tag:theconversation.com,2011:/us/topics/monde-academique-51595/articlesmonde académique – The Conversation2022-01-11T20:51:54Ztag:theconversation.com,2011:article/1746232022-01-11T20:51:54Z2022-01-11T20:51:54ZJusqu’où peut-on invoquer la liberté académique ?<p>Ces derniers mois, la liberté académique a fait l’objet, de façon tout à fait inédite en France, d’une attention particulière. Cet intérêt soudain pour une liberté jusqu’à présent méconnue s’explique principalement par <a href="https://www.puf.com/content/Le_savoir_en_danger_Menaces_sur_la_libert%C3%A9_acad%C3%A9mique">l’émergence de diverses menaces</a> qui viennent aussi bien des sphères politiques, économiques que militantes. Ce climat de tension va à l’encontre de la nécessaire indépendance des universitaires dans leurs domaines de recherche et d’enseignement.</p>
<p>L’un des exemples les plus emblématiques a été donné par le débat sur « l’islamo-gauchisme » au cours duquel, en février 2021, la ministre chargée de l’enseignement supérieur <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/02/18/polemique-sur-l-islamo-gauchisme-la-ministre-de-l-enseignement-superieur-recadree-par-l-executif-et-les-chercheurs_6070388_823448.html">a sollicité un rapport</a> sur la diffusion de ce courant au sein des universités françaises. Cet évènement, s’il a logiquement suscité la stupeur d’une partie de la communauté universitaire, a paradoxalement eu le mérite de conduire le législateur à introduire, pour la première fois en droit français, la notion de « liberté académique ». <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000042738047">L’article 15 de la loi de programmation de la recherche du 24 décembre 2020</a> est en effet venu modifier le code de l’éducation qui énonce désormais que « les libertés académiques sont le gage de l’excellence de l’enseignement supérieur et de la recherche français ».</p>
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<p><a href="https://signal.sciencespo-lyon.fr/article/811669/L-entree-dans-la-loi-des-libertes-academiques-une-occasion-manquee----n9">Le caractère imprécis</a> de la formule retenue, qui se manifeste notamment par l’utilisation du pluriel pour désigner « les libertés académiques », illustre cependant la méconnaissance qui entoure le concept de liberté académique en France.</p>
<p>Les universitaires eux-mêmes peinent à en saisir le contenu et la portée, ce dont témoigne <a href="https://twitter.com/franceinter/status/1473264448387305472?t=_QN0lGuZq7FL1P1DLvRgKA&s=03">l’affaire en cours au sein de l’IEP de Grenoble</a>. La liberté académique a été brandie pour contester la décision de suspension d’un professeur, alors qu’était en réalité en jeu la liberté d’expression de droit commun, <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/01/04/la-liberte-academique-n-est-nullement-en-cause-dans-l-affaire-de-l-iep-de-grenoble_6108102_3232.html">comme l’a souligné</a> le professeur de droit public Olivier Beaud.</p>
<p>Cette affaire justifie que soient apportés quelques éléments de définition juridique sur le contenu et le champ d’application de la liberté académique : que recouvre-t-elle et jusqu’où trouve-t-elle à s’appliquer ?</p>
<h2>Un concept universel</h2>
<p>La liberté académique est consubstantielle à toute démocratie libérale. Elle n’a en effet d’autre objectif que de permettre la recherche et la transmission libres du savoir au sein des universités, non seulement au service des usagers de ce service public, mais aussi, plus largement, au profit de la société dans son ensemble.</p>
<p>Dès lors, la plupart des démocraties libérales définissent la liberté académique dans leur droit interne et ce, en des termes juridiques proches.</p>
<p>Inspiré de la définition proposée par le droit allemand, qui fut le premier à en préciser, par écrit, le contenu, la liberté académique est systématiquement définie comme un ensemble de libertés comprenant, d’abord, la liberté de la recherche et la liberté de l’enseignement, lesquelles comprennent la liberté d’expression. Ce premier ensemble de libertés constitue la dimension individuelle de la liberté académique en ce qu’il protège les universitaires.</p>
<p>La liberté académique comprend ensuite l’autonomie des universités qui, bien que garantissant <em>in fine</em> l’indépendance des universitaires, est un principe d’ordre institutionnel dans la mesure où il concerne l’organisation et le fonctionnement des établissements.</p>
<h2>Des spécificités françaises</h2>
<p>En France, ce n’est que depuis 2020 que l’expression de « libertés académiques » est expressément entrée en droit interne. Pour autant, les universitaires français – juridiquement qualifiés d’« enseignants-chercheurs » – jouissent bien, de longue date et bien avant l’adoption de loi du 24 décembre 2020, d’un ensemble de libertés qui étaient jusqu’à présent désignées sous l’expression de « libertés universitaires ».</p>
<p>Quelle que soit la dénomination retenue – qui importe finalement peu –, le contenu de ces libertés est proche de celui que l’on retrouve dans les autres démocraties libérales, sous réserve de quelques spécificités mineures propres au droit français. Dans sa dimension individuelle, la liberté académique est d’abord décrite comme comprenant la « pleine indépendance » et l’« entière liberté d’expression » des enseignants-chercheurs (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042813115/">article L.952-2 du code de l’éducation</a>).</p>
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<figcaption><span class="caption">La liberté académique est-elle en danger ? (Interview d’Olivier Beaud, France Culture, décembre 2021).</span></figcaption>
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<p>L’originalité française tient à ce que, d’une part, une place centrale est faite au principe d’indépendance des enseignants-chercheurs – dont la valeur constitutionnelle a même fini par être reconnue par le <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1984/83165DC.htm">Conseil constitutionnel en 1984</a> – et, d’autre part, à ce que l’existence des libertés de la recherche et de l’enseignement n’est pas expressément reconnue. Cependant, celles-ci sont couvertes, en grande partie, par la liberté d’expression.</p>
<p>Dans sa dimension institutionnelle, la liberté académique est ensuite consacrée de façon tout à fait classique à travers l’autonomie des universités (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042813221/">article L.711-1 du code de l’éducation</a>). Ainsi, quand bien même l’expression de « libertés académiques » n’est apparue que très récemment dans la loi, la France s’inscrit bien dans la lignée de ces démocraties libérales qui reconnaissent l’existence de la liberté académique. Il reste à en préciser le champ d’application : quand peut-elle être revendiquée et produire ses effets ?</p>
<h2>Quel champ d’application ?</h2>
<p>Pour délimiter le champ d’application de la liberté académique, il convient de s’intéresser à sa finalité même. Comme cela a déjà été relevé, la liberté académique n’a d’autre but que de servir la poursuite de la vérité sans aucune entrave ou contrainte. Or cet objectif ne peut être atteint que si les universitaires sont libres de mener leurs recherches et d’en partager, tout aussi librement, les résultats, notamment au cours de leurs enseignements.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-liberte-academique-des-enseignants-est-elle-en-danger-sur-les-campus-americains-156729">La liberté académique des enseignants est-elle en danger sur les campus américains ?</a>
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<p>Il en résulte que la liberté académique n’a de sens et ne trouve à s’appliquer que lorsque les professeurs exercent leurs activités de recherche et enseignent. C’est bien ce qu’énonce le droit écrit français : l’indépendance et l’entière liberté d’expression dont bénéficient les enseignants-chercheurs ne s’appliquent que dans « l’exercice de leurs fonctions d’enseignement et de leurs activités de recherche » (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042813115/">article L.952-2 du code de l’éducation précité</a>).</p>
<p>En dehors, la liberté académique ne se justifie plus ; elle ne peut alors s’appliquer, ni être revendiquée. La plus haute juridiction administrative française a confirmé cette approche. Le Conseil d’État a en effet jugé que le fait, pour un universitaire, d’avoir eu « une attitude humiliante à l’égard de deux étudiants, comportant des allusions personnelles à caractère sexuel, de nature à porter atteinte à leur dignité […] devait être regardé comme détachable des fonctions d’enseignement de ce professeur » lequel ne pouvait, dès lors, « bénéficier de la protection de la liberté d’expression des enseignants-chercheurs garantie par l’article L.952-2 du code de l’éducation » (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000038670512/">CE, 21 juin 2019, Req. n° 424582</a>).</p>
<p>S’il est évident que la liberté académique ne pouvait couvrir de tels propos, le lien entre l’expression d’un point de vue et les activités d’enseignement et de recherche est parfois plus difficile à établir. Il n’en demeure pas moins que la protection accordée par la liberté académique s’arrête bien aux frontières des missions universitaires.</p>
<h2>Règles de la fonction publique</h2>
<p>En dehors de leurs fonctions, les universitaires ne sont pas dépourvus de toute liberté ; ils jouissent en réalité des libertés de « droit commun » qui sont nécessairement limitées. Ainsi, ils sont d’abord soumis, comme n’importe quel citoyen et comme lorsqu’ils exercent leurs fonctions académiques, aux dispositions pénales sanctionnant les abus à la liberté d’expression : ils doivent par exemple s’abstenir de tenir des propos injurieux, diffamatoires ou racistes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1473264448387305472"}"></div></p>
<p>Ils sont ensuite soumis, en leur qualité de fonctionnaires d’État, aux règles issues du droit de la fonction publique, lesquelles imposent aux universitaires de respecter un certain nombre de contraintes et d’obligations en dehors des fonctions, telles que les devoirs de réserve, de neutralité, de loyauté, ou encore de discrétion professionnelle.</p>
<p>En cas de manquement à ces obligations professionnelles, les universitaires s’exposent à des sanctions disciplinaires. Cette hypothèse est loin d’être fictive et certains exemples emblématiques jalonnent l’histoire du droit universitaire.</p>
<p>On peut citer le cas de cet enseignant-chercheur, par ailleurs titulaire de mandats électifs, qui a été sanctionné de l’interdiction d’exercer toute fonction d’enseignement ou de recherche au sein de son université pour une durée de cinq ans pour avoir tenu des propos qui étaient « de nature à semer le doute sur l’existence des chambres à gaz » lors d’une rencontre avec la presse organisée dans sa permanence politique (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000018573319/">CE, 19 mars 2008, Gollnisch</a>).</p>
<p>Cet exemple – comme d’autres plus récents – met en évidence l’importance de cerner et d’assimiler le contenu et le champ d’application de la liberté académique. Pour que cette liberté, indispensable à toute société démocratique, préserve sa pleine légitimité, il convient de ne pas l’invoquer, tel un talisman qui autoriserait tout comportement, dans des circonstances où elle ne trouve manifestement pas à s’appliquer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174623/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Camille Fernandes ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour que la liberté académique préserve sa pleine légitimité, il convient de ne pas la brandir, tel un talisman, dans des circonstances où elle ne trouve manifestement pas à s’appliquer.Camille Fernandes, Docteure en droit public, membre du CRJFC, Université de Franche-Comté – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1716822021-11-28T23:06:01Z2021-11-28T23:06:01ZLa liberté académique aux prises avec de nouvelles menaces<p><a href="https://faribaroland.hypotheses.org/10641">Colloques</a>, séminaires, publications (<a href="https://www.cairn.info/revue-critique-internationale-2021-1-page-185.htm">Duclos et Fjeld</a>, <a href="https://www.editions-ulb.be/fr/book/?GCOI=74530100620490">Frangville et alii</a>) : depuis quelques années, et avec une accélération notoire ces derniers mois, le thème de la liberté académique est de plus en plus exploré comme objet scientifique. La liberté académique suscite d’autant plus l’intérêt des chercheurs qu’elle est aujourd’hui, en de nombreux endroits du monde, fragilisée.</p>
<p>La création en 2021 par l’Open Society University Network (un partenariat entre la Central European University et le Bard College à New York) d’un <a href="https://opensocietyuniversitynetwork.org/research/projects/global-observatory/">Observatoire mondial des libertés académiques</a> atteste d’une inquiétante réalité. C’est en effet au moment où des libertés sont fragilisées qu’advient le besoin d’en analyser les fondements, d’en explorer les définitions, de les ériger en objets de recherche, mais aussi de mettre en œuvre un système de veille pour les protéger.</p>
<p>S’il est évident que les régimes autoritaires sont par définition des ennemis des libertés académiques, ce qui arrive aujourd’hui dans des pays démocratiques témoigne de pratiques qui transcendent les frontières entre régime autoritaire et régime démocratique, frontières qui elles-mêmes tendent à se brouiller.</p>
<h2>La liberté académique menacée dans les pays autoritaires…</h2>
<p>S’appuyant sur une régulation par les pairs (la « communauté des compétents ») et une indépendance structurelle par rapport aux pouvoirs, la liberté de recherche, d’enseignement et d’opinion favorise la critique autant qu’elle en est l’expression et l’émanation. Elle est la condition d’une pensée féconde qui progresse par le débat, la confrontation d’idées, de paradigmes, d’axiomes, d’expériences.</p>
<p>Cette liberté dérange en contextes autoritaires, où tout un répertoire d’actions s’offre aux gouvernements pour museler les académiques : outre l’emprisonnement pur et simple, dont sont victimes des collègues – on pense notamment à <a href="http://www.sciencespo.fr/a-propos-fariba-adelkhah-roland-marchal-ce-que-on-sait">Fariba Adelkhah</a>, prisonnière scientifique en Iran ; à <a href="https://www.scholarsatrisk.org/2021/11/ahmadreza-djalali-honored-with-2021-courage-to-think-award/">Ahmadreza Djalali</a>, condamné à mort en Iran ; à <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/10/24/le-prix-sakharov-decerne-a-ilham-tohti-dissident-ou%C3%AFgour-emprisonne_6016757_3210.html">Ilham Tohti</a>, dont on est sans nouvelles depuis sa condamnation à perpétuité en Chine, et à des dizaines d’autres académiques ouïghours disparus ou emprisonnés sans procès ; à <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Russie-proces-sans-fin-Iouri-Dmitriev-historien-goulags-2021-06-23-1201162703">Iouri Dmitriev</a>, condamné à treize ans de détention en Russie –, les régimes autoritaires mettent en œuvre poursuites judiciaires et criminalisation, <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/11/06/turquie-can-candan-l-enseignant-banni-de-l-universite-du-bosphore_6101200_3210.html">licenciements abusifs</a>, harcèlement, surveillance et intimidation.</p>
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<p>L’historien turc Candan Badem parlait en 2017 <a href="https://www.universityworldnews.com/post.php?story=20170209130103311">d’académicide</a> pour qualifier la vague de répression qui s’abattait dans son pays sur les <a href="https://theconversation.com/nous-avons-un-devoir-de-solidarite-a-legard-des-universitaires-et-etudiants-turcs-pour-la-paix-88512">« universitaires pour la paix »</a>, criminalisés pour avoir signé une <a href="https://barisicinakademisyenler.net/English">pétition</a> pour la paix dans les régions kurdes. La notion de « crime contre l’histoire », forgée par l’historien Antoon de Baets, a été reprise en 2021 par la <a href="https://www.fidh.org/IMG/pdf/rapport_russie_pad_fr_web.pdf">FIDH</a> et l’historien <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/06/10/comment-vladimir-poutine-baillonne-les-historiens-pour-mieux-reecrire-l-histoire-de-la-russie_6083548_3210.html">Grigori Vaïpan</a>) pour qualifier les atteintes portées à l’histoire et aux historiens en Russie. Ce crime contre l’histoire en Russie s’amplifie avec les <a href="https://www.opendemocracy.net/en/odr/keeping-memory-alive-the-vital-work-of-russias-memorial-organisation-is-under-threat/">attaques récentes contre l’ONG Memorial</a> menacée de dissolution.</p>
<p>En effet, loin d’être l’apanage des institutions académiques officielles, la liberté académique et de recherche, d’une grande rigueur, se déploie parfois de façon plus inventive et courageuse dans des structures de la société civile. En Biélorussie, le sort de <a href="https://www.cercec.fr/actualite/appel-a-la-liberation-de-tatiana-kouzina-et-a-la-fin-des-repressions-contre-le-monde-academique-au-belarus/">Tatiana Kuzina</a>, comme celui d’Artiom Boyarski, jeune chimiste talentueux emprisonné pour avoir refusé publiquement une bourse du nom du président Loukachenko, ne sont que deux exemples parmi des dizaines et des dizaines de chercheurs menacés, dont une grande partie a déjà pris le chemin de l’exil depuis l’intensification des répressions après les élections d’août 2020 et la mobilisation qui s’en est suivie.</p>
