tag:theconversation.com,2011:/us/topics/mooc-24717/articlesMOOC – The Conversation2022-06-07T13:45:33Ztag:theconversation.com,2011:article/1791332022-06-07T13:45:33Z2022-06-07T13:45:33ZLa formation en ligne ouverte à tous pour favoriser le développement professionnel des enseignants<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/460584/original/file-20220429-27-shouax.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C2%2C988%2C681&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La formation en ligne « Le point sur le TDAH : comprendre, soutenir et accompagner les jeunes » vise à mieux outiller le personnel enseignant.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/education/publications-adm/devenir-enseignant/referentiel_competences_professionnelles_profession_enseignante.pdf">Les plus récentes orientations ministérielles</a> stipulent que les enseignants doivent inscrire la pratique de leur profession dans une perspective d’amélioration continue et mettre en œuvre les moyens nécessaires pour développer et actualiser leurs compétences professionnelles. Or, cette <a href="https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/I-13.3">obligation de formation continue</a> est parfois freinée par des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0742051X09001826?via%3Dihub">obstacles majeurs</a> liés notamment à la logistique (modalités, coût, moment, durée, lieu) et au contexte professionnel (manque de temps et de ressources en raison de la pénurie de main-d’œuvre).</p>
<p>En parallèle, la gestion de la diversité des besoins et plus particulièrement des comportements perturbateurs de certains élèves est un défi de taille qui engendre des <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/ef/2015-v43-n2-ef02306/1034491ar/">besoins de formation criants chez plusieurs enseignants</a>. En effet, les comportements perturbateurs des élèves peuvent <a href="https://eric.ed.gov/?id=EJ842123">entraîner du stress chez les enseignants</a> et sont même considérés comme la <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/09513541111120114/full/html">cause la plus importante de l’épuisement professionnel</a>.</p>
<p>Considérant que le développement professionnel est associé à <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/pits.21768">l’adoption de meilleures pratiques professionnelles</a>, à <a href="https://www.erudit.org/en/journals/rse/2020-v46-n1-rse05421/1070726ar/">l’amélioration du sentiment d’efficacité personnelle</a> et, par conséquent, à un <a href="https://psycnet.apa.org/record/2010-15712-016">mieux-être au travail</a>, il convient d’envisager des avenues de développement professionnel prenant en compte la réalité de la profession enseignante.</p>
<p>Investies dans la recherche sur la mise en œuvre de pratiques qui soutiennent la réussite des élèves, nous nous intéressons au potentiel de la formation en ligne ouverte à tous (<em>Massive Online Open Course</em> – MOOC) pour le développement professionnel des enseignants.</p>
<h2>Qu’est-ce qu’un MOOC ?</h2>
<p>Un MOOC est une formation en ligne gratuite pouvant accueillir un nombre illimité d’apprenants, sans condition d’admission, et dont les contenus sont pensés et structurés par des experts, généralement universitaires, dans le domaine. Les participants sont investis dans une démarche d’apprentissage qui respecte leur rythme, leur besoin d’engagement et qui a pour objectif la mise à jour de leurs connaissances à l’aide d’une variété de modalités : vidéos, lectures, questionnaires, discussions, expérimentations, etc.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/455840/original/file-20220401-19-ndg0r2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="homme qui pointe une représentation schématisée du MOOC" src="https://images.theconversation.com/files/455840/original/file-20220401-19-ndg0r2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/455840/original/file-20220401-19-ndg0r2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/455840/original/file-20220401-19-ndg0r2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/455840/original/file-20220401-19-ndg0r2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/455840/original/file-20220401-19-ndg0r2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/455840/original/file-20220401-19-ndg0r2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/455840/original/file-20220401-19-ndg0r2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Est-ce que les MOOC sont une voie prometteuse pour répondre aux besoins de formations criants des enseignants ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Les MOOC ayant les enseignants comme population cible sont <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/02619768.2018.1529752">peu nombreux et relativement nouveaux</a>. Certes, considérant leur aspect novateur permettant aux apprenants de suivre une formation de qualité, gratuite et au moment qui leur convient le mieux, ils s’avèrent prometteurs pour soutenir le développement professionnel des enseignants. Dans cette lignée, et en réponse à un besoin de formation dans le domaine de l’intervention auprès des élèves présentant des difficultés comportementales, l’Université Laval a développé le <a href="https://www.ulaval.ca/etudes/mooc-formation-en-ligne-ouverte-a-tous/le-point-sur-le-tdah-comprendre-soutenir-et-accompagner-les-jeunes-en-milieu-educatif">MOOC « Le point sur le TDAH : comprendre, soutenir et accompagner les jeunes »</a>.</p>
<p>Fondé sur les pratiques efficaces reconnues par la recherche dans le domaine du développement professionnel et de l’intervention auprès de jeunes présentant un trouble du déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH), ce MOOC vise à former le personnel scolaire œuvrant auprès de jeunes âgés de 5 à 17 ans présentant un TDAH sur la mise en œuvre de pratiques d’intervention efficaces auprès de ceux-ci. Cette formation a aussi pour objectif d’inciter les participants à poser un regard réflexif sur leurs pratiques de manière à y apporter les changements jugés nécessaires pour être en mesure de soutenir la réussite éducative des élèves présentant un TDAH.</p>
<h2>Hyperactivité, inattention et opposition</h2>
<p>À l’école, les élèves présentant un TDAH peuvent notamment avoir de <a href="https://www.caddra.ca/wp-content/uploads/CADDRA-Guidelines-French-4.1.pdf">la difficulté à maintenir leur attention, à s’organiser, à réguler leur niveau d’activité verbale et motrice, à contrôler et inhiber leurs comportements et à établir des relations de qualité avec leurs pairs et leurs enseignants</a>. En plus d’entraver la réussite éducative des élèves ayant un TDAH, ces manifestations peuvent provoquer des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/088562500361600">effets négatifs sur le bien-être des enseignants</a>. En effet, les comportements liés à l’hyperactivité et à l’inattention de même que ceux liés à l’opposition, sont ceux qui <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/10634266020100020201">suscitent le plus de stress chez les enseignants</a>. Ainsi, comparativement aux autres élèves présentant des besoins particuliers, ceux ayant un TDAH suscitent chez les enseignants plus de doutes et un plus grand besoin de soutien.</p>
<p>À la lumière de ces constats, cette formation, divisée en quatre modules, propose d’abord un tour d’horizon du TDAH fondé sur la littérature scientifique récente afin de permettre aux acteurs des milieux éducatifs de mieux comprendre ses symptômes et ses manifestations. Ensuite, elle explore diverses approches d’intervention et stratégies susceptibles d’aider le personnel scolaire à intervenir plus efficacement auprès des élèves présentant un TDAH et à mieux les soutenir dans leur développement et leurs apprentissages à l’école.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/iOPubSHXALk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Il importe d’outiller les enseignants afin qu’ils puissent intervenir adéquatement auprès d’élèves présentant un TDAH.</span></figcaption>
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<p>Concrètement, ce MOOC se veut un coffre à outils renfermant une panoplie de stratégies efficaces. Des interventions spécifiques liées notamment aux apprentissages scolaires (réussite en lecture, écriture et mathématique), au développement des habiletés sociales, à la régulation émotionnelle, à l’anxiété et aux comportements d’opposition sont également présentées.</p>
<h2>Des enseignants mieux outillés</h2>
<p>Ce MOOC vient tout juste de conclure sa quatrième édition. À ce jour, il a déjà attiré plus de 35 000 participants. Les résultats d’une <a href="https://www.ritpu.ca/fr/articles/view/478">recherche menée lors de sa 2ᵉ édition (hiver 2020)</a> mettent en évidence la satisfaction des participants (taux de satisfaction global de 86 %). Par ailleurs, 90 % des répondants estiment que leur participation au MOOC leur a permis à la fois de développer leurs connaissances, d’adopter de meilleures attitudes et d’intervenir plus efficacement auprès des élèves présentant un TDAH. En outre, les résultats de cette étude démontrent une amélioration du sentiment d’efficacité personnelle à enseigner aux élèves présentant un TDAH entre le début et la fin du MOOC. Ainsi, à la suite du MOOC, la grande majorité des enseignants participants se perçoivent davantage compétents et outillés pour intervenir auprès de ces élèves.</p>
<p>Les résultats de cette recherche incitent à considérer les MOOC en tant qu’activité de développement professionnel prometteuse pour soutenir l’adoption de pratiques efficaces auprès des élèves et favoriser le bien-être des enseignants. En effet, il s’agit d’un cas de figure nous permettant de croire au potentiel des MOOC pour répondre aux besoins de formation des enseignants. Le recours à cette technologie novatrice s’avère une avancée importante en matière de formation et revêt une pertinence sociale en raison de son apport à l’accessibilité des activités de formation universitaire de qualité.</p>
<p>Les responsables du développement professionnel du personnel enseignant en collaboration avec les établissements d’enseignement postsecondaires auraient tout avantage à considérer le potentiel des MOOC pour répondre aux besoins de formation des enseignants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/179133/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Considérant que le développement professionnel des enseignants est associé à un mieux-être au travail, il convient d’envisager des activités de formation continue adaptées à la profession enseignante.Marie-Pier Duchaine, Doctorante en psychopédagogie, Département d'études sur l'enseignement et l'apprentissage, Faculté des sciences de l'éducation, Université LavalNancy Gaudreau, Professeure titulaire, Département d'études sur l'enseignement et l'apprentissage, Faculté des sciences de l'éducation, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1733472021-12-16T17:03:59Z2021-12-16T17:03:59ZEnseignement et numérique : (re)trouver l’équilibre<p>Depuis maintenant plus de deux ans et la généralisation des cours en ligne durant les différents confinements, la lumière a été mise sur les difficultés que peuvent rencontrer les enseignants lorsqu’un outil numérique s’interfère entre eux et leurs apprenants. Lors d’un cours en Zoom, et malgré ses 17 années d’expérience, un professeur de droit péruvien en est même venu à annoncer, en novembre dernier, qu’il allait démissionner car <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-55035757">il ne parvenait plus à intéresser ses étudiants</a>.</p>
<p>Les apprenants sont maintenant confrontés au quotidien à des contenus en ligne qui les <a href="https://www.researchgate.net/publication/264234816_Article_Reference_Une_premiere_approche_de_l%27hybridation">éloignent un peu plus de leur professeur</a>. Pourtant, il est démontré dans la littérature académique que les interactions avec le professeur doivent être <a href="https://dl.acm.org/doi/10.1145/2556325.2566239">fréquentes et significatives</a> pour pouvoir augmenter les sentiments positifs des étudiants envers un cours et les aider à rester plus longtemps engagés.</p>
<p>En effet, ces interactions permettent aux étudiants de <a href="https://psycnet.apa.org/record/2008-05316-002">mieux retenir et apprendre</a>, ou encore de développer leurs capacités d’analyse et de synthèse mais aussi leur esprit critique. Les étudiants engagés obtiennent ainsi des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.3102/00346543074001059">meilleurs résultats aux examens</a> et accroissent leur chance d’être diplômés. À plus long terme, ils sont aussi plus capables, que les autres, de collaborer de manière efficace ou de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.3200/JOEB.84.2.101-109">résoudre des problèmes concrets</a> en lien avec le monde professionnel.</p>
<p>À l’inverse, sans engagement, les risques d’abandon sont grands. Dans le cadre de l’apprentissage en ligne asynchrone, cela est particulièrement visible. En dépit de leur popularité, les MOOC (<em>massive open online courses</em>), par exemple, sont caractérisés par un <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0022243721991100">manque d’engagement de la part des apprenants</a> et un taux d’abandon très élevé (90 %). Cela s’explique par l’éloignement institutionnel, une mauvaise organisation du travail, une gestion difficile du temps alloué au cours et à son suivi, ou encore un <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01075255">manque d’attractivité de ce format</a>.</p>
<p>Les risques de décrochage des apprenants peuvent s’accroître avec l’introduction des nouvelles technologies en général dans leur environnement de travail, et cela même si le cours n’est pas en ligne : ils peuvent avoir tendance à être distraits plus facilement par les <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3375701">expériences ludoéducatives permises par le digital</a> ou par les outils qui les entourent (téléphones, tablettes, objets connectés…).</p>
<h2>Dosage équilibré</h2>
<p>Dans ce secteur, les acteurs doivent donc faire face à un paradoxe : plus les technologies sont présentes et nombreuses, plus le besoin de relations et de contacts est important. Il faut donc se demander quelle place donner à la technologie en pédagogie tout en s’assurant de l’engagement de l’apprenant. Il faut trouver le bon dosage. Cette thématique a été abordée les 5 et 6 juillet derniers, dans le cadre de la conférence DisrupTechs Ago « DTA21 » lors d’un atelier dédié aux technologies disruptives. Pour s’assurer de l’engagement de l’apprenant dans un environnement technologique, cinq initiatives, qui figurent dans le <a href="https://www.em-normandie.com/fr/lem-normandie-organise-les-disruptechs-agora-dta21-les-5-6-juillet">livre blanc</a> réalisé à l’issue de l’événement, ont été partagées. </p>
<p>Parmi les intervenants, Cyril Camachon, docteur en psychologie cognitive au Centre de recherche de l’école de l’air (CREA), a décrit un modèle participatif incluant des ateliers en groupes, des challenges inter-groupes où le stagiaire-pilote est plus acteur que dans une approche purement transmissive. De son côté, Laurent Aldon, maître de conférences à l’Université de Montpellier, a expliqué qu’il enseignait des matières techniques (programmation) en proposant des jeux de plateau et des jeux de rôle tout en tenant compte des profils des participants.</p>
<p>Quant à Robin Poté, directeur du cabinet de conseil Circoe, il a conçu avec son équipe un <em>escape game</em> permettant à ses apprenants de mieux appréhender les nouvelles technologies dans le domaine de la logistique. Le mobilier et la gestion de l’espace permettent également de faciliter l’engagement de chacun. C’est ce qu’a expliqué John Augeri, directeur de programme à l’Université numérique Île-de-France, au sein de laquelle l’espace est organisé en fonction des cours enseignés et des modalités pédagogiques.</p>
<p>Enfin, Philippe Lépinard, docteur en sciences de gestion, fondateur du fab lab GamiXlab et responsable du projet EdUTeam à l’IAE Gustave Eiffel – École de management, a préconisé de mettre parfois de côté la technologie pour favoriser les rapports humains, entre les enseignants et leurs apprenants ou tout simplement entre les apprenants. Il a notamment évoqué la notion de <em>low tech</em> pour définir un dispositif pas forcément développé d’un point de vue technologique mais dont les apports favorisent l’inclusion.</p>
<h2>Un accompagnement nécessaire</h2>
<p>Il apparaît ainsi que les professionnels du secteur ne peuvent faire l’impasse sur le rôle des technologies dans leurs pratiques d’enseignement. À l’inverse, il conviendra de ne pas verser dans le « techno-washing “ en mettant du digital partout, dans le format des cours comme dans leur contenu, quand cela n’est pas justifié par un véritable intérêt pédagogique. Il est donc nécessaire de doser la place du digital de manière équilibrée.</p>
<p>Les discours des intervenants durant l’atelier de cette conférence soulignent donc l’importance pour l’enseignant de collaborer avec des personnes aux compétences aussi diverses que la connaissance de l’agencement de l’espace, les neurosciences, l’ingénierie et la maîtrise des nouvelles technologies.</p>
<p>Toutefois, pas question pour autant de le déposséder de son cours en lui imposant un cadre technologique trop rigide où la forme pourrait primer sur le fond. Ainsi, il est démontré, par exemple, que les vidéos « faites maison » avec des enseignants enthousiastes et parlant vite ont <a href="https://dl.acm.org/doi/10.1145/2556325.2566239">plus d’impact</a> sur l’apprentissage que les vidéos très travaillées (avec fond vert et prompteur prérédigé). Ce n’est que sous cette condition que la relation entre enseignants et apprenants pourra être préservée et <a href="https://www.westga.edu/%7Edistance/ojdla/winter94/herbert94.htm">permettra d’assurer l’adhésion de ces derniers</a>.</p>
<p>Si les enseignants peuvent être amenés à devoir <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02928389/">se réinventer</a> face à des contraintes de plus en plus nombreuses, cela se fera d’autant plus facilement avec l’accompagnement et le soutien de leur institution. Chacun pourra alors s’approprier la technologie, ou non, en fonction de sa discipline et des modalités pédagogiques privilégiées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173347/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’essor des technologies implique un accompagnement renforcé des enseignants qui doivent intégrer de nouvelles compétences comme la gestion de l’espace ou l’ingénierie digitale.Mathilde Aubry, Enseignant-chercheur en économie, EM NormandieAude Rychalski, Professeur Assistant en Marketing, PhD, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1701532021-10-20T19:31:12Z2021-10-20T19:31:12ZLes ressources éducatives libres, un enjeu d’avenir<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/426972/original/file-20211018-165041-d8ew7d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C44%2C6000%2C3943&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le principe des ressources éducatives libres permet d'accélérer la diffusion des ressources pédagogiques.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/gens-hommes-femmes-ecrite-5676744/"> Ivan Samkov /Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Dans une économie fondée sur les connaissances, la création de nouveaux savoirs et leur diffusion vers le plus grand nombre jouent un rôle central. C’est l’objectif poursuivi par le mouvement Open Education qui œuvre au développement de ressources éducatives libres. Selon l’Unesco, <a href="https://fr.unesco.org/themes/tic-education/rel">ces ressources incluent</a> les « matériaux d’enseignement, d’apprentissage ou de recherche appartenant au domaine public ou publiés avec une licence de propriété intellectuelle permettant leur utilisation, adaptation et distribution à titre gratuit ».</p>
<p>Usuellement, un enseignant créant un cours ou un manuel scolaire voit son œuvre originale protégée par le droit d’auteur qui en définit l’usage et la réutilisation. Grâce à cette protection de la propriété intellectuelle, la ressource pédagogique est rendue exclusive, c’est-à-dire qu’il est possible d’empêcher quelqu’un de l’utiliser, et que l’auteur dispose d’un monopole sur son droit d’exploitation.</p>
<p>Son accès en est de facto souvent payant. Qui plus est, sa reproduction, sa modification et sa diffusion par d’autres sont limitées, sauf autorisation explicite avec chaque utilisateur. Les ressources éducatives libres, elles, rendent la ressource pédagogique non exclusive et libre d’accès. Sa diffusion est également facilitée et les œuvres dérivées, modifiant le cours ou le manuel scolaire original, sont permises grâce aux licences de libre diffusion existantes.</p>
<h2>Une palette de conditions</h2>
<p>S’appuyant entre autres sur les universités ouvertes développées il y a une cinquantaine d’années dans les pays anglo-saxons où il n’y a pas de condition académique d’admission à l’enseignement proposé, le mouvement Open Education a vu ses pratiques bouleversées par l’émergence d’internet et des technologies de l’information et de la communication. Celles-ci réduisent à néant les coûts de reproduction et de diffusion. Par rapport à un <a href="https://theconversation.com/a-lheure-du-numerique-a-t-on-encore-besoin-de-manuels-scolaires-118002">manuel scolaire</a> en format papier, un manuel en ligne peut être facilement recopié et diffusé au plus grand nombre en quelques clics, devenant ainsi un bien public global.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1430784575832092673"}"></div></p>
<p>Pour les pouvoirs publics, comme la Commission Européenne ou les organisations internationales comme l’Unesco ou l’OCDE, les ressources éducatives libres ont un double intérêt :</p>
<ul>
<li><p>premièrement, la gratuité et l’accessibilité offrent un accès quasi universel à de multiples connaissances qui peuvent être bénéfiques au développement socio-économique individuel et global. Un ordinateur avec une connexion Internet est suffisant pour accéder à un manuel scolaire appartenant au domaine public ou sous licence de diffusion libre.</p></li>
<li><p>deuxièmement, l’absence de contrainte concernant la modification pour l’adapter au contexte de l’apprentissage permet une plus grande personnalisation de l’expérience qui peut en améliorer la qualité. On pense, par exemple, à la traduction dans une langue comprise par l’apprenant d’un ouvrage originellement écrit dans une autre langue.</p></li>
</ul>
<p>Plus récemment, les MOOC (« massive open online courses ») ont redonné un coup de projecteur aux ressources éducatives libres, même si l’ensemble de ces cours en ligne n’en sont pas. De multiples plates-formes comme <a href="https://www.edx.org/">EdX</a>, <a href="https://www.coursera.org/">Coursera</a> ou <a href="https://www.futurelearn.com/">FutureLearn</a> proposent des formations en ligne sans prérequis nécessaires pour l’apprenant mais avec des contenus de moins en moins accessibles gratuitement.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1303809036131991561"}"></div></p>
<p>D’autres plates-formes, elles, s’inscrivent plus dans une dynamique d’ouverture des savoirs. C’est par exemple le cas de la <a href="https://www.fun-mooc.fr/fr/">plateforme FUN</a> (France université numérique) qui laisse la possibilité aux enseignants créant les cours mis en ligne sur sa plate-forme de choisir comment ils veulent protéger leurs contenus pédagogiques, tout en promouvant l’utilisation de licences Creative Commons. Ces licences ont comme caractéristique principale qu’elles offrent un menu de plusieurs conditions permettant à l’auteur de gérer les modalités de circulation de son œuvre et de faire un choix parmi sept licences, allant de la plus restrictive à la plus ouverte en termes de réutilisation des contenus.</p>
<h2>Soutiens publics</h2>
<p>Cette liberté donne un cadre intéressant pour analyser la diffusion des ressources éducatives libres. Dans un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0166497221001760">récent article scientifique</a>, intitulé « Why are some massive open online courses more open than others », nous utilisons cette information ainsi que diverses données concernant les cours mis en ligne sur FUN pour étudier les facteurs expliquant le choix d’une licence Creative Commons relativement plus ouverte par certains enseignants.</p>
<p>Nous observons que deux facteurs jouent un rôle prépondérant. Tout d’abord, les enseignants en science, technologie, ingénierie et mathématiques ou dans le secteur de la santé ont des pratiques plus ouvertes qu’en sciences humaines et sociales, en commerce ou droit. Nous expliquons cela par une sensibilité plus importante aux principes d’ouverture des savoirs, déjà plus courante dans leurs activités de recherche, et à une norme sociale plus forte les poussant à choisir une licence plus ouverte.</p>
<p>Ensuite, la plate-forme FUN offre la possibilité aux enseignants de faire payer les étudiants pour obtenir un certificat de réussite aux examens en lien au cours diffusé en ligne. Les enseignants choisissant cette option ont tendance à choisir une licence moins ouverte. Ce résultat peut s’expliquer par la volonté d’obtenir des recettes financières liées à cet investissement pédagogique mais indirectement seulement vu que l’accès au cours, lui, reste entièrement gratuit pour l’ensemble des cours proposés sur la plate-forme.</p>
<p>Cette recherche démontre que la démocratisation de l’enseignement supérieur ne peut pas se faire tout naturellement via les ressources éducatives libres. Pour favoriser leur développement et leur diffusion, diverses interventions publiques seront utiles.</p>
<p>Tout d’abord, des campagnes de sensibilisation aux ressources éducatives libres auprès des enseignants, surtout ceux de disciplines peu ouvertes, mais aussi auprès des étudiants doivent être mises en place. Ensuite, il semble important d’adapter le mode de financement de l’enseignement afin d’encourager financièrement les enseignants à adopter ce genre de pratiques.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article fait partie de la série « Les belles histoires de la science ouverte », publiée avec le soutien du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Pour en savoir plus, veuillez consulter la page <a href="https://www.ouvrirlascience.fr/">Ouvrirlascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/170153/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Jacqmin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pourquoi certains professeurs choisissent-ils de publier gratuitement certaines de leurs ressources éducatives, libres de droits d’auteur ? Retour sur les résultats d’une analyse récente.Julien Jacqmin, Associate professor in economics, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1533102021-01-31T17:12:40Z2021-01-31T17:12:40ZAvec de jeunes enfants, comment guider l’usage des écrans ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/380738/original/file-20210126-23-mgjazl.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C8%2C2853%2C1535&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Ce n’est pas l’écran en soi qui est mauvais mais son utilisation qui peut être mal adaptée.</span> <span class="attribution"><span class="source">Xaviers Desplas pour Premiers Cris </span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>L’exposition des enfants âgés de moins de 6 ans aux outils numériques, et notamment aux écrans, inquiète autant qu’elle questionne. Familles et professionnels et professionnelles de la santé et de l’éducation se retrouvent confrontés aux mêmes problématiques. Des difficultés qui se sont exacerbées en pleine crise du Covid-19 : quels conseils donner à celles et ceux qui prennent soin des tout-petits ? Comment concilier les problématiques du quotidien (par exemple, avoir les enfants à la maison durant une journée de télétravail) aux enjeux du développement de l’enfant ?</p>
<p>Face à ces enjeux, les injonctions, parfois culpabilisantes ou contradictoires, se multiplient auprès du grand public. La recherche peut alors nous aider à y voir plus clair. Elle possède en effet les méthodes et les outils permettant d’analyser avec objectivité et rigueur cette problématique de santé publique.</p>
<p>Cette démarche de recherche est justement adoptée dans le <a href="https://www.fun-mooc.fr/courses/course-v1:u-paris+183007+session01/about">MOOC</a> (ou cours en ligne) « La petite culture numérique : le développement du tout-petit à l’ère numérique », réalisé par le collectif de recherche Premiers Cris (CRI, Université de Paris). Ce MOOC permet de confronter les points de vue de différentes parties prenantes : acteurs et actrices issus de la recherche, du terrain, de l’entrepreneuriat ou du monde institutionnel, ainsi que des familles.</p>
<p>À travers ces regards croisés, ce MOOC explore de nombreuses questions au cœur des débats actuels : quel est l’impact de l’usage des outils numériques sur le développement de l’enfant ? Quand on parle d’écrans, qu’entend-on réellement ? Existe-t-il des dispositifs numériques adaptés aux tout-petits ? Ou encore, quel numérique souhaitons-nous pour les générations à venir ?</p>
<h2>Recherche en cours</h2>
<p>Il est important de garder en tête que l’arrivée des outils numériques (notamment mobiles) dans nos vies et celles des tout-petits est encore très récente. Aussi, la recherche sur ce sujet n’en est qu’à ses prémices ! Rappelons aussi que la majorité des travaux publiés à ce jour concerne la télévision et non les écrans interactifs et mobiles, tels les smartphones ou les tablettes.</p>
