tag:theconversation.com,2011:/us/topics/olfaction-28801/articlesolfaction – The Conversation2024-02-12T16:12:55Ztag:theconversation.com,2011:article/2200792024-02-12T16:12:55Z2024-02-12T16:12:55ZDétecter les odeurs est plus complexe qu’il n’y paraît<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/575005/original/file-20240212-28-khq3fg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5176%2C3445&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La perception des odeurs est un phénomène chimique complexe.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/femme-en-chemise-orange-avec-des-fleurs-violettes-sur-la-tete-7sff_QVfpX4">Elly Johnson/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Les nombreuses molécules odorantes qui pénètrent dans notre nez au quotidien à la faveur d’un repas, du croisement de l’effluve d’un parfum ou lors de situations plus désagréables, interagissent avec des « interrupteurs olfactifs », des récepteurs situés sur les neurones des tissus de notre cavité nasale.</p>
<p>Le récepteur en biologie est l’équivalent d’un interrupteur. Diverses molécules « allument ou éteignent » ces récepteurs de façon coordonnée ou non, interrompant ou déclenchant des actions et participant ainsi au fonctionnement des cellules, des organes et de l’organisme.</p>
<p>L’activation de ces récepteurs par une molécule odorante génère un signal électrique transmis au cerveau. L’identification et la fonction de ces récepteurs par les équipes de Richard Axel et Linda Buck a été récompensée par le <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/medicine/2004/7438-the-nobel-prize-in-physiology-or-medicine-2004-2004-5/">prix Nobel de médecine en 2004</a>. Comme une odeur est constituée le plus souvent d’un mélange de molécules odorantes, qu’une molécule peut se fixer à plusieurs récepteurs différents et qu’un neurone ne porte qu’un seul type de récepteur, le message olfactif délivré à notre cerveau résulte d’une combinaison de récepteurs et donc de neurones activés.</p>
<p>Cette détection combinatoire ainsi que l’intégration des signaux qui en résultent par le cerveau nous permettent d’identifier par exemple l’odeur de banane, de fraise, de pain ou de parfums complexes. Ce mécanisme fait encore aujourd’hui l’objet de recherches mais il est bien accepté et motive de nombreux chercheurs publics et privés qui tentent notamment d’associer chaque molécule à ses récepteurs parmi les <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.1804106115">plus de 400 récepteurs potentiels chez l’humain</a>. Cela représente un champ de recherche important pour mieux comprendre l’olfaction et les troubles olfactifs associés mais aussi pour développer des arômes ou des parfums.</p>
<h2>Les récepteurs ne suffisent pas à bien percevoir les odeurs</h2>
<p>La détection olfactive par les récepteurs est essentielle mais le contrôle de la disponibilité des molécules odorantes pour ces récepteurs l’est tout autant. C’est le rôle de certaines enzymes présentes dans l’environnement des récepteurs sur <a href="https://doi.org/10.1080/03602532.2019.1632890">lequel mon équipe travaille</a>. Les enzymes sont des protéines qui accélèrent les réactions chimiques nécessaires au fonctionnement des cellules. L’enzyme qui nous intéresse se trouve dans les cellules des tissus de la cavité nasale et, comme un récepteur olfactif, elle est capable de fixer des molécules odorantes mais sa fonction est de les modifier. Elle n’est pas seule, de nombreuses enzymes prennent en charge la grande variété de molécules odorantes.</p>
<p><a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0249029">Nous avons participé</a> à déterminer la localisation de ces enzymes qui sont exprimées dans tous les types cellulaires des tissus olfactifs, dont les neurones qui portent les récepteurs. La fonction de ces enzymes du métabolisme des molécules odorantes est aujourd’hui sérieusement explorée car en modifiant celles-ci à proximité des récepteurs elles pourraient participer à leur élimination afin d’arrêter le signal qu’elles portent (hypothèse 1), ou à l’inverse elles pourraient laisser s’accumuler les molécules et donc augmenter l’intensité du signal correspondant (hypothèse 2) ou encore changer la qualité du signal en modifiant les molécules odorantes (hypothèse 3).</p>
<p>Ces 3 hypothèses qui se placent dans un étroit partenariat entre les enzymes et les récepteurs ne naissent pas de nulle part, elles s’appuient sur ce qui se passe dans le reste de l’organisme. En effet, ces familles d’enzymes du métabolisme existent dans de nombreux organes dont majoritairement le foie et sont impliquées dans l’élimination des molécules toxiques mais aussi de molécules qui portent un signal comme certaines hormones, lesquelles se fixent sur des récepteurs. Elles contrôlent donc la disponibilité de ces signaux et peuvent également les modifier pour les rendre plus ou moins actifs.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/575018/original/file-20240212-26-3io5be.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Schéma de la modulation de la détection des odeurs via les enzymes" src="https://images.theconversation.com/files/575018/original/file-20240212-26-3io5be.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/575018/original/file-20240212-26-3io5be.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/575018/original/file-20240212-26-3io5be.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/575018/original/file-20240212-26-3io5be.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/575018/original/file-20240212-26-3io5be.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/575018/original/file-20240212-26-3io5be.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/575018/original/file-20240212-26-3io5be.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Schéma de la modulation de la détection des odeurs via les enzymes.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Élimination – disponibilité – modification des signaux, ces mécanismes enzymatiques bien établis dans l’organisme n’ont pas été pris en compte immédiatement concernant leur rôle dans l’olfaction. Ce mécanisme « péri-récepteur » a d’abord été mis de côté par la communauté scientifique car il ajoutait de la complexité au mécanisme de détection olfactive, lui-même en cours de caractérisation chez les mammifères. Par ailleurs, le doute résidait dans la capacité des enzymes à prendre en charge la variété de molécules odorantes et dans leur capacité à le faire dans le temps extrêmement court qu’impose la détection olfactive.</p>
<h2>Les enzymes, des partenaires essentiels des récepteurs olfactifs</h2>
<p>Certains groupes de chercheurs, dont le mien, ont orienté leurs travaux sur ces mécanismes péri-récepteurs.</p>
<p>Un premier verrou a été levé lorsque <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0059547">nous avons montré</a> que le métabolisme enzymatique de certaines molécules odorantes conduisait in fine à des métabolites non odorants (pas d’interaction avec les récepteurs) et donc participait effectivement à l’arrêt du signal (hypothèse 1). Les enzymes éteignent le signal en limitant la possibilité d’actionner les « interrupteurs olfactifs » : arrêt du signal.</p>
<p>À l’inverse, il a été montré que des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/alr.22897">métabolites intermédiaires pouvaient être odorant</a> et influencer la perception. Ainsi dans certains cas, nous sentons à la fois la molécule odorante initiale et son ou ses métabolites. <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-019-39404-x">Cette découverte a été renforcée par la démonstration</a> que la vitesse d’action métabolique des enzymes sur les molécules odorantes était équivalente à celle de leur détection par les récepteurs soit de l’ordre de quelques dizaines de millisecondes (un claquement de doigts). Les enzymes participent à allumer plusieurs « interrupteurs olfactifs » différents, simultanément : changement de la qualité du signal (hypothèse 3).</p>
<p>Enfin, des <a href="https://pubs.acs.org/doi/abs/10.1021/acs.jafc.2c02720">études</a> ont montré que si le fonctionnement de ces enzymes était perturbé par exemple à l’aide d’un inhibiteur enzymatique (qui peut être une molécule odorante), le signal n’était plus arrêté et les molécules odorantes au contraire stimulaient un plus grand nombre de récepteurs ce qui entraînait une réponse olfactive de plus grande intensité (hypothèse 2). L’inhibition des enzymes peut conduire à allumer un plus grand nombre « d’interrupteurs olfactifs » : augmentation de l’intensité du signal.</p>
<p>Ainsi, grâce à la détermination de quelques groupes de chercheurs sur la planète, ces mécanismes récepteurs et péri-récepteurs commencent à être considérés comme des partenaires dans l’olfaction périphérique (mécanisme se déroulant dans la cavité nasale). En contrôlant la disponibilité des molécules odorantes pour les récepteurs et leur qualité, les enzymes jouent un rôle majeur qui ouvre des perspectives vers la compréhension de la physiologie et la physiopathologie de l’olfaction et vers des applications dans la conception d’arômes ou de parfums par exemple en augmentant l’intensité de certaines molécules odorantes sans jouer sur leur concentration. Il est intéressant de noter <a href="https://www.nature.com/articles/s41588-021-00986-w">qu’une étude a montré</a> récemment que parmi des milliers de gènes, celui qui présente un polymorphisme (modification ponctuelle de la séquence d’ADN) significatif chez les patients infectés par le virus SARS-CoV-2 et souffrants de troubles olfactifs et celui d’une enzyme du métabolisme des molécules odorantes.</p>
<p>Cette petite histoire de l’olfaction nous montre que la science a cette capacité à finalement mettre en lumière les mécanismes d’abord sous-estimés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220079/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Marie HEYDEL a reçu des financements de ANR. </span></em></p>Derrière la simplicité apparente de la perception des odeurs se cachent des mécanismes chimiques complexes.Jean-Marie Heydel, Professeur de Biochimie et Biologie Moléculaire, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2133222023-10-12T17:28:57Z2023-10-12T17:28:57ZQuand l’odorat influence l’insuline : une clé pour mieux comprendre l’obésité ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/553210/original/file-20231011-25-2tfvpa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C14%2C1592%2C1183&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Chez les souris obèses, le système d'activation de l'insuline via l'odorat ne fonctionne pas.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/36348786@N00/3755842722/in/photolist-6HTFc1-6HPzJg-2njU1AB-58bVa8-RVjqmL-bJMCma-yGSaEm-oEKsTY-2geJwjJ-2gf3bgf-CViv9G-7tp5c-2geJg7F-2n5Sns9-2mfgToh-2gf3Fpb-2nGxvkG-2jguSLt-4h953j-24wWBq3-qcCLvR-2geJduM-swr3kE-24oVbky-anmrQP-xqAyHh-bB6nRf-6qikV-LjrR9N-ajxdUA-9pbzEM-LqCmGs-mcEJXL-2geHU1q-dCTFWZ-hzXXMb-2jySSzv-J8rTzD-66GkLs-zFuPxb-fRPJ8k-2oKeMSj-2mJdPpu-2ohWRCj-2jguQqX-qmUj38-djRMXS-pkKa3M-qj3Fne-2ouASXe/">Crwr/Shutterstock</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>À table ! Notre vie est rythmée au quotidien par trois repas journaliers qui apportent l’énergie nécessaire à nos cellules pour leur fonctionnement. Alors qu’elle semble être automatique et facilement régulée au premier abord, la prise alimentaire pendant les repas est régie par des mécanismes cérébraux et corporels complexes et encore méconnus. Pour une régulation harmonieuse du niveau d’énergie, un ensemble de signaux nerveux et hormonaux met en communication dans les deux sens le cerveau et le reste du corps, notamment les organes importants pour la régulation du niveau d’énergie corporelle comme le pancréas, le tissu adipeux, le foie ou les intestins.</p>
<p>Il est connu que ces signaux internes, dont l’insuline, fonctionnent mal dans les cas de maladies métaboliques telles que l’obésité ou le diabète de type 2. En plus de ces signaux internes, l’alimentation est fortement marquée par les stimulations sensorielles externes (senteurs, saveurs, couleurs et formes, textures et sons dans la bouche) qui sont intégrées par le cerveau pour bien appréhender les aliments ingérés. Dans ce contexte, nous étudions au laboratoire les mécanismes qui lient la perception des odeurs aux modifications métaboliques du corps, notamment à la régulation de l’insuline. <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC10212752/">Nous venons de découvrir</a>, chez la souris, l’existence d’une nouvelle voie de communication entre le cerveau et le reste du corps, plus précisément, entre le système olfactif et le pancréas : le fait de détecter une odeur de nourriture à jeun déclenche la production d’insuline.</p>
<p>Revenons à table, ou plutôt à la dizaine de minutes qui précèdent notre entrée à table ou notre arrivée à la cantine. Quand le corps est en manque d’énergie, typiquement quand nous sommes à jeun avant midi, nous sentons le vide de notre estomac et un attrait pour tous les aliments, surtout ceux chargés en énergie, en sucres et/ou en gras.</p>
<h2>La digestion est préparée par le corps bien avant le repas</h2>
<p>À jeun, on dit souvent qu’on salive à l’idée de manger un bon repas. Mais cette salive n’est pas essentiellement liée à une envie de manger, mais plutôt à la préparation des enzymes de digestion dans la bouche pour commencer à découper au niveau moléculaire la nourriture qui sera mise en bouche quelques minutes plus tard.</p>
<p>Pendant cette phase précédant d’une dizaine de minutes le début du repas, appelée aussi phase céphalique, notre métabolisme énergétique corporel se prépare à l’arrivée du repas, c’est-à-dire, vu du corps, à une forte quantité d’énergie dans un temps très bref, notamment sous forme de sucres, ce qui va perturber notre glycémie (pensons aux shoots d’énergie des fast foods). Or notre taux de glucose sanguin, comme notre température ou notre tension artérielle, doit être maintenu constant : on parle d’homéostasie glucidique. Un excès de glucose sanguin, défini comme hyperglycémie chronique, représente une rupture de cette constance et mène le patient adulte à un diabète de type 2. Cette pathologie qui touche <a href="https://www.mdpi.com/2077-0383/12/3/925">plus de 3 millions de Français</a> est une des conséquences les plus fréquentes de l’obésité, qui touche, elle, 17 % de la population adulte.</p>
<p>Comment l’organisme peut-il diminuer la glycémie, ou, mieux, se préparer à la diminuer ? C’est l’insuline, une hormone pancréatique qui a ce rôle clé : une fois libérée dans le sang, elle induit une diminution des taux de glucose en agissant sur un ensemble de tissus cibles, comme les muscles, le foie ou le cerveau. Cette hormone est également libérée pendant la phase précédant le repas, la phase céphalique, à des quantités moindres que pendant le repas, mais elle reste essentielle à la préparation du corps à l’arrivée de fortes quantités d’énergie. <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32707265/">Quelques études</a> ont montré que les stimulations sensorielles sont considérées comme signaux déclencheurs pour la libération anticipatoire et préparatoire d’insuline, mais les mécanismes cérébraux provoquant cette libération n’étaient pas connus jusqu’à présent.</p>
<h2>Découverte d'une nouvelle voie de régulation métabolique</h2>
<p><a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC10212752/">Nous avons reproduit</a> <a href="https://bfa.u-paris.fr/">au laboratoire</a> la scène de l’attente de la cantine chez des souris au poids normal ou en situation d’obésité (sous régime hypercalorique, gras et sucré, un peu comme au fast food). Nous avons présenté une odeur d’aliment attrayant, un cookie odorisé au beurre de cacahuète, à ces souris qui avaient appris avant le test à associer l’odeur au cookie avec cet aliment qui a du goût, on dit aussi un aliment palatable. Nous avons alors mesuré la quantité d’insuline circulante chez les souris en prélevant une petite goutte de sang. Nous avons observé que la présentation de l’odeur alimentaire avant l’arrivée du cookie a pour conséquence d’augmenter l’insuline en phase céphalique chez les souris au poids normal, mais qu’elle est inefficace chez les souris obèses. Ces dernières ne sont pas donc pas en situation de se préparer correctement au niveau métabolique à l’ingestion d’une nourriture très chargée en calories.</p>
<p>Pour aller plus loin dans la compréhension des mécanismes cérébraux responsables de l’augmentation préparatoire d’insuline en phase céphalique, nous nous sommes intéressés au bulbe olfactif, une structure cérébrale commune à tous les mammifères, qui se trouve entre les deux yeux, juste au-dessus de la base du nez. Cette structure reçoit les informations qui lui proviennent des détecteurs olfactifs que nous avons dans le nez. Elle est aussi une gare de triage des informations olfactives : elle permet de coder les cartes d’identité olfactives et de les distribuer à des centres de traitement de la mémoire, des émotions et du plaisir.</p>
<p>Les neurones de cette structure cérébrale sont très sensibles aux changements des états énergétiques, par exemple, à jeun, ils sont très fortement activés par les odeurs. Mais nous ne savions pas encore si cette structure pouvait réguler le métabolisme énergétique, en contrôlant par exemple les variations de l’insuline. Dans le bulbe olfactif, pour mieux comprendre les mécanismes qui peuvent être à l’origine de la régulation de l’insuline, nous avons ciblé un nouveau système cérébral, celui du GLP-1 (pour Glucagon Like Protein-1). Cette molécule avait été <a href="https://journals.physiology.org/doi/full/10.1152/physrev.00034.2006">initialement décrite</a> comme une hormone intestinale renforçant la libération et les effets de l’insuline. Elle avait été aussi <a href="https://bpspubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/bph.15638">récemment décrite</a> comme étant synthétisée par des neurones cérébraux, dont ceux du bulbe olfactif, mais son rôle fonctionnel était inconnu.</p>
<p>Par des techniques pharmacologiques ou génétiques, nous avons bloqué l’activité du système GLP-1 dans le bulbe olfactif, ce qui a eu comme effet de diminuer la quantité d’insuline circulante en réponse à l’odeur alimentaire de beurre de cacahuète chez des souris au poids normal. De plus, le blocage de l’activité du nerf vague, qui contrôle la libération d’insuline par le pancréas, induit une diminution de la quantité d’insuline circulante en réponse à une odeur alimentaire chez ces souris.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/550918/original/file-20230928-15-bk07nk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/550918/original/file-20230928-15-bk07nk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550918/original/file-20230928-15-bk07nk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=461&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550918/original/file-20230928-15-bk07nk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=461&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550918/original/file-20230928-15-bk07nk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=461&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550918/original/file-20230928-15-bk07nk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=579&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550918/original/file-20230928-15-bk07nk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=579&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550918/original/file-20230928-15-bk07nk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=579&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">En réponse à une odeur alimentaire, le système GLP-1 dans le bulbe olfactif, la première structure codant les odeurs dans le cerveau des mammifères, promeut la libération d’insuline par le pancréas.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Nous nous sommes aussi interrogés sur l’impact du système GLP-1 dans le bulbe olfactif sur la sensibilité olfactive. Dans ce but, nous avons placé les souris en recherche de nourriture aromatisée au beurre de cacahouète sous la litière qui recouvre le fond de leur cage. Pour trouver la nourriture, les souris sont obligées d’utiliser uniquement leur odorat et les souris au poids normal sont très rapides à trouver la nourriture attrayante alors que les souris obèses sont plus lentes, car elles ont des problèmes olfactifs.</p>
<h2>Une piste de traitement pour l’humain ?</h2>
<p>Mais, si le système GLP-1 dans le bulbe olfactif est activé par une molécule pharmacologique injectée directement dans la structure, les souris obèses se comportent comme des souris normales et n’ont plus leur problème de sensibilité olfactive : elles trouvent très rapidement la nourriture odorisée ! À l’inverse, si l’activité du système GLP-1 dans le bulbe olfactif des souris au poids normal est bloquée, alors elles se comportent comme des souris obèses, sont un peu perdues, et mettent très longtemps à trouver la nourriture odorisée.</p>
<p>Le bulbe olfactif, spécifiquement par l’intermédiaire du système de communication neuronale par le GLP-1, permet de préparer le corps à l’arrivée d’une quantité importante d’énergie en permettant la libération accrue d’insuline par le pancréas. Dans le même temps, ce système est très important pour réguler le niveau de sensibilité olfactive de la souris, permettant donc à la fois, de façon coordonnée, la recherche de nourriture et la préparation métabolique de l’organisme à l’ingestion de nourriture qui va arriver. Ces résultats sont prometteurs pour lancer de nouvelles études chez l’humain afin de connaître le lien entre odorat et insuline chez des sujets au poids normal et des sujets obèses.</p>
<p>Si ce lien cerveau-pancréas par l’intermédiaire de l’odorat est rompu en cas d’obésité, de nouvelles pistes pharmacologiques agissant sur le système GLP-1 du bulbe olfactif pourraient être proposées, notamment par des techniques de reniflage intranasal sans douleur ni contrainte pour le patient.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213322/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hirac Gurden ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une étude vient de démontrer l’existence d’une voie de communication entre le système olfactif et le pancréas : détecter une odeur de nourriture déclenche la production d’insuline.Hirac Gurden, Directeur de Recherches en Neurosciences au CNRS (perception olfactive), Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1801922022-04-10T20:12:53Z2022-04-10T20:12:53ZDes souris, des vaches, des odeurs et des hommes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/455062/original/file-20220329-2839-1istwvw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=18%2C0%2C2048%2C1361&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les vaches recherchent plus les odeurs d'humains non-stressés que stressés.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/27702659@N00/6258240517/">Oli/flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Les animaux, dotés d’organes sensoriels différents des nôtres, ne perçoivent pas le monde de la même façon que nous. Si notre sensorialité est à dominante audiovisuelle, l’olfaction prévaut autant que la vision et l’audition chez la plupart des autres mammifères. Afin de vivre au mieux avec les animaux qui nous entourent, que ce soit nos animaux de compagnie ou ceux d’élevage, il est nécessaire de comprendre les bases sensorielles de la relation homme-animal.
