tag:theconversation.com,2011:/us/topics/neurosciences-20430/articlesneurosciences – The Conversation2024-03-17T15:33:51Ztag:theconversation.com,2011:article/2174792024-03-17T15:33:51Z2024-03-17T15:33:51ZPerte d’audition : quand les sons de la nature disparaissent<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/573518/original/file-20240205-17-j5apbu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C12%2C4031%2C3005&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les Highlands écossaises, un terrain propice à la contemplation... et à l'écoute?</span> <span class="attribution"><span class="source">Clémentine Eyraud-Fourrier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p><em>Que se passe-t-il lorsque, confrontés à une perte auditive, nous ne pouvons plus distinguer les sons des environnements naturels ? Nos recherches en psychologie expérimentale et modélisation informatique, réalisées en étroite collaboration avec des écologues et éco-acousticiens comme <a href="https://isyeb.mnhn.fr/fr/annuaire/jerome-sueur-2628">Jérôme Sueur</a>, <a href="https://www.imbe.fr/amandine-gasc.html">Amandine Gasc</a> ou <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Bernie_Krause">Bernie Krause</a> nous ont permis d’élaborer différentes hypothèses. L’un de ces projets nous a menés aux confins des Highlands, en Écosse. Récit.</em></p>
<hr>
<p>Par le plus grand des hasards, j’ai récemment découvert un ouvrage remarquable intitulé <a href="https://www.babelio.com/livres/Ansell-Voyage-au-pays-du-silence/1241404">« Voyage au pays du silence »</a>. Écrit par un ex-journaliste britannique, Neil Ansell, le livre fait état, avec une acuité peu ordinaire, des effets progressifs de la perte auditive de l’auteur sur son contact auditif avec la nature. Il faut savoir que Neil Ansell présente une perte auditive dite « neurosensorielle » (une perte de perception) depuis l’âge de trois ans. Cette perte fait suite à des otites répétées contractées dans sa jeunesse, et elle s’accentue aujourd’hui avec l’âge.</p>
<p>Neil a aujourd’hui soixante ans, et il a décidé de s’installer dans les Highlands écossais, non loin de Fort Williams, de façon à pouvoir visiter régulièrement des sites naturels qu’il aime profondément depuis de nombreuses années. Son livre est frappant et touchant, car à travers ces pages, Neil Ansell témoigne du fait que son monde auditif « se fragmente progressivement de saison en saison », pour citer ses propres mots, et l’éloigne inexorablement de cette nature qui constitue une grande partie de sa vie. Ce livre est également une mine d’observations quant aux effets de sa perte auditive, car Neil Ansell est un naturaliste amateur, fin connaisseur des espèces vivant dans les Highlands.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/574137/original/file-20240207-16-tyegoc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574137/original/file-20240207-16-tyegoc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574137/original/file-20240207-16-tyegoc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574137/original/file-20240207-16-tyegoc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574137/original/file-20240207-16-tyegoc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574137/original/file-20240207-16-tyegoc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574137/original/file-20240207-16-tyegoc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Invitation à un voyage sensoriel au cœur des Highlands.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Clémentine Eyraud-Fourrier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Sur la suggestion de la personne responsable de la communication de mon département, Clémentine Eyraud-Fourrier, j’ai pris contact avec lui. D’emblée, nos premiers échanges ont été extrêmement stimulants. Neil Ansell n’est pas avare de son temps et partage volontiers son expérience et ses observations auditives. Il vient d’être appareillé et décrit les bénéfices de cet appareillage, une observation étonnante pour nous, car les <a href="https://books.google.co.uk/books?hl=en&lr=&id=w99EEAAAQBAJ&oi=fnd&pg=PR9&ots=bqrmFa-MEE&sig=8AWUgoSxRpHh_31Qacvks07Zq2w#v=onepage">prothèses conventionnelles</a> ont été conçues avant tout pour rétablir la communication parlée en milieu urbain, plutôt que l’écoute de la nature.</p>
<p>En effet, ce que Neil décrit fait écho à nos travaux, notamment ceux ayant donné lieu à la <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/14992027.2023.2272559">toute première étude comportementale</a> dévoilant les effets d’une perte auditive sur la perception de la « nature », un champ totalement nouveau dans le domaine de l’audiologie, à savoir l’étude des conséquences auditives de lésions de notre système auditif périphérique (l’oreille interne et le nerf auditif).</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/CTs-zk8Ebo8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Écouter les paysages : quand un amoureux des sons de la nature devient sourd (Le Blob, Cité des Sciences).</span></figcaption>
</figure>
<p>Il faut reconnaître que cette étude comportementale s’est construite sur la base d’une intuition plutôt que sur la base de rapports, articles et observations préalables provenant de la communauté scientifique, médicale ou de personnes malentendantes. En effet, s’il nous apparaît évident qu’une perte auditive neurosensorielle devrait restreindre la capacité à percevoir les processus écologiques à l’œuvre dans des environnements naturels (ne serait-ce que parce que les sons naturels les plus faibles ne seront plus audibles), aucun travail préalable, aucune observation publiée dans des revues scientifiques ne le suggère, si ce n’est quelques travaux portant sur la perception de sons dits « environnementaux » mélangeant sons naturels et sons d’origine humaine produits dans des situations domestiques ou en <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3115425/">milieu urbain</a>.</p>
<p>Mais comme il l’indique, Neil est un « marathonien » de la perte auditive : après quasi soixante années d’expérience de sa perte auditive, il a appris à faire le meilleur usage de son audition partielle et fragmentaire des sons naturels, chants d’oiseaux, bruit de la pluie ou clapotis des vagues.</p>
<p>Ces premiers échanges épistolaires et en visioconférence m’ont convaincu qu’il fallait aller plus loin. Notre petite équipe, enrichie de Marina Julienne, journaliste indépendante et missionnée par la Cité des Sciences, est donc partie un beau matin de novembre pour rendre visite à Neil, à une vingtaine de kilomètres de Fort William, sur les rives d’un Loch d’eau de mer.</p>
<h2>Marcher lentement vers son propre « printemps silencieux »</h2>
<p>Il y a des rencontres et des voyages magiques. Ce fut le cas durant ces trois jours en Écosse. Notre première rencontre s’est faite en soirée, dans un restaurant de Fort William. Ce lieu, choisi par Neil, est relativement silencieux, ce qui est chose rare pour un restaurant. Le contact a tout de suite été chaleureux et amical. Émouvant aussi, de rencontrer celui ou celle qu’on a lu, apprécié et admiré. Neil a d’emblée fait état des difficultés qu’il vit dans <a href="https://www.wiley.com/en-gb/Cochlear+Hearing+Loss%3A+Physiological%2C+Psychological+and+Technical+Issues%2C+2nd+Edition-p-9780470516331">ces environnements urbains, bruyants et réverbérants</a>.</p>
<p>En nous plaçant de manière appropriée autour de la table car sa perte est asymétrique (ce qui est plutôt rare), une oreille étant plus affectée que l’autre, nous avons pu échanger efficacement et préparer le plan de la journée suivante, ainsi que le déroulé des entretiens et la visite de son lieu de vie.</p>
<p>Le lendemain matin, nous nous sommes rendus à son domicile, une petite habitation située en bord du Loch Linne, un lac d’eau de mer. Nous avons poussé les meubles, et placé le matériel d’enregistrement de Clémentine et Marina, puis entamé un échange vivant et spontané.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/574123/original/file-20240207-16-vhffgo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574123/original/file-20240207-16-vhffgo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574123/original/file-20240207-16-vhffgo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574123/original/file-20240207-16-vhffgo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574123/original/file-20240207-16-vhffgo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574123/original/file-20240207-16-vhffgo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574123/original/file-20240207-16-vhffgo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Neil Ansell et Christian Lorenzi sur les rives du Loch Linne : un environnement propice à l’écoute de la nature, à travers ses multiples manifestations acoustiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Clémentine Eyraud-Fourrier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/574138/original/file-20240207-22-9k2z5l.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574138/original/file-20240207-22-9k2z5l.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574138/original/file-20240207-22-9k2z5l.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574138/original/file-20240207-22-9k2z5l.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574138/original/file-20240207-22-9k2z5l.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574138/original/file-20240207-22-9k2z5l.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574138/original/file-20240207-22-9k2z5l.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Neil Ansell et Christian Lorenzi en discussion chez Neil. Pourquoi étudier l’effet de la perte auditive sur la perception des paysages sonores naturels ? Qu’attendre de ces recherches ? Qu’attendre d’une prothèse auditive ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">Clémentine Eyraud-Fourrier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Sous le micro et la caméra de notre équipe, nous avons entamé une discussion portant tout d’abord sur les raisons – voire la nécessité – d’étudier l’effet d’une perte auditive sur la perception des paysages sonores naturels. Neil a été d’emblée très clair : ce contact auditif avec la nature joue un rôle fondamental dans sa vie.</p>
<p>Sentir ce monde auditif partir en morceaux, perdre la possibilité d’entendre le chœur matinal des oiseaux ou le brame du cerf s’assimile à un travail de deuil, douloureux, difficile, que l’on pourrait rapprocher de ce qu’on appelle aujourd’hui <a href="https://bridges.monash.edu/articles/journal_contribution/_Solastalgia_a_new_concept_in_health_and_identity/4311905">« solastalgie »</a>, une forme de souffrance psychologique liée au sentiment de perdre ce monde qui nous entoure. Neil sent qu’il marche lentement vers son propre <a href="https://wildproject.org/livres/printemps-silencieux">« printemps silencieux »</a> et met tout en œuvre pour profiter des sons naturels qu’il perçoit encore.</p>
<h2>Distinguer l’aube, la nuit, la saison</h2>
<p>La recherche réalisée par <a href="https://doi.org/10.1080/14992027.2023.2272559">notre équipe</a> a permis de montrer qu’une perte auditive dite « de perception » dégrade fortement, sans l’abolir, la capacité à distinguer le lieu (une forêt, une prairie, un maquis, une clairière), le moment de la journée (l’aube, le milieu de la journée, la soirée, la nuit) et la saison (printemps, été, automne, hiver). La perte auditive altère donc notre capacité à établir « où » nous sommes, et « quand ».</p>
<p>Cette recherche comportementale a été réalisée avec la base d’enregistrements sonores de <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10980-011-9639-6">Bernie Krause</a> (Wild Sanctuary, Sonoma, CA, États-Unis).</p>
<p>Mais tout ceci est empreint d’une profonde nostalgie, car Neil ne peut s’empêcher d’interpréter ce qu’il entend aujourd’hui en le comparant à ce que sa mémoire lui dit. Rien d’étonnant à cela car, audition et mémoire sont <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-0-387-71305-2_4">profondément liées</a>. Toutefois, nous ne savons encore que peu de choses sur notre mémoire à long terme des scènes auditives complexes, si ce n’est que cette mémoire auditive semble moins précise que la mémoire visuelle <a href="https://www.pnas.org/doi/full/10.1073/pnas.0811884106">à long terme</a>.</p>
<p>Neil note également qu’il ne peut distinguer avec certitude les effets de sa perte auditive de ceux produits par le déclin de la biodiversité des lieux qu’il visite. En d’autres termes, il ne peut déterminer si ses propres difficultés à entendre oiseaux et insectes sont dues à son système auditif ou au fait que les sons ont simplement « disparu » à cause du déclin général de la biodiversité.</p>
<h2>Les paysages naturels « invitent » notre attention</h2>
<p>Un constat qui fait réfléchir. Neil note que les paysages urbains sollicitent, « recrutent » notre attention, alors que les paysages naturels « invitent » notre attention. Derrière les mots de l’écrivain, je comprends qu’il fait référence à ce que nous appelons « effort d’écoute » au sein de la <a href="https://journals.lww.com/ear-hearing/fulltext/2016/07001/hearing_impairment_and_cognitive_energy__the.2.aspx">communauté des sciences de l’audition</a>, à savoir l’allocation volontaire de ressources mentales à l’écoute, qui semble se déployer différemment dans ces deux environnements acoustiquement distincts. Toute personne malentendante fait l’expérience de la fatigue – parfois intense – causée par l’écoute en milieu bruyant en fin de journée, avec ou sans prothèses.</p>
<p>Ces échanges se terminent par une séance d’écoute d’échantillons sonores joués par mon ordinateur : des vocalisations de différentes espèces d’oiseaux proposées par Marina, et des paysages sonores naturels mis à notre disposition par Bernie Krause. Parmi ces derniers : des sons de désert, savane, forêt boréale, tropicale, et tempérée enregistrés au matin. Ces exemples sonores sont utilisés dans notre article portant sur <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/23312165231212032">l’écologie auditive humaine</a>.</p>
<p><audio preload="metadata" controls="controls" data-duration="30" data-image="" data-title="Enregistrement correspondant à des paysages sonores naturels enregistrés à l’aube dans le désert du Sonora (Arizona, États-Unis) dans le cadre du projet ANR HEARBIODIV par l’équipe de Régis Ferriere. Les participants sont les écoutent et doivent décrire ce qu’ils perçoivent." data-size="355409" data-source="IRL iGlobes CNRS, ENS, Université d’Arizona" data-source-url="" data-license="Fourni par l'auteur" data-license-url="">
<source src="https://cdn.theconversation.com/audio/2937/desert-early-morning-usa.mp3" type="audio/mpeg">
</audio>
<div class="audio-player-caption">
Enregistrement correspondant à des paysages sonores naturels enregistrés à l’aube dans le désert du Sonora (Arizona, États-Unis) dans le cadre du projet ANR HEARBIODIV par l’équipe de Régis Ferriere. Les participants sont les écoutent et doivent décrire ce qu’ils perçoivent.
<span class="attribution"><span class="source">IRL iGlobes CNRS, ENS, Université d’Arizona</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span><span class="download"><span>347 ko</span> <a target="_blank" href="https://cdn.theconversation.com/audio/2937/desert-early-morning-usa.mp3">(download)</a></span></span>
</div></p>
<p>Neil perçoit difficilement les différences entre chants d’oiseaux, confirmant le caractère profondément « fragmenté » de sa perception des sons naturels. Il distingue toutefois les différents sites (savane, désert, etc.) et moments de la journée. Mais ce n’est pas vraiment la fin de notre entretien, car pour laisser à nos collègues Clémentine et Marina le temps de régler plus finement leur matériel d’enregistrement, nous nous lançons spontanément dans une lecture de poèmes en langue anglaise évoquant l’écoute de la nature ou un moment paisible, sous le regard amusé de notre équipe.</p>
<p>Neil lit John Clare (.. <em>the circling sky</em>… cité dans le dernier livre de Neil), et je lui réponds avec Samuel Taylor Coleridge (<em>Frost at midnight</em>). La poésie, lorsqu’elle est lue, forme également de fabuleux paysages sonores.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/574124/original/file-20240207-28-1qap59.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574124/original/file-20240207-28-1qap59.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574124/original/file-20240207-28-1qap59.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574124/original/file-20240207-28-1qap59.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574124/original/file-20240207-28-1qap59.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574124/original/file-20240207-28-1qap59.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574124/original/file-20240207-28-1qap59.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une forêt produit un paysage sonore unique et riche, composé de nombreuses vocalisations animales (des chants d’oiseaux…) et des sons d’origine géophysique comme le vent dans les feuillages, l’ensemble étant modelé par les effets de diffraction et de réverbération produits par la végétation (les troncs d’arbre, les branches, les feuilles…).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Clémentine Eyraud-Fourrier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces instants passés avec Neil, sa compréhension intime et lucide des effets perceptifs de sa propre perte auditive ont nourri et illustré nos hypothèses de recherche sur les déficits auditifs.</p>
<h2>Écouter la nature pour aller bien ?</h2>
<p>Les déficits auditifs observés dans notre étude devraient par ailleurs affecter l’amplitude des effets réparateurs, également appelés <a href="https://www.pnas.org/doi/full/10.1073/pnas.2013097118">« effets de ressourcement »</a> produits par <a href="https://www.frontiersin.org/journals/psychology/articles/10.3389/fpsyg.2021.570563/full">l’exposition à des paysages sonores naturels</a>. Ces effets réparateurs se manifesteraient – entre autres – par une réduction du stress physiologique et de l’humeur, et une modification de notre attention auditive. En d’autres termes, l’exposition à des paysages sonores naturels pourrait nous offrir un certain « répit » cognitif, favorisant ainsi la récupération de nos capacités à prêter attention aux sons.</p>
<p>Prises ensemble, ces modifications causées par une perte auditive devraient donc altérer notablement la qualité de vie des personnes malentendantes.</p>
<p>Mais à nouveau, ceci n’est qu’une intuition car les <a href="https://doi.org/10.1121/1.2935525">données scientifiques</a> et <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37005863">observations préliminaires</a> manquent.</p>
<p>Toutefois, toutes les projections démographiques indiquent que l’urbanisation et l’artificialisation de notre environnement de proximité est un processus inexorable. Dans ce cas, pourquoi s’intéresser au contact auditif à la nature et aux effets d’une perte auditive ? On pourrait opposer à cela qu’un tiers de la population européenne vit en zone rurale mais une zone rurale n’est pas nécessairement entièrement « naturelle » (un concept qui reste à préciser…).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/574128/original/file-20240207-24-r3q05s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574128/original/file-20240207-24-r3q05s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574128/original/file-20240207-24-r3q05s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574128/original/file-20240207-24-r3q05s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574128/original/file-20240207-24-r3q05s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574128/original/file-20240207-24-r3q05s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574128/original/file-20240207-24-r3q05s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Artificialiser les sols, vivre en milieu urbain : le chemin inexorable vers un « printemps silencieux » ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">Clémentine Eyraud-Fourrier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On pourrait également opposer à cela que beaucoup de personnes vivant en environnement urbain investissent du temps et des ressources pour s’exposer à des paysages et sons naturels, en visitant régulièrement des jardins, parcs, espaces verts et espaces bleus, au sein ou en périphérie des villes. Pourquoi un tel investissement ? C’est aussi cela que nous avons cherché à comprendre en rencontrant Neil.</p>
<h2>Marcher dans les feuilles mortes</h2>
<p>Les meubles rangés, nous partons avec lui pour une courte balade. Neil nous invite tout d’abord à traverser le loch Linne grâce à un petit ferry réalisant des traversées régulières, afin de marcher ensuite dans une petite forêt, et le long du loch. La traversée est un moment de pur bonheur, car la météo est superbe : soleil, ciel bleu, l’air est frais et piquant. Le ferry est bruyant, bien sûr, et nous nous taisons…</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/574132/original/file-20240207-30-r9dc35.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574132/original/file-20240207-30-r9dc35.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574132/original/file-20240207-30-r9dc35.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574132/original/file-20240207-30-r9dc35.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574132/original/file-20240207-30-r9dc35.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574132/original/file-20240207-30-r9dc35.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574132/original/file-20240207-30-r9dc35.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Neil Ansell et Christian Lorenzi durant la traversée du Loch Linne en ferry. Hausser la voix pour s’entendre et se comprendre, ou tout simplement, faire silence et attendre…</span>
<span class="attribution"><span class="source">Clémentine Eyraud-Fourrier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une fois débarqués, nos échanges reprennent et Neil nous guide à travers une clairière et une forêt, puis sur les rives du Loch. Équipes de micro-cravate, nos échanges sont captés et enregistrés par Clémentine et Marina, qui nous suivent à quelques mètres de distance de façon à ne pas interférer avec notre écoute des lieux. Tout au long de cette balade, Neil s’arrête ponctuellement et écoute les sons associés au lieu, précisant ce qu’il entend, et ce qu’il pense ne plus pouvoir distinguer.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/574135/original/file-20240207-30-qylh9h.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574135/original/file-20240207-30-qylh9h.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574135/original/file-20240207-30-qylh9h.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574135/original/file-20240207-30-qylh9h.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574135/original/file-20240207-30-qylh9h.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574135/original/file-20240207-30-qylh9h.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574135/original/file-20240207-30-qylh9h.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Balade ou ballade ? Promenade de Neil et Christian au sein d’un paysage sonore et écoute d’une œuvre musicale naturelle, agrémentée par le bruit des pas dans les feuilles mortes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Clémentine Eyraud-Fourrier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/574133/original/file-20240207-18-97wwkl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574133/original/file-20240207-18-97wwkl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574133/original/file-20240207-18-97wwkl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574133/original/file-20240207-18-97wwkl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574133/original/file-20240207-18-97wwkl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574133/original/file-20240207-18-97wwkl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574133/original/file-20240207-18-97wwkl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le clapotis des vagues reste audible malgré la perte auditive, et procure encore ce sentiment de bien-être bien connu souvent associé à la perception auditive de l’eau…</span>
<span class="attribution"><span class="source">Clémentine Eyraud-Fourrier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>S’il ne reconnaît plus le chant de certains oiseaux ou/et s’il n’entend plus les insectes, Neil perçoit malgré tout le son de ses pas dans les feuilles mortes, le bruissement du feuillage produit par le vent, ou encore le clapotis des vagues, s’il y prête suffisamment attention. Par ailleurs, il pense pouvoir entendre les différences entre un lieu « fermé » (la forêt) et un lieu « ouvert » (une clairière).</p>
<p>De retour chez lui, notre journée se termine par une tasse de thé et ces derniers mots de Neil, ces mots que je ressasse régulièrement lorsque je me remémore ce voyage :</p>
<blockquote>
<p>« Nous ne sommes pas seulement là pour parler entre nous. Ce n’est qu’une partie de notre vie. Pour un grand nombre de personnes, la relation au monde naturel est une partie essentielle de leur vie ».</p>
</blockquote>
<p><audio preload="metadata" controls="controls" data-duration="2177" data-image="" data-title="Notre discussion avec Neil" data-size="31038409" data-source="Clémentine Eyraud-Fourrier" data-source-url="" data-license="Fourni par l'auteur" data-license-url="">
<source src="https://cdn.theconversation.com/audio/2938/itw-na-cl.mp3" type="audio/mpeg">
</audio>
<div class="audio-player-caption">
Notre discussion avec Neil.
<span class="attribution"><span class="source">Clémentine Eyraud-Fourrier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span><span class="download"><span>29,6 Mo</span> <a target="_blank" href="https://cdn.theconversation.com/audio/2938/itw-na-cl.mp3">(download)</a></span></span>
</div></p>
<hr>
<hr>
<p><em>Les auteurs ont reçu un soutien de l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217479/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian Lorenzi a reçu des financements de l'ANR (programmes HEARBIODIV et AUDIECO), du Syndicat National des Audioprothésistes (SdA) et du groupement d'audioprothésistes Entendre. Notre recherche à l'Ecole normale supérieure s'est faite en collaboration avec Diane Lazard, chercheuse et médecin ORL, et Tanguy Delmas, doctorant et audioprothésiste diplômé. La recherche expérimentale a été pilotée par Nicole Miller-Viavaca, doctorante au sein de notre laboratoire de l’ENS. Plus généralement, ce programme de recherche en écologie auditive humaine a été conçu en collaboration avec Jérôme Sueur, chercheur en écoacoustique au Muséum national d'histoire naturelle</span></em></p>Que se passe-t-il quand le monde auditif se fragmente de « saison en saison » ? Récit d’un voyage au pays du silence.Christian Lorenzi, Professeur en psychologie expérimentale, École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2244182024-03-10T16:48:46Z2024-03-10T16:48:46ZOublier, c’est normal ! Mais quand faut-il s’inquiéter ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/577925/original/file-20240214-22-ktb21p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=73%2C98%2C8106%2C5359&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/disappointed-forgetful-young-woman-tired-cramming-1887098245">Cast Of Thousands/Shutterstock</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Au quotidien, oublier certaines choses est assez agaçant – voire, en fonction de l’âge, inquiétant. Mais l’oubli est un phénomène tout à fait naturel : la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/memoire-22674">mémoire</a> a besoin d’oublier. De plus, les souvenirs peuvent ne pas être aussi fiables qu’on le croit, mais au contraire être déformés par rapport à ce qui s’est réellement passé.</p>
<p>Mais quel niveau d’oubli est « normal » ? Est-il acceptable par exemple de <a href="https://www.leparisien.fr/international/etats-unis/apres-mitterrand-dallemagne-le-president-joe-biden-confond-legypte-et-le-mexique-09-02-2024-OWVMC372J5EH3N4CHIEOK3VB7Y.php">mélanger les noms de pays</a>, comme l’a fait récemment le président américain Joe Biden ?</p>
<h2>Une question d’attention</h2>
<p>Pour <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6853990/">se souvenir de quelque chose</a>, le cerveau doit l’apprendre (encodage), le conserver en lieu sûr (stockage) et être capable de le retrouver en cas de besoin (récupération). Si une de ces étapes est perturbée, le souvenir peut être perdu, ou oublié.</p>
<p>Le cerveau ne peut pas traiter toutes les informations sensorielles qui lui arrivent : il <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2718243/">filtre les informations</a> afin de traiter ce qui est important. Ainsi, il encode sous forme de souvenirs principalement les choses auxquelles on prête vraiment attention.</p>
<p>Qui n’a jamais oublié les prénoms des invités lors d’une soirée entre amis, parce que son attention est tournée vers autre chose ? Il s’agit là d’une défaillance de la mémoire – un oubli – <a href="https://www.frontiersin.org/journals/psychology/articles/10.3389/fpsyg.2014.00841/full">tout à fait normale, et très courante</a>.</p>
<p>Les habitudes et les conventions peuvent aider à contourner ce problème. Par exemple, si l’on range toujours ses clefs au même endroit, nul besoin d’encoder à chaque fois une nouvelle information pour les retrouver.</p>
<p>La répétition est également importante pour ancrer les souvenirs, qui ont tendance à <a href="https://psycnet.apa.org/doiLanding?doi=10.1037%2F0033-2909.102.3.403">disparaître s’ils ne sont pas remobilisés</a>. Plus nous répétons, rabâchons ou racontons des souvenirs, plus nous nous en souvenons longtemps – si ce n’est que nous avons tendance à modifier ces souvenirs lorsque nous les racontons, et qu’il est probable que nous nous souvenions mieux de la dernière version que de l’évènement initial.</p>
<p>Dans les années 1880, le psychologue allemand Hermann Ebbinghaus a mené une expérience pendant laquelle les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Hermann_Ebbinghaus">participants devaient mémoriser des séries de syllabes inconnues qui ne voulaient rien dire</a>. Il a noté ce dont les participants se souvenaient au fil du temps, et montré que la plupart de nos souvenirs s’estompent en l’espace d’un jour ou deux s’ils ne sont pas remobilisés. En revanche, si les séries étaient répétées à intervalles réguliers, les participants pouvaient retenir un bien plus grand nombre de syllabes pendant plus d’une journée.</p>
<p>Ces répétitions volontaires, qui permettent de mieux se souvenir d’une chose, provoquent parfois l’oubli d’une autre. Nous pouvons ainsi encoder l’endroit où la voiture est garée en allant faire des courses puis l’oublier, tant nous sommes occupés à répéter d’autres choses – la liste de courses à ne pas oublier, par exemple.</p>
<p>Cet exemple permet d’illustrer une autre caractéristique de l’oubli : la capacité à <a href="https://www.sciencedaily.com/releases/2021/05/210526085058.htm">oublier une information particulière tout en se souvenant, globalement, de l’essentiel</a>. S’il est parfois impossible de se rappeler précisément où est garée la voiture en sortant du magasin, on sait souvent si elle était à gauche ou à droite de la porte, sur le bord du parking ou vers le centre, ce qui permet de la chercher dans une zone relativement définie.</p>
<h2>L’impact du vieillissement</h2>
<p>En <a href="https://theconversation.com/fr/topics/viellissement-119180">vieillissant</a>, les gens <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1123445/">s’inquiètent davantage de leur mémoire</a>. Il est vrai que l’oubli devient plus prononcé, mais cela ne signifie pas forcément qu’il y a un problème.</p>
<p>Plus le temps passe, plus il y a de choses dont nous devons nous souvenir. Nos expériences passées partagent de nombreux points communs, et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/B9780121025700500100">il peut être difficile de distinguer différents souvenirs</a>.</p>
<p>Par exemple, si vous n’êtes allé qu’une seule fois en vacances à la plage en Espagne, il est probable que vous vous en souveniez avec une grande clarté. En revanche, si vous avez passé de nombreuses vacances en Espagne, dans différentes villes et à différentes périodes, il vous sera plus difficile de vous rappeler si un évènement s’est produit lors de vos premières vacances à Barcelone ou lors d’un voyage ultérieur.</p>
<p>Le chevauchement des souvenirs, ou interférence, limite la récupération des informations. Imaginez que vous classiez des documents sur un ordinateur : au début, le système de classement est clair, chaque document trouve aisément une place où il sera facile à retrouver. Mais plus les documents arrivent, plus il devient difficile de décider dans quel dossier les ranger. De nombreux documents se retrouvent dans un seul dossier parce qu’ils sont tous liés à un élément. Ainsi, au fil du temps, il devient de plus en plus difficile de retrouver le bon document lorsqu’on le cherche, soit parce qu’on ne sait pas où on l’a mis, soit parce qu’on sait où il devrait être, mais qu’il y a beaucoup d’autres choses dans le même dossier.</p>
<p>Enfin, ne pas oublier peut poser problème. C’est le cas de certains <a href="https://theconversation.com/fr/topics/troubles-du-stress-post-traumatique-tspt-118588">stress post-traumatiques</a>, où le souvenir est persistant, ne s’efface pas et interrompt régulièrement la vie quotidienne.</p>
<p>Le deuil ou la dépression peuvent aussi <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3518852/">rendre plus difficile l’oubli d’informations négatives</a>, alors que dans ces cas, les oublier serait extrêmement utile.</p>
<h2>Oublier n’empêche pas forcément de prendre des décisions</h2>
<p>Oublier est fréquent, et le devient de plus en plus avec l’âge. De plus, oublier des noms ou des dates, comme l’a fait Joe Biden, ne nuit pas forcément à la prise de décision. Les personnes âgées peuvent avoir des connaissances approfondies et une bonne intuition, qui peuvent aider à compenser de tels trous de mémoire.</p>
<p>Mais bien entendu, ces trous de mémoire peuvent être le signe d’un problème plus grave et suggérer qu’il faut consulter un médecin.</p>
<p>Le fait de poser la même question à plusieurs reprises par exemple peut dévoiler que l’oubli est plus qu’un problème de distraction ponctuelle au moment d’encoder la réponse.</p>
<p>De même, oublier son chemin dans des endroits très familiers peut révéler une difficulté à utiliser les indices de l’environnement pour se souvenir et se repérer. Et si oublier le nom d’une personne au cours d’un dîner est normal, oublier comment utiliser sa fourchette et son couteau ne l’est pas.</p>
<p>En fin de compte, les trous de mémoire ne sont pas forcément à craindre – il faut s’inquiéter s’ils deviennent extrêmes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224418/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexander Easton ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Vous ne vous souvenez pas d’où vous avez mis vos clefs ? C’est normal, vous ne faites pas un début d’Alzheimer. Mais alors, comment savoir quand l’oubli est vraiment inquiétant ?Alexander Easton, Professor of Psychology, Durham UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2235942024-02-21T15:45:50Z2024-02-21T15:45:50ZL’orgasme, une symphonie cérébrale parfaitement orchestrée<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/575660/original/file-20240212-24-5rben.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=48%2C26%2C3546%2C2667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Est-ce le cerveau qui contrôle l’orgasme, ou l’inverse ? Ce qui est prouvé, c’est que l’orgasme peut avoir des effets bénéfiques sur la santé.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/es/image-illustration/blend-female-portrait-vivid-colors-on-514475704">agsandrew / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>« Donnez-moi la même chose qu’elle », dit Estelle Reiner au serveur en désignant Meg Ryan, qui vient de simuler un <a href="https://theconversation.com/fr/topics/orgasme-65476">orgasme</a> dans le restaurant où a lieu la fameuse rencontre du film <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Quand_Harry_rencontre_Sally"><em>Quand Harry rencontre Sally</em></a> (1989). Cette <a href="https://www.youtube.com/watch?v=8Pmlc9HlqzM">célèbre scène</a> est sans doute l’orgasme le plus connu de l’histoire du cinéma.</p>
<p>L’orgasme. Nous avons entendu, lu ou prononcé ce mot à de nombreuses reprises sans certainement nous arrêter pour réfléchir à sa signification. Son origine vient du mot grec <em>orgasmos</em>, qui dérive lui-même de <em>orgé</em> (« tempérament », « colère », « fureur »), et du suffixe <em>-asmos</em>, qui renvoie à l’idée de « résultat brusque », « coup ». L’orgasme est le point culminant intense et agréable de l’excitation sexuelle. Il se caractérise par des contractions rythmiques des muscles du plancher pelvien, accompagnées d’un plaisir intense et suivies d’un sentiment de relaxation et de satisfaction.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/mieux-anticiper-les-dechirements-du-perinee-220493">Mieux anticiper les déchirements du périnée</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Le système nerveux est aux commandes</h2>
<p>Et si nous définissions l’orgasme de manière plus technique ? Nous dirions alors qu’il s’agit de l’intensité maximale de l’excitation générée par la stimulation afférente des récepteurs sensoriels viscéraux et/ou somatiques activés de manière exogène et/ou endogène. Cette intensité est associée à l’apparition de processus cognitifs d’ordre supérieur puis elle est suivie d’un relâchement et d’une résolution (diminution) de l’excitation.</p>
<p>Cette définition ressemble à du charabia. Mais elle nous rapproche probablement du véritable architecte de cette symphonie d’activités neuronales : le système nerveux. L’orgasme est un événement complexe qui implique une interaction synergique entre le corps et l’esprit. Et quel meilleur chef d’orchestre que notre système nerveux pour jouer ce rôle ?</p>
<p>En effet, des études basées sur l’<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22465619/">imagerie par résonance magnétique fonctionnelle</a> montrent que pour atteindre un orgasme, de multiples structures nerveuses doivent être activées, ce qui entraîne une <em>tempête sympathique hyperactive</em>. Il s’agit d’un état dans lequel le système nerveux sympathique – celui qui contrôle les actions involontaires du corps comme la respiration ou le rythme cardiaque – présente une activité excessive. Cette frénésie provoque des changements physiologiques dans l’organisme, tels qu’une augmentation du rythme cardiaque, de la pression artérielle ou de la respiration (qui devient plus rapide et plus profonde).</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<h2>Voici à quoi ressemble l’orchestre dirigé par le cerveau</h2>
<p>Mais la symphonie ne s’arrête pas là. À cette réponse périphérique, s’ajoute une activation centrale impliquant plusieurs régions du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cerveau-21903">cerveau</a>. Il est temps de rencontrer ses protagonistes.</p>
<ul>
<li><p>Le <strong>cortex sensoriel</strong> est responsable du traitement des informations tactiles et sensorielles telles que la stimulation du <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21797981/">clitoris, du col de l’utérus ou du vagin</a>. Pendant l’orgasme, cette région du cerveau est activée, en réponse à la stimulation agréable qu’elle reçoit.</p></li>
<li><p>Les contractions rythmiques qui caractérisent l’orgasme sont le résultat de l’activation du <strong>cortex moteur</strong>, qui est responsable de la coordination de la réponse musculaire qui accompagne l’orgasme sexuel. C’est comme si le cerveau dirigeait une succession de mouvements qui se terminent par un <em>crescendo</em> de plaisir.</p></li>
<li><p>Des études scientifiques ont montré que le <strong>cortex visuel</strong> est également activé. Ce qui suggère que, pendant l’orgasme, l’attention portée aux surfaces corporelles qui se trouvent stimulées ainsi qu'à l’<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/14534252/">imagerie visuelle</a> est accrue.</p></li>
<li><p>Même si tous les instruments sont importants dans un orchestre, au niveau du cerveau, la véritable star de cette symphonie est le <strong>système limbique</strong> qui constitue le centre des émotions et de la récompense. C’est là que toute la musicalité de l’apogée sexuelle se déchaîne. L’une des principales structures limbiques impliquées est l’<strong><a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22465619/">hypothalamus</a></strong>. Il coordonne la libération des hormones sexuelles et des neurotransmetteurs essentiels au processus d’excitation sexuelle et au développement de l’orgasme.</p></li>
<li><p>En suivant le rythme, l’<strong>amygdale</strong> apparaît comme un acteur de premier plan. Cette structure cérébrale est spécialisée dans le traitement des émotions, y compris celles associées à la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/sexualite-20483">sexualité</a>, comme l’excitation et le plaisir. Pendant l’orgasme, l’activité de l’amygdale augmente, ce qui contribue à intensifier notre réponse émotionnelle et notre sensation de plaisir.</p></li>
<li><p>L’<strong>hippocampe</strong>, connu pour son rôle dans la mémoire et l’apprentissage, a également sa place dans cet orchestre neuronal. Il est responsable de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22353205/">l’encodage et de la consolidation</a> des expériences sexuelles agréables. Cela signifie que le système limbique peut influencer la manière dont nous nous souvenons et traitons nos expériences sexuelles, y compris les orgasmes. Ces processus peuvent conditionner nos <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22609047/">réponses émotionnelles</a> et notre comportement sexuel futur.</p></li>
