvé. </p>
<p>Quand elles sont nommées, ces craintes concernent les <a href="https://www.ansm.sante.fr/Dossiers/Vaccins/Les-adjuvants/(offset)/1">adjuvants</a>, des substances (telles que les <a href="https://www.acadpharm.org/dos_public/Rapport_Adjuvants_aluminiques_VF_CORR_5.pdf">sels d’aluminium</a>) dont la fonction est d’augmenter la réponse immunitaire afin d’améliorer l’efficacité du vaccin. Elles s’expriment notamment vis-à-vis de la <a href="http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22235051">myofasciite à macrophages</a>, une affection que les données expérimentales ne permettent pas à ce jour de <a href="http://professionnels.vaccination-info-service.fr/Aspects-sociologiques/Controverses/Myofasciite-a-macrophages">définir précisément</a>. La plupart des sites Internet français anti-vaccination sont très critiques quant à l’utilisation de l’aluminium, mais également quant à celle du formaldéhyde, du squalène ou du <a href="http://dx.doi.org/10.1016/j.vaccine.2014.12.064">thiomersal</a>.</p>
<p>On notera également l’existence d’une entité plus silencieuse et assez imprécise : le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1568997218302398?via%3Dihub">syndrome ASiA</a> (<a href="http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28059022">Autoimmune/inflammatory syndrome induced by adjuvants</a>). Celui-ci regrouperait quatre affections résultant d’une exposition aux adjuvants : la siliconose (due au port de prothèses en silicone), le syndrome de la Guerre du Golfe, la myofasciite à macrophages et les réactions post-vaccinales. Une revue de littérature récente a toutefois récemment <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28888842">mis en cause l’existence de ce syndrome</a>.</p>
<p>Contestées par une grande partie de la communauté scientifique, ces nouvelles maladies sont prétextes à des espaces interstitiels de doute ou de polémique scientifiques relayés auprès du public par les sites anti-vaccination.</p>
<h2>La méfiance envers l’industrie pharmaceutique</h2>
<p>Le <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2017/06/06/mediator-pourquoi-le-parquet-demande-un-proces-contre-les-laboratoires-servier_5139155_3224.html">scandale du Mediator</a> et la <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/09/07/pourquoi-le-medicament-levothyrox-fait-il-polemique_5182477_4355770.html">polémique autour du Levothyrox</a> ont généré un bruit de fond favorable au scepticisme. L’affaire du Médiator (retiré de la vente en 2009 et à l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000027434029&dateTexte=20181114">origine</a> de la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000025053440&categorieLien=cid">déclaration publique d’intérêt obligatoire en 2011</a>) constitue un point de bascule notoire dans la méfiance envers l’industrie pharmaceutique.</p>
<p>À cela s’ajoutent d’autres paramètres, tels par exemple que la défiance vis-à-vis des <a href="https://www.inserm.fr/sites/default/files/2017-12/Inserm_MiseAuPoint_Vaccins_2017.pdf#page=4">vaccins multivalents</a> (qui protègent contre plusieurs pathogènes) et les ruptures d’approvisionnement, qui laissent libre cours aux interprétations et au doute dans l’esprit du public.</p>
<p>L’accusation persistante de recherche de profits entretient ainsi, gravement et durablement, la méfiance, voire l’hostilité envers l’industrie pharmaceutique et par rebond, envers les vaccins en général.</p>
<h2>Les réseaux sociaux, chambre d’écho du désamour de l’autorité scientifique</h2>
<p>L’histoire de l’<a href="http://sante.lefigaro.fr/article/les-antivaccins-contaminent-les-reseaux-sociaux/">impact des réseaux les réseaux sociaux</a> sur la vaccination est une histoire en train de s’écrire, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0399077X16000342">que ce soit en France</a> ou dans les <a href="https://pdfs.semanticscholar.org/309e/98cf1dd0300e1647468bd669fd7e47844efa.pdf">pays à index de développement humain élevé</a>.</p>
<p>Dans le champ de la santé publique, on note une érosion des frontières des domaines de compétences, l’expression d’une opinion qui entend substituer à un avis médical expert un savoir profane individuel de plus en plus influent. Cela est particulièrement le cas en matière de vaccination. </p>
<p>Le désamour et la contestation de l’autorité scientifique et médicale contribuent à la prégnance de la polémique antivaccinale, et certains acteurs sont tentés par une démocratie sanitaire et une autonomie décisionnelle. Les médias sociaux, les blogs et les sites Internet, caisses de résonance, favorisent-ils la méfiance envers la vaccination, ou s’agit-il d’une expression accrue de cette méfiance ? La réponse à cette question reste à déterminer.</p>
<h2>Il n’existe pas de profil type de l’anti-vaccin</h2>
<p>La question de la résistance à la vaccination est complexe, et une approche vaccin par vaccin, doublée d'une approche sociologique fine, sont particulièrement pertinentes pour en observer les causes. </p>
<p>Il faut rappeler que 2,4 % seulement de la population est défavorable à l'ensemble des vaccins sans exception. Par ailleurs, tous les vaccins ne sont pas perçus de la même façon. Certains vaccins sont mieux aimés, bien qu’étant eux aussi sujets à controverse ou polémique. C’est par exemple le cas des vaccins contre diphtérie, tétanos et poliomyélite (DTP) ou du ROR, même si pour ce dernier on note une augmentation des opinions défavorables entre 2014 et 2016. Sur le banc des vaccins mal aimés se trouvent les vaccins <a href="http://www.bdsp.ehesp.fr/Base/516881/">contre la grippe, l’hépatite B et le papillomavirus humain (HPV)</a>.</p>
<p>Il n’existe pas de profil sociologique type de l’hésitant, du sceptique ou du résistant. Des différences de perception existent selon l’âge, le diplôme et les revenus. Contrairement à ce qu’on a pu souvent lire, une catégorie socio-professionnelle et un niveau d’éducation plus élevés ne sont pas forcément associés à une résistance plus marquée à la vaccination. Hésitation ou scepticisme ne sont pas des images fixes, ils varient avec le temps et le lieu. En Europe, par exemple, la vaccination est en quelque sorte victime de son succès. Nos perceptions des menaces infectieuses, qu’elle a contribué à faire reculer, ont évolué. Certaines maladies sont désormais considérées comme des dangers infectieux moins prégnants. </p>
<p>C’est par exemple le cas de la rougeole, maladie aujourd’hui souvent perçue comme infection sans grande gravité. Dans notre pays, la couverture vaccinale pour la vaccination contre la rougeole était de 80,1 % en 2016 chez les enfants âgés de 2 ans. Or on sait que pour éviter la survenue d’une nouvelle vague épidémique, la couverture vaccinale avec deux doses d’un vaccin contre la rougeole doit être au moins de 95 %. Résultat : on observe une recrudescence des cas de rougeole depuis novembre 2017 <a href="http://invs.santepubliquefrance.fr/Dossiers-thematiques/Maladies-infectieuses/Maladies-a-prevention-vaccinale/Rougeole/Points-d-actualites/Bulletin-epidemiologique-rougeole.-Donnees-de-surveillance-au-14-novembre-2018">non seulement en France</a>, mais aussi en <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(18)32608-4/fulltext?dgcid=raven_jbs_etoc_email&code=lancet-site">Europe</a>.</p>
<p>Pour comprendre ces différences, d’autres moyens d’analyse sociale sont nécessaires, tels l’analyse géopolitique et sociospatiale des <a href="http://www.theses.fr/s113764">résistances liées au territoire</a>, <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/08/31/certaines-ecoles-hors-contrat-sont-des-foyers-de-refus-de-vaccination_5348301_4355770.html">à la religion</a>, ou à des critères plus personnels (peur de l’injection…).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-retour-de-la-rougeole-et-de-ses-mythes-102003">Le retour de la rougeole, et de ses mythes ?</a>
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<h2>La vaccination, un geste altruiste et citoyen</h2>
<p>Récemment, le projet puis la mise en place de l’<a href="https://www.inserm.fr/sites/default/files/2017-12/Inserm_MiseAuPoint_Vaccins_2017.pdf#page=4">extension de l’obligation vaccinale de 3 à 11 vaccins</a> pour les enfants nés après le 1<sup>er</sup> janvier 2018 a relancé la polémique, entraînant une inflation de l’activité médiatique.</p>
<p>Cette extension s’est appuyée sur deux documents de travail, le <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_sur_la_politique_vaccinale_janvier_2016_.pdf">rapport Hurel</a> et surtout la <a href="http://concertation-vaccination.fr/category/rapport/">concertation citoyenne</a> sur la vaccination, dirigée par le Pr Alain Fischer en 2016. Il ressort de cette consultation le caractère hétérogène, quelquefois paradoxal, de la perception de la vaccination obligatoire : atteinte à la liberté fondamentale du consentement libre et éclairé en cas d’obligation, mais désengagement de l’État, se traduisant par l’abandon des plus défavorisés, en cas de non-obligation ; regret de l’absence de sanction ; soupçon d’effet d’aubaine pour les laboratoires pharmaceutiques ; dimension politique éventuelle de l’opposition à un projet gouvernemental…</p>
<p>Au-delà de cette mesure courageuse de santé publique et de ses bénéfices escomptés, il demeure nécessaire pour les autorités sanitaires de faire face à la baisse de la couverture vaccinale en France. La mise à disposition, sur leurs sites Internet, d’éléments de réponse très précis et clairs aux questions « techniques » des citoyens est un premier pas. Cependant, la complexité du problème appelle à une stratégie qui doit aussi prendre en compte l’inquiétude ou l’attitude sincèrement interrogative de la population.</p>
<p>Il faut pour cela reconstruire, ou construire, une confiance en s’appuyant sur les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0264410X17307922">bénéfices de la vaccination</a>, sans en minorer les risques, inhérents à tout produit de santé. Le risque de l’effet indésirable, question centrale de la défiance, doit en particulier être abordé en toute transparence, sans écarter les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0264410X17309696?via%3Dihub">doutes</a>, comme l’a recommandé récemment la <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/actualites-du-ministere/article/interview-du-professeur-jerome-salomon-directeur-general-de-la-sante">Direction générale de la Santé</a>.</p>
<p>Enfin, il est important de rappeler, encore et encore, que la vaccination est indispensable à la protection de ceux dont le système immunitaire ne peut combattre seul un pathogène, qu’il s’agisse des nourrissons, des femmes enceintes, des personnes âgées ou des individus immunodéprimés. Au-delà de sa propre protection, l’individu vacciné contribue à protéger ceux qui ne le sont pas, en interrompant le cycle de transmission des germes pathogènes. En ce sens, la vaccination est un geste altruiste et citoyen.</p>
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la conférence <a href="http://www.u-pec.fr/journee-de-lutte-contre-le-sida-conference-vih-ou-en-est-la-recherche-vaccinale--874672.kjsp?RH=1383039667957">« VIH : où en est la recherche vaccinale ? »</a> du 29 novembre 2018, organisée par l'Université Paris-Est Créteil, en partenariat avec l'Inserm et le labex VRI.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/107317/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Annick Opinel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La vaccination a constitué une avancée majeure en termes de santé publique. Pourtant, en Occident, une partie croissante de la population la remet en question. Retour sur les causes de ce scepticisme.Annick Opinel, Historienne et philosophe des sciences, UMR Inserm U1181, Institut PasteurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1039732018-10-17T18:57:14Z2018-10-17T18:57:14ZRembourser les médicaments originaux au prix des génériques : une fausse bonne idée ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/240910/original/file-20181016-165891-12ddrt5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C8%2C5590%2C3724&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Comment améliorer la substitution par les médicaments génériques ?</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour l’année 2019 (<a href="https://www.economie.gouv.fr/projet-loi-financement-securite-sociale-2019">PFLSS 2019</a>), présenté par les ministres Agnès Buzyn et Gérald Darmanin le 25 septembre dernier, comporte deux mesures visant à favoriser le développement des médicaments génériques. L’une d’elles consisterait à rembourser, à partir de 2020, les médicaments originaux sur la base du prix du générique. Bien qu’elle soit présentée comme nouvelle, cette mesure reprend (et étend ?) un dispositif créé en 2003 et déjà appliqué à certains groupes génériques : les tarifs forfaitaires de responsabilité.</p>
<p><a href="http://www.pressesdesciencespo.fr/fr/livre/?GCOI=27246100637510">L’analyse de ce dispositif</a> met en lumière son efficacité et son intérêt pour certains médicaments. Elle révèle toutefois également les nombreux effets pervers auxquels conduirait sa généralisation. Ceux-ci se feraient sentir non seulement sur le développement des génériques mais aussi, <em>in fine</em>, sur les économies réalisées par l’Assurance Maladie.</p>
<h2>Les TFR font exploser les taux de substitution</h2>
<p>Inspirés des « prix de référence » développés en Allemagne ou aux Pays-Bas au début des années 1990, les tarifs forfaitaires de responsabilités (TFR) reposent sur une idée « de bon sens » : dès lors que les médicaments génériques sont équivalents aux médicaments originaux, il n’y a pas de raison que l’Assurance Maladie paye l’écart de prix entre les deux. Celui-ci reste donc à la charge du patient. De ce point de vue, le TFR présente plusieurs intérêts pour les pouvoirs publics.</p>
<p>Le premier intérêt est de « responsabiliser » les patients aux écarts de prix entre les médicaments génériques et originaux (autour de 40 % du prix du <em>princeps</em> – le médicament d’origine qui sert de modèle aux médicaments génériques) et de les inciter à privilégier les médicaments génériques ou à assumer individuellement le prix de leur attachement à la marque. Mon étude réalisée à partir des données de l’Assurance Maladie sur les premiers TFR en 2003 a mis en lumière la très grande efficacité de ce dispositif.</p>
<p>Si l’on considère le taux de substitution (part des ventes de génériques dans le groupe comprenant à la fois le <em>princeps</em> et les génériques) des groupes génériques dans lesquels il y existait un écart de prix entre génériques et <em>princeps</em>, on constate que celui-ci est passé en moyenne de 33,5 % à 73 % en un an dès lors que ces groupes ont été soumis à TFR, en 2003. Sur la même période, le taux de substitution pour l’ensemble des génériques, avec ou sans TFR, progressait seulement de 52 % à 57 %.</p>