<p>La liste ci-dessus n’est bien sûr pas exhaustive, les cas étant nombreux dans bien des pays – on pense, par exemple, à celui de <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/04/30/la-condamnation-de-l-islamologue-said-djabelkhir-marque-la-derive-rigoriste-de-la-justice-algerienne_6078637_3212.html">Saïd Djabelkhir</a> en Algérie.</p>
<h2>… mais aussi dans les démocraties</h2>
<p>Les régressions que l’on observe au sein même de l’Union européenne – le cas du <a href="https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/luniversite-deurope-centrale-budapest-poussee-lexil">déménagement forcé</a> de la Central European University de Budapest vers Vienne, sous la pression du gouvernement de Viktor Orban, en est un exemple criant – montrent que les <a href="https://www.routledge.com/When-Democracies-Collapse-Assessing-Transitions-to-Non-Democratic-Regimes/Tomini/p/book/9780367888572">dérives anti-démocratiques</a> se déclinent dans le champ académique, après que d’autres libertés – liberté de la presse, autonomie de la société civile – ont été atteintes.</p>
<p>Les pays considérés comme démocratiques ne sont pas épargnés non plus par les tentatives des autorités politiques de peser sur les recherches académiques. Récemment, en France, les ministres de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur ont affirmé que le monde académique serait <a href="https://www.liberation.fr/debats/2020/10/23/en-finir-avec-l-islamo-gauchisme_1803361/">« ravagé par l’islamo-gauchisme »</a> et irrespectueux des « valeurs de la République » – des attaques qui ont provoqué un <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/02/20/islamo-gauchisme-nous-universitaires-et-chercheurs-demandons-avec-force-la-demission-de-frederique-vidal_6070663_3232.html">concert de protestations au sein de la communauté des chercheurs</a>. En France toujours, de nombreux <a href="https://www.lhistoire.fr/portrait/rapha%C3%ABlle-branche-la-guerre-est-finie">historiens se sont mobilisés</a> en 2020 contre les modalités d’application d’une instruction interministérielle restreignant l’accès à des fonds d’archives sur l’histoire coloniale, en contradiction avec une loi de 2008.</p>
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<p>Au Danemark, en juin 2021, plus de 260 universitaires spécialistes des questions migratoires et de genre rapportaient quant à eux dans un communiqué public les <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/06/08/la-liberte-academique-en-danger-selon-les-chercheurs-danois_6083281_3210.html">intimidations croissantes</a> subies pour leurs recherches qualifiées de « gauchisme identitaire » et de « pseudo-science » par des députés les accusant de « déguiser la politique en science ».</p>
<p>D’autres offensives peuvent être menées de façon plus sournoise, à la faveur de politiques néolibérales assumées et de mise en concurrence des universités et donc du champ du savoir et de la pensée. La conjonction de logiques <a href="https://www.lecho.be/economie-politique/international/general/ahmet-insel-economiste-et-politologue-le-national-capitalisme-autoritaire-est-un-vrai-danger/10298930.html">libérales sur le plan économique et autoritaires sur le plan politique</a> conduit à la multiplication de politiques souvent largement assumées par les États eux-mêmes : accréditations sélectives, retrait de financements à des universités ou à certains programmes – les objets plus récents et fragiles comme les études de genre ou études sur les migrations se trouvant souvent en première ligne.</p>
<p>Ce brouillage entre régimes politiques, conjugué à la marchandisation du savoir, trouve également à s’incarner dans la façon dont des acteurs issus de régimes autoritaires viennent s’installer au sein du monde démocratique : c’est le cas notamment de la <a href="https://www.rtbf.be/info/regions/detail_l-ulb-cesse-sa-collaboration-avec-l-institut-confucius-cela-generait-trop-peu-de-retombees-et-d-activites-academiques?id=10390704">Chine</a> avec l’implantation d’<a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/07/08/les-instituts-confucius-en-france-de-si-discrets-relais-chinois_6087437_3210.html">Instituts Confucius</a> au cœur même des universités, qui conduisent, dans certains cas, à des logiques d’autocensure ; ou de l’afflux d’étudiants fortunés en provenance de pays autoritaires, qui par leurs frais d’inscriptions très élevés renflouent les caisses d’universités désargentées, <a href="https://about.uq.edu.au/chancellor/speeches-and-articles/australian-universities-and-china">comme en Australie</a>.</p>
<p>Ces logiques de dépendance financière obèrent l’essence et la condition même de la recherche académique : son indépendance. Plus généralement, la marchandisation de l’enseignement supérieur, conséquence de son sous-financement public, menace l’intégrité scientifique de chercheurs et d’universités de plus en plus poussées à se tourner vers des fonds privés.</p>
<h2>La mobilisation de la communauté universitaire</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/432839/original/file-20211119-13-1i94o2q.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/432839/original/file-20211119-13-1i94o2q.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/432839/original/file-20211119-13-1i94o2q.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=904&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/432839/original/file-20211119-13-1i94o2q.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=904&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/432839/original/file-20211119-13-1i94o2q.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=904&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/432839/original/file-20211119-13-1i94o2q.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1136&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/432839/original/file-20211119-13-1i94o2q.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1136&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/432839/original/file-20211119-13-1i94o2q.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1136&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les auteurs de cet article viennent de publier un ouvrage collectif sur les menaces qui planent sur la liberté académique dans le monde, aux éditions de l’Université libre de Bruxelles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">ULB</span></span>
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</figure>
<p>Il y a donc là une combinaison d’attaques protéiformes, à l’aune des changements politiques, technologiques, économiques et financiers qui modifient en profondeur les modalités du travail. La mise en place de programmes de solidarité à destination de chercheurs en danger (<a href="https://www.campusfrance.org/fr/pause-programme-aide-accueil-urgence-scientifiques-exil">PAUSE</a>, bourses <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/diplomatie-scientifique-et-universitaire/veille-scientifique-et-technologique/allemagne/article/la-philipp-schwartz-initiative">Philipp Schwartz</a> en Allemagne, <a href="https://www.ulb.be/fr/actions-solidaires/fonds-de-solidarite-a-destination-de-chercheuses-et-chercheurs-en-danger">bourses de solidarité à l’Université libre de Bruxelles</a>), l’existence d’organisations visant à documenter les attaques exercées sur des chercheurs <a href="https://www.scholarsatrisk.org/">Scholars at Risk</a>, <a href="https://www.scholarrescuefund.org/">International Rescue Fund</a>, <a href="https://www.cara.ngo/who-we-are/partners-and-supporters/cara-scholars-at-risk-uk-universities-network/">CARA</a> et la création de ce tout nouvel observatoire mondial des libertés académiques évoqué plus haut montrent que la communauté académique a pris conscience du danger. Puissent du fond de sa prison résonner les mots de l’historien Iouri Dmitriev : « Les libertés académiques, jamais, ne deviendront une notion abstraite. »</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/171682/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vanessa Frangville a reçu des financements du FNRS</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pierre-Etienne Vandamme a reçu des financements du FNRS. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Aude Merlin et Jihane Sfeir ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>La liberté de recherche et d’enseignement des universitaires est, sans surprise, gravement menacée dans les pays autoritaires. Mais qu’en est-il dans les pays démocratiques ?Vanessa Frangville, Professeur d’études chinoises, Université Libre de Bruxelles (ULB)Aude Merlin, Chargée de cours en science politique à l'Université libre de Bruxelles, spécialiste de la Russie et du Caucase, membre du Cevipol, Université Libre de Bruxelles (ULB)Jihane Sfeir, Historienne, Université Libre de Bruxelles (ULB)Pierre-Etienne Vandamme, Chercheur en théorie politique, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1574742021-03-23T19:02:28Z2021-03-23T19:02:28ZLa science économique, mauvaise élève de l’égalité hommes-femmes aux États-Unis<p>Les disciplines académiques où <a href="https://slate.com/technology/2021/02/boys-who-care-girls-who-code.html">sévit le sexisme</a> <a href="https://www.insider.com/male-jobs-women-underrepresented-numbers-2019-8">ne manquent pas</a>. C’est le cas notamment des STEM – science, technologie, ingénierie et mathématiques – qui sont <a href="https://www.wgu.edu/blog/why-are-there-so-few-women-in-stem1907.html">régulièrement critiquées</a> pour leurs <a href="https://medium.com/@elizaaguhar/the-anatomy-of-misogyny-in-stem-8e4b189a971a">cultures misogynes</a>. Certaines études suggèrent également que la <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/jep.30.4.221">science économique</a> serait particulièrement concernée par le phénomène.</p>
<p>Les conséquences de cette situation ne sont pas seulement ressenties par les femmes qui travaillent dans ce domaine et doivent supporter un cadre sexiste et des comportements hostiles. En effet, les politiques gouvernementales seraient probablement très différentes si davantage de femmes participaient à leur élaboration.</p>
<h2>Les chiffres ne mentent pas</h2>
<p>Pourtant, si cette sous-représentation des femmes est <a href="https://jcom.sissa.it/archive/19/01/JCOM_1901_2020_A08">connue</a>, il semble que l’on soit peu conscient de la gravité de la situation dans cette discipline et de la lenteur avec laquelle elle évolue.</p>
<p>Le domaine de l’économie reste en effet <a href="https://www.brookings.edu/blog/brown-center-chalkboard/2017/08/25/gender-hostilities-disparities-among-economics-professors-keep-women-from-ascending-ranks/">dominé par les hommes</a>, tant au niveau du corps enseignant que des étudiants, avec un nombre extrêmement faible de femmes et de membres – historiquement sous-représentés – de minorités raciales et ethniques par rapport à la population globale et aux autres disciplines académiques.</p>
<p>Aux États-Unis, les femmes représentent ainsi <a href="https://www.aeaweb.org/content/file?id=13968">moins de 15 % des professeurs titulaires</a> dans les départements d’économie et 31 % des professeurs assistants, selon une enquête menée l’année dernière par l’American Economic Association. Seulement 22 % au total des professeurs titulaires et voie de titularisation dans le domaine de l’économie sont des femmes.</p>
<p>À bien des égards, l’écart entre les sexes en économie apparaît comme le plus important de toutes les disciplines universitaires. Par exemple, les femmes ont <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/jep.30.4.221">obtenu environ 30 %</a> des doctorats et des licences en économie en 2014 – soit le même pourcentage qu’en 1995 – contre 45 à 60 % des diplômes en commerce, en sciences humaines et dans les domaines des STEM (il s’agit de la dernière année pour laquelle des chiffres comparables sont disponibles).</p>
<p><iframe id="8xYVA" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/8xYVA/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>À l’échelle américaine, il y a environ <a href="https://scholar.harvard.edu/goldin/UWE">trois hommes pour chaque femme</a> qui se spécialise en économie, et ce ratio n’a pas changé depuis plus de 20 ans. Les femmes restent même <a href="https://www.insidehighered.com/news/2018/01/19/women-are-underrepresented-economics-textbooks-says-new-analysis-implications-fields">sous-représentées</a> dans les manuels d’économie, que ce soit dans des exemples réels ou imaginaires.</p>
<p>Dans le <a href="https://builtin.com/women-tech/women-in-tech-workplace-statistics">secteur technologique</a> et le <a href="https://www.statista.com/statistics/321286/voters-academy-awards-gender/">comité de l’industrie cinématographique</a> qui décerne les Oscars – deux groupes <a href="https://sdtimes.com/softwaredev/theres-a-diversity-problem-in-the-tech-industry-and-its-not-getting-any-better/">critiqués</a> ces dernières années pour leur <a href="http://dailyorange.com/2020/02/oscars-lack-diversity-inclusion-continues-2020/">manque de diversité</a> –, les femmes sont ainsi mieux représentées que le domaine de l’économie.</p>
<h2>Manque de modèles et sexisme</h2>
<p>Il peut sembler étrange que ce domaine présente un tel fossé entre les sexes alors que des femmes comme Janet Yellen, actuellement secrétaire au Trésor américain et ancienne présidente de la <a href="https://www.washingtonpost.com/gdpr-consent/?next_url=https%3a%2f%2fwww.washingtonpost.com%2fnews%2fwonk%2fwp%2f2013%2f07%2f19%2fthe-subtle-sexist-whispering-campaign-against-janet-yellen%2f">Réserve fédérale</a> (Fed) de 2014 à 2018, ou encore Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne, font partie des économistes les plus influents dans le monde. Mais il s’agit là d’exceptions.</p>
<p><a href="https://fraser.stlouisfed.org/timeline">Seuls huit</a> des 140 présidents de la Fed et de ses entités locales nommés depuis 1914 sont des femmes, tout <a href="https://www.nber.org/system/files/working_papers/w23953/w23953.pdf">comme à peine un cinquième</a> des membres actuels du National Bureau of Economic Research – l’un des <a href="https://repository.upenn.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1018&context=think_tanks">plus influents</a> think tanks sur la politique économique des États-Unis.</p>
<p>Cela se traduit également par la <a href="https://www.aeaweb.org/about-aea/honors-awards/bates-clark">rareté des prix liés à l’économie</a> décernés aux femmes, dont <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/lists/all-prizes-in-economic-sciences/">seulement deux « Nobel »</a> dans ce domaine depuis 1969. Ce manque de modèles pour les étudiantes <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/app.20180426">apparaît comme l’une des raisons</a> pour lesquelles <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/jep.33.1.23">moins de femmes étudient l’économie</a> à l’université.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/390456/original/file-20210318-13-11go51l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/390456/original/file-20210318-13-11go51l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/390456/original/file-20210318-13-11go51l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/390456/original/file-20210318-13-11go51l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/390456/original/file-20210318-13-11go51l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/390456/original/file-20210318-13-11go51l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/390456/original/file-20210318-13-11go51l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La Française Esther Duflo fait partie des deux femmes ayant reçu le prix « Nobel » d’économie.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://u.afp.com/Uxva">Jonas Ekstromer/Tt News Agency/AFP</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cependant, la raison principale de l’écart entre les hommes et les femmes pourrait être le sexisme généralisé dans les départements d’économie qui a été <a href="https://www.jstor.org/stable/41349169">bien documenté</a>. Par exemple, une enquête menée en 2019 par l’American Economic Association, qui a recueilli 9 000 réponses de membres actuels et anciens, a révélé que <a href="https://review.chicagobooth.edu/economics/2019/article/climate-discrimination-economics">près de la moitié des femmes</a> avaient déclaré avoir été victimes de discrimination sexiste, ou ne pas avoir pris la parole lors de conférences et s’être tenues à l’écart des événements sociaux pour éviter un éventuel harcèlement et un traitement irrespectueux.</p>
<p>Une équipe de chercheurs a <a href="https://www.nytimes.com/2021/02/23/business/economy/economics-women-gender-bias.html">récemment tenté de quantifier</a> l’ampleur du sexisme auquel les femmes sont confrontées lorsqu’elles présentent des articles et des données de recherche à leurs pairs. Ils ont constaté que, non seulement les femmes se voient poser plus de questions que les hommes pendant leurs présentations, mais que ces questions étaient plus susceptibles d’être <a href="https://www.nber.org/system/files/working_papers/w28494/w28494.pdf">condescendantes ou hostiles</a>.</p>
<p>De plus, une <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/pandp.20181101">étude de 2018</a> a révélé les nombreuses <a href="https://www.washingtonpost.com/gdpr-consent/?next_url=https%3a%2f%2fwww.washingtonpost.com%2fnews%2fwonk%2fwp%2f2017%2f08%2f22%2fhotter-lesbian-feminazi-how-some-economists-discuss-their-female-colleagues%2f">références sexuelles explicites</a> contenues dans les messages échangés entre économistes masculins lorsqu’ils évoquent leurs collègues féminines. L’étude a également démontré que les messages concernant des femmes contenaient 43 % moins de termes académiques ou professionnels et étaient plus susceptibles de contenir des termes liés à des informations personnelles ou à des attributs physiques.</p>
