tag:theconversation.com,2011:/us/topics/medecins-45972/articlesmédecins – The Conversation2024-03-25T16:34:35Ztag:theconversation.com,2011:article/2258252024-03-25T16:34:35Z2024-03-25T16:34:35ZGérer autrement notre système de santé : les acteurs du secteur incités, mais insuffisamment formés<p>Raisons budgétaires, manque de personnel, évolution des pratiques médicales… Les 2976 hôpitaux publics et privés français ont fait l’objet de la <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/292502-hopitaux-et-cliniques-les-chiffres-cles-de-lannee-2022">fermeture de près de 40 000 lits d’hospitalisation complète en 10 ans</a>. Des dizaines de petits hôpitaux ont fermé, tout comme des maternités et des services hospitaliers mal équipés ou déficitaires. En parallèle, le nombre de places d’hospitalisation a progressé de près de 2 % grâce notamment à l’hospitalisation partielle et à l’hospitalisation à domicile, en hausse de 16 % entre fin 2019 et fin 2020 pour atteindre <a href="https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/feuille-de-route-had-2022-05-01-2.pdf#page=5">240 000 séjours</a>. La moitié seulement de cette hausse s’explique par le coronavirus. Si la courbe s’est <a href="https://www.fnehad.fr/wp-content/uploads/2023/04/MOP-3015.pdf">infléchie en 2021</a>, les pouvoirs publics se sont donné pour feuille de route de <a href="https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/feuille-de-route-had-2022-05-01-2.pdf#page=7">développer</a> plus encore cette approche des soins.</p>
<p>Avec pareilles évolutions, l’organisation des soins mobilise de multiples intervenants professionnels rendant leur coordination essentielle. L’<a href="https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/feuille-de-route-had-2022-05-01-2.pdf#page=23">injonction</a> à cela de la part des pouvoirs publics semble de plus en plus forte au moment où le système de <a href="https://theconversation.com/topics/sante-20135">santé</a> doit faire face à d’importantes contraintes comme le <a href="https://theconversation.com/la-population-de-la-france-va-t-elle-diminuer-suite-a-la-baisse-de-la-natalite-222790">vieillissement de la population</a>, l’<a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/communique-de-presse/mieux-connaitre-et-evaluer-la-prise-en-charge-des-maladies-chroniques">augmentation des maladies chroniques</a> et l’importance de contenir le déficit de l’assurance maladie qui pourrait <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/a-8-8-milliards-d-euros-le-deficit-de-la-securite-sociale-va-doubler-d-ici-trois-ans-977591.html">doubler d’ici trois ans</a>.</p>
<p>Plusieurs acteurs du système de santé ont déjà intégré dans leurs pratiques une fonction de <a href="https://theconversation.com/topics/organisation-21871">coordination</a>. En complément des professionnels de santé intervenant à domicile se développent également des dispositifs d’appui à la coordination (<a href="https://sante.gouv.fr/systeme-de-sante/structures-de-soins/les-dispositifs-d-appui-a-la-coordination-dac/">DAC</a>) ou des communautés professionnelles territoriales de santé (<a href="https://sante.gouv.fr/systeme-de-sante/structures-de-soins/les-communautes-professionnelles-territoriales-de-sante-cpts/">CPTS</a>). L’organisation de ce système dense semble néanmoins <a href="https://serval.unil.ch/resource/serval:BIB_276592407385.P001/REF.pdf">difficile car il paraît peu lisible</a>. Il reste par ailleurs <a href="https://sante.gouv.fr/systeme-de-sante/systeme-de-sante/strategie-de-transformation-du-systeme-de-sante/">cloisonné</a> avec notamment la persistance de frontières entre les soins de ville et hospitaliers, entre les professionnels médicaux, paramédicaux et sociaux.</p>
<h2>Cinq ans d’expérimentation</h2>
<p>Pour en sortir, les pouvoirs publics tentent de mettre en place une législation favorable, à l’innovation. Celle-ci peut certes être technologique ou thérapeutique, mais aussi organisationnelle. L’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000036339172">article 51</a> de la loi de Finances de la Sécurité sociale 2018 (LFSS 2018) visait notamment à permettre aux acteurs de la santé, peu formés au management, à s’approprier la notion de « projet ».</p>
<p>Ce dispositif réglementaire autorisait pour les cinq années suivantes à expérimenter de nouvelles organisations grâce à des modes de financement qui n’étaient, jusqu’à présent, pas utilisés. Il s’agit par exemple des <a href="https://sante.gouv.fr/systeme-de-sante/parcours-des-patients-et-des-usagers/article-51-lfss-2018-innovations-organisationnelles-pour-la-transformation-du/les-experimentations/article/experimentation-d-une-incitation-a-une-prise-en-charge-partagee-ipep">incitations à une prise en charge partagée</a> (IPEP) : un intéressement versé à des professionnels qui se constituent une patientèle commune pour une meilleure coordination et prise en charge.</p>
<p>On retrouve également le <a href="https://sante.gouv.fr/systeme-de-sante/parcours-des-patients-et-des-usagers/article-51-lfss-2018-innovations-organisationnelles-pour-la-transformation-du/les-experimentations/article/experimentation-d-un-paiement-en-equipe-de-professionnels-de-sante-en-ville">paiement en équipe de professionnels de santé en ville</a> (Peps), qui, dans une même logique de coordination, vise à remplacer le paiement à l’acte par une rémunération collective.</p>
<p>L’objectif était notamment, d’après la loi, de « permettre l’émergence d’organisations innovantes dans les secteurs sanitaire et médico-social concourant à l’amélioration de la prise en charge et du parcours des patients, de l’efficience du système de santé et de l’accès aux soins ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1764055240679080270"}"></div></p>
<p>Près de mille projets ont été déposés sur les plates-formes régionales et nationale et plus de cent ont été autorisés à être expérimentés, regroupant au total un <a href="https://sante.gouv.fr/systeme-de-sante/parcours-des-patients-et-des-usagers/article-51-lfss-2018-innovations-organisationnelles-pour-la-transformation-du/les-rendez-vous-de-l-article-51/article/journee-nationale-des-porteurs-de-projet-23-novembre-2023">million de patients</a>. L’article 51 de la LFSS 2018 marque ainsi une <a href="https://www.cairn.info/revue-les-tribunes-de-la-sante-2020-1-page-35.htm?ref=doi">rupture nette</a> avec les tentatives précédentes d’amélioration des prises en charge du fait d’une plus grande souplesse, d’une rapidité des procédures accrue et d’un dispositif législatif davantage ouvert aux acteurs de santé.</p>
<h2>Aligner les motivations</h2>
<p>Nos <a href="https://www.theses.fr/2023PAUU2132">travaux de recherche</a> ont suivi certaines de ces expériences et mettent en avant leur potentiel transformatif. Observant succès et échecs, ils donnent également quelques clefs pour permettre de les mettre au mieux en œuvre.</p>
<p>Deux projets en Nouvelle-Aquitaine ont particulièrement été suivis, avec des fortunes diverses : un projet A, porté par un hôpital public et qui a échoué dans sa mise en œuvre, et un projet B, lancé par un Groupement de coopération sanitaire, qui, lui, a connu une réussite. Chacun reposait sur une innovation organisationnelle, de financement et technologique avec le développement d’interfaces numériques.</p>
<p>Le premier consiste à prendre en charge de manière coordonnée des patients qui souffrent de maladies inflammatoires chroniques. Il est porté par quatre médecins hospitaliers. Le second consiste à prendre en charge de manière coordonnée des patients pour des chirurgies orthopédiques. Ce projet est porté par un médecin militaire.</p>
<p>Le premier élément clé qui peut rendre compte de l’échec du projet A a trait aux motivations. Qu’elles soient collectives ou individuelles, elles restent le socle d’un projet innovant. L’enjeu est de les aligner et de faire adhérer les acteurs aux valeurs et à la culture de l’organisation. Que tout le monde, en somme, soit sur la même longueur d’onde. Or, les porteurs du projet A semblaient aussi animés par des motivations individuelles qui ont freiné l’élan collectif. Un personnel de l’Agence régionale de santé (ARS) Nouvelle-Aquitaine nous a ainsi confié :</p>
<blockquote>
<p>« Ce sont des porteurs qui aiment être devant. Il y a, quoi qu’on en dise, une volonté d’attirer la lumière. C’est positif pour faire naître des projets ; la preuve ils ont répondu à l’appel à manifestation d’intérêt. Mais lorsqu’il s’agit de les décliner, les choses deviennent plus compliquées. »</p>
</blockquote>
<h2>Apprendre à gérer</h2>
<p>Porter un projet et faire naître des coordinations nouvelles appelle en outre des compétences managériales particulières. Le financement et la gestion de budget, tout d’abord, représentent la condition <em>sine qua non</em> de l’amorçage des projets. Sans financement, pas de projet et sans maîtrise des outils de gestion, pas de mise en œuvre. Au-delà, la maîtrise des interactions humaines (gestion des conflits, résistance au changement…) doit être développée. Un pilotage de projet et des évaluations régulières sont également nécessaires pour garantir des avancées. Cela limite par ailleurs les risques d’exposition médiatique.</p>
<p>L’ARS relevait sans nuance pour le projet B, celui qui a réussi, le point suivant :</p>
<blockquote>
<p>« Clairement, depuis le début, il y a une maîtrise de tous les éléments qui sont nécessaires au bon déroulement du projet. Le porteur est en réalité un manager qui a un sens humain très fort et une connaissance globale du système ».</p>
</blockquote>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1766823677914472915"}"></div></p>
<p>La nouveauté se heurte par ailleurs bien souvent à une résistance au changement que nous avons pu observer notamment de la part de certains médecins hospitaliers. L’« hospitalocentrisme » reste assez marqué dans les mentalités. Dans la même veine, les conflits persistants entre les parties prenantes du projet A ont sans doute figé le projet avec un non-déploiement malgré le fort potentiel. Un des porteurs déplore :</p>
<blockquote>
<p>« Les conflits l’emportent sur le sens et la dynamique commune. Pourtant je peux vous dire que ce projet avait tout pour réussir et on a mis le paquet… »</p>
</blockquote>
<p>Face à cet enjeu, les tutelles comme l’ARS peuvent apporter une aide précieuse. Le dispositif article 51, dans son essence même, incite les acteurs de santé à travailler de manière coordonnée et facilite la conduite et le déploiement des projets grâce à l’accompagnement prévu et aux financements alloués.</p>
<p>Reste que, comme nous le montrons, ces éléments s’avèrent nécessaires mais non suffisants. Les professionnels de santé qui portent les projets doivent être formés aux outils et méthodes du projet sans oublier la dimension de management des ressources humaines. Leurs tutelles semblent, en la matière, avoir un rôle à asseoir pour notamment rappeler aux porteurs de projet le cadre des dispositifs afin d’éviter les risques de non-déploiement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225825/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cécile Dezest a reçu des financements de ARS NA-CDAPPB. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emmanuelle Cargnello et Isabelle Franchisteguy-Couloume ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>La Loi de Finances de la Sécurité sociale 2018 ouvrait la voie à de nouvelles expérimentations pour organiser notre système de soins. Une recherche en dresse un premier bilan.Cécile Dezest, Docteure en sciences de Gestion, Université de Pau et des pays de l'Adour (UPPA)Emmanuelle Cargnello, Professeur des universités en sciences de gestion, IAE Pau-BayonneIsabelle Franchisteguy-Couloume, Maître de conférences - Habilitée à Diriger les Recherches en sciences de gestion, Université de Pau et des pays de l'Adour (UPPA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2107722023-09-07T15:17:15Z2023-09-07T15:17:15ZLa littératie médicale permet aux patients de mieux comprendre leur état de santé et favorise leur bien-être<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/541036/original/file-20230803-19-ji9w80.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C2%2C992%2C663&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les médecins ne sont pas nécessairement de bons vulgarisateurs ou n’ont pas toujours le temps d’expliquer tout dans les moindres détails. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Qu’est-ce qu’un pontage ? Quels sont les risques liés à ma chirurgie cardiaque ? Le domaine de la santé peut être difficile à comprendre et à expliquer. </p>
<p>En effet, interpréter les informations médicales demande un niveau de littératie élevé pour les patients et les membres de leur famille. Dans ce cas, lorsque l’on parle du développement de la littératie médicale (ou littératie en santé ; <em>health literacy</em> en anglais), c’est le fait, pour un patient, de pouvoir lire, écrire et parler de son état de santé et des différentes étapes à venir pour favoriser son bien-être personnel. </p>
<p>Nous sommes un groupe de chercheurs provenant de l’éducation, de la psychologie, de la santé et de la médecine. La littératie médicale est un domaine que nous développons ensemble depuis quelques années.</p>
<h2>Mieux comprendre pour pouvoir prendre sa santé en main</h2>
<p>Dans le domaine médical, développer les compétences en littératie est lié au fait :</p>
<ul>
<li><p>de lire et de comprendre des informations médicales (ex. : qu’est-ce qu’un anévrisme ?) ; </p></li>
<li><p>d’annoter des documents, d’écrire des notes pour soi-même ou des questions pour le médecin (quels sont les risques liés à ma chirurgie cardiaque ?) ; </p></li>
<li><p>de parler au médecin, d’écouter les informations mentionnées par celui-ci et de les comprendre à l’oral.</p></li>
</ul>
<p>Le but pour les patients est de pouvoir prendre leur propre santé en main et de savoir ce qui s’en vient ou ce qui doit être fait. </p>
<p>Très souvent, les patients vont aller chercher de l’information par eux-mêmes sur Internet. Par contre, les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5471568/">informations disponibles en ligne ne sont pas nécessairement fiables ou à jour</a>. Il peut aussi y avoir un <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1761906/">problème de lisibilité</a>, c’est-à-dire que les patients ne vont pas nécessairement comprendre ce qu’il est écrit. </p>
<p>C’est d’ailleurs souvent le problème avec les documents disponibles pour les patients, que ce soit sur le web ou en format papier : ils ne sont pas assez compréhensibles et le langage utilisé est souvent complexe. </p>
<p>Selon le National Institute of Health et différents organismes du domaine de la santé, les documents remis aux patients devraient avoir un niveau de lisibilité similaire à celui qu’un élève de <a href="https://www.chudequebec.ca/chudequebec.ca/files/ad/ad7c7c71-ed00-4767-9726-a0b9d4865778.pdf">sixième année du primaire peut lire et comprendre</a>. Par contre, dans les faits, à cause de la complexité du jargon médical, il est extrêmement difficile d’atteindre ce niveau.</p>
<h2>Des vidéos à la rescousse</h2>
<p>Pour pallier cette difficulté, et pour aider les patients et leur famille à comprendre <a href="https://youtu.be/XqeHmTE-uWE"><em>Les différentes étapes de la chirurgie cardiaque</em></a>, nous avons créé des vidéos informatives, vulgarisées et fiables. Elles sont gratuites et disponibles sur YouTube. Ces vidéos font partie du <a href="https://lavoixdunord.ca/2023/02/23/a-la-recherche-dune-plus-grande-comprehension-des-patients/">design de recherche d’un projet en littératie médicale qui est actuellement en cours</a>. </p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/XqeHmTE-uWE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les différentes étapes de la chirurgie cardiaque.</span></figcaption>
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<p>La première vidéo, <a href="https://youtu.be/xZLSocQ0NPo"><em>Avant la chirurgie cardiaque</em></a>, permet de distinguer le chirurgien cardiaque du cardiologue. Il y a également toute une section sur comment se préparer pour une chirurgie cardiaque et ce qu’il est important de savoir avant de subir une opération à cœur ouvert. </p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/xZLSocQ0NPo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Avant la chirurgie cardiaque.</span></figcaption>
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<p>La deuxième vidéo, <a href="https://youtu.be/Qii7tS_tgio"><em>Pendant la chirurgie cardiaque</em></a>, essaie de répondre aux questions suivantes : que se passera-t-il dans la salle d’opération ? Quels sont les différents types de chirurgie cardiaque ? Pourquoi ai-je besoin d’une chirurgie cardiaque ?</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Qii7tS_tgio?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Pendant la chirurgie cardiaque.</span></figcaption>
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<p>La troisième vidéo, <a href="https://youtu.be/7P0gF_F5uQo"><em>Après la chirurgie cardiaque : à l’hôpital</em></a>, informe les patients sur ce qui se passe aux soins intensifs, après les soins intensifs, les médicaments à prendre, les émotions ressenties, les exercices à faire le plus rapidement possible, etc. </p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/7P0gF_F5uQo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Après la chirurgie cardiaque : à l’hôpital.</span></figcaption>
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<p>La quatrième vidéo, <a href="https://youtu.be/IKO3t3890kQ"><em>Après la chirurgie cardiaque : le retour à la maison</em></a>, ne devait pas être créée au départ. Par contre, à la lumière des questions et des commentaires de patients <a href="https://lavoixdunord.ca/2021/05/10/bien-comprendre-pour-mieux-se-retablir/">d’une recherche précédente</a>, nous avons voulu leur donner une voix. En effet, trop souvent, les patients ont peur de poser des questions parce qu’ils ne veulent pas déranger le médecin, ont peur d’avoir l’air stupide ou se disent que le problème va passer… Si un patient est inquiet, il doit communiquer avec le bureau de son médecin. </p>
<p>Cette vidéo répond entre autres aux questions suivantes : à quoi devez-vous vous attendre lorsque vous retournez à la maison après avoir subi une chirurgie cardiaque ? Comment prendre bien soin de vous-même ? Qu’est-il permis de faire ? Qu’allez-vous vivre comme émotions ? </p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/IKO3t3890kQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Après la chirurgie cardiaque : le retour à la maison.</span></figcaption>
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<h2>Le pouvoir de la vulgarisation</h2>
<p>Toutes les vidéos ont été créées et approuvées par une équipe de chercheurs interdisciplinaire en éducation et en psychologie, un chirurgien cardiaque, un cardiologue, une médecin de famille et un infirmier. Elles sont également disponibles en <a href="https://www.youtube.com/@isabellecarignan">anglais</a> en entier et par sections.</p>
<p>L’accès à des informations médicales fiables, de qualité et à jour est en lien direct avec tout ce qui touche le consentement libre et éclairé. En effet, comme patient, lorsque vous signez le document pour approuver une intervention médicale, le médecin spécialiste – ou un professionnel de la santé – doit s’assurer que vous comprenez bien dans quoi vous vous engagez. Comprenez-vous ce qu’il arrivera dans la salle d’opération ? Le type de chirurgie que vous allez subir ? Les risques associés ?</p>
<p>Le but des vidéos était de répondre au quoi et au pourquoi pour les patients et les membres de la famille. Il faut toujours garder en tête que le patient est un élève qui apprend par rapport à sa condition médicale. De plus, les médecins ne sont pas nécessairement de bons vulgarisateurs ou n’ont pas toujours le temps d’expliquer tout dans les moindres détails. </p>
<p>Voilà pourquoi il est important de créer des outils de vulgarisation fiables, peu importe le domaine médical, pour que les patients puissent s’éduquer par eux-mêmes et bien assimiler les informations. </p>
<p>En comprenant bien ce qui l’attend, le <a href="https://miceapps.com/client/EventAttendeeAbstracts/view_published_abstract/512/13418/92108">niveau d’anxiété baisse chez le patient</a>, car il se sent plus en contrôle. Enfin, le développement des compétences en littératie médicale permet aux patients de prendre des décisions libres et éclairées par rapport à leur propre santé. </p>
<p><em>Les auteurs tiennent à souligner la très grande contribution de Paul-André Gauthier, Ph.D., consultant en santé et en nursing. Il a participé activement à la rédaction de cet article, à la création des vidéos et il est cochercheur dans nos projets de recherche en littératie médicale</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210772/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Carignan a reçu du financement du Consortium national de formation en santé (CNFS) à titre de professeure associée à l'Université Laurentienne. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Adèle Gallant, Annie Roy-Charland, Marie-Christine Beaudry et Rony Atoui, MD, MSc, FRCSC, FACS ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Le développement des compétences en littératie médicale permet aux patients de prendre des décisions plus réfléchies par rapport à leur propre santé. Mais un accompagnement adéquat est nécessaire.Isabelle Carignan, Ph.D., Professeure titulaire en éducation, Université TÉLUQ Adèle Gallant, Doctorante en psychologie, Université de MonctonAnnie Roy-Charland, Professeure titulaire en psychologie, Université de MonctonMarie-Christine Beaudry, Professeure en didactique du français, Université du Québec à Montréal (UQAM)Rony Atoui, MD, MSc, FRCSC, FACS, Cardiac Surgeon and Full Professor at NOSM University, Northern Ontario School of Medicine Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2093822023-08-31T17:57:35Z2023-08-31T17:57:35ZÉcole inclusive : quelles solutions peut-elle apporter à la souffrance psychique des enfants ?<p>Née dans le courant des années 2000, l’inclusion vise l’inscription des enfants, et plus généralement des personnes les plus vulnérables, dans le lien social. L’inclusion s’inscrit dans la logique de démarches préexistantes : les termes d’insertion, d’intégration, d’inclusion désignent les variations des politiques publiques et des pratiques favorisant l’accès des personnes en situation de handicap aux différentes sphères du vivre ensemble.</p>
<p>Il n’est pas anodin de rappeler que ce paradigme a émergé tandis que d’autres dispositifs relatifs au soutien des enfants en difficulté ont disparu ou sont en péril – à l’instar des <a href="https://www.education.gouv.fr/les-reseaux-d-aides-specialisees-aux-eleves-en-difficulte-rased-11312">réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED)</a>.</p>
<p>En France, la scolarisation est un droit. À la suite de la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République de 2013 a introduit le principe d’inclusion scolaire. Le code de l’éducation notifie d’une part que « le service public de l’éducation […] veille à l’inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction » (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000043982767#:%7E:text=L%E2%80%99%C3%A9cole%20garantit%20%C3%A0%20tous,origine%20sociale%2C%20culturelle%20ou%20g%C3%A9ographique.">Art. L 111-1 du Code de l’Éducation</a>). Et que « dans ses domaines de compétences, l’État met en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants, adolescents ou adultes handicapés » (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038902196#:%7E:text=Tout%20enfant%2C%20tout%20adolescent%20pr%C3%A9sentant,constitue%20son%20%C3%A9tablissement%20de%20r%C3%A9f%C3%A9rence.">article 112-1 du Code de l’Éducation</a>).</p>
<p>Plusieurs textes sont venus renforcer ces principes, dont la ratification par la France de la <a href="https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/convention_relative_aux_droits_des_personnes_handicapees.pdf">Convention des Nations Unies pour le Droit des Personnes Handicapées (CIDPH)</a>, qui précise que nul ne peut être exclu, sur le fondement du handicap, de l’enseignement général (art. 24).</p>
<p>Alors que la souffrance psychique des enfants et des adolescents est désormais documentée par plusieurs rapports, dont celui publié au printemps dernier par le <a href="https://www.hcfea.fr/">Haut Conseil de la Famille, de l’Enfance et de l’Âge (HCFEA)</a>, l’inclusion peut-elle apporter des solutions ? Le rapport ne manque pas de revenir sur les parcours, les dynamiques et les pratiques d’inclusion, <a href="https://www.taylorfrancis.com/books/mono/10.4324/9780429401923/really-works-special-inclusive-education-david-mitchell-dean-sutherland">largement étudiées dans la recherche à l’international</a>.
L’inclusion ne va toutefois pas sans paradoxe ni difficulté.</p>
<h2>Le poids des injonctions contradictoires</h2>
<p>D’une part, le droit à la scolarité se conjugue souvent avec des impératifs comme le droit au soin. La santé de l’enfant nécessite parfois qu’il soit hospitalisé ou accueilli en institution spécialisée et l’arbitrage entre ces différents droits peut poser des difficultés.</p>
<p>De plus, la question de l’école inclusive ne peut être abordée sans tenir compte des tensions qui traversent le système éducatif. Historiquement conçue pour sélectionner les élites, mais aussi pour assurer un socle commun de compétences à tous les élèves, l’école fait peu de place à la différenciation et se trouve confrontée à des exigences contradictoires. Comment s’étonner alors que la scolarisation des élèves en situation de handicap apparaisse en tête des sources de mal-être des enseignants, <a href="https://theconversation.com/quel-regard-les-enseignants-portent-ils-sur-lecole-inclusive-170418">même s’ils souscrivent majoritairement à son principe</a> ?</p>
<p>Si ces injonctions ne sont pas contradictoires par essence, leur mise en œuvre conjointe engage des moyens et des modalités de travail qui ne sont pas toujours réunis.</p>
<p>Par ailleurs, la forme scolaire, l’ordonnancement de l’espace et du temps, la normativité des travaux écrits produisent également de l’exclusion et de la souffrance psychique : évaluation, concurrence, normalisation, violence symbolique… Certains troubles de l’enfant peuvent en fait s’entendre comme une non-conformité au regard de la norme. L’inclusion pourrait être un creuset pour faire évoluer les pratiques, en lien avec le champ médico-social.</p>
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<p>Ces paradoxes sont accentués par l’inadéquation des moyens alloués : en effet, la Fédération des parents d’élèves (FCPE) recense aujourd’hui 900 médecins scolaires pour 12 millions d’élèves – soit <a href="https://14.fcpe-asso.fr/actualite/sante-scolaire-900-medecins-scolaires-pour-environ-12-millions-deleves-en-france#:%7E:text=Sant%C3%A9%20scolaire%20%3A%20900%20m%C3%A9decins%20scolaires,millions%20d%E2%80%99%C3%A9l%C3%A8ves%20en%20France">un médecin pour 13333 élèves</a>. En septembre 2021, le Sénat comptait <a href="https://www.senat.fr/questions/base/2021/qSEQ21091997G.html#:%7E:text=Il%20y%20a%20en%20r%C3%A9alit%C3%A9,%C3%A0%20peu%20pr%C3%A8s%20le%20m%C3%AAme">8024 infirmières scolaires pour 62000 établissements</a> – soit une infirmière pour sept ou huit établissements, avec des fonctions partagées entre des missions de soin et de prévention. La Fédération des PsyEN (psychologues de l’Éducation nationale) compte 3500 professionnels sur le territoire, avec <a href="http://apsyen.org/">une couverture moyenne d’un psychologue pour 1500 enfants</a>.</p>
<p>Comment, dans ces conditions, mener à bien une politique inclusive ambitieuse ? </p>
<p>Au-delà des prescriptions institutionnelles et des discours, praticiens et chercheurs ont travaillé pour soutenir sur le terrain une inclusion en acte. C’est dans cette perspective qu’ont émergé les notions de parcours inclusifs et de dynamiques inclusives.</p>
<h2>Les parcours inclusifs</h2>
<p>Cette notion s’intéresse au jalonnement fait de <a href="https://www.cairn.info/parcours-d-inclusion-en-maternelle--9791034600120.htm">variations, de transitions et d’aléas</a>. Il n’y a donc pas un mais des parcours, selon les caractéristiques individuelles, les interactions sociales et le contexte dans lesquels chaque enfant est inscrit.</p>
<p>● <strong>Collaboration avec le médico-social</strong></p>
<p>Les parcours inclusifs des enfants en situation de handicap sont souvent marqués par des allers-retours entre milieux ordinaire et spécialisé. L’éducation inclusive invite à renforcer la collaboration entre professionnels de l’école et du secteur médico-social, historiquement conçus comme disjoints. Elle implique le partage de compétences et de savoir-faire de l’éducation spécialisée vers l’ordinaire et réciproquement, <a href="https://hal.science/hal-01123480">au sein d’un espace d’« inter-métier »</a>.</p>
<p>● <strong>Penser le bien-être de l’enfant</strong></p>
<p>L’éducation inclusive vise à singulariser les parcours pour répondre aux besoins de chacun. Pour autant, elle n’est pas toujours synonyme de bien-être en milieu ordinaire et peut engendrer des difficultés pour les enseignants, les élèves et leurs familles – le milieu spécialisé se révélant, dans certains cas, protecteur et rassurant.</p>
<p>● <strong>S’adapter aux différents modes de fonctionnement</strong></p>
<p>Les parcours inclusifs sont <a href="https://www.editions-eyrolles.com/Livre/9782708130937/le-management">dépendants des institutions dans lesquels ils s’inscrivent</a>.</p>
<p>La souplesse organisationnelle et fonctionnelle des structures de la petite enfance et du médico-social apparaît plus favorable à l’inclusion. Du fait de la prégnance du travail d’équipe, les personnels sont susceptibles de modifier leurs missions habituelles pour trouver des réponses adaptées à un projet spécifique, tout en veillant à garder une cohérence interne.</p>
<p>Au sein de l’institution scolaire, la politique d’inclusion déstabilise davantage, en altérant certains repères des enseignants en écoles maternelles et élémentaires. Ceux-ci continuent de faire référence aux programmes scolaires, d’autant plus que les enfants grandissent. Le décloisonnement est toutefois perçu comme facilitant la présence d’enfants en situation de handicap, car il permet de rompre avec les attentes scolaires normées, chacun progressant à son rythme.</p>
<p>● <strong>Valoriser les adaptations pédagogiques</strong></p>
<p>Les études montrent que les enseignants, comme les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), ne valorisent pas les adaptations dont ils font pourtant preuve. Si elles relèvent souvent de bricolages ou de tâtonnements, ces pratiques pédagogiques demeurent intéressantes et gagneraient à être diffusées, ce qui est rarement le cas, <a href="https://www.cairn.info/peut-on-reformer-l-ecole--9782804190460.htm">faute de temps disponible pour l’analyse, la formalisation et l’institutionnalisation</a>.</p>
<p>S’inspirer de <a href="https://theconversation.com/education-specialisee-permettre-a-lenfant-en-souffrance-psychique-dexprimer-lindicible-208145">différents courants pédagogiques</a> est souvent évoqué, la diversité des publics accueillis rendant caduque l’idée d’une approche unique. Les enseignants s’inspirent ainsi régulièrement des <a href="https://theconversation.com/pratiques-pedagogiques-des-alliees-sous-estimees-pour-lutter-contre-les-souffrances-psychiques-de-lenfant-207645">pédagogues de l’éducation nouvelle</a>. Si ces références sont déjà éprouvées, les professionnels les mobilisent et les réactualisent de manière innovante.</p>
<p>Il apparaît possible de faire mieux à partir de l’analyse des enjeux éducatifs. Ces réflexions nourrissent l’idée d’une « <a href="https://www.jstor.org/stable/j.ctv1n35dsz">pédagogie de l’inclusion</a> » qui alimente les dynamiques inclusives.</p>
<h2>Les dynamiques inclusives</h2>
<p>Penser l’inclusion en termes de dynamiques permet de rapprocher les prescriptions institutionnelles et la réalité des situations vécues par les enfants, les familles et les professionnels, afin d’inventer « <a href="https://www.livres-medicaux.com/gestion-hospitaliere-sante-publique-economie/22880-de-la-pedagogie-universitaire-inclusive-l-universite-et-le-handicap.html">un quotidien inclusif</a> ».</p>
<p>Les situations d’inclusion sont en effet souvent saturées de représentations et de croyances, alimentées par le vécu des personnes concernées, leurs doutes et leurs difficultés, leurs peurs parfois. Ce qui influe notamment sur les postures personnelles et professionnelles des enseignants, enjeu majeur dans un environnement aussi relationnel.</p>
<p>● <strong>La formation pour se distancier</strong></p>
<p>La formation initiale des enseignants sensibilise, certes, au handicap et à l’inclusion, mais en se basant souvent sur des études de cas génériques. Les mises en situation accompagnées sur le terrain sont rares. D’où un sentiment d’<a href="https://theconversation.com/pratiques-pedagogiques-des-alliees-sous-estimees-pour-lutter-contre-les-souffrances-psychiques-de-lenfant-207645">écarts importants entre théorie et pratique</a>.</p>
<p>Plus consistants, les dispositifs de formation continue fonctionnent toutefois à rebours : les éléments ne sont (r)apportés que dans l’après-coup des situations, plaçant les intervenants dans une position plus réactive que prospective.</p>
<p>Les praticiens investis sont <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-essais/L-invention-du-quotidien">le plus souvent amenés à inventer</a>. Ils se documentent par eux-mêmes, formalisent parfois leurs pratiques – <a href="https://journals.openedition.org/edso/20244">au risque de tomber dans la modélisation à outrance</a> et l’illusion des bonnes pratiques immédiatement reproductibles.</p>
<p>● <strong>La reconnaissance du temps long et de l’adaptabilité</strong></p>
<p>Les pratiques inclusives relèvent du cas par cas et de l’artisanat. Leur mise en œuvre réelle doit tenir compte des manières d’être et de faire en situation, et privilégier la continuité : dans les environnements et les temps de vie de l’enfant en termes psychoaffectifs, d’une part, et socio-éducatifs, d’autre part.</p>
<p>Cela implique que les institutions acceptent que les modèles préétablis ne soient pas toujours fonctionnels, et que les acquis soient souvent remaniés…
De plus, les dynamiques inclusives s’appréhendent sur le temps long, celui des allers-retours entre professionnels et jeunes. Elles s’appuient sur l’intelligence collective en situation, ce qui postule une volonté de co-élaboration et de collaboration, et nécessite de penser les temps, les espaces, mais aussi les ouvertures du monde sur l’école et la classe, et de la classe et de l’école sur le monde, afin d’impliquer des professionnels d’horizons différents.</p>
<p>● <strong>Une triple circulation</strong></p>
<p>Les dynamiques inclusives se nourrissent d’une circulation des jeunes entre différents environnements : classe ordinaire, <a href="https://www.education.gouv.fr/bo/15/Hebdo31/MENE1504950C.htm#:%7E:text=Les%20Ulis%20constituent%20un%20dispositif,leurs%20projets%20personnalis%C3%A9s%20de%20scolarisation.">unité localisée pour l’inclusion scolaire (Ulis)</a>, institution médico-sociale, milieu familial, associatif, de loisirs… Et au contact de différents acteurs : enseignants, éducateurs, spécialisés et non spécialisés, professionnels des sphères sanitaire et sociale, familles, pairs, aidants…</p>
<p>Elles reposent aussi sur la circulation des savoirs les concernant.</p>
<p>Elles impliquent enfin une circulation entre les acteurs sur les problématiques/pathologies, les adaptations et ajustements pédagogiques, éducatifs, organisationnels. Ces savoirs élaborés en situation, « <a href="https://www.cairn.info/savoirs-theoriques-et-savoirs-d-action--9782130589990-page-201.htm">cachés dans l’agir professionnel</a> », s’échangent à propos de ce qui s’essaie et se tâtonne en classe, afin d’identifier les pratiques vertueuses, les obstacles, les impasses… Ils peuvent être reformulés dans un second temps, lors d’échanges informels, en réunion, et/ou formalisés avec des chercheurs qui aident à interroger les situations, les choix, les gains, les régressions, les appuis, les leviers.</p>
<p>Parce que les dynamiques inclusives concernent des situations complexes et se déploient au sein de collectifs et de configurations de savoirs interdépendants, elles impliquent des médiations régulières entre des acteurs multiples, donc des rencontres et un approfondissement de l’interconnaissance des pratiques. Il existe des outils de coordination, mais ils sont surchargés et semblent peu efficients. Une coordination incarnée par un professionnel formé devient une condition décisive pour animer des échanges intermétiers et développer des capacités de diagnostic partagé et rendre compte des avancées.</p>
<p>Ces dynamiques autorisent des configurations inclusives fondées sur l’interdépendance des acteurs, l’articulation de leurs pratiques dans des environnements d’accueil, de relation et de travail distincts. Des dispositifs de formation accompagnés par la recherche peuvent y contribuer en aidant à l’analyse des actions et des expériences dans le cadre d’un processus d’amélioration continue des pratiques. </p>
<h2>Les enjeux de l’inclusion</h2>
<p>Des leviers sont susceptibles de contribuer à l’accueil des enfants en situation de handicap et de souffrance psychique à l’école.</p>
<p>On note que l’alliance familles-professionnels ainsi que l’articulation éducative, thérapeutique et sociale sont toujours favorables à l’inclusion de l’enfant. À titre d’exemple, cela renvoie à la présence des éducateurs à l’école, d’enseignants en institution spécialisée ou en <a href="https://www.monparcourshandicap.gouv.fr/glossaire/cmpp">centres médico-psychopédagogiques (CMPP)</a> pour qu’ils puissent se former.</p>
<p>L’accompagnement de l’enfant dans ses lieux de vie, de soin et d’apprentissage implique sans doute d’aller plus loin dans le décloisonnement des politiques publiques, pour éviter les effets négatifs des segmentations des pratiques et des accompagnements. Ce qui implique la création d’espaces de rencontres réels.</p>
<p>Les expériences d’inclusion réussies semblent toujours l’œuvre d’inventions <em>in situ</em>. D’où la nécessité de privilégier la créativité des professionnels et des équipes plutôt que d’abonder les recommandations standardisées. D’autant que les savoirs et savoir-faire sur l’accueil des enfants se diffusent de manière transversale, et non hiérarchique et procédurale.</p>
<p>L’inclusion n’est pas synonyme de banalisation ni de normalisation. L’accueil de l’enfant implique la reconnaissance de sa différence en identifiant les difficultés et les points d’appui.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209382/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sébastien Ponnou est personnalité qualifiée au sein du Conseil de l'Enfance et de l'Adolescence du HCFEA. Il dirige plusieurs recherches pour lesquelles les universités Paris 8 (CIRCEFT) et Rouen Normandie (CIRNEF) ont perçu des financements d'organismes publics et de fondations mutualistes : Institut de Recherche Interdisciplinaire Homme et Société (IRIHS), Fondation EOVI - Fondation de l'Avenir, FEDER - Région Normandie.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Laurent Lescouarch est membre de l'ICEM Pédagogie Freinet et des Centres d'entrainement aux méthodes d'éducation active (CEMEA).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Xavier Briffault est, en tant que sociologue et épistémologue de la santé mentale, personnalité qualifiée au sein du Conseil de l'Enfance et de l'Adolescence du HCFEA.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Diane Bedoin, Dominique Méloni et Maryan Lemoine ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Formation des enseignants, implication des familles… Comment faire pour que l’école conjugue au mieux droit à la scolarité et droit au soin, au bénéfice des enfants ?Sébastien Ponnou, Psychanalyste, professeur des universités en sciences de l'éducation - CIRCEFT-CLEF, EA 4384, Université Paris 8 – Vincennes Saint-DenisDiane Bedoin, Professeure des Universités en Sciences du langage, Laboratoire DYLIS, Université de Rouen NormandieDominique Méloni, Maîtresse de conférences en sciences de l’éducation, spécialité psychologie de l’éducation. Psychologue clinicienne, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Laurent Lescouarch, Professeur des Universités en Sciences de l'Education, Université de Caen NormandieMaryan Lemoine, Maitre de conférences en sciences de l'éducation et de la formation, Université de LimogesXavier Briffault, Chercheur en sciences sociales et épistémologie de la santé mentale au Centre de recherche médecine, sciences, santé, santé mentale, société (CERMES3), Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1994272023-02-19T17:03:48Z2023-02-19T17:03:48ZLa clause de conscience chez les professionnels de santé : quelle application pour la fin de vie ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/510415/original/file-20230215-24-29tob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C21%2C2385%2C1573&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour le personnel soignant, contribuer à donner la mort volontairement peut être éthiquement compliqué.</span> <span class="attribution"><span class="source">David Werbrouck/Unsplash</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La question de la fin de vie est un débat qui revient régulièrement en France, et d’autant plus vivement ces derniers mois du fait de la mise en place d’une <a href="https://conventioncitoyennesurlafindevie.lecese.fr/">convention citoyenne</a> sur le sujet. Inscrite dans un débat national, cette dernière permettra aux 185 citoyennes et citoyens tirés au sort d’échanger « afin d’esquisser des perspectives nouvelles et des consensus sur le sujet de la fin de vie ». Les travaux produits seront rendus publics en mars 2023.</p>