<li><p>Enfin, d’autres structures cérébrales telles que le <strong>cervelet</strong> et sa projection vers le <strong>tegmentum pontique</strong> sont <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/19219848/">impliquées</a> dans les composantes cardiovasculaires et <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/17413656/">motrices</a> de l’orgasme. <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23981195/">Il a été démontré</a> que l’activation de la région ventrolatérale du tegmentum pontique produit les contractions du plancher pelvien qui sont responsables, chez la femme, (au moins en partie) de l’orgasme physique. Chez l’homme, cette zone génère aussi des contractions du plancher pelvien responsables, cette fois, de l’éjaculation.</p></li>
</ul>
<h2>Un flot de neurotransmetteurs</h2>
<p>À la fin, tout repose sur les neurotransmetteurs, ces messagers chimiques qui créent une poussée de sensations agréables qui envahissent le cerveau. Voyons leur rôle.</p>
<ul>
<li><p>La <a href="https://www.inserm.fr/c-est-quoi/pour-le-plaisir-cest-quoi-la-dopamine/">dopamine</a>, qui est connue comme le neurotransmetteur du plaisir et du bonheur, atteint des niveaux maximums pendant l’orgasme, ce qui génère une sensation d’extase et de récompense.</p></li>
<li><p>Souvent appelée <a href="https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2012/revue-medicale-suisse-333/l-ocytocine-hormone-de-l-amour-de-la-confiance-et-du-lien-conjugal-et-social">« hormone de l’amour »</a>, l’ocytocine est également libérée en grandes quantités, ce qui favorise les liens émotionnels et l’intimité entre les partenaires sexuels. C’est comme si le cerveau était programmé pour renforcer les liens pendant cette période, favorisant ainsi une plus grande connexion entre les partenaires.</p></li>
<li><p>Pendant l’orgasme, le cerveau sécrète également de la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5005298/">sérotonine</a>, une <a href="https://institutducerveau-icm.org/fr/la-serotonine/">substance</a> liée à la régulation de l’humeur et au bien-être émotionnel. Elle contribue à produire une sensation de satisfaction et de bonheur, ce qui nous amène à comprendre que l’orgasme n’est pas seulement un événement physique, mais aussi mental.</p></li>
</ul>
<h2>Un black-out salutaire</h2>
<p>Dans ce contexte, l’expérience émotionnelle et phénoménologique de l’orgasme est liée à la désactivation de certaines zones du cerveau, telles que le cortex préfrontal, temporal et entorhinal. Cela est interprété comme une augmentation de la perception de l’expérience agréable et de la sensation de satiété qui accompagne l’apogée sensorielle.</p>
<p>À la lumière de toutes ces recherches, il n’est peut-être pas évident de déterminer si c’est le cerveau qui contrôle l’orgasme ou si c’est l’inverse. En fait, certaines <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/17156391/">études</a> démontrent que de nombreuses zones sont désactivées au moment même où l’acte sexuel est culminant, ce qui suggère que le cerveau « s’éteint » virtuellement, à l’exception du tronc cérébral – responsable de l’activité cardiovasculaire – et du cervelet – responsable des mouvements.</p>
<p>Ce qui est prouvé, c’est que l’orgasme peut avoir des effets bénéfiques sur la santé : il soulage le stress, améliore l’humeur et renforce le système immunitaire. De plus, la libération d’endorphines et d’autres substances chimiques peut avoir des propriétés analgésiques et anti-inflammatoires, en soulageant la douleur et en favorisant un sentiment général de bien-être.</p>
<p>Après avoir lu cet article, je suis sûre que vous serez d’accord avec Estelle Reiner et que vous commanderez la même chose que Meg Ryan.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223594/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>José A. Morales García ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Différentes zones du cerveau sont impliquées dans l’extase sensorielle qui caractérise l’orgasme. Certaines sont activées, d’autres inactivées, comme les instruments d’un orchestre.José A. Morales García, Investigador científico en enfermedades neurodegenerativas y Profesor de la Facultad de Medicina, Universidad Complutense de MadridLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2228432024-02-21T15:39:35Z2024-02-21T15:39:35ZCharge mentale : comment éviter une surchauffe du cerveau ?<p>Lire ses e-mails tout en ayant à l’esprit l’organisation du week-end et en écoutant son interlocuteur au téléphone, est-ce possible ? Bienvenue dans le soi-disant multitâche, que notre quotidien entretient avec le télétravail et l’essor de la technologie numérique à notre disposition. Nous pouvons avoir l’impression de faire deux choses en même temps, mais en réalité notre <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cerveau-21903">cerveau</a>, inconsciemment, reporte très rapidement son attention d’une tâche à une autre. Après plus de 50 ans de travaux scientifiques, l’expression <a href="https://theconversation.com/fr/topics/charge-mentale-59674">« charge mentale »</a> s’est développée ces dernières années dans la vie courante et dans différents milieux professionnels. Mais ce concept pose encore de nombreuses questions, tant sur sa définition précise que sur la façon de l’étudier ou de la ménager au quotidien.</p>
<p>La charge mentale, appelée aussi charge de travail mental, correspondrait à une <a href="http://arpege-recherche.org/user/pages/06.activites/03.colloques-epique/11.10e-colloque-epique/Actes_EPIQUE_2019.pdf">quantité de travail mental à déployer en un temps donné</a>, et ayant potentiellement des conséquences sur l’individu, telles que de la fatigue accumulée ou des erreurs dans la réalisation des tâches. Prenons l’exemple de la pratique intensive d’une habileté manuelle, d’un examen difficile, de la conduite sur une autoroute très fréquentée ou de la recherche dans un affichage visuel encombré. Ces activités font appel à des processus perceptifs, cognitifs et/ou moteurs afin de produire un <a href="https://doi.org/10.1037/0033-295X.84.1.1">comportement flexible et adaptatif</a>. L’engagement, le maintien et le contrôle de ces processus nécessitent différents niveaux d’effort mental selon les circonstances (activités de routine versus événement soudain). Parfois, cet effort mental massif conduit à ce que les scientifiques appellent une « surcharge cognitive » ou « surcharge mentale ».</p>
<h2>Une définition universelle qui peine à émerger</h2>
<p>Les chercheurs peinent encore à proposer une définition universelle qui traverse les disciplines qui s’intéressent à la charge mentale, comme la psychologie, le management et les sciences cognitives. Pour certains, la charge mentale correspond à la notion de <a href="https://kahneman.scholar.princeton.edu/sites/g/files/toruqf3831/files/kahneman/files/attention_lo_quality.pdf">capacité limitée de l’individu</a> (« réservoir » de ressources attentionnelles) pour traiter l’information. Pour d’autres, elle fait référence à la gestion des ressources attentionnelles et se focalise sur les <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1518/001872008X288394">exigences de la tâche à réaliser</a>. Parmi les très <a href="https://apps.dtic.mil/sti/pdfs/ADA474193.pdf">nombreuses définitions proposées dans la littérature</a>, il en ressort que la charge mentale peut se définir comme la quantité d’effort investi par l’individu lors de la réalisation d’une tâche en fonction de ses ressources disponibles et des caractéristiques de la tâche.</p>
<p>En neurosciences, en psychologie cognitive et en ergonomie (la discipline scientifique qui s’intéresse à la relation entre l’être humain et son travail), l’étude de la charge mentale concerne notamment les applications dites « critiques pour la sécurité ». Il s’agit de domaines tels que l’automobile, l’aviation, le contrôle du trafic aérien, les vols spatiaux ou encore la défense. Dans les situations où le coût cognitif dépasse les ressources disponibles, la surcharge produite accentue les risques d’accident, en raison des difficultés de l’individu à détecter des anomalies techniques ou des signaux d’alerte. On parle dans ce cas de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0018720813510735">surdité attentionnelle</a>. Cela peut être le cas par exemple pour un pilote d’avion lors d’un atterrissage ou de conditions météorologiques dégradées. Plus récemment, les études sur la charge mentale ont également suscité l’intérêt de la recherche dans les domaines des médias, de l’interaction humain-machine, de la formation médicale, du sport, et de la finance.</p>
<p>Si les études en laboratoire ont fait progresser notre connaissance des fonctions cérébrales au cours d’une tâche donnée, il est important d’évaluer les performances de l’individu et sa charge mentale dans des environnements de travail complexes rencontrés dans la vie quotidienne. C’est un des leitmotivs de la neuroergonomie, discipline datant de la fin du XX<sup>e</sup> siècle, qui vise à réaliser la synthèse entre les approches et les outils utilisés par les neurosciences et la démarche de terrain de l’ergonomie et de l’ingénierie. Basée sur une approche multidisciplinaire, la neuroergonomie est définie comme l’<a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0963721411409176">étude du cerveau humain en relation avec les performances au travail et dans la vie quotidienne</a>. Citons par exemple la mesure de l’activité cérébrale chez des chirurgiens, pour qui l’<a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2405844023064666">augmentation de la charge mentale peut entraîner des erreurs et affecter négativement les performances</a>.</p>
<h2>Comment étudier la charge mentale ? Des réponses comportementales aux marqueurs neurophysiologiques</h2>
<p>Tout comme il existe de nombreuses définitions possibles de la charge mentale, il existe de nombreuses façons de la mesurer. Aucun outil ou méthode ne peut donner une vision complète de la manière dont un individu réagit à une tâche. Des approches qui combinent les <a href="https://www.nature.com/articles/s41583-023-00692-y">données de plusieurs capteurs ou mesures</a> sont donc nécessaires, et peuvent être plus précises et fiables pour estimer en temps réel la charge mentale. C’est d’autant plus le cas dans des environnements changeants (fluctuations de l’éclairage, de la température…) ou des contextes nécessitant de s’adapter à la situation (malaises, incidents techniques…).</p>
<p>Des questionnaires autoévaluatifs de la charge mentale ressentie permettent de recueillir la perception des individus lors de la réalisation de la tâche. Par exemple, en incorporant une procédure d’évaluation multidimensionnelle, le questionnaire <a href="https://www.researchgate.net/publication/281036900_Etude_des_proprietes_de_la_version_francophone_du_NASA-TLX">NASA-TLX</a> permet d’obtenir un score global de la charge mentale au cours ou après la réalisation de la tâche. Il se base sur une moyenne pondérée des scores (de 0 à 100) de six sous-échelles subjectives. Ces échelles sont l’exigence mentale (niveau d’activité mentale), l’exigence physique (niveau d’activité physique), l’exigence temporelle (sensation de pression pour réussir à réaliser la tâche dans un délai donné), la performance (niveau d’exécution des objectifs de la tâche), l’effort (quantité d’efforts engagés) et la frustration (sensation d’insatisfaction pendant la réalisation de la tâche).</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>L’analyse des performances lors de l’exécution d’une tâche unique peut aussi aider à estimer la charge mentale. Par exemple, des erreurs plus fréquentes ou une diminution de la vitesse de traitement de l’information peuvent indiquer une charge mentale plus élevée si les exigences de la tâche augmentent. Dans le cas d’une double tâche cognitivo-motrice (téléphoner en conduisant, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0001457516304389">s’orienter en se déplaçant à vélo ou à pied</a>…), le partage des ressources ainsi créé peut conduire à une chute des performances comparativement à la réalisation séparée de chacune des deux tâches.</p>
<p>En complément, la neuroergonomie propose d’intégrer des mesures objectives pour évaluer la charge mentale <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fnhum.2019.00375/full">à l’aide de plusieurs techniques ambulatoires</a> dans des environnements qui varient au cours du temps (lieux de travail, salle de classe, salle d’opération, trafic…). Ainsi, l’analyse du suivi du regard par oculométrie peut fournir des informations sur la charge mentale en mesurant où un individu dirige son attention. Des mesures physiologiques, telles que la fréquence cardiaque et sa variabilité, l’activité électrodermale, et même l’imagerie cérébrale portable peuvent fournir des indicateurs neurophysiologiques spécifiques de la charge mentale.</p>
<h2>Dans le cerveau, le cortex préfrontal est un témoin privilégié de la charge mentale</h2>
<p>La charge mentale se manifeste notamment dans le cortex préfrontal, la zone du cerveau qui a connu le développement le plus important chez l’être humain ces derniers millions d’années. Cette partie de notre cerveau est très impliquée dans le <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.1088545">contrôle cognitif</a>, un mécanisme d’adaptation et de supervision du processus de prise de décision. Le contrôle cognitif intervient notamment dans la résolution de conflits, la détection d’erreurs ou l’inhibition, et vise à garantir un niveau de performance suffisant par rapport aux exigences de la tâche et aux événements imprévus, tout en maintenant un coût cognitif acceptable. Mesurer l’activation du cortex préfrontal, en observant à quel point il consomme de l’énergie, c’est-à-dire du glucose et de l’oxygène, peut renseigner sur la quantité des ressources mobilisées pour répondre aux demandes de la tâche. En effet, des tâches difficiles ou nécessitant une attention soutenue entraînent une <a href="https://doi.org/10.1093/cercor/bht206">activation plus prononcée du cortex préfrontal et des réseaux cérébraux associés</a>.</p>
<p>C’est aussi le cas lors d’un effort physique exigeant réalisé dans des environnements complexes, comme une course à vélo dans un trafic dense, où chacun peut décider de s’engager différemment dans l’exercice après avoir évalué les coûts et les bénéfices. Dans cette situation de double tâche à la fois physique et cognitive, la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0001457514003157">décision dans le choix de la vitesse</a> est cognitivement contrôlée, guidée probablement par une décision stratégique visant à maximiser les bénéfices par rapport aux coûts.</p>
<h2>La gestion de la charge mentale</h2>
<p>Dans des contextes exigeants, professionnels ou éducatifs, ou dans d’autres situations liées par exemple à la conduite, la charge mentale peut varier au fil du temps jusqu’à un trop-plein sous l’influence de différents facteurs externes et internes. Comment faire face à la multitude de facteurs auxquels nous devons porter attention ?</p>
<p>Plusieurs recommandations sur le plan individuel peuvent être exploitées. D’une part, il est souvent utile de dresser un aperçu de toutes les tâches à effectuer afin de les classer par ordre de priorité. Cela permet de construire une séquence de tâches à accomplir l’une après l’autre, et d’abandonner les tâches non essentielles afin de mieux valoriser le travail effectué. Chaque tâche doit correspondre à des objectifs spécifiques à court terme (vingtaine de minutes). Il est aussi important d’adapter les pauses à la tâche pour réguler efficacement la charge mentale et pour réduire les interruptions distractives. Il faut enfin toujours s’accorder un temps de récupération adéquat (lecture, sport…).</p>
<p>L’application des principes de la neuroergonomie peut fournir des solutions personnalisées et efficaces pour la gestion de la charge mentale. La recherche sur la charge mentale reste extrêmement pertinente, notamment pour prendre en compte la variabilité individuelle dans la façon dont les personnes traitent l’information et interagissent avec leur environnement. À ce titre, <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fnhum.2020.609096/full">l’apport de méthodes d’intelligence artificielle</a> afin d’extraire l’information congruente de plusieurs mesures combinées représente une piste intéressante pour évaluer en continu la charge mentale d’un individu engagé dans une tâche.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222843/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphane Perrey ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La charge mentale reste difficile à définir et à étudier en situation réelle. Elle constitue cependant une notion centrale à l’ère du tout-numérique.Stéphane Perrey, Professeur des Universités en Physiologie de l'Exercice / Neurosciences Intégratives, Directeur Unité Recherche EuroMov Digital Health in Motion, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2211562024-02-15T14:09:15Z2024-02-15T14:09:15ZUn petit ver pour décrypter les mystères de notre cerveau<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/575901/original/file-20240215-18-nwzm0a.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C3075%2C2020&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Avec ses 302 neurones (ici rendus fluorescents en vert), Caenorhabditis elegans constitue un modèle particulièrement simple mais éclairant pour comprendre les mécanismes neurobiologiques.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Varbuss.jpg">Heiti Paves/Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La compréhension des mécanismes cérébraux qui sous-tendent notre interaction au monde est l’un des grands objectifs de la communauté scientifique actuelle. Mais celle-ci se heurte naturellement à la complexité du cerveau humain, poussant de nombreux chercheurs à faire un pas de côté en étudiant d’abord ces mécanismes sur des organismes plus simples. Comme l’affirmait Claude Bernard dans son <em>Introduction à l’étude de la médecine expérimentale</em> (1865) :</p>
<blockquote>
<p>« Le choix heureux d’un animal […] suffit souvent pour résoudre les questions générales les plus élevées. »</p>
</blockquote>
<p>Et il est des organismes qui se révèlent particulièrement intéressants de ce point de vue : le ver <em>Caenorhabditis elegans</em> (<em>C. elegans</em>). Étudier et modéliser son système nerveux constitue en effet une fenêtre sur le système nerveux des vertébrés, et à terme de l’être humain.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/575886/original/file-20240215-22-devbnl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Schéma du ver C. elegans" src="https://images.theconversation.com/files/575886/original/file-20240215-22-devbnl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/575886/original/file-20240215-22-devbnl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=197&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/575886/original/file-20240215-22-devbnl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=197&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/575886/original/file-20240215-22-devbnl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=197&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/575886/original/file-20240215-22-devbnl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=247&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/575886/original/file-20240215-22-devbnl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=247&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/575886/original/file-20240215-22-devbnl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=247&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">D’environ 1 mm de longueur, le ver C. elegans est un des organismes pluricellulaires les plus simples, en faisant un animal modèle privilégié en biologie.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Caenorhabditis_elegans_(C._elegans)_clip_art.png">MA Hanson/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>C. elegans : un ver déjà nobélisé</h2>
<p><em>C. elegans</em> est un nématode devenu star des laboratoires depuis son introduction dans les années 1970 par l’éminent biologiste Sydney Brenner, pionnier de la biologie moléculaire. Ce petit ver, d’une taille de 1,3 mm pour un diamètre de 0,08 mm, vit dans des sols humides, de fines pellicules d’eau, ou encore dans les végétaux en décomposition et se nourrit de micro-organismes. Il n’existe pas de femelle de cette espèce, et la forme hermaphrodite prédomine largement sur le sexe mâle.</p>
<p>Sydney Brenner, visionnaire, voyait en <em>C. elegans</em> un organisme idéal pour l’étude d’importants et divers processus biologiques ayant lieu dans l’ensemble des organismes vivants, même les plus complexes comme l’être humain. L’attribution de deux prix Nobel de médecine ou physiologie (2002 et 2006) et un prix Nobel de chimie (2008) pour des travaux menés sur le ver lui donneront raison. Cependant, aucun de ces prix n’a été obtenu pour des études sur son système nerveux, pourtant très riche, combinant simplicité et complexité.</p>
<h2>Un ver petit, mais costaud</h2>
<p>La simplicité apparente de son système nerveux a également rapidement fait de lui un organisme idéal pour l’étude des mécanismes physiologiques liés à la génération de comportement. En effet, son système nerveux se compose précisément de 302 neurones, et environ 7000 connexions synaptiques pour sa version hermaphrodite. En comparaison, l’être humain possède environ 100 milliards de neurones, pour une estimation de 10 000 connexions par neurone. Le connectome de <em>C. elegans</em> – l’ensemble des connexions qui s’établissent entre tous les neurones – a été complètement décrit en 1986, et maintes fois actualisé depuis. C’est actuellement le seul organisme au monde pour lequel nous avons de telles informations, complètes et précises.</p>
<p>Pendant ses trois jours de vie, son système nerveux lui permet de se déplacer, manger, dormir, déféquer, se reproduire, etc. Mais il lui permet également la génération d’une grande variété de comportements et de capacités plus riches et complexes : la chimiotaxie (comportement d’attraction ou de répulsion vis-à-vis de substances chimiques), l’apprentissage, le développement de stratégies pour fuir ses prédateurs, ou encore des capacités sociales. Autant de comportements rendus possibles par un cerveau si simple… Simple, mais peut-être qu’en apparence.</p>
<p>En effet, l’étude des composantes microscopiques de son système nerveux révèle une machinerie bien plus complexe et étendue que ce qu’on imaginait initialement. En particulier, on observe de grandes similarités, à différentes échelles, dans le fonctionnement de son cerveau et celui de vertébrés plus complexes dont nous, humains, faisons partie. Cette dernière propriété en fait une petite fenêtre idéale sur l’étude du système nerveux des vertébrés. Si les outils classiques de la biologie permettent l’exploration de ces caractéristiques, la modélisation et les simulations informatiques peuvent aussi jouer un rôle crucial dans leur compréhension.</p>
<h2>Un défi de modélisation pas aussi simple qu’il n’y paraît</h2>
<p>La modélisation à laquelle nous nous intéressons consiste à construire des équations pour reproduire le comportement des neurones du ver. La modélisation consiste toujours en un jeu de compromis entre réalisme et simplicité. Le modèle se doit d’être réaliste vis-à-vis du phénomène, ou d’un ensemble de ses caractéristiques jugées pertinentes, que nous essayons de décrire. Cette correspondance du modèle à la réalité dépend notamment de l’échelle à laquelle on se place. Plus l’échelle est fine, et plus cela nécessite des données précises, parfois techniquement difficiles à obtenir. Mais il se doit aussi d’être assez simple pour permettre son étude et sa simulation informatique afin de pouvoir dégager des prédictions, sans quoi le modèle serait inutile.</p>
<p>Dans le cas qui nous intéresse, l’idée est de construire des modèles fidèles à la physiologie des neurones. Les neurones étant des cellules, le milieu intracellulaire est séparé du milieu extracellulaire par une membrane imperméable. Imperméable ? Pas tout à fait. En effet, de petits canaux situés tout le long du neurone permettent à certaines particules chargées (des ions) de circuler entre l’intérieur et l’extérieur du neurone. C’est le mouvement de ces ions qui est à l’origine de l’activité électrique d’un neurone. Traduire cette activité en langage mathématique passe donc par la description des déplacements de ces ions de part et d’autre de la membrane.</p>
<p>Dans le cas des neurones de <em>C. elegans</em>, l’une des difficultés vient du manque de connaissance des ions impliqués, les particules chargées qui circulent entre l’intérieur et l’extérieur du neurone et responsables du signal électrique. Ce problème vient en grande partie de la petite taille des neurones et de la difficulté à disséquer un ver d’un millimètre de long sans le tuer. Sans informations précises sur les composantes responsables du comportement d’un neurone, la tâche de modélisation de son comportement en devient ainsi immédiatement plus ardue. Une façon d’outrepasser ces difficultés est de développer des algorithmes informatiques et des méthodologies mathématiques permettant de déterminer hypothétiquement certains ions impliqués, rendant ainsi possible la construction du modèle. Ces développements ont fait l’objet d’une <a href="https://theses.hal.science/tel-03580037v1/document">thèse</a> au laboratoire de mathématiques appliquées du Havre (LMAH).</p>
<p>Construire des modèles de ce type nécessite de passer par différentes étapes, depuis les laboratoires de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/neurosciences-20430">neurophysiologie</a> jusqu’à ceux de mathématiques qui peuvent demander des mesures spécifiques. Il faut donc concevoir les manipulations sur les vers permettant de déterminer un minimum de paramètres nécessaires pour la construction des modèles. Ainsi, un travail de modélisation de ce type nécessite fondamentalement un travail interdisciplinaire dans lequel sont impliqués des chercheurs de différentes disciplines (neurophysiologie, mathématiques, informatique). Comme l’écrit si bien Alexandre Grothendieck, considéré comme l’un des plus grands mathématiciens du XX<sup>e</sup> siècle, dans son journal intime <em>Récoltes et Semailles</em>,</p>
<blockquote>
<p>« C’est dans la mesure où se conjuguent les points de vue complémentaires d’une même réalité, où se multiplient nos “yeux”, que le regard pénètre plus avant dans la connaissance des choses. »</p>
</blockquote>
<h2>Aujourd’hui, où en est-on ?</h2>
<p>Malgré les difficultés à disséquer les neurones de ce petit ver, il nous a été possible de recueillir certaines données précises sur le fonctionnement de ses neurones grâce à des mesures réalisées par des neurophysiologistes de l’université Rockefeller.</p>
<p>Une partie des neurones du ver <em>C. elegans</em> est maintenant <a href="https://hal.science/hal-03351604/document">modélisée assez précisément</a>. Cette étape de modélisation des neurones est nécessaire pour avancer dans la compréhension du fonctionnement du système nerveux. Elle n’est cependant pas suffisante, car c’est finalement l’interaction entre ses différents neurones et l’environnement qui détermine les comportements macroscopiques du ver et auquel s’intéresse la communauté scientifique.</p>
<p>Ainsi, d’autres chercheurs travaillent sur la modélisation du comportement du ver, mais sans tenir compte des éléments biologiques à l’échelle des neurones. Il reste donc à construire un modèle intégrant ces différentes échelles : partir des comportements des neurones à l’échelle microscopique pour reproduire les comportements observables du ver à l’échelle macroscopique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221156/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>C. elegans a beau être minuscule, c’est une star des laboratoires. En modélisant son système nerveux, les scientifiques veulent en apprendre plus sur les mécanismes qui fondent nos comportements.Nathalie Corson, Maîtresse de conférences en mathématiques appliquées, Université Le Havre NormandieLoïs Naudin, post doctorant en neurosciences computationnelles, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2209372024-01-29T15:47:01Z2024-01-29T15:47:01ZLes émotions de lecture : la parole aux lectrices et aux lecteurs<p>À chaque fois que je relis <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782072740282-le-baron-perche-italo-calvino/"><em>Le baron perché</em></a>, d’Italo Calvino, j’ai l’impression, à la fois réconfortante et surprenante, de retourner chez moi. Peut-être avez-vous, vous aussi, un livre qui vous fait cet effet ? Ou peut-être alors, avez-vous déjà eu le sentiment en lisant, de redécouvrir votre propre langue ? Ou bien vous arrive-t-il de repenser avec émoi à des scènes de lecture qui remontent à l’enfance, ou qui vous renvoient à des personnes et des lieux qui vous sont chers ?</p>
<p>Pour caractériser ces liens forts et variés qui s’établissent entre la littérature et la vie réelle, la théoricienne de la littérature <a href="https://www.fabula.org/actualites/42901/m-mace-facons-de-lire-manieres-d-etre.html">Marielle Macé</a> parle d’une relation entre nos « façons de lire » et nos « manières d’être ». Les émotions que nous ressentons en lisant (joie, ennui, surprise…) et qui ressurgissent lorsque nous repensons à nos lectures constituent les traces les plus évidentes de cette relation.</p>
<p>Nous disposons aujourd’hui de nombreux outils théoriques et méthodologiques pour étudier les émotions suscitées par la lecture et leur mise en langage. Ceux-ci nous viennent de la théorie littéraire, de la linguistique, des sciences cognitives ou encore de l’anthropologie. Néanmoins, nous ne savons pas exactement comment les combiner afin de créer un cadre d’analyse uniforme et exhaustif.</p>
<p>J’espère apporter une petite contribution à cet effort intellectuel collectif à travers mes recherches doctorales, que je mène à Le Mans Université sous la direction de Brigitte Ouvry-Vial, dans le cadre du projet <a href="https://readit-project.eu/">Reading Europe Advanced Data Investigation Tool</a>.</p>
<p>Dans ce but, j’analyse les émotions suscitées par la lecture à partir d’un corpus de presque trois mille témoignages. Ces témoignages ont été écrits au début des années 2000 par des candidates et des candidats au jury d’un célèbre prix littéraire populaire organisé par une radio française. Les questions que je me pose face à ce corpus sont notamment les suivantes : quelles sont les émotions évoquées par les lectrices et les lecteurs, et par quoi sont-elles suscitées ? Ces émotions sont-elles exprimées par le biais d’un lexique récurrent ? Est-ce qu’elles influencent le système de valeurs, les décisions personnelles et professionnelles et, de manière générale, l’apprentissage du monde des lectrices et des lecteurs ?</p>
<p>Il y a, à mon avis, au moins trois raisons pour lesquelles il est particulièrement opportun de se poser ces questions aujourd’hui.</p>
<h2>« Parce qu’elles sont là »</h2>
<p>Que la littérature, et surtout la fiction littéraire, puisse provoquer des émotions intenses n’est certainement pas une découverte qui date d’aujourd’hui. Il suffit de penser aux pages que <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Blanche/Memoires-d-une-jeune-fille-rangee">Simone de Beauvoir</a>, <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782070366071-les-mots-jean-paul-sartre/">Jean-Paul Sartre</a> ou <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782070314515-au-bonheur-de-lire-collectif/">Nathalie Sarraute</a>, pour ne citer que quelques grandes figures littéraires, ont consacrées aux plaisirs et aux bouleversements uniques qu’un livre peut provoquer.</p>
<p>Ce qui est nouveau, en revanche, c’est la multiplication des occasions qu’ont les lectrices et les lecteurs « ordinaires » – « profanes » et amateurs de littérature de tout genre – de mettre des mots sur leurs expériences de lecture, et de les partager avec leurs pairs ainsi qu’avec les critiques et les auteurs. Les exemples de ce phénomène, foncièrement lié aux transformations du numérique, abondent : des réseaux de lecture en ligne, comme <a href="https://www.babelio.com/">Babelio</a> et <a href="https://www.goodreads.com/">Goodreads</a>, à des plates-formes consacrées à la fois à l’écriture et à la lecture, comme <a href="https://www.wattpad.com/">Wattpad</a> et <a href="https://www.atelierdesauteurs.com/">Scribay</a>, en passant par les blogs, les <a href="https://theconversation.com/comment-sexplique-le-boom-des-book-clubs-150699">cercles de lecture</a> et les ateliers de <a href="https://theconversation.com/a-quand-les-livres-rembourses-par-la-securite-sociale-112046">bibliothérapie</a>, en ligne et en présentiel.</p>
<p>Paraphrasant la réponse du grand alpiniste britannique <a href="https://www.montagnes-magazine.com/actus-il-100-ans-parce-qu-il-la-george-mallory-propos-everest">George Mallory</a> à ceux qui lui demandaient pourquoi il voulait gravir l’Everest, je suggère que les émotions suscitées par la lecture devraient être étudiées tout simplement « parce qu’elles sont là », plus que jamais sous nos yeux. Face à ce contexte nouveau qu’Internet constitue, les études littéraires sont amenées à s’ouvrir à l’expérience de lectrices et lecteurs ordinaires, en repensant ainsi leurs approches traditionnellement fondées sur des modèles conceptuels abstraits ou sur des figures de lecteurs « experts ».</p>
<h2>Parce que la culture n’appartient plus seulement aux experts</h2>
<p>Le champ littéraire n’est pas le seul à évoluer : toutes les pratiques culturelles sont désormais transformées dans un sens participatif. Les amateurs contribuent de manière décisive à la circulation, à l’évaluation et même à la production de la culture, selon ce mécanisme étonnant que le sociologue des médias Axel Bruns a résumé par la notion de <a href="https://produsage.org/node/2">produsage</a>.</p>
<p>Les usagers, à la fois consommateurs et producteurs, revendiquent leur place dans la sphère culturelle. Face à ces changements, les sciences humaines constatent la nécessité de repenser radicalement leurs méthodes de recherche. En effet, le volume considérable de nouvelles sources d’analyse – pour certaines nativement numériques – implique la mobilisation d’outils technologiques adaptés à la collecte et au traitement de ces nouveaux corpus. Par ailleurs, cette culture produite « par en bas » amène les sciences humaines à s’intéresser non seulement aux œuvres – qu’elles soient ou non canoniques – mais aussi à la réception et aux sensibilités des usagers.</p>
<p>Aujourd’hui, et le plus souvent dans le cadre de projets collectifs et interdisciplinaires, nous nous intéressons de plus en plus aux voix des lecteurs d’hier et d’aujourd’hui, en partant d’entretiens, lettres, bulletins de bibliothèques, commentaires en ligne, blogs de lecture, etc. Mon travail sur les émotions de lectrices et lecteurs « ordinaires » est un exemple de la manière dont les sciences humaines peuvent aborder autrement des pratiques culturelles, comme la lecture, qui sont longtemps restées prisonnières de disciplines distantes les unes des autres (les études littéraires, la sociologie, l’histoire…) et de leurs méthodes et hiérarchies propres.</p>
<h2>Pour explorer les liens qui existent entre nos émotions, notre corps et notre esprit</h2>
<p>Depuis la Grèce antique, la pensée occidentale oppose les émotions et le raisonnement : les premières sont des pulsions violentes, le second un processus intellectuel pondéré ; les premières relèvent du corps, le second de l’esprit. Cette dichotomie a été progressivement mise de côté, en philosophie comme en psychologie.</p>
<p>Aujourd’hui, nous savons non seulement que nos sens influencent notre façon de penser et de percevoir le monde (théorie de la cognition incarnée), mais aussi que toute émotion spontanée repose sur une forme de raisonnement (théorie de l’évaluation cognitive). <a href="https://www.cairn.info/traite-de-psychologie-des-emotions--9782100793273.htm?contenu=sommaire">Ces découvertes</a> nous amènent à revisiter les émotions, et en particulier la subtilité des frontières séparant les perceptions, les sentiments et les jugements de valeur.</p>
<p>La lecture de la littérature constitue un terrain privilégié pour explorer des questions relatives aux liens qui se tissent entre émotions, corps et esprit : existe-t-il une relation entre l’interaction matérielle avec le livre – numérique ou papier – et notre engagement avec son contenu ? Quelle est la relation entre les émotions représentées dans la fiction littéraire (pensez à la détresse de Madame Bovary abandonnée par son amant !) et les émotions dont nous faisons l’expérience dans la vie réelle ? Comment notre réponse à la lecture influence-t-elle le jugement que nous portons sur le livre ? Ce ne sont là que quelques-unes des nombreuses pistes de recherche que nous ouvrons en nous mettant à l’écoute de lectrices et lecteurs ordinaires.</p>
<p>Pourquoi la <a href="https://pur-editions.fr/product/6928/lire-en-europe">recherche</a> s’intéresse-t-elle donc aujourd’hui aux réponses à la lecture ? D’abord, parce que nous avons accès à de nouveaux gisements d’informations sur les pratiques, les goûts et les sensibilités de lectrices et lecteurs ordinaires ; d’autre part, parce qu’il y a actuellement une prolifération de discours d’amateurs, qui contribuent désormais de manière de plus en plus significative à la circulation, à l’évaluation et à la production de l’art ; enfin, parce que l’analyse des émotions des lecteurs nous fournit des indices sur la nature <em>incarnée</em> et sur la fonction <em>cognitive</em> des émotions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220937/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elena Prat a bénéficié d'un contrat doctoral (2020-2023) co-finacé par le projet Reading Europe Advanced Data Investigation Tool (READ-IT, JPI CH 2018-2021) et d'une bourse d'environnement de thèse 2020 de l'Institut d'études européennes et globales Alliance Europa. </span></em></p>Les émotions que nous ressentons en lisant et qui ressurgissent lorsque nous repensons à nos lectures témoignent d’une relation forte entre la vie réelle et la littérature.Elena Prat, Doctorante en littérature comparée, Le Mans UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2200042024-01-15T15:22:20Z2024-01-15T15:22:20ZLa pilule contraceptive a aussi un effet sur le cerveau et la régulation des émotions<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/567188/original/file-20231221-19-oxth15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C0%2C988%2C667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Comme les hormones naturelles, dites endogènes, les hormones artificielles contenues dans la pilule, dites exogènes, peuvent accéder au cerveau.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Les contraceptifs oraux, aussi appelés pilules contraceptives, sont <a href="https://doi.org/10.18356/1bd58a10-en">utilisés par plus de 150 millions de femmes à travers le monde</a>. Environ un tiers des adolescentes en <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/en/pub/82-003-x/2015010/article/14222-eng.pdf">Amérique du Nord</a> et en <a href="https://doi.org/10.1001/jamapsychiatry.2016.2387">Europe</a> les utilisent, ce qui en fait le médicament le plus prescrit aux adolescentes.</p>
<p>Il est bien connu que les contraceptifs oraux ont le pouvoir de modifier le cycle menstruel des femmes. Mais ce qu’on sait peut-être moins, c’est qu’ils ont aussi accès au cerveau, notamment dans les régions importantes pour la régulation des émotions.</p>
<p>En tant qu’étudiante au doctorat et professeure en psychologie à l’UQAM, nous nous sommes intéressées à l’influence des contraceptifs oraux sur les régions cérébrales impliquées dans les processus émotionnels. Nous avons publié nos <a href="https://doi.org/10.3389/fendo.2023.1228504">résultats dans le journal scientifique <em>Frontiers in Endocrinology</em></a>.</p>
<h2>La pilule, comment ça fonctionne ?</h2>
<p>Il existe plusieurs méthodes de contraception hormonale, mais le type le plus courant en Amérique du Nord est la pilule contraceptive, plus spécifiquement les <a href="https://doi.org/10.1016/j.yfrne.2022.101040">contraceptifs oraux combinés</a> (COC). Ils sont constitués de deux hormones artificielles simulant un estrogène (généralement l’éthinyl estradiol) et la progestérone.</p>
<p>Comme les hormones naturelles, dites endogènes, les hormones artificielles contenues dans la pilule, dites exogènes, <a href="https://doi.org/10.1016/j.yfrne.2022.101040">peuvent accéder au cerveau</a>. Elles se lient à des récepteurs dans différentes régions et signalent au cerveau de diminuer la production d’hormones sexuelles endogènes. C’est ce phénomène qui mène à l’arrêt de la cyclicité menstruelle, empêchant l’ovulation.</p>
<p>C’est donc dire que tout au long de l’utilisation des COC, le corps et le cerveau des utilisatrices ne sont pas exposés aux fluctuations d’hormones sexuelles typiquement observées chez les femmes naturellement cyclées.</p>
<h2>Les effets cérébraux de la pilule : les neurosciences à la rescousse !</h2>
<p>Lorsqu’elles commencent la prise de COC, les adolescentes et les femmes sont informées de divers effets secondaires, principalement physiques (nausées, maux de tête, variations de poids, sensibilité à la poitrine). Pourtant, il n’est généralement pas abordé que les hormones sexuelles accèdent au cerveau, notamment dans les régions importantes pour la régulation des émotions.</p>
<p>Des études ont d’ailleurs associé l’utilisation de COC à de <a href="https://doi.org/10.1016/j.psyneuen.2018.02.019">moins bonnes performances de régulation émotionnelle</a> et à un <a href="https://doi.org/10.1001/jamapsychiatry.2016.2387">risque plus élevé de développer des psychopathologies</a>.</p>
<p>De plus, les femmes sont plus susceptibles que les hommes de souffrir de <a href="https://doi.org/10.1016/j.jpsychires.2011.03.006">troubles liés à l’anxiété et au stress chronique</a>. L’utilisation des COC étant très répandue, il importe de mieux comprendre leurs effets sur l’anatomie des régions du cerveau qui sous-tendent la régulation émotionnelle.</p>
<p>Nous avons ainsi conduit une étude ayant pour objectif d’examiner les effets des COC sur l’anatomie des régions cérébrales impliquées dans les processus émotionnels. Nous nous sommes intéressées aux effets liés à leur utilisation actuelle, mais aussi aux effets possiblement durables, à savoir si les COC pouvaient affecter l’anatomie du cerveau – même après avoir cessé leur utilisation.</p>