<p>Autre point d’alerte : si ces travaux explorent la relation entre l’exposition aux écrans et le développement de l’enfant, ils ne permettent pas de conclure sur le lien de causalité entre ces deux facteurs.</p>
<p>Que nous apprennent ces études ? Rana Esseily et Bahia Guellai, toutes deux maîtresses de conférences à l’Université Paris Nanterre, ont contribué à une <a href="https://www.cairn.info/revue-spirale-2017-3-page-28.htm">revue de la littérature</a> sur le sujet, publiée en 2017 dans la revue Spirale. L’une des principales conclusions de cet article scientifique est que l’exposition à la télévision ne semble pas avoir d’intérêt pour les enfants âgés de moins de 3 ans et peut même avoir des effets délétères sur leur développement cognitif. Elle est ainsi déconseillée pour les plus petits.</p>
<p>Après 3 ans, les écrans peuvent être un support d’apprentissage, à condition qu’ils soient utilisés à bon escient. Il vaut mieux ainsi privilégier une utilisation interactive des écrans (dans laquelle l’enfant vient interagir en prononçant un mot enregistré ou faire un geste pour passer à l’étape suivante d’une histoire par exemple) et accompagnée par un adulte, ainsi qu’un contenu adapté à l’âge de l’enfant.</p>
<p>En conclusion, cet article nous rappelle que ce n’est pas l’écran en soi qui est mauvais mais son utilisation qui peut être mal adaptée. Le temps d’écran, surtout non accompagné, réduit la place accordée à d’autres activités essentielles au développement de l’enfant : bouger, découvrir la nature, interagir avec d’autres enfants, explorer et manipuler les objets de son environnement, par exemple.</p>
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<img alt="« La relation parents-enfants, le jeu, le langage & le développement sensori-moteur »" src="https://images.theconversation.com/files/380205/original/file-20210122-15-dyo3ve.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/380205/original/file-20210122-15-dyo3ve.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/380205/original/file-20210122-15-dyo3ve.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/380205/original/file-20210122-15-dyo3ve.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/380205/original/file-20210122-15-dyo3ve.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/380205/original/file-20210122-15-dyo3ve.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/380205/original/file-20210122-15-dyo3ve.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« La relation parents-enfants, le jeu, le langage & le développement sensori-moteurs ». Illustrations de Cécile Barraud de Lagerie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cécile Barraud de Lagerie</span></span>
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<p>Il semble donc primordial de se questionner sur l’influence que pourraient avoir ces outils numériques sur le développement de l’enfant. Explorons ici quatre aspects.</p>
<h2>La relation adultes-enfants</h2>
<p>La relation du jeune enfant à son environnement passe par la relation aux autres : ses parents, ses grands-parents et toutes les personnes qui l’entourent. Ainsi, en questionnant la relation des jeunes enfants au numérique, on questionne également la relation de l’adulte qui prend soin du tout-petit au numérique : est-ce que j’utilise mon smartphone pendant que je donne le biberon à mon enfant ? Est-ce que je regarde la télévision pendant que je joue avec mon enfant ?</p>
<p>Si la réponse à ces questions est systématiquement positive, on parle alors de « technoférence parentale », c’est-à-dire que l’outil numérique utilisé par l’adulte fait barrière à la relation avec l’enfant, nous explique Marie-Noëlle Clément, directrice de l’Hôpital de Jour pour enfants André Boulloche et autrice d’une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0222961720300684">récente revue de la littérature</a> sur les écrans nomades. Cette relation est pourtant primordiale au développement global des tout-petits. Il est ainsi important de privilégier des temps sans écran, non pas uniquement pour les enfants, mais aussi au sein de la famille afin de favoriser les moments d’échange et de partage.</p>
<h2>Le jeu</h2>
<p>L’un des moyens privilégiés d’interaction de l’enfant avec son environnement est le jeu. Jouer cela veut dire manipuler, explorer, découvrir et comprendre le monde. Il est alors important que le terrain de jeu proposé à l’enfant soit riche et varié et ne se réduise pas à un seul type d’objet, un seul type de support. La tablette, même lorsqu’elle offre des activités variées, ne doit pas être le seul support de jeu de l’enfant, mais s’intègre parmi de nombreuses autres possibilités.</p>
<p>Le directeur du LaPsyDÉ (Laboratoire de psychologie du développement et de l'éducation de l’enfant), Grégoire Borst, intervenant du MOOC, nous rappelle l’importance du <a href="https://www.cerveauetpsycho.fr/sr/entretien/le-jeu-est-un-demultiplicateur-d-apprentissages-19475.php">jeu</a> et de la motivation pour stimuler les apprentissages, dès tout-petit.</p>
<p>Dans ses travaux de recherche, Grégoire Borst met en avant l’importance des fonctions exécutives, hébergées par notre cortex préfrontal, nous permettant de résister aux automatismes ou de manipuler des informations. Les fonctions exécutives peuvent être stimulées par des approches ludiques, parfois permises par les jeux vidéo, lorsque ceux-ci sont utilisés à des fins pédagogiques, avec un accompagnement et chez des enfants âgés de plus de 3 ans.</p>
<h2>Le langage</h2>
<p>Autre intervenant du MOOC, <a href="http://www.scilogs.fr/ramus-meninges/ecrans-et-troubles-du-langage/">Franck Ramus</a>, directeur de recherche au CNRS et spécialiste des neurosciences cognitives, nous apprend que l’enfant a besoin d’être plongé dans un bain de langage pour apprendre à parler. Les paroles entendues à la télévision ne sont pas suffisantes pour les tout-petits, ils ont besoin d’interactions sociales dans toute leur richesse : communication par les mots, les gestes et le regard.</p>
<p>À nouveau, il convient ici de questionner l’usage qu’ont les enfants des écrans mais aussi celui de leurs proches en leur présence. Il existe une réelle différence entre mettre son enfant devant un dessin animé pendant que l’on écrit des messages sur son téléphone, et l’accompagner dans la découverte de ce dessin animé en commentant tout du long le contenu regardé ensemble.</p>
<h2>Le développement sensori-moteur</h2>
<p>Enfin, le développement sensori-moteur de l’enfant semble lui aussi pouvoir être influencé par l’utilisation d’outils numériques. La motricité des enfants, étonnamment habiles de leurs mains face à une tablette, est-elle mise en danger ?</p>
<p>Interrogé à ce sujet, le psychomotricien Aurélien d’Ignazio insiste sur l’importance de créer des environnements hybrides, c’est-à-dire qui associent à la fois des activités sur écran et des activités sans écran. Certains exercices sur tablette (pour tracer des lettres, ou déplacer des objets sur écran) peuvent encourager le développement de la motricité fine, ou des objets interactifs peuvent éveiller différents sens de manière simultanée : toucher, visuel et auditif.</p>
<h2>Contexte-Contenant-Contenu</h2>
<p>Les écrans sont des outils faisant partie de l’environnement des tout-petits, et doivent être considérés comme tels, ni plus ni moins. Il s’agit donc de ne pas les diaboliser mais de faire attention à les utiliser à bon escient pour qu’ils demeurent des supports d’activités parmi d’autres.</p>
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<img alt="« Contenu-Contenant-Contexte »" src="https://images.theconversation.com/files/380211/original/file-20210122-21-exvj30.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/380211/original/file-20210122-21-exvj30.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/380211/original/file-20210122-21-exvj30.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/380211/original/file-20210122-21-exvj30.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/380211/original/file-20210122-21-exvj30.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/380211/original/file-20210122-21-exvj30.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/380211/original/file-20210122-21-exvj30.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« Contenu-Contenant-Contexte ». Illustrations de Cécile Barraud de Lagerie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cécile Barraud de Lagerie</span></span>
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<p>Le principe des 3Cs : Contexte – Contenant – Contenu, soit le contexte d’utilisation des écrans (environnement), considérés alors comme les contenants (outils) de contenus (usages), peut nous éclairer en questionnant nos usages et les usages numériques des tout-petits.</p>
<p>Il est primordial que nous puissions toutes et tous développer notre esprit critique sur la question de la relation des jeunes enfants aux outils numériques, en apprenant à identifier les informations scientifiques pertinentes. Ainsi, nous serons ensemble capables de dessiner les pratiques éducatives et pédagogiques adaptées à chaque contexte, et en accord avec les connaissances actuelles sur le développement de l’enfant.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/153310/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span> Rien à déclarer</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marion Voillot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’exposition des jeunes enfants aux écrans, inquiète autant qu’elle questionne. Comment concilier les problématiques du quotidien aux enjeux du développement de l’enfant ?Marion Voillot, Doctorante, Learning Planet Institute (LPI)Lisa Jacquey, Docteure en sciences cognitives, Learning Planet Institute (LPI)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1477192021-01-13T18:14:33Z2021-01-13T18:14:33ZDébat : Apprendre avec les objets numériques ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/377377/original/file-20210106-15-11gdyj6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=57%2C68%2C7611%2C4771&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Enseigner n’est pas seulement communiquer des connaissances, mais apprendre à apprendre.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/aube-gens-femme-cafe-3755755/">Andrea Piacquadio/Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Depuis son livre <a href="https://www.editions-lepommier.fr/petite-poucette#anchor1"><em>Petite Poucette</em></a> paru en 2012, le philosophe Michel Serres, récemment disparu, n’a eu de cesse de retracer le mouvement qui, depuis l’apparition du livre jusqu’à aujourd’hui, offrirait la possibilité d’externaliser une de nos facultés essentielles : la mémoire. Nous aurions ainsi, disait-il, la possibilité de penser, apprendre, transmettre, en tenant notre tête (alias nos mémoires externes) entre nos mains, tel l’évêque Saint-Denis décapité par les premiers Romains.</p>
<p>Les facultés de connaissances reposeraient sur une machinerie semblable à celle d’un ordinateur, et c’est une vision « computationnelle » de la cognition dont <a href="https://www.peterlang.com/view/title/62903">nous nous sommes démarqués</a>. Dispositif qui sépare physiquement la mémoire d’un microprocesseur cadencé par un programme remplaçable à volonté, alors que mémoire et activités sensori-motrices sont biologiquement imbriquées et que l’internalisation des connaissances émerge de cette activité.</p>
<p>Le point de vue computationnel oublie que les interactions sociales sont parties prenantes de la constitution de notre monde vécu et donc de nos connaissances. Comme <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/philosophie/ce-qui-nous-fait-penser_9782738108609.php">l’avait très justement répondu</a> Paul Ricœur au neurobiologiste Jean‑Pierre Changeux, « le cerveau ne pense pas, je pense ».</p>
<h2>Apprendre à apprendre</h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/376992/original/file-20210104-15-xb3vy6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/376992/original/file-20210104-15-xb3vy6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=987&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/376992/original/file-20210104-15-xb3vy6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=987&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/376992/original/file-20210104-15-xb3vy6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=987&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/376992/original/file-20210104-15-xb3vy6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1240&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/376992/original/file-20210104-15-xb3vy6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1240&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/376992/original/file-20210104-15-xb3vy6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1240&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>Une tête bien pleine n’est donc pas inéluctablement une tête bien faite. Tête alors dotée de facultés d’accumulation démesurées qui finit par ressembler à celle d’Iréno Funès, le <a href="https://www.babelio.com/livres/Borges-Fictions/1511">personnage</a> désespéré de Borges, celui qui ne peut rien oublier. Le monde de Funès est tellement surchargé de détails que celui-ci finit par confesser au narrateur au terme d’une nuit de veille : « ma mémoire, Monsieur ressemble à un tas d’ordures ».</p>
<p>Or savoir est précisément aux antipodes d’un empilement de connaissances, puisque ce n’est pas apprendre des choses, mais apprendre à <a href="https://www.cairn.info/apprendre-pour-transmettre--9782130619482.htm">relier des choses</a>. Apprendre est un acte indispensable de <a href="https://crecleco.seriot.ch/textes/Cassirer33.html">notre socialisation</a>. La <a href="http://classiques.uqac.ca/classiques/mauss_marcel/socio_et_anthropo/2_essai_sur_le_don/essai_sur_le_don.html">transmission de maître à élève</a> (fondée sur une éducation du don et du contre-don, dans la lignée des travaux de Marcel Mauss) ne se réduit pas à une simple recopie.</p>
<p>Au cours de leurs échanges, en effet, les sujets recontextualisent, transforment, réélaborent, relient, pour faire sens. Ce programme établit le caractère culturellement situé dans l’espace et le temps de toute activité de connaissances, en même temps qu’il invite à un retour sur soi.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1152042575664177152"}"></div></p>
<p>Mais que se passe-t-il lorsque les compétences, avec leurs lots de certifications, remplacent les connaissances dans les programmes de formation à distance ? Quelle place les outils numériques laissent-ils à l’humain, au temps long de son apprentissage ?</p>
<p>Une plate-forme informatique fournit l’accès à une mémoire, une base de données conçue au sein d’une institution ou d’une entreprise par des programmeurs qui fixent son organisation et ainsi définissent les clés nécessaires pour atteindre son contenu via des mots.</p>
<p>L’hypothèse implicite de cette conception est que la valeur sémantique d’une donnée, d’un passage de document, ne serait le fait que de son auteur, alors que c’est tout autant celui de son lecteur interprétant en contexte. Depuis que les capacités opérationnelles dans un but professionnel valent pour connaissance, quel rôle reste-t-il à l’interprétant ?</p>
<p>C’est à cette question que sont confrontées les plates-formes actuelles de formation à distance : les MOOC (par exemple sur la plate-forme <a href="https://www.fun-mooc.fr/">Fun</a>, qui sont en plein essor. Si le contenu des cours mis en ligne, sur ce site tout au moins, ne prête pas à caution, les thématiques représentées témoignent parfois plus d’un <a href="https://www.fun-mooc.fr/news/covid-19-2-cours-pour-former-le-personnel-soignant/">souci d’employabilité</a>, d’adaptabilité à des besoins économiques immédiats que d’éducation.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/apprendre-une-langue-sur-le-web-la-revolution-de-lia-se-fait-attendre-129304">Apprendre une langue sur le web : la révolution de l’IA se fait attendre</a>
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<p>L’enseignement à distance repose essentiellement sur des modules d’interactions virtuelles cadencés par l’immédiateté, comme des quiz qui ne supportent ni contradiction ni nuance, ou des forums qui ne remplaceront jamais totalement le dialogue les yeux dans les yeux au sein d’une communauté d’apprenants. Car enseigner n’est pas seulement communiquer des connaissances, mais apprendre à apprendre.</p>
<p>C’est cette posture qui permet la mise à distance des préjugés et des erreurs. Distanciation critique nécessaire pour que le sujet apprenant soit en mesure d’interpréter, d’analyser véritablement ce qu’il lit à l’écran.</p>
<h2>Des apprenants chefs d’orchestre</h2>
<p>Pour mettre les technologies numériques au service d’une appropriation de connaissances, il convient de penser notre rapport aux objets techniques. Les écrits de Cassirer et de <a href="https://monoskop.org/images/2/20/Simondon_Gilbert_Du_mode_d_existence_des_objets_techniques_1989.pdf">Simondon</a> peuvent y aider en rappelant que les réalisations de la technique doivent s’apprécier par leur capacité à servir, et non à conduire, et que la technique ne peut être <a href="https://monoskop.org/File:Cassirer_Ernst_1930_1985_Form_und_Technik.pdf">son propre accomplissement</a>.</p>
<p>Il faut alors que l’agir technique devienne suffisamment intelligible pour permettre à l’apprenant de s’affranchir de son inféodation et devienne « le chef d’orchestre » qui conduit les outils informatiques en percevant finement chaque élément de leurs retours.</p>
<p>C’est pourquoi il est aujourd’hui important de concevoir des environnements numériques de travail (ENT) pour lesquels l’humain n’aura plus en charge d’intégrer un monde informatique autosuffisant, mais d’appréhender l’organisation et le fonctionnement des outils, tant que faire se peut, car c’est à la machine de l’assister sans jamais se substituer à lui.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1330057094196760577"}"></div></p>
<p>Ainsi nous œuvrons à la <a href="https://www.peterlang.com/view/9782807603127/xhtml/chapter04_annexe05.xhtml">conception</a> d’une plate-forme d’acquisition de connaissances à partir d’une base de données dans le domaine juridique. L’utilisateur y est libre de constituer son propre corpus parmi un très large ensemble de documents et sites Internet. Il est libre de s’approprier pleinement les outils disposant d’une aide en ligne adaptée en y consacrant suffisamment de <a href="https://www.babelio.com/livres/Valery-Le-Bilan-de-lintelligence/239777">temps</a>, donc d’intelligence, afin de toujours agir en connaissance de cause.</p>
<p>En ce qui concerne l’interface, elle ne contraint le temps, ni n’oriente les réponses de l’utilisateur pour s’accorder avec la <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/du-texte-a-l-action-essais-d-hermeneutique-t-2-paul-ric-ur/9782020093774">distanciation interprétative</a> en préservant le temps long de la lecture, de la réflexion et de la <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-grande-image-n-a-pas-de-forme-ou-du-non-objet-par-la-peinture-francois-jullien/9782020518161">ré-création</a> indispensables à l’imagination. Autrement dit, nous œuvrons pour que l’apprenant puisse jouir des mêmes libertés que celles réclamées par des collectifs de chercheurs en faveur d’une <a href="http://slow-science.org/">« science au ralenti »</a>.</p>
<p>Notre démarche va à l’encontre de l’ensemble des travaux sur les plates-formes, mais les contraintes qu’elle impose nous semblent être le prix à payer pour véritablement s’approprier des connaissances.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147719/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Maryvonne Holzem est membre de l'association Sciences Citoyennes</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jacques Labiche ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour mettre les technologies numériques au service d’une appropriation de connaissances, il convient de penser notre rapport aux objets techniques.Maryvonne Holzem, Maître de conférences HDR en linguistique - émérite, Université de Rouen NormandieJacques Labiche, Professeur émérite en informatique, Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1417152020-09-09T18:00:47Z2020-09-09T18:00:47ZDeux pistes pour réinventer les MOOC<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/356970/original/file-20200908-14-ydc4v5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=28%2C221%2C1664%2C1054&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les MOOC ne devraient-ils pas s'inspirer de ces tutoriels sur Youtube qui plaisent tant aux jeunes ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/illustrations/learn-school-laptop-digital-5103075/">Image by Gerd Altmann from Pixabay </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Lorsqu’ils sont apparus dans les années 2010, les MOOC ont soulevé beaucoup d’espoirs. De là à constituer une révolution de l’enseignement, il y a un pas qui n’a pas été franchi <a href="https://theconversation.com/mooc-la-revolution-na-pas-eu-lieu-103282">comme le notait</a> déjà en 2018 dans ces colonnes Mathieu Cisel, enseignant à CY University.</p>
<p>Mais le confinement a remis en lumière ces outils, rappelant à quel point il peut être bénéfique de les maitriser. Pour preuve, le <a href="https://trends.google.com/trends/explore?date=2012-02-08%202020-09-02&q=mooc">nombre de recherches</a> sur Google à partir du mot clé MOOC a doublé entre mi-mars et mi-juin 2020 – avant de revenir au même niveau que celui de 2014.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pedagogie-a-distance-les-enseignements-du-e-confinement-137327">Pédagogie à distance : les enseignements du e‑confinement</a>
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<p>Voilà qui incite à réfléchir à de nouvelles pistes pour renouveler les MOOC, afin de mieux tirer parti de leur potentiel. Dans ce cadre, pourquoi ne pas s’inspirer de la vogue des tutoriels et des progrès de l’impression 3D ?</p>
<h2>Formation à la demande</h2>
<p>Pourquoi parle-t-on de succès mitigé concernant les MOOC ? L’argument principal est le manque d’attention prêté par l’étudiant aux cours en ligne. Pour quantifier cette attention, on définit un taux de rétention, qui correspond au ratio entre le nombre d’inscrits et le nombre d’étudiants terminant la formation. Pour les MOOC, <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/ritpu/2015-v12-n1-2-ritpu02919/1038837ar/">ce taux</a> est en moyenne entre 5 % et 10 %, sachant que les étudiants affirment généralement ne pas avoir trouvé dans les MOOC suivis les connaissances qu’ils cherchaient.</p>
<p>Les MOOC ont été développés par les établissements d’enseignement supérieur pour le grand public, mais leur développement est empreint du fonctionnement habituel de ces établissements, imposant leur logique synchrone – l’accompagnement des étudiants correspond à des périodes temporelles définies. Ainsi, la formation à la demande, <a href="https://moocs22.wordpress.com/2015/01/05/le-mooc-un-mode-dapprentissage-adapte-aux-exigences-daujourdhui/">hors contrainte</a> de temps et de lieu – et qui était présentée comme l’un des <a href="https://moocs22.wordpress.com/2015/01/04/les-MOOC-interessent-les-recruteurs-et-les-ressources-humaines/">avantages</a> majeurs des MOOC – est perdue.</p>
<p>Évidemment, le développement de ces MOOC a motivé une montée en compétences de l’enseignement supérieur en termes de production de contenus vidéo et de création de nouveaux outils interactifs en ligne. Un effort accentué dernièrement par le confinement, qui a poussé à l’utilisation d’outil d’enseignement à distance.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-mooc-de-bons-outils-de-promotion-pour-les-universites-106107">Les MOOC, de bons outils de promotion pour les universités</a>
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<p>Mais il est clair que l’investissement nécessaire pour leur prise en main et leur utilisation n’est pas négligeable et cela rentre en conflit avec les habitudes des enseignants. Alors, comment redorer le blason du MOOC ?</p>
<h2>S’inspirer des tutoriels</h2>
<p>La jeune génération est unie par un réflexe commun : face à un problème technique, les étudiants ont tendance à se diriger vers les contenus vidéo, et les moteurs de recherche leur permettent d’accéder facilement à des tutoriels sur YouTube. On ne peut pas leur donner tort, sachant qu’il en existe aujourd’hui pour tous les problèmes auxquels vous pourriez penser. Et, dans beaucoup de cas, ces tutos jouissent d’une production d’une qualité excellente et sont animés par de jeunes vidéastes qui savent parfaitement rendre leurs contenus attractifs.</p>
<p><a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10459-014-9516-6">Cette attractivité</a> n’a pas qu’un intérêt esthétique : outre le fait de pouvoir conserver plus facilement l’attention, elle crée un ancrage émotionnel qui permet une meilleure rétention des connaissances. Autre avantage des tutos : ils abordent des sujets très précis, sont donc très courts et ne supposent pas de parcourir des heures de vidéo et de texte pour arriver à la solution du problème.</p>
<p>Comment intégrer ce que les tutos font de mieux pour rendre les MOOC plus performants ? La constitution de bibliothèques de contenus vidéos et interactifs est une piste. Elle doit permettre l’intégration facile de ces contenus dans les parcours de formation des étudiants, à l’image des modules développés sur <a href="https://www.fabadd-academie.fr/">fabadd-academie.fr</a> par cinq écoles, qui peuvent ensuite y piocher les contenus nécessaires à leurs plans de formation.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/SRpNOUQ2leo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Exemple de tutoriel (FabAdd Académie).</span></figcaption>
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<p>Il est en effet fréquent qu’une compétence technique « simple » soit nécessaire à plusieurs moments dans le cursus de l’étudiant. Par exemple, la rédaction d’un diagramme pieuvre. Cette compétence technique doit alors faire l’objet d’un « micro-MOOC » auquel on pourra alors faire appel à chaque fois que c’est nécessaire dans le parcours de formation de l’étudiant.</p>
<p>C’est cette forme de micro-MOOC qui semble aujourd’hui plus adapté aux besoins et aux capacités des publics actuels. En outre, la constitution des plans de formation par compétences, déjà bien mise en place dans les établissements d’enseignement supérieur, facilite grandement la constitution de ces bibliothèques de contenus en ligne en articulant chaque micro-MOOC autour d’une compétence précise.</p>
<p>Quant à <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10459-014-9516-6">l’attractivité</a>, il n’est pas toujours évident de produire des vidéos et des contenus interactifs face à la concurrence des vidéastes YouTube. Mais les étudiants ont ici un rôle à jouer, en remobilisant les systèmes de tutorat : la bonne compréhension d’une thématique ou d’une méthode peut être validée par la production d’une vidéo ou d’un contenu pédagogique qui pourront être utilisés par les autres étudiants.</p>
<h2>Les atouts de l’impression 3D</h2>
<p>Comme exprimé plus tôt, la logique synchrone appliquée aux MOOC en est aussi un frein majeur. Ce choix se fait, entres autres, pour simplifier les modalités d’évaluation en se rapprochant des modèles en présentiel : soutenances, rapports, examens, évaluation par les pairs, etc. Mais on pourrait laisser aux MOOC cette asynchronie dont ils ont besoin en les intégrant dans des parcours de formation qui eux, bénéficient de ces modalités d’évaluations synchrones.</p>
<p>Nous aurions alors, d’une part, les contenus en ligne qui sont indépendants, où les étudiants sont en auto-formation et auto-évaluation, et, d’autre part, le contenu complémentaire en présentiel. C’est cette construction de scénarios de formation hybride qui va rendre aux MOOC l’importance qu’ils promettaient, en les divisant en micro-MOOC précis et en les intégrant dans les parcours de formations dont les établissements d’enseignement supérieur sont porteurs.</p>
<p>Pour évaluer l’acquisition des compétences dans un parcours asynchrone, on ne dispose pour l’instant que de peu de moyens. Mais, dans le cas de l’ingénierie, l’impression 3D est une piste pertinente. De la même manière que le verbe cristallise la pensée, l’impression 3D peut cristalliser les compétences et ainsi offrir à l’étudiant un moyen plus objectif d’<a href="https://journals.openedition.org/ripes/991">évaluer ses acquis</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/dbLD0Ja0QuM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bande-annonce du MOOC sur l’impression 3D de la FabAdd Académie.</span></figcaption>
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<p>En effet, quoi de mieux que de concrétiser ses travaux de conception numérique pour analyser ses choix techniques ? Avec le système qu’il a conçu entre ses mains, l’étudiant peut facilement pointer du doigt ce qu’il a fait de bien et ce qu’il faudrait améliorer. La production rapide d’une conception (appelée prototypage rapide) est répandue dans les entreprises.</p>
<p>C’est précisément pour les mêmes raisons que la pièce imprimée en 3D va offrir à l’étudiant une visibilité pour s’auto-évaluer objectivement en confrontant ses idées de conceptions à l’utilisation réelle de la pièce finie. C’est la démarche d’évaluation qui a été <a href="https://www.epf.fr/actualite/evaluation-suite-la-continuite-pedagogique-epf-capsules-pedagogiques">mise en place</a> durant le confinement pour certains des futurs ingénieurs de l’EPF.</p>
