tag:theconversation.com,2011:/us/topics/manuel-valls-24049/articlesManuel Valls – The Conversation2023-03-21T00:17:54Ztag:theconversation.com,2011:article/2021722023-03-21T00:17:54Z2023-03-21T00:17:54ZArticle 49.3 et réformes sociales : une histoire française<p>Le projet de réforme des retraites, porté par le gouvernement d’Elisabeth Borne, donne lieu à un <a href="https://theconversation.com/retraites-vers-un-durcissement-du-mouvement-social-pour-faire-reculer-le-gouvernement-199815">bras de fer entre le pouvoir et la rue</a> qui, depuis le milieu du mois de janvier 2023, se manifeste par un recours à des formes classiques de mobilisation (grèves, manifestations), canalisées par un <a href="https://le1hebdo.fr/journal/le-pouvoir-face--la-rue/433/article/un-mouvement-qui-fdre-une-somme-de-singularits-5758.html">front intersyndical unanime</a>.</p>
<p>Il s'est doublé d’un affrontement politique entre la majorité et ses oppositions, exacerbé par l’annonce du recours à l’article 49.3 pour faire adopter une loi contestée aussi bien par la rue que par une <a href="https://www.ifop.com/publication/les-francais-et-la-reforme-des-retraites-ifop-lexpress/">majorité croissante de Français</a>.</p>
<p>Dans l’histoire de la V<sup>e</sup> République, ce n’est toutefois pas la première fois qu’un gouvernement, isolé face à la montée de contestations sociales et politiques, doit engager une telle épreuve de force qui, dans un contexte incertain, comporte une réelle prise de risque. De fait, quelle que soit la nature de leur majorité, les gouvernements qui se sont succédé depuis 20 ans ont quasi toujours recouru à l’article 49.3 pour faire passer des projets modifiant en profondeur le système social ou la réglementation du travail – quitte à reculer ensuite sous la pression de la rue.</p>
<h2>Mai 68 était aussi une crise parlementaire</h2>
<p><a href="https://theconversation.com/manu-tu-nous-mets-64-on-te-mai-68-ce-que-les-slogans-disent-de-notre-histoire-sociale-200207">Référent quasi inévitable</a> de tous les mouvements de contestation sociale depuis cinquante ans, la crise de mai 68 ne s’est pas déroulée simplement dans les amphithéâtres et dans la rue. Elle a aussi réveillé les oppositions politiques à un gaullisme qui, usé par dix années de pouvoir, ne disposait alors que d’une majorité fragile, aussi bien dans l’opinion publique qu’à l’Assemblée nationale : le 24 avril 1968, il a manqué simplement huit voix pour qu’une motion de censure, portant sur la situation de l’audiovisuel public, soit adoptée.</p>
<p>En plein cœur du mouvement, alors même que l’exécutif semble partagé sur la réponse qu’il doit apporter aux revendications des étudiants comme des salariés, l’opposition dépose une <a href="https://www2.assemblee-nationale.fr/15/evenements/2018/mai-68-s-invite-dans-l-hemicycle-les-seances-du-14-et-22-mai-1968">nouvelle motion de censure</a>, qui est discutée les 21 et 22 mai, dans un <a href="https://www.cairn.info/revue-parlements1-2008-1-page-134.htm">climat d’extrême tension</a>. François Mitterrand, alors leader de la gauche non communiste, évoque alors une crise de régime qui décrédibilise le « système » au pouvoir et rend nécessaire une « alternative » politique, qu’il est prêt à incarner. Grâce à l’appui de Valéry Giscard d’Estaing et de son groupe des Républicains indépendants, pourtant critiques face à la gestion de la crise par le gouvernement, la motion de censure est rejetée – à une nette majorité : seuls 233 députés l’ont votée, alors que la majorité s’élevait à 244.</p>
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<p>Cette victoire parlementaire est toutefois insuffisante à restaurer la légitimité du pouvoir, dans un contexte où la mobilisation des étudiants et des salariés ne faiblit pas. C’est pourquoi, sur les conseils de son premier ministre Georges Pompidou, le général de Gaulle, le 30 mai, <a href="http://juspoliticum.com/article/L-Executif-sous-tension-Les-enseignements-de-Mai-68-1333.html">prononce la dissolution de l’Assemblée nationale</a>, après avoir envisagé de recourir au référendum.</p>
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<figcaption><span class="caption">Avant de dissoudre l’Assemblée nationale, de Gaulle a hésité jusqu’à la dernière seconde, comme le prouve le brouillon de son discours retrouvé aux Archives nationales. Public Sénat.</span></figcaption>
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<p>Attisant les craintes de l’opinion publique face à la radicalisation du mouvement social et exploitant la peur du désordre révolutionnaire, les gaullistes obtiennent, à l’occasion des législatives des 23 et 30 juin 1968, une <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_1968_num_18_5_393112">majorité sans précédent</a> mais dépendant très étroitement de ce contexte particulier. En fait, le pouvoir sort affaibli de cette crise, et de Gaulle démissionnera dix mois plus tard, après l’échec du référendum d’avril 1969.</p>
<h2>Mobilisations de masse</h2>
<p>C’est en 1984 que le pouvoir exécutif est à nouveau ébranlé par des manifestations de masse. Le gouvernement à dominante socialiste, dirigé par Pierre Mauroy, fait face à une opposition virulente contre le projet de loi Savary, visant à créer un « grand service public unifié et laïque de l’éducation nationale ».</p>
<p>Portée aussi bien par les <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/a-la-droite-du-pere-collectif/9782021472332">partis de droite</a> que par une fraction notable de l’opinion et les réseaux de parents d’élèves de l’enseignement privé, cette opposition culmine lors d’une grande manifestation qui, le 24 juin 1984, rassemble plus d’un million de personnes à Paris.</p>
<p>Le gouvernement bénéficiait d’une majorité pour adopter ce texte, qui était d’ailleurs l’une des 110 propositions formulées par François Mitterrand en 1981 : il avait toutefois eu recours à <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/decouvrir-l-assemblee/engagements-de-responsabilite-du-gouvernement-et-motions-de-censure-depuis-1958">l’article 49-3</a> le 23 mai 1984 pour accélérer l’adoption du texte en première lecture à l’Assemblée nationale.</p>
<p>Le président François Mitterrand cède toutefois à la pression de l’opinion et de la rue et, le 12 juillet 1984, annonce le retrait du projet de loi – entraînant de ce fait la démission du ministre Alain Savary et du premier ministre Pierre Mauroy.</p>
<p>Deux ans plus tard, Jacques Chirac prend la même décision après les importantes mobilisations contre le projet de loi Devaquet, avant même d’avoir eu le temps de le présenter en séance plénière à l’Assemblée nationale et de recourir éventuellement au 49.3 !</p>
<p>Entre 1988 et 1993, les gouvernements socialistes n’ont bénéficié que de majorités relatives à l’Assemblée. Mais lorsqu’ils ont recouru à l’article 49.3 ou fait face à des motions de censure qui, parfois, ont failli les renverser, ce n’était jamais dans un contexte de mobilisation de masse ou de contestation radicale d’une réforme.</p>
<p>En revanche, en <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/retraites/entretien-retraites-pourquoi-la-reforme-inevitable-de-1995-avait-fini-par-passer-a-la-trappe-1a2fceac-bf19-11ed-8b0a-102ab124256a">novembre-décembre 1995</a>, la réforme des retraites et de la sécurité sociale proposée par le gouvernement d’Alain Juppé suscite un mouvement social inédit depuis 1968, alors même que le pouvoir bénéficiait d’une très large majorité dans les deux assemblées. Comme en 1986, le gouvernement retire le 15 décembre 1995 son projet de réforme sans avoir sollicité un vote à l’Assemblée. </p>
<p>Toutefois, le 30 décembre 1995, en plein milieu de la « trève des confiseurs » qui marque habituellement une suspension dans la vie politique, il recourt à l’article 49.3 pour faire adopter une loi l’autorisant à prendre des ordonnances pour réformer la sécurité sociale. Ce double acte d’autorité (le recours aux ordonnances et au 49.3) ne suscite pas de réaction particulière de la part des oppositions qui estimaient sans doute avoir obtenu l’essentiel (le retrait de la réforme des retraites), dans un contexte où le gouvernement avait, au Parlement, la majorité : il s’agissait surtout pour l’exécutif d’aller vite en évitant les pratiques d’obstruction.</p>
<h2>Fronde et fracture à gauche</h2>
<p>Le 9 février 2006, Dominique de Villepin fait ainsi adopter en bloc sa « loi pour l’égalité des chances » instaurant le <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2016/03/09/il-y-a-dix-ans-les-jeunes-obtenaient-le-retrait-du-cpe_4879453_4401467.html">Contrat première embauche</a>. En dépit d’une contestation massive, notamment de la jeunesse, la loi est promulguée le 31 mars 2006 – avant que Jacques Chirac ne décide finalement, le 16 avril, d’en abroger l’article qui instaurait le CPE : à moins d’un an des présidentielles, il ne souhaitait pas faire courir à sa famille politique un risque électoral majeur.</p>
<p>Sous la présidence de François Hollande, marquée notamment par la « fronde » de députés récusant la politique économique incarnée notamment par Manuel Valls et Emmanuel Macron, l’article 49.3 a été utilisé pour faire adopter les « lois Macron », au grand dam de celui-ci, et surtout la « loi Travail », portée par la ministre Myriam El Khomri aussi bien en première lecture (le 10 mai 2016) que lors de l’adoption définitive (le 21 juillet).</p>
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<figcaption><span class="caption">Mardi 10 mai 2016, Manuel Valls a utilisé le 49.3 pour faire adopter le « projet de loi Macron », du nom du ministre de l’Économie de l’époque. France 24.</span></figcaption>
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<p>En dépit de l’opposition d’une majeure partie de l’opinion, de la quasi-totalité des syndicats et d’un mouvement social particulièrement virulent et durable (autour notamment du mouvement « Nuit debout »), les députés frondeurs du PS ne rejoignent pas leurs collègues du Front de gauche et de la droite et, le 12 mai, ne votent pas la <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2016/05/12/loi-travail-la-motion-de-censure-de-la-droite-debattue-a-l-assemblee-dans-un-climat-tendu-a-gauche_4917732_823448.html">motion de censure</a>, qui ne recueille que 246 voix que sur les 288 requises. Mais cette épreuve de force suscite une fracture au sein de la gauche gouvernementale, qui ne s’en est jamais réellement remise.</p>
<h2>L’adoption d’une loi ne sonne pas la fin de l’histoire</h2>
<p>Le projet de réforme des retraites, portée par <a href="https://www.publicsenat.fr/article/politique/retraites-philippe-engage-sa-responsabilite-par-le-49.3-181001">Édouard Philippe</a> lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, a également été adopté en première lecture par le recours à l’article 49.3, le 29 février 2020, qu’ont violemment dénoncé les différentes organisations syndicales.</p>
<p>Le pouvoir avait sans problème la majorité pour faire voter ce texte. Mais il souhaitait clore rapidement une séquence marquée par une forte mobilisation sociale qui, un an après le mouvement des « gilets jaunes », contribuait à affaiblir son assise politique et électorale.</p>
<p>Cette volonté délibérée d’esquiver une longue discussion au Parlement n’a pas eu de suites immédiates : dès le 16 mars 2020, Emmanuel Macron annonce la suspension de cette réforme, en raison de la crise Covid qui frappe alors la France et lui impose le confinement. Son attitude intransigeante face à un mouvement social a sans doute contribué à l’évolution de son électorat d’une élection présidentielle à l’autre, un électorat désormais plus proche de celui que capte traditionnellement la droite modérée.</p>
<p>Le gouvernement d’Elisabeth Borne n’est pas le premier à faire preuve d’autorité au Parlement pour faire passer une réforme contestée et pour tenter de mettre un terme à une agitation qui, si elle perdurait, serait délétère pour l’image du pouvoir. Toutefois, une victoire parlementaire acquise par l’intermédiaire de l’article 49.3 ou par le rejet d’une motion de censure ne suffisent pas à reconquérir une légitimité – le général de Gaulle lui-même l’a expérimenté en mai 68. Plusieurs lois, ainsi adoptées, n’ont d’ailleurs pas été promulguées. À l’évidence, le vote de ce lundi 20 mars ne constitue pas un terme définitif à un épisode particulièrement délicat pour la présidence d’Emmanuel Macron.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202172/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mathias Bernard est président de l'Université Clermont-Auvergne.</span></em></p>Le gouvernement d’Elisabeth Borne n’est pas le premier à faire preuve d’autorité au Parlement pour faire passer une réforme contestée.Mathias Bernard, Historien, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1183732019-06-07T08:44:18Z2019-06-07T08:44:18ZEn Catalogne, une Gauche républicaine renforcée à la pointe de l’indépendantisme<p>Au terme de l’intense cycle électoral de 2019 (législatives, municipales, régionales et européennes), le Parti socialiste (PSOE) s’affirme comme la première force politique en Espagne, tout comme le parti indépendantiste <em>Esquerra Republicana de Catalunya</em> (ERC- Gauche républicaine catalane) en Catalogne.</p>
<p>Les résultats catalans montrent donc une similitude avec l’Espagne : une victoire de la gauche sur la droite. Ils confirment également que le séparatisme divise toujours la Catalogne en deux et que la lutte fratricide au sein de l’indépendantisme rend plus complexe toute tentative de solution à la crise institutionnelle. Depuis le début du processus indépendantiste en 2011-2012, l’enjeu n’est pas tant l’indépendance que l’hégémonie du pouvoir politique.</p>
<p>L’analyse des résultats des élections municipales et européennes en Catalogne répond à trois questions différentes relatives aux choix des Catalans :</p>
<ul>
<li><p>à qui ont-ils donné leur confiance pour gérer les municipalités ?</p></li>
<li><p>Quelles sont les raisons du vote dual entre les européennes et les municipales ?</p></li>
<li><p>Qui sera le maire de Barcelone ?</p></li>
</ul>
<h2>ERC, une hégémonie fragile dans un camp indépendantiste renforcé</h2>
<p>Les résultats des élections municipales du 26 mai dernier en Catalogne coïncident avec ceux des législatives. ERC est devenue la principale force politique aussi bien en suffrages qu’en nombre de sièges. Ce parti a obtenu 23,5 % des voix, soit une progression de 7 points par rapport à 2015, et 3 086 conseillers municipaux, <a href="https://www.lavanguardia.com/elecciones/elecciones-municipales-2019">soit un gain de 706 sièges</a>.</p>
<p>ERC est arrivé en tête dans les principales villes, notamment à Barcelone, Tarragone et Lleida. Son résultat est du même ordre qu’aux législatives (24,5 % des suffrages), soit 15 sièges sur 48, et pour la première fois depuis 1931 un parti indépendantiste dispose devient la principale force catalane au Cortés.</p>
<p>ERC a devancé le parti socialiste catalan (PSC), avec 21,9 % des voix et 1 308 conseillers municipaux, et encore plus nettement <em>Junts per Catalunya</em> (Ensemble pour la Catalogne), la formation de Carles Puigdemont, qui n’a obtenu que 15,3 % des voix (en chute de 6 points) et 2 776 conseillers municipaux (une perte de 560 sièges). Le successeur du parti nationaliste de Jordi Pujol et Artur Mas poursuit ainsi son déclin électoral.</p>
<p>Le mouvement <em>En Comú Podem</em> (ECP affilié à Podemos, gauche radicale) est arrivé en quatrième position en Catalogne avec 8,7 % des voix (en baisse de plus 3 points) et 258 conseillers (contre 370 en 2015), et après Ciudadanos (C’s) avec 5,1 % des suffrages (en baisse de 2,3 points) et 239 conseillers (un gain de 64 sièges).</p>
<p>Deux conclusions s’imposent. Tout d’abord, dans une carte électorale fragmentée les Catalans ont confié la gestion de leurs municipalités à deux partis dominants et antagoniques : l’ERC indépendantiste et le PSC unioniste (ou constitutionnaliste). La seconde : en Catalogne, ERC prend le leadership de l’indépendantisme face à JxCAT (ancienne Convergence) divisée en interne et en déclin depuis 2011.</p>
<h2>Un vote dual : la victoire symbolique de Puigdemont aux élections européennes</h2>
<p>Les résultats des élections européennes du 26 mai confirment, mais seulement en partie, le constat des municipales. Car la liste Carles Puigdemont arrive en tête avec 28,6 % des voix devant le PSC (22,1 %) et ERC (21,2 %).</p>
<p>Dans le camp indépendantiste, on constate un vote dual. En Catalogne, les électeurs préfèrent confier le gouvernement des municipalités à ERC, tandis que pour le Parlement européen leur choix s’est porté en priorité sur JxCAT. Il s’agit certes d’une victoire personnelle de Puigdemont face Oriol Junqueras (ERC), mais elle demeure purement symbolique.</p>
<p>Comment expliquer ce vote dual des électeurs catalans ?</p>
<p>D’abord, Puigdemont a fait campagne librement dans les médias catalans depuis Bruxelles, tandis que Junqueras, en détention provisoire depuis plus d’un an et demi et en cours de jugement devant la Cour suprême, s’est exprimé avec beaucoup plus de difficulté.</p>
<p>Ensuite, la campagne du Parti populaire et de Ciudadanos (C’s) pour interdire la participation de Puigdemont aux élections européennes a probablement contribué au score de sa liste.</p>
<p>Enfin, depuis l’application de l’article 155 de la Constitution en Catalogne (suspension de l’autonomie catalane entre décembre 2017 et mai 2018), les critiques contre les institutions espagnoles se sont amplifiées. Cette protestation contre l’Espagne favorise le radicalisme jusqu’au-boutiste de Puigdemont par rapport au réalisme et pragmatisme de Junqueras.</p>
<p>Les électeurs indépendantistes considèrent peut-être que Puigdemont a plus de liberté depuis Bruxelles. Ils savent aussi que Puigdemont ne pourra pas exercer son mandat de député européen. Si sa victoire personnelle n’a qu’une portée symbolique, elle rend plus fragile l’hégémonie de ERC et constitue un frein à son évolution vers plus de pragmatisme.</p>
<p>Au total, les partis indépendantistes ont obtenu près de 50 % des suffrages aux élections européennes en Catalogne, alors que pour les municipales et les législatives leur score ne dépasse pas 40 %. On constate ainsi que la force des indépendantistes varie selon le type de consultation. En ce sens, les résultats de Barcelone sont significatifs.</p>
<h2>La bataille de Barcelone : succès de ERC, échec prévisible de Manuel Valls</h2>
<p>Frère de l’ancien maire de Barcelone, qui a organisé les JO de 1992, Ernest Maragall (ERC) est arrivé en tête avec 21,35 % des suffrages devant Ada Colau (BCN en Comú-Gauche radicale) avec 4 833 voix d’avance mais <em>ex aequo</em> en nombre d’élus (soit 10 chacun). Le succès de Maragall, qui a doublé son nombre de conseillers municipaux par rapport à 2015, renforce ERC comme force indépendantiste de référence.</p>
<p>La liste conduite par l’ancien premier ministre français Manuel Valls, « Barcelone pour le changement » (<em>Barcelone Canvi</em>), soutenue par C’s arrive en quatrième position avec 13,5 % des voix (6 élus), derrière le Parti socialiste catalan (8 élus contre 4 en 2015). Manuel Valls qui se voyait déjà remporter la mairie de Barcelone a reconnu son échec. La surprise à laquelle il croyait ne s’est pas produite. En vérité, son échec était prévisible. D’autant que les sondages de juillet 2018 le créditaient de 10 % des voix !</p>
<p>Le futur maire sera élu le 15 juin prochain. Il est probable qu’Ada Colau renouvellera son mandat car elle dispose des soutiens nécessaires et parce qu’il n’existe pas d’arithmétique alternative. Son dilemme est de passer un pacte avec ERC, comme le lui propose Maragall, ou avec le PSC et Valls, ou encore de former – comme elle le souhaite – un gouvernement tripartite, ERC, BCN en Comú et PSC.</p>
<p>En définitive, le parti central au sein du mouvement indépendantiste est bien ERC, mais son hégémonie politique reste fragile car la victoire symbolique de Puigdemont l’empêche d’aller plus loin dans le pragmatisme. Néanmoins, ERC qui contrôle une partie de la Catalogne, pourrait très bien imposer des élections anticipées dans un délai rapproché, les remporter et ainsi contrôler la Généralité.</p>
<hr>
<p><em>Christian Hoarau est l’auteur de « La Catalogne : sortir du labyrinthe in Le retour des populismes (Éditions de la Découverte, 2018) et de « La question catalane- Nationalisme, populisme, séparatisme » (L’harmattan, à paraître).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118373/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian Hoarau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis le début du processus indépendantiste en Catalogne, en 2011-2012, l’enjeu n’est pas tant l’indépendance que l’hégémonie du pouvoir politique.Christian Hoarau, Professeur au CNAM et à l'Université UPF de Barcelone, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/885932017-12-06T21:22:58Z2017-12-06T21:22:58ZSuicides dans les forces de l’ordre : « Sous son uniforme, l’humain subit de plus en plus sa vie »<p><em>Les militaires de l’opération Sentinelle paraissent à bout, une <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/politique/l-officier-de-securite-de-muriel-penicaud-s-est-suicide_1966490.html">vague de suicides</a> frappe les forces de l’ordre, un <a href="http://www.france24.com/fr/20171125-france-paris-attentats-13-novembre-rescape-bataclan-suicide-victime-psychologue-ei">rescapé du Bataclan</a> se donne la mort. Dans ce contexte marqué par le terrorisme, il semblerait que nous soyons entrés dans une société des traumatismes, ou de façon corollaire dans cette <a href="https://questionsdecommunication.revues.org/7281">« société du risque »</a> dont parlait le sociologue Ulrich Beck en 2001. Virginie Martin, politologue et sociologue, interroge la psychotraumatologue Viviane Batton Paillat sur l’accompagnement des victimes d’attentats, y compris les secouristes.</em></p>
<hr>
<p><strong>Virginie Martin : Plus que des sociétés violentes, nos sociétés contemporaines sont des <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/societe-risque/00024743">« manufactures à risques »</a>, fabriquant des environnements difficiles, stressants, et qui épuisent les organismes. Êtes-vous d’accord avec ce constat ?</strong></p>
<p><strong>Viviane Batton Paillat :</strong> Je ne pense pas qu’on rentre dans une société des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/traumatismes-20239">traumatismes</a>, mais plutôt que les psychotraumatismes touchent de nouveau plus d’humains en même temps. Ils sont redevenus collectifs et viennent nous choquer dans notre cocon de sécurité par l’intermédiaire des médias, qui utilisent plus que jamais le poids des mots et le choc des photos, en donnant de plus en plus de détails morbides. Notre cocon n’est plus un havre de paix. L’étendue d’un traumatisme va donc bien au-delà du choc de celui qui le vit et bien au-delà du lieu de catastrophe. Après l’attentat contre <a href="https://theconversation.com/fr/topics/charlie-hebdo-22057"><em>Charlie Hebdo</em></a>, un cardiologue de Toulouse a recensé une augmentation des entrées dans son service. Il attribuait grandement cette flambée au stress engendré par la démultiplication des informations au sujet des attentats.</p>
