tag:theconversation.com,2011:/us/topics/macedoine-du-nord-73815/articlesMacédoine du Nord – The Conversation2022-03-10T20:34:16Ztag:theconversation.com,2011:article/1788422022-03-10T20:34:16Z2022-03-10T20:34:16ZL’Ukraine peut-elle adhérer rapidement à l’UE ?<p>Ce 16 juin 2022, durant leur visite commune à Kiev, les dirigeants de la France (présidence en exercice de l’Union européenne), de l’Allemagne, de l’Italie et de la Roumanie ont <a href="https://www.lemonde.fr/international/live/2022/06/16/guerre-en-ukraine-en-direct-zelensky-confirme-sa-presence-au-prochain-g7-apres-sa-rencontre-avec-macron-scholz-et-draghi_6130539_3210.html">exprimé leur soutien à la candidature de l’Ukraine à l’UE</a>.</p>
<p>Le 28 février dernier, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait <a href="https://www.bfmtv.com/international/le-president-zelensky-demande-officiellement-l-integration-de-l-ukraine-a-l-union-europeenne_AN-202202280549.html">signé</a> la demande d’adhésion de son pays à l’Union européenne. Une demande que l’UE avait immédiatement <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/union-europeenne/union-europeenne-examen-de-la-candidature-de-l-ukraine-la-georgie-et-la-moldavie_4998546.html">commencé à examiner</a>.</p>
<p>À présent que plusieurs dirigeants européens de premier plan ont réitéré leur appui à cette idée, faut-il penser que les 27 seront très bientôt 28 ? Ce n'est pas si simple.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quelle-communaute-politique-europeenne-pour-lavenir-183049">Quelle « Communauté politique européenne » pour l’avenir ?</a>
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<p>Il faut faire la distinction entre une perspective européenne, qui est certaine, et une procédure d’adhésion à l’UE, inévitablement plus complexe. Bien entendu, l’<a href="https://www.doctrine.fr/l/traite-union-europeenne/article-49/UE_TUE_49">article 49 du Traité sur l’Union européenne</a> donne à tout État européen partageant les valeurs de l’Union la possibilité d’y adhérer. En ce sens, la demande de l’Ukraine est légitime. Par ailleurs, l’Ukraine a gagné la sympathie des Européens depuis la <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/l-euromaidan-ou-la-revolution-ukrainienne-pour-la-democratie">révolte de Maidan en 2014</a> et, plus encore, depuis le début de l’invasion russe le 24 février dernier.</p>
<p>Toutefois, s’il est de plus en plus certain qu’un jour l’Ukraine sera membre de l’UE, son intégration n’est sans doute pas pour demain. L’article 49 prévoit en effet une procédure qui empêche une adhésion « express ». Quelques éléments de réponse aux principales questions qui se posent aujourd’hui.</p>
<h2>Existe-t-il une procédure d’adhésion accélérée à l’UE ?</h2>
<p>La réponse est claire : non, elle n’existe pas.</p>
<p><a href="https://www.touteleurope.eu/fonctionnement-de-l-ue/la-procedure-d-adhesion-a-l-union-europeenne">La procédure</a> est la même pour l’Ukraine que pour la Géorgie et la Moldavie, qui ont également présenté leur demande depuis quelques jours. Elle est aussi la même que pour les six pays des <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/281890-sommet-ue-balkans-occidentaux-des-perspectives-dintegration-terme">Balkans occidentaux</a> (Albanie, Kosovo, Serbie, Bosnie, Monténégro, Macédoine du Nord), qui attendent depuis des années, <a href="https://www.touteleurope.eu/fonctionnement-de-l-ue/adhesion-de-la-turquie-a-l-union-europeenne-ou-en-est-on/">et pour la Turquie</a>.</p>
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<p>La procédure peut de facto être accélérée par la Commission, qui pourrait presser la rédaction de son avis. Mais il faudra encore trois autres élements, qui prendront inévitablement du temps, pour que l’adhésion soit actée.</p>
<p>Tout d’abord, la négociation pour construire l’unanimité des volontés des États au sein du Conseil l’UE (un vote contraire bloquerait la procédure). Ensuite, un vote du Parlement européen à la majorité de ses membres. Enfin, une ratification unanime de la part des Parlements nationaux des 27, y compris via des référendums là où la loi nationale le demande. Cela peut donc prendre des années.</p>
<h2>Ces arguments mettant en question le réalisme d’une adhésion immédiate ont-ils une nature « légaliste » ?</h2>
<p>Non, ils sont de nature politique.</p>
<p>Dans les conditions actuelles, il n’est pas possible de faire entre l’Ukraine seule. Elle n’est qu’un des neuf pays – les six pays des Balkans et les trois pays d’ex-URSS –, si l’on ne tient pas compte du cas particulier de la Turquie, qui s’en éloigne désomais – qui se trouvent désormais dans l’antichambre de l’Union. L’entrée de neuf pays supplémentaires, selon de nombreux observateurs et, sans doute, de nombreux, citoyens provoquerait la paralysie des institutions de l’UE, notamment en matière de politique étrangère.</p>
<p>La politique étrangère se décide par le vote unanime du Conseil politique étrangère présidé par Josep Borrell. Ajouter neuf pays (y compris la Serbie, qui est <a href="https://www.liberation.fr/international/europe/ukraine-en-serbie-un-equilibre-perilleux-entre-russie-et-occident-20220304_KUHOIYS67JACFEUBI4BQ46BUGM/">particulièrement proche</a> de la Russie) dont chacun pourrait, en fonction des circonstances, s’opposer aux décisions communes paraît contradictoire avec le besoin absolu d’une politique étrangère plus efficace et plus forte. Cela vaut aussi pour la politique de défense.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1500902034769387528"}"></div></p>
<p>Qui a intérêt à une UE affaiblie dans un monde qui devient de plus en plus dangereux ? Emmanuel Macron a proposé le 9 mai dernier une <a href="https://theconversation.com/quelle-communaute-politique-europeenne-pour-lavenir-183049">Communauté politique européenne</a> prévoyant un approfondissement différencié. Quoi qu'il advienne de ce projet, chacun semble reconnaître que l'entrée de plusieurs nouveaux membres serait de nature à compliquer la prise de décision au sein de l’UE.</p>
<h2>La question a-t-elle été posée dans le passé ?</h2>
<p>Rappelons que la plupart des pays d’Europe centrale et orientale ayant posé leur candidature après l’effondrement du bloc communiste ont dû attendre <a href="https://www.cairn.info/revue-migrations-societe-2015-2-page-125.htm">2004</a> pour intégrer l’UE. La Roumanie et la Bulgarie ont même dû attendre <a href="https://www.cairn.info/revue-espace-geographique-2008-4-page-289.htm">2007</a>.</p>
<p><a href="https://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/europe/1460780/Thatchers-Bruges-vision-becomes-reality-as-eastern-bloc-returns.html">Margaret Thatcher</a> avait souhaité élargir l’UE aux pays d’Europe de l’Est dès 1989. Elle <a href="https://www.researchgate.net/publication/339238521_Britain%27s_policy_towards_the_EU%27s_enlargement_process_from_1975_to_2014">souhaitait ainsi</a> diluer l’UE, l’affaiblir, la transformer en une entité rassemblant aux Nations unies, sans aucune autorité ni identité en politique étrangère. La première ministre britannique avait été bloquée par Jacques Delors, Willy Brandt et François Mitterrand qui avaient voulu renforcer les institutions de l’UE avant d’entamer les procédures de l’élargissement sur la base des <a href="https://www.touteleurope.eu/fonctionnement-de-l-ue/criteres-de-copenhague-25-ans-apres-quel-bilan/">« critères de Copenhague »</a>, approuvés par le Conseil en 1993 et toujours valables (acquis communautaire, économie de marché, respect de l’état de droit et de la démocratie).</p>
<p>Dans le cas de l’Ukraine, deux problématiques spécifiques viennent s’ajouter. Tout d’abord, il s’agit d’un pays qui compte 45 millions d’habitants et dont le PIB par habitant est l’équivalent d’un quart de celui de la Bulgarie (le pays le plus pauvre de l’UE). Surtout, nous ignorons le statut et la situation de l’Ukraine dans les prochaines semaines, les prochains mois, les prochaines années. Le pays pourrait être partagé en deux comme Chypre, il pourrait être démilitarisé et finlandisé. Personne ne le sait, et personne ne sait, notamment, dans quelle mesure les droits humains seront respectés à l’avenir dans plusieurs parties du pays.</p>