<p>L’autre intérêt de l’impression 3D réside dans l’interactivité qu’elle offre aux étudiants qui suivent le MOOC. Un étudiant peut présenter la pièce imprimée ainsi que son autoévaluation, que les autres étudiants pourront alors commenter, et éventuellement y apporter des améliorations.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/universite-a-distance-en-afrique-des-experiences-encourageantes-pendant-la-crise-du-covid-141719">Université à distance : en Afrique, des expériences encourageantes pendant la crise du Covid</a>
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<p>La constitution de bibliothèques de contenus pédagogiques courts à multiples usages est donc un enjeu majeur de l’enseignement. Et ces contenus pédagogiques étant utilisables dans tous les parcours de formation, il est intéressant pour les établissements d’enseignement supérieur de coopérer sur leurs constructions afin d’en accroître au maximum la valeur ajoutée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/141715/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Gardan a reçu des financements de la Région Grand Est et de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (ESRI) Champardennais de l’ex-région Champagne-Ardenne.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Arthur Gontier a reçu des financements de la Région Grand Est et de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (ESRI) Champardennais de l’ex-région Champagne-Ardenne.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mahdi Chemkhi a reçu des financements de la Région Grand Est et de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (ESRI) Champardennais de l’ex-région Champagne-Ardenne.</span></em></p>Si les MOOC n’ont pas décollé autant qu’on l’espérait en 2010, c’est parce qu’ils se sont trop souvent calés sur le rythme des formations classiques. Voici des clés pour surmonter cet écueil.Julien Gardan, Enseignant-chercheur à l’EPF école d'ingénieur-e-s et Chercheur associé à l'UTT (équipe LASMIS), EPF – UGE, Université de Technologie de Troyes (UTT)Arthur Gontier, Ingénieur de coordination pédagogique - fabrication additive, EPF – UGEIMahdi Chemkhi, Enseignant-chercheur à l’EPF école d'ingénieur-e-s et Chercheur associé à l'UTT (équipe LASMIS), EPF – UGEILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1417192020-07-02T19:45:31Z2020-07-02T19:45:31ZUniversité à distance : en Afrique, des expériences encourageantes pendant la crise du Covid<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/344823/original/file-20200630-103653-t3zgkt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2440%2C1696&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'efficacité des dispositifs d'enseignement à distance réside dans leur caractère hybride.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-vector/modern-education-concept-science-icons-laptop-1113998933">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Les MOOC et autres cours en ligne sont apparus depuis 15 ans comme des <a href="https://theconversation.com/mooc-en-afrique-des-promesses-de-louverture-aux-realites-de-lappropriation-76551">réponses techniques</a> presque « miraculeuses » face à la massification de l’enseignement en Afrique, le <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/05/a-dakar-l-education-reinventee-avec-le-monde-afrique_5392774_3212.html">nombre d’inscrits</a> n’étant plus un facteur limitant dès lors qu’il suffit d’une bonne connexion pour suivre une formation. Les infrastructures universitaires, comme le ratio étudiants/enseignant, peuvent ainsi être – au moins partiellement – découplées des dynamiques de croissance démographique, sans nuire à l’efficacité pédagogique recherchée.</p>
<p>Pourtant, le miracle attendu tardait à se matérialiser de façon extensive, hormis <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/01/06/les-MOOC-massifs-ouverts-et-africains_4550100_3212.html">d’intéressantes expériences</a>. Et voici que surgit le confinement planétaire généralisé, obligeant tous les établissements et les acteurs individuels ou collectifs à produire des solutions, souvent basées sur les outils numériques.</p>
<p>En effet, l’institution universitaire dans son ensemble n’a pas renoncé à sa mission pour cause de pandémie. Elle s’est au contraire efforcée de poursuivre ses activités d’enseignement et de recherche, en Afrique comme ailleurs. Pour ce faire, elle a dû substituer au contact immédiat et physique de la relation pédagogique in situ une communication médiatisée par ordinateur (ou autre support non présentiel) dans un espace au moins partiellement numérique. De nombreux témoignages montrent que cela ne fût pas simple.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1257119191649394689"}"></div></p>
<h2>Capacité d’improvisation</h2>
<p>Le défi a pourtant été relevé, bien souvent avec succès. Comment ? Pour le comprendre, nous avons mené une petite enquête auprès de 40 établissements en Algérie, au Maroc et en Tunisie autour de quelques questions ouvertes adressées aux enseignants-chercheurs et doctorants :</p>
<ul>
<li><p>Avez-vous pu poursuivre les enseignements ?</p></li>
<li><p>Sous quelles modalités ?</p></li>
<li><p>Quelles limitations avez-vous rencontrées ?</p></li>
<li><p>Comment ont réagi vos étudiants ?</p></li>
<li><p>Quels enseignements en tirer pour le futur ?</p></li>
</ul>
<p>On trouve parmi les répondants, autant d’hommes que de femmes ; des seniors et des juniors ; des représentants des sciences exactes, de la nature, des sciences humaines et sociales, de l’ingénierie et du management ; provenant de la capitale, de ses banlieues ou de la province ; d’établissements privés et publics, écoles ou universités.</p>
<p>Rien ne permet de prétendre que leurs réponses soient représentatives d’une majorité des comportements de leur communauté académique. Mais elles sont extrêmement suggestives d’une capacité d’improvisation étonnante, de façon dispersée, presque spontanée.</p>
<p>Tout d’abord, la totalité des personnes affirme avoir poursuivi les enseignements, sous une forme ou sous une autre, malgré le confinement. La plupart d’entre elles relèvent qu’aussi bien les cours magistraux, que les travaux dirigés et même des ateliers pratiques se sont déroulés, dans des conditions adaptées.</p>
<p>Les programmes ont été respectés, dans l’ensemble, même si les examens ont souvent été différés pour pouvoir se tenir en présentiel à l’automne plutôt qu’au printemps. L’encadrement de recherches (master et doctorat) et les soutenances se sont déroulés à distance systématiquement.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1252365353335709698"}"></div></p>
<p>Les modalités de cours à distance sont des plus variées et combinent de multiples options :</p>
<ul>
<li><p>chaînes de télévision, canaux radios, vidéos YouTube, pour la diffusion ;</p></li>
<li><p>Zoom, Skype, Google Meet, Microsoft Teams, Jitsi, Cisco Webex, pour les cours en mode synchrone avec interactions ;</p></li>
<li><p>Whatsapp, Facebook, mails ou forums pour les discussions ou échanges différés ;</p></li>
<li><p>plates-formes Moodle ou ad hoc de l’établissement, pour le dépôt de documents et supports de cours accessibles hors ligne, notamment pour les étudiants de secteurs ruraux dépourvus d’ordinateur permanent ;</p></li>
<li><p>et même jusqu’à l’envoi dans leurs quartiers ou villages de clés USB parfois…</p></li>
</ul>
<p>Chacun jongle avec sa palette d’options mais une organisation collective, ou la préexistence d’infrastructures, facilitent aussi parfois l’adaptation au pied levé : ainsi l’<a href="https://www.uvt.rnu.tn/">Université Virtuelle de Tunis</a> est mise à profit par ses voisines pour bénéficier de ses plates-formes Moodle et Google classroom.</p>
<p>Des formations accélérées sont dispensées aux enseignants et aux étudiants les deux premières semaines après la fermeture pour se familiariser tant avec des applications standards que spécifiques. Les responsables de départements organisent la diffusion des cours selon les listes administratives dont ils disposent. S’il y a bien une part de créativité et d’initiative des enseignants, l’accompagnement structurel (matériel ou organisationnel) joue aussi un rôle manifeste.</p>
<h2>Difficultés rencontrées</h2>
<p>Plusieurs limitations sont cependant pointées du doigt. La première, la plus importante car sans cesse mentionnée, semble être les problèmes de débit. Ils sont récurrents au Maghreb et en Afrique quoique de façons diverses. La faiblesse du réseau contraint fortement toutes les communications aux informations denses que supposent les enseignements à distance.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1259961957576310785"}"></div></p>
<p>Cependant, les acteurs parviennent à les surmonter en recourant à des options de mitigation, de contournement ou d’adaptation. Les solutions relèvent de la technique, du social ou les deux : hébergement sur des serveurs centraux, enregistrements des cours pour consultation lors de séquences allégées du réseau, versions écrites substituables aux visios, recours au mail en cas de défaillance des plates-formes.</p>
<p>Un deuxième problème est celui du besoin de préparation. Les personnes expriment la nécessité de se former à la pratique pédagogique avec ces outils. L’âge de l’enseignant joue alors un rôle, les jeunes s’avérant plus flexibles que leurs aînés.</p>
<p>La proximité avec les services d’appui technique (informatique universitaire) se révèle alors déterminante. Les réactions divergent entre ceux pour qui cette situation nouvelle est une occasion d’exploration et ceux qui attendent que les solutions institutionnelles soient produites pour les accompagner. La plupart des personnes interrogées expriment pourtant une bienveillante curiosité pour ces nouveautés.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1273923862435069953"}"></div></p>
<p>La question sociale est souvent évoquée. Diverses réponses y sont apportées : fourniture d’ordinateurs parfois, recours au téléphone portable et ses applis gratuites, séquences d’accès temporaire à l’informatique… L’absence absolue d’électronique semble en tout cas rédhibitoire. La mobilisation exceptionnelle des opérateurs téléphoniques privés, acceptant de rendre gratuit l’accès aux ressources éducatives pendant le temps du confinement, est souvent soulignée.</p>
<p>Enfin, le lien avec les étudiants est objet de commentaires contrastés. Non sans surprise, l’aisance de la communication est souvent soulignée : la distance régule le dialogue, il suffit de poser les cadres au départ, pour des séances interactives économes. Mais les difficultés sont également relevées : « rien ne remplace le présentiel ; ça manque d’âme ; comment faire aimer les manips, à distance ? » se plaint une jeune biologiste marocaine. « C’est très fatigant. Deux heures face à des étudiants qui n’activent pas leur caméra et dont on ne peut pas voir les réactions… », confie un professeur algérien chevronné.</p>
<h2>Satisfaction et défis</h2>
<p>Surmonter l’absentéisme et assurer l’égal accès de tous aux cours est une préoccupation exprimée : « Des évaluations sont faites régulièrement par l’école afin de recenser les difficultés rencontrées par les étudiants, qu’elles soient personnelles, techniques ou sanitaires, et ce, afin de trouver des solutions permettant de minimiser les inégalités dues à la fracture numérique et sociale », précise une maîtresse de conférence algérienne. Les enregistrements en « capsules vidéos » sont primordiaux et à défaut le rattrapage des cours pendant l’été est parfois proposé.</p>
<p>Finalement, à partir de cette expérience dans des conditions imposées et exceptionnelles, tous les enseignants considèrent que les formules à distance méritent d’être développées. Certains dressent même un cahier des charges pour leur ministère de tutelle, au vu des besoins identifiés en exercice : augmentation de la bande passante, formation intensive au e-learning, ingéniérie, pédagogique, protection intellectuelle… des aspects fort divers émergent des réflexions émises.</p>
<p>Tous insistent sur la conscience enseignante et la maturité étudiante pour que fonctionne bien la relation de travail à distance. Mais ne seraient-ce pas là des fondamentaux de la relation maître-élève ?</p>
<p>Plusieurs enseignements originaux peuvent être tirés de cette petite enquête. Le premier réside dans le constat rassurant de la faisabilité d’une option numérique extensive : point n’est besoin d’un package technologique intégré, sophistiqué et coûteux. La combinaison de différents outils existants, aux fonctionnalités complémentaires, suffit la plupart du temps. Cette modularité rassurera ceux qui hésitent devant des investissements massifs considérés – à tort, on le sait désormais – comme décisifs.</p>
<p>Le deuxième constat n’est pas moins encourageant pour tous les acteurs universitaires : point n’est besoin de les exclure des options à distance pour les remplacer par d’autres, par exemple les grandes plates-formes spécialisées. Les établissements eux-mêmes ont pris en charge leurs étudiants via de nouvelles formules et les enseignants les ont développées sur le terrain, dans une relation renouvelée.</p>
<p>Enfin, la sempiternelle inquiétude du remplacement des humains par les machines doit être écartée au vu de cette expérience : l’efficacité des dispositifs d’enseignement à distance réside dans leur <a href="https://www.universityworldnews.com/post.php?story=20200528134934520">caractère hybride</a> (blended technology) ; l’intensité de la relation humaine reste au cœur de la <a href="https://www.universityworldnews.com/post.php?story=20200528134934520">réussite pédagogique</a>.</p>
<p>Ce n’est pas la moindre des espérances qui ressort de cette enquête venue d’Afrique du Nord pour le reste du continent : <a href="https://www.cairn.info/revue-journal-of-international-mobility-2017-1-page-75.htm">l’expansion</a> de la demande universitaire n’a pas de facteur humain limitant. Celui du numérique potentialise la réponse – sociotechnique – à <a href="https://www.universityworldnews.com/post.php?story=20200511100801516">l’exercice de cette ressource</a> humaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/141719/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Baptiste Meyer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Retour sur une enquête auprès d’enseignants-chercheurs et étudiants dans 40 établissements d’enseignement supérieur.Jean-Baptiste Meyer, Directeur de recherche (Centre Population et Développement), Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1407652020-06-18T17:53:41Z2020-06-18T17:53:41ZFaut-il renoncer au numérique pour l’éducation ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/342224/original/file-20200616-23243-1i0mpwz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=608%2C5%2C1090%2C614&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le numérique n’est pas seulement une technologie. Il correspond aussi et surtout à des transformations de nos sociétés et de nouveaux « arts de faire ».</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Nous le savons, le numérique n’est pas seulement une technologie. Il correspond aussi et surtout à des transformations de nos sociétés et de nos cultures, de nouveaux « arts de faire » et de nouvelles manières de vivre. Il offre des opportunités pour le développement personnel de chacun et de celui du monde qui nous entoure. Il apporte aussi des menaces individuelles et sociales sur l’emploi, sur le respect de la vie privée et sur la démocratie.</p>
<p>En France, le discours public sur le numérique dans l’éducation témoigne de ces risques. Les derniers mois qui ont précédé la pandémie de coronavirus, il était beaucoup question des risques d’addiction aux écrans et de leur corollaire en termes de dette de sommeil, d’affaiblissement de l’attention et d’exposition à la violence. La période de confinement et celle qui lui succède ont déplacé le regard vers ce qu’il a été convenu de qualifier de fractures numériques. C’est souvent un discours de prudence et parfois de peur.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-adolescents-face-aux-ecrans-faut-il-repenser-le-discours-de-prevention-129675">Les adolescents face aux écrans : faut-il repenser le discours de prévention ?</a>
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<p>On parle beaucoup des risques mais on parle moins des apports du numérique à l’éducation des jeunes ni de l’ouverture qu’il leur donne, sur les autres et le monde. Pourtant, c’est justement parce que nous observons au quotidien la façon dont les techniques numériques sont souvent mises au service de projets plus aliénants qu’émancipateurs que nos institutions éducatives doivent jouer leur véritable rôle : former des citoyens responsables qui sauront, mieux que leurs aînés, mettre l’homme au centre des préoccupations et la technique à notre service.</p>
<h2>Inverser le point de vue</h2>
<p>En France, les premières expérimentations autour de l’informatique scolaire datent des années 1960. La question posée à l’époque sous-tend encore aujourd’hui l’essentiel des politiques éducatives numériques. On peut la résumer ainsi : que peut-on faire de ces techniques à l’école ?</p>
<p>La question semble étrange. Elle postule que ces techniques de traitement de l’information et de la communication ont forcément un intérêt pour l’enseignement. Elle est étrange car elle ne dit rien de la finalité des usages du numérique. Ces incertitudes sont très inconfortables pour les enseignants. Depuis 30 ans, les plans nationaux se succèdent. Ils articulent avec plus ou moins de bonheur des équipements, des ressources et de la formation des enseignants. Plus d’équipements que de ressources, et plus de ressources que de formation des enseignants.</p>
<p>Concrètement, le système éducatif fourmille d’initiatives intéressantes, sans que cette logique d’innovation ascendante ne se traduise par des usages à grande échelle avec de bonnes garanties d’efficacité éducative. Dans le même temps, les élèves et les enseignants arrivent à l’école avec un smartphone dans la poche. Ce n’est pas seulement un équipement personnel, puissant, connecté et nomade qui entre à l’école, ce sont de nouvelles habitudes, de nouvelles activités, de nouveaux comportements et de nouvelles attentes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/temoignage-enseigner-les-sciences-experimentales-a-lheure-de-la-distanciation-sociale-138146">Témoignage : Enseigner les sciences expérimentales à l’heure de la distanciation sociale</a>
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<p>C’est pourquoi il semble que nous ne regardions peut-être pas dans la bonne direction. Sans doute faut-il poser la question de ce que l’on peut faire du numérique à l’école. Mais il faut impérativement se demander aussi ce que le numérique fait à l’école. Comment la met-il <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01216702/document">sous tension</a>, à mesure qu’il transforme la société ? Bref, il faut inverser la question initiale.</p>
<h2>Objet d’apprentissage</h2>
<p>Les techniques numériques offrent de nouveaux outils, de nouveaux services et de nouvelles ressources pour enseigner et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=IqCVrNMp_oQ">apprendre autrement</a>. On peut citer les apports des nouveaux modes de représentation de l’information avec la réalité immersive, les nouvelles possibilités d’interactions didactiques avec l’intelligence artificielle, les nouvelles possibilités d’enseigner et d’apprendre à distance ou les nouvelles possibilités d’accompagner les parcours d’apprentissage des élèves avec les techniques de <em>learning analytics</em>. Et bien d’autres possibilités encore…</p>
<p>Pourtant, beaucoup d’études montrent que l’essentiel des pratiques pédagogiques qui utilisent le numérique le font pour instrumenter des activités que l’on pouvait déjà réaliser sans le numérique – parfois avec plus d’efficacité. Les raisons de ces mésusages sont nombreuses – budgets de développement insuffisants, quasi-absence de formation initiale et continue des enseignants, etc. Or, ce que confirment ces études, c’est que l’intérêt des techniques numériques dans les activités d’apprentissage ne repose ni sur la fréquence de leur utilisation, ni sur leur durée, mais sur leur qualité et leur pertinence.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/342227/original/file-20200616-23261-13itns.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/342227/original/file-20200616-23261-13itns.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/342227/original/file-20200616-23261-13itns.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/342227/original/file-20200616-23261-13itns.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/342227/original/file-20200616-23261-13itns.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/342227/original/file-20200616-23261-13itns.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/342227/original/file-20200616-23261-13itns.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les techniques numériques offrent de nouvelles ressources pour enseigner et apprendre autrement.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-vector/vector-illustration-flat-style-online-education-1043756827">Shutterstock</a></span>
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<p>Le numérique est aussi un objet d’apprentissage. Il s’agit là d’une éducation au numérique qui va de la connaissance des enjeux sociétaux qu’il soulève jusqu’à une connaissance technologique minimale, en passant par des compétences d’utilisation que la simple pratique, aussi intensive soit-elle, ne suffit pas à développer. <a href="https://www.clemi.fr/">L’éducation au numérique</a> est bien sûr une responsabilité majeure des institutions éducatives car elle est indispensable à l’éducation du citoyen.</p>
<p>Enfin les usages multiples et massifs du numérique ont transformé et continuent à transformer nos cultures. Nous n’avons plus le même rapport à l’information et à la connaissance, plus le même rapport à l’espace et au temps, plus le même rapport à autrui et à nous-mêmes, plus le même rapport, enfin, avec tous nos actes de production et de création.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/covid-19-ce-que-la-continuite-pedagogique-nous-apprend-de-lecole-138340">Covid-19, ce que la continuité pédagogique nous apprend de l’école</a>
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<p>C’est une véritable <a href="https://techne.labo.univ-poitiers.fr/gtnum5-cultures-numeriques/">acculturation de l’école</a> qu’il convient d’opérer. Elle demande sans doute moins d’ordinateurs, de tablettes et de réseaux – même s’il en faut – que de réflexions sur les espaces et les temps scolaires, sur les relations entre les élèves et avec les enseignants, sur de nouvelles activités d’apprentissage qui favorisent l’engagement et la créativité.</p>
<h2>Équipements et pratiques</h2>
<p>Depuis une bonne dizaine d’années, les politiques déployées visent essentiellement l’équipement individuel des élèves. En France, les deux tiers des fonds publics alloués au numérique éducatif le sont pour acheter des ordinateurs portables et des tablettes tactiles, soit environ deux milliards d’euros au cours des dix dernières années. C’est beaucoup d’argent ! C’est même trop en proportion de la <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-service-public-numerique-pour-leducation">totalité des dépenses</a> car cela ne permet pas d’acquérir la connectivité, les ressources ni de financer la formation des enseignants. Et cela reste pourtant insuffisant pour acquérir des équipements pour tous les élèves et les renouveler au fur et à mesure de leur obsolescence.</p>
<p>Aujourd’hui, le taux d’équipement est d’environ 8,5 élèves par terminal de travail à l’école primaire, de 3 en collège et de 2,5 en lycée et il sera difficile de faire mieux voire de maintenir ces taux d’équipement dans la durée. Cela signifie que nous n’avons pas les moyens d’une politique d’équipement systématique des élèves. Nous devons nous reposer sur l’équipement des élèves par leurs familles et reporter les dépenses publiques vers l’aide à l’équipement des familles plus modestes, la réduction des zones blanches, l’acquisition d’équipements collectifs, de ressources de qualité et vers la formation des enseignants.</p>
<p>Le <a href="https://hal.inria.fr/hal-02410129/document">coût environnemental</a> du numérique est très important. Toutes les études montrent que nous devons réagir fortement et rapidement. Cela signifie que nous devons aussi penser le numérique éducatif dans cette perspective.</p>
<p>Nous pouvons le faire de deux façons. La première est de sensibiliser les enseignants et leurs élèves à cette question de <a href="https://theshiftproject.org/article/pour-une-sobriete-numerique-rapport-shift/">soutenabilité environnementale</a> des usages des techniques numériques et d’indiquer comment chacun peut avoir des usages plus responsables avec un impact environnemental plus réduit. La deuxième est de s’interroger sur l’utilité du recours au numérique éducatif. Quand il existe une véritable plus-value pédagogique ou didactique, il ne faut pas hésiter à mobiliser ces techniques. Dans le cas contraire, mieux vaut y renoncer. C’est un principe de parcimonie.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/342229/original/file-20200616-23231-1g2wb6z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/342229/original/file-20200616-23231-1g2wb6z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/342229/original/file-20200616-23231-1g2wb6z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/342229/original/file-20200616-23231-1g2wb6z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/342229/original/file-20200616-23231-1g2wb6z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/342229/original/file-20200616-23231-1g2wb6z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/342229/original/file-20200616-23231-1g2wb6z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La plus grande attention doit donc être portée, bien au-delà du respect du règlement général sur la protection des données (RGPD), aux données collectées.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-vector/abstract-technology-user-interface-vector-futuristic-1494004835">Shutterstock</a></span>
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<p>D’autre part, les traces des activités numériques des élèves constituent autant de <a href="https://www.educnum.fr/fr/le-collectif-educnum">données personnelles</a> qui témoignent de la dynamique de leurs apprentissages mais aussi de leurs comportements et des valeurs qui les animent. Il en va de même des traces numériques des enseignants qui révèlent leur personnalité et détaillent leurs pratiques professionnelles.</p>
<p>La plus grande attention doit donc être portée, bien au-delà du respect du règlement général sur la protection des données (RGPD), aux données collectées, à qui les collecte, aux conditions de leur stockage, aux usages qui en sont faits et à la sécurisation de l’ensemble. On le sait, la question de l’éthique est le plus souvent posée lorsque les services numériques existent déjà alors qu’elle devrait l’être dès leur conception.</p>
<p>Tous les usages éducatifs des techniques numériques ne sont donc ni souhaitables ni possibles, pour des raisons éducatives mais aussi économiques, environnementales et éthiques. Ce sont quatre contraintes que nous devons intégrer à nos politiques. Il ne faut pas uniquement se demander ce que nous pourrions bien faire de ces techniques, seulement parce qu’elles sont disponibles, parce qu’elles sont modernes ou parce que les marchés éducatifs alimentent la croissance économique.</p>
<p>Ce sont les objectifs premiers de l’école qui doivent nous guider : la réduction des inégalités sociales et l’éducation de citoyens émancipés. Il s’agit donc moins de penser les usages des techniques numériques à l’école que de repenser l’école à l’ère du numérique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/140765/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pour ses travaux de recherche, Jean-François Cerisier a reçu des financements de collectivités territoriales (Région Nouvelle-Aquitaine, Grand Poitiers), de l'État (MENJ, MESRI, ANR, ANRT), de programmes européens, de la Fondation MAIF et de la Cour des comptes.</span></em></p>Certes, il faut se demander ce que l’on peut faire du numérique à l’école, mais aussi voir ce que le numérique fait à l’école. Comment la met-il sous tension, à mesure qu’il change la société ?Jean-François Cerisier, Professeur de sciences de l'information et de la communication, Université de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1398982020-06-15T20:28:38Z2020-06-15T20:28:38ZCovid-19 : une redistribution des cartes dans l’enseignement supérieur mondial ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/341281/original/file-20200611-80770-1vd7jo9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C998%2C702&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’apparition de nouveaux critères peut à terme modifier les équilibres du panorama mondial de l’enseignement supérieur.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Gérée comme une crise sanitaire, la pandémie de Covid-19 bouleverse presque tous les aspects de la vie et de l’organisation de nos sociétés, y compris l’enseignement supérieur. L’une des premières mesures destinées à enrayer la diffusion d’une épidémie considérée comme hautement contagieuse a été le confinement, en Italie d’abord puis ailleurs.</p>
<p>Même dans les pays qui n’ont pas pris de mesures de confinement obligatoire au niveau fédéral ou national, comme les États-Unis, l’Australie et la Russie, la plupart des universités ont été contraintes de fermer leur campus au public et de suspendre l’enseignement en face à face pendant plusieurs semaines.</p>