<p>Plus frappant encore : si l’on considère les groupes génériques « cromoglicate de sodium/Nalcron », où l’écart de prix moyen entre générique et <em>princeps</em> était en 2003 de 4,43 €, et le groupe générique « propanolol/Avlocardyl », où l’écart de prix avec le <em>princeps</em> était de 0,88 €, on constate que les taux de substitution respectifs en 2006 étaient de 82 % et 84 %.</p>
<p>On imagine donc l’efficacité de ce dispositif, et les économies réalisées, pour les antirétroviraux utilisés contre le VIH, où ces écarts de prix dépassent les 100 €…</p>
<h2>Des économies substantielles</h2>
<p>Le deuxième intérêt des TFR est de « maximiser » les économies réalisées par l’Assurance Maladie. En effet, l’application d’un TFR permet à l’Assurance Maladie de réaliser des économies équivalentes à un taux de substitution de 100 % et ce, quelle que soit la part de marché réelle des génériques, puisque tous les médicaments sont remboursés au prix des génériques.</p>
<p>Cette économie est même supérieure, puisque l’application d’un TFR conduit à diminuer la marge des pharmaciens d’officine sur la vente des médicaments. En 1999, lorsque le droit de substitution a été accordé aux pharmaciens, il a été décidé, pour les inciter à privilégier les médicaments génériques, que leur marge sur ces derniers serait établie en fonction du prix du médicament original (et pas du prix, plus faible, du générique).</p>
<p>Concrètement, le <a href="https://www.leem.org/prix">prix public TTC</a> d’un médicament <em>princeps</em> est égal au Prix Fabricant Hors Taxe (PFHT), fixé par le <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/ministere/acteurs/instances-rattachees/article/ceps-comite-economique-des-produits-de-sante">Comité économique des produits de santé</a> auquel s’ajoutent la marge du grossiste et la marge du pharmacien (qui correspondent toutes deux à un pourcentage du PFHT), ainsi que la TVA. Le prix public TTC d’un médicament générique est quant à lui égal au PFHT (fixé par le CEPS, avec une décote de 60 % par rapport au PFHT du <em>princeps</em>) auquel s’ajoutent la marge du grossiste et la marge du pharmacien (égales à un pourcentage du PFHT du <em>princeps</em>, et non pas du PFHT du générique), ainsi que la TVA. Autrement dit, les pharmaciens touchent la même marge en montant pour la vente d’un générique ou d’un <em>princeps</em>.</p>
<p>Donc, même si les génériques sont moins chers que les <em>princeps</em>, le pharmacien a la même marge avant sur les deux catégories. Et comme par ailleurs, il touche d’importantes marges arrière de la part des laboratoires de génériques qui veulent être référencés par l’officine (et qui sont plafonnées par la loi à 40 % du PFHT du générique), sa marge totale est plus forte sur les génériques que sur les <em>princeps</em> et il est donc incité à les substituer.</p>
<p>Toutefois, en cas d’application du TFR, la marge officinale sur la vente d’un générique ou d’un <em>princeps</em> n’est plus fonction du prix du <em>princeps</em>, mais elle est calculée selon le prix du générique ; l’application du TFR conduit donc à faire baisser le prix total du médicament en diminuant la marge du pharmacien.</p>
<p>Enfin, le troisième intérêt du TFR est plus politique : il permet de mettre en scène le « libéralisme » des pouvoirs publics, qui affichent leur neutralité vis-à-vis des industriels (de <em>princeps</em> comme de génériques), leur respect de la liberté de choix des patients et leur croyance dans les bienfaits de la concurrence par les prix, libre et non faussée.</p>
<h2>Les TFR, efficaces mais non dénués d'effets pervers</h2>
<p>Bien qu’ils revêtent <em>a priori</em> les atours de l’instrument idéal, les TFR se sont avérés receler en pratique de nombreux effets pervers.</p>
<p>D’abord, en établissant une discrimination entre les patients, selon leur capacité à payer pour la marque, ils ont renforcé la croyance de nombre d’entre eux dans l’existence d’une médecine à deux vitesses : les plus riches pourraient s’offrir le « vrai » médicament, tandis que les autres devraient se contenter d’une « pâle imitation »… Si les TFR ont, de fait, permis d’augmenter la substitution, ils ont de ce fait renforcé les doutes de nombreux patients et prescripteurs sur la qualité des génériques.</p>
<p>Ensuite, dans un grand nombre de cas, les industriels de <em>princeps</em> ont riposté à l’application d’un TFR en alignant le prix de leur médicament original sur celui des génériques, privant ces derniers de leur seul « atout » concurrentiel. Le plus souvent, cela n’a pas conduit à un effondrement du taux de substitution, car les patients ignorent bien souvent le montant de l’écart de prix entre les médicaments. Qui plus est, les pharmaciens ne les en ont pas informés afin de ne pas mettre en cause la progression de la substitution dans les autres groupes génériques. Mais cet alignement a néanmoins clairement ralenti ladite progression.</p>
<p>Ainsi, dans les groupes génériques soumis à TFR en 2003 pour lesquels le prix du <em>princeps</em> a été immédiatement aligné, le taux de substitution moyen a crû de 28,5 % à 38,5 % seulement entre 2003 et 2004. Soit +10 points sur la période, contre +40 points pour les groupes sans alignement de prix. Pensé initialement comme un soutien au développement des génériques, le TFR s’est ainsi rapidement mû en frein à la substitution.</p>
<p>Les TFR ont d’autant plus freiné la substitution qu’ils ont eu d’importantes conséquences sur les revenus des pharmaciens d’officine, comme évoqué précédemment. Même si les pharmaciens bénéficient d’autres incitations financières que leurs marges pour développer les génériques (remises concédées par les laboratoires de génériques, primes versées par l’Assurance Maladie en fonction d’objectifs de substitution), l’application des TFR s’est dans les faits traduite par une chute de leur investissement dans la substitution et une stagnation voire une régression des parts de marché des génériques dans les groupes concernés.</p>
<h2>Un instrument à manier avec précaution</h2>
<p>Les TFR s’avèrent donc au final un instrument délicat à manier. Certes, ils sont un moyen très efficace de développer la substitution et de réaliser des économies dans les groupes de médicaments génériques pour lesquels les pharmaciens peinent à atteindre des taux de substitution élevés même plusieurs années après la mise sur le marché. Ils sont aussi efficaces pour les groupes où les industriels de <em>princeps</em> choisissent de ne pas baisser leurs prix. Néanmoins, le TFR peut se muer très rapidement en adversaire de la substitution dans les groupes où les écarts de prix sont faibles voire nuls, et où les pharmaciens cessent leurs efforts de promotion des génériques.</p>
<p>À deux reprises (lors de leur création en 2003 et lors du PLFSS 2006), le gouvernement a envisagé de généraliser les TFR à tous les groupes génériques. Dans les deux cas, ce projet a conduit à une forte mobilisation des pharmaciens d’officine (allant jusqu’à <a href="https://books.google.fr/books?id=FTY7DwAAQBAJ&pg=PT77&lpg=PT77&dq=%22gr%C3%A8ve%22+%22substitution%22+g%C3%A9n%C3%A9riques+2005&source=bl&ots=63jQ3prAy6&sig=nvRGbt3tXMFnq21MbMj1GxxOR2U&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjNloqRgozeAhVQJhoKHdr3CsEQ6AEwAHoECAkQAQ#v=onepage&q=%22gr%C3%A8ve%22%20%22substitution%22%20g%C3%A9n%C3%A9riques%202005&f=false">« une grève de la substitution »</a> à l’hiver 2005).</p>
<p>Pharmaciens et industriels de génériques ont mis en avant les dangers de ce dispositif pour le développement des médicaments génériques en France. Selon eux, la généralisation de ce dispositif permettrait certes de réaliser de très substantielles économies à court terme, mais elle mettrait à mal l’investissement des pharmaciens dans la substitution et menacerait l’activité des industriels de génériques, en les privant de leur seul argument concurrentiel.</p>
<p>En l’absence de concurrence sur le marché, il serait alors plus délicat pour les pouvoirs publics de négocier de nouvelles baisses de prix avec les industriels de <em>princeps</em>.</p>
<h2>Tiers payant contre génériques, une alternative aux TFR ?</h2>
<p>En 2003 comme en 2006, le gouvernement avait finalement opté pour un usage parcimonieux du TFR, le réservant aux groupes génériques difficiles a promouvoir. À partir de 2006, les pouvoirs publics ont préféré mobiliser un autre instrument : la <a href="https://www.ameli.fr/pharmacien/exercice-professionnel/facturation-remuneration/pratique-tiers-payant/tiers-payant-generiques">mesure « Tiers payant contre génériques »</a>.</p>
<p>Celle-ci consiste à conditionner l’application de l’avance des frais de médicaments par les pharmaciens à l’acceptation des génériques par le patient. Elle présente les mêmes avantages que le TFR : elle « responsabilise » les patients aux prix de leurs médicaments et les incite à privilégier les génériques en différant le remboursement de ces médicaments.</p>
<p>De fait, cette mesure a permis une progression spectaculaire du taux de substitution de tous les génériques dans les départements où elle a été appliquée (+15 points en moyenne entre fin 2005 et fin 2006). Contrairement aux TFR, sa généralisation ne met pas en cause le développement des génériques, car elle n’affecte ni l’écart de prix entre les médicaments, ni le taux de remboursement des dépenses de médicaments pour les patients ni les incitations dont bénéficient les pharmaciens. Elle suppose cependant une mobilisation permanente des Caisses d’Assurance Maladie et des syndicats de pharmaciens et de médecins pour s’assurer qu’elle est bien appliquée par toutes les officines à tous les patients.</p>
<h2>Le développement des génériques en France doit-il passer par les prix ?</h2>
<p>Plus fondamentalement, on peut se demander si le développement des génériques en France doit reposer sur la « responsabilisation financière » des patients par rapport au prix des médicaments. <a href="https://www.economie.gouv.fr/projet-loi-financement-securite-sociale-2019">Dans le dossier de presse fourni par le ministère de la Santé</a>, ce dernier déclarait espérer économiser 100 millions d’euros grâce à l’application des TFR. S’il s’agit bien sûr d’un montant non négligeable, il semble dérisoire en comparaison du budget consacré par l’Assurance Maladie aux médicaments (plus de 20 milliards d’euros) ou même du marché des génériques (3,5 milliards d’euros pour les génériques et 1,5 milliard d’euros pour les <em>princeps</em> généricables).</p>
<p>On peut également s’interroger sur l’influence du prix dans le développement de la substitution. Nous avons vu que les TFR avaient des effets spectaculaires pour inciter les patients à privilégier les génériques lorsque l’écart de prix était maintenu. Mais les pharmaciens d’officine ont réussi de manière tout aussi spectaculaire à porter le taux de substitution <a href="https://www.ameli.fr/pharmacien/actualites/signature-des-avenants-generiques-2018-quelles-nouveautes">à près de 90 % en à peine vingt ans</a> (hors Lévothyrox et médicaments sous TFR).</p>
<p>Aujourd’hui, en France, le principal obstacle au développement des génériques n’est pas la méfiance des patients ou le manque d’investissement des pharmaciens dans la substitution, mais <a href="https://theconversation.com/patients-medecins-qui-a-peur-des-medicaments-generiques-65909">« l’attrait des médecins pour la nouveauté »</a>. Celui-ci les conduit à prescrire les derniers médicaments sortis (et brevetés), même lorsque ces derniers ne présentent pas d’amélioration thérapeutique importante. C’est ce qui explique la faible part des génériques dans les ventes totales de médicaments (<a href="http://www.medicamentsgeneriques.info/le-marche-francais-du-medicament-generique">autour de 35 % en volumes</a>, hors paracétamol).</p>
<p>L’enjeu pour les pouvoirs publics reste donc plus que jamais d’amener ces prescripteurs à préférer, à efficacité comparable, l’ancien médicament (donc le moins cher) au nouveau…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/103973/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Etienne Nouguez a reçu des financements publics (allocation de thèse) pour mener sa thèse sur les médicaments génériques. Il a réalisé des expértises rémunérées pour le Ministère de la Santé et le laboratoire Mylan. </span></em></p>L’Assurance Maladie gagnerait-elle à rembourser les médicaments originaux au tarif des génériques, en laissant la différence à la charge des patients qui souhaite payer pour une marque ? Pas si sûr.Etienne Nouguez, Sociologue, chargé de recherche CNRS, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/952402018-06-12T21:44:52Z2018-06-12T21:44:52ZLévothyrox : jusqu’où l'affaire a-t-elle entamé la confiance des citoyens ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/215993/original/file-20180423-94154-3j3f98.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C16%2C5391%2C3583&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quelles sont les sources de la confiance des patients dans leurs médicaments ? </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/portrait-ill-woman-holding-glass-water-172064426">shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Plus d’un an s’est écoulé, depuis le changement de formule du Levothyrox, en mars 2017. <a href="http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2018/03/05/01016-20180305ARTFIG00277-levothyrox-une-information-judiciaire-ouverte-a-marseille.php">Une information judiciaire</a> contre X sur le Levothyrox a été ouverte récemment pour tromperie aggravée, blessure involontaire et mise en danger d’autrui. Elle a été confiée à un juge d’instruction du pôle de santé publique du Tribunal de grande instance de Marseille. Ce dossier a été ouvert suite aux 7000 plaintes déposées par des patients au pénal.</p>
<p>Dans ce dossier, de nombreuses questions restent sans réponse, et les patients attendent maintenant l’enquête de la justice. Plusieurs facteurs ont pu être pointés comme étant à l’origine de la défiance : une <a href="https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Sciences-et-ethique/Levothyrox-lecons-crise-2017-10-10-1200883022">communication sommaire</a> des autorités sanitaires, une <a href="http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/09/07/pourquoi-le-medicament-levothyrox-fait-il-polemique_5182477_4355770.html">information trop brève aux médecins</a> de la part du laboratoire (un simple courrier en date du 27 février 2017), mais aussi le revirement du ministère de la Santé qui a finalement opté pour le retour sur le marché de l’ancienne formule.</p>
<p>Il convient en revanche de chercher plus loin, car l’ampleur prise par l’affaire de ce médicament destiné à suppléer un manque d’hormone thyroïdienne montre combien la relation entretenue par les citoyens avec les produits de santé est complexe. Elle vient questionner les rapports de confiance qu’entretiennent les citoyens avec l’industrie pharmaceutique, voire avec le système de santé en général.</p>