<p>L’évolution possible de la législation dans ce domaine sensible a amené François Arnault, président du Conseil national de l’Ordre des médecins, à déclarer en septembre 2022 que, <a href="https://www.lequotidiendumedecin.fr/actus-medicales/ethique/aide-active-mourir-le-medecin-accompagnateur-surement-effecteur-ce-nest-pas-son-role-selon-le">si le pays ouvrait la possibilité d’une aide active à mourir, les médecins devraient pouvoir bénéficier d’une « clause de conscience »</a>.</p>
<p>Connue chez les médecins et autres professionnels de santé, la clause de conscience existe aussi dans d’autres professions – notamment les journalistes. Sa création a même été un temps évoquée pour les maires, mais n’a jamais abouti.</p>
<p>Mais de quoi s’agit-il concrètement en ce qui concerne les professionnels de santé ? À qui et, surtout, à quels actes s’applique-t-elle déjà ? Et quels usages pourraient en être fait demain ? Il est important de connaître ce que dit la loi, et ce qui existe déjà dans des pays ayant déjà légiféré sur ce sujet.</p>
<hr>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/506793/original/file-20230127-18-1cr4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/506793/original/file-20230127-18-1cr4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506793/original/file-20230127-18-1cr4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506793/original/file-20230127-18-1cr4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506793/original/file-20230127-18-1cr4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506793/original/file-20230127-18-1cr4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506793/original/file-20230127-18-1cr4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506793/original/file-20230127-18-1cr4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p><em>« Controverses » est un nouveau format de The Conversation France. Nous avons choisi d’y aborder des sujets complexes qui entraînent des prises de positions souvent opposées, voire extrêmes. Afin de réfléchir dans un climat plus apaisé et de faire progresser le débat public, nous vous proposons des analyses qui sollicitent différentes disciplines de recherche et croisent les approches.</em></p>
<hr>
<h2>Clause de conscience : de quoi parle-t-on ?</h2>
<p>Pour reprendre la définition donnée par <a href="https://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/external-package/bulletin/2013-03/MEDECINS-28.pdf#page=10">Jean-Marie Faroudja, président de la section éthique et déontologie de l’Ordre des médecins</a>, dans son rapport « Clause de conscience du médecin », elle est :</p>
<blockquote>
<p>« Pour le médecin, le droit de refuser la réalisation d’un acte médical pourtant autorisé par la loi mais qu’il estimerait contraire à ses propres convictions personnelles, professionnelles ou éthiques. »</p>
</blockquote>
<p>De ce fait, elle peut être considérée par certains comme un frein à l’accès à des actes donnés. Pour les professionnels de santé, elle est vue par contre vue comme un outil permettant la préservation de leur liberté de conscience.</p>
<ul>
<li><strong>Quels actes sont concernés ?</strong></li>
</ul>
<p>Si l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006912913">article R4127-47 du Code de la santé publique</a> pouvait s’apparenter à une clause de conscience « générale », nous précisons ici les clauses de conscience dites « spécifiques », portant sur des actes médicaux précis.</p>
<p>La première clause de conscience spécifique a été mise en place en 1975 par la loi Veil consacrant le Droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), dorénavant inscrite à <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000021939947/2013-01-27/">l’article L2212-8 du Code de la santé publique</a>.</p>
<p>Ce modèle a ensuite été élargi à d’autres actes, comme la stérilisation à visée contraceptive comme l’indique l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006687388">article L2123-1 du Code de la santé publique</a>. Depuis la loi bioéthique de 2011, une clause de conscience spécifique est inscrite à l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000024324868">article L2151-7-1 de ce même Code</a> concernant la recherche sur les embryons humains.</p>
<ul>
<li><strong>Quels professionnels peuvent l’invoquer ?</strong></li>
</ul>
<p>Les médecins sont évidemment les premiers concernés par la clause de conscience. Néanmoins, la loi étend son application dans le cadre du refus de pratiquer une IVG ou de concourir à l’exercice de cet acte : elle peut s’appliquer aux infirmiers, sages-femmes ou encore aux différents auxiliaires médicaux.</p>
<p>De même, l’article <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000033865551">L2212-8 du Code de la santé publique</a> dispose qu’un établissement de santé privé habilité à assurer le service public hospitalier peut refuser que des interruptions volontaires de grossesses soient pratiquées dans ses locaux. Cela n’est toutefois possible que si « d’autres établissements sont en mesure de répondre aux besoins locaux ».</p>
<h2>Vers une nouvelle clause de conscience spécifique ?</h2>
<p>Si la France n’autorise pour l’instant ni l’assistance au suicide ni l’euthanasie, elle possède un cadre juridique permettant de procéder à une sédation profonde et continue dans des cas bien précis, prévus par la loi.</p>
<blockquote>
<p>« À la demande du patient d’éviter toute souffrance et de ne pas subir d’obstination déraisonnable, une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie et à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie, est mise en œuvre dans les cas suivants :</p>
<p>– Lorsque le patient atteint d’une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme présente une souffrance réfractaire aux traitements,</p>
<p>– Lorsque la décision du patient atteint d’une affection grave et incurable d’arrêter un traitement engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d’entraîner une souffrance insupportable,</p>
<p>– Lorsque le patient ne peut pas exprimer sa volonté et, au titre du refus de l’obstination déraisonnable mentionnée à l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000031971164">article L. 1110-5-1</a>, dans le cas où le médecin arrête un traitement de maintien en vie, celui-ci applique une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie. » (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000031971172">Article L1110-5-2 du Code de la santé publique</a>)</p>
</blockquote>
<p>La loi Claeys-Léonneti de 2016 a ainsi posé le cadre légal de la fin de vie que nous connaissons actuellement. Il est important de noter que le Conseil national de l’ordre des médecins n’a pas souhaité la mise en place d’une clause de conscience pour cette sédation profonde et continue : <a href="https://www.lequotidiendumedecin.fr/archives/fin-de-vie-lordre-des-medecins-nestime-pas-necessaire-une-clause-de-conscience-specifique">« Grâce à l’équilibre trouvé du texte, une clause de conscience spécifique n’est pas nécessaire »</a>.</p>
<p>Si la législation sur la fin de vie venait à s’assouplir, avec la possibilité de la mise en place d’une aide active à mourir, cet équilibre serait <em>de facto</em> affecté. La question d’une nouvelle clause de conscience spécifique, similaire à ce qui a été mis en place pour l’IVG, la stérilisation à visée contraceptive ou la recherche sur les embryons humains, pourrait de ce fait être soulevée pour les professionnels de santé.</p>
<p>C’est en tout cas ce que souhaite le Conseil national de l’Ordre des médecins.</p>
<p>Dans <a href="https://www.ccne-ethique.fr/sites/default/files/2022-09/Avis%20139%20Enjeux%20%C3%A9thiques%20relatifs%20aux%20situations%20de%20fin%20de%20vie%20-%20autonomie%20et%20solidarit%C3%A9.pdf">son avis 139 rendu public le 13 septembre 2022, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE)</a> émet plusieurs recommandations, dont une sur la clause de conscience des personnes susceptibles de concourir à la pratique d’une euthanasie ou d’une assistance au suicide. Ce rapport met ainsi en avant le fait que :</p>
<blockquote>
<p>« Toute évolution juridique dans le sens d’une dépénalisation de l’assistance au suicide devrait être accompagnée de l’institution d’une clause de conscience, accompagnée d’une obligation de référer le patient à un praticien susceptible de réaliser l’intervention. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-center ">
<img alt="Vue d’en dessous de pas désincarnés (en noir et blanc)" src="https://images.theconversation.com/files/510416/original/file-20230215-24-7c169n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510416/original/file-20230215-24-7c169n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510416/original/file-20230215-24-7c169n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510416/original/file-20230215-24-7c169n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510416/original/file-20230215-24-7c169n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510416/original/file-20230215-24-7c169n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510416/original/file-20230215-24-7c169n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le chemin législatif vers l’aide active à mourir pourrait s’accompagner de la création d’une clause de conscience spécifique pour le personnel soignant.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Dominic Brügger/Unsplash</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Comment nos voisins ont-ils traité les actes concernés ?</h2>
<p>L’aide active à mourir recouvre deux types d’actes principaux : l’euthanasie (légale en Belgique, aux Pays-Bas ou encore au Luxembourg) et l’assistance au suicide ou suicide assisté (autorisée dans dix États états-uniens, en Suisse, en Autriche ou en Nouvelle-Zélande). Selon les pays, le principe de la clause s’exprime différemment.</p>
<ul>
<li><strong>L’euthanasie</strong> est définie comme suit dans <a href="https://www.ccne-ethique.fr/sites/default/files/2021-02/avis_121_0.pdf">l’avis 121 du CCNE</a> :</li>
</ul>
<blockquote>
<p>« Un acte destiné à mettre délibérément fin à la vie d’une personne atteinte d’une maladie grave et incurable, à sa demande, afin de faire cesser une situation qu’elle juge insupportable. »</p>
</blockquote>
<p>La législation belge dispose d’une clause de conscience sur cette pratique. La loi belge du 28 mai 2002 prévoit en effet « qu’aucun médecin n’est tenu de pratiquer une euthanasie ». Néanmoins, celui-ci est tenu de communiquer le dossier médical du patient et de le rediriger vers un autre praticien.</p>
<ul>
<li><strong>Le suicide assisté, ou assistance au suicide</strong>, qui consiste à « donner les moyens à une personne de se suicider elle-même » (<a href="https://www.ccne-ethique.fr/sites/default/files/2021-02/avis_121_0.pdf">avis 121 du CCNE précité</a>).</li>
</ul>
<p>En Suisse, le rôle des associations est prépondérant. Ces dernières accompagnent les personnes dans ce processus même si, depuis 2012, les établissements de soins et médico-sociaux de certains cantons peuvent y concourir si un patient en fait la demande. La prescription se fait par un médecin, mais le geste létal est le fait de la personne ayant demandé le suicide.</p>
<p>Concernant la clause de conscience, Sandra Merkhi, directrice de soins aux hôpitaux de Genève, rappelle que son établissement a « décidé dès le début de ne pas obliger ses (nos) collaborateurs, médecins également, d’accompagner jusqu’au dernier moment ce suicide assisté <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/euthanasie/projet-de-loi-sur-la-fin-de-vie-le-gouvernement-etudie-ce-qui-se-pratique-a-l-etranger_5626625.html">si ça allait à l’encontre de leurs valeurs »</a>.</p>
<p>Selon les cantons, il existe donc un équivalent de la clause de conscience. Cependant, trois cantons « imposent aux hôpitaux ou établissements médico-sociaux de permettre l’assistance au suicide pour les patients souffrant de maladies graves et incurables », comme le relève l’<a href="https://www.ccne-ethique.fr/sites/default/files/2022-09/Avis%20139%20Enjeux%20%C3%A9thiques%20relatifs%20aux%20situations%20de%20fin%20de%20vie%20-%20autonomie%20et%20solidarit%C3%A9.pdf">avis 139 du CCNE précité</a>.</p>
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<h2>L’avis des soignants français</h2>
<p>Afin de connaître l’opinion des principaux concernés du côté des soignants et personnes pouvant concourir à un acte d’aide active à mourir, un <a href="https://www.sfap.org/system/files/opinionway_pour_sfap-_perception_de_levolution_de_la_legislation_au_sujet_de_la_fin_de_vie_-_octobre_2022.pdf">sondage OpinionWay pour la Société française d’accompagnement palliatif (SFAP) a été publié en septembre dernier</a>. Il a été mené auprès de 1335 personnes exerçant en soins palliatifs, dont 326 bénévoles.</p>
<p>Pour rappel, la loi prévoit que « les soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage ». La SFAP est une association regroupant un grand nombre d’acteurs français du mouvement d’accompagnement palliatif.</p>
<p>Les résultats sont très marqués : si 15 % des acteurs de soins sont favorables à l’évolution de la législation vers l’instauration d’une mort intentionnellement provoquée, 85 % ne le sont pas ou pas du tout. De plus, deux tiers des acteurs de soins répondants déclarent qu’ils pourraient utiliser leur clause de conscience ou quitter leur poste actuel si l’euthanasie venait à être légalisée.</p>
<p>Ces données, comme les interventions de l’Ordre des médecins, mettent en avant un véritable enjeu relatif à l’évolution de la législation sur la fin de vie : une nouvelle loi ne semblerait donc pas pouvoir se faire sans la mise en place d’une clause de conscience spécifique.</p>
<p>La mort est un sujet tabou, d’autant plus quand elle est provoquée. La prochaine législation sur le sujet, si elle venait bousculer l’exercice de la pratique médicale, pourrait donc voir naître une nouvelle clause de conscience pour le personnel médical afin que celui-ci l’accepte. Ce pourrait être une nécessité pour garantir en parallèle un accès aux procédures d’aide active à mourir pour les patients qui en feraient la demande.</p>
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<h2>À découvrir aussi</h2>
<ul>
<li><p><a href="https://theconversation.com/comment-la-question-de-la-grande-vieillesse-bouscule-le-debat-sur-la-fin-de-vie-198000"><em>Comment la question de la grande vieillesse bouscule le débat sur la fin de vie</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/euthanasie-comprendre-les-positions-des-candidats-a-la-presidentielle-71655"><em>Euthanasie : comprendre les positions des candidats à la présidentielle</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/pourquoi-se-dirige-t-on-vers-une-legalisation-de-leuthanasie-en-france-190414"><em>Pourquoi se dirige-t-on vers une légalisation de l’euthanasie en France</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/debat-francais-sur-leuthanasie-lecons-dallemagne-du-portugal-et-despagne-158170"><em>Débat français sur l’euthanasie : leçons d’Allemagne, du Portugal et d’Epagne</em></a></p></li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/199427/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie Drouillard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans le débat sur la fin de vie, ceux qui seraient amenés à mettre en œuvre l'aide active à mourir ne doivent pas être oubliés. Une clause de conscience spécifique pourrait-elle être instaurée ?Marie Drouillard, Doctorante en Droit de la santé, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1997032023-02-14T20:36:18Z2023-02-14T20:36:18ZDéserts médicaux : l’accès réel des patients aux soins est aussi important que le nombre de médecins<p>En France, l’accessibilité aux soins et les difficultés qu’elle présente pour les citoyens sont tous les jours un peu plus au centre du débat public.</p>
<p>Les initiatives locales ou nationales destinées à l’améliorer sont nombreuses. Encore très récemment, une <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b0741_proposition-loi">proposition de loi contre les déserts médicaux déposée à l’Assemblée nationale</a> suggérait par exemple de contraindre l’installation des médecins dans des territoires sous dotés : cette dernière serait soumise, pour les médecins et les chirurgiens-dentistes, à une autorisation délivrée par les <a href="https://www.ars.sante.fr/">Agences régionales de santé (ARS)</a>.</p>
<p>L’accessibilité aux soins est, de manière générale, évaluée par l’<a href="https://www.irdes.fr/Publications/2012/Qes174.pdf">adéquation spatiale entre l’offre et la demande de soins</a>. Mais si, pour mesurer cette adéquation, l’offre de soins dans les territoires est relativement bien connue (notamment grâce à une bonne connaissance de la densité de médecins généralistes ou spécialistes et des temps d’accès des patients à ces praticiens), la demande de soins est souvent simplement estimée d’après le nombre potentiel de patients d’un territoire et leur âge.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/reguler-linstallation-des-medecins-la-comparaison-avec-le-cas-allemand-197763">Réguler l’installation des médecins : la comparaison avec le cas allemand</a>
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<p>Or ces deux données préjugent assez peu de leurs besoins effectifs de soins ou de leurs contraintes de déplacement (logistiques, familiales, professionnelles…). Dès lors, dans des territoires qualifiés de « sous dotés », l’accès aux soins est très variable : il n’est pas systématiquement difficile… tout comme dans des territoires suffisamment dotés, il n’est pas automatiquement plus aisé.</p>
<p>Il convient donc de dépasser une lecture simplificatrice liant uniquement densité des ressources médicales et accessibilité.</p>
<p>Pour rendre compte des difficultés réelles d’accès aux soins, une lecture véritablement centrée sur le patient est préférable. C’est ce que permet l’étude du <a href="https://theconversation.com/hopital-financement-au-parcours-de-soins-lhumain-avant-loutil-101076">parcours de soins</a>, qui renvoie aux soins (soins hospitaliers et de ville) et aux services de santé connexes (pharmacie, radiologie, laboratoire) nécessaires à la prise en charge d’une pathologie. Il a l’avantage de fournir une description détaillée des besoins en soins, de questionner leur articulation et d’inclure la dimension spatiale indissociable de la notion de parcours.</p>
<h2>L’Accessibilité potentielle localisée (APL), un indicateur incontournable</h2>
<p>Les principales mesures des difficultés d’accès aux soins utilisées en France reposent essentiellement sur des indicateurs de densité médicale et de temps d’accès au professionnel de santé le plus proche.</p>
<p>Ces mesures ont l’avantage de fournir une information synthétique et claire. Cependant, elle présente des limites importantes : les données de densité fournissent un chiffre global, pour le territoire dans son ensemble, mais elles ne restituent pas la variabilité de l’accès aux soins sur ce territoire. En effet, le fait qu’un patient se trouve à moins de 10 minutes d’un médecin généraliste ne préjuge pas de sa capacité et possibilité réelle à accéder à cette ressource médicale.</p>
<p>Pour dépasser ces limites, la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) et l’IRDES (Institut de recherche et documentation en économie de la santé) ont développé l’indicateur d’accessibilité aux soins : l’<a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sources-outils-et-enquetes/lindicateur-daccessibilite-potentielle-localisee-apl"><strong>accessibilité potentielle localisée</strong></a> (APL).</p>
<p>Cet indicateur prend en considération la disponibilité des médecins généralistes libéraux sur un <a href="https://www.insee.fr/fr/information/6676988">« bassin de vie »</a>, défini par l’Insee comme le plus petit territoire au sein duquel les habitants ont accès aux équipements et services les plus courants. La France métropolitaine est ainsi constituée de 2 739 bassins de vie comprenant chacun en moyenne 23 300 habitants.</p>
<figure><a href="https://drees.shinyapps.io/carto-apl/" target="_blank"><img src="https://images.theconversation.com/files/509578/original/file-20230211-20-pkqd2k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=489&fit=crop&dpr=1"><figcaption>Cartede la densité d’installation des médecins en France, territoire vie-santé (carte cliquable).</figcaption></a></figure>
<p>L’APL intègre une estimation de l’activité des médecins ainsi que des besoins en matière de santé définis notamment en fonction de l’âge de la population locale. Il est donc plus précis que les indicateurs de densité médicale ou de temps d’accès au médecin le plus proche. <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sources-outils-et-enquetes/lindicateur-daccessibilite-potentielle-localisee-apl">L’APL est exprimée en nombre d’ETP (équivalents temps plein)</a> de médecins présents sur un bassin de vie, et peut être convertie en un temps moyen d’accès à ces médecins (exprimé en minutes).</p>
<p>L’APL a été au départ principalement calculée pour les médecins généralistes libéraux, elle est <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0398762018314834">maintenant également déterminée pour chacun des autres professionnels de santé de premier recours</a> : infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, chirurgiens-dentistes, gynécologues, ophtalmologues, pédiatres, psychiatres et sages-femmes.</p>
<h2>Déserts médicaux : les chiffres « statiques »</h2>
<p>Les <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2020-08/dd17.pdf">« déserts médicaux »</a> constituent sans doute l’expression la plus visible, dans le débat public, des différents modes de calcul de l’APL. L’APL permet en effet de calculer, pour chaque bassin de vie, un nombre moyen de consultations annuelles accessibles (potentielles) pour chaque habitant en tenant compte notamment du nombre d’ETP de médecins présents sur le bassin de vie, du temps moyen d’accès et du recours moyen au service de ces médecins par les patients.</p>
<p>Pour qu’un bassin de vie soit qualifié de désert médical (ou « territoire sous dense » en offre de santé), la DREES retient un <strong>seuil minimum de 2,5 consultations accessibles par an et par habitant.</strong></p>
<p>Selon une estimation récente de la DREES, <strong>9 % de la population française réside dans des territoires « sous denses »</strong>, soit environ 6 millions de personnes. Mais il existe des disparités importantes selon les régions : 29 % de la population de la Guyane ou 25 % de celle de la Martinique vivent dans un désert médical, 16 % des habitants du Val-de-Loire, 15 % de la population corse contre seulement 4 % des habitants de Hauts-de-France et 3 % de ceux de la Provence-Alpes-Côte d’Azur.</p>
<p>Mesurer l’accessibilité aux soins à partir des ETP de professionnels de santé ou du temps d’accès à ces professionnels renseigne de manière assez exhaustive sur l’offre de soins présente sur un bassin de vie. En revanche, cela nous informe assez peu sur la demande de soins qui, elle, dépend des besoins réels des patients.</p>
<p>Dans deux articles récents, nous démontrons qu’aux côtés du calcul de l’APL, l’analyse fine des parcours de soins des patients contribue à mieux appréhender la demande réelle de soins. Nos travaux nuancent alors le découpage assez binaire de la carte de France en territoires « sous denses » d’un côté et « suffisamment denses » de l’autre.</p>
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<h2>L’analyse des parcours de soins : la clef pour accéder aux difficultés réelles des patients</h2>
<p>Dans un premier article de recherche, nous avons <a href="https://www.cairn.info/revue-d-economie-regionale-et-urbaine-2021-3-page-397.htm">identifié le rôle du parcours de soins</a> en montrant en quoi il peut être révélateur de l’accentuation ou de la réduction des difficultés d’accès aux soins en proposant une lecture territorialisée de ce parcours et une première catégorisation des situations.</p>
<p>Les principales caractéristiques de ce parcours (types de soins, localisation des professionnels de santé, nombre de déplacements à effectuer, modes de déplacements accessibles) nous renseignent sur des contraintes complémentaires d’accessibilité aux soins auxquelles sont confrontés les patients.</p>
<p>Dans un deuxième article de recherche, à partir d’une méthodologie de cartographie géographique, nous avons croisé les données mobilisées pour le calcul de l’APL (densité médicale, activité des médecins et temps d’accès à ces professionnels) avec les données relatives aux parcours de soins d’une cohorte de 1800 patientes prises en charge pour un cancer du sein dans un établissement spécialisé de l’ex-région Auvergne.</p>
<p>Cette approche dynamise et enrichit l’analyse de l’accessibilité aux soins en démontrant notamment que les difficultés d’accès ne sont pas systématiquement concentrées dans des déserts médicaux plutôt situés en zones excentrées ou rurales.</p>
<p>Elle permet d’<a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0277953620308777">identifier quatre principales catégories de parcours de soins</a>, pouvant apparaître dans des territoires « sous denses » en offre de santé comme dans des bassins de vie suffisamment « denses » :</p>
<ul>
<li><p><strong>Les parcours de soins aisés :</strong> dans les aires urbaines des grandes agglomérations et des petites villes proches, marquées par un accès aisé à l’ensemble des services de soins (classe 2).</p></li>
<li><p><strong>L’accessibilité aux hôpitaux :</strong> dans les aires urbaines des villes moyennes qui abritent un centre hospitalier pouvant prendre ponctuellement le relais de l’établissement spécialisé de la région (classe 1).</p></li>
<li><p><strong>L’accessibilité aux professionnels de santé :</strong> dans les territoires ruraux où la distance et/ou la fréquence des déplacements rendent malaisée l’accessibilité aux services hospitaliers, mais où l’accès aux services de proximité est bon (classe 3).</p></li>
<li><p><strong>Les parcours éloignés :</strong> dans les territoires ruraux ou périurbains où, selon les cas, la distance, la fréquence des déplacements ou la faiblesse des moyens de déplacement peuvent rendre malaisée l’accessibilité à l’ensemble des services de soins (classe 4).</p></li>
</ul>
<figure class="align-center ">
<img alt="Carte montrant le côté mosaïque de l'accès aux soins" src="https://images.theconversation.com/files/509576/original/file-20230211-18-tgpzf2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/509576/original/file-20230211-18-tgpzf2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=652&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/509576/original/file-20230211-18-tgpzf2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=652&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/509576/original/file-20230211-18-tgpzf2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=652&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/509576/original/file-20230211-18-tgpzf2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=820&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/509576/original/file-20230211-18-tgpzf2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=820&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/509576/original/file-20230211-18-tgpzf2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=820&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Carte des parcours de soins en cancérologie du sein (ex région Auvergne et départements limitrophes). Les distances sont à vol d'oiseau, du domicile des patientes aux services médicaux (pharmacie, médecin généraliste, centre hospitalier disposant d'un service de cancérologie, CLCC Jean-Perrin).</span>
<span class="attribution"><span class="source">MC, UMR Territoires (2019)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Quelles perspectives pour l’amélioration de la prise en charge ?</h2>
<p>En intégrant les difficultés vécues par les patients, le croisement de données spatiales sur l’offre de soins avec celles provenant du parcours de soins permet une lecture plus dynamique de leur accès effectif aux soins.</p>
<p>Il en résulte une modification de la réalité de terrain au sein des territoires. Ainsi, dans l’exemple auvergnat étudié, l’accessibilité aux services de soins dans les Combrailles ou le Livradois peut être malaisée malgré la relative proximité de Clermont-Ferrand.</p>
<p>Cela pousse à nuancer l’efficacité de certaines solutions mises en œuvre pour réduire ces difficultés : aides financières ou contraintes à l’installation de médecins, exercice en maisons de santé, contrats de praticien territorial de médecine générale, télémédecine, téléconsultation… Ces solutions devraient intégrer une lecture du parcours du patient.</p>
<p>En effet, d’une part, les quatre catégories de parcours de soins identifiés dans notre étude montrent combien l’accessibilité peut être diffuse dans les territoires qu’ils soient « denses » ou « sous denses », et combien celle-ci est dépendante de caractéristiques médicales et socio-économiques des patients.</p>
<p>Cette constatation renforce l’idée que les territoires de santé ne peuvent pas être appréhendés d’une manière principalement comptable, trop abstraite. Il est nécessaire de les aborder comme des espaces vécus où besoins et offre de soins s’agencent à partir des caractéristiques du territoire et de sa patientèle.</p>
<p>D’autre part, ces résultats suggèrent d’associer aux nombreuses mesures politiques ou managériales appliquées la gestion des parcours de soins. Ce qui est déjà réalisé, de manière très étendue, dans de nombreux pays développés. Ce sont par exemple le cas avec les <a href="http://canadianoncologynursingjournal.com/index.php/conj/article/view/145/153">infirmières pivots</a> au Canada ou les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1365-2702.2009.02900.x">case managers</a> – gestionnaires de cas – aux États-Unis, en Suisse ou encore au Royaume-Uni.</p>
<p>Pour cela, en France, il y a probablement à penser la place que peuvent occuper certains professionnels de santé, situés au plus près de ces parcours, tels que les <a href="https://theconversation.com/reforme-de-lacces-aux-soins-comment-le-projet-pourrait-generer-une-crise-de-confiance-et-comment-leviter-199213">infirmier·e·s en pratiques avancées</a> exerçant en maisons de santé, hôpitaux ou établissements médico-sociaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199703/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Mériade a reçu des financements de l'Université Clermont Auvergne (UCA) et du Cancéropôle Lyon Auvergne Rhône Alpes (CLARA)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Corinne Rochette a reçu des financements de l'université Clermont Auvergne et du cancéropôle Lyon Auvergne Rhône Alpes</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Milhan Chaze et Éric Langlois ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>La notion de « désert médical » est désormais bien connue du grand public en France. Mais elle est encore trop souvent définie de façon statique… Comment avoir un rendu plus dynamique, et plus juste ?Laurent Mériade, Professeur des Universités en sciences de gestion - Titulaire de la chaire de recherche "santé et territoires" - IAE, Université Clermont Auvergne (UCA)Corinne Rochette, Professeure des universités en management public et de la santé HDR, Titulaire de la chaire de recherche Santé et territoires, IAE- Université Clermont Auvergne, Université Clermont Auvergne (UCA)Éric Langlois, Ingénieur d'études en géomatique, docteur en géographie, UMR Territoires, Université Clermont Auvergne, Université Clermont Auvergne (UCA)Milhan Chaze, Ingénieur de recherche en géographieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1993582023-02-09T15:25:51Z2023-02-09T15:25:51ZPratiquer la médecine au Canada lorsque formé à l’étranger : un – incompréhensible – parcours du combattant<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/509224/original/file-20230209-20-e2n15h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C98%2C8192%2C5359&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le Canada connaît une pénurie de médecins. Voilà pourquoi le fait de rendre difficile la pratique des médecins formés à l'étranger est incompréhensible.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les médecins formés à l’étranger sont mis de côté au Canada alors que <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1912232/sondage-reid-medecins-famille-acces">six millions de Canadiens</a> n’ont pas de médecin de famille.</p>
<p>Ces professionnels de la santé, qui ont terminé leurs études à l’extérieur du Canada ou des États-Unis, constituent un groupe diversifié de praticiens formés dans diverses spécialités. Plusieurs ont été <a href="https://fammedarchives.blob.core.windows.net/imagesandpdfs/pdfs/FamilyMedicineVol41Issue3Klein197.pdf">attirés au Canada</a> pour la promesse d’une vie meilleure.</p>
<p>La plupart ont même profité de l’« entrée express » dans le cadre du <a href="https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/services/immigrer-canada/entree-express/admissibilite/travailleurs-qualifies-federal.html">programme des travailleurs qualifiés</a> en vertu de leur formation de haut niveau.</p>
<p>Pourtant, ils se heurtent à de multiples obstacles tout au long du processus d’obtention du permis.</p>
<p>En octobre 2021, une équipe de recherche communautaire de l’Université Simon Fraser a examiné les <a href="https://radiussfu.com/programs/labs-ventures/refugee-newcomer-livelihood/">politiques canadiennes d’exclusion à leur endroit</a>.</p>
<p>Le projet est né de la réponse britanno-colombienne à la crise sanitaire, notamment de la campagne <a href="https://www.facebook.com/profile.php?id=100067180144234">Trained To Save Lives</a> sur les réseaux sociaux, qui portait sur le rôle des professionnels de la santé formés à l’étranger.</p>
<p>Nos entrevues auprès de 11 médecins britanno-colombiens formés à l’étranger mettent en évidence, selon nous, les obstacles auxquels ils font face partout au Canada.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/permis-dexercice-national-pour-les-professionnels-de-la-sante-au-canada-est-ce-possible-127963">Permis d'exercice national pour les professionnels de la santé au Canada : est-ce possible ?</a>
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<h2>Huit étapes</h2>
<p>Le processus canadien est complexe, car <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/sante/2022-09-16/pour-contrer-la-penurie-de-medecins/un-permis-de-pratique-national-a-l-etude.php">chaque province a son propre système de délivrance de permis</a>. En Colombie-Britannique, les exigences sont les suivantes :</p>
<ol>
<li><p>Les médecins formés à l’étranger doivent être diplômés d’une école agréée figurant dans le <a href="https://wfme.org/world-directory/">Répertoire mondial des écoles de médecine</a>.</p></li>
<li><p>Ils doivent fournir un certificat de compétence linguistique si la langue de leur diplôme n’est pas l’anglais et s’ils n’ont pas pratiqué en anglais.</p></li>
<li><p>Ils doivent réussir <a href="https://mcc.ca/fr/examens/eacmc-partie-i/">l’examen d’aptitude du Conseil médical du Canada, partie 1</a>, et <a href="https://mcc.ca/fr/examens/survol-cne/">l’examen clinique objectif structuré de la Collaboration nationale en matière d’évaluation</a> (CNE).</p></li>
<li><p>Ils doivent s’inscrire à un <a href="https://imgbc.med.ubc.ca/clinical-assessment/">programme d’évaluation clinique</a>.</p></li>
<li><p>Ils doivent compléter une résidence ou réussir au <a href="https://mcc.ca/fr/evaluations/evaluation-capacite-a-exercer/">programme d’évaluation de la capacité à exercer</a> de la CNE.</p></li>
<li><p>S’ils font une résidence, ils doivent <a href="https://practiceinbc.ca/practice-in-bc/img-au-irl-uk-usa-residency-ca/return-of-service">s’engager par contrat</a> à fournir des années de service.</p></li>
<li><p>Ils doivent obtenir le permis provincial (ici, du Collège des médecins et chirurgiens de la Colombie-Britannique).</p></li>
<li><p>Enfin, les omnipraticiens doivent passer par les examens de certifications du Collège des médecins et chirurgiens provincial et les spécialistes, de même au Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada.</p></li>
</ol>
<h2>Le parcours du combattant</h2>
<p>Nos entretiens nous ont permis d’identifier plusieurs obstacles. L’un des principaux est l’examen clinique objectif structuré de la CNE (non requis pour les diplômés des facultés canadiennes et américaines). Cet examen, très coûteux, n’est offert que rarement chaque année.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/507892/original/file-20230202-5782-vp3d9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="un médecin ausculte les yeux d’un patient" src="https://images.theconversation.com/files/507892/original/file-20230202-5782-vp3d9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/507892/original/file-20230202-5782-vp3d9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/507892/original/file-20230202-5782-vp3d9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/507892/original/file-20230202-5782-vp3d9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/507892/original/file-20230202-5782-vp3d9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/507892/original/file-20230202-5782-vp3d9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/507892/original/file-20230202-5782-vp3d9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">S’ils veulent pratiquer au Canada, les médecins formés à l’étranger doivent satisfaire à des exigences différentes de leurs collègues canadiens et américains.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Pixabay)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’attente est parfois très longue. De plus, les conseillers en immigration sont souvent mal informés quant aux perspectives de carrière. Plusieurs se sont fait dire que leur éducation « ne valait rien » au Canada.</p>
<p>Les médecins formés à l’étranger ont souligné le manque de clarté des informations relatives à la délivrance des licences. Même s’ils s’attendaient à un processus ardu, rien ne les préparait aux difficultés rencontrées.</p>
<p>En dépit des <a href="https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/campagnes/immigration-ca-compte/systeme.html">prétentions du ministère fédéral de l’Immigration quant aux travailleurs qualifiés</a>, un grand nombre doit se contenter <a href="https://www.dovepress.com/ldquobrain-drainrdquo-and-ldquobrain-wasterdquo-experiences-of-interna-peer-reviewed-fulltext-article-RMHP">d’emplois précaires et mal payés</a> sans rapport à leur formation ou à leur expérience.</p>
<h2>Peu de places en résidence</h2>
<p>L’autre obstacle important, contre lequel les <a href="https://vancouversun.com/health/local-health/bc-has-a-doctor-shortage-and-yet-there-are-100s-of-physicians-here-who-arent-allowed-to-practise-medicine">médecins formés à l’étranger font pression</a>, est le nombre limité de postes de résidence ouverts pour eux.</p>
<p>La résidence est une <a href="https://imgbc.med.ubc.ca/">formation postuniversitaire</a> requise pour l’obtention du permis d’exercer. Le Service canadien de jumelage des résidents (CaRMS) <a href="https://journalhosting.ucalgary.ca/index.php/cmej/article/view/71790">divise les candidats entre deux catégories</a> : les diplômés en médecine canadiens et les autres.</p>
<p>Or, seulement <a href="https://www.canadianonpaper.com/">10 % des résidences sont ouvertes aux médecins formés à l’étranger</a>. La plupart concernent des spécialités en manque de candidat, comme la médecine familiale.</p>
<p>Un autre obstacle systémique tient aux contrats que doivent signer ceux qui obtiennent un poste de résident : ils doivent s’engager à pratiquer pendant deux à cinq ans dans une <a href="https://www.canadianonpaper.com/wp-content/uploads/2021/06/Fact-Sheet.pdf">communauté mal desservie</a> (sauf en Alberta et au Québec).</p>
<p>Cette obligation n’existe pas pour les diplômés des écoles de médecine canadiennes.</p>