<p>L’<a href="https://en.unesco.org/covid19/educationresponse">Unesco</a> a suivi au jour le jour la situation et montre que cette fermeture des espaces d’accueil physique des étudiants a été l’une des mesures de prévention les plus répandues. Le 12 avril 2020, on comptait 195 pays ayant fermé au public l’intégralité de leurs établissements.</p>
<p>Ainsi, en dépit des différences nationales, tous les établissements d’enseignement supérieur ont été confrontés, subitement, à l’impossibilité d’assurer l’une des leurs missions constitutives, dans sa modalité la plus ancienne et la plus traditionnelle : le face-à-face entre l’enseignant et l’étudiant. En France, comme dans beaucoup d’autres pays, les pouvoirs publics ont demandé aux établissements d’assurer une « continuité pédagogique » pour reprendre les mots de la <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid150297/covid-19-mesures-prises-par-le-gouvernement-pour-les-etablissements-d-enseignement-superieur-et-de-recherche.html">ministre de l’Enseignement supérieur</a> le 13 mars.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1257119191649394689"}"></div></p>
<p>On leur demandait en réalité tout l’inverse, car l’enjeu était d’assurer la continuité de leur mission précisément par une rupture pédagogique. Il s’agissait d’accélérer radicalement la transition d’un enseignement « en présentiel » à un enseignement « en distanciel ». L’incertitude généralisée actuelle – sanitaire, économique et sociale – bouscule les habitudes et les points de repère de tous les acteurs : enseignants, étudiants, administrateurs et dirigeants. Les conditions dans lesquelles s’effectuera la prochaine rentrée universitaire demeurent imprécises.</p>
<p>Si certains établissements – comme <a href="https://www.bbc.com/news/education-52732814">Cambridge</a> University en Angleterre ou <a href="https://www.nytimes.com/2020/05/12/us/cal-state-online-classes.html">California State University</a>, la plus grande université publique des États-Unis – ont pris des décisions drastiques annonçant un enseignement entièrement à distance jusqu’à l’été 2021, il ne s’agit là que d’une minorité. À ce jour, <a href="https://www.chronicle.com/article/Here-s-a-List-of-Colleges-/248626">67 % des universités américaines</a> envisagent une année en présentiel, 16 % hésitent ou n’ont pas encore pris de décision, tandis que 17 % ont opté pour l’« online » ou l’hybride.</p>
<h2>Nouvelles lignes de force</h2>
<p>L’enseignement à distance n’est certes pas une nouveauté en soi. Depuis les années 1960, et bien avant l’engouement récent pour les MOOC, les modalités de formation se sont adaptées aux apprenants qui, pour des raisons géographiques, professionnelles ou familiales étaient incapables de venir en classe. <a href="http://www.openuniversity.edu/">L’Open University</a> en est un exemple.</p>
<p>C’est donc le passage brusque et contraint à un enseignement entièrement à distance qui génère stress et désorientation, notamment chez les <a href="https://www.mediterranee-infection.com/wp-content/uploads/2020/04/Note-n2-impact-sante-mentale.pdf">jeunes adultes</a>. Ces considérations sont exacerbées par un sentiment d’imprévisibilité plus général, lié aux perspectives de récession économique mondiale et de contraction du marché de l’emploi annoncées par le <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/04/14/coronavirus-le-fmi-predit-une-recession-mondiale-historique-avec-un-recul-de-la-croissance-estime-a-3-en-2020_6036559_3234.html">Fonds monétaire international</a> (FMI).</p>
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<figcaption><span class="caption">Mars 2020, passage à l’enseignement à distance à Harvard (WCVB Channel 5 Boston).</span></figcaption>
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<p>Rappelons que les flux migratoires pour des raisons d’études n’ont fait qu’augmenter dans le monde depuis les années 1990, passant de 2,1 millions d’étudiants en 2001 à <a href="https://data.oecd.org/fr/students/etudiants-en-mobilite-internationale.htm">4,6 millions en 2015</a>. En moins de trente ans, la mobilité essentiellement destinée à combler une offre insuffisante ou insatisfaisante dans le pays d’origine a laissé place à une mobilité beaucoup plus hétérogène et généralisée, avec une progression de la mobilité intra-régionale (<a href="https://journals.openedition.org/lectures/36000">Whitol de Wenden</a>, 2019).</p>
<p>Parallèlement à la valorisation croissante de l’expérience internationale, le désengagement progressif et généralisé des États du financement de l’université a entraîné une transformation profonde de son modèle économique. Des logiques de marché et de concurrence entre établissements sont apparues pour attirer les talents à l’échelle mondiale. Depuis les années 1990, la <a href="https://www.cairn.info/revue-critique-internationale-2008-2-page-67.htm">compétitivité internationale</a> de l’enseignement supérieur est inscrite au cœur des stratégies de développement économique de quasiment tous les pays. Les « global rankings » qui apparaissent dès 2003 sont liés à ces mutations et les accélèrent.</p>
<p>Les nombreuses initiatives de certains pays et établissements pour devancer leurs concurrents dans la compétition au recrutement commencent pourtant à se heurter à de nouveaux freins à la mobilité : les attentats terroristes dans le pays du Nord, les évènements climatiques extrêmes, les tensions aux frontières, l’infléchissement des politiques migratoires. En dépit des alertes et prévisions de <a href="https://www.who.int/news-room/feature-stories/ten-threats-to-global-health-in-2019">l’OMS qui, déjà, en 2019</a> avait classé la pandémie grippale parmi les trois premières menaces à la santé mondiale, la <a href="https://www.timeshighereducation.com/blog/global-he-we-know-it-has-forever-changed">nouvelle perception</a> du risque sanitaire par les étudiants entre soudain en compte dans leurs choix.</p>
<p>Les candidats et leurs familles comparent désormais la réputation des pays en matière d’assistance d’urgence et de soins, leur qualité et leur coût. L’apparition de nouveaux critères peut à terme modifier les équilibres du panorama mondial de l’enseignement supérieur.</p>
<p>Historiquement dominé par l’hégémonie des pays occidentaux de langue anglaise (États-Unis, Royaume-Uni, Australie, Canada et Nouvelle-Zélande accueillent <a href="https://www.iie.org/en/Research-and-Insights/Project-Atlas/Explore-Data/Infographics/2017-Project-Atlas-Infographics">plus de 50 % de la mobilité internationale</a>), le marché des études supérieures est aujourd’hui organisé autour du modèle de l’université de recherche dont l’illustration la plus emblématique est l’Ivy League américaine.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1151738587047743489"}"></div></p>
<p>La situation n’est pourtant pas stable. Le curseur se déplace progressivement vers les pays d’Asie qui, portés par leur développement économique et leur poids géopolitique, attirent de plus en plus d’étudiants étrangers, alors qu’ils étaient (notamment la Chine et la Corée du sud) des pourvoyeurs de mobilité sortante.</p>
<p>Depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump et l’adoption de mesures restrictives en direction des ressortissants de certains pays, les États-Unis enregistrent un fléchissement discret mais constant des candidatures venant de Chine, d’Inde, du Moyen-Orient, trois pays qui alimentent aujourd’hui une grande partie de ses universités. Les jeunes de ces pays se tournent aujourd’hui davantage vers le Canada et surtout vers l’offre régionale qui se renforce et gagne en prestige et visibilité, notamment en Asie et dans le pays du Golfe.</p>
<p>L’annonce récente d’une possible suppression du programme Formation pratique facultative (OPT), permettant aux jeunes diplômés de travailler légalement aux États-Unis dans l’année qui suit la fin des études supérieures, risque d’amplifier le phénomène.</p>
<h2>Retour de la pédagogie</h2>
<p>La crise du Covid-19 ne fait qu’accentuer des tendances déjà observées. Elle lève quelques-uns des obstacles qui ont empêché jusque-là les universités des pays émergents de concurrencer les grandes universités du monde anglo-américain. Le nerf de la guerre est essentiellement le corps professoral, qui pour diverses raisons d’ordre économique, statutaire, politique – ou tout simplement de style de vie – n’est pas près de renoncer aux conditions de travail et de recherche qu’offrent de lieux comme la côte est américaine ou la Silicon Valley.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-la-globalisation-bouleverse-luniversite-97017">Comment la globalisation bouleverse l’université</a>
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<p>L’expérimentation pédagogique qui a été menée pendant le confinement, dans des conditions extrêmes, mais généralement avec succès, peut être le prélude d’un retour de la pédagogie au centre de la formation. La crise a montré que la qualité de l’enseignement et la satisfaction des étudiants tient en grande partie à la conception du cours et à sa structuration, peut-être plus qu’à la liste des publications scientifiques de l’enseignant.</p>
<p>Ce n’est pas un hasard si le <a href="https://www.universityworldnews.com/post.php?story=20200604152303587">métier d’ingénieur pédagogique</a> a fait son apparition pour devenir, en l’espace de quelques semaines, un personnage-clef dans la vie des universités. Ni que les grandes universités américaines comme Harvard augmentent le nombre de formations en ligne à l’ingénierie et au design pédagogique.</p>
<p>Comme l’ont déclaré plusieurs présidents d’université et experts du monde arabe et d’Asie du sud, cette crise redistribue les cartes. Elle peut inciter des établissements situés en périphérie des grands flux à mutualiser leurs ressources avec des partenaires étrangers, ce qui accroît leur visibilité et la compétitivité des formations.</p>
<p>Les établissements situés dans des contextes instables et fragiles, comme la Palestine ou certains pays des continents africain et sud-américain, peuvent, par le développement d’un enseignement à distance de qualité, former des <a href="https://www.al-fanarmedia.org/2020/06/will-the-coronavirus-pandemic-help-reform-arab-higher-education/">publics traditionnellement exclus</a> ou éloignés des campus universitaires.</p>
<p>La réponse à ces tendances et à ces rééquilibrages variera selon la nature des enjeux liés à l’enseignement supérieur. Dans les pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie qui ont fait de leur enseignement universitaire une industrie de poids dans la croissance économique nationale, tous les moyens seront déployés pour reconquérir les étudiants, par des techniques de marketing adaptées et une politique de bourses et d’aide sociale volontariste.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1113274877329518592"}"></div></p>
<p>Il faudra aussi se prémunir contre le risque d’un désistement massif des candidats admis, d’une demande de remboursement de frais des étudiants mécontents ou d’un contentieux sur la qualité des cours. Certaines des universités les plus prestigieuses (telles la London School of Economics) dépendent en effet largement des frais de scolarités des étudiants étrangers.</p>
<p>Dans d’autres pays, comme la Chine, l’enjeu sera la capacité à s’appuyer sur les entraves à la mobilité internationale dans ce temps de crise pour encourager le retour des talents dans ses propres structures de recherche, et poursuivre ainsi son <a href="https://www.larecherche.fr/dossier/lenseignement-sup%C3%A9rieur-va-t-il-r%C3%A9ussir-le-pari-de-la-modernisation">ambition de développement économique par l’innovation scientifique</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/139898/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alessia Lefébure ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La mobilité des étudiants à travers le monde augmente depuis les années 1990 et, avec elle, la concurrence entre les établissements. La crise du coronavirus change-t-elle les lignes de force ?Alessia Lefébure, Directrice adjointe, directrice des études, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1327132020-04-28T19:32:48Z2020-04-28T19:32:48ZEdTechs : quelle place dans le monde d’après ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/330764/original/file-20200427-145536-1b62bot.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C80%2C995%2C574&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La Chine et les USA concentrent près des deux tiers du marché mondial des EdTechs.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/elearning-on-virtual-screen-internet-education-673995580">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>L’essor d’Internet et des applications mobiles a donné naissance à une <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/soft-power/soft-power-le-magazine-des-internets-emission-du-dimanche-10-novembre-2019">nouvelle filière</a> économique, autour des technologies dédiées à la connaissance et la transmission, dites « EdTechs ». Employée aux États-Unis à partir de 2010, sous la plume de <a href="https://htirtayasa.files.wordpress.com/2010/09/educational-technology-a-definition-with-commentary-edited-by-januszewski-and-molenda.pdf">chercheurs américains</a>, cette appellation recouvre toute une diversité d’acteurs proposant des classes virtuelles, des préparations interactives aux examens, des solutions d’apprentissage des langues ou encore du soutien scolaire, des aides à l’orientation.</p>
<p>Les outils développés peuvent s’adresser aux seules équipes éducatives, dans les secteurs éducatifs et privés, ou directement au grand public, et s’organisent désormais en trois segments bien différents : le scolaire de la maternelle au lycée, l’enseignement supérieur, et la formation professionnelle. Dans tous les cas, l’accès au marché est complexe puisque l’utilisateur est rarement le payeur…</p>
<p>L’expérience du confinement et la généralisation de l’enseignement à distance vont-elles durablement changer la donne pour ces entreprises ?</p>
<h2>Dynamique internationale</h2>
<p>Selon le <a href="https://static1.squarespace.com/static/5935c1add2b8571dd44bbab0/t/5e724ae33e716747a4f1e132/1584548592296/Educapital+-+Rapport+Annuel+-+2019.pdf">rapport annuel</a> de Educapital, un fonds d’investissement spécialisé, 7 Mds de dollars auraient été investis en 2019 dans les EdTechs du monde entier.</p>
<p>La Chine et les États-Unis concentrent près des deux tiers du marché mondial, avec 2,4 Mds de dollars pour la Chine, 2,3 Mds de dollars pour les USA. L’Europe, qui faisait jusqu’ici figure de Petit Poucet avec 450 M d’euros en 2017 et 763 M en 2018, poursuit sa forte croissance. En 2019 elle a dépassé pour la première fois le seuil symbolique du milliard d’euros investi, tirée par les investissements français, britanniques et scandinaves.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/apprendre-une-langue-sur-le-web-la-revolution-de-lia-se-fait-attendre-129304">Apprendre une langue sur le web : la révolution de l’IA se fait attendre</a>
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<p>Mais les stratégies diffèrent fortement d’un pays à l’autre. Par exemple, en Chine, 64 % des investissements portent sur le segment scolaire car les parents sont habitués à payer pour la réussite de leurs enfants, alors qu’en France, ce segment peine à monétiser ses offres. Si les levées de fonds y ont doublé en un an, avec 11 M d’euros en moyenne en 2019, le marché reste modeste.</p>
<h2>Un marché français timide</h2>
<p>En France, la filière EdTechs compte entre 300 et 400 entreprises… Ce nombre fluctue au gré des créations, fusions et disparitions. Certaines ont atteint une belle notoriété. Parmi les plus connues, on peut citer le site de formation en ligne Openclassroom, Digischool, dédié aux 15-25 ans, ou la communauté d’enseignants en ligne Superprofs. Mais la grande majorité sont des start-up de moins de 10 salariés qui peinent à trouver leur modèle d’affaires.</p>
<p>Malgré « un certain technoscepticisme », les <a href="https://www.xerfi.com/presentationetude/Les-EdTech-a-l-horizon-2021_8SME87">analystes</a> notent plusieurs facteurs positifs.</p>
<p>Premièrement, depuis 2013, l’État se montre plutôt favorable. Le <a href="https://www.gouvernement.fr/conseil-des-ministres/2017-03-01/le-plan-numerique-pour-l-education">Plan numérique pour l’Éducation</a> de 2017 prévoyait que 50 % des établissements publics seraient équipés de tablettes ou d’ordinateurs. Même si « le bilan de sa mise en œuvre est décevant », selon un <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-service-public-numerique-pour-leducation">Rapport de la Cour des comptes</a>, le soutien politique est un signal fort.</p>
<p>Deuxièmement, la filière française se fédère. En mai 2018, l’association <a href="https://edtechfrance.fr/">EdTech France</a> entend faire de la France la <a href="https://edtechfrance.fr/manifeste/">« Edtech Nation »</a>. En 2020, EdtechFrance est un porte-parole reconnu qui compte désormais 250 membres et deux clusters régionaux autour de Paris et Lyon.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/soKjqxg2mSE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Rémy Challe, directeur de EdTech France, sur les tendances de 2020 (Centre Inffo).</span></figcaption>
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<p>Troisièmement, preuve supplémentaire de l’essor de ce marché, il existe désormais des fonds d’investissement dédiés. <a href="https://www.brighteyevc.com/">Brighteye Ventures</a>, <a href="https://www.educapital.fr/">Educapital</a> ou <a href="http://www.ibiscap.com/">Ibis Capital</a> s’intéressent de près à ce marché qui n’a <a href="https://lehub.bpifrance.fr/interview-marche-edtech-litzie-maarek-educapital/">pas encore fait sa révolution numérique</a>.</p>
<p>Quatrièmement, l’écosystème français est bien présent dans les salons et foires internationales. Les plus grands salons dédiés au digital accueillent de plus en plus d’EdTechs tricolores (le <a href="https://www.ces.tech/">CES</a> de Las Vegas, ou <a href="https://vivatechnology.com/">Vivatech</a> à Paris). Et elles occupent une place de choix dans les salons dédiés (le <a href="https://www.bettshow.com/">BETT</a> à Londres, le <a href="https://edtechxeurope.com/">EdtechXEurope</a>, ou encore le <a href="https://www.wise-qatar.org/">WISE</a> du Qatar, dont l’une des éditions régionales s’est tenue à Paris en 2019).</p>
<p>Enfin, cinquièmement, pour préparer l’avenir, des accélérateurs spécialisés s’établissent un peu partout sur le territoire, souvent hébergés par des écoles de management : <a href="http://www.learnspace.fr/">Learnspace</a> créé par une diplômée d’HEC, <a href="https://startuplab.neoma-bs.fr/fr/neoma-edtech-accelerator/">Neoma EdTech Accelerator</a> ou <a href="http://accelerator.em-lyon.com/ed-job-tech/">EM Lyon Ed Job Tech</a> entre autres, ont saisi l’intérêt de se rapprocher de ces nouveaux acteurs de la pédagogie.</p>
<h2>Le confinement, ni sacre ni massacre</h2>
<p>Toutes les EdTechs ne vont pas <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/04/07/ecole-a-la-maison-les-entreprises-ed-tech-esperent-tirer-leur-epingle-du-jeu_6035792_3224.html">tirer leur épingle du jeu</a> du fait de la fermeture des écoles. En réalité la filière est composée de start-up dont les situations sont extrêmement hétérogènes.</p>
<p>Pour certaines, la crise actuelle consacre des années d’expérimentation en un test grandeur nature. Ainsi, Lalilo, plate-forme pour les jeunes scolaires, <a href="https://web.babbler.fr/document/show/lalilo-en-premiere-ligne-dans-la-continuite-pedagogique-coronavirus/suggested_content#/">annonce</a> avoir enregistré en 4 jours les inscriptions de plus de 10 % des enseignants du cycle 2 (14 000 sur 135 000).</p>
<p>Chaque jour, les élèves français feraient plus d’un million d’exercices sur Lalilo contre 20 000 par jour en temps normal. Comme elle, d’autres EdTechs, propulsées sur le devant de la scène, profitent de la situation pour se faire connaître. Leurs <a href="https://solidarite.edtechfrance.fr/">offres solidaires</a> sont en accès gratuit, relayées par une très officielle <a href="https://mailchi.mp/travail.gouv.fr/lettrehebdo-formationjepassealaction-908613?e=5f5515a993">lettre d’information</a> du Ministère du Travail.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1239962096466567170"}"></div></p>
<p>Mais d’autres souffrent du confinement, en France comme ailleurs. En avril 2020, <a href="https://www.brighteyevc.com/">BrightEye Ventures</a>, a publié les <a href="https://www.brighteyevc.com/post/edtech-covid-survey">résultats d’un sondage</a> réalisé auprès d’entrepreneurs EdTech, majoritairement européens. Il en ressort que la crise actuelle ne semble pas un <a href="https://www.lesechos.fr/pme-regions/ile-de-france/la-fermeture-des-ecoles-loccasion-de-montrer-que-nos-solutions-fonctionnent-1190295">eldorado</a> pour tous les acteurs de la Edtech. Par exemple, sur le segment des PME et TPE, 43 % des répondants souffriraient d’une perte de clientèle.</p>
<p>Alors, une fois le confinement levé, on peut se demander si les EdTechs auront gagné de l’assurance ou perdu de leur prestance.</p>
<h2>Quel scénario pour quel casting final ?</h2>
<p>Dans le scénario le moins favorable aux EdTechs, on peut parier sur un arrêt brutal de leur utilisation dès la réouverture des établissements scolaires à partir du 11 mai 2020. Décriées pour leur propension à <a href="https://dissidences.hypotheses.org/12835">remplacer l’humain par les écrans</a> les solutions EdTechs pourraient être vite sacrifiées sur l’autel des valeurs plus humanistes du « monde d’après ».</p>
<p>Il n’y aurait alors toujours <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/societe/macron-ne-veut-pas-de-portable-a-l-ecole-une-interdiction-totale-est-impossible_1885204.html">pas de smartphones dans les écoles</a> et plus <a href="https://theconversation.com/comment-mettre-de-lecole-dans-le-smartphone-97722">d’écoles dans les smartphones</a>. Ironiquement, la générosité des EdTechs qui ont donné gratuitement accès à leurs ressources n’aurait servi qu’à souligner le manque d’autonomie de nombreux apprenants et les inégalités de l’<a href="https://www.wedemain.fr/Illectronisme-voyage-dans-une-France-mise-sur-la-touche_a4374.html">illectronisme</a>.</p>
<p>A l’opposé, le scénario le plus favorable serait le maintien d’une certaine dose d’apprentissage à distance, soutenu par la nouvelle <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/sciences-prospective/enfants-et-ecrans-comment-gerer-le-confinement-et-apres-1192716">tolérance des parents</a> vis-à-vis des écrans.</p>
<p>Les professeurs, dans le sillage de Michel Serres, appliqueraient la « présomption de compétences » à une génération de <a href="https://www.youtube.com/watch ?v=5fL4ZBDqQqU">Petites Poucettes,</a> avides de compléter les cours en face à face par des ressources digitales (<a href="https://eduscol.education.fr/langues-vivantes/enseigner/ressources-et-usages-numeriques/ressources-numeriques/banque-de-ressources-numeriques-educatives.html">BRNE</a>). Et le gouvernement orienterait vers les EdTechs les investissements du <a href="https://www.gouvernement.fr/le-programme-d-investissements-d-avenir">PIA</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/dossier-avec-le-coronavirus-le-defi-de-lecole-a-distance-pour-tous-134182">Dossier : Avec le coronavirus, le défi de l’école à distance… pour tous</a>
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<p>Une troisième voix se fait entendre pour construire une <a href="https://www.cri-paris.org/en/shared-documents/WEBSITE-CRI_PDF-un-plan-pour-construire-une-societe-apprenante-fr2018.pdf">société apprenante</a> qui placerait la collaboration et la culture numérique au centre des apprentissages scolaires. C’est peut-être là que se trouve le rôle clef des jeunes EdTechs : ni contre, ni à côté, mais au sein des écoles, elles-mêmes au cœur de la société, tout au long de la vie d’un individu.</p>
<p>En tout cas, tous les acteurs français tombent d’accord pour réclamer la protection de la <a href="https://www.thedigitalnewdeal.org/wp-content/uploads/Souverainete-educative_DigitalNewDealFoundation.pdf">souveraineté éducative</a> de l’appétit des GAFAM.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/132713/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alice Riou ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des applis de révisions scolaires aux formations professionnelles en ligne, le marché des EdTech est dynamique, mais encore modeste en France. Suite au confinement, peut-il changer d’échelle ?Alice Riou, Professeur Associé - Marketing et Innovation, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1242302019-10-09T18:50:56Z2019-10-09T18:50:56ZLe piège du pitch<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/294201/original/file-20190925-51438-16qtwbt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=38%2C93%2C973%2C587&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'enjeu du pitch pour l'entrepreneur : convaincre, séduire ou mourir.</span> <span class="attribution"><span class="source">Marjory Haringa/TEDx Haarlem</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Alors que notre start-up nation mobilise <a href="https://www.nouvelobs.com/economie/20190918.OBS18608/macron-veut-multiplier-les-licornes-francaises-en-semant-5-milliards-d-euros.html">5 milliards d’euros pour partir à la chasse aux licornes</a> et que la banque publique d’investissement (BPI) organise un <a href="https://www.bpifrance.fr/A-la-une/Evenements/Bpifrance-Inno-Generation-5-14319">show à Bercy pour les entrepreneurs</a>, il est urgent de mieux comprendre cet engouement pour phénomène start-up et en limiter ses effets pervers. Dans cet article, c’est le <em>pitch</em> que nous souhaitons questionner, <a href="https://www.chefdentreprise.com/Definitions-Glossaire/Pitch-336979.htm">cet exercice chronométré de communication orale</a> qui consiste à mettre en valeur son projet face à un partenaire ou investisseur potentiel.</p>
<p>Chercheurs en sciences de gestion passionnés d’entrepreneuriat, nous avons pu observer les coulisses de cette pratique du discours comme ethnographes. Cet article, qui présente un travail en cours, reflète les questions que nous avons été amenés à nous poser, ainsi que les concepts qui nous ont permis d’éclairer, déconstruire et mieux comprendre les enjeux sous-jacents à la pratique du pitch, dans ce qu’elle peut avoir de fascinant, mais aussi de discutable…</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/295249/original/file-20191002-49377-lmoda1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/295249/original/file-20191002-49377-lmoda1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/295249/original/file-20191002-49377-lmoda1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/295249/original/file-20191002-49377-lmoda1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/295249/original/file-20191002-49377-lmoda1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=561&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/295249/original/file-20191002-49377-lmoda1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=561&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/295249/original/file-20191002-49377-lmoda1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=561&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La pratique du pitch revêt aussi des aspects discutables… .</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fab Lentz/Unsplash</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un passage obligé</h2>
<p>« Je n’ai pas été convaincu. Son projet ne marchera jamais, il n’a pas le <em>mindset</em> (état d’esprit) ». Cette phrase, entendue dans les couloirs d’une <a href="https://www.dailymotion.com/video/x2fdbh0">soirée « elevator pitch »</a>, dans la bouche d’un business angel, résume parfaitement l’enjeu, parfois cruel pour le startupper en herbe, de ce type d’évènements : convaincre, séduire ou mourir.</p>
<p>Savoir présenter son projet dans un format oral court, dynamique et engageant est devenu un véritable art dont de multiples formations, ouvrages et MOOC promettent de nous révéler les secrets. Le pitch joue en effet un rôle primordial au début de l’aventure entrepreneuriale. Alors même que la start-up n’a encore pas de produit à présenter, ni même parfois de prototype, le discours demeure l’unique moyen de partager un projet, une réalité avec les différentes parties prenantes (investisseurs, partenaires, clients, premiers employés, etc.). C’est bien à travers le pitch que cette organisation naissante va créer son premier socle de légitimité, <a href="https://www.researchgate.net/publication/222662683_Legitimating_First_Organizing_Activities_and_the_Survival_of_New_Ventures">étape incontournable pour réunir les ressources</a> nécessaires à son développement.</p>