<h2>Qu’est-ce que la confiance ?</h2>
<p>Les relations de confiance entre le grand public et les sociétés pharmaceutiques sont souvent complexes car la confiance en elle-même est un terme difficile à analyser. <a href="http://academie-francaise.fr/">L’Académie française</a> définit la confiance comme une « espérance ferme que l’on place en quelqu’un, en quelque chose, certitude de la loyauté d’autrui », « sentiment d’assurance que donne la foi en l’avenir », voire comme une « croyance spontanée ou acquise en la valeur morale, affective, professionnelle d’une autre personne, qui fait que l’on est incapable d’imaginer de sa part tromperie, trahison ou incompétence ». La confiance présente donc des traits multidimensionnels : cognitif et émotionnel, économique et social et peut être ainsi confondue avec une multitude de synonymes, tels que l’empathie, la réciprocité, le respect, la solidarité et la fraternité.</p>
<p>Parce que la confiance entre deux amis, entre deux entreprises, entre deux organisations ne comporte pas souvent les mêmes enjeux, il est nécessaire de la définir selon un modèle de conceptualisation qui puisse s’adapter au plus grand nombre de relations (interpersonnelles, intra et interorganisationnelles). En 1995, le professeur en management Roger Mayer et ses collaborateurs proposent dans leur article, <a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/amr.1995.9508080335">« An integrative model of organizational trust »</a>, un modèle d’analyse de la confiance applicable à une majorité de niveaux relationnels. Dans cet article, il affirme que la confiance se trouve partout, dans toutes les relations et que la confiance d’un acteur A dans un acteur B implique souvent une dépendance du premier envers le deuxième ; le chercheur précise également que le risque ou l’investissement en quelque chose est nécessaire pour avoir confiance.</p>
<h2>Qu’en est-il de la confiance dans la santé ?</h2>
<p>S’agissant de la confiance dans les médicaments, voire dans la santé en général, les patients se retrouvent souvent dans une situation d’incertitude, voire de vulnérabilité face aux experts représentés par les autorités sanitaires, les médecins et les responsables des laboratoires pharmaceutiques. Cette vulnérabilité résulte de la dépendance des patients vis-à-vis de ces experts, une dépendance qui acquiert un certain sentiment d’urgence lorsque la santé est en jeu. Par exemple, les patients décident eux-mêmes s’ils font confiance ou s’ils se méfient d’un médecin ou d’un hôpital, alors même qu’ils n’ont pas le choix du médecin ou de l’hôpital.</p>
<p>De plus, concernant les médicaments, nous assistons souvent à un processus de <a href="http://www.lepoint.fr/sante/levothyrox-peut-on-encore-faire-confiance-aux-laboratoires-16-09-2017-2157454_40.php">glissement de la confiance</a> de la part des citoyens, qui fait qu’un cas individuel, un problème qui concerne un seul médicament peut remettre en cause toute l’industrie pharmaceutique. De multiples scandales sanitaires, comme celui du <a href="http://www.lefigaro.fr/sante/scandale-du-mediator.php">Mediator</a>, voire celui du <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/affaires-sensibles/affaires-sensibles-08-decembre-2014">sang contaminé</a> accentuent ce sentiment de défiance du public envers le système de santé.</p>
<p>La confiance du public dans la santé est une affaire complexe à cause des multiples acteurs du système, du rôle joué par des différents experts, voire des différentes couches de réglementation administrative. La multitude d’informations sur les <a href="https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1602302/fr/certification-des-sites-Internet-sante">sites Internet santé</a>, l’évolution de la recherche mais aussi l’éloignement relatif entre les multiples acteurs complexifient les relations entre le grand public et les experts de la santé. À titre d’exemple, en tant que consommateur nous avons souvent du mal à identifier les différentes entreprises pharmaceutiques et bien souvent nous découvrons leur existence seulement lors d’une controverse.</p>
<p>Des controverses comme celle du Levothyrox créent un contexte défavorable à l’installation d’un climat de confiance. Pour instaurer un terrain favorable à la confiance, les consommateurs ou les patients identifient dans un premier temps les parties prenantes auxquelles ils doivent faire confiance, tout en se munissant d’outils d’évaluation afin d’arriver à un état d’acceptation de leur vulnérabilité vis-à-vis des experts du système sanitaire.</p>
<h2>Canaux d’évaluation de la confiance : compétence, intégrité et bienveillance</h2>
<p>Le modèle proposé par le chercheur américain <a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/amr.1995.9508080335">Roger Mayer et ses collaborateurs</a> permet d’éclairer les biais d’évaluation de la confiance. Il établit ainsi trois grands canaux d’évaluation à travers lesquels un acteur A (le grand public, par exemple) peut faire confiance à un acteur B (les sociétés pharmaceutiques). Ces canaux d’évaluation sont : l’évaluation de la compétence de l’acteur B, de son intégrité et de sa bienveillance.</p>
<p>L’évaluation de la compétence concerne la croyance, la foi et l’attente de l’acteur A dans la capacité de l’acteur B à exécuter habilement une tâche particulière – dans le cas du Lévothyrox, il s’agit de la compétence du laboratoire à fabriquer la nouvelle formule.</p>
<p>Concernant l’évaluation de l’intégrité, l’acteur A doit s’assurer qu’il y a une cohérence entre ses valeurs et celles de l’acteur B, que la conduite de ce dernier est moralement acceptable pour le premier. Enfin, l’évaluation de la bienveillance concerne la capacité de l’acteur A à s’assurer que l’acteur B agira dans son propre intérêt, voire s’engagera à ne pas lui nuire.</p>
<p>Des évaluations positives du public (acteur A) vis-à-vis des sociétés pharmaceutiques (acteur B) sur ces trois critères rendraient le sentiment de vulnérabilité acceptable. À l’inverse, des évaluations négatives sur ces trois critères déclencheraient un refus de se rendre vulnérable, un désir d’éviter la situation en question, voire la mise en place d’un système de contrôle.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/215992/original/file-20180423-94157-1vbmbmz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/215992/original/file-20180423-94157-1vbmbmz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/215992/original/file-20180423-94157-1vbmbmz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/215992/original/file-20180423-94157-1vbmbmz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/215992/original/file-20180423-94157-1vbmbmz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/215992/original/file-20180423-94157-1vbmbmz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/215992/original/file-20180423-94157-1vbmbmz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La confiance du patient envers un médicament dépend de plusieurs facteurs.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/side-view-portrait-serious-woman-taking-1074553697?src=pYXyEPN-8NlT9-yuVh7U2A-1-57">Shutterstock</a></span>
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</figure>
<p>La confiance du public dans la santé est donc d’autant plus complexe que le public doit pouvoir juger de la compétence, de l’intégrité et de la bienveillance de différents acteurs : industriels, médecins, agences de réglementation… De plus, l’éloignement de ces acteurs, ainsi que les relations de confiance qui existent ou non entre eux-mêmes rendent les rapports de confiance avec le public encore plus problématiques.</p>
<h2>La responsabilité sociétale des sociétés pharmaceutiques</h2>
<p>Les sociétés pharmaceutiques sont responsables de la sécurité et de l’efficacité des produits qu’elles commercialisent, ce qui se traduit par une grande responsabilité envers leurs utilisateurs et la société. Au cours des dernières décennies, une série de controverses sur la sécurité de médicaments comme le <a href="http://www.lemonde.fr/mediator">Médiator</a> ou le <a href="http://www.lemonde.fr/economie/article/2005/08/20/le-laboratoire-merck-perd-son-premier-proces-sur-le-vioxx_681409_3234.html">Vioxx</a> ont mis en évidence des pratiques controversées, par exemple la non-publication des résultats d’essais cliniques négatifs ou des démarches de marketing qui pèsent sur le jugement de l’intégrité de l’industrie alors que, rappelons-le, une évaluation positive de l’intégrité par le public est essentielle pour instaurer la confiance.</p>
<h2>La nécessaire transparence des autorités de réglementation</h2>
<p>De leur côté, les autorités de réglementation sont des organismes indépendants comme l’<a href="http://www.ansm.sante.fr/">ANSM</a> et la <a href="https://www.has-sante.fr/portail">Haute Autorité de Santé</a> chargés d’examiner les données sur l’innocuité des produits avant et après leur commercialisation. Dans le cas du Levothyrox, l’ANSM a mis en place un <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A11995">numéro vert</a> en août 2017, une <a href="http://sante.lefigaro.fr/article/levothyrox-les-autorites-sanitaires-ouvrent-un-numero-vert">initiative saluée par les patients</a>, mais arrivée « trop tard » selon Beate Bartès, présidente de l’association <a href="https://www.forum-thyroide.net/">Vivre sans thyroïde</a>.</p>
<p>Par ailleurs, un autre élément qui peut affecter la confiance du public dans la santé est la proximité entre ces institutions et les autres acteurs, sociétés pharmaceutiques ou médecins. La transparence des autorités de réglementation permet d’éviter les <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/sante/conflits-d-interets-en-sante-une-transparence-bien-trouble_30141">éventuelles controverses sur des conflits d’intérêts</a> susceptibles d’effriter la confiance du public.</p>
<h2>La confiance du public envers les médecins</h2>
<p>La manière dont le public interagit avec les fournisseurs de soins de santé est très distincte de leurs interactions avec les autorités de réglementation ou les sociétés pharmaceutiques. Les interactions avec les fournisseurs de soins de santé comprennent la prescription de médicaments, ainsi que les soins (autres types d’interventions et thérapies). Habituellement, les patients acceptent leur situation de vulnérabilité en remettant un contrôle total ou partiel auprès d’un médecin. De nos jours, la confiance envers les médecins connaît une érosion avec l’avènement du <a href="http://projetsante.com/le-patient-expert">patient expert</a> qui s’informe de lui-même et qui demande souvent l’avis à plusieurs experts de la santé. L’existence d’une multitude de plates-formes Internet, <a href="http://forumsante.com/Forum">forums</a>, et <a href="http://blog-sante.info/">blogs de santé</a> présentant des informations souvent contradictoires rendent les rapports entre public et médecins d’autant plus compliqués.</p>
<p>Par ailleurs, une proximité importante entre les médecins et les sociétés pharmaceutiques influençant les habitudes de prescription ou la pratique du médecin crée un contexte défavorable à la construction d’une relation de confiance entre le public et le système de santé. De même, des relations très proches entre les médecins et les autorités de la santé peuvent entamer le sentiment de confiance du public.</p>
<p>Dans l’affaire du Levothyrox, une <a href="https://www.asso-malades-thyroide.fr/wordpress/wp-content/uploads/2017/10/L%C3%A9vothyrox-Circulaire.pdf">circulaire</a> diffusée le 11 octobre 2017 par le <a href="https://www.conseil-national.medecin.fr/">Conseil national de l’ordre des médecins</a> invite ces derniers à ne pas surestimer les effets secondaires du Levothyrox. Cette initiative a intrigué les représentants des associations de patients, comme Chantal L’Hoir, la fondatrice de l’<a href="https://www.asso-malades-thyroide.fr/wordpress/index.php/category/accueil/">Association française des malades de la thyroïde</a>), qui s’interroge sur l’<a href="https://www.asso-malades-thyroide.fr/wordpress/index.php/2017/10/20/levothyrox-les-consignes-confidentielles-du-conseil-de-lordre-aux-medecins/">indépendance des pratiques des médecins</a>.</p>
<h2>Les conditions du retour de la confiance</h2>
<p>Le cas du Levothyrox est ainsi révélateur de rapports de confiance problématiques entre les patients/consommateurs et les experts du secteur des médicaments, voire du secteur de la santé. Suivant le modèle proposé par le chercheur Roger Mayer, pour que le public regagne la confiance dans les sociétés pharmaceutiques, il faudrait tout d’abord créer les conditions nécessaires à des évaluations positives de la part du grand public sur la compétence, l’intégrité et la bienveillance des sociétés pharmaceutiques, voire des acteurs du système de santé en général. </p>
<p>Il faudra ainsi redoubler les efforts déjà mis en œuvre pour le <a href="https://www.innovasso.fr/dossier/comment-reinventer-la-relation-entre-associations-de-patients-%e2%80%a8et-patients-experts">développement de la relation entre patients et experts</a>, voire pour améliorer la <a href="https://www.reseau-chu.org/article/avis-dexperts-en-mode-interactif-rouen-co-construit-linformation-sur-les-soins-avec-les-patient/">communication entre les patients et les acteurs de la santé</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/95240/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raluca Batranu est chercheur post-doc pour la chaire "Public Trust in Health" soutenue par la Fondation Grenoble Ecole de Management, School for Business and for Society en partenariat avec le laboratoire pharmaceutique Bristol-Myers Squibb France.</span></em></p>L’affaire du Levothyrox a suscité la méfiance des citoyens envers les médicaments, au-delà des patients directement concernés. À quelles conditions la situation peut-elle changer ?Raluca Batranu, Chercheuse post-doctorante pour la chaire Public trust in health (Confiance collective dans la santé), Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/899312018-01-18T19:14:41Z2018-01-18T19:14:41ZAffaire Lactalis : pour en finir avec ces crises sanitaires à répétition<p>Dans l'affaire du lait pour bébé contaminé aux salmonelles, 30 nouvelles familles <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/alimentation/lait-infantile-contamine/info-franceinfo-lait-infantile-contamine-30-nouvelles-plaintes-de-familles-contre-lactalis_2609200.html">vont porter plainte</a> le 15 février contre le fabricant Lactalis et des enseignes de la distribution. Elles vont saisir le pôle santé publique du tribunal de grande instance de Paris. Le 14 février, c'est l’association de consommateurs Foodwatch, accompagnée de parents, qui <a href="http://www.lemonde.fr/economie/article/2018/02/14/l-association-foodwatch-porte-plainte-a-son-tour-dans-l-affaire-du-lait-contamine-lactalis_5256554_3234.html#piRvtEFej8mTx3M5.99">a déposé plainte auprès de cette instance</a>.</p>