<p><strong>V.M. : Le secrétariat d’État aux victimes mis en place par <a href="https://theconversation.com/fr/topics/manuel-valls-24049">Manuel Valls</a> sous la présidence de François Hollande a été supprimé au bénéfice d’un comité interministériel. L’ancienne secrétaire d’État, l’ancien premier ministre et certaines associations de victimes ont <a href="http://www.liberation.fr/france/2017/11/09/au-sommet-de-l-etat-l-aide-aux-victimes-change-de-visage_1609080">fortement critiqué</a> ce changement. Est-ce important qu’il existe un portage politique suffisamment visible ?</strong></p>
<p><strong>V.B.P. :</strong> Je suis persuadée qu’une victime a besoin de reconnaissance. Lorsque la société y participe grâce à sa justice, à sa solidarité médicale, financière, juridique, la victime peut commencer à guérir de ses blessures en se sentant soutenue. La reconnaissance permet de panser d’autres plaies, celles du cœur et de l’esprit. Tout État, qu’importe la famille politique au pouvoir, doit montrer qu’il s’intéresse à ses citoyens, qu’ils soient des victimes directes ou collatérales.</p>
<p><strong>V.M. : Le <a href="http://www.leparisien.fr/faits-divers/terrorisme-pas-de-ministre-mais-une-deleguee-interministerielle-pour-aider-les-victimes-12-07-2017-7129437.php">comité interministériel de l’Aide aux victimes</a>, dirigé par une <a href="http://www.lemonde.fr/societe/article/2017/07/12/elisabeth-pelsez-nommee-deleguee-interministerielle-chargee-de-l-aide-aux-victimes-d-attentats_5159665_3224.html">magistrate</a>, apporte un certain nombre d’aides juridiques aux familles. Le volet psychologique existe aussi, bien sûr, mais paraît encore insuffisant. Que pourrait-on faire pour mieux traiter les questions des chocs psychologiques, du stress aigu, du traumatisme en général ?</strong></p>
<p><strong>V.B.P. :</strong> Pour secourir un maximum de victimes, nous devons être très mobilisés et convoquer toutes les disciplines à même d’aider les gens. L’enjeu est important. Plus précisément, dans le cas des traumatismes, il faudrait que nos dirigeants entendent la demande de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) adressée à tous les États du monde, à faire en sorte que toute personne victime d’un attentat bénéficie de la neuropsychothérapie <a href="http://www.emdr-france.org/web/quest-therapie-emdr/">EMDR</a> (<em>eye movement desensitization and reprocessing</em>) le plus tôt possible après l’attentat.</p>
<p><strong>V.M. : L’EMDR, thérapie créée aux États-Unis par <a href="https://www.decitre.fr/livres/des-yeux-pour-guerir-9782757839683.html">Francine Shapiro et Margot Silk Forrest</a> et importée en France notamment par le psychiatre <a href="http://www.laffont.fr/site/guerir_&100&9782221097625.html">David Servan Schreiber</a> vous semble donc être une bonne réponse, alors qu’elle est sous-exploitée. En quoi consiste-t-elle précisément ?</strong></p>
<p><strong>V.B.P. :</strong> L’EMDR permet de revisiter notre vécu douloureux de manière ciblée. En stimulant de manière alternative et bilatérale, c’est-à-dire du côté droit puis du côté gauche, les yeux ou encore les oreilles, on accède aux <a href="https://theconversation.com/fr/topics/memoire-22674">réseaux de la mémoire</a> contenant l’information gelée dans le cerveau émotionnel lors d’un événement marquant. Cela mène à la désensibilisation des affects et à un nouveau traitement de nos perceptions, sentiments, ressentis, émotions et pensées restés figés sous le choc. Le souvenir reprend sa juste place sur la ligne du temps. On peut enfin intégrer le fait que le temps a passé et mieux vivre l’instant présent.</p>
<p><strong>V.M. : Dans la chaîne des gens traumatisés, on parle très peu des pompiers, des soignants, des urgentistes, des policiers… Bref, de tous ceux qui portent un uniforme. Selon vous, ils devraient recevoir une aide plus importante et figurer parmi les premiers traités. Pourquoi et comment ?</strong></p>
<p><strong>V.B.P. :</strong> Je suis très sensible au vécu et à la prévention des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/risques-psychosociaux-35370">risques psychosociaux</a> de ces professionnels, auxquels on demande des comportements d’exception. Le stress et le trauma de l’intervenant du secours civil constituent depuis longtemps un sujet brûlant, à mes yeux. Ces humains ont fait de leur vie une mission de secours, mais comment les secourt-on pour leur permettre de continuer à vivre dans les meilleures conditions ?</p>
<p>Les intervenants du secours civil sont des personnes comme les autres, ont une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/vie-privee-25210">vie privée</a> comme tout le monde, mais une vie professionnelle différente. Lors de leurs interventions, ils sont souvent confrontés aux situations les plus stressantes et aux visions les plus éprouvantes qu’il y ait sur Terre. Leur <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cerveau-21903">cerveau</a> n’est pas fait – pas plus que le nôtre – pour vivre l’horreur, ni leur corps pour supporter l’effroi – encore moins de manière répétée. C’est pourquoi il est important de considérer l’humain, l’homme, la femme sous l’uniforme ou la blouse blanche.</p>
<p>Des tas d’idées fausses circulent sur les intervenants du secours civil : on leur attribue plus de solidité, de résistance au <a href="https://theconversation.com/fr/topics/stress-20136">stress</a>, d’aptitude à supporter l’insupportable. Ils sont motivés à porter secours donc on les croit immunisés contre les événements marquants.</p>
<p><strong>V.M. : Ce n’est pourtant pas le cas…</strong></p>
<p><strong>V.B.P. :</strong> Non : le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/police-22208">policier</a>, le gendarme, l’urgentiste, le pompier, le personnel du SAMU, le réanimateur, l’humanitaire est un être humain avec ses forces, ses failles, sa capacité limitée de gestion du stress. Et cela est grandement fonction de son histoire personnelle, de son vécu et de son présent. Son organisme est sensible au stress comme tout autre ; il ne s’habitue pas aux expériences traumatiques mais s’abîme à force de chocs à répétition. On ne lui apprend pas à gérer ses émotions avant, pendant et après les interventions, mais à garder le contrôle des événements. Même le cerveau des plus forts subit des dégâts majeurs s’il est confronté à des circonstances d’exception. L’horreur et la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/souffrance-31137">souffrance</a> humaine, caractéristiques des interventions de secours, nuisent à long terme au bon fonctionnement du cerveau. Petit à petit, sous son uniforme, l’individu subit de plus en plus sa vie.</p>
<p>Les intervenants du secours civil se retrouvent aujourd’hui dans des situations bien plus traumatisantes qu’autrefois, ce qui nécessite une aide adaptée. Ils ont besoin d’une authentique reconnaissance de leur problématique, d’une prise en charge personnelle et d’un suivi psychotraumatologique en rapport avec leurs séquelles psychosociales. Le danger est d’autant plus pernicieux que les conséquences ne sont pas toujours immédiatement visibles. Victimes de <a href="https://www.cordial.fr/dictionnaire/definition/traumatisation.php">traumatisation</a>, les secouristes souffrent parfois longtemps avant de capituler, épuisés psychiquement et/ou physiquement.</p>
<p>Tout doit être fait pour offrir à ces hommes et ces femmes qui nous portent secours le meilleur accompagnement possible. Derrière le geste irréparable du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/suicide-36096">suicide</a>, il y aura, souvent, des orphelins. Le chemin montré par le parent à bout est un chemin de mort, au moment précis où s’ouvre, pour un jeune être humain, celui de la vie.</p>
<p><strong>V.M. : Que devient selon vous une société qui porte en elle des personnes – chacune à sa manière – stressées, choquées, traumatisées ?</strong></p>
<p><strong>V.B.P. :</strong> Quand j’ai commencé mes études de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/medecine-21223">médecine</a>, le professeur qui nous a accueillis a dit : « Messieurs, mesdemoiselles, notre pays est en bonne santé parce que sa population est en santé. » C’était en 1973. Il a poursuivi : « Vous n’avez qu’une chose à faire, maintenir notre population en santé pour que notre pays reste en bonne santé ». La problématique a bien changé. En présence de tant de stress cumulatif, de tant de stress aigu, la société ne peut que tomber malade. Pour qu’elle reste en santé, il est urgent de se donner les moyens de réduire les causes de stress dans la vie de chacun.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/88593/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Virginie Martin est présidente du Think Tank Different, auteure de « Ce monde qui nous échappe » (Éd. de l’Aube, 2015)</span></em></p>Virginie Martin, politologue et sociologue, interroge la psychotraumatologue Viviane Batton Paillat sur l’accompagnement des victimes d’attentats, y compris les secouristes.Virginie Martin, Docteure sciences politiques, HDR sciences de gestion, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/798532017-06-22T19:43:34Z2017-06-22T19:43:34ZViolences sociales et politiques : faut-il se résigner à une démocratie des pavés qui volent ?<p>À l’image de la vie sociale, la vie politique semble être de plus en plus touchée par la violence. Des échauffourées ont éclaté à Évry lorsque Manuel Valls, au soir du second tour des législatives, a tenté de faire sa déclaration de victoire. Le même soir, sur le plateau de BFMTV, Rachida Dati a dénoncé des violences dont elle ou sa fille ont été victimes au cours des dernières années.</p>
<p>Il est très certainement nécessaire de se pencher sur les causes d’un tel phénomène, qu’elles soient sociales, économiques ou autres. Mais nous voudrions attirer l’attention sur une autre analyse qui nous paraît urgente, et qui concerne la légitimité dont se prévalent certains de ceux qui usent sans état d’âme de la violence dans le champ social et politique : la violence serait-elle un droit ?</p>
<h2>Une violence qui vient de loin…</h2>
<p>Sans doute des phénomènes de violence, dont la Terreur fut un grand et symbolique moment, ont-ils de tout temps accompagné la vie politique. « Depuis que l’homme écrit l’Histoire, Depuis qu’il bataille à cœur joie », comme le chante Brassens (« La guerre de 14-18 »), il n’a jamais reculé devant la torture, l’assassinat ou le massacre.</p>
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<p>Mais, avec l’avènement de la démocratie, on aurait pu espérer, sinon une disparition, du moins une atténuation significative, des phénomènes de violence. La démocratie n’a-t-elle pas pour fin, <a href="http://www.lemonde.fr/livres/article/2017/04/16/frederic-worms-les-principes-moraux-de-la-democratie-sont-des-principes-vitaux_5112065_3260.html">comme Frédéric Worms</a> l’a bien fait apparaître, de nous protéger à la fois des violences extérieures (telle est « la première fonction vitale du politique »), et des violences intérieures, celles que « ses membres… peuvent exercer les uns sur les autres » ? La survivance, voire l’augmentation, des violences intérieures, serait donc le signe que la démocratie fonctionne mal.</p>
<h2>Une violence qui se banalise</h2>
<p>On pourra parler, pour le moins, de fatigue démocratique. Car, dans le champ social et politique, la violence se banalise, dans un climat de tension marqué par une exacerbation de l’hostilité et de l’agressivité. On peut en tenir pour preuves les violences qui accompagnent la radicalisation des luttes environnementales (Notre-Dame-des-Landes, ZAD de Sivens) ; celles qui ont marqué les manifestations contre la loi El Khomri ; celles qui scandent le <a href="https://theconversation.com/la-persistance-des-mauvaises-relations-police-jeunes-jusqua-quand-73065?sr=1">difficile dialogue police/jeunes</a> dans « les cités » (émeutes, brutalités) ; ou encore celles qui enflamment les abords des lycées, voire l’intérieur de ceux-ci (élèves et personnels brutalisés). Sans oublier les mitraillages de permanences politiques, les saccages de locaux syndicaux, ou les « interpellations » de ministres à leur domicile familial.</p>
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<p>Cette violence peut être tout d’abord simplement rhétorique : la candidate participant au débat du second tour de la présidentielle en a donné un brillant exemple, au même titre que les tweets odieux ou haineux qui fleurissent sur les réseaux sociaux, ou les paroles de certains textes de rappeurs (« Ferme ta gueule, ou tu vas te faire marie-trintigner »). Puis, aux injures verbales, ou aux guérillas judiciaires, succèdent les violences physiques, les caillassages, la casse, et finalement les guérillas urbaines.</p>
<h2>Une légitime violence militante ?</h2>
<p>Pour ce qui concerne le vivre-ensemble, et d’un simple point de vue éthique, ces violences nous semblent, plus que regrettables, inadmissibles. Il suffit de se référer à l’unique principe de l’<a href="http://lemonde.fr/livres/article/2009/07/16/ruwen-ogien-ne-pas-nuire-aux-autres-rien-de-plus_1219322_3260.html">« éthique minimaliste »</a> brillamment théorisée par le très regretté Ruwen Ogien : ne pas nuire aux autres. À l’évidence, ces violences font du mal à autrui !</p>
<p>Mais, et c’est là ce que réside le problème auquel il nous paraît urgent de réfléchir : pour certains, d’un point de vue non plus éthique, mais militant, ces violences pourraient être considérées comme légitimes. À la logique, finalement bourgeoise, de l’éthique, il faudrait substituer une autre logique, sociale et politique. La violence ne serait qu’une arme dont les faibles et les opprimés s’emparent pour résister à la violence exercée par l’État capitaliste. Blocages, sabotages, agressions, ne sont que de justes moyens de lutte : car ce sont « les autres » (les dominants, les capitalistes, l’État) qui ont commencé ! Les violences des zadistes ou des manifestants ne seraient donc qu’une réponse appropriée aux violences policières et <a href="http://lemonde.fr/police-justice/article/2016/05/19/a-rennes-des-manifestants-defendent-la-violence-politique_4922457_1653578.html">à la « violence sociale du gouvernement »</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/174985/original/file-20170621-25561-1a489cf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/174985/original/file-20170621-25561-1a489cf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/174985/original/file-20170621-25561-1a489cf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/174985/original/file-20170621-25561-1a489cf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/174985/original/file-20170621-25561-1a489cf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/174985/original/file-20170621-25561-1a489cf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/174985/original/file-20170621-25561-1a489cf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">À l’entrée de la ZAD de Notre-Dame des landes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nddl/8707585381/in/photolist-egsDLr-egypQj-egypwY-egsEn4-egypSS-egypUQ-egsDQi-egypMw-dZYzTd-dZSU44-egyq5J-dZSTuz-egypHL-dZYzsL-dZSTyP-e1evfs-dZSTGi-e1evrE-e18PHD-e1evi9-e18PRP-e18PZc-dNaL68-dNaLhi-dNaKKF-dNaL1K-dNgjrs-dNaLoV-dNgjAs-dNaLiZ-dNaLkv-dNgjmu-dNgjw9-dNaLfr-dNgjwb-dNaLmc-dNaLee-dNgjKj-dNaLr8-dNaL8a-dNaLii-dNgjKC-dNaLhT-dNgjMy-dNaLaF-dMWWi9-dNgjZm-dMWX1u-dNaKMR-dNaL5K">DR</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Pour les militants anti-aménagement du territoire ou anti–loi travail, l’action dure, face à l’État ou aux lobbys industriels, est vécue comme une légitime nécessité, dans le cadre d’une recherche d’efficacité dans les luttes. À la démocratie des bulletins de vote succède alors la démocratie des gifles qui claquent et des pavés qui volent. « Choisis ton bulletin de vote » peut-on ainsi lire sur le site de Notre-Dame des Landes.</p>
<h2>A quoi joue-t-on, finalement ?</h2>
<p>Cela a très clairement été formulé par celui qui fut l’une des figures du mouvement social de mai 2016 à Rennes, <a href="https://theconversation.com/quel-est-le-vrai-visage-des-casseurs-59146?sr=2">Hugo Melchior</a>. La légalité et le pacifisme ne permettent pas de renverser le rapport de force existant. Il faut donc créer un climat de tension maximale avec l’État pour rendre la situation intenable. « S’affranchir un peu des règles du jeu », celles que l’État impose aux citoyens (respect formel des lois, et de l’ordre), pour imposer un nouveau jeu, celui du chat et de la souris, et de la casse. Puisque, comme l’exprime un manifestant, « la casse, ça arrive de temps en temps, ça fait partie du jeu » (dans le <em>Le Dauphiné Libéré</em> du 27 mai 2016).</p>
<p>Mais la violence peut-elle se substituer au droit, et la transgression devenir la règle ? Le jeu des pavés qui volent est-il vraiment préférable au jeu calme du citoyen qui vote et veut vivre en paix ? La difficulté, pour la démocratie – et on peut imaginer que c’est, entre autres choses, ce qui la fatigue ! –, est de <a href="https://theconversation.com/etat-durgence-etat-dalerte-79460">concilier deux séries de droits</a> : droit à la liberté (de s’exprimer, de manifester) d’un côté ; droit à la sécurité (à l’ordre, au calme, et au respect de ses biens et de son intégrité physique) de l’autre.</p>
<p>Mais liberté et sécurité ne sont-elles pas précisément compatibles qu’à la condition de refuser que la violence devienne une règle dominante de fonctionnement ? Qu’à la condition de faire prévaloir l’éthique ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/79853/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charles Hadji ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À l’image de la vie sociale, la vie politique semble être de plus en plus touchée par la violence. Serait-elle un droit ?Charles Hadji, Professeur émérite (Sciences de l’éducation), Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/796512017-06-19T05:06:01Z2017-06-19T05:06:01ZCinq enseignements de ces législatives et une possible comparaison<p>À chaud, il est possible d’exposer un tout premier bilan de cette séquence électorale en soulignant les conséquences du scrutin pour les forces partisanes, en remettant en perspective les résultats avec l’histoire de la V<sup>e</sup> République, ou en établissant un parallèle avec la vie politique italienne.</p>
<h2>Les législatives, sous-produits de la présidentielle</h2>
<p>Comme il est désormais de coutume depuis la réforme constitutionnelle sur le quinquennat votée en 2000, avec l’inversion du calendrier électoral présidentielle-législatives, celles-ci viennent confirmer la présidentielle, et le 2<sup>e</sup> tour du scrutin législatif est une confirmation du 1<sup>er</sup> tour mais pas une amplification, comme cela arrive parfois. Tous les appels au sursaut venus de droite comme de gauche, en espérant un retournement de tendance, sont restés lettre morte. Ils tenaient, en réalité, plus du discours obligé au soir du premier tour que d’un discours de mobilisation audible et crédible.</p>
<p>L’abstention au soir du second tour est encore plus forte qu’une semaine avant, entre ceux qui ont perdu leur candidat et ne souhaitent se rabattre sur aucun autre et ceux qui sont découragés devant l’ampleur de la vague macronienne et qui ont baissé les bras. Ceci étant dit, la victoire du mouvement du Président n’est pas aussi large que le laissaient croire les scores du premier tour. Dans une série de circonscriptions, les candidats En Marche n’ont pas réussi (sauf quand ils faisaient face à un candidat Front national) à mobiliser beaucoup de nouveaux électeurs entre les deux tours, alors que leurs adversaires ont réussi des redressements spectaculaires, doublant leur score là où le candidat EM ne progressait que de 10 à 20 %.</p>
<p>Une des explications plausibles de ce phénomène serait le bon report de voix d’électeurs des autres partis vers l’adversaire de celui d’En marche, dans une logique du « tout sauf une hégémonie excessive d’En marche au Parlement ». De plus, tout se passe comme si l’électorat Macron s’était déjà bien mobilisé au premier tour et que la réserve de voix au second tour manquait, alors que les adversaires ayant été punis par l’abstention de leurs électeurs avaient réussi à remobiliser un peu en leur faveur.</p>
<h2>PS : encore quelques secondes Monsieur le bourreau</h2>
<p>L’oraison funèbre s’approche dangereusement du Parti socialiste tel que François Mitterrand avait réussi à la reconstruire à partir du fameux congrès d’Epinay de 1971. Déjà le score spectaculairement bas de Benoît Hamon à la présidentielle avait été un camouflet, mais la confirmation reçue lors de ces élections législatives lui porte le coup de grâce. Son premier secrétaire, Jean‑Christophe Cambadelis en tire logiquement la conclusion et annonce sa démission. Et il est instructif de souligner que le discrédit des élus socialistes frappe sans distinction les fidèles du Président Hollande, les anciens ministres, même parmi ceux qui ont eu le soutien implicite de En Marche, comme les « frondeurs » qui ont passé leur temps à se désolidariser du gouvernement Valls.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/174373/original/file-20170619-5756-1sy05lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/174373/original/file-20170619-5756-1sy05lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/174373/original/file-20170619-5756-1sy05lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/174373/original/file-20170619-5756-1sy05lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/174373/original/file-20170619-5756-1sy05lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/174373/original/file-20170619-5756-1sy05lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/174373/original/file-20170619-5756-1sy05lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dépôt de gerbe sur la tombe de François Mitterrand par le Premier secrétaire Harlem Désir, en janvier 2013.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/partisocialiste/8361011179/in/photolist-dJQnka-bUgCrs-7J3x4u-9M3YXK-9M3YWp-9GrFuq-9GrFiY-9Mphjf-77wE48-eFkf5u-dJQtgZ-9GoMQD-9M3Z6R-9M6LSj-9GrEof-dJQ9X8-9Mmts6-9MmtEH-9MmtAV-9MphSA-9M6LR7-dJVPWu-7exghA-9GrHUw-9EfvGj-dJQmma-9M6LCq-vdz2Cx-9M3Z5K-9M6LVC-9M6LBL-9Mmto8-9GrqiN-9Mmtm6-9GoKJK-9GrEJC-9M6LEY-dJQuwH-9GoNo6-9GoNcv-9MmtCR-9MmtxR-9Mppp5-9MphAh-9MphMG-9Mmtu8-9MmtK6-6mYdyp-6n3ouN-9Mmthk">PS/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Sur les 42 signataires qui avaient clairement rompu avec le devoir de solidarité de leur majorité présidentielle et législative, le bilan n’est pas brillant : seuls 6 ont pu se qualifier pour le second tour, dont un seul en tête. Leurs scores oscillent entre 9 % et 24,7 %. Le score moyen étant de 15,7 %, ce qui est bien supérieur au score du PS pris globalement lors du premier tour, mais reste faible pour nourrir l’ambition d’incarner une opposition de gauche. On notera que 15 – soit un tiers – préférait ne pas se représenter. Taux de désertion spectaculaire pour des députés si combatifs un an avant. Bilan : 20 députés sortants battus dès le premier tour, 6 qualifiés pour le second et 3 élus à l’issue du second, on est loin d’une validation par le suffrage du bien-fondé de leur jeu de posture au Parlement.</p>