<p></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178842/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mario Telo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Volodymyr Zelensky a demandé l’intégration de son pays à l’UE. Si la demande a été saluée et soutenue par certains États membres, l’Ukraine devra se plier à une procédure d’adhésion complexe.Mario Telo, Président émérite de l’IEE-ULB, membre de l’Académie Royale des sciences de Belgique, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1370392020-04-29T17:30:51Z2020-04-29T17:30:51ZLa Chine et les Balkans occidentaux : un ancrage à la périphérie de l’UE<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/331168/original/file-20200428-110738-1i97kpp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C13%2C995%2C652&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/download/success?u=http%3A%2F%2Fdownload.shutterstock.com%2Fgatekeeper%2FW3siZSI6MTU1NzI3NTQ4OCwiYyI6Il9waG90b19zZXNzaW9uX2lkIiwiZGMiOiJpZGxfMzU0NTk5MjYxIiwiayI6InBob3RvLzM1NDU5OTI2MS9tZWRpdW0uanBnIiwibSI6MSwiZCI6InNodXR0ZXJzdG9jay1tZWRpYSJ9LCJHNEVwMEp0c3c3ZHdTUC9nVzFXQlFMKy94WVUiXQ%2Fshutterstock_354599261.jpg&pi=33421636&m=354599261&src=8NdIsVE56dQQL9Jbi9ZTjQ-1-2">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>En 2012, la Chine a créé, avec 17 pays d’Europe centrale et du sud-est le <a href="https://www.fdbda.org/2020/01/le-format-171-un-outil-au-service-de-la-politique-europeenne-de-pekin-defiant-lue/">Format 17+1</a>, une composante de l’ambitieux projet Belt and Road Initiative (« belt » pour les corridors terrestres – lignes de chemin de fer – à travers l’Asie centrale, et « road » pour les deux corridors maritimes).</p>
<p>Cinq pays des Balkans occidentaux – l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine du Nord, le Monténégro et la Serbie (le Kosovo en est exclu) – en composent le flanc sud. Les 12 autres comprennent les 11 nouveaux pays membres de l’Union européenne qui l’ont rejointe depuis 2004, ainsi que la Grèce. Les cinq pays des Balkans occidentaux sus-cités sont en cours d’adhésion à l’UE ou ont été invités à la rejoindre dans un horizon de temps encore éloigné.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1255187523006947329"}"></div></p>
<p>L’UE est aujourd’hui le principal partenaire commercial (plus de 70 %) et investisseur (plus de 60 %) de chacun de ces cinq pays. La Chine vient en deuxième position ; ses échanges commerciaux ainsi que ses investissements en infrastructures portuaires, ferroviaires et autoroutières s’accroissent. Avec la Serbie – une première dans l’espace européen –, la coopération s’étend jusqu’aux domaines militaires (fourniture de matériel) et de la sécurité (systèmes de surveillance). Toutefois, en volume, tant les échanges que les investissements chinois dans la région restent très limités.</p>
<h2>Les intérêts des parties concernées</h2>
<p>Pour les dirigeants des pays récepteurs, la présence chinoise est un moyen d’accéder à des ressources complémentaires leur permettant de gagner du temps, de satisfaire leurs populations et de contourner les contraintes d’une transformation structurelle <a href="https://www.routledge.com/The-Western-Balkans-in-the-World-Linkages-and-Relations-with-Non-Western/Bieber-Tzifakis/p/book/9780367197995">coûteuse économiquement et politiquement</a>.</p>
<p>Pour la Chine, sa présence parmi les Cinq s’inscrit dans <a href="https://www.wu.ac.at/fileadmin/wu/d/cc/cee/1__Startseite/Barisitz_feei_4_17_OF.pdf">sa politique globale de coopération avec l’Europe</a>. Elle y met en œuvre une stratégie économique sans forte conditionnalité – la « diplomatie des infrastructures » – qui se confronte au pouvoir normatif de l’UE. Cette dernière, en effet, fait dépendre la distribution de crédits et d’aides des efforts réalisés par les pays récepteurs dans l’optique de leur future adhésion.</p>
<p>Plusieurs facteurs motivent la présence des firmes chinoises dans la région :</p>
<ul>
<li><p>La zone géographique se trouve à l’intersection de deux corridors de l’Initiative : l’un, terrestre, arrive en Pologne, l’autre atteint le port du Pirée. Une ligne ferroviaire doit réaliser la jonction entre le nord et le sud. Autour de cet axe, les firmes chinoises sont engagées dans la modernisation et la construction d’infrastructures portuaires, ferroviaires, autoroutières qui font toujours défaut.</p></li>
<li><p>C’est le moyen de réaliser des investissements en mobilisant les surcapacités des firmes d’État, et de construire des centrales thermiques qui ne peuvent plus l’être en Chine.</p></li>
<li><p>Créer des réseaux pour favoriser l’implantation de grands groupes chinois dans le domaine des télécommunications.</p></li>
<li><p>Acquérir des actifs dans le secteur énergétique, des matières premières (raffinerie de pétrole, mines cuivre), de la sidérurgie.</p></li>
<li><p>Contribuer au développement de chaînes régionales de valeur dans les secteurs des composants, batteries électriques, construction de pneumatiques en procédant à des investissements vierges.</p></li>
<li><p>L’implantation de banques accompagne ces nombreux projets.</p></li>
</ul>
<h2>Un état des lieux de la présence chinoise</h2>
<p>À ce jour, la Chine soutient en finance dans les Balkans occidentaux de nombreux projets achevés, en cours ou prévus.</p>
<ul>
<li><p>Albanie : Construction d’une autoroute, d’un port, d’un parc industriel, gestion de l’aéroport de Tirana, acquisition d’une raffinerie de pétrole. Coût estimé : 385 millions d’euros.</p></li>
<li><p>Bosnie-Herzégovine : Construction et modernisation de trois centrales électriques au charbon, construction d’une autoroute. Coût estimé : 1 018 milliards d’euros. En 2018, la Bosnie-Herzégovine doit près de 14 % de sa dette externe à la Chine.</p></li>
<li><p>Macédoine du Nord : Construction d’autoroutes, du réseau gazier du pays, d’une ligne de chemin de fer, d’une centrale hydroélectrique. Vente d’une flotte d’autobus, de locomotives électriques, télécommunications. Coût estimé : 1 milliard d’euros. En 2018, la Macédoine du Nord devait près de 20 % de sa dette extérieure à la Chine.</p></li>
<li><p>Monténégro : Construction d’une ligne de chemin de fer et d’une autoroute. Rénovation d’une ligne de chemin de fer, investissements dans plusieurs projets hydroélectriques et thermiques. Coût estimé : 909,6 millions d’euros. Le Monténégro doit près de 40 % de sa dette extérieure à la Chine.</p></li>
</ul>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1254426143299682305"}"></div></p>
<ul>
<li>Serbie : Construction de ponts, d’autoroutes, d’une voie périphérique autour de Belgrade, du métro de Belgrade, construction et modernisation de lignes de chemin de fer, réalisation d’un parc industriel, modernisation de centrales thermiques. Acquisition de firmes dans la sidérurgie et les mines de cuivre. Investissements dans les secteurs automobiles (batterie, construction de pneumatiques). Fourniture d’équipements et de services de surveillance (Huawei a fourni 1 000 caméras faciales pour équiper trois villes). Livraison de matériel militaire, achat de drones. Coût estimé : 3 320 milliards d’euros. En 2018, la Serbie devait près de 12 % de sa dette à la Chine.</li>
</ul>
<h2>Rivalité ou complémentarité ?</h2>
<p>Les investissements chinois se portent principalement vers le secteur des infrastructures et contribuent à combler les besoins d’infrastructures dans le domaine des transports, manifestement sous-développées dans la région. Ils s’ajoutent à ceux financés par l’UE, dont les prêts et subventions égalent ceux réalisés par la Chine. Les engagements financiers de l’UE dans le secteur des infrastructures dépassent les engagements chinois réellement déboursés : 1 809 contre 1 662 millions d’euros en Serbie, 1 184 contre 614 millions en Bosnie-Herzégovine. Seule exception, le Monténégro : 344 contre 796 millions. Quant aux échanges commerciaux, ils demeurent très asymétriques, l’ensemble des pays enregistrant des déficits importants vis-à-vis de la Chine.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/8DRk8iqjm1E?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Les critiques avancées à l’encontre de la stratégie chinoise sont de différents ordres :</p>
<ul>