<p>Lait infantile contaminé, effets secondaires survenus avec la <a href="https://theconversation.com/faut-il-saisir-la-justice-quand-on-est-victime-dun-medicament-86888">nouvelle formule du Levothyrox</a>, problèmes de santé chez les enfants des mères ayant pris de la <a href="https://theconversation.com/apres-le-mediator-la-depakine-65487">Depakine</a> durant la grossesse… Les affaires étiquetées – parfois trop rapidement – « crise sanitaire » se succèdent et donnent à nos concitoyens le sentiment de vivre dans un état de menace permanente.</p>
<p>Pourtant, le principe dit « de précaution » a été introduit dès 2005 dans notre Constitution. Il était censé nous permettre de dormir sur nos deux oreilles. Le législateur aurait-il échoué ? Comment expliquer ces crises à répétition ? Et pourrait-on s’y prendre autrement ?</p>
<p>Mieux explorer les bases de données comme celles de l’Assurance-maladie ou des hôpitaux pour détecter les problèmes avant qu’ils ne s’aggravent, doter de nouvelles compétences les professionnels envoyés sur le terrain en cas d’alerte, impliquer les citoyens dans la discussion des solutions : plusieurs pistes se dessinent pour limiter les crises, comme je l’esquisse dans <a href="https://www.presses.ehesp.fr/produit/sante-publique-questions/"><em>La santé publique en question(s)</em></a>, livre publié aux Presses de l’EHESP.</p>
<h2>Des crises qui se jouent des frontières</h2>
<p>Ces évènements peuvent avoir d’emblée un caractère international, comme la découverte d’oeufs contaminés par l’insecticide Fipronil, durant l’été 2017. Les élevages de poules concernés étaient situés surtout en Belgique et aux Pays-Bas, mais <a href="http://www.lemonde.fr/entreprises/article/2017/08/31/ufs-contamines-la-fraude-au-fipronil-remonte-a-septembre-2016_5179271_1656994.html">plus de 30 pays ont été touchés</a>, dont la France.</p>
<p>Les maladies transmissibles, notamment, se jouent des frontières. Après le choc que constitua la propagation d’une nouvelle pathologie transmissible, le sida, dans les années 1980, d’autres épidémies ont déclenché de fortes inquiétudes, plus ou moins justifiées : la maladie de Creutzfeldt-Jakob, plus connue comme la « maladie de la vache folle » (1996), le syndrome respiratoire aigu sévère ou SRAS (2003), la grippe aviaire H5N1 (2004) et la grippe porcine H1N1 (2009) – qui entraîna une vaste polémique sur l’utilité de la vaccination, la maladie d’Ebola (2014) qui suscita des débats sur l’impréparation de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et, plus récemment encore, le virus Zika (2015-2016).</p>
<p>Chacune de ces crises met à l’épreuve les capacités de collaboration entre les pays et questionne le rôle de coordination internationale de l’OMS ou, sur notre continent, de la Commission européenne. Ces instances se heurtent en effet aux prérogatives des États.</p>
<h2>De nombreuses structures créées à la suite du scandale du sang contaminé</h2>
<p>En France, un scandale reste imprimé dans la mémoire collective, celui du « sang contaminé », survenu en 1985, qui mit en cause la sécurité de la transfusion sanguine, en lien avec l’épidémie du VIH. À la suite de ce drame, de nombreuses structures destinées à protéger les citoyens contre les risques sanitaires ont vu le jour : agences d’expertise en santé publique, sur le médicament et les produits de santé, sur le risque environnemental ou au travail ; opérateurs nationaux comme l’Établissement français du sang (EFS) ou l’Agence de la biomédecine ; structures d’avis ou de conseil comme le Haut Conseil de santé publique (HCSP) ou la Haute Autorité de santé (HAS).</p>
<p>Plus décisif, le <a href="http://www.vie-publique.fr/th/glossaire/principe-precaution.html">principe de précaution</a> est inscrit, depuis 2005, dans la Constitution française. Il indique que l’absence de certitudes scientifiques ne doit pas retarder l’adoption de mesures « effectives et proportionnées ». Son enchâssement dans le texte fondateur de notre République doit, en théorie, permettre au gouvernement d’écarter à temps un nouveau danger potentiel.</p>
<p>On aurait pu penser, une fois ce texte adopté, ces leçons apprises et cette organisation mise en place, que les citoyens étaient à l’abri derrière des murs hauts et solides. Mais voilà, d’autres crises ont été révélées depuis : le Mediator, les <a href="http://www.france24.com/fr/20160502-france-justice-pip-protheses-mammaires-implants-jean-claude-mas-condamne-appel-quatre-ans">prothèses mammaires frauduleuses</a>, la Depakine, le Levothyrox, les oeufs au Fipronil, le lait contaminé par des salmonelles, pour ne citer que celles ayant eu un fort retentissement médiatique et politique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/202451/original/file-20180118-158531-1ab9x36.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/202451/original/file-20180118-158531-1ab9x36.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/202451/original/file-20180118-158531-1ab9x36.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/202451/original/file-20180118-158531-1ab9x36.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/202451/original/file-20180118-158531-1ab9x36.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/202451/original/file-20180118-158531-1ab9x36.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/202451/original/file-20180118-158531-1ab9x36.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Certains patients prenant du Levothyrox se plaignent d’effets secondaires à la suite du changement de formule intervenu en mars 2017.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/marseille-france-august-23-2017-new-703213291?src=QcTqPYfc_7RkT5PIjyL-KQ-1-0">shutterstock</a></span>
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<h2>Qu’à fait, que fait ou que va faire le gouvernement ?</h2>
<p>La nature de la crise varie. Elle peut impliquer un médicament, un dispositif médical, une vague de chaleur, un produit toxique présent dans l’environnement. À cette occasion, les pouvoirs publics sont souvent interpellés quant à leur connivence supposée avec des intérêts économiques (souvent l’industrie pharmaceutique ou agroalimentaire), leur incapacité à détecter rapidement les problèmes et leur incurie à réagir rapidement. Dans tous les cas, vient vite la question essentielle : qu’a fait, que fait ou que va faire le gouvernement, le (ou la) ministre de la Santé ?</p>
<p>On trouve aussi, à l’échelle d’une ville ou d’une région, des « mini-crises » ou urgences sanitaires. Elles peuvent résulter de causes infectieuses – c’est le cas de l’épidémie de tuberculose dans un établissement scolaire, des cas groupés de méningites, de l’intoxication alimentaire (toxi-infection). Elles peuvent aussi tenir à des situations environnementales avec un impact réel, supposé ou mal cerné, sur la santé du voisinage : installation d’une antenne relais de téléphonie mobile, pollution ancienne ou nouvelle d’un site, apparition de cas groupés de cancers ou de malformations congénitales…</p>
<p>Comme au niveau national, la population, les associations et les médias se tournent vers les pouvoirs publics (le maire, le préfet, parfois l’agence régionale de santé) et attendent une réaction rapide et efficace. Laquelle n’est pas toujours au rendez-vous.</p>
<h2>Le concept de « sécurité sanitaire » n’a pas trente ans</h2>
<p>Comment expliquer que la réponse des pouvoirs publics n’empêche pas les crises ? Si les catastrophes sanitaires ont existé de tout temps, il faut souligner que la notion de « sécurité sanitaire », elle, a moins de trente ans. Elle est en effet apparu pour la première fois dans la loi en <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000573437">1998</a>.</p>
<p>L'existence d'organismes ou agences dédiés à cette sécurité, clairement, ne résout pas tout. Il faut également développer des compétences spécifiques pour prévenir l’apparition de l’évènement ou, à défaut, le détecter rapidement. Or les méthodes, outils et métiers qui découlent de la « sécurité sanitaire » sont aussi récents que le concept lui-même.</p>
<p>Ainsi, une des manières d’évaluer rapidement si un produit, un aliment, un toxique est la cause d’un problème de santé est issue de l’épidémiologie. On l’appelle <a href="http://campusvirtuel.inspq.qc.ca/pages/mso-6353-epidemiologie-de-terrain">« l’épidémiologie de terrain »</a> (<em>field epidemiology</em> en anglais). Cette méthode consiste à repérer ce qu’on appelle des « signaux sanitaires » et à mener des enquêtes quasi policières (y compris de voisinage) en cas d’épidémies. Introduite en France à la fin des années 1980, elle peut rendre de grands services. </p>
<h2>Aller chercher l’aiguille dans la botte de foin… des données de l’Assurance-maladie</h2>
<p>L’avènement des nouvelles technologies de l’information devrait aider à mieux détecter des problèmes émergents. Il faut pour cela aller chercher l’information dans des bases de données massives qui peuvent contenir des millions de données (les <em>big data</em>), comme celles de l’Assurance-maladie ou des hôpitaux. C’est par ces méthodes que l’on a pu évaluer les <a href="http://sante.lefigaro.fr/actualite/2010/12/17/10611-mediator-etude-evoque-1000-2000-deces">maladies et décès en lien avec le Mediator</a>, ou mieux mesurer les effets des <a href="http://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/medicaments/focus-medicaments/article/les-contraceptifs-oraux">pilules contraceptives de 3ᵉ génération</a>. Ces outils permettent d’aller chercher une aiguille dans une botte de foin… virtuelle. Toutefois, l’analyse de ces données requiert des compétences toujours plus pointues, aux confins de la statistique, de l’épidémiologie et des mathématiques.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/202448/original/file-20180118-158522-12eaxye.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/202448/original/file-20180118-158522-12eaxye.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/202448/original/file-20180118-158522-12eaxye.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/202448/original/file-20180118-158522-12eaxye.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/202448/original/file-20180118-158522-12eaxye.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/202448/original/file-20180118-158522-12eaxye.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/202448/original/file-20180118-158522-12eaxye.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/202448/original/file-20180118-158522-12eaxye.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les risques liés aux pilules contraceptives de 3ᵉ génération ont pu être mesurés précisément grâce à l’exploration de bases de données de santé.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Contraception_orale#/media/File:Pilule_contraceptive.jpg">Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Dans la recherche de solutions pour éviter les crises, il faut prendre en compte la nécessité de décider rapidement dans une situation d’incertitude scientifique. Le gouvernement et ses ministres sont en effet sommés de répondre à l’injonction médiatique. Et ce, de plus en vite : dans la journée il y a quelques années, dans l’heure aujourd’hui ; et demain, dans les secondes qui suivent ?</p>
<p>À ce stade, les experts jouent un rôle clé. Ils doivent pouvoir renseigner précisément les pouvoirs publics sur des sujets aussi différents que l’impact d’antenne-relais de téléphonie mobile sur la santé des riverains ou l’ampleur des conséquences de l’utilisation de la Depakine chez les femmes enceintes. </p>
<h2>Des populations inquiètes, des lanceurs d’alerte véhéments, des lobbies qui s’activent</h2>
<p>Dans de telles situations, les pouvoirs publics ont à prendre des décisions en composant avec des populations inquiètes, des lanceurs d’alerte véhéments à force d’avoir été écartés, des associations mobilisées, des scientifiques livrant des informations partielles, parfois divergentes et dans un langage souvent obscur, des lobbies économiques qui s’activent pour accélérer ou freiner la décision, voire occulter des informations essentielles. </p>
<p>Pour mieux prévenir les crises ou limiter leur ampleur, un point crucial concerne la sensibilisation de la population. Celle-ci est de plus en plus pratiquée face aux risques dits « naturels », comme les ouragans, les tremblements de terre ou les éruptions volcaniques. Dans les zones où cette menace est importante, les populations sont préparées à les affronter.</p>
<p>Cette culture du risque peut s’acquérir. Ainsi, l’épisode de canicule de l’été 2003 a permis que soit définie une stratégie de sensibilisation des personnes vulnérables à la chaleur, ainsi que de leur entourage.</p>
<p>En Australie, l’augmentation inquiétante des cas de mélanome (cancer de la peau) chez les personnes à peau blanche a conduit les autorités sanitaires à mettre en place dès le plus jeune âge des programmes d’éducation face aux méfaits des rayons du soleil, insistant sur la nécessité de s’en protéger.</p>
<h2>Des citoyens mobilisés pour intervenir au cours de l’évènement</h2>
<p>Les citoyens ne doivent pas seulement être sensibilisés en amont. Ils doivent aussi être entendus, le moment venu, pour faire valoir leur point de vue au cours de l’événement. Trop souvent et trop longtemps, en France, les pouvoirs publics ont privilégié la culture du secret. Le cas du <a href="https://www.lci.fr/politique/30-ans-de-tchernobyl-comment-a-t-on-pu-affirmer-que-le-nuage-radioactif-ne-passerait-pas-la-frontiere-1508979.html">nuage radioactif de Tchernobyl</a> s’arrêtant miraculeusement à la frontière en constitue la caricature.</p>
<p>Ainsi, la méfiance des citoyens s’est développée vis-à-vis des informations délivrées par l’autorité, quelle qu’elle soit. Cette défiance a été amplifiée par Internet et les réseaux sociaux. Aujourd’hui, tout et son contraire peut circuler, l’information dite « officielle » se retrouvant bien souvent mise sur le même plan que la rumeur la plus farfelue.</p>
<p>Pour combattre la suspicion, il est nécessaire d’encourager l’appropriation collective de ces problèmes en organisant, chaque fois que nécessaire, une confrontation publique entre les connaissances scientifiques et les appréhensions ou convictions des citoyens. Contrairement aux craintes de certains décideurs, de tels procédés ne tournent pas systématiquement au pugilat et peuvent même… déboucher sur des consensus.</p>
<p>La France, qui dispose de la <a href="https://www.debatpublic.fr/son-role">Commission nationale du débat public</a> (CNDP), s’engage sur ce chemin, même si la manière de faire entraîne encore des critiques. Ainsi, la <a href="http://www.liberation.fr/france/2016/12/05/vaccination-le-rendez-vous-manque-de-la-concertation_1533114">concertation sur la vaccination</a> en 2016 ou bien, depuis le 18 janvier, les débats citoyens <a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/01/06/jacques-testart-l-avis-citoyen-devrait-etre-preponderant-dans-la-fabrication-de-la-loi-de-bioethique_5238172_3232.html">autour de la révision de la loi de bioéthique</a>, suscitent à la fois enthousiasme et protestations. Les pays pratiquant ce type de débat depuis de nombreuses années peuvent être une source d’inspiration.</p>