Pour cela se pose la question de la contagion des émotions de l’homme vers l’animal, mais également de l’animal vers l’homme, afin de respecter voire d’améliorer leur bien-être, mais également le nôtre.</p>
<p>La question du bien-être des animaux a pris une importance croissante et se trouve au cœur des <a href="https://www.cabdirect.org/cabdirect/abstract/20203102977">préoccupations sur l’avenir de l’élevage</a>. En 2018, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) propose une <a href="https://www.anses.fr/fr/content/avis-de-lanses-relatif-au-%C2%AB%C2%A0bien-%C3%AAtre-animal-contexte-d%C3%A9finition-et-%C3%A9valuation-%C2%BB">définition du bien-être animal</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Le bien-être d’un animal est l’état mental et physique positif lié à la satisfaction de ses besoins physiologiques et comportementaux, ainsi que de ses attentes. Cet état varie en fonction de la perception de la situation par l’animal. »</p>
</blockquote>
<p>L’ANSES souligne également que « les actions humaines positives envers l’animal (la bientraitance) sont un préalable indispensable au bien-être des animaux ». La relation homme-animal est donc une <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fvets.2020.590867/full">composante clé du bien-être animal</a>, mais aussi de celui de l’éleveur. En effet, une relation basée sur des rapports calmes et avec des animaux non stressés permet la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/0168159194901317">diminution des risques d’accident</a>. L’éleveur est de ce fait moins stressé au quotidien, et un cercle vertueux s’établit. L’évaluation de cette relation passe nécessairement par la prise en compte de la perception sensorielle que l’animal a de l’humain.</p>
<h2>L’olfaction, un sens d’importance chez les mammifères</h2>
<p>De façon surprenante, l’influence des indices olfactifs humains sur les animaux d’élevage a été jusqu’ici peu considérée, bien que l’olfaction soit une modalité sensorielle dominante chez les mammifères. De ce fait, le rôle de l’olfaction est potentiellement massif, et ce dès les premiers temps du développement. Elle soutient et facilite la mise en place des premières interactions sociales et des relations d’attachement sélectif. Chez les ovins, par exemple, les agneaux nouveau-nés <a href="https://doi.org/10.1163/156853995X00603">recherchent les odeurs acquises <em>in-utero</em></a> par rapport à des odeurs nouvelles.</p>
<p>Les animaux d’élevage et de laboratoire sont également capables de percevoir les émotions d’autres congénères via des signaux olfactifs, induisant des <a href="https://hal.inrae.fr/hal-02623245/document">modifications comportementales et physiologiques</a>. Par exemple, les vaches vont mettre plus de temps à manger dans un seau ou à explorer un nouvel objet si elles sont mises en présence d’odeurs d’urine de congénères stressés.</p>
<p>Enfin, dans une relation de proie-prédateur, les animaux sont capables d’identifier olfactivement des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0149763405000588">animaux d’espèce différente</a>. Par exemple, les rongeurs (les proies) qui sont mis en présence de fèces de chats ou de renards (leurs prédateurs) vont montrer des comportements de peur, comme le « freezing » (le fait d’être pétrifié et de ne plus bouger) ou un évitement de ces fèces, mais également sécréter des hormones de stress comme le cortisol.</p>
<p>Ces études montrent l’importance de la communication olfactive entre les espèces animales (que ce soit au sein de la même espèce ou entre espèces animales), mais généralement pas avec l’homme. Cependant, l’importance de l’olfaction dans les interactions entre l’homme et l’animal commence elle aussi à émerger.</p>
<h2>La communication olfactive entre humains et animaux domestiques</h2>
<p>Des animaux de compagnie ou de loisirs tels que le chien ou le cheval peuvent discriminer des odeurs corporelles humaines « émotionnelles », c’est-à-dire échantillonnées chez des émetteurs exposés à un état émotionnel donné (peur ou joie). En présence d’odeurs humaines de peur, des <a href="https://europepmc.org/article/med/28988316">Labradors et des Golden retrievers</a> ont montré des comportements de peur : ils avaient une fréquence cardiaque plus rapide et restaient plus près de leur maître. À l’inverse, en présence d’odeurs humaines de joie, leur fréquence cardiaque était plus lente et ils montraient des comportements joyeux envers des personnes inconnues en les approchant et en interagissant avec elles. Les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S016815912030160X">chevaux</a>, de leur côté, sont plus vigilants (ils lèvent leur tête plus souvent et plus longtemps) en présence d’odeurs humaines de peur qu’en présence d’odeurs de joie.</p>
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<img alt="2 chiots labrador blancs assis dans l'herbe" src="https://images.theconversation.com/files/455063/original/file-20220329-3198-dumwzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/455063/original/file-20220329-3198-dumwzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/455063/original/file-20220329-3198-dumwzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/455063/original/file-20220329-3198-dumwzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/455063/original/file-20220329-3198-dumwzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/455063/original/file-20220329-3198-dumwzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/455063/original/file-20220329-3198-dumwzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les chiens réagissent aux pleurs d'un bébé humain en augmentant leur propre niveau de stress : on parle de contagion émotionnelle.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/crazycups/3942368675/">Crazybananas/flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>De façon intéressante, ces études ont montré que la perception de ces odeurs émotionnelles activait chez les animaux receveurs une réponse congruente avec l’état émotionnel de l’émetteur humain, selon une forme de contagion émotionnelle <a href="https://doi.org/10.1177/1745691616676599">similaire à celle observée entre humains</a>. Par exemple, lorsque nous entendons des pleurs d’enfant, notre sécrétion de cortisol (hormone du stress) augmente : c’est un signe d’empathie, et l’émotion de tristesse ou de peur est transmise de l’enfant vers l’adulte qui l’entend. Mais elle est <a href="https://www.researchgate.net/profile/Min-Hooi-Yong-2/publication/269181701_Emotional_contagion_Dogs_and_humans_show_a_similar_physiological_response_to_human_infant_crying/links/5e8ffd69a6fdcca789063930/Emotional-contagion-Dogs-and-humans-show-a-similar-physiological-response-to-human-infant-crying.pdf">également transmise au chien</a>, qui va lui aussi augmenter son niveau de cortisol.</p>
<h2>Qu’en est-il des animaux d’élevage ou de laboratoire ?</h2>
<p>Ces différents résultats suggèrent ainsi que l’olfaction pourrait influencer l’établissement et la qualité de la relation homme-animal, et ainsi impacter le bien-être des deux partis. La question de mes travaux de recherche est donc la suivante : « La relation homme-animal étant un facteur clé du bien-être animal et humain, les animaux d’élevage et de laboratoire sont-ils capables de percevoir les émotions humaines via des signaux olfactifs ? »</p>
<p>Une de mes premières études a eu pour objectif de tester si une odeur d’humain stressé modifie le comportement d’animaux d’élevage (comme la vache) et de laboratoire (comme la souris). Deux odeurs de sueur ont été collectées sur 25 étudiants d’école d’ingénieur (14 femmes, 11 hommes, âgés de 19 à 23 ans) : une odeur de « stress » après un partiel et une odeur de « non-stress » après des cours. Deux expérimentations de discrimination de ces odeurs ont été conduites : l’une sur 20 souris mâles en conditions contrôlées et l’autre sur 10 vaches en ferme.</p>
<p>Les souris ont déféqué plus en présence de l’odeur de stress et les vaches ont passé plus de temps à sentir l’odeur de non-stress. L’augmentation de la défécation peut être considérée comme un marqueur de stress chez l’animal, mais aussi chez l’homme (par exemple, nous pouvons avoir envie d’uriner plus fréquemment avant une évaluation ou un entretien). À l’inverse, le fait d’interagir plus longtemps avec un objet (le sentir, le toucher ou le manipuler) peut être considéré comme un marqueur d’intérêt et non de stress chez l’animal.</p>
<p>Ainsi, les souris et les vaches semblent percevoir et réagir différemment <a href="https://europepmc.org/article/med/33839953">aux odeurs d’émotions humaines</a>. Les souris semblent montrer plutôt une réponse de peur à l’odeur de stress humain. Les vaches, quant à elles, semblent montrer une préférence pour l’odeur de non-stress, mais sans chercher à éviter ou fuir l’odeur de stress. Ces résultats préliminaires peuvent indiquer des niveaux différents d’attachement entre les animaux et leur éleveur, mais aussi des pratiques d’élevage et de manipulations différentes.</p>
<p>Les études doivent se poursuivre chez ces animaux afin de déterminer les odeurs émotionnelles humaines apaisantes afin d’améliorer la relation homme-animal et leur bien-être. On pourrait imaginer d’utiliser des odeurs humaines de joie pour apaiser les animaux lors d’évènements stressants avec des humains qu’ils ne connaissent pas, par exemple lors des transports ou au moment de l’abattage. Une sélection génétique d’animaux pourrait également être envisagée, en sélectionnant les animaux les moins réactifs à l’odeur de stress humain.</p>
<p>Nos prochains travaux s’attacheront à tester différentes odeurs émotionnelles humaines (comme la joie et le stress) chez les ovins. Les moutons sont en effet des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0168159112001220">animaux d’élevage accessibles, généralement curieux et expressifs</a>. La conduite d’une troupe ovine implique également de nombreuses manipulations au contact de l’homme (mise bas, identification, pesée, tonte, parage d’onglons), ce qui expose les animaux aux indices olfactifs humains, qu’ils peuvent probablement aussi détecter à distance. Le modèle ovin est donc particulièrement intéressant pour pousser plus loin nos études.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180192/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexandra Destrez a reçu des financements de l'ANR France Relance, de l'Institut Agro Dijon et de l'UMR CSGA pour ses travaux de recherches. </span></em></p>La relation homme-animal passe aussi par l'odorat. Sentir des odeurs venant d'humains stressés ou non-stressés induit des changements comportementaux chez les vaches et les souris.Alexandra Destrez, Maître de conférences en éthologie développementale et psychologie cognitive, Institut Agro DijonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1644242021-07-20T23:01:06Z2021-07-20T23:01:06ZLogos olfactifs : reconnaîtrons-nous bientôt les marques à l’odeur ?<p>Pour <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/joim.13209">70 % des patients atteints de la Covid-19</a>, la maladie s’est traduite par une perte ou une altération de l’odorat. Ce fut l’occasion de redécouvrir l’importance de ce sens souvent négligé.</p>
<p>Longtemps considéré comme primitif et peu digne d’intérêt, le sens de l’odorat a été véritablement mis en lumière lors de l’attribution du <a href="https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/medecine-prix-nobel-medecine-2004-odorat-4534/">prix Nobel de physiologie et de médecine</a> 2004 aux biologistes américains Richard Axel et Linda Buck pour leurs travaux sur les récepteurs olfactifs et la reconnaissance des odeurs.</p>
<p>Dix ans plus tard, une <a href="https://science.sciencemag.org/content/343/6177/1370">étude</a> confirmait le rôle primordial de l’odorat en révélant que l’homme est capable de distinguer pas moins d’un trillion d’odeurs, c’est-à-dire mille milliards, alors que ce chiffre n’était estimé jusque-là qu’à 10 000.</p>
<p>Nos récents <a href="https://www.routledge.com/The-Neuro-Consumer-Adapting-Marketing-and-Communication-Strategies-for/Bayle-Tourtoulou-Badoc/p/book/9780367895907">travaux</a> étendent les résultats des biologistes à l’étude des comportements inconscients du cerveau des consommateurs et de leurs conséquences sur la gestion de la relation client.</p>
<h2>Association permanente</h2>
<p>L’odorat reste un sens <a href="https://www.quae.com/produit/1555/9782759229710/faut-il-sentir-bon-pour-seduire">singulier</a> : contrairement aux quatre autres, les récepteurs des signaux olfactifs sont les neurones eux-mêmes, sans autre intermédiaire. Le transfert de ces signaux au cortex olfactif se fait sans passer par le thalamus, sorte de gare de triage pour les autres sens, avant envoi vers leur cortex respectif. Le cortex olfactif possède par ailleurs une connexion <a href="https://www.routledge.com/Sensory-Marketing-Research-on-the-Sensuality-of-Products/Krishna/p/book/9781841698892">unique et directe au système limbique</a>, siège des émotions et de la mémoire.</p>
<p>En raison de ces liens étroits entre l’odeur, les émotions, la mémoire de travail et la mémoire émotionnelle, les souvenirs acquis en présence d’odeurs ont tendance à être <a href="https://www.routledge.com/Sensory-Marketing-Research-on-the-Sensuality-of-Products/Krishna/p/book/9781841698892">plus chargés émotionnellement et plus durables</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/411050/original/file-20210713-15-117ww36.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/411050/original/file-20210713-15-117ww36.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/411050/original/file-20210713-15-117ww36.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/411050/original/file-20210713-15-117ww36.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/411050/original/file-20210713-15-117ww36.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/411050/original/file-20210713-15-117ww36.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/411050/original/file-20210713-15-117ww36.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/411050/original/file-20210713-15-117ww36.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La mise en avant des cinq sens fait la spécificité des magasins Nature & Découvertes.</span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>Ce constat apparaît intéressant pour les entreprises : il suggère que les odeurs pourraient aider les marques à laisser des souvenirs plus forts et plus durables à leurs consommateurs, ce qui renforcerait à la fois leur image de marque et leur notoriété. De nombreuses recherches en gestion montrent ainsi que l’utilisation d’odeurs permet d’<a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01223747/file/TH2015SaiveAnneLise.pdf">améliorer la mémorisation</a> mais aussi l’évaluation des produits, des marques et des magasins.</p>
<p>En termes de mémorisation, les spécificités de la mémoire olfactive tendent à établir une <a href="https://www.cairn.info/revue-des-sciences-de-gestion-2017-5-page-119.htm">association permanente</a> dans l’esprit du consommateur entre un parfum diffusé dans un magasin et l’enseigne elle-même : le consommateur penserait à cette dernière à chaque fois qu’il serait à nouveau exposé à l’odeur.</p>
<p>Une autre recherche montre qu’un environnement agréablement odorisé contribue à améliorer la mémorisation des marques. Des participants placés dans une <a href="https://www.researchgate.net/publication/247837099_Does_it_Make_Sense_to_Use_Scents_to_Enhance_Brand_Memory">salle parfumée</a> mémorisent et reconnaissent un plus grand nombre d’entre elles.</p>
<p>Si la présence de l’odeur apparaît essentielle pendant la phase d’encodage des informations, elle semble moins importante au moment de la restitution : les souvenirs acquis dans un environnement parfumé sont mieux restitués, même en l’absence de l’odeur initialement utilisée.</p>
<p>Ces résultats font écho aux travaux de la chercheuse en gestion, spécialiste des sens, Aradhna Krishna, qui montre avec ses collègues que les odeurs favorisent également la <a href="https://www.semanticscholar.org/paper/Product-Scent-and-Memory-Krishna-Lwin/3a8cc5a202b1d9ed40006c70de9b34cb2fd49afc">mémorisation des caractéristiques d’un produit</a>. En parfumant un crayon avec une huile essentielle, les consommateurs se rappellent d’un plus grand nombre des caractéristiques de ce crayon, à court et à long termes, et ce, même sans être exposés à nouveau à l’odeur pendant la phase de restitution.</p>
<h2>Mécanisme d’inférence</h2>
<p>L’amélioration de la mémorisation des marques en environnement parfumé serait ainsi principalement due à une <a href="https://www.researchgate.net/publication/247837099_Does_it_Make_Sense_to_Use_Scents_to_Enhance_Brand_Memory">élévation du niveau d’attention</a>. Une autre étude révèle cependant que les performances de la mémoire peuvent être améliorées par la diffusion d’un parfum agréable <a href="https://www.researchgate.net/publication/6460367_Odor_Cues_During_Slow-Wave_Sleep_Prompt_Declarative_Memory_Consolidation">pendant le sommeil profond</a>. L’influence peut donc aussi s’avérer tout à fait inconsciente.</p>
<p>En termes d’évaluation du produit, du magasin ou de la marque, <a href="https://doi.org/10.1037/h0074816">l’une des premières études</a> menée sur le sujet en 1932 montre que des articles de lingerie parfumés restent significativement mieux notés que ceux non parfumés, même si aucune allusion n’est faite à l’odeur.</p>
<p>Ce phénomène peut être décrit comme un <a href="https://www.researchgate.net/publication/241685923_Le_marketing_sensoriel_du_point_de_vente_French">mécanisme d’inférence</a>. Lorsque le consommateur ne peut se référer à aucune une expérience passée, ni évaluer directement la qualité interne d’un produit, d’un service ou d’une marque, il l’évalue à partir des attributs externes du produit et de l’environnement.</p>
<p>Sur la base de cette théorie, il apparaît que l’exposition du consommateur à une odeur associée à un produit ou à une marque devrait le conduire à attribuer les caractéristiques de cette odeur au produit ou à la marque elle-même.</p>
<p>Par exemple, l’odeur caractéristique de la marque de sous-vêtements Orcanta, sensuelle, luxueuse et moderne, devrait conduire les consommateurs à percevoir ses produits comme étant eux aussi sensuels, luxueux et modernes.</p>
<h2>Logo olfactif, image de marque</h2>
<p>La présence de <a href="https://www.researchgate.net/publication/268395551_Improving_the_Store_Environment_Do_Olfactory_Cues_Affect_Evaluations_and_Behaviors_Authors">parfums d’ambiance agréables</a> permet par conséquent d’améliorer l’évaluation des produits et la perception de leur qualité. L’impact positif de cette odeur agréable serait <a href="https://www.researchgate.net/publication/268395551_Improving_the_Store_Environment_Do_Olfactory_Cues_Affect_Evaluations_and_Behaviors_Authors">plus important sur l’évaluation des produits les moins appréciés</a> alors qu’il serait difficile, pour une odeur, d’améliorer la perception des produits déjà appréciés par les consommateurs. <a href="https://www.researchgate.net/publication/268395551_Improving_the_Store_Environment_Do_Olfactory_Cues_Affect_Evaluations_and_Behaviors_Authors">L’environnement d’un magasin</a> serait également globalement mieux perçu par le public lorsqu’il bénéficie d’une senteur d’ambiance.</p>
<p>De nombreuses entreprises utilisent déjà le marketing olfactif pour enrichir leur expérience consommateur, le plus célèbre exemple étant probablement <a href="https://www.jstor.org/stable/40592961?seq=1#metadata_info_tab_contents">Nature & Découvertes</a>, l’une des premières marques à avoir conçu des expériences multisensorielles pour ses consommateurs, incluant non seulement la vue mais aussi l’ouïe, le toucher, l’odorat et même le goût.</p>
<p>Au-delà du marketing expérientiel, les marques prennent progressivement conscience du potentiel représenté par l’utilisation des odeurs. La singularité de l’odorat et de ses liens privilégiés avec les émotions et la mémoire en font un sens particulièrement intéressant pour l’élaboration de l’identité d’une marque dans sa stratégie de différenciation.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/411049/original/file-20210713-19-1e9fcdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/411049/original/file-20210713-19-1e9fcdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/411049/original/file-20210713-19-1e9fcdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/411049/original/file-20210713-19-1e9fcdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/411049/original/file-20210713-19-1e9fcdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/411049/original/file-20210713-19-1e9fcdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/411049/original/file-20210713-19-1e9fcdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/411049/original/file-20210713-19-1e9fcdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les Sofitel répandent, comme ici à Macau, leur signature olfactive dans leur hall d’accueil.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Sofitel_Macau_At_Ponte16-01.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Si jusqu’à présent, la panoplie identitaire d’une marque se composait généralement d’un nom, d’un logo, éventuellement d’une égérie, d’un slogan, d’une musique ou d’un jingle, de plus en plus de marques y adjoignent désormais un logo olfactif. Il s’agit d’un parfum unique qui incarne leurs valeurs et représente leur identité.</p>
<p>Par exemple, les <a href="https://www.cairn.info/revue-decisions-marketing-2019-1-page-71.html">Aéroports de Paris</a> ont récemment développé une signature olfactive diffusée dans les locaux. De même, la marque Sofitel du groupe hôtelier Accor a mis en place, depuis une dizaine d’années, une signature olfactive diffusée dans tous ses halls d’hôtels à travers le monde.</p>
<p>Si les marques sont de plus en plus nombreuses à développer et à mettre en place pareils dispositifs, elles ont cependant encore du mal à en mesurer les retombées concrètes. Le logo olfactif reste en effet utilisé conjointement avec d’autres outils marketing dont il paraît difficile d’isoler les impacts respectifs.</p>
<p>Une étude expérimentale exploratoire menée sur une quinzaine d’étudiants aboutit néanmoins à des résultats très prometteurs. Elle suggère que la présence d’un logo olfactif lors de la première exposition à une marque permet d’améliorer durablement l’image de la marque, sa qualité perçue et sa notoriété. Autant d’éléments qui laissent présager que les logos olfactifs pourraient représenter à l’avenir un outil incontournable pour consolider le capital de marque.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été rédigé avec le précieux concours d’Adèle Bernardot (MIM 2021, Majeure Marketing, HEC-Paris)</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/164424/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne-Sophie Bayle-Tourtoulou ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les recherches en biologie ont mis en évidence les singularités du sens de l’odorat, les sciences de gestion montrent son importance quand le consommateur mémorise et évalue un produit.Anne-Sophie Bayle-Tourtoulou, Professeur associé de marketing, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1501062020-11-16T18:19:25Z2020-11-16T18:19:25ZExplorer le lien entre odorat et appétit, pour mieux lutter contre la dénutrition<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/369650/original/file-20201116-13-vhk5a9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C22%2C3695%2C2384&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La perte d’appétit peut aboutir à la dénutrition, un problème important pour nombre de personnes âgées.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>À mesure que l’on vieillit, nos sens s’émoussent : notre vue, notre ouïe deviennent moins performantes. De la même façon, notre nez perd de son acuité. L’odorat comptant pour une part importante dans la perception des aliments, on peut se demander si perdre l’odorat en vieillissant peut avoir des conséquences sur l’appétit des personnes âgées. En effet, c’est à notre odorat plus qu’à notre goût que nous devons notre perception des aliments.</p>
<p>En 1984, le chercheur américain Richard Doty a fait passer un <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/6505700/ouDOI:10.1126/science.6505700">test olfactif à près de 2 000 personnes âgées de 5 à 99 ans</a>, basé sur des <a href="https://www.pennmedicine.org/updates/blogs/penn-physician-blog/2020/june/the-university-of-pennsylvania-smell-identification-test-upsit-for-covid-19">cartes à gratter olfactives</a>. Les participants devaient identifier, parmi quatre propositions, l’odeur portée par chaque carte. Les résultats ont montré une augmentation des performances olfactives depuis la prime enfance jusqu’à l’âge adulte, avec un maximum entre 20 et 40 ans, puis un déclin, qui s’accélérait à partir de 60-65 ans (un peu plus tôt pour les hommes que pour les femmes).</p>