<li><p>Le lancement de projets dont la justification économique n’est pas justifiée.</p></li>
<li><p>Les modalités d’allocation des ressources et de distribution des crédits, notamment les faibles conditionnalités concernant l’octroi des crédits. Certains pays, comme le Monténégro, voient leur endettement monter dangereusement suite aux emprunts contractés auprès des établissements financiers chinois. D’autres, comme la Bosnie-Herzégovine, réduisent leurs dépenses dans certains secteurs (protection sociale) pour pouvoir honorer le service de la dette.</p></li>
<li><p>Les investissements dans des secteurs provoquant des dégâts environnementaux, induisent des surcapacités (centrales thermiques) freinant la conversion énergétique.</p></li>
<li><p>Les travaux d’infrastructures sont réalisés quasi exclusivement par des firmes chinoises qui importent la main-d’œuvre et le matériel, et laissent peu de place à l’emploi local.</p></li>
<li><p>Les faibles retombées en termes d’emplois et d’essaimage des investissements, notamment la faiblesse à ce jour d’investissements vierges créateurs d’activités à l’exception des investissements présentant une dimension politique (promesse de maintien de l’emploi dans une entreprise sidérurgique en Serbie).</p></li>
</ul>
<h2>Au-delà de la présence économique, une influence politique ?</h2>
<p>La Chine a-t-elle les moyens ou cherche-t-elle à interférer dans les affaires de l’Europe, <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/histoire-et-geopolitique/geopolitique-et-strategie/chine-a-nos-portes_9782738145703.php">à ses marges</a> ?</p>
<p>Comment peut-elle rechercher une coopération avec l’UE tout en enfonçant un coin dans son pré carré ? Elle peut le faire marginalement (neutralisation du vote de la Hongrie, de la Grèce sur des questions concernant les droits de l’homme dans des agences de l’ONU), en exerçant son <a href="http://library.fes.de/pdf-files/bueros/sarajevo/16005.pdf">soft power</a> (création d’Instituts Confucius, distribution de bourses d’études). Mais pour beaucoup de pays de la région, les limites de la contribution chinoise commencent à être perceptibles et conduisent certains dirigeants de pays membres du Format à <a href="https://chinaobservers.eu/wp-content/uploads/2020/04/CHOICE_Empty-shell-no-more.pdf">changer de pied</a> au vu de la faiblesse des engagements financiers et industriels de Pékin.</p>
<p>La Serbie se distingue à la fois par le volume de ses échanges, de ses investissements et de sa coopération militaire tant avec la Russie que la Chine. Elle tire profit du relatif détachement l’UE et de sa tendance à <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2020/03/DERENS/61511">tolérer des dirigeants qui jouent sur ses ambiguïtés</a>.</p>
<p>La Serbie peut-elle devenir un pôle régional à partir duquel la Chine renforcera sa présence dans la région ? Son marché reste très étroit, ses capacités d’endettement limitées. L’esprit de l’Initiative est centré sur la coopération bilatérale alors que l’Union européenne promeut une approche régionale mettant l’accent sur l’intégration avancée des pays en accession comme condition de leur adhésion future.</p>
<p>Il reste que le futur de cette présence et de son extension dépend de <a href="https://carnegieendowment.org/2020/02/19/eu-and-china-in-2020-more-competition-ahead-pub-81096">l’évolution des relations économiques et politiques entre l’UE et la Chine</a>. Or la contraction et la fragmentation de la mondialisation en cours, ainsi que la baisse de la croissance chinoise, paraissent annoncer une réduction des moyens disponibles alloués au financement de l’Initiative.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/137039/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Xavier Richet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La Chine avance posément ses pions dans les Balkans occidentaux dans le cadre de son projet dit des « Nouvelles routes de la soie », mais le ralentissement économique actuel pourrait changer la donne.Xavier Richet, Professeur émérite en économie, Université Sorbonne Nouvelle 3, Co-anmateur du séminaire BRICs: Brésil-Russie-Inde-Chine : Approche comparative et l'avenir de l'économie mondiale, Fondation Maison des Sciences de l'Homme (FMSH)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1283222019-12-04T19:01:05Z2019-12-04T19:01:05ZQuel rôle pour l’OTAN dans les Balkans ?<p>Alors que l’OTAN vient de tenir son sommet annuel à Londres, Emmanuel Macron n’est pas le seul à <a href="https://www.lefigaro.fr/international/le-president-francais-emmanuel-macron-juge-l-otan-en-etat-de-mort-cerebrale-20191107">s’interroger sur l’avenir</a> d’une alliance en théorie défensive, créée en 1949 dans le cadre de la Guerre froide pour protéger les pays d’Europe de l’Ouest contre une éventuelle attaque soviétique. Donald Trump, on le sait, n’est <a href="https://theconversation.com/lotan-survivra-t-elle-a-donald-trump-128069">pas un grand admirateur</a> d’une Alliance qu’il juge obsolète. Il est cependant une région où l’OTAN semble, à première vue, en phase avec son temps : les Balkans occidentaux, où son élargissement a été jusqu’ici plus rapide que celui de l’Union européenne.</p>
<p>Quatre pays de cette zone ont rejoint l’OTAN au cours des quinze dernières années : la Slovénie en 2004, la Croatie et l’Albanie en 2009 et le Monténégro en 2017. Un cinquième, la Macédoine du Nord, est en cours d’adhésion. Les trois autres – la Bosnie-Herzégovine, le Kosovo et la Serbie – se trouvent, pour leur part, dans l’antichambre de l’OTAN, le « Partenariat pour la paix ». Cette dynamique est toutefois quelque peu trompeuse : dans les Balkans aussi, l’action et la présence de l’Alliance sont loin de faire l’unanimité. Ne serait-ce que parce que nombreux sont ceux qui n’ont pas oublié son intervention contre la Serbie en 1999, <a href="https://www.persee.fr/docAsPDF/afdi_0066-3085_1999_num_45_1_3565.pdf">à la légalité pour le moins discutable</a>. Analyse de cinq cas emblématiques.</p>
<h2>Monténégro : une adhésion coûteuse</h2>
<p>Les États-Unis ont réussi à intégrer le petit Monténégro à l’OTAN en 2017, en faisant pression sur le gouvernement de Milo Djukanović. Presque 20 ans après les bombardements de l’OTAN sur la Serbie et le Monténégro, il fallait arriver à persuader l’ancien <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2006/05/23/forme-par-milosevic-milo-djukanovic-a-la-reputation-de-melanger-politique-et-business_774892_3214.html">partisan de Slobodan Milošević</a> de se placer sous protection étatsunienne. La Maison Blanche avait déjà, depuis de nombreuses années, obligé le Monténégro à abandonner ses équipements militaires hérités du Pacte de Varsovie, réduisant par exemple sa flotte navale à la portion congrue. L’intérêt géostratégique pour Washington est de s’assurer d’un contrôle sur le canal d’Otrante, au débouché de l’Adriatique, là où arrivent les tubes gaziers TANAP et NABUCCO. </p>
<p>C’est donc logiquement que, le 2 décembre 2015, l’OTAN a invité le Monténégro à rejoindre l’Alliance atlantique, ce qui a abouti à son intégration à la mi-2017. Le Pacte atlantique est perçu par le gouvernement de Podgorica comme « la garantie la plus fiable pour les investisseurs » et le seul moyen d’assurer la sécurité. Mais Moscou, voyant lui échapper un point d’appui en mer Adriatique et une nation toujours très proche de ses positions diplomatiques, objet de toutes les convoitises des gouvernements russes depuis Pierre le Grand, a vite réagi. Vladimir Poutine a <a href="https://www.courrierinternational.com/article/diplomatie-le-montenegro-integre-lotan-la-russie-prend-des-sanctions">annoncé</a>, dans les jours suivant la décision de l’OTAN, l’arrêt de l’ensemble des échanges commerciaux avec les entreprises monténégrines. Depuis, les investisseurs russes ont largement quitté le pays.</p>
<h2>Kosovo : la passivité de l’OTAN</h2>