<p>Pour ce faire, nous avons recruté quatre profils d’individus en santé, soit des femmes qui utilisent actuellement des COC, des femmes qui ont utilisé des COC dans le passé, des femmes qui n’ont jamais utilisé quelconque méthode de contraception hormonale et des hommes.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/567191/original/file-20231221-24-r2t5pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="imagerie résonance magnétique" src="https://images.theconversation.com/files/567191/original/file-20231221-24-r2t5pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567191/original/file-20231221-24-r2t5pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567191/original/file-20231221-24-r2t5pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567191/original/file-20231221-24-r2t5pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567191/original/file-20231221-24-r2t5pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567191/original/file-20231221-24-r2t5pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567191/original/file-20231221-24-r2t5pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’imagerie par résonance magnétique (IRM) permet de faire l’analyse de la morphologie de certaines régions du cerveau.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À l’aide de l’imagerie cérébrale, nous avons trouvé que seules les femmes qui utilisent actuellement des COC présentaient un cortex préfrontal ventromédian légèrement plus mince que les hommes. Cette partie du cerveau est reconnue comme étant essentielle à la régulation des émotions comme la peur. La littérature scientifique montre que <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.0502441102">plus cette région est épaisse, meilleure est la régulation émotionnelle</a>.</p>
<p>De ce fait, les COC pourraient altérer la régulation des émotions chez les femmes. Bien que nous n’ayons pas testé directement le lien entre la morphologie cérébrale et la santé mentale, notre équipe se penche actuellement sur d’autres aspects du cerveau et de la santé mentale, ce qui permettra de mieux comprendre les découvertes anatomiques actuelles.</p>
<h2>Un effet actuel, mais pas durable : une histoire de dose</h2>
<p>Nous avons tenté de mieux comprendre ce qui pourrait expliquer l’effet de l’utilisation actuelle des COC sur cette région du cerveau. Nous avons découvert que cela était associé à la dose d’éthinyl estradiol. En effet, parmi les utilisatrices actuelles de COC, seules celles qui utilisaient un COC à faible dose (10-25 microgrammes), mais pas à dose plus élevée (30-35 microgrammes), étaient associée à un cortex préfrontal ventromédian plus mince.</p>
<p>Cela peut sembler surprenant : une plus faible dose était liée à un effet cérébral…</p>
<p>Sachant que tous les COC réduisent les concentrations d’hormones sexuelles endogènes, nous proposons que les récepteurs à estrogènes de cette région cérébrale pourraient être insuffisamment activés lorsque de faibles niveaux d’estrogène endogène sont combinés à un faible apport en estrogène exogène (éthinyl estradiol).</p>
<p>À l’inverse, des doses plus élevées d’éthinyl estradiol pourraient aider à obtenir une liaison adéquate aux récepteurs à estrogènes dans le cortex préfrontal, simulant ainsi une activité modérée à élevée similaire à celle des femmes ayant un cycle menstruel naturel.</p>
<p>Il est important de noter que cette plus faible épaisseur de matière grise était spécifique à l’utilisation actuelle des COC : les femmes ayant utilisé des COC dans le passé ne présentaient pas d’amincissement comparativement aux hommes. Notre étude soutient donc la réversibilité de l’influence des COC sur l’anatomie cérébrale, notamment sur l’épaisseur du cortex préfrontal ventromédian.</p>
<p>En d’autres termes, l’utilisation de COC pourrait affecter l’anatomie cérébrale, mais de manière réversible.</p>
<h2>Et maintenant ?</h2>
<p>Bien que notre recherche n’ait pas d’orientation clinique directe, elle contribue à faire progresser notre compréhension des effets anatomiques liés à l’utilisation des COC.</p>
<p>Loin de nous l’idée de vouloir que les femmes cessent d’utiliser leur COC : il serait beaucoup trop hâtif et alarmant d’avoir ce genre de discours.</p>
<p>Il importe également de se rappeler que les effets répertoriés dans notre étude semblent réversibles.</p>
<p>Notre objectif est de promouvoir la recherche fondamentale et clinique, mais également d’accroître l’intérêt scientifique en matière de santé de la femme, un domaine encore trop peu étudié.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220004/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexandra Brouillard est membre étudiante du Centre de recherche de l'Institut universitaire en santé mentale de Montréal. Elle détient une bourse d'études doctorales des Instituts de recherche en santé du Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marie-France Marin est chercheure régulière au Centre de recherche de l'Institut universitaire en santé mentale de Montréal, professeure au département de psychologie de l'Université du Québec à Montréal et professeure associée au département de psychiatrie et d'addictologie de l'Université de Montréal. Elle a été soutenue par une bourse salariale du Fonds de recherche du Québec - Santé (2018-2022) et est actuellement titulaire d'une Chaire de recherche du Canada sur la modulation hormonale des fonctions cognitives et émotionnelles (2022-2027). Le projet dont il est question dans l'article est subventionné par les Instituts de recherche en santé du Canada et a reçu l'appui de fonds de projets pilotes du Centre de recherche de l'Institut universitaire en santé mentale de Montréal et du Réseau de bio-imagerie du Québec. </span></em></p>Les contraceptifs oraux modifient le cycle menstruel ; ce qu’on sait peut-être moins, c’est qu’ils accèdent aussi au cerveau, notamment dans les régions importantes pour la régulation des émotions.Alexandra Brouillard, Doctorante en psychologie, Université du Québec à Montréal (UQAM)Marie-France Marin, Professor, Department of Psychology, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2189562023-12-18T19:02:26Z2023-12-18T19:02:26ZApprendre aux robots à improviser (avec des outils)<p>Les humains sont très forts pour utiliser des outils de façon détournée. Vous n’avez pas de cuillère ? Vous allez utiliser un stylo pour touiller votre café. Il manque un boulon pour accrocher une lampe ? Un élastique fera temporairement l’affaire. Besoin d’un plateau ? Un livre ou une tablette numérique suffiront. Cette capacité d’improvisation ne naît pas « ex nihilo », elle résulte de capacités cognitives qui nous permettent de faire des liens entre les objets, les outils à notre disposition, leurs usages…</p>
<p>L’utilisation d’outils dans les robots a jusqu’à présent été considérée comme un problème d’exploration et d’apprentissage : un robot a besoin de découvrir comment un outil peut être utilisé, soit en essayant diverses stratégies, soit en observant et en imitant d’autres humains ou robots. Dans <a href="https://www.nature.com/articles/s42256-022-00500-9">notre étude parue dans <em>Nature Machine Intelligence</em></a>, nous avons montré que l’on pouvait apprendre aux robots à penser de façon plus créative, « outside the box », comme diraient les anglophones.</p>
<p>Pour permettre aux robots d’utiliser les outils de manière intuitive comme les humains, nous avons d’abord examiné comment nous, les humains, sommes capables de le faire.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/yCgocGncPrg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Notre robot détourne un outil pour attraper un seau. Source : 1MOVIENIGHT.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Vers la « cognition des outils » chez les robots</h2>
<p>Un robot a besoin de ramasser un seau, mais le chemin est bloqué par certains obstacles. Ce robot-ci ne peut pas déplacer les obstacles ni sauter par-dessus. Mais il a pu chercher — et trouver — un bâton de nettoyage et l’utiliser comme outil pour ramasser le seau.</p>
<p>Cette utilisation simple d’un outil peut sembler évidente pour un humain, mais c’est un défi complexe pour un robot.</p>
<p>En effet, l’utilisation d’outils nécessite d’abord que le robot comprenne qu’il ne peut pas effectuer une tâche sans outil (1). Il doit ensuite trouver un objet dans son environnement qu’il puisse utiliser comme outil pour effectuer la tâche demandée (2). Pour il doit trouver comment utiliser cet outil, c’est-à-dire déterminer les actions à effectuer (3). Et enfin, bien sûr, exécuter ces actions… et donc réaliser la tâche (4).</p>
<p>Les deuxième et troisième défis sont des défis cognitifs fondamentaux, pour lesquels les humains semblent être très bons… et les robots, nettement moins.</p>
<p>Notre <a href="https://www.nature.com/articles/s42256-022-00500-9">nouvel algorithme de « cognition des outils » chez les robots</a> fait un grand pas en avant pour répondre à ces défis.</p>
<h2>Comment les humains reconnaissent-ils qu’un objet est suffisant pour servir d’outil pour une tâche donnée ?</h2>
<p>Dans notre travail, nous avons catégorisé des outils en fonction de la manière dont nous, humains, les utilisons. Cette catégorisation montre que les <a href="https://ieeexplore.ieee.org/abstract/document/8460987">humains ne peuvent en fait reconnaître intuitivement qu’une catégorie très spécifique d’outils</a>.</p>
<p>Ces outils de « catégorie 1 » sont des outils qui permettent de réaliser des tâches qui sont déjà dans le répertoire humain. Par exemple, une pince nous aide à saisir des objets, mais nous pouvons déjà le faire avec nos doigts ; un marteau nous aide à frapper des objets, ce que nous pouvons déjà faire avec le poing.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/565205/original/file-20231212-29-vw9tex.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="comparaisons entre gestes et outils" src="https://images.theconversation.com/files/565205/original/file-20231212-29-vw9tex.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565205/original/file-20231212-29-vw9tex.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565205/original/file-20231212-29-vw9tex.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565205/original/file-20231212-29-vw9tex.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565205/original/file-20231212-29-vw9tex.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=399&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565205/original/file-20231212-29-vw9tex.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=399&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565205/original/file-20231212-29-vw9tex.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=399&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les gestes que l’on fait avec nos membres s’apparentent à ceux que l’on fait avec des outils de catégorie 1.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ganesh Gowrishankar</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’utilisation de ces outils de « catégorie 1 » nécessite le même geste que celui que nous ferions sans outil : une pince a besoin de vous pour pincer, ce qui est similaire à ce que vous ferez avec vos doigts ; un marteau nécessite que vous fassiez des mouvements de frappe oscillants, et vous feriez le même mouvement sans marteau.</p>
<p>Les outils de catégorie 1 sont probablement les plus courants dans la vie humaine et animale. Les premiers outils utilisés par les humains, des pierres pour frapper et casser les fruits et les couper, étaient des outils de catégorie 1, car les humains pouvaient effectuer ces tâches, avec des actions similaires, respectivement avec leur poing et leurs ongles. Et de fait, les <a href="https://www.cell.com/current-biology/fulltext/S0960-9822(10)01160-7">outils utilisés par les animaux peuvent être classés en catégorie 1</a>.</p>
<p>Nous appelons <a href="https://ieeexplore.ieee.org/abstract/document/8460987">outils de « catégorie 2 » les outils qui permettent de réaliser des tâches que les humains savent réaliser sans outil mais avec des gestes bien différents</a> (comme un cric de voiture pour soulever une voiture).</p>
<p>Les outils de catégorie 3 permettent de réaliser des tâches qui sortent du répertoire humain (comme un aspirateur ou une tronçonneuse).</p>
<p>Ces outils de catégories 2 et 3 ne peuvent pas être utilisés intuitivement par les humains : il faut lire des instructions, imiter un autre utilisateur, ou explorer l’outil pour découvrir comment l’utiliser.</p>
<h2>Les outils que les humains utilisent intuitivement</h2>
<p>On <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/02643294.2016.1167678">croit en psychologie</a> que l’une des raisons pour lesquelles les humains sont bons dans l’utilisation des outils est que l’utilisation des outils conduit à une « incarnation » des outils, c’est-à-dire que le cerveau finit par considérer les outils comme une « extension » de notre corps.</p>
<p>Dans nos travaux sur <a href="https://www.nature.com/articles/ncomms5524">« l’incarnation » de l’outil</a> et du <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0168010215002655">membre</a> par l’homme, nous avons observé que la similarité des caractéristiques d’un objet avec les caractéristiques fonctionnelles du membre est importante pour son incarnation.</p>
<p>Cette observation, ainsi que notre caractérisation des outils suggèrent que pour identifier les outils de catégorie 1, les humains utilisent peut-être leurs membres comme référence : un marteau est reconnu comme un outil pour frapper des objets car il ressemble beaucoup à un poing et à un bras, une pince est reconnue comme un outil pour pincer car elle ressemble à des doigts purs, et de même, une assiette ressemble à une paume et un bol ressemble à des mains en coupe. En identifiant et en comparant la posture de nos membres lorsque nous effectuons une tâche, nous pouvons identifier les outils qui peuvent être utilisés pour la tâche effectuée avec la même posture.</p>
<p>Utiliser la similitude avec ses membres est l’idée clé qui est utilisée pour programmer notre robot.</p>
<h2>Apprendre aux robots à reconnaître les outils qui ressemblent à ce qu’ils connaissent</h2>
<p>Notre algorithme utilise cette idée pour permettre aux robots de reconnaître les objets (même ceux qu’ils voient pour la première fois) comme des outils pour chaque tâche qu’ils ont la capacité d’effectuer « sans outils » (c’est-à-dire avec leurs membres, sans objet supplémentaire).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="robot saisissant un marteau pour faire glisser un objet sur une table" src="https://images.theconversation.com/files/565207/original/file-20231212-23-fcdvzp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565207/original/file-20231212-23-fcdvzp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565207/original/file-20231212-23-fcdvzp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565207/original/file-20231212-23-fcdvzp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565207/original/file-20231212-23-fcdvzp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565207/original/file-20231212-23-fcdvzp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565207/original/file-20231212-23-fcdvzp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un robot utilise un outil qu’il ne connaissait pas, par analogie avec sa main.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ganesh Gowrishankar</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une fois qu’un robot a appris à effectuer une tâche avec ses membres, notre algorithme lui permet d’utiliser ses membres comme référence pour reconnaître les outils qui l’aident à accomplir la même tâche. De plus, par définition, comme les outils de catégorie 1 nécessitent la même action que sans outils, le robot peut utiliser la même compétence (« contrôleur ») pour utiliser l’outil en augmentant simplement sa cinématique corporelle en fonction du nouvel outil.</p>
<p>Le robot n’a pas besoin d’avoir déjà utilisé un seul outil ni même d’avoir observé l’utilisation des outils par d’autres.</p>
<p>Dans notre proposition, nous fournissons également un algorithme de planification de préhension pour saisir et utiliser les outils identifiés. Contrairement aux <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-540-77915-5_10">algorithmes</a> <a href="https://www.semanticscholar.org/paper/Robot-Manipulation-of-Human-Tools-%3A-Autonomous-and-Kemp-Edsinger/f6d6b232db4dc6be189bd86133eb9ec4083c6153">précédemment</a> <a href="https://doi.org/10.1007/978-3-642-38812-5_1">décrits</a> <a href="https://ieeexplore.ieee.org/document/6095595">dans la littérature</a> <a href="https://ieeexplore.ieee.org/document/6849774">scientifique</a>, le nôtre est le premier à permettre aux robots d’utiliser des outils sans avoir à apprendre au préalable avec les mêmes outils ou avec d’autres outils.</p>
<p>Cependant, pour le moment, notre algorithme permet uniquement aux robots d’utiliser des outils de catégorie 1, c’est-à-dire des outils pour les tâches que le robot est capable d’effectuer sans outils. Pour les outils de catégories 2 et 3, un apprentissage ou une observation (suivi d’une imitation) sont nécessaires, à l’instar des algorithmes d’utilisation d’outils précédents.</p>
<p>De plus, on peut étendre l’algorithme à l’utilisation d’outils similaires à ceux déjà connus du robot : en gros, on remplace la « similarité avec un membre » par « similarité avec un outil connu », comme suggéré par les <a href="https://scazlab.yale.edu/sites/default/files/files/IROS2020(5).pdf">algorithmes</a> <a href="https://ieeexplore.ieee.org/abstract/document/8239542">précédemment</a> décrits.</p>
<p>Mais comme nous l’avons vu, les outils de catégorie 1 semblent être les outils les plus basiques chez l’homme et l’animal et nous pensons donc que notre algorithme constitue une étape significative vers la cognition des outils chez les robots.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218956/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ganesh Gowrishankar ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Observer comment les humains utilisent des outils qu’ils n’ont jamais vus permet d’apprendre aux robots à faire la même chose. Entre neurosciences et robotique.Ganesh Gowrishankar, Chercheur au Laboratoire d'Informatique, de Robotique et de Microelectronique de Montpellier, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2199172023-12-14T19:10:18Z2023-12-14T19:10:18ZPourquoi notre cerveau est-il devenu aussi énergivore ?<p>C’est l’un des grands paradoxes de l’évolution. L’humain a démontré que le fait d’avoir un <a href="https://theconversation.com/why-do-humans-have-such-large-brains-our-study-suggests-ecology-was-the-driving-force-96873">gros cerveau</a> est la clé de son succès dans l’évolution, et pourtant ce type de cerveau est extrêmement rare chez les autres animaux. La plupart d’entre eux se débrouillent avec de petits cerveaux et ne semblent pas avoir besoin de plus de neurones.</p>
<p>Pourquoi ? La réponse sur laquelle la plupart des biologistes se sont accordés est de dire que les gros cerveaux sont coûteux en termes d’énergie nécessaire à leur fonctionnement. Et, compte tenu du mode de fonctionnement de la sélection naturelle, les avantages <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/9234964/">ne dépasseraient tout simplement pas les coûts</a>.</p>
<p>Mais s’agit-il seulement d’une question de taille ? La façon dont nos cerveaux sont organisés affecte-t-elle leur coût énergétique ? Une nouvelle étude, <a href="http://www.science.org/doi/10.1126/sciadv.adi7632">publiée dans Science Advances</a>, apporte des réponses intéressantes.</p>
<p>Tous nos organes ont des coûts énergétiques de fonctionnement, mais <a href="https://www.jstor.org/stable/2744104">certains sont peu élevés et d’autres très chers</a>. Les os, par exemple,demandent assez peu d’énergie. Bien qu’ils représentent environ 15 % de notre poids, ils n’utilisent que 5 % de notre métabolisme. Les cerveaux sont à l’autre extrémité du spectre, et avec environ 2 % du poids du corps humain typique, leur fonctionnement utilise environ 20 % de notre consommation d’énergie totale. Et ce, sans aucune réflexion particulièrement intense – cela se produit même lorsque nous dormons.</p>
<p>Pour la plupart des animaux, les avantages qu’apporterait un cerveau si énergivore n’en vaudraient tout simplement pas la peine. Mais pour une raison encore inconnue – peut-être la plus grande énigme de l’évolution humaine – les humains ont trouvé des moyens de surmonter les coûts d’un cerveau plus gros et d’en récolter les bénéfices.</p>
<p>Il est certain que les humains doivent supporter les coûts les plus élevés de leur cerveau, mais ces derniers sont-ils différents en raison de la nature particulière de notre cognition ? Le fait de penser, de parler, d’être conscient de soi ou de faire des additions coûte-t-il plus cher que les activités quotidiennes typiques des animaux ?</p>
<p>Il n’est pas facile de répondre à cette question, mais l’équipe à l’origine de cette nouvelle étude, dirigée par Valentin Riedl de l’université technique de Munich, en Allemagne, a relevé le défi.</p>
<p>Les auteurs disposaient d’un certain nombre d’éléments connus pour commencer. La structure de base des neurones est à peu près la même dans tout le cerveau et chez toutes les espèces. La densité neuronale est également la même chez l’homme et les autres primates, de sorte qu’il est peu probable que les neurones soient le moteur de l’intelligence. Si c’était le cas, certains animaux dotés d’un gros cerveau, comme les orques et les éléphants, seraient probablement plus « intelligents » que les humains.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Elephant and woman in village Surin Thailand." src="https://images.theconversation.com/files/565485/original/file-20231213-19-jr94u6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565485/original/file-20231213-19-jr94u6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565485/original/file-20231213-19-jr94u6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565485/original/file-20231213-19-jr94u6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565485/original/file-20231213-19-jr94u6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565485/original/file-20231213-19-jr94u6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565485/original/file-20231213-19-jr94u6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les éléphants ont de plus gros cerveaux que les humains.</span>
<span class="attribution"><span class="source">venusvi/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ils savaient également qu’au cours de l’évolution humaine, le néocortex – la plus grande partie de la couche externe du cerveau, connue sous le nom de cortex cérébral – s’est développé plus rapidement que les autres parties. Cette région, qui comprend le cortex préfrontal, est responsable des tâches impliquant l’attention, la pensée, la planification, la perception et la mémoire épisodique, toutes nécessaires aux fonctions cognitives supérieures.</p>
<p>Ces deux observations ont amené les chercheurs à se demander si les coûts énergétiques de fonctionnement varient d’une région à l’autre du cerveau.</p>
<p>L’équipe a scanné le cerveau de 30 personnes à l’aide d’une technique permettant de mesurer simultanément le métabolisme du glucose (une mesure de la consommation d’énergie) et la quantité d’échanges entre neurones dans le cortex. Ils ont ensuite pu examiner la corrélation entre ces deux éléments et voir si les différentes parties du cerveau utilisaient des niveaux d’énergie différents.</p>
<h2>Des résultats surprenants</h2>
<p>Les neurobiologistes ne manqueront pas d’analyser et d’explorer les moindres détails de ces résultats, mais d’un point de vue évolutif, ils donnent déjà matière à réflexion. Les chercheurs ont constaté que la différence de consommation d’énergie entre les différentes zones du cerveau est importante. Toutes les parties du cerveau ne sont pas égales, énergétiquement parlant.</p>
<p>Les parties du cerveau humain qui se sont le plus développées ont des coûts plus élevés que prévu. Le néocortex demande environ 67 % d’énergie en plus que les réseaux qui contrôlent nos mouvements.</p>
<p>Cela signifie qu’au cours de l’évolution humaine, non seulement les coûts métaboliques de nos cerveaux ont augmenté au fur et à mesure qu’ils grossissaient, mais qu’ils l’ont fait à un rythme accéléré, le néocortex se développant plus rapidement que le reste du cerveau.</p>
<p>Pourquoi en est-il ainsi ? Un neurone est un neurone, après tout. Le néocortex est directement lié aux fonctions cognitives supérieures.</p>
<p>Les signaux envoyés à travers cette zone sont médiés par des substances chimiques cérébrales telles que la sérotonine, la dopamine et la noradrénaline (neuromodulateurs), qui créent des circuits dans le cerveau pour aider à maintenir un niveau général d’excitation (au sens neurologique du terme, c’est-à-dire d’éveil). Ces circuits, qui régulent certaines zones du cerveau plus que d’autres, contrôlent et modifient la capacité des neurones à communiquer entre eux.</p>
<p>En d’autres termes, ils maintiennent le cerveau actif pour le stockage de la mémoire et la réflexion – un niveau d’activité cognitive généralement plus élevé. Il n’est peut-être pas surprenant que le niveau d’activité plus élevé impliqué dans notre cognition avancée s’accompagne d’un coût énergétique plus élevé.</p>
<p>En fin de compte, il semble que le cerveau humain ait évolué vers des niveaux de cognition aussi avancés non seulement parce que nous avons de gros cerveaux, ni seulement parce que certaines zones de notre cerveau se sont développées de manière disproportionnée, mais aussi parce que la connectivité s’est améliorée.</p>
<p>De nombreux animaux dotés d’un gros cerveau, comme les éléphants et les orques, sont très intelligents. Mais il semble qu’il soit possible d’avoir un gros cerveau sans développer les « bons » circuits pour une cognition de niveau humain.</p>
<p>Ces résultats nous aident à comprendre pourquoi les gros cerveaux sont si rares. Un cerveau de grande taille peut permettre l’évolution d’une cognition plus complexe. Cependant, il ne s’agit pas simplement d’augmenter la taille des cerveaux et l’énergie au même rythme, mais d’assumer des coûts supplémentaires.</p>
<p>Cela ne répond pas vraiment à la question ultime : comment l’homme est-il parvenu à franchir le plafond de l’énergie cérébrale ? Comme souvent dans l’évolution, la réponse se trouve dans l’écologie, la source ultime d’énergie. La croissance et le maintien d’un cerveau de grande taille – quelles que soient les activités sociales, culturelles, technologiques ou autres auxquelles il est destiné – nécessitent un <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rstb.1991.0111">régime alimentaire fiable et de qualité</a>.</p>
<p>Pour en savoir plus, nous devons explorer le dernier million d’années, la période où le cerveau de nos ancêtres s’est réellement développé, afin d’étudier cette interface entre la dépense énergétique et la cognition.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219917/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le cerveau humain utilise 20 % de l'énergie que nous consommons, un chiffre élevé qui n’existe chez aucune autre espèce.Robert Foley, Emeritus Professor of Human Evolution, University of CambridgeMarta Mirazon Lahr, Professor of Human Evolutionary Biology & Director of the Duckworth Collection, University of CambridgeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2146072023-12-13T20:37:12Z2023-12-13T20:37:12ZLa science des rêves et des cauchemars : que se passe-t-il dans notre cerveau quand nous dormons ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/550970/original/file-20230830-27-ozyppi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=35%2C0%2C5946%2C3979&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il est très difficile d’étudier les rêves parce qu’on ne peut pas observer ce qui se passe quand les gens dorment.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/photo/photo-of-a-woman-sleeping-near-fluffy-clouds-8264248/">Pexel/Ron Lach</a></span></figcaption></figure><p>La nuit dernière, vous avez sans doute dormi <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2352721816301292">sept ou huit heures</a>. Vous avez probablement eu une ou deux heures de sommeil profond, surtout si vous êtes jeune ou actif physiquement. En effet, le sommeil <a href="http://apsychoserver.psych.arizona.edu/jjbareprints/psyc501a/readings/Carskadon%20Dement%202011.pdf">se modifie avec l’âge</a>, et <a href="https://www.hindawi.com/journals/apm/2017/1364387/">l’exercice physique</a> affecte l’activité cérébrale. Vous avez également eu environ trois ou quatre heures de sommeil léger.</p>
<p>Le reste du temps, vous étiez vraisemblablement dans la phase de sommeil paradoxal (REM pour <em>rapid eye movement</em>). Bien qu’il ne s’agisse pas du seul moment où le cerveau rêve – c’est possible durant d’autres phases –, c’est celui où il est le plus probable qu’on se souvienne de l’activité cérébrale et qu’on puisse la raconter.</p>
<p>C’est possible parce que des pensées ou des sentiments bizarres nous réveillent ou parce que la dernière heure de sommeil est presque entièrement constituée de <a href="https://www.researchgate.net/profile/Elizaveta-Solomonova/publication/320356182_Dream_Recall_and_Content_in_Different_Stages_of_Sleep_and_Time-of-Night_Effect/links/5a707bdb0f7e9ba2e1cade56/Dream-Recall-and-Content-in-Different-Stages-of-Sleep-and-Time-of-Night-Effect.pdf">sommeil paradoxal</a>. Quand un songe ou une alarme nous réveillent, on sort généralement du sommeil paradoxal et les images d’un rêve peuvent nous habiter encore quelques minutes. On en garde alors le souvenir.</p>
<p>Si le songe est étrange ou intéressant, il se peut qu’on en parle à quelqu’un d’autre, ce qui permet de mieux l’<a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00426-022-01722-7">encoder</a> dans la mémoire.</p>
<p>Les rêves et les cauchemars sont mystérieux, et nous n’avons pas fini d’en apprendre sur eux. Ils font rouler notre cerveau, nettoient les pensées liées aux événements de la journée à l’échelle moléculaire et peuvent nous aider à imaginer ce qui est possible pendant nos heures d’éveil.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/etre-pourchasse-perdre-ses-dents-tomber-ce-que-la-science-dit-des-reves-recurrents-160505">Être pourchassé, perdre ses dents, tomber… Ce que la science dit des rêves récurrents</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Que savent les scientifiques sur le sommeil paradoxal et les rêves ?</h2>
<p>Il est très difficile d’étudier les rêves parce qu’on ne peut pas observer ce qui se passe quand les gens dorment. L’imagerie cérébrale a révélé que certains <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1087079216300673#sec3">schémas d’activité cérébrale</a> sont associés au rêve (et aux phases du sommeil qui y sont davantage associées). Mais ces essais reposent sur des témoignages personnels sur l’expérience du rêve.</p>
<p>Tout ce à quoi l’on consacre autant de temps permet sans doute d’atteindre plusieurs objectifs.</p>
<p>Au niveau physiologique de base, tous les mammifères rêvent (comme l’indiquent <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1053810021001409">l’activité cérébrale, le comportement pendant le sommeil et des études sur la conscience</a>) – même l’ornithorynque et l’échidné font probablement l’expérience de quelque chose de similaire au rêve (à condition que leur corps soit à la <a href="https://www.wired.com/2014/07/the-creature-feature-10-fun-facts-about-the-echidna/#:%7E:text=It%20was%20long%20thought%20that,re%20at%20the%20right%20temperature.">bonne température</a>). On peut voir une ressemblance entre leur activité cérébrale et leurs phases de sommeil et le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1053810021001409#b0630">sommeil paradoxal humain</a>.</p>
<p>Ce n’est pas le cas des espèces moins évoluées. Certaines <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2468867319301993#sec0030">méduses</a> – qui n’ont pas de cerveau – font l’expérience de ce que l’on pourrait qualifier de sommeil sur le plan physiologique (selon leur position, leur calme, leur manque de réactivité et leur « réveil » rapide en cas de nécessité), mais sans les éléments physiologiques et comportementaux qui rappellent le sommeil paradoxal.</p>
<p>Chez les êtres humains, on considère que le sommeil paradoxal se produit cycliquement toutes les 90 à 120 minutes au cours de la nuit. Il nous empêche de dormir trop profondément et d’être <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4972941/">vulnérables aux attaques</a>. Certains scientifiques avancent que nous rêvons pour éviter que notre cerveau et notre corps se refroidissent. Notre température centrale est généralement <a href="https://www.thelancet.com/journals/laneur/article/PIIS1474-4422(22)00210-1/fulltext">plus élevée pendant ces phases du sommeil</a>. Si l’on doit réagir à des signaux externes ou à des dangers, il est plus facile de se réveiller <a href="https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.2147/NSS.S188911">au milieu d’un songe</a> qu’à d’autres moments.</p>
<p>Pendant le sommeil paradoxal, le cerveau se met en mode actif pour un certain temps, à la manière d’un périscope qui donne accès à la conscience en nous permettant d’observer ce qui se passe à la surface, pour replonger si tout va bien.</p>
<p>Certaines données indiquent que les « rêves de fièvre » sont beaucoup moins fréquents qu’on ne le pense. En effet, on atteint moins la <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2020.00053/full">phase du sommeil paradoxal</a> quand on est fiévreux, même si les songes qu’on fait alors ont tendance à être <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3830719/">plus sombres et étranges</a>.</p>
<p>Le fait de passer alors moins de temps en sommeil paradoxal pourrait s’expliquer par la difficulté à réguler sa température corporelle pendant cette phase. Pour nous protéger, le cerveau tente de réguler la température corporelle en « sautant » cette phase du sommeil. <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/23744731.2020.1756664">C’est aussi pour cette raison</a> que nous rêvons généralement moins quand il fait chaud.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/545459/original/file-20230830-17-n6ash3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="bed in pink landscape" src="https://images.theconversation.com/files/545459/original/file-20230830-17-n6ash3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/545459/original/file-20230830-17-n6ash3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/545459/original/file-20230830-17-n6ash3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/545459/original/file-20230830-17-n6ash3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/545459/original/file-20230830-17-n6ash3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/545459/original/file-20230830-17-n6ash3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/545459/original/file-20230830-17-n6ash3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Notre cerveau se nettoie quand il rêve.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/photo/bed-on-colorful-flowers-on-cape-10079452/">Pexels/Mo Eid</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un nettoyage en profondeur du cerveau</h2>
<p>Le sommeil paradoxal est important pour assurer le bon fonctionnement du cerveau, comme l’indiquent des études qui utilisent l’<a href="https://www.cell.com/current-biology/pdf/S0960-9822(17)31329-5.pdf">électroencéphalographie</a> pour mesurer l’activité du cerveau.</p>
<p>De la même manière que le sommeil profond aide le corps à restaurer ses capacités physiques, le sommeil de rêve <a href="https://www.cell.com/current-biology/pdf/S0960-9822(17)31329-5.pdf">« rince »</a> nos circuits neuronaux. À l’échelle moléculaire, les substances chimiques qui étayent la pensée sont déformées par l’activité cognitive de la journée. Le sommeil profond leur permet de retrouver leur forme initiale. Le cerveau est <a href="https://www.science.org/doi/abs/10.1126/science.1241224">« lavé »</a> par du liquide céphalo-rachidien que contrôle le <a href="https://theconversation.com/on-your-back-side-face-down-mice-show-how-we-sleep-may-trigger-or-protect-our-brain-from-diseases-like-als-181954">système glymphatique</a>.</p>
<p>À un autre niveau, le sommeil paradoxal « met de l’ordre » dans nos souvenirs et nos sentiments récents. Pendant <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC534695/">cette phase</a>, notre cerveau consolide les souvenirs procéduraux (la façon d’accomplir une tâche) et les émotions. Les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC534695/">autres phases</a> de sommeil, au cours desquelles nous rêvons moins, sont importantes pour la consolidation des souvenirs épisodiques (les événements).</p>
<p>À mesure que la nuit avance, notre production de cortisol, <a href="https://psycnet.apa.org/record/2005-01907-021">l’hormone du stress</a>, augmente. On pense que la quantité de cortisol peut influencer le type de souvenirs que nous consolidons et peut-être le type de songes que nous faisons. Cela signifie que les rêves de fin de nuit ont tendance à être <a href="https://learnmem.cshlp.org/content/11/6/671.full.pdf">plus fragmentés ou bizarres</a>.</p>
<p>Les différents types de sommeil permettent de <a href="https://www.researchgate.net/profile/Jb-Eichenlaub/publication/313545620_Daily_Life_Experiences_in_Dreams_and_Sleep-Dependent_Memory_Consolidation/links/5c532b0ba6fdccd6b5d76270/Daily-Life-Experiences-in-Dreams-and-Sleep-Dependent-Memory-Consolidation.pdf">consolider</a> l’activité cérébrale utile de la journée et d’éliminer les informations de moindre importance.</p>
<h2>Pensées aléatoires, sentiments réorganisés</h2>
<p>Ce classement et cette élimination des activités de la journée se déroulent pendant que nous dormons. C’est pourquoi nous rêvons souvent de choses qui se sont produites <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0264574">pendant la journée</a>.</p>
<p>Parfois, lorsque les pensées et les sentiments sont réorganisés et jetés à la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3921176/">« poubelle »</a> pendant le sommeil, nous pouvons ressentir de la conscience. Des pensées et des sentiments aléatoires sont mélangés de façon insolite et merveilleuse. Le fait que nous ayons conscience de ce processus peut expliquer l’étrangeté de certains songes. Nos expériences diurnes peuvent aussi engendrer des cauchemars ou des rêves angoissants après un <a href="https://www.sleepfoundation.org/dreams/how-trauma-can-affect-dreams">événement traumatisant</a>.</p>
<p>Certains rêves semblent <a href="https://rai.onlinelibrary.wiley.com/doi/pdfdirect/10.1111/j.1467-9655.2010.01668.x">prédire l’avenir ou sont porteurs d’un symbolisme fort</a>. Dans plusieurs sociétés, les rêves sont considérés comme une fenêtre sur une <a href="https://digitalcommons.ciis.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1050&context=ijts-transpersonalstudies">réalité alternative</a> où l’on peut envisager diverses possibilités.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/545460/original/file-20230830-29-3jrotm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/545460/original/file-20230830-29-3jrotm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/545460/original/file-20230830-29-3jrotm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/545460/original/file-20230830-29-3jrotm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/545460/original/file-20230830-29-3jrotm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/545460/original/file-20230830-29-3jrotm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/545460/original/file-20230830-29-3jrotm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/545460/original/file-20230830-29-3jrotm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les souvenirs peuvent être cimentés par les rêves et les cauchemars et les alimenter.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/photo/assorted-photos-on-table-1989747/">Pexels/Suzy Hazelwood</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les rêves ont-ils un sens ?</h2>
<p>Nous avons une <a href="https://www.nature.com/articles/nrn2716">bonne compréhension</a> des aspects thermorégulateurs, moléculaires et neuronaux des rêves. Mais leurs aspects psychologiques et spirituels restent largement méconnus.</p>
<p>Notre cerveau est peut-être conçu pour essayer de donner un sens aux choses. Les sociétés humaines ont toujours interprété des phénomènes aléatoires – le vol des oiseaux, les feuilles de thé ou les planètes – et cherché leur signification. Presque toutes les sociétés humaines considéraient les rêves comme étant plus qu’un simple fonctionnement neuronal aléatoire.</p>
<p>L’histoire des sciences nous apprend que certains phénomènes que l’on croyait magiques peuvent être compris et maîtrisés par la suite, pour le meilleur et pour le pire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214607/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les rêves font fonctionner notre cerveau. Ils nettoient les pensées des événements de la journée. Ils peuvent même nous aider à imaginer ce qui est possible pendant nos heures de veille.Drew Dawson, Director, Appleton Institute, CQUniversity AustraliaMadeline Sprajcer, Lecturer in Psychology, CQUniversity AustraliaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2186442023-11-30T16:48:07Z2023-11-30T16:48:07Z« Le cerveau du jugement est inhibé au moment de la passion amoureuse. » Conversation avec Bernard Sablonnière<p>_Professeur émérite de biologie moléculaire et de biochimie, médecin biologiste, chercheur, Bernard Sablonnière est aussi auteur de plusieurs ouvrages sur les maladies du cerveau. Lors de son passage aux Tribunes de la presse 2023, il a évoqué les mécanismes biologiques de la passion amoureuse, des hormones et neurotransmetteurs impliqués jusqu’aux effets sur le cerveau et le comportement. _</p>
<hr>
<p><strong>Considérez-vous avoir la passion de la transmission et du partage ? Est-ce que transmettre vos connaissances est ou était un impératif pour vous dans votre métier ?</strong></p>