<h2>Des garanties pour les « lanceurs d’alerte »</h2>
<p>Un autre moyen d’éviter la répétition des crises consiste à offrir des garanties à ceux qui, les premiers, voient et avertissent d’un danger, les « lanceurs d’alerte ». Le cas du Mediator, <a href="https://theconversation.com/avec-la-fille-de-brest-personne-noubliera-le-scandale-du-mediator-69027">dénoncé notamment par le Dr Irène Frachon</a>, montre bien les attaques auxquelles peuvent être soumises les personnes qui dénoncent les effets néfastes d’un médicament ou d’un produit.</p>
<p>Il ne s’agit pas de déclarer benoîtement que tous les lanceurs d’alerte ont raison, mais de leur offrir la possibilité de s’exprimer sans danger pour eux-mêmes. Et surtout, de conduire les études nécessaires pour confirmer ou infirmer les risques qu’ils pointent. Cela implique, plus largement, que les <a href="https://theconversation.com/conflits-dinterets-il-faut-plus-de-transparence-dans-les-decisions-politiques-60464">pouvoirs publics</a> mais aussi le <a href="https://theconversation.com/conflits-dinterets-oui-la-recherche-peut-sen-debarrasser-60463">milieu de la recherche</a> se prémunissent contre l’influence des lobbies et les conflits d’intérêts.</p>
<p>Enfin, pour aider les autorités à prendre des décisions en conscience lors des crises sanitaires, l’expertise devrait être traduite, davantage qu’elle ne l’est aujourd’hui, en termes simples et concrets. Un langage clair doit permettre de mieux distinguer les connaissances acquises de celles relevant de l’incertitude scientifique. Et sur ce point, la balle est dans le camp des chercheurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/89931/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Chambaud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Lait pour bébé contaminé, Levothyrox, oeufs au Fipronil : les affaires menaçant notre santé se succèdent. Il existe pourtant des moyens de mieux anticiper ces problèmes, et de limiter leur ampleur.Laurent Chambaud, Médecin de santé publique, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/868882018-01-10T20:19:20Z2018-01-10T20:19:20ZFaut-il saisir la justice quand on est victime d’un médicament ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/200472/original/file-20171222-16483-uxkdvt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des patients se plaignent d'effets secondaires à la suite du changement de formule du Levothyrox. Les plaintes se multiplient. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/levothyrenoxhormone-replacement-therapy-blood-test-tube-772528906?src=QcTqPYfc_7RkT5PIjyL-KQ-1-7">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Les citoyens sont conscients <a href="https://theconversation.com/medicaments-dangereux-des-patients-plus-avertis-quon-le-croit-73262">des risques liés aux médicaments</a>. Impliqués dans leur santé, ils n’hésitent plus à chercher des responsabilités lorsqu’ils estiment être victimes d’effets secondaires indus en lien avec un traitement.</p>
<p>Un nombre croissant de patients se pose ainsi la question de demander réparation devant la justice. Dans le cas du Levothyrox, notamment, les plaintes se multiplient. Dernière en date : l’<a href="https://www.lequotidiendumedecin.fr/actualites/article/2018/01/02/levothyrox-des-patients-deboutes-en-haute-garonne_853778">action en référé</a> intentée par 23 personnes prenant ce médicament destiné à suppléer un manque d’hormone thyroïdienne, devant le tribunal de grande instance de Toulouse. Dans sa décision, rendue le 11 janvier, le tribunal a débouté les plaignants.</p>
<p>Aujourd’hui, des avocats spécialisés en santé proposent spontanément leurs services pour mener des actions collectives conjointes. Le principe consiste à rassembler de nombreux patients dont les actions, similaires, restent cependant individuelles. Une telle action est en cours, toujours à la suite du changement de formule du Levothyrox. Elle réunit déjà <a href="http://www.europe1.fr/societe/levothyrox-le-proces-au-civil-aura-lieu-le-1er-octobre-2018-3525479">plusieurs milliers de patients se plaignant de ses effets indésirables</a>.</p>
<p>Un autre type de procédure commune, « l’action de groupe », est également possible depuis la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000031912641&categorieLien=id">loi de modernisation de notre système de santé</a> adoptée en 2016, à condition d’être menée par une association de patients agréée. <a href="https://www.apesac.org/presse/annee-2017/311-depakine-les-victimes-perdent-une-premiere-manche-de-leur-action-de-groupe.html">La toute première</a> a été lancée contre un médicament de l’épilepsie, la <a href="https://theconversation.com/apres-le-mediator-la-depakine-65487">Depakine</a>.</p>
<p>Comme auparavant avec le Médiator (anti-diabétique), ou encore le Distilbène (contre les fausses-couches), de simples citoyens se retrouvent ainsi du jour au lendemain <a href="http://www.prescrire.org/Docu/DOCSEUROPE/20150222_VictimesEffetsIndesEtatLieux.pdf">face à des questions juridiques complexes</a>. Quelques notions de droit peuvent les aider à décider de mener une action, ou pas. En toute connaissance de cause.</p>
<h2>Des transactions à l’amiable</h2>
<p>En matière de médicaments, une large partie des contentieux s’arrête avant les tribunaux. L’affaire se solde par un accord entre les parties, au terme d’un protocole de transaction à l’amiable qui débouche sur une indemnisation contractuelle.</p>
<p>Le patient peut toutefois juger l’indemnisation insuffisante, ou bien avoir décidé dès le départ de porter l’affaire devant un tribunal. Il dispose de plusieurs possibilités pour agir. Il faut distinguer ici deux notions : la responsabilité civile, qui répare ou indemnise le dommage subi, et la responsabilité pénale, qui sanctionne le comportement d’une personne physique ou morale, par exemple une entreprise ou un hôpital.</p>
<p>Le civil et le pénal sont des voies indépendantes l’une de l’autre, avec leurs avantages et leurs inconvénients. Une affaire ne passe pas nécessairement par les deux. Le choix dépend, <em>in fine</em>, de ce que l’on souhaite obtenir : une réparation essentiellement financière (avec le civil), ou bien également morale (avec le pénal).</p>
<p>Un procès civil est réputé plus rapide. Mais le coût de l’expertise est à la charge du plaignant, sauf décision contraire en référé – c’est-à-dire selon une procédure d’urgence.</p>
<p>Un procès pénal est généralement plus long. Il présente cependant l’avantage d’être instruit préalablement par un juge d’instruction, ce qui signifie que les frais d’expertise sont pris en charge par le service public de la justice, donc par l’État.</p>
<h2>Pour le Levothyrox, des actions engagées au pénal et au civil</h2>
<p>Dans l’affaire du Levothyrox, des patients ont déjà engagé des actions au pénal en <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/levothyrox/levothyrox-c-est-l-urgence-qui-me-fait-deposer-plainte-rapidement-selon-l-avocate-des-plaignants_2372603.html">portant plainte contre X</a>, ou encore <a href="http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2017/11/12/97001-20171112FILWWW00083-levothyrox-plainte-contre-deux-ministres-francais.php">contre Merck (le fabricant du médicament) et contre deux ministres</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"943070666739380224"}"></div></p>
<p>D’autres ont engagé des actions au civil en <a href="https://www.ouest-france.fr/sante/medicaments/levothyrox-deuxieme-assignation-pour-le-laboratoire-merck-toulouse-5457873">référé</a> contre Merck. Dans ce cadre, le tribunal de Toulouse a condamné Merck le 14 novembre 2017, tandis que le tribunal de Saint-Gaudens (Haute-Garonne) <a href="http://www.lemonde.fr/sante/article/2017/12/26/levothyrox-la-justice-deboute-des-patients-souhaitant-obtenir-la-livraison-de-l-ancienne-formule_5234640_1651302.html">a débouté les plaignants</a>, le 26 décembre 2017. Les deux procédures se poursuivent en appel.</p>
<p>De son côté, l’association de patients <a href="https://www.forum-thyroide.net/">Vivre sans thyroïde</a> a annoncé avoir assigné en référé Merck devant le tribunal de grande instance de Paris pour obtenir « une expertise et la communication de divers documents sous astreinte afin de vérifier les affirmations avancées par le laboratoire et les pouvoirs publics. » Une audience <a href="https://www.lequotidiendumedecin.fr/actualites/article/2018/01/02/levothyrox-des-patients-deboutes-en-haute-garonne_853778">est prévue le 26 janvier</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"943636818976747520"}"></div></p>
<p>Une action collective de patients pour « défaut d’information » doit également être engagée au civil, toujours contre Merck. Le tribunal de Lyon <a href="http://www.europe1.fr/societe/levothyrox-le-proces-au-civil-aura-lieu-le-1er-octobre-2018-3525479">a fixé au 15 février</a> la date limite pour le dépôt de ces plaintes, et <a href="https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/levothyrox-plus-de-700-patients-ont-deja-saisi-la-justice-1515420736">700 dossiers y ont déjà été déposés</a> à ce jour.</p>
<h2>Au civil, il faut démontrer le lien entre le défaut du médicament et le préjudice subi</h2>
<p>Au civil, la personne s’estimant victime d’un médicament doit démontrer trois choses pour être indemnisée du dommage subi : la réalité du dommage, le défaut de sécurité du produit et enfin, le lien entre ce défaut et le préjudice. Cette phase d’expertises et de contre-expertises, incontournable, explique que le délai pour obtenir le jugement se compte en années. D’autant que la plupart des affaires jugées en première instance suivent le chemin classique du recours en appel, voire du pourvoi en cassation.</p>
<p>Au civil, donc, l’indemnisation des préjudices imputables aux médicaments obéit au régime de responsabilité du fait de produits défectueux. Celui-ci est issu d’une directive européenne de 1985, transposée en droit français en 1998. Seules les affaires concernant des médicaments mis en circulation avant le 30 juillet 1988, comme le <a href="http://www.lesfillesdes.com/wp-content/uploads/2017/11/Usagers-%E2%80%94-Les-victimes-du-me%CC%81dicament-veulent-le-sortir-du-champ-de-...pdf">Distilbène</a> – un médicament prescrit aux mères des victimes actuelles – ne sont pas jugées au regard de cette directive.</p>
<p>Le cas du vaccin contre l’hépatite B montre que les recours en indemnisation devant les juridictions civiles ne sont pas toujours fructueux pour les demandeurs. Des victimes de sclérose en plaques imputent leur maladie à ce vaccin, mais la Cour de cassation a confirmé le 18 octobre 2017 <a href="https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/premiere_chambre_civile_568/1101_18_37869.html">des arrêts de cour d’appel</a> ayant <a href="https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/premiere_chambre_civile_568/1103_18_37862.html">rejeté la demande d’indemnisation de plaignants</a>. Selon les juges, il n’existe pas d’éléments suffisamment pertinents pour retenir un lien de causalité entre la survenue de la maladie et la vaccination, ni pour caractériser le défaut du vaccin.</p>
<h2>L’idemnisation des préjudices subis</h2>
<p>Si le fabricant du médicament est condamné au plan civil, il reste à fixer le montant des indemnités destinées à réparer l’intégralité des préjudices subis, qu’ils soient physiques ou moraux. Pour cela, le juge s’appuie sur une nomenclature précise qui permet à tous les tribunaux à travers la France de rendre des décisions harmonisées.</p>
<p>Particulièrement précises, ces tables encadrent la réparation des préjudices dits patrimoniaux, c’est-à-dire des déficits fonctionnels permanents, comme la contribution d’une insuffisance aortique à l’essoufflement dans le cas du benfluroex, plus connu sous son nom commercial de Mediator, ou une infertilité dans le cas du Distilbène. Elles encadrent aussi la réparation des déficits fonctionnels temporaires, tels que les pertes de revenus subies durant l’interruption d’activité professionnelle, et des préjudices extrapatrimoniaux comme les souffrances endurées, le préjudice esthétique, le préjudice d’agrément empêchant de pratiquer une activité physique, le préjudice sexuel ou la perte d’espoir de réaliser une vie familiale normale.</p>
<p>Ces dernières années, de nouvelles notions sont apparues comme le <a href="http://www.vie-publique.fr/actualite/alaune/aide-aux-victimes-leurs-proches-vers-reconnaissance-du-prejudice-angoisse-20170314.html">préjudice d’anxiété</a>. Celui-ci reconnaît le dommage subi par une personne qui n’est pas malade, mais qui risque à tout moment de déclarer une pathologie liée au médicament qu’elle a consommé.</p>
<h2>Les magistrats des pôles santé de Paris et de Marseille</h2>
<p>Au pénal, la plupart des affaires impliquant des médicaments sont instruites par des magistrats de l’un <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/030745755485-dieselgate-levothyrox-dans-les-coulisses-du-pole-sante-2130315.php">des deux pôles spécialisés en santé publique</a>, Paris ou Marseille. Les plaintes au pénal visent le plus souvent le fabricant du médicament, mais elles peuvent aussi concerner des établissements publics (hôpitaux, agences sanitaires…), sachant que l’État, en tant que personne morale, est pénalement irresponsable.</p>
<p>Dans l’affaire du Levothyrox, devant la complexité des démarches, la justice elle-même a diffusé, en septembre 2017, une notice <a href="http://www.europe1.fr/sante/levothyrox-une-notice-diffusee-pour-aider-les-victimes-a-deposer-plainte-3443465">destinée à aider les patients dans leur dépôt de plainte</a>.</p>
<p>Une même affaire peut avoir un volet pénal, souvent plus long, en parallèle du volet civil ou administratif. C’est le cas du Mediator, affaire dans laquelle les procédures d’indemnisation engagées devant les juridictions civiles sont déjà à un stade avancé. Le dossier pénal, lui, n’en est qu’à l’instruction et le procès <a href="https://www.la-croix.com/France/Justice/Mediator-proces-vue-Servier-lAgence-medicament-2017-05-24-1200849887">ne devrait pas s’ouvrir avant 2019</a>. En matière de santé publique, toutefois, de nombreuses affaires se sont terminées… par un non-lieu ou une relaxe.</p>
<p>Une voie longue, incertaine… Mais alors, quel intérêt à aller au pénal ? Au-delà d’éventuelles condamnations, par exemple pour homicide involontaire, les parties civiles peuvent réclamer des dommages et intérêts au tribunal – sous réserve de n’avoir pas déjà été indemnisées pour les mêmes faits au civil. Cela peut être une manière d’obtenir réparation en cas d’échec au civil.</p>
