tag:theconversation.com,2011:/us/topics/paris-2024-22016/articlesParis 2024 – The Conversation2024-03-06T16:12:05Ztag:theconversation.com,2011:article/2251102024-03-06T16:12:05Z2024-03-06T16:12:05ZLes JO, Mondiaux de football et consorts boostent-ils le tourisme ? Pas forcément…<p>Cela fait un sujet de dispute en moins. En maintenant cet été les <a href="https://www.francetvinfo.fr/les-jeux-olympiques/paris-2024/paris-2024-les-bouquinistes-sont-heureux-et-soulages-de-pouvoir-rester-sur-les-quais-de-seine_6364039.html">bouquinistes de Paris sur les quais de Seine</a>, le gouvernement français a clos une des nombreuses polémiques liées à l’organisation des Jeux olympiques à Paris.</p>
<p>À moins de six mois de l’événement, les Parisiens continuent toutefois de se plaindre de <a href="https://www.ouest-france.fr/jeux-olympiques/cest-aberrant-ce-maire-vient-dapprendre-que-sa-ville-accueillera-les-jeux-de-paris-ab1fa968-cfd1-11ee-89c0-6cefac77e04a">l’absence de consultation de la population locale</a>, des <a href="https://www.lefigaro.fr/actualite-france/transport-et-jo-2024-la-crainte-du-grand-embouteillage-reste-tres-presente-20231208">prévisions d’embouteillages</a>, de la fermeture de certaines stations de métro et de l’implantation renforcée de caméras de surveillance… Est-ce une manifestation supplémentaire de l’esprit frondeur des habitants de la capitale française ? Ou ces critiques sont-elles fondées ? Au-delà des Parisiens, la capitale française étant une destination prisée, que sait-on de l’impact de l’organisation des événements sportifs internationaux sur la fréquentation touristique ?</p>
<p>Quant à l’effet de l’accueil d’événements sportifs à grande échelle sur les visites touristiques, l’impact global doit prendre en compte deux effets qui peuvent être contradictoires. Même s’ils peuvent avoir un impact positif sur le nombre de visiteurs, ils peuvent aussi avoir des conséquences négatives si les touristes « réguliers » boudent soudain cette destination en raison de l’événement.</p>
<p>Cela peut être dû aux infrastructures surchargées, à la forte augmentation des coûts d’hébergement et aux inconvénients liés à la surpopulation ou à des visiteurs bruyants et/ou violents. En outre, les reportages sur la pauvreté ou la criminalité dans les médias mondiaux peuvent rendre certaines destinations beaucoup moins attrayantes.</p>
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<img alt="Une vue de la tour Eiffel avec les anneaux olympiques ajoutés au premier plan" src="https://images.theconversation.com/files/579903/original/file-20240305-30-y8m8w6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/579903/original/file-20240305-30-y8m8w6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/579903/original/file-20240305-30-y8m8w6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/579903/original/file-20240305-30-y8m8w6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/579903/original/file-20240305-30-y8m8w6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/579903/original/file-20240305-30-y8m8w6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/579903/original/file-20240305-30-y8m8w6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les villes hôtes doivent généralement franchir de nombreuses étapes avant de pouvoir commencer à profiter des retombées d’événements sportifs de grande envergure tels que les Jeux olympiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Peter Skitterians/Pixabay</span></span>
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<p>Dans un <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/15270025231206393">article</a> publié récemment dans le <em>Journal of Sports Economics</em> avec Igor Drapkin et Ilya Zverev, nous avons évalué les effets de l’organisation d’événements sportifs à grande échelle, tels que les Jeux olympiques d’hiver et d’été et les Coupes du monde de la FIFA, sur la venue de touristes internationaux. Nous utilisons un ensemble complet de données sur les flux de touristes couvrant les plus grands pays de destination et d’origine du monde entre 1995 et 2019.</p>
<h2>Des effets contrastés</h2>
<p>Dans un premier temps, nous avons construit un modèle économétrique qui prédit efficacement le flux de touristes entre n’importe quelle paire de pays dans nos données. Nous avons ensuite comparé les flux touristiques prédits dans un scénario hypothétique où aucun événement sportif de grande envergure n’aurait eu lieu avec les chiffres réels.</p>
<p>Si les chiffres réels dépassent les prévisions, nous considérons que l’événement a un impact positif net. Dans le cas contraire, nous considérons qu’il a eu un effet d’éviction sur les touristes « réguliers ». Dans le cadre de cette analyse, nous avons fait la distinction entre le court terme (c’est-à-dire l’année de l’événement) et le moyen terme (l’année de l’événement et les trois années suivantes).</p>
<p>Nos résultats montrent que les effets des événements sportifs de grande envergure varient considérablement d’un pays hôte à un autre : les coupes du monde de 2002 au Japon et en Corée du Sud et de 2010 en Afrique du Sud ont donné lieu à une nette augmentation des arrivées de touristes, alors que toutes les autres éditions ont eu un effet neutre ou négatif.</p>
<p>En ce qui concerne les Jeux olympiques d’été, les Jeux de 2008 à Pékin sont les seuls à avoir un effet positif significatif sur les arrivées de touristes dans le pays. Les effets des quatre autres événements (Sydney 2000, Athènes 2004, Londres 2012 et Rio 2016) se sont révélés négatifs à court et à moyen terme. En ce qui concerne les Jeux olympiques d’hiver, le seul cas positif est celui de la Russie en 2014. Les cinq autres événements ont eu un impact négatif, à l’exception de l’effet neutre d’une année pour le Japon en 1998.</p>
<p>À la suite d’événements sportifs de grande envergure, les pays hôtes sont donc généralement moins visités par les touristes. Sur les 18 pays hôtes étudiés, 11 ont vu le nombre de touristes diminuer sur quatre ans et trois n’ont pas connu de changement significatif.</p>
<h2>Un effet incertain pour Paris</h2>
<p>Nos recherches indiquent que l’effet positif de l’organisation d’événements sportifs de grande envergure sur les flux touristiques est, au mieux, modéré. Si de nombreux touristes sont attirés par les Coupes du monde de la FIFA et les Jeux olympiques, l’effet d’éviction des touristes « réguliers » est important et souvent sous-estimé.</p>
<p>Cela signifie que l’afflux des touristes qui viennent assister à un événement tel que les Jeux olympiques dissuade généralement ceux qui seraient venus pour d’autres raisons. Par conséquent, les efforts visant à attirer de nouveaux visiteurs doivent s’accompagner d’efforts visant à retenir ceux qui viennent déjà en temps normal.</p>
<p>Les événements sportifs de grande envergure doivent être considérés comme un élément d’une politique à long terme de promotion d’un territoire auprès des touristes plutôt que comme une solution isolée. Nos recherches ont fait ressortir un élément révélateur. En effet, il est plus facile d’obtenir une augmentation nette des entrées de visiteurs dans les pays qui sont des destinations touristiques moins populaires en temps normal, par exemple, les pays d’Asie ou d’Afrique.</p>
<p>En revanche, les États-Unis et l’Europe, deux destinations traditionnellement très prisées des touristes, ne présentent aucun cas d’effet positif net. En d’autres termes, les événements sportifs de grande envergure organisés en Asie et en Afrique ont contribué à promouvoir leurs pays d’accueil en tant que destinations touristiques, ce qui semble justifier l’investissement initial. À l’inverse, les événements organisés au cours des dernières décennies aux États-Unis et en Europe n’ont guère rapporté, du moins en termes d’afflux de touristes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225110/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les travaux d'Ivan Savin ont reçu le soutien de la Russian Science Foundation (grant number 19-18-00262).</span></em></p>Les grands événements sportifs comme les Jeux olympiques stimulent-ils la fréquentation touristique ? La réponse n’est pas simple car le public amateur de sport peut évincer les visiteurs habituels.Ivan Savin, Associate Professor of Quantitative Analytics, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2190322024-02-28T15:45:30Z2024-02-28T15:45:30ZJeux olympiques et sports freestyle : je t’aime… moi non plus<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/578558/original/file-20240228-30-qobf8x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C26%2C5973%2C3961&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En France, des passionnés de glisse toujours plus nombreux.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/jeune-patineur-faisant-ollie-stunt-sur-rampe-dans-skate-park-5159250/">Budgeron Bach / pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Tirant ses origines du surf et du skateboard nés de la <a href="https://www.decitre.fr/livres/la-contre-culture-9782862606972.html">contre-culture américaine des années 1960</a>, le <a href="https://www-cairn-info.eu1.proxy.openathens.net/reveil-du-sport-citoyen-des-valeurs-en-partage--9791031201375-page-57.htm"><em>freestyle</em></a> est une <a href="https://www.cairn.info/revue-corps-dilecta-2007-1-page-67.htm">pratique sportive protéiforme aux valeurs alternatives</a> qui s’applique aujourd’hui à de nombreuses activités plus conventionnelles (football, canoë-kayak, <em>etc</em>.). Le phénomène est étonnant en raison du caractère libre, créatif et anti-compétition du <em>freestyle</em>, jadis souvent décrié comme incontrôlable et dangereux par les mêmes structures fédérales qui désormais cherchent à l’intégrer afin de redynamiser leurs sports. </p>