<p>Ces résultats reflètent le vieillissement des chaînes de traitement de l’information, depuis la détection du signal olfactif par les récepteurs spécialisés situés dans le nez jusqu’à la transmission du message olfactif dans le cerveau, qui reconnaît l’odeur. Cependant, perdre le goût en vieillissant n’est pas une fatalité et la plupart des personnes âgées restent capables de percevoir les arômes et les saveurs des aliments.</p>
<h2>Seule une minorité de personnes âgées perdent totalement l’odorat</h2>
<p>Au cours de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25680371/ouDOI:10.1093/chemse/bju112">nos travaux récents</a>, nous avons testé les performances olfactives de 559 Français âgés de 65 à 99 ans, en bonne santé et sans troubles cognitifs, en demandant à chaque participant de réaliser trois tests.</p>
<p>Le premier était un test de détection consistant à désigner les flacons contenant une odeur parmi des flacons n’en contenant pas. Le second test était un test de discrimination. Il s’agissait de repérer des flacons contenant la même odeur parmi des flacons contenant des odeurs différentes. Enfin, le troisième test était un test de reconnaissance au cours duquel les participants devaient identifier les flacons contenant une odeur d’aliment (par exemple une odeur de caramel ou de fraise) parmi des flacons contenant une odeur de fleur (par exemple une odeur de lilas ou de muguet). Si les odeurs utilisées pour le test de détection avaient une intensité plutôt faible, les odeurs utilisées pour le test de reconnaissance étaient d’une intensité plutôt moyenne et celles du test de discrimination étaient plutôt fortes.</p>
<p>Les performances des personnes âgées de plus de 65 ans ont été comparées à celles obtenues par des adultes de 18 à 40 ans. Les résultats ont montré qu’environ deux tiers des personnes âgées présentaient des résultats proches de ceux obtenus par les jeunes. Seul un tout petit nombre de personnes âgées (3 %) souffraient <em>d’anosmie</em>, c’est-à-dire étaient quasiment incapables de percevoir les odeurs. Enfin, si environ un tiers des personnes âgées présentaient des performances inférieures à celles obtenues par des adultes plus jeunes, elles restaient néanmoins capables de percevoir les odeurs ayant une intensité moyenne ou forte.</p>
<p>Ces différences observées au sein de la population âgée peuvent s’expliquer par l’impact de facteurs sur notre capacité à percevoir les odeurs. Ainsi, l’exposition à des solvants lors de la vie professionnelle, la survenue de troubles neurologiques (par exemple, maladie d’Alzheimer, maladie de Parkinson) ou la prise de certains médicaments peuvent altérer la capacité des personnes âgées à percevoir à l’odeur.</p>
<p>Plusieurs travaux de recherche récents ont également montré que tous les composés odorants n’étaient pas affectés de la même façon par l’âge. Une équipe de Singapour a ainsi montré que la concentration du 2-phényléthanol, un composé qui sent la rose, devait être 179 fois plus élevée <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27001718/ouDOI:10.1093/chemse/bjw051">pour être perçue par des septuagénaires par rapport à des vingtenaires</a>, tandis qu’aucune différence n’était observée entre ces deux groupes d’âge pour l’odeur champignon du 1-octène-3-ol.</p>
<h2>Papilles, odorat et flaveur des aliments</h2>
<p>Si le sens de la gustation nous permet de distinguer les saveurs bien connues que sont le sucré, le salé, l’acide et l’amère, c’est essentiellement le sens de l’olfaction qui nous permet de percevoir toute la richesse et toutes les nuances aromatiques des aliments que nous consommons, autrement dit leur « flaveur », terme désignant l’ensemble des sensations olfactives, gustatives et tactiles ressenties lors de la dégustation, ce que nous appelons communément le « goût » des aliments.</p>
<p>Quand nous mangeons, les molécules présentes dans notre nourriture vont non seulement solliciter notre sens de la gustation, mais aussi celui de l’olfaction : certaines d’entre elles stimulent les bourgeons gustatifs des papilles de notre langue, tandis que d’autres remontent par l’arrière de la gorge jusqu’à nos fosses nasales, où se situent les récepteurs olfactifs.</p>
<p>On pourrait dès lors se poser la question : si l’on sent moins bien, mange-t-on moins ? Cette question est importante, car une baisse des consommations alimentaires peut conduire la personne âgée à se dénutrir. Les conséquences de la dénutrition sont multiples : fonte musculaire et risque de chutes, infections et difficultés de cicatrisation, aggravation des maladies existantes… Elle représente une menace pour la santé, le bien-être et l’autonomie des personnes âgées.</p>
<h2>Avoir moins d’odorat se traduit-il par une baisse d’appétit ?</h2>
<p>Plusieurs études ont montré que la perte d’odorat contribuait à une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/7636078/">baisse d’intérêt pour les activités culinaires</a> et une <a href="https://www.researchgate.net/publication/263126952_The_influence_of_olfactory_impairment_in_vital_independently_living_older_persons_on_their_eating_behaviour_and_food_liking">perte d’appétit</a> chez les <a href="https://research.wur.nl/en/publications/impaired-sensory-functioning-in-elders-the-relation-with-its-pot">personnes âgées</a>.</p>
<p>Pour compenser la perte d’odorat subie par certaines personnes âgées, plusieurs auteurs ont proposé de « renforcer » la flaveur des aliments, c’est-à-dire d’augmenter délibérément la concentration des composés aromatiques dans les aliments <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/11283191/DOI:10.1093/gerona/56.4.m200">pour contrebalancer le déclin des capacités olfactives</a>.</p>
<p>Cette approche a été testée en 2001 par le Néerlandais Kees de Graaf, spécialiste des comportements alimentaires, et ses collaborateurs. Les chercheurs ont renforcé la flaveur des plats de viande et de poisson servis à des personnes âgées vivant en maison de retraite. Cette action a eu un effet positif sur la prise alimentaire : au bout de quatre mois, les chercheurs ont constaté que le poids des résidents avait augmenté significativement. Cependant, quand la même équipe de recherche a répliqué cette étude cinq ans plus tard dans les mêmes conditions, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16914226/">aucun effet n’a été observé</a>.</p>
<p>D’autres travaux sur le renforcement de la flaveur n’ont pas été davantage concluants. Au vu de ces résultats mitigés, plusieurs auteurs <a href="https://www.researchgate.net/publication/263126952_The_influence_of_olfactory_impairment_in_vital_independently_living_older_persons_on_their_eating_behaviour_and_food_liking">ont plaidé en faveur d’une approche</a> « multidimensionnelle et centrée sur le consommateur » pour mettre au point des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0195666320300180">aliments spécifiquement destinés aux personnes âgées</a>.</p>
<p>Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ? Il s’agit de prendre en compte toutes les caractéristiques sensorielles d’un aliment – c’est-à-dire retravailler son aspect, sa saveur, son arôme et sa texture (approche multidimensionnelle) et de placer le consommateur âgé au cœur du développement (approche centrée sur le consommateur), en l’interrogeant sur ses préférences et habitudes alimentaires, et en lui demandant de tester et d’évaluer les aliments développés.</p>
<p>En définitive, si l’avancée en âge peut s’accompagner d’une baisse plus ou moins sévère de la capacité à percevoir le goût des aliments, il ne s’agit pas d’une fatalité. La plupart des personnes âgées restent capables de percevoir les arômes et les saveurs des aliments. Pour celles qui n’en sont plus capables, le développement d’aliments adaptés pourrait être une piste à explorer pour renouer avec les plaisirs de la table.</p>
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<p><em>Claire Sumont-Rossé est membre du collectif de <a href="https://www.luttecontreladenutrition.fr/">Lutte contre la dénutrition</a>. Cet article a été écrit dans le cadre de la semaine de lutte contre la dénutrition, du 12 au 19 novembre 2020.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/150106/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claire Sulmont-Rossé a reçu un financement public du programme AUPALESENS (ANR-09-ALIA-011-02) - Agence Nationale de la Recherche.</span></em></p>On sait qu’à mesure qu’on vieillit, l’odorat perd en efficacité. Or c’est à lui que nous devons notre perception des aliments. Cette dégradation expliquerait-elle le plus faible appétit des seniors ?Claire Sulmont-Rossé, Directrice de Recherche, Centre des Sciences du Goût et de l’Alimentation (AgroSup, CNRS, INRAE, Université de Bourgogne Franche-Comté), InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1412992020-06-23T20:55:26Z2020-06-23T20:55:26ZOn sait désormais pourquoi le coronavirus fait parfois perdre l’odorat<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/343542/original/file-20200623-188911-17bkku0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C25%2C5742%2C3466&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Si déplaisante que soit la perte d’odorat due au coronavirus, elle n’est la plupart du temps que temporaire.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/health-problem-people-concept-indian-man-1244323438">Syda Productions / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Dès les premiers rapports en provenance de Wuhan, d’Iran et plus tard d’Italie, nous savions que la perte de l’odorat (anosmie) était un symptôme significatif de l’infection par le coronavirus SARS-CoV-2 responsable de l’épidémie de Covid-19. Aujourd’hui, après des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0194599820929278">mois de résultats cliniques rigoureux ou parfois plus anecdotiques</a>, une explication se dessine sur les raisons pour lesquelles ce virus provoque parfois une perte de l’odorat chez les personnes qu’il infecte.</p>
<p>Le plus souvent, la perte d’odorat <a href="https://bmcearnosethroatdisord.biomedcentral.com/articles/10.1186/1472-6815-13-8">résulte d’une infection par des virus</a>, qui s’attaquent aux voies respiratoires supérieures ou aux sinus, comme ceux qui sont à l’origine de rhumes. Bien que certains d’entre eux <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1097/01.mlg.0000249922.37381.1e">puissent appartenir à la famille des coronavirus</a> et être connus pour entraîner des pertes d’odorats, ces virus ne sont pas mortels, contrairement aux virus du SARS, du MERS ou du Covid-19. </p>
<p>Dans la plupart de ces cas, l’odorat revient lorsque les symptômes disparaissent. En effet, sa perte est simplement le résultat du nez bouché : les molécules d’arôme ne peuvent alors plus atteindre les récepteurs olfactifs, et les odeurs ne sont donc plus perçues. Il arrive cependant parfois que cette perte d’odorat persiste pendant des mois, voire des années.</p>
<p>Dans le cas du nouveau coronavirus SARS-CoV-2, toutefois, le schéma de la perte d’odorat diffère sensiblement. De nombreux patients touchés par le Covid-19 ont décrit avoir subi une <a href="https://www.rhinologyjournal.com/Rhinology_issues/manuscript_2449.pdf">perte soudaine d’odorat</a>, suivi une semaine ou deux plus tard par un retour tout aussi soudain de ce sens.</p>
<p>Il est intéressant de souligner que plusieurs de ces personnes ont indiqué que leur nez n’était pas bouché <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.05.04.20090902v3">lorsqu’elles ont perdu l’odorat</a>. Chez certaines d’entre elles, cette perte s’est prolongée au-delà de leur rétablissement, et plusieurs semaines plus tard, elles ne percevaient toujours pas les odeurs correctement. Toute théorie ambitionnant d’expliquer les raisons de cette anosmie doit donc prendre en compte ces deux situations.</p>
<p>Le soudain retour de l’odorat décrit par les patients indique que l’incapacité à percevoir les odeurs pourrait avoir été d’origine obstructive : après l’infection, les molécules aromatiques n’auraient plus été capables d’atteindre les récepteurs olfactifs. Il s’agit du même type de perte d’odorat que celle que l’on subit lorsqu’on utilise un pince-nez.</p>
<p>Des scanners du nez et des sinus effectués sur des patients Covid-19 atteints de perte d’odorat ont révélé que la partie de leur nez responsable de la perception des odeurs, la fente olfactive, se retrouve <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamaotolaryngology/fullarticle/2764417">bloquée par un gonflement des tissus mous ainsi que par du mucus</a>. Cette situation est connue sous le nom de « syndrome de la fente olfactive ». Le reste de l’organe et leurs sinus ont une apparence normale, c’est pourquoi les personnes concernées n’ont aucun problème pour respirer par le nez.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/343699/original/file-20200624-133008-11fgzgj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/343699/original/file-20200624-133008-11fgzgj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/343699/original/file-20200624-133008-11fgzgj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/343699/original/file-20200624-133008-11fgzgj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/343699/original/file-20200624-133008-11fgzgj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/343699/original/file-20200624-133008-11fgzgj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/343699/original/file-20200624-133008-11fgzgj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Localisation du bulbe olfactif.</span>
<span class="attribution"><span class="source">medicalstocks/Shutterstock</span></span>
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<p>On sait aujourd’hui que le SARS-CoV-2 infecte notre corps en se liant aux récepteurs ACE2 situés à la surface des cellules de nos voies aériennes supérieures. Une protéine appelée TMPRSS2 aide ensuite le virus à envahir lesdites cellules. Une fois à l’intérieur, il se réplique, déclenchant en retour une réaction inflammatoire du système immunitaire. C’est à ce moment que débutent les ravages qui vont dévaster l’organisme de certains patients.</p>
<p>On pensait initialement que le virus était capable d’infecter et de détruire également les neurones olfactifs. Ces cellules transmettent les signaux générés par la fixation des molécules aromatiques sur les récepteurs du nez au cerveau, qui les interprète ensuite comme des « odeurs ».</p>
<p>Cependant, des travaux menés par une équipe internationale ont récemment démontré que les récepteurs ACE2 nécessaires au virus pour entrer dans les cellules <a href="https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2020.03.25.009084v4">n’étaient pas présents à la surface des neurones olfactifs</a>.</p>
<p>Ils ont en revanche été détectés à la surface des cellules « sustentaculaires », qui assurent un support structurel à ces neurones.</p>
<p>Ces cellules de support sont vraisemblablement celles qui sont endommagées par le virus durant l’infection. La réponse immunitaire provoquerait alors un œdème de cette zone, tout en laissant intacts les neurones impliqués dans l’olfaction. Une fois le virus éliminé, le gonflement régresserait. Les molécules aromatiques pourraient alors à nouveau atteindre leurs récepteurs, et l’odorat se trouverait donc ainsi rétabli.</p>
<p>Mais alors, comment expliquer que dans certains cas, le sens de l’odorat ne revienne pas ? L’explication demeure pour l’instant théorique, mais découle de ce que nous savons de l’inflammation dans d’autres systèmes. L’inflammation constitue la réponse de l’organisme aux dommages, et se traduit par la production et la diffusion de substances chimiques qui détruisent les tissus concernés par ces dommages.</p>
<p>Lorsque l’inflammation est sévère, les cellules à proximité sont elles aussi endommagées, voire détruites, victimes de dommages collatéraux. Nous pensons que c’est la raison pour laquelle certaines personnes ne retrouvent pas le sens de l’odorat avant longtemps : leurs neurones olfactifs auraient subi ce type de dommages.</p>
<p>Le retour de l’odorat est alors bien plus lent, car il faut que les neurones olfactifs se régénèrent à partir du stock de cellules souches présentes dans le nez. La récupération initiale est souvent associée à une distorsion de la perception des odeurs appelée « parosmie » : les personnes qui en sont atteintes ont l’impression que les choses ne sentent pas comme elles sentaient avant l’infection. L’arôme du café peut par exemple évoquer le brûlé, ou une odeur chimique, voire une odeur de saleté ou d’eaux usées.</p>
<h2>Physiothérapie nasale</h2>
<p>L’olfaction est parfois qualifiée de <a href="https://icog.group.shef.ac.uk/the-cinderella-of-the-senses-smell-as-a-window-into-mind-and-brain/#:%7E:text=The%20Cinderella%20of%20the%20Senses%3A%20Smell%20as,Window%20into%20Mind%20and%20Brain%3F&text=Smell%20is%20the%20Cinderella%20of,attention%20in%20philosophy%20or%20science">« Cendrillon des 5 sens »</a>, car elle est bien souvent négligée par les travaux scientifiques. Elle s’est cependant retrouvée sur le devant de la scène au cours de la pandémie de Covid-19. Le point positif est que cela va nous permettre d’en apprendre beaucoup sur la manière dont les virus sont impliqués dans la perte d’odorat. Mais que peuvent espérer de ces connaissances les personnes qui ont actuellement perdu l’odorat ?</p>
<p>La bonne nouvelle à retenir est bien entendu que les <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fnins.2014.00182/full">neurones olfactifs peuvent se régénérer</a>. Ils repoussent chez quasiment tout le monde, tout le temps. Cette régénération peut être exploitée à notre profit, et guidée en mettant en place une « physiothérapie nasale » : <a href="https://abscent.org/smelltraining#:%7E:text=It%20is%20a%20supportive%20technique,after%20a%20virus%20or%20injury.">il s’agit de s’entraîner à percevoir les odeurs</a>.</p>
<p>Il a été prouvé que le fait de s’exposer quotidiennement, de façon répétée et consciemment, à un certain nombre de substances odorantes est en effet bénéfique <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/lary.20101">dans de nombreuses situations de perte d’odorat</a>. Il n’y a aucune raison de penser qu’il n’en sera pas de même lorsque la perte de perception des odeurs est due au Covid-19.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/141299/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’infection par le SARS-CoV-2 s’accompagne parfois d’une perte d’odorat. La bonne nouvelle ? Celui-ci devrait très probablement être de retour une fois l’infection terminée. Plus ou moins vite.Simon Gane, Consultant Rhinologist and ENT surgeon, City, University of LondonJane Parker, Associate Professor, Flavour Chemistry, University of ReadingLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1244062019-10-02T17:49:58Z2019-10-02T17:49:58ZPourquoi l’urine et la sueur n’ont pas la même odeur pour tout le monde ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/295180/original/file-20191002-49356-brlu6e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=250%2C34%2C5156%2C3086&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’androsténone est une molécule présente dans la phéromone de porc, la transpiration et l’urine, à l’origine de leur odeur si particulière.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/download/success?u=http%3A%2F%2Fdownload.shutterstock.com%2Fgatekeeper%2FW3siZSI6MTU2OTk3NTA3MCwiYyI6Il9waG90b19zZXNzaW9uX2lkIiwiZGMiOiJpZGxfMTEzMjc2NzEyMiIsImsiOiJwaG90by8xMTMyNzY3MTIyL2h1Z2UuanBnIiwibSI6MSwiZCI6InNodXR0ZXJzdG9jay1tZWRpYSJ9LCJTT1FZTGRZTWJPRmJJcjFSR1hodEEzRWJIdW8iXQ%2Fshutterstock_1132767122.jpg&pi=33421636&m=1132767122&src=vDJNU-whXkEFkNBZIPBF7Q-1-38">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est republié dans le cadre de la prochaine Fête de la science (qui aura lieu du 2 au 12 octobre 2020 en métropole et du 6 au 16 novembre en Corse, en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème : « Planète Nature ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<hr>
<p>L’ADN renferme notre patrimoine génétique et gouverne la mise en place de l’embryon et son développement. En étant copié maintes fois, à chaque division cellulaire, il peut subir des mutations qui, si elles affectent les ovules et les spermatozoïdes, seront transmises à la descendance. Dans nos cellules, les gènes existent sous deux formes – deux « allèles » – qui dérivent l’un de l’autre par une ou plusieurs mutations. Selon l’allèle exprimé, il en résultera ce qu’on appelle un phénotype, par exemple la couleur des yeux, des cheveux, ou encore l’olfaction, notre capacité à percevoir et sentir les odeurs.</p>
<p><a href="https://www.nature.com/articles/nature06162">Des chercheurs ont ainsi montré</a> une relation entre le gène codant le récepteur OR7D4 – l’un des 400 récepteurs olfactifs présents chez l’homme – et la détection de l’androsténone : cette molécule, qui fait partie de la phéromone de porc, sent l’urine, mais on la retrouve aussi dans la sueur humaine. Ce gène existe sous la forme de deux allèles, RT et WM. Les personnes qui portent les deux copies du gène RT – soit 62 % de la population étudiée – perçoivent le parfum de l’urine, celles qui ne portent qu’une copie de ce gène ne la sentent pas ou peu, et enfin les porteurs de deux copies de l’allèle WM – 10 % de la population étudiée – perçoivent une odeur douce ou vanillée à la place de l’odeur de l’urine.</p>
<p>Dans le cadre de nos recherches sur l’olfaction au laboratoire UGSF (Université de Lille/CNRS/INRA), nous avons voulu montrer au grand public les conséquences de notre diversité génétique, en proposant depuis l’année dernière un petit test très simple lors de la Fête de la Science.</p>
<h2>L’alcool, une odeur très bien identifiée</h2>
<p>Le principe est le suivant : nous présentons aux participants deux flacons à sentir contenant un liquide incolore – numérotés 1 et 2. Dans le premier flacon (témoin), nous plaçons de l’alcool pur (éthanol), et dans le second une solution à base d’alcool d’androsténone très diluée.</p>
<p>Les personnes tentent alors de formuler, avec leurs mots, ce que l’odeur leur évoque, au-delà de la perception agréable, désagréable ou neutre qu’elles peuvent ressentir en la humant. Ils remplissent également un questionnaire papier, anonyme, qui ne mentionne que l’âge et le sexe.</p>
<p>L’an dernier, nous avons récolté 389 réponses, provenant des visiteurs du stand (scolaires et familles), d’étudiants de l’École d’Art de Tourcoing, ainsi que des personnels de notre laboratoire. Au total, 217 femmes de 6 à 69 ans et 172 hommes de 5 à 67 ans ont participé joyeusement à ce test. Les résultats ont été classés par tranche d’âge et par sexe pour identifier un éventuel effet des hormones sur la perception de l’odeur.</p>
<p>La distinction par classe d’âge permet également de mettre en évidence la manière de nommer l’odeur, qu’il s’agisse de l’éthanol ou de l’androsténone. On connaît le pouvoir évocateur des odeurs (la madeleine de Proust), mais il n’est pas toujours facile de les nommer. Certains de nos « cobayes » ont utilisé des images olfactives intéressantes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1042893511450873856"}"></div></p>
<p>Face au liquide témoin, rares sont les participants qui n’identifient pas l’alcool, qu’ils décrivent toutefois en des termes plus ou moins précis et imagés : antiseptique, gel pour les mains, désinfectant, docteur, hôpital, labo, mais aussi vodka, bière, et pour beaucoup alcool, voire même éthanol. Seules 15 personnes ne perçoivent aucun parfum lorsqu’elles sont confrontées à l’éthanol pur. Parmi elles, 4 femmes, et toutes perçoivent pourtant l’androsténone très fortement : on ne peut donc pas les soupçonner d’anosmie – absence totale d’olfaction, phénomène qui concerne environ <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/un-francais-sur-dix-souffre-de-troubles-de-lodorat">10 % des Français</a> et 3 % de notre population étudiée.</p>
<h2>Du rôle des hormones ?</h2>
<p>Concentrons-nous maintenant sur les réponses obtenues pour la solution alcoolique d’androsténone. Les réponses sont pour le moins contrastées : certains déclarent « je ne sens rien » – ils possèdent sans doute un allèle RT et un allèle WM. D’autres qualifient son odeur d’« horrible ! » – ceux qui ont deux allèles RT. Mais elle évoque à certains des idées plus poétiques, comme la forêt, la fleur, l’herbe naturelle, le maïs, le concombre, la vanille, la menthe, le carton, ou encore la poussière – ces derniers sont probablement porteurs de deux allèles WM.</p>