<p>Dès lors, le pitch va prendre une place prépondérante dans l’activité des startuppers et dans leur formation. Cette performance de <em>storytelling</em> est <a href="https://www.youtube.com/watch?v=QD2XB1jGpvA">travaillée et répétée</a>, en particulier dans les incubateurs et autres dispositifs d’accompagnement, où des concours de pitch sont organisés régulièrement. Cette pratique et ses codes viennent principalement de la Silicon Valley, ce qui en fait un exercice culturellement marqué, avec un <a href="https://theconversation.com/entrepreneurs-francais-reussissez-enfin-vos-pitchs-en-anglais-119142">vocabulaire largement anglophone</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/295247/original/file-20191002-49365-3g2ovr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/295247/original/file-20191002-49365-3g2ovr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/295247/original/file-20191002-49365-3g2ovr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/295247/original/file-20191002-49365-3g2ovr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/295247/original/file-20191002-49365-3g2ovr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/295247/original/file-20191002-49365-3g2ovr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/295247/original/file-20191002-49365-3g2ovr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/295247/original/file-20191002-49365-3g2ovr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les mots anglais ont envahi les présentations de start-up.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Clark Tibbs/Unsplash</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un exercice normé</h2>
<p>Cette influence culturelle se traduit bien souvent par une forte homogénéisation des discours. Ce phénomène atteint son paroxysme lors des concours de pitchs, où les projets semblent interchangeables tant les trames sont similaires à force de répétitions, au risque de les vider de leur sens.</p>
<p>Si la préparation d’un pitch peut faire l’objet d’un apprentissage, c’est avant tout parce qu’elle repose sur l’utilisation de techniques qui, une fois maîtrisées, assure l’efficacité du discours de l’entrepreneur. Parmi elles, la structuration de son argumentaire selon le diptyque expose – propose : la description initiale d’un problème, suivi de la proposition de valeur qui y apporte une solution innovante. La première phase est généralement illustrée de chiffres clés percutants ou d’une anecdote personnifiée, pour susciter l’empathie. Rappeler au public qu’il a déjà peiné à trouver un taxi un soir de match, caché les clefs pour notre hôte Airbnb dans une plante ou raté une fois son examen du code de la route ne fera que renforcer son attention lorsque retentira le désormais générique :</p>
<blockquote>
<p>« C’est pour ça qu’on a créée (nom), la première entreprise qui (offre une solution à ce problème)… »</p>
</blockquote>
<p>S’en suivra une suite d’estimations plus ou moins chiffrées démontrant pourquoi et comment cette solution est potentiellement profitable sur un marché mature (et pourquoi l’investisseur aurait tout intérêt à y investir ses deniers). Un bref catalogue des étapes déjà accomplies et des succès rencontrés achèvera de convaincre de la robustesse du projet. Enfin, l’entrepreneur se doit d’annoncer clairement ses intentions – recruter, lever de l’argent, inviter à un évènement – et appeler son audience à agir à son tour (<em>call to action</em>).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1142933158763126787"}"></div></p>
<p>Au-delà de ces figures de style relativement classiques, les formations au pitch insistent aussi sur l’importance du non verbal pour séduire son oratoire. Sourire, balayer son audience du regard, adopter des postures et gestes d’ouverture, se montrer enthousiaste et dynamique sont autant de procédés qui renforceront l’engagement de l’audience en campant fermement un personnage d’entrepreneur charismatique et passionné, un « visionnaire qui n’a <a href="https://theconversation.com/start-uppers-langoisse-derriere-le-reve-94446">pas froid aux yeux</a> ».</p>
<p>D’autres variables peuvent entrer en ligne de compte, telles que le sexe ou l’apparence physique du porteur de projet, comme <a href="https://www.pnas.org/content/pnas/111/12/4427.full.pdf">tendent à le montrer certaines études</a> (en bref, les investisseurs préfèrent les projets pitchés par des hommes attrayants). À travers le pitch et l’utilisation des différentes techniques enseignées dans les formations au pitch, c’est bien un idéal-type d’entrepreneur qui est performé.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"992284582807420929"}"></div></p>
<p>Dans son ouvrage, <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/actes-de-langage/1-quand-dire-c-est-faire/"><em>Quand dire, c’est faire</em> »</a> (<em>How to do things with words</em>) (1970), John Austin définit la fonction performative du langage comme un type d’expression réalisant ce qu’il énonce. L’apprenti entrepreneur se réaliserait en tant que tel dans le processus même de pitch de son projet : charismatique, ouvert aux opportunités, prêt à prendre des risques, leader d’une équipe (et donc par suite d’un marché). En performant ce rôle, il se conforme aux normes sociales en vigueur, figées par ceux qui jugent, évaluent et décident.</p>
<p>Si l’on peut replacer ce jeu d’acteur dans une stratégie visant l’obtention de ressources nécessaires à la poursuite du projet, ne peut-on pas questionner le mythe entrepreneurial qui en découle inévitablement ?</p>
<p>Si l’efficacité de ces techniques n’est pas mise en doute, leur (ré)utilisation presque systématique dans les évènements dédiés aux start-up pose question quant à leur pouvoir normatif.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/295250/original/file-20191002-49365-qsl9z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/295250/original/file-20191002-49365-qsl9z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/295250/original/file-20191002-49365-qsl9z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/295250/original/file-20191002-49365-qsl9z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/295250/original/file-20191002-49365-qsl9z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/295250/original/file-20191002-49365-qsl9z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/295250/original/file-20191002-49365-qsl9z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le pitch contraint le créateur d’entreprise à se conformer aux normes sociales en vigueur.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jordan Whitfield/Unsplash</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<h2>Un exercice normatif</h2>
<p>Cette pratique normée du discours entrepreneurial ne va pas sans poser de réelles questions éthiques. The Conversation a d’ailleurs déjà évoqué la question du pitch <a href="https://theconversation.com/start-up-frauduleuses-laveuglement-complice-des-investisseurs-105325">pour arnaquer</a> et <a href="https://theconversation.com/comment-le-discours-de-la-start-up-ornikar-lui-a-fait-froler-la-sortie-de-route-96548">celle des dommages collatéraux</a> créés par un discours disruptif.</p>
<p>Nous souhaitons ici soulever un mécanisme plus insidieux : le pitch n’est pas seulement un outil pour présenter une idée, il est aussi une pratique normative qui influence et modifie la nature même du projet.</p>
<p>Cette conclusion contre-intuitive est issue d’observations de terrain dans des dispositifs d’accompagnement à l’entrepreneuriat où deux mécanismes ont pu être observés :</p>
<ul>
<li><p>Pouvoir normatif endogène : des porteurs de projets se sont autocensurés, ont fait évoluer leur produit, leur stratégie voire même leur statut juridique pour correspondre aux canons du pitch qu’ils répétaient. Ainsi, un jeune entrepreneur a décidé d’abandonner le statut associatif qu’il visait au profit d’un modèle de société lucrative et miser sur un développement commercial plus agressif, dans le seul but d’afficher des perspectives de croissance plus conformes à celles attendues dans l’exercice du pitch.</p></li>
<li><p>Pouvoir normatif exogène : les mentors se retrouvent eux-mêmes piégés par les codes du pitch et influent, parfois à leur corps défendant, sur les porteurs de projets. Ils deviennent porteurs involontaires d’injonctions contenues implicitement dans les règles du pitch et viennent renforcer ce pouvoir normatif.</p></li>
</ul>
<p>La méthodologie du pitch n’en fait donc pas seulement un exercice normé, mais bien aussi normatif. Ainsi, à force d’entraînement et de répétitions, les projets s’homogénéisent autour d’un idéal-type de start-up et intègrent deux impératifs :</p>
<ul>
<li><p>Un potentiel de croissance très élevé, avec des investissements limités (ce qui, pour schématiser, revient à créer des plates-formes ou des applications, peu intensifs en capitaux et en main d’œuvre) ;</p></li>
<li><p>Un nécessaire problème à résoudre, voire à <em>disrupter</em> (ce qui exclut d’emblée les projets plus modestes de l’économie réelle, comme un commerce de proximité)</p></li>
</ul>
<p>C’est la pratique du pitch qui va modifier le projet entrepreneurial. Ce dispositif conçu pour favoriser la créativité et l’innovation se retrouve paradoxalement à brider les modèles déviants, écarter les idées alternatives et à formater les projets. Il est donc urgent de questionner cet outil et d’imaginer de nouvelles pratiques de présentations orales qui permettront à une plus grande diversité de projets de voir le jour. La conversation est ouverte…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124230/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Et si la pratique du pitch influait les projets de start-up, plutôt que de simplement les présenter ? Ou quand l’outil se retourne contre son créateur.Romain Buquet, Researcher & lecturer, entrepreneurship & engagement, ESCP Business SchoolLaetitia Gabay Mariani, Chercheure en sciences de gestion, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1205082019-07-17T21:24:29Z2019-07-17T21:24:29ZVidéo : L’industrie de la notation, comédie, farce ou drame ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/284463/original/file-20190717-147307-1mddx8m.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C108%2C571%2C356&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">« Fenêtres Ouvertes sur la Gestion » : les émissions de la lettre du 13 juillet 2019.</span> <span class="attribution"><span class="source">Capture d'écran.</span></span></figcaption></figure><p>À l’affiche de cette <a href="http://t.crm.xerfi.com/nl/jsp/m.jsp?c=%407ch4%2FqdZSAoT5OcMrqK4eX2uIX5Xrqga09WyLBoqS8s%3D&utm_source=Mod%E8le%20diffusion%20Xerfi%20Canal&utm_medium=email&utm_campaign=FG130719">lettre datée du 13 juillet 2019</a>, quatre nouvelles conversations à retrouver, comme chaque semaine, avec les invités de Jean‑Philippe Denis, professeur de sciences de gestion à la faculté Jean‑Monnet de l’Université Paris-Sud et rédacteur en chef de la <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion.htm">Revue française de gestion</a>.</p>
<p>Cette semaine, à la une : Gérard Ampeau, enseignant à l’IUP Banque, Finance, Assurance à l’Université de Caen, évoque la comédie de la notation.</p>
<p>Bon visionnage, et à la semaine prochaine pour de nouvelles conversations « Fenêtres ouvertes sur la gestion » !</p>
<hr>
<h2>À la une</h2>
<p><strong>La comédie de la notation financière, conversation avec Gérard Ampeau, enseignant à l’IUP Banque, Finance, Assurance à l’Université de Caen</strong></p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/347290441" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>Et aussi…</h2>
<p><strong>La fabrique de l’innovation : un MOOC exemplaire, conversation avec Gilles Garel, professeur au CNAM</strong></p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/263866645" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
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<p><strong>La construction de l’Université Paris-Saclay, conversation avec Sylvie Retailleau, présidente de l’Université Paris-Sud</strong></p>
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<p><strong>Le classement de Shanghaï comme technologie invisible, conversation avec Jean Charroin, directeur général d’EDC Paris Business School</strong></p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/273860783" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
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<p><em>Toutes les émissions <a href="https://www.xerficanal.com/fog/">« Fenêtres ouvertes sur la gestion »</a> peuvent être consultées sur Xerfi canal.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/120508/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les éditions EMS Management & Société sont membres du cercle des partenaires de l'émission "Fenêtres Ouvertes sur la gestion". </span></em></p>Retrouvez les invités de Jean‑Philippe Denis, professeur à l’Université Paris-Sud et rédacteur en chef de la RFG. À la une cette semaine, « la comédie de la notation ».Jean-Philippe Denis, Professeur de gestion, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1129092019-03-11T20:36:07Z2019-03-11T20:36:07ZEnseignement supérieur : les profs se réinventent avec le numérique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/262117/original/file-20190305-48420-1o9hapl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=40%2C30%2C6765%2C5071&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Avec le numérique, le cours est rendu plus ludique et peut être largement enrichi.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Sur les forums Internet, les réseaux sociaux ou les WIKI, les connaissances circulent aujourd’hui à la vitesse grand V, sans l’intermédiaire des <a href="https://www.franceculture.fr/conferences/l-innovation-et-le-numerique-par-michel-serres">enseignants</a>. Mais si ceux-ci doivent admettre de ne plus être plus seuls dépositaires du savoir, leur rôle de passeurs n’en est que transformé. Dans la foison d’informations véhiculée sur la toile, il faut savoir faire le tri ! L’enseignant devient alors celui qui guide l’étudiant sur le chemin du savoir, l’aidant à adopter une lecture critique devant la masse de messages qu’il reçoit.</p>
<p>En cela, certains considèrent que le digital est un domaine clé de l’évolution du métier d’enseignant, transformant tant sa posture et ses activités que ses compétences. C’est cette problématique que nous avons explorée <a href="https://www.cairn.info/revue-gerer-et-comprendre-2016-4-page-39.htm">dans un article</a> écrit avec Laurence Hélène en 2016, « Le professeur se réinvente : la révolution du Smarty ! ».</p>
<p>Nous avons interrogé plusieurs enseignants chercheurs en gestion sur la manière dont ils qualifiaient l’évolution de leur métier et de leur pratique du fait de l’introduction du numérique dans l’espace formatif. Cette étude montre une transformation de l’activité tant dans la salle de cours qu’en dehors et elle insiste sur le changement de posture du praticien.</p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/267585843" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La révolution du prof « smarty ».</span></figcaption>
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<h2>Des cours ludiques et techniques</h2>
<p>Avec le numérique, le cours est rendu plus ludique et peut être largement enrichi. Le recours à une variété de ressources pédagogiques permet d’ailleurs à l’enseignant d’innover et d’être créatif ; c’est donc une formidable opportunité de développer son ingéniosité. En permettant d’ajouter ou de retirer une activité au fil de l’eau, le numérique donne aussi les moyens de s’adapter aux rythmes des apprenants. Ce sont eux en quelque sorte qui tiennent les rênes du rythme des apprentissages.</p>
<p>Mais, face à ces avantages, les enseignants perçoivent plusieurs inconvénients. Ils deviennent tributaires des conditions techniques pour la conduite de leur cours, avec pour effet de pénaliser le prof « non geek » et de le discréditer aux yeux des étudiants. Le risque est aussi de devenir un formateur technique si l’on centre trop les apprentissages sur la manipulation des outils digitaux plutôt que sur les sujets disciplinaires de son cours.</p>
<p>En dehors de la salle de cours, il faut un temps de réflexion pour repenser le séquence de cours (en étudiant les différents cheminements possibles d’acquisition de connaissances) et leur contenu. C’est une importante mobilisation intellectuelle pour rechercher des ressources digitales appropriées et pour vérifier la cohérence de l’ensemble.</p>
<p>Le temps de correction est inversement plus rapide grâce à son automatisation. Cela présente également l’avantage d’imaginer des modalités d’évaluation plus pertinentes pour les étudiants. Grâce aux compteurs des temps de connexion via la plate-forme, l’enseignant a une vision plus fine de ce qui est étudié et compris. Cela permet de s’adapter et d’être réactif.</p>
<h2>Un rôle de coach</h2>
<p>Plus profondément, le numérique amène à un changement de posture à deux niveaux. Dans la relation à l’étudiant tout d’abord, il faut inciter les apprenants à être plus proactifs. Cet environnement de travail « plus déstructuré » rompt également la distance et les codes classiques du sérieux et permet de créer une autre dynamique. Les espaces d’échanges (chats, forums) permettent, quant à eux, de s’extraire de la salle de cours et contribueraient à « modifier le jugement des étudiants sur le prof ».</p>
<p>En termes de rôle, l’enseignant devient un tuteur, un coach. On attend de lui d’écouter, d’engager vers la voie de la réflexion et de la réflexivité, de guider vers les bonnes ressources, de fédérer les opinions exprimées, de donner du sens aux propos des étudiants, de favoriser le partage de connaissances entre étudiants. Il devient donc un « animateur du savoir » et un « manager d’apprenants ».</p>
<p>Avant tout, l’évolution du rôle de l’enseignant vers la posture de tuteur telle que nous venons de la décrire crée une forme de tension identitaire et nécessite une évolution du regard social (en particulier des apprenants) sur ce métier. Sur le plan opérationnel, les nouvelles activités et les nouvelles compétences réclament de penser la formation des enseignants en intégrant la question du numérique. C’est d’ailleurs l’une des recommandations de la Commission européenne (<a href="https://publications.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/f43a8447-7948-11e5-86db-01aa75ed71a1">dans un rapport de 2015</a>).</p>
<h2>Construire des scénarios</h2>
<p>Cette nouvelle formation des profs s’orienterait selon trois axes. Tout d’abord, il est nécessaire de savoir construire un scénario pédagogique multimodal et multi-temporel. Puisqu’il ne s’agit plus de poser de façon linéaire les séquences les unes après les autres, comme une formation à la pédagogie traditionnelle pourrait l’enseigner, il faut se doter d’un savoir-faire et d’outils pour gérer l’aspect multidimensionnel de cette activité. Ceci en gardant en toile de fond le fait de proposer des activités permettant : la réflexion collective, la coopération des étudiants, la co-élaboration des connaissances et leur capitalisation.</p>
<p>L’autre axe concerne l’outillage technique. Selon les choix individuels et/ou institutionnels opérés (se doter de tablettes numériques, utiliser une plate-forme d’enseignement, utiliser les téléphones portables, etc.), il faut que l’enseignant sache les manipuler et en connaisse les potentialités.</p>
<p>Le dernier axe concerne les ressources pédagogiques et touche autant à leur utilisation qu’à leur conception pour un certain nombre d’entre eux. Devant le champ des possibles offert par le numérique actuellement, la liste est longue : blog, site Web, MOOC, SPOC, vidéos… pour les ressources d’apports ; outils de partage de contenu, chats et forums pour les ressources d’échanges.</p>
<p>En conclusion, l’espace-temps pour apprendre, du fait du numérique dans nos vies et dans nos espaces formatifs, est désormais sans frontière (il faut savoir penser hors des murs). Si de nouvelles activités sont à conduire pour l’enseignant, une posture différente est à adopter, une posture de guide vers le savoir.</p>
<p>Ces activités et cette nouvelle posture nécessitent de nouvelles compétences qu’il convient de développer : par des dispositifs formalisés de formation mais aussi en favorisant, au niveau institutionnel, des expérimentations individuelles, en laissant le droit à l’erreur, en développant des espaces d’échange de pratiques entre enseignants, en valorisant les innovations pédagogiques, etc.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/112909/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sarah Alves ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le digital est un domaine clé de l’évolution du métier d’enseignant, transformant tant sa posture et ses activités que ses compétences.Sarah Alves, Enseignant chercheur en ressources humaines, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1104012019-02-06T22:55:36Z2019-02-06T22:55:36ZRH : les nouvelles armes pour recruter les meilleurs candidats<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/257255/original/file-20190205-86233-fbrdfp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C10%2C986%2C655&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les nouvelles technologies bouleversent l'approche du métier de recruteur.</span> <span class="attribution"><span class="source">Fizkes / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Innover est devenu indispensable pour parvenir à identifier, sélectionner et fidéliser les meilleurs talents du monde entier dans une conjoncture économique difficile. La gestion des ressources humaines évolue donc pour intégrer les technologies numériques et gagner en performance dans le développement du capital humain.</p>
<p>Selon une <a href="https://fr.slideshare.net/pedrooolito/linkedin-global-recruiting-trends-report-2017">étude de LinkedIn</a> menée auprès de 4 000 recruteurs dans 35 pays en 2017, 83 % des répondants affirment qu’identifier, sélectionner et fidéliser les talents est leur principale priorité. Ils souhaitent pouvoir investir dans leur marque employeur et gagner en agilité et en efficacité dans leurs pratiques RH.</p>
<p>Cependant, bien que cette compétition pour les talents s’intensifie, les <a href="https://www.emeraldinsight.com/doi/full/10.1108/SHR-04-2014-0027">effectifs des équipes de recrutement restent stables</a>. Elles ont donc besoin d’utiliser des outils adaptés et performants pour mener à bien leurs missions, d’autant plus que la majorité de ces équipes estiment que leurs volumes de recrutement vont augmenter et qu’elles auront plus de travail dans les années à venir.</p>
<h2>Un retard technologique à rattraper</h2>
<p>Beaucoup de recruteurs utilisent encore des systèmes obsolètes du XX<sup>e</sup> siècle, alors que leurs cibles passent leur temps sur des applications et des réseaux <a href="https://www.emeraldinsight.com/doi/full/10.1108/JBS-11-2012-0072">qui n’existaient pas il y a quelques années</a>. Les recruteurs sont limités par leurs compétences et des freins organisationnels, culturels, technologiques et financiers qui les empêchent d’accéder à des outils plus modernes.</p>
<p>Pourtant, les chercheurs d’emploi s’appuient de plus en plus sur les réseaux sociaux et des applications dédiées <a href="https://www.emeraldinsight.com/doi/full/10.1108/02683940910974134">pour trouver un poste</a>. Certains candidats demandent des entretiens à distance, des signatures de contrat numériques, et des fiches de paie électroniques. Les jeunes talents sont <a href="https://www.emeraldinsight.com/doi/abs/10.1108/IntR-07-2013-0142">hyperconnectés et accessibles sur des espaces virtuels</a> que les recruteurs peinent à investir. Ce décalage entre les technologies utilisées par les recruteurs et celles que préfèrent les candidats peut expliquer que l’offre et la demande aient du mal à se rencontrer.</p>
<h2>Réseaux sociaux, MOOC et serious games</h2>
<p>Plusieurs technologies digitales sont utilisées dans le domaine de l’e-recrutement : citons d’abord les réseaux sociaux, comme Facebook, Twitter, Instagram, Renren, Viadeo, Xing, ou LinkedIn. Ces réseaux sociaux donnent un <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/12460125.2016.1187398">accès privilégié</a> à un grand nombre de talents dans le monde entier et permettent de communiquer directement avec eux de manière conviviale et informelle. Ces réseaux apportent des informations complémentaires et décisives sur les candidats potentiels.</p>
<p>Citons ensuite les MOOC (<em>massive online open courses</em>) tels que – pour les plus connus – <a href="https://eu.udacity.com/">Udacity</a>, <a href="https://www.edx.org/">EdX</a>, ou encore <a href="https://www.coursera.org">Coursera</a>. Si les cours en ligne n’ont pas pour vocation première d’être un outil de recrutement, l’utilisation de la formation est un moyen d’identifier les talents. Les entreprises peuvent ainsi sponsoriser des cours, promouvoir leur marque employeur et identifier les apprenants les plus performants.</p>
<p>Les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2444569X16300063">serious games</a> intéressent également de plus en plus les entreprises, à en croire les initiatives développées par <a href="https://www.youtube.com/watch?v=6woeFmVPSv0">Thalès</a>, Carrefour, <a href="https://group.bnpparibas/communique-de-presse/bnp-paribas-cree-starbank-game-serious-game-dedie-collaborateurs-decouvrir-metiers-banque">BNP Paribas</a>, <a href="http://www.interaction-games.com/references/accor-academie-communication-stand/">Accor</a>, <a href="https://www.safran-group.com/fr/media/20121016_safran-recrute-et-lance-safran-esailing-team-un-serious-game-pour-les-etudiants">Safran</a>, ou encore <a href="https://www.kit-pedagogique.total.com/fr/jeu-pedagogique-lycee-genius">Total</a>. Ces serious games mettent en situation les talents dans des univers virtuels immersifs et ludiques, ce qui permet d’évaluer leur savoir-être et d’avoir une approche plus qualitative du recrutement.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/6woeFmVPSv0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le « sonar serious game » développé par Thalès.</span></figcaption>
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<p>Parmi les nouveaux outils de l’e-recrutement figurent aussi les <a href="https://www.igi-global.com/article/hr2/160818">chatbots</a>, qui favorisent la collecte d’information, la réponse aux questions, la planification des différentes échéances et le suivi complet de 100 % des candidats, y compris de ceux qui ne seront pas retenus. Quelques exemples : <a href="https://www.youtube.com/watch?v=JoollfThyF0">Ari</a> de TextRecruit, ou encore <a href="https://www.youtube.com/watch?v=EUjZIvLVO2k">Mya</a>, le robot recruteur choisi par L’Oréal, Pepsico et Adecco.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/EUjZIvLVO2k?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Mya, le robot recruteur choisi par L’Oréal, Pepsico et Adecco.</span></figcaption>
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<p>Pour finir, les systèmes d’appariement s’appuient sur l’analyse de données massives et l’intelligence artificielle pour associer, sur la base de critères objectifs, des profils de candidats <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-319-30024-5_9">avec des postes à pourvoir</a>.</p>
<p>Les systèmes d’appariement par analyse de données massives sont aujourd’hui proposés par exemple par <a href="http://www.randstad.tech/">Randstad</a>, <a href="https://business.linkedin.com/talent-solutions/product-update/recruiting-and-candidate-search-tool">LinkedIn</a>, <a href="https://www.cnbc.com/2018/08/01/google-job-search-is-using-ai-to-make-job-searching-a-whole-lot-easier.html">Indeed</a> ou <a href="https://www.myally.ai/">My Ally</a>.</p>
<h2>Une nouvelle approche du métier de recruteur</h2>
<p>L’utilisation des systèmes d’information par les ressources humaines s’est longtemps limitée à des aspects administratifs de type gestion des contrats, des plannings et des paies. Aujourd’hui, pour une entreprise innovante et qui évolue dans un marché hyperconcurrentiel, il est important de passer à une gestion agile, dynamique et proactive, pour <a href="https://www.emeraldinsight.com/doi/abs/10.1108/JBS-11-2012-0072">améliorer l’expérience des candidats</a>. En conséquence, les recruteurs vont devoir acquérir de nouvelles compétences et modifier significativement leur approche de leur métier.</p>
<p>L’un des nouveaux enjeux auquel permet de répondre ces nouveaux outils de l’e-recrutement est notamment de débusquer des talents passifs mais ouverts à des propositions pour changer d’emploi. Les meilleurs talents n’ont en effet pas besoin de chercher pour trouver un travail car les employeurs se battent pour être les premiers à les embaucher avant même qu’ils soient diplômés, les garder quand ils ont la chance d’avoir pu les intégrer dans leurs équipes, ou encore les débaucher de l’entreprise où ils sont employés en leur proposant de meilleures conditions et un environnement de travail plus appréciable.</p>
<p>Le rapport de force n’est donc plus le même. Il ne s’agit plus de demander aux candidats potentiels ce qu’ils peuvent apporter à l’entreprise, mais de leur présenter ce que l’entreprise peut leur proposer et les raisons pour lesquelles ils devraient envisager de travailler pour elle. Autrement dit, savoir communiquer autour de ses mérites autant que les candidats doivent mettre en avant leurs qualités auprès des recruteurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/110401/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Oihab Allal-Chérif ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si des réseaux sociaux comme LinkedIn sont désormais incontournables, d’autres outils gagnent à être connus pour se rapprocher des talents.Oihab Allal-Chérif, Full Professor, Information Systems and Purchasing Management, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1089282019-01-24T20:19:35Z2019-01-24T20:19:35Z« Enseigner, c’est aussi transmettre une expérience »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/254978/original/file-20190122-100267-9xjlwr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C8%2C980%2C657&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Enseigner ne se limite pas à transmettre les concepts d’une discipline. </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>MOOC, <em>blended learning</em>, <em>distance learning</em>, <em>web-based training</em>, <em>distributed learning</em>… Depuis maintenant plus d’une décennie, les méthodes d’enseignement à distance font foison et, si elles sont nouvelles, le procédé, lui, ne l’est pas. En 1728, Caleb Philipps, considéré comme le précurseur de l’enseignement à distance, postait une annonce dans <em>La Gazette de Boston</em> pour proposer des <a href="https://www.educationcorner.com/distance-learning/">cours de sténographie</a>. Au XIX<sup>e</sup> siècle, l’Angleterre y recourt massivement pour fournir sous plis à ses concitoyens exilés en Inde les <a href="https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2015-09/1e_partie_guide_e-learning.pdf">savoirs dispensés</a> dans ses plus prestigieuses universités.</p>