<p><strong>Bernard Sablonnière</strong> : Je crois que oui. J’ai commencé ma carrière de professeur de médecine en 1993, il y a longtemps et tout de suite, j’ai eu des amphithéâtres remplis de 600 étudiants en première et deuxième année de médecine. À force de faire de la transmission un peu trop académique, j’ai essayé d’améliorer ma pédagogie afin d’être un bon professeur qui transmet bien avec beaucoup d’exemples. Cela m’a incité, plusieurs années plus tard, à mettre en forme mon expérience sous forme de livre grand public. Mon premier livre s’appelait « L’odyssée moléculaire » et en tant que biochimiste, j’y racontais tout un tas de molécules du vivant. Et puis après, j’en ai écrit d’autres.</p>
<p><strong>À propos de la passion amoureuse, quelles sont les mécaniques cérébrales à l’œuvre lorsqu’on tombe amoureux ?</strong></p>
<p><strong>B. S.</strong> : Il y a encore beaucoup de mystères autour du fonctionnement de ce sentiment d’amour chez l’homme. Mais l’étude du fonctionnement du cerveau nous a déjà apporté des éléments de compréhension, nous avons quelques clés chimiques dans le cerveau qui permettent aux neurones de communiquer entre eux. Ces clés sont au nombre de sept ou huit, mais expliquent 90 % des comportements chez l’homme. Dans certaines régions du cerveau, la dopamine est l’hormone de l’envie, du désir et au sujet de la passion, c’est elle qui va être le moteur chimique des informations.</p>
<p><strong>Quels sont les éléments qui vont déclencher la dopamine ?</strong></p>
<p><strong>B. S.</strong> : C’est tout le mystère du déclenchement de l’envie. Nous avons évidemment des besoins vitaux : boire, se nourrir, dormir. Mais d’un point de vue anthropologique, ce n’est pas très romantique, le besoin de se reproduire est aussi inscrit dans le cerveau humain. Dans son évolution, l’espèce humaine a développé le cerveau limbique – le cerveau émotionnel –, et tout autour du cerveau reptilien – le cerveau du système instinctif. C’est pour essayer de donner à l’homme cette capacité de développer des comportements extrêmement spécialisés pour initier cette envie de se reproduire. D’où la complexité de l’amour d’ailleurs. </p>
<p>Il existe des gens qui ne tombent jamais amoureux, qui n’ont jamais de relations sexuelles. Cela peut être en raison de freins dans le cerveau liés à une éducation, un traumatisme dans l’enfance, etc., qui font que certains comportements sont inhibés complètement. Cela arrive, mais ce sont des circonstances pathologiques. Mais l’envie d’amour, l’envie de relation avec une ou un partenaire est finalement un besoin quasiment vital.</p>
<p><strong>Quelles réactions, chimiques et corporelles, le déclenchement de la dopamine va-t-il provoquer ?</strong></p>
<p><strong>B. S.</strong> : La dopamine est responsable de la passion, un accélérateur extrêmement fort. Il faut que la relation aboutisse. L’espèce dit au cerveau « il faut que certains comportements marchent, sinon l’espèce va disparaître ». Le cerveau du jugement est inhibé au moment de la passion amoureuse ; la pensée du partenaire nous obsède et domine notre vie. Cela est dû à un déséquilibre des accélérateurs et des freins dans le cerveau. On est stressé au début, on ne mange plus, on ne dort plus… c’est la noradrénaline. Mais elle dure peu de temps. </p>
<p>Dès que la dopamine, hormone du désir, prend le dessus, débute le moment où nous sommes obnubilés par la passion. Lorsque la relation va commencer, si bien sûr il n’y a pas d’échec après, le cerveau va ensuite chercher à retrouver un équilibre entre les accélérateurs et les freins. La sérotonine, hormone régulatrice, va contribuer à baisser les hormones du stress. La libération de l’ocytocine survient ensuite et va permettre l’attachement. Les anthropologues considèrent que ce fonctionnement hormonal est fait pour permettre à la formation d’un couple de durer au moins deux/trois ans. Dans l’évolution de l’espèce, le cerveau a calibré ça avec une forte sécrétion d’ocytocine à ce moment-là pour permettre éventuellement à un bébé de naître et pour qu’il puisse être sevré dans de bonnes conditions.</p>
<p><strong>À partir de quel moment peut-on vraiment parler de passion, est-ce le cœur ou le cerveau qui décide ?</strong></p>
<p><strong>B. S.</strong> : Le cœur n’a aucun rôle, c’est juste une pompe. Mais il est souvent associé à l’amour car il s’agit d’un organe exprimant très fortement les émotions et sensible à ces hormones stressantes telles que la noradrénaline, à l’origine des palpitations. Mais ces réactions cardiaques servent simplement à alerter le cerveau qu’une réaction corporelle se met en jeu. Le cerveau interprète ensuite l’émotion pour la traduire en quelque chose de plus mental, d’exprimable qu’est le sentiment. La phase de passion peut être déréglée chez certaines personnes. Dans les relations amoureuses, les gens peuvent continuer d’avoir une vie normale en dehors des périodes où ils sont avec l’être aimés. D’autres sont obsédés, à un niveau compulsionnel. C’est un déséquilibre entre les accélérateurs et les freins et ça dépend génétiquement de la façon dont le cerveau s’est créé puis s’est construit, et si on a des récepteurs ou des transporteurs de dopamine plus ou moins actifs dans notre cerveau.</p>
<p><strong>Comment est-il possible d’entretenir la passion ?</strong></p>
<p><strong>B. S.</strong> : Tous les couples savent que si on veut remettre un peu de sel dans sa relation il faut innover. Il faut trouver des nouvelles situations où on va susciter un désir qui donnera un plaisir qui n’est pas connu chez le partenaire. Ne pas toujours lui acheter le même parfum, l’emmener dans le même resto… Il faut être plus spontané. Lorsque le cerveau se trouve face à une situation d’activation du circuit de désir-plaisir qu’il ne connaît pas, ça peut susciter une perception de plaisir qui est d’une intensité plus forte. Il faut donc varier les plaisirs. Et souvent je dis « petit désir, petit plaisir ». Si vous voulez augmenter l’intensité du plaisir, il faut essayer de changer la circonstance qui mène à cette activation de l’envie.</p>
<p><strong>Ces mécanismes que nous avons évoqués pour la passion amoureuse s’appliquent-ils aussi aux passions pour une activité comme que l’art, la musique… aux domaines matériel et immatériel finalement ?</strong></p>
<p><strong>B. S.</strong> : Oui, car la passion est une envie d’intensité extrêmement forte. On va concentrer cette énergie sur cette activité-là et on va délaisser les autres. C’est cela le caractère passionnel, un peu compulsif. On va peut-être même se fatiguer, mais on aime ça parce qu’on perçoit ce plaisir et à ce moment-là, ça devient un peu comme une drogue. Cela correspond à la passion de la suractivité. On trouve aussi ce mécanisme chez un certain nombre d’hommes de pouvoir ou d’hommes politiques qui suractivent leur envie de tout. Et cela se termine par une envie de dominer qui est liée à une perception du plaisir assez importante.</p>
<p><strong>Que se passe-t-il dans notre cerveau lors d’une rupture ?</strong></p>
<p><strong>B. S</strong> : La rupture est un état de manque extrêmement instantané. Dans le circuit désir-récompense, un désir est émis mais la récompense n’arrive pas et le cerveau n’aime pas du tout ça, car le désir n’est pas calmé. Très vite, l’axe du stress est activé. Le cerveau envoie un signal à la petite région du cerveau appelée l’amygdale, qui se dit « ça y est, j’ai une émotion négative très forte. Je dois donner une alerte à l’ensemble du corps comme quoi ça ne marche plus ». Les hormones du stress – le cortisol – sont activées : on pleure, on dort mal parce que la noradrénaline nous met en état d’alerte permanent et on est désorienté. </p>
<p>Il y a un dérèglement de cet équilibre entre les accélérateurs et les freins au niveau émotionnel, et le cerveau va essayer de retrouver un équilibre. Le cortisol va pousser le corps humain à se reposer et reconstituer ses réserves de clés chimiques. L’hormone de la sérotonine va agir avec une molécule du cerveau appelée la diméthyltryptamine, elle permet d’avoir deux façons de réagir. Au début, la sérotonine va entraîner un comportement de calme. C’est une sorte de frein entraînant un comportement soumis par rapport à ce qui nous arrive. Et si la situation perdure dans d’autres neurones du cerveau, la sérotonine va provoquer un coup de fouet pour essayer de réagir et on va vouloir repartir, revivre.</p>
<p><strong>Le cerveau a-t-il révélé tous ses secrets ? À votre avis, quels sont les domaines inexplorés sur lesquels il faudrait axer en priorité les recherches ?</strong></p>
<p><strong>B. S.</strong> : Alors non, on ne connaît pas tout. Ce n’est aujourd’hui qu’un balbutiement, mais avec les techniques d’imagerie actuelles et les systèmes d’interactions entre puces électroniques puis neurones, il est possible de repérer les circuits de façon extrêmement fine, afin de mieux comprendre comment la régulation des influx se forme. Je pense que ce qui étonne de plus en plus les scientifiques, ce sont les capacités d’adaptation du cerveau, ce qui est appelé la plasticité. Les conséquences des recherches sur ce sujet pourraient être de nouvelles pistes pour traiter les maladies de Parkinson ou d’Alzheimer autrement qu’avec des médicaments. Ce sont des pistes intéressantes.</p>
<hr>
<p><em>Propos recueillis par Loéva Claverie et Agathe Courret, étudiantes en master professionnel de journalisme à l’Institut de Journalisme Bordeaux Aquitaine (IJBA).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218644/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bernard Sablonnière ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dopamine, cortisol, ocytocine… Notre cerveau déborde d’hormones lorsque l’on est amoureux (ou que l’on subit une rupture).Bernard Sablonnière, Neurobiologiste, professeur des universités − praticien hospitalier, faculté de médecine, Inserm U1172, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2179752023-11-29T17:22:42Z2023-11-29T17:22:42ZLes superpouvoirs de la musique sur notre cerveau<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/562403/original/file-20231129-17-e9wab7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=45%2C0%2C6749%2C5100&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Comment la musique agit-elle sur notre mémoire et sur nos émotions? </span> </figcaption></figure><blockquote>
<p>« Quand j’entends la chanson <a href="https://www.youtube.com/watch?v=KNZH-emehxA">“You’re Still the One”</a> de Shania Twain, cela me transporte comme par magie vers l’année de mes 15 ans. Je me vois sur le PC de mon père, après qu’il ait tenté de mettre fin à ses jours. Il avait écouté cet album peu avant sur son ordinateur et j’ai lancé le titre pendant que je rangeais ses dossiers. Chaque fois que j’entends cette chanson, je voyage dans le passé – la tristesse et la colère remontent à la surface. »</p>
</blockquote>
<p>Ainsi témoigne l’un des participants à nos recherches sur les pouvoirs de la musique.</p>
<p>Les pouvoirs de stimulation de la mémoire et les effets thérapeutiques de la musique font l’objet d’une fascination renouvelée. Cette résurgence peut être principalement attribuée aux récentes avancées de la recherche neuroscientifique, qui ont confirmé les propriétés thérapeutiques de la musique, telles que la régulation émotionnelle et l’engagement . Cela a conduit à une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10560-022-00893-x">intégration croissante</a> de la musicothérapie dans les traitements conventionnels de la santé mentale.</p>
<p>Il a déjà été démontré que de telles interventions musicales aident les personnes atteintes de <a href="https://www.proquest.com/openview/f42a82f350c32a106111ca17ac5db5fe/1">cancer</a>, de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29149141/">douleur chronique</a> et de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/15401383.2012.685020">dépression</a>. Les conséquences du stress, telles que l’élévation de la tension artérielle et la tension musculaire, peuvent également être <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/17437199.2020.1846580">atténuées par le pouvoir de la musique</a>.</p>
<p>En tant que mélomane de longue date et neuroscientifique, je pense que la musique a un statut spécial parmi tous les arts en termes d’ampleur et de profondeur de son impact sur les gens. L’un des aspects essentiels est son pouvoir de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0166432821005222">récupération de la mémoire autobiographique</a>, qui fait ré-émerger des souvenirs souvent très personnels d’expériences passées. Nous pouvons tous raconter un cas où une mélodie nous a transportés dans le passé, ravivant des souvenirs et les imprégnant souvent d’une gamme d’émotions puissantes.</p>
<p>Mais l’amélioration de la mémoire peut également se produire chez les patients atteints de démence, pour qui <a href="https://www.theguardian.com/lifeandstyle/2023/sep/20/a-moment-that-changed-me-i-played-my-way-to-people-with-dementia-the-effect-was-magic">l’impact transformateur de la musicothérapie</a> ouvre parfois une fenêtre sur des souvenirs, qu’il s’agisse d’expériences chères de l’enfance, d’arômes et de saveurs de la cuisine maternelle, d’après-midi d’été passés en famille ou de l’atmosphère et de l’énergie d’un festival de musique.</p>
<p>On a pu le constater avec cette <a href="https://www.youtube.com/watch?v=IT_tW3EVDK8">vidéo</a> virale, réalisée par l’<a href="https://musicaparadespertar.com/">Asociación Música para Despertar</a>, qui mettrait en scène la ballerine hispano-cubaine Martha González Saldaña (bien qu’il y ait eu une <a href="https://www.npr.org/2020/11/10/933387878/struck-with-memory-loss-a-dancer-remembers-swan-lake-but-who-is-she">certaine controverse</a> au sujet de son identité). La musique du Lac des cygnes de Tchaïkovski semble réactiver des souvenirs chers et même des réactions motrices chez cette ancienne danseuse étoile, qui est amenée à répéter certains de ses anciens mouvements de danse devant la caméra.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/IT_tW3EVDK8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le Lac des cygnes de Tchaïkovski semble réactiver des réponses motrices inutilisées depuis longtemps chez cette ancienne ballerine.</span></figcaption>
</figure>
<p>Dans notre laboratoire de l’université de Northumbria, nous cherchons à exploiter ces récentes avancées neuroscientifiques pour approfondir notre compréhension du lien complexe entre la musique, le cerveau et le bien-être mental. Nous voulons répondre à des questions spécifiques telles que la raison pour laquelle la <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpain.2023.1210572/full">musique triste ou douce-amère</a> joue un rôle thérapeutique unique pour certaines personnes, et quelles parties du cerveau elle « touche » par rapport à des compositions plus joyeuses.</p>
<p>Les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1053811919301284">outils de recherche avancée</a> tels que les moniteurs d’électroencéphalogramme (EEG) à haute densité nous permettent d’enregistrer la façon dont les régions du cerveau « parlent » entre elles en temps réel lorsqu’une personne écoute une chanson ou une symphonie. Ces régions sont stimulées par différents aspects de la musique, de son contenu émotionnel à sa structure mélodique, de ses paroles à ses schémas rythmiques.</p>
<p>Bien entendu, la façon dont nous réagissons à la musique est profondément personnelle, c’est pourquoi notre recherche nécessite également que les participants à l’étude décrivent ce qu’ils ressentent à l’écoute d’un morceau de musique particulier, y compris sa capacité à encourager une profonde introspection et à évoquer des souvenirs significatifs.</p>
<p>Ludwig van Beethoven a proclamé un jour : « La musique est une entrée incorporelle dans le monde supérieur de la connaissance qui comprend l’humanité mais que l’humanité ne peut pas comprendre ». Avec l’aide des neurosciences, nous espérons contribuer à changer cela.</p>
<h2>Une brève histoire de la musicothérapie</h2>
<p>Les origines de la musique sont très anciennes, antérieures au langage et à la pensée rationnelle. Ses racines remontent à l’ère paléolithique, il y a plus de 10 000 ans, lorsque les premiers hommes l’utilisaient pour communiquer et exprimer leurs émotions. Les <a href="https://news.cnrs.fr/articles/the-sound-of-palaeolithic-music">découvertes archéologiques</a> comprennent d’anciennes flûtes en os et des instruments de percussion fabriqués à partir d’os et de pierres, ainsi que des marques indiquant <a href="https://www.sciencedaily.com/releases/2008/07/080704130439.htm">l’endroit qui sonne le mieux dans une grotte</a> et même des <a href="https://theconversation.com/how-the-music-of-an-ancient-rock-painting-was-brought-to-life-185475">peintures représentant des rassemblements musicaux</a>.</p>
<p>Au cours de l’ère néolithique qui a suivi, la musique a connu un <a href="https://theconversation.com/what-archaeology-tells-us-about-the-music-and-sounds-made-by-africas-ancestors-143809">développement important</a> dans le monde entier. Des fouilles ont permis de découvrir divers instruments de musique, notamment des harpes et des instruments de percussion complexes, soulignant l’importance croissante de la musique dans les cérémonies religieuses et les rassemblements sociaux au cours de cette période, ainsi que l’apparition de formes rudimentaires de notation musicale, comme en témoignent les <a href="https://www.asor.org/anetoday/2022/04/music-ancient-mesopotamia">tablettes d’argile de l’ancienne Mésopotamie</a>, en Asie occidentale.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/557113/original/file-20231101-21-el7lrd.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Quatre instruments de musique préhistoriques" src="https://images.theconversation.com/files/557113/original/file-20231101-21-el7lrd.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/557113/original/file-20231101-21-el7lrd.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/557113/original/file-20231101-21-el7lrd.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/557113/original/file-20231101-21-el7lrd.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/557113/original/file-20231101-21-el7lrd.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/557113/original/file-20231101-21-el7lrd.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/557113/original/file-20231101-21-el7lrd.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Instruments de musique préhistoriques.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Musical_instruments_of_prehistory.jpg">Musée d’Archéologie Nationale/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les philosophes grecs de l’Antiquité, Platon et Aristote, ont tous deux reconnu le rôle central de la musique dans l’expérience humaine. Platon a souligné le pouvoir de la musique en tant que stimulus agréable et curatif, en déclarant : « La musique est une loi morale. Elle donne une âme à l’univers, des ailes à l’esprit, du souffle à l’imagination, et le charme et la gaieté à la vie ». De manière plus pratique, Aristote considérait que la musique avait le pouvoir de former le caractère.</p>
<p>Tout au long de l’histoire, de nombreuses cultures ont adopté les vertus curatives de la musique. Les anciens Égyptiens intégraient la musique à leurs cérémonies religieuses, la considérant comme une force thérapeutique. Les tribus amérindiennes, comme les Navajos, utilisaient la musique et la danse dans leurs rituels de guérison, s’appuyant sur les tambours et les chants pour promouvoir le bien-être physique et spirituel. Dans la médecine traditionnelle chinoise, des tonalités et des rythmes musicaux spécifiques sont censés équilibrer l’énergie du corps (qi) et améliorer la santé.</p>
<p>Au Moyen Âge et à la Renaissance, l’Église chrétienne a joué un rôle essentiel dans la popularisation de la « musique pour les masses ». Le chant des hymnes de congrégation a permis aux fidèles de s’engager dans une musique commune pendant les services religieux. Cette expression musicale partagée était un puissant moyen de dévotion et d’enseignement religieux, permettant à une population largement analphabète de se rapprocher de sa foi par la mélodie et les paroles. Le chant communautaire n’est pas seulement une tradition culturelle et religieuse, il a également été <a href="https://journals.co.za/doi/abs/10.4102/ve.v40i1.1910">reconnu comme une expérience thérapeutique</a>.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/557117/original/file-20231101-25-aqs9xd.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Grey-haired man in jacket sitting at a desk reading," src="https://images.theconversation.com/files/557117/original/file-20231101-25-aqs9xd.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/557117/original/file-20231101-25-aqs9xd.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=604&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/557117/original/file-20231101-25-aqs9xd.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=604&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/557117/original/file-20231101-25-aqs9xd.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=604&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/557117/original/file-20231101-25-aqs9xd.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=759&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/557117/original/file-20231101-25-aqs9xd.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=759&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/557117/original/file-20231101-25-aqs9xd.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=759&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Benjamin Rush.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Benjamin_Rush_by_Sully.jpg">NYPL Digital Gallery/Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Aux XVIII<sup>e</sup> et XIX<sup>e</sup> siècles, les premières recherches sur le système nerveux humain ont été menées parallèlement à l’<a href="https://www.musictherapy.org/about/history/">émergence de la musicothérapie</a> en tant que domaine d’étude. Des pionniers tels que le médecin américain <a href="https://www.britannica.com/biography/Benjamin-Rush">Benjamin Rush</a>, signataire de la Déclaration d’indépendance des États-Unis en 1776, ont reconnu le potentiel thérapeutique de la musique pour améliorer la santé mentale.</p>
<p>Peu après, des personnalités telles que Samuel Mathews (l’un des étudiants de Rush) ont commencé à mener des expériences explorant les <a href="https://collections.nlm.nih.gov/catalog/nlm:nlmuid-2562064R-bk">effets de la musique sur le système nerveux</a>, jetant ainsi les bases de la musicothérapie moderne. Ces premiers travaux ont servi de tremplin à <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.2307/3345004">E. Thayer Gaston</a>, connu comme le « père de la musicothérapie », pour la promouvoir en tant que discipline légitime aux États-Unis. Ces développements ont inspiré des efforts similaires au Royaume-Uni, où <a href="https://academic.oup.com/mtp/article-abstract/36/1/1/4916024">Mary Priestley</a> a contribué de manière significative au développement de la musicothérapie en tant que domaine respecté.</p>
<p>Les connaissances acquises lors de ces premières explorations ont continué à influencer les psychologues et les neuroscientifiques depuis lors, y compris le grand neurologue et <a href="https://www.oliversacks.com/oliver-sacks-books/musicophilia-oliver-sacks/">auteur de best-sellers</a> Oliver Sacks, aujourd’hui décédé, qui a observé que :</p>
<blockquote>
<p>« La musique peut nous sortir de la dépression ou nous émouvoir aux larmes. C’est un remède, un tonique, un jus d’orange pour l’oreille. »</p>
</blockquote>
<h2>L’effet Mozart</h2>
<p>L’étude et la compréhension de tous les mécanismes cérébraux impliqués dans l’écoute de la musique et de ses effets ne sont pas l’apanage des neuroscientifiques. Notre équipe diversifiée comprend des experts en musique tels que Dimana Kardzhieva (citée ci-dessous), qui a commencé à jouer du piano à l’âge de cinq ans et a poursuivi ses études à l’École nationale de musique de Sofia, en Bulgarie. Aujourd’hui psychologue cognitive, sa compréhension combinée de la musique et des processus cognitifs nous aide à approfondir les mécanismes complexes par lesquels la musique affecte (et apaise) notre esprit. Un neuroscientifique seul risquerait d’échouer dans cette entreprise.</p>
<blockquote>
<p>« La musique est au cœur de ma profession, mais c’est aussi une quête spéciale et profondément personnelle. Elle m’a permis de faire face aux défis de la vie, en apprenant à canaliser mes sentiments et à les exprimer en toute sécurité. La musique m’a appris à prendre mes pensées, qu’elles soient agréables ou douloureuses, et à les transformer en quelque chose de beau. »</p>
</blockquote>
<p>Le point de départ de notre recherche est ce que l’on appelle « l’effet Mozart », c’est-à-dire l’idée que l’exposition à des compositions musicales complexes, en particulier des morceaux classiques, stimule l’activité cérébrale et, en fin de compte, <a href="https://files.eric.ed.gov/fulltext/ED390733.pdf">améliore les capacités cognitives</a>. Bien que les résultats soient mitigés <a href="https://psycnet.apa.org/record/2018-20917-004">quant à la réalité de l’effet Mozart</a>, en raison des différentes méthodes employées par les chercheurs au fil des ans, ce travail a néanmoins permis des avancées significatives dans notre compréhension de l’effet de la musique sur le cerveau.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/VIItKRaP2vc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Une étude a montré que l’écoute de la Sonate pour deux pianos en ré de Mozart améliorait les capacités cognitives.</span></figcaption>
</figure>
<p>Dans l’étude originale réalisée en 1993 par <a href="https://www.nature.com/articles/365611a0">Frances Rauscher et ses collègues</a>, les participants ont constaté une amélioration de leur capacité de raisonnement spatial après seulement dix minutes d’écoute de la Sonate pour deux pianos en ré de Mozart.</p>
<p>Dans <a href="https://psycnet.apa.org/record/2007-18075-020">notre étude de 1997</a>, qui utilisait la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=bEiYmeeV6sI">deuxième symphonie</a> de Beethoven et le morceau instrumental <a href="https://www.youtube.com/watch?v=9IrWyZ0KZuk"><em>For the Love of God</em></a> du guitariste de rock Steve Vai, nous avons constaté des effets directs similaires chez nos auditeurs, mesurés à la fois par l’activité <a href="https://www.nhs.uk/conditions/electroencephalogram/">EEG</a> associée aux niveaux d’attention et à la libération de l’hormone <a href="https://www.health.harvard.edu/mind-and-mood/dopamine-the-pathway-to-pleasure">dopamine</a> (le messager du cerveau pour les sentiments de joie, de satisfaction et de renforcement d’actions spécifiques). Nos recherches ont montré que la musique classique en particulier renforce l’attention portée à la façon dont nous traitons le monde qui nous entoure, indépendamment de l’expertise ou des préférences musicales de chacun.</p>
<p>La beauté de la méthodologie EEG réside dans sa capacité à suivre les processus cérébraux avec une précision de l’ordre de la milliseconde, ce qui nous permet de distinguer les réponses neuronales inconscientes des réponses conscientes. Lorsque nous avons montré à plusieurs reprises des formes simples à une personne, nous avons constaté que la musique classique accélérait le traitement précoce (avant 300 millisecondes) de ces stimuli. Les autres musiques n’ont pas eu le même effet, pas plus que la connaissance préalable de la musique classique ou le goût pour celle-ci. Par exemple, les musiciens professionnels de rock et de musique classique qui ont participé à notre étude ont amélioré leurs processus cognitifs automatiques et inconscients en écoutant de la musique classique.</p>
<p>Mais nous avons également constaté des effets indirects liés à l’excitation. Lorsque les gens s’immergent dans la musique qu’ils apprécient personnellement, ils ressentent un changement radical de leur état d’éveil et de leur humeur. Ce phénomène <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1111/1467-9280.00345">présente des similitudes</a> avec l’augmentation des performances cognitives souvent liée à d’autres expériences agréables.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/aryDMAP6oug?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption"><em>Les Quatre Saisons</em> de Vivaldi en intégralité.</span></figcaption>
</figure>
<p>Dans une autre étude, nous avons exploré l’influence particulière de la <a href="https://www.britannica.com/art/program-music">« musique à programme »</a> – terme désignant la musique instrumentale « porteuse d’une signification extra-musicale » et dont on dit qu’elle possède une capacité remarquable à faire appel à la mémoire, à l’imagination et à la réflexion personnelle. Lorsque nos participants ont écouté les <em>Quatre Saisons</em> d’Antonio Vivaldi, ils ont déclaré avoir vécu de manière très vivante le <a href="https://psycnet.apa.org/doiLanding?doi=10.1027%2F1618-3169%2Fa000166">changement des saisons</a> à travers la musique, y compris ceux qui ne connaissaient pas ces concertos. Notre étude a conclu, par exemple, que « Le printemps » – en particulier le premier mouvement, bien connu, vibrant, émotif et exaltant – a la capacité d’améliorer la vigilance mentale et les mesures cérébrales de l’attention et de la mémoire.</p>
<h2>Que se passe-t-il dans notre cerveau ?</h2>
<p>Les qualités émotionnelles et thérapeutiques de la musique sont étroitement liées à la libération de substances neurochimiques. Un certain nombre d’entre elles sont associées au bonheur, notamment l’ocytocine, la sérotonine et les endorphines. Cependant, la dopamine est au cœur des propriétés stimulantes de la musique.</p>
<p>Elle déclenche la libération de dopamine dans les régions du cerveau consacrées à la <a href="https://rewardfoundation.org/brain-basics/reward-system/">récompense et au plaisir</a>, générant des sensations de joie et d’euphorie semblables à l’impact d’autres activités agréables telles que la consommation de nourriture ou les rapports sexuels. Mais contrairement à ces activités, dont la valeur est clairement liée à la survie et à la reproduction, l’avantage évolutif de la musique est moins évident.</p>
<p>Sa forte fonction sociale est reconnue comme le principal facteur du développement et de la préservation de la musique dans les communautés humaines. Cette qualité protectrice pourrait donc expliquer pourquoi elle fait appel aux mêmes mécanismes neuronaux que d’autres activités agréables.</p>
<p>Le système de récompense du cerveau est constitué de régions interconnectées, dont le <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00276-014-1360-0">noyau accumbens</a> est la centrale. Il est situé profondément dans la région sous-corticale, et son emplacement laisse présager son implication significative dans le traitement des émotions, étant donné sa proximité avec d’autres régions clés liées à ce traitement.</p>
<p>Lorsque nous écoutons de la musique, que ce soit en jouant ou en écoutant, le noyau accumbens réagit à ses aspects agréables en déclenchant la libération de dopamine. Ce processus, connu sous le nom de voie de récompense de la dopamine, est essentiel pour éprouver et renforcer des émotions positives telles que les sentiments de bonheur, de joie ou d’excitation que la musique peut procurer.</p>
<p>Comme l’explique Jonathan Smallwood, professeur de psychologie à l’université Queen’s (Ontario), nous n’avons pas fini d’en apprendre sur l’impact de la musique sur les différentes parties du cerveau :</p>
<blockquote>
<p>« La musique peut être compliquée à comprendre du point de vue des neurosciences. Un morceau de musique englobe de nombreux domaines qui sont généralement étudiés séparément, tels que la fonction auditive, l’émotion, le langage et la signification. »</p>
</blockquote>
<p>Cela dit, nous pouvons constater que l’effet de la musique sur le cerveau va au-delà du simple plaisir. L’<a href="https://www.britannica.com/science/amygdala">amygdale</a>, une région du cerveau réputée pour son implication dans les émotions, génère et régule les réactions émotionnelles à la musique, qu’il s’agisse de la nostalgie réconfortante d’une mélodie familière, de l’excitation exaltante d’une symphonie qui va crescendo ou de la peur liée à une mélodie sinistre et obsédante.</p>
<p><a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1053811920308363">La recherche</a> a également démontré que, lorsqu’elles sont stimulées par la musique, ces régions peuvent réveiller des souvenirs autobiographiques qui suscitent une réflexion positive sur nous-mêmes et nous font nous sentir mieux – comme nous l’avons vu dans la vidéo de l’ancienne ballerine Martha González Saldaña.</p>
<p>Nos propres recherches indiquent que l’<a href="https://www.britannica.com/science/hippocampus">hippocampe</a>, essentiel à la formation de la mémoire, est la partie du cerveau qui stocke les souvenirs et les associations liés à la musique. Simultanément, le <a href="https://neuroscientificallychallenged.com/posts/know-your-brain-prefrontal-cortex">cortex préfrontal</a>, responsable des fonctions cognitives supérieures, collabore étroitement avec l’hippocampe pour retrouver ces souvenirs musicaux et évaluer leur signification autobiographique. Pendant l’écoute de la musique, cette interaction entre les centres cérébraux de la mémoire et de l’émotion crée une expérience puissante et unique, élevant la musique au rang de stimulus distinctif et agréable.</p>
<p>Les arts visuels, comme les peintures et les sculptures, ne provoquent pas l’engagement temporel et multisensoriel de la musique, ce qui diminue leur capacité à former des connexions émotionnelles et mémorielles fortes et durables. Les autres formes d’art peuvent évoquer des émotions et des souvenirs, mais restent souvent ancrés dans l’instant. La musique, et c’est peut-être unique, forme des souvenirs durables, chargés d’émotions, qui peuvent ré-émerger quand on réécoute une chanson particulière des années plus tard.</p>
<h2>Perspectives personnelles</h2>
<p>La musicothérapie peut profondément changer la vie des gens. Nous avons eu le privilège d’entendre de nombreuses histoires et réflexions personnelles de la part des participants à notre étude, et même de nos chercheurs. Dans certains cas, comme les souvenirs de la tentative de suicide d’un père suscités par la chanson <em>You’re Still The One</em> de Shania Twain, il s’agit de récits profonds et profondément personnels. Ils nous montrent le pouvoir de la musique pour aider à réguler les émotions, même lorsque les souvenirs qu’elle déclenche sont négatifs et douloureux.</p>
<p>Face à de graves difficultés physiques et émotionnelles, un autre participant à notre étude a expliqué comment il avait ressenti une amélioration inattendue de son bien-être en écoutant un morceau qu’il avait adoré, malgré le contenu apparemment négatif du titre et des paroles de la chanson :</p>
<blockquote>
<p>« L’exercice a été crucial pour moi après un accident vasculaire cérébral. Au milieu de ma séance de rééducation, alors que je me sentais déprimé et souffrant, un vieux morceau favori, <em>What Have I Done To Deserve This ?</em> des Pet Shop Boys, m’a donné un coup de fouet instantané. Non seulement elle m’a remonté le moral, mais elle a aussi fait battre mon cœur avec excitation – je pouvais sentir les picotements de la motivation courir dans mes veines ».</p>
</blockquote>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Wn9E5i7l-Eg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les Pet Shop Boys ont donné une motivation supplémentaire à une séance de rééducation après un accident vasculaire cérébral.</span></figcaption>
</figure>
<p>La musique peut servir d’exutoire cathartique, de source d’autonomisation, permettant aux individus de traiter et de faire face à leurs émotions tout en leur apportant réconfort et apaisement. Un participant a décrit comment un morceau peu connu datant de 1983 sert d’inducteur d’humeur délibéré – un outil pour améliorer son bien-être :</p>
<blockquote>
<p>« Chaque fois que je suis déprimé ou que j’ai besoin d’un remontant, je joue <a href="https://www.youtube.com/watch?v=EXmABxvHTG4"><em>Dolce Vita</em> de Ryan Paris</a>. C’est comme un bouton magique qui génère des émotions positives en moi – il me remonte toujours le moral en quelques instants. »</p>
</blockquote>
<p>Comme chaque personne a ses propres goûts et ses propres liens émotionnels avec certains types de musique, il est essentiel d’adopter une approche personnalisée lors de la conception d’interventions de musicothérapie, afin de s’assurer qu’elles trouvent un écho profond chez les individus. Même les témoignages de nos chercheurs, comme celui de Sam Fenwick, se sont révélés utiles pour formuler des hypothèses en vue d’un travail expérimental :</p>
<blockquote>
<p>« Si je devais choisir une seule chanson qui me fait vibrer, ce serait <a href="https://www.youtube.com/watch?v=UNjO3sZ-85w">“Alpenglow”</a>. Cette chanson me donne des frissons. Je ne peux m’empêcher de chanter et chaque fois que je le fais, j’en ai les larmes aux yeux. Lorsque la vie est belle, elle déclenche des sentiments de force intérieure et me rappelle la beauté de la nature. Lorsque je me sens mal, elle m’inspire un sentiment de nostalgie et de solitude, comme si j’essayais de résoudre mes problèmes toute seule, alors que j’aurais vraiment besoin de soutien. »</p>
</blockquote>
<p>Stimulée par ces observations, notre dernière étude compare les effets de la musique triste et de la musique joyeuse sur le cerveau, afin de mieux comprendre la nature de ces différentes expériences émotionnelles. Nous avons découvert que les mélodies sombres peuvent avoir des effets thérapeutiques particuliers, offrant aux auditeurs une plate-forme spéciale pour la libération émotionnelle et l’introspection significative.</p>
<h2>Explorer les effets de la musique joyeuse et triste</h2>
<p>En nous inspirant des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0031938418308576">études</a> sur les expériences cinématographiques émotionnellement intenses, nous avons récemment <a href="https://www.mdpi.com/2673-4087/4/2/14">publié une étude</a> mettant en évidence les effets de compositions musicales complexes, en particulier les <em>Quatre Saisons</em> de Vivaldi, sur les réponses à la dopamine et les états émotionnels. Cette étude a été conçue pour nous aider à comprendre comment la musique joyeuse et triste affecte les gens de différentes manières.</p>
<p>L’une des principales difficultés consistait à mesurer les niveaux de dopamine de nos participants de manière non invasive. L’imagerie cérébrale fonctionnelle traditionnelle est un outil courant pour suivre la dopamine en réponse à la musique – par exemple, la tomographie par émission de positrons (TEP). Toutefois, cette technique implique l’injection d’un radiotraceur dans la circulation sanguine, qui se fixe sur les récepteurs de dopamine dans le cerveau. Ce procédé présente également des limites en termes de coût et de disponibilité.</p>
<p>Dans le domaine de la psychologie et de la recherche sur la dopamine, une approche alternative et non invasive consiste à étudier la fréquence des clignements de paupières et la variation du rythme des clignements de paupières en fonction de la musique.</p>
<p>Le clignement des yeux est contrôlé par les <a href="https://www.britannica.com/science/basal-ganglion">ganglions de la base</a>, une région du cerveau qui régule la dopamine. Le dérèglement de la dopamine dans des conditions telles que la maladie de Parkinson peut affecter le rythme régulier de clignement des yeux. Des études ont montré que les personnes atteintes de la maladie de Parkinson présentent souvent des <a href="https://n.neurology.org/content/34/5/677">taux de clignement réduits ou une variabilité accrue des taux de clignement</a>, par rapport aux personnes en bonne santé. Ces résultats suggèrent que la vitesse de clignement des yeux peut servir d’indicateur indirect de la libération ou de l’altération de la dopamine.</p>
<p>Bien que la vitesse de clignement des yeux n’offre pas le même niveau de précision que les mesures neurochimiques directes, elle constitue une mesure de substitution pratique et accessible qui peut compléter les techniques d’imagerie traditionnelles. Cette approche alternative s’est révélée prometteuse pour améliorer notre compréhension du rôle de la dopamine dans divers processus cognitifs et comportementaux.</p>
<p>Notre étude a révélé que le sombre <a href="https://www.youtube.com/watch?v=ZPdk5GaIDjo">« Mouvement d’hiver »</a> suscitait une réaction dopaminergique particulièrement forte, remettant en cause nos idées préconçues et mettant en lumière l’interaction entre la musique et les émotions. On aurait pu s’attendre à une réaction plus forte au <a href="https://www.youtube.com/watch?v=3LiztfE1X7E">Concerto de printemps</a>, familier et entraînant, mais cela n’a pas été le cas. Il s’est avéré que le mouvement d’hiver de Vivaldi suscitait une réponse dopaminergique particulièrement forte.</p>
<p>Notre approche est allée au-delà de la mesure de la dopamine afin de mieux comprendre les effets de la musique triste et de la musique joyeuse. Nous avons également utilisé <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC10044923/">l’analyse du réseau EEG</a> pour étudier comment les différentes régions du cerveau communiquent et synchronisent leur activité lors de l’écoute de différentes musiques. Par exemple, les régions associées à l’appréciation de la musique, au déclenchement d’émotions positives et à la récupération de riches souvenirs personnels peuvent « parler » entre elles. C’est comme si l’on observait une symphonie d’activités cérébrales se dérouler, alors que les individus expérimentent subjectivement une gamme variée de stimuli musicaux.</p>
<p>Parallèlement, les <a href="https://journals.plos.org/plosone/article/comments?id=10.1371/journal.pone.0110490">rapports d’expériences subjectives</a> nous ont donné un aperçu de l’impact personnel de chaque morceau de musique, y compris le cadre temporel des pensées (passé, présent ou futur), leur orientation (soi ou les autres), leur forme (images ou mots) et leur contenu émotionnel. La catégorisation de ces pensées et émotions, et l’analyse de leur corrélation avec les données cérébrales, peuvent fournir des informations précieuses pour de futures interventions thérapeutiques.</p>
<p>Nos <a href="https://www.mdpi.com/2673-4087/4/2/14">données préliminaires</a> révèlent que la musique joyeuse suscite des pensées orientées vers le présent et l’avenir, des émotions positives et une attention portée aux autres. Ces pensées sont associées à une activité cérébrale frontale accrue et à une activité cérébrale postérieure réduite. En revanche, les musiques tristes provoquent une réflexion sur les événements passés, ce qui s’accompagne d’une activité neuronale accrue dans les zones du cerveau liées à l’introspection et à la récupération de la mémoire.</p>