<p>Parmi ceux qui perçoivent l’androsténone, 9 femmes et 11 hommes ont été capables de nommer clairement l’odeur comme celle de « l’urine, de la sueur » (transpiration, odeur d’aisselle) ou de l’« odeur animale » (masculin, bestial, mâle qui pue, musc). Ils ont une réaction instinctive de recul devant une odeur « insupportable, âcre, répulsive, dégoûtante, repoussante ». Cette graduation de la perception négative de l’androsténone suggère que d’autres gènes pourraient être impliqués, mais ils ne sont pas encore identifiés.</p>
<p>Nous avons ensuite classé les réponses des participants ayant senti le flacon contenant de l’androsténone en quatre catégories : « rien », « pas bon », « bon » et « alcool ». Les résultats montrent de très grandes différences entre les femmes et les hommes : près de la moitié des premières (44,2 %) a exprimé une sensation négative, tandis que les seconds sont autant à percevoir le parfum comme « pas bon » (38,8 %) qu’à y identifier la senteur de l’« alcool » (39,5 %).</p>
<p>Les hommes détecteraient donc moins l’androsténone que les femmes. On est tenté d’assimiler cette grande différence à l’apparition de la testostérone à la puberté chez les garçons. Les réponses apportées par les plus jeunes – entre 5 et 16 ans – semblent confirmer cette hypothèse : jusqu’à 16 ans, les garçons présentent les mêmes scores que les filles, autour de 45 % de « pas bon » et 30 % de « alcool ». Le score s’inverse chez les garçons à partir de 17 ans, alors que les réponses des filles restent identiques.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"748765612374011904"}"></div></p>
<h2>L’androsténone dans la viande de porc</h2>
<p>Au-delà de ce test ludique, la perception de cette molécule présente un intérêt pour l’alimentation humaine : la viande de porc est en effet imprégnée de phéromone lorsque l’animal n’est pas castré. Si celle proposée au consommateur provient aujourd’hui de bêtes stérilisées, cette méthode apparaît de plus en plus contestée pour des questions de bien-être animal.</p>
<p>Il s’agit donc pour les éleveurs de déterminer, chez le consommateur, le seuil d’acceptabilité de l’odeur de la viande de porc non castré. <a href="http://www.journees-recherche-porcine.com/texte/2012/genetique/G7f.pdf">Une étude montre</a> que pour une quantité de 2-3 microgrammes de gras liquide par gramme de viande, 1 personne sur 3 ne sent rien, une personne sur 5 la trouve agréable et la moitié la juge désagréable. À tel point qu’elle empêche certaines personnes de consommer le produit. Supprimer la castration des porcs destinés à l’alimentation constitue donc un vrai défi.</p>
<p>L’objectif de l’atelier était de démontrer que nous sommes tous différents face à une odeur, que cela résulte d’un fond génétique différent, mais qu’il n’y a pas d’échelle de valeurs : est-il sensé de considérer que celui qui perçoit est meilleur que celui qui ne perçoit pas ? Dans ce cas précis, il est bien sûr très facile de répondre non, mais cela donne matière à réfléchir sur la richesse que constitue la diversité humaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124406/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Patricia Nagnan-Le Meillour ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Selon leur patrimoine génétique, certains détestent l’odeur de l’urine, quand d’autres lui décèlent un parfum de vanille…Patricia Nagnan-Le Meillour, Directrice de recherche, écologie chimique, olfaction, phéromones, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1194302019-07-25T19:35:08Z2019-07-25T19:35:08ZComment les odeurs nous reconnectent à la nature<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/281201/original/file-20190625-81758-1x487u1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=54%2C54%2C5013%2C3274&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le sens olfactif a cette particularité d’être intimement lié à notre mémoire et à nos émotions.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/download/success?u=http%3A%2F%2Fdownload.shutterstock.com%2Fgatekeeper%2FW3siZSI6MTU2MTUwNDk5NywiYyI6Il9waG90b19zZXNzaW9uX2lkIiwiZGMiOiJpZGxfMTM4NTA2NTAxMCIsImsiOiJwaG90by8xMzg1MDY1MDEwL2h1Z2UuanBnIiwibSI6MSwiZCI6InNodXR0ZXJzdG9jay1tZWRpYSJ9LCJFQ3BYRDFLVjVxeXlUaitSaHZOTUJvYjdzb2MiXQ%2Fshutterstock_1385065010.jpg&pi=33421636&m=1385065010&src=Q5EjZobK_RepWWDSvqjNMQ-1-12">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Nous vivons dans une société centrée sur la vision. La technologie, les médias, l’article que vous êtes en train de lire, tous ces éléments sont principalement perçus et analysés par le biais de nos yeux. Or c’est à nos cinq sens que nous devons la plupart de nos expériences quotidiennes, sans d’ailleurs toujours en avoir conscience…</p>
<p>L’expérience de nature en est un parfait exemple. Nos rapports avec l’environnement naturel répondent en effet à un processus complexe impliquant nos organes des pieds à la tête : nous apprécions une promenade en forêt un matin de printemps pour les couleurs vives et la lumière crue qui traverse les feuillages ; pour les chants d’oiseaux, pour le vent frais qui caresse notre peau. </p>
<p>Si ce moment nous procure du bien-être, c’est le fait de multiples stimuli sensoriels qui, en se mêlant, définissent ensemble une même expérience. Ainsi l’expérience de nature est par essence une expérience multisensorielle. Mais si nous apprécions une promenade en forêt un matin de printemps, c’est aussi <a href="https://theconversation.com/lodeur-de-la-nature-une-composante-de-la-biodiversite-114492">pour les odeurs qu’elle exhale</a> : ici le parfum résineux d’un pin, là celle de l’humus ou des hyacinthes des bois. </p>
<h2>Ce que l’odorat éveille en nous</h2>
<p>L’expérience olfactive a ceci de particulier qu’elle est inévitable : on peut détourner le regard ou fermer les yeux pour éviter une image, on peut se boucher les oreilles pour se protéger d’un son. Mais on peut très difficilement s’extraire d’une odeur. Conscients de l’importance que l’olfaction pourrait avoir en tant que composante de l’expérience de nature, nous avons cherché à comprendre cette expérience olfactive : comment les gens la perçoivent, et ce qu’elle pouvait éveiller en eux.</p>
<p>Pour ce faire, nous avons interrogé plus de 600 usagers de plusieurs parcs de la région parisienne (<a href="https://www.jardindesplantesdeparis.fr">Jardin des Plantes</a> à Paris, <a href="https://www.tourisme93.com/document.php?pagendx=117">parc du Sausset</a> à Aulnay-sous-Bois et <a href="https://www.tourisme-plainecommune-paris.com/decouvrir/coin-de-nature/parcs-et-jardins/le-parc-georges-valbon">parc Georges Valbon</a> à La Courneuve) et leur avons demandé de décrire l’expérience de nature qu’ils ressentaient en se focalisant sur leur olfaction, à l’instant où nous les interrogions. Nous avons ensuite comparé leurs réponses à celles de passants interrogés dans un milieu urbain (dans la rue devant l’hôpital Necker et la Gare de Lyon). </p>
<p>Alors que les idées reçues sur l’olfaction – souvent considérée comme l’un des « sens faibles » de l’être humain – pouvaient nous laisser penser que cette expérience serait pauvre ou limitée, les promeneurs vont en fait bien plus loin que ce à quoi nous nous attendions. </p>
<h2>Odeurs des villes et parfums des parcs</h2>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/281213/original/file-20190625-81762-1yga0oq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/281213/original/file-20190625-81762-1yga0oq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/281213/original/file-20190625-81762-1yga0oq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/281213/original/file-20190625-81762-1yga0oq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/281213/original/file-20190625-81762-1yga0oq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/281213/original/file-20190625-81762-1yga0oq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/281213/original/file-20190625-81762-1yga0oq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/281213/original/file-20190625-81762-1yga0oq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Dans les parcs, les promeneurs décrivent une expérience sensorielle très distincte de celle vécue en ville (Jardin des Plantes).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/smilla4/16788140174/in/photolist-rzvBbE-ND8Fbt-2f9U6ad-9xHLHP-ebmxWy-2dxFPGU-29Cencu-suPf2t-Vziv2d-UxsonL-nrdShr-swwgr8-9xLLvu-LarxPy-9xLQuU-a8KsZ3-UAAVek-eX6vz-9o3Jns-BCn2ZM-VCJ8Hn-VLxNFb-5QazPq-SFxj1e-a2Df2P-VzozaU-6UVc4t-hTQV2B-pEJ4mn-UAuZbk-pwGgSo-5u161J-f1Aa9-9LxkfN-5QaA4y-9vbgiR-9xHEiK-37KxKj-7ZbSmo-f3gvFe-2fdJPEE-hTS14X-RYZWWi-wdtg5U-4N52X-hTRn5j-hWzc9S-b3V8ur-hSAujc-hUbMsM">smilla4/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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</figure>
<p>Tout d’abord, il y a un véritable contraste entre l’expérience vécue par les passants interrogés en ville et ceux interrogés dans les parcs. Les premiers citent la pollution et la difficulté à respirer. « Je sens les voitures, principalement… Les gaz d’échappement m’empêchent de respirer », témoigne ainsi une femme interrogée devant l’hôpital Necker. Les seconds, en revanche, décrivent l’expérience olfactive de nature comme un « bol d’air et de nature », mettant ainsi en avant le rôle de « poumon vert des villes » souvent attribué aux parcs urbains.</p>
<p>« Je ne sens plus les odeurs de la ville, ni de pollution, ici je respire bien », exprime quant à lui un homme, dans une partie forestière du parc du Sausset. La façon dont ils vont décrire leur expérience olfactive dépend en grande partie du type de paysage dans lequel ils sont interrogés, mais aussi de l’usage de cet espace. Ainsi, dans les allées du Jardin des Plantes de Paris, les visiteurs flânant autour des parterres de fleurs décrivent des odeurs de l’environnement autour d’eux. « Je sens une légère odeur de fleurs, et l’odeur minérale des allées », déclare une femme.</p>
<p>Leur expérience diffère de celles d’autres visiteurs, qui en plus de l’olfaction insistent sur l’importance des sensations du corps tout entier, de cette perception du corps dans l’environnement liée au toucher, que l’on appelle l’haptique. C’est notamment le cas des promeneurs des parcs du Sausset et Georges Valbon, qui à la différence du Jardin des Plantes, offrent la possibilité de s’asseoir dans l’herbe ou au bord de l’eau. Ici l’expérience se fait donc plus incarnée, vécue à travers la sensation du corps dans son intégralité. « On sent la chaleur du sol, les odeurs chaudes des herbes, et puis l’humidité et la fraîcheur du lac sur la peau en contraste, c’est apaisant », rapporte un homme, au bord du lac de Savigny, dans le parc Georges Valbon.</p>
<p>Enfin, dans les endroits tel que le <a href="https://www.jardindesplantesdeparis.fr/fr/agenda/jardin-alpin-2480">jardin alpin</a> du Jardin des Plantes ou les parcelles forestières des parcs du Sausset et Georges Valbon, où ils vont pouvoir se créer une bulle sensorielle et vivre une immersion plus forte, les répondants parlent d’un véritable bien-être, d’une sensation de se trouver hors de leur quotidien citadin. Une femme évoque ainsi au Jardin des Plantes, sous le pistachier du jardin alpin, « une sensation de plaisir, d’évasion et de bien-être. C’est calme, ça fait du bien, ça rappelle des souvenirs de voyage, on compare et on se remémore des plantes que l’on a déjà croisées. » </p>
<p>Là, ils ont la possibilité de s’asseoir dans des endroits plus confinés, à proximité voire au contact des arbres, et de prendre le temps de respirer, de s’imprégner de l’atmosphère du lieu. C’est également dans cette ambiance que les visiteurs ont détaillé le plus de souvenirs et d’émotions liées à leurs expériences olfactives. « Du bien-être, des souvenirs aussi, énormément de souvenirs. Je venais souvent ici avec ma mère et ma famille, donc des souvenirs de famille, heureux », se rappelle une promeneuse dans une partie forestière du parc Georges Valbon.</p>
<h2>Intégrer des expériences sensorielles au quotidien</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/281347/original/file-20190626-76738-s95so2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/281347/original/file-20190626-76738-s95so2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/281347/original/file-20190626-76738-s95so2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/281347/original/file-20190626-76738-s95so2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/281347/original/file-20190626-76738-s95so2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/281347/original/file-20190626-76738-s95so2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/281347/original/file-20190626-76738-s95so2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/281347/original/file-20190626-76738-s95so2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le jardin alpin du Jardin des Plantes, à Paris, réunit des plantes originaires des différents massifs montagneux français.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/dalbera/3544040472/in/photolist-6pb8L5-88DQd8-88b8oY-92BNkd-6VH2HV-f5hAP6-JQ145L-JZaM1a-JyoeA5-JWccvu-JPZV9q">Jean-Pierre Dalbéra/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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</figure>
<p>Notre étude révèle que dans le cadre des expériences de nature, l’expérience olfactive a la particularité de faire intervenir des facteurs supplémentaires aux variables environnementales : autrement dit, lorsque l’on décrit une expérience olfactive de nature, on ne va pas uniquement décrire les odeurs des éléments de nature du lieu dans lequel on se trouve. </p>
<p>À cette description vont venir se superposer ou se substituer des éléments plus personnels, et en particulier des sensations, des émotions, et des souvenirs. Le sens olfactif est <a href="https://theconversation.com/olfaction-le-cerveau-a-du-nez-61652">intimement lié à notre mémoire et à nos émotions</a>. C’est la fameuse madeleine de Proust : on a tous en nous ces scènes de notre passé, l’odeur de la cuisine de nos parents, la tarte aux myrtilles de notre grand-mère, l’odeur des embruns de la plage ou de la pinède du camping où nous passions nos étés. C’est ce qui fait qu’une véritable expérience de nature, de celles qui s’ancrent durablement en nous et nous aident à construire une relation étroite avec notre environnement, doit beaucoup aux odeurs. </p>
<p>À une époque où l’on cherche à reconnecter la population, notamment urbaine, à la nature, il est impératif de considérer davantage cet aspect. Cela peut passer par des aménagements qui encouragent, dans les parcs et jardins, une expérience multi-sensorielle. Cette étude montre bien que les pelouses, les massifs horticoles ou même forestiers ne procurent pas les mêmes expériences sensorielles ni les mêmes effets sur les gens qui les parcourent ou s’y reposent. </p>
<p>En favorisant par exemple davantage d’espèces et des variétés de plantes odorantes, qui ne fassent pas uniquement office d’ornementation visuelle, ainsi que des endroits propices à l’introspection, au repos et au bien-être à proximité des plantes, nous favoriserions ainsi toute une variété d’expériences et d’usages des espaces de nature urbains. Une manière de créer de véritables « bulles sensorielles ».</p>
<hr>
<p><em>Hugo Struna, journaliste et rédacteur du blog de <a href="http://www.vigienature.fr/">Vigie Nature</a>, un programme de sciences participatives porté par le Muséum national d’histoire naturelle, a contribué à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119430/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Minh-Xuan A. Truong reçoit des financements d’Albert Vieille SAS. </span></em></p>Souvent négligée parmi les cinq sens, l’olfaction joue en réalité un rôle primordial dans le bien-être que nous procure le contact avec la nature.Minh-Xuan Truong, Chercheur post-doctorant en psychologie de la conservation, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1178732019-05-28T23:45:22Z2019-05-28T23:45:22ZLe parfum, dernière frontière du cyberespace<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/276630/original/file-20190527-193522-15otl8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=223%2C8%2C942%2C641&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La numérisation du parfum reste technologiquement à améliorer.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://vimeo.com/164400083">Capture d'écran de la vidéo « Introducing Cyrano ».</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est issu de la communication présentée par l’auteur à la sixième conférence de la <a href="https://digital-olfaction.com/dos-congresses/">Digital Olfaction Society</a>, les 3 et 4 décembre 2018 à Tokyo.</em></p>
<hr>
<p>Avec le goût, l’odeur est l’un des cinq sens fondamentaux de l’Homme encore absent du cyberespace. C’est même de facto le principal absent tant l’odeur contribue de manière significative à la formation du goût. L’absence de parfum déprécie l’expérience du cybernaute puisqu’il continue de sentir l’environnement direct de son poste numérique, alors qu’il se trouve virtuellement, par exemple, dans une forêt.</p>
<p>Du point de vue commercial et économique, l’absence d’odeur dans le cyberespace représente un coût d’opportunité important ; lequel se mesure par l’écart qui existe entre les impacts que l’olfaction numérique aurait pu avoir sur le cybernaute (consommateur) et la situation actuelle d’absence d’olfaction en ligne. D’un point de vue technologique, l’absence d’odeur dans le cyberespace conduit à la question fondamentale de la faisabilité de la numérisation du parfum.</p>
<h2>Des technologies perfectibles</h2>
<p>L’idée de diffuser des odeurs pour améliorer les expériences humaines est ancienne, antérieure même aux technologies numériques. À la fin des années 1950, plusieurs salles de cinéma américaines utilisent pour la première fois le système <a href="https://www.dailymail.co.uk/news/article-3334085/How-soon-watching-Smell-O-Vision-Film-festivals-recreate-1960-concept-new-virtual-reality-technology-released.html"><em>Smell-O-Vision</em></a> pour le film <a href="https://www.youtube.com/watch?v=cZbfMElSec0"><em>Scent of Mystery</em></a>. Les signaux sur la bande sonore du film déclenchent automatiquement des arômes dans des tubes en plastique raccordés à des sièges individuels. Mais cette technologie reste relativement limitée.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/mRdEbb3_YEE?wmode=transparent&start=804" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les spectateurs ressortent étonnés d’une projection du film <em>Scent of Mystery</em>, en 2015.</span></figcaption>
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<p>Améliorer l’expérience passera notamment par des progrès en matière de compréhension du mécanisme de perception olfactive. Malgré les efforts inspirants dans la numérisation, le manque d’une théorie générale pour la caractérisation des odeurs rend extrêmement difficile leur reproduction dans le monde numérique. Cependant, de nouvelles voies sont maintenant ouvertes grâce aux recherches des lauréats du <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/medicine/2004/press-release/">prix Nobel de physiologie en 2004</a>, Richard Axel et Linda B. Buck.</p>
<p>La solution de la numérisation des signaux olfactifs réside théoriquement dans des logiciels capables de coder et de décoder les odeurs dans le cyberespace. Bien que l’encodage des odeurs ait connu des avancées encourageantes, la transmission et le réveil des arômes dans un environnement virtuel restent particulièrement difficiles.</p>
<p>La technologie courante pour intégrer les odeurs comme les images et les sons dans les cybermédias pourrait être une interface qui produirait une odeur à partir d’un nombre limité de produits chimiques stockés. Deux technologies majeures de codage et de transmission numériques des odeurs ont aujourd’hui cours : les <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/craquer-le-code-des-odeurs">outils de fixation</a> et l’<a href="https://www.credit-suisse.com/corporate/fr/articles/news-and-expertise/artificial-intelligence-how-machines-learn-to-smell-201505.html">intelligence artificielle</a>.</p>
<h2>ITunes des odeurs</h2>
<p>La première est une technologie de transmission des odeurs qui se connecte aux technologies électroniques existantes. L’application oNotes et le diffuseur d’odeur Cyrano qui va avec, cherche par exemple à devenir l’<a href="https://www.wired.com/2015/04/ophone-onotes-itune-of-smell/">iTunes des odeurs</a>. Et d’autres start-up développent divers projets comparables.</p>
<p>L’intelligence artificielle et le <em>machine learning</em> vont encore plus loin dans la numérisation des parfums. Ainsi <a href="https://www.lebigdata.fr/ibm-philyra-ia-parfums">Philyrad’IBM</a> utilise des algorithmes d’apprentissage automatique pour croiser des milliers de formules et de familles de parfums, afin de générer de nouvelles combinaisons correspondant aux goûts spécifiques des différents segments de cybernautes. L’objectif ultime est d’influencer positivement leurs activités en ligne et leur bien-être numérique.</p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/164400083" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Vidéo de démonstration du diffuseur d’odeur Cyrano.</span></figcaption>
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<p>Une autre catégorie, celle de la stimulation du cerveau, jouit d’un buzz énorme. <a href="http://adriancheok.info/">Adrian David Cheok</a>, professeur d’informatique, cherche ainsi à développer une technologie permettant de stimuler de manière électromagnétique le cerveau olfactif du destinataire afin de générer une odeur. Un petit appareil situé dans la partie supérieure de la bouche, sous l’os palatin, déclencherait les neurones sensibles à l’odeur dans le cerveau. Cependant ceci est encore loin de convaincre les scientifiques en ingénierie et en études biologiques.</p>
<p>Autre exemple intéressant de l’olfaction numérique : <a href="https://www.quora.com/What-was-iSmell-technology">iSmell</a>, développé par <a href="https://thehustle.co/digiscents-ismell-fail">DigiScents</a>, petit appareil connecté à un ordinateur via un port USB, destiné à créer des odeurs à partir de combinaisons et à les intégrer dans des contenus numériques. L’outil n’a pas rencontré son public, très probablement en raison du fait qu’il ne répondait à aucun besoin – et non pas à cause de la qualité avérée du produit final.</p>
<p>Quoi qu’il en soit, technologiquement, la diffusion des odeurs dans le cyberespace reste sensiblement perfectible, principalement en raison de la qualité de la reproduction et de la transmission des odeurs. Parmi les pistes les plus prometteuses, deux méthodes de transmission se distinguent : une ceinture montée sur tube fixée à un masque pour disséminer les odeurs dans la réalité virtuelle, et une nacelle permettant à l’utilisateur d’inhaler l’air fourni.</p>
<h2>Impacts sur les comportements d’achat</h2>
<p>Étant donné l’impact émotionnel généré par les odeurs et des perspectives économiques considérables qu’elles laissent entrevoir à l’échelle numérique, il est clair que le parfum est aujourd’hui la dernière frontière à franchir technologiquement pour compléter notre expérience sensorielle en ligne.</p>
<p>On recense quatre impacts majeurs que les odeurs peuvent avoir sur les comportements et les interactions humaines : signaux relationnels, réminiscences, émotions et sensations gustatives.</p>
<p>Les « signaux relationnels » constituent la première catégorie d’impacts olfactifs. Les humains reçoivent des odeurs sous forme de messages stimulants et s’y adaptent en conséquence. Les exemples abondent dans la séduction, la guérison, la chasse, la célébration, etc. Nous savons aujourd’hui comment les <a href="https://www.rtl.fr/actu/bien-etre/michel-cymes-nous-fait-decouvrir-les-pheromones-les-hormones-de-l-amour-7792604285">phéromones</a> affectent les relations des humains, et encore plus la communication de certains animaux – notamment les insectes – et les plantes. <a href="https://www.youtube.com/watch?v=lYOwGuqiIfI">Vittorio Gassman</a> et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=losLAzU9YCk">Al Pacino</a> ont respectivement incarnés en 1974 et en 1992, un charmant colonel aveugle à la retraite qui prétend sentir de belles femmes.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/losLAzU9YCk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bande-annonce du film <em>Le temps d’un week-end</em> avec Al Pacino (1992).</span></figcaption>