<p>Depuis les <a href="http://www.institut-strategie.fr/?p=1073">accords de Kumanovo</a> du 10 juin 1999, le Kosovo est partagé en cinq zones militaires contrôlées par l’OTAN. Les soldats de la KFOR (Force de l’OTAN au Kosovo) sont aujourd’hui au nombre de 4 000, après avoir été de 42 000 en 2000 et encore de 16 500 en 2010. Mais la présence de l’OTAN n’a pas permis de pacifier pleinement le Kosovo : 250 000 Serbes, 140 000 Roms et des milliers de Bosniaques, Goranis, Turcs et Juifs ont été <a href="https://www.persee.fr/doc/receo_0338-0599_2004_num_35_1_1650">expulsés de leur terre natale</a> par les milices de l'UCK entre 1999 et 2004, au nez et à la barbe des soldats de la KFOR. En mars 2004, un <a href="https://www.cairn.info/revue-confluences-mediterranee-2007-4-page-145.htm">pogrom anti-serbe</a>, lors duquel 19 personnes ont été tuées et 34 églises orthodoxes serbes détruites, s’est déroulé sous le regard quasiment impassible des soldats de l’OTAN.</p>
<p>Cette passivité de l’OTAN explique en partie qu’en octobre 2018, le Parlement de Pristina ait <a href="https://www.ouest-france.fr/europe/kosovo/le-kosovo-cree-son-armee-les-serbes-s-enervent-l-otan-deploie-ses-forces-sur-place-6128176">voté</a>, en violation flagrante de la Résolution 1244 de l’ONU, une loi permettant de créer une « Armée du Kosovo » forte de 5 000 hommes. Au grand dam de Belgrade et Moscou, les États-Unis soutiennent ce projet.</p>
<p>Cette même année 2018, plusieurs événements ont amené le Kosovo au bord de la guerre civile. En mars, le directeur serbe du bureau du Kosovo-Métochie, Marko Djurić, en visite officielle auprès des maires des communes serbes du Kosovo-Nord, a été littéralement kidnappé à Mitrovica puis <a href="https://www.theguardian.com/world/2018/mar/26/kosovo-serbia-politician-marko-djuric">molesté dans les rues de Priština par la police du Kosovo</a>. En septembre, des membres de cette même police ont <a href="https://www.liberation.fr/planete/2019/10/21/serbie-kosovo-le-lac-de-gazivode-pole-de-discorde_1758928">bloqué la centrale électrique de Gazivode</a>, lors d’une opération commando digne des plus mauvais films américains. Enfin, en novembre 2018, les autorités de Priština ont déclaré un <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/2018/11/21/97002-20181121FILWWW00341-le-kosovo-taxe-les-produits-serbes-de-100-apres-son-echec-d-adhesion-a-interpol.php">blocus commercial</a> aux frontières avec la Serbie, provoquant des manques alimentaires importants dans la partie majoritairement serbe du Kosovo-Nord.</p>
<h2>Bosnie-Herzégovine : le blocage</h2>
<p>Dans ce pays à <a href="https://www.persee.fr/doc/juro_0990-1027_2015_num_28_3_4849">l’architecture étatique complexe</a> – il est divisé entre la Fédération croato-musulmane (peuplée aux trois quarts de Bosniaques musulmans et pour un quart de Croates) et la Republika Srpska (RS, peuplée à près de 90 % de Serbes) –, la question de l’adhésion à l’OTAN reste très conflictuelle. Depuis quelques mois, ce sujet ravive les tensions en Bosnie-Herzégovine, à la fois entre Serbes et musulmans, mais aussi au sein de la RS.</p>
<p>En effet, les négociations sur la formation d’un gouvernement central plurinational achoppent précisément sur l’adhésion à l’OTAN. Alors que la Fédération défend cette adhésion depuis de longues années, la RS refuse bec et ongles. Or, mi-novembre, le membre serbe de la présidence tournante de Bosnie-Herzégovine, Milorad Dodik, a accepté un <a href="http://thesrpskatimes.com/dodik-adopted-document-does-not-affect-military-neutrality/">paquet de réformes</a> qui comprend l’intégration au Plan d’Action de l’OTAN. Cette entrée dans l’antichambre de l’OTAN a provoqué les foudres de l’opposition serbe à Dodik. La Bosnie-Herzégovine n’intégrera pas l’Alliance avant longtemps.</p>
<h2>Serbie : le principe de neutralité</h2>
<p>Le 18 juillet 2005, la Serbie-Monténégro signait avec l’OTAN un accord autorisant le transit des forces armées atlantiques à travers tout son territoire et l’utilisation des garnisons le long des routes principales. Six ans après l’opération « Force alliée » de 1999, les autorités serbes semblaient vouloir à tout prix intégrer la structure atlantique, même au prix d’une limitation de leur souveraineté. Mais depuis cet accord, aucune progression n’a été observée. </p>
<p>L’opinion serbe est farouchement et très majoritairement <a href="http://iea.rs/en/blog/2018/03/23/sta-gradjani-srbije-misle-o-nato-i-saradnji-nakon-19-godina-od-bombardovanja/">hostile à l’adhésion</a>. Par ailleurs, en 2012 arrive au pourvoir la coalition nationaliste du Parti progressiste serbe (SNS) et du Parti populaire serbe (SNP) ; ces derniers imposent une inflexion pro-russe à la politique extérieure. Aujourd’hui, les autorités de Belgrade – qui ont signé le 16 janvier 2015 un Plan d’action individuel pour le partenariat (IPAP) avec l’OTAN, soit la dernière étape avant l’adhésion définitive à l’Alliance – ont érigé en dogme le principe de « neutralité » : l’armée s’autorise donc à effectuer des manœuvres conjointes aussi bien avec des soldats de l’OTAN, sous domination américaine, qu’avec des troupes de la CEI, contrôlées par la Russie.</p>
<h2>Macédoine : un accord qui ulcère les nationalistes</h2>
<p>En juin 2018, la FYROM (ou ARYM en français, pour Ancienne République yougoslave de Macédoine) signe avec la Grèce les <a href="https://www.lexpress.fr/actualites/1/monde/l-accord-sur-le-nom-de-macedoine-est-une-percee-pour-les-balkans-selon-skopje_2018014.html">Accords de Prespa</a> qui mettent fin à une dispute de près de trente ans sur le nom même du pays, les Grecs bloquant l’adhésion de la FYROM tant que le nom de Macédoine serait utilisé. Désormais, la FYROM s’appellera « Macédoine du Nord », ce qui permet d’accélérer son adhésion aux structures euro-atlantiques. </p>
<p>La suite logique de ce processus d’arrimage à l’Occident est la ratification par la Grèce, le 6 février 2019, d’un <a href="http://fmes-france.org/la-macedoine-du-nord-30eme-membre-de-lotan/">protocole d’adhésion à l’OTAN de la Macédoine</a>. Mais les Accords de Prespa ne sont pas allés sans heurts. Les nationalistes grecs comme macédoniens <a href="https://www.dw.com/en/greeces-anti-macedonia-protests-fuel-nationalist-sentiment/a-44116256">les rejettent violemment</a>. On peut donc estimer que le coût payé par le pays pour entrer dans l’OTAN aura été très élevé : les nationalistes macédoniens du VMRO-DPMNE pourraient revenir au pouvoir du fait des accords de Prespa.</p>
<p>Le processus d’adhésion des pays du sud-est de l’Europe à l’OTAN, qui était en bonne voie dans la première décennie du XXI<sup>e</sup> siècle, semble moins dynamique depuis quelques années. Face à la crise actuelle que connaît l’Alliance et au vu du grand intérêt que la <a href="https://www.euractiv.fr/section/l-europe-dans-le-monde/news/turkey-russia-and-china-covet-western-balkans-as-eu-puts-enlargement-on-hold/">Russie, la Turquie et la Chine</a> portent à la région, n’est-il pas temps que l’Europe de la défense prenne la situation en mains ? Au Kosovo comme en Bosnie-Herzégovine, l’<a href="https://www.touteleurope.eu/actualite/qu-est-ce-que-l-eufor.html">EUFOR</a> dispose en théorie des moyens et de la maîtrise du moment historique pour pacifier définitivement la région…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/128322/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexis Troude est Président du think tank "Europes orientales"</span></em></p>Plusieurs pays des Balkans ont déjà adhéré à l’OTAN, et la plupart des autres sont officiellement candidats. Pourtant, le processus d’élargissement de l’Alliance ne va pas sans heurts.Alexis Troude, Chargé de cours en relations internationales, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1205502019-07-18T19:16:20Z2019-07-18T19:16:20ZLe pari d’Emmanuel Macron dans les Balkans : empêcher l’histoire de « bégayer »<p>La visite du président Macron à Belgrade, le 15 juillet dernier, était la première d’un chef d’État français depuis Jacques Chirac en 2001, signe d’un relatif désintérêt, <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Europe/Il-pas-statu-quo-possible-Balkans-2019-03-02-1201006049">admis d’ailleurs par Paris</a>, pour la région depuis la fin de la décennie 1990 au cours de laquelle la France avait été très impliquée sur le plan politique et militaire.</p>
<p>Or, en ayant pris le double risque de sortir d’une attitude de retrait sur la question de l’élargissement de l’Union européenne pour adopter une position de blocage, tout en s’impliquant directement dans la résolution du problème entre la Serbie et le Kosovo, la France se replace au centre du jeu balkanique en compagnie de l’Allemagne.</p>