<p>De ce constat, il en ressort que le Parti socialiste est effectivement définitivement brisé, qu’il n’abritera plus deux gauches jugées « irréconciliables » selon les termes prémonitoires de Manuel Valls. Les membres de ce parti se jettent en effet au visage la responsabilité réciproque du naufrage électoral subi : les uns criant au poison de la déloyauté qui a affaibli le réformisme gouvernemental voulu par François Hollande, les autres criant à la trahison des idéaux de la campagne de 2012. Les oppositions idéologiques ou programmatiques deviennent donc des rancœurs, voire des haines, chacun jugeant que l’autre porte la faute originelle, alors qu’en vérité chacun à sa place est responsable de ce désastre, par le spectacle qui fut ainsi donné qui a sapé la confiance des électeurs socialistes, partis en masse chez En Marche.</p>
<p>Il y a fort à parier que les divers courants et visions du monde qui ont divisé ce parti durant le quinquennat de François Hollande vont désormais essayer de se réorganiser, de réviser leurs logiciels intellectuels et programmatiques, en revenant donc probablement à l’état ante-Epinay d’un éclatement entre plusieurs groupuscules conçus comme des laboratoires d’idées, comme une étiquette électorale partagée, bénéficiant ainsi de soutiens publics ou comme des cercles d’élus à forte assise locale cherchant à fédérer leurs maigres moyens au niveau national dans une logique de préservation de fiefs. L’heure dans la mouvance socialiste va sans doute être à la dispersion, à la refondation de micro-chapelles, avant un jour – peut-être – une nouvelle recomposition. Et François Hollande si soucieux de laisser une trace dans l’histoire va très probablement rester comme celui qui aura sabordé le Parti socialiste tel que François Mitterrand avait réussir à la bâtir pour en faire une force de gouvernement crédible.</p>
<h2>Des forces protestataires qui ont du mal à mobiliser les Français</h2>
<p>Si, durant la campagne présidentielle, les discours de Marine Le Pen et Jean‑Luc Mélenchon ont porté, et si leur score les a convaincus qu’ils allaient faire un carton au moment des législatives, force est de constater qu’ils subissent un net recul. Guillaume Caline, de Kantar Public, pointe ainsi que « dans les 30 circonscriptions métropolitaines où l’abstention a le plus progressé au premier tour, le score moyen de Marine Le Pen était de 25,4 % à la présidentielle (contre 21,3 % au niveau national) et de 21,5 % pour Jean‑Luc Mélenchon (contre 19,6 %) ». À l’inverse, dans les 30 circonscriptions où l’abstention a le moins progressé aux législatives, le score moyen du candidat Macron était de 28,5 % contre 24 % en moyenne nationale.</p>
<p>Néanmoins, à l’extrême gauche comme à l’extrême droite, ils peuvent se consoler en soulignant – à raison – qu’ils ont désormais bien plus de députés qu’en 2012 à l’issue de ce second tour. C’est un maigre capital en nombre d’élus, mais en termes symboliques c’est très important, surtout pour la France insoumise et le PCF qui ont de quoi fonder un groupe parlementaire avec tous les avantages associés pour le travail parlementaire et la visibilité médiatique de l’action d’opposant au gouvernement.</p>
<h2>Une défaite historique pour la droite</h2>
<p>Même si elle peut essayer de se consoler en se disant qu’elle limite les dégâts, qu’elle est première force d’opposition, qu’elle dépasse les cent députés, la droite parlementaire subit une défaite historique depuis 1958. Au plus fort de la « vague rose » de 1981, elle comptait 150 députés dans ses rangs pour sa première entrée dans le rôle d’opposant. Elle en aura encore moins pour cette législature.</p>
<p>Et les problèmes ne font que commencer car elle arrive au Palais Bourbon, fracturée en trois blocs, entre ceux qui se sont déclarés ouvertement favorables à l’alliage Macron-Philippe, puisque justement le premier ministre est de droite. Ceux qui se disent partisans d’une opposition « constructive », votant ce qui correspond à leur programme. Et ceux qui plaident pour une opposition dure face à une majorité pléthorique.</p>
<p>Les élus resteront-ils soudés dans un même groupe parlementaire ou, au moins, deux tendances seront-elles en autonomie, via deux groupes distincts ? On doit aussi souligner que ces législatives sont perçues, non sans raison, par des ténors du parti Les Républicains, comme le reliquat de l’entêtement du candidat Fillon à se maintenir malgré tous ses ennuis judiciaires, entraînant son camp par le fond.</p>
<h2>Abstention : une preuve de plus de la crise de confiance démocratique</h2>
<p>Ces élections législatives sont un double signal de la crise profonde de confiance des électeurs français vis-à-vis des forces politiques traditionnelles qui se partagent le pouvoir, à coup d’alternances successives, depuis des décennies.</p>
<p>Signal exprimé d’abord par le nombre conséquent des Français qui ont décidé de donner leur chance à une force politique nouvelle, qui se retrouve à l’Élysée et avec une majorité absolue inégalée dans l’histoire de la V<sup>e</sup> République pour une force qui a à peine douze mois d’existence.</p>
<p>Signal ensuite par le nombre très élevé d’électeurs du premier tour de la présidentielle qui ont décidé de s’abstenir et donc de ne pas aller soutenir les candidats locaux du leader pour lequel ils avaient pourtant voté six semaines auparavant.</p>
<h2>Un air de déjà vu : l’Italie de Forza Italia</h2>
<p>Si le mouvement de fond électoral qui traverse la France est inédit sous la V<sup>e</sup> République, de troublants parallèles sont possibles avec la vie politique italienne de 1992-1994, au moment de l’émergence sur la scène politique de Silvio Berlusconi.</p>
<p>Entre 1992 et 1994, le système partisan italien a connu une profonde mutation, au point que les commentateurs italiens ont parlé de <em>Seconda Repubblica</em> alors même qu’il n’y eut aucune nouvelle constitution promulguée. Mais les élections de 1994 virent arriver sur la scène politique de nouveaux partis, et notamment celui d’un entrepreneur, dirigeant de médias et d’un club de football, donc un candidat qui se présente comme n’étant pas un professionnel de la politique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/174370/original/file-20170619-5774-sstm8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/174370/original/file-20170619-5774-sstm8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/174370/original/file-20170619-5774-sstm8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/174370/original/file-20170619-5774-sstm8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/174370/original/file-20170619-5774-sstm8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/174370/original/file-20170619-5774-sstm8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/174370/original/file-20170619-5774-sstm8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Silvio Berlusconi, le dynamiteur de Forza Italia (ici en 2006).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/enricomaioli/457518199/in/photolist-GqUdP-c1WF5-c2fUj-bK7Z48-GqPH7-9DZqgK-cihSr-apBiQ8-5N3d92-Cr9v3-7LYFqr-cmZzx-6Tsn2X-7LYFaH-6QMFhs-7LYFv8-5J4tpA-cqyFZ-dKkHGX-73n6w6-cxDDq-aofU9F-rPu8C-67R4BQ-8VrdVb-cb3Uy-aZzfb-8Vo23Z-aVZbxi-9wFN7p-8VoqEi-9wJLn3-6HhZKw-nFufry-aE6qRJ-9Li5ES-amiP5W-7nR3rm-8Vr75N-8U8yND-9iqHsH-9wFN6F-8Vr4Aq-8Vr1m1-ujBBJ-8UbDWY-dm93E-8VrtRd-4mvJ9X-8VnXLT">Enrico Maioli/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Dans un climat de très grande défiance des électeurs vis-à-vis des trois partis qui s’étaient partagé le pouvoir, la démocratie chrétienne – hégémonique – et le Parti socialiste ou Parti socialiste démocratique italien, forces d’appoint, les électeurs transalpins ont éradiqué de la vie politique ces trois forces en propulsant Forza Italia, créé ex nihilo, et quelques autres partis plus petits.</p>
<p>Les partis traditionnels furent discrédités par l’opération judiciaire dite <em>Mani pulite</em> (« mains propres ») initiée par des juges de Milan pour lutter contre la corruption devenue endémique. Au fil des arrestations, des suicides, de la découverte de l’étendue des dégâts, le désir de transparence financière a grandi dans l’opinion publique, accompagné de l’envie de balayer le personnel politique habituel. De nombreuses personnes issues de la société civile furent candidats pour la première fois et se firent élire, à la surprise des autres forces politiques qui n’avaient pas anticipé pareil coup de balai.</p>
<p>Chacun conviendra que les parallèles sont troublants, même si Berlusconi n’est en rien un modèle revendiqué par Macron. Et ce n’est pas le moindre des paradoxes de constater qu’Emmanuel Macron porte finalement le projet de Jean‑Luc Mélenchon, en devenant le chantre du « dégagisme » que le second avait théorisé, mais n’a pas su incarner de façon crédible aux yeux d’une écrasante majorité de Français.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/79651/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Riches en résultats inattendus ou mal perçus, ces élections législatives sont un ferment de recomposition politique qui fera date dans l’histoire de la Vᵉ République.Arnaud Mercier, Professeur en Information-Communication à l’Institut Français de presse, Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/755522017-04-11T19:44:37Z2017-04-11T19:44:37ZÉlections 2017: défection, prise de parole, loyalisme<p>Le monde politique français, bipolarisé comme dans toutes les vieilles démocraties par un clivage gauche-droite que recouvre électoralement l’existence de deux partis politiques dominants, est en ébullition. L’offre politique Macron – « ni de droite, ni de gauche » – a provoqué dans ce monde politique des mouvements d’opinion contrastés. Mouvements que l’on peut rassembler dans les catégories d’<a href="http://www.laviedesidees.fr/Albert-Hirschman-un-temperament.html">Albert Hirschman</a> : défection, prise de parole et loyalisme.</p>
<p>Faire défection au pourvoyeur habituel de biens ou services A, c’est choisir B plutôt que A, en fonction d’un calcul coût/avantage – le comportement rationnel vu par les économistes. En considérant la situation où le jeu ne se joue pas sur les prix mais sur la qualité, supposée dégradée chez le producteur A, Hirschman ajoutait en 1970 deux catégories de réactions concernant les consommateurs les plus attachés à leur pourvoyeur de service devenu défaillant : la prise de parole et le loyalisme.</p>
<p>La prise de parole consiste en la mobilisation d’une partie des consommateurs pour influer sur A afin que le standard de qualité revienne à son niveau antérieur. Le loyalisme désigne une forme d’inertie où une partie des consommateurs continue à acheter à A, en espérant que les choses vont s’arranger.</p>
<p>On reconnaîtra sans peine l’analogie avec le monde politique et son public le plus concerné ou politisé : électeurs, militants, membres éminents des partis. Et c’est précisément cette analogie qu’Hirschman poursuivait sur les traces d’un <a href="http://people.bath.ac.uk/ecsjgs/Teaching/Industrial%20Organisation/Papers/Hotelling%20-%20Stability%20in%20Competition.pdf">article de 1929 de l’économiste Harold Hotelling</a>. Sans doute un des modèles les plus élégant de la théorie économique.</p>
<h2>La concurrence au centre : le modèle d’Hotelling</h2>
<p>Hotelling part de ce constat simple : il y a plus de consommateurs que de producteurs. Il en va même du nombre de partis politiques rapporté au nombre d’électeurs. La firme, comme le parti, synthétise des préférences. L’économiste modélise une situation où la préférence dépend de la seule localisation spatiale de firmes qui, par ailleurs, présentent un même type de bien au coût de production nul (que l’on songe au coût de production d’un message politique…)</p>
<p>Mais laissons Hirschman présenter le modèle arrivé à son point d’équilibre :</p>
<blockquote>
<p>« L’hypothèse de départ est que les clients, ou les électeurs dans la variante politique du modèle, sont également répartis le long d’une ligne allant de A à B (ou de la gauche à la droite) ; deux supermarchés (ou deux partis) se sont partagés ce domaine linéaire en se plaçant chacun au centre de l’une des deux moitiés de la ligne. Du point de vue social, c’est la disposition idéale, car elle réduit au minimum les frais de déplacement des consommateurs. Dans la version politique du modèle (…) la distance idéologique entre les électeurs et les partis, et donc le mécontentement des citoyens à l’égard des programmes et des prises de position des partis, sont réduits au minimum. »</p>
</blockquote>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/164910/original/image-20170411-26710-98zku6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/164910/original/image-20170411-26710-98zku6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=111&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/164910/original/image-20170411-26710-98zku6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=111&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/164910/original/image-20170411-26710-98zku6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=111&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/164910/original/image-20170411-26710-98zku6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=140&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/164910/original/image-20170411-26710-98zku6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=140&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/164910/original/image-20170411-26710-98zku6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=140&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p>Supposons maintenant le déplacement du supermarché (parti politique) A pour gagner des clients, donc maximiser son profit (le pouvoir pour un parti). Il faut se déplacer vers la position centrale et donc s’éloigner des clients (électeurs) placés à l’extrémité gauche de la ligne. Dans ce modèle les clients (électeurs) sont supposés statiques.</p>
<p>A peut espérer un bénéfice (gouverner), mais c’est au détriment des clients les plus éloignés qui voient leurs frais de transport (leur distance idéologique) augmenter. De son côté, le supermarché B doit réagir en se déplaçant lui aussi vers la position centrale C.</p>
<p>D’où le résultat du modèle d’Hotelling : une propension des firmes (partis) à se rapprocher d’une position centrale (centriste) au détriment d’une fraction de leurs clients (électeurs) qui voient leurs coûts augmenter (leur mécontentement idéologique).</p>
<p>Économiquement, on se trouve sur une position sous-optimale dès lors que le bénéfice des firmes (égal au bénéfice des clients qui font défection) est supérieur aux pertes des clients les plus éloignés de la position centrale. Sous-optimale puisque le coût cumulé pour les consommateurs est supérieur au surplus que la firme acquiert : <a href="http://www.erudit.org/fr/revues/recma/2013-n327-recma0537/1015148ar/">Il y a un « coût social » à la recherche de profit par les firmes</a>.</p>
<p>Et le même raisonnement vaut pour la variante politique. L’équilibre (situation dite optimale) tourne autour d’une position centrale mais pas trop…</p>
<h2>Le duel Juppé-Valls annoncé et son flop…</h2>
<p>Résumons la situation à la veille des primaires des partis dominants à gauche et à droite.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/164715/original/image-20170410-31906-v598lb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/164715/original/image-20170410-31906-v598lb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/164715/original/image-20170410-31906-v598lb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/164715/original/image-20170410-31906-v598lb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/164715/original/image-20170410-31906-v598lb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/164715/original/image-20170410-31906-v598lb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/164715/original/image-20170410-31906-v598lb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Alain Juppé, le candidat favori… et battu de la droite.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/patrice_calatayu/33702986435/in/photolist-TmdBF2-cb8ghG-MxsDbC-cb8gty-JLqJ6b-bEq2fM-7nKdPi-6UWbCr-6V1iFw-b7S5xB-eCDFdB-7nP49b-7nK9RX-b7SDL6-a6Z6WL-b7SK4v-9LxM1w-b8jnbc-53k89V-baFHLX-zVVj3Z-atp4gL-9uhVSM-a6Z6WE-9CoHN9-MEuzqQ-9a59Yy-atp4rL-a6Z6WW-9nJtqj-9a59YE-a7h4Q1-a6Z6X3-atmpzx-a7h2hS-atmpv6-a6Z6WS-atmpHv-9GEi8H-a7e9JV-AEBgCQ-a7h2fG-ax1aMA-ax1aMJ-rHWAaw-9CkNr4-9CkN9a-9ukmof-6V1ivu">Patrice Catalyu/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>On a un pouvoir de gauche, réduit au PS après le départ d’EELV (Europe Écologie Les Verts), jugé défaillant. Sentiment partagé (mais quels sont les critères objectifs ?) à droite aussi bien qu’à gauche (A s’est trop déplacé vers le « centre »). Viennent les primaires.</p>
<p>Ceux qui sont présentés comme de potentiels présidentiables, Alain Juppé et Manuel Valls, choisissent la concurrence au centre, s’alignant sur le modèle Hotelling.</p>
<p>On connaît le résultat : les plus mécontents se mobilisent pour « radicaliser » leur camp et le faire revenir respectivement plus à gauche et plus à droite par les choix Hamon et Fillon. Il est conforme à l’analyse d’Hirschman sur la « prise de parole » : face à la défaillance du quinquennat Hollande, le camp de droite n’avait aucun intérêt à se positionner vers le centre, comme le faisait Juppé, tandis que le camp de gauche devait se recentrer… à gauche – ce que ne faisait pas Valls.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/164716/original/image-20170410-31911-1klccx9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/164716/original/image-20170410-31911-1klccx9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/164716/original/image-20170410-31911-1klccx9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/164716/original/image-20170410-31911-1klccx9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/164716/original/image-20170410-31911-1klccx9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/164716/original/image-20170410-31911-1klccx9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/164716/original/image-20170410-31911-1klccx9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’autre grand brûlé de la primaire, Manuel Valls (ici en 2014).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/cnnum/15476727685/in/photolist-pzCgWv-pi8Duh-pzmbeM-bXCnzS-7WsxFW-7Wpjyr-7Wsxx3-7Wsxoj-7WswVm-FDqNyH-pLj7ng-djhMWm-djhMPA-djhMiQ-4LmmHb-djhPX8-4LvW5V-4LAenY-4LhcKD-4LmnH7-4LvZuT-GYjjkP-4LhaXc-4Lmm7f-4Lmq8W-GYjjwa-4Lh9fr-4LmppL-4Lhdur-4LmpUm-4LhbVH-4SyPji-4LvXU4-4LmpxU-4Lh9BM-djhPmR-djhMzL-nRTDAn-nzoSQL-4LvXwP-4LA8SC-4Lhbe6-4Lh85Z-4LmnUW-4LvXAT-4Lmn47-4LvY8p-4SyYAk-4LA9BL-4LvWQT">CNNum/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Mais il y a une limite entre se positionner très à gauche et très à droite et se positionner au-delà du centre de gravité du camp de gauche ou de droite en tendant vers les extrêmes. Limite d’autant plus étroite quand les extrêmes, en refusant le jeu des alliances majoritaires, se font malgré tout menaçants. L’espace au centre s’ouvre, toujours plus grand, jusqu’à se faire plus dense par les défections, en un nombre assez inédit en 2017, de gauche et de droite. Restent donc les loyalistes.</p>
<h2>Macron et la bipolarisation d’après</h2>
<p>Voici la notion de loyalisme telle que définie dans l’analyse d’Hirschman :</p>
<blockquote>
<p>« Le fait, pour un sujet, d’ajourner sa défection… La décision repose sur la réponse qu’il donne à une question radicalement nouvelle : à partir de quand devient-il plus efficace (abstraction faite de tout considération personnelle) de combattre de l’extérieur une politique erronée que de poursuivre une action pour tente de la modifier de l’intérieur ? »</p>
</blockquote>
<p>On peut penser que l’étonnante déclaration d’intention de vote de Manuel Valls (en faveur de Macron) entre dans ce cas de figure : au-delà du déni de la parole donnée, le calcul de combattre de l’extérieur la tendance qui s’est affirmée aux primaires et qu’il estime irréaliste.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/164821/original/image-20170411-26748-1y8m7tb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/164821/original/image-20170411-26748-1y8m7tb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/164821/original/image-20170411-26748-1y8m7tb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/164821/original/image-20170411-26748-1y8m7tb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/164821/original/image-20170411-26748-1y8m7tb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/164821/original/image-20170411-26748-1y8m7tb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/164821/original/image-20170411-26748-1y8m7tb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Lors des législatives, retour probable à la bipolarisation.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Luc Bonet :DR</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Ceci étant, et parallèlement, est-on sûr qu’un Alain Juppé, si discret (mais lui n’a pas à prendre date), mettra un bulletin de vote <a href="https://theconversation.com/francois-fillon-la-fracture-communicationnelle-74120">Fillon</a> dans l’isoloir le 23 avril ?</p>
<p>On peut légitimement penser (si ce n’est spéculer) qu’il y a bien un vote d’origine loyaliste qui se reportera, dans les deux camps, sur Emmanuel Macron.</p>
<p>L’incertitude pèse plutôt sur les législatives qui vont suivre en cas d’élection du candidat Macron. Car si la modélisation d’Hotelling, révisée par Hirschman, est robuste, le Président fraîchement élu n’échappera pas à la bipolarisation comme état stable de toute démocratie représentative.</p>
<p>La question « radicalement nouvelle » de l’élection présidentielle retournera alors à la gestion traditionnelle de la démocratie représentative : voter à droite ou à gauche ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/75552/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luc Bonet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’offre politique Macron – « ni de droite, ni de gauche » – a provoqué dans le monde politique des mouvements d’opinion contrastés. Analyse de ce bouleversement à travers le modèle de Hirschman.Luc Bonet, Chargé de cours économie sociale, Le Mans UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/729782017-02-20T19:59:25Z2017-02-20T19:59:25ZUn parti (socialiste)… bien mal parti ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/157173/original/image-20170216-9529-1e7j890.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Manuel Valls et Benoît Hamon, avec dans le rôle de l'arbitre Jean-Christophe Cambadélis.</span> <span class="attribution"><span class="source">Eric Feferberg/AFP</span></span></figcaption></figure><p>Les résultats de la primaire de la Belle Alliance organisée par le Parti socialiste (PS) ont conduit au choix de la fronde aux dépens de la gauche gouvernementale. Tout au long de cette campagne en interne, certes très rapide, ont été proférées des menaces de rupture à l’intérieur même de cette organisation partisane. Le danger d’un éclatement de cette organisation est ainsi devenu réel à moins que, comme à l’accoutumée, le PS ne s’en sorte encore une fois. Il est vrai que son histoire est tout sauf un long fleuve tranquille.</p>
<h2>Deux gauches combattantes… entre elles</h2>
<p>Le symbole de ces deux gauches irréconciliables a été la poignée de main devant le perron de la rue de Solférino entre les deux finalistes, Benoît Hamon et Manuel Valls. L’image se voulait symbolique, elle l’a été mais sûrement pas comme l’aurait souhaitée le Premier secrétaire du parti, Jean-Chistophe Cambadélis.</p>