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<p>Les études sur le comportement des consommateurs affirment que le parfum <a href="http://www.marketing-professionnel.fr/tribune-libre/marketing-olfactif-avantages-201610.html">stimule les relations avec les marques</a> en améliorant la mémoire pour les informations sur les produits. Renifler un parfum congruent dans un objet publicitaire augmente l’attention. Les personnes présentant une perte olfactive évitent les interactions avec leurs amis pendant les repas, sont peu disposées à commenter les aliments et traînent les pieds au restaurant. Les odeurs ont donc un impact sur les interactions sociales et les comportements d’achat.</p>
<p>La « réminiscence » se réfère à l’impact olfactif sur la mémoire, comme <a href="https://1000-idees-de-culture-generale.fr/madeleine-proust/">« l’effet Proust »</a> : le parfum de la madeleine trempée dans le thé rappelle à l’auteur une odeur familière de son enfance. Les odeurs impliquent souvent une correspondance plus forte entre émotion et mémoire, très probablement car le système olfactif dans le cerveau est proche de l’amygdale, les systèmes d’émotion du cerveau, et de l’hippocampe, le traitement de la mémoire.</p>
<h2>Les odeurs renforcent les émotions</h2>
<p>Les <a href="http://www.acrwebsite.org/volumes/v40/acr_v40_510712.pdf">études de comportement des consommateurs</a> révèlent également que les odeurs suscitent de meilleurs souvenirs chez les personnes ayant un sens de l’odorat normal et renforcé. Les différences d’aptitude à l’olfaction chez les clients présentant une faculté normale, renforcée (hyperosmie), diminuée (hyposmie) et une perte de l’odorat (anosmie) ont une incidence sur la mémoire, le jugement et la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/17975508">décision relative aux produits et aux publicités</a>. Nous savons que les odeurs aident les acheteurs à se souvenir des informations sur les produits.</p>
<p>Les « signaux instinctifs » gustatifs tels que la salivation, la motilité gastrique, la reconnaissance des aliments appropriés et des aliments contenant des toxines peuvent également être enflammés par une odeur. La saveur résulte de la combinaison de signaux olfactifs et de données gustatives dans le cerveau. Les restaurants et les cafés utilisent souvent les odeurs comme outils de marketing pour inciter les passants à ouvrir leurs portes et à entrer.</p>
<p>Les « émotions » de bonheur, même les souvenirs de moments heureux, la faim et bien d’autres sentiments sont étonnamment en phase avec les odeurs. Le roman <a href="https://alumni.skema.edu/fr/agenda/visite-privee-le-parfum-2449">« Le parfum »</a> de Patrick Süskind (1985) illustre bien comment la perception olfactive rappelle non seulement les odeurs, mais également les émotions qui leur sont associées. Les odeurs déclenchent également des souvenirs aversifs désagréables plus détaillés que les deux autres stimuli sensoriels auditifs (musique) et visuels (couleurs de la lumière).</p>
<p>Les études sur le comportement des consommateurs montrent donc que les souvenirs évoqués par les odeurs sont plus émotionnels que ceux évoqués verbalement. Les exemples abondent : les bas nylons à odeur d’orange se vendent mieux que les bas non parfumés. Une paire de chaussures Nike convient mieux aux clients dans une pièce au parfum floral que dans une pièce sans odeur. Les clients perçoivent les odeurs plutôt comme étant appropriées et inappropriées que comme un plaisir ou un désagrément.</p>
<p>Ce pourrait donc finalement être les enjeux business qui stimuleront les progrès technologiques pour atteindre la dernière frontière du cyberespace…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117873/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Djamchid Assadi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>De nombreuses initiatives sont en cours pour tenter d’intégrer l’odorat parmi les sens stimulés par les contenus numériques.Djamchid Assadi, Professeur associé au département « Digital Management », Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1106292019-02-11T20:53:57Z2019-02-11T20:53:57ZLe parfum de Dieu dans l’Antiquité, un mystère hors de portée ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/256902/original/file-20190202-112314-1vp5ue7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C2%2C951%2C635&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quelle était l'odeur associée au parfum de Dieu dans l'Antiquité?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/encens-indien-aromatiques-b%C3%A2ton-1961430/">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les odeurs sont souvent associées à des ambiances ou à des lieux, et intimement associées à notre mémoire. Une touche de parfum, et voici que le salon devient plus convivial ; telle senteur évoque la nature et la sérénité ; telle autre rappelle l’hôpital et peut mettre un peu mal à l’aise. De la même façon il existait, dans le temple de Jérusalem, dans l’Antiquité, une odeur du sacré, un mélange de parfums strictement réservés à Dieu, que l’on ne sentait qu’en sa présence.</p>
<h2>Des parfums mystérieux</h2>
<p>Dans le livre de l’Exode, la recette du premier de ces parfums si spécifiques est fournie :</p>
<blockquote>
<p>« Procure-toi aussi des aromates de première qualité : de la myrrhe fluide, cinq cents sicles ; du cinnamome aromatique, la moitié, soit deux cent cinquante ; du roseau aromatique, deux cent cinquante ; de la casse, cinq cents, en sicles du sanctuaire, avec un hîn d’huile d’olive. » (Exode 30.23-24)</p>
</blockquote>
<p>Suivent des conditions sévères : les objets du culte doivent être oints de cette huile parfumée et tout ce qui la touchera deviendra saint, mais cette huile ne doit être ointe sur personne, sa recette ne doit pas être copiée car elle est sacrée et celui qui voudrait l’imiter sera retranché du peuple.</p>
<p>Suit la recette d’un deuxième parfum, celui-ci n’étant pas une huile à répandre mais un mélange solide à brûler sur l’autel :</p>
<blockquote>
<p>« Procure-toi des essences parfumées : storax, ambre, galbanum parfumé, encens pur, en parties égales. Tu en feras un parfum mélangé, travail de parfumeur, salé, pur, sacré ». (Exode 30.34-35).</p>
</blockquote>
<p>Ce parfum-là aussi est restreint au culte ; son usage dans le monde profane ou son imitation, même pour le simple désir d’en connaître l’odeur, sont condamnés par la mort du fautif.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/256903/original/file-20190202-108338-1x985wc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/256903/original/file-20190202-108338-1x985wc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/256903/original/file-20190202-108338-1x985wc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/256903/original/file-20190202-108338-1x985wc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/256903/original/file-20190202-108338-1x985wc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/256903/original/file-20190202-108338-1x985wc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/256903/original/file-20190202-108338-1x985wc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">James Tissot (1836-1902), <em>Solomon dedicates the Temple at Jerusalem</em>.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span></span>
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</figure>
<p>Malheureusement, ces citations, issues de la Traduction œcuménique de la Bible, comprennent des approximations puisque les termes d’origine, en hébreu, sont des mots techniques. La bible de Louis Segond, pour le parfum solide, mélange plutôt du stacté et de l’ongle odorant au galbanum et à l’encens ; la bible Darby traduit l’ambre par « de la coquille odorante » ; la bible Martin y voit « de l’onyx », etc. Pourrons-nous reconstituer l’odeur de ces parfums ? Pas sûr : on ne sait pas réellement, au fond, ce qu’ils contenaient.</p>
<p>Tout ce que l’on sait, c’est que ces deux parfums ne pouvaient être sentis que dans le temple de Jérusalem. À l’inverse, l’emploi de parfums profanes sur l’autel est strictement interdit (Exode 30.9). Il existait donc une odeur du sacré, une odeur que les fidèles associaient sans doute à la présence de Dieu.</p>
<h2>Un symbole de la grandeur de Dieu</h2>
<p>Cette odeur spécifique au sanctuaire se retrouve dans de nombreuses sources antiques. Elle évoque toujours la grandeur de Dieu. Dans le Talmud de Jérusalem (V<sup>e</sup> siècle de notre ère), le souvenir est particulièrement embelli : on dit que, jusqu’à Jéricho, on pouvait sentir l’odeur de l’encens brûlé au temple et entendre la musique et la voix du grand prêtre (TJ, Soucca, V, 3), soit à vingt-cinq kilomètres de distance ! Bien entendu, c’est très improbable, mais ce qui compte, c’est surtout que le sanctuaire, dans cette mémoire rabbinique, était un lieu hors du commun, qui transcendait toutes les lois de la nature, parce qu’il était le séjour du Dieu d’Israël.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/256905/original/file-20190202-108351-1wokkjp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/256905/original/file-20190202-108351-1wokkjp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/256905/original/file-20190202-108351-1wokkjp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/256905/original/file-20190202-108351-1wokkjp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/256905/original/file-20190202-108351-1wokkjp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=442&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/256905/original/file-20190202-108351-1wokkjp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=442&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/256905/original/file-20190202-108351-1wokkjp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=442&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le temple dominant Jérusalem.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span></span>
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</figure>
<p>À cause de cet enjeu, les rois étrangers ont toujours fait attention à respecter le temple. En 200 av. J.-C., le roi séleucide Antiochos III s’empare de Jérusalem qui appartenait jusque-là aux Ptolémées ; <a href="https://www.editionsducerf.fr/librairie/livre/2087/les-antiquites-juives-livres-x-xi">il s’engage alors</a>, entre autres, à subventionner le culte annuellement avec des bêtes à sacrifier, du vin à offrir en libations, de l’huile, de la farine, du blé, du sel, mais aussi de l’encens. En 135 av. J.-C., l’un de ses lointains successeurs, Antiochos VII, signe une trêve avec les Maccabées en offrant pour le temple des <a href="https://www.editionsducerf.fr/librairie/livre/2087/les-antiquites-juives-livres-x-xi">taureaux à sacrifier et des coupes pleines de parfums</a>.</p>
<p>Offrir du parfum est donc un moyen, pour les puissances qui dominent la Judée, d’acheter le soutien des prêtres. Ceux-ci peuvent justifier leur ralliement en montrant que le roi, par son offrande, accepte de se soumettre à Dieu. Ainsi, le parfum offert par les rois, officiellement, matérialise la suprématie de Dieu sur les pouvoirs terrestres.</p>
<h2>L’odeur des sacrifices</h2>
<p>Mais l’odeur du temple de Jérusalem ne se limite pas aux parfums. Chaque jour, de nombreuses bêtes sont abattues en l’honneur de Dieu : c’est une véritable boucherie, avec ses odeurs évidentes. Le sang répandu sur l’autel est heureusement nettoyé par l’usage d’une quantité d’eau abondante, mais l’on peut imaginer l’odeur de toutes les viandes qui rôtissent : tourterelles, pigeons, chevreaux, boucs, taureaux, etc.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/256904/original/file-20190202-108338-snjfk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/256904/original/file-20190202-108338-snjfk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/256904/original/file-20190202-108338-snjfk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/256904/original/file-20190202-108338-snjfk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/256904/original/file-20190202-108338-snjfk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/256904/original/file-20190202-108338-snjfk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/256904/original/file-20190202-108338-snjfk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Sébastien Bourdon, <em>Le Sacrifice de Noé a la sortie de l’Arche</em>, 1640.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>C’est aussi une grande cuisine : hormis les holocaustes entièrement brûlés, la plupart des sacrifices donnent lieu à un repas. Les prêtres obtiennent des parts, les fidèles aussi, et dans le cas des sacrifices de communion, c’est un véritable banquet qui peut être organisé grâce à l’autel. L’odeur de viande, rôtie pour ce qui revient à Dieu et bouillie pour la part des mortels, se mélange aux parfums et aux odeurs diverses de cette foule d’hommes et de bêtes réunies sur le parvis. On rôtit aussi des grains de blé (Lévitique 2.14) ; on y cuit des gâteaux sur lesquels on répand souvent de l’encens, etc. C’est à bon droit que la bible peut ainsi parler des « sacrifices de bonne odeur » pour les rituels parfaitement accomplis, agréés par Dieu (Nombres 28.2).</p>
<p>Ainsi, sur le parvis du temple de Jérusalem, dans l’Antiquité, le sacré avait une odeur précise, que l’on ne rencontrait nulle part ailleurs, et qui donnait à percevoir directement la présence de Dieu.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/110629/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michaël Girardin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il existait dans le temple de Jérusalem, dans l’Antiquité, une odeur du sacré, un mélange de parfums strictement réservés à Dieu, que l’on ne sentait que là et qui représentait sa divine présence.Michaël Girardin, Docteur en Histoire Ancienne, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1081212019-01-01T23:29:00Z2019-01-01T23:29:00ZToujours plus de CO₂ dans les eaux perturbe l’odorat et le comportement des poissons<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/251475/original/file-20181219-27779-11kye6p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=49%2C122%2C3961%2C2434&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un bar géant à l’Académie des sciences de Californie. L’odorat des poissons est très affecté par un niveau élevé de CO2 dans l'océan.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/b/b8/Giant_Sea_Bass%2C_CAS.jpg">Togabi/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span></figcaption></figure><p>Pourquoi certains poissons-clowns s’aventurent-ils à nager près d’une rascasse, leur prédateur naturel ? Et comment expliquer qu’ils peinent parfois à retrouver leur anémone de mer, cet animal avec qui ils vivent en <a href="http://www.recifs.org/modules.314.html">étonnante symbiose</a> ? Une menace invisible semble peser sur l’odorat des poissons, cet odorat qui constitue leur principal moyen de défense</p>
<p>Les poissons appréhendent l’environnement à l’aide de capteurs situés dans leur cavité nasale, assez semblables à ceux dont les êtres humains sont dotés. Ces capteurs détectent les odeurs présentes dans l’eau et transmettent les informations relatives au cerveau via le système nerveux.</p>
<p>On note parallèlement que la quantité de CO<sub>2</sub> contenue dans l’atmosphère <a href="https://www.co2.earth/">augmente régulièrement</a>. Les océans en absorbent environ un quart, atténuant ainsi ses effets sur le changement climatique, mais ce mécanisme <a href="https://www.co2.earth/carbon-in-the-ocean">accroît leur acidité</a>.</p>
<p>Des études ont montré que ces altérations de la composition chimique de l’océan <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/gcb.13167">impactent le comportement</a> de certains poissons, allant même jusqu’à être attirés par l’<a href="http://www.pnas.org/content/107/29/12930.abstract">odeur de leurs prédateurs</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/247931/original/file-20181129-170223-gv7zdf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/247931/original/file-20181129-170223-gv7zdf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/247931/original/file-20181129-170223-gv7zdf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/247931/original/file-20181129-170223-gv7zdf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/247931/original/file-20181129-170223-gv7zdf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=487&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/247931/original/file-20181129-170223-gv7zdf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=487&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/247931/original/file-20181129-170223-gv7zdf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=487&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le système olfactif du poisson.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cosima Porteus</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>L’exemple du bar</h2>
<p>Ce changement de comportement chez certains poissons pourrait avoir de graves répercussions sur des populations entières, menaçant l’environnement et des sources de nourriture. Mais comment la hausse des taux de CO<sub>2</sub> affecte-t-elle le comportement des poissons ?</p>
<p>Dans le cadre de <a href="https://doi.org/10.1038/s41558-018-0224-8">notre dernière étude</a>, nous nous sommes penchés sur cette question en prenant l’exemple du bar commun, une espèce au poids économique fort puisque plus de 150 000 tonnes de bar sont vendues en Europe <a href="http://www.fao.org/fishery/culturedspecies/Dicentrarchus_labrax/en">chaque année</a>. Ce poisson donne souvent du fil à retordre aux pêcheurs, en se débattant vivement dans les filets.</p>
<h2>Un étrange comportement</h2>
<p>Nos <a href="https://doi.org/10.1038/s41558-018-0224-8">travaux</a> visaient d’abord à déterminer si la présence de grandes quantités de CO<sub>2</sub> avait le même impact sur le comportement des bars que sur d’autres espèces de poissons.</p>
<p>De jeunes bars ont donc été placés dans de l’eau de mer : un groupe témoin présentait des taux actuels de CO<sub>2</sub> ; un autre groupe, les valeurs estimées pour la fin du siècle. Nous avons réussi à répliquer les modifications attendues des taux de CO<sub>2</sub> et de l’acidité de l’eau <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/PH">mesurée par le pH</a> en ajoutant de petites bulles de CO<sub>2</sub> à l’eau de mer. Les réponses comportementales des bars ont ensuite été analysées en introduisant une odeur de prédateur après 2, 7 et 14 jours d’exposition à ces conditions.</p>
<p>Notre expérience montre que plus les bars sont exposés à de forts taux de CO<sub>2</sub>, plus leur comportement diffère de celui des poissons placés dans les conditions actuelles. Ils sont également moins enclins à réagir à une odeur de prédateur, nagent moins et ont tendance à s’immobiliser davantage que leurs congénères du groupe témoin, ce qui est un signe d’<a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0166432809006743">anxiété</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ggWLtMyPpW0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Comportement de jeunes bars communs exposés à différents taux de CO₂, avant et après l’introduction d’une odeur de prédateur.</span></figcaption>
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<h2>Un odorat altéré par le CO<sub>2</sub></h2>
<p>Nous avons ainsi supposé que l’acidité croissante de l’eau de mer causée par l’augmentation des taux de CO<sub>2</sub> pouvait altérer l’odorat des poissons, et donc la perception de ce qui les entoure.</p>
<p>Pour cela, nous avons testé différentes odeurs permettant aux poissons de détecter la nourriture, leurs congénères, les dangers et les prédateurs, avec les valeurs de CO<sub>2</sub> actuelles et des taux plus élevés. Or les poissons exposés à de fortes quantités de CO<sub>2</sub> se montraient moins aptes à détecter huit des dix odeurs introduites. Leur sens de l’odorat était réduit de moitié : il a fallu multiplier par cinq la concentration de certaines odeurs avant qu’ils ne parviennent à les détecter.</p>
<p>Cette perte d’odorat peut-elle avoir une influence majeure sur la capacité des poissons à percevoir leur environnement ? Selon nos calculs, la distance de détection des odeurs – y compris de la nourriture – est réduite de 42 % chez les poissons exposés à de forts taux de CO<sub>2</sub>.</p>
<h2>Une perte généralisée de leurs sens</h2>
<p>Les animaux – humains compris – sont capables de répondre à des changements d’environnement en modifiant le type de protéines qu’ils fabriquent via leurs cellules, et en désactivant ou en activant certains gènes grâce à un processus appelé l’<a href="https://www.nature.com/scitable/topicpage/gene-expression-14121669">expression génétique</a>.</p>
<p>Ces expériences ayant été conduites sur de brèves périodes (une à deux heures), nous avons souhaité savoir si les poissons pouvaient compenser une perte d’odorat sur plusieurs jours.</p>
<p>Pour ce faire, nous avons mesuré la concentration de gènes contenus dans leur nez et leur lobe olfactif, la partie du cerveau qui reçoit directement les informations transmises par le nez.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/247739/original/file-20181128-32221-hbp3aj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/247739/original/file-20181128-32221-hbp3aj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/247739/original/file-20181128-32221-hbp3aj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/247739/original/file-20181128-32221-hbp3aj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/247739/original/file-20181128-32221-hbp3aj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/247739/original/file-20181128-32221-hbp3aj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/247739/original/file-20181128-32221-hbp3aj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des poissons-clowns dans le récif de corail d’Andaman. La concentration en CO₂ des eaux a un effet sur leur comportement.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/f/f6/Clown_fish_in_the_Andaman_Coral_Reef.jpg">Ritiks/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<p>Au lieu de fabriquer des récepteurs plus efficaces en cas d’augmentation du taux de CO<sub>2</sub> ou de la baisse du pH, les bars se fient moins à leur odorat et utilisent généralement moins de récepteurs. Dans leur cerveau, les modifications des gènes exprimés indiquent que les neurones sont également moins sensibles aux informations reçues.</p>
<p>Nous savons aussi que l’augmentation des taux de CO<sub>2</sub> affecte la <a href="http://jeb.biologists.org/content/217/3/323.abstract">vue des poissons</a> et la manière dont ils <a href="http://rsbl.royalsocietypublishing.org/content/7/6/917.full.pdf+html">réagissent aux sons</a>. Il apparaît dès lors peu probable que leurs autres sens leur permettent de compenser la perte d’odorat.</p>
<p>C’est d’ailleurs l’inverse qui se produit. Les poissons perdent leurs capacités à interagir avec leur environnement, ces résultats concordant avec nos observations comportementales.</p>
<p>Certains poissons qui sollicitent davantage leur odorat que d’autres, se voient donc plus particulièrement affectés par l’acidification des océans. Ces observations montrent que si nous ne freinons pas nos émissions de CO<sub>2</sub>, ils pourraient disparaître plus rapidement que nous ne le pensons.</p>
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<figcaption><span class="caption">L’acidité des océans provoque une perte d’odorat chez les poissons, un film du Dr Porteus.</span></figcaption>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=121&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=121&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=121&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=152&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=152&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=152&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Créé en 2007 pour favoriser le partage des connaissances scientifiques sur les questions de société, AXA Research Fund soutient plus de 600 projets à travers le monde portés par des chercheurs de 54 nationalités. Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site du <a href="https://www.axa-research.org">Axa Research Fund</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/108121/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cosima Porteus a reçu des financements de la fondation Axa Research Fund et du Royal Society Newton International Fellowship.</span></em></p>La concentration du CO₂ dans l’océan affecte la manière dont les poissons détectent les prédateurs, leurs congénères ou la nourriture. Une menace pour des populations entières de poissons.Cosima Porteus, Postdoctoral Fellow, Axa Research Fund Fellow, University of ExeterLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/800522017-07-19T23:13:32Z2017-07-19T23:13:32ZDiagnostiquer un malade à son haleine sera bientôt possible<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/177728/original/file-20170711-14415-etxsxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un nez électronique s'est montré capable de reconnaître 17 maladies en analysant l'haleine des patients. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/young-man-blows-off-his-hands-599520398?src=ZzuiiztZBcg8Qbh0mo_b-Q-4-98">Darkmediamotion/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la Science 2017 dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr">Fetedelascience.fr</a>.</em> </p>