<p>À cet égard, si l’on met de côté les aspects bilatéraux de la relation franco-serbe renforcée par cette visite à travers les marques d’affection et de respect témoignées par Emmanuel Macron dans son discours (<a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2019/07/15/ceremonie-inaugurale-du-monument-de-reconnaissance-a-la-france">y compris en langue serbe !</a>), les véritables enjeux sont européens et sont de deux ordres : d’une part, la question de l’élargissement qui concerne toute la région ; et, d’autre part, celle du contentieux entre la Serbie et le Kosovo.</p>
<p>Sur ces deux points, la visite présidentielle à Belgrade nous offre quelques éléments de réflexion.</p>
<h2>L’inaccessible Union européenne</h2>
<p>La position française sur l’élargissement est bien connue dans la région, au moins <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2018/05/18/sommet-union-europeenne-balkans-occidentaux-a-sofia-en-bulgarie">depuis le discours d’Emmanuel Macron à Sofia, en mai 2018</a>. Le refus français d’ouvrir les négociations avec l’Albanie et surtout la Macédoine du Nord, tout en <a href="http://www.lefigaro.fr/flash-actu/europeennes-lr-accuse-loiseau-de-mensonge-ehonte-sur-l-elargissement-20190522">alimentant sciemment la confusion</a> entre ouverture des discussions et intégration, est perçu très négativement dans toute la région, y compris en Serbie.</p>
<p>L’inaccessible Union européenne n’y est d’ailleurs plus vraiment en odeur de sainteté dans les <a href="https://www.euractiv.com/section/enlargement/news/most-serbs-support-eu-membership-cite-job-opportunities-in-new-poll/">sondages</a> par rapport à 2008-2009, avec seulement autour de 50 % d’opinions favorables à l’intégration.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/partir-des-balkans-pour-vivre-dans-un-pays-normal-105901">Partir des Balkans pour « vivre dans un pays normal »</a>
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<p>Les départs massifs vers une Allemagne qui embauche à tour de bras dans la santé et la construction sont le signe d’une absence totale de perspective économique et politique. Cela n’a tout simplement aucun sens d’avoir vingt ans en Bosnie, en Serbie, en Albanie, et de rester en espérant que peut-être dans deux décennies, son pays sera membre de l’UE.</p>
<h2>Le test macédonien</h2>
<p>Il s’agit alors pour Paris d’articuler une véritable stratégie politique vis-à-vis des Balkans. Celle-ci passe par une vision et un discours cohérents qui réconcilient à la fois l’ambition présidentielle de lutter contre l’illibéralisme en Europe, l’exigence prioritaire sur l’État de droit et les réformes dans un processus d’élargissement crédible, la marge de manœuvre politique que la France compte reprendre dans la région et la crédibilité de son message sur la vocation européenne des Balkans vis-à-vis de populations locales qui ne sont pas naïves.</p>
<p>Après la visite de Belgrade, on ne discerne pas nécessairement d’avancées sur ces quatre objectifs. Le Conseil européen d’octobre prochain, au cours duquel une décision sera prise sur l’ouverture des négociations avec l’Albanie et la Macédoine du Nord, est sans doute l’occasion d’envoyer un premier signal fort en cas de réponse positive envers Skopje.</p>
<p>Les citoyens macédoniens ont montré, en renversant un régime devenu autocratique puis à travers leurs deux derniers votes pour le <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/macedoine-oui-au-changement-de-nom-mais-forte-abstention_2037668.html">référendum sur le nom</a>, puis à l’<a href="https://www.courrierdesbalkans.fr/Macedoine-du-Nord-une-election-presidentielle-en-forme-de-test-politique">élection présidentielle</a> d’avril dernier, qu’ils savaient exactement ce qu’ils voulaient sans qu’il soit besoin de leur faire la leçon. Leur tourner le dos reviendrait pour la France à renoncer aux quatre objectifs cités plus haut, et même à aller dans le sens contraire.</p>
<p>Or, la crédibilité du message de la France dans les Balkans sur la question européenne est indispensable si Paris entend jouer un rôle décisif dans la résolution du problème entre la Serbie et le Kosovo comme le président Macron l’a laissé entendre. À ce sujet, quatre éléments clés émergent de ses déclarations à Belgrade.</p>
<h2>Soutien résolu au président de Serbie</h2>
<p>D’abord, un soutien franc et massif au président serbe Aleksandar Vucic, dont il a salué le courage et le pragmatisme à plusieurs reprises dans la conduite des réformes – ce qui, au regard des considérations du <a href="http://europa.eu/rapid/press-release_COUNTRY-19-2780_en.htm">dernier rapport de la Commission européenne</a> sur l’État de droit, la justice et la liberté de la presse, n’a pourtant rien d’évident.</p>
<p>Depuis des années, Vucic s’est présenté aux Occidentaux comme le <a href="https://www.iris-france.org/96653-nomination-dana-brnabic-comme-premiere-ministre-serbe-larbre-qui-cachait-la-foret/">garant de la stabilité de la région</a> et comme le seul à pouvoir résoudre la question du Kosovo. Le soutien dont il jouit, et qui lui laisse les mains libres en interne, reflète donc les priorités de ses partenaires vis-à-vis de la région, à plus forte raison lorsque le Président français déclare, grave, que « le pire peut encore advenir ici ».</p>
<p>De fait, là où <a href="https://www.autonomija.info/sonja-biserko-vucic-nije-ispunio-nijedno-obecanje.html">certains voulaient croire à la fin d’un soutien</a> sans réserve au président serbe, car celui-ci ne remplirait pas ses engagements, il semble qu’il n’en soit rien.</p>
<h2>Le Kosovo, une affaire européenne</h2>
<p>Ensuite, Emmanuel Macron a indiqué que la résolution de la question du Kosovo était une affaire européenne. Ce point est crucial, car il signifie que la France et l’Allemagne s’engagent à prendre le leadership, y compris vis-à-vis du futur Haut Représentant Josep Borrell (peut-être à travers un Envoyé spécial répondant directement aux capitales ?), afin d’aboutir à une solution. En creux, cela veut dire qu’Emmanuel Macron refuse que d’autres acteurs, c’est-à-dire principalement les États-Unis (principal allié du Kosovo) et la Russie (principal allié de la Serbie), soient à la manœuvre, considérant que c’est à l’Europe d’agir et de montrer sa souveraineté.</p>
<p>Doté d’une solide culture historique, le président français sait à quel point l’Europe, dont c’était pourtant l’heure en 1991, a dramatiquement échoué dans les Balkans, la seule région pourtant où elle pourrait exercer une forme de puissance, économique, politique et militaire. Il prend donc à nouveau rendez-vous afin, comme il l’a dit dans son discours, que « l’Histoire ne bégaye pas » pour l’Europe.</p>
<p>Cela exigera une implication forte et continue, et une capacité à faire émerger des propositions innovantes et constructives. Or, si l’Allemagne a clairement répété en avril dernier son <a href="http://rs.n1info.com/English/NEWS/a458573/Germany-aginst-border-change-between-Kosovo-and-Serbia.html">opposition</a> à toute solution débouchant sur une modification des frontières entre la Serbie et le Kosovo, la position française n’est pas aussi tranchée.</p>
<p>De surcroît, Emmanuel Macron a annoncé une prochaine rencontre au plus haut niveau entre les dirigeants serbe et kosovar, à la suite de l’annulation du sommet de Paris du 1<sup>er</sup> juillet, tout en indiquant son intention de trouver un accord définitif « dans les prochains mois ». Il s’agit, là aussi, d’un pari très audacieux si l’on considère la sérieuse dégradation de la situation sur le terrain et de l’atmosphère entre Belgrade et Pristina à laquelle le débat depuis un an sur l’idée d’un changement de frontières n’est pas étranger.</p>
<p>Des questions concrètes comme la reconnaissance des diplômes ne sont pas réglées depuis des années, certaines dispositions de l’accord de 2013 comme la création de l’<a href="https://prishtinainsight.com/kosovo-must-change-laws-serb-municipalities-association/">association des municipalités serbes au Kosovo</a> ne sont toujours pas mises en œuvre, mais l’ambition est d’aboutir à l’horizon de quelques mois…</p>