<p>Ainsi le surf, le skateboard, le BMX ou encore le <em>breaking</em> seront représentés aux <a href="https://www.paris2024.org/fr/sports-olympiques/">Jeux olympiques de Paris 2024</a>, et ce au grand désarroi d’une partie de la communauté <em>freestyle</em> qui <a href="https://www.francetvinfo.fr/les-jeux-olympiques/skateboard/paris-2024-pourquoi-l-entree-du-skateboard-aux-jo-n-est-pas-une-affaire-qui-roule-pour-les-amateurs_5645102.html">s’inquiète pour sa culture</a> menacée d’être dévoyée par les politiques fédérales. L’intégration du <em>freestyle</em> aux JO demeure donc un <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0038038511413427">processus social contesté</a>.</p>
<h2>Des pratiques sportives traditionnelles bouleversées</h2>
<p>Depuis les années 2000, le sport institutionnel français voit son attractivité s’essouffler. <a href="https://www.agencedusport.fr/sites/default/files/2022-05/220509_Etude_besoins_attentes_acteurs_sport_VF.pdf">Dans une étude de 2022</a>, le <a href="https://cdes.fr/">CDES</a> constate un plafonnement du nombre de licenciés et une désinstitutionnalisation des pratiques qui se sont accélérés depuis la crise sanitaire. Le modèle traditionnel d’une monopratique axée sur la compétition et encadrée est mis à mal par les sportifs hédonistes. Conséquence : le monde fédéral a perdu 70 000 licenciés en 2018 ; la tendance s’est confirmée en 2020 (-7 % de licences).</p>
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<p>Parallèlement, les sports autonomes, hors compétition et en pleine nature se démocratisent. L’après-Covid a vu se multiplier le nombre de surfeurs (environ 1 million en France) et de skateboarders (entre 1 et 2 millions). En 2022, <a href="https://injep.fr/wp-content/uploads/2023/10/Chiffres-cles-sport-2023.pdf">49 % des collégiens déclaraient faire du skateboard, du roller ou de la trottinette</a> contre, par exemple, 41 % pour le Tennis. Selon l’<a href="https://injep.fr/">Injep</a>, la glisse urbaine figure dans le Top 5 des activités les plus prisées des jeunes.</p>
<p>Mais si les sports dits <em>freestyle</em> se sont popularisés, <a href="https://injep.fr/donnee/recensement-des-licences-et-clubs-sportifs-2022/">leurs fédérations ne semblent pas en avoir pleinement profité</a>. Étonnamment, la Fédération française de roller skating n’a connu une hausse de ses licenciés que de 3,8 % depuis 2016 (63 231 en 2022) et ne représente que 2,86 % des licenciés en sports individuels, loin derrière le golf et la natation. La division skateboard ne rassemblerait qu’environ 3 000 licenciés et 150 clubs alors que la France compte plus de 2 500 skateparks et que la <a href="https://www.sudouest.fr/gironde/bordeaux/skate-a-bordeaux-la-ville-est-passee-d-une-politique-repressive-a-une-politique-bienveillante-11636864.php">ville de Bordeaux rassemble à elle seule environ 35 000 skateurs</a>. De son côté, la Fédération française de surf a connu une baisse de -15,1 % de ses licenciés (14 947 en 2022) alors que l’ensemble des fédérations des sports de nature ont enregistré une baisse de seulement -1,7 %. Le surf ne représente que 0,74 % des licenciés en sports nature… Mais donc quelles sont les raisons d’un si faible encadrement fédéral du freestyle ?</p>
<h2>Le freestyle : une révolution culturelle</h2>
<p><a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006547532">L’établissement et le respect d’un code réglementaire</a> sont l’essence même du sport fédéral. Car sans règle, il ne peut y avoir ni d’enjeu sportif, ni de classement, de record, de victoire ou de défaite. Selon le sociologue Pierre Parlebas, le <a href="https://www.proquest.com/openview/1fea4de3ab286c2d748456d3b3fc01ce/1">sport concerne des situations motrices codifiées sous forme de compétition et institutionnalisées</a>. Or le <em>freestyle</em> ne se définit pas exclusivement par des activités physiques et encore moins par des règles.</p>
<p>Dans son ouvrage <a href="https://www.decitre.fr/livres/generation-glisse-9782862605357.html"><em>Génération glisse</em></a>, le sociologue Alain Loret date l’origine d’une révolution sportive à partir des années 1950 lorsque certaines communautés, comme les <a href="https://www.cairn.info/revue-communication-et-langages-2018-1-page-43.htm">« surfers vagabonds »</a> de Californie, ont associé à leur pratique physique un désir de marginalisation, de déviance et de contestation sociales. Progressivement, une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/9781405165518.wbeoss230.pub2">nouvelle (contre) culture sportive s’est diffusée avec comme valeurs la créativité, la liberté et la fraternité</a>. L’écrivain <a href="https://www.cairn.info/kerouac-et-la-beat-generation--9782130592952.htm?contenu=presentation">Jack Kerouac</a>, le surfeur rebelle <a href="https://www.sudouest.fr/pyrenees-atlantiques/guethary/sur-le-banc-de-miki-dora-8653515.php">Miki Dora (alias Da Cat)</a> ou encore le skateboarder <a href="https://www.lemonde.fr/sport/article/2014/08/15/jay-adams-legende-du-skateboard-est-mort_4472374_3242.html">Jay Adams des Z-Boys</a> incarnent dans le monde entier cette nouvelle vague. En France, Alain Loret évoque le navigateur et écrivain Bernard Moitessier qui refuse de passer la ligne d’arrivée pour remporter la première course autour du monde à la voile en solitaire, préférant « se laisser porter » vers le Pacifique en déclarant « Ils ne comprendront pas. […] sauront-ils sentir que les règles du jeu ont changé peu à peu, que les anciennes ont disparu dans le sillage pour laisser la place à de nouvelles, d’un autre ordre ? » Ainsi, au-delà des innovations techniques et de l’avènement de l’image, le <a href="https://www.cairn.info/sociologie-du-sport--9782715400146.htm"><em>freestyle</em> est né</a> via la recherche de la découverte, du hors-piste, de l’extrême et par la volonté d’opter pour des modèles alternatifs rompant avec le cadre du sport traditionnel.</p>
<h2>Freestyle et olympisme sont-ils compatibles ?</h2>
<p>À l’issue de nombreuses années d’incompréhension et de tensions (suscitées par exemple par le <a href="https://www.lefigaro.fr/bordeaux/bordeaux-la-mairie-ne-veut-plus-interdire-la-pratique-du-skateboard-20230323">détournement de l’espace urbain comme terrain de pratique</a>, le <em>freestyle</em> a acquis une reconnaissance sociale protéiforme (économie, art, mode, médias, <em>etc.</em>). Certains concluront que les <a href="https://www.lequipe.fr/Adrenaline/Tous-sports/Actualites/2020-une-annee-olympique-pour-les-sports-extremes-outdoor/1091801">JO de 2020</a> en sont la meilleure récompense sociale et économique.</p>
<p>Le combat autour de l’authenticité du <em>freestyle</em> pourrait donc se révéler plus idéologique que réaliste. Pour preuve <a href="https://www.revue-interrogations.org/Pour-une-relecture-historique-des">l’industrie du <em>freestyle</em> n’a pas attendu les JO pour développer la médiatisation, la professionnalisation et la commercialisation de ses</a> <a href="https://www.revue-interrogations.org/Pour-une-relecture-historique-des">pratiques</a> dans <a href="https://www.revue-interrogations.org/Pour-une-relecture-historique-des">les</a> années 1990 à travers de grands évènements comme les <a href="https://www.xgames.com/">X-Games</a>. Dans la foulée, le <a href="https://olympics.com/cio">CIO</a> a logiquement intégré ces pratiques, <a href="https://www.lemonde.fr/sport/article/2023/10/16/jeux-olympiques-de-los-angeles-2028-le-cricket-et-quatre-nouveaux-sports-au-programme_6194769_3242.html">tout comme de nombreux autres sports</a>, pour récupérer l’audience perdue des jeunes générations sur les JO. Dès lors, si le phénomène d’institutionnalisation du <em>freestyle</em> (certes tardif) n’apparaît pas comme une aberration sociale et historique, son originalité vient plutôt de la <a href="https://www.theriderpost.com/disciplines/urban/les-skaters-disent-non-aux-jeux-olympiques/">contestation qu’il provoque</a>.</p>
<p>Deux raisons principales peuvent l’expliquer et témoigner d’une crispation des positions de part et d’autre. Premièrement, le modèle alternatif porté par les <em>freestylers</em>, plus proche d’une philosophie de vie que d’un sport, est difficilement conciliable avec le régime disciplinaire et indifférencié des JO dont la devise est « Plus vite, plus haut, plus fort – ensemble ». Ainsi, nombreux sont ceux qui voient dans les JO la menace d’une normalisation du <em>freestyle</em> au détriment de sa créativité et de sa liberté. La maîtresse de conférences Magali Sizorn s’interroge sur <a href="https://www.cairn.info/revue-panard-2022-2-page-132.htm?contenu=resume">l’avenir du surf, du skateboard et du breaking</a> qui pourraient connaître le même sort que le patinage et la gymnastique jadis uniformisés par des règles fédérales rendant des pratiques plus athlétiques qu’artistiques.</p>
<p><a href="https://www.lequipe.fr/Tous-sports/Actualites/Les-raisons-de-la-fronde-des-skateurs-francais-contre-la-federation-de-roller-et-skateboard/1422040">Certains conflits éclatent</a> encore entre la communauté <em>freestyle</em> et certaines fédérations à l’orée des JO Paris 2024 (gestion des entraînements, sélection des riders, port exigé de la tenue officielle, architecture des installations sportives, etc.). Ils révèlent des oppositions sur les valeurs (différenciation versus uniformisation), sur l’exercice des pratiques (expression libre versus critères d’évaluation) ou sur l’objectif final visé (plaisir collectif versus performance individuelle).</p>
<p>Deuxièmement, l’intégration du <em>freestyle</em> aux JO dès la fin des années 1990 s’est réalisée sans considérer ses particularités culturelles. Le snowboard fut inclus comme discipline du ski, le windsurf encadré par la voile et le BMX par le cyclisme. Les instances se voient donc reprocher leur ignorance et leur manque d’écoute aboutissant à l’établissement d’une vision fédérale déconnectée. Comment des pratiques traditionnellement autonomes peuvent-elles être intégrées harmonieusement dans des structures fédérales avec lesquelles des désaccords endémiques persistent à ce jour ?</p>