<hr>
<p>L’idée de reconnaître des maladies <a href="https://theconversation.com/fr/topics/olfaction-28801">à l’odeur</a> n’est pas forcément prise au sérieux. Pourtant, les études convaincantes s’accumulent. Ces dernières années, la littérature scientifique a fourni des résultats forts prometteurs dans le diagnostic de maladies infectieuses, neurologiques, ou encore des cancers. Ces analyses sont réalisées à partir de prélèvements de patients comme leur haleine, leur sueur, leur urine, ou encore des cultures de cellules.</p>
<p>On utilise parfois <a href="http://www.20minutes.fr/sante/1971631-20161206-comment-animaux-aident-diagnostic-certaines-maladies-chez-humains">des animaux à l’odorat sensible</a> comme les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=fAv2WR8UIJM">chiens</a> ou les rats. Mais le plus souvent, ce sont des capteurs électroniques qui servent à l’examen des molécules odorantes. Avec des résultats plutôt fiables, du moins en laboratoire.</p>
<p>Ces pratiques avaient jusqu’à maintenant suscité l’intérêt d’un cercle restreint de scientifiques et de médecins. Mais l’article publié en début d’année <a href="http://pubs.acs.org/doi/abs/10.1021/acsnano.6b04930">par Morad Nakhleh, chercheur à Technion (Israel Institute of Technology) à Haïfa, et ses collègues</a>, pourrait bien accélérer les applications en médecine. Cette meta-analyse a permis de réunir les résultats d'expériences menées dans différents pays, utilisant toutes le nez électronique conçu par le Pr Hossam Haick, directeur du <a href="http://lnbd.technion.ac.il/">Laboratoire de dispositifs à base de nano-matériaux</a> (Laboratory for Nanomaterial-Based Devices) de Technion. </p>
<p>Pour la première fois, une collaboration internationale réunissait sur ce sujet 14 laboratoires dont, en France, l’unité Inserm Hypertension artérielle pulmonaire dirigée par le Pr Marc Humbert, de l’université Paris Sud. Le laboratoire du Technion a ainsi pu valider le principe d'un diagnostic olfactif de 17 pathologies majeures comme la maladie de Crohn ou le cancer des ovaires (voir la liste complète <a href="http://pubs.acs.org/doi/pdf/10.1021/acsnano.6b04930">dans le tableau 1 de l’article</a>) par des « nez » électroniques.</p>
<h2>1 404 personnes ont « soufflé dans le ballon »</h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/177734/original/file-20170711-13192-4rlc40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/177734/original/file-20170711-13192-4rlc40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=365&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/177734/original/file-20170711-13192-4rlc40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=365&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/177734/original/file-20170711-13192-4rlc40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=365&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/177734/original/file-20170711-13192-4rlc40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/177734/original/file-20170711-13192-4rlc40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/177734/original/file-20170711-13192-4rlc40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’éthylotest, utilisé pour la sécurité routière, mesure le taux d’éthanol dans l’air expiré.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/komunews/8684229367/in/photolist-adXoR-4tcZis-4td52E-mBBmX5-4td44N-4td1Mm-4t91bX-4td1bW-4t8Z76-7nmDvX-4t8YRD-o69pKQ-4td595-5WfUfG-4td5qY-27Msyz-9xqeLM-4t92ev-5FNjYr-cg5Mkh-eeoWQx-cCeHaf-aeweDM-bsbrDe-5PT6DC-6ARhJy-4cqmyW-9CCZiH-3aifpR-bebEpa-bsaW3Z-8qkLee-9nrLu1-eeuF2G-d4ptBQ-5iptZz-2D1K93-r29f8z-4t8ZwT-5itKTL-dJF9Y-4AKiyq-oDPrSP-oWjDGT-oDQuxp-oDPxZZ-oWhNFq-oWhKWh-oDQiDw-zy16fP">Ashleigh Jackson/KOMU</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>D’emblée, les chercheurs ont misé sur une vaste cohorte de sujets, répartie dans cinq pays. Neuf hôpitaux ont sollicité au total 591 personnes en bonne santé et 813 patients souffrant des 17 maladies, déjà identifiées chez eux. Le personnel soignant les a fait « souffler dans le ballon », un peu à la manière des contrôles pour l’alcool au volant. Leur haleine a été collectée dans des ballons en mylar, cette matière plastique résistante servant à fabriquer ceux à l’hélium pour les enfants.</p>
<p>Deux types de pathologies avaient été sélectionnées. D’une part, des maladies sans aucun rapport entre elles, par exemple la pré-éclampsie – une hypertension artérielle durant la grossesse – et la maladie de Parkinson. Ces maladies présentent a priori peu ou pas de marqueurs biologiques communs. D’autre part, des affections touchant les mêmes organes, par exemple le cancer colorectal (le côlon et le rectum) et la maladie de Crohn (l’ensemble du tube digestif). Celles-ci pourraient posséder des marqueurs pathologiques communs et donc être plus difficiles à discriminer pour les médecins – d’où l’intérêt de pouvoir les distinguer par le diagnostic olfactif.</p>
<h2>Un ordinateur connecté au « nez »</h2>
<p>Le « nez » électronique ne ressemble en rien au nôtre. Il se compose d’un support conducteur de l’électricité – dans cette étude, des nanoparticules d’or – qu’on recouvre d’une couche ultramince d’un matériau synthétique. Celui-ci va <a href="http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/adsorption/18849">adsorber</a> (fixer temporairement en surface) les molécules volatiles et servir de senseur, c’est-à-dire de dispositif de détection. Il faut imaginer tout cela à l’échelle du micromètre (un millionième de mètre) ou même du nanomètre (un milliardième de mètre).</p>
<p>Lorsqu’on fait passer les molécules volatiles de l’haleine sur un tel dispositif, on observe des modifications du courant électrique dans le conducteur, différentes selon des molécules capturées. Pour améliorer les performances de ces détecteurs, on les regroupe en réseaux afin de pouvoir collecter un grand nombre de données pour un même échantillon d’air.</p>
<p>Tout l’enjeu consiste ensuite à analyser correctement ces signaux électriques de façon à bien mettre en évidence leur spécificité et à évacuer toute interférence. Le nez électronique est bio-inspiré, autrement dit copié sur le nez humain : comme notre propre système olfactif, un processus d’apprentissage lui est nécessaire pour reconnaître les odeurs caractéristiques des maladies. Des algorithmes de reconnaissance des odeurs ont donc été élaborés.</p>
<p>Les interférences à éliminer sont de plusieurs sortes. Le tabac laisse des traces fort perceptibles dans l’haleine – comme les proches des fumeurs peuvent le constater – et peut donc perturber le nez électronique. Nous exhalons également des substances particulières liées à notre âge ou à notre sexe qui pourraient, elles aussi, interférer. L’exploitation informatique des résultats a permis de s’affranchir de ces biais, en identifiant les signaux liés à ces facteurs et en faisant ressortir de manière nette les signatures spécifiques des pathologies.</p>
<p>Les chercheurs ont ensuite appliqué une seconde analyse statistique à ces signatures spécifiques. Et ils ont réussi, lors de tests en aveugle, à obtenir un diagnostic juste dans 86 % des cas en moyenne. Les résultats variaient d’une précision de 64 % dans les cas les plus difficiles à discriminer, par exemple distinguer le cancer gastrique de celui de la vessie, à 100 % pour les plus faciles, comme distinguer un cancer de la tête et du cou d’un cancer des poumons.</p>
<h2>L’analyse chimique confirme le diagnostic</h2>
<p>En dépit de cette avancée spectaculaire, l’équipe restait sur sa faim. D’une part, le nez électronique, malgré ses performances, est incapable d’identifier les composés volatils qu’il a « sentis ». Il n’en dresse en quelque sorte que le portrait-robot olfactif. D’autre part, comme des résultats précédents l’avaient déjà montré, des dizaines de composés organiques volatils se retrouvent aussi bien chez les personnes en bonne santé que chez les malades. Il fallait donc un outil complémentaire, capable d’affiner le portrait-robot…</p>
<p>Les chercheurs ont opté pour la méthode-reine pour les chimistes analytiques, qui s’appelle la <a href="http://www.eaglabs.fr/cm/gc-ms.html">GC-MS</a> (pour <em>gas chromatography-mass spectroscopy</em>), une chromatographie en phase gazeuse suivie d’une spectrométrie de masse. Cette technique est puissante car elle permet d’identifier et de quantifier chacun des composants chimiques d’un mélange. Le résultat s’est avéré très concluant : si aucun des composés volatils ne permet, à lui seul, de caractériser une maladie, la combinaison de seulement 13 composés suffit à distinguer les unes des autres les 17 maladies étudiées.</p>
<p>La GC-MS vient donc ajouter un support chimique analytique aux discriminations effectuées par le nez électronique. Cependant, les analyses sont plus longues et plus coûteuses qu’avec ce dernier, et elles nécessitent un personnel spécialisé.</p>
<h2>Encore du chemin à parcourir avant l’application en médecine</h2>
<p>Le nez électronique, donc, constitue une petite révolution dans le domaine du diagnostic médical. Bon marché, polyvalent, non invasif (sans effraction du corps), ce nez est un dispositif qu’un patient pourrait tout à fait utiliser à la maison, son médecin recevant les résultats via Internet ou un smartphone. Il permettra surtout une détection précoce, qui sera bénéfique aussi bien aux malades qu’à l’Assurance maladie.</p>
<p>Un nez électronique est déjà opérationnel dans l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP). Cette maladie mortelle n’est habituellement diagnostiquée qu’à un stade avancé et de façon invasive, par introduction d’une sonde dans une veine, jusqu’aux cavités droites du cœur. <a href="http://www.idf.inserm.fr/actualites/sur-la-piste-d-un-nez-electronique-pour-renifler-l-hypertension-arterielle-pulmonaire">La collaboration</a> entre l’unité Inserm Hypertension artérielle pulmonaire et l’unité de Technion dirigée par le Pr Hossam Haick a permis de montrer l’efficacité du procédé. Ce nez <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24032390">détecte en effet l’HTAP avec une précision de 92 %</a>. Les chercheurs envisagent maintenant un essai clinique de validation, dans le cadre du Centre de référence de l’hypertension pulmonaire à l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (APHP).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/177764/original/file-20170711-14452-bqs60q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/177764/original/file-20170711-14452-bqs60q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/177764/original/file-20170711-14452-bqs60q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/177764/original/file-20170711-14452-bqs60q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/177764/original/file-20170711-14452-bqs60q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/177764/original/file-20170711-14452-bqs60q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/177764/original/file-20170711-14452-bqs60q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un nez électronique issu des travaux de l’équipe du Pr Hossam Haick, à Technion en Israël. Dans le futur, il suffira de souffler dans ce genre d’appareil pour obtenir une analyse de son état de santé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Hossam Haick</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Du chemin reste toutefois à parcourir avant de pouvoir appliquer le diagnostic olfactif dans la médecine de tous les jours. Il faudra évaluer la technique sur de plus larges populations, la standardiser, concevoir des certifications et des marquages CE (conformité européenne), mais aussi créer des banques d’odeurs de maladies. Durant l’Antiquité, les médecins n’avaient pas d’autre moyen que leur propre nez pour déterminer une maladie. Il était temps de voir cet organe, éclipsé par la prééminence des moyens lourds de diagnostic, enfin réhabilité par l’époque moderne !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/80052/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvia Cohen-kaminsky a reçu des financements de INSERM, AP-HP, Leg Poix/Chancellerie des Universités de Paris/Université Paris Sud</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Roland Salesse ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un « nez » électronique s’est montré capable de reconnaître 17 maladies à partir de l’air exhalé par les patients. Mais la technique doit encore être standardisée.Roland Salesse, Ingénieur agronome, chargé de mission à la culture scientifique, Unité Inra de Neurobiologie de l'Olfaction, InraeSylvia Cohen-kaminsky, Immunologiste, directrice de Recherche, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/806382017-07-18T22:06:29Z2017-07-18T22:06:29ZLe nez : porte ouverte sur le cerveau pour pathogènes… et médicaments !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/177914/original/file-20170712-19689-yhp22q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=936%2C27%2C5079%2C2233&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Nez d'enfant.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/face-fille-nez-bouche-joues-1381321/">Pezibear/Pixabay</a></span></figcaption></figure><p>Pour bien démarrer la journée, on conseille parfois de respirer à pleins poumons un grand bol d’air frais. Mais est-ce si anodin ? Faites attention, vous pourriez bien respirer des pathogènes néfastes pour votre cerveau… Le nez, organe sensoriel capable de détecter des odeurs, est une porte d’entrée pour de nombreux micro-organismes (chacun d’entre nous, se souvenant de son dernier rhume, le sait bien). En revanche, ce que l’on sait moins est que certains pathogènes peuvent atteindre le cerveau en passant par le nez.</p>
<p>En temps normal, le cerveau est bien protégé des agents pathogènes par des barrières physiques relativement étanches comme la barrière hémato-encéphalique (BHE). Cette BHE située à l’interface sang – tissu cérébral, est constituée par divers types cellulaires. Notamment par les cellules endothéliales qui, reliées les unes aux autres par des « jonctions serrées » assurent l’étanchéité de la barrière (figure ci-dessous). La BHE joue un rôle crucial dans le fonctionnement cérébral.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/177924/original/file-20170712-19701-ogqhdf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/177924/original/file-20170712-19701-ogqhdf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/177924/original/file-20170712-19701-ogqhdf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/177924/original/file-20170712-19701-ogqhdf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/177924/original/file-20170712-19701-ogqhdf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/177924/original/file-20170712-19701-ogqhdf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/177924/original/file-20170712-19701-ogqhdf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Schéma illustratif de la barrière hémato-encéphalique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bertrand Bryche</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Mais cette fameuse barrière n’existe pas sur le trajet de nerfs qui ont leur origine dans la cavité nasale : le nerf olfactif et une partie du nerf trijumeau.</p>
<p>Comme on peut le voir sur le schéma ci-dessous, le nerf olfactif s’organise à partir des axones des neurones olfactifs, traverse une paroi osseuse poreuse (que l’on appelle la lame criblée de l’ethmoïde) et rejoint le bulbe olfactif, première structure cérébrale centrale impliquée dans la collecte et le « tri » des informations olfactives. Le bulbe est lui-même en interaction avec d’autres structures cérébrales. L’autre nerf, branche du nerf trijumeau, se projette de la même façon vers le bulbe et d’autres régions cérébrales.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/177926/original/file-20170712-19670-wzaq1x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/177926/original/file-20170712-19670-wzaq1x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/177926/original/file-20170712-19670-wzaq1x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/177926/original/file-20170712-19670-wzaq1x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/177926/original/file-20170712-19670-wzaq1x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=540&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/177926/original/file-20170712-19670-wzaq1x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=540&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/177926/original/file-20170712-19670-wzaq1x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=540&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Illustration schématique du nerf olfactif (en jaune).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bertrand Bryche</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>En conséquence, la voie nasale peut constituer une voie d’entrée directe vers le cerveau pour des micro-organismes et des <a href="https://fr.wiktionary.org/wiki/x%C3%A9nobiotique">xénobiotiques</a> utilisant ces nerfs comme des « rails d’acheminement ». De nombreux travaux menés dernièrement s’interrogent d’ailleurs sur l’éventuelle toxicité cérébrale de polluants atmosphériques que nous inhalons, et leur implication éventuelle dans des pathologies telles que la maladie d’Alzheimer.</p>
<h2>Un système de défense local pour lutter contre les pathogènes</h2>
<p>La cavité nasale est constamment exposée à des poussières et des germes en suspension dans l’air mais la plupart du temps des mécanismes locaux de défense, notamment la sécrétion de mucus, permettent de limiter l’impact de ces indésirables. Normalement sécrété à hauteur de 1 à 2 litres par jour, le mucus permet « d’enrober » les microbes et de les acheminer vers la gorge grâce à des cils vibratiles présents dans la muqueuse et le tractus respiratoire. Ces microbes finissent leur course dans l’estomac où ils sont éliminés.</p>
<p>On retrouve par ailleurs dans le mucus des composés antimicrobiens comme les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9fensine">défensines</a>. Une idée émergente est que le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Microbiote">microbiote</a> résidant dans le nez pourrait également participer à la protection via une occupation « physique » de la muqueuse nasale (empêchant ainsi les pathogènes de s’y installer). Bien que d’autres systèmes de défense soient présents, l’immunité autour du nerf olfactif reste à ce jour peu caractérisée.</p>
<h2>Une amibe « mangeuse de cerveau » dans la voie olfactive</h2>
<p>Parmi les pathogènes empruntant la voie olfactive, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Naegleria_fowleri"><em>Naegleria fowleri</em></a> constitue une véritable menace. Cette amibe (un être vivant unicellulaire) présente dans les sources chaudes, les lacs, et parfois même les réseaux d’eau et les piscines mal entretenues, est capable de pénétrer dans le nez de la victime lorsque celle-ci nage dans de l’eau contaminée. L’amibe se déplace le long du nerf olfactif, jusqu’à atteindre le cerveau où elle provoque <a href="https://academic.oup.com/femspd/article-lookup/doi/10.1111/j.1574-695X.2007.00332.x">des lésions et une importante inflammation</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/177927/original/file-20170712-11517-6q85ke.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/177927/original/file-20170712-11517-6q85ke.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/177927/original/file-20170712-11517-6q85ke.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/177927/original/file-20170712-11517-6q85ke.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/177927/original/file-20170712-11517-6q85ke.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/177927/original/file-20170712-11517-6q85ke.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/177927/original/file-20170712-11517-6q85ke.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’amibe existe sous différentes formes (A). Elle pénètre par la voie olfactive et provoque des lésions cérébrales (B,C). Coupe histologique d’un cerveau de souris saine (B) ou 10 jours après une infection intranasale avec l’amibe (C). On observe des lésions notamment au niveau du bulbe olfactif (flèche noire).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bertrand Bryche</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Les mécanismes d’invasion du cerveau ne sont pas encore très bien compris mais des travaux suggèrent que l’amibe serait « attirée » par l’acétylcholine, un neurotransmetteur important pour le fonctionnement cérébral et qu’elle déstabiliserait les barrières en désorganisant les jonctions serrées. Dans 95 % des cas, la mort survient en moins de deux semaines, précédées de violents maux de tête et d’un état comateux. L’arsenal thérapeutique est limité et aléatoirement efficace, d’autant qu’il est parfois difficile d’identifier le pathogène.</p>
<p>Fort heureusement, ces infections sont très rares du fait des traitements des eaux et du tropisme de l’amibe (qui se développe essentiellement sous des climats tropicaux). Le réchauffement climatique fait toutefois craindre aux experts une recrudescence des cas.</p>
<h2>La voie intranasale pour traiter les maladies cérébrales ?</h2>
<p>Peu invasive et contraignante, l’utilisation de la voie nasale pour diffuser des médicaments dans l’organisme est utilisée depuis de nombreuses années (certains vaccins contre la grippe aux États-Unis se présentent sous forme de spray nasal). La riche vascularisation du nez assure en effet une diffusion rapide des principes actifs dans l’organisme tout en court-circuitant le foie dont le métabolisme limite les effets des médicaments ingérés. Par la voie nasale, toutefois, on ne peut pas délivrer un volume important ni répéter les instillations qui finiraient par irriter la muqueuse. Par ailleurs, les enzymes du mucus peuvent également altérer l’efficacité des médicaments.</p>
<p>Au-delà des problématiques liées aux pathogènes, le « rail olfactif » constitue néanmoins une aubaine pour les chercheurs travaillant sur le traitement des maladies neurodégénératives. L’idée d’utiliser ce « portail vers le cerveau » pour acheminer les médicaments aux zones cérébrales lésées remonte à une vingtaine d’années mais de récentes avancées technologiques permettent d’entrevoir des thérapeutiques innovantes.</p>
<p>Les enjeux actuels se focalisent sur la meilleure façon de cibler diverses zones cérébrales et sur le mode d’administration (poudre, liquide, gel). À ce sujet, de récents travaux mettent en évidence l’utilisation de liposomes, sortes de petites vésicules dans lesquelles il est possible « d’enfermer » un médicament. Menée chez des rats modèles pour la maladie d’Alzheimer, l’<a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11095-015-1744-9">instillation intranasale de ces liposomes-médicaments</a> a permis d’améliorer leur mémoire spatiale et de de limiter l’expansion des plaques amyloïdes, impliquées dans la pathologie.</p>
<p>Une autre approche thérapeutique envisagée consiste à injecter des cellules souches par voie nasale afin de remplacer les neurones défaillants ou de limiter l’impact de l’inflammation cérébrale. Chez des souris modèles de la maladie de Parkinson, il a par exemple été démontré que l’injection de telles cellules conduisait à une <a href="http://online.liebertpub.com/doi/abs/10.1089/rej.2010.1130">amélioration de la motricité ainsi qu’à une diminution de l’inflammation cérébrale</a>. Ces premiers résultats sont prometteurs mais comme souvent, beaucoup reste à faire pour adapter ces stratégies à l’Homme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/80638/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bertrand Bryche ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le nez est une porte d’entrée dans le cerveau pour les pathogènes. Mais notre organe olfactif peut aussi être une voie d’accès pour des médicaments traitant les maladies cérébrales.Bertrand Bryche, Doctorant ABIES - Professeur agrégé de Biochimie - Génie Biologique, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/768442017-06-18T19:55:50Z2017-06-18T19:55:50ZVous connaissez le microbiote de l’intestin, que savez-vous de celui du nez ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/170979/original/file-20170525-23234-1tgh3xr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La communauté microbienne présente dans notre nez pourrait-elle influencer nos choix alimentaires ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/image-pretty-young-woman-sitting-kitchen-579004342?src=WqO7BDxuYHEQiyP5JKYErQ-1-26">Dean Drobot/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Hommes ou femmes, jeunes ou vieux, nous sommes tous colonisés par un à deux kilos de micro-organismes. Ces bactéries, virus et champignons, présents à l’intérieur et à l’extérieur de notre corps, sont réunis sous un terme de plus en plus familier, le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/microbiote-30806">microbiote</a>. La majorité d’entre eux se trouve dans notre intestin, mais on en trouve également sur toutes les surfaces du corps, incluant les alvéoles de nos poumons ainsi que nos muqueuses, dont celle du nez.</p>