<h2>Entre Serbes et Kosovars, la nécessité d’un compromis</h2>
<p>Pour cela, et c’est le dernier point, Emmanuel Macron a souligné la nécessité du compromis. Qu’on ne s’y trompe pas : pour le Président serbe, « compromis » signifie changement de frontières, lui qui n’a pas du tout intérêt à régler la question à court terme puisqu’elle lui offre un totem d’immunité autant qu’un écran de fumée par rapport à tous les autres problèmes. On a déjà dit ailleurs pourquoi cette solution semblait <a href="https://www.frstrategie.org/publications/notes/serbie-kosovo-options-et-scenarios-20-2018">inapplicable</a>.</p>
<p>L’important est que le président français a acté qu’une reconnaissance sèche du Kosovo par la Serbie sous une forme ou une autre comme issue au conflit n’était pas envisageable, et que le Kosovo – État indépendant mais amputé sur la scène internationale – allait devoir, lui aussi, trouver le chemin d’un compromis et céder quelque chose.</p>
<p>Or, la scène politique kosovare est plus éclatée et divisée que jamais sur ce sujet. Le président Thaçi est très seul dans son acceptation, avec son homologue serbe, d’un possible échange entre des territoires dans le nord du Kosovo et la reconnaissance du Kosovo indépendant par Belgrade. Même dans son parti, on ne le suit pas.</p>
<p>Son premier ministre Ramush Haradinaj, leader d’un autre parti, <a href="https://kossev.info/political-parties-against-thaci-s-idea-on-the-correction-of-borders-haradinaj-change-of-borders-is-in-putin-s-favour/">mène d’ailleurs la charge</a> contre cette idée. Il est à l’origine de la mise en place de taxes douanières contre la Serbie et la Bosnie, que les Occidentaux lui demandent expressément de retirer. Enfin, la Cour constitutionnelle vient de déclarer <a href="https://prishtinainsight.com/court-declares-kosovos-negotiation-team-unconstitutional/">illégale</a> la formation d’une délégation pour le dialogue avec la Serbie. Autrement dit, la situation au Kosovo est à ce point chaotique que des élections anticipées deviennent de plus en plus probables – ce qui compromet l’idée même de pouvoir aboutir à un accord final à l’horizon de quelques mois.</p>
<p>Voilà donc les enjeux qui se présentent à la France, aux Balkans et à l’Europe, avec comme toile de fond la gestion du Brexit, l’activité croissante de la Chine, le danger d’une administration américaine erratique, ainsi que toutes les autres priorités (climat, défense, migrations, commerce) de la nouvelle équipe qui va se mettre en place à Bruxelles. Après cette visite historique, en attendant peut-être d’autres dans la région, la question reste cependant entière : que veut la France dans les Balkans, et quel crédit politique est-elle prête à y investir ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/120550/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Loïc Tregoures ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En adoptant une position de blocage sur l’élargissement de l’UE et en s’impliquant dans la résolution du problème entre la Serbie et le Kosovo, la France se replace au centre du jeu balkanique.Loïc Tregoures, Docteur en science politique, enseignant à l'Institut catholique de Paris, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1059012018-11-13T01:03:13Z2018-11-13T01:03:13ZPartir des Balkans pour « vivre dans un pays normal »<p>Les dernières consultations électorales en <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Bosnie-crise-politique-menace-elections-2018-10-08-1300974472">Bosnie-Herzégovine</a> en octobre 2018 et Macédoine ont été marquées, plus encore que d’habitude, par l’inadéquation entre le nombre d’inscrits sur les listes électorales et le nombre nettement inférieur d’individus réellement sur le territoire. Outre les morts, l’explication principale réside principalement dans la vague d’émigration massive qui touche toute l’Europe balkanique depuis une dizaine d’années.</p>
<p>Ce phénomène ne touche pas seulement les pays les plus en retard en matière de développement économique. Au contraire, à court terme, devenir membre de l’Union européenne se traduit par une fuite massive des travailleurs vers l’Ouest, comme en témoignent la Bulgarie, la Roumanie et la Croatie. <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/documents/2995521/8926076/3-28052018-AP-EN.pdf/48c473e8-c2c1-4942-b2a4-5761edacda37">Selon Eurostat</a>, 20 % des Roumains en âge de travailler, 14 % des Croates et 12,5 % des Bulgares travaillent à l’étranger, contre une moyenne de 3,8 % pour l’ensemble de l’UE.</p>
<h2>L’Allemagne, destination de choix des Croates</h2>
<p>Selon les <a href="https://www.destatis.de/DE/PresseService/Presse/Pressemitteilungen/2018/10/PD18_396_12411.html">statistiques allemandes</a>, 50 000 Croates partent chaque année en Allemagne depuis trois ans. Depuis 2013 et l’entrée de la Croatie dans l’UE, 240 000 Croates – soit l’équivalent des populations de Split et Zadar réunies – ont quitté leur pays uniquement pour l’Allemagne. Ce qui ne dit rien de ceux qui l’ont fait pour l’Autriche, la Grande-Bretagne, l’Australie ou les États-Unis. Cela représente près de 10 % de la population d’un pays qui atteint désormais péniblement les 4 millions d’habitants.</p>
<p>La population totale croate a ainsi <a href="https://www.courrierdesbalkans.fr/Croatie-une-population-plus-faible-et-plus-agee">reculé de 1,2 % en 2017</a> seulement sous l’effet cumulé de l’émigration massive et de la faible natalité. L’âge médian y augmente à 43,1 ans. Géographiquement, c’est la région de la Slavonie, à l’est du pays, qui paie le plus lourd tribut à cet exode. De son côté, l’Allemagne bénéficie à plein de tous ces travailleurs venus des Balkans – près d’un million et demi au total en comptant la Bulgarie et la Roumanie – qui sont plus jeunes que la moyenne des Allemands.</p>
<p>Fait notable : désormais, les jeunes diplômés ne sont plus les seuls à tenter leur chance ailleurs, les moins jeunes et moins diplômés quittent aussi leurs pays à la recherche de nouvelles opportunités, y compris en tant qu’ouvrier ou que chauffeur routier.</p>
<p>Ainsi, un mouvement récent d’ouvriers serbes et bosniens engagés par dizaines de façon temporaire dans des usines en <a href="https://www.courrierdesbalkans.fr/Bosnie-Herzegovine-les-chomeurs-partent-chercher-du-travail-en-Slovaquie">Slovaquie</a> a vu le jour. De même, la Slovénie a signé des <a href="https://www.courrierdesbalkans.fr/Exploitation-et-precarite-voila-ce-qui-attend-les-travailleurs-serbes-en">accords</a> avec la Bosnie et la Serbie pour faire venir des travailleurs à des conditions très avantageuses pour ses entreprises, et très précaires pour les travailleurs en question.</p>
<h2>Même les prêtres et les imams s’en vont…</h2>
<p>Pourquoi tous ces départs ? Principalement pour deux raisons qui ne se cumulent pas de la même façon en fonction du pays.</p>
<p>La première est l’absence ressentie et réelle d’opportunité économique et la recherche d’une vie meilleure pour soi et ses enfants. Que ce soit un jeune diplômé en ingénierie ou informatique, ou un ouvrier peu qualifié, les deux font le calcul qu’ils gagneront et vivront mieux ailleurs, malgré les difficultés inhérentes à un départ. En ce qui concerne les travailleurs qualifiés du secteur de la santé par exemple (médecins, infirmières, etc.), l’Allemagne délivre des permis de travail à tour de bras dans toute la région.</p>
<p>L’autre raison est d’ordre politique. Dans certains pays comme la Bosnie, la Serbie, la Macédoine, le Kosovo, il existe également une profonde fatigue du système partitocratique qui a poussé à bout la <a href="https://www.courrierdesbalkans.fr/Les-migrations-de-Serbie">logique clientéliste</a>. Autrement dit, dans des économies au secteur privé atrophié, les emplois se trouvent dans la fonction publique et les entreprises publiques. Or, ces emplois ne peuvent s’obtenir que par affiliation politique avec le parti au pouvoir, indépendamment des compétences, comme l’exemple de l’<a href="http://www.balkaninsight.com/en/article/flying-blind-negligence-nepotism-and-graft-at-kosovo-airport-07-19-2018">aéroport de Pristina</a> l’a montré récemment.</p>