<p>Tous ces obstacles ont un impact négatif sur la santé mentale et le bien-être des médecins formés à l’étranger.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un médeci, un stéthoscope autour du cou, regarde un téléphone" src="https://images.theconversation.com/files/507492/original/file-20230201-14-qtbg4i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/507492/original/file-20230201-14-qtbg4i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/507492/original/file-20230201-14-qtbg4i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/507492/original/file-20230201-14-qtbg4i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/507492/original/file-20230201-14-qtbg4i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/507492/original/file-20230201-14-qtbg4i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/507492/original/file-20230201-14-qtbg4i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les nombreux obstacles administratifs placés sur le chemin des médecins formés à l’étranger affecter bien souvent leur santé mentale.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Unsplash)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Changements à venir</h2>
<p>Certaines provinces ont lancé des initiatives pour corriger ces problèmes. Un projet pilote du Collège des Médecins et Chirurgiens de l’Alberta <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/edmonton/alberta-now-offering-accelerated-licensing-for-internationally-trained-doctors-specialists-1.6717322">visera à lever certaines exigences</a> pour ceux qui arrivent de <a href="https://cpsa.ca/physicians/registration/apply-for-registration/additional-route-to-registration-imgs/">territoires désignés</a>, comme les États-Unis.</p>
<p>En Colombie-Britannique, le programme d’évaluation de la capacité passera de 32 à 96 places. La province leur offrira ce faisant une alternative à la résidence et un <a href="https://www.prabc.ca/">meilleur accès au permis d’exercice</a>.</p>
<p>Ces progrès importants ne règlent pas tous les obstacles systémiques. Si bien que notre système de santé, <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/british-columbia/bc-covid19-hospitalizations-jan-19-1.6320559">malmené</a>, ne peut absolument pas profiter de l’expertise de ces médecins qualifiés.</p>
<p>Le gouvernement fédéral a récemment lancé un <a href="https://www.newswire.ca/fr/news-releases/le-gouvernement-du-canada-lance-un-appel-de-propositions-pour-aider-les-professionnels-formes-a-l-etranger-a-travailler-dans-le-secteur-des-soins-de-sante-au-canada-867332389.html">appel à propositions afin d’y remédier</a>. Un effort significatif sera nécessaire pour intégrer les médecins formés à l’étranger au système de santé.</p>
<h2>Nous proposons de</h2>
<ol>
<li><p>Fournir des informations transparentes et claires sur les exigences requises avant l’immigration.</p></li>
<li><p>Offrir un meilleur soutien en santé mentale à l’arrivée et pendant le processus d’obtention du permis d’exercer.</p></li>
<li><p>Augmenter le nombre de postes de résidence et élargir la liste des spécialités médicales pour les médecins formés à l’étranger.</p></li>
</ol><img src="https://counter.theconversation.com/content/199358/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le Canada met sur la touche des médecins qualifiés alors que de nombreux citoyens n’en ont pas. Voici ce que nous pouvons et devons faire pour améliorer l’intégration des médecins formés à l’étranger.Simran Purewal, Research Associate, Health Sciences, Simon Fraser UniversityEvelyn Encalada Grez, Assistant Professor, Labour Studies, Simon Fraser UniversityPaola Ardiles, Senior Lecturer, Health Sciences, Simon Fraser UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1992132023-02-06T18:09:27Z2023-02-06T18:09:27ZRéforme de l’accès aux soins : comment le projet pourrait générer une crise de confiance, et comment l’éviter ?<p>Ces dernières années, notre système de santé s’est vu bousculé par nombre de mouvements sociaux et de crises. Pour satisfaire les acteurs concernés tout en préservant l’intérêt du public, des compromis ont régulièrement été recherchés.</p>
<p>C’est ainsi qu’en 2021, la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043421566">loi n° 2021 502</a> approuvée par l’Assemblée nationale a posé un angle d’amélioration de notre système de santé. L’objectif, double, était principalement d’améliorer la confiance et de simplifier l’accès aux soins – deux chantiers phares.</p>
<p>Toutefois, la réflexion devant aboutir à ses applications concrètes est toujours en cours.</p>
<h2>Quel projet pour l’accès aux soins par la confiance ?</h2>
<p>Pour apporter des solutions concrètes à la problématique d’inégalité d’accès aux soins de santé, la députée Stéphanie Rist (Renaissance), également médecin rhumatologue, porte une <a href="http://www.senat.fr/leg/ppl22-263.html">nouvelle proposition de loi (n°362)</a> dédiée à « l’amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé ».</p>
<p>Adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, elle a été déposée au Sénat pour une <a href="http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl22-263.html">première lecture prévue le 14 février 2023</a>.</p>
<p>L’idée est de faciliter l’accès aux soins en accordant, d’une part, plus de confiance aux infirmiers de pratique avancée (IPA), aux masseurs-kinésithérapeutes, aux orthophonistes et, d’autre part, en créant le corps des assistants bucco-dentaires.</p>
<p>Plus concrètement, <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038554429">après trois ans d’ancienneté en qualité d’infirmiers</a> et <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000037219055">deux années d’études supplémentaires</a>, les IPA devraient pouvoir réaliser des actes médicaux et prendre en charge des patients sans que ces derniers ne leur aient été confiés par un médecin. Cela concerne actuellement <a href="https://www.senat.fr/questions/base/2022/qSEQ22080109S.html">près de 1 700 professionnels en 2023 (935 en 2021)</a>.</p>
<p>Les patients, quant à eux, devraient pouvoir facilement et directement les consulter sans passer par l’étape de leur médecin traitant. De quoi développer l’accès au soin.</p>
<p>Au regard de la <a href="https://theconversation.com/les-medecins-une-ressource-strategique-103449">pénurie de médecins</a>, de la démographie médicale et de l’évolution des besoins en soins de santé publique, cette réforme semble apporter des éléments de réponse…</p>
<p>Il est toutefois important de réfléchir à ses conséquences possibles. En effet, si l’objectif est ici de doter ces professionnels de santé de prérogatives élargies, <a href="https://sante.gouv.fr/metiers-et-concours/les-metiers-de-la-sante/les-fiches-metiers/article/medecin-generaliste">diagnostic, prescription et suivi médical restent les devoirs fondamentaux des médecins généralistes</a>. Au risque de voir émerger des conflits.</p>
<h2>Quelques cas concrets</h2>
<p>En effet, même si les domaines de compétences et d’expertises de chaque catégorie de professionnels seront clairement définis, le fait que des patients puissent s’orienter vers un infirmier de pratique avancée sans l’autorité du médecin pourrait entraîner diverses formes de crises de confiance à plusieurs niveaux :</p>
<ul>
<li><p><strong>Au niveau des patients.</strong> Les patients pourraient émettre des doutes quant à la qualité des soins reçus si diagnostic et traitement sont réalisés par les infirmiers de pratique avancée et non un médecin. Imaginons que nous nous rendions chez un IPA pour vomissements ; une gastro-entérite est diagnostiquée et le traitement en relation est prescrit. Cependant les vomissements persistent et une consultation auprès du médecin traitant est prise. Celui-ci diagnostique une obstruction intestinale et recommande une intervention chirurgicale immédiate. La crainte d’avoir été mal diagnostiqué à l’origine par l’IPA est réelle.</p></li>
<li><p><strong>Entre IPA et médecins généralistes.</strong> Un IPA pourrait être amené à traiter un patient souffrant de maladie chronique sans consulter son médecin traitant. Ce dernier, en examinant par la suite le dossier de son patient, pourrait décider de changer le traitement prescrit s’il lui semble inadéquat – la nouvelle loi ne remettant pas en cause son autorité et son expertise supérieure. Même après discussion, l’IPA pourrait ressentir un sentiment de dévalorisation et se remettre en question quant à sa légitimité.</p></li>
<li><p><strong>Envers l’ensemble du système de santé et de la communauté médicale.</strong> Si, d’une part, les patients ne se sentent pas en sécurité lors de leur prise en charge et que, d’autre part, des discordances se font régulièrement entre médecins et IPA, cette troisième forme de crise de confiance peut s’installer. Les médecins peuvent résister à cette évolution des pratiques afin de protéger leur expertise. Les patients, pris entre deux catégories de professionnels, pourraient ne plus réussir à avoir confiance en la qualité des soins fournis par le nouveau système de santé.</p></li>
</ul>
<p>Faire appel aux infirmiers de pratique avancée pour décongestionner l’accès aux soins est ainsi certainement une démonstration de confiance envers ces praticiens expérimentés… mais cela pourrait ainsi générer d’autres problématiques de confiance. D’où l’importance d’y réfléchir en amont afin de limiter au maximum les risques.</p>
<h2>Confiance dans les relations de soins : de quoi parle-t-on ?</h2>
<p>Souvent définie comme une <a href="https://doi.org/10.2307/258792">acceptation de se rendre vulnérable aux actions d’autrui</a>, la confiance est une représentation de la relation reposant sur des croyances positives, qui fait régulièrement appel aux notions de risques et d’incertitude. Dans les relations de soins, la <a href="https://www.persee.fr/doc/pomap_0758-1726_2002_num_20_4_2771">question de la confiance est essentielle</a> puisqu’elle va être le ciment favorisant leur bon aboutissement.</p>
<p>À chaque fois que la confiance sera écorchée dans la relation de soins, il sera plus difficile d’atteindre l’objectif poursuivi – en l’occurrence obtenir de bons résultats de santé. La confiance des patients est particulièrement importante dans la mesure où elle va notamment favoriser <a href="https://doi.org/10.1093/acprof:oso/9780195176360.003.07">l’observance, la continuité des soins, la qualité perçue des soins, la satisfaction du patient</a>, etc.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une patiente, sur son lit d’hôpital, est entourée d’une infirmière et d’un médecin" src="https://images.theconversation.com/files/508309/original/file-20230206-27-ilmot5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/508309/original/file-20230206-27-ilmot5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/508309/original/file-20230206-27-ilmot5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/508309/original/file-20230206-27-ilmot5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/508309/original/file-20230206-27-ilmot5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/508309/original/file-20230206-27-ilmot5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/508309/original/file-20230206-27-ilmot5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le parcours de soin est aujourd’hui intégré des patients, qui connaissent les fonctions des différents professionnels de santé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">RODNAE Productions/Pexel</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Afin de prévenir la potentielle crise de confiance étudiée ici, il est important d’en connaître les causes. Diverses sources peuvent être identifiées : un manque de confiance en la capacité de l’IPA à diagnostiquer et prescrire des soins adéquats sans la supervision d’un médecin, et une <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000044248288">mauvaise compréhension des responsabilités et compétences respectives de ces deux professionnels</a>. De même, les débats suscités par ce projet de réforme entre médecins et infirmiers peuvent également alimenter les doutes.</p>
<h2>Quelles explications à ces crises de confiance ?</h2>
<p>La confiance du patient s’appuie sur des croyances positives vis-à-vis du professionnel de santé. Et l’un des principaux facteurs sur lequel elle va se reposer est sa compétence. Son intégrité, sa bienveillance ou encore l’ancienneté de leur relation pouvant aussi entrer en jeu.</p>
<p>Actuellement, si la compétence de l’infirmier en pratique avancée n’est généralement pas remise en cause dans un parcours de soins coordonné et organisé par le médecin, c’est peut-être en raison du rôle de garant joué par ce dernier. Le patient va accorder sa confiance à l’IPA parce qu’il a confiance en son médecin, dont il connaît les compétences : il peut s’agir d’une sorte de <a href="https://doi.org/10.1016/j.infsof.2013.11.001">confiance par contagion</a>. Le même patient aurait-il la même confiance sans cette « caution » ?</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Une telle hésitation pourrait s’expliquer par le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000044248288">manque d’informations sur les capacités des infirmiers de pratique avancée</a>. Sachant que le médecin est le seul formé (années d’études, connaissances scientifiques poussées, etc.) pour établir un diagnostic clinique et traiter des patients, ces derniers peuvent émettre des doutes quant aux aptitudes des IPA dans ces domaines clés malgré leur expérience. Un facteur fondamental du développement de la confiance interpersonnelle est alors remis en cause : la compétence ou la capacité.</p>
<p>Autre point jouant en la défaveur des IPA : l’<a href="https://www.conseil-national.medecin.fr/medecin/devoirs-droits/serment-dhippocrate">existence du serment d’Hippocrate</a> et du <a href="https://www.conseil-national.medecin.fr/">Conseil national de l’Ordre des médecins</a> peuvent bénéficier à l’image des médecins, en donnant une impression d’intégrité, de contrôle des pratiques. <a href="https://www.espaceinfirmier.fr/actualites/160211-chaque-infirmiere-devra-preter-serment-sur-le-code-de-deontologie.html">Code de déontologie et Ordre national des infirmiers</a> ne disposent pas de la même visibilité auprès du grand public.</p>
<p>Par ailleurs, si l’on s’en remet à notre dernier <a href="https://www.cairn.info/revue-questions-de-management-2023-1-page-31.htm">travail de recherche mené auprès de patients publié dans la revue Question(s) de Management</a>, <a href="https://www.theses.fr/s226065">d’autres paramètres plus organisationnels et conjoncturels peuvent également entrer en jeu</a>. En effet, l’un des facteurs pouvant favoriser la confiance des patients est l’examen clinique, parfois réalisé à l’aide d’installations techniques et médicales adéquates. Sa réalisation dans de bonnes conditions représente un gage de la qualité des soins. Les IPA seront-ils suffisamment équipés et formés à ce niveau ?</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="La confiance repose sur différents types de facteurs" src="https://images.theconversation.com/files/508304/original/file-20230206-19-ecp2yc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/508304/original/file-20230206-19-ecp2yc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=291&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/508304/original/file-20230206-19-ecp2yc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=291&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/508304/original/file-20230206-19-ecp2yc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=291&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/508304/original/file-20230206-19-ecp2yc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=366&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/508304/original/file-20230206-19-ecp2yc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=366&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/508304/original/file-20230206-19-ecp2yc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=366&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Typologie des facteurs de la confiance : individuels, liés à la relation et contextuels.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Brice Isseki</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Quels leviers d’actions ?</h2>
<p>Pour prévenir ces crises de confiance, il est important de prendre des mesures idoines dès la phase de projet. La conduite d’une campagne renforcée de communication et de vulgarisation visant à sensibiliser l’opinion publique sur les compétences des IPA est indispensable.</p>
<p>Il serait également nécessaire de rappeler à une grande échelle, le périmètre et les conditions d’exercice de ces professionnels de santé dans le système.</p>
<p>Enfin, rappeler le rôle central du médecin dans le diagnostic est une forme de prévention incontournable : elle permettra à chacun de trouver sa place dans un parcours de soin renouvelé, et ainsi d’éviter des querelles de compétence qui n’ont pas lieu d’être et qui, au final, desserviraient toutes les parties : professionnels et patients.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199213/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Brice ISSEKI ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une proposition de loi prévoit de développer les compétences des infirmiers de pratique avancée afin de faciliter l’accès aux soins des patients. Une idée qui pose des questions de confiance.Brice ISSEKI, Docteur en sciences de gestion et du management, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1915692023-01-20T14:25:17Z2023-01-20T14:25:17ZComment les gestionnaires du réseau de la santé peuvent favoriser des lieux de travail psychologiquement plus sûrs<p>La crise du personnel des soins de santé au Canada semble s’aggraver de jour en jour, avec des <a href="https://www.nytimes.com/2022/09/14/world/canada/nurse-shortage-emergency-rooms.html">fermetures de salles d’urgence</a>, une <a href="https://theconversation.com/with-family-doctors-heading-for-the-exits-addressing-the-crisis-in-primary-care-is-key-to-easing-pressure-on-emergency-rooms-189199">pénurie de médecins de famille</a> et des <a href="https://www.wellesleyinstitute.com/wp-content/uploads/2020/09/Waiting-for-Long-Term-Care-in-the-GTA.pdf">délais d’attente élevés pour accéder aux soins de longue durée</a>. </p>
<p>Au cœur du problème se trouve un personnel soignant physiquement et mentalement épuisé par les milieux peu sécuritaires dans lesquels on lui demande de travailler depuis des années, et qui se sont considérablement détériorés pendant la pandémie de Covid-19. </p>
<p>Les dirigeants du secteur de la santé ont un rôle clé à jouer dans la conception de lieux de travail psychologiquement plus sûrs pour favoriser le bien-être de nos professionnels de la santé. Pour créer des milieux plus sûrs, il faut des décideurs qui comprennent comment des années de restrictions des ressources, d’environnements malsains, <a href="https://doi.org/10.1186/s12913-020-05084-x">d’abus de la part des patients</a>, <a href="https://doi.org/10.3389/fpubh.2021.750529">sans oublier une pandémie</a>, ont contribué à l’épuisement professionnel et à l’insatisfaction que l’on constate chez les travailleurs.</p>
<h2>Risques physiques et émotionnels</h2>
<p>Avant même la pandémie de Covid-19, les travailleurs de la santé canadiens souffraient déjà d’<a href="https://www.cma.ca/sites/default/files/2018-11/nph-survey-f.pdf">épuisement professionnel et de dépression</a>. La pandémie a détérioré des environnements de travail déjà précaires, les exposant non seulement à un virus mortel, mais aussi à une <a href="http://doi.org/10.1001/jama.2021.2701">montée de la violence physique et verbale</a>, entraînant une <a href="https://www.cma.ca/sites/default/files/2022-08/NPHS_final_report_FR.pdf">hausse des taux d’épuisement professionnel et de dépression</a>.</p>
<p>Il n’est donc pas surprenant que les travailleurs de la santé soient de plus en plus nombreux à quitter la profession, <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/nurses-canada-overtime-pandemic-burnout-1.6545963">ce qui exacerbe encore davantage les conditions de travail de ceux qui restent</a>. </p>
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<img alt="Un ambulancier portant une visière de protection et une veste jaune fluo longe une file de patients sur des civières dans un couloir d’hôpital" src="https://images.theconversation.com/files/486636/original/file-20220926-21-w3atsc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486636/original/file-20220926-21-w3atsc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486636/original/file-20220926-21-w3atsc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486636/original/file-20220926-21-w3atsc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486636/original/file-20220926-21-w3atsc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486636/original/file-20220926-21-w3atsc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486636/original/file-20220926-21-w3atsc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les enjeux ne se limitent pas à un seul groupe de travailleurs de la santé ni à un seul type de lieu de travail ; les préposés aux bénéficiaires, le personnel infirmier, les médecins, les ambulanciers exerçant dans les hôpitaux, les soins de longue durée, les cliniques de soins primaires et les services d’urgence font tous état d’épuisement professionnel.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Nathan Denette</span></span>
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<p>Les enjeux ne se limitent pas à un seul groupe de travailleurs de la santé ni à un seul type de lieu de travail ; les préposés aux bénéficiaires (PAB), le personnel infirmier, les médecins, les ambulanciers exerçant dans les hôpitaux, les soins de longue durée, les cliniques de soins primaires et les services d’urgence font tous état d’épuisement professionnel. <a href="https://clri-ltc.ca/files/2021/02/PSW_Perspectives_FinalReport_Feb25_Accessible.pdf">Les PAB actifs dans le domaine des soins de longue durée dénoncent</a> des milieux de travail dangereux sur le plan physique et émotionnel, des ratios personnel/patients insuffisants et des environnements irrespectueux.</p>
<p>Nous savons que la <a href="https://www.mentalhealthcommission.ca/wp-content/uploads/drupal/Workforce_Psychological_Safety_in_the_Workplace_ENG.pdf">santé et la sécurité psychologiques en milieu de travail</a> sont directement liées à la productivité, à la rétention, à l’absentéisme, aux conflits professionnels et au succès opérationnel global du lieu de travail. Les dirigeants, gestionnaires et superviseurs canadiens du secteur de la santé sont exceptionnellement bien placés pour aider les organisations de soins de santé à créer des environnements de travail où le personnel se sent soutenu et en sécurité. </p>
<figure class="align-right ">
<img alt="Panneau extérieur affichant « Recrutement de PAB -- nombreux quarts de travail -- avantages »" src="https://images.theconversation.com/files/486638/original/file-20220926-879-z9tmaw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486638/original/file-20220926-879-z9tmaw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486638/original/file-20220926-879-z9tmaw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486638/original/file-20220926-879-z9tmaw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486638/original/file-20220926-879-z9tmaw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486638/original/file-20220926-879-z9tmaw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486638/original/file-20220926-879-z9tmaw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les PAB actifs dans le domaine des soins de longue durée dénoncent des milieux de travail dangereux sur le plan physique et émotionnel, des ratios personnel/patients insuffisants et des environnements irrespectueux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Frank Gunn</span></span>
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<p>Notre équipe de recherche a récemment été financée par la <a href="https://commissionsantementale.ca/">Commission de la santé mentale du Canada</a> pour examiner les facilitateurs et les obstacles rencontrés par les organisations de soins de santé dans la création d’environnements de travail sûrs. Nous avons sondé et interviewé des <a href="https://commissionsantementale.ca/resource/exploration-de-deux-facteurs-de-securite-psychologique-pour-les-travailleurs-de-la-sante/">centaines de travailleurs de la santé, toutes disciplines, tous lieux de travail et toutes provinces confondus</a>. Voici ce qu’ils nous ont dit : </p>
<ul>
<li><p>Beaucoup d’attention est accordée au renforcement de la résilience du personnel soignant, mais sans lui donner le temps et l’espace nécessaires pour le faire. Les organisations peuvent aider en garantissant les congés des travailleurs. </p></li>
<li><p>Des travailleurs de la santé nous ont dit que des ressources organisationnelles à long terme telles que des champions du mieux-être, des éthiciens et des indemnités de maladie efficaces pour tout le personnel soignant (par exemple, des prestations qui couvrent les services de consultation) contribueraient à soutenir leur bien-être. </p></li>
<li><p>Des politiques et des procédures opérationnelles appropriées et transparentes liées aux soins cliniques ou aux ressources humaines, qui régissent l’ensemble d’une organisation, contribuent à instaurer un climat de travail équitable et sûr. Les gestionnaires peuvent appuyer davantage leurs travailleurs en s’assurant que ces politiques et procédures sont appliquées et suivies de manière cohérente.</p></li>
<li><p>Les organisations devraient recruter et épauler des dirigeants efficaces, compatissants et authentiques. Il est essentiel de former des dirigeants du secteur des soins de santé qui sont compétents et se montrent à la hauteur dans leur environnement stressant ; il convient de les encourager et de les récompenser. Les gestionnaires ont également été mis à rude épreuve au cours des dernières années et ont besoin d’être soutenus par leur organisation. </p></li>
<li><p>Moins de 50 % des travailleurs de la santé de notre étude ont déclaré exercer dans un climat éthique. Par exemple, de nombreux soignants n’ont pas accès aux soutiens nécessaires pour résoudre les dilemmes éthiques. Les organisations de soins de santé ont tout intérêt à se concentrer sur ce point ; en cultivant un environnement de travail éthique, elles démontrent à leurs employés leur volonté de les protéger de la détresse morale. </p></li>
<li><p>Des professionnels de la santé nous ont dit que la transparence et les communications efficaces sont essentielles et renforcent la confiance dans leurs dirigeants. </p></li>
</ul>
<p>L’avenir de notre système de santé dépend du recrutement et de la rétention de travailleurs de la santé passionnés, dévoués et hautement qualifiés. Chaque travailleur de la santé, dans chaque lieu de travail, dans chaque province, a besoin d’une organisation qui valorise et privilégie sa santé et sa sécurité psychologiques. </p>
<p>Pour le rapport complet, veuillez visiter : <a href="https://commissionsantementale.ca/resource/exploration-de-deux-facteurs-de-securite-psychologique-pour-les-travailleurs-de-la-sante/">CSMC – Exploration de deux facteurs de sécurité psychologique pour les travailleurs de la santé</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191569/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’avenir de notre système de santé dépend du recrutement et de la rétention d’un personnel soignant et hautement qualifié. Il est essentiel de créer des environnements où ils se sentent soutenus et en sécurité.Angela Coderre-Ball, Assistant Professor (Adjunct), Family Medicine, Queen's University, OntarioColleen Grady, Associate Professor, Family Medicine, Queen's University, OntarioDenis Chênevert, Professor and director of healthcare management hub, HEC MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1977632023-01-17T17:50:31Z2023-01-17T17:50:31ZRéguler l’installation des médecins : la comparaison avec le cas allemand<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/504325/original/file-20230112-60724-6kpasw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C0%2C3002%2C2038&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En France, la sous-densité en médecins est le problème principal. L'Allemagne, elle, a longtemps cherché à éviter la sur-densité.</span> <span class="attribution"><span class="source">Babsy</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dans le débat actuel sur la liberté d’installation des médecins en France et les <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-des-affaires-sociales-2020-1-page-33.htm">« déserts médicaux »</a>, les expériences à l’étranger sont utilisées de manière très variable par les défenseurs comme les détracteurs d’une régulation plus stricte que celle qui existe aujourd’hui.</p>
<p>Concrètement, à l’heure actuelle, un médecin libéral en France peut s’installer où le veut. Néanmoins, l’« Accessibilité potentielle localisée » ou APL (établie selon le nombre de médecins généralistes jusqu’à 65 ans, le temps d’accès pour les patients, etc.) commence à être prise en compte au sein des « Territoires vie-santé » qui maillent le pays (voir la carte ci-dessous).</p>
<p>Il y a ainsi des incitations financières pour promouvoir une installation dans une <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/professionnels/zonage-medecin">zone « sous-dense » en personnel médical</a>. En parallèle, l’idée de restreindre l’installation en zone « sur-dense » se développe et alimente des propositions parfois très discutées. Les <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/10/20/la-regulation-a-l-installation-des-jeunes-medecins-n-est-pas-une-solution_6146641_3232.html">polémiques les plus récentes</a> concernent l’<a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/ajout-d-une-quatrieme-annee-au-diplome-d-etudes-specialisees-de-medecine">ajout d’une quatrième année à l’internat de médecine générale</a>, assortie de l’obligation de l’effectuer en cabinet de ville. Dans un Territoire de vie-santé sous-dense, un habitant a accès à <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/er1144.pdf">moins de 2,5 consultations par an</a> ; 3,8 millions de personnes étaient concernées en 2018, contre 2,5 millions en 2015.</p>
<figure><a href="https://drees.shinyapps.io/carto-apl/" target="_blank"><img src="https://images.theconversation.com/files/504324/original/file-20230112-24-q16kzu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=489&fit=crop&dpr=1"><figcaption>Carte de la densité d’installation des médecins en France, territoire vie-santé (carte clicable).</figcaption></a></figure>
<p>L’Allemagne, voisin le plus proche géographiquement, est doté d’un système de régulation de l’installation parmi les plus stricts au monde. Pourtant, il est très peu évoqué dans le débat français. Au-delà de la barrière linguistique, la <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications/les-dossiers-de-la-drees/remedier-aux-penuries-de-medecins-dans-certaines-zones">faible diffusion de l’évaluation des politiques en place outre-Rhin</a> ne facilite pas les échanges d’expériences.</p>
<p>Cet article décrypte le système allemand actuel, et son historique, et donne un aperçu des effets. En outre, il discute la transférabilité de ces enseignements vers la France.</p>
<h2>Une politique ancienne qui s’est complexifiée</h2>
<p>Les bases de la « planification des besoins » (<em>Bedarfsplanung</em>) sont jetées en 1976 avec l’introduction de statistiques sur la répartition des praticiens sur le territoire. Une évolution majeure a lieu en 1993 avec le découpage du pays en 395 zones de planification et la fixation de « densités cibles » pour 14 catégories de médecins (généralistes, neurologues et psychiatres, etc.).</p>
<p>L’objectif est d’éviter les zones sur-denses en médecins. L’installation n’est possible que si ce seuil de densité n’est pas dépassé de plus de 10 %.</p>
<p>Depuis 2013, le calcul du seuil est plus fin et tient compte de la structure démographique (âge et sexe) de la population. L’objectif est désormais, aussi, d’éviter les zones sous-denses.</p>
<p>En 2021, est lancée une <a href="https://www.g-ba.de/themen/bedarfsplanung/bedarfsplanungsrichtlinie/">dernière évolution du mode de calcul</a>. Sont intégrés progressivement l’état de santé dans le territoire (basé sur les données administratives fournies par les médecins), les distances (en voiture) entre population et cabinets, puis la multiplication des zones de planification, notamment pour les généralistes (actuellement environ 883 zones).</p>
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<h2>Une large acceptation parmi les professionnels et des effets positifs</h2>
<p>Un point important est à souligner : cette politique contraignante est largement acceptée par les organisations de médecins. Il faut noter que, au sein des comités de pilotage régionaux (associations de médecins conventionnés et caisses d’Assurance maladie) et au niveau du cadrage fédéral (un comité regroupant essentiellement les médecins, les caisses et les hôpitaux sous supervision légale du ministère de la Santé), ces organisations contribuent à l’évolution du dispositif.</p>
<p>Depuis 1999, la régulation de l’installation est par ailleurs étendue aux psychologues exerçant en tant que psychothérapeutes dans le cadre de leur conventionnement avec l’Assurance maladie. À l’instar des médecins, en échange du bénéfice du remboursement de leur prise en charge, les psychothérapeutes acceptent certaines contraintes, y compris la limitation de l’installation.</p>
<p>Concrètement, en <a href="https://www.kbv.de/html/bundesarztregister.php">2021, 31 300 psychologues-psychothérapeutes et 152 000 médecins conventionnés étaient concernés</a> en Allemagne par ce système de maîtrise de l’installation.</p>
<p>Ce système a jusqu’ici donné de bons résultats qui, s’ils ne bénéficient pas d’évaluations scientifiques, sont basés sur des données assez robustes quant à ses effets. La discussion autour de cette politique est en effet essentiellement basée sur des rapports rédigés par des instituts privés et financés par les différentes parties prenantes.</p>
<p>Une <a href="https://www.hsm.bwl.uni-muenchen.de/forschung/gutachten/index.html">expertise approfondie et indépendante publiée en 2018</a> a conclu que l’accès est très bon pour la plupart des habitants en Allemagne : 99,8 % de la population est à moins de dix minutes de voiture d’un généraliste, et 99,0 % à moins de 30 minutes pour la plupart des spécialistes. Il s’agit, bien entendu, d’un indicateur d’accès purement géographique, en supposant qu’une voiture est à disposition. En ce qui concerne la disponibilité des médecins, la majorité des personnes interrogées ont répondu qu’elles obtiennent des rendez-vous en quelques jours seulement.</p>
<p>En France, une <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications/les-dossiers-de-la-drees/deserts-medicaux-comment-les-definir-comment-les-mesurer">étude de 2017</a> a trouvé des chiffres relativement proches pour les généralistes : 98 % de la population est à moins de dix minutes en voiture. Faute de méthode identique, les autres données de ces deux études ne sont pas comparables. Il ne faut non plus occulter les différences systémiques entre les deux pays, qui empêchent de conclure que les résultats parfois divergents ne seraient dus qu’à la régulation de l’installation.</p>
<h2>Des différences systémiques avec la France</h2>
<ul>
<li><strong>Densité médicale et ruralité</strong></li>
</ul>
<p>Le débat sur le « manque » de médecins (<em>Ärztemangel</em>) est moins intense en Allemagne qu’en France. Et pour cause : s’il existe aussi des différences régionales, <a href="https://www.oecd.org/health/health-data.htm">l’Allemagne recensait, en 2020, 40 % de médecins de plus que l’Hexagone</a> – par rapport à la population et tous secteurs confondus (hôpital, ambulatoire, etc.) (voir tableau).</p>
<p>La question de la ruralité ne se pose pas non plus de la même manière dans les deux pays. Dans la « campagne profonde », en Allemagne, on n’est jamais très loin d’un centre urbain. Cela se traduit, schématiquement, par une densité de la population presque deux fois plus élevée qu’en France.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/504304/original/file-20230112-12-5p567l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="L’Allemagne compte 4,5 médecins en exercice par 1000 habitants contre 3,2 pour la France dont la population est deux fois moins dense" src="https://images.theconversation.com/files/504304/original/file-20230112-12-5p567l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/504304/original/file-20230112-12-5p567l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=78&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/504304/original/file-20230112-12-5p567l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=78&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/504304/original/file-20230112-12-5p567l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=78&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/504304/original/file-20230112-12-5p567l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=98&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/504304/original/file-20230112-12-5p567l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=98&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/504304/original/file-20230112-12-5p567l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=98&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Données clefs comparant la densité médicale et populationnelle, en 2020, en Allemagne et en France.</span>
<span class="attribution"><span class="source">OECD/Wikipedia</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Par conséquent, un médecin s’installant dans la campagne allemande ne se sent pas (automatiquement) éloigné d’un certain nombre de services publics, culturels, etc. Cela renvoie à l’idée, dans le débat en France, que les « déserts médicaux » sont aussi, en partie, des <a href="https://www.europe1.fr/sante/un-desert-medical-cest-aussi-un-desert-de-services-publics-et-prives-3877247">« déserts de service public et privé »</a>.</p>
<ul>
<li><strong>Organisation interne et intégration institutionnelle</strong></li>
</ul>
<p>Il convient également de souligner que, si la limitation de l’installation n’est pas contestée, ce sont les médecins allemands eux-mêmes qui la mettent en œuvre.</p>
<p>Ils disposent en effet de larges compétences pour gérer l’organisation de leur exercice : de la formation (définition des cursus pour les études de médecine, etc.) à la permanence de soins, en passant par la distribution du budget ambulatoire. Ils sont en négociation quasi permanente avec l’Assurance maladie et sont bien représentés au niveau politique. <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-des-affaires-sociales-2020-1-page-215.htm">L’intégration institutionnelle des médecins, par les organes les représentant, est donc forte</a>.</p>
<p>Cette intégration entraîne toutefois une grande complexité afin que le périmètre et les compétences de chaque partenaire (associations de médecins conventionnés, caisses d’Assurance maladie, Comité fédéral commun…) soit <a href="https://www.kvb.de/praxis/niederlassung/bedarfsplanung/bedarfsplan/">clairement défini</a>.</p>
<ul>
<li><strong>Un système de rémunération différent</strong></li>
</ul>
<p>En Allemagne, la rémunération repose essentiellement sur un système de capitation : une somme fixe pour chaque patient pris en charge par un médecin, par trimestre. S’y ajoute, en sus, une rémunération à l’acte, dont le montant baisse en fonction du nombre d’actes prodigués. On parle de « dégression » : plus il y a des actes, moins élevé est le prix par acte. Comme mentionné plus haut, ce sont les médecins eux-mêmes qui gèrent cette enveloppe dite « à moitié fermée ».</p>
<p>A contrario, en France, domine toujours la rémunération à l’acte qui est non dégressive, et donc à prix fixe.</p>
<h2>Des différences empêchant toute transférabilité ?</h2>
<p>A priori non, car il existe tout de même de nombreuses similitudes rendant les deux systèmes comparables dans une certaine mesure.</p>
<p>À la différence d’autres systèmes tels que celui en vigueur en Angleterre, France et Allemagne offrent un accès assez peu restreint à de nombreux spécialistes en dehors de l’hôpital. En France, cependant, le « parcours de soins » incite financièrement les patients à passer d’abord par un généraliste – hors gynécologues, ophtalmologues, psychiatres et stomatologues, qui sont accessibles directement sans pénalité financière.</p>
<p>Les deux pays introduisent aussi de plus en plus de dispositifs semblables, qui redessinent l’organisation du système de soins : des maisons ou centres de santé regroupant plusieurs professionnels, des soins plus coordonnés pour les patients atteints de maladies chroniques, l’usage de référentiels pour améliorer la qualité, etc.</p>
<p>Dans l’organisation du système de soins, on note également, en Allemagne comme en France, que l’État est de plus en plus pilote de ces politiques. Ce qui est lié à la notion de contrôle budgétaire, devenue une préoccupation primordiale et un moyen de <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-des-affaires-sociales-2020-1-page-215.htm">cadrer les changements du système de santé</a>.</p>