<p>Si la volonté (nécessaire) de moderniser les JO dans un nouveau contexte socioculturel et économique favorise l’inclusion de nouvelles pratiques, le mariage semble encore compliqué entre une communauté inquiète pour l’avenir de son <em>lifestyle</em> et un monde fédéral qui ne reconnaît pas le <em>freestyle</em> comme une réelle opportunité de réformer en profondeur son modèle pourtant chahuté par de nouveaux acteurs plus agiles et disruptifs sur le marché du sport (comme la <a href="https://www.lesechos.fr/thema/articles/sportech-une-filiere-a-haut-potentiel-dans-les-starting-blocks-1952075">SportTech</a>. L’institutionnalisation du <em>freestyle</em> n’a donc pas fini de susciter les débats autour de l’équilibre délicat à établir entre reconnaissance officielle et intégrité culturelle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219032/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Sébastien Lacam ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Quelles sont les raisons du faible encadrement fédéral du freestyle en France ?Jean-Sébastien Lacam, Enseignant en Sciences de gestion, ESSCA School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2088922023-09-20T16:09:05Z2023-09-20T16:09:05ZBreak-dance aux JO : dans l’Antiquité, sport, musique et danse étaient déjà étroitement liés<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/536828/original/file-20230711-17-dna08l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=304%2C0%2C3616%2C2302&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Haltérophiles et flûtiste sur une amphore grecque, 510 av. JC.</span> </figcaption></figure><p>Lors des prochains Jeux olympiques de Paris en 2024, une nouvelle compétition est inscrite au programme, <a href="https://www.paris2024.org/fr/sport/breaking/">celle du breaking (ou break-dance)</a> : cet événement est l’illustration la plus frappante d’un phénomène qui semble connaître un développement très rapide, celui de l’alliance entre le sport et la danse, sans oublier un troisième partenaire essentiel : la musique.</p>
<p>Dans un article récent, on n’a pas manqué de rappeler les performances chorégraphiques qui <a href="https://www.lemonde.fr/culture/article/2023/06/24/entre-la-danse-et-le-sport-un-nouveau-pas-de-deux_6179102_3246.html">ont accompagné les finales de Roland-Garros</a> sur des musiques de Bizet et Ravel. Et l’<a href="https://www.paris2024.org/fr/olympiade-culturelle/">Olympiade culturelle</a>, qui doit trouver sa place à côté des jeux proprement sportifs, regroupe bien d’autres manifestations du même type « mêlant les deux univers » pour reprendre le sous-titre de l’article cité.</p>
<p>Cet aspect culturel des Jeux <a href="http://www.salondesbeauxarts.com/pentathlon-muses-snba-jeux-olympiques/">répondait à la volonté de Pierre de Coubertin</a> : il y a d’ailleurs eu plusieurs concours artistiques olympiques en rapport avec le sport (en peinture, sculpture, littérature, musique et architecture) pendant les premiers Jeux olympiques de 1912 à 1948, sous le nom de « pentathlon des arts ». Un fait d’autant plus étonnant que les jeux (les concours, devrait-on dire) antiques d’Olympie n’ont jamais connu que des compétitions proprement sportives, athlétiques et hippiques : mais il est vrai que d’autres concours, à Delphes en particulier (les Jeux pythiques, les plus importants des Jeux panhelléniques après ceux d’Olympie), avaient à leur programme des épreuves musicales et artistiques.</p>
<p>Sans même évoquer le patinage artistique qui s’inscrit dans les Jeux d’hiver, le fait de mêler dans un même spectacle ou une même épreuve les mondes du sport, de la musique et de la danse n’a donc rien de très nouveau. L’Antiquité nous en offre plusieurs exemples, et on n’en sera pas étonné quand on se souvient que la musique était omniprésente dans les cités antiques, comme elle le sera encore d’ailleurs à l’époque médiévale : aussi retrouve-t-on naturellement des musiciens dans les gymnases et sur les stades de la Grèce antique.</p>
<h2>Flûte et saut en longueur</h2>
<p>Ces musiciens avaient sans doute divers rôles mais, pour s’en tenir au déroulement des épreuves sportives elles-mêmes, le saut en longueur était accompagné par un joueur d’auloi (ou <em>tibiae</em> en latin) : on traduit en général cet instrument à deux tuyaux par « flûte » ou « double flûte », <a href="https://archive.org/details/musiciensromains0000baud">mais c’est une traduction erronée</a>. Il s’agit en effet d’un « instrument à anche, et sans doute à anche double, ancêtre direct du chalumeau du Moyen Âge, et de nos différents hautbois et clarinettes… ».</p>
<p>Cette pratique est bien attestée sur les images de plusieurs vases attiques du VI<sup>e</sup> et du V<sup>e</sup> s. avant notre ère, mais elle est aussi décrite par différents auteurs grecs, dont Pausanias : « … un homme debout au milieu d’eux joue de la flûte (sic), de même qu’on a coutume de le faire actuellement, lorsque ceux qui disputent le prix du pentathle en sont à l’exercice du saut. » (5, 17,10) C’est l’occasion de signaler que le saut en longueur grec ne se disputait que dans le cadre du pentathlon, que les athlètes tenaient des haltères dans les mains et qu’il était certainement un saut sans élan – et sans doute un quintuple saut sans élan si l’on en juge par deux indications de performances exceptionnellement conservées (plus de 50 pieds, et donc autour de 15m). Et pour un saut sans élan – les premiers Jeux olympiques modernes ont connu cette épreuve – le rythme donné par le musicien pouvait fournir une aide précieuse.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/549311/original/file-20230920-25-l14zqg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/549311/original/file-20230920-25-l14zqg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/549311/original/file-20230920-25-l14zqg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/549311/original/file-20230920-25-l14zqg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/549311/original/file-20230920-25-l14zqg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=527&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/549311/original/file-20230920-25-l14zqg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=527&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/549311/original/file-20230920-25-l14zqg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=527&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le saut en longueur sans éaln : Benjamin Adams aux Jeux olympiques de 1912.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Saut_en_longueur_sans_%C3%A9lan#/media/Fichier:1912_Benjamin_Adams.JPG">Wikimedia</a></span>
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<h2>Musique et boxe étrusque</h2>
<p>Mais on voudrait surtout s’attarder sur la boxe étrusque. Beaucoup de domaines de la civilisation étrusque restent mal connus car notre documentation est insuffisante, et c’est pourquoi on a souvent parlé et à tort du « mystère » étrusque. Mais il est un sujet sur lequel nos sources sont relativement nombreuses et c’est celui des jeux, du sport étrusque : ces sources sont d’abord iconographiques, car nous avons la chance d’avoir retrouvé des fresques funéraires décorant les hypogées, en particulier à Tarquinia, à 100 km au nord de Rome. Les peintures, situées dans le sous-sol, ont été conservées : Stendhal parlait de ces « petites caves peintes du Père-Lachaise de Tarquinia ». Or, les jeux funéraires sont un des thèmes principaux de ces fresques, et la boxe ou pugilat apparaît, au VI<sup>e</sup> et au V<sup>e</sup> siècle avant notre ère comme le sport favori des Étrusques, à côté des courses de chars.</p>
<p>C’est si vrai que, de façon tout à fait exceptionnelle car il y a bien peu de données textuelles sur les Étrusques, plusieurs auteurs grecs, dont Aristote, ont livré un renseignement sur l’alliance entre la boxe et la musique chez ce peuple. Ainsi d’Eratosthène qui écrivait au III<sup>e</sup> siècle avant notre ère : « Eratosthène, dans le premier livre de ses Olympioniques, affirme que les Étrusques accompagnent leurs combats de boxe au son de la « flûte » (aulos) » (Athénée de Naucratis, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Deipnosophistes">Deipnosophistes</a>, 4, 154a). Et la plupart des images étrusques, qu’il s’agisse de fresques, de reliefs, de peintures sur vases, confirment la pratique en question.</p>
<p>Cet accompagnement musical est signalé dans deux autres textes pour deux autres activités, pétrir le pain et fouetter les esclaves : ce rapprochement montre bien que la musique était là pour rythmer les assauts des athlètes, qu’elle était un adjuvant comme elle peut l’être pour des rameurs lors de joutes nautiques scandées par un petit orchestre, ou même pour insuffler du courage aux soldats marchant au combat.</p>
<p>Mais voilà qu’un autre texte grec, celui d’Alcimos, insinue que cette alliance entre boxe et musique était due à la « truphê » des Étrusques : il faut entendre par là un mode de vie fait de mollesse, de luxe et de volupté. Dans ces conditions, la boxe étrusque n’aurait-elle été qu’une boxe mimée, une danse de la boxe où le rythme comptait beaucoup, comme dans la capoeira brésilienne ? Il n’en est rien : si l’on se tourne maintenant vers la boxe thaïlandaise, on voit bien que la présence d’un orchestre traditionnel n’empêche absolument pas ce sport de connaître une extrême violence ! En réalité on sait que la truphê était un cliché souvent utilisé par les Grecs pour ruiner la réputation des Étrusques et masquer leurs propres échecs en Méditerranée par exemple sur le plan commercial : il ne faut en tenir aucun compte dans les interprétations que nous pouvons donner de la boxe étrusque en tant que compétition sportive.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/fGRRZUilldo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Boxe, musique… et danse : les Étrusques n’ont pas ignoré ces « danses de la boxe » comme on l’a bien montré à propos cette fois d’un relief sur pierre de Chiusi – une cité étrusque proche du lac Trasimène. Ce relief, conservé au musée archéologique de Florence, a été interprété à juste titre comme un ballet de trois pugilistes : avec la garde haute – mais dans l’Antiquité les coups n’étaient portés qu’à la tête – ils suivent un aulète, le musicien jouant des auloi (la « double flûte »), et il est clair qu’ils boxent et dansent en cadence. </p>