<p>Cela explique d’ailleurs, en grande partie, la capacité des partis à rester au pouvoir, puisqu’ils parviennent à un degré très fin de contrôle du vote par le biais de ces emplois, les rares disponibles, qui font vivre tout un foyer. Ainsi, on voit en Bosnie des gens, qui ont des emplois, une situation relativement enviable à l’échelle locale, partir quand même. Pourquoi ? Parce qu’ils refusent que leurs enfants vivent dans cet environnement où le népotisme, la corruption, la capture politique de l’État et des richesses sont la normalité. « Vivre dans un pays normal » est une formule qui revient très souvent chez ceux qui partent. En Bosnie, <a href="https://www.courrierdesbalkans.fr/Exode-en-Bosnie-Herzegovine-meme-les-pretres-et-les-imams-s-en-vont">même les prêtres et les imams s’en vont !</a></p>
<h2>Des gouvernements locaux passifs</h2>
<p>Quelles sont les conséquences de ces départs dans les sociétés balkaniques ? Elles sont de plusieurs ordres.</p>
<p>Sur le plan économique, cela se traduit par une absence de main-d’œuvre qualifiée par rapport aux besoins, un recul des investissements et donc, in fine, un développement économique loin de son potentiel réel.</p>
<p>Sur le plan de la santé, les départs massifs des professionnels du secteur, outre qu’ils provoquent une perte nette pour le système d’éducation qui les forme pour les voir partir ailleurs, se traduisent par un accroissement des déserts médicaux et à terme par de sérieux risques face à une population qui vieillit.</p>
<p>À l’intersection de ces deux points, la dégradation progressive des comptes sociaux ne pourra se tenir que grâce au recours à l’endettement massif, une solution qui n’est pas soutenable pour des petites économies ouvertes, fragiles, et qui ne croissent pas suffisamment. Il y a fort à parier que le FMI, ou la Chine si elle y voit un intérêt, interviendront pour prêter massivement aux pays des Balkans, en échange de contreparties qui ne peuvent pas être dans l’intérêt des citoyens.</p>
<p>Les gouvernements locaux sont-ils conscients du danger ? Mettent-ils en place des stratégies afin de traiter cet exode massif ? <a href="https://www.courrierdesbalkans.fr/L-exode-massif-de-la-population-bosnienne">Pas vraiment</a>. D’abord, pour traiter un problème, encore faut-il le reconnaître et le quantifier. Or personne en Macédoine, en Bosnie, en Serbie, en Croatie n’est capable de dire précisément combien de personnes sont parties sur les dernières années. Les données sont recoupées par rapport au nombre d’élèves (et de professeurs !) en moins dans les classes, aux personnes encore inscrites sur les listes électorales alors que personne ne les a vues depuis des années, et surtout grâce aux statistiques des pays d’accueil comme l’Allemagne.</p>
<h2>Des Balkans en voie de dépeuplement avancé</h2>
<p>Du point de vue des responsables politiques locaux, ces départs peuvent être bénéfiques pour trois raisons. D’abord, ce sont autant d’électeurs en moins pour voter contre eux puisque la proportion de leurs obligés restés au pays ne peut qu’augmenter avec le départ des autres. La conservation du pouvoir est donc facilitée par ces départs massifs. Ensuite, ceux-ci peuvent sur le plan statistique aider à faire baisser les chiffres du chômage. Enfin, les transferts d’argent de cette diaspora peuvent servir de soupape de sécurité et de survie à la population restée sur place qui survit comme elle peut. Recevoir 300 euros par mois de la part d’un frère ou d’un cousin en Allemagne est une aide considérable pour vivre au quotidien.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/244630/original/file-20181108-74772-vdg1oz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/244630/original/file-20181108-74772-vdg1oz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/244630/original/file-20181108-74772-vdg1oz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/244630/original/file-20181108-74772-vdg1oz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/244630/original/file-20181108-74772-vdg1oz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/244630/original/file-20181108-74772-vdg1oz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/244630/original/file-20181108-74772-vdg1oz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue de Vukovar, l’une des principales villes de Slavonie orientale (ici en 2011).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/b/b5/Vukovar%2C_ulice.jpg/640px-Vukovar%2C_ulice.jpg">Aktron/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Certains pays comme le Kosovo essaient de mettre à contribution cette diaspora dans des projets de développement local, sans grand résultat malgré l’existence dans la plupart des pays des Balkans d’un ministère dédié à la diaspora. D’un autre côté, la Serbie a lancé une <a href="https://www.courrierdesbalkans.fr/Serbie-attaques-contre-les-droits-des-femmes-sous-couvert-de-politiques">grande campagne nataliste dont les accents patriarcaux</a> sont en fait revenus à imposer une intense pression sur les femmes, restreindre le droit à l’avortement, tout en ne donnant que de <a href="https://www.courrierdesbalkans.fr/Serbie-moins-de-dix-euros-d-allocation-de-maternite-par-mois">très maigres bénéfices financiers</a>, à hauteur de 8 euros par mois pour les femmes ayant moins de 18 mois d’activité salariée.</p>
<p>Les projections démographiques de la <a href="http://datatopics.worldbank.org/health/population">Banque mondiale</a> pour 2050 montrent que l’Europe orientale, et en particulier la région des Balkans, est celle qui se dépeuplera le plus dans les décennies à venir sous le double effet d’une faible natalité et d’une forte émigration.</p>
<p>Les conséquences politiques et économiques sont prévisibles. Renforcement des pratiques autoritaires et déséquilibres financiers structurels. Si l’on adopte une perspective braudelienne faite de centres et de périphéries, l’enjeu est de savoir dans quelle mesure le centre, autrement dit ici l’Union européenne, pourra arrimer ses périphéries dans une stratégie de développement et proposer quelque chose de crédible. Tout en gardant à l’esprit que ce qui est dans l’intérêt d’un pays n’est pas forcément dans l’intérêt de ses dirigeants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/105901/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Loïc Tregoures ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La vague d’émigration massive qui touche toute l’Europe balkanique depuis une dizaine d’années bouleverse les équilibres locaux et obère le futur de ces pays déjà en grande difficulté.Loïc Tregoures, Docteur en science politique, enseignant à l'Institut catholique de Paris, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/471292015-09-20T13:19:51Z2015-09-20T13:19:51ZMigrations en Europe : l’échec tragique de la dissuasion<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/94520/original/image-20150911-1551-j9kesi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un groupe de réfugiés syriens coincés à la gare de Budapest, 4 septembre 2015</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Women_and_children_among_Syrian_refugees_striking_at_the_platform_of_Budapest_Keleti_railway_station._Refugee_crisis._Budapest,_Hungary,_Central_Europe,_4_September_2015._(3).jpg?uselang=fr">Mstyslav Chernov/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>L’Europe est confrontée à une crise migratoire sans précédent : <a href="http://europe-liberte-securite-justice.org/2015/03/29/demandes-dasile-dans-lue-tres-forte-augmentation-selon-le-hcr-et-eurostat-45-dans-les-pays-les-plus-riches-selon-le-hcr-51-millions-de-personnes-deracinees-dans-le-monde/">625 000 demandes d’asile en 2014</a>, selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Un chiffre jamais atteint depuis la signature de la Convention de Genève en 1951. Au cours des six derniers mois, près de 2 000 personnes ont, par ailleurs trouvé la mort en Méditerranée. Et à ces drames s’ajoutent d’autres situations de crise, comme à Calais où les demandeurs d’asile et les candidats à la migration vers le Royaume-Uni croupissent dans une « jungle » depuis plusieurs années. </p>