<h2>Limiter l’installation des médecins : une politique efficace mais complexe</h2>
<p>L’exemple allemand montre que la limitation de l’installation est une politique efficace… mais qui ne peut être mise en place qu’au prix d’un mille-feuille administratif assez épais. Chaque nouvelle modification, comme en 2021, venant ajouter (encore) des variables dans un modèle de planification déjà très complexe. Il faut donc multiplier la collecte, la remontée et l’analyse de données, les concertations, etc.</p>
<p>Mais il faut surtout retenir que cet outil a été mis en place (et a longtemps servi) pour « corriger » les zones sur-denses dans un pays plutôt bien doté en médecins et <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/09514848221080691">lits d’hôpitaux</a>. Cette planification a été conçue afin de maîtriser les coûts et éviter une compétition trop élevée entre médecins qui opèrent avec le système d’enveloppe à moitié fermée. Cette trajectoire structure encore les débats et les actions en Allemagne.</p>
<p>Or, ce sont les zones sous-denses qui sont au cœur des débats en France. À titre d’exemple, la densité de médecins généralistes est de 46 % plus élevée dans la région la plus dotée (PACA), par rapport à la moins dotée (Centre), en 2021. Afin de pallier aux « déserts médicaux », il conviendrait plus de se pencher sur les <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-des-affaires-sociales-2020-1-page-33.htm">outils incitatifs</a>. Ceux qui existent sont par ailleurs assez similaires dans les deux pays : aide financière à l’installation, <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/0142159X.2022.2151885">ouverture de sites de formation</a> ou d’antennes d’universités dans les territoires ruraux, incitation au recrutement d’internes, etc.</p>
<p>L’approche outre-Rhin apporte donc des pistes de réflexion qui méritent d’être analysées. Toutefois, afin de mener un débat éclairé, il est essentiel de distinguer les notions de zone sous- versus sur-dense, et de tenir compte des spécificités du système de notre voisin – proche… mais pas tout à fait similaire.</p>
<hr>
<p><em>L’auteur remercie Lucie Kraepiel, doctorante au CSO (Centre de sociologie des organisations) et assistante de recherche à l’axe santé du LIEPP (Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques) de Sciences Po, pour sa relecture de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197763/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Matthias Brunn ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les déserts médicaux sont un problème croissant en France. Les exemples de nos voisins européens peuvent-ils apporter des solutions ? Le système allemand est particulièrement intéressant. Décryptage.Matthias Brunn, Chercheur affilié en sciences politiques au LIEPP - Sciences Po, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1856132023-01-16T18:19:31Z2023-01-16T18:19:31ZAccès aux soins : qui sont ces patients qui renoncent ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/504726/original/file-20230116-24-ke8s14.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=513%2C688%2C3512%2C2323&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les raisons qui poussent certains patients à ne plus consulter sont diverses, et parfois difficiles à cerner.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/FFA8yd4OynY">R O / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.ohchr.org/sites/default/files/UDHR/Documents/UDHR_Translations/frn.pdf">L’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme</a> de 1948 garantit le droit d’accès aux soins pour tous. Il précise en effet que :</p>
<p>« Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux […] »</p>
<p>Or, alors même que la <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/video/2023/01/03/en-2070-pres-de-30-des-francais-auront-65-ans-ou-plus_6156445_1650684.html">population française vieillit</a>, ce droit d’accès aux soins est de plus en plus difficile à garantir, dans un contexte de crise de l’hôpital et <a href="https://lejournal.cnrs.fr/nos-blogs/dialogues-economiques/le-manque-de-medecins-une-maladie-francaise">d’insuffisance des effectifs en médecine de ville</a>.</p>
<p>Médias et personnalités politiques se font d’ores et déjà l’écho des problèmes que rencontrent certains citoyens pour se soigner. Dans une telle situation, il arrive que des individus renoncent aux soins. En quoi consistent précisément ces renoncements aux soins ? Qui concernent-ils ? Des travaux de recherche permettent d’éclairer ces questions.</p>
<h2>Ne pas confondre « renoncer aux soins » et « ne pas consentir aux soins »</h2>
<p>Soulignons tout d’abord que le renoncement au sens où nous l’évoquons ici ne concerne pas les situations où l’on refuse de consentir aux soins préconisés (pour des raisons, par exemple, de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/0043820020920554">défiance envers le monde médical</a>).</p>
<p>La première idée qui vient à l’esprit quand on pense « renoncement aux soins » concerne l’impossibilité de consulter un médecin lorsqu’un besoin de soins se fait ressentir. C’est ainsi que ce concept est envisagé par l’Institut de Recherche et de Documentation en Économie de la Santé (IRDES), depuis <a href="https://www.irdes.fr/Publications/2011/Qes170.pdf">son introduction dans les années 1990</a>. On considère dans ce contexte qu’il y a renoncement aux soins dès lors qu’une personne estime qu’elle aurait besoin de soins, mais qu’elle ne peut pas se les procurer en raison des circonstances.</p>
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<p>Cette impossibilité de consulter un médecin n’est pas toujours due à un manque d’offre de soins. Ainsi, une personne en situation de précarité qui n’a pas les moyens de payer une complémentaire santé (et anticipe donc qu’une consultation ne lui sera remboursée que partiellement) peut estimer n’avoir pas les moyens de dépenser de l’argent chez un médecin et s’abstenir de consulter, alors même qu’elle se sent en mauvaise santé. Elle renonce donc aux soins. Des personnes très occupées par leur vie professionnelle ou familiale peuvent aussi renoncer aux soins par manque de temps, notamment dans le cas où les spécialistes les plus proches de leur domicile sont trop éloignés.</p>
<p>Dans de telles situations, le renoncement aux soins est plutôt de l’ordre de la frustration, du regret. Renoncer, c’est en quelque sorte ne pas pouvoir suivre l’adage « quand on veut, on peut ».</p>
<h2>Les limites des enquêtes déclaratives</h2>
<p>Il faut avoir conscience que le fait de « renoncer aux soins » peut <a href="https://www-cairn-info.docelec.u-bordeaux.fr/revue-sciences-sociales-et-sante-2013-2-page-71.htm">ne pas avoir la même signification selon les personnes considérées</a>. L’analyse du phénomène de renoncement aux soins repose en effet sur des enquêtes déclaratives : ce sont les individus interrogés qui affirment avoir – ou non – renoncé à se soigner. Il existe donc une part de subjectivité qui doit inciter à la prudence lorsque l’on analyse ce phénomène.</p>
<p>Cette situation induit également des difficultés à comparer les enquêtes entre elles, tant les réponses aux questions sur le renoncement aux soins sont <a href="https://www.complementaire-sante-solidaire.gouv.fr/fichier-utilisateur/fichiers/DREES_DossiersSolidarite_n66.pdf">sensibles à la formulation de ces dernières</a>.</p>
<p>Selon les échantillons, la prévalence du renoncement aux soins dans la population adulte en France peut être évaluée à <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2021-07/ER1200.pdf">3 %</a> comme à <a href="https://en3s.fr/articles-regards/53/Revil.pdf">plus de 20 %</a>.</p>
<h2>Pourquoi renonce-t-on aux soins ?</h2>
<p>De multiples facteurs peuvent empêcher les individus de recourir aux soins : situation personnelle compliquée, statut socio-économique, raisons culturelles… Mais le renoncement aux soins ne dépend pas uniquement de telles contraintes.</p>
<p>Celles-ci indiquent surtout pourquoi des individus ne peuvent pas recourir aux soins. Mais comme mentionné précédemment, c’est la question d’un « souhait » ne pouvant être réalisé qui est au cœur de cette notion. Comprendre le renoncement suppose donc à la fois de savoir pourquoi les individus envisagent, dans un premier temps, de recourir aux soins, et pourquoi, finalement, ils ne le peuvent pas.</p>
<p>Vouloir accéder réellement aux soins suppose avant tout d’identifier un problème ou un enjeu de santé et, dans un second temps, d’estimer qu’il faut y répondre par un contact avec le monde médical. Il faut pour cela <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24374420/">faire attention à sa santé</a>, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26872738/">savoir un minimum vers qui se tourner</a> et <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25038059/">faire suffisamment confiance aux professionnels de santé et au système de soins</a>.</p>
<p>On peut ne pas vouloir recourir aux soins parce qu’on ne perçoit pas de problème ou d’enjeu de santé, soit parce qu’il n’y en a pas, soit parce qu’on ne le comprend pas, soit parce qu’on n’y accorde pas d’importance. Dans des cas extrêmes, il peut aussi exister une défiance intégrale envers le monde médical (le refus par certains de la vaccination contre le Covid-19 a été une illustration saillante de cette situation).</p>
<h2>Franchir les barrières pour accéder aux soins</h2>
<p>Accéder aux soins implique ensuite d’être capable de franchir différentes barrières. La première, la plus connue sans doute, est la <a href="https://journals.openedition.org/economiepublique/8851">barrière financière</a>. Face aux soins, selon sa couverture maladie, un individu peut devoir personnellement supporter des frais. C’est ce qu’on appelle le « reste à charge des patients ». <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2020-10/dtee120.pdf">Plus on est pauvre, plus il est évidemment difficile d’y faire face</a>.</p>
<p>En France, cette barrière correspond surtout à l’absence de couverture complémentaire. <a href="https://www-cairn-info.docelec.u-bordeaux.fr/revue-francaise-d-economie-2019-1-page-133.htm">Avoir une couverture complémentaire protège largement contre le renoncement aux soins</a>. Il a d’ailleurs été montré que la Couverture maladie universelle-complémentaire (CMU-C) pouvait permettre de <a href="https://www-cairn-info.docelec.u-bordeaux.fr/revue-francaise-d-economie-2019-1-page-133.htm">moins renoncer aux soins qu’en disposant d’une complémentaire classique</a>.</p>
<p>Une deuxième barrière, également bien connue, est <a href="https://www-cairn-info.docelec.u-bordeaux.fr/revue-gestion-et-management-public-2018-1-page-51.htm">géographique</a>. Recourir aux soins suppose d’accéder physiquement à un professionnel de santé disponible. Il faut donc que les soins <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0264999310001914">ne soient pas trop éloignés des patients</a> potentiels. Il faut également que le <a href="https://equityhealthj.biomedcentral.com/articles/10.1186/1475-9276-5-4">nombre de médecins présents sur un territoire soit suffisant</a> pour faire face aux besoins de la population.</p>
<p>À ce sujet, soulignons que les « déserts médicaux » ne se situent pas uniquement dans les campagnes reculées : si, dans un quartier peuplé d’une grande ville, le cabinet médical de proximité ne comporte qu’un seul médecin, la situation n’est pas différente de celle d’une zone rurale peu peuplée, mais dépourvue de médecin. Pour appréhender cela, l’indicateur d’<a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sources-outils-et-enquetes/lindicateur-daccessibilite-potentielle-localisee-apl">Accessibilité potentielle localisée</a> a été développé par la direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques (DREES) et l’IRDES. L’objectif est de parvenir à mesurer les tensions existant entre l’offre et la demande de soins sur les territoires de France.</p>
<p><a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications/les-dossiers-de-la-drees/deserts-medicaux-comment-les-definir-comment-les-mesurer">Les communes ayant un faible accès sont plutôt les communes rurales situées en dehors de l’influence des grands pôles urbains</a>. En 2013, déjà, plus de 20 % des personnes vivant en zones rurales ou hors de l’influence des pôles urbains habitaient dans des lieux où l’accès aux médecins généralistes était très faible. Ces « déserts médicaux » où manquent les généralistes ont tendance à concerner des communes du centre de la France, ou celles situées autour de la région parisienne et dans les outremers. Dix ans plus tard, la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36203471/">situation ne s’est vraisemblablement pas améliorée</a>.</p>
<p>Au-delà de ces deux barrières évidentes, d’autres, moins connues, existent. Il arrive par exemple que certains professionnels de santé se montrent discriminants envers certains patients, pour diverses raisons (<a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1300/J485v08n02_08">genre</a>, <a href="https://www-cairn-info.docelec.u-bordeaux.fr/revue-sante-publique-2007-2-page-99.htm">origine ethnique</a>, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1636652220302130">statut social</a>…). Que cela se produise de façon volontaire ou non, cette barrière discriminatoire influe parfois sur l’accès aux soins.</p>
<p>Enfin, une autre barrière, organisationnelle, celle-là, peut se dresser sur la route de l’accès aux soins. Elle correspond au fait que les ressources matérielles ou humaines d’une unité de soins ne répondent pas aux besoins des patients. C’est par exemple le cas <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25087546/">lorsqu’un service a mis en place un système de prise de rendez-vous exclusivement par Internet</a>, excluant par là même de nombreuses personnes âgées. L’absence d’un professionnel maîtrisant la langue des signes est également une <a href="https://www-cairn-info.docelec.u-bordeaux.fr/revue-sante-publique-2016-2-page-213.htm">barrière pour certaines personnes porteuses de handicaps auditifs</a>.</p>
<p>Les exemples pourraient être multipliés, mais il s’agit simplement de comprendre que, lorsque le système de soins ne s’adapte pas aux besoins spécifiques de certains patients, alors ces derniers peuvent en venir à renoncer.</p>
<h2>Mieux cibler les populations qui risquent de renoncer aux soins</h2>
<p>Il est difficile d’évaluer véritablement l’ampleur du phénomène de renoncement aux soins en France. En effet, comme évoqué précédemment, puisque le renoncement est subjectif, les réponses varient beaucoup en fonction de la façon dont sont interrogés les individus.</p>
<p>Généralement, les enquêtes introduisent des questions sur le renoncement aux soins sans en préciser les raisons, ou bien en les focalisant spécifiquement sur les raisons financières. On observe généralement des questions du type « Au cours des 12 derniers mois, avez-vous renoncé à des soins pour des raisons financières ? Si oui, à quels soins ? » De ce fait, les données sur les autres formes de renoncement sont malheureusement très parcellaires, voire inexistantes.</p>
<p>Bien que les mesures diffèrent, on trouve cependant généralement des similarités entre les profils des individus qui renoncent aux soins. Ces travaux ont aussi permis d’identifier les caractéristiques qui augmentent le risque de renoncer et celles qui, au contraire, protègent.</p>
<p>On sait par exemple que les <a href="https://www.ijhpm.com/article_4258.html">femmes renoncent davantage aux soins que les hommes</a>. Cela pourrait être dû aux <a href="https://www.em-consulte.com/article/1384843/le-renoncement-aux-soins-une-affaire-de-genre-">différences de rapports à la santé et aux soins entre les hommes et les femmes</a>, qui poussent ces dernières à avoir davantage conscience de leurs besoins de soins : contrairement aux hommes, moins à l’écoute de leur santé, elles s’apercevraient davantage qu’elles ne peuvent accéder aux soins nécessaires.</p>
<p>On sait également que c’est <a href="https://www.irdes.fr/Publications/2011/Qes170.pdf">durant les âges de la vie active</a> que l’on renonce le plus, <a href="https://www.jstor.org/stable/1830580#metadata_info_tab_contents">potentiellement par manque de temps à consacrer à sa santé</a>. <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32474715/">Le fait de fumer</a> est également associé à davantage de renoncement.</p>
<p>De même, plus on est en mauvaise santé <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2020-10/dtee120.pdf">physique</a> et <a href="https://www-cairn-info.docelec.u-bordeaux.fr/revue-population-2022-1-page-77.htm">mentale</a> et plus on renonce. Il est cependant difficile de déterminer ce qui est de l’ordre de la cause et de la conséquence : renonce-t-on aux soins parce que l’on est en mauvaise santé, ou est-on en mauvaise santé parce que l’on renonce ?</p>
<p>Pour ce qui est du renoncement aux soins pour raisons financières, la littérature scientifique soulève logiquement le <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications/etudes-et-statistiques-2006-2016/renoncement-aux-soins-actes-du-colloque-du-22">rôle des revenus</a> (plus on est riche, moins on renonce) et de la <a href="https://www-cairn-info.docelec.u-bordeaux.fr/revue-francaise-des-affaires-sociales-2021-3-page-179.htm">précarité</a>. Également, le fait de <a href="https://journals.openedition.org/economiepublique/8851">disposer d’une couverture maladie complémentaire</a> diminue le risque de renoncer, <em>a fortiori</em> si cette couverture est de bonne qualité.</p>
<p>En définitive, ces travaux permettent donc d’identifier quelles populations doivent être particulièrement ciblées dans la lutte contre le renoncement. Pour être efficaces, les politiques visant à assurer un accès aux soins adéquat pour tous doivent mobiliser des outils adaptés à ces groupes. Cela implique de parvenir à une appréhension globale des déterminants du renoncement et de la façon dont ils agissent sur les décisions prises par les membres des différents groupes sociaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185613/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Iñaki Blanco-Cazeaux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au-delà du manque d’offres de soin, notamment dans les « déserts médicaux », diverses raisons expliquent que certains renoncent à se soigner. Mieux les identifier permet d’améliorer la santé publique.Iñaki Blanco-Cazeaux, Doctorant en santé publique, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1853192022-06-28T17:04:49Z2022-06-28T17:04:49ZRadiologie : pourquoi l’IA n’a (toujours) pas remplacé le médecin<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/471097/original/file-20220627-15980-fydn8w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=113%2C15%2C3229%2C2589&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il y a six ans, un expert pronostiquait la disparition des radiologues au profit de l'IA. Une erreur. </span> <span class="attribution"><span class="source">MArt Production / Pexel</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>« On devrait arrêter de former des radiologues maintenant. Il est tout à fait évident que dans cinq ans, le “deep learning” fera mieux que les radiologues. » </p>
</blockquote>
<p>Prononcée en 2016 par l’informaticien <a href="https://www.youtube.com/watch?v=2HMPRXstSvQ">Geoffrey Hinton</a>, co-récipiendaire du prestigieux Prix Turing 2018 pour ses travaux sur les réseaux de neurones, la sentence a fortement marqué l’imaginaire collectif.</p>
<p>Nourrie par les promesses industrielles et relayée par certains médecins médiatiques, la thématique a essaimé dans la presse et les médias sociaux où l’on a vu s’imposer l’image d’une révolution à venir de la médecine en raison du développement de l’intelligence artificielle (IA).</p>
<p>Pourtant, six ans plus tard, la déclaration relève davantage de la fausse prophétie que de l’anticipation visionnaire… Le « grand remplacement » des médecins par l’IA n’a pas eu lieu. À l’inverse, l’évolution de la démographie médicale et l’augmentation du nombre d’examens d’imagerie donnent davantage à voir un manque de radiologues que leur mise au chômage technique.</p>
<p>Des logiciels sont pourtant disponibles et mis sur le marché, le plus souvent par des start-up telles que <a href="https://azmed.co/">AZmed</a>, <a href="https://www.gleamer.ai/">Gleamer</a>, <a href="https://incepto-medical.com/fr">Incepto</a>, <a href="https://pixyl.ai/">Pixyl</a> ou <a href="https://www.therapixel.com/">Therapixel</a>. La radiologie arrive ainsi au premier rang des champs d’application des logiciels d’IA validés par l’agence de régulation américaine FDA (<a href="https://www.fda.gov/medical-devices/software-medical-device-samd/artificial-intelligence-and-machine-learning-aiml-enabled-medical-devices">plus de 200 logiciels</a>) ou bénéficiant d’un marquage Conformité Européenne (CE) (<a href="https://grand-challenge.org/aiforradiology/">environ 200</a>). Les publications scientifiques sur le sujet sont également florissantes, avec <a href="https://www.ajronline.org/doi/10.2214/AJR.19.21346">plus de 8800 articles parus entre 2000 et 2018</a>.</p>
<p>Face aux promesses soutenues par des progrès réels, comment dès lors expliquer que l’utilisation réelle de l’IA reste relativement timide (environ 30 % des radiologues américains <a href="https://www.jacr.org/article/S1546-1440(21)00293-3/fulltext">affirmant l’avoir déjà utilisée</a>) ? La clé de lecture de ces nouveaux usages doit ici prendre en compte les logiques professionnelles. Notre récente enquête, publiée dans le cadre d’un dossier de la revue <em>Réseaux</em> dédié au <a href="https://www.cairn.info/revue-reseaux-2022-2.htm">contrôle de l’IA</a>, permet d’apporter une première analyse de ces <a href="https://www.cairn.info/revue-reseaux-2022-2-page-65.htm?ref=doi">transformations en cours</a>.</p>
<h2>Réappropriation et régulation professionnelles</h2>
<p>Suite aux discours médiatiques sur sa possible disparition, la profession a tout d’abord scruté avec méfiance le développement de la technologie. Dans une étude publiée en 2021, 38 % des praticiens européens interrogés craignaient en effet que l’IA soit une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00330-021-07781-5">menace pour leur activité</a>.</p>
<p>Loin de rester passives, la profession et ses instances de représentation se sont alors mobilisées pour faire face à l’irruption de l’IA, anticiper les usages possibles et défendre leur territoire.</p>
<p>Les radiologues se sont engagés dans un travail normatif visant à se réapproprier ces outils et à en promouvoir une utilisation conforme avec leurs attentes professionnelles.</p>
<p>Cette définition des « bons usages » prend plusieurs formes : identification des tâches où l’IA serait profitable, proposition de directives quant au développement des logiciels (conditions techniques et pertinence des bases de données d’entraînement, etc.), recommandations concernant leur <a href="https://www.jacr.org/article/S1546-1440(21)00740-7/fulltext">évaluation</a> ou leur <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2211568420302928?via%3Dihub">utilisation</a>, etc.</p>
<p>Surtout, les radiologues rappellent que leur métier ne consiste pas simplement à lire des images.</p>
<p>Quand bien même l’IA ferait aussi bien qu’eux sur une tâche d’interprétation, <a href="https://www.bmj.com/content/374/bmj.n1872">ce qui est actuellement contestable</a>, il demeurerait bien délicat de substituer un logiciel à un praticien. Plutôt que de se voir remplacé, le secteur professionnel privilégie donc le narratif du radiologue travaillant avec l’IA afin d’améliorer la prise en charge des malades.</p>
<p>Mais les critiques portent également sur les promesses mêmes de l’IA en regard de ses performances réelles. Il apparaît en effet que ces outils nécessiteraient d’être mieux évalués : en 2021, plus de 60 % des logiciels disposant d’un marquage CE n’avaient fait l’objet <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00330-021-07892-z">d’aucune publication scientifique</a>. En l’absence d’essais cliniques robustes se pose la question de leur efficacité en conditions réelles.</p>
<p>Ces revendications ne sont pas des protestations de pure forme : elles agissent en retour sur les industriels du secteur. En effet, plusieurs d’entre eux reprennent maintenant à leur compte l’argument du non-remplacement des radiologues, ou tentent de montrer patte blanche en publiant des articles évaluant la <a href="https://twitter.com/screenpointmed/status/1397122303259971584">performance de leurs logiciels</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1400465608479703054"}"></div></p>
<p>Cette mise en conformité avec les attentes des médecins peut bien entendu se lire comme une adaptation de l’argumentaire commercial à la cible de vente. Mais il s’agit aussi pour ces entreprises de parvenir à engager et stabiliser des collaborations… En effet, la participation des radiologues est nécessaire pour l’évaluation des logiciels et l’accès aux bases de données d’images permettant d’entraîner les algorithmes.</p>
<h2>Une régulation étatique en retrait ?</h2>
<p>Les professions de santé se retrouvent donc en première ligne pour faire face à l’arrivée dans leur pratique de ces nouveaux dispositifs impliquant l’IA. À l’inverse, les régulations administratives et sectorielles sont, elles, encore en construction. Elles ne concernent plus seulement ici le cas de la radiologie, mais celui plus général du déploiement de l’IA en médecine.</p>
<p>Certes, le cadre réglementaire évolue pour prendre en compte ces nouvelles technologies – en attestent la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043884384">récente loi de bioéthique</a> ou la mise en application du <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/ALL/?uri=uriserv:OJ.L_.2017.117.01.0001.01.ENG">règlement européen relatif aux dispositifs médicaux</a> en mai 2021. Mais, bien que ce dernier durcisse les conditions d’obtention du marquage CE, il apparaît toujours comme moins exigeant que son équivalent américain (la validation FDA). Et il fait pâle figure en comparaison des normes fixées pour la mise sur le marché des médicaments.</p>
<p>Alors même que leur prix est l’un des enjeux centraux à venir, le fait qu’il s’agisse de dispositifs médicaux à destination des professionnels pose également question en regard de leur procédure de prise en charge en vue d’un remboursement. Si la Haute autorité de santé a évalué des applications à destination des patients, par exemple pour le suivi du <a href="https://www.has-sante.fr/upload/docs/evamed/CNEDIMTS-6357_DBLG1_15_d%C3%A9cembre_2020(_6357_)avis.pdf">diabète</a> ou en <a href="https://www.lesechos-etudes.fr/blog/actualites-21/moovcare-premiere-therapie-numerique-a-etre-remboursee-en-france-9725">oncologie</a>, et a publié une <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/p_3212876/fr/un-nouvel-outil-pour-l-evaluation-des-dispositifs-medicaux-embarquant-de-l-intelligence-artificielle">grille d’évaluation</a> à ce sujet, les logiciels professionnels en radiologie et ailleurs restent à ce jour moins scrutés par les autorités de santé.</p>
<p>Leur usage destiné aux praticiens explique peut-être qu’ils soient passés sous les radars du débat citoyen. Les enjeux liés aux <a href="https://theconversation.com/medecine-personnalisee-attention-a-la-collecte-massive-des-donnees-124520">données de santé et à leur protection</a> ont pourtant pu faire l’objet de vifs échanges, notamment concernant le développement du <a href="https://theconversation.com/donnees-de-sante-larbre-stopcovid-qui-cache-la-foret-health-data-hub-138852"><em>Health Data Hub</em></a> (groupement d’intérêt public réunissant notamment la CNAM, le CNRS, la Haute Autorité de santé, etc., travaillant aux « <a href="https://www.health-data-hub.fr/qui-sommes-nous">grandes orientations stratégiques relatives au Système national des données de santé</a> (SNDS) fixées par l’État et notamment le ministère des Solidarités et de la Santé »).</p>
<p>De fait, les interrogations ne manquent pas :</p>
<ul>
<li><p>Problématique du <a href="https://www.statnews.com/2020/07/15/artificial-intelligence-patient-consent-hospitals/">consentement des patients à l’analyse de leurs examens par l’IA</a>,</p></li>
<li><p>Critique de la <a href="https://pubs.rsna.org/doi/10.1148/radiol.2020192536">commercialisation des données d’imagerie</a>,</p></li>
<li><p>Questionnements soulevés par la découverte récente de la <a href="https://www.thelancet.com/journals/landig/article/PIIS2589-7500(22)00063-2/fulltext">capacité des algorithmes à attribuer une catégorie ethnoraciale aux patients</a>, etc.</p></li>
</ul>
<p>Si les développements actuels en radiologie invitent à rester prudent face aux promesses de l’IA et à ne pas céder à une forme de <a href="https://xkcd.com/1831/">solutionnisme technologique</a>, les transformations sont en cours et appellent à une vigilance politique et éthique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185319/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Léo Mignot a reçu des financements de l'Institut national du cancer (INCa).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Émilien Schultz ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L'utilisation de l'AI en médecine a beaucoup fait parler, mais qu'en est-il vraiment ? Le cas concret de son appropriation en radiologie montre les limites et les questions qu'elle pose.Léo Mignot, Docteur en sociologie, Université de BordeauxÉmilien Schultz, Chercheur en sociologie des sciences et de la santé, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1847842022-06-13T19:13:39Z2022-06-13T19:13:39ZLe lourd impact de l’épidémie de Covid sur la santé mentale des médecins libéraux en France<p>Dès le début de la pandémie de Covid-19 début 2020, des psychiatres ont alerté sur le risque d’augmentation de troubles psychiatriques. Très tôt, des études ont ainsi été réalisées chez les jeunes (<a href="https://jamanetwork.com/journals/jamanetworkopen/fullarticle/2784787">adolescents</a>, <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamanetworkopen/fullarticle/2772154">étudiants</a> et <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35221022/">étudiants en santé</a>), chez les soignants hospitaliers et également en <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/etudes-et-enquetes/coviprev-une-enquete-pour-suivre-l-evolution-des-comportements-et-de-la-sante-mentale-pendant-l-epidemie-de-covid-19">population générale</a>).</p>
<p>Mais, paradoxalement, peu d’études se sont intéressées aux médecins libéraux.</p>
<h2>Une souffrance qui précède la pandémie</h2>
<p>La souffrance psychologique des médecins libéraux est une problématique apparue et connue bien antérieurement à la récente pandémie. En effet, elle était déjà étudiée depuis au moins 20 ans, avec notamment les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/19320224/">travaux du Dr Didier Truchot</a> et le rapport au Conseil National de l’Ordre des médecins du Dr Leopold en 20036. Avant la pandémie, la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0165032718314873">prévalence du burn-out chez les médecins généralistes français était évaluée à 48 %</a> dans cette population.</p>
<p>Le burn-out des médecins est un problème de santé publique non seulement pour les médecins qui en souffrent, mais également pour leurs patients en raison des conséquences sur la qualité des soins délivrés : moins d’empathie, <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamanetworkopen/fullarticle/2773831">plus de risque d’erreurs médicales</a>… Ainsi, une étude sur des médecins généralistes anglais retrouvait une association entre une durée importante à réaliser des tâches administratives et un faible niveau de bien-être/haut niveau de burn-out qui était lui-même associé à un <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31015224/">risque plus important d’erreurs médicales</a>.</p>
<p>Une mauvaise santé mentale est aussi associée à une <a href="https://bmjopen.bmj.com/content/9/2/e026048">élévation du désir d’arrêter d’exercer</a>. La souffrance psychologique des médecins pourrait donc être un facteur indirect aggravant la pénurie de professionnels.</p>
<p>En France, au 1<sup>er</sup> janvier 2021, les médecins libéraux représentaient 41,8 % des médecins actifs réguliers soit une baisse de 11 % par rapport à 2010. Cette aggravation de la pénurie de médecins libéraux a pour conséquence un accroissement de la charge de travail pour ceux qui restent. De plus, il y a un vieillissement des médecins : la <a href="https://www.conseil-national.medecin.fr/lordre-medecins/conseil-national-lordre/demographie-medicale">moitié ont plus de 60 ans contre seulement 30 % en 2010</a>.</p>
<p>Cela parait très inquiétant pour les années à venir, avec un taux de départ à la retraite qui sera élevé.</p>
<h2>La pandémie comme révélateur</h2>
<p>La pandémie mondiale a eu un impact sur la santé mentale des populations et a mis en lumière l’importance de ce sujet en population générale.</p>
<p>Dans un précédent article, nous avions expliqué les <a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-souffrance-psychologique-des-etudiants-est-difficile-a-apprehender-149590">problèmes liés aux modes de mesure et à la définition de la « Santé mentale »</a>. Dans ce nouveau texte, nous parlerons de symptômes dépressifs et anxieux, évalués par l’<a href="https://www.researchgate.net/publication/351475396_Accuracy_of_the_Hospital_Anxiety_and_Depression_Scale_Depression_subscale_HADS-D_to_screen_for_major_depression_Systematic_review_and_individual_participant_data_meta-analysis">échelle HADS (hospitalisation and depression scale)</a> qui est validée en langue française et très utilisée dans le monde.</p>
<p>Nous aborderons également la question du burn-out, terme créé en 1974 pour désigner l’<a href="https://www.semanticscholar.org/paper/Staff-burn-out-Freudenberger/c56e422412edc99ef1c616944d76b4b9304a35a5">épuisement professionnel des soignants</a> et depuis élargi à d’autres populations. Et nous traiterons de l’insomnie mesurée par l’index de sévérité du sommeil (ISI), une échelle de mesure reconnue et utilisée pour les études sur ce sujet dans le monde.</p>
<p>Durant la première vague, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32866409/">46,6 % des médecins travaillant dans les unités de réanimation et soins intensifs souffraient de symptômes anxieux, et 25 % de symptômes dépressifs (score HAD>7)</a> ; ils étaient <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34023323/">47,4 % et 30,8 % respectivement durant la seconde vague</a>.</p>
<p>La question de la souffrance des médecins libéraux pendant la pandémie a moins été étudiée probablement du fait que la problématique première était de trouver des lits d’aval pour les patients souffrant de symptômes sévères. Pendant la première vague, une étude retrouve <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7491419/">30,6 % de symptômes dépressifs chez des radiologues français</a> et une autre <a href="https://bmcprimcare.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12875-021-01382-3">49,6 % de sentiment d’anxiété chez des médecins généralistes</a>.</p>
<p>Notre étude a évalué la souffrance psychologique de 1992 médecins libéraux français, toutes spécialités confondues, dont <a href="https://www.hal.inserm.fr/inserm-03650486/">48 % de médecins généralistes, inscrits sur Doctolib, pendant la seconde vague (novembre 2020)</a>. 73 % des répondants avaient entre 30 et 60 ans et 25 % avaient plus de 60 ans ; 58 % étaient des femmes.</p>
<p>Nous avons repris les mêmes échelles que pour une étude réalisée sur les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31703985/">médecins hospitaliers de l’AP-HP en 2017-2018</a> : nous avons évalué la présence de symptômes anxieux et dépressifs avec la HADS (score HAD>7), la <a href="https://www.researchgate.net/publication/247511197_The_Copenhagen_Burnout_Inventory_A_new_tool_for_the_assessment_of_burnout">présence de burn-out avec la Copenhagen Burnout Inventory (CBI)</a> et l’<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21532953/">insomnie avec l’Insomnia Severity Index</a>.</p>
<p>Dans notre étude, 71 % des médecins souffraient de burn-out, 46 % d’insomnie, 59 % de symptômes anxieux et 27 % de symptômes dépressifs. Cette souffrance psychologique avait un impact important : au cours de la dernière année, 31 % avaient pris des psychotropes (anxiolytique, antidépresseurs, somnifères…) et 28 % avaient augmenté leur consommation d’alcool ou de tabac.</p>
<p>Les médecins généralistes déclaraient en outre souffrir significativement plus de burn-out que les autres spécialités (75 % versus 68 %) et consommer davantage de médicaments psychotropes (34 % versus 28 %).</p>
<p>Plusieurs raisons, dont certaines anciennes, mais accentuées par la pandémie, peuvent expliquer ces chiffres inquiétants : la charge de travail importante liée notamment au manque de médecins, la part croissante de la charge administrative, la souffrance des patients et de leurs proches, la peur de contracter le virus et de le transmettre à leur famille, l’absence de recommandations claires pour la prise en charge des patients face à une maladie émergente.</p>
<p>Une autre raison est le climat de violence envers les médecins. Comme l’indique une étude anglaise récente, l’<a href="https://www.bmj.com/content/377/bmj.o1333">augmentation des actes d’agression est antérieure à la pandémie</a>. En France, sur les quatre dernières années (2017-2020), l’<a href="https://www.egora.fr/actus-pro/violence/74080-medecins-agresses-pendant-le-covid-ces-chiffres-de-l-ordre-qui-sont-passes">observatoire de la sécurité des médecins recense en moyenne plus de 1000 incidents par an</a>. Plus récemment, les opposants à la vaccination ont été jusqu’à <a href="https://www.nouvelobs.com/coronavirus-de-wuhan/20210921.OBS48898/on-va-te-mettre-une-balle-ces-medecins-menaces-de-mort-par-les-antivax.html">menacer de mort des praticiens</a>.</p>
<h2>Et une opportunité de changement ?</h2>
<p>Comme le soulignait un éditorial de la revue médicale britannique</p>
<p>The <em>Lancet</em>, le Covid-19 a représenté un défi pour le bien-être des médecins, mais il peut également <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanpub/article/PIIS2468-2667(21)00028-1/fulltext">servir d’opportunité pour une prise de conscience du problème et le développement d’actions pour y remédier</a>.</p>
<p>En effet, même s’il existe depuis 2018 un <a href="https://www.santementale.fr/2018/03/un-numero-vert-pour-les-medecins-en-difficultes/">numéro vert pour les médecins en difficulté</a> et quelques <a href="https://www.leparisien.fr/societe/sante/burn-out-des-medecins-dieu-merci-je-n-ai-tue-personne-01-08-2018-7839981.php">unités d’hospitalisation pour les soignants en burn-out</a>, le sujet reste tabou. La culture médicale étant de souffrir en silence, avec une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33053277/">stigmatisation des médecins qui reconnaissent avoir des troubles psychologiques</a>.</p>
<p>Le site de l’ordre des médecins recense toutefois quelques <a href="https://www.conseil-national.medecin.fr/lordre-medecins/linstitution-ordinale/lentraide">associations régionales d’entraide pour les soignants</a> comme le <a href="https://reseau-asra.fr/le-reseau-asra/">Réseau ASRA (Aide aux Soignants Auvergne-Rhône-Alpes)</a> ou l’association MOTS (Mieux être pour mieux soigner). Mais les structures de ce type restent peu nombreuses.</p>
<p>La prise de conscience liée à la pandémie peut donc être l’occasion de briser le tabou et de développer des actions qui ont déjà fait la preuve de leur efficacité : thérapies de réduction du stress, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27918798/">discussions en petits groupes</a>, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22106247/">communautés de soutien par les pairs</a>… Conformément aux recommandations internationales, les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7267055/">psychiatres devraient être sollicités</a> pour <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7491607/">développer et organiser ces actions</a>.</p>
<p>Le développement de ces actions nécessite des moyens financiers, et cela n’a pas été abordé lors du Ségur de la Santé. Au niveau de l’organisation, il serait possible de s’appuyer sur les Conseils de l’ordre de médecins départementaux et sur les Unions Régionales des Professionnels de Santé (URPS) représentatives des médecins libéraux sur tout le territoire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184784/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ariel Frajerman a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR-17-CE37-003-01EPI jeune) et par
l'Agence Régionale de Santé (contrat ARS 2020-10-37- FRAJERMAN) Ile de France. Il est actuellement employé par l'Assistance Publique des Hôpitaux de Paris (AP-HP).