<p>On pense évidemment au <a href="https://www.numeridanse.tv/videotheque-danse/kok">magnifique ballet de la chorégraphe Régine Chopinot</a> intitulé <em>K.O.K</em> et datant de 1988 ou plus récemment, au <em>Boxe Boxe</em> de Mourad Merzouki. Il faudrait encore citer dans ce même cadre les orchestopalarii (ou orchistopalarii) – que l’on connaît surtout à l’époque romaine et qui étaient des lutteurs-danseurs, pratiquant, selon l’expression de Louis Robert, une sorte de « combinaison de danse pantomimique et de lutte. »</p>
<p>Les <a href="https://madparis.fr/Mode-et-sport">créateurs de mode</a>, eux aussi, sont de plus en plus sollicités en lien avec les pratiques sportives. La nudité athlétique grecque ne permettait sans doute pas d’aller très loin dans ce domaine, mais il suffit de voir la célèbre mosaïque romaine de Piazza Armerina aux jeunes femmes en bikini pour comprendre que la préoccupation existait : les jeunes femmes en question étant en réalité des athlètes. D’hier à aujourd’hui, de la gestuelle sportive au ballet, le tout en musique : c’est le mouvement des corps athlétiques et artistiques qui est au cœur de ces activités et de ces créations.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208892/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Paul Thuillier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L'introduction du break-dance aux JO de Paris 2024 invite à penser les liens entre la danse et le sport. Dans l'Antiquité, ces disciplines étaient souvent indissociables.Jean-Paul Thuillier, Directeur du département des sciences de l’Antiquité, École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2128172023-09-17T14:44:19Z2023-09-17T14:44:19Z« 30 minutes d'activité physique » à l’école : un dispositif contre la sédentarité à questionner<p>Le gouvernement place la rentrée scolaire <a href="https://www.education.gouv.fr/2023-2024-une-annee-olympique-et-paralympique-l-ecole-378668/https://eduscol.education.fr/3896/une-annee-olympique-et-paralympique-l-ecole">sous le signe de l’olympisme et du paralympisme</a>. Cette année 2022-2023 serait « l’occasion de renforcer tous les dispositifs favorisant la pratique physique et sportive des élèves », parmi lesquels les « 30 minutes d’activité physique quotidienne » expérimentées à la rentrée 2020 puis généralisées à la rentrée 2022.</p>
<p>La mesure se veut emblématique du <a href="https://www.paris2024.org/fr/plan-heritage-durabilite/">projet « héritage social »</a>, adossé à l’accueil des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) à Paris en 2024 consistant à faire de l’évènement un tremplin pour répondre à des problématiques sociales. Que pouvons-nous attendre de ces « 30 minutes d’activité physique quotidienne » qui ont vocation à être développées dans toutes les écoles élémentaires ?</p>
<p>Notre article s’appuie sur un <a href="https://www.theses.fr/s341767">travail de thèse en cours</a> lors duquel nous avons rencontré une quarantaine d’acteurs impliqués dans le déploiement du dispositif : des professeurs des écoles chargés de le mettre en œuvre aux décideurs olympiques et politiques l’ayant initié, en passant par une majorité d’acteurs intermédiaires des services décentralisés de l’Éducation nationale.</p>
<h2>Lutter contre la sédentarité</h2>
<p>La mesure des « 30 minutes d’activité physique quotidienne », portée à la fois par le comité d’organisation des jeux olympiques et paralympiques et le ministère de l’Éducation nationale et des Sports, a pour ambition de faire bouger les élèves en proie à une sédentarité croissante. La demande est de faire réaliser aux élèves un minimum de 30 minutes d’activité physique quotidienne les jours où ils n’ont pas de cours d’Éducation physique et sportive (EPS).</p>
<p>Le dispositif se distingue de la discipline scolaire qui vise des apprentissages concrets en termes de compétences motrices, méthodologiques et sociales. Cependant, cette dernière a toujours inclus dans ses finalités la santé des élèves. Elle est programmée 3 heures par semaine mais une majorité des enseignants fait face à de trop nombreuses difficultés, notamment en termes de formation, pour pouvoir l’enseigner à hauteur des <a href="https://www.vie-publique.fr/rapport/35974-promouvoir-lactivite-physique-et-sportive-pour-tous-et-tout-au-long-de">attentes institutionnelles</a>.</p>
<p>Les « 30 minutes d’activité physique quotidienne » peuvent se concrétiser sous la forme de pauses actives entre des cours « théoriques », de séances d’apprentissage en mouvement, ou encore d’une incitation à l’activité physique sur les temps de récréation : une grande marge de liberté est laissée aux enseignants quant aux modalités de mise en œuvre.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/jeux-olympiques-et-paralympiques-2024-quelles-seront-vraiment-les-retombees-pour-paris-199924">Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 : quelles seront vraiment les retombées pour Paris ?</a>
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<p>L’Organisation mondiale de la santé fixe le seuil d’activité physique d’intensité modérée à soutenue, préconisé pour les enfants de 5 à 17 ans, à 1 heure par jour. L’ambition présentée au travers du choix des « 30 minutes » pour l’école est de souligner la responsabilité partagée entre le système scolaire et les familles face au problème public et, dans une logique de continuité éducative, d’inciter les parents à se poser la question de la sédentarité de leurs enfants et à œuvrer pour la réalisation de la demi-heure restante.</p>
<h2>L’héritage de Paris 2024 « en jeu »</h2>
<p>Le dispositif est considéré par le COJOP comme l’un des plus emblématiques de <a href="https://www.revue-projet.com/articles/2023-06-collinet-schut-la-charge-des-heritages/11154">l’héritage des jeux</a>. L’objectif de mise à l’activité de la population française est un vrai défi quand une majorité des travaux de recherche montrent que <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36513078/">l’influence de l’accueil d’un grand évènement</a> sur celle-ci s’avère non significative. Cependant, la promotion d’un dispositif concernant toutes les écoles d’un pays dans le cadre de l’accueil d’un méga-événement est inédite.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/JuhTdgd9ugs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Présentation du dispositif 30 minutes d’activité physique par jour à l’école sur le site du ministère de l’Éducation nationale.</span></figcaption>
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<p>Plusieurs outils sont développés pour accompagner les enseignantes et enseignants dans la mise en œuvre des « 30 minutes d’activité physique quotidienne ». Le <a href="https://eduscol.education.fr/2569/30-minutes-d-activite-physique-quotidienne">site web Génération 2024</a> recense un ensemble de fiches ressources allant des fiches pédagogiques conçues par les groupes de travail académiques, aux « poses sport et attitudes » des mascottes des Jeux, en passant par le <a href="https://generation.paris2024.org/30-dactivite-physique-quotidienne">hiit de Mc Fly et Carlito</a>. <a href="https://www.education.gouv.fr/media/120606/download">« L’équipe de France des 30APQ »</a> est constituée de sportifs et sportives de haut niveau s’engageant à se déplacer dans des classes pour évoquer les bénéfices d’une pratique sportive quotidienne pour le bien-être physique et mental.</p>
<p>Enfin, un kit de matériel sportif (chasubles, ballons, etc.), conçu en partenariat avec Décathlon, devrait être livré à toutes les écoles avant la fin de l’année scolaire. Un certain nombre d’établissements, s’étant déclarés engagés sur le dispositif lors de son expérimentation, en sont déjà dotés. Ce soutien, positivement reçu par les établissements qui ont parfois du mal à se doter en matériel sportif, soulève d’ores et déjà quelques problématiques logistiques.</p>
<p>Le fait que ces outils fassent appel à des sportifs ou aux célébrités de la jeune génération renvoie à des stratégies de communication. À travers cette volonté de démontrer le pouvoir de transformation sociale des Jeux, c’est la question de la <a href="https://doi.org/10.1051/sm/2019032">légitimité de leur accueil</a> qui est en jeu, sachant que l’évènement n’est pas sans provoquer des contestations citoyennes.</p>
<p>L’enjeu est d’autant plus fort pour les territoires au cœur de l’aventure Paris 2024. Ainsi, sous l’impulsion donnée par les acteurs intermédiaires : recteur, inspecteur académique et conseillers pédagogiques, nous pouvons observer un engouement particulier pour le dispositif dans l’académie de Créteil, qui est un de nos terrains d’étude. Celui-ci prend par exemple la forme de sessions de formation continue à destination des professeurs des écoles portant spécifiquement sur le dispositif.</p>
<h2>Un « mille-feuille » de dispositifs scolaires</h2>
<p>Si les acteurs éducatifs rencontrés dans nos enquêtes reconnaissent qu’il faut prendre en compte les problèmes de sédentarité, beaucoup questionnent la solution proposée. La critique principale porte sur l’accumulation des attentes institutionnelles. En effet, les « 30 minutes d’activité physique quotidienne » viennent compléter un « mille-feuille » de dispositifs : « Savoir nager », <a href="https://theconversation.com/apprendre-a-nager-miser-sur-laisance-aquatique-pour-lutter-contre-les-noyades-186434">« Aisance aquatique »</a>, « Savoir rouler à vélo », les « éducation à » – <a href="https://theconversation.com/le-dessin-et-lart-ont-ils-leur-place-a-lecole-210303">éducation artistique et culturelle</a>, développement durable – pour n’en citer que quelques-uns.</p>
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<figcaption><span class="caption">30 minutes d’activité physique à l’école (<em>Le Mag de la Santé</em>, 2022).</span></figcaption>