<p>Ce dernier était placé au centre des deux comme un arbitre de boxe après le combat et le verdict des juges. Le vainqueur, sourire et bras levé en signe de victoire. Le vaincu, mine déconfite et faisant à la presse, et par delà elle, aux électeurs, un signe de la main signifiant que le rendez-vous serait non pas dans trois mois, mais dans cinq ans.</p>
<p>L’investiture officielle du candidat Hamon aura souffert de l’absence du soutien de cette gauche de gouvernement. Seule la ministre de l’Éducation nationale accompagnée de cinq secrétaires d’État étaient présents à cette intronisation. Ni le Président de la République ni son premier ministre, Bernard Cazeneuve, n’ont apporté un quitus au candidat vainqueur de la primaire.</p>
<p>Depuis la victoire de Benoît Hamon, paradoxalement, la fronde a changé de camp. Les ex-frondeurs appellent à l’union alors que les ex-partisans de la gauche de gouvernement menacent de partir ou de se mettre en retrait pour en sous-main soutenir le candidat Emmanuel Macron, ancien membre du gouvernement PS, qui s’est en son temps, autoproclamé « non socialiste ».</p>
<h2>Le risque de la scission</h2>
<p>Le risque d’une scission interne est bien réel. Mais à vrai dire, l’Histoire même du Parti socialiste est faite de conflits internes. La question de l’unité du PS s’est toujours posée depuis sa création en couvant en son sein <a href="http://www.persee.fr/doc/pole_1262-1676_2005_num_22_1_1231">des tendances difficilement compatibles</a> :</p>
<ul>
<li><p>adeptes de la Révolution française <em>versus</em> démocrates fervents de la représentation parlementaire ;</p></li>
<li><p>proches de la religion <em>versus</em> anticléricaux ;</p></li>
<li><p>dreyfusards <em>versus</em> antidreyfusards ;</p></li>
<li><p>partisans d’un engagement dans les conflits militaires (les deux guerres mondiales, les guerres de décolonisation) <em>versus</em> pacifistes, puis anticolonialistes ;</p></li>
<li><p>les « pour » un rapprochement avec le Parti communiste versus les « contre » ;</p></li>
<li><p>les « pour » la Constitution 1958 et son évolution vers un régime présidentiel <em>versus</em> les « contre » ;</p></li>
<li><p>les « pour » le Traité européen versus les « contre » ;</p></li>
<li><p>les « pour » Ségolène Royal en 2007 <em>versus</em> les « contre ».</p></li>
</ul>
<p>Mais le grand schisme aura été la sécession entre la gauche révolutionnaire et la gauche de gouvernement en 1921 lors du Congrès de Tours. Déjà à cette époque, deux conceptions « irréconciliables » entre un socialisme à la vision plus ouverte et une autre qui recherche non pas la participation gouvernementale, mais le <a href="http://www.editions-perrin.fr/livre/la-gauche-en-france/9782262023591">renversement du système politique</a> s’étaient affrontées pour finalement se diviser.</p>
<p>En vérité, le socialisme français n’a jamais fait le deuil de cette dualité et de cette rupture avec le Parti communiste. C’est précisément ce conflit interne larvé qui l’a empêché de vivre un « Bad Godesberg » à la française, pris en tenailles entre le réformisme et la Révolution. Le Parti social-démocrate (ouest) allemand, le SPD, avait, lui, abandonné en 1959 son ambition révolutionnaire pour reconnaître comme incontournable l’utilisation de moyens démocratiques pour conquérir le pouvoir. Cette conversion idéologique s’était accompagnée de la reconnaissance de l’économie de marché et de la proclamation d’une loyauté totale à l’égard de la constitution allemande.</p>
<h2>Au bord du précipice</h2>
<p>Que vont-ils faire ? Se réconcilier ? Se séparer ? L’épisode de « Pénélopegate » a un temps dissipé les troubles et fait diversion aux questions récurrentes de l’unité du Parti socialiste. Mais existe-t-il encore une vision commune ? Y a-t-il encore un « on » socialiste ? Pour reprendre <a href="http://www.persee.fr/doc/homso_0018-4306_1992_num_104_2_2655">Michel Maffesoli</a>, la <em>glatinum mundi</em> – cette colle du monde qui assure, tel un ciment social, « la liaison, la gestion, l’ajustement des individus et des groupes entre eux » – soude-t-elle encore les militants au sein du Parti socialiste ?</p>
<p>Nous avions montré, en 2010, à l’occasion de la campagne présidentielle de 2007 menée par Ségolène Royal que cette question d’une scission interne avait été évoquée, mais finalement remise à plus tard (<em>De l’application des représentations sociales en marketing politique, étude sur les militants du Parti socialiste français au cours de la présidentielle de 2007</em>, Thèse de doctorat, université de PAU). Certainement, la finesse managériale de François Hollande dans sa recherche du consensus et de la synthèse pendant dix ans à la tête du PS (1997-2008) avait eu raison de l’éclatement. Mais il n’est plus le secrétaire général du parti et, en tant que Président de la République, il a montré que l’action politique ne pouvait faire l’économie de choix difficiles qui lèvent le voile sur une synthèse de façade, celle-ci restant incantatoire et confortable quand on est dans l’opposition.</p>
<p>Ce faisant, sans expliquer ses décisions, sans annoncer ce qu’il allait faire, ou pire en faisant le contraire, tout en multipliant les erreurs politiques, le Président Hollande a sabordé sa présidence et plongé son parti dans une nouvelle crise. Et la boîte de Pandore s’est ré-ouverte. Le Parti socialiste est de nouveau au bord du précipice et ce n’est pas la chute de ses homologues européens (en Grèce, en Italie et en Espagne) qui est pour le réconforter.</p>
<h2>Un <em>aggiornamento</em> salvateur</h2>
<p>Le PS est à la croisée des chemins. Selon que l’on soit pessimiste ou optimiste, son avenir ne sera pas le même. Certes, <a href="https://lectures.revues.org/457">comme le note Rémi Lefebvre (2006)</a>, il a su traverser au cours de son histoire bien des épreuves et est toujours présent quand d’autres n’y ont pas survécu :</p>
<blockquote>
<p>« Par-delà ses avatars successifs, le Parti socialiste est marqué par une forte continuité historique. Dès lors on peut se demander comment un parti si faible et si dépourvu de ressources politiques et de soutiens sociaux a pu se maintenir, même avec des fortunes diverses, tout au long du siècle, à la faveur de contextes si troublés ».</p>
</blockquote>
<p>Mais cette fois la pente est rude. Un accord avec Jean-Luc Mélenchon pourrait changer la donne, mais les négociations entre l’ex-socialiste et le vainqueur de la primaire de la Belle Alliance Populaire ne sont pas au beau fixe. Faute d’une réconciliation entre tous les acteurs de la gauche, une défaite en mai prochain est probable. Le Parti socialiste actuel pourra-t-il survivre à un 21 avril bis, surtout s’il termine au-delà de la troisième place ?</p>
<p>Une reconstruction, une nouvelle vision, bref un <em>aggiornamento</em> sera bel et bien nécessaire à sa pérennité au sein d’un écosystème politique en pleine mutation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/72978/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Depuis la victoire de Benoît Hamon, la fronde a changé de camp. Les ex-frondeurs appellent à l’union alors que les ex-partisans de la gauche de gouvernement menacent de partir.Frédéric Dosquet, Professeur de marketing, ESC PauPatrice Cailleba, Professeur de management, ESC PauLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/721742017-01-30T21:22:15Z2017-01-30T21:22:15ZLa longue marche de Benoît Hamon<p>On aurait tort de réduire la victoire de Benoit Hamon à l’issue de la primaire de la « Belle Alliance populaire » à une simple réaction mécanique d’une gauche souhaitant montrer qu’elle peut encore compter dans la présidentielle. Ce résultat nous dit des choses importantes sur les perspectives de court et de long terme du PS et sur les perspectives de « reconstruction » de la gauche après la présidentielle. Sauf, bien sûr, si Benoît Hamon gagnait cette élection, ce qui au jour d’aujourd’hui n’est pas l’hypothèse la plus probable.</p>
<p>S’il faut être prudent dans ce domaine, on peut néanmoins observer que les conséquences du résultat de la primaire vont s’exprimer avant tout dans les rapports de force à gauche et au sein du PS.</p>
<h2>Retour vers des valeurs de gauche</h2>
<p>Le surcroît de participation par rapport au premier tour traduit sans aucun doute que quelque chose a (un peu) bougé pour le PS. Les motivations du vote Hamon, selon le <a href="http://elabe.fr/comprendre-vote-primaires-citoyennes">sondage Elabe réalisé le jour du vote</a>, sont avant tout le retour vers les valeurs de la gauche. Manuel Valls n’est pas parvenu à imposer l’idée qu’il s’agissait de choisir le candidat pouvant engranger le plus de votes pour la présidentielle car les électeurs de la primaire voulaient avant tout renouer avec leurs valeurs économiques de gauche et « refaire gauche » avant de « refaire présidentiel à tout prix ».</p>
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<p>Cet électorat a sans doute été fortement perturbé par le quinquennat et le renoncement de François Hollande. Il y avait dans le vote de dimanche une dimension de vote sanction par procuration contre François Hollande, à travers Manuel Valls. Dans ce contexte, il convient de se demander si la nouvelle donne créée par la victoire de Benoît Hamon a des chances de modifier les dynamiques d’opinion pour la campagne présidentielle.</p>
<p>Il faut dire que la situation du PS, à la veille de la primaire, semblait virer à l’agonie. Ce parti qui a subi une véritable « hémorragie » de militants depuis 2012, à l’image d’autres partis sociaux-démocrates européens depuis 2008, fait face à l’une des plus importantes crises de son histoire. S’il s’est déjà remis de crises très graves, comme 1993 ou 2002, sa situation politique semblait dans une relative impasse : isolé, divisé, tiraillé entre des projets politiques très opposés, sans ligne claire à présenter à ses militants et électeurs.</p>
<p>Par rapport à cette situation très difficile, le résultat de la primaire semble permettre une forme de « clarification » qui n’est pas celle que Manuel Valls a appelé constamment de ses vœux. Mais derrière l’apparence se cache un chemin difficile. Le « rassemblement » tant souhaité par les deux finalistes de la primaire s’annonce en effet très compliqué. Cela n’est pas seulement dû aux antagonismes personnels ; cela est avant lié au fait que le contexte économique et les engagements européens de la France ne donnent pas les marges de manœuvre dont Benoît Hamon a besoin pour crédibiliser son programme auprès d’une majorité d’électeurs le 7 mai prochain.</p>
<p>L’objectif de sa campagne est d’ailleurs peut-être davantage de prendre date pour la reconstruction de la gauche après la présidentielle que de gagner celle-ci. Et certainement que l’objectif prioritaire est de « sauver la face » du PS le 23 avril en occupant une place sur le podium ou proche du podium.</p>
<h2>« Une majorité gouvernementale sociale, économique et démocratique »</h2>
<p>Le résultat de la primaire nous dit aussi des choses très importantes sur cette reconstruction de la gauche. En appelant hier soir au « rassemblement », Benoit Hamon a adressé un signal non seulement au PS et aux autres acteurs de la primaire mais aussi aux autres composantes de la gauche. Prenant grand soin de ne pas inclure Emmanuel Macron dans le périmètre de la gauche (et se différenciant ainsi d’autres membres de la direction du PS, comme Ségolène Royal), il a prononcé une phrase qui définit son projet politique pour l’après-présidentielle et qui va baliser le chemin difficile qu’il souhaite emprunter :</p>
<blockquote>
<p>« Je proposerai à Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon de construire une majorité gouvernementale sociale, économique et démocratique. »</p>
</blockquote>
<p>Depuis 2012 et l’élection de François Hollande, c’est sans doute la première fois qu’un membre important du PS, son candidat à la présidentielle à présent, inclut aussi nettement le leader de la France insoumise dans une perspective de « majorité gouvernementale ». Ce mot-clef renoue avec une matrice politique que le PS connaît bien, celle de « l’union de la gauche » élargie ou de la « gauche plurielle » avec les écologistes.</p>
<p>Il ne fait guère de doutes que Benoit Hamon va vouloir également dialoguer avec les radicaux de gauche et avec les communistes afin de montrer sa capacité à incarner le centre de gravité d’une gauche en dynamique nouvelle. Il ne serait d’ailleurs pas impossible que le PC se montre très sensible à cette démarche car elle lui permettrait de ne plus s’en remettre seulement à Jean-Luc Mélenchon.</p>
<h2>Une nouvelle union de la gauche ?</h2>
<p>Ce cap tracé par Benoit Hamon d’un retour vers les bases de l’union de la gauche est-il susceptible de fonctionner ? Comme l’ont fort bien analysé dans leurs travaux sur l’histoire du socialisme en France Gérard Grunberg et Alain Bergougnioux (<em>L’Ambition et le remords, Fayard</em>, 2005) le clivage entre les visions très différentes portées par les deux finalistes de la primaire rappelle avec force que le socialisme en France connaît depuis ses origines un débat constant entre la ligne réformiste et la ligne de la gauche de rupture.</p>
<p>Le parti fondé par François Mitterrand à Epinay en 1971 prônait d’ailleurs « la rupture » avant que la logique de l’élection présidentielle ne vienne le convertir à l’exercice du pouvoir au sein de la V<sup>e</sup> république et d’une économie libérale et ouverte. Ce parti avait su gérer cet écart et cette ambiguïté en menant de front un projet politique d’union de la gauche et un projet politique de suprématie du PS sur cette union afin d’imposer un agenda politique réformiste.</p>
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<p>Le « tournant de 1983 » et de la « politique de rigueur » marquait l’entrée définitive du PS dans une perspective social-réformiste dont sont issus d’ailleurs plusieurs des participants de la primaire. Malgré les nouvelles perspectives tracées par Lionel Jospin entre 1997 et 2002, la question de fond posée par ce « tournant » est restée comme une trace indélébile au sein du PS : que veut dire « réformer » la société aujourd’hui ? Et comment l’idéal de la gauche – une société plus égalitaire, plus juste et qui desserre l’étau des stratifications sociales – peut-il se combiner avec l’exercice du pouvoir qui, au sein d’une économie libérale, consiste à respecter (voire favoriser) les logiques des marchés tout en les régulant. Manuel Valls, résumait dimanche soir cette contradiction en espérant que le PS puisse revenir au pouvoir en mettant de côté le « vieux procès lancinant en trahison ».</p>
<h2>Effet de levier</h2>
<p>Il reste donc un chemin long et difficile à parcourir à Benoît Hamon car les obstacles qu’il rencontrera sont ceux posés par les mutations de l’économie libérale ouverte dans un contexte de globalisation et de changement de paradigmes dans tous les domaines.</p>
<p>Son diagnostic posé sur le travail mérite l’intérêt car au-delà de ce que l’on peut penser du caractère utopiste et faisable ou pas d’un revenu universel (sur lequel je me garderai de me prononcer ayant lu des experts qui ne sont pas d’accord entre eux…), cette question a le mérite de faire effet de levier sur tout un ensemble d’autres questions qui se posent à nos sociétés postindustrielles et postmatérialistes.</p>
<p>Si la dimension matérielle de nos vies continue d’être la source et l’enjeu de toutes les inégalités, il n’est pas interdit de penser l’autre dimension du monde, celle de la qualité de la vie au travail, du calendrier de nos vies entre travail, formation et vie personnelle, de la qualité de la vie en fait. C’est une longue marche qui s’annonce pour Benoît Hamon. S’il parvient à réaliser un bon score à la présidentielle son discours sera le pivot de la recomposition de la gauche après la présidentielle ; s’il n’y parvient pas, tous les scénarios sont possibles pour l’éclatement d’une gauche qui sera prise dans l’étau de contradictions insurmontables et sera alors sous la pression d’Emmanuel Macron. Quoi qu’il en soit, le débat d’idées est lancé à présent que presque tous les acteurs de la présidentielle sont sur scène. Dans un contexte si désespérant et si triste parfois pour notre vie politique, ce grand débat d’idées qui s’annonce est le bienvenu !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/72174/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bruno Cautrès ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ce résultat nous dit des choses importantes sur les perspectives de court et de long terme du PS et sur les perspectives de « reconstruction » de la gauche après la présidentielle.Bruno Cautrès, Chercheur en sciences politiques, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/719512017-01-26T13:33:36Z2017-01-26T13:33:36ZHamon-Valls, le candidat du « désir » contre le candidat du « réalisme »<p>Au vu des déclarations consécutives au premier tour des primaires citoyennes, on pouvait craindre un débat qui dégénère en charges sabre au clair. On pouvait s’attendre à une confrontation animée par l’esprit d’une « campagne totale » au dire de Manuel Valls, reprenant en cela les termes des candidats de la <a href="http://www.sudouest.fr/2015/02/11/une-campagne-totale-debute-1826784-2780.php">liste Gironde Positive</a> aux élections départementales de 2015. En définitive, le débat se joua plutôt à fleurets mouchetés devant 5,5 millions de téléspectateurs sur France 2 et TF1.</p>
<p>On se souvient du très pacifique Chirac-Jospin en 1995 et des très récents débats policés des primaires citoyennes, mais aussi du violent Fabius-Chirac en 1985 où le premier, traité de « roquet », avait rappelé à son interlocuteur qu’il parlait au premier ministre de la France.</p>
<p>Incontestablement c’est plutôt au genre « courtois » qu’appartient le débat Valls-Hamon du 25 janvier 2017, qui fut de bonne tenue et d’excellente qualité. Certes, il ne fut pas marqué par un assaut interpersonnel (façon Chirac-Fabius) qui l’aurait assimilé à un affrontement de cervidés en prologue à la saison des amours. Mais c’est sur le fond que l’affrontement attendu c’est bien produit.</p>
<h2>Une opposition presque totale</h2>
<p>Tout, ou presque, opposait dans leur programme les deux candidats à la sélection pour représenter le Parti socialiste et ses apparentés à l’élection présidentielle à venir, et en cela deux stratégies de saillance d’enjeux stratégiques distincts plus que de confrontation d’enjeux similaires. D’où l’importance de l’agenda préfixé du débat avec les organisateurs.</p>
<p>Par ailleurs, <a href="https://theconversation.com/debattre-cest-combattre-69443">on sait</a> que la position de <em>challenger</em> impose un discours plus agressif à l’égard du candidat en position de favori et que ceci pousse à des attaques frontales ou implicites (c’est-à-dire celles qui correspondent aux propositions du candidat qui les émet). Au titre des convergences programmatiques, qui ne furent pas toutes évoquées au cours du débat et que l’on peut compter sur les doigts d’une main, notons la durée légale inchangée des 35 heures, l’hostilité à la GPA, le recrutement de 5 000 policiers, la limitation à trois mandats consécutifs maximum, et la limitation du recours au 49.3. Sur tout le reste, c’est une opposition presque totale des prises de position qu’il faut enregistrer (hormis les accords concédés par Benoît Hamon signalés plus loin).</p>
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<p>Comme Alain Juppé au lendemain du premier tour de la primaire accusant François Fillon pour son « programme brutal » de suppression d’emplois publics, de menacer l’IVG et l’assurance maladie ou de prolonger l’expérience Sarkozy, Manuel Valls a testé ses attaques directes à l’encontre de son rival accusé d’être « un marchand de sable et d’illusion » à propos du revenu universel impraticable car infinançable ou une source d’« ambiguïté sur le communautarisme ».</p>
<p>Certes, ces deux enjeux étaient particulièrement attendus au cours du débat et ils ont bien été abordés assez vite pour le premier, compte tenu de l’agenda préfixé où successivement étaient prévus les thèmes suivants : le travail et le <a href="https://theconversation.com/money-for-nothing-lheure-du-revenu-de-base-universel-a-t-elle-sonne-71435">revenu universel</a>, puis l’environnement, la sécurité, le terrorisme et les questions internationales. A priori, donc un agenda qui paraît plus propice au développement du programme de Benoît Hamon sur les deux premiers points avant de l’être pour Manuel Valls sur les deux derniers si tant est que l’expérience gouvernementale lui donne ici un avantage.</p>
<h2>Benoît Hamon impose l’agenda</h2>
<p>S’agissant du travail, il ne fallait pas s’attendre à voir aborder les questions du contrat de travail ou de la réforme du Code du travail qui ont été fort débattues lors de la primaire de la droite et du centre. C’est bien plutôt la valeur Travail qui est au centre des échanges dans la mesure où le principe d’un revenu universel défendu par Benoît Hamon la remet en cause. La critique d’irréalisme émanant de Manuel Valls est bien admise par l’opinion publique <a href="http://www.ifop.com/?option=com_publication_list">(enquête IFOP-Sud Radio du 18-20 janvier)</a>, même si le principe en paraît intéressant pour les électeurs de la gauche de la gauche qui dominent dans l’électorat de Benoît Hamon.</p>
<p>Et c’est toute l’audace de Benoît Hamon d’avoir porté ce thème à hauteur d’un débat électoral national et d’être apparu comme le candidat le plus innovant dans ses propositions, celui qui a porté « un imaginaire collectif puissant, un futur désirable ». <a href="https://theconversation.com/debat-des-primaires-la-bataille-pour-le-controle-de-lagenda-67086">Il a imposé son agenda</a> concernant le travail et les conséquences de sa raréfaction, le revenu universel « nouveau pilier de la sécurité sociale », la protection de l’environnement, la transition écologique et au total une « gauche plus verte ».</p>
<p>À cela Manuel Valls a répondu par le refus du « message de découragement, d’abdication » que représente l’anticipation de la fin du travail. La société du travail se transforme et il faut accompagner cette mutation. Au revenu universel d’existence qui va se traduire par une augmentation de la pression fiscale, il préfère le « revenu décent, par fusion des minima sociaux ». Bref, il se veut <a href="https://www.youtube.com/watch?v=ZBNEF_NhWfY">« candidat de la feuille de paye »</a> contre le « candidat de la feuille d’impôt ». Il se prononce, par ailleurs, sur le respect de la rigueur budgétaire et le respect de la règle européenne des 3 % de déficit. C’est l’impératif de la crédibilité qui commande ses choix même s’il « partage les rêves » de Benoît Hamon.</p>
<h2>Sécurité et terrorisme, des préoccupations secondaires</h2>
<p>La laïcité a constitué un point d’achoppement particulièrement sensible où Manuel Valls prône l’absence totale d’accommodement et de compromission avec l’islamisme radical tant au nom de la liberté religieuse qu’en vertu de la liberté des femmes, alors que Benoît Hamon défend le droit de « nos compatriotes musulmanes à porter le voile ». La laïcité est un « art de vivre ensemble et pas un dogme de plus ».</p>