Ariel Frajerman a rédigé des rapports pour la fondation Jean Jaurès et a collaboré avec les associations d'étudiants en médecine (ANEMF, ISNAR IMG et ISNI) pour une étude scientifique.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-François Costemale-Lacoste est membre du syndicat Avenir Spé / Le Bloc, et de l'URPS Auvergne Rhône-Alpes.</span></em></p>Souffrance psychologique et risques liés au burn-out chez les médecins de ville ne sont pas un phénomène nouveau. Mais le Covid l’a amplifié au point qu’il atteint désormais une ampleur inquiétante.Ariel Frajerman, Md- PhD, medical psychiatrist at Hopital Kremlin-Bicêtre, InsermJean-François Costemale-Lacoste, Psychiatre clinicien et docteur en Neurosciences spécialiste des troubles de l'humeur , chercheur (équipe "MOODS"), InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1810962022-04-24T20:28:31Z2022-04-24T20:28:31ZRéformer les formations pour faire évoluer le système de santé<p><em>Co-écrit avec Stéphane Le Bouler, secrétaire Général du Haut Conseil de l’Évaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur, cet article présente quelques-unes des problématiques clés de l’ouvrage <a href="https://pufr-editions.fr/produit/etudes-de-sante/">« Etudes de santé : le temps des réformes »</a>.</em></p>
<hr>
<p>La réforme des organisations de santé est en permanence à l’agenda des pouvoirs publics mais ce n’est pas seulement un sujet budgétaire ou un sujet de spécialistes. Cette réforme nécessite de s’intéresser à la formation des médecins et autres professionnels de santé tant celle-ci emporte de conséquences en termes de qualité de la prise en charge, de relations médecins-malades, de couverture des besoins de la population au plan territorial mais aussi de performance de la recherche et de capacités d’innovation (thérapeutique, technologique, organisationnelle).</p>
<p>Les dépenses de santé sont, pour une large part, des dépenses de personnel ou des dépenses prescrites par les soignants : la formation de ceux-ci, leur capacité à coopérer et à se coordonner, les échanges d’informations mais aussi les représentations que se font les usagers sont des variables essentielles.</p>
<p>Réciproquement, les formations doivent en permanence se renouveler pour prendre en compte et diffuser, en formation initiale et en cours de carrière, les innovations en termes de prises en charge et d’organisation.</p>
<h2>De nouveaux défis</h2>
<p>La pandémie de Covid-19 a fait ressurgir, et avec force, la thématique des maladies infectieuses. Cela ne doit pas occulter une tendance de fond : la part de mortalité liée à ces maladies <a href="https://books.openedition.org/cdf/1657">a été globalement réduite au cours des dernières décennies</a> dans les pays industrialisés. Les maladies cardiovasculaires restent la première cause de mortalité, mais le risque de mortalité aiguë au moment d’un événement a diminué, conduisant à augmenter le nombre de personnes souffrant des conséquences chroniques de ces maladies (insuffisance cardiaque, déficits neurologiques, etc.).</p>
<hr>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-maladies-chroniques-sont-sous-estimees-comment-mieux-les-prendre-en-charge-150874">Les maladies chroniques sont sous-estimées : comment mieux les prendre en charge ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Par ailleurs, les progrès thérapeutiques ont permis d’augmenter la survie des patients atteints de cancer. Enfin, la transition démographique (augmentation de la longévité et diminution de la fécondité) aboutit à un vieillissement de la population. Ainsi, le système de santé est de plus en plus confronté aux maladies chroniques et aux conséquences du grand âge (dépendance), impliquant de <a href="https://journals.openedition.org/socio/2300">renforcer l’accompagnement</a> et la personnalisation des réponses.</p>
<p>Le caractère interprofessionnel du travail doit faire partie intégrante de la <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782804194239-comment-mieux-former-et-evaluer-les-etudiants-en-medecine-et-en-sciences-de-la">formation universitaire</a> dans la mesure où un certain nombre de situations font intervenir de nombreux acteurs (issus des champs sanitaire, médico-social, social et de l’entourage de la personne) afin de construire la meilleure réponse individualisée coordonnée (<a href="https://www.vie-publique.fr/rapport/276809-personnes-agees-poly-pathologiques-quels-enjeux-de-demographie-medicale">rapport ONDPS 2019</a>).</p>
<h2>Une question à l’agenda</h2>
<p>Si l’organisation du système de santé surgit de temps à autre dans l’actualité, la question de la formation des professionnels reste peu médiatisée, volontiers laissée aux acteurs de la formation : les facultés de médecine, de pharmacie ou d’odontologie, longtemps davantage identifiées ici que les universités auxquelles elles appartiennent ou les institutions de la formation paramédicale, en particulier les anciennes « écoles d’infirmières », connues dans le grand public.</p>
<p>Pourtant, les réformes en matière de formations de santé sont très régulièrement à l’agenda des pouvoirs publics. Elles y sont même en permanence ces dernières années mais, la plupart du temps, dans un registre technique, avec une forme de délégation aux corps spécialisés de formateurs, au premier chef les <a href="https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/maine-et-loire/deux-angevins-defendent-les-reformes-des-etudes-de-sante-une-coherence-au-service-des-patients-69449e50-b1b9-11ec-9a7f-742a0ff31324">doyens et les professeurs de médecine</a> au sein des facultés.</p>
<p>On objectera qu’on a un peu parlé de la <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/refonte-du-premier-cycle-des-etudes-de-sante-pour-les-metiers-medicaux-47779">suppression du numerus clausus</a> de médecine sur les estrades des campagnes électorales et dans les médias. Présence très fugace cependant, et ambivalente puisqu’on supprime le numerus clausus national tout en en confiant la régulation aux universités. De cette réalité de la réforme, et du fait qu’elle ne produirait des effets que dans dix ans, il ne fut guère question. La suppression du numerus clausus a d’ailleurs occulté l’autre volet – plus crucial encore – de la réforme : la diversification de l’accès aux études médicales et pharmaceutiques ainsi que la possibilité offerte aux reçus-collés (c’est-à-dire les étudiants ayant eu de bons résultats sans figurer parmi les candidats sélectionnés) de poursuivre une formation sans repartir à zéro.</p>
<p>Les décisions publiques en matière de formation engagent le temps long. Cela est vrai des réformes elles-mêmes, qu’il s’agisse de l’enseignement scolaire (que l’on songe aux débats sur le « collège unique » ou aux transformations du lycée ou du baccalauréat) ou de l’enseignement supérieur. Cela est vrai aussi des impacts et des conséquences de ces décisions. Les institutions de formation (normes, équipements, ressources humaines) se restructurent dans la durée. Les trajectoires professionnelles se construisent à long terme et ne s’infléchissent pas facilement.</p>
<p>Ces constats se vérifient particulièrement dans le champ de la santé, compte tenu de la durée des études médicales (celles qui structurent l’ensemble) mais aussi de l’intrication entre le système de formation et le système de santé.</p>
<p>Tout cela impose de prendre le temps de considérer les relations entre ces deux systèmes, pour comprendre leurs relations, mesurer les exigences du changement et, d’un point de vue opérationnel, la portée des stratégies de régulation et de planification.</p>
<h2>Quelle régulation ? Quelle planification ?</h2>
<p><a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000886688/">Le système de départ</a>, dont on s’éloigne progressivement, peut être assez simplement décrit :</p>
<ul>
<li><p>une organisation des formations cloisonnée, hiérarchique et discontinue (médecins/autres professions, centres hospitaliers universitaires/autres hôpitaux, spécialistes de deuxième recours/généralistes, formations courtes/longues) ;</p></li>
<li><p>un régime statutaire dual (salarié/libéral) ;</p></li>
<li><p>des financements cloisonnés (ville/hôpital, actes/budget global, etc.) ;</p></li>
<li><p>une gouvernance distincte (régalienne/conventionnelle, État/assurance maladie, et au plan régional).</p></li>
</ul>
<p>Les professions évoluent : la profession médicale est écartelée entre spécialisation de plus en plus poussée et préoccupation holiste, les rôles des spécialités de ville et de la spécialité de médecine générale semblent plus incertains, une forme de continuum se cherche entre les professions, etc.</p>
<p>Les outils de régulation quantitative des effectifs en formation (numerus clausus et quotas) peinent à suivre l’ouverture internationale – et, singulièrement, la libre circulation des professionnels au sein de l’espace européen – et à s’adapter aux aspirations des professionnels comme aux modifications de la demande sociale. De fait, les déséquilibres sont multiples (sur le territoire, par spécialité, au niveau des professions), les corrections brutales (cf. numerus clausus).</p>
<hr>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/medecins-scolaires-un-role-trop-meconnu-155335">Médecins scolaires, un rôle trop méconnu ?</a>
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<p>Les outils de régulation en aval de la formation apparaissent quant à eux tardifs. De plus, ils sont ponctuels (au lieu de prendre en charge le parcours, de la formation à la stabilisation professionnelle), disjoints (la protection sociale est une variable clé de l’entrée dans la carrière, pas toujours prise en compte comme elle le devrait), cloisonnés (effectifs en ville/effectifs hospitaliers).</p>
<p>Pour être en mesure d’affronter les transformations à venir, un certain nombre d’exigences en matière de formation se font dès lors de plus en plus pressantes : une <a href="https://regions-france.org/actualites/actualites-nationales/gouvernement-regions-renforcent-engagement-commun-faveur-formations-sanitaires-sociales/">nouvelle approche de la régulation quantitative</a>, un rôle privilégié pour l’Université, un travail sur les processus de spécialisation, l’adaptation des métiers à conduire dans le cadre du « virage ambulatoire », l’inter-professionnalité et la transversalité, une aspiration très forte à la mobilité, le développement d’une politique qualité et une régulation globale plus cohérente. Ce sont tous ces aspects qu’il faut prendre en compte pour mesurer la portée des réformes actuelles des formations de santé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181096/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pauline Lenesley est membre du think tank Lisa Laboratoire d'Idées Santé Autonomie. </span></em></p>Si la santé est un bien commun, la réforme des études de médecine et celle des formations paramédicales devraient être l’affaire de tous. Voici quelques éclairages sur les enjeux en cours.Pauline Lenesley, Maitre de conférences en sciences de gestion spécialité management de la santé, IAE Caen - Université Caen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1738522021-12-16T20:09:48Z2021-12-16T20:09:48ZUne troisième voie pour améliorer le système de santé français ?<p>Malgré une crise sanitaire qui n’en finit pas, le thème de la santé peine à s’imposer dans une campagne électorale engluée dans des problématiques identitaires et sécuritaires. Les sondages structurels (non électoraux) mettent pourtant la santé au premier rang des préoccupations des Français – selon le baromètre CSA en 2020, dès 2016 selon le baromètre BVA.</p>
<p>Afin d’éclairer et de susciter le débat, le CES (Collège des économistes de la santé) vient de publier un ouvrage collectif intitulé <a href="https://eska-publishing.com/fr/gestion-et-economie/1133231-le-systeme-de-sante-francais-aujourd-hui-brochee.html"><em>Le système de santé français aujourd’hui. Enjeux et défis</em></a> (éditions ESKA). Cet ouvrage réunit 30 contributeurs, économistes de la santé français, et ambitionne d’analyser les principaux défis auxquels notre système de santé fait face.</p>
<p>De façon dépassionnée, et sur la base d’une littérature académique nationale et internationale, le Collège tente également de proposer des pistes de recommandations pour rendre le système plus efficient et plus juste. Ces solutions contribueraient à renforcer un modèle original dans le paysage mondial, représentant une forme de troisième voie, ni étatique, ni privatisé, avec la juste balance qui semblait caractériser le système de santé français jusqu’ici.</p>
<h2>La pandémie : révélatrice des insuffisances du système de santé français</h2>
<p>La pandémie de Covid-19 a souligné, parfois avec cruauté, certaines insuffisances de notre système. Elle a d’abord mis en lumière l’absence d’une stratégie territorialisée de gestion du risque sanitaire et l’incapacité de prendre des décisions adaptées à un niveau infranational.</p>
<p>La crise exacerbe la rigidité d’un système de soins trop centralisé, spécialiste de la prise en charge de malades chroniques à l’hôpital public et sous-équipé, sous-entraîné pour une « course de fond ». Elle jette aussi le doute sur la médecine libérale, qui finalement a très peu participé à la réponse sanitaire.</p>
<p>Mais la pandémie a aussi révélé une véritable capacité d’adaptation des professionnels de santé, à l’hôpital et en ville, et des industriels pharmaceutiques : les processus d’innovation thérapeutique et technologique ont été accéléré, avec le succès constaté d’une production de vaccins à l’échelle internationale, bien que la distribution effective de ces vaccins dans les pays du Sud reste encore à réaliser.</p>
<p>Les défis sont donc de taille et préexistaient bien avant les premières manifestations de cette pandémie. Y figurent en bonne place : l’accès aux soins primaires sur tout le territoire, le manque de coordination entre médecine de ville et hôpital, d’une part, et entre acteurs du soin et de la sphère médico-sociale, d’autre part ; le déficit de prévention et le délaissement relatif de la santé publique (comparé à d’autres pays) ; les inégalités sociales de santé et d’accès aux soins ou encore la surconsommation de tabac et d’alcool.</p>
<h2>Quelles recommandations ?</h2>
<p>Les contributeurs de l’ouvrage ciblent sept grands chantiers :</p>
<ul>
<li><p>Repenser l’organisation du financement des dépenses de santé,</p></li>
<li><p>Améliorer la couverture du risque santé et du risque dépendance,</p></li>
<li><p>Réorganiser en profondeur l’offre de soins,</p></li>
<li><p>Développer les systèmes d’information en santé,</p></li>
<li><p>Réfléchir au budget à consacrer à l’innovation médicale,</p></li>
<li><p>Définir une stratégie de santé publique plus ambitieuse et plus systémique,</p></li>
<li><p>Accroître la place de l’évaluation (médico-) économique dans les décisions en santé.</p></li>
</ul>
<p>Tout d’abord, l’organisation du financement des dépenses de santé devrait être repensée et décentralisée. Repensée dans une logique plus inclusive et moins segmentée des différents sous-objectifs nationaux des dépenses d’assurance maladie (soins de ville, établissements de santé…) ; décentralisée en vue d’une organisation des soins et d’une définition <em>ex ante</em> du budget tenant compte des besoins de la population locale.</p>
<p>Les périmètres respectifs des paniers de soins couverts d’une part par l’Assurance maladie obligatoire, d’autre part par les organismes complémentaires doivent être redéfinis afin que ces derniers ne couvrent pas les mêmes soins que l’assurance publique et que soient réduits les frais de gestion. On parle de « grande sécu »… Au minimum, les complémentaires santé devraient évoluer vers des assurances dites plutôt « supplémentaires », agissant sur un panier de soins privés restreint et surtout distinct du panier de soins publics.</p>
<p>Par ailleurs, le système de financement de la dépendance pourrait relever d’une logique assurantielle clairement établie, couvrant le risque-dépendance selon son niveau de sévérité, mais indépendamment du niveau de l’aide informelle reçue dans l’environnement familial et du mode de prise en charge choisi.</p>
<p>Il importe également de continuer à réduire les barrières financières qui subsistent pour l’accès aux soins de spécialistes, aux soins dentaires et d’optique et également aux soins préventifs.</p>
<p>L’objectif de réduction des inégalités sociales de santé nécessite de mener une politique publique ambitieuse, globale et coordonnée, pour faire face aux déterminants multiples de ces inégalités dont certains interviennent tôt dans les itinéraires personnels (éducation, revenu, épisodes de précarité, conditions de travail, recours au dépistage, comportements à risque, accès aux soins, etc.).</p>
<h2>Réorganiser l’offre de soins sur plusieurs volets</h2>
<p>Concernant le système de paiement tout d’abord. Celui des médecins reste massivement fondé sur le paiement à l’acte. Des systèmes de paiement au forfait liés à la qualité des soins ou au suivi des patients pourraient être généralisés dans tous les secteurs (hôpital, en ville, en médico-social).</p>
<p>Le développement de nouveaux modes de rémunération plus coopératifs, comme des paiements forfaitaires collectifs associant la ville et l’établissement de santé, devrait être renforcé. Ils accompagnent en effet une meilleure coordination entre la ville et l’hôpital et correspondent davantage au développement des nouvelles pratiques, notamment celles aujourd’hui permises par la télémédecine.</p>
<p>La lutte contre les zones sous-dotées ensuite. La suppression récente du <em>numerus clausus</em> et l’arrivée de médecins formés à l’étranger qui s’installent (parfois) dans les zones difficiles sont des outils potentiels d’amélioration de l’accessibilité aux soins à saisir. Toutefois, il importe de développer encore les connaissances, à la fois sur les déterminants des choix d’installation des médecins formés dans les universités françaises, mais également sur les logiques d’installation et de maintien des médecins étrangers dans les zones sous-denses.</p>
<p>Des incitations financières existent depuis de nombreuses années, mais ne semblent pas avoir eu d’influence réelle sur les installations dans les zones prioritaires. L’ouvrage questionne la mise en place de mesures incitatives améliorant l’attractivité des zones sous-denses, monétaires et non-monétaires (accompagnement au développement de modes d’exercice en groupe pluriprofessionnel, coopération entre professionnels de santé notamment entre généraliste et infirmiers).</p>
<p>Le développement des systèmes d’information en santé (à l’hôpital, en ville et à leur intersection) constitue également un enjeu fort. Deux leviers sont notamment proposés : le développement d’un système d’information en médecine de ville, comparable à celui à l’hôpital, et la mise en place d’un large éventail d’indicateurs de qualité relatifs à l’ensemble des soins (dans le secteur hospitalier, médico-social et ambulatoire) et non plus uniquement centrés sur le processus de soins hospitaliers.</p>
<p>Il importe de généraliser l’utilisation du dossier médical partagé et aussi la collecte de résultats de santé et d’expériences rapportées par les patients, pour que les professionnels de santé soient sensibilisés à l’importance d’utiliser de telles mesures et en tirent le meilleur parti, sans crispations négatives.</p>
<h2>Mieux évaluer pour mieux exploiter l’innovation médicale</h2>
<p>De façon générale, elle est susceptible de modifier en profondeur l’organisation de notre système de santé (accès aux soins, télémédecine, dispositifs de e-santé).</p>
<p>Trois types d’innovations sont analysées dans l’ouvrage : la médecine génomique, l’e-santé et les médicaments innovants. Le rôle des économistes est de proposer des méthodologies permettant d’évaluer ces innovations. Il semble ainsi souhaitable de développer des analyses fondées sur les préférences sociétales et de recourir plus fréquemment à l’évaluation médico-économique, par exemple pour définir une valeur de référence à comparer au prix demandé par les industriels, particulièrement les nouveaux entrants du secteur, venant du numérique, qui pourraient parfois avoir tendance à surestimer la plus-value médicale de leurs produits.</p>
<p>Sur un autre sujet, les dispositifs expérimentaux, visant à réduire les inégalités sociales de santé, à améliorer la répartition des médecins sur le territoire ou à accroître les comportements de prévention, sont actuellement insuffisamment développés.</p>
<p>Enfin, mobiliser de façon plus systématique l’évaluation économique et médico-économique comme outil d’aide à la décision en santé est un des messages clés de cet ouvrage. Le recours plus systématique à des méthodes d’évaluation des politiques ou interventions publiques de santé permettrait d’évaluer leur effet causal, par exemple dans le cadre d’essais randomisés, et de promouvoir les dépenses de santé efficientes.</p>
<p>Une fois encore, ces solutions contribueraient à renforcer un modèle hybride, ni étatique, ni privatisé, qui fait l’originalité du système de santé français de par le monde.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173852/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Notre système de santé fait face à de nombreux défis, soulignés par la pandémie de Covid. Comment le rendre meilleur ? Un collège de trente experts propose des pistes concrètes.Thomas Barnay, Professeur de sciences économiques (en disponibilité) / Visiting Professor, Health Care Policy Department, Harvard Medical School and French Harkness Fellow in Health Care Policy and Practice (The Commonwealth Fund) (2021-2022), Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Anne Laure Samson, Professeur d'économie, Chercheure au LEM, Université de Lille, Université de LilleBruno Ventelou, Chercheur CNRS-AMSE, économie, santé publique,, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1696672021-10-12T17:51:25Z2021-10-12T17:51:25ZLe manque de reconnaissance, au cœur de la souffrance des internes en médecine<p>La crise sanitaire a exposé aux Français la situation des hôpitaux et de son personnel. Parmi celui-ci, on trouve notamment les internes en médecine, qui occupent une place prépondérante dans les Centres hospitaliers universitaires (CHU). À la fois médecins et étudiants, ces quelque <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000039025595">35 502 internes</a> recensés entre 2020 et 2023 conjuguent simultanément le travail d’un praticien et d’un apprenant. Au quotidien, ils sont au cœur de tensions : sociétales, hospitalières, managériales, et personnelles.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/425752/original/file-20211011-13-up127h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/425752/original/file-20211011-13-up127h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/425752/original/file-20211011-13-up127h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=519&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/425752/original/file-20211011-13-up127h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=519&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/425752/original/file-20211011-13-up127h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=519&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/425752/original/file-20211011-13-up127h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=652&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/425752/original/file-20211011-13-up127h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=652&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/425752/original/file-20211011-13-up127h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=652&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteur.</span></span>
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<p>Ce positionnement paradoxal provoque chez certains un épuisement professionnel. En 2021, un interne a <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2021/01/12/chez-les-etudiants-en-medecine-le-tabou-des-suicides_6065953_4401467.html">trois fois plus de risques de mettre fin à ses jours</a> au cours des 3 à 5 ans de son internat qu’un Français du même âge.</p>
<p>Malheureusement, ces difficultés sont récurrentes. Une étude que nous avions menée en 2016 sur le burn-out dans un CHU de province auprès de 242 jeunes médecins montrait qu’un <a href="https://www.cairn.info/revue-rimhe-2016-4-page-27.htm">interne sur deux est « fragilisé » ou « brisé »</a>. Pour compléter ces résultats, nous avons mené une autre enquête qualitative afin d’en comprendre les raisons.</p>
<h2>Semaine de 58 heures</h2>
<p>À la lumière de la <a href="https://www.google.fr/books/edition/Essai_sur_le_don/moIKCwAAQBAJ?hl=fr&gbpv=1&dq=marcel+mauss,+essai+sur+le+don+pdf&printsec=frontcover">théorie sur le don</a> de l’anthropologue français Marcel Mauss, nos résultats montrent que les internes n’ont pas toujours le sentiment de recevoir à la hauteur de leurs contributions. Les jeunes médecins, qui travaillent 58 heures par semaine en moyenne, offrent en effet beaucoup de leur temps à l’hôpital.</p>
<p>Comme l’illustrent les témoignages que nous avons recueillis, ce manque de reconnaissance qui provoque une véritable souffrance au travail provient de plusieurs sources. Un interne déplore d’abord le regard porté sur sa fonction par l’ensemble de la société :</p>
<blockquote>
<p>« Pour la société, tu es un larbin. Tu donnes ton temps, ta vie, tu ne peux jamais te plaindre. Enfin… tu peux te plaindre, mais tout le monde s’en fout (sic). »</p>
</blockquote>
<p>Les enquêtés reprochent aussi à leurs supérieurs, auprès desquels ils apprennent leur métier, un manque d’encouragement :</p>
<blockquote>
<p>« Quand on est interne, on sait quand ça se passe mal. En revanche, quand ça se passe bien, on ne le sait pas. C’est assez fou d’en arriver là ! On a un métier dur… si, en plus, on n’a aucun encouragement de la part de nos supérieurs, c’est déroutant. On aimerait vraiment qu’ils puissent nous épauler, venir nous demander si ça ne va pas… avoir du soutien nous ferait du bien. »</p>
</blockquote>
<p>En ce sens, un interne interrogé réclame une véritable gestion humaine :</p>
<blockquote>
<p>« Ce qui ne va pas, c’est qu’il n’y a pas de management. Il faudrait que les médecins soient des managers. Quand ils nous contredisent devant les infirmières, nous perdons toute crédibilité. C’est une grosse erreur. Comment peuvent-elles nous faire confiance ensuite ? »</p>
</blockquote>
<p>C’est d’autant plus compliqué que l’interne doit effectivement guider une équipe paramédicale composée principalement d’infirmiers, d’aides-soignants et d’agents de services hospitaliers. Comme le décrit un enquêté :</p>
<blockquote>
<p>« L’interne doit être conciliant avec tout le monde, mais l’inverse est loin d’être vrai. Du fait de notre condition, et comme les autres savent que nous ne restons que 6 mois, ils peuvent se permettre de mal nous parler et de ne pas nous respecter. »</p>
</blockquote>
<p>Certains déplorent même parfois un manque de solidarité au sein même du personnel :</p>
<blockquote>
<p>« Peu de personnes ont envie de soutenir leurs collègues et/ou de les soulager par empathie. Il n’y a que très peu d’efforts de compréhension entre nous-mêmes, personnel de l’hôpital, toute hiérarchie confondue ou corps de métier appartenant à l’hôpital (médecine générale). »</p>
</blockquote>
<p>Enfin, les futurs médecins interrogés soulignent que ce manque de reconnaissance vient des patients eux-mêmes :</p>
<blockquote>
<p>« J’essaye de faire les choses bien mais les patients ne me remercient pas. Pourtant, quand on a le sourire d’un patient ou de sa famille qui nous disent qu’ils sont contents de la prise en charge, c’est entièrement suffisant. Ça nous fait très plaisir et chaud au cœur. »</p>
</blockquote>
<h2>Quelles solutions ?</h2>
<p>Il est bien entendu difficile de proposer des solutions applicables à toutes les situations. Individuellement, les internes n’ont pas le même niveau de mal-être au travail, et collectivement tous les hôpitaux et les médecins seniors n’offrent pas le même soutien. En ce sens, la souffrance au travail est multifactorielle.</p>
<p>Toutefois, trois niveaux de recommandations semblent émerger de nos recherches : la première concerne l’interne en lui-même et passe par le <a href="https://theconversation.com/burn-out-des-pistes-pour-aider-les-soignants-et-les-autres-162868">repérage et l’évaluation des symptômes de l’épuisement</a>. Ils encouragent les internes à accepter de l’aide en cas de besoin.</p>
<p>Deuxièmement, l’organisation hospitalière a sa part de responsabilité. Des indicateurs pourraient être instaurés afin de proposer une meilleure répartition de la charge et du temps de travail. Cela permettrait à ces internes de s’occuper convenablement des patients, tout en ayant la possibilité d’étudier.</p>
<hr>
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<em>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/burn-out-des-pistes-pour-aider-les-soignants-et-les-autres-162868">Burn-out : des pistes pour aider les soignants (et les autres)</a>
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</p>
<hr>
<p>Il serait en outre intéressant que les médecins seniors offrent une présence managériale attentionnée, en étant à l’écoute des internes. L’encadrement a en effet un rôle à jouer afin d’éviter le basculement vers un burn-out, comme le réclame un interne que nous avons interrogé :</p>
<blockquote>
<p>« C’est clair que s’il y avait plus de management, peut-être qu’on ne travaillerait pas moins mais en tout cas on serait plus contents, plus épanouis ! »</p>
</blockquote>
<p>Troisièmement, au-delà de ces préconisations techniques, nos travaux de recherches plaident pour la mise en lumière de l’importance des relations de dons. L’ingratitude de notre société, un management inadapté, le manque de soutien et l’indifférence de certains patients renforcent le mal être des internes. Chacun pourrait prendre une part active afin de diminuer la souffrance de ces internes. À quelque niveau que ce soit : c’est à chacun de veiller au bien être des internes afin qu’ils puissent entretenir des relations équilibrées à la hauteur de leurs dons.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/169667/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie Cousineau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Superviseurs, collègues, patients… les jeunes médecins ont le sentiment de ne pas recevoir autant qu’ils ne donnent. Témoignages.Marie Cousineau, Maître de Conférences en Sciences de Gestion, Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1676762021-09-15T10:06:14Z2021-09-15T10:06:14ZEn carte : les inégalités de soin en France<p>Ces dernières années, plusieurs éléments ont été avancés pour expliquer l’origine des « déserts médicaux », expression qu’on devrait plutôt remplacer par <a href="https://www.medecin-occitanie.org/inegalites-territoriales-versus-desertification-medicale/">« inégalités territoriale de santé »</a>.</p>
<p>La conception de la vie professionnelle par les jeunes médecins a évolué, ils n’ont plus forcément envie d’exercer leur métier de façon solitaire, ni désireux de travailler 70 heures par semaine, même si le revenu est plus important. Ils privilégient davantage le travail collectif et les interactions avec les autres professionnel, que ce soit à l’hôpital ou dans une maison de santé pluriprofessionnelle.</p>
<p>Ces inégalités territoriales de santé ne sont qu’une facette d’un problème plus large d’aménagement du territoire. D’ailleurs, les <a href="https://www.bnds.fr/revue/rgdm/rgdm-80/l-acces-aux-soins-des-personnes-les-plus-demunies-quand-les-inegalites-territoriales-se-cumulent-aux-inegalites-socio-economiques-de-sante-10824.html">travaux les plus récents</a> montrent que les inégalités territoriales de santé se croisent aussi avec inégalités socio-économiques. Les personnes qui se trouvent en situation de vulnérabilité économique sont souvent plus à risque de se retrouver dans un territoire qui est par ailleurs un « désert médical ». Elles manquent d’ailleurs parfois des moyens qui leur permettraient d’accéder aux soins, tel qu’un véhicule pour se déplacer au cabinet médical ou un ordinateur pour accéder aux services de télémédecine.</p>
<p>Comment exiger des personnels soignants qu’ils s’installent dans des territoires ruraux ou périurbains où les pouvoirs publics ont fermé la poste, l’école, et les services publics et où les commerces ont fermé… ?</p>
<hr>
<iframe title="Carte de la densité des médecins généralistes en France" aria-label="Map" id="datawrapper-chart-sG4Bp" src="https://datawrapper.dwcdn.net/sG4Bp/5/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100% !important; border: none;" height="844" width="100%"></iframe>
<iframe title="Carte de la densité des infirmiers en France" aria-label="Map" id="datawrapper-chart-WVgM0" src="https://datawrapper.dwcdn.net/WVgM0/7/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100% !important; border: none;" height="806" width="100%"></iframe>
<img src="https://counter.theconversation.com/content/167676/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les inégalités territoriales de santé ne sont qu’une facette d’un problème plus large d’aménagement du territoire.Benoît Tonson, Chef de rubrique Science, The Conversation FranceLionel Cavicchioli, Journaliste scientifique, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1634402021-07-06T17:22:27Z2021-07-06T17:22:27ZDes médecins militant pour la prévention de la guerre nucléaire : l’IPPNW et son double prix Nobel de la paix<p>En janvier 2021 est entré en vigueur le <a href="https://theconversation.com/vers-une-mise-au-ban-de-la-bombe-nucleaire-153995">Traité d’interdiction des armes nucléaires</a> (TIAN), une victoire pour la <a href="http://icanfrance.org/">Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires</a> (ICAN), regroupement de près de 500 associations militant pour la paix et le désarmement, fondé en 2007 à Vienne et dont l’action a été saluée par le prix Nobel de la paix en 2017.</p>
<p>Parmi ces associations, représentant plus de 100 pays, figure en bonne place <a href="https://www.ippnw.eu/fr/accueil.html">l’Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire</a> (IPPNW), créée en 1980, et qui a elle-même reçu le <a href="https://www.ippnw.org/about/ippnw-a-brief-history/nobel-peace-prizes">prix Nobel de la Paix en 1985</a>.</p>
<p>Pourquoi l’IPPNW et sa branche française, <a href="https://www.amfpgn.org/">l’Association des médecins français pour la prévention de la guerre nucléaire</a> (l’AMFPGN-IPPNW France), ne sont-elles pas davantage connues, et leur combat plus médiatisé ?</p>
<p>Des entretiens inédits avec des membres et avec le président de l’association permettent de braquer le projecteur sur l’action menée par cette structure.</p>
<h2>Une approche pluridisciplinaire</h2>
<p>Anne-Marie Roucayrol, médecin anatomo-pathologiste, membre du bureau de l’association, que nous avons rencontrée, s’est intéressée à la question de l’arme nucléaire de par sa spécialité, l’étude des lésions et les diagnostics de cancer :</p>
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<p>« C’était un choix politique pour moi d’entrer à l’association. J’ai adhéré dans les années 1980, c’était encore l’époque de la guerre froide. Dans l’association, nous nous centrons sur la prévention des conflits nucléaires. Cette notion de prévention est vraiment le mot clé car, en tant que médecins, nous savons qu’il n’y a pas de remède aux retombées radioactives d’une guerre nucléaire. Il faut donc à tout prix l’empêcher. Nous nous sommes intéressés aux enjeux géopolitiques et au face-à-face des deux Grands, et à partir des années 1990 nous avons intégré les pays émergents, avec l’idée de la pyramide de la violence, dont le sommet est la guerre nucléaire et la base est constituée par la violence sociale, dont les inégalités sociales sont l’un des principaux moteurs. L’association a travaillé dans de nombreuses directions. Nous avons étudié tous les échelons de la filière nucléaire et des causes de tensions dans le monde. »</p>
</blockquote>
<p>L’IPPNW condamne les essais nucléaires français menés sous la présidence Chirac (1995-2007) et leurs conséquences, notamment en Polynésie française, en particulier dans <a href="https://www.liberation.fr/france/2018/09/07/bombe-h-moruroa-un-silence-des-morts_1677269/">l’atoll de Mururoa</a>.</p>
<p>Anne-Marie Roucayrol ajoute : « Jacques Mongnet, qui s’occupait de la revue de notre association, et Christian Chenal ont initié un travail remarquable au Kazakhstan, sur le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Polygone_nucl%C3%A9aire_de_Semipalatinsk">polygone nucléaire de Semipalatinsk</a> », qui était l’un des principaux sites d’essais nucléaires soviétiques.</p>
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<p>L’IPPNW et sa branche française ont suscité et publié de nombreux rapports et études, en s’appuyant sur les compétences médicales de ses membres, aussi bien en radiophysique, en radiobiologie qu’en épidémiologie, ou même en matière d’aspects psychologiques. L’un de ses membres, <a href="https://maitron.fr/spip.php?article179635">Stanislas Tomkiewicz</a> (1925-2003), Juif polonais rescapé du ghetto de Varsovie et des camps de la mort, est devenu psychiatre pour adolescents et a travaillé sur les aspects psychologiques des conflits. Il a d’ailleurs eu pour compagne la fille d’une rescapée d’Hiroshima. « Ainsi, dans l’association nous étudions tous les aspects du problème, avec une dimension de militantisme pacifiste », témoigne la militante.</p>