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<p>« Quand tout est priorité, plus rien n’est priorité », témoigne un conseiller pédagogique. Les injonctions plurielles auxquelles font alors face les enseignants ne sont pas étrangères au <a href="https://www.cairn.info/revue-recherche-et-formation-2016-2-page-93.htm">mal-être au travail</a> qui touche cette profession. Par ailleurs, ces dernières années, les moyens humains et en formation pour accompagner l’enseignement de l’EPS ont été revus à la baisse, avec notamment la disparition provisoire de la formation continue en EPS du fait de la focale « maths-français » attendue sous le mandat de Jean Michel Blanquer.</p>
<p>Le Syndicat national de l’éducation physique (SNEP) questionne la création d’une nouvelle mesure qui prévaut sur la revalorisation de la discipline scolaire. Le déploiement du dispositif est en partie freiné par ces paradoxes qu’observent les conseillers pédagogiques départementaux en EPS. En charge de diffuser la commande ministérielle dans les écoles de leur département, certains investissent plus ou moins de temps pour son déploiement en fonction de leurs convictions relatives aux « 30 minutes d’activité physique quotidienne ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-cours-deducation-physique-et-sportive-consistent-ils-seulement-a-faire-du-sport-203804">Les cours d’éducation physique et sportive consistent-ils seulement à faire du sport ?</a>
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<p>Le choix du format du dispositif peut également être questionné à l’aune des études scientifiques. En effet, dans une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36413822/">méta-analyse portant sur 24 types d’interventions en école primaire</a> à l’international, les chercheurs et chercheuses montrent qu’en moyenne cela ne participe pas à augmenter significativement le niveau d’activité physique des élèves. Lorsque des effets sont lisibles en termes de limitation de la sédentarité, ceux-ci restent minimes. Les préconisations s’orientent alors vers des interventions solidement conçues avec un suivi rigoureux dans le temps.</p>
<p>Interroger les transformations de comportements qu’impliquent les « 30 minutes d’activité physique quotidienne » est nécessaire. Cette procédure était inexistante lors de la phase d’expérimentation. Une plate-forme recensait alors les écoles déclarant s’engager dans le dispositif, les résultats peu concluants ont servi de base pour communiquer sur les retombées du dispositif. L’année à venir sera aussi celle du déploiement de procédures dévaluation du dispositif qui manquaient rigoureusement jusqu’à aujourd’hui.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212817/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’organisation des Jeux olympiques peut-elle être un levier pour lutter contre la sédentarité des élèves ? C’est dans cet esprit qu’a été lancé le dispositif « 30 minutes d’activité physique par jour ».Fanny Raingeaud, Doctorante sociologie/STAPS, Université Gustave EiffelCécile Collinet, Professeure de sociologie du sport, Université Gustave EiffelLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2115432023-08-28T16:52:57Z2023-08-28T16:52:57ZJeux olympiques Paris 2024 : une opportunité pour penser le sport<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/544008/original/file-20230822-17-fy3tsd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C8000%2C4500&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Simulation de la cérémonie d'ouverture des jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://presse.paris2024.org/photos/1-la-parade-des-athletes-51fc-e0190.html?lang=fr">Paris 2024</a></span></figcaption></figure><p>À moins d’un an de l’ouverture des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris, la communication du Comité d’Organisation et de ses partenaires (médias, entreprises, État…) bat son plein en vue de construire « l’héritage immatériel des jeux ». Émissions télévisées consacrées aux JOP, interviews d’athlètes, consultants et organisateurs, publicités se rejoignent pour mettre en avant le logo de Paris 2024 et délivrer ce message hérité de l’idéologie coubertinienne de la fin du XIX<sup>e</sup> siècle : les Jeux olympiques et paralympiques constituent l’acmé d’un sport vertueux, porteur de valeurs positives qui irriguent la société tout entière. Le sport serait donc ouvert à la diversité, inclusif, éducatif, fraternel, moral.</p>
<p>Cependant, <a href="https://theconversation.com/les-jeux-olympiques-de-2024-suffiront-ils-a-donner-le-gout-du-sport-aux-jeunes-193815">au-delà de l’impact éventuel – et discutable – du spectacle des JOP sur le taux de pratique sportive</a>, la <a href="https://theconversation.com/jeux-olympiques-et-paralympiques-2024-quelles-seront-vraiment-les-retombees-pour-paris-199924">santé physique</a> ou sur le « moral » des Français (en cas de victoire des athlètes français), l’approche de ce méga-événement sportif devrait également être le moment privilégié pour mener une réflexion sur le sens du sport, ses valeurs, ses fonctions et son rôle dans notre société. Le sport est-il éthique en soi ? La compétition sportive a-t-elle des vertus et lesquelles ? Au-delà des effets d’annonce, le sport sera-t-il réellement paritaire en 2024 ? L’héritage évoqué n’est-il pas qu’un exercice de communication et parle-t-il aux citoyens ?</p>
<p>Les futurs Jeux devraient être l’occasion de susciter auprès des publics des réflexions touchant aux domaines <a href="https://theconversation.com/non-les-billets-pour-les-jo-2024-ne-sont-pas-un-privilege-de-riche-202898">économique</a>, politique, social ou environnemental à partir des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/17430437.2021.1960312?journalCode=fcss20">recherches les plus récentes en sciences humaines et sociales</a> et des <a href="https://www.marianne.net/societe/jo-de-paris-le-collectif-saccage-2024-sorganise-pour-denoncer-unemutation-profonde-du-93-populaire">débats citoyens développés par des opposants aux Jeux olympiques</a>. Les arguments présentés constituent de précieux matériaux pour apprendre à penser nos sociétés.</p>
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<p>Ils illustrent également « l’exigence de réflexivité scientifique » (selon les mots de Pierre Bourdieu) qui s’est imposé comme principe incontournable en sciences humaines et sociales. Lors de sa participation au colloque « Football et cultures » organisé au CNRS à l’occasion du Mondial de football de 1998 en France, le <a href="https://www.persee.fr/doc/comm_0588-8018_1968_num_11_1_1158">sociologue rappelait</a> en effet que, plus que tout autre objet social, le sport se pare d’un écran de discours préconstruits ou passionnés qui sont « le pire obstacle au travail scientifique ». Selon lui,</p>
<blockquote>
<p>« Il est difficile de parler scientifiquement de sport parce que c’est, en un sens, trop facile : il n’est personne qui n’ait sa petite idée sur le sujet et qui ne se sente en mesure de tenir des propos qui se veulent intelligents. »</p>
</blockquote>
<h2>Un fait social total</h2>
<p>Plus de 20 ans après, sa phrase est toujours d’actualité. À l’approche des JOP, tous se saisissent, à leurs fins, de « l’objet sport » : sponsors des grandes entreprises, chercheurs et consultants non spécialistes de sport, journalistes et commentateurs de shows télévisées, élus politiques et membres du gouvernement, chefs d’entreprise… Les sports de compétition présentés aux JOP reflètent-il la réalité des activités physiques et sportives dans notre société ?</p>
<p>À l’instar de l’intellectuel subversif Pier Paolo Pasolini, peut-on porter un regard critique sur les JO tout en célébrant le sport ? Passionné de football, le sport populaire par excellence (mais très critique à l’égard des JO « bourgeois »), il déclarait en 1970 :</p>
<blockquote>
<p>« Le sport est un phénomène de civilisation tellement important qu’il ne devrait être ni ignoré ni négligé par la classe dirigeante et les intellectuels. »</p>
</blockquote>
<p>Fait social total, le sport recouvre effectivement toutes les formes d’engagement physique et tous les secteurs de la vie sociale : santé, économie, politique, médias, diplomatie, éducation, formation universitaire, développement durable, jeux vidéo… Aucun de ces univers n’échappe désormais au sport.</p>
<h2>« Le » sport n’existe pas</h2>
<p>Par ailleurs, entre le sport de haut niveau des JOP et l’activité physique de loisir, il existe non seulement des degrés d’engagement mais également des controverses théoriques. De quoi parle-t-on ? Du sport ou des sports ? Du loisir à caractère sportif et des exercices d’entretien du corps – activités majoritaires dans notre société – ou du sport de compétition – activité largement minoritaire ? Définir le sport semble relever d’un pari intenable tant les pratiques sont diverses, les frontières incertaines et les liens entre les sports du passé et ceux d’aujourd’hui discutables.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/jeux-olympiques-et-paralympiques-2024-quelles-seront-vraiment-les-retombees-pour-paris-199924">Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 : quelles seront vraiment les retombées pour Paris ?</a>
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<p>Ainsi, même si les images et la scénographie perdurent (mouvement des corps, opposition entre athlètes…) et si le récit olympique construit une filiation « naturelle », le sport moderne apparu au XIX<sup>e</sup> siècle n’a pas grand-chose à voir avec les jeux de l’Antiquité ou les jeux populaires traditionnels du Moyen-Age. « Tradition inventée » (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Invention_de_la_tradition">au sens de l’historien Eric Hobsbawm</a>) dans les sociétés capitalistes, le sport moderne rassemble des pratiques d’exercice corporel dotées de règles universelles et d’espaces spécifiquement sportifs permettant notamment la comparaison des résultats de la compétition, à la différence des formes agonistiques précédentes.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Enfin, la fabrication d’une éthique proprement sportive le distingue des fonctions sacrées passées. Le vocable « sport » au singulier n’a aucune réalité tant est extrême la diversité de formes et de rapports à l’activité physique. Présenter le sport comme intemporel, apolitique et englobant toutes les pratiques est une invention de ses premiers promoteurs issus de l’élite sociale. Cet objet désignait conjointement un idéal (l’éthique sportive ou l’esprit sportif) et une pratique physique de compétition régie par des règles communes.</p>