<p>Malgré ces preuves de sexisme, le nombre d’économistes masculins <a href="https://www.economist.com/finance-and-economics/2019/01/12/how-economics-is-trying-to-fix-its-gender-problem">ne semblent pas penser</a> que l’hostilité sexiste a un effet sur la sous-représentation des femmes dans la profession ou même qu’elle existe. Cela pourrait s’expliquer par un phénomène de <a href="https://www.medicalnewstoday.com/articles/gaslighting">« gaslighting »</a> qui désigne un comportement de remise en cause psychologique de la personne pour la déligitimer. Les économistes masculins auraient ainsi tendance à expliquer aux femmes qu’elles sont trop sensibles, qu’elles réagissent de manière excessive ou qu’elles prennent les choses trop à cœur lorsqu’elles soulèvent un problème.</p>
<h2>Le problème de la diversité en économie</h2>
<p>Atteindre une plus grande diversité de genre et d’autres types de diversité en économie n’est pas seulement une question de politiquement correct. La diversité permet d’obtenir de <a href="https://www.businessinsider.fr/us/new-study-finds-boosting-diverse-management-increases-productivity-2020-6">meilleurs résultats</a> et de <a href="https://ploughshares.org/issues-analysis/article/diversity-makes-better-policy">meilleures politiques</a> en modifiant la dynamique de groupe et la prise de décision.</p>
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<img alt="Les gouverneurs du Fonds monétaire international posent pour une photo lors d’une réunion annuelle." src="https://images.theconversation.com/files/389108/original/file-20210311-19-1tao5mt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/389108/original/file-20210311-19-1tao5mt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/389108/original/file-20210311-19-1tao5mt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/389108/original/file-20210311-19-1tao5mt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/389108/original/file-20210311-19-1tao5mt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/389108/original/file-20210311-19-1tao5mt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/389108/original/file-20210311-19-1tao5mt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Peu de gouverneurs du Fonds monétaire international sont des femmes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/imfphoto/32657075587/">FMI</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Des décennies de recherches menées par des spécialistes de l’organisation, des psychologues, des sociologues, des économistes et des démographes, montrent que le fait de <a href="https://www.scientificamerican.com/article/how-diversity-makes-us-smarter">côtoyer des personnes différentes de soi</a> – et pas seulement par le sexe, mais aussi par la race, la classe, l’origine ethnique et l’orientation sexuelle – rend les gens plus créatifs, plus diligents et plus travailleurs. Et la profession d’économiste n’a pas seulement un problème de genre. Elle a également de terribles antécédents en matière de représentation des <a href="https://www.aeaweb.org/content/file ?id=13728">minorités ethniques</a>.</p>
<p>Ce manque de diversité sexuelle et raciale a des conséquences sur la politique. En termes de genre, par exemple, les femmes économistes semblent <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/coep.12004">beaucoup plus susceptibles de croire</a> que les réglementations aux États-Unis ne sont pas excessives, que la distribution des revenus devrait être plus égale et que les opportunités d’emploi ne sont pas les mêmes pour les hommes et les femmes, alors que les politiques de ces dernières décennies <a href="https://mises.org/wire/yes-inequality-problem-when-caused-government">ont généralement favorisé</a> des objectifs opposés.</p>
<p>Si le but ultime de la recherche économique reste de développer et de communiquer des idées durables, ces preuves suggèrent que la valeur et l’impact de la profession d’économiste ne sont pas seulement un échec pour les femmes en économie, mais pour tout le monde.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/157474/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Veronika Dolar ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Seuls 15 % des professeurs titulaires américains sont aujourd’hui des femmes. Une proportion qui n’a que très peu évolué depuis 20 ans.Veronika Dolar, Assistant Professor of Economics, SUNY Old WestburyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1567292021-03-11T17:53:41Z2021-03-11T17:53:41ZLa liberté académique des enseignants est-elle en danger sur les campus américains ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/389113/original/file-20210311-15-4lfi59.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=34%2C4%2C2841%2C2134&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'université de Californie du Sud, à Los Angeles.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Universit%C3%A9_de_Californie_du_Sud#/media/Fichier:052607-016-BovardHall-USC.jpg">Bobak Ha'Eri/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Jamais les universités américaines n’avaient été autant prises à partie dans les débats publics français. Rares ont été les prises de parole, au cours de la polémique générée par les propos récents de la ministre de l’Enseignement supérieur sur les courants de recherche radicaux dans l’université française, qui ne se sont pas référées aux États-Unis en les « <a href="https://aoc.media/analyse/2021/02/22/un-vent-de-reaction-souffle-sur-la-vie-intellectuelle/?loggedin=true">diabolisant</a> ». En effet, selon bon nombre d’analyses, c’est d’outre-Atlantique que viendrait l’une des plus graves atteintes contemporaines à la liberté académique.</p>
<p>Cancel culture, Wokeness, Triggers warnings, Safe spaces… autant de concepts dont les médias se sont emparés pour décrire des campus américains qui seraient depuis quelques années les théâtres d’une restriction sans précédent de la liberté d’expression, au nom de la défense des minorités et d’un nouveau « droit à ne pas être offensés ». Nos universités françaises seraient, presque par contagion, elles aussi désormais menacées puisque, <a href="https://www.20minutes.fr/politique/2978507-20210216-universites-frederique-vidal-va-commander-enquete-cnrs-islamo-gauchisme">selon la ministre</a>, « des universitaires se disent eux-mêmes empêchés par d’autres de mener leurs recherches, leurs études ».</p>
<h2>La liberté académique, principe historique des universités américaines</h2>
<p>Pourtant, s’il est une pierre angulaire de l’espace académique et de recherche américain, c’est bien la liberté académique. Son fondement juridique est le premier amendement de la Constitution américaine de 1791, celui qui garantit la <a href="https://theconversation.com/le-culte-de-la-liberte-dexpression-aux-etats-unis-155577">liberté d’expression</a>, principe fondateur de l’identité nationale, contre toute restriction, notamment venant du pouvoir politique. Rappelons qu’en France, la liberté académique, au sens de l’indépendance et de la libre expression des enseignants et des chercheurs, est <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1984/83165DC.htm">garantie au niveau constitutionnel depuis 1984</a>.</p>
<p>Même si la jurisprudence constante de la Cour suprême rattache la liberté académique à ce premier amendement, la Constitution américaine ne mentionne toutefois pas explicitement la liberté d’enseignement et de recherche, ni le contexte spécifique des universités. Ce sont donc les universitaires eux-mêmes qui se sont donné les moyens de définir et de garantir l’exercice de cette liberté.</p>
<p>L’occasion leur en est donnée au début du XX<sup>e</sup> siècle par la mobilisation massive contre le licenciement jugé abusif car fondé sur un motif idéologique d’<a href="https://academeblog.org/2014/04/24/the-ross-case/">Edward Ross</a>, professeur d’économie à l’université Stanford. En 1915, un grand nombre d’universitaires se constituent alors en Association américaine des professeurs d’université (<em><a href="https://www.aaup.org/">American Association of University Professors</a>, AAUP</em>) et, sous l’impulsion du philosophe John Dewey, rédigent la première déclaration sur la liberté académique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1109095909013573632"}"></div></p>
<p>L’enjeu, pour ces universitaires, est une double émancipation. Il s’agit de réaffirmer la liberté académique comme une composante fondamentale de la liberté intellectuelle, à côté de la liberté d’expression, de la liberté de la presse et de la liberté de religion. Mais il s’agit aussi de définir la nature de la liberté académique comme « la liberté de poursuivre la profession de savant selon les standards de cette profession » (<a href="https://www.cairn.info/revue-critique-2010-4-page-291.htm">Finkin et Post, 2009</a>), c’est-à-dire une liberté dont les contours, les évolutions et le sens appartiennent aux universitaires eux-mêmes.</p>
<p>En plus d’un siècle, les principes de la charte de l’AAUP, réaffirmés en 1940 (liberté de recherche et de publication, liberté d’enseignement, liberté d’expression dans les murs de l’Université et en dehors) ont fait l’objet de révisions et interprétations successives, s’imposant aujourd’hui comme le texte de référence qui permet aux universités de remplir leur mission sociale fondamentale, c’est-à-dire la poursuite de la connaissance, en tant que « bien commun ». En effet, c’est par la garantie de la liberté académique que les enseignants et les chercheurs peuvent contribuer à l’avancée de la science et donc au progrès de la société (<a href="https://www.cairn.info/revue-critique-2010-4-page-291.htm">Beaud, 2010</a>).</p>
<p>Ce sont donc les universités, dans une logique d’autorégulation et de contrôle par les pairs, qui gouvernent et défendent l’exercice de la liberté académique aux États-Unis. Contrairement aux Français, les Américains n’attendent pas du législateur qu’il encadre cette liberté par des interdictions et des sanctions pénales, car c’est la gouvernance même des universités qui est organisée en fonction de la préservation de la liberté fondamentale de chercher, dire, enseigner, débattre par-delà les orientations politiques, les idées, la confession religieuse, l’appartenance ethnique, le genre, et de ne pouvoir être jugé que par ses pairs sur un plan purement scientifique (<a href="https://www.cairn.info/revue-le-debat-2009-4-page-99.htm">Compagnon, 2009</a>).</p>
<h2>Les universités comme lieu du débat démocratique</h2>
<p>Les campus américains, en dépit de la grande hétérogénéité du système, sont dans les faits des lieux de débat démocratique et de pluralité d’opinions.</p>
<p>Pour les quelque 16 millions d’étudiants inscrits en premier cycle, la formation, surtout dans les grandes universités de recherche, offre une palette de choix de cours et de disciplines sans commune mesure avec celle des universités françaises. La liberté de choisir, de tester et tâtonner, de changer d’avis, d’explorer différents champs du savoir et manières de voir pendant les quatre années du bachelor – la licence américaine – fait partie de la formation intellectuelle.</p>
<p>L’éclectisme des points de vue se reflète également dans la vie associative qui doit permettre à chaque groupe, à chaque minorité, à chaque communauté de promouvoir ses valeurs et ses intérêts à côté de ceux des autres. Car les universités considèrent que le pluralisme, le débat contradictoire, la confrontation entre écoles de pensées est ce qui les caractérise et les distingue d’autres organisations. Même des idées potentiellement dérangeantes doivent être présentées et débattues en classe et partout sur le campus à condition de garantir la même possibilité d’expression à tous.</p>
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<p>Pourtant, depuis une dizaine d’années, le maintien de la liberté académique, notamment dans sa dimension de liberté d’expression, est devenu un <a href="https://www.lopinion.fr/edition/politique/maintenir-free-speech-dans-universites-americaines-est-combat-201770">combat permanent</a> dans presque toutes les universités américaines.</p>
<h2>Le mouvement « woke » et les restrictions à la liberté d’expression</h2>
<p>La menace ne provient pas de l’ingérence des pouvoirs publics ni, comme autrefois, d’une quelconque autorité religieuse (<a href="https://www.cairn.info/revue-etudes-2018-1-page-7.htm">McCarthy, 2018</a>). Elle semble plutôt venir de l’intérieur même des campus, à savoir de la communauté étudiante.</p>
<p>Depuis les années 1970, afin de mieux refléter la composition de la société américaine, les universités ont progressivement instauré des <a href="https://theconversation.com/universites-vers-un-declin-de-lempire-americain-153215">« politiques de diversité »</a>. Sur chaque campus, les groupes historiquement sous-représentés, comme certaines minorités ethniques ou de genre, ou encore les anciens combattants, ont poussé vers davantage de pluralisme en exigeant une plus grande prise en compte de leur histoire et de leur singularité dans les programmes d’enseignement et les contenus des cours. C’est ainsi que beaucoup d’universités ont introduit des études dites « globales », indiquant par là des approches enfin non centrées sur l’Europe, prenant en compte des auteurs et des œuvres d’autres traditions culturelles que celles du monde occidental considéré comme historiquement dominant.</p>
<p>Paradoxalement, l’attention portée à la représentation de toutes les voix et cultures a fini par se retourner contre le principe même qui l’avait soutenue. Le respect du pluralisme, qui exige que tous les points de vue puissent être exprimés, étudiés et débattus, est entré en conflit avec le respect des sensibilités individuelles. Ainsi, la liberté académique, pourtant garantie par les institutions et bien vivante sur les campus, se heurte dans la pratique à la capacité des étudiants de la nouvelle génération des « éveillés » (en référence au <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/le-tour-du-monde-des-idees/le-tour-du-monde-des-idees-du-mercredi-10-fevrier-2021">« <em>Woke</em> »</a>, état d’esprit d’éveil face à l’injustice) à entendre des opinons ou des récits contraires à leur système de valeurs ou jugés dépréciatifs envers l’identité qui les définit.</p>
<p>Au cours de la dernière décennie, de nombreux campus, tels que Chicago, Harvard, Pittsburgh, Brown, Georgia Tech, Michigan, Penn, ont été secoués par des affaires liées à la réaction de groupes d’étudiants, parfois encouragés par des professeurs, face à des propos jugés offensants, colonialistes ou blessants pour telle ou telle minorité. Ces réactions peuvent conduire au refus du débat sous toutes ces formes – d’où l’appellation de « cancel culture » ou culture de l’annulation – ou à l’introduction de messages préventifs (les « triggers warnings », qui visent à prévenir le public qu’il doit se préparer psychologiquement à ce que des sujets potentiellement dérangeants soient abordés).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1311608178841399298"}"></div></p>
<p>Elle peut aller parfois jusqu’à des demandes de licenciement, voire à de véritables lynchages médiatiques des enseignants, amplifiés par les réseaux sociaux. En juillet 2020, le <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/le-tour-du-monde-des-idees/retour-sur-le-suicide-dun-professeur">suicide d’un professeur de droit à l’Université de Wilmington, en Caroline du Nord</a>, a été interprété comme la conséquence directe du harcèlement dont il était la cible du fait de ses propos conservateurs et provocateurs sur des sujets sensibles comme l’avortement, la peine de mort et l’égalité des genres. L’ONG américaine Fire (<em>Foundation for Individual Rights in Education</em>), qui a pour mission la protection de la liberté d’expression sur les campus universitaires, a constaté une <a href="https://www.thefire.org/this-has-been-fires-busiest-summer-ever-what-happened/">augmentation sans précédent</a> du nombre de signalements de violations depuis l’été 2020.</p>
<p>Confrontées à une telle dérive du principe du « politiquement correct », certaines universités ont cherché une solution en créant des espaces de parole spécifiques, au sein desquels on consent à limiter la liberté d’expression pour que les personnes sensibles puissent se sentir « en sécurité ». L’utilité et la pertinence de ces espaces sûrs (<em>safe spaces</em>) ont fait l’objet de nombreux débats dans les enceintes universitaires et les médias. Pour <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/fare.12233">certains</a>, ces lieux doivent permettre l’expression de groupes historiquement dominés, puisqu’ils seraient exempts de discrimination, de racisme, de sexisme ou de tout autre comportement haineux ; pour <a href="https://www.psychologytoday.com/us/blog/college-confidential/201703/safe-spaces-can-be-dangerous">d’autres</a>, ils marginalisent davantage les opinions minoritaires car ils les <a href="http://features.columbiaspectator.com/eye/2015/09/29/what-are-you-afraid-of/">isolent</a> et les écartent des arènes du débat.</p>
<h2>L’argent, nerf de la guerre</h2>