<p>L’association fournit une expertise et des études rigoureuses sur de nombreux sujets, comme les cas de <a href="https://www.ippnw.eu/fr/accueil/artikel/5f54786b06b290bc9e9d05e14ef60598/les-cas-de-cancer-de-la-thyroide-che.html">cancers de la thyroïde chez les enfants de Fukushima</a>, les <a href="https://dailygeekshow.com/guerre-nucleaire-famine/">risques de famine liés à une guerre nucléaire</a>, ou encore les <a href="https://www.amfpgn.org/">risques d’écocide liés aux armes nucléaires</a>.</p>
<h2>Un plaidoyer difficile…</h2>
<p>Cependant, analyse A.-M. Roucayrol, « le problème de cette association, c’est que c’est un groupe d’experts, plus qu’une association de masse. » Elle apporte de l’expertise, elle vulgarise les connaissances médicales sur le nucléaire et elle s’efforce d’influencer les dirigeants politiques, ce qui est difficile étant donné que la France est une grande puissance nucléaire :</p>
<blockquote>
<p>« Notre association est reçue de temps en temps au Quai d’Orsay, et aussi à l’Élysée. Nous leur exposons nos arguments, mais les fonctionnaires du Quai d’Orsay n’en démordent pas, restent attachés à la théorie de la dissuasion, donc à la bombe. »</p>
</blockquote>
<p>Afin de s’adapter aux sensibilités de la société actuelle, l’association insiste aujourd’hui davantage sur les enjeux humanitaires et environnementaux. Elle s’efforce de faire prendre conscience à la population que la question de la bombe est d’actualité dans un contexte marqué par les risques posés par le terrorisme et la cyber-guerre.</p>
<p>L’IPPNW, qui a des branches actives dans de nombreux pays (États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, France, Australie, Nouvelle-Zélande, mais aussi Russie et d’autres pays issus de l’URSS, Chine, Inde, Pakistan et Japon), a permis et permet des échanges et des circulations transnationales d’idées et d’expertise par-delà les frontières, y compris par-delà le rideau de fer au début de son existence, lors de la guerre froide.</p>
<p>Cependant, aujourd’hui en France, « l’association a du mal à recruter des jeunes internes et des jeunes médecins, ces derniers se méfiant de tout embrigadement politique et étant déjà surchargés de travail ».</p>
<p>Pourtant, l’association mène des travaux scientifiques et rigoureux sur des sujets cruciaux, comme la question des dédommagements à apporter à l’Algérie pour les essais nucléaires menés par la France au Sahara.</p>
<h2>… mais couronné de plusieurs succès</h2>
<p>L’association a, depuis sa création, organisé des délégations qui se sont rendues à des commémorations à Hiroshima ; elle a été représentée au Forum social mondial ; elle a également contribué à la création du réseau international <a href="https://afcdrp.com/">« Maires pour la paix »</a>. Elle alerte sur les situations humanitaires dramatiques des migrants et réfugiés, des ouvriers sous-traitants, précaires, travaillant dans les centrales nucléaires. « Avec <a href="https://aven.org/">AVEN (l’association des vétérans des essais nucléaires)</a>, nous avons réussi à faire bouger le gouvernement français », se félicite Anne-Marie Roucayrol, en particulier en matière de reconnaissance des dégâts causés par les essais nucléaires français au Sahara et dans le Pacifique. L’association fait connaître le fait que « même une faible dose d’irradiation a des effets toxiques, c’est l’effet micro-dose, avec la notion d’exposome, qui modifie l’ADN ; ainsi, plusieurs facteurs se potentialisent. »</p>
<p>Nous avons également rencontré <a href="https://maitron.fr/spip.php?article212146">Abraham Béhar</a>, le président de l’AMFPGN, et ancien co-président de l’IPPNW. Ancien médecin nucléaire, il a dirigé un laboratoire de radiobiologie et a beaucoup travaillé sur les essais nucléaires français dans l’atoll de Mururoa, montrant que les normes de radioprotection n’étaient pas appliquées et que les essais dégradaient le corail, et appelant donc à un moratoire sur les essais nucléaires :</p>
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<p>« Cet engagement était dangereux pour ma carrière. Le Quai d’Orsay a demandé à mon patron de me mettre à la porte, il y a eu toute une coalition pour m’empêcher d’être nommé médecin des hôpitaux, j’ai fini par l’être mais j’ai perdu dix ans. […]. Avec d’autres collègues de l’association, nous avons effectué une mission à Mururoa en 1990. Nous savions depuis 1981 qu’à la suite d’un tsunami, deux kilogrammes de plutonium avaient été répandus sur l’atoll. Il y a eu des hurlements du CEA pour dire que c’était un mensonge éhonté. Quand nous avons été sur place avec notre équipe envoyée par Michel Rocard, les militaires ont voulu nous montrer combien ils avaient bien travaillé pour colmater les taches radioactives du plutonium. »</p>
</blockquote>
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<p>C’est une victoire de l’association d’avoir obtenu le <a href="https://www.liberation.fr/france/2021/01/27/c-etait-un-27-janvier-le-dernier-essai-nucleaire-francais_1818583/">moratoire sur les essais nucléaires</a> décrété par le président Mitterrand en avril 1992.</p>
<p>Abraham Behar a mené des enquêtes médicales en Polynésie, à Tahiti et à Mururoa :</p>
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<p>« Notre association a placé le problème sur le plan de la santé publique, c’est notre spécificité, alors que d’autres organisations l’ont mis sur le plan politique, ou environnemental. Il y avait alors le débat sur les faibles doses : les gens pensaient qu’une faible dose de radioactivité était inoffensive, or nous avons montré que même une faible dose est nocive. Nous avons montré les effets délétères sur les 15 000 hommes de Polynésie qui avaient été recrutés par le gouvernement français, déracinés de leur atoll, pour travailler aux essais nucléaires : ils se sont retrouvés dans les bidonvilles de Tahiti où leurs conditions de vie et de santé se sont dramatiquement dégradées. »</p>
</blockquote>
<p>Il a également eu une action internationale :</p>
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<p>« Au titre de l’IPPNW, j’étais envoyé à l’étranger pour plaider en faveur du désarmement nucléaire. Dans ce cadre, je me suis rendu plusieurs fois en Chine, en Inde, au Pakistan, ainsi qu’en Russie, et dans ces différents endroits nous avons essayé de plaider au sommet, on s’est vite rendu compte que ça ne servait à rien du tout, on était très bien reçus, j’ai été invité à dîner avec des ministres, mais cela ne changeait rien, on s’est aperçus que la bataille était autour de l’opinion publique. »</p>
</blockquote>
<p>Abraham Behar a par ailleurs enquêté sur l’arme nucléaire israélienne ainsi que sur les effets secondaires des bombardements sur les populations civiles lors de la guerre du Vietnam, dans le cadre du <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/730">Tribunal Russell sur les crimes de guerre au Vietnam</a>, ce qui l’a amené ensuite à fonder l’Association médicale franco-vietnamienne.</p>
<h2>La campagne « No First Use »</h2>
<p>Au fil des années, les pays non nucléaires se sont de plus en plus affirmés au sein de l’IPPNW et sur la scène internationale. C’est de ces pays émergents, et en particulier d’Australie, qu’est venue l’idée du TIAN.</p>
<p>Cependant, aucun pays de l’OTAN n’a signé le TIAN. Ainsi, « actuellement, le TIAN, bien qu’entré en vigueur, marque le pas », selon Abraham Behar :</p>
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<p>« Il y a un grand danger avec le réarmement accéléré auquel se livrent des pays comme la France, le Royaume-Uni, les États-Unis, la Russie, la Chine, l’Inde et le Pakistan. Profitant du fait que l’opinion publique est occupée par la pandémie, ils avancent leurs pions de façon énorme. »</p>
</blockquote>
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<p>C’est pourquoi, face à ce danger, l’IPPNW a déclenché une nouvelle campagne en Europe : celle du « No First Use » (« Non-recours en premier aux armes nucléaires »). « Cela permettrait de supprimer la logique de la dissuasion qui est basée sur le principe de la menace du <em>first use</em> », explique Abraham Behar.</p>
<p>« Cette bataille du <em>no first use</em> est importante, elle arrive à un moment opportun ; si cela marche, la France sera obligée de suivre. La campagne a en partie porté ses fruits : le communiqué final de l’entrevue Biden/Poutine fait allusion, de manière alambiquée, à cette question – un premier pas, donc, vers cet objectif. »</p>
<p>Les deux dirigeants ont en effet ébauché <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/06/16/entre-joe-biden-et-vladimir-poutine-des-retrouvailles-sous-le-signe-de-la-defiance_6084308_3210.html">l’amorce d’un nouveau système de sécurité collective et de contrôle des armements</a> entre les États-Unis et la Russie, après l’abandon ces dernières années de plusieurs traités de désarmement entre ces deux pays.</p>
<p>La question de l’arme nucléaire est plus que jamais d’actualité aujourd’hui : la pandémie de 2020-2021 ayant accaparé l’attention médiatique, les puissances nucléaires en ont profité pour augmenter leurs dépenses d’armement sans que cela n’attire l’attention des populations, si bien qu’aujourd’hui, avec <a href="https://passes-composes.com/book/285">près de 1 800 milliards de dollars</a>, la dépense militaire mondiale a atteint son maximum depuis la fin de la guerre froide. Les États-Unis sont toujours en tête des dépenses militaires mondiales, suivis de la Chine, puis de l’Arabie saoudite, puis de la Russie.</p>
<p>Malgré l’entrée en vigueur du TIAN en janvier 2021, et la remise du prix Nobel de la paix à l’ICAN en 2017, la prolifération nucléaire continue. Il est donc crucial d’accorder de l’importance à l’action salutaire menée par ces associations et par les pays non nucléaires qui ont signé le TIAN.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163440/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chloé Maurel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire multiplie les actions de plaidoyer depuis sa création en 1980. Malgré des succès, la route est encore longue.Chloé Maurel, SIRICE (Université Paris 1/Paris IV), Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1626702021-06-14T17:13:55Z2021-06-14T17:13:55ZLa réticence vaccinale, une spécificité française ?<p>Durant la pandémie de Covid-19, le pays de Pasteur a fait montre d’une particularité : celle d’être <a href="https://www.franceinter.fr/societe/vaccination-en-france-le-rythme-de-la-campagne-est-il-a-la-baisse">rétif à la vaccination</a>. Et si cette défiance n’était pas seulement le symptôme d’une pathologie française mais, plus largement, celui des pays riches ?</p>
<p>Alors que la campagne de vaccination contre le Covid-19 bat son plein, les médias se sont fait l’écho de « l’exception française » en la matière. Très récemment, un <a href="https://www.thelancet.com/action/showPdf?pii=S0140-6736%2820%2931558-0">article du Lancet</a> a confirmé le fait que la France était l’un des pays du monde parmi les plus défiants à l’égard des vaccins. Il montre que, selon une majorité de nos concitoyens, les vaccins sont considérés comme peu sûrs, peu importants et, plus étonnant encore, peu efficaces.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/406111/original/file-20210614-65156-q1569c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/406111/original/file-20210614-65156-q1569c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/406111/original/file-20210614-65156-q1569c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=500&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/406111/original/file-20210614-65156-q1569c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=500&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/406111/original/file-20210614-65156-q1569c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=500&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/406111/original/file-20210614-65156-q1569c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=628&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/406111/original/file-20210614-65156-q1569c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=628&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/406111/original/file-20210614-65156-q1569c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=628&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Une autre représentation, issue d’une <a href="https://static1.squarespace.com/static/5d4d746d648a4e0001186e38/t/5da9a9ee57ce312451325890/1571400178293/wellcome-global-monitor-2018.pdf">étude Gallup de 2018</a> permet de mieux cerner l’exceptionnalité française à l’échelle mondiale. Un tiers des Français estime que les vaccins ne sont pas sûrs, 19 % d’entre eux doutent de leur efficacité, un double jugement absolument atypique si on le compare à celui des pays voisins d’une part, au reste du monde d’autre part.</p>
<p>Il est intéressant de noter que la <a href="https://static1.squarespace.com/static/5d4d746d648a4e0001186e38/t/5da9a9ee57ce312451325890/1571400178293/wellcome-global-monitor-2018.pdf">défiance est largement partagée par les Français</a> quel que soit leur genre, leur niveau d’études, leur lieu de vie…</p>
<p>Pourtant, la singularité française ne s’arrête pas là. En effet, une étude attentive des chiffres révèle une autre spécificité nationale : la France se caractérise par une proportion extrêmement élevée (environ 60 %) de <a href="https://www.thelancet.com/action/showPdf?pii=S0140-6736%2820%2931558-0">personnes sans opinion</a> sur l’efficacité des vaccins, leur importance et leur innocuité. Ce manque d’adhésion aux vaccins entraîne, dans le contexte de la pandémie de Covid-19, une réticence face à la vaccination elle-même. En effet, début 2021, avant que ne démarre la campagne vaccinale, la part des Français déclarant vouloir se faire vacciner était non seulement l’une des plus faibles au monde mais marquait même une baisse par rapport à l’année précédente.</p>
<p>Cet ensemble de particularités fait de la France un pays absolument atypique en matière de vaccination, une évidence qu’il ne s’agit pas de nier. Mais d’une part, les raisons de cette défiance ne sont pas réductibles à un seul facteur, par exemple le rejet de la classe politique <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2021/feb/15/french-distrust-vaccines-politicians">comme on peut le lire souvent</a> et d’autre part, l’arbre France cache parfois la forêt des pays développés…</p>
<h2>Paradoxe de la couverture vaccinale</h2>
<p>Car il est un autre enseignement que l’on peut tirer des publications sur la confiance à l’égard des vaccins et qui ne manque pas d’étonner : il apparaît que le cas français s’inscrit dans un espace géographique plus large : celui des pays développés. C’est dans ces derniers en effet que l’on rencontre la <a href="https://wellcome.org/reports/wellcome-global-monitor/2018">plus grande défiance</a> à l’égard des vaccins. En Europe occidentale, la confiance dans les vaccins <a href="https://www.ft.com/content/2271a90c-942d-11e9-b7ea-60e35ef678d2">n’atteint pas 60 %</a>.</p>
<p>A contrario, elle est <a href="https://wellcome.org/reports/wellcome-global-monitor/2018">très forte en Afrique et en Asie</a>, avec respectivement 92 % et 95 %. Il est intéressant de noter d’ailleurs que c’est non seulement la confiance dans les vaccins mais aussi dans le corps médical qui est <a href="https://cms.wellcome.org/sites/default/files/wellcome-global-monitor-2018.pdf">plus faible dans les pays riches</a>. Une telle observation peut sembler déroutante alors que les <a href="https://ourworldindata.org/global-education">niveaux d’éducation</a> et de <a href="https://ourworldindata.org/health-meta">santé</a> sont bien supérieurs dans les pays du Nord à ceux des pays du Sud.</p>
<p>Cette « hésitation vaccinale » (« vaccine hesitancy »), un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0264410X15005009">concept amplement documenté</a>, peut se définir comme « un délai dans l’acceptation ou le refus de la vaccination quand bien même des vaccins seraient disponibles ». En 2019, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) n’a pas hésité à en faire l’une des <a href="https://www.who.int/news-room/spotlight/ten-threats-to-global-health-in-2019">10 menaces qui pèsent sur la santé</a> à l’échelle mondiale.</p>
<p>Les déterminants d’une telle défiance sont éminemment complexes. Dans un <a href="https://upittpress.org/books/9780822946557/">ouvrage tout récent</a>, la philosophe canadienne Maya Goldenberg a pointé le fait que la réticence de certains de nos contemporains tenait avant tout à un <a href="https://direct.mit.edu/posc/article/24/5/552/27502/Public-Misunderstanding-of-Science-Reframing-the">manque de confiance</a> plus qu’à un manque de compréhension du fait vaccinal. Des propositions de modélisation de l’hésitation vaccinale ont été faites, notamment par le <a href="https://www.who.int/groups/strategic-advisory-group-of-experts-on-immunization/working-groups/cholera-(november-2015---august-2017)">SAGE</a>, un groupe de travail de l’OMS composé d’experts en immunologie. Selon eux, trois séries de facteurs se combinent. Ils ressortent des vaccins et de la vaccination, des conceptions qu’en ont les individus, et enfin des données contextuelles. On peut les illustrer <a href="https://www.ecdc.europa.eu/sites/default/files/media/en/publications/Publications/vaccination-motivating-hesistant-populations-europe-literature-review.pdf">comme suit</a> :</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/406109/original/file-20210614-102836-ocjod7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/406109/original/file-20210614-102836-ocjod7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/406109/original/file-20210614-102836-ocjod7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=622&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/406109/original/file-20210614-102836-ocjod7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=622&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/406109/original/file-20210614-102836-ocjod7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=622&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/406109/original/file-20210614-102836-ocjod7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=782&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/406109/original/file-20210614-102836-ocjod7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=782&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/406109/original/file-20210614-102836-ocjod7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=782&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>À cette aune, plusieurs facteurs spécifiques peuvent expliquer l’hésitation vaccinale des pays riches. L’un est la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0264410X15005010">couverture médiatique relative aux vaccins</a>, plus défavorable en Amérique et en Europe que dans les autres zones du globe. Au fond, plus l’information est accessible et ouverte, plus les opposants aux vaccins peuvent librement exprimer leur avis, un avis qui pèse lorsqu’il s’agit de <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2021/01/15/covid-19-henri-joyeux-un-discours-antivaccin-qui-avance-masque_6066434_4355770.html">médecins connus de l’opinion publique</a>.</p>
<p>C’est ainsi qu’est né dans les grandes démocraties un véritable courant de « <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0277953618306798">populisme médical</a> » souvent qualifié d’<a href="https://www.rtbf.be/info/dossier/epidemie-de-coronavirus/detail_ne-les-appelez-plus-antivax-mais-hesitants-vaccinaux-nourris-par-les-reseaux-sociaux?id=10648034">« antivax »</a> par les médias, notamment numériques. Il existe d’ailleurs un <a href="https://professionnels.vaccination-info-service.fr/Aspects-sociologiques/Perception-et-adhesion-a-la-vaccination/Perception-et-adhesion-a-la-vaccination-en-France">lien avéré</a> entre le fait de consulter Internet pour les parents et une moindre pratique de la vaccination chez les enfants, un lien majoré lorsqu’Internet est l’unique source d’information.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/406107/original/file-20210614-73826-d1pze.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/406107/original/file-20210614-73826-d1pze.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/406107/original/file-20210614-73826-d1pze.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/406107/original/file-20210614-73826-d1pze.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/406107/original/file-20210614-73826-d1pze.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/406107/original/file-20210614-73826-d1pze.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=542&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/406107/original/file-20210614-73826-d1pze.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=542&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/406107/original/file-20210614-73826-d1pze.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=542&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Parmi l’ensemble des facteurs de l’hésitation vaccinale dans les pays riches, l’un nous semble particulièrement déterminant : l’ampleur de la couverture vaccinale. Aussi paradoxal que cela puisse apparaître, et comme le montre le schéma ci-contre établi par nos soins, plus la mortalité des enfants de moins de 5 ans est faible, plus la défiance vaccinale est forte.</p>
<p>Nous suggérons l’explication suivante : quand la couverture vaccinale est généralisée, l’effet salvateur du vaccin n’est plus perçu, à la différence des pays africains par exemple où il est évident pour les populations que la vaccination sauve des vies. Dit crûment, les pays riches peuvent jouer aux sceptiques dès lors qu’ils bénéficient assez des vaccins pour ne plus en mesurer les bienfaits.</p>
<p>Rappelons à ce propos que la vaccination a permis d’<a href="https://www.syndicat-infirmier.com/IMG/pdf/1802_cdc_06-politique-vaccinale-tome-1.pdf">éradiquer la variole</a>, de faire chuter l’incidence mondiale de la poliomyélite de 99 % depuis 1988 et de faire baisser de près de 80 % le nombre de décès dus à la rougeole.</p>
<h2>« Big Brother » et « Big pharma »</h2>
<p>Revenons à la France. On l’a compris, elle participe d’un mouvement assez général de défiance des pays riches à l’égard des vaccins. Mais sa spécificité manifeste implique qu’il faille examiner des facteurs proprement nationaux. Avant toute chose, il est important de souligner que notre pays n’a pas toujours été rétif à la vaccination.</p>
<p>Au contraire, <a href="https://www.inserm.fr/actualites-et-evenements/actualites/defiance-vaccinale-situation-catastrophique">comme le note l’Inserm</a>, la défiance vaccinale y a émergé tardivement. En 1998, quand une étude britannique frauduleuse a prétendu démontrer un lien entre autisme et vaccin contre la rougeole, la confiance est restée stable en France : moins de 10 % de la population exprimait des réticences vis-à-vis des vaccins. En revanche, l’échec de la campagne de vaccination contre la grippe H1N1 en 2010 a constitué une fracture indéniable ; à l’issue, le nombre de rétifs a grimpé à près de 40 %. Les baromètres santé permettent de se faire une idée assez précise de l’évolution de l’adhésion à la vaccination pour les vingt dernières années.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/406112/original/file-20210614-73420-b6hyay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/406112/original/file-20210614-73420-b6hyay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/406112/original/file-20210614-73420-b6hyay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/406112/original/file-20210614-73420-b6hyay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/406112/original/file-20210614-73420-b6hyay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/406112/original/file-20210614-73420-b6hyay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=469&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/406112/original/file-20210614-73420-b6hyay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=469&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/406112/original/file-20210614-73420-b6hyay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=469&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Voilà qui tranche avec l’idée d’une tendance immuable des Français à la résistance vaccinale. En revanche, on voit combien les facteurs contextuels ont pu peser.</p>
<p>Aux facteurs contextuels s’ajoute une particularité française bien connue des sociologues : la <a href="http://www.cepremap.fr/depot/opus/OPUS09.pdf">défiance à l’égard de l’État</a> qui est la plus élevée d’Europe occidentale. Comme le souligne Laurent-Henri Vignaud, historien spécialiste de la résistance aux vaccins, la défiance à l’égard du « Big Brother » politique, et celle à l’égard du « Big pharma » économique sont les <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/11/13/covid-19-l-antivaccinisme-contemporain-est-principalement-economique-et-politique_6059683_3244.html">arguments qui reviennent le plus souvent</a>. En ce sens, la défiance vaccinale traduit un manque de confiance dans les institutions chargées de garantir la santé de chacun.</p>
<p>On le voit, le paradoxe de l’époque contemporaine est que des pans entiers de populations des pays développés cessent de croire aux bienfaits de ce qui a rendu leur vie meilleure. Ce fait doit nous rappeler combien le développement n’est jamais un acquis… Si l’on suit la grande spécialiste Maya Goldenberg, surmonter l’hésitation vaccinale nécessite pour les États de développer une véritable culture de la transparence.</p>
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<p><em>Cet article a été initialement publié sur le <a href="https://knowledge.skema-bs.fr/la-reticence-face-au-vaccin-symptome-dune-pathologie-francaise/">site knowledge Think Forward</a> de Skema Business School</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162670/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La défiance concerne plus largement l’ensemble des pays développés dans lesquels vacciner est devenu un acte habituel… au point que ses effets bénéfiques ne sont plus perçus.Frédéric Munier, Professeur affilié de géopolitique, SKEMA Business SchoolRodolphe Desbordes, Professeur d'Economie, SKEMA Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1588262021-05-05T13:58:33Z2021-05-05T13:58:33ZL’IA gagne du terrain en santé. Comment les ordres professionnels peuvent-ils l’encadrer ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/396162/original/file-20210420-23-boybjn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=82%2C14%2C4910%2C3285&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les promesses de l’Intelligence artificielle (IA) incluent l’amélioration de la performance diagnostique en imagerie médicale, par exemple, pour diverses tumeurs ou maladies.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les professionnels de la santé – médecins, infirmières, pharmaciens et tous les autres – seront aux premières loges des transformations majeures qui découleront du déploiement de l’intelligence artificielle (IA). Dans ce contexte, l’IA soulève des enjeux déontologiques que les ordres professionnels devront examiner.</p>
<p>Le secteur de la santé est considéré comme l’un des plus effervescents et prometteurs sur le plan des <a href="https://theconversation.com/comment-lia-va-transformer-le-systeme-de-sante-109496">développements en IA</a>, suscitant de ce fait des <a href="https://www.forbes.com/sites/insights-intelai/2019/02/11/ai-and-healthcare-a-giant-opportunity/?sh=556fd7e64c68">investissements</a> considérables.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-lia-va-transformer-le-systeme-de-sante-109496">Comment l’IA va transformer le système de santé</a>
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<p>Les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6616181/">promesses</a> de l’IA, dont certaines produisent déjà des effets positifs, incluent l’amélioration de la performance diagnostique médicale (en <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30562242/">imagerie médicale, par exemple, pour diverses tumeurs ou maladies</a>), l’optimisation de l’allocation des ressources (lits aux soins aigus, ressources humaines, équipement médical) et l’accélération du processus de découverte des médicaments.</p>
<h2>Des avantages et des risques</h2>
<p>À l’inverse, certains <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3733964">risques</a> associés à l’IA existent bel et bien, comme ceux des biais et de la discrimination à l’égard de groupes d’individus (par exemple, une sous-évaluation diagnostic du cancer de la peau par des IA pour les personnes noires). Ces biais peuvent être liés à la sous-représentation de ces groupes dans les données utilisées pour entraîner l’IA ou en raison de certains préjugés des concepteurs d’IA, qui se répercutent dans les paramètres de l’algorithme.</p>
<p>Dans le contexte de la Covid-19, <a href="https://thefuturesociety.org/wp-content/uploads/2020/12/Responsible-AI-in-Pandemic-Response.pdf">différentes initiatives d’IA à l’échelle mondiale</a> ont rapidement été mises en place pour soutenir les professionnels de la santé, les patients, les gestionnaires et les <a href="https://observatoire-ia.ulaval.ca/recension-app-tracage/">autorités de santé publique</a> dans leurs efforts de lutte contre la pandémie. À titre d’exemples, l'IA a été utilisée pour faciliter l’évaluation des risques d’exposition au virus, accélérer le diagnostic des cas de Covid et pour contrer la désinformation en temps de pandémie.</p>
<p>L’IA est maintenant considérée comme une option incontournable de l’arsenal permettant de répondre aux défis contemporains des systèmes de santé ; conséquemment, elle détient un <a href="https://www.mckinsey.com/industries/healthcare-systems-and-services/our-insights/transforming-healthcare-with-ai">potentiel transformateur</a> de taille pour ce secteur d’activité, incluant la pratique de ses professionnels. Il convient alors de développer un encadrement déontologique adéquat pour soutenir l’utilisation de cette technologie par ceux-ci, en plus de s’assurer qu’ils disposent d’informations et de formations appropriées à ce sujet.</p>
<h2>De nouvelles normes</h2>
<p>En collaboration avec des ordres professionnels de la santé au Québec, nous avons mis sur pied un groupe de travail sur les enjeux normatifs liés à l’IA pour les professions de la santé et des relations humaines. Ce groupe a notamment pour mandat de proposer de nouvelles normes de pratique à établir pour guider ces professionnels.</p>
<p>Avec ce projet, nous analysons, d’une part, l’impact de l’IA sur les obligations déontologiques des professionnels de la santé et, d’autre part, nous réfléchissons à la manière d'adapter ces obligations à cette réalité technologique. Par exemple, <a href="https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/intelligence-artificielle-et-sante">l’un des enjeux souvent cités est celui de la « boîte noire »</a>. Lorsqu’un système d’IA génère une recommandation diagnostique ou thérapeutique, alors que le professionnel n’est pas en mesure de comprendre le fonctionnement de l’algorithme sous-jacent, comment doit-il composer avec ses obligations déontologiques ? Comment peut-il justifier ses interventions suivant les normes cliniques applicables et donner une information adéquate au patient ?</p>
<p>Les ordres professionnels de la santé auront ensuite l’occasion de se positionner sur ces avenues de réformes, pour en valider la pertinence selon leurs contextes spécifiques et pour les prioriser en fonction de leurs besoins.</p>
<h2>Protéger le public</h2>
<p>Rappelons tout d’abord que les ordres professionnels ont pour principale mission de protéger le public. Pour y parvenir, ils sont appelés à contrôler l’exercice de la profession par leurs membres, en instaurant un cadre réglementaire et en exerçant des responsabilités de vérification, d’enquête et de poursuites en matière disciplinaire.</p>
<p>Les ordres doivent adopter un code de déontologie. Ils peuvent également publier différents documents à caractère normatif pour atteindre leur objectif (guides d’exercice ou lignes directrices) en plus de contribuer à la sensibilisation et à la formation de leurs membres sur différents enjeux.</p>
<p>En plus des ordres professionnels, d’autres intervenants jouent un rôle important dans l’encadrement réglementaire en matière d’IA dans le domaine de la santé, dont Santé Canada et le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, sans compter les autres autorités gouvernementales en matière de protection des renseignements personnels. L’ensemble de ces intervenants forment une mosaïque complexe d’activités de réglementation qui influent sur le déploiement de l’IA au sein du système de santé.</p>
<h2>La boussole de l’IA responsable</h2>
<p>Dans le cadre de notre groupe de travail, nous avons développé une grille d’analyse pour définir les impacts potentiels de l’IA eu égard aux objets usuels de la législation et de la réglementation professionnelles. Parmi ces objets se trouvent l’« admission à la pratique », l’« assurance responsabilité professionnelle », la « tenue de dossier », la « qualité et la sécurité de la pratique », la « qualité de la relation professionnelle », le « consentement » et l’« indépendance professionnelle », entre autres.</p>
<p>Ensuite, en nous appuyant sur la <a href="https://www.declarationmontreal-iaresponsable.com/la-declaration">Déclaration de Montréal pour un développement responsable de l’IA</a>, qui édicte dix principes pour une IA responsable, nous évaluons ceux qui sont susceptibles d’être interpellés par ces obligations professionnelles. Enfin, une fois ce repère normatif identifié, soit la « boussole de l’IA responsable », nous proposons des réflexions et interventions à considérer par le système professionnel québécois pour s’ajuster aux effets – tant les bénéfices que les risques – qui découlent de l’IA.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/394895/original/file-20210413-15-1h6dp7d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/394895/original/file-20210413-15-1h6dp7d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/394895/original/file-20210413-15-1h6dp7d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=591&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/394895/original/file-20210413-15-1h6dp7d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=591&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/394895/original/file-20210413-15-1h6dp7d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=591&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/394895/original/file-20210413-15-1h6dp7d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=742&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/394895/original/file-20210413-15-1h6dp7d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=742&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/394895/original/file-20210413-15-1h6dp7d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=742&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Grille d’analyse des enjeux liés au recours à des systèmes d’intelligence artificielle (SIA) par les professionnels de la santé et des relations humaines.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marco Laverdière et Catherine Régis</span></span>
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<p>Dans un contexte où l’encadrement juridique de l’IA est souvent décrié pour sa faible capacité à suivre la rapidité des développements technologiques, l’intérêt des ordres professionnels à agir rapidement pour favoriser une intégration maîtrisée et responsable de l’IA dans la pratique des professionnels de la santé mérite d’être salué. Cet encadrement constitue une composante importante pour appuyer l’innovation en santé. En effet, l’<a href="https://www.youtube.com/watch?v=xgyupgb5OYQ">incertitude quant aux conséquences juridiques</a> liées au recours à une pratique innovante constitue un frein à son utilisation par les professionnels.</p>
<p>L’identification des attentes et des balises à l'égard de l’utilisation de l’IA par les professionnels de la santé permettra non seulement de mieux protéger le public, mais aussi d’outiller ces professionnels dans une pratique en constante évolution et de plus en plus complexe.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/158826/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Je reçois du financement du programme des Chaires de recherche du Canada, des Instituts de recherche en santé du Canada, du Conseil de recherches en sciences humaines et du Fonds Georg Stellari.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>En plus de ses activités académiques à l'Université de Sherbrooke et à l'Université de Montréal, Marco Laverdière occupe les fonctions de directeur général et de secrétaire de l'Ordre des optométristes du Québec. / In addition to his academic activities at Université de Sherbrooke and Université de Montréal, Marco Laverdière serves as the executive director and secretary of the Ordre des optométristes du Québec.</span></em></p>L’IA est maintenant une option incontournable dans l’arsenal des outils de diagnostic en santé. Il faut développer un encadrement déontologique adéquat pour soutenir son utilisation.Catherine Régis, Professeure titulaire, Faculté de droit, Chaire de recherche du Canada en droit et politiques de la santé, Centre de recherche en droit public, Université de MontréalMarco Laverdière, Avocat, enseignant et chercheur associé en droit et politiques de la santé / Lawyer, lecturer and research associate in Health Law and Policy, Université de Sherbrooke Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1548732021-04-12T20:35:49Z2021-04-12T20:35:49ZLa pandémie vue par les séries<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/394451/original/file-20210412-13-1b3z7b4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C0%2C998%2C570&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le Docteur Shawn Murphy (The Good Doctor) annonce à son patient qu'il a la Covid-19 et que ses poumons sont atteints.</span> <span class="attribution"><span class="source">ABC/Jeff Weddell</span></span></figcaption></figure><p>Comme toutes les productions culturelles, les <a href="https://deadline.com/2021/01/tv-shows-that-have-delayed-production-due-to-surge-in-covid-19-infections-deaths-1234663862/">séries ont été très lourdement impactées par la pandémie de la Covid-19</a>. Les tournages ont été interrompus longuement et à plusieurs reprises pendant les vagues successives de contaminations. Des lancements ont dû être repoussés ou annulés. Certaines saisons diffusées au premier semestre 2020 ont été amputées de leurs derniers épisodes. <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-030-56231-1_12">Les nouvelles saisons ont dû être décalées</a> et parfois largement réécrites. Les masques destinés aux tournages des séries médicales ont été donnés aux hôpitaux. Des acteurs et des membres du staff ont été atteints par le virus et des épisodes sont dédiés à la mémoire de ceux qui en sont morts.</p>