<p>On peut citer aussi les <a href="http://www.francetvinfo.fr/monde/europe/migrants/autriche-des-dizaines-de-migrants-retrouves-morts-dans-un-camion-sur-une-aire-d-autoroute_1058685.html">75 morts dans un camion en Autriche</a> victimes des passeurs, la traversée des frontières de la Macédoine dans le plus grand dénuement des Syriens, fin août, et la mort du petit Aylan Kurdi sur une plage de Turquie qui a suscité une émotion considérable au niveau international. </p>
<p>L’Europe est cernée par des conflits qui se traduisent par des flux mixtes – réfugiés et migrations de travail. Elle est la plus grande destination migratoire au monde, devant les États-Unis et le Canada. Et la Méditerranée est l’une des plus grandes lignes de fracture du monde – démographique, économique, politique, culturelle, sociale. D’après le HCR, en 2015 <a href="http://www.unhcr.fr/55e0a7afc.html">près de 300 000 personnes ont traversé la Méditerranée</a> en direction de l’Europe contre 75 000 en 2014 pour la même période. </p>
<h2>Le coût faramineux du contrôle</h2>
<p>Or, la crise actuelle s’inscrit dans la poursuite d’une politique de dissuasion et de fermeture qui s’est soldée par quelque 29 000 morts en Méditerranée depuis 2000, 40 000 si l’on remonte jusqu’à 1990. <a href="http://www.lemonde.fr/europe/article/2015/06/18/l-ue-depense-des-fortunes-pour-renvoyer-les-migrants-illegaux_4657057_3214.html">Le coût du contrôle</a> s’élevait à 1,6 milliard d’euros en 2014 et à 11,6 milliards pour le renvoi des illégaux. </p>
<p>La stratégie de dissuasion consistant à mal accueillir les nouveaux venus ne fonctionne pas. Ces derniers savent les dangers qu’ils encourent et sont prêts à les courir, car ils considèrent qu’ils n’ont pas d’alternative dans leur pays, ou ils se perçoivent sans perspective d’avenir. </p>
<p>En 2015, l’HCR estime à <a href="http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20150618.AFP1230/croissance-exponentielle-des-deplaces-et-refugies-avec-60-millions-fin-2014.html">60 millions</a> le nombre de réfugiés, demandeurs d’asile, réfugiés statutaires ou déplacés internes dans leur propre pays en guerre. Les plus nombreux – les Syriens (4 millions se trouvent à l’étranger) – sont suivis par les Irakiens. C’est la Turquie (1,8 million), le Liban (1,2 million) et la Jordanie (600 000) qui ont accueilli l’essentiel des Syriens. </p>
<p>D’après <a href="http://frontex.europa.eu/">Frontex</a> (l’agence européenne de contrôle des frontières extérieures de l’Europe), 283 000 entrées illégales ont eu lieu en Europe en 2014, dont 220 000 par la mer. Au premier semestre 2015, on en a dénombré 103 000 – dont 54 000 en Italie, 48 000 en Grèce, 920 en Espagne et 91 à Malte. </p>
<h2>Trafiquants de passage</h2>
<p>L’Italie a longtemps été au centre des arrivées, du fait de la proximité de l’île de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=3YXD48R-JuI">Lampedusa</a> avec les côtes d’Afrique. En 2014, 171 000 migrants ont ainsi gagné l’Italie par la mer. La plupart sont considérés comme des migrants économiques ou issus de flux « mixtes » (compte tenu des dictatures régnant dans leur pays). Ils viennent de la corne de l’Afrique (Érythrée, Somalie), mais aussi du Soudan ou du Niger. Ils sont passés par la Libye, devenue un véritable pays passoire, où Daech contrôlerait le trafic d’êtres humains. </p>
<p>Mais l’essentiel des trafiquants du passage se concentre vers l’est de la méditerranée : en Turquie et en Égypte. Aujourd’hui, selon le HCR, c’est <a href="http://www.unhcr.fr/55c8b9a3c.html">la Grèce</a> qui est devenue le « point chaud » de l’Europe : Lesbos où 1 600 personnes sont arrivées en une seule journée, le 5 Juillet 2015 ou, côté sud par la région de Mersin. Ce pays voit arriver de nombreux demandeurs d’asile par ses îles situées le long de la frontière turque et par la frontière terrestre entre la Grèce et la Turquie, en Thrace. </p>
<p>Athènes a mis en place un mur qui ne permet pas le passage de la rivière Évros séparant les deux États. Il est clair que la Grèce ne dispose pas de la capacité de gérer toutes ces entrées, avec 11 000 places de réception sur son territoire. 85 % des entrants sont des demandeurs d’asile venus de Syrie, d’Afghanistan, d’Irak.</p>
<p>Côté bulgare, la frontière est fermée, tandis que la Hongrie a construit <a href="http://www.bfmtv.com/international/la-hongrie-erige-un-mur-pour-empecher-les-migrants-d-entrer-905272.html">un nouveau mur</a> au sud pour se protéger des arrivées de Turquie via la Serbie. Cette barrière a suscité beaucoup d’animosité en Macédoine et en Serbie, qui cherchent à rediriger les flux vers la Croatie et la Slovénie, toutes deux membres de l’Union européenne.</p>
<h2>Crise de solidarité</h2>
<p>Plus largement, la solidarité fait cruellement défaut au sein de l’UE : la France et l’Italie ont ainsi été incapables de gérer les 400 Africains arrivés à <a href="http://www.ibtimes.co.uk/italian-police-clear-migrants-france-border-crossing-amid-eu-refugee-redistribution-talks-1506413">Vintimille</a> par l’Italie fin juin 2015 quand la frontière a été fermée par Paris. Les deux États avaient vigoureusement combattu, en mai 2015, la proposition de la Commission européenne d’accepter des quotas de demandeurs d’asile, considérant qu’elles préféraient garder leur pouvoir discrétionnaire d’appréciation des profils. </p>
<p>Les États du sud de l’Europe attendent une renégociation des <a href="http://www.immigration.interieur.gouv.fr/Asile/Europe-et-asile/Le-reglement-Dublin">accords de Dublin</a> et déplorent vivement la crise de solidarité entre pays européens. A une situation exceptionnelle, on pourrait s’attendre à une réponse exceptionnelle de l’Europe. Elle a fait cruellement défaut. </p>
<p>La perméabilité des frontières, combattue par la politique de fermeture des frontières externes de l’Europe, perdure : malgré les contrôles accrus, les murs construits et le déploiement policier mis en œuvre, 1 000 personnes passent la frontière grecque chaque jour, selon le HCR. Une centaine de migrants traversent la Manche depuis Calais et <a href="http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2014/09/04/01016-20140904ARTFIG00169-l-afflux-de-migrants-a-calais-retour-sur-15-ans-d-impuissance-publique.php">Sangatte</a> vers le Royaume-Uni, selon les associations locales. </p>
<p>L’objectif, défendu par certains, de faire la guerre aux migrants, de fermer les frontières nationales et l’approche militarisée consistant à détruire les embarcations des passeurs et à éliminer les trafiquants du passage clandestin, souffre d’un manque de faisabilité. </p>
<p>La plupart des pays européens sont empreints, depuis près de 25 ans, d’une frilosité extrême par rapport aux migrations : l’extrême droite progresse dans beaucoup d’entre eux et les politiques migratoires nationales sont le plus souvent des politiques d’opinion, soucieuses de répondre avant tout aux sondages et à la peur dans un contexte de chômage. </p>
<p>La déclaration d’Angela Merkel, ces dernières semaines, sur la part que l’Allemagne est prête à assumer dans l’accueil des réfugiés a semblé renouer, dans un premier temps, avec les valeurs fondamentales de l’Europe et de l’Allemagne fédérale depuis sa création. Lentement, quelques autres pays européens lui ont emboîté le pas. Dans son allocution du 7 septembre, <a href="http://www.francetvinfo.fr/monde/europe/migrants/la-france-s-engage-a-accueillir-24-000-refugies-en-deux-ans_1074013.html">François Hollande </a>a ainsi annoncé l’acceptation par la France de 24 000 demandeurs d’asile. Mais timidement, car l’immigration a été longtemps amalgamée avec l’insécurité et le terrorisme. Aujourd’hui, alors que nombre de pays, dont l’Allemagne, ont rétabli un contrôle aux frontières, c’est bien un virage à 180° qu’il faut opérer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/47129/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine Wihtol de Wenden est membre de la Ligue des droits de l'Homme. </span></em></p>Construction de murs, contrôle des mers, rétention dans des camps : les Européens ont tout tenté pour dissuader les migrants de traverser la Méditerranée. Il est urgent de changer de stratégie.Catherine Wihtol de Wenden, directrice de recherches sur les migrations internationales, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.