<p>Au-delà de ces situations qui peuvent paraître extrêmes, l’aseptisation du discours public sur les campus est une tendance de fond qui est également liée à l’évolution plus générale de l’enseignement supérieur américain et de son modèle économique. Les universités, qu’elles soient privées ou publiques, dépendent aujourd’hui bien plus des frais de scolarité, voire de la générosité des bienfaiteurs individuels (anciens diplômés ou parents d’élèves), que des financements publics. Les étudiants, aujourd’hui des clients, sont les prescripteurs et les mécènes de demain. Ne pas froisser leur sensibilité est ainsi un enjeu de taille pour l’administration des universités. L’image des plus anciennes et prestigieuses d’entre elles peut être durablement ternie par des affaires liées à la liberté d’expression des enseignants, avec des conséquences non négligeables sur leurs capacités de financement. Le risque est d’autant plus élevé que l’établissement est réputé.</p>
<p>Dans une célèbre <a href="https://chomsky.info/20110406/">allocution</a> prononcée à l’université de Toronto en 2011, Noam Chomsky, professeur de linguistique au MIT et intellectuel engagé, alertait sur les effets que le « business model » des universités pourrait avoir sur la capacité de celles-ci à se maintenir en tant que lieux de réflexion et d’enquête créatifs et indépendants. Il disait à l’époque que la meilleure manière de résister aux pressions des financeurs serait de « simplement les reconnaître comme une réalité de la vie » pour les « combattre catégoriquement, à n’importe quel prix ». Un remède qui pourrait s’appliquer également aux dérives actuelles en matière de liberté d’expression…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/156729/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alessia Lefébure ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis quelques années, certains mouvements cherchent à encadrer la liberté d’expression dans le cadre universitaire, au nom de la protection des minorités.Alessia Lefébure, Directrice des études, sociologue des organisations, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1503902020-11-23T20:31:43Z2020-11-23T20:31:43Z« Mobbing » : le monde académique, un terrain propice au harcèlement en meute<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/370368/original/file-20201119-13-1p0rdal.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C1000%2C660&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les enquêtes quantitatives montrent qu’environ 15 % des personnes harcelées dans une société moderne appartiennent au milieu universitaire. </span> <span class="attribution"><span class="source">Andrey Popov / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Plus que les hôpitaux ou les administrations, le milieu académique est un véritable creuset pour le « harcèlement en meute », ou mobbing (du verbe « to mob », malmener). Grave pathologie des organisations de grande taille, le « mobbing » est un processus <a href="https://www.fnasfo.fr/wp-content/uploads/2017/07/mobbing.pdf">« d’extermination concertée »</a> d’une personne en emploi qui devient « une cible » pour ses collègues. Ce projet morbide ne prend fin qu’une fois la cible partie de l’organisation, placardisée, ou victime de suicide comme dans le cas emblématique de Justine Sergent à l’Université McGill au Canada. <a href="https://grandquebec.com/psychologie-quebec/suicide-mcgill/">Désespérée</a> par les lettres anonymes qu’elle recevait et celles qui étaient envoyées à divers organismes, cette neuropsychologue de profession s’est donné la mort avec son mari Yves Sergent en 1994.</p>
<p>Caractérisé par la recherche fondatrice de Heinz Leymann <a href="https://next.liberation.fr/vous/1996/02/06/le-mobbing-psychoterreur-sur-l-employe-ce-nouveau-concept-etudie-les-consequences-du-harcelement-psy_163658">« Psychoterreur dans l’organisation »</a> (1993), le mobbing est aujourd’hui une pathologie scientifiquement documentée en particulier par les travaux pionniers en langue française d’Eve Seguin, professeure de sciences politiques à l’Université du Québec à Montréal.</p>
<p>En 2017, <a href="https://www.slate.fr/story/147492/mobbing-travail-terrorisme-organisationnel?amp">son exposé de référence</a> isole les quatre points qui caractérisent le mobbing :</p>
<blockquote>
<p>« C’est un processus collectif, violent, délibéré, pour lequel la psychologie individuelle des agresseurs et de leur victime ne fournit aucune clé de compréhension ». « Ce processus concerté d’élimination d’une cible se fait par un petit groupe de mobbeurs instigateurs, occupant souvent des positions d’autorité, qui considère qu’il nuit à un ou plusieurs de leurs intérêts : il ne partage pas leur conception de l’organisation, il gagne un salaire plus élevé qu’eux, il dénonce certaines de leurs pratiques, il est performant et risque de leur faire de l’ombre, il ne joue pas le rôle que leur script avait prévu, il a obtenu le poste qu’un de leurs amis aurait dû obtenir, etc. S’abritant derrière l’épouvantail d’une prétendue menace pour l’organisation incarnée par ce collègue, les mobbeurs instigateurs vont alors entreprendre de l’exterminer. »</p>
</blockquote>
<p>Une méta-analyse des <a href="http://www.antimobbing.eu/information/index.html">enquêtes quantitatives</a> montre qu’environ 15 % des mobbés dans une société moderne appartiennent au milieu académique et que de 5 % (Norvège) à 12 % (Grande-Bretagne) des professeurs en poste seraient concernés. Ce mobbing peut laisser des séquelles sur les victimes comparables aux <a href="https://www.icos.umich.edu/sites/default/files/lecturereadinglists/friedenberg%202008a.pdf">« post-traumatismes d’un génocide »</a>, comme le souligne dans ses travaux la professeure américaine Joan Friedenberg.</p>
<h2>Chasse en meute</h2>
<p>En vue de nuire à l’image de la personne, l’agression va prendre la forme des rumeurs, insinuations, menaces, calomnies. Cette terreur organisationnelle se distingue de la <a href="https://journals.openedition.org/communicationorganisation/2302">« violence perverse au quotidien »</a> qu’est le « harcèlement moral » conceptualisé par la psychiatre française Marie-France Hirigoyen. Ce dernier désignerait une forme plus interindividuelle – mais pas moins grave – et davantage insérée dans les méandres d’une relation hiérarchique directe.</p>
<p>Le mobbing se construit en effet sur le modèle d’une chasse en meute. Procédant selon des étapes bien identifiées, il vise, parfois implicitement, à l’élimination d’une cible puissante (et donc impossible à attaquer en face à face) et perçue comme nuisible aux intérêts d’individus non nécessairement constitués en collectif clairement visible. Toujours selon Eve Seguin, « le collègue est d’abord condamné, puis les preuves de sa “culpabilité” sont fabriquées afin de l’éliminer ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/370369/original/file-20201119-21-uynpkt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/370369/original/file-20201119-21-uynpkt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/370369/original/file-20201119-21-uynpkt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/370369/original/file-20201119-21-uynpkt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/370369/original/file-20201119-21-uynpkt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=510&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/370369/original/file-20201119-21-uynpkt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=510&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/370369/original/file-20201119-21-uynpkt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=510&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le phénomène de « mobbing » peut s’apparenter à une chasse menée par une meute de loups.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Juancarcha69/Shutterstock</span></span>
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<p>L’efficacité du mobbing provient en effet de la gestion de sa temporalité et de ses capacités d’enrôlement. D’abord, son déroulement se réalise sur une longue période (plusieurs années généralement) scandée par de petits évènements successifs (éclats de voix, tensions en réunion, décisions discrétionnaires inhabituelles, etc.) sans lien apparent. Dans une grande organisation, comment relier, ici, un refus arbitraire d’inscrire les doctorants d’un professeur, là, son éviction d’instances de recrutements statutaires, plus tard, le refus de discuter de ses projets de formation ?</p>
<p>Par la suite, ce temps long renforce la capacité d’enrôler d’autres membres de l’organisation qui deviennent progressivement des « mobbeurs passifs ». Indécis au départ, ces derniers finissent par s’aligner sur la position de la meute. Par peur que les brimades sur la cible finissent par les atteindre s’ils ne reconnaissent pas la pertinence de « la chasse » ou par espérance de gains que devrait induire l’éviction de la cible, les mobbeurs passifs renforcent ainsi le mobbing académique.</p>
<h2>Un revers de l’obsession à la performance ?</h2>
<p>Si ce modèle de mobbing peut se développer partout, le milieu académique se signale par une panoplie de techniques violentes : accusation médiatisée de plagiat, fraude scientifique, exploitation de (prétendus) « problèmes » avec les étudiants ou encore allégation de trouble de la personnalité, permettent de faire porter à la personne ciblée une responsabilité dans la violence qu’on lui inflige.</p>
<p>Intrinsèquement, le milieu académique présente surtout des « contextes organisationnels » de management des salariés très qualifiés qui les rendent propices au mobbing. En 2009, ces contextes sont analysés dans notre livre <a href="https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=28594&razSqlClone=1"><em>Le management de la performance du travail : bonheur des règles et tyrannie des valeurs</em></a>.</p>
<p>L’analyse de la performance de l’ingénieur R & D d’une multinationale de la microélectronique ou du consultant senior montre alors que cette performance est « floue dans sa définition », et s’obtient essentiellement par l’adhésion à des valeurs (« se dépasser », par exemple) et non par l’application de règles encadrant strictement le travail (procédures, évaluation…).</p>
<p>Cette forte implication attendue du salarié qualifié passe par une « réquisition de ses compétences » et l’obligation pour lui de construire stratégiquement ses propres coopérations dans l’organisation.</p>
<p>Dans ces métiers qualifiés et à forte autonomie, comme dans le monde académique, les jeux de concurrence entre professionnels sont renforcés, au point de parfois mettre en échec l’individu (burn-out, stress extrême, etc.) ou de laisser place à des harcèlements divers.</p>
<p>À l’époque, nous n’avions pas été capables de nommer autrement ces « atteintes » observées à la santé. Or, il apparaît aujourd’hui qu’il s’agissait bien, dans certains cas, de mobbing tel qu’il peut être pratiqué dans le milieu universitaire.</p>
<p>Cette grille de lecture caractérisant la « tyrannie d’une gestion par les valeurs » de salariés à fortes compétences, forte productivité et se considérant facilement comme des professionnels indépendants, nourrit utilement l’analyse de la situation de travail des professeurs. Leur statut a en effet pour corollaire une attente élevée en matière de performances qui se traduit partout par une injonction globale à « l’excellence ».</p>
<h2>La hiérarchie a peur de la meute</h2>
<p>Dès 1998, le sociologue canadien Kenneth Westhues, spécialiste mondial du mobbing académique, notait que cette injonction à l’excellence engendre « des phénomènes d’envie généralisée entre collègues et augmente le risque que les professeurs performants se retrouvent ciblés : « quand le point d’eau devient plus petit, les animaux deviennent plus méchants » dit le proverbe africain ».</p>
<p>Dans un contexte de pénurie budgétaire, la stratégie institutionnelle d’augmentation des performances des professeurs fait généralement le choix d’un modèle de concurrence faiblement régulée. En France, la récente généralisation des dispositifs d’appels d’offres pour être classé, pour être labellisé, pour obtenir des financements, ne devrait donc pas rendre les animaux moins méchants. Cette généralisation va également amplifier, chez les perdants, des rancunes et des ressentiments à la source des motivations du mobbing.</p>
<p>En outre, différents facteurs renforcent encore cette prévalence dans le cas du milieu académique : son organisation bureaucratique, lente à réagir et diluant les responsabilités politiques, aurait tendance à ralentir le diagnostic d’un éventuel mobbing.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/370121/original/file-20201118-19-yzeaht.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/370121/original/file-20201118-19-yzeaht.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1023&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/370121/original/file-20201118-19-yzeaht.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1023&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/370121/original/file-20201118-19-yzeaht.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1023&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/370121/original/file-20201118-19-yzeaht.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1286&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/370121/original/file-20201118-19-yzeaht.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1286&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/370121/original/file-20201118-19-yzeaht.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1286&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p>Plus grave, le recours à la hiérarchie se retourne très souvent contre la cible. Par ignorance, la hiérarchie ne distinguera pas le mobbing de conflits de travail courants ou de simples problèmes d’incompatibilités de personnalités. Par peur de la meute, la hiérarchie acceptera sa stratégie voire l’amplifiera. Selon Eve Seguin, la hiérarchie de l’organisation a même deux fonctions bien repérées et terribles pour la cible : « (la) persuader qu’elle est le problème » à travers un jeu de médiations, rapports d’expertise et autres accompagnements (même généreusement proposés) ; « remuer la boue » à travers de nombreuses investigations sur les activités, même anciennes, de la cible au point de pouvoir prendre des mesures disciplinaires… contre la cible.</p>
<p>Pour l’heure, la lutte efficace contre le mobbing académique emprunte le chemin de la <a href="https://www.kwesthues.com/mobbing.htm">construction de dispositifs d’information</a>, d’analyse de contextes et de protection des personnes. Depuis 15 ans, des pays ou des communautés universitaires ont déjà avancé (Canada, États-Unis, Italie, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni, Suède, etc.). Pour progresser encore, l’engagement d’universitaires-militants constitue un passage obligé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/150390/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Rocca ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les victimes de « mobbing » sont surreprésentées dans le milieu universitaire, comme dans les autres secteurs qui comptent des salariés très qualifiés et autonomes.Michel Rocca, Professeur d'économie politique, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1398922020-06-04T18:12:12Z2020-06-04T18:12:12ZPourquoi le combat de Fariba Adelkhah est le combat de tous<p><em>Nous apprenons avec joie <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/10/18/la-chercheuse-franco-iranienne-fariba-adelkhah-retenue-en-iran-depuis-2019-est-rentree-en-france_6195217_3210.html">le retour en France de la chercheuse Fariba Adelkhah</a>. Arrêtée en 2019 en Iran, son terrain de recherche depuis des années, condamnée à cinq ans de prison en mai 2020 pour atteinte à la sécurité nationale, elle avait bénéficié d’une « libération temporaire » en octobre 2020, avant d’être à nouveau incarcérée en janvier 2022, puis libérée en février dernier mais avec l'interdiction, jusqu'à hier donc, de quitter le territoire de la République islamique. Nous vous proposons à cette occasion de relire cet article que sa collègue Béatrice Hibou lui avait consacré un an après son arrestation.</em></p>
<p>5 juin 2019 – 5 juin 2020 : voilà un an que Fariba Adelkhah est détenue en Iran, à la tristement célèbre prison d’Evin, pour n’avoir fait que son travail de chercheuse.</p>
<p>Le 24 décembre, de pair avec <a href="https://www.lepoint.fr/monde/en-iran-le-supplice-de-kylie-moore-gilbert-06-05-2020-2374489_24.php">Kylie Moore-Gilbert</a>, sa collègue anglo-australienne détenue elle aussi, elle avait entamé une grève de la faim qui avait duré 49 jours pour dénoncer leur traitement mais aussi et surtout celui de tous les intellectuels détenus en Iran et dans les pays de la région pour n’avoir fait que leur travail. </p>
<p>Après son procès, à plusieurs reprises différé, qui s’est finalement tenu le 19 avril, elle a refusé de renoncer à sa recherche et à ses va-et-vient entre l’Iran et la France, comme ses geôliers l’y incitaient en lui promettant alors la liberté conditionnelle, un bracelet aux chevilles. </p>
<p>Pour Fariba, accepter ces conditions aurait signifié accepter l’ordre des Gardiens de la révolution, accepter donc de voir la recherche criminalisée ; mais également accepter de voir mis en danger tous les gens avec lesquels elle a travaillé, particulièrement en Iran et en Afghanistan. À la suite de son refus, elle a été condamnée le 16 mai 2020 à <a href="http://www.leparisien.fr/international/iran-la-chercheuse-fariba-adelkhah-condamnee-a-six-ans-de-prison-16-05-2020-8318307.php">six ans d’emprisonnement</a>.</p>