<p>Face aux contraintes financières de notre système éducatif en prise avec l’augmentation du nombre d’élèves et l’influence des accréditations et des pratiques américaines, un grand nombre d’écoles de commerce et d’universités ont pris le virage de l’enseignement à distance. Mais il est une part de la connaissance qui est peu, voire pas transmissible à distance en raison de la proximité et de l’intimité qu’elle requiert.</p>
<p>Comme l’écrivait Platon dans son <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5721822w.texteImage">allégorie de la caverne</a>, le professeur sort l’homme de l’obscurité, de l’ignorance, et l’aide à <a href="https://www.lesoir.be/art/entretien-michel-serres-est-un-passeur-le-philosophe-ut_t-20120829-022NCM.html">« passer le pont »</a>, selon les mots de <a href="https://www.actes-sud.fr/sites/default/files/9782330034320_extrait.pdf">Michel Serres</a>. Un pont qui n’est pas uniquement fait de <a href="https://www.babelio.com/livres/Serres-Lart-des-Ponts--Homo-pontifex/543687">connaissances techniques</a>.</p>
<h2>Des liens entre présent et passé</h2>
<p>Les technologies ont une vertu incontestée : la profusion de sources d’informations. Il y en a partout. Les moteurs de recherche regorgent de références. Mais le résultat est là : les étudiants d’aujourd’hui ne sont pas plus « cultivés » que ceux d’hier, tout du moins dans ce qu’ils sont supposés savoir dans chacune des disciplines enseignées. Pour que le savoir les atteigne, il est important qu’il soit incarné et que le professeur sache adopter une posture de narrateur.</p>
<p>Nous pouvons « raconter » notre discipline comme nous raconterions une histoire, ce qui ouvre d’autres fenêtres sur une connaissance contemporaine. Montrer par exemple pourquoi et comment le Colisée de Rome, les abbayes cisterciennes, les caravansérails, les vitraux des cathédrales témoignent d’une démarche marketing avant-gardiste du service. Ces vestiges sont la preuve de l’existence précoce d’une parfaite maîtrise de l’organisation et de la planification d’un service, discipline officiellement née en 1977.</p>
<p>On peut expliquer aussi en quoi la performance des back office et des techniques de supply chain ne sont pas l’apanage de Carrefour, Ikea ou FedEx et que la <a href="http://www.slate.fr/story/134873/premier-systeme-livraison-nourriture-125-ans-inde">caste des Dabbawalas</a> en Inde fait aussi bien avec comme seul outil une charrue tirée à bras d’homme. En somme, prendre les chemins de traverse de la connaissance.</p>
<h2>Apprendre à douter</h2>
<p>Chaque décennie voit naître un nouveau monde avec des codes, des valeurs, des référentiels, des « héros » voire des mots différents. En dépit de cela, mais aussi à cause de cela, nos étudiants sont naturellement en prise avec leurs croyances, certitudes, jugements, fausses idées reçues qui inhibent la génération d’idées nouvelles, ce dont les entreprises ont plus que jamais besoin aujourd’hui. Si l’étudiant croit quelque chose de faux, son rapport au réel est alors erroné.</p>
<p>Notre rôle est justement de transformer ces « prismes » en idées nouvelles, intelligibles et constructives. Et donc d’apprendre à l’étudiant à douter. Le doute fait partie du processus de décision d’un bon manager. Hegel disait : « Le scepticisme est l’énergie de l’esprit » car il s’attaque <a href="http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=26995">aux dogmes et aux croyances</a>.</p>
<p>L’étudiant ne voit dans l’entreprise que la face émergée de l’iceberg et ne connaît souvent qu’à ses dépens celle immergée. « Être » dans l’entreprise est une chose (le fameux savoir-être) mais y « vivre » est autre chose. Comme l’envisageait <a href="https://ebooks-bnr.com/ebooks/pdf5/rousseau_emile_ou_education_livres1et2-a5.pdf">Rousseau</a>, enseigner c’est aussi enseigner à vivre.</p>
<p>Notre rôle ne se limite pas à transmettre les concepts d’une discipline (qu’il peut trouver dans n’importe quelle bibliothèque virtuelle) mais de leur faciliter l’entrée et la vie en entreprise. Témoigner de la façon dont nous y sommes parvenus. Relater nos expériences, nos peurs, nos échecs. Leur montrer concrètement que nous avons réussi en ayant, comme eux, la peur chevillée au corps.</p>
<p>Nous l’avons compris, l’enseignement, tout comme l’entreprise que nous enseignons, est avant tout une aventure humaine. Michel Serres écrit que l’être humain a perdu la mémoire subjective mais qu’elle s’est objectivement externalisée dans les objets (technologies, écrans, sites), phénomène qu’il qualifie de <a href="http://www.inexplique-endebat.com/article-michel-serres-la-revolution-culturelle-et-cognitive-115499161.html">« darwinisme de la technique »</a>. Oui, nous sommes définitivement à l’aube d’un nouveau cycle d’évolution des méthodes de transmissions de la connaissance. Reste à savoir si ce que nous transmettions « d’homme à homme » était utile ou pas.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/108928/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Annie Lapert-Munos ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’enseignement à distance n’est pas une nouveauté. Mais son expansion avec l’essor des nouvelles technologies invite à s’interroger sur la plus-value des échanges en présentiel.Annie Lapert-Munos, Docteur en sciences de gestion, HDR, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1075532019-01-06T20:29:27Z2019-01-06T20:29:27ZAvec les « classes éloignées en réseau », les écoles rurales jouent collectif<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/252475/original/file-20190104-32130-1hr4ou1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C4%2C997%2C642&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les écoles éloignées en réseau augmentent les échanges entre élèves.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>« Dans les petites écoles, il y a plein d’activités qui méritent d’être partagées », rappellent les élèves du village de Jenzat, dans l’Allier, au seuil du <a href="https://www.fun-mooc.fr/courses/course-v1:parisdescartes+70005+session01/about#">MOOC sur les « classes éloignées en réseau »</a>, produit en 2018 par l’Université Sorbonne Paris-Cité. Voilà qui pourrait être la devise de ce dispositif inventé dans les années 2000 au Canada. Devant faire face aux besoins d’une multitude de petits établissements dispersés sur un vaste territoire, le Ministère québécois de l’Éducation s’est alors demandé comment profiter de l’essor du numérique pour assurer l’égalité des chances entre les élèves.</p>
<p>Et si, plutôt que de distribuer les mêmes ressources pédagogiques aux écoles, on les amenait à travailler ensemble pour s’enrichir de leurs différences ? C’est la vision de l’<a href="https://eer.qc.ca/">école en réseau</a> (ÉER) qu’a proposée le centre de transfert de connaissances sollicité, soit le <a href="https://cefrio.qc.ca/fr/">CEFRIO</a> (Centre facilitant la recherche et l’innovation dans les organisations, à l’aide des technologies de l’information et de la communication), après avoir fait appel au centre de recherche et d’intervention <a href="https://crires.ulaval.ca/">CRIRES</a> (Centre de recherche et d’intervention sur la réussite scolaire).</p>
<h2>Un dialogue entre les classes</h2>
<p>Une fois réglées les questions pratiques, de l’installation d’une bande passante suffisante à l’appropriation des modes d’emploi techniques par les intervenants, le numérique a bel et bien permis d’étoffer le cadre quotidien des élèves. D’abord, les enseignants ont pu mutualiser des contenus réalisés en commun (<a href="https://learningpolicyinstitute.org/product/effective-teacher-professional-development-report">Darling-Hammond, 2017</a> ; <a href="https://link.springer.com/article/10.1007%2Fs11251-014-9340-7#page-1">Voogt et coll., 2015</a>) et s’appuyer sur une équipe de soutien. Grâce à un système de vidéoconférence, ils la sollicitent pour un jumelage avec une ou d’autres classes, un conseil ou une vérification technique, un échange pédagogique, un projet à monter.</p>
<p>En effet, là où l’ÉER du Québec se démarque, c’est dans l’effort qu’elle met à placer les élèves d’écoles séparées par de grandes distances géographiques dans des échanges et créations de contenus, dont la co-élaboration de connaissances. S’appuyant sur la curiosité naturelle des élèves, il s’agit par exemple d’inciter une classe à formuler des questions essentielles, en sciences ou en histoire, par exemple, pour les soumettre à leurs camarades d’une autre école. Guidés par leur enseignant, ceux-ci devront alors mener une démarche d’enquête pour trouver des éléments expliquant comment les avions volent, ou pourquoi l’orthographe des mots change au fil des époques…</p>
<p>Puis, il leur faudra trouver les mots justes pour restituer leurs recherches à leurs correspondants. Le caractère dynamique de collaboration et de recherche qu’engendre l’ÉER donne à la notion de réseau son sens plein, <a href="https://aqep.org/wp-content/uploads/2018/06/Lecole-en-reseau.pdf">celui qui permet à chaque participant de confronter sa pensée à celle des autres</a>. Il s’agit de privilégier un avancement collectif d’un savoir, plutôt qu’un apprentissage individuel, au travers de l’élaboration d’un discours progressif, avec un recours constant à l’écriture.</p>
<h2>Du Québec aux écoles d’Auvergne</h2>
<p>Inspirée par l’expérience québécoise, consciente de la nécessité de trouver des solutions afin d’assurer la qualité de la formation lorsqu’un environnement d’apprentissage appauvri menace certaines écoles de village de fermeture (<a href="https://cefrio.qc.ca/media/1520/eer-rapport-synthese-2011.pdf">CEFRIO</a>, 2011, p. 7), l’<a href="http://www.ac-clermont.fr/action-educative/numerique-educatif/la-strategie-et-le-pilotage-academique/ecole-eloignee-en-reseau/">académie de Clermont</a> a décidé en 2016 de lancer une version auvergnate de l’école éloignée en réseau. En effet, l’académie, avec ses petites écoles de moyenne montagne, pouvait bénéficier de l’apport du numérique de manière similaire à ce qui avait été développé au Québec.</p>
<p>Dans un premier temps, des écoles se sont portées volontaires pour développer des projets incluant des outils numériques et travailler en réseau, autour de la géométrie ou d’apprentissages lexicaux notamment. En alternant des séances en classe et d’autres en ligne, <a href="http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article449">quatre classes ont ainsi travaillé sur « les verbes de parole »</a>, pour discuter ensemble de leurs définitions, explorer la palette de synonymes disponibles ou faire émerger les nuances entre des termes comme « marmonner » ou « ronchonner », par exemple.</p>
<p>Pour rendre visible à un large public (enseignants, parents, élus) des activités possibles entre élèves, nous avons lancé un MOOC en mai dernier. L’objectif était de faire l’expérience d’un dispositif ouvert entre classes d’écoles isolées et de réfléchir aux bénéfices et aux problèmes posés par la mise en place de travaux collectifs d’élèves via les réseaux, réactivant d’une certaine manière les correspondances de classe dans un contexte technologique contemporain.</p>
<h2>S’ouvrir à d’autres environnements</h2>
<p>D’abord, nous avons demandé aux élèves de présenter leur école. C’est ce qu’ont fait des élèves de <a href="https://www.fun-mooc.fr/courses/course-v1:parisdescartes+70005+session01/about">Jenzat</a> pour le teaser du MOOC. Puis, toutes les classes ont conçu des énigmes pour les autres classes sous forme de texte (« Les cristaux que l’on peut retrouver dans l’eau d’érable ont-ils des formes similaires aux cristaux de neige ? »), d’images, de montage vidéo… À charge pour les autres de les résoudre.</p>
<p>En plus des activités robotiques (avec la présentation finale d’un ballet de robots et un concours), une galerie de photographies a été initiée, à partir de cette consigne : « Sur le chemin de ton école, choisis quelque chose de spécial que tu prendras en photo pour le montrer à tous les autres participants du MOOC ».</p>
<p>Le MOOC, visant un public international francophone, a réuni des classes de différentes régions de France, du Québec et de Tunisie. Outre les activités destinées aux classes et aux élèves, un espace a été dédié aux enseignants, aux formateurs, à l’équipe éducative des classes, ouvrant à des présentations et des discussions sur les différents sujets liés à l’école éloignée en réseau (collaboration, pédagogie de l’enquête, ergonomie cognitive…).</p>
<p>Si le MOOC réalisé est certainement un très bon pilote et permet de montrer ce qu’il est possible de faire (alors que beaucoup ont du mal à imaginer ce qui est possible), son succès est mitigé : une participation encore trop timide montrant la difficulté du terrain à prendre en main les opportunités offertes. Du temps semble encore nécessaire pour favoriser l’appropriation de dispositifs qui peuvent au démarrage compliquer la gestion scolaire.</p>
<h2>Des bilans très encourageants</h2>
<p>Avec le temps, revenant au Québec, les partenaires de l’ÉER ont élargi la nature des activités qui s’y déroulent (figure 1).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251917/original/file-20181221-103649-1kb168e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251917/original/file-20181221-103649-1kb168e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251917/original/file-20181221-103649-1kb168e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251917/original/file-20181221-103649-1kb168e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251917/original/file-20181221-103649-1kb168e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=568&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251917/original/file-20181221-103649-1kb168e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=568&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251917/original/file-20181221-103649-1kb168e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=568&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">image.</span>
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<p>Des collaborations se mettent petit à petit en place en France, et une aide de la DNE (direction du numérique pour l’éducation) a été obtenue pour documenter le dispositif mis en place. Toutefois, il y a plus de recul pour l’opération québécoise. Si le principe de collaboration rompt avec la forme scolaire conventionnelle (un maître/une classe), il s’appuie sur des résultats de recherche qui démontrent, d’une part, l’intérêt qu’il y a à miser sur l’amélioration de la compréhension écrite pour la réussite scolaire et, d’autre part, la pertinence, à cette fin, du Knowledge Forum (KF)/Forum de co-élaboration de connaissances (FCC) – l’<a href="http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article234">outil d’écriture collaborative adapté à ces activités</a>.</p>
<p>Doublement constituée, l’école en réseau repose sur une relation dynamique entre technologie et agentivité. Ce sont les enseignants, agents autonomes, qui vont se saisir d’opportunités potentielles d’innovation, de nouvelles façons de structurer et de mettre en œuvre l’activité d’enseignement dans la communauté qui est la leur.</p>
<p>Dans son <a href="http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/ministere/PAN_Plan_action_VF.pdf">plan d’action numérique</a> (2018), le Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur du Québec a choisi de soutenir la poursuite du déploiement des écoles en réseau. Un exemple à suivre en France ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/107553/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Bruillard a reçu des financements de la direction du numérique pour l'éducation.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Thérèse Laferrière a reçu des financements du Ministère de l'Éducation du Québec. </span></em></p>Fermer les petites écoles est-il la seule solution en zone rurale ? Initiative québécoise transposée en Auvergne, le dispositif des « classes éloignées en réseau » offre des alternatives.Eric Bruillard, Enseignant-chercheur, Université Paris CitéThérèse Laferrière, Professeure en sciences de l'éducation, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1082732018-12-05T09:27:18Z2018-12-05T09:27:18ZVidéo : pourquoi la révolution MOOC n’a pas eu lieu<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/248979/original/file-20181205-186079-23waw0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Capture d cran</span> </figcaption></figure><p>« Les MOOC font pschitt ? » titrait Le Monde en octobre 2017, tandis que France Culture orchestrait pour la rentrée un débat autour de la question : « Qui a mis K.O. les MOOC ? ». Qu’en est-il réellement ? Les MOOC ont-ils réellement échoué à tenir leurs promesses ? Probablement, et voici quelques éléments d’explication fondés sur plusieurs années de recherche… </p>
<p>Une interview menée par Mounia Van de Casteele, journaliste à <a href="https://www.xerficanal.com">Xerfi canal</a>.</p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/299841680" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/108273/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Matthieu Cisel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En partenariat avec The Conversation, Xerfi Canal a reçu Matthieu Cisel, post-doctorant en Sciences de l'éducation, pour évoquer le développement contrarié des MOOC.Matthieu Cisel, Chargé de cours au CRI, enseignant chercheur contractuel à CY Université, Learning Planet Institute (LPI)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1061072018-11-20T19:37:39Z2018-11-20T19:37:39ZLes MOOC, de bons outils de promotion pour les universités<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/245778/original/file-20181115-194519-1qtba8s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C13%2C995%2C649&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les MOOC aident les jeunes à mieux s'informer sur les universités avant de s'y inscrire. </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Lorsque les MOOC (<em>massive open online courses</em>) ont fait leur apparition au début des années 2010, certains ont pensé qu’ils sonnaient le glas pour une partie des établissements de l’enseignement supérieur. Clayton Christensen a, entre autres, <a href="https://www.economist.com/international/2012/12/22/learning-new-lessons">prédit la faillite imminente</a> de beaucoup d’universités. Ce professeur à la Harvard Business School est principalement connu pour avoir développé la théorie de l’innovation de rupture, souvent mieux connue sous le nom de la théorie de l’innovation disruptive.</p>
<p>Selon celle-ci, un nouveau venu peut perturber les institutions présentes de longue date sur un marché en mettant en vente un produit ou un service de moindre qualité, mais à un prix inférieur. Se concentrant en premier lieu sur un segment du marché délaissé par les institutions dûment établies, ce nouvel acteur peut ensuite, en améliorant progressivement sa technologie, perturber plus en profondeur le marché.</p>
<h2>Des cours complémentaires</h2>
<p>Pour être vérifiée dans le contexte éducatif, cette théorie suppose que les MOOC, et plus généralement les cursus organisés en ligne, sont de bons substituts aux programmes offerts au sein de nos établissements. Une hypothèse récemment mise en doute par plusieurs travaux empiriques, qui ont montré leur moindre qualité en terme d’acquis d’apprentissage (voir entre autres <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/aer.p20161057">Alpert, Couch et Harmon (2016)</a> et <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/aer.20151193">Bettinger, Fox, Loeb et Taylor (2017)</a>).</p>
<p>L’impact de l’enseignement à distance en ligne sur les établissements du supérieur est indéniable, mais il est d’une autre nature : plus que de se substituer à l’offre actuelle, il se pose en complément. L’utilisation des technologies de l’information et de la communication peut être un moyen d’améliorer la qualité de l’enseignement, voire de diminuer le coût de certaines formations. Mais cela peut aussi être une vitrine pour promouvoir les établissements de l’enseignement supérieur.</p>
<p>Dans un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0167624518300933">récent article scientifique</a>, c’est cette dernière hypothèse que nous avons mise à l’épreuve des faits. Afin de mesurer les répercussions des cours en ligne gratuits sur les inscriptions aux programmes traditionnels organisés par des universités, nous avons mobilisé des données de la plate-forme FUN et du Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation.</p>
<h2>Hausse des inscriptions</h2>
<p>Depuis son lancement par le gouvernement français en coopération avec plusieurs universités françaises en 2013, cette plate-forme MOOC a accueilli plus de 1,5 million d’étudiants différents dans plus de 400 cours, développés par une centaine d’institutions différentes – principalement des universités.</p>
<p>De cette analyse, il ressort que proposer de tels cours en accès libre a tendance à accroître le nombre de nouveaux inscrits aux autres programmes proposés par ces universités. Cette tendance est relativement plus forte pour les universités situées en province et celles qui sont les mieux placées dans le très influent « classement de Shanghai ». Ce premier résultat fait écho à celui de <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/abs/10.1086/698895?journalCode=jole">Goodman, Melkers et Pallais (2019)</a>) sur les effets du dédoublement en ligne d’un programme de Mastère en sciences de l’informatique, également proposé en présentiel à la Georgia Institute of Technology.</p>
<p>Alors que ces deux cursus s’avéraient similaires en termes de contenu et de difficulté, celui qui était décliné en ligne était moins sélectif et six fois moins cher que celui enseigné dans les murs de l’établissement basé à Atlanta. Dans ces contextes de recherche différents, il ressort qu’offrir une alternative en ligne aux cours <em>in situ</em> ne fait pas diminuer les inscriptions à ces derniers, bien au contraire.</p>
<h2>Informations sur l’orientation</h2>
<p>Quelles sont les explications plausibles de ce lien positif entre la mise en ligne de MOOC et la hausse de demande auprès des établissements à l’origine de telles innovations pédagogiques ? L’analyse de données d’inscription à ces MOOC et de leur couverture médiatique en distingue deux :</p>
<ul>
<li><p>En premier lieu, ces cours facilement accessibles améliorent l’information des étudiants concernant la pédagogie ou les domaines de spécialisation des universités qui les mettent en ligne.</p></li>
<li><p>En deuxième lieu, l’immense <em>buzz</em> médiatique créé autour des MOOC a lui aussi permis d’attirer l’attention de certains étudiants. Dès lors, les cours en ligne peuvent être vus comme une vitrine marketing pouvant informer et persuader les étudiants dans leur choix de lieu d’études.</p></li>
</ul>
<p>Les discours alarmistes suite à l’avènement des MOOC semblent dès lors peu fondés empiriquement. D’après la présente analyse, les nouvelles technologies sont un bon moyen d’attirer de nouveaux étudiants dans des filières en adéquation avec leurs attentes. Certains établissements de l’enseignement supérieur l’ont déjà bien compris. Depuis peu, <a href="http://r.news.fun-MOOC.fr/mk/mr/keuzj6LOQOzDT5ubTMKaNmZ-JmjF0rTLaPc4Qit9MMsnaAY5vguQJ_xOBq4F1KHHpzBjSTvtInS6hKFAwgGm0nIv3svsGB8F1fc">des cours destinés aux lycéens</a> en fin de cycle ont d’ailleurs été mis en ligne sur la plate-forme FUN afin de mieux les guider dans leurs choix d’orientation.</p>
<p>Plus globalement, pour les différents acteurs de l’enseignement supérieur, il semble donc plus judicieux de voir les nouvelles technologies comme un moyen d’améliorer les formations existantes en encourageant les formes hybrides d’enseignement. À terme, une convergence entre formations en ligne et hors ligne semble de plus en plus émerger.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/106107/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Jacqmin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Loin d’avoir fait fuir les jeunes des bancs des amphis, les MOOC et autres dispositifs de cours en ligne permettent aux universités de mieux se faire connaître. Et de susciter des inscriptions.Julien Jacqmin, Assistant professor in applied economics, Université de LiègeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1048822018-10-14T18:09:54Z2018-10-14T18:09:54ZLa transition énergétique et écologique des pays du Sud, version MOOC<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/240445/original/file-20181012-109242-129rb1z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C0%2C2035%2C1278&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Riziculture en Gambie. Les agricultures africaines sont en première ligne des changements climatiques. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/36753334@N04/19872147848/in/photolist-wh2XdL-xkpe2i-rNpNsU-xSEMyk-tXSXm1-FXWTKJ-xFjop1-G9sSrd-5YmnKe-FnaXFs-BJDASm-Gfk79s-xYAvzR-xFjqES-GUf7iD-rgEzdb-21V8SVr-xFjCMN-xFqtjP-xVBsRA-23hiSQt-rBJwHX-xSziPG-x24AGP-xVC7ns-J2PTn5-Q3JpfC-yaRJya-yabgm6-xYAs6X-GUf7t8-xSEEBK-QtTyoq-rJFEwa-xVCkcW-PobKYg-22cGuSf-QoBt9L-WG5hFZ-y9hpL3-25sC3F1-BUf9EF-xXW5ua-NY22zk-zh1Pbr-QBGjDz-PobPbP-xXWnCD-BLXw2v-xX4Afw">Sheena/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>L’épidémie de Covid-19 nous montre en « grandeur nature » ce que signifie de vivre dans un monde complexe, vulnérable et incertain… Ces dernières semaines, la moitié de l’humanité s’est retrouvée confinée, des pans entiers de l’économie se sont arrêtés de fonctionner, la vie sociale et culturelle fait une pause forcée.</p>
<p>Ce ralentissement, s’il nous invite à réfléchir aux ruptures qu’il engendre déjà, est plus que jamais l’occasion de préparer le monde d’après. Un monde qu’il faut espérer soucieux des défis sociaux et environnementaux, prenant en compte leurs interdépendances.</p>
<p>Si la crise sanitaire fait aujourd’hui des ravages, le dérèglement climatique à l’œuvre et le recul de la biodiversité pourraient générer, à moyen terme, des crises encore plus graves.</p>
<p>Si l’on exclut cette période de ralentissement forcé, les émissions de gaz à effet de serre sont en constante augmentation et le taux de CO<sub>2</sub> dans l’atmosphère n’a jamais été aussi élevé depuis au moins 800 000 ans, se situant désormais au-dessus de 415 parties par million (ppm) – contre 280 avant l’ère industrielle. </p>
<p>Selon le <a href="https://www.ipcc.ch/sr15/">dernier rapport du GIEC</a>, si nous ne faisons rien, nous pourrions être confrontés dès 2040 à une hausse globale des températures de 2 °C par rapport aux niveaux pré-industriels ; de 7 °C d’ici la fin du siècle, entraînant des conséquences désastreuses pour les espèces et les écosystèmes. Le rapport donne cependant une lueur d’espoir : il est « géophysiquement » possible de limiter le réchauffement à 1,5 °C à l’horizon 2100. Pour y parvenir, il faut viser la neutralité carbone à l’échelle de la planète en 2060, un bilan carbone nul en 2030, ce qui implique un effort considérable à fournir dès aujourd’hui.</p>
<p>Mais sommes-nous prêts à fournir un tel effort ? Car une dissonance entre nos convictions, souvent favorables à la protection de la planète, et notre propre résistance au changement existe indéniablement. À la suite des travaux du psychologue <a href="https://www.cairn.info/vocabulaire-de-psychosociologie--9782749206851-p-505.htm">Kurt Lewin</a>, dans les années 1940, de nombreux auteurs ont montré combien nos comportements pouvaient aller à l’encontre de nos convictions. </p>
<p>Le dernier ouvrage de George Marshall (2017), <a href="https://www.actes-sud.fr/catalogue/societe/le-syndrome-de-lautruche"><em>Le Syndrôme de l’autruche</em></a>, est en ce sens très éclairant sur l’inertie collective qui accompagne le réchauffement climatique. « Nous ne croyons pas ce que nous savons », dit pour sa part le philosophe Jean‑Pierre Dupuy, en plaidant pour un <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/le-malheur-des-uns/jean-pierre-dupuy-ou-limminence-de-la-catastrophe">« catastrophisme éclairé »</a>.</p>
<p>Que nous manque-t-il pour passer à l’action ? Outre une meilleure compréhension des défis environnementaux et climatiques, il nous faut des propositions alternatives. <a href="https://theconversation.com/de-la-bonne-maniere-de-sadresser-aux-eco-citoyens-52476">La pédagogie autour de ces enjeux globaux</a> doit être tournée vers les solutions plutôt que vers les problèmes.</p>
<p>C’est tout l’esprit du MOOC sur les transitions énergétique et écologique proposé par l’AFD et l’École normale supérieure. Ce cours en ligne, gratuit et accessible à tous, sera dispensé en français et sous-titré en anglais et en espagnol. <a href="https://t.co/BVRurnsDRv">Il démarre ce 25 mai 2020</a> pour 6 semaines (les inscriptions restant ouvertes quatre semaines après le début des cours).</p>
<h2>Des enseignements pour passer à l’action</h2>