<h2>Le sport est-il éthique en soi ?</h2>
<p>Dès lors, pour le mouvement olympique, l’esprit sportif irrigue tous les sports. Pour les institutions (sportives ou éducatives), « faire du sport » c’est non seulement se dépenser physiquement dans un cadre sportif mais surtout acquérir une morale, un « esprit olympique » et, plus récemment, une forme de citoyenneté. Ainsi en est-il de la conviction largement partagée que la pratique sportive peut produire, au-delà des stades et de manière quasi mécanique, un <a href="https://www.cairn.info/revue-societes-contemporaines-2008-1-page-7.htm">comportement citoyen et éthique</a>.</p>
<p>Or, contrairement aux discours actuels dans la perspective de Paris 2024, le sport ne contient pas de valeurs positives intrinsèques. Il porte les valeurs qu’on lui attribue et que les cadres de l’action sportive ou de l’action publique lui assignent. De même que le sport n’est pas vertueux, éducatif ou intégrateur en soi, il n’existe pas un sport en soi.</p>
<p>Outre les activités qualifiées officiellement de sportives, toute activité peut être revendiquée aujourd’hui comme telle par les pratiquants eux-mêmes, du jeu d’échecs au jardinage, en passant par le fitness, l’aquagym, l’e-sport ou la marche urbaine (première activité physique pratiquée par les Français).</p>
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<p>Le sport de compétition pratiqué à l’occasion des JOP ne représente finalement qu’une infime partie de l’univers sportif.</p>
<h2>L’abomination du corps féminin</h2>
<p>Enfin, la légende olympique occulte généralement une autre réalité, plus androcentrée. Ainsi, Pierre de Coubertin, « père » des Jeux olympiques modernes, était hostile à la participation des femmes aux Jeux olympiques. Il déclarait en 1912 :</p>
<blockquote>
<p>« Une olympiade femelle serait impratique, inintéressante, inesthétique et incorrecte. »</p>
</blockquote>
<p>Dans le sport comme dans les discours religieux, le corps des femmes a longtemps été un enjeu de domination masculine et un objet tantôt <a href="https://theconversation.com/ca-suffit-les-bikinis-les-uniformes-sportifs-feminins-doivent-arriver-au-21-si%C3%A8cle-172000">érotisé</a>, tantôt sacralisé par la maternité. Mais au cours du XX<sup>e</sup> siècle, des résistances s’organisent et les femmes s’engagent graduellement dans les pratiques physiques à mesure que la société se laïcise et que les femmes s’émancipent. Sportive, porte-parole pour la cause des femmes dans le sport mais oubliée de l’histoire, c’est <a href="https://www.cairn.info/revue-vingt-et-vingt-et-un-revue-d-histoire-2019-2-page-93.htm?ref=doi">Alice Milliat qui créa les jeux mondiaux féminins à Paris en 1922</a>, en réaction à ce refus d’accepter les <a href="https://theconversation.com/femmes-et-sport-un-ticket-gagnant-pour-paris-2024-60091">femmes aux JO</a>.</p>
<p>C’est en 1928 que les femmes participèrent pour la première fois aux Jeux en athlétisme. Enfin, c’est dans le contexte des mouvements féministes des années 1960-70 qu’elles conquirent une place croissante dans le monde du sport. Néanmoins, elles se heurtent toujours à un <a href="https://theconversation.com/equal-play-equal-pay-des-inegalites-de-genre-dans-le-football-208530">plafond de verre</a> non plus sur les terrains mais dans les instances du pouvoir sportif. Ainsi, aujourd’hui, seules deux femmes dirigent une fédération olympique. Et l’expression « sport féminin » banalisée dans le langage courant, matérialise et ancre encore et toujours la connotation masculine du terme <em>sport</em>, dénué d’adjectif quand il s’agit des hommes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211543/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>William Gasparini a reçu des financements de l'Union européenne (Chaire Jean Monnet, financement Erasmus+) </span></em></p>Le sport est-il éthique en soi ? L’héritage des JO se réduit-il à un exercice de communication ? Que signifie même le terme « sport » ? Réflexions sur un fait social total.William Gasparini, sociologue, professeur, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2108392023-08-15T21:09:17Z2023-08-15T21:09:17ZNatation : comment être au top le jour J ?<p>Les championnats du monde de natation qui viennent de se tenir à Fukuoka étaient la dernière grande répétition internationale avant les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/paris-2024-22016">Jeux olympiques de Paris 2024</a>. Au-delà de Léon Marchand, qui a commencé à écrire sa légende, ils ont confirmé le grand potentiel de plusieurs nageurs et nageuses de l’équipe de France, qui peuvent raisonnablement viser une finale olympique. C’est le cas par exemple de Maxime Grousset, Yohan Ndoye Brouard, Marie Wattel ou Pauline Mahieu.</p>
<p>Tout l’enjeu consiste maintenant à optimiser les différents aspects de leur préparation afin de s’y présenter avec la capacité de performance la plus élevée possible, ce qui est la condition sine qua none pour espérer gagner une médaille. L’une des clés pour y parvenir est une stratégie bien connue des sportifs et sportives de haut niveau : l’affûtage.</p>
<p>Par définition, l’affûtage est une diminution de la dose d’entraînement au cours d’une période de durée variable. Son objectif est de diminuer la fatigue physiologique et psychologique accumulée lors des cycles d’entraînement précédents et <a href="https://scholar.google.fr/scholar?hl=fr&as_sdt=0%2C5&q=Effects+of+tapering+on+performance%3A+a+meta-analysis.+Med+Sci+Sports+Exerc+2007%3B+39%3A+1358-1365&btnG=">d’optimiser in fine la performance</a>. Cette période d’affûtage repose sur l’hypothèse selon laquelle la performance sportive est déterminée en très grande partie par la différence entre le niveau de condition physique et le niveau de fatigue.</p>
<p>L’idée sous-jacente est que chaque entraînement influence conjointement ces deux dimensions. Ainsi, un individu qui s’entraîne beaucoup bénéficiera d’un certain nombre d’adaptations qui vont lui permettre d’atteindre un niveau de condition physique élevé, mais son niveau de fatigue le sera tout autant. D’un point de vue empirique, les sportifs constatent effectivement que ce n’est pas dans les périodes de charges d’entraînement les plus élevées qu’ils sont les plus performants. A l’inverse, un individu qui ne s’entraîne pas, ou qui cesse de s’entraîner, sera de fait beaucoup moins fatigué, mais son niveau de condition physique sera assez faible, ou en diminution, un scénario qui au final nuit à la capacité de performance. </p>
<h2>Des athlètes affûtés</h2>
<p>Tout l’enjeu de la période d’affûtage consiste donc à identifier la dose d’entraînement qui permettra de diminuer au maximum le niveau de fatigue, sans réduire celui de la condition physique. Les paramètres que l’entraîneur peut manipuler dans ce but sont assez limités, et très classiques. Nous trouvons bien évidemment l’intensité d’exercice, mais également la durée des exercices, la fréquence des séances d’entraînement, et la durée de la période d’affûtage. </p>
<p><a href="https://scholar.google.fr/scholar?hl=fr&as_sdt=0%2C5&q=Effects+of+tapering+on+performance%3A+a+meta-analysis.+Med+Sci+Sports+Exerc+2007%3B+39%3A+1358-1365&btnG=">Une compilation des études scientifiques</a> réalisées ces 20 dernières années a permis d’établir la stratégie qui en moyenne donne les meilleurs résultats : il s’agit d’une diminution progressive de 40 à 60 % du volume d’entraînement pendant une période de deux semaines, tout en conservant l’intensité des exercices et en modifiant avec parcimonie la fréquence des entraînements. Cela signifie, qu’en moyenne, les nageurs et les nageuses de l’équipe de France ne s’entrainent plus qu’une douzaine d’heures par semaine au lieu des 22 à 28 heures habituelles, pendant une période de 10 à 14 jours.</p>
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<p>Avec cette stratégie, le gain moyen de performance se situe aux alentours de 2 %. Cela pourrait paraître dérisoire si l’histoire de la natation n’était parsemée de confrontations épiques au cours desquelles la différence entre la première et la seconde place a été bien inférieure à cela. L’un des grands moments de la natation française a été la victoire d’Alain Bernard au 100 m nage libre des Jeux olympiques de Pékin, en 2008. Au cours de la finale, il a devancé l’Australien Eamon Sullivan de 11 centièmes de seconde, ce qui correspond à un écart de 0,23 %. Le brésilien Cesar Cielo et l’américain Jason Lezak, qui ont tous les deux pris la troisième place, sont arrivés à 46 centièmes d’Alain Bernard, soit une différence de 0,97 %. Un gain de performance compris entre 1 et 2 % peut donc avoir un impact majeur sur la carrière d’un sportif de haut niveau, surtout s’il arrive au bon moment ! </p>
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<figcaption><span class="caption">La victoire d’Alain Bernard aux JO de Pékin en 2008.</span></figcaption>
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<p>C’est là que réside toute la difficulté, car la stratégie d’affûtage qui consiste à diminuer le volume d’entraînement par deux est celle qui donne les meilleurs résultats… en moyenne. Or les entraîneurs le savent pertinemment : un sportif de haut niveau est tout sauf une moyenne. Cela signifie simplement que cette stratégie constitue un modèle de départ, qu’il convient ensuite d’individualiser. Simple à dire, beaucoup plus complexe à mettre en œuvre.</p>
<h2>L’apport des scientifiques pour la performance</h2>