<p>Roland Marchal, son collègue et ami qui avait également été arrêté le 5 juin 2019 alors qu’il venait passer quelques jours avec elle, n’est quant à lui jamais passé devant un juge. Après neuf mois et demi de détention à Evin, il a été libéré le 20 mars 2020 lors d’un échange avec un ingénieur iranien, proche des Gardiens de la révolution, qui avait été arrêté en France sur mandat d’arrêt américain et jugé extradable par la justice française.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/339151/original/file-20200602-133924-qh8xm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/339151/original/file-20200602-133924-qh8xm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/339151/original/file-20200602-133924-qh8xm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/339151/original/file-20200602-133924-qh8xm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/339151/original/file-20200602-133924-qh8xm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/339151/original/file-20200602-133924-qh8xm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/339151/original/file-20200602-133924-qh8xm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Miriam Perier</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Son <a href="https://faribaroland.hypotheses.org">comité de soutien</a> a lancé une opération de solidarité en diffusant, en ce triste anniversaire, une centaine de contributions audio et vidéo sur ce que signifie le combat de Fariba pour la défense de la liberté scientifique <a href="https://faribaroland.hypotheses.org/8498">(https://faribaroland.hypotheses.org/8498)</a>.</p>
<h2>Une prisonnière scientifique</h2>
<p>Fariba est <a href="http://fasopo.org/sites/default/files/adelkhah/adelkhah-portrait.pdf">anthropologue à Sciences Po</a>. Depuis trente ans, elle restitue au plus près du terrain les transformations de la société iranienne, mais aussi de la société afghane. Ses travaux, dont on trouvera une <a href="https://www.sciencespo.fr/ceri/fr/cerispire-user/7123/537">liste non exhaustive</a> sur le site du CERI, font autorité par leur profondeur, par sa connaissance subtile de son pays d’origine qu’elle n’a jamais cessé de fréquenter, y effectuant constamment des terrains et des séjours plus ou moins longs, et par le regard original qu’elle porte sur tout ce sur quoi elle travaille : les femmes et <a href="http://www.karthala.com/867-la-revolution-sous-le-voile-femmes-islamiques-diran.html">leur place dans l’espace public</a> ; les <a href="http://www.karthala.com/1687-tre-moderne-en-iran.html">transformations profondes de la société derrière l’impression de conservatisme</a> ; les rapports entre <a href="https://journals.openedition.org/remmm/2913">religion et politique</a> ; la formation de l’État <a href="http://www.karthala.com/recherches-internationales/2558-les-mille-et-une-frontieres-de-l-iran-quand-les-voyages-forment-la-nation.html">par ses frontières</a> et ses rapports à ses voisins et plus largement à l’international ; la <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01293063/">guerre comme mode de vie</a>…</p>
<p>C’est en ce sens que Fariba est une prisonnière scientifique : elle est emprisonnée parce qu’elle a écrit, parce qu’elle a continué, envers et contre tout, à faire de la recherche, parce qu’elle a toujours pensé qu’elle n’avait rien à cacher, qu’il fallait débattre, discuter, confronter les idées, aussi différentes soient-elles de celles du régime ou de la majorité de la population, ici ou là-bas.</p>
<p>Elle est une prisonnière scientifique – et non une prisonnière politique – parce qu’elle n’a jamais fait de politique : critiquée aussi bien par le régime (qui l’a régulièrement arrêtée, lui a confisqué son passeport, l’a interrogée) que par les opposants (qui lui reprochent de ne pas prendre position contre le régime, parce que ce dernier serait par principe mauvais), elle a suivi avec une force de caractère impressionnante le chemin de la science dans un contexte très difficile.</p>
<p>Déjà, en 2009, elle avait montré son courage lorsqu’elle avait défendu <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2010/05/17/clotilde-reisse-une-passion-iranienne_1352821_3210.html">Clotilde Reiss</a>, une doctorante française qui avait été arrêtée par les autorités iraniennes. Elle avait écrit une <a href="https://www.courrierinternational.com/article/2009/09/10/contre-le-regime-de-la-peur-en-iran">lettre ouverte au président de la République islamique</a>, particulièrement forte, dénonçant un régime qui ne comprenait pas ce qu’était la recherche et considérait tout chercheur comme un espion. Une nouvelle fois, aujourd’hui, elle montre de façon éclatante son attachement aux valeurs de la recherche académique et elle incarne le combat pour la liberté scientifique.</p>
<h2>L’importance prépondérante de la recherche</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/339161/original/file-20200602-133855-14z0o17.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/339161/original/file-20200602-133855-14z0o17.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/339161/original/file-20200602-133855-14z0o17.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=908&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/339161/original/file-20200602-133855-14z0o17.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=908&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/339161/original/file-20200602-133855-14z0o17.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=908&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/339161/original/file-20200602-133855-14z0o17.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1141&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/339161/original/file-20200602-133855-14z0o17.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1141&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/339161/original/file-20200602-133855-14z0o17.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1141&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Fariba Adelkhah.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ray Clid</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>La liberté scientifique, à laquelle Fariba tient tant, n’est pas une défense corporatiste de son métier. Ce qui est en jeu, c’est, bien sûr, la liberté de penser, la liberté de parler, la liberté d’expression. Mais c’est aussi le devoir de connaissance, un devoir d’autant plus important qu’il concerne des pays « lointains ». Ces derniers sont de moins en moins compris. Sur la scène intérieure, comme l’exemple de Fariba l’illustre tristement mais comme le rappellent aussi de nombreux autres cas partout dans le monde, la recherche est de plus en plus souvent vue avec suspicion quand elle n’est pas tout simplement considérée comme dangereuse et attentatoire à la sûreté nationale.</p>
<p>Mais sur la scène internationale aussi la recherche vit des jours sombres, pour au moins trois raisons : la remise en cause de la liberté de circulation et la montée des préoccupations sécuritaires ; l’isolement de certains de ces pays, fruit notamment de la politique d’excommunication conduite par les États-Unis et de l’incapacité européenne à s’en distinguer ; la politique de privatisation des universités qui acceptent que des pans entiers de leur recherche soient financés par des intérêts étatiques étrangers, comme l’illustrent une grande partie des centres spécialisés sur le Moyen-Orient désormais financés par les Saoudiens ou les Émiratis.</p>
<p>Cette stratégie de suspicion à l’encontre de la connaissance n’est pas sans conséquence : la désastreuse guerre en Irak, par exemple (mais on pourrait en dire de même des interventions en Libye, au Tchad, en République centrafricaine, en Somalie…), a été rendue possible par la mise à l’écart des spécialistes de la région, ouvrant la voie à l’idée d’un Grand Moyen-Orient et à l’intervention militaire.</p>
<h2>Le contre-pouvoir universitaire</h2>
<p>Le savoir universitaire agit comme un contre-pouvoir par rapport au savoir politique, au savoir journalistique, au savoir des intérêts économiques et financiers, parce que sa particularité est de mettre au cœur de sa raison d’être la distanciation, la dénaturalisation, le déplacement des limites de l’entendement. Le savoir universitaire nous apprend notamment à reconnaître des faits désagréables pour les autres comme pour nous-mêmes, et à procéder à une critique des jugements en montrant quels types de problèmes se cachent derrière des positions, des opinions, des décisions.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/339513/original/file-20200603-130907-1itnljd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/339513/original/file-20200603-130907-1itnljd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/339513/original/file-20200603-130907-1itnljd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=913&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/339513/original/file-20200603-130907-1itnljd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=913&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/339513/original/file-20200603-130907-1itnljd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=913&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/339513/original/file-20200603-130907-1itnljd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1148&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/339513/original/file-20200603-130907-1itnljd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1148&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/339513/original/file-20200603-130907-1itnljd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1148&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Par sa manière de travailler, par sa conception de son métier, Fariba incarne admirablement ce contre-pouvoir : elle nous montre le caractère irremplaçable de la recherche de terrain, de la circulation des savoirs, de la collaboration entre universitaires de divers horizons, de la confrontation de traditions intellectuelles différentes, de l’indépendance de la recherche.</p>
<p>Le combat de Fariba nous touche car ce n’est pas seulement le sien. C’est le combat de nous tous, le combat pour la liberté scientifique, le combat pour la liberté tout court.</p>
<hr>
<p><em>Un livre intitulé <a href="http://www.pressesdesciencespo.fr/fr/book/?gcoi=27246100101060">« Pour Fariba Adelkhah et Roland Marchal. Chercheurs en périls »</a> qui évoque leurs différents travaux vient d’être publié par les Presses de Sciences Po (mai 2020). Sa lecture est une des manières de soutenir le courageux combat de notre collègue emprisonnée en faveur de la liberté scientifique.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/139892/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Béatrice Hibou ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Incarcérée en Iran depuis un an pour n’avoir fait que son travail de chercheuse, Fariba Adelkhah vient d’être condamnée à six ans de prison. Son combat pour la liberté scientifique est aussi le nôtre.Béatrice Hibou, Directrice de recherche au CNRS (Centre de recherches internationales de Sciences Po), Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1306242020-01-27T17:10:35Z2020-01-27T17:10:35ZLa liberté scientifique en danger sur les cinq continents<p><em>Un rassemblement de soutien à Fariba Adelkhah et Roland Marchal se tiendra <a href="https://faribaroland.hypotheses.org/5450">ce mardi 11 février à 12h30, place du Trocadéro à Paris</a>. L'occasion de relire cet article qui revient sur leur situation et sur la liberté des chercheurs dans le monde au sens large.</em></p>
<p>Le 24 décembre, Fariba Adelkhah, anthropologue, emprisonnée en Iran depuis le 5 juin, co-signait une <a href="https://iranhumanrights.org/2019/12/imprisoned-french-australian-academics-call-for-christmas-eve-hunger-strike-iran/">lettre</a> avec sa collègue d’infortune, l’universitaire australo-britannique Kylie Moore-Gilbert, dans laquelle l’une et l’autre annonçaient qu’elles se mettaient en grève de la faim pour obtenir la reconnaissance de leur innocence et le respect des libertés académiques dans la République islamique et l’ensemble du Moyen-Orient. Kylie Moore-Gilbert a pour sa part été arrêtée en 2018, et condamnée à dix ans de prison pour « espionnage ». Fariba Adelkhah est détenue, on l’a dit, depuis le 5 juin 2019, avec son collègue et compagnon Roland Marchal. La justice a renoncé au chef d’inculpation d’espionnage à son encontre, mais continue de la poursuivre pour « atteinte à la sécurité nationale » et « propagande contre la République islamique ». Roland Marchal, qui n’est pas formellement inculpé, est soupçonné de « collusion » avec Fariba Adelkhah.</p>
<p>Ces trois universitaires sont des « prisonniers scientifiques », en ce sens qu’ils n’ont jamais eu d’activité politique en Iran, ou à propos de l’Iran, et que seuls leurs travaux servent de prétextes à leur incarcération. Leur cas est loin d’être isolé. On estime à une dizaine ou une quinzaine le nombre d’universitaires occidentaux détenus sur cette base arbitraire en Iran. Nombre approximatif, car tous les noms ne sont pas divulgués, de par la volonté des familles ou à la demande des diplomates qui espèrent mieux négocier à l’abri de la surenchère nationaliste en Iran ou de la pression des médias en Occident.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/312042/original/file-20200127-81411-99ss9t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/312042/original/file-20200127-81411-99ss9t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/312042/original/file-20200127-81411-99ss9t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/312042/original/file-20200127-81411-99ss9t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/312042/original/file-20200127-81411-99ss9t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/312042/original/file-20200127-81411-99ss9t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/312042/original/file-20200127-81411-99ss9t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Banderole accrochée au-dessus de l’entrée de l’Institut d’études politiques de Paris, 21 octobre 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">CERI/Sciences Po</span></span>
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<h2>Le marchandage iranien</h2>
<p>En effet, il ne s’agit de rien d’autre, selon toute vraisemblance, que d’un marchandage, d’ordre financier, ou visant à obtenir un échange de prisonniers. L’Iran est coutumier du fait. En France, la doctorante <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2010/05/17/clotilde-reisse-une-passion-iranienne_1352821_3210.html">Clotilde Reiss</a> en avait fait les frais en 2009.</p>
<p>Les auteurs de ces prises de gages universitaires sont les Gardiens de la Révolution, une armée créée en 1979 pour doubler l’armée régulière tenue en suspicion, qui s’est illustrée pendant la guerre contre l’Irak, mais aussi en matière de sécurité intérieure, bien qu’elle soit politiquement divisée et qu’elle ne joue pas forcément un rôle majeur dans la répression des mouvements populaires (elle est en partie composée de conscrits qu’il est difficile d’engager contre la foule).</p>
<p>Les Gardiens de la Révolution dépendent directement du Guide de la Révolution, du point de vue constitutionnel ; mais, surtout, ils ont acquis une grande autonomie d’action, tout en étant parties prenantes du système de décision collégial qui caractérise la République islamique, au sein notamment du Conseil du discernement de la raison d’État et du Haut Conseil de sécurité nationale.</p>
<p>Dans le contexte des sanctions internationales contre l’Iran et du retrait unilatéral des États-Unis de l’accord nucléaire de 2015, ils développent une réponse du faible au fort. Ils sont en quelque sorte les ennemis complémentaires des « faucons » de l’administration Trump avec laquelle ils déploient une chorégraphie bien réglée au bord du gouffre, comme l’ont illustré l’exécution extrajudiciaire par les États-Unis du général Soleimani, le commandant de leur force d’intervention extérieure, et leurs représailles soigneusement calculées à la suite de cet assassinat. Leur mode d’action suscite la désapprobation ou la colère du gouvernement de Hassan Rohani, et notamment du ministère des Affaires étrangères. Leur implication dans la destruction du Boeing ukrainien et leur gestion politique de cette tragédie ont révélé l’ampleur du <a href="https://www.nytimes.com/2020/01/26/world/middleeast/iran-plane-crash-coverup.html?nl=todaysheadlines&emc=edit_th_200126?campaign_id=2&instance_id=15303&segment_id=20664&user_id=82bdb678d5daa8fdfe6f3b01ca31c3f4&regi_id=573331990126">conflit au sein du régime</a>.</p>
<p>Il n’empêche que, sur le plan du droit international, l’Iran n’a qu’une seule voix légitime, celle de son gouvernement, reconnu par les Nations unies, et tenu par les déclarations, traités et conventions dont il est signataire. La République islamique ne peut constamment se défausser sur ses contradictions internes. L’impunité dont elle bénéficie en la matière doit cesser, et les milieux universitaires, au premier chef européens, doivent trouver une réponse adaptée.</p>