<p>Pourquoi la musique triste a-t-elle le pouvoir d’influer sur le bien-être psychologique ? L’expérience immersive des mélodies sombres offre une plate-forme pour la libération et le traitement des émotions. En évoquant des émotions profondes, la musique triste permet aux auditeurs de trouver du réconfort, de plonger dans l’introspection et de gérer efficacement leurs états émotionnels.</p>
<p>Cette compréhension constitue la base du développement de futures interventions ciblées de musicothérapie destinées aux personnes confrontées à des difficultés de régulation émotionnelle, de rumination et même de dépression. En d’autres termes, même la musique triste peut être un outil de développement personnel et de réflexion.</p>
<h2>Ce que la musicothérapie peut offrir à l’avenir</h2>
<p>Sans être une panacée, l’écoute de musique a des effets thérapeutiques considérables, ce qui pourrait conduire à une adoption accrue des séances de musicothérapie parallèlement à la thérapie par la parole traditionnelle. L’intégration de la technologie dans la musicothérapie, notamment par le biais de services applicatifs émergents, est sur le point de transformer la manière dont les gens accèdent à des interventions musicales thérapeutiques personnalisées et à la demande, offrant ainsi une voie pratique et efficace pour l’amélioration de soi et le bien-être.</p>
<p>À plus long terme, l’intégration de l’intelligence artificielle (IA) pourrait révolutionner la musicothérapie. L’IA peut adapter les interventions thérapeutiques de façon dynamique, en fonction de l’évolution des réactions émotionnelles d’une personne. Imaginez une séance de thérapie où l’IA sélectionnerait et ajusterait la musique en temps réel, en fonction des besoins émotionnels du patient, créant ainsi une expérience thérapeutique hautement personnalisée et efficace… Ces innovations sont prêtes à <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/frai.2020.497864/full">remodeler le domaine de la musicothérapie</a>, en libérant tout son potentiel thérapeutique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Femme écoutant de la musique avec des écouteurs sans fil" src="https://images.theconversation.com/files/557136/original/file-20231101-17-6t5sr7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/557136/original/file-20231101-17-6t5sr7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/557136/original/file-20231101-17-6t5sr7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/557136/original/file-20231101-17-6t5sr7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/557136/original/file-20231101-17-6t5sr7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/557136/original/file-20231101-17-6t5sr7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/557136/original/file-20231101-17-6t5sr7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La technologie du neurofeedback pourrait créer des cartes cérébrales musicales individuelles qui faciliteraient l’auto-thérapie ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Woman_listening_to_music_with_wireless_headphones_neon_light_(50810419882).jpg">Vu Hoang/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En outre, une nouvelle technologie appelée <a href="https://www.britannica.com/science/neurofeedback"><em>neurofeedback</em></a> s’est révélée prometteuse. Le neurofeedback consiste à observer l’EEG d’une personne en temps réel et à lui apprendre à réguler et à améliorer ses schémas neuronaux. La combinaison de cette technologie avec la musicothérapie pourrait permettre aux gens de « cartographier » les caractéristiques musicales qui leur sont les plus bénéfiques et de comprendre ainsi comment s’aider au mieux.</p>
<p>Lors de chaque séance de musicothérapie, les participants apprennent tout en recevant des informations sur l’état de leur activité cérébrale. L’activité cérébrale optimale associée au bien-être et à des qualités musicales spécifiques – telles que le rythme, le tempo ou la mélodie d’un morceau – est apprise au fil du temps. Cette approche innovante est développée dans <a href="https://www.urncst.com/index.php/urncst/article/view/345">notre laboratoire et ailleurs</a>.</p>
<p>Comme pour toute forme de thérapie, il est primordial de reconnaître les limites et les différences individuelles. Cependant, il existe des raisons de croire que la musicothérapie peut conduire à de nouvelles percées. Les récentes <a href="https://www.mdpi.com/2076-3425/8/6/107">avancées dans les méthodologies de recherche</a>, en partie grâce aux contributions de notre laboratoire, ont considérablement approfondi notre compréhension de la manière dont la musique peut faciliter la guérison.</p>
<p>Nous commençons à identifier deux éléments essentiels : la régulation émotionnelle et le lien puissant avec les souvenirs autobiographiques personnels. Nos recherches en cours se concentrent sur l’élucidation des interactions complexes entre ces éléments essentiels et les régions cérébrales spécifiques responsables des effets observés.</p>
<p>Bien entendu, l’impact de la musicothérapie va au-delà de ces nouveaux développements dans le domaine des neurosciences. Le simple plaisir d’écouter de la musique, le lien émotionnel qu’elle favorise et le réconfort qu’elle procure sont des qualités qui vont au-delà de ce qui peut être mesuré uniquement par des méthodes scientifiques. La musique influence profondément nos émotions et nos expériences fondamentales, transcendant les mesures scientifiques. Elle s’adresse au cœur de notre expérience humaine et a des effets qu’il n’est pas facile de définir ou de documenter.</p>
<p>Ou, comme l’a si bien dit l’un des participants à notre étude :</p>
<blockquote>
<p>« La musique est comme cet ami fiable qui ne me laisse jamais tomber. Quand je suis au plus bas, elle m’élève avec sa douce mélodie. Dans le chaos, elle me calme avec un rythme apaisant. Ce n’est pas seulement dans ma tête ; c’est une [magie] qui fait vibrer l’âme. La musique n’a pas de frontières : un jour, elle me remonte le moral sans effort, et le lendemain, elle peut agrémenter chaque instant de l’activité dans laquelle je suis engagé. »</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/217975/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Leigh Riby ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La musicothérapie connaît un regain d’intérêt. Nos recherches visent à déterminer quelles parties du cerveau sont affectées par différents types de musique.Leigh Riby, Professor of Cognitive-Neuroscience , Department of Psychology, Northumbria University, NewcastleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2161092023-11-16T17:24:18Z2023-11-16T17:24:18ZSommeil : il est possible de dialoguer avec les rêveurs<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/559715/original/file-20231115-19-szdbgp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C0%2C5982%2C3889&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il n’est pas facile pour les scientifiques d’explorer le monde des rêves, mais les connaissances progressent.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/fond-decran-numerique-de-bateau-a-voile-noir-DKix6Un55mw">Johannes Plenio/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Dans le film <a href="https://www.youtube.com/watch?v=LtxtwPoVzqI"><em>Inception</em></a> de Christopher Nolan, le personnage principal est capable d’infiltrer les rêves d’autres personnes, et même d’influencer leur contenu. Et si cette fiction n’était pas si éloignée de la réalité ?</p>
<p>Nos travaux suggèrent en effet qu’il est possible d’interagir avec des volontaires pendant leur sommeil, voire de dialoguer avec eux, à certains moments propices. Explications.</p>
<h2>La science des rêves : une discipline difficile</h2>
<p>Si l’on se réveille parfois avec des souvenirs vifs de nos aventures nocturnes, à l’inverse il arrive que l’impression d’une nuit sans rêves prédomine lorsqu’arrive le matin, comme si le temps s’était évanoui.</p>
<p>En effet, si nous nous souvenons en moyenne <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fneur.2012.00106/full">d’un à trois rêves par semaine</a>, nous ne sommes pas tous égaux face au souvenir de nos rêves. Ainsi, les gens qui disent ne jamais rêver constituent environ <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1389945702002551">2,7 à 6,5 % de la population</a>. Souvent, cependant, ces gens ont déjà rêvé dans le passé, quand ils étaient enfants par exemple. La proportion de gens qui dit n’avoir jamais rêvé de toute sa vie est très faible : 0,38 %.</p>
<p>Le fait de se rappeler des rêves dépend de <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fneur.2020.00724/full">nombreux facteurs</a> tels que le sexe (les femmes se rappellent plus fréquemment de leurs rêves) ou l’intérêt pour les rêves, ainsi que de la <a href="https://www.researchgate.net/publication/326900077_Researching_Dreams_The_Fundamentals">façon dont on collecte les rêves</a> (en tenant un « carnet de rêve », ou en les enregistrant au dictaphone, par exemple).</p>
<p>De par leur nature privée et évanescente, les rêves sont difficiles à capturer par les scientifiques. Certes, aujourd’hui, grâce aux connaissances acquises dans le domaine des neurosciences, il est possible, en analysant l’activité cérébrale d’un individu, son tonus musculaire et ses mouvements oculaires, de classifier son état de vigilance. Les scientifiques peuvent ainsi déterminer si une personne dort, et dans quel stade de sommeil elle se trouve : phase d’endormissement, sommeil lent léger, sommeil lent profond ou sommeil paradoxal.</p>
<p>Mais ces mesures physiologiques ne permettent pas de savoir si un dormeur rêve (les rêves pouvant se produire dans tous les stades de sommeil), et encore moins à quoi il rêve… Les chercheurs n’ont typiquement pas accès à l’expérience de rêve au moment même où elle est vécue. Ils sont donc contraints de se fier au récit de rêve collecté après la bataille – au moment du réveil – sans garantie que ce récit soit fidèle à ce qu’il s’est passé dans la tête du dormeur.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Photo d’une femme qui dort dans une caravane, de dos." src="https://images.theconversation.com/files/559967/original/file-20231116-25-axyh3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/559967/original/file-20231116-25-axyh3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/559967/original/file-20231116-25-axyh3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/559967/original/file-20231116-25-axyh3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/559967/original/file-20231116-25-axyh3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/559967/original/file-20231116-25-axyh3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/559967/original/file-20231116-25-axyh3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Déterminer à quoi rêvent les gens durant leur sommeil reste encore hors de la portée des scientifiques….</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/donna-che-dorme-sulla-roulotte-ffustAcaX0E">Михаил Калегин/Unsplash</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En outre, pour comprendre ce qui se passe dans le cerveau lors des rêves – et à quoi ils servent – il faudrait pouvoir comparer l’activité cérébrale lors des moments où les rêves se produisent avec ceux où ils sont absents. Par conséquent, il est impératif de déterminer avec précision quand les rêves surviennent pour progresser dans la science des rêves.</p>
<p>Pour y parvenir, l’idéal serait de pouvoir communiquer avec les dormeurs. Impossible ? Pas pour tout le monde : c’est ici qu’entrent en scène les rêveurs lucides.</p>
<h2>Les rêves lucides : une clé pour ouvrir la porte des songes</h2>
<p>La plupart d’entre nous réalisent avoir rêvé seulement au réveil. Les rêveurs « lucides », eux, ont la capacité unique d’être conscients de rêver, alors même qu’ils sont endormis en sommeil paradoxal, une période du sommeil durant laquelle l’activité cérébrale est plus proche de celle de la phase d’éveil.</p>
<p>Encore plus étonnant : les rêveurs lucides peuvent parfois même exercer un contrôle partiel sur le déroulement de l’histoire de leurs rêves ! Ils sont alors capables de s’envoler, de faire apparaître ou disparaître des personnes, de changer la météo, de se transformer en animaux… Bref, les possibilités sont infinies.</p>
<p>De tels rêves lucides peuvent survenir spontanément ou être provoqués par un entraînement spécifique. L’existence des rêves lucides est connue depuis l’Antiquité, mais elle a longtemps été considérée comme ésotérique, et indigne d’une exploration scientifique.</p>
<p>Cette vision des choses a changé grâce à une <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.2466/pms.1981.52.3.727">expérience astucieuse</a> mise en place par le psychologue Keith Hearne et le psychophysiologiste Stephen Laberge, dans les années 1980. Ces deux chercheurs se sont mis en tête de prouver scientifiquement que les rêveurs lucides sont bien endormis quand ils prennent conscience de rêver. Partant du constat que le sommeil paradoxal est caractérisé par des mouvements oculaires rapides, yeux fermés (d’où son nom de « Rapid Eye Movement sleep » en anglais), ils se sont posé la question suivante : serait-il possible d’utiliser cette propriété pour demander au dormeur d’envoyer un « télégramme » au monde alentour, depuis son rêve ?</p>
<p>Hearne et Laberge ont recruté des rêveurs lucides pour tenter d’obtenir une réponse. Ils se sont mis d’accord avec eux avant qu’ils ne s’endorment sur le télégramme à envoyer : les participants devraient faire des mouvements oculaires spécifiques, comme déplacer leur regard de gauche à droite trois fois, lorsqu’ils prendraient conscience qu’ils rêvaient. Et, alors qu’ils étaient objectivement en sommeil paradoxal, les rêveurs lucides l’ont fait !</p>
<p>Grâce à ce code de communication, les chercheurs pouvaient désormais détecter en temps réel des moments de rêve. Ces travaux ont ouvert la voie à de nombreuses recherches où les rêveurs lucides agissent comme des agents infiltrés du monde onirique, réalisant des missions (comme <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-018-21067-9">retenir sa respiration</a> en rêve) et les signalant aux expérimentateurs grâce au code oculaire.</p>
<p>À l’heure actuelle, il est possible de combiner de telles expériences avec des techniques d’imagerie cérébrale, afin d’étudier les régions cérébrales sollicitées lors des rêves lucides. Ceci constitue un énorme progrès dans la quête pour mieux comprendre les rêves et leur mécanisme de formation.</p>
<p>En 2021, près de 40 ans après les travaux pionniers de Hearne et Laberge, une <a href="https://www.cell.com/current-biology/pdfExtended/S0960-9822(21)00059-2">étude</a> réalisée par notre équipe, en collaboration avec des chercheurs du monde entier a permis d’aller encore plus loin.</p>
<h2>De la fiction à la réalité : dialoguer avec le rêveur</h2>
<p>Nous savions déjà que les rêveurs lucides étaient capables d’envoyer des informations depuis leur rêve. Mais peuvent-ils en recevoir également ? Autrement dit, serait-il possible de dialoguer avec un rêveur lucide ? Pour en avoir le cœur net, nous avons exposé un rêveur lucide à des stimuli tactiles durant son sommeil. Nous lui avons aussi posé des questions fermées, telles que « Aimez-vous le chocolat ? »</p>
<p>Ce dernier a été en mesure de répondre en souriant pour signifier un « oui » et en fronçant les sourcils pour un « non ». En outre, dans le cadre de ces travaux, des rêveurs lucides se sont vu présenter verbalement des équations mathématiques simples. Ils ont réussi à fournir des réponses appropriées tout en restant endormis.</p>
<p>Évidemment, les rêveurs lucides ne répondaient pas toujours, loin de là. Mais le fait qu’ils puissent le faire parfois (18 % des cas dans notre étude) ouvrait la porte à une communication entre expérimentateurs et rêveurs.</p>
<p>Cependant, le rêve lucide reste un phénomène rare et même les rêveurs lucides ne sont pas lucides tout le temps ni durant tout le sommeil paradoxal. Le portail de communication que nous avions ouvert était-il limité au seul sommeil paradoxal « lucide » ? Pour le déterminer, nous avons entrepris de nouveaux travaux.</p>
<h2>Élargir le portail de communication</h2>
<p>Pour savoir si nous pouvions communiquer de la même façon avec n’importe quel dormeur, quel que soit le stade de sommeil, nous avons mené des expériences avec des volontaires non rêveurs lucides sans troubles du sommeil, ainsi qu’avec des personnes atteintes de narcolepsie. Cette maladie, qui se caractérise par de nombreux endormissements (le plus souvent en sommeil paradoxal), est associée avec une <a href="https://academic.oup.com/sleep/article/38/3/487/2416990">propension accrue</a> aux rêves lucides.</p>
<p>Lors de <a href="https://www.nature.com/articles/s41593-023-01449-7">cette nouvelle expérimentation</a>, nous avons présenté verbalement aux participants des mots existants (par exemple « pizza ») et des mots inventés (par exemple « ditza ») dans tous les stades de sommeil. Nous leur avons demandé de sourire ou de froncer les sourcils en fonction du type de mot (inventé ou non). Sans grande surprise, les personnes narcoleptiques ont pu répondre quand elles étaient lucides en sommeil paradoxal, confirmant nos résultats de 2021.</p>
<p>Plus surprenant, en revanche, est le fait que les deux groupes de participants se sont aussi avérés capables de réagir à nos stimuli verbaux dans la plupart des stades du sommeil, même en l’absence de rêve lucide ! Les volontaires ont été capables de répondre de manière intermittente, comme si des fenêtres de connexion avec le monde extérieur s’ouvraient temporairement à ces moments précis.</p>
<p>Nous avons même pu déterminer la composition du cocktail d’activité cérébrale propice à ces moments d’ouverture vers le monde extérieur : en analysant l’activité cérébrale des dormeurs avant la présentation des stimuli, nous avons été en mesure de prédire s’ils allaient nous répondre ou non.</p>
<p>Pourquoi de telles fenêtres de connexion avec le monde extérieur existent-elles ? On peut émettre l’hypothèse que le cerveau s’est développé dans un contexte où un minimum de traitement cognitif était nécessaire durant le sommeil : on peut par exemple imaginer que nos ancêtres devaient rester attentifs aux stimuli extérieurs lorsqu’ils dormaient, en cas d’approche d’un prédateur. Dans le même ordre d’idée, on sait que le cerveau d’une mère réagit préférentiellement aux pleurs de son bébé pendant le sommeil…</p>
<p>Nos résultats suggèrent qu’il est désormais envisageable de « dialoguer » avec n’importe quel dormeur, quel que soit le stade de sommeil dans lequel il se trouve. En affinant les marqueurs cérébraux qui prédisent les moments de connexion avec le monde extérieur, il devrait être possible d’optimiser davantage les protocoles de communication à l’avenir.</p>
<p>Cette avancée ouvre la voie à un dialogue en temps réel avec les dormeurs, offrant ainsi aux chercheurs la possibilité d’explorer les mystères des rêves au moment même où ils surviennent. Mais si la frontière entre la science-fiction et la réalité s’amincit, rassurez-vous : les neuroscientifiques sont encore loin de savoir décoder le contenu de vos rêves. Vous pouvez donc continuer à rêver sur vos deux oreilles !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216109/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Accéder aux rêves des autres, un fantasme de science-fiction ? Pas si sûr : des scientifiques sont récemment parvenus à communiquer avec des dormeurs. Un pas de plus vers l’obtention de la clé des songes…Başak Türker, Chercheuse postdoctorale, Institut du Cerveau (ICM)Delphine Oudiette, Chercheure en neurosciences cognitives, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2136252023-10-24T14:20:09Z2023-10-24T14:20:09ZUne visite au musée, la nouvelle pilule bien-être ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/554090/original/file-20231016-28-1a079n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C1%2C986%2C655&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Est-ce que le simple fait d'être en contact avec de l'art a des effets spécifiques ?</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Nous sommes samedi matin. Tasse de café à la main, à peine réveillé, votre regard se perd vers l’horizon. Il pleut. Vous venez de vous décider. Cet après-midi, pour vous, ce sera le musée.</p>
<p>Et si, sans le savoir, vous veniez de prendre une bonne décision pour votre santé ?</p>
<p>C’est l’hypothèse qu’a émis l’association des <a href="https://www.medecinsfrancophones.ca/a-propos/lassociation/">Médecins francophones du Canada</a> en 2018, en lançant le <a href="https://www.mbam.qc.ca/fr/actualites/prescriptions-museales/">programme de prescriptions muséales</a> en partenariat avec le Musée des beaux-arts de Montréal. Aujourd’hui terminé, ce projet a permis à des milliers de patients de recevoir une ordonnance de leur médecin pour une visite au musée, en solo ou accompagné. La prescription visait à favoriser le rétablissement et le bien-être de patients pouvant, par exemple, être atteints de maladie chronique (hypertension, diabète), neurologique, ou encore de trouble cognitif ou de santé mentale. Le choix de prescrire était laissé à la discrétion du médecin.</p>
<p>Cinq ans plus tard, cette initiative pionnière a fait des petits, et nous voyons aujourd’hui fleurir de plus en plus d’activités muséales bien-être allant du <a href="https://www.mnbaq.org/en/activity/museo-yoga-1211">muséo-yoga</a> aux <a href="https://www.mam.paris.fr/fr/contempler-meditation-guidee-en-ligne">méditations guidées</a> avec les œuvres d’arts, en passant par la pratique de la <a href="https://www.beaux-arts.ca/magazine/votre-collection/lart-de-la-contemplation-lente-une-peinture-de-jean-paul-riopelle">contemplation lente</a> ou <em>slow looking</em>. </p>
<p>Les offres ne manquent pas et font grandir en chacun la même conviction : l’art nous fait du bien.</p>
<h2>Au-delà de la première impression</h2>
<p>Ces initiatives ont récemment fait la manchette dans des médiats nationaux des deux bords de l’Atlantique, tant en <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/museotherapie-je-crois-que-nous-sommes-dans-un-moment-de-bouillonnement-2414180">France</a> qu’au <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/gravel-le-matin/segments/entrevue/90530/visite-gratuite-musee-beaux-arts-montreal-ordonnance-medecin-sante">Canada</a>, et gagnent en visibilité auprès du grand public. Comme une conséquence de cette popularité, on peut lire de plus en plus d’affirmations parlant de la visite au musée comme un « antistress puissant », un « remède miracle contre le stress », ou encore comme ayant des « effets incroyables ».</p>
<p>Enthousiasmant !</p>
<p>En bonne neuroscientifique, je ne peux toutefois m’empêcher de me demander pourquoi, au vu des extraordinaires effets relaxants annoncés, les foules ne se bousculent pas aux portes de nos musées quotidiennement. </p>
<p>Autant de raisons pour aller jeter un œil aux rapports et études scientifiques récemment publiés sur le sujet.</p>
<h2>L’art fait du bien ? De l’intuition à l’observation</h2>
<p>En 2019, l’Organisation mondiale de la Santé publiait un épais rapport colligeant des éléments de preuve concernant le rôle des activités artistiques et culturelles <a href="https://apps.who.int/iris/handle/10665/329834">pour favoriser la santé et le bien-être</a>. De façon remarquable, les auteurs de ce rapport tentent de s’affranchir d’une vision unifiée des bienfaits de l’art qui, tel un remède de grand-mère, constituerait une solution universelle aux problèmes de santé. </p>
<p>A la place, ceux-ci encouragent de nouvelles approches plus précises et rigoureuses, orientées sur l’observation des réponses psychologiques, physiologiques ou encore comportementales induites par certaines composantes spécifiques de l’activité artistique (engagement esthétique, stimulation sensorielle, activité physique).</p>
<h2>Acteur ou spectateur ?</h2>
<p>La spécificité de la visite au musée est d’être une activité artistique dite réceptive – c’est-à-dire qu’il ne s’agit pas ici de produire de l’art (peindre, dessiner, composer). Elle présente toutefois l’avantage d’être accessible et déjà bien ancrée dans nos habitudes collectives, ce qui en fait une bonne candidate pour la prévention en santé.</p>
<p>La question est alors de savoir s’il suffit d’être exposé à de l’art pour bénéficier de ses bienfaits. Autrement dit, est-ce que le simple fait d’être en contact avec de l’art a des effets spécifiques ?</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/554091/original/file-20231016-15-yh6rw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="femme dans un musée" src="https://images.theconversation.com/files/554091/original/file-20231016-15-yh6rw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/554091/original/file-20231016-15-yh6rw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/554091/original/file-20231016-15-yh6rw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/554091/original/file-20231016-15-yh6rw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/554091/original/file-20231016-15-yh6rw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/554091/original/file-20231016-15-yh6rw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/554091/original/file-20231016-15-yh6rw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Être exposé à l’art permettrait de vieillir en meilleure santé ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des consommateurs de culture en meilleure santé</h2>
<p>Des recherches ont été conduites en Angleterre sur des échantillons de plusieurs milliers d’individus dont on a suivi les indicateurs de santé à long terme, et à qui on a demandé pendant 10 ans de rapporter leurs habitudes en <a href="https://www.elsa-project.ac.uk">termes d’activités culturelles et artistiques</a>.</p>
<p>Ces travaux montrent que les individus fréquentant régulièrement (tous les deux, trois mois et plus) les lieux de culture (théâtres, opéras, musées, galeries) présentent un risque de <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/the-british-journal-of-psychiatry/article/cultural-engagement-and-cognitive-reserve-museum-attendance-and-dementia-incidence-over-a-10year-period/0D5F792DD1842E97AEFAD1274CCCC9B9">démence</a> et de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6429253/">dépression</a> divisé par deux, et un risque de développer un <a href="https://academic.oup.com/psychsocgerontology/article/75/3/571/5280637">syndrome de fragilité gériatrique</a> (phénomène de déclin de la santé lié au vieillissement et associé à une perte de l’indépendance fonctionnelle) réduit d’environ 40 %.</p>
<p>Être exposé à l’art permettrait donc de vieillir en meilleure santé ?</p>
<p>Peut-être, mais il reste à confirmer que l’engagement culturel est la cause de l’amélioration des indicateurs de santé observés dans ces travaux. Pour cela, des études de cohorte et <a href="https://cihr-irsc.gc.ca/f/48952.html">essais cliniques contrôlés randomisés</a> sont nécessaires. Or, ce type d’étude est encore rare dans le domaine.</p>
<h2>À la recherche des principes actifs</h2>
<p>Par ailleurs, il reste une question, et de taille ! Celle du pourquoi… </p>
<p>Pourquoi l’art, et notamment l’art visuel, me ferait du bien. Qu’est ce qui se passe dans mon corps lorsque j’entre en contact avec une œuvre, comment ce contact me transforme et contribue à me maintenir en meilleure santé. Si tel est le cas.</p>
<p>C’est la question que s’est posée Mikaela Law chercheuse en psychologie à Université d’Auckland en Nouvelle-Zélande, et ses collaborateurs en 2021. Ces chercheuses et chercheurs ont <a href="https://bmjopen.bmj.com/content/11/6/e043549.abstract">exploré la littérature scientifique</a> en quête d’études disponibles adressant la réponse physiologique aux arts visuels et son effet sur le stress rapporté par l’individu. </p>
<p>Certaines des études répertoriées dans ce travail montrent que le contact avec une œuvre est à même de diminuer la pression artérielle, la fréquence cardiaque et le cortisol sécrété dans la salive. De telles modifications traduisent une diminution de l’état de tension du corps, que l’on appelle aussi le stress. Un changement qui semble perçu par l’individu et se traduit par une diminution du stress dont il témoigne après l’exposition.</p>
<p>D’autres études, à l’inverse, n’observent rien. </p>
<p>Ainsi, si le contact avec l’art visuel est susceptible de provoquer la détente physique et psychologique du spectateur, celui-ci pourrait ne pas constituer une condition suffisante.</p>
<p>Cette conclusion nous invite donc à nuancer le discours et à approfondir la réflexion sur ce qui se passe au moment de la rencontre avec l’œuvre qui conditionne ses effets sur le psychisme de l’individu.</p>
<p>Aujourd’hui, nous sommes samedi…</p>
<p>Vous irez au musée c’est décidé. </p>
<p>Il est probable que cette décision soit une bonne décision pour votre santé. </p>
<p>Il est également probable que cela dépende du musée et de la façon dont vous visiterez. </p>
<p>Une chose est certaine par contre, c’est que vous augmentez fortement vos chances de passer une agréable journée !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213625/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emma DUPUY travaille en partenariat avec le musée des beaux-arts de Montréal et a reçu des financements de MITACs, de l'Université de Montréal, et des Fonds de Recherche du Québec.</span></em></p>Une visite au musée pour lutter contre la grisaille mentale ? Voici ce qu’en dit la science.Emma Dupuy, Postdoctoral researcher, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2055312023-10-05T13:26:38Z2023-10-05T13:26:38ZLa Banque de cerveaux Douglas-Bell Canada : une mine d’or pour la recherche sur les maladies du cerveau<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/552342/original/file-20231005-26-rmh9lm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4000%2C1508&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les méthodes expérimentales à notre disposition aujourd’hui permettent ni plus ni moins de « déconstruire » le cerveau en ses composantes élémentaires afin d’en comprendre les fonctions et les dysfonctions.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le cerveau fascine les humains depuis toujours. </p>
<p>Mais nos connaissances scientifiques sur ces quelques 1,3 kg de substance fragile enchâssée dans la boîte crânienne ont longtemps été fragmentaires. Or, les percées techniques fulgurantes des dernières années ont inauguré en quelque sorte l’âge d’or des neurosciences moléculaires. </p>
<p>Ces percées ont aussi été permises grâce aux banques de cerveaux, qui conservent des cerveaux humains dans les meilleures conditions pour la recherche scientifique. Nous avons ici à Montréal l’une des plus importantes au monde, la Banque de cerveaux Douglas-Bell Canada (BCDBC), qui a été <a href="https://douglasbrainbank.ca/fr/a-propos">fondée en 1980 à l’Hôpital Douglas</a>. </p>
<p>La BCDBC, qui reçoit plusieurs cerveaux chaque mois, a récolté à ce jour plus de 3 600 spécimens. Son équipe traite chaque année des dizaines de requêtes de tissus provenant de scientifiques du Québec, du Canada, et de l’étranger, préparant ainsi environ 2 000 échantillons pour la recherche. </p>
<p>Ces efforts ont permis, au cours des 40 dernières années, un nombre considérable de découvertes sur différentes maladies neurologiques et psychiatriques. </p>
<p>Professeur titulaire au Département de psychiatrie de l’Université McGill, chercheur au Centre de recherche Douglas et directeur de la BCDBC depuis 2007, je travaille en étroite collaboration avec le <a href="https://douglas.research.mcgill.ca/fr/gustavo-turecki-2/">Dr Gustavo Turecki</a>, codirecteur de la BCDBC et responsable du volet consacré aux maladies psychiatriques et au suicide.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/552153/original/file-20231004-17-mdh992.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C2%2C1535%2C1231&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="hémisphère cérébral" src="https://images.theconversation.com/files/552153/original/file-20231004-17-mdh992.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C2%2C1535%2C1231&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/552153/original/file-20231004-17-mdh992.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=475&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/552153/original/file-20231004-17-mdh992.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=475&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/552153/original/file-20231004-17-mdh992.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=475&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/552153/original/file-20231004-17-mdh992.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=596&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/552153/original/file-20231004-17-mdh992.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=596&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/552153/original/file-20231004-17-mdh992.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=596&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La Banque de cerveaux Douglas-Bell Canada, qui reçoit plusieurs cerveaux à chaque mois, a récolté à ce jour plus de 3 600 spécimens.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Naguib Mechawar)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une petite histoire de la recherche sur le cerveau humain</h2>
<p>Ce n’est que vers la seconde moitié du XIX<sup>e</sup> siècle que les scientifiques commencent à identifier les éléments microscopiques qui composent le cerveau.</p>
<p>À cette époque, on le conserve pour la première fois dans le formol, une solution qui préserve les tissus biologiques afin de pouvoir les manipuler plus facilement et de les garder à long terme. </p>
<p>Parallèlement, on développe des instruments de précision et des protocoles permettant d’examiner les caractéristiques microscopiques du tissu nerveux. </p>
<p>Jusqu’au milieu du XX<sup>e</sup> siècle, on se contente surtout de conserver des cerveaux de patients, prélevés à l’autopsie, dans le but d’identifier de possibles changements macroscopiques ou microscopiques en lien avec leurs symptômes neurologiques ou psychiatriques. </p>
<p>C’est notamment ce que fait le neurologue allemand Alois Alzheimer, qui analyse le cerveau d’une de ses patientes atteintes de démence. En 1906, il décrit alors, pour la première fois, les lésions microscopiques qui caractérisent la maladie portant aujourd’hui son nom. </p>
<p>Ainsi, jusqu’à la fin des années 1970, de nombreuses collections de spécimens de cerveaux conservés dans le formol se bâtissent dans des milieux hospitaliers, un peu à la façon des anciens cabinets de curiosités. </p>
<p>Vers la fin du XX<sup>e</sup> siècle, les approches expérimentales permettant l’analyse à haute résolution de cellules et de molécules au sein de tissus biologiques se multiplient. </p>
<p>Il devient alors nécessaire de recueillir et de conserver des cerveaux humains, obtenus grâce au consentement de la personne ou de sa famille, dans des conditions compatibles avec les techniques scientifiques modernes.</p>
<p>On se met à congeler l’un des hémisphères cérébraux afin, notamment, de pouvoir en mesurer les différentes composantes moléculaires. L’autre hémisphère est fixé dans le formol pour des études anatomiques macroscopiques et microscopiques.</p>
<p>C’est dans ce contexte que fut créée la Banque de cerveaux Douglas-Bell Canada.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/552154/original/file-20231004-25-z5k7jp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Les locaux de la BCDBC" src="https://images.theconversation.com/files/552154/original/file-20231004-25-z5k7jp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/552154/original/file-20231004-25-z5k7jp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/552154/original/file-20231004-25-z5k7jp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/552154/original/file-20231004-25-z5k7jp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/552154/original/file-20231004-25-z5k7jp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/552154/original/file-20231004-25-z5k7jp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/552154/original/file-20231004-25-z5k7jp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">À Montréal se trouve l’une des plus importantes banques de cerveaux au monde, la Banque de cerveaux Douglas-Bell Canada, qui fut fondée en 1980 à l’Hôpital Douglas.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Naguib Mechawar)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>De nouvelles approches expérimentales qui portent fruit</h2>
<p>Des chercheurs de pointe de nombreuses universités à travers le monde bénéficient des échantillons de la BCDBC pour faire progresser leurs recherches. Cela inclut, il va sans dire, plusieurs équipes québécoises.</p>
<p>C’est ainsi que le <a href="https://douglas.research.mcgill.ca/fr/judes-poirier-2/">Dr Judes Poirier</a>, du Centre de recherche Douglas, affilié à l’Université McGill, et son équipe ont découvert que le gène APOE4 constitue un <a href="https://doi.org/10.1016/0140-6736(93)91705-Q">facteur de risque de la maladie d’Alzheimer</a>. Plus récemment, l’équipe du <a href="https://crhmr.ciusss-estmtl.gouv.qc.ca/fr/chercheur/gilbert-bernier">Dr Gilbert Bernier</a>, professeur au Département de neurosciences de l’Université de Montréal, a découvert que les lésions caractéristiques de cette maladie sont associées à une <a href="https://doi.org/10.1038/s41598-018-37444-3">expression anormale du gène BMI1</a>.</p>
<p>Du côté des maladies psychiatriques, et plus particulièrement de la dépression, des progrès importants ont été réalisés tout récemment par le <a href="https://douglas.research.mcgill.ca/fr/groupe-mcgill-detudes-sur-le-suicide/">Groupe McGill d’Études sur le Suicide</a>. </p>
<p>Ainsi, en utilisant des méthodes de pointe permettant d’isoler et d’analyser les cellules du cerveau humain, l’équipe du Dr. Turecki est parvenue à identifier précisément les types de cellules dont la fonction est affectée chez des hommes <a href="https://doi.org/10.1038/s41593-020-0621-y">ayant souffert de dépression majeure</a>, puis de découvrir que les types cellulaires en cause dans cette maladie diffèrent <a href="https://doi.org/10.1038/s41467-023-38530-5">entre les hommes et les femmes</a>. </p>
<p>Ces approches expérimentales donnent lieu à des ensembles de données gigantesques pouvant être interrogés dans le cadre d’études subséquentes. C’est le cas, par exemple, de travaux menés dans mon laboratoire et ayant identifié des signes de changements persistants dans la neuroplasticité au sein du cortex préfrontal de personnes ayant un historique de <a href="https://doi.org/10.1038/s41380-021-01372-y">maltraitance infantile</a>. En effet, les études citées ci-dessus nous ont permis de découvrir au moins un des types cellulaires impliqués dans ce phénomène. </p>
<p>En somme, les méthodes expérimentales à notre disposition aujourd’hui permettent ni plus ni moins de « déconstruire » le cerveau en ses composantes élémentaires afin d’en comprendre les fonctions et les dysfonctions.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/552155/original/file-20231004-27-62uc6y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Hémisphères cérébraux conservés dans le formol" src="https://images.theconversation.com/files/552155/original/file-20231004-27-62uc6y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/552155/original/file-20231004-27-62uc6y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/552155/original/file-20231004-27-62uc6y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/552155/original/file-20231004-27-62uc6y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/552155/original/file-20231004-27-62uc6y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/552155/original/file-20231004-27-62uc6y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/552155/original/file-20231004-27-62uc6y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Des chercheurs de pointe de nombreuses universités à travers le monde bénéficient des échantillons de la BCDBC pour faire progresser leurs recherches.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Naguib Mechawar)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Identifier, prévenir, dépister et traiter</h2>
<p>C’est grâce au travail acharné et au dévouement de toute l’équipe de la BCDBC, ainsi qu’au soutien indéfectible de tous ses partenaires, de mécènes (souvent anonymes) et d’organismes subventionnaires, et particulièrement le FRQS et son <a href="https://reseausuicide.qc.ca/fr/">Réseau québécois sur le suicide, les troubles de l’humeur et les troubles associés</a>, que cette ressource inestimable a non seulement réussi à survivre, mais à se développer et à se hisser au rang des plus importantes banques de cerveaux au monde. </p>
<p>Il est permis de croire que la BCDBC aura dans les années à venir un rôle important à jouer dans l’identification de plus en plus précise des causes biologiques des maladies du cerveau, et donc de nouvelles cibles en vue de meilleures approches de prévention, de dépistage et de traitement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205531/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Naguib Mechawar a reçu des financements des IRSC, du CRSNG, de HBHL (Apogée) et du FRQS (ERA-NET NEURON et RQSHA). </span></em></p>À Montréal se trouve l’une des plus importantes banques de cerveaux au monde, la Banque de cerveaux Douglas-Bell Canada. Elle permet des découvertes sur différentes maladies neurologiques et psychiatriques.Naguib Mechawar, Neurobiologiste, Institut Douglas; Professeur titulaire, Département de psychiatrie, McGill UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2100872023-09-05T17:03:20Z2023-09-05T17:03:20ZSanté mentale : de quoi la confiance en soi dépend-elle ?<p>En France, on estime qu’<a href="https://www.inserm.fr/actualite/sante-mentale-de-la-desynchronisation-a-la-depression/">une personne sur cinq a souffert ou souffrira d’un ou plusieurs épisodes de dépression au cours de sa vie</a>. Le coût humain – et économique – de cette maladie est considérable, ce qui explique que sa prise en charge <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/presse/dossiers-de-presse/article/feuille-de-route-sante-mentale-et-psychiatrie-jeudi-28-juin-2018">soit l’une des priorités du gouvernement</a>.</p>