<p>C’est à cette étape qu’interviennent les scientifiques du projet D-day. Ce consortium financé par l’agence nationale de la recherche et l’agence nationale du sport regroupe plusieurs institutions nationales telles que le centre national de la recherche scientifique (CNRS), l’institut national du sport de l’expertise et de la performance (INSEP), l’institut de recherche biomédicale des armées (IRBA), la fédération française de natation (FFN) et l’université de Poitiers, qui pilote ce projet. L’objectif de cette équipe de 16 scientifiques que j’ai le plaisir de coordonner est d’accompagner l’équipe de France de natation pour optimiser les trois dernières semaines qui précèderont les Jeux olympiques de Paris 2024.</p>
<p>Pour y parvenir, quatre grandes étapes ont été identifiées puis planifiées sur une période de 4 ans. La première a consisté à développer un tableau de bord individuel dont l’objectif est de catégoriser le niveau de fatigue cumulée des nageurs et des nageuses de l’équipe de France trois semaines avant les grandes compétitions. À partir de là, la seconde étape a logiquement consisté à identifier les stratégies qui permettent de diminuer au maximum ce niveau de fatigue, sans altérer le niveau de condition physique.</p>
<p>La plupart du temps, la simple manipulation de la dose d’entraînement suffit. Cependant, lorsque le niveau de fatigue cumulée est très élevé, ce qui est souvent le cas 3 à 4 semaines avant les grandes compétitions internationales, la seule diminution du volume d’entraînement ne suffit pas, ou alors il faudrait qu’elle atteigne un niveau qui expose les nageurs et les nageuses à un risque de déconditionnement physique. Dans ce cas, la meilleure stratégie est de coupler la diminution du volume d’entraînement à l’utilisation de méthodes de récupération. </p>
<p>Dans le cadre du <a href="https://move.labo.univ-poitiers.fr/projet-d-day/">projet D-day</a>, nous avons décidé de cibler les méthodes qui semblent avoir un impact sur le sommeil, comme la <a href="https://scholar.google.fr/scholar?hl=fr&as_sdt=0%2C5&q=3-min+whole+body+cryotherapy%2Fcryostimulation+after+training+in+the+evening+improves+sleep+quality+in+physically+active+men&btnG=">cryostimulation</a>, <a href="https://scholar.google.fr/scholar?hl=fr&as_sdt=0%2C5&q=Sleep+Hygiene+and+Recovery+Strategies+in+Elite+Soccer+Players.+Sports+Med+2015%3B+45%2C+1547%E2%80%931559&btnG=">l’immersion en eau chaude ou en eau froide</a>, ou encore les <a href="https://scholar.google.fr/scholar?hl=fr&as_sdt=0%2C5&q=Effect+of+an+innovative+mattress+and+cryotherapy+on+sleep+after+an+elite+rugby+match&btnG=">matelas thermorégulants</a>. Plus précisément, l’objectif des études expérimentales qui ont été menées était de vérifier l’effet bénéfique de ces méthodes sur la qualité et la quantité de sommeil des athlètes et de mettre en lumière les modalités d’utilisation les plus efficaces. <a href="https://scholar.google.fr/scholar?hl=fr&as_sdt=0%2C5&q=Efficacit%C3%A9+d%27un+programme+d%27%C3%A9ducation+sur+le+rythme+activit%C3%A9%2Frepos+de+nageurs+de+haut+niveau&btnG=">Une stratégie d’éducation au sommeil</a> adaptée aux sportifs de haut niveau a également été développée (<a href="https://scholar.google.fr/scholar?hl=fr&as_sdt=0%2C5&q=Efficacit%C3%A9+d%27un+programme+d%27%C3%A9ducation+sur+le+rythme+activit%C3%A9%2Frepos+de+nageurs+de+haut+niveau&btnG=">Pasquier et coll., 2022</a>). </p>
<p>Vous vous demandez certainement ce qui fonctionne le mieux. Si ces méthodes ont toutes un impact réel sur la qualité et la quantité de sommeil, chacune d’elle présente des avantages et inconvénients, et peut s’avérer plus ou moins efficace selon les personnes. Au final, ce sont donc tout autant les aspects logistiques que les préférences des nageurs et des nageuses qui vont guider nos propositions.</p>
<p>Les deux à trois dernières semaines qui précèdent les compétitions majeures génèrent beaucoup d’anxiété, tant pour les nageurs et les nageuses que pour leurs entraîneurs. Ils peuvent donc être réticents à l’idée d’apporter des modifications à une stratégie de préparation terminale qu’ils ont construite progressivement et dans laquelle ils ont confiance, quand bien même elle peut éventuellement être améliorée. L’objectif de la troisième étape est donc de faciliter l’appropriation de la démarche proposée par les scientifiques du projet D-day. Cela implique d’interroger les membres de l’équipe de France sur leurs habitudes et leurs croyances en matière de récupération, et d’identifier les déterminants psychologiques qui leur permettront d’adopter des nouveaux comportements.</p>
<p>Le niveau de performance, l’historique de blessures ou le profil psychosociologique jouent par exemple un <a href="https://scholar.google.fr/scholar?hl=fr&as_sdt=0%2C5&q=https%3A%2F%2Finsep.hal.science%2Fhal-03578632%2Fdocument&btnG=">rôle très important</a>. Cela suppose également de s’intéresser aux spécificités des femmes, tant du point de vue psychologique que dans leur réponse physiologique aux interventions proposées.</p>
<p>La quatrième et dernière étape, qui est en cours, est de mettre en place la démarche globale avant les grands évènements qui jalonnent la route vers les Jeux olympiques (championnats de France, championnats d’Europe de Rome, championnats du monde de Fukuoka et de Doha), afin de l’améliorer progressivement et de disposer d’une version optimisée avant l’été 2024. </p>
<p>Au total, le projet D-day a mobilisé 175 nageurs et nageuses de haut niveau pendant les deux premières étapes expérimentales, et 61 nageurs et nageuses potentiellement sélectionnables en équipe de France pendant la troisième étape. Si le bilan sportif ne pourra être dressé qu’à l’issue des Jeux olympiques de Paris 2024, les applications extrasportives sont déjà nombreuses. Les outils d’estimation du niveau de fatigue et les interventions destinées à le diminuer peuvent être utilisés avec d’autres populations telles que les personnes qui souffrent de maladies chroniques, ou celles qui sont exposées à l’épuisement professionnel. </p>
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<p><em>L’auteur remercie les membres du consortium Dday, qui ont contribué à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210839/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Bosquet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Et si les sciences permettaient aux nageurs de gagner les quelques fractions de seconde qui feront la différence entre la médaille d’or et une place anecdotique ?Laurent Bosquet, Professeur des Universités en sciences du sport, Université de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2087102023-06-29T19:11:58Z2023-06-29T19:11:58ZStratégie territoriale des entreprises : pourquoi la transition écologique en fait une nécessité<p>Depuis quelques années, le territoire opère un retour en force dans la stratégie des entreprises <a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/industries/emmanuel-macron-vante-sa-politique-de-reindustrialisation_AD-202305130182.html">et les politiques économiques publiques</a>. Le fondateur de Tesla, Elon Musk, a ainsi annoncé il y a quelques jours qu’il était « très probable » que le constructeur fasse « <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/il-est-tres-probable-que-tesla-fera-quelque-chose-de-tres-important-en-france-indique-elon-musk-20230619">quelque chose de très important</a> en France ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1657944795522772995"}"></div></p>
<p>Après avoir été longtemps négligée, la question du choix de l’implantation géographique apparaît en effet de plus en plus présente dans la stratégie des entreprises. Elle est donc suivie de près par les pouvoirs publics, notamment autour du « Made in France ». Non sans résultats, comme en témoigne l’édition 2023, mi-mai, du sommet Choose France où un <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/05/15/au-sommet-choose-france-une-moisson-record-d-investissements-etrangers_6173369_3234.html">record du volume d’investissements étrangers promis à notre pays a été atteint</a>.</p>
<p>Le rapport de l’entreprise au territoire est en effet en train de changer. La polémique autour des peluches Phryges, mascottes des JO de Paris 2024, <a href="https://www.liberation.fr/sports/jeux-olympiques/jo-de-paris-2024-les-peluches-phryges-fabriquees-en-chine-un-probleme-pour-christophe-bechu-20221115_PQSUP5FLFRBQRAMNSKCIC3AV6M/">fabriquées en Chine pour 90 % d’entre elles</a> en est un exemple révélateur. Peut-on encore accepter des délocalisations à outrance, alors que la crise Covid a brutalement rappelé la dépendance de notre pays – et de nombreux autres – en matière de production industrielle ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1592517818091962368"}"></div></p>
<p>Qu’il s’agisse de <a href="https://www.rtl.fr/actu/sante/paracetamol-ou-en-est-la-relocalisation-de-la-production-en-france-7900219610">médicaments</a> ou de <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/la-penurie-de-composants-electroniques-se-resorbe-sauf-dans-l-automobile.N2134717">composants électroniques dans l’automobile</a>, la globalisation a conduit à des aberrations dans les circuits d’approvisionnement, donnant l’impression que le seul argument du coût pouvait justifier des distances toujours plus longues.</p>
<p>L’échouage de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/ever-given-102132"><em>Ever Given</em></a>, ce porte-conteneurs géant qui a bloqué en mars 2021 le canal de Suez, <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/canal-de-suez-le-sauvetage-extreme-du-cargo-echoue-1301474">l’une des routes maritimes les plus fréquentées au monde</a>, a mis en lumière les limites – chaque jour plus évidentes – d’un système dans lequel « produire loin » voudrait dire « produire mieux » dans le seul sens économique du terme – comprenons donc « produire moins cher ». En effet, dans la conception traditionnelle de la stratégie, héritée des principes du modèle néo-classique de la science économique, le lieu d’implantation constitue au mieux une variable d’ajustement mais est, le plus souvent, complètement ignoré.</p>