<p>Les nombreuses études scientifiques consacrées au microbiote, champ de recherche en pleine ébullition, nous ont fait prendre conscience de son importance pour rester en bonne santé. On réalise aujourd’hui qu’il joue peut-être un rôle <a href="https://theconversation.com/le-microbiote-intestinal-dicte-t-il-notre-humeur-et-nos-comportements-76876">dans notre comportement vis-à-vis de nos semblables</a>, qu’il influence notre odeur corporelle et même notre rapport à la nourriture. Si vous vous êtes passionné pour les découvertes portant sur le <a href="https://theconversation.com/psychopathologie-du-2-cerveau-ou-les-souffrances-du-moi-ventre-64529">microbiote intestinal</a>, alors vous serez étonné d’apprendre que l’on commence seulement à explorer l’influence du microbiote sur l’odorat.</p>
<p>L’influence du microbiote sur l’épithélium de l’intestin (couche de cellules tapissant la face interne de cet organe) a suscité un développement considérable de la recherche, depuis sa caractérisation génétique en <a href="http://science.sciencemag.org/content/312/5778/1355">2006</a>. Il est désormais largement admis que la flore intestinale est impliquée dans la plupart des grandes fonctions de l’organisme, de la régulation de la pression artérielle de l’individu à la quantité ou au type d’aliments consommés.</p>
<h2>De l’influence du microbiote sur la sociabilité</h2>
<p><a href="http://www.cell.com/cell/fulltext/S0092-8674(16)%2030730-9 ?_returnURL=http %3A %2F %2Flinkinghub.elsevier.com %2Fretrieve %2Fpii %2FS0092867416307309 %3Fshowall %3Dtrue">Des travaux publiés en 2016</a> vont même plus loin. Ils attribuent au microbiote un rôle majeur dans les comportements sociaux. Cette étude américaine porte sur le développement de l’autisme en lien avec une obésité de la mère. Les auteurs y étudient des souris issues de mères obèses nourries avec un régime gras et sucré. Ces souris, bien que nourries après leur naissance avec un régime standard, ont des relations sociales déficientes.</p>
<p>Il faut savoir que les souris sont des animaux sociaux. En présence d’un nouvel individu, elles passent habituellement du temps à s’explorer mutuellement. Or les souris nées de mères obèses s’intéressent très peu aux autres souris. Ainsi, elles représentent un modèle animal précieux pour étudier l’autisme, dont on sait par ailleurs que la fréquence est supérieure chez les enfants issus de mère obèse.</p>
<p>Tout d’abord, les chercheurs constatent que le microbiote de ces souris est différent de celui de leurs congénères issus de mères soumises à un régime alimentaire équilibré. Ensuite, ils montrent qu’en ajoutant une bactérie majeure manquante dans leur microbiote, via leur alimentation, leurs relations sociales reviennent à la normale. Ils concluent que leur étude ouvre des perspectives dans le traitement des troubles du comportement chez l’Homme, par le recours aux probiotiques. Sachant que ces « bonnes » bactéries sont déjà utilisés couramment, en complément de l’alimentation, en cas de mycoses ou de diarrhées. La conclusion de ces chercheurs pose question, comme nous le verrons un peu plus loin.</p>
<p>De manière surprenante, alors que le microbiote intestinal et ses effets physiologiques sont très étudiés, peu de travaux se focalisent sur celui des autres organes. L’auteur de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Microbiote">la page « microbiote »</a> sur Wikipédia se plaint même que, sur plus de 4 200 études consacrées au microbiote humain, seulement sept s’intéressent à la communauté microbienne… du pénis. Aucune étude ne s’étant penchée sur celle du nez, mon domaine à l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), nous avons décidé avec un groupe de collègues de nous y intéresser.</p>
<h2>Le microbiote modifie la détection des odeurs</h2>
<p>L’épithélium olfactif, le tissu qui tapisse l’intérieur de notre nez, réalise l’étape initiale de la détection des odeurs, avant le traitement des informations par le cerveau. Nous avons dans un premier temps choisi d’étudier les variations du système olfactif <a href="https://www.nature.com/articles/srep24687">chez des animaux sans aucun microbiote, dits « axéniques »</a>. Selon nos observations, l’absence de microbiote modifie bien la structure de l’épithélium olfactif – de manière moins drastique, cependant, que pour l’épithélium de l’intestin.</p>
<p>D’abord, son renouvellement est ralenti. Ce phénomène s’explique probablement par la disparition des micro-organismes habituellement présents dans la cavité nasale. Moins attaquées par des micro-organismes pathogènes venus de l’environnement, les cellules de l’épithélium ne sont pas poussées à se renouveler aussi fréquemment.</p>
<p>Ensuite, chez les animaux axéniques, la couche ciliaire des neurones olfactifs où se déroule la détection des molécules odorantes est plus mince. Eh oui, <a href="https://theconversation.com/olfaction-le-cerveau-a-du-nez-61652">il y a des neurones dans notre nez, et pas seulement dans le cerveau !</a>. Malgré cette couche de cils plus minces, les signaux électriques neuronaux générés par l’arrivée des odorants sont, paradoxalement, plus intenses chez les animaux axéniques. Sans fournir d’explication à ce paradoxe, ces premiers travaux montrent en tout cas que le microbiote influence la structure des tissus nerveux localisés dans notre nez.</p>
<h2>Des préférences pour des odeurs différentes</h2>
<p>Nous avons alors réalisé une nouvelle série d’expériences dans le but d’étudier si la nature du microbiote pouvait influencer la manière dont les souris perçoivent les odeurs. À cette fin, nous avons utilisé des souris ayant toutes le même profil génétique mais séparées en trois groupes colonisés chacun par un microbiote différent. Nous avons constaté que les trois groupes de rongeurs ne manifestaient pas les mêmes préférences face à un panel d’odeurs sélectionnées spécialement pour susciter leur intérêt.</p>
<p>Pour en savoir plus, nous avons enregistré l’activité électrique des neurones de l’épithélium olfactif des souris en réponse aux odeurs testées. La encore, nous avons constaté des variations entre les trois groupes. Cependant, certains groupes de souris pouvaient s’intéresser de manière différente à deux odeurs tandis que les neurones de leur nez y répondaient de manière similaire.</p>
<p>Les neurones du nez ne réalisent que la première étape de traitement de l’information apportée par les odeurs. L’intérêt plus ou moins prononcé d’une souris vis-à-vis d’une odeur résulte donc de l’intégration de l’information venue de l’épithélium olfactif par de nombreuses structures de son cerveau. La discordance observée entre le comportement des souris et la réponse des neurones de leur nez suggère donc que la nature du microbiote colonisant l’organisme de la souris influence la manière dont son cerveau interprète les odeurs.</p>
<h2>Notre odeur corporelle nous est familière</h2>
<p>Au moins deux hypothèses permettent de comprendre que les préférences des souris soient influencées par leur microbiote. Les odeurs émises par tous les animaux sont très liées aux micro-organismes qui les colonisent. C’est le cas chez l’Homme où la majorité des odeurs corporelles sont issues du métabolisme de nos bactéries à la surface de notre peau, dans notre intestin et dans nos organes génitaux. Il en est de même chez les rongeurs. Leur odeur corporelle, qui leur est familière, peut donc expliquer les différences d’attirance pour les odeurs testées.</p>
<p>Par ailleurs, les préférences olfactives des rongeurs adultes sont très dépendantes des odeurs ayant émané de l’environnement pendant leur développement cérébral et ce, dès le stade utérin, comme le montrent de nombreuses études récentes. Les odeurs avec lesquelles ils ont été en contact très tôt dans leur vie leur sont, elles aussi, familières et peuvent donc influer sur leur intérêt vis-à-vis des odeurs qu’ils rencontrent une fois adulte. Cet apprentissage très précoce des odeurs pendant le développement fœtal semble très général dans le monde animal, et est également bien décrit chez l’Homme.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/174269/original/file-20170617-17634-k7p0gv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/174269/original/file-20170617-17634-k7p0gv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/174269/original/file-20170617-17634-k7p0gv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/174269/original/file-20170617-17634-k7p0gv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/174269/original/file-20170617-17634-k7p0gv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/174269/original/file-20170617-17634-k7p0gv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/174269/original/file-20170617-17634-k7p0gv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les odeurs que nous rencontrons très tôt dans notre vie nous influencent une fois adultes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/iva/2753167748/in/photolist-5chGRs-fiW8qe-4s9aB2-8dkGUq-6VC6LL-7weYEq-gLm6nx-mkLVJ-9MvnrS-fpGrJx-dskRMq-mK48xV-Jetie2-Qqhyh-9huaXA-pX8SMK-oY6WHb-bWtWMn-j2Nd2t-58MKW4-6xfnid-cnnpfm-oyingg-fRYTMv-2mxPZ-EymeY-dzkwkB-5kCBnd-Hq2ZFb-dktXuR-edVnWD-Jm6are-dzkwjP-EyoAQ-arjHns-7SDckg-bUc1si-rRxZD9-arKQz6-egjwr1-qNNTVe-JeRNhj-rAJMLn-bAcVYQ-256Ko-pW2YA-bBFENG-8D2Pzb-dqF3Xc-n9c1n8">Iva/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>À ce stade de notre raisonnement, il est cependant utile de rappeler que la souris diffère de l’Homme dans l’utilisation de ses cinq sens. La souris privilégie l’odorat – fondamental dans ses interactions sociales – tandis que l’Homme sollicite davantage la vision et l’ouïe. Ainsi, des souris rendues incapables de détecter les odeurs par une modification génétique (souris dites anosmiques) perdent les comportements de reproduction et de défense de leur territoire. Elles ont, en plus, un comportement parental altéré.</p>
<p>Si le microbiote affecte le fonctionnement du système olfactif des souris, alors il convient de regarder sous un nouvel angle les travaux des équipes utilisant les rongeurs comme modèles d’études de l’impact du microbiote sur le comportement. C’est le cas des travaux de l’équipe américaine sur l’autisme et le microbiote, cités au début de cet article. Il faut se demander si les perturbations du comportement social observées chez les souris dans leur expérience ne viendraient pas, en fait, d’une perturbation de leurs repères olfactifs.</p>
<h2>Des souriceaux perturbés dans leurs repères olfactifs</h2>
<p>En effet, les chercheurs ont appliqué aux souriceaux, après leur sevrage, un régime alimentaire différent de celui de leurs mères. Ce changement de nourriture entraîne une modification de leurs odeurs corporelles. Ils perdent sans doute à cette occasion une bonne partie de leurs repères olfactifs initiaux ! Aussi, on peut faire l’hypothèse que la perturbation du comportement social chez ces rongeurs implique avant tout leur odorat.</p>
<p>Contrairement aux souris, nous les humains ne donnons pas la priorité aux informations olfactives pour établir nos relations sociales. Cette remarque amène à relativiser la portée de l’étude portant sur ces animaux.</p>
<p>Par contre, si comme chez le rongeur, notre microbiote modifie notre manière d’appréhender les odeurs autour de nous, il est tout à fait envisageable qu’il nous influence dans le choix de nos aliments. Car il est bien établi que notre odorat nous guide <a href="http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25261796">dans nos attirances ou nos répulsions pour tel ou tel aliment</a>. Ainsi, une tout autre piste de recherche pourrait être d’évaluer dans quelle mesure nous pouvons changer notre microbiote afin que nos envies nous poussent, tout naturellement, vers une nourriture plus saine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76844/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Meunier a reçu des financements de la Société Française de Nutrition et du département Phase de l'INRA. </span></em></p>Selon le type de microbes présents dans notre nez, nous n’apprécions pas les mêmes odeurs. Ceux-ci pourraient donc jouer un rôle dans nos choix alimentaires.Nicolas Meunier, Neurobiologiste spécialiste de l'olfaction, université Paris Saclay, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/616532016-06-30T21:06:20Z2016-06-30T21:06:20ZOlfaction : les effluves du futur<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/128657/original/image-20160629-15274-1ryd9eg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">« While Nothing Happens », par Ernesto Neto.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/visionet-art/2542010024/in/photolist-4SCt23-8chZnQ-8chZxm-8ci1hd-6ruCxE-8ceF1K-8ci2uJ-eCakqy-eC7iAx-8chZ7b-8ceDKc-8hJrot-8ceENz-6xqxGE-8A1emC-8ci1vY-8ci1Uo-uf6wWe-8uLNMd-c8xRud-8ceErM-6t14dz-8ceFkK-4SyfBP-8ceEua-8ci1Sj-pYcDm-6ATUGb-c1WwcJ-8ci15Y-8ceEAH-8hJrQR-8A1eco-8ci2j5-8ci2rE-6wyjgo-8ci1Ho-8VRQJ7-8ci1PY-4Syfyi-4SyfFB-8hMKcN-8zX6LF-8ceEYX-8chZZy-8chZV1-6xmmQT-7s5pZ2-8ceETk-8ci1qy">Margherita Antinori/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p>Pour Annick Le Guérer, auteur de <a href="https://annickleguerer.wordpress.com/le-pouvoir-des-odeurs-revue-de-presse-internationale/"><em>Les pouvoirs de l’odeur</em></a> entre autres ouvrages, l’odorat est le « sens du futur ». Cette historienne et sociologue a consacré une grande partie de sa carrière à réhabiliter l’olfaction.</p>
<p>Et on y est presque ! Nous l’avons vu dans nos précédents articles (<a href="https://theconversation.com/olfaction-le-cerveau-a-du-nez-1-61652">ici</a> et <a href="https://theconversation.com/olfaction-sentir-cest-comme-jouer-de-la-musique-cela-sapprend-2-61654">là</a>), le paysage socioculturel de l’Occident a considérablement changé depuis les années 1970. Fini le temps de la raison et de la discipline, notre époque prône le plaisir, l’individualisme (témoin le slogan publicitaire de l’Oréal « parce que je le vaux bien »), le naturel et la sensualité. Du coup, l’odorat bénéficie d’un regain d’intérêt. Tout d’abord, grâce une série de découvertes scientifiques, ponctuée par le prix Nobel 2004 de Linda Buck et Richard Axel pour la découverte des récepteurs olfactifs. Et également grâce à son mystérieux pouvoir évocateur, non seulement dans la vie quotidienne, mais aussi dans le domaine commercial (marketing olfactif), et enfin dans l’art.</p>
<p>Voici que s’ouvrent de nombreux blogs consacrés aux parfums et vertus des huiles essentielles, que se crée un nouveau <a href="http://www.nez-larevue.fr/nez-la-revue-olfactive/">magazine <em>Nez</em></a> et que des musées du parfum ouvrent ici et là. Sans parler des « <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ph%C3%A9romone">phéromones</a> party », où l’on recherche l’âme sœur avec son nez ! Incontestablement, le vent de la modernité est chargé d’arômes.</p>
<p>Quand on pense « odeur », on pense bien sûr à la parfumerie. Mais aussi à la gastronomie et à l’œnologie, ces dernières plutôt sous l’angle du « goût », en oubliant que c’est l’odorat qui leur confère leur grande richesse. Elles émergent aussi, dans notre imaginaire olfactif, sans doute à cause de leur importance exceptionnelle pour l’économie et la culture françaises.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/128659/original/image-20160629-15274-19rqtwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/128659/original/image-20160629-15274-19rqtwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=795&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/128659/original/image-20160629-15274-19rqtwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=795&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/128659/original/image-20160629-15274-19rqtwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=795&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/128659/original/image-20160629-15274-19rqtwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/128659/original/image-20160629-15274-19rqtwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/128659/original/image-20160629-15274-19rqtwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Marcel Proust, 1895.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://it.wikipedia.org/wiki/Poesie_(Proust)#/media/File:Marcel_Proust_1900.jpg">Otto Wegener/Wikipédia</a></span>
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<p>Quand on pense « odeur », on pense aussi à ces moments « madeleine de Proust » où, d’un seul coup, un parfum nous ramène à notre enfance ou bien nous rappelle un être cher.</p>
<p>Mais on oublie l’essentiel : en effet, qu’est-ce qui n’est pas odorant dans notre vie de tous les jours ? Refaisons mentalement notre parcours olfactif quotidien. Café du matin, produits de toilette (quand on ne se met pas du déodorant… parfumé) ; puis on descend les ordures dans le local-poubelle (hum !) et on entre dans sa voiture odorisée, fragrance… voiture. Les transports en commun peuvent être « ambiancés » (musique, odorants) et, malgré soi, on y partage le bouquet corporel humain. Dehors, en plus des émanations automobiles, la boulangerie diffuse ses effluves de viennoiseries.</p>
<p>Au travail, odeur d’ambiance, odeur de cantine. À la sortie, odeur des enfants sortant de l’école, courses dans des magasins…odorisés et achat de produits alimentaires aromatisés. Et on rentre dans notre chez-nous qui « a une odeur » pour les visiteurs (pas pour nous, nous sommes habitués) : un mélange de nous-mêmes, de produits d’entretien, de cuisine, éventuellement de bougies parfumées (la plus grande partie de la production d’odorants passe dans les produits domestiques et alimentaires, loin devant la parfumerie-cosmétique).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/128661/original/image-20160629-15254-fi82ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/128661/original/image-20160629-15254-fi82ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/128661/original/image-20160629-15254-fi82ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/128661/original/image-20160629-15254-fi82ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/128661/original/image-20160629-15254-fi82ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/128661/original/image-20160629-15254-fi82ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/128661/original/image-20160629-15254-fi82ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Bougies parfumées.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/en/candle-gift-souvenir-stall-1055492/">eak_kkk/Pixabay</a></span>
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<p>Pour paraphraser Charles Baudelaire et son poème <a href="http://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/charles_baudelaire/correspondances.html">« Correspondances »</a>, notre périple quotidien nous fait donc passer « à travers des forêts » d’odeurs qui nous « observent avec des regards familiers », ou plutôt, qui nous sont tellement familières qu’on n’y fait plus attention, qu’on ne les sent plus. Nos perceptions odorantes seraient donc largement inconscientes, un peu exploitées par le marketing olfactif, mais surtout réclameraient de l’attention et de l’éducation, comme nous l’avons vu dans l’article précédent.</p>
<p>Les chercheurs, les industriels et les artistes planchent sur l’odorat de demain, au moins dans trois directions : surveillance et diagnostic olfactifs, bien-être et art.</p>
<p>On s’extasie devant l’odorat des chiens employés à la recherche de personnes, à la détection d’explosifs ou de drogues. On sait moins que des <a href="http://www.sciencesetavenir.fr/sante/20150311.OBS4344/la-truffe-du-chien-avenir-du-depistage-du-cancer.html">chiens</a>, des <a href="http://www.lemonde.fr/afrique/video/2015/03/24/mozambique-des-rats-dresses-pour-detecter-l-odeur-de-la-tuberculose_4600103_3212.html">rats</a>, et même des <a href="http://www.koreus.com/modules/news/article12733.html">abeilles</a>, ont été dressés à identifier les signaux odorants de maladies infectieuses ou cancéreuses, avec d’excellents résultats. On peut également effectuer de telles analyses avec des nez électroniques, machines de laboratoire dont le champ d’application est vaste, puisqu’elles s’attaquent à la surveillance d’ambiance (pollution), à la vérification des matières premières, notamment alimentaires (origine : un lait de plaine ne sent pas la même chose qu’un lait de montagne, qualité : maturité, contaminants), mais aussi depuis peu à la santé, avec la détection non-invasive d’une « signature » odorante dans l’haleine ou les urines de patients.</p>
<p>« Derniers-nez », les <a href="http://www.inra.fr/Entreprises-Monde-agricole/Resultats-innovation-transfert/Toutes-les-actualites/Les-nanobiosenseurs-derniers-nez-des-nanotechnologies">nez bioélectroniques</a>, encore au stade de la recherche : des microélectrodes sont recouvertes de récepteurs olfactifs. Ces dispositifs seraient à la fois hautement spécifiques et très bon marché, connectés et éventuellement implantables (<em>wearables</em>, un terme qui émerge), ce qui permettrait non seulement le suivi des patients mais aussi la prévention. Initiées en Europe, ces recherches sont activement poursuivies en Corée, où les délais entre recherche et industrialisation sont beaucoup plus courts. On verra peut-être bientôt un « vrai » téléphone olfactif.</p>
<p>Le bien-être est la seconde voie. Même si la recherche peine à comprendre les modes d’action des odorants, la pratique des aromachologues (ou aromathérapeutes), au-delà du « sent bon », montre que certains parfums ont des vertus apaisantes (lavande), énergisantes (menthe), stimulantes (agrumes). L’important est la relation entre praticien(ne) et le client pour définir l’arôme adéquat. En France, l’association <a href="http://cew.asso.fr/">CEW</a>(Cosmetic Executive Women) propose aux personnes hospitalisées des soins cosmétiques très appréciés ; les équipes soignantes mettent en œuvre des protocoles multisensoriels (dont l’olfaction) pour stimuler des patients dans le coma ou victimes de <a href="http://www.innovation-alzheimer.fr/wp-content/uploads/2015/05/aroma-hopital-psychologies-sbartczak.pdf">maladies neurodégénératives</a>. À Singapour, <a href="https://www.givaudan.com/">Givaudan</a>, le plus grand producteur mondial de matières premières pour la parfumerie, participe à la création d’un hôpital dédié à l’aromathérapie. On n’en est sans doute qu’aux tout débuts.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/128648/original/image-20160629-15266-z569j0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/128648/original/image-20160629-15266-z569j0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=710&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/128648/original/image-20160629-15266-z569j0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=710&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/128648/original/image-20160629-15266-z569j0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=710&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/128648/original/image-20160629-15266-z569j0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=892&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/128648/original/image-20160629-15266-z569j0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=892&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/128648/original/image-20160629-15266-z569j0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=892&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« Les parfums de l’âme », pièce de théâtre olfactif par Violaine de Carné. Scène finale : le testament olfactif. Dans cette pièce, six personnages se retrouvent dans une usine du futur où l’on reconstitue l’odeur des chers disparus.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Misa</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>L’art contemporain n’a peur de rien. Des parfumeurs-créateurs travaillent, souvent en association avec d’autres artistes, pour proposer des performances ou des installations olfactives. C’est ainsi qu’en 2015 à Bâle, au Musée Tinguely, on a pu « sentir » l’exposition <em>Belle haleine</em>, où l’on pouvait « déguster » les épices d’<a href="http://ernestoneto.guggenheim-bilbao.es/fr/">Ernesto Neto</a> ou les papiers peints à l’odeur de peur humaine de Sissel Tolaas. Le groupe <em>Jazz on Riviera</em> propose des concerts odorisés. La compagnie <em>Le TIR et la Lyre</em> crée des pièces de théâtre olfactif, où les spectateurs sont surpris de comprendre le rôle des odeurs, non seulement comme vecteurs d’émotion, mais aussi comme passeurs entre le présent et le passé, entre les personnages et les absents. Boris Raux, plasticien inventif, construit des installations avec des matériaux odorants, comme cet escalier, certes praticable, mais en savon de Marseille !</p>