<p>Les scientifiques, et singulièrement les chercheurs en sciences sociales, sont en effet les idiots utiles de cette conception prédatrice des relations internationales. Au regard des opinions publiques du Moyen-Orient, que l’épisode colonial a traumatisées, ils sont toujours suspects d’être des espions, comme l’avait déploré Fariba Adelkhah elle-même, dans une <a href="https://www.courrierinternational.com/article/2009/09/10/contre-le-regime-de-la-peur-en-iran">lettre ouverte</a> prémonitoire adressée au président Mahmoud Ahmadinejad pour dénoncer, en 2009, le procès contre Clotilde Reiss. En outre, leur capacité de nuisance dans les médias et sur la scène internationale est moins grande que celle des journalistes, des humanitaires ou des diplomates. Ils fournissent donc un stock d’otages de basse intensité dont le marchandage peut paraître commode. Ils ne sont pas les seuls dans cette situation. Les petits hommes d’affaires et le personnel des ONG sont également bien pratiques, ainsi que le suggère la <a href="https://www.theguardian.com/news/2020/jan/23/zaghari-ratcliffes-ordeal-a-story-of-british-arrogance-secret-arms-deals-and-whitehall-infighting">détention</a>, depuis 2016, de la citoyenne iranienne et britannique Nazanin Zaghari-Ratcliffe, toujours sous cette accusation-valise d’espionnage.</p>
<h2>Répression contre les chercheurs, au Moyen-Orient et ailleurs</h2>
<p>L’Iran n’est pas le seul pays à prendre ses aises avec la liberté scientifique. Comme le rappellent Fariba Adelkhah et Kylie Moore-Gilbert dans leur lettre du 24 décembre, les universitaires payent un lourd tribut à la répression d’État dans l’ensemble du Moyen-Orient. En Égypte, en 2016, la police politique a même sauvagement torturé et assassiné un doctorant de l’Université de Cambridge, <a href="https://www.courrierinternational.com/article/enquete-qui-tue-giulio-regeni">Giulio Regeni</a>, qui avait le tort de travailler sur les syndicats ouvriers indépendants. En Turquie, le gouvernement mène une <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/05/13/la-turquie-condamne-des-universitaires-a-la-prison_5461461_3210.html">répression de masse contre l’Université</a>. Dans les Émirats arabes unis et autres pétromonarchies, l’ouverture d’annexes des plus grandes universités du monde occidental, dont la Sorbonne, ne peut cacher l’<a href="https://www.la-croix.com/Monde/Moyen-Orient/Emirats-Arabes-Unis-universitaires-pression-2018-11-22-1200984842">étouffement des libertés académiques</a> derrière la vitrine. En Inde, le gouvernement ultranationaliste de Narendra Modi <a href="https://theconversation.com/inde-les-universites-face-au-pouvoir-129940">s’en prend lui aussi</a> à ces dernières.</p>
<p>La pression politique est patente dans les <a href="https://www.ouest-france.fr/europe/hongrie/hongrie-sous-la-pression-d-orban-l-universite-soros-annonce-quitter-budapest-pour-vienne-6106085">démocraties « illibérales » d’Europe centrale et orientale</a>. Chose nouvelle, la recherche environnementaliste est désormais visée dans les pays démocratiques, aux États-Unis, au Brésil, mais aussi en France, sous prétexte de maintien de l’ordre et de lutte contre le terrorisme, à la faveur de la constitutionnalisation de diverses dispositions légales ou administratives jadis propres à l’état d’exception. Et, depuis le 11 Septembre, les travaux sur l’islam sont sous haute surveillance de par le monde.</p>
<p>Par ailleurs, le poids financier et commercial des pétromonarchies et de la Chine dans les institutions et les maisons d’édition universitaires occidentales placent celles-ci sous leur influence, voire leur censure. Un peu partout, les « procédures-bâillon » (Strategic lawsuit against public participation, SLAPP), à l’initiative des entreprises et à l’encontre des universitaires dont les travaux leur semblent menacer leurs intérêts, se multiplient. La menace de l’instauration d’un « climat de censure » généralisé est bien « globale », comme on dit désormais à tout-va, et comme le suggère la lecture du livre <a href="https://www.fabula.org/actualites/melanie-duclos-anders-fjeld-eds-liberte-de-la-recherche-conflits-pratiques-horizons_93217.php">Liberté de la recherche. Conflits, pratiques, horizons</a>, coordonné par Mélanie Duclos et Anders Fjeld (éditions Kimé, 2019).</p>
<h2>Comment réagir ?</h2>
<p>C’est pour réfléchir à ces risques qui pèsent sur l’exercice de la science, et aux mesures qu’il convient de lui opposer, que Sciences Po, durement frappé par la détention arbitraire de Fariba Adelkhah et Roland Marchal, tous deux membres de son Centre de recherches internationales (CERI), organise un <a href="https://www.sciencespo.fr/ceri/fr/content/captifs-sans-motif-figures-contemporaines-du-prisonnier-et-de-lotage">grand colloque</a>, ce vendredi 31 janvier. Mais la réponse revient également aux gouvernements démocratiques qui s’avèrent démunis, impuissants ou indifférents, comme l’a révélé leur passivité indécente après l’assassinat de Giulio Regeni, alors même qu’ils entretiennent une coopération universitaire avec des régimes scientifiquement liberticides.</p>
<p>Le maintien ou la suspension de cette dernière, dans de telles circonstances, fait débat au sein même des milieux concernés. Il est en tout cas urgent de trouver des moyens d’action effectifs pour obtenir la libération des prisonniers scientifiques et éviter que ne se banalise, en toute impunité, cette mauvaise farce para-diplomatique dont les chercheurs sont les dindons. Il y va de notre liberté intellectuelle et de notre capacité à comprendre le monde au-delà de nos frontières.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130624/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-François Bayart ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La détention en Iran des chercheurs français Fariba Adelkhah et Roland Marchal n’est pas un cas isolé. Dans de nombreux pays du monde, la liberté des universitaires est en danger.Jean-François Bayart, Professeur et titulaire de la Chaire Yves Oltramare Religion et politique dans le monde contemporain, Graduate Institute – Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1299402020-01-16T22:49:03Z2020-01-16T22:49:03ZInde : les universités face au pouvoir<p>Par un dimanche soir d’hiver à New Delhi, les portes de l’Université Jawaharlal Nehru (JNU) ont été fermées de force et une <a href="https://thewire.in/rights/jnu-violence-protests-abvp-students-teachers">bande d’intrus masqués</a> a pris d’assaut les logements des étudiants, agressé des élèves et des enseignants, brisé des voitures et jeté des pierres pendant des heures. La sécurité du campus n’a pas réagi et la police <a href="https://www.hindustantimes.com/cities/police-waited-outside-for-permission-despite-having-written-request-to-enter-the-campus/story-XpqQFXpuvIYnscfHPFBffI.html">a attendu de recevoir une permission écrite</a> des responsables de l’université pour pénétrer sur le campus.</p>
<p>Une enquête sur les événements du 5 janvier a été ouverte. Tout en condamnant la violence, les <a href="https://www.ndtv.com/india-news/jnu-violence-universitys-statement-on-masked-mob-attacking-students-teachers-on-campus-2159221">autorités universitaires</a> et le <a href="https://twitter.com/BJP4India/status/1213869234083643392?s=20">parti Bharatiya Janata (BJP) au pouvoir</a> ont tous deux affirmé qu’il ne s’agissait de rien d’autre que d’un nouvel épisode d’agitation étudiante dans une université que les nationalistes hindous au pouvoir en Inde qualifient depuis longtemps d’« anti-nationale ».</p>
<p>Les étudiants de la JNU ont souvent fait la une des journaux, surtout depuis l’arrivée au pouvoir en 2014 du BJP, dirigé par le premier ministre Narendra Modi. Et comme sur de nombreux autres campus en Inde, les étudiants de la JNU ont récemment manifesté contre une nouvelle loi – le Citizenship Amendment Act (Loi d’amendement de la citoyenneté) – qui vise à octroyer la citoyenneté indienne aux membres de toute minorité persécutée en Asie du Sud <a href="https://thewire.in/rights/citizenship-amendment-act-india-protests">à l’exception des musulmans</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/indias-new-citizenship-act-legalizes-a-hindu-nation-129024">India's new citizenship act legalizes a Hindu nation</a>
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<p>Mais début janvier, la JNU a été spécifiquement prise pour cible par des assaillants masqués. Pourquoi le gouvernement hindou nationaliste de l’Inde <a href="https://theconversation.com/why-is-indian-prime-minister-modi-attacking-student-protesters-129332">redoute-t-il autant</a> cette université et sa communauté d’étudiants et d’enseignants ?</p>
<h2>Une vision radicale</h2>
<p>Créée en 1969, la JNU a été conçue à un moment unique de l’histoire universitaire mondiale – un sujet sur lequel j’ai écrit, avec l’historien de la JNU Rajat Datta, un chapitre d’un livre à paraître sur les campus radicaux des années 1960, sous la direction de <a href="https://research.sas.ac.uk/search/fellow/1195/dr-jill-pellew/">Jill Pellew et Miles Taylor</a>, issu d’une série de <a href="https://talkinghumanities.blogs.sas.ac.uk/2014/10/20/potw-ihr-2015-winter-conference-utopian-universities/">conférences sur la question</a>.</p>
<p>Dans les années 1960 et 1970, les universités dites utopiques, qui réunissaient le personnel et les étudiants au sein de campus résidentiels, ont donné naissance à de nouveaux programmes d’enseignement et de recherche interdisciplinaire. De l’Université du Sussex au Royaume-Uni à Simon Fraser au Canada, et de Nanterre à Paris à Lusaka en Zambie, ces nouvelles universités publiques se voulaient en prise avec les questions sociales contemporaines. Elles représentaient aussi des expériences de vie en commun.</p>
<p>Le gouvernement indien a évoqué l’idée de la création de la JNU, une nouvelle université nationale, à la mort de son premier ministre, Jawaharlal Nehru. Le premier vice-chancelier, Gopalaswami Parthasarathy, a défini la mission radicale de la JNU, à savoir créer des centres universitaires interdisciplinaires destinés à <a href="https://scroll.in/article/884499/the-man-who-built-jnu-understood-what-a-university-stands-for-the-freedom-to-question-and-debate">résoudre les problèmes intrinsèques de la société indienne</a> : pauvreté, développement et division sociale.</p>
<p>Les étudiants ont été impliqués dans cette mission dès le début. En 1973, les représentants des étudiants et du personnel sont convenus que la politique d’admission à l’université serait élaborée par un comité mixte étudiants-professeurs et non simplement présentée aux étudiants comme un fait accompli.</p>
<p>Le syndicat des étudiants a exigé que les admissions à l’université répondent à certains critères. Il devait y avoir une augmentation du nombre de places au fil du temps, une parité régionale dans l’attribution des places, une pondération accordée au mérite scolaire et une <a href="https://www.thehindu.com/todays-paper/tp-national/tp-tamilnadu/the-constitution-and-reservation/article27781561.ece">discrimination positive</a> pour les candidats issus de « castes répertoriées » et de « tribus répertoriées » « conformément à la loi ».</p>
<p>Une politique d’admission novatrice fondée sur un système de points a été mise en place, les candidats étant évalués en fonction du revenu de leur famille, de leur caste, de leur région et de leur sexe. Les autorités universitaires ont riposté dans les décennies suivantes, dénonçant l’« injustice » de la discrimination positive. Mais les étudiants de la JNU ont constamment essayé d’améliorer la politique d’admission pour faire en sorte que davantage d’étudiants issus de milieux défavorisés aient la possibilité d’être admis.</p>
<h2>Quand le BJP s’en mêle</h2>
<p>Il y a eu aussi bien des succès que des échecs. Dans les années 1980, le système initial de points d’admission a été supprimé, avant d’être rétabli en 1993 avec des dispositions supplémentaires pour les femmes.</p>
<p>Mais depuis l’arrivée au pouvoir du BJP en 2014, l’université se trouve à nouveau au cœur de nombreuses controverses. En 2016, les <a href="https://theconversation.com/university-freedoms-in-india-under-threat-as-student-leader-charged-with-sedition-54793">étudiants de la JNU ont été violemment critiqués</a>, présentés comme des séditieux anti-nationaux ; le président de leur syndicat et d’autres personnes ont été arrêtés pour des motifs fallacieux.</p>
<p>Depuis la nomination de Mamidala Jagadesh Kumar au poste de vice-chancelier de l’université en 2016, les étudiants et le personnel affirment qu’ils ont été de plus en plus <a href="https://www.thequint.com/voices/opinion/the-case-against-jnu-vc-mamidala-jagadesh-kumar-gscash-appointments-sedition-fee-hike">écartés des consultations</a> sur la gouvernance de l’université. Il a également été décidé que les candidats aux cours de troisième cycle ne seraient admis à la JNU qu’<a href="https://caravanmagazine.in/vantage/jnu-admission-caste-discrimination">après un examen oral</a>, malgré les craintes que cela puisse entraver la réussite des candidats issus de groupes défavorisés.</p>
<p>D’autres mesures introduites sous Kumar ont défié le radicalisme et l’indépendance de la JNU. En 2017, il aurait <a href="https://www.hindustantimes.com/opinion/army-tank-in-jnu-should-the-sword-be-mightier-than-the-pen/story-Aegre650bne13Ni4KmlM4I.html">appelé à l’installation d’un char de l’armée</a> sur le campus pour « inspirer les sentiments nationalistes ». Un an plus tard, les autorités universitaires <a href="https://feminisminindia.com/2018/03/05/disbanded-gscash-jnu-reconstitution/">ont démantelé</a> le Comité de sensibilisation au genre contre le harcèlement sexuel, un organe qui avait donné à un certain nombre de femmes la confiance nécessaire pour déposer plainte pour harcèlement sexuel et qui avait été cité en exemple en matière de changement des procédures universitaires dans tout le pays depuis sa création à la fin des années 1990.</p>
<p>Une nouvelle montée de tension a eu lieu en octobre 2019, lorsque les autorités universitaires ont annoncé une série de changements des règles d’hébergement sur le campus. Elles ont introduit un code vestimentaire, établi des couvre-feux et augmenté les frais d’hébergement dans les foyers, ce qui pourrait rendre la situation beaucoup plus difficile pour les 40 % d’étudiants issus de <a href="https://www.aljazeera.com/news/2019/11/india-jnu-protests-fee-hike-poor-students-fear-future-191120172445517.html">familles à faible et moyen revenu</a>. Cela a conduit les <a href="https://thewire.in/politics/jnu-protest">étudiants à faire grève</a> et à boycotter les examens et les procédures d’inscription au semestre suivant.</p>
<h2>Les étudiants à l’avant-garde</h2>
<p>Les actes de violence du 5 janvier ont été une attaque contre la détermination implacable des étudiants de la JNU à lutter en faveur d’une action positive, d’une politique d’admission équitable et de la justice sociale. Ce sont les vagues successives d’étudiants de la JNU qui ont maintenu en vie les idéaux utopiques des fondateurs de l’université.</p>
<p>Face aux conflits sur la politique d’admission, à la menace constante de la privatisation de l’éducation en Inde et à la <a href="https://indianculturalforum.in/2016/08/10/saffronising-and-corporatising-indian-education-critique-of-the-national-educational-policy-2016-draft/">« safranisation »</a> croissante de l’enseignement pour s’aligner sur <a href="https://www.reuters.com/investigates/special-report/india-modi-culture/">l’idéologie nationaliste hindoue</a>, les étudiants de la JNU ont maintes fois <a href="https://www.epw.in/engage/article/diversity-democracy-dissent-study-student-politics-JNU">confirmé leur interprétation</a> de ce que doit être une université « nationale ». Si la JNU conserve une partie de sa nature utopique, c’est grâce à eux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/129940/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Shalini Sharma ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une histoire de l’Université Jawaharlal Nehru de New Delhi et des raisons pour lesquelles ses étudiants se battent pour protéger les racines radicales de son éthique.Shalini Sharma, Lecturer in Colonial/Post Colonial History, Keele UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1234692019-09-24T08:48:11Z2019-09-24T08:48:11ZAcademic All-Star Game, épisode VI : la recherche, entre performance et performativité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/293010/original/file-20190918-187962-1ktp2m8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C7%2C1017%2C678&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Aude Deville et Hervé Dumez à la Faculté Jean-Monnet de l'Université Paris-Sud, pour l'épisode VI de l'Academic All-Star Game. </span> </figcaption></figure><p><em>Ce texte de Marine Stampfli et Louis Choisnet (élèves normaliens de l’ENS Paris-Saclay et étudiants en <a href="https://www.universite-paris-saclay.fr/fr/formation/master/management-strategique#mention">Master Management stratégique de l’Université Paris-Saclay</a>) est publié dans le cadre d’un partenariat entre The Conversation France et l’Academic All-Star Game, cycle de conférences débats organisés par les étudiants de licence économie-gestion de l’<a href="http://ens-paris-saclay.fr">ENS Paris-Saclay</a> et de la <a href="http://www.jm.u-psud.fr/fr/index.html">Faculté Jean‑Monnet</a> (droit, économie, gestion) de l’<a href="http://www.u-psud.fr/fr/index.html">Université Paris-Sud</a>. Ce cycle est soutenu par la <a href="http://msh-paris-saclay.fr">MSH Paris-Saclay</a>.</em></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Programme complet de l’Academic All-Star Game.</span>
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<p>Le jeudi 21 mars s’est déroulée la sixième conférence de l’Academic All-Star Game. Cet événement organisé par les étudiants de la Faculté Jean‑Monnet et de l’ENS Paris-Saclay, a pour objectif, rappelons-le, de traiter la problématique suivante : « recherche en stratégie et management : mort clinique ou renaissance ? ». Aux deux tiers de ce cycle de conférences, nous avons toujours autant d’entrain à venir assister aux interventions des chercheurs en gestion ayant répondu présents à l’invitation.</p>