<p>En matière d’environnement, les propositions très avancées de Benoît Hamon, en rupture complète avec la culture sociale-démocrate, lui ont permis au premier tour d’attirer une grande partie des électeurs écologistes participant à la primaire. Toutefois, le débat n’a pas accordé beaucoup de place à ce thème.</p>
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<p>Certes, la sécurité et la menace terroriste ont permis à Manuel Valls d’apparaître comme le mieux à même de prendre en charge ces questions régaliennes, mais qui sont secondes dans la hiérarchie des préoccupations publiques, si on en croit l’enquête sondage sortie des urnes Elabe-BFMTV (22 janvier 2017). Sur ce thème Benoît Hamon a davantage concédé son accord avec les prises de position de son rival : à propos de la judiciarisation des djihadistes de retour en France, sur le renforcement du contrôle aux frontières et du renseignement territorial, sur la défense européenne qui doit se substituer à la protection américaine abandonnée par Donald Trump. La même enquête confirme cependant le faible poids des problèmes internationaux dans les motivations de vote des électeurs du premier tour.</p>
<h2>Candidat de gauche versus candidat présidentiable</h2>
<p>Globalement, les désaccords abondent tout au long du débat, en dehors des thèmes d’opposition emblématiques constitués par la valeur travail, le revenu universel, la laïcité et la sécurité. Parmi ces désaccords, on citera : la défiscalisation des actions gratuites autorisée par le gouvernement Valls (qui a satisfait les « rêves des bien portants », selon Hamon), l’épisode des boues rouges de Gardanne exemplaire du pouvoir des lobbies, le refus de l’aéroport de Notre Dame des Landes, l’abstention sur la prorogation de l’état d’urgence, le rejet de la loi travail, entre autres.</p>
<p>Si Benoit Hamon se sent plus proche de Jean-Luc Mélenchon (qui se dit de gauche), Manuel Valls se place « au cœur des progressistes, de Hamon à Macron ». L’antagonisme des projets était donc très perceptible comme l’opposition des personnalités « capable, robuste, sincère » pour Benoît Hamon versus Manuel Valls qui, par son « caractère, son expérience », veut incarner « l’espoir, la fierté » et nous invite à venir nombreux pour voter et choisir entre des différences claires.</p>
<p>Mais le résultat le plus intéressant des enquêtes menées lors du premier tour pour l’analyse du débat réside dans la motivation principale des électeurs. Le clivage est très net entre celui qui incarne le mieux les valeurs de la gauche (Hamon à hauteur de 52 % contre Valls à 22 %) et celui qui a les qualités pour être président (Valls à hauteur de 59 % contre Hamon à 9 %). Or les débats ne font que conforter les électeurs dans leurs intentions de vote et cela laisse bien peu de chances de victoire à Manuel Valls s’il ne parvient pas à déclencher une surmobilisation des électeurs et sympathisants socialistes.</p>
<p>À partir du moment où l’on sait la préférence des électorats Hamon et Montebourg pour le candidat qui représente le mieux la gauche au détriment du candidat le plus présidentiable (sondage sortie des urnes Ipsos–France 2, 22 janvier), il devient quasiment impossible pour Manuel Valls d’incarner le rassemblement de la gauche en contrôlant un enjeu secondaire (la sécurité) et un enjeu considéré comme marginal (l’international).</p>
<p>Car l’échec électoral de l’élection présidentielle déjà intériorisé par l’électorat des primaires citoyennes et le mécontentement à l’égard du quinquennat socialiste écoulé l’ont conduit à soutenir les valeurs en apparence les plus utopiques pour refonder la gauche de demain. Tant qu’à choisir un perdant, si la défaite est assurée et que la victoire est impossible, pour presque parler comme Manuel Valls, autant donner sa préférence à celui qui incarne le mieux son désir à défaut de la réalité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71951/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jacques Gerstlé ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le mécontentement à l'égard du quinquennat écoulé et l'intériorisation de la défaite annoncée semblent jouer en faveur du candidat le plus à même de refonder la gauche, Benoît Hamon.Jacques Gerstlé, Professeur de sciences politiques, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/717512017-01-26T12:02:36Z2017-01-26T12:02:36ZEmmanuel Macron, le candidat attrape-tout<p>Un concept a émergé depuis quelques dizaines d’années en sciences politiques : celui de <em>catch-all party</em>, autrement dit le <em>parti attrape tout</em>, à savoir le parti qui séduit tous azimuts au-delà des classes sociales et surtout des clivages classiques entre droite et gauche.</p>
<p>Plus précisément, ce type de parti se définit par sa capacité d’attirer des individus ayant des points de vue différents les uns des autres, des électeurs venant d’horizons divers, des hommes et des femmes qui peuvent venir de la gauche comme de la droite. Ce concept développé par le <a href="http://www.partypolitics.org/Volume15/v15i5p539.htm">politiste Otto Kirchheimer</a> évoque un parti faiblement bureaucratique, faiblement organisé, pouvant être aussi caractérisé par une centralisation du pouvoir dans les mains du leader et de son entourage immédiat (<a href="http://ceraps.univ-lille2.fr/fileadmin/user_upload/enseignants/Sawicki/Sawicki-Cahiers_francais_1996.pdf">Sawicki, 1996</a>). Ce parti, conséquemment, peut se transformer en parti dit charismatique (selon le mot d’Angelo Pannebianco (Political Parties : Organisation and Power, Cambridge, Cambridge University Press, 1988) autour d’une figure et d’une seule. C’est le risque de dérive de ce type de parti, sans bureaucratie suffisante, seul le leader peut tenir l’ensemble.</p>
<p>Longtemps la science politique a donné le qualificatif de parti « attrape tout » au Front national ; ceci par sa capacité à séduire des électeurs venant de la gauche comme de la droite. L’électorat de gauche pouvant être attiré par le volet économique et social ; celui de droite étant intéressé par les aspects identitaire et sécuritaire. Ajoutons à cela la faiblesse de l’organisation partisane et un leadership très marqué par Marine Le Pen, nous avions là tous les ingrédients d’un <em>catch-all party</em>.</p>
<h2>Dépasser le sempiternel clivage gauche-droite</h2>
<p>Nous assistons visiblement aujourd’hui à l’émergence d’un mouvement « attrape tout » : celui d’Emmanuel Macron baptisé « En Marche ». Et, au-delà de cela, nous voyons naître un candidat attrape-tout tant l’acronyme du mouvement EM fait écho aux initiales de sa propre personne ; EM dirige EM, le sommet de la pyramide est siglé par l’homme qui attrape-tout, le « catch-all man », « le catch-all candidate », le mouvement messianique tourné vers ce « designated candidate ».</p>
<p>L’électorat de ce mouvement-candidat-attrape-tout se dessine peu à peu, mais déjà – aux dires des données sociologiques des sondages – il semble enjamber le Rubicon et dépasse le clivage gauche-droite.</p>
<p>A ce jour, on peut, avec certitude, affirmer que EM est le « _catch-all candidate _ » en termes de personnalités qui le rejoignent ou l’apprécient : des écologistes plutôt marqués à droite comme Corinne Lepage, des élus socialistes comme Gérard Collomb, des journalistes démocrates à la mode USA comme Laurence Haim, des historiques de l’UDF et du Nouveau Centre comme Jean-Marie Cavada, des protégés du gouvernement actuel tel Jean Pisani-Ferry, des visiteurs du soir libéraux tel Alain Minc… La liste est longue mais elle illustre bien les dépassements de clivages politiques. Socialistes, libéraux de droite, écologistes, centristes, on trouve tout cela chez EM et tout ce petit monde s’emploient à dépasser allègrement le sempiternel clivage entre la droite et la gauche.</p>
<h2>Nouveau gotha</h2>
<p>Pour l’heure, nous ne pouvons savoir avec certitude si EM – le mouvement et le candidat – sauront séduire au-delà de ces élites. Est-ce que ce « catch all » candidat-mouvement saura attraper tous les électorats, dans toutes les classes sociales et dans toutes les campagnes de France.</p>
<p>Nous nous demanderons à l’avenir si ce catch-all mouvement ne va pas devenir un parti messianique à la gloire d’Emmanuel Macron avec pour simple intention de remplacer la « bourgeoisie d’État » actuellement en place par ce nouveau cercle d’initiés, ce nouveau ghota, ce <em>who’s who</em> spectaculaire. C’est tout le risque du catch-all party…</p>
<p>Car, tandis que des visions du monde sont clairement proposées par Benoît Hamon avec une vision tout hétérodoxe et écologique de la société, par Manuel Valls avec sa posture toute républicaine, par François Fillon avec un objectif de libéralisation de la France ou par Marine Le Pen avec son cap national-identitaire, ceux qui marchent ne proposent pour l’instant qu’un élan qui ressemblerait à la terre techno-digital-promise de la Sillicon Valley, version Frenchie. Un élan des élites qui ont visiblement envie de ne plus être dans l’ombre du politique à tirer d’éventuelles ficelles, mais de passer côté lumière.</p>
<p>Est-ce que l’essence du politique n’est qu’une juxtaposition de noms voire d’expertises et d’experts ou une vision du monde et de la société à laquelle on croit et pour laquelle on se bat ? <a href="http://www.persee.fr/doc/rscir_0035-2217_1967_num_41_2_2472_t1_0184_0000_4">Le philosophe et politologue Julien Freund</a>, s’inspirant de Carl Schmidt, nous dirait que tout ne peut pas être dans tout et que la politique se définit bien par une vision versus une autre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71751/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Virginie Martin est vice-présidente du Think-tank Different. </span></em></p>L’acronyme du mouvement En marche fait écho aux initiales de sa propre personne : « EM dirige EM », le sommet de la pyramide est siglé par l’homme qui attrape-tout, le « catch-all man ».Virginie Martin, Docteur sciences politiques, HDR sciences de gestion, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/717712017-01-23T22:15:03Z2017-01-23T22:15:03ZAu travail, Manuel Valls et Benoît Hamon !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/153941/original/image-20170123-8075-ox3iyj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Manuel Valls, arrivé second le 22 janvier 2017, au premier tour de la primaire de la gauche.</span> <span class="attribution"><span class="source">Eric Feferberg/AFP</span></span></figcaption></figure><p>Durant toute la campagne du premier tour de la primaire, il a été beaucoup reproché à Manuel Valls d’avoir parlé de <a href="http://www.liberation.fr/france/2016/02/16/manuel-valls-trace-une-frontiere-a-l-interieur-d-une-gauche-irreconciliable_1433621">« deux gauches irréconciliables »</a>. C’est le 15 février 2016, lors d’un rassemblement militant dans sa circonscription, que l’ancien Premier ministre avait voulu rappeler qu’il était opposé au principe d’une primaire de toute la gauche pour 2017.</p>
<p>Sa déclaration, lorsqu’on la relit de près, visait d’ailleurs peut-être davantage la gauche du Front de gauche que la gauche des « frondeurs », mais cette déclaration prêtait à interprétation. Manuel Valls disait qu’il y a « des positions irréconciliables à gauche et qu’il faut l’assumer ». Il ajoutait : « Moi, je ne peux gouverner avec ceux qui considèrent que François Hollande c’est pire que Nicolas Sarkozy ou que Manuel Valls c’est pire que Jean-Marie Le Pen. Je ne peux gouverner avec ceux qui font des meetings, des rassemblements avec Tariq Ramadan, c’est-à-dire aux antipodes de ce que nous sommes, ce débat nous devons l’avoir à gauche. »</p>
<p>L’exégèse de cette déclaration fait sans doute débat à gauche et au sein du PS. Si Manuel Valls dramatisait le trait afin de battre en brèche une primaire allant « de Mélenchon à Macron », force est de constater que la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=VlAGMloP1fk">déclaration faite hier soir par l’ancien Premier ministre revient vers cette tonalité dramatisante</a> : « Un choix très clair se présente désormais à nous, et à vous. Le choix entre la défaite assurée et la victoire possible, le choix entre des promesses irréalisables et infinançables et une gauche crédible qui assume les responsabilités du pays. »</p>
<h2>La question du travail, miroir des divisions du PS</h2>
<p>On retrouve ici des débats très anciens à gauche sur la double question du rapport à l’économie libérale ouverte et du rapport à l’exercice du pouvoir. <a href="https://theconversation.com/primaire-de-la-gauche-le-geant-endormi-ne-veille-que-dun-il-71390">En analysant le second débat télévisé de la primaire de la Belle Alliance Populaire</a>, nous avions mis en exergue les contradictions et les tensions que l’intégration économique européenne et mondiale faisaient peser aujourd’hui sur la gauche tout entière, mais également au sein du PS. Des questions comme la réduction des déficits publics, les « réformes structurelles » de notre modèle social ou encore les niveaux et bases de l’imposition en France ont, bien entendu, toutes un écho européen. Avec une Commission européenne qui continue d’attendre la France, même si le contexte terroriste et l’ombre de Marine Le Pen font opter pour la patience du côté de Bruxelles.</p>
<p>Le débat difficile auquel nous assisterons mercredi soir fournira une nouvelle illustration que ces questions pèsent d’un poids très lourd sur les différences qui se sont exprimées lors du premier tour de la primaire. Peut-être même seront-elles amplifiées. S’il est sans doute exagéré de parler d’une « guerre des deux gauches » (une expression devenue un peu clichée), on assistera néanmoins à un débat « franc et viril », Manuel Valls n’ayant pas caché sa posture offensive sur le sujet.</p>
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<p>C’est la question du revenu universel – ou revenu de base – qui cristallisera ce clivage. Cette mesure phare du programme de Benoît Hamon capte en effet une grande partie des oppositions qui se sont exprimées au sein du PS et de la gauche pendant le mandat de François Hollande, et plus particulièrement à partir de l’arrivée à Matignon de Manuel Valls : la question de l’avenir des 35 heures, les crispations à propos de la loi Travail, le CICE et ses (non) compensations.</p>
<p>Toutes ces tensions montrent que la question du travail et de sa place occupe une place de choix dans les contradictions de la gauche aujourd’hui. Dans une France marquée par un chômage à un haut niveau, après l’échec de « l’inversion de la courbe » dans les délais que François Hollande s’était lui-même fixés, la question du « logiciel » que la gauche peut proposer vis-à-vis de la justice sociale, de la réduction de la pauvreté et des inégalités et de la redistribution passe, sans doute, par une réflexion sur la place du travail dans la société. La primaire a eu le mérite de faire apparaître des débats et des contradictions sur ces questions de fond.</p>
<h2>Double symbole</h2>
<p>Sans se prononcer ici sur la faisabilité ou la pertinence du revenu de base (on se reportera sur ce point aux analyses très intéressantes de Bruno Palier, spécialiste à Sciences Po de la protection sociale et des transformations de l’État providence), on peut remarquer le double symbole qu’elle envoie en creux à Manuel Valls et plus encore à… François Hollande (que personne ne s’aventurait à citer au soir du premier tour de la primaire) : une mesure qui renoue avec une vision de la gauche comme « laboratoire d’idées » et qui rappelle les promesses de 2012 sur la seconde étape du quinquennat qui était à venir, celle de la justice sociale et de la redistribution une fois les comptes publics « restaurés ». Par ailleurs, la dimension « universelle » de cette proposition pose d’importantes et d’intéressantes questions relatives à la citoyenneté et au modèle de l’intégration républicaine.</p>
<p>Derrière l’opposition entre les deux finalistes sur cette mesure, la question qui va se poser (ou que François Fillon pilonnera sur Benoit Hamon si c’est bien lui qui gagne la primaire) est celle, très délicate, de son financement. Le débat qui viendra sur cette mesure mercredi soir ainsi qu’au cours de la campagne présidentielle (dans l’hypothèse Hamon) viendra à nouveau mettre sur le devant de la scène la question de l’agenda européen.</p>
<p>Benoit Hamon avait un peu « chambré » Arnaud Montebourg au mois d’août sur la posture volontariste de ce dernier qui voulait « casser de la vaisselle à Bruxelles ». L’ancien ministre de l’Éducation, bon connaisseur des questions européennes, avait déclaré qu’il « y a un côté puéril et même un peu exaspérant à penser que l’Europe s’agenouillera devant le nouveau président français et que chaque chef d’État attendra sagement sa feuille de route pour adapter sa politique aux demandes du nouveau locataire de l’Élysée. »</p>
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<p>Il proposait non pas une rupture spectaculaire avec Bruxelles mais un changement de méthode de travail pour la France impliquant de nouvelles alliances. En est-il resté à cette position ? De quelle manière expliquera-t-il mercredi soir que sa proposition phare est compatible avec la réduction de nos déficits publics et la question, sensible dans l’opinion, des impôts et des taxes ?</p>
<h2>Tourmente postélectorale</h2>
<p>Si les deux projets qui restent en lice à l’issue du premier tour de la primaire ne sont peut-être pas « irréconciliables », ils coexistent en tout cas très difficilement au sein du même parti. Le score que réalisera le candidat issu de la primaire au soir du premier tour de la présidentielle dictera sa loi de manière plus forte que tout : un score derrière Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon entraînera dans la tourmente postélectorale la plupart des acteurs de la primaire, peut-être même son vainqueur ; un score devant ne serait-ce que l’un des deux lui permettra de prétendre jouer les premiers rôles dans la recomposition et la refondation du PS et de la gauche.</p>
<p>D’ici là, les deux finalistes de la primaire ne peuvent négliger le formidable discrédit qui frappe dans la France d’aujourd’hui la parole des hommes politiques comme l’a montrée la <a href="http://www.cevipof.com/fr/le-barometre-de-la-confiance-politique-du-cevipof/resultats-1/vague8/">vague 8 du Baromètre de la confiance politique du CEVIPOF</a>. Il s’agit donc pour Benoit Hamon et Manuel Valls d’expliquer aux Français ce que l’on ne fera pas et avec quelles conséquences si leurs principales propositions sont mises en œuvre. Tous les deux ont donné des signes encourageants sur cette voie. Il leur faut prolonger leurs efforts et prendre au sérieux la demande de modestie sur les propositions et de prise en compte de leur faisabilité au sein d’un jeu de contraintes économiques très complexes.</p>
<p>Il faut souhaiter que le débat de mercredi soir permette une confrontation sérieuse et empirique entre deux projets et deux visions de ce que veut dire un gouvernement de gauche aujourd’hui dans le cadre d’une économie globalisée et ouverte sur le monde. Par avance, on les en remercie et on leur dit : « Au travail, messieurs ! »</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71771/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bruno Cautrès ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si les deux projets qui restent en lice à l’issue du premier tour de la primaire ne sont peut-être pas « irréconciliables », ils coexistent en tout cas très difficilement au sein du même parti.Bruno Cautrès, Chercheur en sciences politiques, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/716962017-01-23T14:05:16Z2017-01-23T14:05:16ZLe Parti socialiste entre la tentation de Corbyn et la victoire à la Pyrrhus<p>Après une refondation idéologique conséquente induite par Tony Blair, manifestée par le changement d’appellation du Parti travailliste, devenu New Labour, et par une politique gouvernementale faisant la part belle à la triangulation (prendre des idées dans le programme de ses adversaires pour brouiller les lignes et pour mieux les déstabiliser), les militants et sympathisants travaillistes britanniques ont souhaité revenir à une orthodoxie idéologique plus forte.</p>
<p>Convaincus que leur parti avait perdu son âme à s’arranger ainsi avec son corps de doctrine historique pour pouvoir gouverner, les militants – singulièrement les jeunes – ont choisi, en 2015, pour diriger le parti un candidat qui incarnait un discours marqué très à gauche : Jeremy Corbyn. Et tant pis si cette offre ne trouve pas de majorité électorale au niveau du pays.</p>
<h2>Être gouvernant ou être opposant, telle est la question</h2>
<p>Les électeurs de la primaire de la gauche semblent rejouer le même scénario. Et c’est un cadrage historique classique en France, entre une gauche qui aspire à gouverner (quitte à laisser de côté certaines espérances irréalisables dans le temps court d’un mandat politique) et une gauche plus idéaliste et plus protestataire qui se ressource dans la lutte contre ceux qu’elle laisse de facto gouverner.</p>
<p>Le désarroi d’une partie de l’électorat de la gauche socialiste et social-démocrate tient à ce dilemme entre une aspiration à gouverner qui contraint à se heurter durement aux principes de réalité et un désir d’avenir idéaliste (voire utopique) qui contraint à se heurter durement au principe de défaite électorale, surtout dans un univers où la protestation trouve des débouchés politiques ailleurs (aux extrêmes de l’échiquier politique).</p>
<p>Face à cela, les animateurs de cette primaire à gauche se rassurent par une rhétorique de la « clarification » idéologique de la ligne du parti. La primaire serait, selon eux, l’occasion de trancher la querelle des aspirants à gouverner <em>versus</em> les bienheureux à rester dans l’opposition. Vincent Peillon, candidat pour rien – il a osé justifier sa candidature par une logique boutiquière d’appareil, arguant que la motion majoritaire du PS au dernier congrès n’aurait pas eu de candidat sans lui –, a senti qu’il fallait essayer de garder un point d’équilibre au sein du PS pour éviter la fracture.</p>
<p>Hélas il a aussi réussi à se convaincre (et des « amis » à lui l’y ont aidé) que c’était sa candidature personnelle qui réglerait le dilemme, qu’il était le seul à incarner le « rassemblement » (moins de 7 % des voix, voilà un beau rassemblement en effet). C’est donc un échec total !</p>
<h2>Le mal est profond</h2>