<p>Les esprits imaginatifs nous réservent sans doute encore bien des surprises, à nous de savoir les sentir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/61653/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Roland Salesse ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Troisième et dernier volet de notre série sur l'olfaction : l'odorat est un sens qui a de l'avenir. Alors, que sentirons-nous demain ?Roland Salesse, Ingénieur agronome, chargé de mission à la culture scientifique, Unité Inra de Neurobiologie de l'Olfaction, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/616542016-06-29T21:27:31Z2016-06-29T21:27:31ZOlfaction : sentir, c’est comme jouer de la musique, cela s’apprend !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/128498/original/image-20160628-7825-jteqmz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">« Pot pourri », Edwin Austin Abbey, 1899.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Perfume#/media/File:Abbey,_Edwin_Austin_-_Potpourri_-_1899.jpg">Wikipedia</a></span></figcaption></figure><p>L’odeur a rarement bonne presse chez les savants : un sens « faible » pour Aristote, « importun » pour Kant, « animal » pour Freud… Le désintérêt de notre civilisation pour l’olfaction se reflète dans la pauvreté de notre langage pour décrire les odeurs, pauvreté qui provient de notre absence d’éducation et de culture dans ce domaine.</p>
<p>En fait, la situation n’est pas complètement désespérée car, comme nous l’avons vu dans <a href="https://theconversation.com/drafts/61652/edit">notre premier article</a>, notre odorat fonctionne quand même, tout le temps. Il suffit d’y faire attention.</p>
<p>Bien sûr, il existe des cas où « l’on ne sent rien du tout ». Tout récemment, dans une grande enquête nationale auprès de milliers de Français, un collègue de Lyon a montré qu’environ 10 % des répondants étaient soit <a href="https://fr.Wikim%C3%A9dia.org/wiki/Anosmie"></a><a href="https://fr.wiktionary.org/wiki/anosmique">anosmiques</a> (perte totale de l’odorat), soit souffraient d’une perte partielle de sensibilité, souvent liée à l’âge (cette diminution frappe 20 % des plus de 65 ans).</p>
<p>En fait, si nous sommes souvent incapables d’identifier exactement un odorant, nous procédons néanmoins par catégorie. Par exemple, si l’on fait sentir du romarin, les réponses vont être : « lavande », « thym », « herbes de Provence » ; faute de précision, la catégorie « herbes de Provence » incluera ces différentes senteurs. Cette propriété de généralisation du cerveau est bien pratique et efficace : quand on n’est pas spécialiste, on est quand même capable de reconnaître des odeurs alimentaires, des odeurs florales, des odeurs animales, etc.</p>
<h2>Dix ans de pratique</h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/128496/original/image-20160628-7836-199dh5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/128496/original/image-20160628-7836-199dh5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=467&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/128496/original/image-20160628-7836-199dh5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=467&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/128496/original/image-20160628-7836-199dh5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=467&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/128496/original/image-20160628-7836-199dh5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=587&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/128496/original/image-20160628-7836-199dh5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=587&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/128496/original/image-20160628-7836-199dh5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=587&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pétales de roses prêtes à être transformées en essence florale.</span>
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<p>Ce qui nous manque, c’est l’entraînement. Les jeunes parfumeurs mémorisent des centaines d’odorants : soit des corps chimiques purs, soit des produits de référence, soit des parfums historiques. Et non seulement ils apprennent par le nez, mais aussi en mettant des mots sur leurs perceptions. La profession s’accorde sur une classification des parfums largement basée sur leur composition : <a href="http://www.auparfum.com/Hesperidee">hespéridés</a>, <a href="http://www.auparfum.com/Parfums-floraux">floraux</a>, <a href="http://www.auparfum.com/Fougere">fougère</a>, <a href="http://www.auparfum.com/Chypre">chypre</a>, <a href="http://www.auparfum.com/Boisee">boisés</a>, <a href="http://www.auparfum.com/Ambre">ambrés</a>, <a href="http://www.auparfum.com/Cuir">cuir</a>. On estime qu’il faut dix ans à un apprenti pour être capable d’utiliser cette « olfactothèque », d’une part pour identifier des odorants, d’autre part pour concevoir un parfum.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/128501/original/image-20160628-7842-8abc7w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/128501/original/image-20160628-7842-8abc7w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/128501/original/image-20160628-7842-8abc7w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/128501/original/image-20160628-7842-8abc7w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/128501/original/image-20160628-7842-8abc7w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/128501/original/image-20160628-7842-8abc7w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/128501/original/image-20160628-7842-8abc7w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Apprenties-parfumeuses à l’ISIPCA. Les deux étudiantes sont en train de sentir des mouillettes imprégnées d’odorant. Elles apprendront ainsi des centaines d’odeurs de référence en deux ans de formation.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Carole Sester, ISIPCA</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Comme les musiciens, les parfumeurs doivent entretenir et amplifier leur répertoire en pratiquant tous les jours. Quand on observe leur cerveau en imagerie cérébrale, on voit qu’ils dépensent moins d’énergie que les débutants et que leur <a href="http://lecerveau.mcgill.ca/flash/i/i_08/i_08_cr/i_08_cr_dep/i_08_cr_dep.html">cortex orbitofrontal</a> est plus épais que le reste de la population. Des parfumeurs que j’ai interrogés, je retiens également que, outre le vocabulaire officiel, chacun d’eux possède sa façon de se représenter le monde olfactif : formules chimiques, images ondoyantes et colorées, paysage.</p>
<p>Cette pratique artistique peut paraître élitiste mais en fait, quelques instituts proposent des formations dans lesquelles « monsieur tout-le-monde » (plus souvent madame, d’ailleurs) peut apprendre en quelques heures ou quelques jours quelques rudiments qui lui permettront de se repérer dans l’univers olfactif et de progresser dans sa connaissance. Il en est de même en œnologie ou en cuisine.</p>
<p>Les grandes marques de parfumerie ont tendance à privilégier le marketing par rapport à l’éducation et c’est dommage. La France est (encore) le premier pays pour la parfumerie-cosmétique mais, paradoxalement, cela repose sur une formation restreinte aux professionnels et une recherche scientifique méritante mais peu nombreuse. Comment propager une culture olfactive ? Je m’en tiendrai à deux pistes, l’apprentissage dans le jeune âge et les pratiques artistiques.</p>
<h2>Éducation olfactive</h2>
<p>Les nouveaux rythmes scolaires ont dégagé quelques heures par semaine qui pourraient être employées à l’éducation olfactive. Quelques jeux olfactifs existent et les ateliers « fabriquez votre parfum » ont beaucoup de succès auprès des enfants. On peut leur faire déguster une purée de fruit ou un yaourt aromatisé avec les yeux bandés et le nez bouché, ce qui les empêche de reconnaître le mets ; mais, dès qu’on débouche le nez, les arômes reviennent par l’arrière-gorge et l’identification est souvent immédiate. Plus inattendu : on leur demande d’apporter une écharpe qu’ils portent souvent. On leur bande les yeux et on leur demande de reconnaître, avec l’odorat, leur propre écharpe au milieu de celles de leurs camarades ; la plupart du temps, le score est de 100 % ; certains même reconnaissent l’odeur d’un ou d’une camarade.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/128497/original/image-20160628-7847-1jk5qsh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/128497/original/image-20160628-7847-1jk5qsh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/128497/original/image-20160628-7847-1jk5qsh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/128497/original/image-20160628-7847-1jk5qsh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/128497/original/image-20160628-7847-1jk5qsh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/128497/original/image-20160628-7847-1jk5qsh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/128497/original/image-20160628-7847-1jk5qsh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Orgue à parfums.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/43957949@N05/4958078799">Florit0/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<h2>L’odorat comme un <em>bel-art</em></h2>
<p>Les <em>beaux-arts</em> s’adressent à nos sens « à distance » et « raisonnables » que sont la vue et l’ouïe, et génèrent des œuvres tangibles, durables. L’odorat ne pèse pas lourd face à ce monstre institutionnel. Art des effluves fugaces, des impressions fugitives, des émotions réveillées, il a du mal à accéder au statut de <em>bel-art</em>, bien que la démarche artistique des <a href="http://www.parfumeurs-createurs.org/gene/main.php?sizeup_=&sizeup2009=&referer2=%2Fwww.google.fr%2F&poste=1280x800x24">parfumeurs-créateurs</a> soit tout à fait semblable à celle des autres artistes : comme eux, ils font se rencontrer la matière et la pensée.</p>
<p>Tous les « nez » (certains contestent cette appellation ; ils n’ont peut-être pas un sens olfactif plus développé que vous ou moi, mais ils ont surtout un cerveau entraîné) que j’ai rencontrés savent à l’avance l’odeur qu’ils cherchent, sa composition de base, comme le musicien peut avoir en tête sa musique sans la jouer. Ensuite, ils s’en approchent progressivement par essais successifs et, quand LA composition attendue émerge, ils l’identifient avec certitude : eurêka !</p>
<p>Sans viser ce niveau, on pourrait imaginer une pratique de loisir comme on fait de la peinture, de la lecture ou du chant choral.</p>
<p>Dans le troisième article de cette série, nous en apprendrons plus <a href="https://theconversation.com/olfaction-les-effluves-du-futur-3-61653">sur le futur et les nez électroniques</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/61654/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Roland Salesse ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Humer est le subtil métier des « nez » parfumeurs, mais nous aurions tort de ne pas essayer. Pour notre plaisir et pour redonner aux odeurs un droit de cité. Deuxième article de la série olfaction.Roland Salesse, Ingénieur agronome, chargé de mission à la culture scientifique, Unité Inra de Neurobiologie de l'Olfaction, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/616522016-06-28T20:53:03Z2016-06-28T20:53:03ZOlfaction : le cerveau a du nez !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/128356/original/image-20160627-28362-w4c620.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une odeur agréable.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.publicdomainpictures.net/view-image.php?image=15616&jazyk=FR">Petr Kratochvil/Publicdomainpictures.net</a></span></figcaption></figure><p>Ça ne nous étonne pas de voir un chien renifler des traces au sol. Mais cela nous surprendrait beaucoup de voir un humain faire la même chose. C’est pourtant ce qu’a réalisé en 2007 l’équipe de <a href="http://www.weizmann.ac.il/conferences/InternationalBoard2015/prof-noam-sobel">Noam Sobel</a> en Californie. Des étudiants aux yeux bandés et aux mains gantées ont parfaitement suivi une trace de chocolat (il fallait bien motiver les jeunes !) à travers une prairie en la flairant, uniquement avec leur nez.
C’est dire que si l’olfaction humaine – ou odorat – est encore mal connue, elle est néanmoins parfaitement fonctionnelle. Pour découvrir ce sens qui nous enchante ou nous révulse, selon l’odeur, je vous propose une série de trois articles. Et, pour commencer, intéressons-nous à la biologie de l’odorat.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/128357/original/image-20160627-28395-dr52x5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/128357/original/image-20160627-28395-dr52x5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/128357/original/image-20160627-28395-dr52x5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/128357/original/image-20160627-28395-dr52x5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/128357/original/image-20160627-28395-dr52x5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/128357/original/image-20160627-28395-dr52x5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/128357/original/image-20160627-28395-dr52x5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’éléphant a l’un des odorats les plus développés du monde animal.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/flametree/2555954317">Mara 1/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Nous ne sommes ni des éléphants, ni des rats, ni des chiens aux odorats hyper développés. En tant qu’humains, nous avons perdu la locomotion quadrupède qui met le nez si proche du sol où se trouvent toutes les traces olfactives intéressantes (congénères, partenaire sexuel, nourriture, traces des proies et des prédateurs, environnement). Mais la bipédie n’a pas été sans conséquence positive sur notre odorat : se tenir debout a notamment raccourci le passage entre la bouche et le nez via le pharynx (ou arrière-gorge).</p>
<h2>Le goût passe par le nez</h2>
<p>Du coup, nous voilà dotés d’un sens complexe qui fait intervenir à la fois ce qui se passe en bouche et dans le nez : le « goût » associe ce que j’appelle la « gustation », soit les 6 saveurs connues : sucré, salé, acide, amer, gras et « umami » (celui de la soupe chinoise) et ce qu’on perçoit dans le nez car les produits odorants volatils libérés lors de la mastication remontent vers lui par le pharynx. Si bien que, quand on est enrhumé, on « perd le goût », c’est-à-dire en fait essentiellement l’odorat car le nez est bouché.</p>
<p>Mais au fait, comment sent-on ?</p>
<p>La première étape se produit dans le nez : il y a transformation du message chimique des produits odorants en un message nerveux compréhensible par le cerveau. Chez l’humain, l’<a href="http://dictionnaire.sensagent.leparisien.fr/%C3%89pith%C3%A9lium%20olfactif/fr-fr/">épithélium olfactif</a> est une petite zone de 5 cm2 tout en haut de chaque cavité nasale, entre les deux yeux. La même surface que chez le rat. Mais elle peut atteindre 200 cm2 chez les chiens au long nez. Ses cinq millions de neurones (ou cellules nerveuses) olfactifs sont dotés de protéines spécialisées, les récepteurs olfactifs, qui captent les molécules odorantes, ce qui stimule les neurones. Un neurone stimulé génère un influx nerveux qui va passer dans le cerveau au niveau du bulbe olfactif. Cet épithélium est le seul tissu nerveux en contact avec l’extérieur et il possède la propriété exceptionnelle de se renouveler tout au long de la vie, grâce aux cellules souches qu’il abrite.</p>
<p>Deuxième étape dans le cerveau : le <a href="http://dictionnaire.sensagent.leparisien.fr/Bulbe%20olfactif/fr-fr/">bulbe olfactif</a> collecte l’information de l’épithélium olfactif et dresse la carte d’identité chimique de l’odorant. Ce bulbe est une structure dans le cerveau, au-dessus de chaque cavité nasale. On trouve à sa périphérie une couche constituée de nombreuses « bulles » : chacune est un <a href="https://fr.wiktionary.org/wiki/glom%C3%A9rule">glomérule</a>.</p>
<h2>Carte d’identité de l’odeur</h2>
<p>Tous les axones des neurones olfactifs exprimant le même récepteur olfactif (donc recevant le même odorant) convergent vers un seul glomérule. Ainsi, on obtient deux résultats importants. Premièrement, un glomérule collecte l’information en provenance de milliers de neurones olfactifs, ce qui augmente la sensibilité. Deuxièmement, le dessin des glomérules activés reflète la nature de l’odorant, définissant ainsi sa carte d’identité chimique.</p>
<p>Chaque glomérule est connecté à une cellule dite « mitrale » (en raison de sa forme de mitre, le chapeau des évêques). Ces cellules collectent l’information de chaque glomérule et la transportent vers l’étape suivante, le cortex olfactif.</p>
<p>Troisième étape : le cortex olfactif. Il fait partie du <a href="https://blog.cognifit.com/fr/systeme-limbique/">système limbique</a>, carrefour des émotions et de la mémoire. Il y a un cortex olfactif de chaque côté. Environ 150 millisecondes après l’inhalation, le message odorant parvient à la deuxième <a href="https://fr.Wikim%C3%A9dia.org/wiki/Synapse">synapse</a> du parcours olfactif. On n’a pas conscience de cette progression qui pourtant stimule deux zones importantes, l’amygdale et l’hippocampe.</p>
<p>L’amygdale traite les émotions, agréables ou désagréables tandis que l’hippocampe joue un rôle majeur dans l’encodage et le rappel des souvenirs. Vous connaissez sans doute la madeleine de Proust : l’écrivain décrit dans <em>À la recherche du temps perdu</em> un souvenir d’enfance réveillé par la stimulation de son cortex olfactif ! Car, si l’effluve de la madeleine est fugace, la mémoire olfactive peut durer toute la vie.</p>
<p>La quatrième étape fait intervenir le <a href="http://lecerveau.mcgill.ca/flash/i/i_08/i_08_cr/i_08_cr_dep/i_08_cr_dep.html">cortex orbitofrontal</a> qui traite l’information olfactive de façon consciente. Après le cortex olfactif, le message nerveux aboutit, au bout de 300-500 millisecondes, au cortex orbitofrontal qui se trouve juste au-dessus des yeux. Nous sommes maintenant dans le néocortex, qui relie les sensations conscientes aux fonctions cognitives, aux fonctions de jugement, et au langage. Le cortex orbitofrontal intègre également les informations gustatives lorsqu’il s’agit de nourriture.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/128359/original/image-20160627-28373-15f9tct.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/128359/original/image-20160627-28373-15f9tct.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=548&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/128359/original/image-20160627-28373-15f9tct.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=548&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/128359/original/image-20160627-28373-15f9tct.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=548&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/128359/original/image-20160627-28373-15f9tct.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=689&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/128359/original/image-20160627-28373-15f9tct.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=689&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/128359/original/image-20160627-28373-15f9tct.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=689&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Zone corticale préfrontale du goût et de l’odeur.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Cortexgout.png">Gerard Cohen.Wikimédia</a></span>
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</figure>
<h2>Organe de parfumeur</h2>
<p>On a dit que l’hippocampe était particulièrement développé chez les chauffeurs de taxi londoniens, grands mémorisateurs. Le cortex orbitofrontal est, lui, un organe de parfumeur : il est plus épais chez eux que dans le reste de la population. Il s’épaissit même avec l’âge, alors qu’il a tendance à s’affiner chez les non-professionnels.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/128365/original/image-20160627-28349-j5bd1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/128365/original/image-20160627-28349-j5bd1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=637&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/128365/original/image-20160627-28349-j5bd1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=637&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/128365/original/image-20160627-28349-j5bd1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=637&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/128365/original/image-20160627-28349-j5bd1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=801&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/128365/original/image-20160627-28349-j5bd1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=801&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/128365/original/image-20160627-28349-j5bd1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=801&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">En rouge, les bulbes olfactifs dessinés par l’anatomiste Vesalius en 1543.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Olfactory_system#/media/File:1543,Vesalius%27OlfactoryBulbs.jpg">Ancheta Wis/Wikipédia</a></span>
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</figure>
<p>Toutes ces informations sont relativement nouvelles : pendant longtemps, la science a dédaigné l’odorat. En Occident, si certains philosophes de l’antiquité s’y sont intéressés, la philosophie, la morale, la psychanalyse et la recherche scientifique se sont employées ensuite à le déprécier ou à l’ignorer, avant que Nietzsche ne le réhabilite au début du XX<sup>e</sup> siècle, puis que la biologie moléculaire et l’imagerie cérébrale ne s’en emparent au tournant du troisième millénaire.</p>
<p>Nous sommes loin des années 1930-1950 où l’on enregistrait acrobatiquement des influx nerveux à l’aide d’un stylet sur une feuille de papier noircie au noir de carbone. Dès les années 1970, on a pu mesurer des courants sur l’épithélium olfactif, puis sur un seul neurone de l’épithélium ou du bulbe, grâce aux progrès de l’électrophysiologie (mesure des courants très faibles dans les neurones et dans les nerfs).</p>
<p>Si bien que, dès les années 1980, ces travaux, alliés à l’histologie (étude microscopique des tissus biologiques), avaient révélé la structure et la fonction des quatre zones nerveuses majeures présentées ci-dessus.
Les recherches ont émergé aux yeux (et au nez) du public, avec la découverte des récepteurs olfactifs en 1991, qui valut à Linda Buck et Richard Axel, deux Américains, le prix Nobel de physiologie et médecine en 2004.</p>
<p>Pourquoi cette récompense ? D’une part, parce que ces récepteurs représentaient le chaînon manquant entre les odorants et la réponse comportementale. D’autre part, parce que, avec un répertoire d’environ 1 000 gènes chez les mammifères (400 chez l’Homme mais 2 000 chez l’éléphant), les récepteurs olfactifs constituent la plus grande famille de gènes chez les vertébrés, témoignant ainsi de l’importance de l’odorat. Enfin, parce que les nouveaux outils moléculaires ont ensuite permis de comprendre le fonctionnement, l’organisation et le développement du système olfactif.</p>
<p>Avec l’ère de la génomique et de l’imagerie cérébrale, nous pouvons désormais « voir le cerveau sentir », comprendre comment il traite le message olfactif et déclenche des comportements adaptés. <a href="https://theconversation.com/olfaction-sentir-cest-comme-jouer-de-la-musique-cela-sapprend-2-61654">Dans un second article</a>, nous découvrons comment il est possible d’apprendre à humer…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/61652/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Roland Salesse ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le musée du parfum a ouvert ses portes le 15 décembre à Paris. L'occasion de se demander : comment sentons-nous ? Sans être aussi affûté que celui du chien, notre nez procure d’infinies sensations.Roland Salesse, Ingénieur agronome, chargé de mission à la culture scientifique, Unité Inra de Neurobiologie de l'Olfaction, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.