<p>Dans un contexte tendu comme celui de l’affaire du Levothyrox, beaucoup de patients ont perdu confiance dans les sources d'information officielles et sont tentés par le dépôt d’une plainte. Saisir la justice reste cependant un processus complexe, même dans le cadre d’une action collective. Pour éviter des désillusions, il est bon, avant de se lancer, de mesurer ce qu’implique une telle initiative.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est publié en partenariat avec les <a href="https://cahiers.parisdescartes.fr/">Cahiers de l’Université Paris Descartes</a>, dont le dernier numéro est consacré au <a href="https://cahiers.parisdescartes.fr/le-medicament-revolution-sanitaire-et-sociale/">Médicament, révolution sanitaire et sociale</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/86888/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Peigné ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des patients engagent des actions en justice à cause du Levothyrox ou, avant lui, de la Depakine. Ces procédures peuvent-elles aboutir ? A quelles conditions, et dans quel délai ?Jérôme Peigné, Professeur en droit de la santé à la faculté de pharmacie, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/881402017-11-29T20:38:37Z2017-11-29T20:38:37ZUne nouvelle piste pour expliquer les effets indésirables du Levothyrox<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/196399/original/file-20171126-21795-180u4g8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Ancienne et nouvelle formule du levothyrox, un médicament notamment prescrit dans l'hypothyroïdie. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/marseille-france-august-23-2017-new-703213291?src=QcTqPYfc_7RkT5PIjyL-KQ-1-0">Gerard Bottino/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Environ 3 millions de personnes prennent, en France, du Levothyrox. On a réalisé à quel point ces patients étaient nombreux à l’occasion de la crise déclenchée par le <a href="https://eurekasante.vidal.fr/actualites/21000-levothyrox-levothyroxine-sodique-comprime-secable-nouvelle-formule-nouvelles-couleurs.html">changement de la formule de ce médicament</a> au mois de mars. 2 500 dossiers ont déjà été enregistrés dans une action collective pour « défaut d’information » <a href="http://www.leparisien.fr/aef/chutier/levothyrox-une-action-collective-s-organise-a-marseille-29-11-2017-7421556.php">qui sera engagée au civil contre le fabricant, Merck</a>, tandis que des plaintes ont <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/levothyrox/levothyrox-c-est-l-urgence-qui-me-fait-deposer-plainte-rapidement-selon-l-avocate-des-plaignants_2372603.html">été déposées</a> au pénal pour « non-assistance à personne en danger et mise en danger de la vie d’autrui ».</p>
<p>De nombreux patients se plaignent d’effets secondaires avec ce médicament, destiné à remplacer l’hormone produite par la thyroïde en cas <a href="https://www.forum-thyroide.net/">d’ablation de cette glande</a> située à la base du cou, ou bien à compenser une baisse de cette hormone – ce qu’on nomme l’<a href="https://eurekasante.vidal.fr/maladies/metabolisme-diabete/hypothyroidie.html">hypothyroïdie</a>. En attendant que les enquêtes menées par la justice aboutissent, plusieurs pistes <a href="http://sante.lefigaro.fr/article/levothyrox-des-pistes-pour-comprendre-la-crise/">ont été avancées</a> pour tenter de comprendre la survenue, avec la formule modifiée, de troubles du rythme cardiaque, de crampes musculaires, de problèmes intestinaux, de maux de tête ou de vertiges, par exemple une <a href="http://www.atoute.org/n/article362.html">différence dans la biodisponibilité</a> du médicament c’est-à-dire dans la diffusion du principe actif dans l’organisme. Mais à ce jour, ces hypothèses peinent à expliquer l’ampleur du phénomène.</p>
<p>Notre expérience dans le suivi à l’hôpital, sur 22 années, de plus de 5 000 patients touchés par une maladie héréditaire méconnue, le <a href="http://www.vivre-avec-le-sed.fr/le-sed-article-prof-hamonet.html">syndrome d’Ehlers-Danlos</a>, nous amène à formuler une nouvelle hypothèse. Des personnes traitées par Levothyrox pour une hypothyroïdie pourraient être porteuses de ce syndrome, sans avoir été diagnostiquées. Cette maladie serait alors à l’origine des effets indésirables observés, du moins pour certains patients.</p>
<h2>Le syndrome d’Ehlers-Danlos, maladie méconnue mais fréquente</h2>
<p>Le syndrome d’Ehlers-Danlos est fréquent, bien qu’il soit encore rangé par certains chercheurs dans les <a href="http://www.orpha.net/consor/cgi-bin/OC_Exp.php?Lng=FR&Expert=287">maladies rares</a>. Il concerne environ 2 % de la population <a href="http://claude.hamonet.free.fr/fr/sed_commentaires-classification-geneticiens.htm">selon l’estimation</a> de notre groupe de médecins, le <a href="http://www.gersed.com/notre-association">Groupe d’étude et de recherche du syndrome Ehlers-Danlos</a>, même si cette proportion peut varier en <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28906340">fonction de la classification retenue</a>. La maladie touche l’ensemble des tissus conjonctifs, qui représentent environ 80 % des tissus du corps humain, par exemple la peau ou les os. Ces tissus sont plus fins et plus fragiles, en raison notamment d’une modification du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Collag%C3%A8ne">collagène</a>, l’armature de ces tissus. Les symptômes apparaissent habituellement dans les premières années de la vie ; pourtant ces signes ne conduisent jamais au diagnostic, ou alors avec un retard considérable de… <a href="http://www.gersed.com/">21 ans en moyenne</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/zsZw5FmVyd8?wmode=transparent&start=1" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Les difficultés à reconnaître le syndrome d’Ehlers-Danlos chez un patient sont liées à la <a href="http://www.vivre-avec-le-sed.fr/cariboost_files/Plaquette__20symptome_2016.pdf">diversité des symptômes</a> et à l’absence de test biologique, à l'exception de certaines formes particulières.</p>
<p>Les descriptions initiales de la maladie ont été réalisées par des dermatologues, d’abord Nicolai Alexandrovich Chernogubow à Moscou (Russie) en 1891, puis Edvard Ehlers à Copenhague (Danemark) en 1900. Elles se concentraient <a href="http://www.gersed.com/images/doc-technique/doc-actu/SEDACTION_Def.pdf">sur l’hypermobilité des articulations</a> – une souplesse articulaire bien supérieure à la moyenne – et l’étirabilité de la peau.</p>
<p>Au cours des vingt dernières années, la conception de la maladie a beaucoup évolué sous l’influence de chercheurs de plusieurs pays, notamment Rodney Grahame à l’université de Londres (Grande-Bretagne), Daniel Manicourt à l’Université catholique de Louvain (Belgique), Antonio Bulbena à l’université autonome de Barcelone (Espagne) et Pradeep Chopra à l’université de Brown, à Rhode Island (États-Unis). Leurs travaux ont permis d’identifier de nombreuses autres manifestations de la maladie, par exemple des difficultés respiratoires qui peuvent être confondues avec l’asthme, ou des manifestations cardiaques comme la tachycardie. Le système endocrinien, dont la thyroïde fait partie, est aussi concerné.</p>
<h2>Un diagnostic fondé sur neuf signes caractéristiques</h2>
<p>La présence, chez un patient, de 5 au moins des 9 signes caractéristiques du syndrome d’Ehlers-Danlos permet de poser le diagnostic de manière fiable, comme montré <a href="http://www.academie-medecine.fr/wp-content/uploads/2017/03/17.2.28-HAMONET-site.pdf">dans notre communication à l’Académie de médecine</a>, le 28 février. L’absence de l’un d’entre eux ne peut l’éliminer, étant donnée la variabilité des tableaux cliniques.</p>
<p>Nous reprenons ici la description de ces neuf signes.</p>
<ol>
<li><p><a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28186390">Des douleurs</a> des articulations et autour des articulations, avec des localisations multiples (cou, épaules, coudes, poignets, doigts, dos, bassin, hanches, genoux, chevilles, pieds) de type chronique ou, à l’inverse, brèves et très violentes. Elles sont variables en intensité (souvent très fortes) selon la localisation, évoluant habituellement par crises sur un fond continu. Elles sont aggravées par l’activité physique, avec souvent un décalage au lendemain, et peuvent persister longtemps.</p></li>
<li><p>Une sensation de fatigue importante, présente dès le réveil, avec l’impression de pesanteur du corps, exagérée lors de crises imprévisibles, avec parfois des accès de somnolence dans la journée.</p></li>
<li><p>Des troubles du contrôle des mouvements volontaires, avec des maladresses et des heurts d’obstacles comme le chambranle de la porte, une déviation de la marche et parfois des chutes.</p></li>
<li><p>Une instabilité des articulations responsable de pseudo entorses (qui ne durent pas, contrairement aux entorses véritables), de blocages articulaires, de luxations ou de subluxations c’est-à-dire des débuts de luxation (incluant les craquements des articulations).</p></li>
<li><p>Une peau amincie, pâle, transparente, laissant voir le réseau veineux sur les avant-bras, au-dessus des seins et dans le dos. La peau est douce au toucher. Elle ne protège pas contre l’électricité statique, ce qui entraîne des sensations de décharge électrique au contact d’objets métalliques comme la portière d’une voiture, un caddy, ou lors du contact physique avec une autre personne.</p></li>
<li><p>Une hypermobilité des articulations, au moins dans l’enfance. Elle est plus ou moins diffuse, permettant par exemple de mettre un pied derrière la tête ou de faire le grand écart facial. Cette souplesse extrême a pu disparaître par la suite, ou bien être masquée par les douleurs ou les contractures. Son absence n’exclut pas le diagnostic. Des rétractions des muscles, par exemple des muscles fléchisseurs des genoux, des triceps ou des muscles fléchisseurs plantaires, sont même fréquentes, surtout chez l’enfant.</p></li>
<li><p>Des reflux gastro-œsophagiens, ou vomissements, qui peuvent survenir tôt dans la vie, par exemple lors de la prise des biberons.</p></li>
<li><p>Des ecchymoses étendues, ce qu’on appelle des « bleus », survenant pour des traumatismes minimes bien souvent passés inaperçus, ou <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Purpura">du purpura</a>, un semis de petites taches rouges sur la peau.</p></li>
<li><p>Des sens exacerbés, ce qu’on nomme l’hypersensorialité. Cela se traduit notamment par une intolérance aux bruits et une perception très fine des sons, ou <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Hyperacousie">hyperacousie</a>. Cela entraîne également des vertiges, survenant aux changements de position de la tête, compromettant l’équilibre postural.</p></li>
</ol>
<h2>Les pieds et les mains froids, des fièvres inexpliquées, des vergetures</h2>
<p>D’autres signes peuvent coexister et contribuent à l’identification du syndrome d’Ehlers-Danlos. Les pieds et les mains froids, signe d’une <a href="http://dictionnaire.academie-medecine.fr/?q=dysautonomie">dysautonomie</a>, souvent confondus avec un syndrome de Raynaud ; des palpitations, des sueurs, de la frilosité, des fièvres inexpliquées ; une grande sensibilité olfactive et au toucher ; une constipation ; des douleurs dans l’abdomen ou dans les côtes ; des troubles du sommeil ; de la dystonie, c’est-à-dire des tremblements ou des secousses musculaires, des contractures ; de la fragilité cutanée avec des troubles de cicatrisation ou des vergetures ; une étirabilité cutanée excessive ; des gencives qui saignent facilement ; des blocages respiratoires, des essoufflements ; des troubles de la vision binoculaire (capacité à utiliser les deux yeux pour voir nettement) ; des dents mal positionnées ou qui bougent ; le besoin d’uriner souvent ; pour les femmes, des douleurs lors des rapports sexuels, des accidents lors des accouchements ; des troubles cognitifs liés à la mémoire, l’attention, la concentration, l’orientation ; des troubles de l’affectivité ou du comportement comme l’<a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/8464956">anxiété</a>, l’émotivité ; des troubles du spectre autistique.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/5GXiu_XQTlA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Si nous avons dressé ici cette longue liste, c’est dans le but de mettre des personnes concernées – ou leurs médecins – sur la piste du syndrome. L'absence de diagnostic peut en effet avoir de <a href="https://juniperpublishers.com/tbd/pdf/TBD.MS.ID.555591.pdf">lourdes conséquences</a> pour la santé de ces personnes. Quand d’autres membres de la famille présentent des tableaux identiques – plus ou moins expressifs – cela vient renforcer la suspicion.</p>
<p>On le voit, les manifestations cliniques sont multiples et de ce fait, aboutissent à bien des erreurs de diagnostic. Certaines personnes touchées par la maladie ont un diagnostic psychiatrique, comme montré dans notre article <a href="https://www.omicsonline.org/open-access/ehlersdanlostschernogobow-syndrome-a-frequent-rarely-diagnoseddisease-whose-patients-are-often-the-victim-of-an-abusivepsychiatriz-2167-1044-1000275.php?aid=86653">publié en mars dans la revue <em>Journal of Depression and Anxiety</em></a> ou encore un diagnostic, là aussi erroné, d’une autre maladie physique. </p>
<p>Un diagnostic de fibromyalgie peut aussi être posé. Il s'agit en fait d'une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/BF03007247">appellation impropre</a> donnée par les rhumatologues au syndrome d’Ehlers-Danlos. Cette catégorisation a été réalisée par des chercheurs abusés par une conception ancienne du syndrome d’Ehlers-Danlos, longtemps vu comme une simple curiosité de la nature permettant de faire des numéros de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Contorsion">contorsionnisme</a>, et sans douleurs. Et malheureusement, elle perdure. </p>
<h2>L’hypothèse d’une confusion diagnostique entre deux maladies</h2>
<p>Pour en revenir à la crise du Levothyrox, il convient donc de se poser la question suivante : pourrait-il exister une confusion diagnostique entre l’hypothyroïdie et le syndrome d’Ehlers-Danlos ? Un nombre important des symptômes décrits se retrouvent en effet dans les deux maladies.</p>
<p>L’hypothyroïdie est caractérisée par la fatigue importante dès le réveil, les troubles du sommeil, les ronflements nocturnes, les troubles de la thermorégulation (extrémités froides, frilosité, hypothermie), la sécheresse de la peau et les modifications des phanères (ongles cassants, chute des cheveux), la constipation, la prise de poids, les douleurs articulaires, les crampes musculaires, les difficultés à avoir un enfant et la fréquence des fausses couches, les troubles de la sexualité, l’anémie, les troubles de la mémoire, de la concentration, un état dépressif.</p>