<p>Échec car la tentation de Corbyn est forte chez une partie des militants et sympathisants. Certains conceptualisent le vote Hamon/Montebourg en se disant qu’il faut accepter de se laisser glisser au fond de la piscine, lesté par des propositions lourdement de gauche, pour toucher le fond et mieux rebondir ensuite, dans cinq voire dix ans, une fois une refondation idéologique aboutie et une « cure d’opposition » qui redonnera de la virginité au parti.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/153856/original/image-20170123-8075-1me8m43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/153856/original/image-20170123-8075-1me8m43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/153856/original/image-20170123-8075-1me8m43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/153856/original/image-20170123-8075-1me8m43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/153856/original/image-20170123-8075-1me8m43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/153856/original/image-20170123-8075-1me8m43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/153856/original/image-20170123-8075-1me8m43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Jeremy Corbyn (ici en 2014), leader du Parti travailliste britannique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/garryknight/15024926027/in/photolist-oTGF3K-oqyZkk-BQk2m-3iY8XT-3j3y7Y-6i3yqY-GxBxxE-FEr2yA-qKmbh2-Aeycto-5K9gtE-6boMy4-B2VPP-6i3yiC-hE5oza-3Ls1En-GdfuAs-BnLc7z-AYSsrJ-nLBzmg-BTYhJj-4X1et4-AYLcmA-s8dHeh-ek3wHw-gdpYhh-MSk8xY-spmXTX-BufwhN-BWo3HH-BWo4dR-AYS4sX-LpqCmy-qn7XtD-rbLsn-qZwWBD-7zfT8C-AYLdA9-Bu9jmf-AYLd7o-vDRPAe-BTYiD5-Bu9ieA-yaRm1n-bjTLcp-MrExA3-88dRYf-om7TNa-oc4DBp-GxBF1q">Gary Knight/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>D’autres semblent se satisfaire pleinement de ne plus aspirer à gouverner autrement que sur des bases idéologiques pures et sans compromis. Or Charles Péguy rappelait, fort à propos, que « le kantisme a les mains pures, mais il n’a pas de mains. »</p>
<p>Manuel Valls s’inscrit en faux contre cette tentation. Il reste au fond blairiste, acceptant l’épreuve de gouverner. Il est prêt aux aggiornamentos idéologiques et programmatiques que les défis du temps présent imposent pour convaincre une majorité du corps électoral. Mais plombé par le bilan de la présidence sortante, il peine à incarner un nouvel élan, comme n’importe quel sortant impopulaire, du reste.</p>
<h2>La faille tectonique sous le PS</h2>
<p>Là où le drame se noue pour le PS, c’est que ce dilemme se dédouble car ce jeu de position s’inscrit dans une tectonique électorale qui fait du PS la ligne de fracture où les séismes naissent.</p>
<p>La posture contestataire est bien occupée à gauche par Jean-Luc Mélenchon. Une partie des déçus de gauche du PS sont déjà partis chez lui. La posture protestataire sociale-démocrate est séduite par l’offre politique qu’incarne Emmanuel Macron, même si elle semble encore floue et en devenir. Cette posture, c’est celle qui estime que les atermoiements de François Hollande sont coupables, qu’à force de vouloir ménager tout le monde, on n’avance pas et pire, on recule ; celle qui estime que le PS s’est abîmé dans des jeux d’appareil et de préservation de positions entre professionnels de la politique ; celle qui estime que l’aggiornamento idéologique n’est pas assez profond pour s’adapter aux mutations profondes de la société contemporaine (individualisation des comportements au détriment des identités collectives, esprit d’entreprendre et aspiration profonde à la défense de l’initiative individuelle, mondialisation, numérisation…).</p>
<h2>Tel le Roi, le PS est nu !</h2>
<p>La vérité est là, cruelle, brutale de simplicité. Le Parti socialiste a perdu toutes les élections depuis 2012. Il a perdu de nombreux élus, donc autant de relais et autant de militants qui gravitent autour des élus qui ont des postes à pourvoir. Il n’incarne aucune dynamique électorale qui en ferait la force centripète avec laquelle il faut négocier en faisant allégeance.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/153858/original/image-20170123-8085-gvsawo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/153858/original/image-20170123-8085-gvsawo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/153858/original/image-20170123-8085-gvsawo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/153858/original/image-20170123-8085-gvsawo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/153858/original/image-20170123-8085-gvsawo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/153858/original/image-20170123-8085-gvsawo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/153858/original/image-20170123-8085-gvsawo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une partie de l’électorat PS est tentée par le vote Macron.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/117994717@N06/23417806279/in/photolist-AvySW-q5uLFj-pqzWiu-q6cmEF-q5BRck-6zNod1-qvgAE9-8nhWxw-rPEzSm-N7zhSQ-Myyd8x-MyycX2-MFVRzg-rCQU6E-rPDtJ9-RsgPqt-Lwpzgd-q5BRd2-pq4Yjy-qmSZmn-GyvYU6-GwdTgQ-FD1zYm-GHQMcc-uk9eMp-BFmnWF-N7zhYm-GpGeLE-GpGgXJ-uBPgtD-BFmmbB-BhtzXx-BhtAuz-C5hdj7-BFmofX-C5heVU-GpGdns-GMzmNJ-M9KLwB-GMzmtL-zypJ6j-GHQUx4-MoM2Ze-GqkkDE-MdNGyo-pqPm6n-pqzMW9-q5vmmC-9JASNu-zumxG">École polytechnique/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Chacun, sur sa droite comme sur sa gauche, joue sa carte personnelle pour l’enfoncer un peu plus et élargir la fracture. Car chacun sait bien que si Benoît Hamon l’emporte, des électeurs, militants, élus ou sympathisants préférerons se rallier à Emmanuel Macron pour ne pas cautionner une politique qu’ils jugent irréaliste, dispendieuse ou que sais je. Et si Manuel Valls gagne cette primaire (pari difficile) au nom du choix de gouverner (et du prix à payer pour cela), chacun sait que des soutiens de Benoît Hamon et Arnaud Montebourg préféreront rallier Jean-Luc Mélenchon pour ne pas cautionner une politique qu’il juge autoritaire, droitière ou que sais je.</p>
<p>Le PS est donc condamné à une victoire à la Pyrrhus.</p>
<p>Cette primaire, machine voulue par les uns pour torpiller une nouvelle candidature Hollande (bingo !) et acceptée par les autres en pensant qu’elle se retournerait en procédure pouvant rafraîchir la légitimité si abîmée du Président sortant, aboutit surtout au résultat d’exposer au grand jour la faille tectonique qui fracture le parti.</p>
<p>Et le plus terrible dans toute cette histoire, c’est de voir les efforts pathétiques des leaders du parti pour exposer sur les tribunes et devant les caméras une satisfaction de façade. Ne manqueraient que les violons et on se croirait à bord du Titanic. Il faut (ré)entendre la langue de bois de ceux qui annonçaient que les électeurs déjoueraient les pronostics en venant trois millions voter, en faisant de Vincent Peillon le champion que les sondages ne savaient pas voir, en faisant d’une diminution de plus d’un tiers du nombre d’électeurs mobilisés par rapport à 2011, un franc succès. Entre méthode Coué usée jusqu’à la corde et autisme politique pathétique, les dirigeants du Parti socialiste ajoutent un à un, consciencieusement, des clous à leur cercueil.</p>
<p>Cela ne veut pas dire que la structure partisane va forcément disparaître, mais elle va connaître des réveils pénibles, écartelée façon puzzle, avec pour juge de paix la Bérézina électorale annoncée des législatives de juin prochain (un peu comme celle de 1993). Mais sans doute le futur vainqueur de la primaire a-t-il de quoi se réjouir, les ruines seront à lui, avec un chantier colossal qui aura de quoi l’occuper longtemps.</p>
<p>Mais pour en faire quoi ? Restaurer des vestiges archéologiques ? Bâtir un bunker électoral juste là où les soutiens persistent ? Ou tenter de reconstruire une maison d’architecte pour les citoyens du XXI<sup>e</sup> siècle ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71696/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Pour certains, voter Hamon/Montebourg revient à se laisser glisser au fond de la piscine, lesté par des propositions lourdement de gauche, pour toucher le fond et mieux rebondir dans cinq ou dix ans.Arnaud Mercier, Professeur en Information-Communication à l’Institut Français de presse, Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/713902017-01-16T17:59:57Z2017-01-16T17:59:57ZPrimaire de la gauche : le géant endormi ne veille que d’un œil<p>Le second débat de la « Belle alliance populaire », qui s’est tenu dimanche soir, a incontestablement permis aux oppositions les plus fondamentales entre les candidats, et notamment aux principaux d’entre eux, de s’exprimer. Que cela soit sur le bilan de François Hollande, l’écologie, la laïcité ou l’exercice du pouvoir, des différences sont apparues qui ne sont pas de simples postures le temps d’une élection.</p>
<p>Un thème a, néanmoins, fait apparaître les différences les plus saillantes : les questions européennes, véritable fil rouge de la soirée. Le traitement de ces questions par le trio de journalistes en charge d’animer la soirée a pu paraître parfois décousu car les candidats étaient amenés à répondre – en parallèle et en quinconce – à deux sous-thèmes européens : la question générale de la direction de l’Europe et des politiques d’austérité, d’une part, et la question plus précise, qui occupa nettement plus de temps, de la politique européenne et nationale vis-à-vis de la crise des réfugiés, d’autre part.</p>
<h2>Deux gauches, deux visions</h2>
<p>Cette séquence, d’un grand intérêt du point de vue de l’analyse sémantique et politique, vit s’opposer très clairement les « deux gauches » dont Manuel Valls dit un jour qu’elles étaient <a href="http://lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2016/12/06/quand-manuel-valls-assumait-des-positions-irreconciliables-a-gauche_5044355_4854003.html">« irréconciliables »</a>. Sans nous prononcer sur la pertinence, la lucidité ou l’exagération de cet adjectif (car on sait qu’en politique « irréconciliable » est un mot à définition variable), nous avons bien néanmoins assisté, dimanche soir, à l’expression de deux visions.</p>
<p>Sur l’économie et sur les contraintes européennes qui pèsent sur les politiques publiques françaises d’abord : le clivage était net entre Manuel Valls et Arnaud Montebourg. L’ex-premier ministre a rappelé à plusieurs reprises que la France devait être « réaliste » dans son rapport à l’Europe et qu’elle devrait tenir ses engagements budgétaires, tout en proposant une relance. De son côté, Arnaud Montebourg n’hésita pas à utiliser un vocabulaire guerrier. Pour le champion du « Made in France », il s’agit en effet de « mettre fin à l’austérité », alors que nos pays en sortent « essorés », et de créer avec un bloc de pays « réformateurs » un rapport de force avec Bruxelles et Berlin, et enfin que la France prenne la tête d’un « leadership alternatif », voire « ouvre les hostilités.</p>
<p>Les autres candidats se sont rangés, à des degrés divers, derrière ces deux postures, mais la dynamique du débat penchait plutôt du côté du thème de « l’autre Europe », une rhétorique sans doute trop galvaudée pour avoir été utilisée hier.</p>
<p>Mais c’est, principalement, sur la politique française des dernières années en matière d’accueil des réfugiés et sur les positions de Manuel Valls face à l’Europe et à l’Allemagne sur cette question que le débat prit des couleurs. Et pas qu’un peu. Benoit Hamon, Vincent Peillon et Arnaud Montebourg ne firent pas mystère de leur condamnation ferme de la politique suivie par Manuel Valls, de son manque de « générosité » et de l’isolement dans lequel elle aurait mis la France. Manuel Valls dut se défendre et il le fit avec énergie, s’inscrivant une fois encore dans le registre de la « responsabilité » et du « réel ».</p>
<h2>L’Europe, un monde politique pluridimensionnel</h2>
<p>Cette très longue passe d’armes sur l’Europe, les politiques d’austérité, les frontières et les réfugiés, prend tout son sens si on la renvoie aux effets profondément perturbateurs de l’intégration européenne dans les vies politiques européennes, et pas seulement en France. Les spécialistes de l’analyse politique européenne (notamment Cees Van der Eijk et Mark N. Franklin ou encore Catherine De Vries) parlent souvent, à propos de l’Europe, d’un « géant endormi ».</p>
<p>Les auteurs qui ont développé ce concept ont constaté que les électeurs expriment un large éventail de préférences concernant l’intégration européenne, et que celles-ci traduisent des attitudes politiques structurées. Ces mêmes auteurs observent, en effet, qu’il n’y a pas de corrélation claire entre les positions des électeurs sur l’Europe et leurs positions sur l’axe gauche-droite. Selon ces analyses, si les citoyens ont bien des vues différentes sur l’Europe, celles-ci ne peuvent être décrites par la seule dimension économique gauche-droite. Le monde de la politique en Europe serait ainsi devenu pluridimensionnel sous l’influence des questions européennes <a href="https://theconversation.com/2017-lannee-de-la-politique-en-n-dimensions-70799">comme nous l’analysions dans une précédente chronique</a>.</p>
<p>C’est la politique en « n-dimensions » et parfois cette pluridimensionalité éclate au grand jour : lors des élections européennes malgré la faible participation, mais beaucoup plus fortement lors des référendums sur l’Europe. Ainsi, de temps en temps le « géant endormi » se réveillerait et, selon l’humeur de celui-ci au réveil (contexte économique morose ou gouvernement national impopulaire par exemple), les dommages collatéraux pourraient être plus ou moins importants…</p>
<h2>Européens de cœur, Européens de raison</h2>
<p>L’un de ces dommages collatéraux les plus intéressants du point de vue de l’analyse politique est la capacité du thème européen à perturber le paysage d’un monde politique coupé traditionnellement en deux, entre la gauche et la droite. Cette perturbation exerce de puissantes forces centrifuges et centripètes, mettant une pression considérable à l’extérieur de cette politique des deux blocs pour lui substituer une <a href="https://theconversation.com/des-regions-en-trompe-l-il-52460">politique de la « tripartition »</a> : le FN s’est en effet très solidement et durablement installé dans le paysage politique. Elle exerce, par ailleurs, une pression non moins importante en interne sur chacun de deux blocs de la gauche et de la droite.</p>
<p>Ainsi, lors de la primaire de la droite (et du centre), on avait déjà pu apercevoir que l’Europe dont rêvait Alain Juppé n’était pas la même que celle de Nicolas Sarkozy ni de François Fillon, qui avait rappelé d’ailleurs sa filiation « souverainiste-séguiniste ». Européen de cœur et Européen de raison montraient des différences, tout en partageant certaines données inhérentes au fait de vouloir être président de la République, adoptant une position globalement pro-européenne.</p>
<p>Le thème des frontières et de la reprise en main, à défaut d’un nouveau Schengen, du contrôle de celles-ci introduisait néanmoins plus que des nuances entre ces deux tendances de la droite, sans compter le gap considérable qui sépare l’agenda politique de la droite et du FN sur les questions européennes.</p>
<h2>Douze ans en arrière…</h2>
<p>Dimanche soir, les effets perturbateurs de l’Europe sur la gauche et sur le PS sont apparus avec une intensité inégalée depuis le référendum de 2005, lorsque la France rejeta le projet de Constitution européenne. Le PS avait alors connu de profondes divisions alors que François Hollande en était le Premier secrétaire et que Laurent Fabius (numéro 2 du parti alors) prenait le leadership du « non » de gauche.</p>
<p>Aujourd’hui, il est intéressant de revenir près de douze ans en arrière. Laurent Fabius proposait alors quatre orientations : réviser le pacte de stabilité pour mieux coordonner l’action de l’Europe pour l’emploi ; l’accroissement du budget européen dans les domaines de la recherche ; l’harmonisation des systèmes fiscaux pour lutter contre les délocalisations ; la défense au « service public à la française ».</p>
<p>Sans être un retour vers 2005 (car depuis le contexte a vraiment beaucoup changé), les thèmes abordés dimanche soir sur l’Europe avaient une force de rappel intéressante. Rappelons qu’à l’époque Arnaud Montebourg était partisan du « non », comme Benoit Hamon, tandis que Manuel Valls également membre de cette jeune génération voulant renouveler le PS avait finalement fait le choix du « oui ».</p>
<p>Ce qui s’est passé dimanche soir est clairement un signe supplémentaire que le géant ne veille que d’un œil dans le paysage de la politique française, en l’occurrence de la gauche. La question économique n’est plus la seule à faire débat à gauche sur l’Europe ; la question des frontières et de l’accueil des réfugiés a introduit de fortes lignes de différences également. Pendant ce temps, le géant a également un œil sur Emmanuel Macron qui, la veille, a consacré plusieurs passages de son meeting à Lille à un vigoureux plaidoyer en faveur de plus d’Europe, de plus d’ouverture et de la relation franco-allemande.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71390/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bruno Cautrès ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un thème a fait apparaître, dimanche soir, les différences les plus saillantes entre les candidats de gauche : les questions européennes.Bruno Cautrès, Chercheur en sciences politiques, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/712902017-01-13T14:43:25Z2017-01-13T14:43:25ZPrimaire à gauche : écoutez la différence !<p>Au départ, ils sont sept que tous les efforts de l’organisation du débat tendent à présenter comme à égalité : tirage au sort pour les prises de parole, partage d’un espace physique comme partage du temps de parole disponible, au point que chacun n’aura pas davantage que 17 minutes pour faire valoir son offre.</p>
<p>Et pourtant que de différences entre ces candidats ! Elles sont résumées par la notion de capital politique, c’est-à-dire l’ensemble des ressources que chaque candidat peut utiliser pour faire prévaloir son point de vue. Il s’agit d’« une forme de capital symbolique fondé sur d’innombrables opérations de crédit », pour reprendre les <a href="http://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1977_num_13_1_3493">termes de Pierre Bourdieu</a>. Ils se distinguent par leur capital politique personnel de notoriété et de popularité, et par leur capital politique délégué par une organisation politique.</p>
<p>Cette organisation a accepté de les voir concourir. Soit pour briguer le droit de la représenter dans la compétition finale s’agissant des quatre socialistes : Manuel Valls, Arnaud Montebourg, Benoît Hamon et Vincent Peillon – tous anciens ministres de François Hollande. Soit pour la représenter pour la présidente du Parti radical de gauche et ex-ministre (Sylvia Pinel), pour le président du Front démocrate, candidat de l’Union des Démocrates et Ecologistes et ex-député européen (Jean-Luc Bennhamias), et pour le député et président du Parti écologiste (François de Rugy).</p>
<p>Ce qui est en cause est donc l’éligibilité des candidats socialistes versus la viabilité politique des trois autres candidats, c’est-à-dire leur capacité à franchir le cap de la primaire.</p>
<h2>L’atout du capital politique</h2>
<p>Avant même qu’un seul mot ne soit prononcé, les sept candidats sont très hiérarchisés par leur degré de notoriété et de popularité – quelle que soit la compétence politique du téléspectateur considéré. En dehors de leur prétention à concourir pour représenter le PS et la gauche dans la compétition présidentielle, qu’y a-t-il de commun entre Manuel Valls et François de Rugy, ou Jean-Luc Bennhamias, en termes de capital politique ? On aurait même tendance à dire que le poids du capital politique varie en raison inverse de cette compétence politique.</p>
<p>Tout porte, en effet, à expliquer le succès de François Fillon à la primaire de la droite par l’existence première de son capital politique, certes bien entretenu par une très longue campagne. Mais c’est bien grâce à lui qu’il a pu s’engouffrer dans la fenêtre d’opportunité ouverte par la critique de Nicolas Sarkozy à l’encontre d’Alain Juppé comme porteur d’une « alternance molle » dans un climat d’opinion marqué par un antisarkozysme très développé. C’est bien parce qu’il fut premier ministre, donc chef de la majorité sortante et le plus précocement déclaré candidat à l’élection présidentielle de 2017, qu’il bénéficie d’une très forte notoriété et d’une forte popularité chez les électeurs de la droite et du centre.</p>
<p>Et, cependant, les sept candidats en présence dans cette primaire de la gauche vont tous faire comme si ce capital politique était sans effet alors qu’ils n’ont de cesse d’assumer leurs responsabilités, de renvoyer à leurs rôles dans la vie politique récente et de tirer les leçons de leur expérience politique antérieure dans un débat contradictoire où chacun va mettre en œuvre une stratégie relationnelle et une stratégie substantielle.</p>
<h2>Refrain consensuel contre le « candidat brutal »</h2>
<p>Côté relationnel, il s’agit de présenter une position dans un espace concurrentiel. Il fallait bien sûr s’attendre au refrain consensuel sur l’impérieuse nécessité du rassemblement de la gauche face aux adversaires clairement identifiés comme étant l’extrême droite de Marine Le Pen et la droite ultralibérale de François Fillon. Tous les candidats, à des moments différents, stigmatisent Fillon, « candidat brutal » comme le rappelle Arnaud Montebourg.</p>
<p>Plus délicat devient la présentation de l’ensemble de la gauche qui intègre potentiellement Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron (alias « Monsieur X », c’est-à-dire l’inconnu, selon Arnaud Montebourg) et encore plus délicat s’avère la présentation des candidats de la Belle Alliance Populaire dont sont absents le PCF, EELV, le Parti de gauche et le MRC (Mouvement républicain et citoyen) dont nul ne parlera.</p>
<p>De temps à autre les candidats s’interpellent comme Valls qui déclare : « Je veux dire très sincèrement qu’ici je n’ai pas d’adversaire, encore moins d’ennemi, que nous sommes venus débattre devant les Français, pour les convaincre que la gauche est toujours utile ». Ou comme Arnaud Montebourg qui invoque « (ses) amis, Vincent, Benoît et d’autres » en fin de débat. Un débat sans acrimonie mais où les divergences sont bien apparues.</p>
<p>Pour se distinguer les uns des autres, rien de tel que des propositions substantielles en forme de programme discriminant. Le consensus est total sur le caractère inacceptable des projets de la droite et de l’extrême droite, très rapidement cloués au pilori. Lorsqu’il s’agit de savoir si on est prêt à s’effacer devant Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon, Arnaud Montebourg indique qu’il prendra « contact » avec le second alors que Benoît Hamon et Vincent Peillon considèrent d’emblée que la discussion avec eux est possible au nom du rassemblement, mais seulement en position de force.</p>
<p>Sur ce chapitre, on notera que la question de leur effacement respectif au profit du vainqueur de la primaire de la gauche ne leur a pas été posée, à la différence des candidats de la droite et du centre.</p>
<h2>Divergences économiques prononcées</h2>
<p>Les thématiques prévues pour l’animation de ce premier débat portaient sur le traitement successif des problèmes économiques et sociaux, du terrorisme et de la sécurité enfin de la République et la laïcité.</p>
<p>Sur le terrain économique et social, autant le consensus s’est imposé <a href="https://theconversation.com/primaires-le-programme-commun-de-la-droite-67089">lors du premier débat de la droite</a>, autant les divergences ont pu s’exprimer à gauche. Dés sa présentation, Benoît Hamon évoque son projet de <a href="https://theconversation.com/le-revenu-universel-une-idee-liberale-59440">revenu universel</a> pour faire face aux « bouleversements inédits » du monde qui va voir le travail se raréfier. En forme d’introduction au débat, le jugement porté sur le bilan du quinquennat de François Hollande est sans appel pour Arnaud Montebourg (« difficile à défendre »), pour Benoît Hamon (« inachevé »), plus nuancé pour Vincent Peillon (« une incompréhension parfois injuste »), alors qu’il suscite la « fierté » chez Manuel Valls et la satisfaction (« beaucoup de réformes ») chez Sylvia Pinel.