<p>Conçu à la suite de l’adoption des <a href="https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/objectifs-de-developpement-durable/">Objectifs de développement durable</a> par la communauté internationale et de la COP21 en 2015, le MOOC « Transitions énergétiques et écologiques dans les pays du Sud » a pour objectif de présenter de manière claire et pédagogique les enjeux et défis majeurs de la transition énergétique et écologique.</p>
<p>Il vise également à engager un débat et à encourager les interactions entre participants. Des forums libres permettent ainsi à chacun de réagir et de s’exprimer tout au long du MOOC. L’objectif ? Que les participants – décideurs et acteurs de la décision publique et économique, mais aussi étudiants – poursuivent la réflexion dans l’échange afin de les inciter à agir.</p>
<p>Porté par <a href="http://www.carbone4.com/staff/alain-grandjean/">Alain Grandjean</a>, expert français de la transition énergétique, et l’économiste <a href="https://theconversation.com/profiles/gael-giraud-294638">Gael Giraud</a>, le MOOC rassemble les points de vue croisés de spécialistes du changement climatique, de l’écologie, et du développement.</p>
<p>Il s’ouvre sur le constat de l’insoutenabilité des trajectoires actuelles, en raison du dérèglement des grands cycles, de la « razzia sur les ressources naturelles » qui épuise notre planète (si l’on maintient notre taux de déforestation actuel, il n’y aura plus de forêts d’ici la fin du siècle) et du consumérisme qui transforme la <a href="https://theconversation.com/pollution-plastique-retour-sur-une-prise-de-conscience-101541">planète en grande poubelle</a> (chaque année, des <a href="http://advances.sciencemag.org/content/3/7/e1700782.full">millions de tonnes de plastique</a> sont rejetées en mer).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ciuUpX0LEZQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Extrait du MOOC : Alain Grandjean, économiste et dirigeant fondateur de Carbone 4, à propos de la trajectoire de New Climate Economy vers les deux degrés.</span></figcaption>
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<h2>Décarboner l’économie</h2>
<p>Les modèles économiques dominants qui gouvernent nos sociétés sont au cœur du problème.</p>
<p>En mettant l’accent sur la croissance « quantitative » <a href="https://theconversation.com/entre-croissance-du-pib-et-respect-des-engagements-climat-il-faut-choisir-64343">mesurée par le PIB</a>, sans considération de ses conséquences sociales ou environnementales, ces modèles font obstacle à la transition écologique et énergétique actuelle. Pour tracer une trajectoire de développement compatible avec une réduction des émissions de gaz à effet de serre, il faut avant tout décarboner l’économie.</p>
<p>Le MOOC montre qu’en matière de développement sobre en carbone de nombreuses voies existent, notamment dans les pays du Sud : économie circulaire, agriculture durable, économie qui préserve la biosphère et la biodiversité sont autant de solutions qui permettent de dégager un revenu tout en préservant et en régénérant la nature. Slim Dali, économiste à l’AFD, présente ainsi à travers l’exemple de trois pays (Indonésie, Jordanie et Nigéria), le concept d’intensité énergétique du PIB et les alternatives possibles pour réduire le caractère énergivore d’une économie.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/9SaUUFWfdoo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Extrait du MOOC : Slim Dali, chargé d’études économiques à l’AFD, sur l’intensité énergétique du PIB et intensité carbone dans les pays du Sud.</span></figcaption>
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<h2>La question des investissements</h2>
<p>Le MOOC aborde également la question du financement de la transition. Les économistes de la <a href="https://newclimateeconomy.net/">New Climate Economy</a> estiment en effet qu’il faudra investir environ 90 000 milliards de dollars d’ici 2030, soit 6 000 milliards de dollars par an, pour opérer la transition vers un développement durable. Comment financer cette transition ?</p>
<p>L’ensemble des acteurs, privés comme publics, ont sans conteste un rôle majeur à jouer pour mobiliser et catalyser les investissements. S’agissant de la puissance publique, elle peut notamment intervenir par le biais de la réglementation, que ce soit en fixant un prix au carbone (comme le recommande la <a href="https://static1.squarespace.com/static/54ff9c5ce4b0a53decccfb4c/t/59244eed17bffc0ac256cf16/1495551740633/CarbonPricing_Final_May29.pdf">Commission Stern-Stiglitz</a>) ou en arrêtant de subventionner les énergies fossiles, très polluantes.</p>
<p>Les subventions publiques aux énergies fossiles se chiffrent en effet à <a href="http://www.oecd.org/fr/environnement/rapport-accompagnant-l-inventaire-ocde-des-mesures-de-soutien-pour-les-combustibles-fossiles-9789264243583-fr.htm">500 milliards d’euros par an</a>, tandis qu’en comparaison, les subventions publiques aux énergies renouvelables avoisinent les 100 milliards d’euros par an, soit cinq fois moins.</p>
<p>La transition bas carbone ne doit cependant pas être punitive pour les acteurs économiques et des solutions existent en ce sens. Le Ghana a, par exemple, choisi d’utiliser l’économie réalisée par la baisse des subventions aux énergies fossiles pour la redistribuer à travers des actions concrètes : électrification des zones rurales, distribution d’ampoules plus efficientes et l’élargissement de la couverture santé.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/K2tc8dsz4BA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Extrait du MOOC : L’économiste Gaël Giraud sur la nécessaire réduction des subventions aux énergies fossiles.</span></figcaption>
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<h2>Une autre prospérité</h2>
<p>Si le climat constitue un enjeu global, les écosystèmes étant interconnectés, les causes et les conséquences du changement climatique ne sont pas uniformément réparties sur la planète.</p>
<p>Le continent africain n’est ainsi responsable que de <a href="https://www.connaissancedesenergies.org/emissions-mondiales-de-co2-etat-des-lieux-160404">4 % des émissions de gaz à effet de serre</a> alors même qu’il est déjà sévèrement affecté par les conséquences des dérèglements climatiques. De même, les défis et les opportunités pour inverser le cours des choses diffèrent fortement d’un point à l’autre du globe.</p>
<p>La question climatique, parce qu’elle trouve son origine au Nord et a des impacts et des conséquences majeures sur les dynamiques de développement au Sud, doit être envisagée dans un cadre global de solidarité internationale et de redéfinition des rapports Nord/Sud. Elle doit être l’opportunité de repenser le développement, en faisant de la transition énergétique et écologique l’occasion de construire dans ce monde d’interdépendances, une prospérité partagée.</p>
<p>Le MOOC montre ainsi combien les pays du Sud ont un rôle spécifique à jouer dans ce bouleversement complet des modèles économiques, commerciaux et politiques actuels, au service d’une transition énergétique et écologique efficace. Du fait des dynamiques d’investissement dans lesquelles ils sont engagés, ils ont aujourd’hui l’opportunité d’inventer une autre prospérité.</p>
<p>Ce que souhaite montrer plus largement ce MOOC, c’est que la transition énergétique et écologique dans les pays du Sud offre l’opportunité de construire une vision nouvelle du développement, en revisitant le rapport de l’homme à la nature, la toute-puissance de la marchandisation et de la compétition, l’appropriation de la gestion des communs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/104882/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le 25 mai 2020, une série de cours gratuits en ligne proposera d’appréhender l’évolution des modèles économiques des Sud à l’heure du changement climatique et de la raréfaction des ressources.Sarah Marniesse, Responsable du Campus du développement, Agence française de développement (AFD)Gilles Kleitz, Directeur ressources naturelles et transition écologique, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1032822018-09-23T19:19:50Z2018-09-23T19:19:50ZMOOC : la révolution n’a pas eu lieu<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/236936/original/file-20180918-158213-1yb5xee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=234%2C106%2C6408%2C3853&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le modèle initial des MOOC alliant vidéos, activités et attestations gratuites est en perte de vitesse. </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Permettre à toute personne qui le souhaite d’assister aux cours des plus prestigieuses universités, sans condition préalable de diplôme et depuis les quatre coins du monde, telle est la perspective alléchante qu’ouvrait l’<a href="https://www.lemonde.fr/enseignement-superieur/article/2013/10/02/l-universite-francaise-passe-de-l-amphi-aux-cours-en-ligne_3488383_1473692.html">essor</a> des <em>massive open online courses</em> (MOOC) à partir de 2012. Pour soutenir les établissements dans la conception de ces programmes en ligne, le ministère de l’Enseignement supérieur lançait dès 2013 sa propre plate-forme en ligne, <a href="https://www.fun-MOOC.fr/">France Université Numérique</a> (FUN). Les éloges fusaient sur cette démocratisation du savoir et les écoles et universités se penchaient sur ces possibilités de rayonnement inédites.</p>
<p>Quelques années plus tard, force est de constater que l’enthousiasme est retombé. <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2017/10/22/les-MOOC-font-pschitt_5204379_3232.html">« Les MOOC font pschitt ? »</a> titrait <em>Le Monde</em> en octobre 2017, tandis que France Culture orchestrait pour la rentrée un débat autour de la question : <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/du-grain-a-moudre/du-grain-a-moudre-du-lundi-03-septembre-2018">« Qui a mis K.O. les MOOC ? »</a>. Qu’en est-il réellement ? Les MOOC ont-ils réellement échoué à tenir leurs promesses ? Probablement, et voici quelques éléments d’explication fondés sur plusieurs années de recherche.</p>
<h2>Un gain de qualité en vidéo</h2>
<p>En premier lieu, dressons un rapide état de la situation. Certes, le brouhaha médiatique s’est estompé, le contraire eut été étonnant. Mais en France, des MOOC continuent à être diffusés et à engranger des inscriptions. Cependant, si l’on est un peu regardant, l’<a href="https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2018/08/22143-pourquoi-les-MOOC-ne-tiennent-pas-leurs-promesses/">offre s’est réduite comme peau de chagrin</a>. Les plates-formes américaines qui dominaient la scène mondiale ont largement renoncé à la gratuité, tout au plus peut-on trouver les vidéos des cours sans payer, en cherchant un peu. Le modèle original du MOOC, alliant vidéos, activités et attestations gratuites, est moribond. Il vivote encore un peu en France, mais va finir par disparaître.</p>
<p>En caricaturant un peu, si l’on raisonne à l’échelle internationale, nous en sommes à peu de choses près revenus à l’époque des « Open Coursewares », ces vidéos de cours gratuites, alors même que les MOOC promettaient justement, au-delà de simples ressources en libre accès, d’offrir des scénarios pédagogiques construits. En cause : la difficulté à mettre en œuvre un modèle économique viable. Ceci dit, les vidéos diffusées dans les MOOC sont généralement pensées pour le Web, au lieu d’être de simples cours magistraux filmés. Voilà qui a permis de diversifier l’offre proposée et de gagner en qualité, mais l’on ne peut pas parler de révolution.</p>
<p>Et quid de la situation de l’enseignement supérieur ? Il n’est pas rare de voir des MOOC reconnus dans tel ou tel cursus académique, dans telle ou telle école doctorale. Des progrès ont été faits, néanmoins, faute de recherches quantitatives sur la question, personne n’a la moindre idée de l’ampleur du phénomène. Il est vraisemblable que les choses n’aient guère progressé autant que l’on aurait pu l’espérer, et l’on peut identifier au moins deux raisons à cela.</p>
<h2>Un manque de stratégie</h2>
<p>Tout d’abord, il y a eu un défaut de réflexion stratégique sur les questions d’hybridation des MOOC avec les cursus académiques. L’heure était à la communication. Il s’agissait de ne pas rater le coche et de participer au raout mondial, l’heure était à « l’innovation », il fallait se faire la main sur l’enseignement avec le numérique. Repenser les cursus, mutualiser une offre pour rationaliser l’investissement ? Cette préoccupation qui aurait dû être essentielle est passée au second plan.</p>
<p>C’est bien dommage, car nous étions en pleine phase de regroupement d’établissements d’enseignement supérieur, au sein de ce que l’on nommait les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Communaut%C3%A9_d%27universit%C3%A9s_et_%C3%A9tablissements">COMUE</a>, ou Communautés d’établissements. Cela signifiait que l’on pouvait plus facilement atteindre une masse critique permettant de légitimer d’investir dans la numérisation des cours communs aux différents cursus, à condition que ceux-ci ne soient pas trop obsolètes – faire un MOOC de programmation sur les environnements de développement d’Apple, c’est risqué si ces derniers bougent tous les six mois.</p>
<p>On aurait pu penser à l’échelle du consortium au moins, à défaut de penser à l’échelle nationale ou internationale. Eh bien non. On a privilégié des projets de communication, pour interpeller le grand public. Ce n’est pas une mauvaise chose en soi mais il ne faut pas s’étonner que l’enseignement supérieur n’en ait pas été transformé en profondeur.</p>
<h2>Des blocages logistiques</h2>
<p>Deuxième point, on est restés dans une logique de formation synchrone, avec une date de début et une date de fin, et une faible visibilité sur la pérennité des projets. Difficile dans ces conditions, pour l’équipe pédagogique d’une formation académique, de planifier quoi que ce soit. La seule solution pour prévenir une éventuelle annulation, et avoir le contrôle sur ces détails logistiques, c’est d’être l’auteur du cours. Quelques institutions ont hybridé leurs propres MOOC et mutualisé les ressources entre les cursus. Néanmoins, rares sont celles qui ont intégré les MOOC d’autres établissements, sans doute aussi pour les raisons susmentionnées.</p>
<p>C’est dommage, d’autant que la plupart des MOOC ne sont que des vidéos avec des quiz, et qu’il n’aurait pas coûté grand-chose de les laisser accessibles en permanence. L’argument qui consiste à dire qu’il faut être présent sur les forums pour répondre aux questions – et qu’on ne peut pas faire ça tout au long de l’année – est faible. Alors quoi, on aurait saboté le mouvement MOOC pour les quelques internautes qui se battent en duel sur les forums de discussion ?</p>
<p>Il eut été facile de faire des attestations de suivi délivrées automatiquement quand tous les exercices étaient faits. Les activités proposées n’auraient pas été très palpitantes, mais vu que c’était déjà le cas de toute façon, au moins aurait-on pu mieux valoriser les investissements réalisés. Comme il était compliqué d’organiser une session où toute l’équipe est présente, la plupart des gens ont fini par se démobiliser. Il ne reste plus que quelques militants de la première heure pour continuer à organiser deux sessions par an. Mais jusqu’à quand ?</p>
<p>En somme, la situation n’est pas glorieuse, et je pense que l’absence de vision à long terme et la volonté de préserver le statu quo y sont pour beaucoup. Trop d’esbroufe – c’était à qui aurait le plus gros MOOC – et pas assez de réflexion sur ce que l’on pouvait changer dans notre enseignement supérieur. On a pensé à tort que l’on avait affaire à une révolution technologique, alors que c’était là une révolution organisationnelle potentielle, qui aurait permis de rationaliser la production de ressources pédagogiques et l’aménagement des cursus.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/103282/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Matthieu Cisel a reçu des financements de l'ENS Paris-Saclay pour réaliser sa thèse sur le sujet des MOOC</span></em></p>Des cours conçus par les meilleures universités et accessibles à tous ? La promesse des MOOC faisait rêver mais leur bilan est beaucoup plus mitigé. Quelques pistes d’explication.Matthieu Cisel, Post-doctorant en Sciences de l'éducation, Learning Planet Institute (LPI)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1000032018-08-20T20:44:17Z2018-08-20T20:44:17ZUne école de commerce est aussi forte que la communauté qu’elle façonne : la preuve par quatre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/227764/original/file-20180716-44103-xi84hq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Campus parisien de l'ESCP Europe, première école de commerce au monde fondée en 1819</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/escpeurope_london/10344058446/in/album-72157636683908305/"> ESCP Europe/Flickr </a></span></figcaption></figure><p>Deux siècles après leur <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0263237314000425">invention</a>, presque toutes les Écoles de commerce se trouvent à un carrefour stratégique. Il s’agit pour elles d’appréhender chacune de ces quatre directions pour se distinguer de la concurrence, optimiser un financement plus difficile à obtenir, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0007681318300624">ou tout simplement pour se réinventer</a>.</p>
<p>Seront donc exposés les quatre D sur lesquels les Écoles méditent leur stratégie, à savoir les 4 Défis qui feront et déferont les Écoles sur le long terme, les 4 Dates clés qui ont ouvert une nouvelle ère, les 4 Développements auxquels les Écoles se réfèrent pour s’affronter dans cette nouvelle période et enfin une brève analyse des 4 Dimensions de classification des business schools en montrant lesquelles seront mieux préparées à ces évolutions.</p>
<p>Mais en fin de compte, il ne faut pas aller par – ces– quatre chemins : une business school sera aussi forte que sa communauté, qui l’entoure.</p>
<h2>Quatre défis</h2>
<p>Les Écoles de commerce, qui se trouvent souvent dans un <a href="https://theconversation.com/debat-alerte-sur-lenseignement-superieur-de-gestion-francais-84296">contexte budgétaire tendu</a>, font actuellement face à au moins 4 défis.</p>
<p>Premièrement, elles ont trop souvent adopté une approche uniforme et de court terme (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Me_too">approche <em>me too</em></a>) pour répondre aux exigences des classements et des accréditations.</p>
<p>Deuxièmement, l’évolution vers une <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2018/04/11/les-ecoles-de-commerce-misent-sur-la-recherche-pour-rayonner-a-l-international_5284130_4401467.html">recherche scientifique</a> de plus en plus sophistiquée force beaucoup de professeurs à se concentrer sur des questions peu pertinentes pour la préparation des diplômés au marché de l’emploi.</p>
<p>Troisièmement, les écoles ayant <a href="http://www.newsweek.com/are-business-schools-blame-crisis-81537">souvent été critiquées</a> pour s’être détournées de l’enseignement à la prise de décisions éthiques, sont désormais attendues sur les sujets sociétaux comme le développement durable ou la diversité sociale.</p>
<p>Et enfin, la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S000768131630009X">révolution digitale</a> (c-à-d, l’émergence des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Massive_Open_Online_Course">MOOCs</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/SPOC">SPOCS</a>, et l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Intelligence_artificielle">IA</a>) a commencé à <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0007681318300624">remettre en question</a> l’essence même de la transmission de connaissances.</p>
<h2>Quatre dates</h2>
<p>Ces évolutions sont si fondamentales qu’elles dessinent une nouvelle ère, la quatrième depuis l’invention du concept d’École de commerce en 1819 avec l’établissement de <a href="http://www.escpeurope.eu/">ESCP Europe</a>. Tandis que la première période incarne la fondation des premières institutions, la seconde ère est caractérisée par la mise en place d’une véritable science du management, exigée dans le <a href="https://www.economist.com/news/2009/06/04/the-more-things-change.">rapport de Gordon-Howell</a> de 1959. La troisième période, façonnée par l’importance croissante des organismes d’accréditations et des classements internationaux, est symbolisée par la création de <a href="http://www.efmd.org/accreditation-main/equis">EQUIS</a> en 1997 et consacre la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0263237314000425">(ré)émancipation des écoles en Europe</a> de leurs pendants américains. Cependant, aucune de ces périodes n’a eu autant d’impact que cette nouvelle, quatrième ère, qui pourrait aboutir à la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0007681318300624">réinvention du concept</a> même de la business school.</p>
<h2>Quatre développements</h2>
<p>À ce tournant pour les Écoles de commerce, quatre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0007681316000045">développements</a> seront prééminents :</p>
<ol>
<li><p>Une marque forte sera d’une importance primordiale dans un contexte concurrentiel accru. Alumni et étudiants seront davantage sollicités pour devenir les égéries de leur école, particulièrement sur les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0007681309001232">réseaux sociaux</a>. Le corps professoral devra se (re)focaliser sur une recherche répondant à des questions pertinentes pour l’environnement managérial afin de faciliter sa reprise dans la presse (spécialisée). Puis, les Écoles auront besoin de développer une bonne image dans des domaines tels que la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Responsabilit%C3%A9_soci%C3%A9tale_des_entreprises">responsabilité sociétale des entreprises</a> et le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9veloppement_durable">développement durable</a>, comme évoqué ci-dessus.</p></li>
<li><p>La <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S000768131630009X">révolution digitale</a> transférera peu à peu la transmission de connaissances dans la sphère virtuelle. Les étudiants auront besoin que leur présence physique sur le campus soit justifiée. Les travaux de groupe, sessions de coaching, et discussions en cours deviendront des éléments clés. Les <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Anti-caf%C3%A9">anti-cafés</a> tels que celui de l’<a href="http://www.em-lyon.com/fr/">EM Lyon</a> seront essentiels pour renforcer l’échange entre étudiants, professeurs, et pourquoi pas alumni. Les étudiants évolueront donc de fait du statut passif de consommateurs d’information vers celui d’actifs producteurs lors de leurs cours.</p></li>
<li><p>La <a href="https://www.lemonde.fr/commerce-gestion/article/2017/12/28/les-ecoles-de-commerce-au-defi-de-la-concurrence-mondiale_5235245_4468252.html">baisse des dotations publiques</a> intensifie le besoin de financement privé – particulièrement de la part des alumni. Cela incite les Écoles à adopter une approche fortement centrée sur l’étudiant. Ainsi, à côté des cours, les activités extracurriculaires, du sport aux associations étudiantes, voyages d’étude ou autre, deviendront essentielles pour atteindre un haut degré de satisfaction et créer un lien de long terme avec les futurs donateurs. Un positionnement clairement différencié aidera les entreprises et partenaires à comprendre pourquoi ils devraient investir dans une École de commerce plutôt qu’une autre.</p></li>
<li><p>L’enseignement évoluera vers le développement de compétences. Ainsi, les professeurs assumeront un rôle croissant de coachs, entraineurs, et facilitateurs. Les services carrières commenceront à occuper un rôle central pour aider les étudiants à identifier les emplois qui correspondent au mieux à leurs talents et capacités. La perception d’un retour sur investissement passera par la double satisfaction des étudiants d’avoir été orientés et préparés à des opportunités professionnelles taillées pour leur profil. Le sentiment de réussite qui découlera de cet épanouissement sera crucial pour que les alumni deviennent des bienfaiteurs.</p></li>
</ol>
<h2>Quatre dimensions</h2>
<p><a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0007681318300624">Quatre dimensions</a> de classification des écoles de commerce permettent de mettre en perspective leurs atouts pour les développements mentionnés ci-dessus :</p>
<ol>
<li><p><strong>Capital</strong> : les Écoles peuvent être, soit publiques, soit privées, soit un mélange des deux. A priori, les Écoles privées auront un avantage grâce à leur expérience dans la levée de fonds.</p></li>
<li><p><strong>Culture</strong> : les Écoles suivent le modèle américain ou <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0263237314000425">européen</a>. Tandis que les Européennes sont plus habituées à enseigner un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Management_europ%C3%A9en">management sociétal</a>, les Américaines ont une plus longue tradition d’image de marque.</p></li>
<li><p><strong>Compas</strong> : les Écoles peuvent soit avoir une dimension internationale/globale, soit une dimension locale/régionale – avec un léger avantage pour les écoles internationalisées.</p></li>
<li><p><strong>Contenu</strong> : les Écoles se focalisent plutôt, soit sur la recherche, soit sur l’enseignement. Un bon équilibre entre une recherche pertinente et une haute qualité d’enseignement sera décisif.</p></li>
</ol>
<p>Au final, la route vers le succès est bien plus simple que d’aller par ces 4 chemins, complexifiés chacun par autant d’embranchements : la réussite d’une École de commerce dans cette quatrième ère dépendra largement de la collaboration entre les partenaires clés et leur habilité à créer une communauté dynamique, engagée et motivée de professeurs, d’étudiants, d’alumni, d’employés non-académiques, et de partenaires variés. Leurs intérêts auront besoin d’être équilibrés avec tact afin que tous viennent renforcer la flotte à même de venir à bout des changements et défis mentionnés plus haut.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/100003/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cet article est basé sur: Kaplan Andreas (2018) A school is “a building that has four walls…with tomorrow inside”: Toward the reinvention of the business school, Business Horizons, 61(4), 599-608.</span></em></p>De la quatrième ère des business schools et l’urgence de leur réinvention.Andreas Kaplan, Rector, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/981302018-07-24T19:53:09Z2018-07-24T19:53:09ZAccès aux études pour les réfugiés : un droit fondamental trop peu respecté<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/228696/original/file-20180722-142414-mrwpj0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C4%2C989%2C624&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Au-delà d'une nouvelle langue, les étudiants réfugiés doivent apprivoiser de nouveaux codes administratifs et académiques. </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock.com </span></span></figcaption></figure><p>Partout dans le monde, le taux d’accès à l’université progresse. D’un niveau global moyen de 36 %, il s’élève jusqu’à 76 % dans des régions comme l’Europe et l’Amérique du Nord. Un mouvement dont les réfugiés restent à l’écart. Sur les 70 millions de réfugiés recensés dans le monde en 2019, 61 % sont des jeunes. Mais <a href="http://www.unhcr.org/fr/">seuls 1 % d’entre eux</a> sont inscrits dans l’enseignement supérieur. </p>
<p>Au Royaume-Uni, le Higher Education Policy Institute (HEPI) a mis en évidence l’<a href="https://www.hepi.ac.uk/2018/05/10/reaching-parts-society-universities-missed-manifesto-new-director-fair-access-participation/">ampleur de cette différence</a> entre les réfugiés et le reste de la population. Globalement, si l’on se réfère au rapport de l’Unesco de 2016, la <a href="https://fr.unesco.org/news/enfants-refugies-sont-cinq-fois-plus-susceptibles-etre-exclus-du-systeme-scolaire-que-autres">condition de réfugié réduit par cinq les chances d’être scolarisé</a>.</p>
<p>En 2018, l’Unesco, toujours, <a href="https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000366312">révèle</a> qu’un refugié sur huit considère que la reconnaissance des qualifications et des acquis antérieurs est la difficulté principale à l'intégration - plus importante aux yeux des personnes interrogées que l’apprentissage de la langue, la discrimination ethnique ou les politiques d’immigration.</p>
<p>Pourtant, la <a href="http://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights/">Déclaration universelle des droits de l’homme</a> de 1948 dispose que « l’accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite » (Article 26.1). Pour faciliter l’exercice par les réfugiés de ce droit fondamental, les pays européens ont ratifié en 1997 un texte conjoint du Conseil de l’Europe et de l’Unesco, dit <a href="https://www.coe.int/t/dg4/highereducation/recognition/lrc_FR.asp">« Convention de Lisbonne »</a>, spécifiquement consacré à « la reconnaissance des qualifications relatives à l’enseignement supérieur dans la région européenne », invitant les cinquante-trois pays qui l’ont ratifiée à prendre</p>
<blockquote>
<p>« toutes les mesures possibles et raisonnables […], pour élaborer des procédures appropriées permettant d’évaluer équitablement et efficacement si les réfugiés, les personnes déplacées et les personnes assimilées aux réfugiés remplissent les conditions requises pour l’accès à l’enseignement supérieur, la poursuite de programmes d’enseignement supérieur complémentaires ou l’exercice d’une activité professionnelle et ce même lorsque les qualifications obtenues dans l’une des Parties ne peuvent être prouvées par des documents les attestant ». (Section VII, Art. VII)</p>