<p>Ces symptômes sont tous retrouvés, plus ou moins groupés, chez des patients avec un syndrome d’Ehlers-Danlos. Leur présence peut être à l’origine d’une erreur d’interprétation donnant lieu à un diagnostic erroné d’insuffisance thyroïdienne.</p>
<p>A l'inverse, on observe dans le syndrome d’Ehlers-Danlos des modifications morphologiques visibles à l’échographie, comme l’atrophie de la thyroïde. Par ailleurs, des nodules sont très banals dans cette maladie du conjonctif, tout comme les kystes. Il est donc possible que des diagnostics d’hypothyroïdie soient posés à tort devant un tableau de syndrome d’Ehlers-Danlos, notamment chez les sujets les plus jeunes.</p>
<h2>L’hypothyroïdie, l’une des expressions du syndrome d’Ehlers-Danlos ?</h2>
<p>Notre expérience auprès des patients et nos publications scientifiques nous conduisent à proposer, en plus, une autre hypothèse. L’hypothyroïdie pourrait être, en fait, l’une des modalités d’expression du syndrome d’Ehlers-Danlos. Autrement dit, la première relèverait du second, il ne s’agirait pas de deux maladies différentes. Le tissu conjonctif serait peut-être, là aussi, en cause.</p>
<p>En effet, arrêtons-nous un instant sur les principaux symptômes décrits par une partie des patients après la prise du nouveau Levothyrox. Ils ont été rendus publics en octobre par l’Agence nationale de sécurité du médicament <a href="http://ansm.sante.fr/S-informer/Actualite/Point-d-actualite-sur-le-Levothyrox-et-les-autres-medicaments-a-base-de-levothyroxine-Communique">sur la base des déclarations de pharmacovigilance envoyées par les patients</a>. Fatigue, insomnie, maux de tête, vertiges, douleurs articulaires et musculaires, chute des cheveux : ces signes se retrouvent dans le syndrome d’Ehlers-Danlos. On observe également parmi les déclarants une nette prédominance des femmes (<a href="http://www.leparisien.fr/societe/levothyrox-les-effets-indesirables-ne-sont-pas-dus-a-la-nouvelle-formule-selon-l-ansm-11-10-2017-7325268.php">soit 90,7 %</a>), comme dans le syndrome.</p>
<p>Il convient donc de s’interroger : les effets indésirables observés chez certains avec le nouveau Levothyrox ne sont-ils pas le fait de patients ayant un syndrome d’Ehlers-Danlos méconnu ? Il resterait, encore, à comprendre pourquoi ces réactions n’ont été signalées qu’avec le changement de formule. Étant donnée la population très importante de personnes atteintes non diagnostiquée en France, l’hypothèse mérite en tout cas d’être explorée. Les médecins formés à cette maladie voient en effet venir à eux de nombreux patients qui ont trouvé seuls, avec l’aide d’Internet, l’explication à leurs douleurs et autres problèmes de santé. Les interrogations autour de la nouvelle formule du Levothyrox sont, peut-être, une occasion de mettre certains patients sur la bonne voie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/88140/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claude Hamonet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les effets observés avec le changement de formule de ce médicament pourraient être, chez certains patients, en lien avec un diagnostic d’hypothyroïdie erroné.Claude Hamonet, Professeur émérite de médecine, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/838432017-09-14T20:34:16Z2017-09-14T20:34:16ZDes vaccins au Levothyrox : comment la panique sanitaire se propage<p>Ils sont 9 000 patients à avoir signalé des effets indésirables <a href="http://sante.lefigaro.fr/article/levothyrox-la-ministre-de-la-sante-annonce-9000-cas-d-effets-indesirables/">du Levothyrox</a>, le médicament pour la thyroïde, et beaucoup à réclamer le retour à l’ancienne formulation. Autre sujet de défiance : la vaccination. Dans notre pays, 39 % de la population estime que ses dangers sont supérieurs à ses bienfaits, selon le <a href="http://sante.lefigaro.fr/article/11-vaccins-obligatoires-les-francais-divises/">sondage le plus récent</a>.</p>
<p>C’est un fait : les Français remettent de plus en plus souvent en cause les informations officielles en matière de santé, en même temps que les recommandations des autorités sanitaires. On spécule sur <a href="http://www.rtl.fr/actu/societe-faits-divers/levothyrox-il-n-y-a-pas-de-fraude-de-complot-assure-agnes-buzyn-sur-rtl-7790045618">toutes sortes de raisons</a> qui pourraient expliquer ce phénomène : l’influence de lobbies agissant en sous-main – l’industrie pharmaceutique, les défenseurs des médecines douces ; d’habiles manipulations à visée politicienne, visant par exemple à déstabiliser le nouveau gouvernement ; le succès de la théorie du complot en général…</p>
<p>Soit. Mais l’ensemble de ces motifs ne suffit pas à expliquer des réactions aussi épidermiques. Dans le nouveau Levothyrox, le seul changement d’excipient (substance ajoutée au principe actif) <a href="http://www.atoute.org/n/article359.html">explique difficilement</a> que tant de personnes ressentent des effets secondaires très marqués. De même, comment comprendre que plus d’un tiers des Français soient <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/sciences-prospective/030537830395-vaccins-la-contagion-des-anti-2113078.php">réticents à se protéger</a> ou à protéger leurs enfants par la vaccination contre des maladies mortelles ?</p>
<p>Il ne s’agit pas de mauvaise foi de leur part, de faiblesse de raisonnement ni de délires collectifs. Mais bien d’une réalité psychologique, et même biologique : l’anxiété et la peur. Ces deux émotions sont ancrées au plus profond de notre ADN et de notre cerveau, car elles sont essentielles à la survie de notre espèce et à son adaptation au monde. Dans certaines situations, elles sont irrépressibles et impactent d’une manière qui peut sembler irrationnelle notre jugement, nos ressentis et nos comportements.</p>
<h2>Le cerveau en mode « panique »</h2>
<p>En mode « panique », le cerveau débraye et seule compte l’urgence de la mise à l’abri – l’analyse est remise à plus tard. Ceci s’observe clairement chez les personnes <a href="http://www.psycom.org/Espace-Presse/Sante-mentale-de-A-a-Z/Anxiete">souffrant de troubles anxieux</a>, mais ces phénomènes peuvent être à l’œuvre chez chacun d’entre nous quand des facteurs, parfois subtils, créent les conditions d’une menace grave potentielle.</p>
<p>En plus de déclencher l’alarme à l’intérieur de soi, la peur a vocation à protéger également les « congénères », en les prévenant du danger détecté. Comme toutes les émotions, elle est donc visible par les autres, grâce aux expressions du visage et à l’attitude générale du corps. Elle est même ressentie et transmissible inconsciemment, du fait de l’empathie.</p>
<p>En plus de cette contagion automatique de la peur, l’angoisse pousse à s’exprimer, à chercher une écoute et souvent du réconfort auprès de l’autre. Il est donc très difficile de ne pas la propager, même involontairement, autour de soi. Et il est trivial de rappeler que les outils modernes de communication et les réseaux sociaux offrent désormais une caisse de résonance infinie à cette tendance déjà naturelle au partage de la peur.</p>
<h2>L’anxiété n’est pas la peur</h2>
<p>Paniquer face à un prédateur ou à un feu de forêt, d’accord. Mais comment expliquer cette réaction avec un médicament, ou un vaccin ? C’est là qu’il faut différencier la peur de l’anxiété. La première est une émotion primaire et à proprement parler « animale ». Elle survient de manière soudaine et réflexe face au danger. La peur peut surgir en quelques dixièmes de secondes, et disparaître presque aussi vite si la menace est écartée.</p>
<p>Nous avons le même « système de la peur » que la plupart des animaux, tous les mammifères en tout cas, avec des <a href="http://lecerveau.mcgill.ca/flash/i/i_04/i_04_cr/i_04_cr_peu/i_04_cr_peu.html">bases cérébrales</a> (cerveau limbique) et hormonales (adrénaline, cortisol…) similaires. En revanche, l’anxiété est le propre de l’humain au cerveau surpuissant, capable de se savoir en vie mais aussi de savoir qu’il va mourir. L’homme possède cette aptitude à garder à jamais en mémoire le souvenir d’une peur violente de quelques secondes, et de la projeter dans l’avenir pour se protéger d’un danger potentiel.</p>
<p>L’anxiété, c’est la peur plus le langage ; c’est la peur anticipée et aussi la peur fantasmée, car l’imaginaire joue chez l’humain un rôle majeur dans sa perception du monde. Pour le meilleur en général, mais parfois pour le pire. C’est là le résultat d’un dialogue complexe et permanent entre le cerveau « du haut », le cortex préfrontal qui calcule, anticipe, pense, essaie de prendre les meilleures décisions ; et le cerveau « du bas », le système limbique qui observe, ressent, rêve, se souvient et vit le monde plus avec les tripes qu’avec des équations logiques.</p>
<h2>Les médicaments, la sécurité de nos aliments, sources d’anxiété</h2>
<p>L’anxiété a donc le même impact sur notre capacité à raisonner que la peur, même si ses effets se produisent à bas bruit et de manière plus pernicieuse. Et cela d’autant plus sur une question majeure comme celle de la santé, qui touche aux maladies et à la mort. Cette thématique est toujours en tête des préoccupations de la majorité d’entre nous, que l’on soit normalement ou maladivement anxieux, voire phobique. Tous les sujets qui s’en rapprochent, comme les médicaments, les infections ou la sécurité de nos aliments, sont des générateurs d’anxiété sans équivalent.</p>
<p>Dans le cas du Lévothyrox, même si le tour de la question pharmacologique n’a pas encore été totalement fait, tout concourt à créer les conditions d’une <a href="https://www.lequotidiendumedecin.fr/actualites/article/2017/09/12/levothyrox-linitiative-du-dr-guerin-endocrinologue-pour-calmer-la-panique_850158?xtor=EPR-2-%5BNL_a_la_une%5D-20170912">panique collective</a>. Les antécédents de <a href="https://theconversation.com/medicaments-dangereux-des-patients-plus-avertis-quon-le-croit-73262">scandales sanitaires</a>, tout d’abord, autour de médicaments dont les dangers ont été longtemps cachés comme le Mediator. Le flot d’information et de <a href="http://www.lexpress.fr/actualite/societe/sante/levothyrox-on-nous-empoisonne-a-petit-feu_1941672.html">témoignages</a> inondant les réseaux sociaux et Internet à chacune de ces affaires ne peuvent que nourrir les inquiétudes.</p>
<p>Ensuite, certains éléments biologiques propres au traitement de la thyroïde jouent. Car de <a href="http://www.atoute.org/n/article359.html">faibles variations de dosage</a> de l’hormone thyroïdienne, sans être graves pour l’organisme, suffisent chez certaines personnes à provoquer des symptômes anxiogènes, par exemple de la fatigue ou des palpitations. La mécanique de l’anxiété, aggravée par l’effet nocebo, peut alors se mettre en marche, avec un cercle vicieux dans lequel les symptômes ressentis créent de la peur, aggravant elle-même les symptômes en retour.</p>
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<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"905156469087186945"}"></div></p>
<h2>Pas des malades imaginaires</h2>
<p>Il ne s’agit en rien de malades imaginaires, leurs symptômes existent bel et bien. Cependant une bonne part d’entre eux, comme les migraines ou les nausées, sont suscités par l’<a href="http://blogensante.fr/2013/09/30/definition-de-leffet-nocebo/">effet nocebo</a>, l’inverse de l’effet placebo. Le mot fait référence aux troubles accompagnant la prise d’un médicament mais non liés à des effets pharmacologiques directs. Ils sont liés indirectement au médicament, du fait des craintes du patient à son égard, ou simplement de l’image négative qu’il peut en avoir. Cet effet est scientifiquement reconnu. Il est observé dans de nombreuses études où les sujets reçoivent, sans le savoir ou même parfois en le sachant, une substance inactive et ressentent pourtant, dans <a href="https://pharmacomedicale.org/66-pharmacologie/medicaments-alternatifs/placebo/161-toxicite-effet-nocebo">plus de 15 % des cas</a>, des maux de tête, des vertiges ou des troubles digestifs divers.</p>
<p>Et, tout comme l’effet placebo repose sur la <a href="https://www.revmed.ch/RMS/2011/RMS-301/Effet-placebo-analgesique-apport-des-neurosciences">production par l’organisme de diverses substances</a> bien réelles, notamment les endorphines, l’effet nocebo s’accompagne de modifications cérébrales et hormonales attestant de sa nature physiologique, en plus de sa dimension psychologique.</p>
<p>Dans le cas du refus de vaccination, le phénomène est du même ordre, avec cependant une nuance : il s’agit d’un effet qu’on pourrait presque qualifier de nocebo par anticipation, et même par procuration dans le cas de parents s’opposant à la vaccination de leurs enfants. Les débats souvent passionnés et confus sur la potentielle toxicité des vaccins ont créé les conditions de l’anxiété ou au moins <a href="https://theconversation.com/defiance-a-legard-de-la-vaccination-retour-sur-lexperience-participative-de-2016-80382">d’une méfiance maintenant latente</a> et quasi généralisée.</p>
<p>L’appréciation des bénéfices et des risques des vaccins est par ailleurs biaisée par le fait qu’ils sont victimes de leurs succès initiaux. La plupart des maladies infectieuses graves s’étant raréfiées grâce à une très bonne couverture vaccinale, il est difficile aujourd’hui de comparer objectivement les avantages potentiels à des inconvénients redoutés, parfois surmédiatisés. Enfin, quand il s’agit d’enfants et plus encore de bébés, la réaction naturelle de peur des parents est plus forte – et se double de la volonté de les protéger. Engendrant ainsi des réactions avant tout émotionnelles.</p>
<p>Ces phénomènes de paniques sanitaires risquent de s’étendre, d’autant qu’ils sont exploités par certains de bonne ou de moins bonne foi, qu’ils soient médecins, politiques ou militants. Il est donc essentiel que les pouvoirs publics prennent la mesure de ce risque, en identifiant ses facteurs psychologiques et émotionnels et en anticipant les réactions, aussi bien au niveau individuel que collectif. Les explications viennent trop souvent après coup, comme la conférence de presse tardive de la <a href="http://www.marieclaire.fr/conference-presse-agnes-buzyn-levothyrox,1227948.asp">ministre de la Santé</a>, Agnès Buzyn, à propos du Lévothyrox. Et donc trop tard.</p>