<p>Lors de cette sixième conférence, Aude Deville et Hervé Dumez sont tous deux venus nous faire part de leur réflexion sur la problématique posée par l’Academic All-Star Game.</p>
<h2>Présentation des intervenants</h2>
<p>Aude Deville est professeur des universités à l’IAE de Nice, Université Côte d’Azur. Elle est spécialiste en contrôle de gestion. Son domaine de prédilection est la <a href="https://www.cairn.info/revue-comptabilite-controle-audit-2010-2-page-97.htm">performance</a>. Elle a été corédactrice en chef de la revue <a href="https://www.cairn.info/revue-comptabilite-controle-audit.htm">« Comptabilité-Contrôle-Audit »</a> et elle a coordonné récemment un dossier spécial de la Revue française de gestion sur le thème du <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2018-7.htm">management des coopératives</a>.</p>
<p>Hervé Dumez est professeur à l’École Polytechnique et directeur de recherche au CNRS. Il dirige le Centre de Recherche en Gestion (<a href="https://portail.polytechnique.edu/i3_crg/fr">CRG</a>) de Polytechnique ainsi que l’Institut interdisciplinaire de l’innovation (<a href="http://i3.cnrs.fr">i3</a>). Il a été visiting professor au MIT. Hervé Dumez est chevalier de l’Ordre du mérite. Le <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2013-8-page-171.htm">chercheur</a> travaille notamment sur les méta-organisations, la performativité ou encore la responsabilité sociale des entreprises. Il dirige une revue électronique bien connue des chercheurs en gestion : « le <a href="http://i3.cnrs.fr/evenement/parution-du-libellio-de-lete-2019/">Libellio d’AEGIS</a> ».</p>
<h2>Un dur labeur</h2>
<p>Aude Deville a décidé lors de cette conférence, puisqu’il s’agit finalement de parler de la recherche en management, de présenter ce qu’est le métier de chercheur en sciences de gestion. La chercheuse a tout d’abord rappelé que la recherche c’est participer à une conversation, contribuer aux savoirs d’un domaine : il faut donc prouver qu’on apporte quelque chose à la littérature existante.</p>
<p>Aude Deville a par la suite insisté sur les trois messages qu’elle souhaitait véhiculer concernant ce qu’est la recherche en sciences de gestion :</p>
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<li><p>Premièrement, du fait de son objet d’analyse la gestion est une science de l’action. La recherche en sciences de gestion est donc quelque chose qui se pratique, il convient de s’approprier le contexte d’analyse, les données et surtout avoir une connaissance pointue de la littérature.</p></li>
<li><p>Deuxièmement, il faut avoir en tête que ce n’est pas une approche qui définit un chercheur mais ses préoccupations. Aude Deville a d’ailleurs abordé la performance à travers diverses méthodes : normative, explicative ou encore exploratoire. Elle note que la posture normative est difficilement acceptée par la communauté de chercheurs, mais qu’elle apprécie pour sa part d’aborder le thème de la performance sous différents prismes.</p></li>
<li><p>Enfin, faire de la recherche n’est ni régulier, ni linéaire. L’unique chose régulière est le travail fourni au quotidien. En effet, le travail de chercheur est un travail de fourmi et nécessité une rigueur importante. La publication des articles constitue donc l’aboutissement de ce travail de longue haleine, et bien plus encore, elle est l’une des uniques (si ce n’est l’unique) formes de reconnaissance de ce dur labeur. C’est d’ailleurs pour affronter ces écueils que le chercheur en gestion doit absolument aimer son sujet et se battre pour celui-ci.</p></li>
</ul>
<p>Pour conclure, Aude Deville a indiqué que le chercheur devait être ouvert d’esprit et donc à même d’accepter ce qu’elle nomme le « fait surprenant », c’est-à-dire le résultat auquel on ne s’attendait pas, celui qui peut être en contradiction avec la littérature, ou encore celui qui peut remettre en question l’intuition sur laquelle reposait par exemple un projet d’article.</p>
<h2>La recherche en stratégie et la question du langage</h2>
<p>Hervé Dumez a, pour sa part, davantage traité de la notion de stratégie, et plus exactement de la stratégie vue comme discours et action. Sa présentation s’est donc focalisée sur l’analyse de la stratégie. Son propos a moins porté sur la stratégie en elle-même, son élaboration, ses tenants ou ses aboutissants que sur la manière pour un chercheur d’observer celle-ci.</p>
<p>Dans le cas de Hervé Dumez, il s’agit donc d’étudier d’abord le lien entre discours et action. Ainsi est-il question d’analyser, dans un premier temps, la stratégie comme discours. Via des logiciels le chercheur et ses collègues ont tenté de relever les mots, les expressions et donc les thèmes qui reviennent le plus dans les discours des PDG d’entreprises. Se pose cependant une question cruciale : y-a-t-il un lien entre discours et actions ? En effet, le discours managérial a aussi une vocation communicationnelle, dont l’enjeu en termes d’image et de motivation des acteurs n’est pas à négliger.</p>
<p>L’idée n’est donc pas de réduire la stratégie qu’à des mots, ni à l’opposé qu’à une réalité économique à savoir la structure des marchés. Au contraire, il y a interaction entre les deux, entre discours et action. Le discours ne fait pas que rendre compte d’une réalité, il peut l’influencer, la transformer : c’est ce que l’on nomme la performativité.</p>
<p>Un discours est dit performatif quand, par sa simple énonciation, il conduit la réalité à s’accorder à son énoncé.</p>
<p>Pour clarifier ce concept un exemple « canonique » s’impose : le « je vous déclare mari et femme » prononcé par l’officier d’état civil lors d’un mariage. Par cette phrase, les époux sont considérés comme mariés (ce n’était pas le cas avant, cela le devient après). Le discours, par sa simple énonciation, modifie donc le réel. Appliqué au discours managérial, et ce n’est pas sans rappeler le concept de <em>sensemaking</em> cher à <a href="http://www.sietmanagement.fr/decision-contextuelle-rationalite-de-la-construction-de-sens-enaction-gestion-de-crise-k-weick/">Karl Weick</a>, cela conduit à s’interroger sur la traduction en actes des discours des PDG.</p>
<p>Hervé Dumez énonce d’autres éléments d’interrogation quant aux liens entre discours et action. Le premier est temporel : le discours précède-t-il l’action, ou bien est-ce l’inverse ? Bien évidemment la réponse est complexe, la relation est toujours récursive.</p>
<p>La seconde interrogation porte sur l’analyse de la métaphore. Comme le rappelle Hervé Dumez, le langage est métaphorique et par les analogies qu’il crée, les champs lexicaux auxquels il renvoie, il rend compte de la vision de celui qui l’émet : « la métaphore est un programme », disait <a href="https://journals.openedition.org/apliut/4302">Schön</a>.</p>
<p>Enfin, et parce que l’objet de la recherche en gestion est mouvant, le chercheur a développé l’usage d’un nouveau support pour l’analyse du discours : le PowerPoint. En effet, peut-on aujourd’hui imaginer une présentation sans PowerPoint ? Il ne semble guère péremptoire d’affirmer que non. Cependant, étudier ce type de support est compliqué. Tout d’abord, il n’est ni un texte écrit, ni un texte oral, et dans le cadre d’une analyse qualitative, du propre aveu du chercheur, son codage est impossible. Ainsi n’analyse-t-on pas les éléments d’un PowerPoint un à un mais l’on se concentre sur le tout, sur la forme. Aux critiques récurrentes, pour lesquelles les diaporamas sont très pauvres en termes d’analyse on objectera que ces présentations sont du discours visant l’action, et qu’ils s’inscrivent à ce titre parfaitement dans l’étude du lien discours-action, même si ce discours ne se suffit pas à lui-même.</p>
<h2>Une dose de Prozac pour la gestion ?</h2>
<p>Cette conférence, bien loin de l’optimisme sans faille de la précédente, s’est achevée sur une note en demi-teinte. On peut déplorer, tout comme Aude Deville, qu’avoir une approche différente, comme peut l’être l’approche normative, est tout sauf encouragé par les pairs. Or, au risque de paraître naïf, la recherche en gestion n’aurait-elle pas tout à gagner à multiplier les visions et les approches ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/academic-all-star-game-episode-v-la-renaissance-des-sciences-de-gestion-122387">Academic All-Star Game, épisode V : la renaissance des sciences de gestion</a>
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<p>De plus, à la fin de cette conférence, Hervé Dumez a semblé des plus pessimistes quant à la place de la gestion par rapport aux autres sciences humaines. Sur le plan médiatique un économiste ou un sociologue semblent bien plus légitimes (oserions-nous dire « scientifiques » ?) qu’un chercheur en gestion. Il en va de même pour l’opinion publique. Ainsi, les chercheurs en gestion, et leurs discours, sont-ils bien souvent inaudibles. Or, une science qui ne participe pas, ou peu, au débat public, a-t-elle de l’avenir ? C’est toute la question posée aujourd’hui à la communauté même des chercheurs en gestion…</p>
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<p><strong>À visionner, l’intégralité de l’épisode 6 de l’Academic All-Star Game avec Aude Deville et Hervé Dumez.</strong></p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/U-Kda7SDxpA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p><strong>À voir également, l’interview d’Aude Deville et Hervé Dumez.</strong></p>
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</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/123469/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Le cycle de conférences Academic All-Star Game est soutenu par la MSH Paris-Saclay.</span></em></p>La recherche et les chercheurs, la performance et la performativité. Découvrez le sixième épisode de l’Academic All-Star Game, avec Aude Deville et Hervé Dumez.Jean-Philippe Denis, Professeur de gestion, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1159732019-04-29T20:18:35Z2019-04-29T20:18:35ZAu chevet de la recherche en management : Academic All-Star Game, épisode 3<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/270810/original/file-20190424-121224-cemlg7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C164%2C898%2C526&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Nathalie Fabbe-Costes et Eve Chiapello, sur scène, pour l'épisode 3 de l'Academic All-Star Game</span> <span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p><em>Ce texte de Marine Stampfli, Baptiste Brossillon et Louis Choisnet (élèves normaliens de l’ENS Paris-Saclay et étudiants en <a href="https://www.universite-paris-saclay.fr/fr/formation/master/management-strategique#mention">Master Management stratégique de l’Université Paris-Saclay</a>) est publié dans le cadre d’un partenariat entre The Conversation France et l’Academic All-Star Game, cycle de conférences débats organisés par les étudiants de licence économie-gestion de l’<a href="http://ens-paris-saclay.fr">ENS Paris-Saclay</a> et de la <a href="http://www.jm.u-psud.fr/fr/index.html">faculté Jean Monnet</a> (droit, économie, gestion) de l’<a href="http://www.u-psud.fr/fr/index.html">Université Paris-Sud</a>. Ce cycle est soutenu par la <a href="http://msh-paris-saclay.fr">MSH Paris-Saclay</a>.</em></p>
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<span class="caption">Programme complet de l’Academic All-Star Game.</span>
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<p>Jeudi 14 février 2019 a pris place la troisième conférence de l’Academic All-Star Game qui vise, rappelons-le, à s’interroger sur l’avenir de la recherche en management. Nathalie Fabbe-Costes et Eve Chiapello, les deux chercheuses réunies pour l’occasion, ont interrogé les notions de valeur et de performance mais aussi la portée des outils de gestion.</p>
<p>Avant tout chose, une brève présentation des deux intervenantes est de rigueur.</p>
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<p>Nathalie Fabbe-Costes est professeure à la Faculté d’Économie et de Gestion d’Aix-Marseille Université (AMU) et directrice du CRET-LOG (Centre de recherche sur le transport et la logistique). Parmi les différents objets de recherche auxquels elle s’est intéressée, on trouve notamment la <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/12507970.2018.1559710?journalCode=tlam20">logistique</a>. Elle vient de coordonner (avec Laurent Livolsi et Sabine Sépari) le numéro spécial de fin d’année 2018 de la Revue française de gestion sur le thème : <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2018-8.htm">« Supply Chain Management. Décloisonner pour créer de la valeur »</a> (n° 277).</p>
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<span class="attribution"><span class="source">https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2018-8.htm</span></span>
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<p>Elle vient également de publier un ouvrage collectif, <a href="https://www.economica.fr/livre-strategie-organisationnelle-par-le-dialogue-fabbe-costes-nathalie-gialdini-laurence,fr,4,9782717870374.cfm"><em>Stratégie organisationnelle par le dialogue</em></a> (Éditions Economica), coordonné avec Laurence Gialdini.</p>
<p>Eve Chiapello, docteur en science de gestion, est directrice d’études à l’EHESS. Ses travaux sont à la croisés des sciences de gestion et de la sociologie (Baud C., Chiapello E. 2015 <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-sociologie-2015-3-page-439.htm">« Comment les firmes se financiarisent : sous le marché, les règles ? Le cas de la financiarisation du crédit bancaire »</a>, Revue Française de Sociologie, 2015, vol. 56, N°3). Elle a publié un ouvrage qui s’est imposé comme une référence incontournable, <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Tel/Le-nouvel-esprit-du-capitalisme">« Le nouvel esprit du capitalisme »</a>, écrit avec Luc Boltanski (éditions Gallimard).</p>
<h2>Logistique, le vilain petit canard</h2>
<p>Logistique et sociologie… A priori, les deux sciences semblent difficilement compatibles, pour ne pas dire diamétralement opposées tant dans leurs approches que dans leurs objets. Voyons ce qu’il ressort d’une telle « confrontation ».</p>
<p>« L’intendance suivra ». Cette phrase, que l’on prête au général de Gaulle, résume à elle seule toute une vision qui longtemps a eu cours quant à la science de la logistique. Ainsi, pendant de nombreuses années, l’idée dominante au sein des organisations était que les moyens devaient s’adapter à la décision de la direction et non l’inverse. La logistique s’est donc positionnée, dans l’entreprise mais également dans le monde académique, comme une simple variable d’ajustement. Mais, d’un centre de coût n’ayant qu’une vocation de fonction support dans les années 1970, la logistique, de nos jours, est revalorisée à un rôle plus transversal et surtout stratégique pour les organisations.</p>
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<p>Nathalie Fabbe-Costes nous a invités par la suite à prendre un recul historique pour redécouvrir les débats qui ont émaillé, et émaillent encore pour la plupart, les sciences de gestion. Parmi ceux-ci se trouve, en gestion comme en économie d’ailleurs, celui de la valeur : vers qui la gestion de la valeur doit-elle être orientée ? Ce recul historique a aussi été l’occasion d’adopter un regard critique sur les outils de la logistique, et de la gestion plus globalement, ainsi que leur évolution.</p>
<p>Et la logistique dans tout ça ? La réponse de cette dernière aux enjeux actuels se borne encore dans l’esprit de beaucoup à l’écoulement de l’offre pour satisfaire la demande. L’avenir radieux de la logistique reste donc encore à écrire.</p>
<h2>Comptabilité, ratios et sociologie</h2>
<p>Faire des sciences sociales et parler d’entreprise ? Voici la voie choisie par Eve Chiapello. Très peu, voire trop peu, suivent cette voie. Pourtant, les sciences de gestion et les organisations gagneraient à ce que ces profils se démocratisent.</p>
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<p>Force est de constater que les sciences sociales se sont déjà attaquées aux outils et pratiques de gestion. En s’appuyant sur les travaux de <a href="https://www.cairn.info/publications-de-Jacques-Richard--37164.htm">Jacques Richard</a>, Eve Chiapello nous montre comment certains outils comme la comptabilité ou le bénéfice sont totalement construits selon des visions politiques : la comptabilité d’un pays retranscrit l’acteur dominant du système économique. Par exemple, dans un modèle communiste, l’État est l’acteur le plus fort, la comptabilité s’adapte donc pour retranscrire l’information la plus utile pour ce dernier. Il y a donc autant de calcul du bénéfice et de forme de comptabilité qu’il y a d’idéologies politiques.</p>
<p>Un autre apport des sciences sociales concerne les ratios de stabilité bancaire. En effet, au fil des accords de Bâle, le contrôle du risque est passé d’un critère arbitraire, exogène, à l’assimilation en interne par les banques. Eve Chiapello montre ainsi que la stabilité bancaire confiée aux banques atteste d’une croyance dans les mathématiques et surtout d’une volonté de favoriser les acteurs financiers.</p>
<p>Si l’apport des sciences sociales en management apparaît enrichissant, elles sont, hélas, encore trop peu reconnues. Les sciences sociales doivent donc redoubler d’efforts pour être considérées. L’enjeu est d’avoir une résonance sur le fonctionnement des organisations mais également dans le monde de la recherche en gestion, discipline fondant en effet une partie de sa légitimité dans sa transdisciplinarité.</p>