« Peut mieux faire » : telle est l’évaluation de Jean-Luc Bennhamias, et « contrasté » celle de François de Rugy.</p>
<p>Manuel Valls assume les résultats économiques même s’il ne s’en contente pas et Benoît Hamon fustige un « rendez-vous raté ». Vincent Peillon dit son hostilité au revenu universel soutenu par Jean-Luc Bennhamias et Benoît Hamon qui en présente la mise en œuvre sous forme d’étapes en rappelant que la Sécurité sociale, en son temps, fut aussi considérée comme irréalisable. Quant à Manuel Valls il préconise un « revenu décent » obtenu par la fusion de dix minima sociaux existants et délivré sous condition de ressources.</p>
<p>Alors qu’Arnaud Montebourg et Vincent Peillon (en faveur d’un « bouclier fiscal pour les plus modestes ») s’accordent sur une baisse de la CSG, Manuel Valls plaide pour le retour à la défiscalisation des heures supplémentaires. Comme Benoît Hamon pour les entreprises du CAC 40 et les grands groupes mondiaux, Arnaud Montebourg est en faveur d’une augmentation des impôts sur les banques et les superprofits. Taxer les robots, comme le préconise Benoît Hamon n’est pas la solution pour Vincent Peillon qui rappelle, comme Manuel Valls, qu’en matière de protection les Français sont attachés à la Sécurité sociale.</p>
<p>Enfin, alors que Manuel Valls défend la loi El Khomry et ses apports en termes de négociation dans l’entreprise, compte pénibilité, compte personnel d’activité, garantie « jeunes », de même que Sylvia Pinel et François de Rugy, Benoît Hamon et Arnaud Montebourg se prononcent pour son abrogation dès leur entrée en fonction pour défaut de légitimité démocratique et de facilitation du licenciement.</p>
<h2>Tous ensemble sur les valeurs républicaines</h2>
<p>Le consensus se retrouve en matière de lutte contre le terrorisme qui donne l’occasion de féliciter François Hollande pour sa conduite, hormis l’initiative de la déchéance de nationalité. Tous s’accordent à désigner l’islamisme radical comme l’ennemi à combattre et donne l’occasion à Manuel Valls de déclarer <a href="https://theconversation.com/les-manifestations-charlie-hebdo-etaient-elles-anti-musulmans-70933">« Je suis Charlie »</a>. Tous s’accordent sur les valeurs républicaines, et en particulier sur le rôle central de l’école, facteur de mixité sociale et instrument de lutte contre la reproduction sociale. Et certains évoquent trop rapidement les réformes institutionnelles qu’une VI<sup>e</sup> République imposerait : 49.3 citoyen pour Benoît Hamon, proportionnelle intégrale pour Vincent Peillon, référendum constitutionnel pour Arnaud Montebourg.</p>
<p>En conclusion, Benoît Hamon souhaite une gauche nombreuse, compacte et imaginative pour lui donner la force. Arnaud Montebourg, comme l’avait fait Manuel Valls au début du débat, rappelle que « rien n’est écrit d’avance » et que « nous pouvons l’emporter dans quatre mois ». De son côté, Manuel Valls demande aux électeurs de lui donner « la force » de rassembler la gauche et les Français pour une « République forte et une France juste ». Vincent Peillon propose le redressement républicain qui « augmente le patrimoine démocratique » d’un pays qui a besoin d’espérance. Quant à Jean-Luc Bennhamias, il suggère une grande alliance, un arc progressiste et écologiste pour défendre l’intérêt général alors que Sylvia Pinel invoque un
« nouveau chemin pour incarner l’espoir ». De Rugy nous invite enfin à être « libre » et « engagé », à lutter contre le conformisme et à choisir entre les projets présentés.</p>
<p>…Et pendant ce temps-là leur capital politique respectif plaide nécessairement en faveur de Manuel Valls et Arnaud Montebourg.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71290/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jacques Gerstlé ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Rassemblés dans leur rejet de la droite et de l’extrême droite, unis sur les valeurs républicaines, les candidats à la primaire de la gauche ont marqué leurs divergences sur le terrain économique.Jacques Gerstlé, Professeur émérite de sciences politiques, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/706752016-12-22T19:28:57Z2016-12-22T19:28:57ZBal tragique à Solférino<h2>Manolo</h2>
<p><em>(Seul à la tribune, s’adressant à une salle bondée d’une bonne cinquantaine de militants)</em></p>
<p>J’avais tort, avouons, les frondeurs ont raison :<br>
J’ai là dans le panneau donné comme un oison.<br>
Pressé par l’Élysée, et Myriam empêtrée,<br>
Je me suis bonnement lancé tête baissée<br>
Vers une procédure à mon sens désuète :<br>
Du quarante-neuf trois j’ai tiré la gâchette.<br>
Il n’y faut plus penser, j’en ai la conviction.<br>
On doit en supprimer la forte tentation,<br>
L’effacer désormais de la Constitution…<br>
Hier du ministère encore avais les rênes,<br>
Et dans l’adversité gardais visage amène.<br>
À peine mon menton, si fermement pointé,<br>
Rappelait à chacun ma grande autorité.<br>
Me voici devant vous dans le simple appareil<br>
D’un pauvre militant sans or et sans vermeil.<br>
Un seul poste vous manque et tout est transformé.<br>
Voyez, chers camarades, à quel point j’ai changé :<br>
Bien loin de diviser, j’appelle à l’unisson<br>
Pour retrouver ensemble, à la belle saison,<br>
La France réunie autour du grand projet<br>
Que depuis des années je mûris en secret…</p>
<p><em>(Longs applaudissements et cris : « Manolo Président ! »)<br></em></p>
<h2>Manolo<br></h2>
<p><em>(Apaisant la salle de sa main gauche)</em></p>
<p>Patience, mes amis, car à deux pas d’ici<br>
Se prépare à entrer sans grand catimini<br>
Un clan d’usurpateurs rêvant de me noyer<br>
Dans l’eau de leur moulin à promesses éventées.</p>
<p><em>(Hou ! hou ! crie la salle)</em></p>
<p>J’ai su sans barguigner avaler les couleuvres<br>
Venues d’un chef d’État dont j’étais le hors d’œuvre.<br>
Avec le bel éclat de mon autorité<br>
Les baigneuses aie-je fait vite se rhabiller.<br>
Et quand il a fallu, pour le bien de nous tous,<br>
Amener Président à nous déclarer pouce,<br>
Qui fut à la manœuvre à part moi, Manolo ?</p>
<p><em>(Tohu-bohu quand entrent dans la salle six candidats escortés par une foule de militants enfiévrés)</em></p>
<h2>Monsieur de Brandebourg</h2>
<p><em>(Criant du fond de la salle)</em></p>
<p>Silence ! Manolo, tu en dis déjà trop !<br>
Ne nous rends pas complice en si odieux forfait !<br>
L’heure est à rassembler et à tirer un trait<br>
Sur le triste bilan dont tu es le portrait !<br>
Comment peux-tu prétendre avec autant d’audace<br>
Infliger à la Gauche telle sinistre farce<br>
Où tu joues un pompier éteignant l’incendie<br>
Dont tu as de toi-même allumé les bougies !</p>
<p><em>(Sourds grondements de la foule qui montre à Manolo la porte ouverte)</em><br></p>
<h2>Les six candidats ensemble</h2>
<p><em>(Psalmodiant)</em></p>
<p>Unité ! Unité ! Dans le rassemblement<br>
Autour de nos valeurs et de notre parti !<br>
Lui seul peut impulser sans de lourds compromis<br>
Ce message social qu’attendent les Français,<br>
Et qu’avant d’oublier, François leur promettait.<br></p>
<h2>Manolo</h2>
<p><em>(Goguenard)</em></p>
<p>Belle unanimité, que je crois partager !<br>
Moi non plus, soyez sûr, je ne peux tolérer<br>
Que par la division nous soyons écartés<br>
D’une compétition qui en serait biaisée.<br>
Mais à trop désirer de me voir déserter<br>
Vous semblez oublier de vous départager.<br>
Il vous faudra choisir celui d’entre vous six<br>
Qui pourra sur le trône imposer son coccyx !<br></p>
<h2>Brandebourg</h2>
<p><em>(S’avançant à la tribune)</em></p>
<p>Mais l’affaire est tranchée, et notre réunion<br>
N’a pour unique but qu’en forcer l’opinion.<br>
Je suis celui qui suis. J’incarne changement,<br>
Sachant tant m’adapter au murmure du temps.<br>
À bataille d’Évry, nous préférons Ivry,<br>
Ou mon panache blanc apparaîtra fleuri, <br>
Comme l'a si bien dit notre bon roi Henry.</p>
<p><em>(Applaudissements d’une part de l’auditoire)</em><br></p>
<h2>Hamonius</h2>
<p><em>(S’emparant du micro)</em></p>
<p>Sans enlever de poids aux mérites insignes<br>
De notre camarade, nous n’avons pas sa ligne.<br>
On peut fort désirer cuvée du changement,<br>
Encor faut-il avoir le poids des arguments ;<br>
Vrai <em>made in socialism</em>, j’offre la garantie<br>
D’un respect des valeurs de notre cher parti.<br>
Seul je peux rassembler sur un projet solide<br>
Ceux que le désespoir a rendus invalides.<br>
Orphelins de l’espoir, ralliez-vous à moi !<br>
À la vieille maison, redonnons son vrai toit !<br></p>
<p><em>(Applaudissements sur la gauche de l’auditoire)</em><br></p>
<h2>Vicente</h2>
<p><em>(Écartant sèchement Hamonius du micro)</em></p>
<p>Mais quels sont ces serpents qui sifflent dans vos têtes ?<br>
Qui peut croire un instant, à moins d’être assez bête,<br>
Que vous disposerez pour le rassemblement<br>
Des atouts nécessaires à l’urgence des temps !<br>
Le danger a un nom, c’est celui du bilan<br>
Dont ledit Manolo est le porteur vivant.<br>
Unissons nos efforts afin de l’écarter,<br>
Et cela je suis seul à pouvoir l’assurer.<br>
Je ne puis garantir l’originalité<br>
Mais loin d’être faiblesse, j’y trouve qualité.<br>
Il faut savoir tirer de son obscurité<br>
La force d’emprunter aux autres leurs idées.<br>
C’est affaire de rythme, et j’ai su en donner<br>
À notre pauvre École emberlificotée.<br>
De la gauche en lambeaux je ferai calicot.<br>
Cessons donc vainement de contourner le pot !<br>
Vicente candidat, la République est là !<br></p>
<p><em>(Silence gêné dans la salle)</em><br></p>
<h2>Cambadéliès</h2>
<p><em>(Entrant à pas lents et majestueux dans la salle)</em></p>
<p>Mais voulez-vous vraiment que le parti trépasse,<br>
À tant nous enfermer dans une horrible impasse ?<br>
Chacun dedans son coin veut le rassemblement<br>
Pourvu qu’il n’en subisse aucun désagrément !<br>
Entendons pour finir, les petits candidats<br>
Qui nous feront sortir de ce fort mauvais pas.<br></p>
<h2>Les trois petits candidats</h2>
<p><em>(Ensemble)</em></p>
<p>Nous nous tenons bien loin de tout ce falbala.<br>
C’est qu’à dire tout vrai, nous ne sommes pas là<br>
Pour disputer la place aux autres postulants.<br>
On nous a demandé de jouer figurants<br>
Et donner à la scène un peu de majesté :<br>
Il fallait une femme et quelques isolés.<br>
On a su nous convaincre en faisant miroiter<br>
De futurs maroquins, à élection gagnée.<br>
Aussi pour nos partis, bien des investitures,<br>
Afin de la défaite, éviter la froidure<br>
Et d’ainsi protéger nos modestes masures.<br></p>
<h2>Cambadéliès</h2>
<p><em>(Tombant effondré sur son siège)</em></p>
<p>Alors tout est perdu, il est déjà si tard,<br>
Avec tous nos rivaux nous piquant de leurs dards.<br>
Plus que de cavalier, la France veut changer<br>
De cheval pour gagner la bataille engagée.<br></p>
<p><em>(Surgissent par deux portes opposées deux diables rouges avec un grand M sur la poitrine, répandant dans la salle des gaz anesthésiants)</em></p>
<h2>Les candidats avant de sombrer dans l’inconscience</h2>
<p>Quels grands artistes la France va perdre !<br> <br></p>
<h2>Épilogue</h2>
<p><em>Une foule d’électeurs de gauche rassemblés dans la nuit</em></p>
<h2>Un anonyme</h2>
<p>Vous connaissez le drame, ils sont sans candidat !<br>
La primaire a fini dans un grand branlebas !<br>
Nous voilà orphelins, sans espoir de demain.<br></p>
<h2>Une voix dans la foule</h2>
<p>Avons-nous tant péché, pour être condamné<br>
À l’Extrême pain sec, ou bien au bénitier ?<br>
Pourtant, il y a peu, nous votions changement,<br>
Et nous avions élu un nouveau Mitterrand.<br></p>
<h2>Une autre voix</h2>
<p>Nous nous sommes trompés, et plutôt que pécheurs<br>
C’est du péché d’autrui qu’on nous porte rigueur.<br></p>
<h2>Une autre voix encore</h2>
<p>Aucun des postulants, à croire les sondages<br>
N’aurait eu le pouvoir d’échapper au carnage !<br>
Ne pleurons pas en vain. Et scrutons dans la nuit<br>
L’étoile du berger qui a toujours conduit<br>
Le peuple des élus aux portes du salut.<br></p>
<h2>Un cri dans la foule</h2>
<p>Je sens, je crois, je sais, la voici à ma vue !<br>
Mon cœur de joie bondit au mitan de la nuit.<br>
Voyez ce feu follet qui tout là-haut reluit<br>
Éclairant doucement le toit de cette étable !<br></p>
<h2>Des voix qui reprennent</h2>
<p>La scène qu’on y voit, on dirait un retable :<br>
Dans cette humble demeure, il y a un enfant<br>
Sur lequel sont penchés des anges consolants.<br>
L’innocence se lit sur son visage frais<br>
Et d’un réformateur, on reconnaît les traits !<br></p>
<h2>Tous ensemble</h2>
<p>Chantons, chantons enfin, nous l’avons retrouvé !<br>
Le chemin nous attend, qui mène à l’Élysée !<br>
Ensemble rendons-nous, pareils à des rois mages<br>
Afin de toutes voix lui apporter l’hommage !<br></p>
<p><em>(Pendant que sonnent les douze coups de minuit à l’horloge du village, une foule immense monte le chemin qui gagne la bergerie, en murmurant des cantiques.)</em></p>
<p><em>(Le rideau bleu, couvert d’étoiles, tombe devant la scène.)</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/70675/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Drame comique en un acte, pour conte de Noël.Claude Patriat, Professeur émérite de Science politique, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/700702016-12-08T05:39:17Z2016-12-08T05:39:17ZL’ethos complexe de Manuel Valls dans sa déclaration de candidature<p>Parfois désigné comme <a href="http://www.lci.fr/politique/karine-berger-les-frondeurs-sont-nes-avec-manuel-valls-premier-ministre-2010721.html">responsable de la fracture avec les frondeurs</a>, parfois jugé <a href="http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2014/09/10/31001-20140910ARTFIG00393-manuel-valls-est-il-social-democrate-ou-social-liberal.php">trop libéral</a>, ou <a href="http://www.telerama.fr/medias/la-securite-est-la-premiere-des-libertes-de-le-pen-a-valls-la-formule-s-est-imposee-dans-le-debat-politique,134465.php">trop « sécuritaire »</a>, Manuel Valls a dû, en un discours, se construire une identité de « présidentiable » et véhiculer ainsi les valeurs de son camp, tout en anticipant sur d’éventuelles polémiques.</p>
<h2><em>Ethos</em> et brouillage médiatique</h2>
<p>Cette déclaration, reprise sur les réseaux sociaux dont Twitter, peut s’analyser au prisme du concept d’<em>ethos</em>. L’<em>ethos</em> est l’image que le sujet donne de lui dans le discours. Il confère une forme d’autorité qui contribue à asseoir l’argumentation dans le discours. Cette image peut être antérieure à la prise de parole, ou se construire dans le discours.</p>
<p><a href="https://semen.revues.org/2509">Andrée Chauvin-Vileno</a> explique que l’<em>ethos</em> « repose, pour une part, sur un savoir préalable des interlocuteurs sur la vie, le caractère, les actions du locuteur, et que ce savoir préalable confère ou non du poids au discours, conditionne la réception. » Ce premier type d’<em>ethos</em> est dit prédiscursif, alors que l’<em>ethos</em> discursif se fonde sur la confiance inspirée par l’orateur par l’effet du discours.</p>
<p>L’influence des deux <em>ethos</em> peut se combiner dans les situations concrètes et avoir un degré de pertinence variable selon les types de locuteurs. À propos des personnalités politiques, Chauvin-Vileno indique que leurs images créées par la presse, la radio, etc. sont toujours produites et prises dans un circuit médiatique – ce qui brouille le rapport entre le savoir préalable que l’on peut avoir sur la personnalité en question et son discours.</p>
<p>Aussi, dans sa déclaration, nous pouvons faire l’hypothèse que Manuel Valls essaye de construire une image cohérente avec les ambitions qui sont les siennes : sens du collectif, refus du programme de la droite avec une lecture résolument socialiste, lutte contre le déterminisme, rassemblement, et même écho à un slogan de l’extrême gauche pour étendre son discours aux électeurs auparavant hostiles.</p>
<h2>Une relecture du quinquennat en cours</h2>
<p>Pour légitimer sa candidature tout en ne souffrant pas de critiques possibles sur le bilan du gouvernement, Manuel Valls s’emploie à donner du sens à son rôle :</p>
<blockquote>
<p>« Je n’ai jamais cédé à la tentation de quitter le collectif ».</p>
</blockquote>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"805828419124658176"}"></div></p>
<p>Aussi, ce qui pourrait lui être reproché (notamment par des candidats à la primaire qui ont quitté le gouvernement) prend ici le sens d’une loyauté et d’une solidarité, par l’emploi du terme collectif. Il emploie d’ailleurs comme un slogan le hashtag #CeQuiNousRassemble dans le tweet ci-dessous :</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"805829891916791808"}"></div></p>
<p>Avec ces éléments de langage, et notamment les termes de « collectif » et de « ce qui nous rassemble », Manuel Valls dissocie sa personne des actions passées, les construit de manière impersonnelle et tente ainsi de s’extraire des critiques possibles en misant sur la non-dissociation possible entre lui et l’ensemble, et les qualités que cela lui attribue (le sens du collectif).</p>
<h2>Un candidat autodésigné ?</h2>
<p>Manuel Valls s’affiche aussi en opposant à François Fillon : il s’auto-institue ainsi à la même place que son rival, et s’octroie symboliquement au moins le statut de représentant de la gauche.</p>
<p>Ceci se manifeste linguistiquement par l’emploi récurrent de « Je veux » et surtout « Je ne veux pas » comme dans les messages suivants :</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"805830762801037312"}"></div></p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"805831188371963904"}"></div></p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"805832071650377728"}"></div></p>
<p>Par rapport à l’esquive des critiques possibles, où son identité était fondue dans le collectif, il souhaite ici incarner le leader de la gauche, et s’opposer au programme du candidat de la droite.</p>
<p>Pour cela, il reprend de manière efficace certains marqueurs de la gauche.</p>
<h2>S’inscrire dans une mémoire de la gauche</h2>
<p>Le premier marqueur fort est le rejet d’un certain déterminisme, qui renvoie ici au résultat de l’élection présidentielle, mais qui fait sens, d’une manière plus large, aux valeurs prônées par la gauche sur l’ascenseur social. Avec le hashtag <a href="https://Twitter.com/hashtag/RienNestEcrit?src=hash">#RienNestEcrit</a>, il extrait un élément électoral assez simple pour en faire une valeur de son discours :</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"805833559030300672"}"></div></p>
<p>Cette opposition à une forme de déterminisme est reprise dans l’écho qui est fait à un ancien slogan du NPA, lorsqu’il dit :</p>
<p>Nos vies valent mieux que les pronostics. <a href="https://Twitter.com/hashtag/Valls2017?src=hash">#Valls2017</a></p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"805833802648064001"}"></div></p>
<p>En effet, on peut entendre ici un écho à « Nos vies valent plus que leurs profits », où le « plus » est remplacé par un « mieux », et « profit » par « pronostics ».</p>