<p>Beaucoup de séries très populaires comme <em>The Good Doctor</em> ou <em>This Is Us</em> <a href="https://www.francetvinfo.fr/culture/series/grey-s-anatomy-the-good-doctor-this-is-us-le-coronavirus-investit-les-scenarios-des-fictions-tele_4183341.html">ont intégré la pandémie dans leur histoire</a>. Si pour une série médicale cela peut paraître pertinent, c’est plus étonnant pour une comédie dramatique. Certains déplorent que la Covid-19 devienne un personnage de leurs séries préférées, car ils considèrent qu’elles doivent nous faire oublier notre quotidien, pas nous le rappeler, surtout quand il est pénible et parfois tragique. D’autres considèrent qu’il serait inimaginable pour les séries les plus populaires de faire comme si cette crise mondiale historique dans laquelle leur public est plongé n’existait pas.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/XdA3I5oDRBQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Comment les séries ont intégré la pandémie dans leurs scénarios.</span></figcaption>
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<h2>Des soignants héroïques</h2>
<p>Le premier épisode de la saison 17 de <em>Grey’s Anatomy</em> commence par un monologue de l’héroïne, Meredith Grey, chef du département chirurgie d’un hôpital de Seattle. Elle explique que les jeunes chirurgiens suivent une formation qui s’appelle « <a href="https://www.criticalcare.theclinics.com/article/S0749-0704(19)30045-4/pdf">l’éthique du désastre</a> » au cours de laquelle ils définissent ce qu’ils feraient si l’inimaginable se produit. Elle se fait la réflexion que cette formation aux soins médicaux en situation de catastrophe est très imparfaite, car on ne peut pas réaliser comment on va réagir face au pire, quand on est submergé par la vague d’une pandémie comme celle de la Covid-19.</p>
<p>L’héroïne, d’abord présentée luttant contre la pandémie, se retrouve ensuite infectée par le virus et victime de sa forme grave dans le troisième épisode. Alors que des <a href="https://www.jabfm.org/content/34/Supplement/S244.abstract">centaines de soignants sont morts de la maladie aux États-Unis</a>, et que des dizaines de milliers d’autres ont été contaminés, <em>Grey’s Anatomy</em> choisit de sensibiliser les spectateurs en montrant ce personnage qu’ils affectionnent épuisé par le travail, puis très malade, afin qu’ils réalisent la <a href="https://www.rand.org/content/dam/rand/pubs/research_reports/RRA100/RRA164-1/RAND_RRA164-1.pdf">situation extrême dans laquelle ces soignants se trouvent depuis des mois</a>.</p>
<p>De la même manière, les premiers épisodes de toutes les autres séries médicales les plus populaires comme <em>The Good Doctor</em> (San José, Californie), <em>New Amsterdam</em> (New York, New York), et <em>The Resident</em> (Atlanta, Géorgie), <a href="https://jamanetwork.com/journals/jama/article-abstract/2764958">montrent les héros combattre par tous les moyens la crise sanitaire</a>. Cet accès aux coulisses est à la fois pédagogique et effroyable. Les soignants ont des doubles masques avec parfois des visières en plus ainsi que des charlottes sur la tête. Comme on ne voit plus leur visage, ils portent une photo d’eux-mêmes sur la poitrine pour pouvoir être reconnus et rassurer les patients.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les 5 premières minutes du premier épisode de la saison 5 de <em>New Amsterdam</em> montrent la lutte acharnée des soignants contre le virus.</span></figcaption>
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<p>Le personnel médical est <a href="https://www.researchgate.net/profile/Aylin-Sayilan/publication/345321962_Burnout_levels_and_sleep_quality_of_Covid-19_heroes/links/6035706d299bf1cc26e7db51/Burnout-levels-and-sleep-quality-of-Covid-19-heroes.pdf">exténué, confronté à une charge de travail incommensurable</a>, à des sollicitations innombrables et à un niveau de stress accablant. Dans le premier épisode de la troisième saison de <em>New Amsterdam</em> diffusé le 2 mars 2021 sur NBC, les soignants titubent de fatigue. Ils ont des cernes et des marques rouges sur le visage. Dans <em>The Resident</em> et <em>Grey’s Anatomy</em>, ils sont applaudis et célébrés comme des héros à la sortie de leur travail. Cependant, <a href="https://www.researchgate.net/profile/Aylin-Sayilan/publication/345321962_Burnout_levels_and_sleep_quality_of_Covid-19_heroes/links/6035706d299bf1cc26e7db51/Burnout-levels-and-sleep-quality-of-Covid-19-heroes.pdf">ils sont stigmatisés dans leurs lieux de résidence</a> où les gens évitent de croiser leur chemin ou de prendre le même ascenseur, comme dans <em>The Good Doctor</em>.</p>
<p><a href="https://jme.bmj.com/content/46/8/510.abstract">Certains soignants font des sacrifices énormes</a>. Ils ne sont pas rentrés chez eux depuis des semaines et ne s’arrêtent de travailler que pour dormir à l’hôpital, dans leur voiture ou dans leur garage aménagé. Ils s’isolent de leur famille pendant des mois pour ne pas prendre le risque de les contaminer. Ils sont déprimés et découragés de voir des gens mourir tous les jours, de se sentir impuissants face à la gravité et à l’ampleur de la crise dont ils ne voient pas la fin, de manquer de tout, ainsi que de la mort de certains collègues qui ont perdu la vie en essayant de sauver les autres. Ces épreuves ne manqueront pas d’avoir des <a href="https://www.psychiatrist.com/jcp/depression/suicide/covid-mental-health-and-suicide-risk-among-health-care-workers/">conséquences psychologiques profondes et durables</a>.</p>
<h2>Des pénuries critiques</h2>
<p>L’optimisation progressive des chaînes logistiques a conduit les hôpitaux <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/hast.1093">à fonctionner en flux tendus avec très peu de stocks et des livraisons régulières</a> de médicaments, de matériels et d’équipements de protection depuis l’Asie, et surtout la Chine. Cependant, ce pays étant le premier touché par la pandémie, la production a été interrompue et les flux réorientés pour un usage interne. <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0091743520302875">Les pénuries se sont donc multipliées</a> en occident, où les gouvernements sont prêts à payer des fortunes pour des produits habituellement bon marché.</p>
<p>Dans <em>The Resident</em>, une infirmière explique avoir passé <a href="https://stopcovid19.com.ru/wp-content/uploads/2020/07/396_ENG_Facemasks-and-the-Covid-19-pandemic.pdf">cinq jours avec le même masque FFP2</a>. Il manque des blouses, des gants, des écouvillons… La détresse est totale. Dans <em>New Amsterdam</em>, la situation est similaire, avec des protections utilisées plusieurs jours et plusieurs nuits qui deviennent inefficaces et conduisent à des contaminations de soignants. Dans <em>The Good Doctor</em>, les médecins ont accès à 25 tests par jour, <a href="https://jcp.bmj.com/content/73/7/370.abstract">ce qui est clairement dérisoire vu l’ampleur de la crise</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Dans <em>The Resident</em>, le PDG du Chastain Park Memorial Hospital paie une fortune pour une cargaison de protections individuelles.</span></figcaption>
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<p>Les pénuries sont illustrées par les appels de Max Goodwin, Directeur de l’hôpital <em>New Amsterdam</em> de New York, aux autres hôpitaux de la ville pour trouver de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2352556820301417">l’anesthésique (Propofol)</a> dans le premier épisode. Il apprendra ainsi que certains manquent <a href="https://academic.oup.com/ajhp/article/77/21/1778/5876680?login=true">d’antibiotiques (Métronidazole)</a>, d’antiviral (Aciclovir), d’appareils pour mesurer la saturation en oxygène du sang (oxymètres de pouls), de <a href="https://associationofanaesthetists-publications.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/anae.15078">respirateurs et de tubulure</a>. Dans l’épisode 5, c’est le <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/trf.15869">sang qui est en rupture de stock</a>, et la psychose ambiante n’aide pas à en collecter.</p>
<h2>Des victimes au sort dramatique</h2>
<p>Dès les premières minutes de la nouvelle saison de <em>New Amsterdam</em>, on voit que les malades qui sont hospitalisés <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/00207578.2020.1856627">ne peuvent pas recevoir de visites</a>. Ils communiquent avec leurs proches uniquement via des smartphones et des tablettes. Quand ils sont mis dans le coma sous respirateur artificiel, ils sont très angoissés car ils ne savent pas s’ils vont un jour reprendre conscience. Parfois ils meurent très soudainement, seuls ou en visioconférence. <a href="https://www.bjoms.com/action/showPdf?pii=S0266-4356%2820%2930196-0">La morgue est remplie de cadavres</a> et une extension a dû être installée dans un camion frigorifique. Les opérations chirurgicales urgentes repoussées parfois trop tard ajoutent des victimes collatérales au virus.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les patients meurent du Covid-19 loin de leurs proches dans <em>The Good Doctor</em>.</span></figcaption>
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<p><em>The Good Doctor</em> montre des patients très divers, de tous âges, profils socio-économiques, types de morphologies… Tout le monde peut être contaminé et peut finir à l’hôpital. Si les cas les plus graves sont principalement des personnes avec des comorbidités, obèses, âgées, afro-américaines, les séries montrent aussi des personnes jeunes et en pleine santé avec des symptômes effrayants. Comme les malades ont peur des hôpitaux et qu’on leur dit de rester chez eux tant qu’ils n’ont pas de symptômes graves, ils arrivent souvent trop tard. On voit également des personnes très sérieusement atteintes sortir de réanimation et survivre, ce qui donne de l’espoir.</p>
<h2>Une crise sociétale et économique historique</h2>
<p>Les séries médicales se focalisent sur les aspects sanitaires, mais en montrent aussi les conséquences sociétales et économiques. Au début de <em>The Good Doctor</em>, une personne éternue et pulvérise des germes dans une cafétéria. En payant, elle contamine la caissière avec le billet qu’elle lui tend. Cette scène montre les deux principaux modes de contamination, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8013452/">par aérosol et par le toucher</a>, et la justification des deux principaux modes de protection : le port du masque et le lavage fréquent des mains.</p>
<p>Dans <em>The Resident</em>, les chirurgiens réalisent que les <a href="https://ps.psychiatryonline.org/doi/full/10.1176/appi.ps.202000569">infirmières ne sont pas assez payées par rapport aux dangers qu’elles prennent</a> et à leur engagement dans la lutte contre la pandémie. La série dénonce aussi le comportement de certaines personnes qui ne respectent pas les gestes barrières et se montrent agressives quand on leur demande de le faire. Dans <em>Grey’s Anatomy</em>, un patient refuse d’avoir un médecin chinois. Dans <em>New Amsterdam</em>, une docteure asiatique se fait cracher dessus dans la rue. Si <a href="https://www.independent.co.uk/news/world/americas/esther-choo-white-patients-refuse-treatment-asian-american-doctor-racism-tweets-every-state-a7911346.html">ce phénomène sinophobe n’est pas nouveau</a>, il s’est <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3603922">intensifié avec la pandémie</a> et les propos répétés de Donald Trump sur « le virus chinois ».</p>
<p>D’autres séries dramatiques ou humoristiques montrent que le virus est partout et impacte de nombreux aspects de la vie quotidienne. Dès que quelqu’un tousse ou a de la fièvre, c’est la panique générale. <a href="https://globalizationandhealth.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12992-020-00589-w">Le virus rend fou, et tout semble anormal</a>, bizarre ou dangereux : les comportements individuels, les relations sociales, les lieux comme les restaurants, les cinémas, les boutiques, les pratiques comme faire ses courses ou faire du sport. Dans sa sixième saison, la série comique <em>Superstore</em> tourne en dérision l’étrangeté de la vie pendant la pandémie avec des scènes où les gens ne savent pas comment mesurer la distance qui les séparent, <a href="https://peerj.com/articles/10771/">se battent pour du papier toilette</a>, se lavent frénétiquement les mains, ou deviennent complètement paranoïaques et hypocondriaques.</p>
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<figcaption><span class="caption">Dans le premier épisode de la saison 6 de <em>Superstore</em>, les clients d’un supermarché dévalisent les rayons des produits « essentiels ».</span></figcaption>
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<p>La Covid-19 est également omniprésente dans la troisième saison de la série <em>The Conners</em> qui combine des éléments à la fois comiques et tragiques pour illustrer la façon dont l’Amérique profonde fait face à la crise. Dan Conner, le patriarche, risque de <a href="https://europepmc.org/article/ppr/ppr239331">perdre la maison familiale car ses chantiers sont annulés, donc il ne peut plus payer la banque</a>. Jackie Harris, la tante excentrique, fait des livraisons à vélo pour maintenir son restaurant à flot. Darlene et Becky, les deux filles de Dan, doivent trouver un nouvel emploi et se retrouvent à <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanpsy/article/PIIS2215-0366(20)30141-3/fulltext">travailler à la chaîne dans une usine avec une visière et un masque, ce qui est infernal pour elles</a>.</p>
<p>Mark, le petit-fils adolescent, porte un masque en permanence, même à la maison. Il prend la température de tous ceux qui y entrent, les asperge de gel hydroalcoolique et surveille que chacun respecte la distanciation sociale. Il essaie de suivre sérieusement <a href="https://psyarxiv.com/dzh8m/">ses cours en ligne, mais il est sans cesse perturbé</a> par sa famille que son comportement inquiète et agace. La série évoque aussi la désinformation, l’angoisse permanente, la politisation de la pandémie et le manque de perspectives face à un avenir incertain.</p>
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<figcaption><span class="caption">La saison 3 de la série <em>The Conners</em> montre certaines des conséquences sociétales et économiques de la pandémie.</span></figcaption>
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<p>Si beaucoup de séries ont intégré la Covid-19 dans certains épisodes ou dans une saison entière, la pandémie a aussi inspiré la création de nouvelles miniséries qui lui sont entièrement consacrées. C’est le cas de <em>Love in the Time of Corona</em> qui raconte la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7550458/">vie de plusieurs couples confinés</a>. Sur Netflix, <em>Social Distance</em> décrit de manière très réaliste la numérisation de la vie sociale et ses conséquences. Une autre minisérie intitulée <em>This Sceptred Isle</em> va raconter la <a href="https://search.informit.org/doi/abs/10.3316/informit.405658435888724">gestion de la pandémie par le Premier Ministre britannique Boris Johnson</a> interprété par Sir Kenneth Branagh. Nul doute que la Covid-19 continuera d’inspirer scénaristes et réalisateurs dans les prochaines années.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/154873/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Oihab Allal-Chérif ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Certaines séries, tragiques ou comiques, nous permettent de prendre conscience de la diversité des conséquences sanitaires, sociétales et économiques de la pandémie de la Covid-19.Oihab Allal-Chérif, Business Professor, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1564212021-03-10T18:20:21Z2021-03-10T18:20:21ZAu cœur de l’Hôpital du Mali à Bamako lors de la première vague de Covid-19<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/388763/original/file-20210310-23-1edglsu.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C8%2C1185%2C644&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><span class="source">Author provided</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Alors que le Mali vient de vivre sa <a href="https://www.jeuneafrique.com/1091550/societe/le-mali-face-a-la-deuxieme-vague-de-covid-les-structures-sont-saturees/">seconde vague épidémique</a>, notre équipe de recherche termine une analyse anthropologique de la manière dont l’un des plus grands hôpitaux de Bamako s’est organisé pour faire face à la première vague.</p>
<p>Cette étude s’inscrit dans un <a href="https://u-paris.fr/projet-hospicovid/">programme de recherche international</a> visant à comparer la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0277953619302205?via%3Dihub">résilience</a> de plusieurs hôpitaux et leurs professionnels dans le contexte de la pandémie de Covid-19 au Brésil, au Canada, en Chine, au Japon, en France et au Mali. Une telle recherche est utile car les hôpitaux publics ont été mis sur le devant de la scène très tôt dans la lutte contre la pandémie, alors même que les réformes néolibérales de ces trente dernières années ont largement contribué à <a href="https://www.franceculture.fr/oeuvre/la-casse-du-siecle-a-propos-des-reformes-de-lhopital-public">miner leur capacité à y faire face</a>. En outre, la permanence de l’<a href="https://www.lepoint.fr/sante/il-faut-sortir-de-l-hospitalocentrisme-pour-sauver-l-hopital-05-05-2020-2374249_40.php">hospitalo-centrisme</a>, de la demande faite aux utilisateurs de <a href="https://books.openedition.org/pum/8686">payer les soins</a> lorsqu’ils sont malades et se rendent dans les services de santé, ainsi que la <a href="https://theconversation.com/afrique-francophone-a-quoi-servent-tous-ces-hopitaux-106459">construction de nouveaux hôpitaux en Afrique</a> interrogent sur l’organisation des systèmes de santé pour répondre aux besoins prioritaires des populations. En effet, depuis la conférence <a href="https://www.who.int/topics/primary_health_care/alma_ata_declaration/fr/">d’Alma-Ata</a> (1978) et la <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/10253823070140021401x">Charte d’Ottawa</a> (1986), la réorganisation des services pour plus de soins de santé primaires est une urgence de santé publique puisque les besoins de santé se trouvent en grande majorité à ce niveau de base.</p>
<p>Au Mali, les évaluations du ministère de la Santé montrent toutes que la performance des hôpitaux n’était pas au rendez-vous avant la pandémie de Covid-19, pas plus que le financement que le gouvernement accorde à la santé. En effet, seulement 5,4 % du budget de l’État malien est consacré au secteur de la santé alors que cet effort est de 8,7 % au Burkina Faso et de 14,7 % en France.</p>
<p>Dans un contexte sécuritaire tendu depuis des années et alors que le pouvoir exécutif est confronté à une forte <a href="https://actucameroun.com/2021/02/20/mali-le-mouvement-de-contestation-m5-rfp-de-retour-dans-les-rues/">contestation populaire</a>, les priorités gouvernementales sont ailleurs. La pandémie est donc venue s’ajouter aux multiples défis que rencontrent les hôpitaux du Mali pour répondre aux besoins de la population.</p>
<h2>Le contexte de l’Hôpital du Mali</h2>
<p>Les premiers cas confirmés de Covid-19 ont été admis à l’Hôpital du Mali (HDM) le 29 mars 2020, cinq jours après l’identification du premier cas dans le pays. L’HDM est l’un des plus récents hôpitaux du pays. Construit <a href="http://french.peopledaily.com.cn/International/7148764.html">grâce à l’appui de la coopération chinoise</a> dans le quartier de Yirimadio, à Bamako, il a été inauguré en septembre 2010. Il bénéficie d’une <a href="https://amap.ml/mission-medicale-chinoise-au-mali-une-cooperation-en-bonne-intelligence/">équipe médicale chinoise</a> de 28 professionnels (médecins et infirmiers). Il dispose de 132 lits et jouit d’une bonne réputation. L’HDM est un établissement public hospitalier qui bénéficie d’une autonomie administrative et financière consacrée par la <a href="https://www.chapitre.com/BOOK/sanogo-moussa/reforme-hospitaliere-au-mali-logique-enjeux-et-perspectives-analyse-des-nouvelle,73672885.aspx">réforme hospitalière de 2002</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/388767/original/file-20210310-23-l0rhsh.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/388767/original/file-20210310-23-l0rhsh.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/388767/original/file-20210310-23-l0rhsh.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/388767/original/file-20210310-23-l0rhsh.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/388767/original/file-20210310-23-l0rhsh.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/388767/original/file-20210310-23-l0rhsh.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/388767/original/file-20210310-23-l0rhsh.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’hôpital du Mali, à Bamako, a été inauguré en 2010.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Notre analyse repose sur une étude anthropologique réalisée entre avril et juillet 2020. Nous avons réalisé une trentaine d’entretiens avec des membres du personnel (santé, hygiène, administration) et une cinquantaine de séances d’observation de situation dans les différents services de l’hôpital. Au 31 juillet 2020 (période de notre enquête), il y avait 2 535 cas de Covid-19 confirmés et 124 décès enregistrés au Mali.</p>
<h2>Un personnel qui s’inquiète, questionne et n’est pas suffisant</h2>
<p>L’arrivée de l’épidémie a entraîné beaucoup d’interrogations de la part du personnel, pour peu de réponses. En dehors des techniques de prévention, les informations sur le virus (modes de transmission, durée de vie, etc.) étaient peu maîtrisées. La peur était palpable. Les médias internationaux ont contribué à accentuer cette peur à travers des reportages récurrents sur les ravages de l’épidémie en Europe puis aux États-Unis. Très vite, cependant, nos interlocuteurs ont pris conscience qu’il y avait un décalage entre ce qu’ils voyaient dans les médias occidentaux et la réalité des faits dans leur contexte.</p>
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<p>Bien avant l’arrivée de la pandémie, l’hôpital faisait face à une pénurie de personnel. C’est pourquoi la délivrance des soins Covid-19 s’est largement appuyée sur le travail bénévole effectué par des internes des hôpitaux, des étudiants et infirmiers en stage, comme l’explique un infirmer de l’Unité Covid :</p>
<blockquote>
<p>« Ils sont allés dans tous les services chercher des volontaires. J’ai donné mon nom puis j’ai commencé. »</p>
</blockquote>
<p>De plus, la direction de l’hôpital a pris la décision de redéployer le personnel fonctionnaire. En juin, le nombre total de médecins travaillant sur le site Covid-19 s’élevait à 29 professionnels : sept fonctionnaires et 22 contractuels. Pour les contractuels, le montant des salaires mensuels dans le service Covid-19 a été fixé à 400 000 francs CFA (610 euros) pour les médecins et 250 000 francs CFA (381 euros) pour les infirmiers, soit environ deux fois le salaire habituel. Des primes ont été prévues pour les fonctionnaires (10 000 francs CFA par jour pour les médecins et infirmiers de la catégorie A, 9 000 francs CFA pour les infirmiers de la catégorie B et 8 000 francs CFA pour les autres catégories, soit de 15 à 12 euros environ). Si ces montants relativement importants semblent attractifs, il faut noter que les longs délais de paiement (trois mois dans certains cas) ont fini par avoir raison de l’engouement de certains.</p>
<h2>L’adaptation des infrastructures</h2>
<p>La survenue de l’épidémie à l’hôpital n’a fait qu’accentuer le besoin de place pour prendre en charge les patients Covid-19, nécessairement isolés des autres patients.</p>
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<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au départ, l’unité de triage était composée de deux tentes. Puis, à la suite d’une intempérie majeure, ces tentes ont été transférées dans un bâtiment voisin. Ensuite, plusieurs changements ont été opérés. La création et l’équipement d’infrastructures dédiées à la prise en charge des patients Covid-19 a permis de faire face au flux de patients pendant les premiers mois de l’épidémie.</p>
<p>La création d’une unité de triage et d’hospitalisation des cas suspects a permis de mieux coordonner le travail entre l’unité de prise en charge des patients Covid-19 et les services des urgences de l’hôpital où les cas suspects étaient orientés en cas de résultats négatifs. L’augmentation des capacités d’hospitalisation de l’unité de prise en charge Covid-19 a fait que la disponibilité des places n’a pas fait défaut. Tous les patients admis à l’unité ont été pris en charge, y compris les cas de réanimation.</p>
<h2>La première vague est passée, l’hôpital a récupéré</h2>
<p>L’analyse des quatre premiers mois de la gestion de la crise montre que l’hôpital s’est adapté à l’arrivée de la pandémie et a réussi à faire face, malgré d’importants défis de ressources humaines et d’infrastructures.</p>
<p>Il y a même eu une période au cours de laquelle le site de prise en charge Covid-19 était vide de patients mais plein d’agents de santé. Cependant, les patients victimes de la Covid-19 ont été bien pris en charge lors de cette première vague. Les autres patients ont délaissé l’hôpital le temps de la première vague puis ils ont rapidement retrouvé le chemin de l’accès aux soins après, pour ceux qui pouvaient payer. Il faut espérer que les prochaines vagues épidémiques seront d’une aussi faible ampleur afin de permettre à l’hôpital du Mali de déployer les mêmes stratégies d’adaptation efficace et propre à la résilience, comme nous l’avons vu au <a href="https://theconversation.com/senegal-un-modele-dassurance-sante-resilient-en-temps-de-covid-19-143116">Sénégal</a>.</p>
<hr>
<p>_Cet article a été co-écrit avec Laurence Touré, anthropologue, coordinatrice et responsable de recherche à l’association de recherche <a href="http://www.miselimali.org/">MISELI</a>, Bamako, Mali. Merci à Seydou Diabaté et Yacouba Diarra pour leur soutien à la collecte des données.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/156421/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valéry Ridde a reçu des financements d'organismes de recherche publics (ANR, IRSC, AFD, ONG etc.). Cette étude a été financée par l'ANR en France et les IRSC au Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Abdourahmane Coulibaly et Kate Zinszer ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Présentation des résultats d’une étude anthropologique effectuée au sein d’un hôpital malien durant la première vague de l’épidémie de Covid-19.Valery Ridde, Directeur de recherche, Institut de recherche pour le développement (IRD)Abdourahmane Coulibaly, Anthropologue, Faculté de médecine et d'Odontostomatologie, Département d’Enseignement et de Recherche en Santé Publique, Université des sciences, des techniques et des technologies de BamakoKate Zinszer, Professeure adjointe à l'École de Santé Publique de l'Université de Montréal (ESPUM) et chercheuse au Centre de Recherche en Santé Publique (CReSP)., Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1553352021-02-17T19:57:18Z2021-02-17T19:57:18ZMédecins scolaires, un rôle trop méconnu ?<p>Alors que la parole se libère autour de l’inceste, Emmanuel Macron <a href="https://www.france24.com/fr/france/20210123-inceste-la-france-va-renforcer-sa-l%C3%A9gislation-pour-mieux-prot%C3%A9ger-les-victimes-assure-macron">s’est exprimé</a> fin janvier sur les réseaux sociaux pour assurer les victimes de son soutien et a déclaré que des rendez-vous de dépistage et de prévention seraient mis en place au primaire et au collège, dans le cadre des visites médicales obligatoires.</p>
<p>Cette annonce renvoie cependant à une difficulté de terrain : la <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/09/23/l-interminable-crise-de-la-medecine-scolaire_6012705_3224.html">pénurie</a> de médecins scolaires, pointée à nouveau par un <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-medecins-et-les-personnels-de-sante-scolaire">rapport</a> de la Cour des comptes en avril 2020. Un tiers des postes de médecins seraient vacants dans l’Éducation nationale, de sorte que ces professionnels n’ont assuré que 18 % des visites prévues pour la sixième année des élèves en 2018, contre 26 % en 2013.</p>
<p>Dans cette période particulière où chaque jour sont évoqués à l’envi les mots pandémie, fermeture de classes, enseignement à distance, décrochage, mal-être, il est important de revenir sur le rôle de ces professionnels qui se trouvent en première ligne face aux enjeux actuels de santé publique et de société.</p>
<p>Ce sont des médecins le plus souvent spécialisés en médecine générale, mais aussi en pédiatrie, santé publique ou toute autre spécialité. De fait, la médecine scolaire n’est pas, en France pas plus qu’ailleurs, une spécialité reconnue en tant que telle et donc enseignée dans les facultés de médecine. Ou à peine.</p>
<p>Notamment depuis un an, dans le cadre de la réforme du troisième cycle des études médicales, des internes en médecine volontaires peuvent faire une « formation spécialisée transversale » santé scolaire, qui pourrait, à terme, ouvrir la voie à une spécialisation. Mais le chemin est long et parsemé d’obstacles.</p>
<p>S’il existe dans de nombreux pays une santé ou une médecine scolaire, il n’y a pas toujours de médecins dont l’exercice est exclusivement dévolu au milieu scolaire. C’est le cas des médecins de l’éducation nationale en France : ils sont recrutés par concours et, après une année pendant laquelle ils sont en alternance en formation à l’École des hautes études en santé publique (EHESP) et en poste sur leur secteur d’activité, ils deviennent fonctionnaires d’État, à l’éducation nationale donc.</p>
<h2>De nombreuses missions</h2>
<p>À ce jour, un peu moins de 1 000 équivalents temps pleins sont occupés sur les 1 500 postes de médecins de l’éducation nationale ouverts. En appliquant une simple règle de trois, sur une base statutaire de 1607 heures par an et par médecin, rapportée à <a href="https://www.education.gouv.fr/les-chiffres-cles-du-systeme-educatif-6515">12 352 200 d’élèves</a>, en France, chaque élève disposerait d’un peu moins de 8 minutes de temps de médecin scolaire par année de scolarité.</p>
<p>Pour réducteur qu’apparaisse ce calcul, il illustre une <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-05/20200527-rapport-58-2-medecins-personnels-sante-scolaire-annexes.pdf">certaine pénurie</a>, comme le fait la fourchette traditionnellement donnée au nombre d’élèves par médecin (entre 9 000 et 30 000). Et ceci d’autant plus que les missions des médecins de l’éducation nationale sont nombreuses. Elles peuvent être synthétisées en trois grands blocs.</p>
<p>D’une part, <strong>une approche individuelle</strong> de la santé des élèves avec des bilans obligatoires : visite médicale lors de la sixième année, destinée à dépister des troubles qui pourraient entraver l’entrée dans les apprentissages des enfants en grande section de maternelle. Mais aussi visite d’aptitude dérogatoire aux travaux réglementés interdits aux mineurs, pour les élèves de moins de 18 ans orientés en lycée professionnel. En outre à tout moment dans la scolarité, les médecins scolaires peuvent intervenir pour des élèves à besoins particuliers (situation de handicap ou maladie chronique notamment) ou pour des situations préoccupantes (relevant du registre de la protection de l’enfance essentiellement).</p>
<p>D’autre part, les médecins de l’éducation nationale approchent la santé des élèves <strong>de façon collective</strong> : éducation à la santé, surveillance de l’environnement scolaire, formation des personnels aux caractéristiques de la santé de l’enfant et de l’adolescent, recueil des données sur la santé des élèves voire participation à des recherches concernant de ces publics.</p>
<p>Enfin, ils sont aussi partie prenante dans la <strong>gestion des situations d’urgence sanitaire</strong> : survenue d’événements graves ou de maladies transmissibles dans la communauté scolaire. La crise actuelle illustre bien le bénéfice spécifique qui pourrait être attendu de ce corps de professionnel.</p>
<p>On mesure l’amplitude des compétences requises tout autant que l’ampleur de la tache…</p>
<h2>Approche collective</h2>
<p>L’exercice en milieu scolaire attire majoritairement des femmes (<a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-05/20200527-rapport-58-2-medecins-personnels-sante-scolaire-annexes.pdf">96 % en 2018</a>), qui ont fait le choix d’une carrière au service de l’enfance et de l’adolescence, dans une approche non curative. Les motivations les plus souvent avancées sont la volonté d’un exercice en équipe avec d’autres professionnels de l’enfance de l’adolescence et de l’éducation, mais aussi l’envie d’avoir une approche collective de la santé.</p>
<p>Le médecin scolaire n’est en effet pas là pour voir de jeunes patients qu’il traiterait individuellement à l’école, suivant un modèle d’exercice libéral. Il s’agit bien de considérer l’école comme un milieu de vie favorable à la santé et comme l’opportunité de lutter contre les inégalités sociales de santé. D’où l’importance de permettre à chacun de ces professionnels de changer de paradigmes : de l’individuel au collectif, du curatif au préventif, du soin à la promotion de la santé, comme en témoigne la liste de leurs missions et le programme de leur formation.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1276526841281556487"}"></div></p>
<p>La formation délivrée aux médecins de l’éducation nationale vise donc directement à leur permettre de remplir au mieux ces missions en intégrant notamment des thématiques prioritaires de l’éducation nationale ou de santé publique selon l’actualité, en prenant en compte l’évolution du profil des promotions reçues au concours et de leurs besoins et en leur donnant l’opportunité de s’outiller en promotion de la santé.</p>
<p>Notons que les <a href="https://www.education.gouv.fr/mission-bien-etre-et-sante-des-jeunes-6518">rapports</a> et <a href="https://www.academie-medecine.fr/wp-content/uploads/2017/10/Rapport-m%c3%a9decine-scolaire-rapport-r%c3%a9vis%c3%a9-version-12-10-2017-1.pdf">expertises</a> concernant la santé scolaire se sont multipliés ces dernières années témoignant d’une double préoccupation : celle de la santé des jeunes et de <a href="https://www.lecese.fr/travaux-publies/pour-des-eleves-en-meilleure-sante">leur bien-être à l’école</a> pour commencer, mais aussi celle des conditions de leur développement et leur prise en compte au sein de l’éducation nationale, notamment par des acteurs spécialisés.</p>
<h2>Tensions actuelles</h2>
<p>La palette de leurs missions et leurs compétences spécifiques confortent le rôle de première ligne que ces professionnels de santé pourraient jouer dans la lutte contre la pandémie à Covid-19. Et ce, au-delà de leur contribution actuelle, dictée par le biomédical et l’infectiologie (<em>contact tracing</em>, vaccination, tests de dépistage, gestion des urgences…). On pense ici en particulier aux conséquences directes ou indirectes de cette pathologie de mieux en mieux identifiées sur la santé physique et mentale des élèves, notamment les plus vulnérables (porteurs de maladies chroniques ou de handicaps, issus de familles économiquement fragilisées par la crise, décrocheurs…).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1313705110971744258"}"></div></p>
<p>Mais le corps des médecins de l’éducation nationale ne peut relever ces défis de manière isolée et cloisonnée, ce qui est pourtant la règle, accentuée par une gestion séparée de chacun des métiers santé et sociaux présents au sein de cette administration (médecins, psychologues, infirmiers et assistants de service social) et une articulation pas toujours fluide avec le corps enseignant. Il est pourtant essentiel de développer une approche collaborative et complémentaire entre les différents acteurs de la santé des élèves, dans une logique de service et d’approche par milieu de vie, ici l’école, qui pourrait passer par des temps de formation partagés à développer.</p>
<p>On mesure bien la tension entre l’ampleur de la tâche et la réalité des effectifs disponibles, entre l’empilement des missions et la possibilité de prioriser ; qui pourrait éviter la perte de sens et permettre de gagner en efficience, au service du bien-être et de la santé de tous les élèves aujourd’hui et demain ; en optimisant les 8 petites minutes de médecin scolaire de chaque élève de notre pays…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/155335/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuelle Godeau est membre de l'Ecole des hautes études en santé publique où elle est responsable de la filière de formation des médecins de l'Education nationale.