<h2>David contre Goliath</h2>
<p>Les métiers liés au conseil apparaissent actuellement de plus en plus attrayants aux yeux des jeunes diplômés, mais pas seulement. En effet, les entreprises semblent guidées par les standards et normes érigés par les cabinets de conseil. La quasi-dominance des grands cabinets de conseil connus de tous, conduit à une harmonisation des indicateurs cibles, donc des procédés et par là même des organisations. Ainsi, comme le rappelle Armand Hatchuel dans un <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/02/22/armand-hatchuel-les-cabinets-d-audit-ont-conforte-les-dirigeants-de-carillion-dans-leur-strategie-suicidaire_5426554_3232.html">article récent</a> publié dans Le Monde, cette influence peut s’avérer néfaste pour les entreprises.</p>
<p>Il existe toutefois des solutions. La première apparaît d’elle-même, lorsque les étudiants sortants d’école prennent conscience de ce que sont les métiers du conseil : des emplois conduisant à un <a href="https://theconversation.com/regard-sur-les-elites-economiques-les-consultants-et-la-meritocratie-110118">stress élevé</a> et des tâches, au début, que l’on pourrait qualifier d’ingrates. La seconde solution est la recherche en gestion. Celle-ci a trop longtemps été évincée, non écoutée. Il apparaît, après les conférences de l’Academic All-Star Game, que cette époque semble révolue. Les chercheurs en gestion ont peu à peu commencé à occuper la place publique en s’emparant de grands sujets de débat actuel (loi Pacte, géopolitique, etc.). Nous y reviendrons dans les chroniques suivantes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/au-chevet-de-la-recherche-en-management-academic-all-star-game-episode-2-114149">Au chevet de la recherche en management : Academic All-Star Game, épisode 2</a>
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<p>Nathalie Fabbe-Costes rappelle enfin qu’il est important que la recherche en gestion, pour renouer avec sa légitimité, ne se détourne pas de son sujet principal : l’organisation. Les chercheurs doivent ancrer leur recherche sur le terrain tout en ayant conscience que la recherche en management ne vit pas non plus par le terrain. Il s’agit en effet d’une science interdisciplinaire où les grandes idées gardent une place fondamentale. D’ailleurs, les idées ne sont-elles pas un préalable à une prise de position ? L’empirisme ne doit pas s’effectuer au détriment du normatif, concept inéluctable lorsque l’on s’intéresse à l’organisation et donc aux femmes et hommes.</p>
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<p><strong>À voir, l’interview de Nathalie Fabbe-Costes et Eve Chiapello par Enora Pennec et Martin Poubeau, élèves de l’ENS Paris-Saclay.</strong></p>
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<p><strong>À visionner également, l’intégralité de l’épisode 3 de l’Academic All-Star Game avec Nathalie Fabbe-Costes et Eve Chiapello.</strong></p>
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</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/115973/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Le cycle de conférences "Academic All-Star Game" est soutenu par la MSH Paris-Saclay. </span></em></p>Nathalie Fabbe-Costes et Eve Chiappello interrogent les notions de valeur, de performance, et la portée des outils de gestion lors du troisième épisode de l’Academic All-Star Game.Jean-Philippe Denis, Professeur de gestion, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1082232018-12-04T21:34:34Z2018-12-04T21:34:34ZBienvenue à La Conversation Canada<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/248838/original/file-20181204-34157-175axon.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vue du bureau de La Conversation Canada à Montréal</span> </figcaption></figure><p>Bienvenue sur <em>La Conversation Canada</em> — une publication en ligne de journalisme académique, dernier-né d'un réseau qui compte aujourd'hui neuf sites à travers le monde.</p>
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La Conversation Canada est officiellement lancée, neuvième publication en ligne du réseau global The Conversation.Scott White, CEO | Editor-in-Chief, The Conversation CanadaMartine Turenne, Éditrice, La Conversation CanadaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/938752018-03-27T22:22:19Z2018-03-27T22:22:19ZPourquoi les hommes posent-ils plus de questions que les femmes dans les séminaires scientifiques ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/211966/original/file-20180326-148707-k350do.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C34%2C4552%2C2884&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les hommes posent plus de questions dans les séminaires scientifiques et sont plus visibles. Roads Academy Masterclass, Warwick University, Novembre 2010.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/highwaysagency/6032691030/in/photolist-ac67Sj-oQemCN-oU7hBh-VnLJEp-9CWKNt-cAsx51-ci5BKj-WSfT1d-hE5oza-R9uwuq-H7dV1u-RSMEi5-bDLmJe-RwrzYU-nerTPS-SKGfGH-dwLAJ9-3Hy59P-SasG5V-nbu998-21GSQZb-gjUXhL-WdH4Jo-4EoEEL-21H2ceo-kWsHRT-TED1WK-kYvJ8M-drshVo-8eBf3X-242QaYP-TSyLQQ-H7eYh7-e9Nr58-RLqyyB-5di6N-W22C1C-H7dW6A-cyNqNJ-TySfWo-AYyPC-REiixL-dCJVSM-Ts2jea-9gkD9B-gu7xaR-TnYn66-24ahQDo-qhpoBk-q12zJQ">HA1-000602/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le monde du travail est un monde d’hommes : les <a href="https://www.inegalites.fr/Les-inegalites-de-salaires-entre-les-femmes-et-les-hommes-etat-des-lieux">femmes sont payées presque 20 % en moins</a> que leurs homologues masculins.</p>
<p>À égalité d’expérience les hommes <a href="https://womenintheworkplace.com">sont promus plus facilement</a>, les mères de famille ont moins de chances d’être embauchées alors que les pères de famille <a href="https://www.nytimes.com/2014/09/07/upshot/a-child-helps-your-career-if-youre-a-man.html">sont payés plus</a>, les femmes qui réussissent sont moins appréciées – mais c’est l’inverse pour les hommes.</p>
<p>La condition féminine a progressé depuis 30 ans, <a href="https://www.aauw.org/aauw_check/pdf_download/show_pdf.php?file=The-Simple-Truth">mais cette amélioration s’essouffle</a> : les inégalités hommes-femmes au travail ont encore de beaux jours devant elles.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/inegalites-de-salaires-hommes-femmes-conversation-avec-isabelle-bensidoun-92092">Inégalités de salaires hommes-femmes : conversation avec Isabelle Bensidoun</a>
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<h2>Sexisme et monde académique</h2>
<p>Le monde de la recherche ne fait pas exception. Alors qu’il y a 59 % de femmes titulaires d’une licence, elles ne sont <a href="http://ec.europa.eu/research/swafs/pdf/pub_gender_equality/she_figures_2015-final.pdf">que 21 % parmi les professeurs</a>, d’où l’image du <a href="http://www.umass.edu/preferen/You%20Must%20Read%20This/CeciGintherKahnWilliamsPSPI-10-2014.pdf">« leaky pipeline » des Anglo-saxons</a> (littéralement le « tuyau percé »).</p>
<p><a href="http://www.umass.edu/preferen/You%20Must%20Read%20This/CeciGintherKahnWilliamsPSPI-10-2014.pdf">Plusieurs explications ont été proposées</a> : hommes et femmes pourraient différer par l’intelligence, les choix de carrière, l’investissement dans l’éducation des enfants ; leurs CV pourraient être évalués différemment ; les différences de salaires pourraient induire des différences de comportement ; les femmes pourraient souffrir davantage du syndrome de l’imposteur (manque de confiance en soi) ou manquer d’exemples féminins à suivre. Quelle que soit la cause, le résultat est là : les figures en vue de la science sont rarement des femmes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-evaluations-des-enseignements-par-les-etudiants-et-les-stereotypes-de-genre-53590">Les évaluations des enseignements par les étudiants et les stéréotypes de genre</a>
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<p>Pourquoi faudrait-il s’en préoccuper ? Avoir des exemples à suivre contribue beaucoup aux choix de carrière (on est motivé quand on peut s’identifier à un modèle qui a réussi).</p>
<p>Le manque de visibilité des femmes, qui entretient probablement donc les « fuites dans le tuyau », n’est malheureusement pas restreint aux positions les plus éminentes : les hommes sont plus souvent premier ou dernier auteur des publications (les <a href="http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0066212">places les plus prestigieuses</a>), les <a href="https://www.the-scientist.com/?articles.view/articleNo/38622/title/Gender-based-Citation-Disparities">articles des hommes sont plus cités</a>, les hommes sont <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/jeb.12198/abstract">plus souvent invités</a> dans des colloques, et les hommes <a href="http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0185534">posent plus de questions dans les conférences scientifiques</a>.</p>
<p>Mais tout ceci concerne peu le début de carrière académique.</p>
<h2>Les hommes posent plus de questions que les femmes</h2>
<p>Qu’en est-il donc au moment où les vocations se forment ? Pour la plupart des étudiants, les séminaires de recherche représentent le premier contact avec une assemblée de chercheurs, la première occasion d’assister ou de participer aux débats scientifiques.</p>
<p>Le modeste séminaire hebdomadaire n’est pas juste là pour qu’un orateur présente ses travaux à sa communauté : c’est un moment de formation essentiel, immergeant les futurs chercheurs dans une culture, et qui peut forger des impressions durables en mettant en avant les figures de proue du champ disciplinaire et les recettes du succès. Il importe donc de savoir <a href="https://arxiv.org/abs/1711.10985">qui pose les questions</a> après l’exposé.</p>
<p>Nous avons <a href="https://arxiv.org/abs/1711.10985">collecté des données sur ce sujet dans 10 pays</a>, représentant près de 250 séminaires. La plupart du temps, le public de ces séminaires était équilibré entre hommes et femmes, au moins dans l’échantillon des séminaires que nous (et les collègues qui nous ont aidés) suivions en biologie, psychologie et philosophie. Mais une question avait en moyenne 2,5 fois plus de chance d’être posée par un homme que par une femme. Les hommes étaient donc beaucoup plus visibles que les femmes dans l’auditoire.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/211949/original/file-20180326-148726-edm512.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/211949/original/file-20180326-148726-edm512.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/211949/original/file-20180326-148726-edm512.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/211949/original/file-20180326-148726-edm512.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/211949/original/file-20180326-148726-edm512.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/211949/original/file-20180326-148726-edm512.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/211949/original/file-20180326-148726-edm512.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pour les étudiants, les conférences et séminaires de recherche offrent des opportunités déterminantes dans leur carrière et réseau.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/3aVlWP-7bg8">Mikael Kristenson/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>On aurait pu penser que ce déséquilibre était dû au biais hiérarchique décrit plus haut (les hommes occupant plus de postes à responsabilité que les femmes, et les plus hauts placés posant plus de questions). Mais un <a href="https://arxiv.org/abs/1711.10985">questionnaire en ligne</a> montre que le déséquilibre est généralisé : parmi les chercheurs aguerris, les hommes posent plus de questions que les femmes, et c’est pareil en début de carrière.</p>
<p>En outre, la proportion de professeurs femmes n’explique pas le déséquilibre entre hommes et femmes pour les questions posées à un séminaire donné. Les hommes posent juste plus de questions que les femmes.</p>
<h2>Comment expliquer cette disparité ?</h2>
<p>D’où vient ce déséquilibre ? Il y a deux raisons possibles : soit les femmes demandent la parole moins souvent, soit on la leur donne moins facilement qu’aux hommes. Les deux mécanismes peuvent être concomitants, et nous avons observé le second à l’œuvre dans des cas concrets. Mais <a href="https://arxiv.org/abs/1711.10985">nos données</a> suggèrent que la première raison est la plus importante – les femmes le disent bien, elles posent moins de questions – et permettent aussi de comprendre pourquoi.</p>
<p>Quand on demande aux gens pourquoi ils s’abstiennent de poser une question quand ils en ont une, les femmes, plus que les hommes, mettent en avant des raisons internes (elles manquent de courage ou sont impressionnées par l’orateur) – par ailleurs, hommes et femmes ne montrent pas de différence quant aux raisons externes, telles que le manque de temps. Notre étude suggère ainsi que l’<a href="https://pdfs.semanticscholar.org/290a/5e4b84e5b599b816e2e7e16d5724d19e24dc.pdf">internalisation du stéréotype de genre</a> par les femmes explique le déséquilibre observé.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-stereotypes-de-genre-nuisent-a-la-sante-des-femmes-et-des-hommes-88989">Les stéréotypes de genre nuisent à la santé des femmes... et des hommes</a>
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<h2>Pourquoi est-ce un problème et comment y remédier ?</h2>
<p>Ce n’est pas nécessairement un problème que les hommes posent plus de questions que les femmes. Ça l’est si cela a des conséquences en termes de formation et que cela participe à maintenir la dynamique du « tuyau percé ».</p>
<p>Il ne s’agit donc pas de mettre la pression sur tout le monde pour poser des questions pendant les réunions ou les séminaires. Notre but n’est pas non plus de mettre la pression aux femmes pour qu’elles s’affirment davantage, ou de suggérer que les hommes devraient s’abstenir de poser des questions. Mais il s’agit plutôt de réaliser que le déséquilibre observé, déterminé par des causes sociologiques et psychologiques, nourrit le déséquilibre entre hommes et femmes en sciences.</p>
<p>On peut donc espérer qu’en améliorant la visibilité des femmes aux étapes les plus précoces et les plus cruciales de la carrière, on aidera à <a href="http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0079147">équilibrer la profession à tous les niveaux</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/211945/original/file-20180326-148733-obl4i7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/211945/original/file-20180326-148733-obl4i7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/211945/original/file-20180326-148733-obl4i7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/211945/original/file-20180326-148733-obl4i7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/211945/original/file-20180326-148733-obl4i7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=427&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/211945/original/file-20180326-148733-obl4i7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=427&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/211945/original/file-20180326-148733-obl4i7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=427&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Où sont les femmes ? Trois conférences participant à un panel sur ce thème à l’Académie britannique des sciences, le 22 octobre 2012.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Where_are_all_the_women%3F_British_Academy_event.jpg">Wikimedia/Thearcanestuart</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<p>D’ici là, de petits changements de comportement peuvent avoir des conséquences importantes.</p>
<p>Selon nos données, deux éléments sont associés à un meilleur équilibre entre des temps de paroles : un temps de question plus long et une première question posée par une femme. Malheureusement, il ne s’agit que d’une corrélation, et même si manipuler ces paramètres paraît simple pour résoudre le problème, nous n’avons pas encore tenté l’expérience.</p>
<p>La pratique la plus vertueuse que j’aie observée consiste à avoir un modérateur qui attribue la parole dans l’ordre dans lequel les membres de l’assistance la demandent, en observant constamment l’assemblée. Cela empêche les prises de parole sauvages ou l’oubli de certaines personnes quand une marée de bras se lève au dernier rang après que le premier interlocuteur a brisé la glace en posant la première question. Une petite pause avant les questions peut aussi aider les membres de l’assistance (et l’orateur…) à rassembler ses idées.</p>
<p>Pour le moment, notre conseil pour tout le monde, orateurs, modérateurs ou membres de l’assistance, c’est de prendre conscience des biais inconscients au moment des questions. Mais la règle d’or pour les modérateurs comme pour le public, c’est de poser vos questions comme vous aimeriez qu’on vous les pose ; parlez à votre tour, et pas pour vous mettre en valeur – et pour les modérateurs : n’oubliez pas ces mains levées qui attendent patiemment au dernier rang.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/93875/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alecia Carter ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le milieu académique n’échappe pas aux discriminations et stéréotypes de genre : il suffit de se demander qui pose le plus souvent les questions lors des conférences pour s’en rendre compte.Alecia Carter, Eco-ethologue, Institut des Sciences de l'Évolution, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.