<p>Il compte ainsi non seulement déjouer les pronostics faits par les journalistes et commentateurs politiques, mais aussi s’insérer dans un imaginaire de gauche, où la vie est mise au premier rang, avant l’argent. Mais aussi les échanges de ce que certains appellent la sphère médiatico-politique, dont le rejet a été mis en lumière lors de l’élection de Donald Trump puis la victoire de François Fillon à la primaire de la droite et du centre (avec des interprétations divergentes bien sûr selon les camps politiques).</p>
<p>On le voit, ce discours, repris en quelques tweets, est instructif pour analyser la stratégie de Manuel Valls : dans une mise en histoire de son identité – certains parleraient probablement (peut-être abusivement) de storytelling –, il se constitue une personnalité solidaire qui a le sens du collectif, mais qui s’auto-institue comme l’opposant à la droite, en prônant des valeurs de gauche. En se présentant comme un rassembleur, il égratigne également implicitement ses adversaires, soit pour leur sens du collectif, soit pour leur incarnation des valeurs de la gauche.</p>
<p>Les semaines à venir nous diront si cette stratégie de constitution d’un <em>ethos</em> discursif, qui réécrit en quelque sorte l’<em>ethos</em> prédiscursif, fonctionne, et si les discours modèlent réellement les connaissances antérieures plus ou moins stabilisées que l’on a sur telle ou telle personnalité, au point de les modifier. C’est plus largement l’ambition du projet de recherche <a href="http://ideo2017.ensea.fr">#Idéo2017</a>, dont l’objectif est de repérer et cartographier les stratégies discursives lors de la prochaine élection présidentielle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/70070/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Longhi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En se déclarant candidat à la primaire de la gauche, Manuel Valls a dû user de stratégies discursives complexes pour faire coïncider l’image dont il bénéficie auprès de l’électorat de gauche.Julien Longhi, Professeur des universités en sciences du langage, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/561712016-03-18T05:42:47Z2016-03-18T05:42:47ZFrance Stratégie : une prospective gouvernementale et… électorale<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/115177/original/image-20160315-9235-qyp74t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">France stratégie ambitionne de produire des notes prospectives chaque semaine.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://digital-society-forum.orange.com/fr/les-actus/760-2017-2027-un-debat-ouvert-a-tous">France Stratégie/DR</a></span></figcaption></figure><p>Le premier ministre Manuel Valls a lancé, tout récemment, une <a href="http://www.francestrategie1727.fr/">plate-forme</a> de réflexion sur la stratégie politique de la décennie à venir. Cette plate-forme est gérée par France Stratégie, une institution plutôt discrète, créée en 2013 par décret et installée à Paris. Ce décret, le 2013-333 en date du 22 avril 2013, institue le <a href="http://www.strategie.gouv.fr/">« Commissariat général à la stratégie et à la prospective »</a> – une structure qui remplace explicitement le Centre d’analyse stratégique, héritier direct de feu le Commissariat au plan. Tout comme ses aïeux, France Stratégie dépend du premier ministre.</p>
<p>Le décret donne à l’institution la mission de produire des études sous forme de diagnostic et de prospective, afin de proposer au gouvernement des pistes pour faire face aux défis identifiés comme étant prioritaires. Les études comparatives et l’<a href="https://theconversation.com/expliquer-la-radicalisation-3-penser-les-effets-pervers-des-politiques-repressives-53890">évaluation des politiques publiques</a> sont considérées comme le second pilier de l’activité du Commissariat.</p>
<p>Cet organisme est dirigé par Jean Pisani-Ferry, <a href="http://www.strategie.gouv.fr/equipe/jean-pisani-ferry">professeur dans une école de gouvernance à Berlin</a>, tandis que ses relations avec la société civile sont assurées par Gilles Bon-Maury, un militant du PS et ancien dirigeant d’HES (Homosexualité et Socialisme). Les membres de France Stratégie sont nommés directement par décret et la démarche concernant la prospective 2017-2027 s’inscrit dans la continuité du fonctionnement de ce « néo-commissariat ».</p>
<p>La plate-forme fonctionne donc comme une branche de France Stratégie spécialement dévolue à la prospective. Ce n’est ni une commission, ni un laboratoire, mais bel et bien une entreprise politique qui englobe l’ensemble des compétences du Commissariat et qui est transversale aux domaines étudiés jusqu’à présent. C’est bien l’entité toute entière qui se consacre pour quelques mois à cette plate-forme de réflexion.</p>
<h2>Une mise en campagne cachée ?</h2>
<p>En ce début d’année 2016, le premier ministre a donc mis en branle cette institution pour lancer une réflexion sur la décennie 2017–2027. L’objet de ce travail : « éclairer les enjeux de la prochaine élection présidentielle ». Mais cette entreprise arrive à un moment disons particulier du calendrier politique, à un an de la présidentielle, alors que le Parti socialiste fait face à de nombreuses dissensions internes.</p>
<p>La candidature de François Hollande est certes probable, mais <a href="http:/lemonde.fr/idees/article/2016/03/07/les-intentions-illisibles-de-francois-hollande-pour-2017_4877587_3232.html?xtmc=strategie_hollande&xtcr=6">tout de même incertaine</a>. Martine Aubry est dans l’ombre, se gardant d’accepter des responsabilités ministérielles, et dans l’attente de se lancer dans une éventuelle primaire ou dans une candidature pour une alternative au sein du camp gouvernemental. Le ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, un novice en politique, sans mandat ni attache, se verrait bien dans la <a href="http://lemonde.fr/actualite-medias/article/2016/03/08/emmanuel-macron-icone-d-un-nouvel-express-chantre-du-reformisme_4878835_3236.html">position du candidat</a> qui provoque une rupture dans la continuité.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/115179/original/image-20160315-9250-p6c4aa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/115179/original/image-20160315-9250-p6c4aa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/115179/original/image-20160315-9250-p6c4aa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/115179/original/image-20160315-9250-p6c4aa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/115179/original/image-20160315-9250-p6c4aa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=404&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/115179/original/image-20160315-9250-p6c4aa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=404&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/115179/original/image-20160315-9250-p6c4aa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=404&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">France Stratégie, une institution placée sous l’autorité d’un premier ministre ambitieux.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://tvmag.lefigaro.fr/le-scan-tele/polemiques/2016/01/17/28003-20160117ARTFIG00021--on-n-est-pas-couche-manuel-valls-face-au-coup-de-gueule-de-jeremy-ferrari.php">Youtube</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces personnalités ne sont pas les seules à gauche à nourrir de hautes ambitions. Manuel Valls, premier ministre et ancien ministre de l’Intérieur connaît sa force. Il est populaire parmi les socialistes et peut capter une partie de l’électorat de droite. Valls a un parcours de présidentiable, ayant connu de nombreux ministères tout en affichant un passé d’élu local. La mobilisation de ressources pour produire une stratégie gouvernementale ne laisse aucun doute. À cet égard, France Stratégie permet de préparer la présidentielle : il s’agit de transformer le bilan en une ressource, tout en proposant la rupture nécessaire à la légitimation d’une candidature autre que celle du président sortant.</p>
<h2>Quelles orientations politiques pour France Stratégie ?</h2>
<p>La lecture des thèmes abordés par la plate-forme nous en apprend beaucoup sur la stratégie envisagée par le premier ministre à travers cette entreprise politique. Les douze points sont décrits ainsi :</p>
<ol>
<li>La croissance mondiale d’une décennie à l’autre ;</li>
<li>Nouvelles formes du travail et de la protection sociale ;</li>
<li>Compétitivité : que reste-t-il à faire ?</li>
<li>Quelle feuille de route pour l’Europe ?</li>
<li>Tirer parti de la révolution numérique ;</li>
<li>Investir dans la jeunesse en faisant face au vieillissement ;</li>
<li>Modèle de développement et répartition du revenu ;</li>
<li>Quelles priorités éducatives ?</li>
<li>Dette, déficit, dépense : perspectives pour la finance publique ;</li>
<li>Politiques de l’emploi et du marché du travail ;</li>
<li>Dynamiques et inégalités territoriales ;</li>
<li>Ambition et stratégie climatiques.</li>
</ol>
<p>Dans cet ensemble, la croissance et le développement économique sont prioritaires. Quatre de ces douze pans de l’analyse se focalisent sur l’économie, incluant la croissance, la compétitivité, le développement et la dette. Notons que le premier point est, pour le moment, le <a href="http://francestrategie1727.fr/thematiques/la-croissance-mondiale-d-une-decennie-a-l-autre/">seul qui a trouvé une traduction concrète</a>. Il s’agit, pour le moment, de produire une grille d’analyse et de demander à des chercheurs, experts, associations, de soumettre des textes. Une sorte d’appel à contribution, sur la base du volontariat, à travers ce nouvel organe politique du gouvernement.</p>
<p>En dehors de ces approches économiques de la politique, le reste se compose de thématiques auxquelles les politiques peuvent difficilement échapper : une section sur le climat (la dernière), une sur les territoires, une autre sur l’éducation et, enfin, une sur les générations. Les territoires sont traités via la question des inégalités, renvoyant directement aux <a href="http://www.franceculture.fr/politique/apartheid-ethnique-ghetto-les-mots-choc-de-manuel-valls">propos</a> de Manuel Valls sur les banlieues françaises et « l’apartheid territorial ».</p>
<p>Le deuxième volet de réflexion – « Nouvelles formes de travail et de protection sociale » – est lui aussi consistant. Ce thème fait particulièrement écho au projet de loi sur la <a href="https://theconversation.com/la-de-correlation-du-droit-du-licenciement-du-cout-du-travail-et-du-taux-de-chomage-54065">réforme du Code du travail</a>. Considérer que le travail revêt de nouvelles formes est en soi un argument en faveur de la modification de ce code, car il s’applique à des formes de travail anciennes, voire obsolètes. Comme nous le savons, la Sécurité sociale, qui prend en charge une partie de la protection sociale, dépend directement des formes que prennent les réglementations du travail. Elle en dépend, notamment, pour la délimitation des populations concernées mais aussi pour les recettes. Le regroupement des deux sujets fait donc sens.</p>
<h2>Une démarche qui nourrit le doute</h2>
<p>Sur le papier, cette démarche est louable : produire un savoir dans le cadre d’une stratégie à moyen terme pour l’économie, la réforme sociale, le développement des territoires paraît un exercice salutaire… Mais, en pratique, cela ne va pas sans poser quelques questions. Pourquoi maintenant, alors que des travaux universitaires sur ces questions sont produits régulièrement et depuis de longues années ? Comment articuler la prospective et les sciences sociales alors que le débat n’est pas clos et <a href="https://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=2&cad=rja&uact=8&ved=0ahUKEwjNk_nD3LXLAhXBXRoKHQcECKMQFggmMAE&url=http%3A%2F%2Fwww.persee.fr%2Fdoc%2Fhomso_0018-4306_1971_num_20_1_1412&usg=AFQjCNEmTYpaHbEPVpOQpYEvZJEzt98LEA&sig2=irSmW_dB4-4CqRciRFt5aQ">qu’il ne le sera peut-être jamais</a> ? Et, surtout, quelle utilisation sera faite de toutes ces contributions à la veille de l’échéance présidentielle ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/56171/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexandre Faure ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Matignon a récemment lancé une plate-forme de réflexion et de prospective pour préparer la France de 2027. Mais il pourrait bien s'agir aussi de préparer l’échéance de 2017.Alexandre Faure, Doctorant en sciences sociales, École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/532772016-01-18T06:05:03Z2016-01-18T06:05:03ZManuel Valls dans les sables mouvants d’« On n’est pas couché »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/108349/original/image-20160117-20933-1vmzmjh.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=24%2C0%2C758%2C431&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Manuel Valls sous tension, samedi, soir sur France 2.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://tvmag.lefigaro.fr/le-scan-tele/polemiques/2016/01/17/28003-20160117ARTFIG00021--on-n-est-pas-couche-manuel-valls-face-au-coup-de-gueule-de-jeremy-ferrari.php">Youtube</a></span></figcaption></figure><p>En perte de vitesse dans les sondages, désormais délaissé au profit d’Emmanuel Macron pour représenter la gauche dans le cas d’une élection présidentielle (voir le dernier <a href="http://www.leparisien.fr/politique/presidentielle-juppe-et-macron-chouchous-des-francais-17-01-2016-5458645.php">sondage Odoxa-Le Parisien-Aujourd’hui en France, dimanche 17 janvier</a>), le premier ministre cherchait samedi soir dans sa participation à « On n’est pas couché » un sursaut.</p>
<p>Il y a trouvé plutôt des sables mouvants. L’émission de Laurent Ruquier sur France 2 est en effet une tribune importante et prisée des politiques. Avec une audience de plus de 20 %, elle est en tête sur cette tranche horaire de deuxième partie de soirée. Surtout, elle attire un public bien différent de celui des émissions politiques traditionnelles (comme des « Paroles et des actes ») plus âgé et en général très éduqué. Venir à « On n’est pas couché », c’est donc, pour les politiques, la <a href="http://www.lepoint.fr/medias/onpc-carton-d-audience-pour-manuel-valls-17-01-2016-2010655_260.php">possibilité de toucher les jeunes et un public un peu plus populaire</a>, cibles préférant en général zapper la politique.</p>
<p>Mais venir à une émission d’infotainment, surtout lorsqu’on est un représentant de l’État, c’est prendre des risques. Ainsi, durant l’élection présidentielle de 2012, ni François Hollande, ni Nicolas Sarkozy ne s’y sont rendus. Le Président Hollande ayant toujours jusqu’à présent, refusé de s’y rendre, tout comme son prédécesseur.</p>
<p>Au contraire, Manuel Valls est <a href="http://www.lejdd.fr/Politique/Manuel-Valls-sera-l-invite-de-On-n-est-pas-couche-ce-samedi-768239">un habitué de l’émission</a> comme le lui a rappelé Laurent Ruquier. Elle lui permet de toucher un large public, dans un format différent et plus attractif pour le grand public que « Des paroles et des actes et surtout de donner une image plus sympathique de lui-même, alors qu’on lui reproche souvent son austérité, voire sa dureté. D’ailleurs ses précédentes prestations s’étaient plutôt bien passées.</p>
<p>Toutefois, l’objectif avait cette fois-ci changé. Délaissant tout humour, Manuel Valls a voulu se présenter en gouvernant sérieux, voire austère, prêt à exercer la magistrature suprême. Comment expliquer sinon le long moment accordé aux relations internationales, secteur dans lequel le premier ministre est toujours écarté, sauf en cas de cohabitation, depuis les débuts de la V<sup>e</sup> République ?</p>
<h2>Les risques de l’infotainment</h2>
<p>Mais cette stratégie rendait les risques d’autant plus importants.
Fragilisé dans l’opinion, son dos était plus accessible aux poignards venus de toutes parts. Et les talk-shows (ou émissions conversationnelles) qui font se croiser politiques et artistes de toutes sortes, mélangeant ainsi information et divertissement (ce que les Anglo-Saxons appellent « infotainment »), favorisent ce type d’échanges musclés et dangereux pour les politiques.</p>
<p>En effet, face à un artiste, souvent venu faire sa promotion, et pouvant comme Jérémy Ferrari, ici, se faire une réputation en s’affrontant au premier ministre, la répartie est complexe. Répondre violemment – ce que n’a pas fait Manuel Valls – c’est prendre le risque de s’aliéner le public de la vedette, en général, bien plus populaire que le politique. En outre, l’artiste attaque en général sur un sujet où il est sûr d’avoir le soutien du grand public et ainsi de bénéficier d’applaudissements nourris, et sur un ton plus passionnel que réfléchi.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/jtoVpnXvmlY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le premier ministre Manuel Valls sous le feu de l’humoriste Jeremy Ferrari.</span></figcaption>
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<p>Comment rester audible après une tirade passionnée, alors qu’on doit expliquer que la situation est plus complexe qu’il n’y paraît ? C’est tout le piège qui s’est refermé hier sur le premier ministre.</p>
<p>Piège en deux temps pour Manuel Valls qui a vu l’assaut d’un Jean d’Ormesson toujours débatteur mordant. L’académicien, sur son ton guilleret et amical, lui a ainsi asséné les mots les plus durs en renvoyant la déchéance de nationalité à un gadget et analysant la droitisation du gouvernement. En quelques phrases, il avait dit ce que tout le monde pensait, et ce que les deux « snipers » n’avaient osé dire. Là encore, la situation est délicate. L’homme incarne la sagesse même et connaît une popularité proportionnelle à son âge, impossible donc de l’attaquer.</p>
<p>Un piège donc, mais pas nécessairement incontournable. « On n’est pas couché » n’est pas le linceul définitif de tous les politiques. Pour en sortir vivant, et même grandi, il faut s’adapter au ton de l’infotainment. Cela nécessite une capacité à sauter d’un sujet à un autre, ainsi qu’à se servir de son humour, voire même d’autodérision. François Bayrou et Henri Guaino, habitués de l’émission en sont toujours ressortis sans dégâts irréparables. Le ministre des Sports, Patrick Kanner, alors inconnu du grand public, avait en novembre fait une belle prestation, se payant le luxe de renvoyer Yann Moix dans les cordes. Même Martine Aubry, en 2011, s’était montrée plus à l’aise.</p>
<p>On le voit, « On n’est pas couché » n’est pas le meilleur lieu pour se bâtir une image de présidentiable et de gouvernant solide. Manuel Valls semblait pourtant prêt à parler au plus grand nombre, mais il ne l’a pas fait avec le bon ton.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/53277/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre-Emmanuel Guigo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Afin de toucher un public plus jeune, et moins politique que dans les émissions traditionnelles, Manuel Valls a participé samedi au talk-show de Laurent Ruquier. A ses risques et périls.Pierre-Emmanuel Guigo, Chercheur Associé au Laboratoire Communication et Politique (CNRS UPR 3255), Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.