<p>Les recherches scientifiques ont démontré que l’estime de soi est un <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/18729703/">facteur clef dans l’émergence des troubles mentaux, en particulier ceux de nature anxieuse et dépressive</a>. Mieux comprendre comment l’estime de soi et la confiance en nos capacités s’établissent et se maintiennent au cours de la vie pourrait permettre de mieux prendre en charge certains de ces troubles.</p>
<p>Aujourd’hui encore, les mécanismes cognitifs et cérébraux qui sous-tendent l’estime de soi ou mènent à son altération demeurent mal connus. Avant de pouvoir les élucider, il faut d’abord répondre à plusieurs questions : à quel niveaux s’exprime la confiance ? Pourquoi est-elle si variable d’un individu à l’autre ? Existe-t-il des « profils psychiatriques » liés à l’estime de soi ?</p>
<p>Situés à l’intersection des neurosciences, de la modélisation mathématique et de la psychiatrie, nos travaux de recherche ambitionnent de répondre à ces questions, afin de mieux comprendre cet aspect critique de la cognition humaine. </p>
<p>Voici ce que nous avons appris jusqu’à présent, ainsi que les principales hypothèses en vigueur.</p>
<h2>Estime de soi et engagement</h2>
<p>Les études de psychologie montrent qu’une confiance en soi et en ses capacités élevées est associée à un plus fort <a href="https://psycnet.apa.org/record/1977-25733-001">sentiment de contrôle sur ce qui nous arrive</a>, ce qui est davantage propice à tenter de relever des défis. Cela procure également davantage de motivation, ce qui se traduit par la mise en œuvre d’efforts plus importants face à d’éventuelles épreuves. Par conséquent, un tel état d’esprit crée un contexte qui renforce les chances de connaître des succès, ce qui, en retour, peut renforcer la confiance en soi.</p>
<p>À l’inverse, nous avons tous l’intuition que si, au moment d’envisager de se lancer dans un projet, une personne manque de confiance en elle, elle risque de « ne pas y croire », et donc de renoncer à essayer. Les chances de succès - et, par conséquent, les opportunités de renforcer positivement sa confiance en soi - sont alors moindres. </p>
<p>Cette situation pourrait être un facteur de risque d’émergence de troubles anxieux ou dépressifs, mais des interrogations demeurent : est-ce la faible estime de soi qui conduit à l’apparition de troubles anxieux ou dépressifs ? Ou est-ce l’existence d’un trouble anxieux ou dépressif qui contribue à diminuer l’estime de soi ?</p>
<p>Pour explorer ces questions, il faut s’intéresser à la façon dont les individus établissent des jugements de confiance. </p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<h2>Une grande variabilité de confiance en soi</h2>
<p>Quand on s’intéresse aux jugements de confiance que portent les individus, on s’aperçoit qu’il existe une immense variabilité. Ainsi, une personne dépressive peut sous-estimer ses capacités à accomplir une tâche malgré une performance comparable aux autres, tandis qu’une personne souffrant de troubles cognitifs (dans un contexte de début de démence par exemple) peut continuer d’avoir confiance en ses capacités, malgré des déficits dans différents contextes. </p>
<p>Cette variabilité, dont les origines ne sont pas connues, s’exprime sous deux formes principales.</p>
<p>La première forme correspond au degré auquel les jugements de confiance portés par un individu lui permettent de discriminer entre ses propres réponses correctes et ses erreurs. On peut par exemple être surconfiant(e), mais être quand même un peu moins surconfiant(e) lorsque l’on s’est trompé(e) que lorsque l’on a raison. À l’inverse, on peut être surconfiant(e), mais de manière égale, quelle que soit la justesse de notre réponse, ce qui est « encore pire ».</p>
<p>La seconde forme principale de variabilité des jugements de confiance est due à l’existence (ou non), en moyenne, d’un décalage entre la confiance subjective et la performance objective, en considérant la notion de performance prise au sens large. </p>
<p>Nous avons tous constaté que certaines personnes se sous-estiment, tandis que d’autres se surestiment. D’autres encore sont en revanche plutôt bien « calibrées » : elles sont capables d’avoir un niveau de confiance élevé lorsque leur performance objective est élevée, et plus faible lorsque leur performance est réellement plus faible. </p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/_XFQS4eX-7c?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>À l’échelle de la population, un résultat bien validé en psychologie comportementale et en économie est que <a href="https://psycnet.apa.org/record/2008-04236-009">nous sommes (légèrement) surconfiants</a>. Par exemple, plus de la moitié des personnes pensent qu’elles conduisent mieux que la moyenne, qu’elles sont plus intelligentes que la moyenne… Alors que ce devrait être (environ) la moitié.</p>
<p>Cela peut concerner aussi l’évaluation de la validité de sa propre mémoire : si un individu se plaint de pertes de mémoire, a-t-il des raisons objectives de se plaindre ? Ou est-ce qu’en réalité sa mémoire est intacte, mais sa perception subjective de sa mémoire est altérée ?</p>
<p>Historiquement, il a été difficile d’isoler les changements dans la manière d’évaluer sa confiance indépendamment de changements dans d’autres caractéristiques de notre fonctionnement cognitif. La tâche est rendue d’autant plus difficile que la confiance s’exprime à différents niveaux.</p>
<h2>Différents niveaux de confiance</h2>
<p>Nos <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0006322321013299">jugements de confiance s’expriment à différents niveaux hiérarchiques</a> : </p>
<ol>
<li>notre confiance en une décision donnée localement (« J’ai bien répondu à cette question ») ;</li>
<li>notre confiance dans une tâche (« J’ai plutôt bien réussi cet examen ») ; </li>
<li>notre confiance dans un domaine cognitif donné (« J’ai bonne mémoire ») ;</li>
<li>jusqu’à notre confiance en soi, qui constitue un niveau global.</li>
</ol>
<figure class="align-center ">
<img alt="Schéma des niveaux hiérarchique de confiance en soi, du local au global" src="https://images.theconversation.com/files/546479/original/file-20230905-27-sgiy79.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546479/original/file-20230905-27-sgiy79.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=534&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546479/original/file-20230905-27-sgiy79.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=534&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546479/original/file-20230905-27-sgiy79.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=534&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546479/original/file-20230905-27-sgiy79.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=672&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546479/original/file-20230905-27-sgiy79.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=672&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546479/original/file-20230905-27-sgiy79.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=672&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les niveaux hiérarchique de confiance en soi, du local au global.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marion Rouault</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces distinctions sont importantes : je peux avoir confiance en ma capacité à conduire par mauvais temps (domaine perceptif), alors que je ne suis pas sûre de me souvenir d’une liste de choses à faire (domaine de la mémoire). </p>
<p>De même, sur certains types d’exercice, je peux être capable de « savoir quand je sais et savoir quand je ne sais pas », alors que pour d’autres matières, je ne saurai pas bien identifier mes erreurs et mes succès.</p>
<p>Cette question du niveau de confiance a des enjeux pour les interventions visant à restaurer une confiance adaptée chez des patients ou des élèves.</p>
<h2>Deux hypothèses principales</h2>
<p>À l’heure actuelle, deux hypothèses coexistent quant aux mécanismes qui sous-tendent l’estime de soi.</p>
<p>L’une est qu’il existerait un mécanisme d’auto-évaluation central, qui permettrait d’évaluer la confiance en une réponse, ou sur une tâche donnée. Ce mécanisme serait le même dans différents domaines, comme la mémoire, le langage, ou le raisonnement. Dans ce cas de figure, des interventions visant à améliorer l’estime de soi <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/personality-neuroscience/article/human-metacognition-across-domains-insights-from-individual-differences-and-neuroimaging/16940B57B2F1649B5F0BC399174F84BA">devraient viser à « rééduquer » ou « entraîner » cette capacité de jugement très centrale, indépendante de la tâche en cours</a>. Les bénéfices se généraliseront ensuite.</p>
<p>La seconde hypothèse postule que nos jugements de confiance ne résulteraient pas d’un mécanisme central d’auto-évaluation, mais seraient intimement liés à chaque domaine. Dans ce cas, il faudra que chaque intervention cible le domaine d’intérêt particulier sur lequel on juge qu’il est nécessaire d’agir.</p>
<p>À l’heure actuelle, ces deux hypothèses demeurent débattues. Les résultats de recherche, que ce soit au niveau comportemental ou neural, tendent à indiquer que la réalité se situe probablement entre les deux. Il n’existerait pas un unique mécanisme centralisé - ce qui ne conférerait probablement pas assez de flexibilité, mais il n’existe pas non plus de mécanisme spécifique pour chaque domaine - ce qui à l’inverse s’avérerait trop peu efficace et coûteux à entretenir pour le cerveau.</p>
<h2>Des profils hétérogènes de santé mentale dans la population</h2>
<p>Une difficulté supplémentaire dans l’étude de la confiance est que la classification actuelle des troubles psychiatriques, selon le <a href="https://www.elsevier-masson.fr/dsm-5-manuel-diagnostique-et-statistique-des-troubles-mentaux-9782294739293.html">DSM-5</a>, le manuel américain de référence, est questionnée par les chercheurs. </p>
<p>C’est particulièrement le cas de l’idée qu’« un symptôme équivaut à une maladie ». Par exemple, être anxieux n’est pas un symptôme diagnostique d’un seul trouble psychiatrique : on peut être anxieux dans une dépression, dans un trouble de la personnalité borderline, etc. </p>
<p>Réciproquement, une maladie ne veut pas dire un seul symptôme. Dans le cas des troubles obsessionnels compulsifs (TOCs), par exemple, certains patients sont surconfiants, tandis que la plupart sont sous-confiants (parce que très anxieux par exemple). Pourtant, leur diagnostic est le même.</p>
<p>Cela rend difficile de prédire de manière fiable quelle option de traitement serait la plus efficace pour un(e) patient(e) donné(e). En effet, si la classification traditionnelle est cliniquement pertinente, elle ne correspondrait pas toujours directement à la neurobiologie des troubles psychiatriques.</p>
<p>Pour sortir de cette approche traditionnelle, l’approche dite « dimensionnelle » se focalise sur les symptômes sous-jacents, qui peuvent être communs à plusieurs maladies. On peut la voir comme une classification alternative, qualifiée de « transdiagnostique », c’est-à-dire qui fonctionne « à travers » les diagnostics et catégories classiques.</p>
<h2>Les maths peuvent aider à mieux décrire la variabilité des symptômes de santé mentale</h2>
<p>Traditionnellement, pour diagnostiquer les troubles mentaux, psychologues et médecins se basent sur les symptômes rapportés par les patients, qui les expriment lors des consultations et en répondant à des questionnaires spécialisés. On y trouve par exemple des questions du type « Avez-vous du mal à prendre des décisions ? », « Vous sentez-vous parfois anxieux au point d’avoir du mal à respirer ? », etc. </p>
<p>En utilisant des outils d’analyse basés sur l’apprentissage machine, les chercheurs ont essayé de grouper les symptômes de façon à identifier s’il existe des points communs entre différentes pathologies, plutôt que d’étudier chaque maladie séparément. </p>
<p>Une fois que l’on a pu établir des groupements de symptômes communs à plusieurs maladies, on peut mettre à contribution des techniques expérimentales pour mieux comprendre les mécanismes biologiques, cognitifs ou comportementaux en jeu. </p>
<p>Pour reprendre l’exemple des TOCs, l’approche par apprentissage machine a pour objectif d’identifier des sous-groupes (par exemple, un groupe « anxiété ») des formes de la pathologie se traduisant par une sous-confiance ou une surconfiance. L’espoir est de permettre de proposer des traitements ou des psychothérapies plus adaptées à chacun. En effet, il est possible qu’une personne atteinte de TOC anxieux ne réponde pas de la même façon à un traitement donné qu’une personne atteinte de TOC dans lequel l’anxiété joue un rôle moindre…</p>
<h2>Dans la population générale</h2>
<p>L’idée est que les symptômes de santé mentale fluctuent naturellement, non seulement chez les patients, mais dans toute la population. Et ce, même chez des personnes qui n’ont pas de trouble psychiatrique diagnostiqué : nous sommes tous à un certain degré plus ou moins anxieux, plus ou moins impulsifs, plus ou moins obsessifs, etc.</p>
<p>En utilisant une approche par apprentissage machine sur des échantillons de nombreux volontaires, on retrouve que les personnes présentant des symptômes compulsifs et de type pensées intrusives plus importants ont généralement une confiance plus élevée, mais une auto-évaluation moins fiable. Ce mélange <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29458997/">pourrait expliquer des effets psychologiques tels qu’une tendance à tirer des conclusions hâtives</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Schéma de l’approche mathématique utilisée pour aborder les variations de jugements de soi" src="https://images.theconversation.com/files/546482/original/file-20230905-28168-cno6xu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546482/original/file-20230905-28168-cno6xu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546482/original/file-20230905-28168-cno6xu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546482/original/file-20230905-28168-cno6xu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546482/original/file-20230905-28168-cno6xu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546482/original/file-20230905-28168-cno6xu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546482/original/file-20230905-28168-cno6xu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les approches dimensionnelles prennent en compte les hétérogénéités de symptômes au sein d’une même « catégorie diagnostique », et entre ces catégories, en identifiant des dimensions latentes sous-jacentes à divers symptômes de santé mentale, qui fluctuent naturellement au sein de la population.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marion Rouault</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En revanche, on constate que des personnes présentant des symptômes anxieux et dépressifs plus marqués ont une confiance plus faible dans leurs décisions, mais une auto-évaluation plus juste – on parle parfois de « <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22717337/">réalisme dépressif</a> ». Ces résultats semblent néanmoins dépendre du <a href="https://www.nature.com/articles/s44184-022-00009-4">domaine</a> dans lequel on évalue notre confiance.</p>
<p>Mieux comprendre comment les jugements de confiance se construisent permettra de déterminer l’origine des variations importantes d’auto-évaluation qui existent d’une personne à l’autre. Cela pourra aussi aider à prendre conscience des décalages qui peuvent exister entre notre performance et la perception que nous en avons. Et de réaliser qu’il existe parfois des décalages entre notre réussite réelle et l’image que l’on s’en fait…</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Créé en 2007 pour accélérer et partager les connaissances scientifiques sur les grands enjeux sociétaux, le Fonds Axa pour la Recherche a soutenu près de 700 projets dans le monde entier, menés par des chercheurs originaires de 38 pays. Pour en savoir plus, consultez le site Axa Research Fund ou suivez-nous sur Twitter @AXAResearchFund.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210087/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les recherches de Marion Rouault ont été soutenues par des financements du Fonds Axa pour la Recherche et de la Fondation des Treilles.</span></em></p>Dans divers troubles de santé mentale, la confiance en soi est altérée. Pour pouvoir la restaurer plus efficacement et proposer des traitements plus adaptés, il faut d’abord en comprendre les mécanismes.Marion Rouault, Chargée de recherche CNRS en neurosciences cognitives, Institut du Cerveau (ICM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2103062023-08-27T19:05:05Z2023-08-27T19:05:05ZDécoder le mystère de la parole : comment notre cerveau transforme le son en sens<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/541968/original/file-20230809-13146-1s5ujo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C8%2C5455%2C3628&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Lors d'une conversation notre cerveau s'active à plein régime. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/gYdjZzXNWlg">Priscilla Du Preez/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Lorsqu’on lit la phrase « Il est parti au travail », nous distinguons clairement les différents mots qui la constituent, car ils sont séparés par un espace. Mais si, au lieu de lire, on entend la même phrase prononcée par quelqu’un, les différentes parties que l’on nomme les « unités linguistiques discrètes », comme les mots ou les syllabes, ne sont pas aussi directement et facilement accessibles. </p>
<p>En effet, ce qui parvient à l’oreille de l’auditeur, le « signal de parole », n’est pas organisé par unités discrètes et bien distinctes, mais plutôt comme un flot continu et ininterrompu. Comment donc transformons-nous ce signal continu en des unités linguistiques distinctes ? C’est cette question, qui anime depuis plusieurs décennies nombre de travaux de recherche sur la perception de la parole, que nous abordons dans un modèle mathématique original, présenté récemment dans le <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fnsys.2021.653975/full">journal <em>Frontiers in Systems Neuroscience</em></a>. </p>
<h2>Différents modèles de perception de la parole</h2>
<p>Dans la littérature, il existe deux grandes classes de modèles de perception de la parole. Les modèles de la première catégorie, comme <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/0010028586900150">TRACE</a>, le modèle classique du domaine, considèrent que la segmentation de la parole se fait tout naturellement avec le décodage du contenu acoustique de la parole : l’auditeur peut décoder directement le flux continu de la parole à partir des informations acoustiques contenues dans le signal, en utilisant ses connaissances sur les mots et les sons. La segmentation serait alors un simple produit du décodage. </p>
<p>Au contraire, pour la seconde classe de modèles, il y aurait bien un processus de segmentation (avec une détection des frontières des unités linguistiques) distinct d’un autre processus opérant l’association des segments ainsi obtenus à des unités lexicales. Cette segmentation s’appuierait sur la détection d’événements marqueurs des frontières entre segments. Ces deux processus distincts travailleraient de manière intégrée pour faciliter la compréhension et le traitement du flux continu de la parole. </p>
<p>De tels mécanismes sont observables <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1364661399013637">chez les bébés</a> qui, bien que n’ayant pas encore développé de vocabulaire de leur langue, sont quand même capables, jusqu’à un certain point, de <a href="https://www.cairn.info/revue-enfance-2012-2-page-127.htm">segmenter la parole en unités distinctes</a>. </p>
<p>En ligne avec cette seconde conception de la segmentation, les développements des neurosciences dans les 15 dernières années ont conduit à de nouvelles propositions concernant les processus de segmentation du flux de parole, en lien avec les processus de synchronisation et d’oscillations neuronales. Ces processus font référence aux activités cérébrales coordonnées qui se produisent à différentes fréquences dans notre cerveau. Lorsque nous écoutons la parole, notre cerveau doit synchroniser et organiser les différentes informations acoustiques qui arrivent à nos oreilles pour former une perception cohérente du langage. Les neurones dans les aires auditives du cerveau oscillent à des fréquences spécifiques, et cette oscillation rythmique facilite la segmentation du flux de parole en unités discrètes.</p>
<p>Un modèle phare dans ce domaine est le <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2011.00130/full">modèle neurobiologique TEMPO</a>. TEMPO se concentre sur la détection temporelle des maxima d’amplitude dans le signal de parole pour déterminer les limites entre les segments.</p>
<p>Cette approche s’appuie sur des données neurophysiologiques montrant que les neurones du cortex auditif sont sensibles à la structure temporelle de la parole, et plus spécialement sur le fait qu’il existe des processus de synchronisation entre les oscillations neuronales et le rythme syllabique.</p>
<h2>Comment comprendre une phrase dans le brouhaha</h2>
<p>Toutefois, bien que ces modèles fournissent une perspective plus fine et plus précise sur la manière dont notre cerveau analyse et traite les signaux acoustiques complexes de la parole, ils n’expliquent pas encore tous les mécanismes liés à la perception de la parole. Une question en suspens concerne le rôle des connaissances de plus haut niveau, comme les connaissances lexicales, c’est-à-dire sur les mots qu’on connaît, dans le processus de segmentation de la parole. Plus précisément, on étudie encore la manière dont ces connaissances sont transmises et combinées avec les indices extraits du signal de parole pour parvenir à une segmentation de la parole la plus robuste possible.</p>
<p>Supposons par exemple qu’un locuteur nommé Bob prononce la phrase « il est parti au travail » à Alice. S’il n’y a pas trop de bruit ambiant, si Bob articule bien et ne parle pas trop vite, Alice ne rencontre alors aucune difficulté pour comprendre le message véhiculé par son interlocuteur. Sans effort apparent, elle aura su que Bob a prononcé les différents mots <em>il</em>, <em>E</em>, <em>paRti</em>, <em>o</em>, <em>tRavaj</em> (la transcription phonétique des mots prononcés dans le <a href="https://www.phon.ucl.ac.uk/home/sampa/">système de transcription SAMPA</a>). Dans une telle situation « idéale », un modèle qui se baserait uniquement sur les fluctuations d’amplitude du signal sans faire appel à des connaissances supplémentaires suffirait pour la segmentation.</p>
<p>Cependant, dans la vie de tous les jours, le signal acoustique est « pollué », par exemple par les bruits des moteurs de voitures, ou les chants des oiseaux, ou la musique du voisin à côté. Dans ces conditions, Alice aura plus de mal pour comprendre Bob lorsqu’il prononce la même phrase. Dans ce cas, il est probable qu’Alice, dans cette situation, <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-020-76594-1">utiliserait ses connaissances sur la langue</a>, pour avoir une idée de ce que Bob est susceptible de prononcer ou non. Ces connaissances lui permettraient de complémenter l’information fournie par les indices acoustiques pour une segmentation plus efficace.</p>
<p>En effet, Alice sait de nombreuses choses sur la langue. Elle sait que les mots s’enchaînent dans des séquences syntaxiquement et sémantiquement acceptables, que les mots sont constitués de syllabes, qui sont elles-mêmes constituées de plus petites unités linguistiques. Puisqu’elle parle la même langue que Bob, elle sait même très précisément les durées « classiques » pour réaliser et produire elle-même le signal de parole. Elle connaît donc les durées attendues des syllabes, et peut ainsi se reposer sur cette information pour aider son processus de segmentation, notamment lorsqu’elle rencontre une situation difficile, comme le brouhaha. Si le bruit ambiant « suggère » des frontières syllabiques qui ne correspondent pas à ses attentes, elle pourra les ignorer ; à l’inverse, si un bruit masque une frontière effectivement produite par Bob, elle pourra la récupérer si ses prédictions en suggèrent une à cet instant-là.</p>
<p><a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fnsys.2021.653975/full">Dans notre article publié</a> dans le journal scientifique « Frontiers in Systems Neuroscience », nous explorons ces différentes théories de la perception de la parole. Le modèle développé comporte un module de décodage du contenu spectral du signal parole et un module de contrôle temporel qui guide la segmentation du flux continu du signal parole. Ce module de contrôle temporel combine, de manière originale, les sources d’information provenant du signal même (en accord avec les principes des oscillations neuronales) et celles provenant des connaissances lexicales qu’a l’auditeur sur les durées des unités syllabiques et ce, que l’on soit dans un cas ou l’autre de perturbation du signal de parole (événement en trop ou événement manqué). Nous avons ainsi développé différents modèles de fusion qui permettent, soit d’éliminer des événements non pertinents dus au bruit acoustique, s’ils ne correspondent pas à des connaissances préalables cohérentes, soit de retrouver des événements manquants, grâce aux prédictions linguistiques. Les simulations avec le modèle confirment qu’utiliser les prédictions lexicales de durées des syllabes produit un système de perception plus robuste. Une variante du modèle permet de plus d’expliquer des observations comportementales obtenues dans une expérience récente, dans laquelle les durées de syllabes dans des phrases étaient manipulées, justement pour correspondre, ou non, aux durées naturellement attendues.</p>
<p>En conclusion, dans une situation de communication réelle, quand nous nous retrouvons dans un environnement où le signal parlé ne souffre d’aucune perturbation, se baser sur le signal seul suffit probablement à accéder aux syllabes, ainsi qu’aux mots le constituant. En revanche, lorsque ce signal est dégradé, nos travaux de modélisation expliquent comment le cerveau pourrait avoir recours à des connaissances complémentaires, comme ce que l’on sait sur les durées syllabiques habituelles qu’on produit, pour aider la perception de la parole.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210306/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mamady Nabé a reçu des financements du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-Luc Schwartz et Julien Diard ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>S’il semble facile de comprendre une phrase à l’écrit, comment notre cerveau peut-il décortiquer les informations à l’oral ? Un nouveau modèle permet de mieux expliquer ce phénomène.Mamady Nabé, Docteur en informatique, Université Grenoble Alpes (UGA)Jean-Luc Schwartz, Directeur de Recherches au CNRS, en Traitement de la parole et Modélisation Cognitive, Institut polytechnique de Grenoble (Grenoble INP)Julien Diard, Chercheur CNRS, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2078992023-08-15T13:18:55Z2023-08-15T13:18:55ZComment le cerveau génère-t-il des idées créatives ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/540876/original/file-20230802-29-xpbnoy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C2%2C991%2C663&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Lorsque nous comprenons mieux l'origine des idées créatives et les processus utilisés par le cerveau pour les produire, nous sommes mieux à même de mettre en place des stratégies pour favoriser notre potentiel créatif.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Vous êtes-vous déjà réveillé un matin avec une solution miraculeuse à l’un de vos problèmes, ou même avec une idée créative de recette aux bananes ? Les idées créatives ont des origines variées, mais environ une <a href="https://doi.org/10.1016/j.paid.2021.111068">personne sur deux</a> croit qu’elles sont le fruit d’une inspiration soudaine.</p>
<p>Ce mythe laisse croire que les idées créatives naissent d’elles-mêmes, sans qu’il soit possible de les contrôler ; comme si le cerveau travaillait de manière inconsciente. </p>
<p>Qu’en est-il vraiment ? </p>
<p>En fait, la créativité serait le reflet d’une collaboration entre le travail conscient et inconscient du cerveau. </p>
<p>Chercheur et chercheuse en psychologie, nous tenterons de résumer plusieurs années de recherche en psychologie cognitive et en neurosciences pour décrypter comment le cerveau produit des idées créatives. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/541784/original/file-20230808-23-kg6woe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Woman showing her head and handling a light bulb" src="https://images.theconversation.com/files/541784/original/file-20230808-23-kg6woe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541784/original/file-20230808-23-kg6woe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541784/original/file-20230808-23-kg6woe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541784/original/file-20230808-23-kg6woe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541784/original/file-20230808-23-kg6woe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541784/original/file-20230808-23-kg6woe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541784/original/file-20230808-23-kg6woe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’approche cognitive appliquée à l’étude de la créativité se concentre sur les composantes de la pensée impliquées dans la production d’idées originales.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Pexels)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Avant tout, qu’est-ce qu’une idée créative ?</h2>
<p>Une idée créative doit être à la fois <a href="https://doi.org/10.1080/10400419.2012.650092">originale et utile</a>. La farine peut être utilisée comme savon à plancher – une idée originale, mais très peu utile. En revanche, la farine peut également être transformée en balle antistress : il suffit de la mélanger à de l’eau, puis de l’envelopper dans un ballon. C’est une idée originale, et plutôt utile si vous n’avez pas de balle antistress à la maison. Y aviez-vous pensé ? </p>
<p>La créativité d’une idée s’évalue à la lumière de sa qualité, mais également selon le processus utilisé pour la produire et les connaissances de la personne qui la crée. Autrement dit, la <a href="https://doi.org/10.1017/9781316979839.024">même idée peut être créative pour une personne et banale pour une autre</a>. Les idées créatives auxquelles vous pensez tous les jours ne resteront sûrement pas dans les annales de l’histoire. Il ne faut pas s’attendre à ce que votre nouvelle recette de pain aux bananes soit exposée aux côtés des idées révolutionnaires de Léonard de Vinci. </p>
<p>Pourtant, il s’avère que les processus à l’origine de ces idées ne sont pas si différents, puisqu’ils sont soumis à des règles similaires. </p>
<p>Voyons certaines de ces règles.</p>
<h2>Le cerveau produit rarement des idées créatives en premier</h2>
<p>Les idées sont en compétition les unes avec les autres, et les idées peu originales sont souvent les premières produites. Si l’on vous demande de trouver des façons originales d’utiliser de la farine et du lait, votre cerveau produira spontanément une idée de recette en premier. Les idées originales sont souvent produites par la suite. </p>
<p>Pourquoi est-ce ainsi ?</p>
<p>Tout d’abord, le cerveau travaille de manière inconsciente. Il organise les connaissances de façon à activer les souvenirs et les connaissances qui sont fortement liés les uns aux autres. Par conséquent, le cerveau a rapidement accès à des idées peu originales, puisqu’elles sont facilement disponibles. </p>
<p>Si vous ouvrez votre garde-robe, les vêtements les plus proches seront probablement ceux que vous portez le plus souvent. Vous devrez aller plus loin dans votre armoire pour diverger de vos vêtements habituels. Par analogie, vos vêtements sont à votre garde-robe ce que vos souvenirs et vos connaissances sont à votre mémoire.</p>
<p>Or, contrairement au choix d’un vêtement, l’activation des connaissances se ferait en partie en dehors du contrôle de la personne, de <a href="https://doi.org/10.1037/a0027059">manière automatique et relativement inconsciente</a>. Cette activation met du temps – il faut donc persévérer pour trouver des idées créatives ! </p>
<p>Le cerveau travaille également de manière consciente. Il faut parfois faire un effort mental et utiliser des stratégies divergentes pour trouver des idées créatives. Par exemple, si l’on vous demande d’imaginer plusieurs recettes à base de crème, vous penserez peut-être, au bout d’un moment, à transformer la crème en beurre plutôt que de l’utiliser dans son état naturel. C’est une nouvelle stratégie ! </p>
<p>L’effort mental permet également d’éliminer les idées peu originales et répétitives qui viennent naturellement à l’esprit. C’est ce que l’on appelle la gestion des interférences. En fait, quelques <a href="https://doi.org/10.1037/xge0000958">études de neuro-imagerie</a> ont montré que l’effort mental dans la créativité est associé aux parties du cerveau responsables des fonctions qui permettent de planifier, d’organiser et de réguler les comportements et les pensées.</p>
<h2>Le cerveau a besoin de faire des pauses</h2>
<p>La créativité implique un travail du cerveau à la fois conscient et inconscient. Les pauses facilitent les deux, soit en permettant au cerveau de récupérer, soit en laissant l’activation des souvenirs et des connaissances se dérouler naturellement. </p>
<p>Plusieurs études ont montré que la <a href="https://doi.org/10.3389/fpsyg.2016.01076">distraction peut favoriser le processus créatif</a>. Lorsque nous cessons de penser consciemment à un problème et que nous nous distrayons, le cerveau continue à tisser des liens entre les idées et n’est pas affecté par vos pensées conscientes. Une fois revenu au problème, l’accès à des idées plus éloignées est facilité ! </p>
<p>Par exemple, si vous souhaitez élaborer de nouvelles idées de recettes à partir de vos restes, ces idées seront peut-être plus créatives au terme d’une pause de quelques minutes après avoir dressé la liste des ingrédients.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/540858/original/file-20230802-17862-6s34ao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="jeunes professionnels en réunion" src="https://images.theconversation.com/files/540858/original/file-20230802-17862-6s34ao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/540858/original/file-20230802-17862-6s34ao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/540858/original/file-20230802-17862-6s34ao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/540858/original/file-20230802-17862-6s34ao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/540858/original/file-20230802-17862-6s34ao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/540858/original/file-20230802-17862-6s34ao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/540858/original/file-20230802-17862-6s34ao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Environ huit personnes sur dix pensent que le remue-méninges est utile à la créativité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Le cerveau se fixe sur les exemples</h2>
<p>Les exemples sont risqués, puisque votre attention risque de s’y fixer ! <a href="https://doi.org/10.1016/j.paid.2021.111068">Environ huit personnes sur dix</a> pensent que le remue-méninges est utile à la créativité. Au contraire, éviter la fixation sur les idées des autres, surtout si elles ne sont pas très originales, <a href="https://doi.org/10.1037/aca0000613">exige du cerveau un travail conscient et contrôlé important</a>. Il est préférable de commencer à réfléchir par soi-même, puis de combiner ses idées avec celles des autres ensuite !</p>
<p>Si vous désirez créer une recette et que, par un malheureux hasard, vous découvrez la recette de pain aux bananes de votre grand-mère, vous aurez peut-être du mal à en imaginer une qui s’en éloigne.</p>
<p>Le cerveau créatif fonctionne selon des règles, et lorsque nous connaissons ces règles, nous pouvons les utiliser à notre avantage. Cependant, il faut aussi reconnaître que la créativité consiste souvent à enfreindre les règles ! </p>
<p>Il n’y a pas 100 façons de faire du pain aux bananes… vraiment ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207899/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les travaux de Pier-Luc de Chantal sont financés par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Claudelle Houde Labrecque ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La créativité est souvent considérée comme un phénomène spontané et inconscient. Cette perspective contraste avec les recherches contemporaines en psychologie cognitive et en neurosciences.Pier-Luc de Chantal, Professeur en psychologie, Université du Québec à Montréal (UQAM)Claudelle Houde Labrecque, Étudiante au doctorat en psychologie (PhD), Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2085432023-07-09T15:28:28Z2023-07-09T15:28:28ZL’IA pourrait-elle avoir des crises d’épilepsie ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/534394/original/file-20230627-19-bpm2lk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C11%2C2576%2C1837&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les neurones artificiels peuvent-ils servir de modèle pour comprendre les vrais neurones ?</span> <span class="attribution"><span class="source">GDJ/Pixabay</span></span></figcaption></figure><p>Depuis quelques années, intelligence artificielle (IA, ou AI en anglais), apprentissage machine (<em>machine learning</em>), « réseaux de neurones artificiels » (<em>artificial neural network</em>) et <a href="https://theconversation.com/y-a-t-il-de-lintelligence-dans-lintelligence-artificielle-157447">« apprentissage profond » (<em>deep learning</em>, ou DL)</a> sont de plus en plus présents dans nos quotidiens. Ces termes recouvrent des méthodes, des techniques, des processus qui nous permettent de faire effectuer à des machines des tâches dites complexes comme reconnaître des images, conduire une voiture, ou mener une conversation avec un humain.</p>
<p>Des tâches au cours desquelles il serait facile a priori de comparer intelligence artificielle et « naturelle » – humaine.</p>
<p>Or, à force de rapprochement, nous avons tendance à considérer certains de ces outils, les réseaux de neurones artificiels en particulier, comme des modèles de notre propre cerveau – et les capacités du <em>deep learning</em> comme des modèles de ses fonctions… Mais est-ce que, parce qu’une machine est capable de réaliser des tâches similaires à celles effectuées par notre cerveau, elle peut en être un modèle ?</p>
<p>Prenons une analogie pour une tâche simple : trier des pièces de monnaie. Il existe des machines purement mécaniques qui en sont parfaitement capables. Nous sommes, nous, humains, tout aussi capables de trier des pièces de monnaie… Va-t-on apprendre quelque chose de nous sur notre capacité à trier des pièces en observant de telles machines ?</p>
<p>La question se pose à un autre niveau avec l’IA. Les <a href="https://theconversation.com/dans-le-cerveau-cache-de-lintelligence-artificielle-151887">réseaux de neurones artificiels</a> sont, comme leur nom l’indique, inspirés par des connaissances acquises en neurosciences. Et ils partagent quelques caractéristiques avec nos cellules nerveuses. Notre question est donc plutôt : jusqu’où peut aller la comparaison ?</p>
<p>Quelles sont les limites de ces « modèles » ? Sont-ils suffisamment proches pour être utilisable en neurologie ou en santé mentale ?</p>
<h2>Ce qu’est un neurone artificiel</h2>
<p>Le modèle de neurone (ou « nœud » en apprentissage automatique) utilisé dans le <em>deep learning</em> n’a rien de physique : il s’agit d’un ensemble d’étapes mathématiques effectuées dans un ordinateur. Un nœud reçoit des données, externes ou provenant de nœuds précédents, qui sont pondérées (multipliées) par leur « poids synaptique », une valeur quantifiant l’importance accordée à chaque donnée.</p>
<p>De façon similaire, dans notre cerveau, un neurone reçoit des données par ses « synapses », ses points de contact avec les neurones voisins. Selon son « poids », chaque synapse aura plus ou moins d’effet sur le neurone en question. Toutes les entrées que ce dernier reçoit sont ainsi pondérées, et il va s’activer, ou non, en fonction du résultat global.</p>
<p>Il y a un mécanisme similaire dans les réseaux de neurones artificiels. La valeur obtenue en sortie d’un nœud peut être utilisée comme valeur d’entrée pour le nœud suivant. Au cours de leur apprentissage, certains neurones vont peu à peu se spécialiser dans certains types d’entrées quand d’autres seront plus sensibles à d’autres. Cette description suffit à reproduire un aspect « fonctionnel » du traitement des informations entrantes par un neurone. Ce modèle de neurone dit « formel » <a href="https://doi.org/10.1007/BF02478259">a été décrit pour la première fois en 1943</a>.</p>
<p>Une fois constituées en réseau pour une application particulière, les règles d’apprentissage d’un modèle déterminent l’évolution des poids synaptiques. <a href="https://ieeexplore.ieee.org/abstract/document/9383028">Plusieurs méthodes permettent de conduire l’apprentissage</a> pour une tâche donnée, comme la rétropropagation de l’erreur (méthode historique datant des années 1980) ou le calcul évolutionnaire (qui repose sur les mêmes principes que l’évolution biologique par mutation/sélection).</p>
<p>Ces modèles sont capables « d’apprendre », de résoudre des problèmes ou d’effectuer des tâches dont nous sommes capables, parfois même mieux que nous en termes de rapidité – pour des tâches simples comme complexes (reconnaissance de formes, visages, prédiction de conformation de protéines ou <a href="https://theconversation.com/comment-fonctionne-chatgpt-decrypter-son-nom-pour-comprendre-les-modeles-de-langage-206788">interprétation du langage et de textes avec ChatGPT, etc.</a>).</p>