</blockquote>
<p>En dépit de ces engagements, les dispositifs juridiques et réglementaires des différents pays échouent à garantir ce droit à la formation, ralentissant d’autant l’intégration au marché du travail des réfugiés et demandeurs d’asile.</p>
<h2>Des obstacles matériels</h2>
<p>De fait, les membres de l’Union européenne se trouvent dans une situation paradoxale. À l’heure où les établissements, sous la pression des classements mondiaux et de l’hégémonie du modèle anglo-américain, multiplient les efforts pour recruter davantage d’étudiants internationaux, l’espace européen continue de générer des barrières pour cette catégorie particulière d’étudiants internationaux potentiels que sont les réfugiés.</p>
<p>Alors que la plupart des études économiques soulignent l’impact positif des migrants sur la croissance des pays d’accueil et d’origine, il y aurait donc un intérêt fort à lever ces obstacles. D’autant que les lenteurs, notamment l’allongement du traitement de la demande d’asile, créent un découragement psychologique et freinent les possibilités d’intégration socio-économique future.</p>
<p>Parmi les obstacles les plus visibles figurent le niveau linguistique et les moyens financiers. Outre un bon niveau général de compréhension et d’expression, l’accès à l’enseignement supérieur suppose aussi la maîtrise des codes administratif et académique, ainsi que diverses épreuves d’évaluation. Les coûts liés à ces tests s’ajoutent aux frais de scolarité et d’inscription, variables selon le pays. </p>
<p>Des agences d’État comme le <a href="https://www.daad.de/en/">DAAD</a> allemand ou le <a href="https://www.nuffic.nl/">Nuffic</a> néerlandais, des fondations privées et diverses organisations à but non lucratif ont constitué des fonds de bourses dédiés. Cependant, beaucoup de réfugiés ne disposent pas du budget nécessaire pour couvrir ne serait-ce que les frais de leur vie quotidienne pendant la durée des études.</p>
<p>Les lacunes liées aux dispositifs d’information, d’orientation et de conseil constituent également une entrave. Comprendre le système d’enseignement du pays d’accueil implique de se familiariser avec les critères d’évaluation et de notation, les systèmes d’aide au transport et autres aspects de la vie étudiante. </p>
<p>Enfin, il faut compter avec les discriminations liées aux perceptions que les ressortissants du pays d’accueil ont du phénomène migratoire, comme l’indique le <a href="http://www.enar-eu.org/IMG/pdf/shadowreport_2015x2016_long_low_res.pdf">Réseau européen contre le racisme</a> (ENAR).</p>
<h2>Des problèmes d’équivalences</h2>
<p>Au cours la dernière décennie, de nombreux programmes ont tenté de lever ces obstacles. La <a href="http://www.eua.be/activities-services/eua-campaigns/refugees-welcome-map">« Refugees Welcome Map »</a>, carte interactive créée par l’association des universités européennes (EUA), s’efforce de recenser, documenter et actualiser l’ensemble des initiatives. Alimentée par les établissements, elle rassemble plus de 250 initiatives dans 31 pays et a servi de modèle pour de nombreuses autres cartes aujourd’hui proposées par des associations et collectivités locales.</p>
<p>Pour faciliter la transition des réfugiés vers le système universitaire du pays d’accueil, des plates-formes numériques et des programmes hybrides, comme les « LearningLabs InZone » de l’Université de Genève, l’initiative <a href="https://refugees.coursera.org/">« Coursera for Refugees »</a> ou le projet <a href="https://www.jamiya.org/">Jamiya</a> » de l’Université de Göteborg (initialement conçus pour les camps de réfugiés du continent africain et de Jordanie) ont été redéployées et adaptées, permettant d’offrir des formations linguistiques et un accompagnement individualisé.</p>
<p>Fondée à Berlin en mars 2015, la start-up <a href="https://kiron.ngo/">Kiron Open Higher Education</a> a contribué à une meilleure articulation entre ces formations de première instance et les formations diplômantes européennes. Sa force : un réseau de partenariats avec les établissements les plus prestigieux, les ONG et les plus grands fournisseurs internationaux de MOOCs.</p>
<p>Si ces organismes, maîtrisant la complexité juridique de la situation des réfugiés, sont essentiels pour assurer un accompagnement individuel, la difficulté principale réside aujourd’hui dans la reconnaissance inefficace et incomplète des crédits et des qualifications, en particulier en l’absence de preuves officielles. Cette reconnaissance est pourtant prévue par la Convention de Lisbonne, mais elle se heurte à l’hétérogénéité des pratiques et des moyens à l’intérieur de la zone européenne.</p>
<h2>Un manque de coordination</h2>
<p>Le réseau européen des centres d’information nationaux pour l’éducation (ENIC-NARIC) est chargé de coordonner la mise en place d’un <a href="https://www.coe.int/en/web/education/recognition-of-refugees-qualifications">« Passeport européen de qualifications »</a>, inspiré du Passeport Nansen, qui avait été conçu dans les années 1920 par le scientifique norvégien Fridtjof Nansen, premier Haut-Commissaire pour les réfugiés de la Société des nations, pour permettre aux réfugiés apatrides de passer les frontières et leur assurer une protection juridique internationale. </p>
<p>Spécialement développé pour les réfugiés qui n’ont pas de documents originaux prouvant leur diplôme, ce papier devrait permettre d’obtenir une vérification certifiée des compétences linguistiques, professionnelles et académiques. Sa délivrance reposerait sur un processus d’entretiens et la prise en compte d’un large éventail de preuves et d’auto-évaluations. Si les centres de pays comme l’Allemagne (Base ANABIN), le Royaume-Uni (NARIN) et la Norvège (NOKUT) ont réussi à définir des procédures claires pour cette évaluation certifiée, le dispositif reste en large partie inopérant dans la plupart des pays.</p>
<p>Sur le terrain, une multiplicité d’acteurs se sont mobilisés. En France ces interventions, souvent non coordonnées entre elles, ont été avant tout portées par les établissements d’enseignement supérieur, généralement <a href="http://wintegreat.org/">à l’initiative de collectifs d’étudiants bénévoles</a>. Si elles jouent un rôle majeur dans l’intégration des réfugiés au niveau local, aucune n’a encore fait l’objet de véritable étude d’impact permettant le transfert de connaissances et l’adoption à large échelle.</p>
<p>Les engagements politiques se multiplient : en 2018 la <a href="https://en.unesco.org/sites/default/files/2018-12-07_brussels_declaration.pdf">déclaration Unesco</a> de Bruxelles a engagé les gouvernements de plus de 60 pays à « faire en sorte que les systèmes d’éducation et de formation soient plus équitables et inclusifs afin de ne laisser personne de côté », et à « inclure les migrants, les personnes déplacées et les réfugiés dans nos systèmes d’éducation et de formation ». </p>
<p>Plus tard, à Marrakech, les États Membres de l’ONU ont adopté le « <a href="https://www.un.org/en/conf/migration/">Pacte mondial</a> pour des migrations sûres, ordonnées et régulières » se fixant comme objectif d’« investir dans le perfectionnement des compétences et faciliter la reconnaissance mutuelle des aptitudes, qualifications et compétences ». </p>
<p>Mais plus qu’un objectif en soi, <a href="https://eua.eu/downloads/publications/higher%20education%20for%20third%20country%20national%20and%20refugee%20integration%20in%20southern%20europe%20v2.pdf">l’accès</a> à l’enseignement supérieur reste une première étape vers l’intégration socio-économique et l’autonomisation des migrants. Ces enjeux politiques et économiques majeurs nécessitent une plus forte participation des bénéficiaires dans l’évaluation et le suivi des interventions et de leur impact.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/98130/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alessia Lefébure ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors qu’une formation supérieure accélérerait leur intégration, seuls 1 % des réfugiés en âge d’étudier accèdent à l’université. En Europe, revue des écueils majeurs et de quelques solutions.Alessia Lefébure, Directrice adjointe, directrice des études, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/989632018-07-22T22:44:24Z2018-07-22T22:44:24ZPédagogie dans le supérieur : faut-il vraiment miser sur l’autonomie des étudiants ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/228428/original/file-20180719-142417-1g7dwei.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C65%2C995%2C669&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Même si le savoir est aujourd'hui à portée de clic, tout élève, enfant ou adulte, a besoin d'être guidé dans ses apprentissages.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Étymologiquement, le mot pédagogie veut dire « l’art d’enseigner aux enfants » – <em>paidos</em>, en grec ancien, signifiant « enfant ». Mais alors que l’enseignement supérieur est en pleine croissance et que la formation continue se développe, on peut remarquer qu’aucun autre terme ne s’est imposé pour désigner la manière d’enseigner à un public adulte, pas même <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Andragogie">« andragogie »</a> – du grec <em>andros</em> désignant l’homme ou l’adulte. On continue à parler de pédagogie sans distinction d’âge, qu’il s’agisse du système scolaire ou des cursus post-bac.</p>
<p>« Lorsqu’une chose n’existe pas, il n’existe pas de mot pour la désigner ; et s’il n’existe pas de mot pour nommer une chose, c’est que cette chose n’existe pas », selon Aristote. Peut-on appliquer ce précepte à la pédagogie ? Peut-on dire que la pédagogie pour adultes n’existe pas ? Inspiré par la proximité entre le psychisme de l’adulte et celui de l’enfant, voici ce qu’Antoine Léon, auteur d’une <a href="https://www.persee.fr/doc/rfp_0556-7807_1972_num_21_1_2036_t1_0092_0000_3"><em>Psychopédagogie des adultes</em></a>, répondait à cette question dans les années 1970 :</p>
<blockquote>
<p>« L’andragogie apparaît beaucoup plus comme une aspiration que sous les traits d’un ensemble doctrinal ou méthodologique en voie d’élaboration. En d’autres termes, l’opposition entre andragogie et pédagogie relève davantage du domaine de l’opinion que de celui de la démarche scientifique ou même empirique. »</p>
</blockquote>
<h2>Un cadre nécessaire</h2>
<p>Qu’en est-il quarante ans plus tard, alors qu’on invoque de plus en plus l’autonomie ? Celle-ci peut-elle être une base autour de laquelle s’étoffe un enseignement spécifique aux adultes, bien distinct des méthodes destinées aux jeunes enfants ? Des dispositifs comme les MOOCs, et leurs cours diffusés en ligne, ou la classe inversée – où l’élève découvre le cours chez lui avant de l’approfondir en classe – semblent placer les apprenants seuls face aux savoirs. Mais, de là à conclure que l’autonomie est la condition d’un bon apprentissage, il y a un pas.</p>
<p>C’est ce que montre l’<a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807306189-la-pedagogie-inversee">exemple de la classe inversée d’Éric Mazur</a>. La lecture individuelle annotée est l’une des activités emblématiques du programme, <a href="https://www.seas.harvard.edu/news/2013/03/flipped-classroom-will-redefine-role-educators">dispensé dans la prestigieuse université d’Harvard</a>, aux États-Unis. Elle consiste, pour chaque étudiant, à lire sur son ordinateur les chapitres d’un livre, à en surligner les passages mal compris, puis, via une plate-forme de mise en réseau, à décrire ses problèmes à ses collègues étudiants et à répondre aux éventuelles questions posées par ces derniers.</p>
<p>Une coopération qui s’établit spontanément ? Non, puisque le travail effectué sur la plate-forme, commentaires inclus, est supervisé et noté. Au cœur de l’une des plus grandes universités au monde, accueillant des étudiants parmi les meilleurs de la planète, on a ainsi compris que c’est sous l’influence de son milieu que l’individu devient ce qu’il est, et que ce n’est qu’au travers d’une l’histoire sociale qu’il développera au mieux ses aptitudes. Et cette histoire, il appartient aux enseignants de la créer.</p>
<h2>Des interactions sociales décisives</h2>
<p>En réalité, l’autonomie dont on vante à l’envi les vertus ne peut être considérée comme une compétence clé dans l’acte d’apprendre. Elle ne constitue que l’aboutissement de l’apprentissage et non son pré-requis : à tout âge, en effet, l’individu n’est autonome que pour ce qu’il a déjà appris. Aller au-delà de ce qu’il sait déjà faire, nécessite, à chaque fois, de nouvelles relations sociales avec des tiers aidants – un enseignant, un collègue étudiant, un parent. Pour progresser, il est nécessaire d’être confronté à de nouvelles interactions sociales qui vont permettre d’être guidés vers de nouvelles acquisitions. <a href="https://www.persee.fr/doc/rfp_0556-7807_1998_num_122_1_3010_t1_0188_0000_4">Le vrai moteur de l’apprentissage n’est donc pas l’autonomie de l’apprenant, mais les liens sociaux inédits</a> pouvant naître d’un milieu humain stimulant.</p>
<p>Si, dans certains dispositifs, le rôle des professeurs se joue désormais plus en coulisses que sur l’estrade du cours magistral, il n’en demeure pas moins essentiel pour guider les apprentissages. Leur empreinte passe par la prescription d’exercices pertinents, l’évaluation personnalisée des élèves, la gestion de la discipline, les encouragements à persévérer dans l’effort et la reconnaissance des succès. Toutes choses, à l’évidence, qu’une classe ne peut aisément obtenir ou s’imposer à elle-même et motivent le recours à une aide extérieure multiple.</p>
<p>Que l’enseignant se trouve face à un groupe d’enfants ou d’adultes, leurs besoins sont les mêmes en matière de pédagogie. C’est en abandonnant le mythe d’une autonomie de plus en plus nécessaire au fil de l’âge que les universitaires pourront commencer à déployer une pédagogie « radicalement sociale » cessant de naviguer entre deux eaux, comme le soulignait cette étude pour l’<a href="http://www.ove-national.education.fr/medias/files/publications/Rapport_OVE_-_Coulon-Paivandi.pdf">Observatoire de la vie étudiante</a> :</p>
<blockquote>
<p>« la grande contradiction […] est la cohabitation de deux discours : d’une part, on réclame de plus en plus d’autonomie chez les étudiants et, d’autre part, on insiste sur la nécessité d’un encadrement plus important. »</p>
</blockquote>
<p>Ce faisant, ils privilégieront toutes les activités sortant l’étudiant de son isolement, comme les travaux de groupes, la conduite de projets, la communication entre étudiants ou entre professeurs et étudiants. Et pour mieux le dire encore, nous laisserons à <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Enfants_sauvages">Malson</a> et la poésie de son verbe, la plus belle des conclusions : « Avant la rencontre du groupe et d’autrui, l’homme n’est rien que des virtualités aussi légères qu’une vapeur transparente. Toute condensation suppose un milieu, c’est-à-dire le monde des autres. »</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/98963/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yann Roche ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans un monde où le savoir semble à portée de clic, on invoque de plus en plus l’autonomie des apprentissages. Or l’expertise enseignante et les liens sociaux restent essentiels à toute progression.Yann Roche, Ingénieur-chercheur en pédagogie, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/981022018-07-18T20:24:30Z2018-07-18T20:24:30ZDes difficultés et des moyens d’innover en pédagogie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/227837/original/file-20180716-44103-dsmeoo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=23%2C13%2C3030%2C2009&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'innovation repose sur un effort collectif. Il est donc essentiel d'en expliquer les rouages à tous les intervenants.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Concevoir de nouvelles manières d’enseigner, c’est un impératif si l’on veut aider les étudiants à appréhender les bouleversements induits par les évolutions sociétales et technologiques, et leur apprendre à s’adapter à un monde qui évolue très vite. D’ailleurs, des MOOCs, aux tentatives de <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807306189-la-pedagogie-inversee">classe inversée</a>, les innovations pédagogiques suscitent souvent beaucoup d’expérimentations et d’investissements dans nos établissements d’enseignement supérieur. Pourtant, sur le terrain, leur mise en place ne coule pas toujours de source.</p>
<p>D’abord, il faut convaincre les collègues d’embarquer dans un processus de changement puis de s’approprier un dispositif pédagogique d’un nouveau genre, comme un <em>serious game</em> ou la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=RaFZXGNi6Ak&feature=youtu.be">simulation d’un environnement professionnel</a>. Du côté de la gouvernance de l’établissement, il s’agit de soutenir une démarche agile d’expérimentation, tout en pariant de façon inconditionnelle sur la créativité des enseignants. Une démarche qui suppose un investissement et une certaine prise de risque. Enfin, la résistance peut aussi venir des étudiants : comment les inciter à s’engager dans des modes de formation dont ils n’avaient jamais jusqu’ici supposé l’existence ?</p>
<h2>Changer de posture</h2>
<p>En 2015, le colloque <a href="http://www.colloque-pedagogie.org/">« Questions de pédagogie dans l’enseignement supérieur »</a> interrogeait cette difficulté d’innover et les moyens disponibles, autour de trois enjeux, <a href="https://journals.openedition.org/ripes/1262">résumés par Denis Lemaître</a> : comment rendre compte de ce qu’est l’innovation ? Qu’est-ce qui la justifie ? Quelles en sont les finalités ? Des questions dont nous avons perçu toute l’actualité en élaborant <a href="https://theconversation.com/un-environnement-professionnel-simule-pour-mieux-sinitier-au-management-98099">FlashTel</a>, un dispositif de simulation d’un environnement professionnel de type <em>call center</em>, afin d’initier les étudiants de première année de Grenoble École de Management aux principales théories managériales.</p>
<p>Qu’elle soit une rupture par rapport aux pratiques individuelles ou locales, ou qu’elle rompe totalement avec les traditions de l’enseignement supérieur, l’innovation pédagogique doit faire face à toute une série d’écueils que l’on peut regrouper en quatre grandes catégories :</p>
<ul>
<li><p><strong>L’écueil du sens :</strong> Pour les étudiants habitués à la mécanique du cours magistral, il peut être déstabilisant par exemple de devoir faire des recherches par eux-mêmes en amont d’un module ou d’animer un temps du cours. Certains jugeront ainsi que « tout serait plus simple si le professeur prenait en charge l’exposé des connaissances à acquérir », sans bien percevoir les compétences que la nouvelle démarche leur permet de se forger. Pour les enseignants, difficile d’accepter de changer de démarche pédagogique quand les évaluations des années précédentes étaient satisfaisantes.</p></li>
<li><p><strong>L’écueil culturel :</strong> « Est-ce vraiment sérieux de nous demander de « jouer » un rôle de manager dans un <em>call center</em> ? », peut se demander l’étudiant peu familier des mises en situation. Pour les enseignants, les réunions de calage et les multiples étapes réflexives à prévoir à chaque round de simulation peuvent aussi être déroutantes.</p></li>
<li><p><strong>L’écueil de la planification spatio-temporelle :</strong> « A qui expliquer cette année qu’il faut revoir les rythmes de cours pour que je puisse assumer le challenge lancé avec deux autres écoles, en classe inversée, sachant que je vais avoir un groupe à distance et un autre avec moi ? », s’interrogera l’enseignant. Quant à l’étudiant, il peut avoir du mal à réorganiser son temps de travail, entre classe, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fab_lab">fablab</a> et autres nouveaux espaces de travail en autonomie.</p></li>
<li><p><strong>L’écueil du devenir :</strong> Face aux recherches qu’il a à faire et aux restitutions de travaux de groupe, l’étudiant peut se demander dans quelle mesure il est encore un « apprenant ». Quant à l’enseignant, il doit lui aussi changer de posture et se concentrer sur la régulation des interactions plus que sur la présentation d’un contenu. Une redéfinition des rôles qui demande un temps d’adaptation et une capacité de projection.</p></li>
</ul>
<h2>Favoriser le dialogue</h2>
<p>L’analyse du dispositif innovant FlashTel a permis d’identifier un certain nombre de leviers à activer lorsque surgissent ces écueils.</p>
<p>Du côté de l’équipe enseignante, il s’agit d’échelonner le dialogue tout au long du processus de mise en place de l’innovation :</p>
<ul>
<li><p>en favorisant la démarche de co-conception avec l’ensemble des intervenants pour optimiser l’adhésion aux étapes du scénario, et l’appropriation des éléments techniques, le cas échéant</p></li>
<li><p>en prévoyant des temps d’explicitation de la démarche et des références théoriques qui sous-tendent les choix</p></li>
<li><p>en aménageant un temps de formation ou d’accompagnement en amont par la cellule de soutien pédagogique</p></li>
<li><p>en intégrant des temps de régulation et de débriefing tout au long du déroulé du module</p></li>
<li><p>en trouvant des moyens de valoriser l’investissement de chacun, comme des prix ou des publications</p></li>
</ul>
<p>Du côté de l’étudiant, il faudra aussi privilégier l’explication et :</p>
<ul>
<li><p>passer avec lui un contrat pédagogique clarifiant sa place dans l’architecture du dispositif</p></li>
<li><p>introduire au cours du scénario un temps de régulation sur la démarche d’innovation elle-même, permettant à chacun d’exprimer son confort ou son inconfort, ses questionnements</p></li>
<li><p>favoriser les dispositifs innovants en phase avec les valeurs des étudiants, et les aident à s’inscrire dans une situation authentique de vie et du monde professionnel.</p></li>
</ul>
<p>De telles résistances peuvent émerger dans nos établissements, nos équipes, nos groupes d’étudiants, mais y répondre en activant des leviers simples et partagés est essentiel, tant l’innovation pédagogique doit être portée par une dynamique collective, si l’on veut la déployer et l’intégrer dans les pratiques. Alors, osons continuer à questionner ces retours d’expériences, ces méthodes et ces outils, tout comme la démarche elle-même d’innovation et les leviers à mobiliser, souvent propres à chaque contexte. Valoriser ce challenge aux yeux des étudiants et des enseignants, c’est sûrement la promesse de son renouvellement au sein de nos établissements d’enseignement supérieur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/98102/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Derrière leurs attraits, les innovations pédagogiques ne sont pas si faciles à installer sur le terrain. Quelques clés pour surmonter les écueils inévitables.Emmanuelle Villiot-Leclercq, Enseignant-Chercheur en Education et pratiques pédagogiques de l'enseignement supérieur, Grenoble École de Management (GEM)Lionel Strub, Enseignant-chercheur - Chaire Mindfulness, bien-être au travail et Paix économmique, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/972982018-05-27T19:52:27Z2018-05-27T19:52:27ZLe MOOC, arme d’influence culturelle massive : conversation avec Gilles Garel<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/220532/original/file-20180527-90281-pce7ww.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C4%2C1322%2C770&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Gilles Garel, dans l'émission _Fenêtres ouvertes sur la gestion_.</span> <span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>S’il est bien un sujet qui a obsédé l’enseignement supérieur ces dernières années, c’est celui du MOOC. La convergence de deux optimismes explique le succès du concept.</p>
<h2>Le MOOC, objet d’optimisme</h2>
<p>Le premier de ces optimismes, c’était celui des professeurs. Ils voyaient en effet dans le MOOC la possibilité de faire rayonner « hors les murs » des thématiques qui leur tenaient à cœur, généralement en lien avec leurs travaux de recherche. Un MOOC c’était donc l’espoir de toucher un vaste public, dans le monde entier, bien au-delà de la traditionnelle salle de cours. Et par une sorte d’effet vertueux, l’espoir ultime était permis : un MOOC pouvait devenir le moyen de renforcer la notoriété, l’impact et l’influence des travaux de recherche de ses concepteurs.</p>
<p>Le second de ces optimismes, c’était celui des responsables des institutions, universités comme écoles. Le MOOC était ainsi vu comme un puissant véhicule de promotion et de publicité, sur lequel ils avaient enfin la main. L’effet « marque » permettait d’espérer la facturation de « certificats », et le MOOC pouvait donc se révéler une source potentielle et significative de revenus, en jouant sur l’effet masse.</p>
<h2>Le MOOC, une réussite limitée</h2>
<p>Avec le recul, quand on interroge les uns et les autres comme cela a été le cas à l’occasion de l’<a href="http://www.fnege.org/actualites/1214/les-ressources-des-ecoles-de-management-la-nouvelle-donne">étude FNEGE 2017</a>, dire que le bilan est contrasté serait un euphémisme.</p>
<p>D’abord, sauf cas exceptionnel, il est de notoriété publique que les inscrits peinent à « tenir » sur la durée », et que seule une très faible proportion de participants reste jusqu’au bout. Par ailleurs, au vu des coûts de production, la réalité économique du MOOC apparaît dans son plus simple appareil : <em>le business model du MOOC, c’est la subvention</em>. On ne saurait être plus clair… Enfin, les professeurs confient qu’un MOOC c’est d’abord une charge supplémentaire, parfois considérable, pour eux comme pour leurs institutions ; sans que les espoirs de gain d’influence ou de notoriété soient au rendez-vous même si, bien sûr, les médias trouvent toujours ici ou là quelques contes de fées à conter.</p>
<p>En résumé, en France comme ailleurs, les grandes gagnantes des MOOCs ce sont d’abord les entreprises qui ont su habilement stimuler la rivalité mimétique entre les institutions pour les inciter à se « lancer » pour rester « up to date ». Et comme l’appétit des plates-formes type COURSERA en matière de contenus est insatiable, entre optimismes un peu naïfs des uns et désirs de business des autres, voilà comment la bulle s’est logiquement bouclée.</p>
<p>Les productions et subventions ayant été elles aussi massives, les débats sur l’utilité des MOOCs, sur la nature réelle du modèle économique sous-jacent, sur les bénéficiaires du « retour sur subventions » restent encore largement confidentiels, pour ne pas dire tabous et sulfureux. Un peu comme l’est aujourd’hui le sujet du nombre de vues YouTube ou de Streams dans l’industrie musicale, toutes choses égales par ailleurs…</p>
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<p>C’est dommage. Car en cherchant bien, au milieu du torrent de MOOCs qui abreuve désormais le marché de l’éducation, on trouve des diamants qu’il faut faire connaître. Parce qu’ils montrent ce qu’un MOOC peut et devrait idéalement toujours être : une arme de diffusion et d’influence culturelle, potentiellement massive. Comme une façon de faire vivre autrement l’Histoire, la culture, la connaissance et ainsi de renouveler les cadres de pensée et la réception même des enseignements. Ce qui naturellement ne s’improvise pas et résulte de décennies d’efforts de recherche.</p>
<h2>Un MOOC exemplaire sur l’innovation</h2>
<p>Avec d’autres bien sûr, c’est le cas du MOOC, exemplaire, du CNAM conçu et animé par Gilles Garel et Loïc Petitgirard : <a href="https://www.fun-MOOC.fr/courses/CNAM/01023/session01/about">« Fabriquer l’innovation »</a>. Un MOOC qui donne la « trace », comme on dit en ski hors-piste. Un MOOC qui montre que le contribuable, le citoyen ou l’étudiant ne sont pas forcément condamnés à la « double peine » : d’un côté, des entonnoirs à publicités comme le sont les émissions d’Arthur ou d’Hanouna ; de l’autre, des émissions culturelles assez pénibles qui n’existent que parce que les concepteurs avaient les (bons ?) réseaux pour les faire subventionner.</p>
<p>Bref, ici <a href="https://genius.com/Booba-destinee-lyrics">« c’est du haut de gamme, pas d’amalgame gamin… »</a> comme dirait l’autre. Et donc tenez-vous prêts pour la <a href="https://www.youtube.com/channel/UCwi5z4WIX4OhPCbsucmY7jg">saison nouvelle</a> du MOOC « Fabriquer l’innovation ». Parce qu’elle vous emmènera forcément, comme les autres, dans des voyages spatio-temporels exceptionnels. Parce que ces promenades dans l’espace et dans le temps restent le meilleur moyen de ne jamais se laisser berner par la fable d’une innovation qui tomberait du ciel.</p>
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<p><strong>Présentation de Gilles Garel</strong></p>
<p>Gilles Garel est professeur au Conservatoire national des Arts et Métiers (CNAM) et à l’École polytechnique. Titulaire de la chaire de gestion de l’innovation du CNAM, il réalise des travaux en management de l’innovation et de projet depuis le début des années 1990, en relation directe avec des entreprises. Il est directeur du LIRSA du CNAM (Laboratoire Interdisciplinaire en Sciences de l’Action).</p>
<p><strong>L’interview de Gilles Garel</strong></p>
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</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/97298/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Au milieu du paysage décevant des MOOC, l’exemple d’un d’entre eux particulièrement réussi, qui traite de la fabrication de l’innovation au Musée des Arts et Métiers.Jean-Philippe Denis, Professeur de gestion, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.