<p>Désamorcer le phénomène passe avant tout par l’écoute et l’information, seuls traitements réellement efficaces contre l’anxiété. Les principaux acteurs de cette prévention doivent être les médecins, les infirmiers ou encore les pharmaciens. Les professionnels de santé sont les premiers à être alertés des inquiétudes de la population, et on doit leur fournir les moyens d’y répondre au plus vite. Plus globalement, nous y gagnerions tous si la formation à la santé et la compréhension de la psychologie et des émotions humaines faisaient partie de l’éducation de tous les citoyens, à l’école notamment.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/83843/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Pelissolo a reçu ces trois dernières années des financements (rémunérations pour des travaux de recherche ou de formation, ou invitations à des réunions scientifiques) des laboratoires pharmaceutiques Biocodex, Lundbeck, Servier, Janssen-Cilag, Astra-Zeneca, Medtronic France et de la société de communication en santé Pascaleo.</span></em></p>La méfiance vis-à-vis des médicaments se nourrit des scandales passés et du défaut d’information. Des conditions idéales pour produire des réactions collectives de peur et d’anxiété.Antoine Pelissolo, Professeur de psychiatrie, Inserm, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/671282016-10-19T19:59:23Z2016-10-19T19:59:23ZPourquoi le pamplemousse et les médicaments font mauvais ménage<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/141903/original/image-20161016-30249-1ctsb66.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/destinysagent/1879350215/in/photolist-3S5akV-tLL5T-78NvuN-7otBRf-5Y8JpU-mXV7vy-iYXu8V-4bXuin-8RY4j-8vhzYo-7PjS3p-6BQ9q5-2kHKS9-e4LhTC-5BjtTr-8ssxgY-9zgRt1-daR7xs-4Syk3A-6Mb9kH-6HMjYj-7m1wn1-5ZGZ1W-e93yZb-2kEr1K-473yBo-5vncg5-K8Ph7-edghWr-4zbBN9-3HaVQM-8KFSMV-7vGwth-7Ka6av-63BUjM-fW3w7-vJJcZA-ced2Tm-edggYv-78qeGM-4J5A2s-9fdZgv-kh2gx6-cjL4rd-jkBSdF-6MUwJN-5dxTw-5ehdSy-8JUVHx-8RQKC">Steve Smith/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p><em>Quand les médecins prescrivent un médicament, ils précisent souvent s’il faut le prendre pendant ou en dehors des repas. Dans l’extrait du livre <a href="https://www.tallandier.com/livre-9791021020856.htm"><em>Les médicaments en 100 questions</em></a> (Editions Tallandier) que nous publions ici, l’auteur, professeur de pharmacie, explique pourquoi. Il se penche sur la manière dont le contenu de notre assiette augmente ou diminue l’efficacité des comprimés que nous avalons. Et donne quelques précieuses recommandations.</em></p>
<p><br>Pour beaucoup de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/medicaments-21224">médicaments</a>, la prescription est assortie de la consigne : à prendre avant, pendant ou après le repas. Cette préconisation tient le plus souvent aux effets du repas sur l’efficacité du médicament. Ce sont essentiellement ceux absorbés par voie orale, c’est à dire par la bouche, comme les comprimés, les gélules ou les sirops, qui sont concernés par les interactions avec l’alimentation.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/179967/original/file-20170727-25725-66yid9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/179967/original/file-20170727-25725-66yid9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/179967/original/file-20170727-25725-66yid9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/179967/original/file-20170727-25725-66yid9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/179967/original/file-20170727-25725-66yid9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/179967/original/file-20170727-25725-66yid9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/179967/original/file-20170727-25725-66yid9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/search/grapefruit?photo=lPGVTaptCuk">Cala/Unsplash</a></span>
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<p>Néanmoins, certains aliments interfèrent avec la métabolisation des médicaments par le foie quelle que soit la voie d’administration, y compris en perfusion intraveineuse. C’est le cas <a href="http://www.prescrire.org/fr/3/31/47993/0/NewsDetails.aspx">du pamplemousse</a>, comme l'a rappelé le 18 juillet <a href="https://www.fda.gov/ForConsumers/ConsumerUpdates/ucm292276.htm">une alerte de l'autorité sanitaire américaine</a>, la Food and drug administration (FDA). Un préalable important de l’action des médicaments repose sur une bonne absorption, permettant aux molécules actives d’atteindre la circulation générale de l’organisme. Il faut donc tenir compte du risque de l’influence des aliments en général, et de certains en particulier, sur la quantité de médicament absorbé et sur la vitesse de cette absorption.</p>
<p>Ces modifications sont d’autant plus à prendre en compte qu’on a affaire à des médicaments à marge thérapeutique étroite – c’est-à-dire que leur dose minimale efficace est très proche de leur dose maximale tolérable par l’organisme. C’est le cas des anti-épileptiques ou des immunosuppresseurs (utilisés dans la prévention ou le traitement du rejet de greffe de cœur, rein, foie, moelle osseuse ou cornée, et le traitement des maladies auto-immunes).</p>
<h2>Des médicaments absorbés au niveau de l’intestin grêle</h2>
<p>L’absorption des médicaments <a href="http://www.unitheque.com/UploadFile/DocumentPDF/B/A/UFMJ-9782294719578.pdf">s’opère majoritairement dans l’intestin grêle</a>, à la sortie de l’estomac. Pour schématiser, on peut dire que plus un médicament est soluble dans l’eau, moins il traverse la barrière intestinale, donc moins il est actif – il sera éliminé en grande partie dans les urines. En revanche, un médicament quasi huileux franchira aisément la muqueuse intestinale pour passer dans le sang.</p>
<p>Certains aliments affectent directement cette propriété. Ainsi, lorsqu’à la faveur d’un repas, le pH de la lumière intestinale (l’intérieur de ce tuyau qu’est l’intestin) augmente, ce qui signifie que le niveau d’acidité diminue, certains médicaments voient leur passage facilité. Pour d’autres, au contraire, l’effet est inverse : ils sont freinés, voire empêchés. Il convient, par exemple, d’être prudent avec les médicaments contre le VIH, souvent sensibles à ces modifications.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/141905/original/image-20161016-30266-f98nwl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/141905/original/image-20161016-30266-f98nwl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=453&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/141905/original/image-20161016-30266-f98nwl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=453&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/141905/original/image-20161016-30266-f98nwl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=453&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/141905/original/image-20161016-30266-f98nwl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=569&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/141905/original/image-20161016-30266-f98nwl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=569&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/141905/original/image-20161016-30266-f98nwl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=569&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Mieux vaut éviter de boire du café avec ses médicaments. Un verre d’eau est préférable.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/umami88/488134154/in/photolist-K8Ph7-edghWr-4zbBN9-3HaVQM-8KFSMV-7vGwth-7Ka6av-63BUjM-fW3w7-vJJcZA-ced2Tm-edggYv-78qeGM-4J5A2s-9fdZgv-kh2gx6-cjL4rd-jkBSdF-6MUwJN-5dxTw-5ehdSy-8JUVHx-8RQKC-6Mpn32-8VEPS4-4opwQT-csmYA-5Y868W-BZ9SGq-bwLNPV-jMASkG-7ASeEn-tXjco-8PWVUb-d2GHqJ-8eE2f1-oZbR9Z-7RpKTn-9tHgU-btytAk-as7nti-8RVm8-dqVWwn-9thSfQ-6SoRFP-dqVWq2-9S3wJx-8jUqxL-8RWoe-8csesi">Umami/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<p>La présence dans le tube digestif de certains éléments comme le calcium (apporté notamment par les laitages) empêche la <a href="http://www.revmed.ch/RMS/2009/RMS-220/Antibiotherapie-interactions-medicamenteuses-et-alimentaires">bonne efficacité de certains antibiotiques</a> comme les tétracyclines ou les fluoroquinolones. L’absorption des biphosphonates, utilisés en rhumatologie, est, elle aussi, fortement compromise par la présence de calcium. Le lait n’est donc pas souhaitable, mais le jus d’orange ou le café ne font pas mieux… Le matin, pour faciliter l’absorption de ces médicaments, rien ne vaut un simple verre d’eau.</p>
<p>La consommation excessive d’alcool est irritante pour la muqueuse digestive et augmente le passage des médicaments en raison d’une vasodilatation. Elle ralentit également la vidange gastrique, avec un effet inverse : elle renforce la métabolisation hépatique des médicaments, diminuant ainsi leur efficacité.</p>
<p>Et les graisses ? Certains médicaments voient leur absorption accrue en leur présence et d’autres, au contraire, diminuée. Pas de règle générale, donc. Les fibres ? D’une manière générale, elles retardent et/ou diminuent l’absorption des médicaments. C’est particulièrement vrai pour les hormones thyroïdiennes.</p>
<h2>Eviter les excès alimentaires</h2>
<p>Au total, pour « s’en sortir » quand on n’est pas un expert en pharmacologie : l’absence d’excès alimentaires, la régularité de l’heure des repas, l’utilisation de l’eau plutôt qu’une autre boisson, sont autant de facteurs de sécurité, en particulier lorsqu’on doit prendre des médicaments pour un traitement de longue durée.</p>
<p>À titre de repères, voici quelques recommandations parmi les plus utiles.
Sont à prendre à distance des repas (plus d’une heure avant ou plus de deux heures après) : Erythromycine (Erythrocine), Isoniazide (Rimifon), penicillamine (Trolovol), rifampicine (Rifadine).
Il faut avaler les médicaments suivants en dehors de l’absorption de tout produit laitier, sauf si le médicament est pris pendant le repas : les quinolones (Ciflox, Izilox, Oflocet, Peflacine, Tavanic).
À prendre pendant les repas : Pristinamycine (Pyostacine), atovaquone (Wellvone), artemether-lumefantrine (Riamet), levodopa (Modopar,Sinemet).
À prendre environ trente minutes avant le petit déjeuner avec un verre
d’eau : Thyroxine (Levothyrox), diphosphonates (Fosamax, Actonel, Clastoban).</p>
<p>Avant de prendre un médicament, on demande de toute façon conseil à son pharmacien. Si on a oublié de le faire, la notice d’information présente dans la boîte ou <a href="http://ansm.sante.fr/Services/Repertoire-des-medicaments">accessible sur Internet</a> donnera toutes les informations utiles à la sécurité des prises.</p>
<h2>Attention au pamplemousse</h2>
<p>Le cas particulier de <a href="http://www.jle.com/fr/revues/med/e-docs/interactions_medicaments_pamplemousse_305882/breve.phtml">l’effet du pamplemousse</a> mérite d’y revenir plus longuement. Le pamplemousse a une saveur caractéristique, notamment due à une substance de la famille des flavonoïdes, la naringénine, présente dans le fruit en combinaison avec un sucre pour donner la naringine, deux substances pratiquement absentes dans les autres agrumes : oranges, citrons ou mandarines. Outre la présence de vitamine C, cette particularité fait du pamplemousse un fruit très précieux pour son action contre les radicaux libres. Mais il est préférable d’éviter l’excès de pamplemousse lors d’une prise régulière de médicaments.</p>
<p>En effet, naringénine, naringine et autres flavonoïdes comme la paradisine et, surtout, la bergamottine, présents dans le jus de pamplemousse, peuvent constituer un danger car ils modifient la réaction de l’organisme à l’égard de certains médicaments. Cette particularité a été découverte il y a seulement une vingtaine d’années. On a en effet constaté qu’un médicament destiné au traitement de l’angine de poitrine devenait toxique, provoquant hypertension, troubles du rythme cardiaque, maux de tête… chez des buveurs réguliers de jus de pamplemousse.</p>
<h2>Certaines statines concernées</h2>
<p>Seuls certains médicaments sont concernés. Ceux de la famille de la nifédipine (Adalate), dilatateurs des coronaires et destinés au traitement de l’hypertension artérielle, voient leur activité augmentée. C’est aussi le cas pour l’amiodarone (Cordarone), qui traite certains troubles du rythme cardiaque. Des médicaments anti-cholestérol (statines), atorvastatine (Tahor), mais surtout simvastatine (Zocor), sont concernés – mais pas la pravastatine (Elisor).</p>
<p>La ciclosporine (Neoral), un médicament antirejet utilisé dans les greffes d’organes ou certaines maladies immunitaires, voit son effet également augmenté. Même chose pour la cortisone. Enfin, indinavir (Crixivan) et saquinavir (Invirase), deux antiviraux utilisés contre le VIH, sont moins bien éliminés, donc plus toxiques, s’ils sont absorbés avec du jus de pamplemousse.</p>
<p>L’interaction du pamplemousse repose sur le blocage de certains membres d’une famille d’enzymes, les cytochromes P450, puissants agents du métabolisme des médicaments. Si ces cytochromes, localisés dans le foie ou l’intestin grêle, sont bloqués, l’élimination du médicament est réduite ou arrêtée et l’activité du médicament est accrue, ce qui peut faire apparaître des réactions toxiques.</p>
<h2>Des effets sur plusieurs jours</h2>
<p>Malheureusement, cette situation varie d’un malade à un autre et il est toujours délicat de modifier la posologie recommandée d’un médicament. En pratique, il suffit de boire deux verres de jus de pamplemousse pendant deux jours pour observer une interaction significative ! Et parfois de manière dramatique.</p>
<p>De plus, trois à sept jours sont nécessaires pour dissiper ces effets. Au total, le jus de pamplemousse est une excellente boisson, très intéressante pour ses propriétés nutritives et « détox ». Mais si l’on prend des médicaments, il est préférable de l’éviter. Le jus d’orange peut, jusqu’à preuve du contraire, le remplacer très efficacement et sans danger.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/137915/original/image-20160915-30600-1a5af2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/137915/original/image-20160915-30600-1a5af2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=923&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/137915/original/image-20160915-30600-1a5af2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=923&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/137915/original/image-20160915-30600-1a5af2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=923&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/137915/original/image-20160915-30600-1a5af2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1160&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/137915/original/image-20160915-30600-1a5af2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1160&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/137915/original/image-20160915-30600-1a5af2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1160&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Couverture du livre, paru le 15 septembre 2016.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Tallandier</span></span>
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</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/67128/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Chast ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Certains traitements voient leurs effets modifiés quand on consomme du pamplemousse en même temps. Le contenu de notre assiette joue un rôle dans l'efficacité des médicaments.François Chast, Professeur de pharmacie, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.