<h2>Du modèle de neurone au modèle du cerveau ?</h2>
<p>Si ces modèles partagent certains modes de fonctionnement avec notre cerveau, en partagent-ils aussi d’autres aspects, notamment pathologiques ?</p>
<p>L’<a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s12559-023-10113-y">épilepsie, très étudiée, est un exemple intéressant</a> sur lequel nous nous sommes penchés dans une étude récente.</p>
<p>Physiquement, elle affecte l’activité du cerveau qui, durant les crises, est à son paroxysme de façon incontrôlée : les neurones sont proches de leur activité maximale et de manière assez synchronisée. Si ces crises envahissent tout le cerveau (crise généralisée), celui-ci devient incapable de traiter de l’information. La personne touchée est inconsciente durant la crise, ne répond plus aux stimuli extérieurs, et n’aura pas de souvenir de l’événement.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="EEG montrant une crise d’épilepsie avec des ondes très chaotiques" src="https://images.theconversation.com/files/534395/original/file-20230627-29982-evdjnn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534395/original/file-20230627-29982-evdjnn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534395/original/file-20230627-29982-evdjnn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534395/original/file-20230627-29982-evdjnn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534395/original/file-20230627-29982-evdjnn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534395/original/file-20230627-29982-evdjnn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534395/original/file-20230627-29982-evdjnn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’épilepsie, une activité anormalement intense et synchronisée du cerveau, se caractérise par la décharge simultanée de nombreux neurones (au centre). Ce qui pourrait paraître facile à modéliser dans des réseaux de neurones artificiels.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bromfield EB, Cavazos JE, Sirven JI</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il serait tentant de penser que, dans les réseaux de neurones artificiels, en apprentissage profond, un état équivalent à une telle crise correspondrait à avoir tous les nœuds à un niveau d’activation poussé à leur maximum en même temps. Une telle implémentation physique pourrait-elle représenter l’épilepsie, correspondant au fait que le système électrique sature ?</p>
<p>Ce n’est pas si simple.</p>
<p>Si l’on veut pousser loin la comparaison entre ces deux systèmes complètement différents (crises cérébrales et « crises numériques »), il faut rappeler leurs spécificités réciproques :</p>
<ul>
<li><p>Dans le cerveau, les crises sont un phénomène dynamique et peuvent se propager et la communication synaptique peut ne plus être en mesure de fonctionner. Dans un réseau artificiel, un tel phénomène n’est pas concevable.</p></li>
<li><p>Dans un réseau, un tel niveau d’activation n’est qu’un état possible parmi d’autres et il ne présente aucun aspect « pathologique ». Cette suractivation générale n’est pas problématique, car il ne s’agit que de valeurs numériques et elle n’affecte pas le fonctionnement de l’ordinateur : il y a toujours échange d’informations – il y a juste un risque d’erreur possiblement accru pour une tâche donnée. Le modèle ne peut pas avoir de « convulsions » comme un humain, il ne peut pas être dépassé par un flot d’informations.</p></li>
</ul>
<p>Ces deux éléments semblent ainsi empêcher toute comparaison entre un réseau de neurones et un cerveau biologique. Les réseaux de neurones artificiels utilisés dans l’intelligence artificielle sont capables de reproduire des fonctions du cerveau (capacité à réaliser une tâche particulière), mais pas l’activité (électrophysiologique) sous-jacente à ces fonctions.</p>
<p>La différenciation entre normale et pathologique dans les crises d’épilepsie humaines n’est donc pas transposable à la question du normal et du pathologique dans les réseaux de neurones artificiels implémentés dans ces algorithmes.</p>
<p>Il existe cependant des modèles de la dynamique de crise <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0969996123001456">basés sur d’autres types d’approches</a>, notamment des systèmes dynamiques. Ils sont cette fois construits dans le but d’étudier l’activité cérébrale associée à ces crises.</p>
<h2>« Être » ou « faire » : c’est l’un ou l’autre</h2>
<p>On distingue donc différents niveaux de description selon les types de modèles considérés… Certains reproduisent une fonction ou une activité ; d’autres sont capables d’expliquer la dynamique des crises, mais ils ne sont généralement pas adaptés pour réaliser des tâches spécifiques comme ceux utilisés dans l’IA. C’est l’un… ou l’autre ! (Pour le moment.)</p>
<p>Les modèles peuvent soit essayer d’être au plus proche du phénomène considéré (par exemple l’apprentissage, la mémoire ou les crises d’épilepsie) sans se préoccuper des mécanismes biophysiques permettant son émergence… Ou, au contraire, ils peuvent être conçus pour essayer de fournir une description de la physiologie la plus détaillée possible à l’échelle considérée (ions, molécules, cellules, etc.).</p>
<p>Suivant les objectifs que l’on a (enseigner, expliquer, découvrir de nouveaux aspects, comprendre, prédire ou autre), on choisira ou construira un type de modèle adapté. Pour cela, il est intéressant d’étudier plus profondément ce que nous apporte chaque modèle en termes de connaissance ou d’application.</p>
<p>Mais, pour l’heure, il n’existe pas de modèle capable de reproduire l’ensemble des aspects du cerveau… à part le cerveau lui-même.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208543/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’IA permet-elle de modéliser certaines pathologies neurologiques ? La question peut se poser pour l’épilepsie, où le cerveau a une activité excessive… Quelles sont les limites aux comparaisons ?Damien Depannemaecker, Chercheur post-doctorat, Institut de Neuroscience des Systèmes, INSERM, Aix-Marseille Université (AMU)Léo Pio-Lopez, Postoctoral researcher in AI and ALife, Allen Discovery Center, Tufts UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2057962023-05-23T17:50:27Z2023-05-23T17:50:27ZDe la marche à la danse, comment cerveau et corps se mettent en rythme<p>Lors de leur voyage vers les Kerguelen au début du siècle dernier, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Raymond_Rallier_du_Baty">Raymond Rallier du Baty</a> et son équipage ont abordé l’île Tristan Da Cuhna, alors peuplée de naufragés dont le contact avec la civilisation dépendait essentiellement de l’égarement de bateaux. Lorsque l’un des aventuriers eut l’idée de jouer de l’accordéon, il suscita des réactions inattendues de la part des insulaires. Ceux-ci, privés du son de tout instrument de musique, se mirent à danser frénétiquement lors d’un épisode décrit comme un joyeux délire par Rallier du Baty.</p>
<p>Cet épisode rappelle que, plus qu’un élément culturel, la musique est inscrite en nous, littéralement. Et nous ignorons encore la portée réelle de son influence.</p>
<p>La musique nous incite au mouvement, et nous sommes capables d’accorder nos mouvements avec ses rythmes – une propension naturelle et universelle. L’élément rythmique le plus marquant que nous identifions et sur lequel nous calons nos mouvements est la <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=oWf2OqH3aJYC">pulsation (<em>beat</em> en anglais)</a>. La fréquence de la pulsation définit le tempo musical.</p>
<p>Tapoter, bouger en rythme ou bien sûr danser sont des activités qui semblent triviales, elles reposent pourtant sur une faculté essentielle : coordonner les mouvements de notre corps avec des rythmes auditifs réguliers et prédictibles. On parle de couplage entre perception et action.</p>
<p>Quand il s’agit d’accorder son mouvement au rythme de la musique, la précision temporelle est essentielle. Imaginez la chorégraphie d’un danseur : vous attendez une synchronisation entre musique et mouvement. En d’autres termes, fréquence du mouvement et tempo de la musique doivent converger.</p>
<p>Mais ce n’est suffisant. Pour que leur synchronisation soit parfaite, il faut aussi que musique et mouvement soient calés l’un sur l’autre : tout décalage étant immédiatement perceptible. Imaginez cette fois un musicien qui joue en retard par rapport à son orchestre…</p>
<h2>Coupler perception et action</h2>
<p>Pour aligner nos mouvements aux pulsations musicales, nous devons percevoir précisément le rythme. Ça n’a en fait rien d’évident : la richesse des informations rythmiques d’une musique trompe encore les meilleurs algorithmes spécialisés… Et nous ne sommes pas tous égaux dans ce domaine, notre formation musicale notamment joue sur nos capacités de perception et de synchronisation.</p>
<p>Le déchiffrage des rythmes musicaux repose sur un <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/17488212/">vaste réseau de structures cérébrales</a> étudiées en neuro-imagerie. Plusieurs régions réagissent, et interagissent, à la présence d’une pulsation : certaines habituellement classées comme étant à dominantes « sensorielles » (comme les aires corticales auditives du lobe temporal du cerveau), d’autres à dominantes « motrices » (comme les ganglions de la base ou les aires prémotrices et motrices du lobe frontal). Elles sont impliquées à la fois au cours de l’analyse et de la perception du rythme.</p>
<p>Mais elles sont également activées lorsqu’un <a href="https://www.jneurosci.org/content/17/14/5528">mouvement est effectué en suivant un rythme auditif</a>… comme <a href="https://academic.oup.com/cercor/article/18/12/2844/362955">lorsqu’il n’y a pas de mouvement</a>, dans une tâche de perception simple.</p>
<p>La vision classique de la spécialisation des aires cérébrales, en l’occurrence sensorielles et motrices, tend donc à s’évanouir lorsqu’il s’agit de percevoir un rythme ou de bouger en réponse à celui-ci.</p>
<p>Le mouvement induit par des stimulations auditives est un cas de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34420381/">couplage sensori-moteur ou de perception-action</a>. Il peut être décrit comme le renforcement des connexions entre des zones cérébrales distinctes, depuis celles qui extraient les caractéristiques temporelles des informations auditives jusqu’à celles qui mettent en œuvre les séquences de mouvement.</p>
<h2>Des rythmes partout dans notre corps</h2>
<p>L’éventail des expressions du mouvement humain est plus large que ce qui est communément admis, et il est rythmique même en l’absence de stimulations auditives. Il s’étend en fait de la voix à la marche et la course, en passant par pratiquement toutes les formes de mouvements corporels les plus créatives.</p>
<p>Moins intuitive, la production de parole repose en effet sur l’activation de muscles qui font vibrer nos cordes vocales et en font émerger une signature rythmique ! Nous en prenons conscience pendant un discours monotone et soporifique…</p>
<p>La rythmicité la plus évidente reste celle de la locomotion, probablement l’activité physique rythmique la plus conservée parmi les animaux – <em>Homo sapiens</em> compris. Marcher consiste en une simple alternance de pas gauche et droit, par l’activation coordonnée des muscles de nos jambes.</p>
<p>De plus, l’anatomie de notre corps, la longueur de nos os ou la répartition de nos masses limitent la fréquence de nos mouvements, comme les caractéristiques d’un pendule déterminent l’intervalle du tic-tac d’une horloge. En biologie, les cycles, comme celui de la marche, sont maintenus dans le temps par une combinaison de mécanismes passifs (mécaniques) et actifs (musculaires).</p>
<p>Pour caler ce jeu délicat, la bonne coordination des muscles apparaît comme une fonction essentielle du tout système nerveux. La simple locomotion bipède, compte tenu du nombre de muscles impliqués, est une expression fascinante de leur maîtrise des rythmes. Cela est illustré par l’existence, chez les vertébrés, de réseaux de neurones (appelés réseaux locomoteurs spinaux) capables de produire des schémas d’activités musculaires, soit une activation coordonnée d’un ensemble de muscles : de tels schémas se traduisent par des mouvements structurés telle la marche. </p>
<h2>Notre cerveau, filtre entre les rythmes intérieurs et extérieurs au corps</h2>
<p>Notre cerveau agit également comme un filtre entre les rythmes de notre corps et ceux de notre environnement.</p>
<p>Sa capacité à analyser un rythme musical et à en extraire la pulsation ouvre la possibilité d’utiliser cette dernière afin de fournir un point de repère à nos mouvements, en « l’injectant » dans les zones cérébrales impliquées.</p>
<p>Cependant, pour se frayer un chemin dans notre système (loco-)moteur, les stimulations externes doivent répondre à certains critères. Et là, mécanique et neurophysiologie ont leur mot à dire.</p>
<p>La stabilité de nos rythmes propres détermine en effet les conditions d’un éventuel entraînement locomoteur : un tempo musical ne pourra nous influencer que s’il est suffisamment proche de notre cadence de marche. Dans ce cas, et à condition qu’il existe une interaction entre la locomotion et la musique (par exemple de nature mécanique ou neurophysiologique), notre cadence va converger vers le tempo de la musique : nous sommes entraînés et la synchronisation se produit.</p>
<p>Si l’on considère le rythme de nos mouvements, notre cerveau montre une appétence naturelle pour un tempo autour de 120 battements par minute. Notre marche serait caractérisée par 70 à 130 pas par minute par exemple. Chez les rats, pourtant plus petits et marchant à une cadence plus élevée, ce sont là encore des stimulations auditives à 120 battements par minute qui sont le plus susceptibles d’avoir une influence. Le tempo optimal pour se synchroniser avec la musique pourrait donc dépendre de <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/sciadv.abo7019">constantes neurobiologiques conservées à travers les espèces</a>.</p>
<h2>Le rythme, un principe d’organisation fonctionnelle du cerveau</h2>
<p>Le naturaliste Charles Darwin affirmait déjà au XIX<sup>e</sup> siècle que « la perception, sinon le plaisir, du tempo musical et du rythme est probablement commun à tous les animaux, et dépend sans aucun doute de la nature physiologique commune de leurs systèmes nerveux ». Que les mécanismes associés à sa perception puissent avoir été conservés au cours de l’évolution s’accorde bien à l’idée que le rythme, tout comme il est un aspect fondamental de la construction musicale, serait un principe d’organisation fonctionnelle du cerveau.</p>
<p>Ainsi, si notre espèce est capable d’une synchronisation prédictive volontaire unique aux rythmes, chez les rongeurs existe déjà une faculté de synchronisation spontanée qui pourrait en constituer un précurseur évolutif, moins poussé, certes, mais déjà présent. Sans cette faculté, nous ne serions pas capables de produire ces airs qui nous parlent si viscéralement.</p>
<p>L’association des neurosciences et des sciences du mouvement a permis récemment de mieux comprendre le fonctionnement du cerveau sous l’influence de stimulations musicales. On l’a vu, ces dernières activent des régions cérébrales associées au mouvement, qui contribuent en retour à leur perception : notre capacité à analyser des rythmes musicaux est ainsi renforcée par le mouvement : un couplage entre la perception et l’action qui nous permet d’interagir au mieux avec notre environnement. Et nous sommes même capables d’extraire les pulsations musicales, unité de base du rythme, des sons reçus afin d’utiliser la musique pour entraîner notre mouvement en nous synchronisant à elle.</p>
<p>On commence seulement à comprendre l’omniprésence de ces phénomènes de synchronisation dans notre quotidien – lorsque nous applaudissons à l’unisson à la fin d’un spectacle ou que nous calons spontanément notre pas sur celui des personnes qui nous entourent dans une foule… Il revient à la science d’en objectiver les influences, comme pour la musique… Les champs d’études relatifs aux interactions sociales, à la cognition et bien d’autres encore, sont loin d’être épuisés !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205796/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Loïc Damm a été employé comme chercheur sur des projets de recherche dédiés à l’étude des synchronisations musique-mouvement financés par la commission européenne. Il est co-fondateur de l'entreprise BeatHealth.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Benoît Bardy a reçu des financements de la commission européenne pour ses projets de recherche sur les synchronisations musique-mouvement. Il est conseiller scientifique de l'entreprise BeatHealth.</span></em></p>Le rythme est un élément fondamental de notre vie. Nous découvrons seulement à quel point et comment notre cerveau réussit à le percevoir et à l’utiliser pour guider le moindre de nos mouvements…Loïc Damm, Postdoctoral Researcher, Université de MontpellierBenoît Bardy, Professeur en Sciences du Mouvement, fondateur du centre EuroMov, membre de l'Institut Universitaire de France (IUF), Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2039772023-04-24T13:58:35Z2023-04-24T13:58:35ZUn esprit sain dans un corps sain ? Voici ce qu’en dit la science<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/522189/original/file-20230420-26-nosmra.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C0%2C988%2C666&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’exercice physique serait-il inutile au fonctionnement cognitif ?</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Les effets positifs de l’activité physique sur la santé sont indéniables. </p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lexercice-bon-pour-le-corps-certes-mais-egalement-pour-le-cerveau-174429">L’exercice, bon pour le corps, certes, mais également pour le cerveau !</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Cependant, une étude récente remet en cause le célèbre adage <em>Mens sana in corpore sano</em>, ou « un esprit sain dans un corps sain ». Les auteurs y contestent l’importance de l’exercice physique pour la santé de notre cerveau et de notre cognition.</p>
<p>Chercheurs en santé, neurosciences et psychologie, nous avons publié, quelques jours plus tard, une étude qui vient alimenter ce débat scientifique.</p>
<p>Qui a tort, qui a raison ? La réponse n’est pas si simple. Voici ce qu’il en est. </p>
<h2>L’exercice physique serait-il inutile au fonctionnement cognitif ?</h2>
<p>La <a href="https://www.nature.com/articles/s41562-023-01554-4">première étude</a> a été publiée le 27 mars 2023. Il s’agit d’une revue de 24 méta-analyses qui réexamine les données de 11 266 personnes en bonne santé, en utilisant une approche plus rigoureuse que les analyses antérieures. </p>
<p>Bien que la quasi-totalité des 24 méta-analyses incluses dans cette étude ait démontré un effet positif de l’exercice physique régulier sur les fonctions cognitives, les auteurs soutiennent que ces analyses manquaient d’ajustements. Ils soulignent par exemple que le niveau d’activité physique en début d’intervention ainsi que la tendance de la communauté scientifique à ne publier que les résultats significatifs étaient rarement pris en compte. Une fois ces ajustements effectués, les auteurs aboutissent à des résultats suggérant que les bénéfices de l’exercice physique sont en réalité plus faibles que ceux estimés dans les précédentes méta-analyses, voire négligeables. </p>
<p>Sur la base de ces résultats, les auteurs se disent convaincus que les organismes de santé publique tels que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) devraient retirer l’amélioration de la santé cognitive et de la réussite scolaire de la <a href="https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/physical-activity">liste</a> des bienfaits de l’activité physique. </p>
<p>Dans la dernière phrase du résumé de l’article, les auteurs mettent notamment le lecteur en garde contre les affirmations et les recommandations liant l’exercice physique régulier aux bénéfices cognitifs chez les personnes en bonne santé, tout du moins, jusqu’à ce que des preuves scientifiques plus fiables s’accumulent. </p>
<p>Il n’a pas fallu attendre longtemps.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1641810112154140672"}"></div></p>
<h2>Une approche génétique : la randomisation mendélienne</h2>
<p>La <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-023-32150-1">seconde étude</a>, la nôtre, est une étude génétique incluant près de 350 000 personnes, publiée 4 jours plus tard, soit le 31 mars. Nous y apportons des preuves scientifiques à l’appui des bénéfices cognitifs de l’activité physique d’intensité modérée et élevée. </p>
<p>Ces preuves sont basées sur la méthode de randomisation mendélienne à deux échantillons, qui exploite les variations aléatoires de notre ADN survenant lors de la conception, donc avant la naissance. </p>
<p>Lorsqu’on compare deux humains, 99,9 % de leur matériel génétique est identique. On peut considérer l’ADN comme une longue chaîne de briques, appelées nucléotides. Il y a quatre types de briques, agencées de manière aléatoire : la thymine, l’adénine, la guanine et la cytosine. Ainsi, une fois sur 1 000, la brique d’ADN varie entre ces deux humains. Ces variations génétiques, appelées « snips », peuvent par exemple donner une brique de cytosine à un certain endroit de l’ADN d’une personne et une brique de thymine au même endroit chez une autre personne.</p>
<p>Le premier échantillon de notre étude, comptant 91 084 personnes, a été utilisé pour identifier les variations génétiques qui aboutissaient à des différences d’activité physique, mesurée à l’aide de <a href="https://axivity.com/product/ax3">capteurs de mouvement</a> portés au poignet. </p>
<p>Le second échantillon de notre étude, qui comptait 257 854 personnes, a été utilisé pour tester si ces variations génétiques associées au niveau d’activité physique influençaient le fonctionnement cognitif de manière proportionnelle. Si c’était le cas, nous pouvions conclure à un effet causal de l’activité physique sur la fonction cognitive.</p>
<h2>Preuves génétiques des bienfaits cognitifs de l’activité physique</h2>
<p>Dans notre étude utilisant une nouvelle méthode de <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-021-26970-w">randomisation mendélienne</a>, plus précise et plus robuste que les versions précédentes, les résultats montrent que des niveaux d’activité physique modérés et élevés conduisent à une amélioration du fonctionnement cognitif. </p>
<p>Il est d’ailleurs intéressant de noter que l’effet de l’activité physique modérée (marche rapide, vélo) était 1,5 fois plus important que celui de l’activité physique d’intensité élevée (course à pied, basketball, ski de fond). L’intensité de l’activité physique que nous pratiquons est donc importante. Et, surtout, nos résultats soulignent qu’il n’est pas nécessaire de se pousser jusqu’à l’épuisement pour obtenir les bénéfices cognitifs d’une activité physique régulière.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/522211/original/file-20230420-24-a4l2ia.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="femme sur un vélo" src="https://images.theconversation.com/files/522211/original/file-20230420-24-a4l2ia.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/522211/original/file-20230420-24-a4l2ia.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/522211/original/file-20230420-24-a4l2ia.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/522211/original/file-20230420-24-a4l2ia.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/522211/original/file-20230420-24-a4l2ia.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/522211/original/file-20230420-24-a4l2ia.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/522211/original/file-20230420-24-a4l2ia.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les bénéfices cognitifs de l’activité physique modérée sont 1,5 fois supérieurs à ceux de l’activité physique soutenue.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>L’importance de la durée et de l’intensité de l’exercice</h2>
<p>Quand l’ensemble de l’activité physique des participants était considéré (incluant les activités sédentaires et les activités physiques d’intensité légère), nos résultats ne montraient plus d’effet sur le fonctionnement cognitif. Ce résultat confirme l’importance d’atteindre des intensités suffisantes pour profiter des bénéfices cognitifs de l’exercice physique. </p>
<p>Ces résultats concordent avec ceux d’une <a href="https://physoc.onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1113/JP283582">étude récente</a> qui souligne l’importance de la durée et de l’intensité de l’exercice pour la libération d’une protéine appelée BDNF dans le cerveau. Cette protéine est impliquée dans la création de nouveaux neurones, de nouvelles connexions entre ces neurones et de nouveaux vaisseaux sanguins permettant de nourrir ces neurones. </p>
<p>Cette protéine, dont la <a href="https://cdnsciencepub.com/doi/abs/10.1139/apnm-2018-0192">production augmente au cours de l’exercice</a>, est donc un des mécanismes physiologiques permettant d’expliquer les effets bénéfiques de l’activité physique sur le fonctionnement cognitif. L’existence même de ce mécanisme explicatif renforce les résultats soutenant ces effets bénéfiques.</p>
<h2>Pourquoi les résultats divergent ?</h2>
<p>Plusieurs différences peuvent expliquer la divergence de résultats entre la méta-analyse basée sur des essais contrôlés randomisés et notre étude basée sur la génétique. </p>
<p>Tout d’abord, la méta-analyse s’intéresse uniquement aux personnes en bonne santé, ce qui n’est pas le cas de notre étude. Ensuite, notre étude différencie les activités physiques d’intensité modérée et élevée alors que la méta-analyse ne fait pas cette distinction. Enfin, la randomisation mendélienne évalue des effets à long terme, tout au long de la vie, alors que la méta-analyse se base sur des interventions durant entre 1 mois et 2 ans. </p>
<p>Puisque nous abordons ici les aspects temporels de l’activité physique, il nous parait important de rappeler qu’il n’est jamais trop tard pour s’y mettre. En effet, une <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamanetworkopen/fullarticle/2727269">étude</a> de 2019 avait montré que commencer à être actif tard dans la vie procurait les mêmes effets positifs sur la santé qu’avoir été actif toute sa vie.</p>
<h2>Un esprit sain dans un corps sain</h2>
<p>Sur la base de nos résultats, il semble que l’amélioration du fonctionnement cognitif ait encore sa place sur la liste des bienfaits de l’activité physique. Comme c’est souvent le cas en sciences, il est plus raisonnable de ne pas prendre de décision hâtive et d’attendre les résultats des études scientifiques à venir avant de modifier les lignes directrices de promotion de l’activité physique. </p>
<p>Dans le climat sociopolitique actuel de méfiance envers la science, il est important de ne pas se précipiter sur la base d’une seule étude analysant différemment des données déjà existantes, et aboutissant à des conclusions contredisant des années de recherche basées sur ces mêmes données. </p>
<p>L’accumulation de preuves convergentes provenant de différentes équipes de recherche doit être un prérequis incontournable avant toute modification du message de santé publique. Comme le montre cet article, nous n’en sommes pas du tout là, et les effets de l’activité physique sur de très nombreux versants de la santé physique et mentale restent indéniables.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203977/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Matthieu P. Boisgontier est chercheur principal à la Bruyère Research Institute (BRI) d'Ottawa, membre et ancien co-président de la Society for Transparency, Openness, and Replication in Kinesiology (STORK), éditeur en chef de Communications in Kinesiology (CiK), membre de Peer Community In (PCI) et fondateur de PCI Health & Movement Sciences. Il a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), de la Banting Research Foundation (BRF), de Mitacs, et de la Fondation Canadienne pour l'Innovation (FCI).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Boris Cheval a reçu des financements du fonds national suisse (FNS)</span></em></p>Une nouvelle étude met en lumière les bénéfices cognitifs de l’activité physique alors qu’une autre semble dire le contraire, alimentant le débat scientifique sur la question. Voici ce qu’il en est.Matthieu P. Boisgontier, Associate Professor, L’Université d’Ottawa/University of OttawaBoris Cheval, PhD. Neuropsychologie de l'activité physique, Université de GenèveLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2035882023-04-13T17:50:37Z2023-04-13T17:50:37ZCe qui se passe dans notre cerveau quand on a peur<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/520490/original/file-20230412-20-1i8t9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C27%2C4553%2C3008&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Différentes parties de notre cerveau contribuent à nos frayeurs et aux souvenirs qu'elles laissent et qui conditionnent souvent nos nouvelles peurs.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/photo/extreme-close-up-photo-of-frightened-eyes-4178738/">Samer Daboul/Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>De l’inconfort poignant d’être seul dans une ruelle sombre à l’angoisse sourde que l’on peut ressentir envers un futur incertain, la peur prend différentes saveurs. Si cette émotion nous vient d’un mécanisme de survie de base (se protéger de dangers mortels), de nombreux troubles psychologiques liés à la peur dépassent cette fonction initiale : crises de panique, phobies sociales, troubles de stress post-traumatiques, pour ne citer qu’eux. Ces troubles ont tous en commun l’émotion qu’est la peur et des symptômes de réaction à une forme de menace.</p>
<p>Les avancées technologiques en neurosciences permettent aujourd’hui d’explorer comment le cerveau crée des états de peur et de défense. Des techniques d’identification et de manipulation de zones spécifiques du cerveau d’organismes vivants ont permis la découverte de nouvelles zones du cerveau impliquées dans les processus cognitifs liés à la peur, ainsi que l’identification de mécanismes à l’échelle des neurones qui régissent notre <a href="https://doi.org/10.1038/nrn3945">« mémoire de la peur »</a>, c’est-à-dire le fait de se souvenir d’événements liés à la peur qui se sont produits dans le passé.</p>
<h2>Comment définir la peur scientifiquement ?</h2>
<p>Face à une menace, notre cerveau promeut des mécanismes de défense pour tenter d’atténuer les conséquences de la menace et améliorer les chances de survie. Le résultat est à la fois cognitif et comportemental : c’est cet ensemble que nous percevons consciemment comme de la peur.</p>
<p>Lorsque nous sommes confrontés à une situation dangereuse, comme les animaux, nous avons trois options : nous battre, fuir ou rester immobile (pour passer inaperçus). D’un point de vue évolutif, ces trois réponses ont des implications différentes. Par exemple, de nombreux prédateurs détectent leurs proies en les voyant bouger – pour les espèces qui constituent leurs proies, il est logique de se figer. On observe souvent cette réaction chez des rongeurs par exemple. En fait, une grande partie de nos connaissances scientifiques sur la peur et le cerveau provient d’expériences comportementales sur des animaux.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/520631/original/file-20230412-303-qzxdq7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="portrait de Pavlov" src="https://images.theconversation.com/files/520631/original/file-20230412-303-qzxdq7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/520631/original/file-20230412-303-qzxdq7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=883&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/520631/original/file-20230412-303-qzxdq7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=883&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/520631/original/file-20230412-303-qzxdq7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=883&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/520631/original/file-20230412-303-qzxdq7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1109&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/520631/original/file-20230412-303-qzxdq7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1109&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/520631/original/file-20230412-303-qzxdq7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1109&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Ivan Petrovitch Pavlov (1849-1936) a notamment travaillé sur la salivation réflexe des chiens, et se vit décerner le prix Nobel de physiologie/médecine en 1904 pour ces travaux sur le conditionnement.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://iiif.wellcomecollection.org/image/V0027006/full/full/0/default.jpg">Deschiens</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Historiquement, de nombreuses recherches visant à comprendre les mécanismes cérébraux de la peur ont été réalisées à l’aide d’une procédure appelée « conditionnement de la peur », ou « conditionnement de Pavlov ». Comme on va le voir, ces expériences de conditionnement permettent bien d’explorer certains mécanismes en jeu pour la peur. Cependant, il est primordial de comprendre qu’il existe une distinction entre les différentes composantes de la peur, et comment ceux-ci peuvent être étudiés.</p>
<p>En effet, dans le paradigme de Pavlov, un stimulus neutre (un son par exemple) et un stimulus aversif (comme un choc électrique) sont répétés. Au fil du temps, ces stimuli neutre et aversif se voient associés, à tel point que le simple son peut déclencher une réponse comportementale de peur, même en l’absence de choc électrique.</p>
<p>Ce type de procédure de conditionnement a souvent été utilisé sur des rongeurs, qui se figent alors en réponse au son. Les chercheurs utilisent les caractéristiques de cette immobilisation, comme sa durée et le retard par rapport au son, pour quantifier la réponse comportementale provoquée par le son.</p>
<p>Ce que ce conditionnement nous permet d’étudier est différent du sentiment conscient de peur : lorsque le son se produit, il active dans le cerveau une association apprise entre son et douleur et conduit à l’expression de réponses défensives typiques de l’espèce pour faire face au danger. En d’autres termes, lorsque les chercheurs étudient le conditionnement de la peur chez les animaux, ils évaluent en réalité les réponses défensives suscitées par une menace, plutôt que le sentiment de peur. Cette composante de la réponse défensive est un processus cognitif du domaine des émotions et, comme c’est le cas avec d’autres émotions, sa compréhension se fait principalement avec des études chez l’humain.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/podcast-notre-cerveau-dans-tous-ses-etats-mentaux-203456">Podcast : Notre cerveau dans tous ses états (mentaux)</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>La peur elle-même peut être définie comme une <a href="https://theconversation.com/podcast-notre-cerveau-dans-tous-ses-etats-mentaux-203456">« expérience émotionnelle consciente »</a>, ou en d’autres termes, la conscience que l’on est, soi-même, en danger. De plus, bien que la peur puisse être considérée comme découlant d’une réponse à un stimulus externe, l’anxiété est un phénomène plus durable qui se produit en réponse à des menaces plus vagues et moins imminentes.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/epouvantable-pourquoi-nous-aimons-avoir-peur-86365">Épouvantable ! Pourquoi nous aimons avoir peur</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Les bases neurobiologiques de la peur</h2>
<p>Différents circuits cérébraux sont impliqués dans les réponses de peur, chacun pour différentes composantes.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/520627/original/file-20230412-18-7plssu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/520627/original/file-20230412-18-7plssu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/520627/original/file-20230412-18-7plssu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/520627/original/file-20230412-18-7plssu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/520627/original/file-20230412-18-7plssu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/520627/original/file-20230412-18-7plssu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/520627/original/file-20230412-18-7plssu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/520627/original/file-20230412-18-7plssu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Différentes parties du cerveau impliquées dans le sentiment de peur.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/w/index.php?lang=fr&title=File%3APTSD_brain.svg">Ana Pinto/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’amygdale joue un rôle prépondérant dans la perception des menaces : elle reçoit une entrée sensorielle du thalamus et d’autres régions sensorielles, ce qui lui permet d’identifier rapidement les menaces potentielles. Une fois qu’une menace est détectée, l’amygdale active le système nerveux sympathique, ce qui déclenche la libération d’adrénaline et d’autres hormones du stress. Cela entraîne une série de réponses physiologiques, telles qu’une augmentation du rythme cardiaque, une respiration rapide et des sueurs, qui aident à préparer le corps à une action immédiate.</p>
<p>À leur tour, ces réponses physiologiques contribuent également à nos sentiments conscients de peur.</p>
<p>Les détails de la rencontre avec la menace sont encodés et stockés dans l’hippocampe, une région du cerveau impliquée dans la formation et la récupération des souvenirs. Ainsi, lorsque nous rencontrons une situation similaire après coup, l’hippocampe récupère le souvenir stocké et nous aide à reconnaître la menace.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-les-neurones-creent-les-souvenirs-197930">Comment les neurones créent les souvenirs</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Le cortex préfrontal, impliqué dans la prise de décision, la planification et la résolution de problèmes, est responsable de la régulation et du contrôle des réponses émotionnelles et comportementales. Dans les situations où la menace n’est pas immédiate ou dangereuse, le cortex préfrontal peut annuler la réponse de peur initiée par l’amygdale, nous permettant ainsi de rester calmes et rationnels.</p>
<p>Le conditionnement de la peur a également été étudié chez les humains, notamment des humains ayant subi des lésions accidentelles du cerveau. Par exemple, des <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.7652558">patients ayant des lésions de l’hippocampe ne se souviennent pas d’avoir été conditionnés, mais expriment des réponses défensives</a>. En effet, le souvenir d’avoir été conditionné est une forme de mémoire explicite, qui nécessite l’intervention de l’hippocampe. Par contre, l’apprentissage de la réponse défensive est une forme de mémoire implicite, qui repose sur l’action conjointe de plusieurs régions du cerveau.</p>
<p>En revanche, des lésions de l’amygdale perturbent la capacité à acquérir une réponse défensive, mais n’affectent pas la mémoire consciente d’avoir été conditionné pour le faire.</p>
<h2>Pouvons-nous manipuler la peur ?</h2>
<p>Ainsi, avant les années 2000, les études exploitaient la présence de lésions pour comprendre quelles régions sont impliquées dans la réponse de peur, et comment. Mais en lésant des régions cérébrales entières, les chercheurs ne pouvaient pas étudier les fonctions des différents types de neurones présents dans ces régions cérébrales, ce qui empêchait une compréhension à l’échelle des circuits cérébraux.</p>
<p>De nos jours, différentes techniques permettent aux chercheurs d’activer ou désactiver précisément des populations spécifiques de neurones en peu de temps, en utilisant des techniques telles que la « chémogénétique ». Avec cette technique, on utilise des protéines spécialement conçues, localisées à l’intérieur des neurones du cerveau des animaux de recherche. Lorsqu’un composé chimique spécifique est administré, il peut activer ou désactiver spécifiquement les neurones exprimant la protéine spécialement conçue – qui serait dans notre cas liés à une réaction de peur, par exemple.</p>
<p>Ainsi, la façon dont nous régulons nos souvenirs de peur est un aspect important de la réponse à la peur, sur lequel les chercheurs se sont concentrés, car l’extinction de ces souvenirs de peur est cruciale pour récupérer de troubles anxieux ou traumatiques. Également connue sous le nom d’« extinction de la peur », cette forme d’apprentissage (ou de désapprentissage) repose principalement sur le cortex préfrontal, qui contrôle les réponses émotionnelles et comportementales.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="une image en fluorescence du cerveau" src="https://images.theconversation.com/files/520629/original/file-20230412-14-oougt0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/520629/original/file-20230412-14-oougt0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=279&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/520629/original/file-20230412-14-oougt0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=279&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/520629/original/file-20230412-14-oougt0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=279&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/520629/original/file-20230412-14-oougt0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=351&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/520629/original/file-20230412-14-oougt0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=351&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/520629/original/file-20230412-14-oougt0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=351&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le « noyau fastigial » est visible en vert sur l’image de microscopie du cerveau du souris. Il fait partie du cervelet, la région bleue environnante. La barre d’échelle représente 0,5 millimètre..</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.nature.com/articles/s41467-023-36943-w">JL Frontera et collaborateurs, Nat. Comm., 2023</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans une étude récente, notre équipe à l’École Normale Supérieure de Paris a identifié une nouvelle région cérébrale reliée au cortex préfrontal, et montré que <a href="https://doi.org/10.1038/s41467-023-36943-w">cette connexion est impliquée dans l’extinction de la peur</a>. Il s’agit du « noyau fastigial », une partie du cervelet. Ce dernier s’appelle ainsi car il possède grand nombre de neurones (« petit cerveau » en latin), et est une région récente d’intérêt dans les recherches sur la peur.</p>