</span></em></p>Alors que les enjeux de santé tiennent plus de place que jamais en milieu scolaire, chaque élève ne disposerait que d’un peu moins de huit minutes de temps de médecin scolaire par année de scolarité.Emmanuelle Godeau, Enseignante chercheuse - Responsable de la filière des médecins de l’éducation nationale - Membre du CERPOP (UMR1295, Inserm -UPS, Toulouse), École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1545962021-02-07T17:24:33Z2021-02-07T17:24:33ZLa gestion de l’absentéisme à l’hôpital public : les effets délétères de solutions trop fragiles<p>En 2020, le taux d’absentéisme dans les hôpitaux français se situait en moyenne entre 9,5 % et 11,5 % selon les chiffres de l’enquête de <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/hopitaux-pas-de-departs-massifs-mais-des-arrets-en-hausse-20201110">Fédération hospitalière française</a>, contre un niveau entre 8,5 % et 10 % en 2019, avant la crise de la Covid-19. </p>
<p>Même si la crise sanitaire n’a entraîné qu’une hausse relativement faible, ces chiffres tranchent avec le reste du tissu économique.</p>
<p>Ainsi, selon les résultats du 12<sup>e</sup> baromètre de l’absentéisme et de l’engagement Ayming, la France recensait un taux d’absentéisme de <a href="https://www.ayming.fr/insights/barometres-livres-blancs/barometre-de-labsenteisme-et-de-lengagement/">5,11 % en 2019</a>.</p>
<p>Pour comprendre cet écart, nous avons mené un travail de recherche qui analyse la gestion de l’absentéisme à l’hôpital public et ses effets sur le personnel infirmier, les cadres de santé et les patients, dans un contexte de <a href="https://www.marianne.net/societe/117-milliards-d-economies-en-10-ans-comment-%C3%89tat">restrictions budgétaires</a> et de <a href="https://theconversation.com/hopital-quand-les-soignants-inventent-eux-memes-des-solutions-a-leur-mal-etre-89504">conditions de travail dégradées</a> : intensification du travail, pression temporelle, rythme de travail soumis à un contrôle informatique, travail morcelé, agressivité des patients et de leur famille, etc.</p>
<h2>« Débrouillardise »</h2>
<p>Il ressort notamment de notre étude que cette gestion de l’absentéisme souffre de certains manquements : elle est généralement mise en place en interne, au niveau d’un service et/ou d’un même pôle. En outre, les solutions ont tendance à relever de la « débrouillardise » et d’arrangements directs entre les acteurs, ce qui peut engendrer des conséquences délétères sur le personnel.</p>
<p>Le cadre de santé fait donc preuve d’une forte réactivité et d’inventivité pour gérer dans l’urgence l’absentéisme. Comme nous l’avons montré dans nos <a href="https://www.cairn.info/revue-gestion-2000-2018-6-page-119.htm">travaux de recherche</a>, il mobilise en <a href="https://journals.openedition.org/pmp/5551">priorité l’auto-remplacement</a> et l’ajustement des plannings pour gérer l’intégralité des absences, et pas seulement <a href="https://journals.openedition.org/pmp/5551">celles de courte durée</a>. Avec l’auto-remplacement, le cadre de santé rappelle les personnels sur leur temps de repos (hebdomadaire ou réduction du temps de travail. Avec l’auto-ajustement, il gère l’absentéisme en mobilisant les effectifs présents dont il dispose. Les cadres ont également recours à la mobilité interservices, et lorsqu’il existe et que sa taille est suffisante, au pool de remplacement.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1019434485392330752"}"></div></p>
<p>Une coopération paraît ainsi s’instaurer entre la direction des ressources humaines, les cadres de santé supérieurs et les cadres de santé dans certains établissements pour gérer de manière plus collégiale l’absentéisme.</p>
<p>Comme en témoigne un cadre de santé supérieur interviewé dans notre étude :</p>
<blockquote>
<p>« Tous les 15 jours, nous avons une réunion dite des effectifs où les 6 cadres supérieurs de santé se retrouvent avec la directrice des soins, l’attachée d’administration hospitalière DRH, son adjointe et chaque cadre supérieur expose ses difficultés en termes d’effectif pour les 15 jours à venir ».</p>
</blockquote>
<p>La gestion de l’absentéisme tend ainsi à développer une coopération entre les différents acteurs. Loin de diviser et de les mettre en compétition, les restrictions budgétaires imposées aux établissements de santé contraignent les agents à trouver ensemble des solutions, des arrangements, dans un contexte de conditions de travail dégradées.</p>
<p>La gestion de l’absentéisme renforce donc les relations interpersonnelles. Se développe un fort soutien social d’une part, au sein de l’équipe, entre les infirmières, et d’autre part entre les infirmières et le cadre de santé.</p>
<h2>Conséquences délétères</h2>
<p>Toutefois, ce mode de gestion porte son lot de conséquences négatives pour les soignants et les patients, comme nous avons pu le constater. Ces principaux effets sont les suivants :</p>
<ul>
<li><strong>Une fatigue extrême des personnels soignants</strong></li>
</ul>
<p>Avec le recours à l’auto-remplacement, les heures de travail se rallongent continuellement, allant au-delà de la quotité de travail choisie par l’agent, s’accompagnant d’une impossibilité de poser des congés, de prendre des RTT et de se reposer, et conduisant donc à du présentéisme.</p>
<p>Ce dernier provoque une fatigue extrême chez les infirmiers, comme en témoigne un infirmier :</p>
<blockquote>
<p>« Disons que lorsque les collègues travaillent cinq jours d’affilée, le cinquième jour est difficile ».</p>
</blockquote>
<p>Cette situation peut conduire à des absences maladie de longue durée liées à un épuisement physique et émotionnel des personnels infirmiers. Avec l’auto-ajustement des plannings, les personnels infirmiers subissent en effet une variabilité incessante de leur planning, source d’insatisfaction et de mal être au travail.</p>
<ul>
<li><strong>Des violences psychologiques à l’encontre des personnels infirmiers</strong></li>
</ul>
<p>Les résultats de la recherche et plus particulièrement de l’étude netnographique (à partir des messages tirés des forums de discussion) que nous avons menée indiquent que, si l’agent refuse de remplacer un de ses collègues sur son temps de repos (auto-remplacement), il peut subir des violences psychologiques de la part du cadre de santé et plus particulièrement, des pressions psychologiques ou encore du harcèlement téléphonique.</p>
<p>Un témoignage relevé sur un forum l’illustre :</p>
<blockquote>
<p>« Si la continuité des soins est rompue parce qu’on ne vient pas sur nos repos, ce n’est certainement pas de notre faute. Le reste c’est de l’intimidation, du chantage aux sentiments ».</p>
</blockquote>
<ul>
<li><strong>Des risques sur la sécurité et la qualité des soins dispensés aux patients</strong></li>
</ul>
<p>Le recours à la mobilité interservices peut induire une réduction de la qualité des soins dans la mesure où l’agent qui intervient ne connaît ni le service en question, ni les patients.</p>
<p>Une infirmière interrogée en témoigne :</p>
<blockquote>
<p>« On ne connaît pas les patients donc on fait comme on peut. On ne connaît pas l’endroit, où sont les médicaments […] on peut se sentir complètement inutile ».</p>
</blockquote>
<p>Enfin, l’absence morale précédemment évoquée des agents infirmiers interroge quant à la sécurité des soins. Même si en tant que chercheurs, nous n’avons pu obtenir le nombre d’incidents liés à la fatigue des infirmiers (donnée confidentielle), un syndicaliste a pu relater un incident dont les conséquences sont alarmistes :</p>
<blockquote>
<p>« Il n’y a pas très longtemps, on a eu une chimiothérapie qui devait se dérouler en 8 heures, les agents l’ont faite en une demi-heure, le patient a failli mourir, très clairement… et il y a eu des choses encore plus graves mais bien sûr, ça ne sort pas de l’établissement ».</p>
</blockquote>
<h2>Pénurie de professionnels</h2>
<p>Face à la crise de la Covid-19, des nouvelles solutions de « débrouillardise » (mobilisation des étudiants en médecine, rappel des professionnels de santé retraités, recours à des personnels intérimaires, recours aux heures supplémentaires, etc.) ont été mises en œuvre en parallèle. Mais elles demeurent insuffisantes.</p>
<p>Les modalités utilisées avant la crise sanitaire ne suffisent en effet pas pour pallier le manque de professionnels de santé. Bien que dotés de moyens financiers supplémentaires (<a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3397_projet-loi">PLFSS 2020 et 2021 – projet de loi de financement de la sécurité sociale</a>, <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/segur-de-la-sante-les-conclusions/">accords du Ségur de la santé</a>, <a href="http://www.financespubliques.fr/glossaire/terme/Eco_ONDAM/">ONDAM Hospitalier</a>, etc.), les hôpitaux ont pu lancer des campagnes de recrutements externes dont le succès fut limité en raison de la <a href="https://www.cairn.info/revue-gestion-et-management-public-2018-3-page-9.htm">pénurie du personnel médical</a> et de soignants spécialisés liée à la stratégie de flux tendus déployée pour répondre aux impératifs du Nouveau Management Public.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1270835839610880001"}"></div></p>
<p>Certes, les professionnels de la santé sont toujours aussi investis et dévoués, mais aussi épuisés face à cette situation dont on ne perçoit pas la fin. Comme en témoignait la directrice des hôpitaux du bassin de Thau, <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/herault/sete/covid-19-certains-professionnels-n-ont-pas-recupere-premiere-vague-hopital-tension-sete-1877786.html">(dans un article de France 3 Occitanie de septembre 2020</a>) :</p>
<blockquote>
<p>« Une grande fatigue physique et psychologique chez des professionnels qui n’ont pas récupéré de la première vague ».</p>
</blockquote>
<p>En conséquence, la probabilité que les taux d’absentéisme augmentent est élevée, ce qui compliquera la gestion de la crise sanitaire.</p>
<p>L’hôpital doit en conséquence rapidement <a href="http://gestions-hospitalieres.fr/lattractivite-de-lhopital-public/">susciter des vocations</a>, notamment chez les jeunes médecins. Une réflexion approfondie doit être menée sur la politique d’emploi et de gestion des compétences des professionnels de santé ainsi que sur la revalorisation des métiers, donnant lieu à des résultats concrets. Les accords du <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042345102">Ségur de la Santé</a> et plus spécifiquement la légère revalorisation des salaires, en septembre dernier, peuvent toutefois constituer une première pierre à l’édifice.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/154596/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Commeiras est membre de l'AGRH (Association Académique Francophone pour la Gestion des Ressources Humaines)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Véronique Achmet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La priorité donnée au rappel des personnels sur leur temps de repos conduit à une plus grande fatigue des soignants, mais aussi à une dégradation de la qualité des soins apportés aux patients.Nathalie Commeiras, Professeur des Universités en Gestion des Ressources Humaines, Montpellier Recherche Management (MRM), Université de MontpellierVéronique Achmet, Docteur en sciences de gestion, Montpellier Recherche Management (MRM), Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1493732020-11-03T19:36:50Z2020-11-03T19:36:50ZCovid-19 : ce que révèle le classement des experts médicaux les plus médiatisés<p>Jamais avant cette crise sanitaire le ministère et les administrations de la Santé n’avaient eu autant de poids dans les politiques publiques, au point notamment d’en faire oublier des règles budgétaires qui paraissaient jusqu’alors intangibles, et justifiaient notamment depuis des décennies de limiter la progression de dépenses de santé. Nous n’avions jamais vu non plus les médias grand public envahis par autant de spécialistes des sciences médicales. Plusieurs d’entre eux ont ainsi, à travers cette crise, acquis une notoriété nouvelle ou renforcé une notoriété limitée.</p>
<p>Le critère retenu ici pour mesurer sommairement cette audience est celui du nombre d’occurrences de leur « prénom nom » sur le moteur de recherche Google Actualités. Il peut bien sûr y avoir des biais mineurs, en cas d’homonymies, de mentions du seul nom, ou d’interventions récentes sur d’autres sujets.</p>
<p>Ce critère ne fait pas non plus de différence entre communication maîtrisée par l’intéressé et réactions positives ou négatives. Ne sont pris en compte ici que les spécialités qui sont directement liées à la Covid-19, la virologie, l’infectiologie, l’épidémiologie, l’immunologie, la santé publique et la réanimation. Des interventions de représentants d’autres spécialités plus éloignées, comme celles du généticien Axel Kahn ou du chirurgien urologue blogueur Gérard Maudrux, ne sont pas intégrées.</p>
<h2>Des « mâles blancs » plutôt parisiens</h2>
<p>Si l’on fixe le seuil à 500 occurrences sur Google Actualités, on arrive à un corpus de près d’une quarantaine de personnalités, avec des écarts considérables. En effet, le premier, sans surprise le controversé Didier Raoult, professeur de microbiologie à la faculté de médecine et à l’institut hospitalo-universitaire de Marseille, avec 1,5 million d’occurrences, n’est suivi que de très loin par Éric Caumes, chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris (69 700), Jean‑François Delfraissy, président du conseil scientifique (52 500), Bruno Lina (46 600), professeur de virologie au CHU de Lyon et membre du conseil scientifique, Philippe Amouyel, professeur de santé publique au CHU de Lille (32 600), et les autres.</p>
<p>Une sociologie sommaire montre qu’il s’agit, également sans surprise, de manière écrasante de « mâles blancs », avec cinq femmes seulement, dont plusieurs sont toutefois bien classées, comme Karine Lacombe, cheffe de service des maladies infectieuses à l’hôpital Saint-Antoine à Paris (9<sup>e</sup>), ou l’épidémiologiste et biostatisticienne Catherine Hill (12<sup>e</sup>). Ils ne sont que deux à être issus de manière visible d’une immigration récente, les membres du conseil scientifique Lila Bouadma, réanimatrice à l’hôpital Bichat à Paris, fille de travailleurs immigrés algériens, ouvrier et femme de ménage, et le médecin infectiologue Yazdan Yazdanpanah, né dans une famille de la bourgeoisie iranienne.</p>
<p>Autre résultat un peu tautologique vu les critères de constitution du corpus – qui excluent des représentants des sciences humaines et sociales – quatre cinquièmes sont médecins. Outre l’immunologiste Éric Vivier, vétérinaire, et le virologue Yves Gaudin, biochimiste, cinq épidémiologistes sont biomathématiciens, biostatisticiens ou, dans le cas de Laurent Toubiana – certains ont d’ailleurs cherché à disqualifier ses positions dissidentes à ce titre –, <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/sciences/covid-19-pourquoi-il-faut-denoncer-les-rassuristes_2135790.html">physicien de formation initiale</a>.</p>
<p>Parmi les médecins, une écrasante majorité sont professeurs dans des facultés de médecine. Mais on trouve aussi des médecins sans statut universitaire, qui se sont fait une place dans le débat, comme l’épidémiologiste passé par l’Inserm, fondateur d’un <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-qui-sont-les-experts-qui-nous-parlent-tous-les-jours-dans-les-medias_4071553.html">cabinet d’expertise privé</a> Martin Blachier, ou les réanimateurs Arnaud Chiche, Gérard Kierzek et Louis Fouché.</p>
<p>Les Parisiens sont très largement majoritaires, seule Marseille étant, parmi les différentes villes de province, représentées de manière plurielle, avec, outre Éric Vivier, Didier Raoult bien sûr et deux de ses proches (Philippe Parola, Louis Fouché). On comprend mieux pourquoi le débat autour du directeur de l’IHU pouvait se lire dans une opposition Paris-Marseille, voire Paris-province. Plusieurs spécialistes des facultés de province doivent se contenter d’une audience plus limitée dans la presse régionale.</p>
<p>De manière générale, aucune de ces personnalités n’avait de véritable notoriété auprès du grand public avant cette crise, y compris Didier Raoult dont beaucoup ont découvert le « look » inattendu à cette occasion, même s’il avait déjà publié des <a href="http://www.michel-lafon.fr/auteur/1089-Didier+Raoult">ouvrages de vulgarisation</a> aux éditions Michel Lafon et tenu des <a href="https://www.lepoint.fr/invites-du-point/didier_raoult/">chroniques</a> dans plusieurs journaux comme l’hebdomadaire <em>Le Point</em>.</p>
<h2>Nouvelles figures</h2>
<p>Jean‑François Delfraissy avait une certaine notoriété comme président du Comité consultatif national d’éthique depuis 2016, Christian Perronne pour ses <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/societe/sante/chloroquine-lyme-pourquoi-le-professeur-perronne-irrite-t-il-ses-confreres_2129364.html">positions controversées</a> sur la maladie de Lyme, le chercheur clinicien Gilles Pialoux pour son engagement dans la <a href="https://www.lequotidiendumedecin.fr/specialites/infectiologie/le-pr-gilles-pialoux-un-poilu-du-vih-dans-les-tranchees-du-coronavirus">lutte contre le Sida</a>, Catherine Hill pour son implication dans la <a href="https://www.humanite.fr/proces-mediator-je-netais-pas-si-loin-de-la-verite-683643">dénonciation du scandale du Médiator</a>, etc., mais elle restait sans commune mesure avec ce qu’elle est aujourd’hui.</p>
<p>Pour beaucoup, cette crise a été l’occasion de passages inédits sur les plateaux de radio ou TV, voire dans de grandes émissions d’entretien habituellement réservées à des personnalités du monde politique, économique, social ou culturel, comme le grand entretien de la matinale sur France Inter ou Bourdin direct sur BFM-RMC. Bénéficier d’une telle audience est habituellement réservé, pour des scientifiques, aux lauréats d’un prix Nobel.</p>
<p>Si beaucoup sont déjà, comme professeurs de médecine, des figures bien installées dans leur domaine, on a aussi assisté à un relatif brassage au sein des élites médicales traditionnelles. Seuls cinq sont membres de l’Académie de médecine, alors que plusieurs spécialistes de virologie ou d’infectiologie depuis longtemps émérites, éloignés de la recherche, ne sont pas intervenus dans les débats, ou, dans le cas de l’octogénaire Luc Montagnier, l’ont fait avec une prise de position <a href="https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/coronavirus-la-theorie-d-un-virus-fabrique-avancee-par-luc-montagnier-vivement-contestee-6810888">jugée déplacée</a>. De manière générale, on trouve peu de professeurs émérites, ou alors d’assez fraîche date, jeunes septuagénaires, à l’image de Jean‑François Delfraissy.</p>
<p>Des figures nouvelles comme l’épidémiologiste Martin Blachier, avec sa « gueule » d’acteur, ou le réanimateur d’Hénin-Beaumont Arnaud Chiche, fondateur du collectif Santé en danger, se sont trouvés une place inattendue.</p>
<h2>Peu de spécialistes reconnus par leurs pairs</h2>
<p>En outre, on trouve des résultats très inégaux lorsque l’on considère leur reconnaissance par les pairs, mesurée il est vrai par le <a href="https://www.researchgate.net/publication/51932209_The_Inconsistency_of_the_h-index">contesté</a> h-index des citations, créé par le physicien Jorge Hirsch en 2005. Didier Raoult occupant également, à la faveur de sa productivité souvent jugée suspecte, la 1<sup>re</sup> place (107), suivi de près par le professeur lillois de santé publique Philippe Amouyel (101).</p>
<p>Les immunologistes comme Éric Vivier (87), Alain Fischer (74) ou Jean‑François Delfraissy (73), dont les travaux couvrent un spectre plus large, sont mieux placés dans ce classement que les virologues comme Bruno Lina (46), les infectiologues comme Yazdan Yazdanpanah (50), Gilles Pialoux (46) ou Éric Caumes (44), les épidémiologistes comme Arnaud Fontanet (47) ou Antoine Flahaut (38), ou les réanimateurs comme Lila Bouadma (38) ou Bruno Megarbane (41).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/367190/original/file-20201103-13-1y67rjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/367190/original/file-20201103-13-1y67rjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/367190/original/file-20201103-13-1y67rjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/367190/original/file-20201103-13-1y67rjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/367190/original/file-20201103-13-1y67rjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/367190/original/file-20201103-13-1y67rjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=462&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/367190/original/file-20201103-13-1y67rjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=462&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/367190/original/file-20201103-13-1y67rjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=462&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Classement des 15 experts qui comptent le plus d’occurences dans Google Actualités.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteur.</span></span>
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</figure>
<p>La biomathématicienne non-médecin de l’Inserm Dominique Costagliola a un score élevé (75), alors que d’autres comme Catherine Hill (18), Laurent Toubiana (10) ou Pascal Crépey (10), épidémiologiste et biostatisticien à l’École des hautes études en santé publique, sont beaucoup plus bas, tous comme les simples médecins réanimateurs plutôt amenés à témoigner de leur pratique. La reconnaissance médiatique permet de brasser les cartes, en donnant leur chance à de bons clients, à l’aise devant une caméra ou un micro, qui n’ont pas nécessairement la plus grande reconnaissance de leurs pairs internationaux.</p>
<p>Les véritables spécialistes des maladies virales respiratoires apparaissent, à l’instar de Bruno Lina, directeur du centre national de référence sur la grippe, peu nombreux. D’autres sont plutôt spécialistes du sida (Jean‑François Delfraissy, Gilles Pialoux, etc.), des maladies tropicales (Éric Caumes), voire même du cancer (Catherine Hill), etc. De manière générale, les grippes annuelles ou les coronavirus habituels ne semblent pas mobiliser autant de chercheurs, ou du moins ne leur offrent pas, même dans le cas de la pandémie H1N1 en 2009-2010, un tel relais médiatique.</p>
<p>Les membres du conseil scientifique, même s’ils sont très inégalement médiatisés, occupent une place de choix, son président Jean‑François Delfraissy en tête, suivi de Bruno Lina et Arnaud Fontanet (7<sup>e</sup>). Il y a un avantage évident à en être. Dans la mesure où leurs préconisations apparaissent directement à l’origine des politiques publiques adoptées, les médias sont particulièrement avides de les interroger, qu’il s’agisse d’anticiper ou d’expliciter ces politiques.</p>
<p>Mais d’autres spécialistes sont également très présents, sans pour autant se démarquer particulièrement des positions du conseil, à l’image de Karine Lacombe (9<sup>e</sup>) ou d’Antoine Flahault (11<sup>e</sup>), ancien professeur de santé publique à Tenon devenu directeur de l’institut de santé globale de l’université de Genève. Le débat s’est longtemps réduit entre Didier Raoult, rapidement démissionnaire du conseil scientifique, soutenu en dehors de l’IHU par le seul Christian Perronne, et les autres.</p>
<h2>Les « rassuristes » emportés la deuxième vague</h2>
<p>Plus tardivement sont apparues des figures que les médias ont classées dans les <a href="https://www.lapresse.ca/covid-19/2020-10-07/les-rassuristes.php">« rassuristes »</a> en raison de leurs positions qui minimisent la gravité de l’épidémie, comme le professeur de physiologie du sport Jean‑François Toussaint ou l’épidémiologiste de l’Inserm Laurent Toubiana.</p>
<p>Didier Raoult a pu bénéficier pendant plusieurs mois, outre le public de la <a href="https://www.youtube.com/channel/UCFaPzuoXcACu7jplePDfXmA">chaîne YouTube</a> de l’IHU, d’une place exceptionnelle sur les antennes, avec des interventions qu’il réservait à de longues émissions spéciales sans contradicteur. Toutefois, l’audience tend à décliner, en raison la non-reconnaissance par les agences et autorités de santé nationales et internationales de son traitement à l’hydroxychloroquine.</p>
<p>Son attitude <a href="https://www.ladepeche.fr/2020/06/04/chut-taisez-vous-didier-raoult-semporte-contre-une-journaliste-de-bfmtv,8916415.php">jugée grossière</a> à l’égard de certains journalistes, femmes en particulier, l’a sans doute desservi également. Son soutien Christian Perronne a, de son côté, prononcé des accusations peu étayées à l’égard de ses confrères qui faisaient courir le <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/06/25/le-professeur-christian-perronne-vise-par-le-conseil-national-de-l-ordre-des-medecins_6044156_3224.html">risque de procès en diffamation</a>.</p>
<p>Les « rassuristes » ont eu un temps une audience importante, mais ils tendent depuis quelques semaines, avec le désaveu que représente l’émergence d’une « deuxième vague » dont ils avaient pu longtemps contester l’occurrence, à être écartés des médias les plus reconnus, et à devoir se contenter <a href="https://www.programme-tv.net/news/tv/263569-lheure-des-pros-le-controverse-professeur-jean-francois-toussaint-malmene-en-direct-par-les-chroniqueurs-de-pascal-praud-video/">d’émissions</a> jugées « populistes ». Les occurrences sur Google Actualités peuvent aussi mesurer des relais auprès de réseaux sociaux ou blogs moins établis.</p>
<p>Avec l’aggravation récente de la crise, la parole des « alarmistes » est devenue hégémonique dans les grands médias, et les débats ne portent plus que sur la manière de se résister à la deuxième vague. Des dissidents comme Catherine Hill, qui <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/08/21/a-l-heure-actuelle-les-tests-de-depistage-du-covid-19-se-font-sans-aucune-strategie-identifiable_6049502_3232.html">remet en cause la stratégie en matière de tests</a>, ou Éric Caumes, qui a proposé de <a href="https://www.bfmtv.com/sante/coronavirus-l-infectiologue-eric-caumes-propose-de-laisser-les-jeunes-se-contaminer-entre-eux_AN-202008010119.html">laisser les jeunes se contaminer</a> entre eux pendant l’été, sont plutôt rentrés dans le rang.</p>
<p>L’heure est à une mobilisation générale qui ne souffre plus guère de contradictions. Le spectre du judiciaire plane. Gilles Pialoux a pu ainsi, lors de la matinale de BFM-RMC du 27 octobre, <a href="https://rmc.bfmtv.com/mediaplayer/video/le-professeur-gilles-pialoux-face-a-apolline-de-malherbe-sur-rmc-et-bfmtv-1288832.html">menacer les « rassuristes »</a> de devoir répondre en justice de leurs prédictions erronées.</p>
<p>À l’inverse, les erreurs dans les prédictions des « alarmistes » ne leur sont pas reprochées, par exemple celles relatives aux hospitalisations, réanimations et décès au 1<sup>er</sup> novembre faites par le conseil scientifique dans sa <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/notealerte-conseilscientifique-22septembre_2020.pdf">note du 22 septembre</a> dernier. Dans ce cas, même leurs scénarios les plus optimistes se sont révélés excessifs (de 1 220 à 2 730 réanimations en Île-de-France, contre 920 en réalité).</p>
<p>Actuellement, faire peur ne fait pas fuir les micros et caméras, au contraire. Pêcher par excès de pessimisme est toujours mieux perçu que l’inverse ; l’idée dominante est, de la part de spécialistes de santé qui relèguent les aspects économiques et sociaux au second plan, qu’on ne risque rien à prendre trop de précautions. La deuxième vague était annoncée depuis le mois de mai ; certains en sont maintenant à prendre de l’avance et annoncer le caractère inévitable <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/confinement/coronavirus-une-troisieme-vague-envisagee_4166031.html">d’une troisième voire quatrième vague</a>.</p>
<p>Globalement, la difficulté de la science à être prédictive reste largement occultée, les médias incitant fortement leurs invités scientifiques à se projeter dans l’avenir. Cette crise donne à des médecins, en les amenant à ne pas se contenter d’étudier une pathologie et de rechercher des protocoles de soin, mais à définir des formes d’organisation sociale générale susceptibles de freiner la progression d’une maladie, un pouvoir exceptionnel ; celui-ci va bien au-delà, par les mesures attentatoires aux libertés individuelles qu’il justifie, des prescriptions habituelles en santé publique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149373/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hervé Joly ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La notoriété des spécialistes les plus sollicités pour décrypter l’actualité sanitaire ne reflète pas le degré de reconnaissance par leurs pairs.Hervé Joly, Directeur de recherche histoire contemporaine, CNRS, Laboratoire Triangle, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1425892020-08-16T18:51:32Z2020-08-16T18:51:32ZHôpitaux publics : comment la réduction des budgets augmente à la fois les coûts et les risques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/348163/original/file-20200717-17-1j9mvtq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/qLzWvcQq-V8">Artur Tumasjan / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La crise sanitaire déclenchée par la pandémie de Covid-19 a servi de révélateur à une crise bien plus ancienne et profonde : celle de l’hôpital public. Depuis 30 ans, progressivement, l’hôpital public a en effet basculé dans une nouvelle ère : <a href="https://www.youtube.com/watch?v=RJAwnJcNCg8">celle de la « rentabilité »</a>. Et pour réduire les dépenses, les gouvernements successifs ont lancé des dispositifs toujours plus contraignants comme le <a href="https://www.fhf.fr/gestion-hospitaliere/pmsi.html">programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI)</a>, <a href="https://www.securite-sociale.fr/home/la-secu-en-detail/gestion-pilotage-et-performance/lobjectif-national-des-depens-1.html">l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM)</a> ou la <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/professionnels/gerer-un-etablissement-de-sante-medico-social/financement/financement-des-etablissements-de-sante-10795/article/financement-des-etablissements-de-sante">tarification à l’activité (T2A)</a>.</p>
<h2>Le lean management et ses conséquences</h2>
<p>Désormais, l’heure est au <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01149757/">« lean management »</a>. Issue du modèle de production automobile (Ford puis Toyota) et formalisée par un chercheur du Massachusetts Institute of Technology (MIT) dans les années 1980, cette méthode de pilotage des opérations vise à augmenter la productivité d’une entreprise en réduisant ses coûts de production, à travers l’élimination des gaspillages et le travail en flux tendu. </p>
<p><a href="https://www.semanticscholar.org/paper/Triumph-of-the-lean-production-system-Krafcik/356d883ecf30160361baa35f61568d4226ac00fb">Depuis une vingtaine d’années</a>, l’ONDAM alloue aux hôpitaux publics des budgets systématiquement inférieurs aux besoins réels, afin « d’optimiser les dépenses ». Entre 2002 et 2018, <a href="https://www.lci.fr/sante/hopital-69-000-lits-ont-ils-ete-supprimes-ces-15-dernieres-annees-2137618.html">69000 lits d’hôpitaux</a> ont été supprimés, et cela malgré l’accroissement et le vieillissement de la population française. Le manque de liquidités a poussé les hôpitaux à se financer auprès des banques, faisant passer leur endettement de 9 à <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/hopital/endettement-des-hopitaux-quelle-est-la-strategie-du-gouvernement_3701525.html">30 milliards d’euros entre 2002 et 2013</a>.</p>
<h2>Le personnel, variable d’ajustement</h2>
<p>Le lean management ayant été poussé à l’extrême, la variable d’ajustement majeure est devenue le personnel soignant, dont les <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/05/25/hopital-la-necessite-d-une-hausse-des-salaires_6040679_3232.html">salaires sont parmi les plus bas de l’OCDE</a>. Entre 2010 et 2017, la « productivité » de l’hôpital public a augmenté de 15 %, alors que ses effectifs n’ont augmenté que de 2 %. Et bien que la durée maximale de travail soit fixée à 48 heures par semaine par l’Union européenne, souvent les soignants <a href="https://www.lequotidiendumedecin.fr/hopital/48-heures-par-semaine-maximum-50-des-internes-de-medecine-generale-depassent-le-temps-de-travail">sont dans l’incapacité de respecter cette limite</a>, faute de personnel. L’AP-HP doit par exemple <a href="https://www.lci.fr/population/salaire-soignants-a-quel-point-les-infirmiers-francais-sont-ils-moins-payes-que-leurs-collegues-europeens-comparaison-ocde-2154035.html">1,3 million de RTTs </a>à ses <a href="https://www.syndicat-infirmier.com/L-APHP-autorisee-a-utiliser-sans-plafond-les-heures-sup.html">72000 agents</a>. Ce surmenage affecte à la fois la <a href="https://sante.lefigaro.fr/article/burn-out-et-suicides-de-soignants-combien-de-drames-avant-un-plan-de-prevention/">santé physique et la santé mentale</a> des soignants. </p>
<p>Dans le milieu hospitalier, les arrêts maladie sont ainsi plus fréquents que dans tous les autres secteurs professionnels (10,2 jours par an, contre 7,9), et ces absences augmentent encore la charge de travail des soignants présents. Pire, on ne compte plus les cas de <a href="https://sante.lefigaro.fr/article/un-medecin-francais-sur-deux-est-en-burn-out/">burnout</a>, stress post-traumatique, <a href="https://www.france24.com/fr/20191220-service-public-je-l-aime-mais-je-le-quitte-on-assiste-%C3%A0-la-faillite-de-l-h%C3%B4pital-public">démission</a> voir même de <a href="https://etudiant.lefigaro.fr/article/le-suicide-de-deux-jeunes-medecins-relance-le-debat-sur-les-conditions-de-travail-des-internes_6fd09364-7860-11e8-8018-c842f2207d92/">suicide</a>.</p>
<h2>Culture de la sécurité à l’hôpital</h2>
<p>Autre problème de taille, dont les médias ont généralement peu parlé (<a href="https://www.youtube.com/watch?v=0O1zCZSbCD0">à quelques exceptions près</a>) : les <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/c_2011561/fr/comprendre-pour-agir-sur-les-evenements-indesirables-associes-aux-soins-eias">événements indésirables associés aux soins</a>, perturbant et retardant la prise en charge, et pouvant se traduire dans le pire des cas par une erreur médicale. À l’hôpital, comme dans tous les environnements de travail à risque, la gestion des risques passe par une <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1243/PIME_PROC_1995_209_098_02?casa_token=ZqSq-yTvQBkAAAAA:YaHsTrgaugMZ0BQ0wXUwCSKVE0lsIxoS4Lk4hsuRA5HODT_DJsQxpdip9TulbjD0cG9Q6Ek_xTBM">culture</a> de la sécurité, c’est-à-dire « un ensemble de valeurs et de pratiques partagées par les individus constituant et/ou contrôlant une <a href="https://www.worldcat.org/title/managing-the-risks-of-organizational-accidents/oclc/605179140">organisation et établissant des normes comportementales</a> ». Dans un système efficace, la culture de la sécurité est implémentée à tous les niveaux de la chaîne de commandes : des dirigeants de l’entreprise (ici les décideurs politiques et les directeurs d’hôpitaux) à l’opérateur de plus bas niveau (les soignants). Or l’application aveugle des principes du lean management – et notamment la diminution des coûts et l’augmentation de la productivité – va à l’encontre de la culture de la sécurité et augmentent de manière drastique le <a href="https://www.annualreviews.org/doi/full/10.1146/annurev-publhealth-031912-114439">nombre d’erreurs médicales</a>. </p>
<p>En effet, <a href="https://www.prevention-medicale.org/Actualites-et-revues-de-presse/Toutes-les-actualites/Paramedical/sous-effectifs-infirmiers-securite">plusieurs études</a> ont démontré le lien entre le manque de personnel et de matériel d’une part, et l’augmentation des risques pour les patients d’autre part. Le lean management génère chez les soignants de fortes charges de travail, beaucoup de stress et d’importants niveaux de <a href="https://psnet.ahrq.gov/primer/fatigue-sleep-deprivation-and-patient-safety">fatigue</a>. Or ces trois facteurs affectant fortement les réflexes, l’attention, le raisonnement, les capacités de communication et de prise décision des soignants, ils constituent <a href="https://psycnet.apa.org/record/1994-98177-000">la principale cause d’erreurs médicales</a>. Et la fatigue a sûrement l’effet le plus dévastateur, d’une part parce qu’elle est considérée normale en milieu hospitalier, et d’autre part parce que les soignants ont tendance à <a href="https://www.routledge.com/Culture-at-Work-in-Aviation-and-Medicine-National-Organizational-and/Helmreich-Merritt/p/book/9780754619048">en sous-estimer son impact sur leurs performances</a>.</p>
<p>En principe, dans un environnement de travail à risque, les opérateurs doivent appliquer des procédures opérationnelles standards (SOPs en anglais) qui permettent de limiter le risque d’erreurs. À l’hôpital, ces <a href="https://europepmc.org/article/med/19052704">SOPs</a> doivent être suivies à la lettre, notamment pour prévenir les risques de contamination ou d’erreurs de prescription. Or la pression temporelle et le manque de matériel médical poussent parfois le personnel soignant à dévier des SOPs (parfois même sous la pression directe de leurs supérieurs hiérarchiques) et à prendre de gros risques, comme <a href="https://youtu.be/0O1zCZSbCD0?t=340">réutiliser des seringues à usage unique</a> pour un même patient par exemple. Le respect des SOPs étant le meilleur indicateur de sécurité d’une organisation, nous voyons bien à quel point le lean management est inadapté au contexte de l’hôpital.</p>
<h2>Les coûts des erreurs médicales</h2>
<p>Beaucoup de soignants ont dénoncé ce système de management agressif et ses conséquences néfastes, sur eux comme sur les patients. Pris entre le marteau et l’enclume, les directeurs d’hôpitaux (même s’ils <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/11/13/au-rythme-actuel-l-hopital-public-arrivera-a-un-point-de-rupture-irreversible_6018924_3232.html">font part des difficultés croissantes</a> qui sont les leurs) n’ont souvent d’autre choix que d’appliquer les directives décidées par leurs supérieurs hiérarchiques directs – à savoir les dirigeants politiques qui votent les budgets des hôpitaux publics.</p>
<p>D’un point de vue purement économique, on pourrait (peut-être ?) trouver ce type de management acceptable s’il permettait de faire de réelles économies. Mais en favorisant la survenue d’événements indésirables et d’erreurs médicales, il revient en réalité très cher. Un <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK225187/">rapport américain</a> en a en effet estimé que chaque année le coût des événements indésirables pour les hôpitaux américains était compris entre 17 et 29 milliards de dollars. Ce même rapport a montré que les erreurs médicales étaient la huitième cause de décès à l’hôpital, avec 44 000 à 98 000 morts par an aux États-Unis (sur 33,6 millions d’admissions). </p>
<p>Des <a href="https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwjys4_v-LjqAhXJx4UKHd0gBOwQFjANegQIAxAB&url=https%3A%2F%2Fwww.oecd.org%2Fels%2Fhealth-systems%2FThe-economics-of-patient-safety-March-2017.pdf&usg=AOvVaw0Swu1I4ojZdot0G0eBiOCy">résultats similaires</a> ont été rapportés dans tous les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Or il est possible de changer de paradigme. En effet, en investissant massivement dans la prévention des événements indésirables, les États-Unis ont non seulement amélioré la sécurité à d’hôpital, mais aussi réalisé des <a href="https://www.ahrq.gov/hai/pfp/2015-interim.html">milliards d’économies</a>.</p>
<h2>L’hôpital de demain ?</h2>
<p>S’il faut encore le préciser, l’hôpital n’est pas une « entreprise » comme les autres. C’est un environnement de travail stressant et risqué, qui repose sur des interactions sociales complexes (soignants, patients et administration). Ainsi si nous souhaitons voir émerger un hôpital hautement performant, tant du point de vue de la sécurité que celui de la gestion des dépenses, diverses pistes de réflexion sont à explorer. </p>
<p>Tout d’abord, il paraît nécessaire de réformer la culture organisationnelle de l’hôpital public et de recréer un climat de sécurité pour les soignants comme pour les patients. Pour atteindre ce but, une augmentation des effectifs des personnels soignants et de leurs moyens matériels est nécessaire. Cela permettrait de réaliser sur le long terme d’énormes économies, le <a href="https://www.ahrq.gov/hai/pfp/2015-interim.html">coût de la prévention étant bien inférieur</a> à celui des événements indésirables et des erreurs médicales.</p>
<p>Pour rappel, à l’échelle mondiale, nous avons <a href="https://www.who.int/features/factfiles/patient_safety/fr/">1 « chance » sur 300</a> de mourir des suites d’une erreur médicale, contre 1 chance sur 3 millions de mourir dans un accident d’avion. Certes, depuis <a href="https://link.springer.com/content/pdf/10.1007/BF03018331.pdf">plusieurs dizaines d’années</a>, la médecine cherche à tirer des leçons de la gestion des risques en aéronautique. Mais force est de constater une certaine inertie dans la transmission et l’adaptation de ces connaissances au milieu hospitalier. La <a href="https://www.lefigaro.fr/societes/l-aeronautique-pourrait-mettre-entre-cinq-et-sept-ans-a-se-relever-du-covid-19-20200611">crise que traverse actuellement l’aéronautique</a> pourrait ainsi être une aubaine pour l’hôpital. En effet, nombre de spécialistes en facteur humain vont être contraints de quitter le milieu de l’aéronautique, et pourraient contribuer à la création de l’hôpital de demain.</p>
<p>Enfin, la recherche et le développement sont indispensables à l’amélioration de l’efficacité des pratiques hospitalières. Deux axes de recherche apparaissent comme particulièrement stratégiques. Ainsi, la conception de nouvelles technologies adaptées au milieu hospitalier (par exemple des <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/des-couches-connectees-testees-dans-un-ehpad-1350617">couches connectées</a>) pourrait aider à diminuer la charge de travail des soignants, en leur permettant de passer plus de temps « de qualité » avec les patients. Cela <a href="https://www.youtube.com/watch ?time_continue=102&v=jpFku0SJpD0&feature=emb_logo">redonnerait du sens</a> au métier des premiers, tout en contribuant à <a href="https://theconversation.com/touch-creates-a-healing-bond-in-health-care-59637">accélérer la guérison des seconds</a> et en diminuant in fine les coûts de la prise en charge. Autre axe de recherche à développer : celui du <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/c_2852388/fr/crew-resource-management-en-sante-crm-sante"><em>crew resource management</em></a> en santé. Visant à mieux comprendre et prédire le comportement des équipes de santé en situation dégradée (communication, stress, prise de décision), il est indispensable à la prévention des erreurs médicales. </p>
<p>Pour l’heure, ces recherches sont peu développées en France du fait de l’insuffisance des <a href="http://www.academie-medecine.fr/lhopital-public-en-crise-origines-et-propositions/">budgets qui leur sont dédiés</a>. Il apparaît donc vital d’investir massivement dans l’hôpital public, afin d’en faire diminuer les coûts et de garantir le meilleur niveau de performance et de sécurité possible à l’avenir.</p>
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<p><em>Créé en 2007 pour contribuer au développement et au partage des connaissances scientifiques sur les grands enjeux sociétaux, l’Axa Research Fund a parrainé près de 650 projets dans le monde entier, menés par des chercheurs de 55 pays. Pour en savoir davantage, consultez son <a href="https://www.axa-research.org">site</a> ou abonnez-vous au compte Twitter dédié <a href="https://twitter.com/axaresearchfund ?lang=fr">@AXAResearchFund</a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/142589/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eve Fabre a reçu des financements de Union Européenne (Marie Curie) et de l'AXA research fund. </span></em></p>Depuis trente ans, l’hôpital public est passé dans l’ère de la « rentabilité » : adoption du lean management, mise en place de restrictions budgétaires… Avec de lourdes conséquences.Eve Fabre, Chercheure en Facteur Humain & Neurosciences Sociales, ISAE-SUPAEROLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.