<p>Les chercheurs dans notre équipe ont entraîné des souris dans une tâche de conditionnement de peur de type pavlovien. Normalement, après un certain temps sans la présence du choc électrique, les souris arrêtent de s’immobiliser quand elles entendent le son. Ceci indique l’extinction de l’association entre le stimulus sonore et le choc électrique, c’est-à-dire que la mémoire de peur s’estompe. Mais de façon intéressante, lorsque les chercheurs ont inhibé les neurones du cortex préfrontal qui communiquent avec le noyau fastigial en utilisant la chémogénétique, ces souris ont continué à s’immobiliser – plus longtemps que les souris normales.</p>
<p>Cela suggère que les souris manipulées n’ont pas pu éteindre correctement leurs souvenirs de peur, ce qui souligne l’importance de cette communication entre cortex préfrontal et noyau fastigial dans la régulation de l’extinction de la mémoire de peur.</p>
<p>Ce n’est qu’une des nombreuses études récentes qui tirent parti des nouvelles technologies disponibles en neurosciences pour explorer la peur et le cerveau. En fait, assembler les pièces du puzzle des circuits cérébraux sous-jacents à l’acquisition et à l’expression des comportements défensifs est crucial pour avoir une vision globale de la complexité de ces processus. Cela encouragera davantage de recherches sur de nouvelles approches thérapeutiques pour le traitement des troubles liés à la peur chez les humains.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203588/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ana Margarida Pinto ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La peur est une réaction bien naturelle qui se mue parfois en phobies handicapantes. D’où vient-elle ? Peut-on la manipuler ? Les neuroscientifiques enquêtent.Ana Margarida Pinto, Doctorante, École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2034562023-04-12T13:12:16Z2023-04-12T13:12:16ZPodcast : Notre cerveau dans tous ses états (mentaux)<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Découvrez le nouveau podcast de The Conversation France : <a href="https://theconversation.com/fr/topics/lechappee-sciences-135626">« L’échappée Sciences »</a>. Deux fois par mois, un sujet original traité par une interview de scientifique et une chronique de l’un·e de nos journalistes.</em></p>
<hr>
<iframe src="https://playerbeta.octopus.saooti.com/miniplayer/large/186230?distributorId=c3cfbac6-2183-4068-a688-866933d3b5a6&color=40a372&theme=ffffff" width="100%" height="180px" scrolling="no" frameborder="0"></iframe>
<hr>
<p><iframe id="tc-infographic-819" class="tc-infographic" height="100" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/819/ead8432336c6ce4f706df8b24a22c635bc3dd209/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Bienvenue dans l’agrégat de milliards de neurones qui constitue notre cerveau. Mais cet organe unique est bien plus que cela : il est le siège de notre pensée et de notre conscience. C’est lui gère notre rapport au monde qui nous entoure… et c’est peu dire que la tâche est complexe !</p>
<p>Comment fait-il ? Comment, grâce à lui, réussissons-nous à nous adapter à notre environnement toujours changeant ? Longtemps on l’a cru réceptacle passif des informations reçues – de l’extérieur comme de l’intérieur de notre corps. Mais de nouvelles théories émergentes bouleversent notre compréhension du fonctionnement cérébral.</p>
<p>L’une d’elle, appelée « théorie du cerveau bayésien », suppose que <a href="https://theconversation.com/lesprit-est-il-une-machine-predictive-introduction-a-la-theorie-du-cerveau-bayesien-173707">notre cerveau serait une machine à prédire</a> : en permanence, il anticipe, évalue les probabilités que les événements qui parsèment notre vie se produisent, prévoit quelles vont être nos réactions… Et produit notre pensée, parfois irrationnelle, souvent en décalage avec la réalité brute du monde qui nous entoure.</p>
<p>La médecine s’est emparée de cette idée du cerveau prédictif et explore ainsi des pistes de recherche jusque-là inaccessibles… se tournant vers des molécules longtemps bannies des laboratoires : les psychédéliques ! Kétamine, psilocybine ou encore LSD retrouvent peu à peu une <a href="https://theconversation.com/comment-la-ketamine-agit-elle-sur-les-croyances-depressives-192370">place dans l’arsenal thérapeutique</a> grâce à leurs capacités inégalées à provoquer une altération de nos états de conscience, de notre rapport au monde.</p>
<p>Pour le Dr. <a href="https://www.sorbonne-universite.fr/portraits/hugo-bottemanne">Hugo Bottemanne</a>, psychiatre à la Pitié-Salpêtrière et chercheur à l’Institut du Cerveau – Sorbonne Université, invité du nouvel épisode de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/lechappee-sciences-135626">« L’échappée Sciences »</a>, ces molécules ouvrent de nouvelles pistes de recherche sur les origines de l’esprit. Comprendre comment elles agissent est un des défis des neurosciences. Là encore, les découvertes sur les capacités prédictives de notre cerveau vont s’avérer primordiales…</p>
<p>Et si nous hallucinions le monde qui nous entoure plutôt que de « juste » le percevoir ?</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-ecouter-les-podcasts-de-the-conversation-157070">Comment écouter les podcasts de The Conversation ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Dans sa chronique, Elsa Couderc nous propose d’explorer la question de la conscience… chez les non-humains ! À l’été 2022, un ingénieur de Google s’est ainsi vu persuadé par une intelligence artificielle que le système informatique présentait un certain niveau de conscience… alors qu’il accomplissait simplement ce pour quoi il avait été programmé : prolonger la conversation, en l’occurrence, comme nous le fait remarquer <a href="https://theconversation.com/google-a-t-il-developpe-une-ia-consciente-186254">Aïda Elamrani, doctorante en philosophie de l’IA à l’ENS</a>.</p>
<p>Mais notre tendance à percevoir des qualités humaines chez les robots est très commune et <a href="https://theconversation.com/pourquoi-prenons-nous-parfois-les-robots-pour-des-humains-188935">partagée par différentes cultures : c’est l’anthropomorphisme, dont Nicolas Spatola, de Sciences Po, décrypte les mécanismes</a>. Elle s’exprime aussi pour les <a href="https://theconversation.com/une-synthese-inedite-des-connaissances-actuelles-sur-la-conscience-animale-99394">animaux, qui, eux, présentent bien des niveaux de conscience avérés</a>, et détaillés par Muriel Dunier et Pierre Le Neindre de l’INRAE.</p>
<p>Bonne écoute !</p>
<hr>
<p><em>Crédits : Animation et conception, Émilie Rauscher et Elsa Couderc. Réalisation, Romain Pollet. Musique du générique : « Chill Trap » de Aries Beats. Extrait : « Marche à l’ombre », réalisation : Michel Blanc, Films A2, Les Films Christian Fechner.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203456/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Comment créons-nous notre vision du monde, clef indispensable pour interagir avec lui ? Pas comme on l'a longtemps cru… Plongée dans un pouvoir méconnu de notre cerveau (et des psychédéliques).Hugo Bottemanne, Psychiatre à la Pitié-Salpêtrière & chercheur à l'Institut du Cerveau - Sorbonne Université AP-HP, Sorbonne UniversitéElsa Couderc, Cheffe de rubrique Science + Technologie, The Conversation FranceÉmilie Rauscher, Cheffe de rubrique Santé, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2019942023-03-22T23:52:17Z2023-03-22T23:52:17ZMaladies chroniques : pourquoi est-ce si difficile de suivre un traitement sur le long terme ?<p>En France, plus de 10 millions de personnes sont atteintes de maladies chroniques – cancer, diabète, sida… Pour les patients concernés, il faut apprendre à se soigner et à vivre avec la maladie. Cet apprentissage n’a rien d’évident car il implique très souvent de devoir adopter un mode de vie, des régimes alimentaires et des comportements nouveaux : prendre un traitement, se surveiller en permanence, réaliser des bilans médicaux réguliers, etc.</p>
<p>Cette autogestion médicale est primordiale pour leur santé… Or, même chez des patients formés via des programmes de type <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/c_1241714/fr/education-therapeutique-du-patient-etp">éducation thérapeutique du patient</a> (ETP), la non-observance est forte puisqu’elle <a href="https://www.jstor.org/stable/4640729">concernerait 30 à 50 % des personnes</a>. L’OMS avait, en 2003, avait ainsi estimé qu’« optimiser l’observance médicamenteuse aurait plus d’impact en termes de santé mondiale que le développement de nouveaux médicaments ».</p>
<p>Pourquoi cette difficulté à suivre les recommandations médicales ? Des travaux venus de la neuro-économie aident à mieux comprendre ce phénomène massif – et difficilement quantifiable car protéiforme. L’économie comportementale, en intégrant la dimension cognitive, psychologique et neuronale, a montré que l’homme n’était pas un supercalculateur rationnel parfait… Au contraire de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1957255718301317">nombreux biais cognitifs, émotionnels et sociaux influencent ses décisions, y compris celles touchant à sa santé et son bien-être</a>.</p>
<p>Pris dans des niveaux de contraintes de natures diverses, nous ne prenons pas toujours les décisions les plus bénéfiques pour nous. Il existe un décalage permanent entre l’intention (la volonté de faire quelque chose, comme ne pas manger un gâteau) et l’action réellement réalisée (manger le gâteau…). Pour une prise de décisions qui doit se maintenir dans le temps, le suivi d’un traitement par exemple, la question est d’autant plus complexe.</p>
<h2>Les processus derrière la prise de décision</h2>
<p>Selon le neuroscientifique Antonio Rangel, la <a href="https://www.nature.com/articles/nrn2357">prise de décision s’appuie sur cinq points</a> : la création de la représentation d’une situation, l’évaluation des actions, leur sélection, l’évaluation des résultats et l’apprentissage secondaire (lié à l’écart entre le résultat projeté et celui obtenu). La neuro-économie montre également que les décisions conscientes sont généralement « pondérées » par les conséquences de nos actes. Cette pondération ne concerne <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1957255718301317">que certains types de décisions</a> :</p>
<ul>
<li><p>Requérant un investissement (en temps, argent, efforts, etc.),</p></li>
<li><p>Impliquant d’autres personnes (collaboration, partage…),</p></li>
<li><p>Mettant en œuvre une action immédiate ou différée : où il faut prioriser des actions, en différer d’autres, en éliminer certaines.</p></li>
</ul>
<p>Décider, c’est donc aussi <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3756836/">attribuer une « valeur », à la fois objective et rationnelle mais aussi subjective, et donc un ordre aux options disponibles</a>. Cette notion est centrale… mais complexe. La valeur dépend en effet des risques associés à la décision, à la temporalité mais aussi d’<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20444840/">aspects sociaux</a>, du <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-017-08080-0">contexte</a>, du stress, de la fatigue, etc. Comprendre comment elle est attribuée est donc fondamental.</p>
<p><a href="https://www.nature.com/articles/nrn2357">Trois processus peuvent être engagés pour l’évaluer</a> :</p>
<ul>
<li><p>Un processus dit pavlovien, qui correspond à l’association conditionnée entre une stimulation et une action (par exemple allumer sa télévision au moment des repas) telle que décrite par le physiologiste russe Ivan Pavlov. L’attribution de la réponse est ici conditionnée à l’exposition à une situation.</p></li>
<li><p>Un processus de formation des habitudes : la valeur est attribuée en fonction d’un apprentissage essai-erreur dans un contexte donné, et acquise avec la répétition (prendre son traitement avec son petit déjeuner).</p></li>
<li><p>Un processus orienté par un objectif, avec projection des conséquences. Une action (regarder la télévision) peut être évaluée à travers l’attribution de bénéfices et de coûts (bonne soirée/fatigue d’une séance de sport). Ce processus permet, à la différence des deux autres, de s’adapter aux évolutions du contexte mais il nécessite un effort cognitif.</p></li>
</ul>
<p>Selon le mode d’évaluation sélectionné, la décision prise diffère – pour la prise d’un traitement au long court, comme pour tout autre choix. D’autant plus que certains éléments peuvent entrer en concurrence.</p>
<h2>L’impact sur la bonne observance thérapeutique</h2>
<p><a href="https://www.editionsbdl.com/produit/pourquoi-se-soigne-t-on/">Le suivi d’un traitement est au cœur d’un vaste « puzzle mental »</a>, comme le décrit l’endocrinologue et spécialiste du diabète Gérard Reach. Car la valeur associée à la thérapie varie aussi sous l’influence de nos croyances, notre environnement…</p>
<p><a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23898295/">Plusieurs facteurs peuvent ainsi influencer l’observance</a> : environnementaux (soutien social), pathologiques (caractéristiques de la maladie), liés au traitement et au système de santé (ressources en soin présentes, etc.) – et personnels, notamment :</p>
<ul>
<li><p>Cognitifs : liés au niveau de connaissances, d’information et de compréhension de l’utilité des recommandations et des thérapeutiques. Représentations, croyances, coutumes et culture ont un impact direct.</p></li>
<li><p>Émotionnels. Stress, anxiété, état émotionnel par rapport à la maladie, douleur ou désagréments provoqués par les traitements sont trop souvent négligés.</p></li>
<li><p>Comportementaux. Les habitudes, l’organisation de sa vie personnelle, les compétences et savoir-faire pourraient être mieux utilisés pour augmenter la « valeur » du traitement – par la création de routine, etc.</p></li>
<li><p>Sociaux. Les conditions de vie, le soutien des proches et de l’entourage, la qualité de prise en charge sont primordiaux.</p></li>
</ul>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/515824/original/file-20230316-24-re3tcw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Facteurs économiques, confiance, compréhension, etc. influent sur la bonne observance thérapeutique" src="https://images.theconversation.com/files/515824/original/file-20230316-24-re3tcw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/515824/original/file-20230316-24-re3tcw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=460&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/515824/original/file-20230316-24-re3tcw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=460&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/515824/original/file-20230316-24-re3tcw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=460&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/515824/original/file-20230316-24-re3tcw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=578&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/515824/original/file-20230316-24-re3tcw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=578&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/515824/original/file-20230316-24-re3tcw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=578&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Facteurs influençant l’observance thérapeutique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">D’après Kardas P, Lewek P, Matyjaszczyk</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le temps, pour les maladies chroniques, est également une donnée majeure qui ajoute de la complexité. En effet, au-delà du respect initial de la prescription, s’ajoute la nécessité de son observance quotidienne au fil des semaines voire des années… Avec le temps, <a href="https://www.em-consulte.com/article/66775/l-observance-therapeutique-determinants-et-modeles">l’autogestion peut ainsi se déliter et la non-observance prendre des formes très variables</a>, allant de la simple omission au retard dans la prise, à l’adaptation des doses, au non-respect de la fréquence d’administration et à l’arrêt.</p>
<p>Cette situation n’est pas une fatalité car les programmes d’Éducation thérapeutiques (ETP) permettent une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1957255718300622">prise de conscience et une orientation des objectifs du patient</a>. L’ETP permet de réaliser que, n’étant pas des machines, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1957255718300130">nous sommes soumis à de nombreux processus mentaux qui peuvent nous détourner d’un acte qui parait « simple »</a>.</p>
<h2>Les cas des malades souffrant de lésions nerveuses</h2>
<p>Si le suivi au long cours d’un traitement chez des patients disposant de toutes leurs facultés cognitives est déjà difficile, certaines atteintes nerveuses amplifient le problème.</p>
<p>Des études montrent que des patients présentant des lésions préfrontales (suite à un accident vasculaire, un traumatisme ou une dégénérescence nerveuse…) sont <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/8039375/">incapables d’avoir conscience des conséquences futures de leurs actes</a>, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27816782/">se projettent difficilement</a>…</p>
<p>Le cortex préfrontal abrite des fonctions dites « exécutives » essentielles pour planifier des actions, s’en souvenir et inhiber des distractions ou des actions concurrentes. Elles sont également <a href="https://psycnet.apa.org/record/2009-08923-006">nécessaires au contrôle de la pensée et des émotions</a>. Leur altération affecte la <a href="https://academic.oup.com/book/25561/chapter-abstract/192874424?redirectedFrom=fulltext">mémoire de travail</a>, nécessaire à la conservation des informations, à la récupération de celles stockées dans la mémoire à long terme et à leur remise à jour. Le cortex préfrontal latéral permet, enfin, de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26301913/">mettre en cohérence des pensées et des actions au regard des intentions</a>.</p>
<p>Leur lésion rend impossible la tenue d’objectifs thérapeutiques ou d’envisager les conséquences de la non-prise d’un traitement.</p>
<p>La rééducation permet d’envisager de nouveaux processus pour aider les patients à prendre leur traitement – des automatismes par exemple. Dans ce cas, l’intention première derrière une action (la prise d’un médicament) peut avoir disparu au profit de l’automatisme mis en place. Ces actes automatiques ou routiniers ont l’avantage de ne nécessiter qu’un contrôle cognitif modeste.</p>
<h2>Connaître le biais pour y remédier</h2>
<p>Plus largement, dans le cadre des maladies chroniques et même sans que le cortex préfrontal ne soit atteint, une <a href="http://karlpribram.com/wp-content/uploads/pdf/theory/T-083.pdf">moindre compétence des fonctions exécutives affecte tous les aspects du comportement</a>, y compris le fait de prendre soin de soi.</p>
<p>Des corrélations ont ainsi été établies entre le niveau de performance des fonctions exécutives et l’observance thérapeutique des patients. <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30131398/">Plusieurs études</a> <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20215458/">l’ont par exemple montré</a> chez de jeunes patients diabétiques âgés de 12 à 18 ans, en <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25142717/">ce qui concerne leur contrôle glycémique</a>. Les capacités d’autorégulation liées à la flexibilité, au contrôle de l’attention, à la fixation d’objectifs et la régulation des émotions seraient significativement associées à l’observance thérapeutique.</p>
<p>On comprend ainsi que les études concernant fonctions exécutives et observance des thérapeutiques offrent donc une piste à explorer.</p>
<p>Il est concrètement possible d’aider un patient, via une prise de conscience. Des programmes d’éducation thérapeutique (ETP) peuvent lui permettre d’acquérir des automatismes afin d’agir sans avoir à penser sans cesse à la maladie – avoir une pathologie chronique induit une charge mentale importante, pouvant conduire à un phénomène de burn-out. Ils ont ainsi déjà intégré des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22013495/">techniques de gestion du stress et des émotions négatives</a> comme la <a href="https://theconversation.com/meditation-de-pleine-conscience-des-benefices-en-sante-varies-197824">méditation</a>, le sport ou encore le yoga <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1053810016300058">dont on sait tout le bénéfice sur les fonctions exécutives</a>.</p>
<hr>
<p><em>Géraldine Pascher est co-autrice de cet article. Coordinatrice pédagogique des instituts et écoles de formations paramédicales du Centre de la Formation et du Développement des Compétences (CFDC) de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), elle est diplômée en Sciences de l’Éducation et en Management des systèmes de santé et cadre de Santé. Elle est spécialisée en pédagogie, gestion de crise, utilisations des multimédias en santé et recherche paramédicale.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201994/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Naudin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Suivre un traitement long en cas de maladie chronique est difficile, et ce n’est pas une question de volonté. Voici les phénomènes neurologiques impliqués… et comment lutter contre le phénomène.David Naudin, Coordonnateur du Pôle de la Recherche Paramédicale en Pédagogie du CFDC PhD - Laboratoire Éducations et Pratiques en Santé (LEPS UR 3412), AP-HP, Université Sorbonne Paris NordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2014132023-03-09T18:43:08Z2023-03-09T18:43:08ZPourquoi les mondes imaginaires sont-ils de plus en plus populaires ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/514256/original/file-20230308-18-7b1gg1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C13%2C1262%2C705&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Notre appétence pour les mondes imaginaires est corrélée à notre quête de nouveauté. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=132663.html">Allociné</a></span></figcaption></figure><p>Depuis quelques décennies, nous sommes témoins d’un engouement mondial pour les mondes imaginaires. Des mondes fictifs tels que ceux que l’on retrouve dans les romans, les films, les mangas, les séries télévisées et les jeux vidéo ne cessent de gagner en popularité et en complexité. Des univers aussi riches et élaborés que ceux de <em>Star Wars</em>, <em>One Piece</em>, <em>Zelda</em>, <em>Game of Thrones</em>, <em>Elden Ring</em>, <a href="https://theconversation.com/le-quidditch-ce-sport-reel-venu-dharry-potter-64534"><em>Harry Potter</em></a> ou encore le <em>Seigneur des Anneaux</em> attirent chacun des millions de fans à travers le monde. Pourquoi tant de succès, et pourquoi aujourd’hui, et non pas plus tôt ?</p>
<p><a href="https://www.routledge.com/Building-Imaginary-Worlds-The-Theory-and-History-of-Subcreation/Wolf/p/book/9780415631204">Les mondes imaginaires existent certes depuis très longtemps</a> : l’<em>Odyssée</em>, écrite il y a presque 3000 ans, se situe souvent dans des îles qui n’existent pas, mais inspirées d’îles existantes, comme l’île des Cyclopes (ainsi nommée en hommage au texte d’Homère), au large de la Sicile. Homère n’a fait qu’y imaginer des cyclopes. En comparaison, J.-K. Rowling a inventé des territoires magiques dissimulés au sein du monde réel, avec de nombreuses descriptions précises de lieux imaginaires. Et Georges Lucas, avec <a href="https://theconversation.com/lascension-des-hero-nes-dans-star-wars-une-victoire-feministe-130222"><em>Star Wars</em></a>, a inventé des centaines de planètes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/514499/original/file-20230309-14-oz0zlx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514499/original/file-20230309-14-oz0zlx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514499/original/file-20230309-14-oz0zlx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514499/original/file-20230309-14-oz0zlx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514499/original/file-20230309-14-oz0zlx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514499/original/file-20230309-14-oz0zlx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514499/original/file-20230309-14-oz0zlx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’exploration selon le jeu vidéo Zelda.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Des écrivains tels que Jules Verne et <a href="https://theconversation.com/pourquoi-edgar-allan-poe-est-lecrivain-prefere-des-incompris-198552">Edgar Allan Poe</a> ont aussi créé des univers fictifs, dès le XIX<sup>e</sup> siècle. Cependant, leurs écrits développent une intrigue qui a la primeur sur le monde créé. L’univers imaginaire est plutôt un prétexte à des aventures, pas une invention en soi. Tolkien, au début du XX<sup>e</sup> siècle, a inventé un monde avec une géographie, une végétation, des espèces, un langage et des civilisations. <a href="https://www.fabula.org/actualites/68668/a-besson-constellations-des-mondes-fictionnels-dans-l-imaginaire-contemporain.html">Ce monde imaginaire, complet, autonome, et cohérent</a>, a du sens indépendamment de l’histoire de la quête de Frodon par exemple.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-langues-elfiques-de-tolkien-plus-populaires-que-lesperanto-71388">Les langues elfiques de Tolkien, plus populaires que l’espéranto</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>C’est depuis Tolkien, et surtout ces dernières décennies, que ces mondes imaginaires sont devenus aussi complexes et riches et se sont répandus. Pourquoi sont-ils devenus si populaires ? Nous posons l’hypothèse selon laquelle la curiosité joue un rôle central dans ce phénomène culturel d’ampleur.</p>
<h2>La curiosité pour des environnements nouveaux</h2>
<p>Dans une de ses lettres, J.R.R. Tolkien écrivait lui-même qu’une partie de l’attrait du <em>Seigneur des Anneaux</em> « repose sur le sentiment intrinsèque de récompense que nous éprouvons en regardant au loin une île non visitée ou les tours d’une ville lointaine ». Une intuition partagée par Shigeru Miyamoto, le créateur de <em>Zelda</em>, l’un des jeux vidéo les plus vendus au monde, dans lequel on peut incarner Link et explorer librement Hyrule, un monde d’inspiration médiévale. Miyamoto disait qu’il voulait créer « un univers de jeu qui transmette le même sentiment que celui que l’on ressent lorsqu’on explore une nouvelle ville pour la première fois ».</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/alice-a-lasile-60457">Alice à l’asile</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>L’intuition de ces deux créateurs de mondes imaginaires a été indirectement confirmée par des études récentes en sciences cognitives. Le cerveau de <a href="https://www.researchgate.net/publication/245765584_Conserved_role_of_dopamine_in_the_modulation_of_behavior">toute espèce mobile</a> est en effet doté <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/9658025/">d’un système dopaminergique, qui est associé à la motivation et à la récompense</a>. Des recherches en neurosciences montrent que ce système est aussi activé <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16880131/">lorsque nous découvrons de nouveaux objets</a> ou <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29218570/">lorsque nous décidons</a> d’explorer un nouvel environnement. Il nous incite à chercher des informations nouvelles qui seront mobilisées dans le futur. Tous les animaux sont curieux de nouveaux environnements, même si le degré de curiosité diffère d’une espèce à l’autre.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/514501/original/file-20230309-16-1lbjmm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514501/original/file-20230309-16-1lbjmm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514501/original/file-20230309-16-1lbjmm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514501/original/file-20230309-16-1lbjmm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514501/original/file-20230309-16-1lbjmm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514501/original/file-20230309-16-1lbjmm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514501/original/file-20230309-16-1lbjmm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le jeu inspiré de la saga Harry Potter nous plonge dans des mondes imaginaires.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>C’est un des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21702807/">systèmes cognitifs les plus anciens</a> dans l’histoire évolutionnaire de la cognition animale, car il était nécessaire à la navigation dans l’espace. Cela explique pourquoi, quand des éthologues leur présentent un objet nouveau et un objet familier, des espèces aussi différentes que les <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10071-017-1103-9">dauphins</a> ou les <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10329-019-00731-2">macaques</a> observent plus longtemps les objets nouveaux – une mesure commune de la curiosité.</p>
<h2>Un avantage dans l’évolution</h2>
<p><a href="https://psycnet.apa.org/record/1992-98504-016">Cette curiosité pour des environnements nouveaux est un comportement adaptatif</a>. Au cours de l’histoire de notre espèce, la curiosité humaine a évolué en réponse aux exigences de survie et de reproduction. Les humains qui ont développé une curiosité accrue ont été mieux équipés pour explorer leur environnement et découvrir de nouvelles ressources. Cette capacité a permis à ces individus de survivre plus longtemps et donc de se reproduire davantage, menant à la lente propagation des gènes associés à cette curiosité accrue dans la population.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/514502/original/file-20230309-1177-8ywoca.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514502/original/file-20230309-1177-8ywoca.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514502/original/file-20230309-1177-8ywoca.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514502/original/file-20230309-1177-8ywoca.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514502/original/file-20230309-1177-8ywoca.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514502/original/file-20230309-1177-8ywoca.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514502/original/file-20230309-1177-8ywoca.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le héros face à l’inconnu, une mise en scène visuelle qui attise notre curiosité dans Avatar.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>La curiosité se nourrit de promesses d’informations nouvelles. C’est pour cela que les environnements nouveaux sont si fascinants pour nos cerveaux : la vision d’un monde imaginaire est un indice qui nous informe qu’une grande quantité d’informations reste à découvrir. Il faut noter que cette curiosité pour les environnements nouveaux est activée même si l’environnement nouveau est fictionnel, car le mécanisme qui nous pousse à découvrir de nouveaux environnements n’a pas évolué dans un contexte où la fiction existait. Nous savons bien sûr faire la différence entre la réalité et la fiction, mais <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2022.786770/full">nos préférences héritées de l’évolution ne prennent pas en compte cette frontière : elles s’intéressent à toutes sortes d’informations</a>.</p>
<p>La promesse de découvertes nous attire dans les affiches promotionnelles des fictions dans lesquelles un personnage fait face à un large panorama d’un monde imaginaire, prêt à l’explorer. Nous aimons cette idée qu’il reste du chemin à parcourir. Des psychologues ont par exemple montré que des <a href="https://www.researchgate.net/publication/249624135_Environmental_PreferenceA_Comparison_of_Four_Domains_of_Predictors">photographies de paysage sont en moyenne plus appréciées quand elles indiquent visuellement la présence d’opportunités de découverte</a> – avec, par exemple, l’image d’une forêt au loin et un chemin sinueux qui disparaît dans les arbres.</p>
<h2>La variation de la curiosité</h2>
<p>Si la curiosité a été sélectionnée au cours de l’évolution, le degré de curiosité n’est ni fixe, ni toujours le même. On voit très bien qu’autour de nous, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0092656617301149">certaines personnes sont plus exploratrices que d’autres</a>. Un des facteurs qui expliquent ces différences est la génétique : la curiosité <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.2190/h8h6-qykr-keu8-gaq0?journalCode=icaa">fait partie intégrante de notre personnalité</a>, qui est en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2352250X15002171">partie déterminée par notre patrimoine génétique hérité de nos parents</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/514503/original/file-20230309-121-hzogbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514503/original/file-20230309-121-hzogbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=768&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514503/original/file-20230309-121-hzogbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=768&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514503/original/file-20230309-121-hzogbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=768&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514503/original/file-20230309-121-hzogbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=965&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514503/original/file-20230309-121-hzogbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=965&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514503/original/file-20230309-121-hzogbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=965&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Caspar David Friedrich, Le Voyageur contemplant une mer de nuages, 1818. Un avant-goût romantique du boom des fictions pleines de mondes imaginaires des 20ᵉ et XXIᵉ siècle ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cependant, un autre facteur important détermine le niveau de curiosité des individus. Il est important de noter que la curiosité a des conséquences qui peuvent être néfastes pour un organisme – par exemple, si l’exploration ne paye pas, le temps passé à explorer est perdu. Or, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2352250X15002055">ces conséquences ne sont pas aussi négatives pour l’organisme selon s’il se trouve dans un environnement pauvre en ressources ou dans un environnement riche en ressources</a>.</p>
<p>L’évolution a donc façonné le système de la curiosité pour être flexible en fonction de l’environnement dans lequel se trouve un organisme, pour gérer ses « coûts » et ses « bénéfices ». Les scientifiques en écologie comportementale appellent cette flexibilité la <a href="https://www.edge.org/response-detail/27196">plasticité phénotypique</a>.</p>
<p>Dans des environnements prospères et donc prévisibles, les individus ont accès à davantage de ressources et sont donc moins susceptibles de faire l’expérience d’une pénurie ou d’un danger immédiat. Par conséquent, ils peuvent <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1090513821000271">se permettre d’être plus explorateurs et curieux, en prenant des risques</a> pour rechercher de nouvelles opportunités et expériences qui peuvent être bénéfiques à long terme.</p>
<p>En revanche, dans des environnements plus pauvres et plus imprévisibles, les risques associés à l’exploration sont plus élevés, car un échec peut entraîner des dommages importants. Dans de tels environnements, les individus devraient être <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1090513821000143">plus motivés à se concentrer sur l’exploitation de leur environnement pour satisfaire leurs besoins immédiats</a>, plutôt que de prendre des risques pour explorer de nouvelles opportunités.</p>
<p>Des études ont confirmé que chez des espèces aussi différentes que les <a href="https://www.researchgate.net/publication/27270675_The_Significance_of_Ecological_Factors_for_Exploration_and_Neophobia_in_Parrots">perroquets</a> et les <a href="https://www.researchgate.net/profile/Sofia-Forss-2/publication/279631853_Contrasting_Responses_to_Novelty_by_Wild_and_Captive_Orangutans/links/5a532cd30f7e9bbc10568f28/Contrasting-Responses-to-Novelty-by-Wild-and-Captive-Orangutans.pdf">orangs-outangs</a>, les individus qui ont été nourris ou ont un accès direct à de la nourriture sont plus curieux que les autres, toutes choses égales par ailleurs.</p>
<p>Chez les humains, des études montrent que les habitants de sociétés dotées d’un produit intérieur brut par habitant plus élevé (qui bénéficient donc de meilleures conditions de vie, en matière d’alimentation, d’accès au soin, et d’accès à l’éducation) sont en <a href="https://www.sociostudies.org/journal/articles/2189446/">moyenne plus ouverts à de nouvelles expériences</a>. D’autres études montrent que les individus vivant dans des familles qui bénéficient de meilleures conditions de vie <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28238826/">sont plus curieux</a>, <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/08902070221078479?journalCode=erpa">ont moins de chance de voir leur niveau de curiosité décroître</a> en grandissant, et que cela peut expliquer les <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/abs/10.1098/rstb.2021.0345">différences de capacités d’apprentissage qu’on observe entre des pays qui n’ont pas le même niveau de développement économique</a>.</p>
<h2>L’attrait pour les mondes imaginaires</h2>
<p>Nous avons ainsi formulé <a href="https://www.edgardubourg.fr/_files/ugd/9c54f0_80037d57932f446ba20010547087a5fc.pdf">l’hypothèse selon laquelle le succès culturel récent des mondes imaginaires s’explique par l’amélioration des conditions de vie</a> au cours des dernières décennies. Cette amélioration des conditions de vie <a href="https://www.cambridge.org/core/services/aop-cambridge-core/content/view/6CBACB4C2DFB11F5A13D3B4A5E9E2EB4/S0140525X1800211Xa.pdf/psychological-origins-of-the-industrial-revolution.pdf">aurait mené à des changements de mentalité majeurs</a>. Notamment, comme l’environnement des individus devient plus prévisible et plus sûr, les coûts liés à la curiosité pour des environnements nouveaux diminuent. Cette évolution des mentalités pourrait donc expliquer l’accroissement de la popularité et de la richesse des mondes imaginaires. Bien sûr, explorer des mondes imaginaires ne comporte aucun risque en soi, mais, encore une fois, la frontière entre la réalité et la fiction importe peu en la matière. Seule compte la sensibilité de nos préférences : il faut être curieux des environnements nouveaux dans la vie réelle pour trouver attrayants les mondes imaginaires dans les fictions.</p>
<p>Nous avons d’abord montré, dans une <a href="https://psyarxiv.com/d9uqs">étude à paraître</a>, que le niveau de curiosité des individus est en effet corrélé à leur préférence pour les mondes imaginaires : les personnes plus exploratrices aiment davantage les mondes imaginaires, les personnes moins exploratrices les aiment moins. Nous avons ensuite regardé l’évolution des mondes imaginaires dans les romans et les films : environ 10 % des films produits et 10 % des romans parus développent un monde imaginaire au début du XX<sup>e</sup> siècle, contre environ 20 % d’entre eux aujourd’hui. Cela correspond à une augmentation de 100 % en un siècle, dans les deux médias. Cette augmentation suit l’augmentation permanente du niveau de richesses des pays industrialisés tout au long du XX<sup>e</sup> siècle. Bien que cette association ne prouve pas l’existence d’un lien causal, elle tend à confirmer notre hypothèse selon laquelle la popularité croissante de ces mondes imaginaires s’explique en partie par la croissance économique et l’amélioration des conditions de vie, qui augmenterait naturellement la motivation de lecteurs et lectrices, et des téléspectateurs et téléspectatrices, à explorer ces nouveaux mondes.</p>
<p>Nos recherches s’inscrivent dans un projet plus global qui vise à une meilleure compréhension de notre attrait pour les fictions, grâce à notre compréhension de la psychologie humaine. Par exemple, en comprenant d’où vient la peur et comment cette émotion fonctionne, on peut <a href="https://academic.oup.com/book/4159">mieux comprendre notre attrait pour les films d’horreur et les attractions effrayantes</a>.</p>
<p>Inversement, ces recherches peuvent aussi mener à une meilleure compréhension de la psychologie, grâce aux fictions. Par exemple, <a href="https://www.nature.com/articles/s41562-022-01292-z">tracer l’histoire de la représentation de l’amour dans les textes littéraires permet de mieux comprendre l’histoire du sentiment amoureux et les facteurs de ses fluctuations</a>, dont les <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1745691614561683">bases psychologiques et biologiques sont désormais bien connues</a>.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est issu d’un <a href="https://cognition.ens.fr/fr/news/semaine-du-cerveau-2023-lens-16860">cycle de conférences proposées par l’ENS-PSL dans le cadre de la 25ᵉ édition de la Semaine du cerveau</a>, du 13 au 17 mars 2023. À cette occasion, des chercheuses et chercheurs proposent des interventions sur le thème « pensée et émotions : du réel à l’imaginaire ». Retrouvez Edgar Dubourg le 14/03 à 18h30 pour la conférence : « Comment expliquer notre fascination pour les mondes imaginaires ? »</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201413/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Edgar Dubourg a reçu des financements de l'École Normale Supérieure-PSL.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nicolas Baumard a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche, du CNRS et de l'université PSL. </span></em></p>La curiosité joue un rôle central dans notre engouement pour des univers fictifs riches et innovants.Edgar Dubourg, Doctorant en études cognitives, École normale supérieure (ENS) – PSLNicolas Baumard, Chercheur en études cognitives, École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.