<h2>Un élément de plus en plus distinctif</h2>
<p>En s’appuyant sur nos travaux de recherche, menés depuis une quinzaine d’années et déjà partiellement présentés dans The Conversation France, nous avons tenté de montrer que la dimension territoriale peut constituer un facteur de différenciation stratégique. Et ce, pas uniquement dans les clusters ou les grandes métropoles, mais aussi dans des zones en apparence moins attractives.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ici-plutot-quailleurs-une-decision-strategique-pour-lentreprise-et-les-territoires-91272">Ici plutôt qu’ailleurs : une décision stratégique pour l’entreprise et les territoires</a>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/2020-la-revanche-des-territoires-ruraux-131451">2020, la revanche des territoires ruraux ?</a>
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<p>Très concrètement, les entreprises qui développent de façon proactive une stratégie territoriale sont de plus en plus nombreuses, ou, en tout cas, de plus en plus visibles. La <a href="https://theconversation.com/comment-les-acteurs-du-commerce-se-reancrent-sur-le-territoire-199542">dimension marketing et commerciale</a> prime souvent, faisant la part belle aux produits de « terroir ». Si on connaît bien les atouts potentiels des labels de type Appellation d’origine contrôlée (AOC) ou Indication géographique protégée (IGP), l’ancrage du produit sur une aire culturelle ou géographique s’avère être de plus en plus un élément distinctif.</p>
<h2>Une intégration des territoires indispensable</h2>
<p>Cependant, une véritable stratégie ancrée sur un territoire, ce n’est pas seulement un emballage ou une publicité : il s’agit de raisonner de façon cohérente sur l’ensemble de sa chaîne de valeur. Ainsi Mousline, la célèbre marque <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/les-nouvelles-ambitions-de-la-puree-mousline-sous-pavillon-francais-1873933">repassée en 2022 sous pavillon français</a>, achète 85 % des pommes de terre nécessaires à ses purées <a href="https://www.lesechos.fr/partenaires/groupe-caisse-des-depots/mousline-un-ancrage-local-fort-et-une-empreinte-carbone-deja-reduite-1906451">dans un rayon de 25 km</a> autour de son unique site de production situé dans la Somme, affirmant ainsi son attachement local.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1585581968581971972"}"></div></p>
<p>D’autres entreprises vont plus loin et s’inscrivent dans une logique symbiotique avec le territoire. C’est le cas de l’Institut de Tramayes, implanté dans une petite commune de Saône-et-Loire déjà réputée pour son engagement contre le dérèglement climatique ou la santé en milieu rural, qui propose des <a href="https://www.institutdetramayes.fr/qui-sommes-nous/">parcours de formation pensés à partir de projets pédagogiques</a> au service de l’écosystème local.</p>
<p>De même, les 2 Marmottes, qui produit des infusions et des thés en Haute-Savoie : l’entreprise travaille avec les petits producteurs locaux, mais va beaucoup plus loin avec une <a href="https://www.les2marmottes.com/fr/content/24-charte-des-achats-responsables">charte des achats responsables</a> qui s’engage sur les volets social, environnemental et éthique. Le projet d’entreprise repose ici sur une vision stratégique qui dépasse le critère économique pour intégrer pleinement une responsabilité sociale et environnementale à impact potentiellement positif pour le territoire.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Ces exemples montrent que la transition socio-écologique ne se fera qu’avec une pleine intégration des territoires dans les projets stratégiques des entreprises. Cette intégration nécessite une prise de conscience réelle des entreprises de leur propre responsabilité sociétale, mais aussi de leur intérêt à intégrer au plus vite la dimension territoriale à leurs stratégies, à leur <a href="https://theconversation.com/la-raison-detre-de-lentreprise-rebat-les-cartes-du-jeu-concurrentiel-129923">« raison d’être »</a> et à <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/entreprises/entreprises-limportance-de-creer-du-lien-pour-sassurer-de-lattractivite-des-territoires-b08fdc08-c4a4-11ed-93d7-4c4cd65beb9c">leurs actions effectives</a>, dans une logique de cohérence et de <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2011-4-page-141.htm">pleine collaboration</a> avec les acteurs publics et privés concernés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208710/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La transition écologique impose un retour des questions de l’impact des activités économiques sur les territoires d’implantations. Une rupture impérative dans les stratégies d’entreprises.Anne Albert-Cromarias, Directrice Académique et de la Recherche. Enseignant-chercheur HDR en management stratégique, ESC Clermont Business SchoolAlexandre Asselineau, Professeur associé en Management stratégique, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1999242023-06-22T18:58:17Z2023-06-22T18:58:17ZJeux Olympiques et Paralympiques 2024 : quelles seront vraiment les retombées pour Paris ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/530920/original/file-20230608-12385-dlan6s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=66%2C0%2C7328%2C4933&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En plaçant les Jeux sous l’angle d’un projet de société les organisateurs se mettent eux-mêmes dans une situation délicate. Ils suscitent beaucoup d’espérance, alors même que le grand nombre d’inconnues liées à la candidature, puis à l’organisation, devrait inviter à la prudence.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 approchent pour Paris et avec eux leurs lots de controverses qui abondent une tendance claire : la raréfaction des candidatures pour l’accueil des Jeux ces dernières années. Depuis 1997, <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=evulDwAAQBAJ">plus de deux tiers des référendums</a> voient le « non » l’emporter.</p>
<p><a href="https://www.mov-sport-sciences.org/articles/sm/abs/2020/01/sm180064/sm180064.html">Les contestataires</a> dénoncent un gaspillage des deniers publics pour des projets qui n’auraient pas suffisamment d’utilité sociale. Pour contrer cela, le choix de candidater à un <a href="https://gisetudestouristiques.fr/encyclopedie/grands-evenements-sportifs-internationaux-gesi/">grand événement sportif international</a> (GESI) se justifie de plus en plus par la promesse d’un héritage économique et social durable qui profitera à toutes et tous, comme c’est le cas du <a href="https://medias.paris2024.org/uploads/2021/09/Paris2024-210830-Legacy-Plan-FR.pdf">Comité organisateur des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024</a>.</p>
<p>Mais, en plaçant les Jeux sous l’angle d’un projet de société, les organisateurs se mettent eux-mêmes dans une situation délicate. Ils suscitent beaucoup d’espérance, alors même que le grand nombre d’inconnues liées à la candidature, puis à l’organisation, devrait justifier la prudence. Un tour d’horizon de quelques effets économiques et sociaux après des éditions passées permet de comprendre quelles pourraient être les retombées réelles pour Paris et la France. Cerner la complexité de ces enjeux permet aussi de questionner la notion d’héritage, qui crée souvent le risque d’un décalage abyssal entre espérance et réalité.</p>
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<a href="https://theconversation.com/le-pour-et-le-contre-faut-il-continuer-a-organiser-des-mega-evenements-sportifs-174346">« Le pour et le contre » : Faut-il continuer à organiser des méga-événements sportifs ?</a>
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<h2>Quand les coûts dépassent les retombées</h2>
<p>Bien que sous certaines conditions favorables il semble possible d’obtenir un <em>boost</em> dans l’économie locale, les travaux sur l’impact économique des GESI illustrent surtout la manière dont les <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/jep.30.2.201">coûts dépassent presque toujours les retombées</a> amenant les économistes à évoquer la <a href="https://shs.hal.science/halshs-00794056">« malédiction du vainqueur »</a> de la candidature olympique. Dans les faits, les études d’impact économique ne distinguent pas les gagnants et les perdants : elles mesurent simplement s’il y a un <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/19407960902992183">gain monétaire</a>.</p>
<p>La redistribution des ressources dans une région est souvent <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1111/j.1467-954X.2006.00650.x">socialement injuste</a> et ne profite pas équitablement à l’ensemble de la population. Il convient donc de distinguer l’impact du bénéfice économique. On aurait vite fait de s’enthousiasmer d’un impact de plusieurs millions, si l’on ne prenait pas la précaution de regarder précisément de <a href="https://www.cairn.info/revue-d-economie-regionale-et-urbaine-2010-3-page-379.htm">quoi il est composé</a>.</p>
<p>De nombreuses olympiades présentent le cas d’une dépense publique dont la dette pour le contribuable s’est étirée sur plusieurs décennies <a href="https://www.eyrolles.com/Entreprise/Livre/economie-internationale-du-sport-9782706116094/">à l’instar des Jeux de Montréal en 1976 ou de Rome en 1960</a>.</p>
<p>Finalement, les <a href="https://sustain.pata.org/wp-content/uploads/2015/02/FINAL_SpecialEvents-guide.pdf">économistes</a> eux-mêmes s’accordent pour souligner les <a href="https://journals.openedition.org/regulation/10215">limites méthodologiques du calcul d’impact économique</a> et encouragent à s’intéresser à des dimensions hors marché, à l’instar des impacts sociaux.</p>
<h2>Un impact durable sur la vie des Parisiens ?</h2>
<p>Malheureusement, l’analyse de ces derniers présente aussi des difficultés méthodologiques de taille et les études s’intéressent principalement à une dimension du problème : l’analyse de la perception d’un sentiment d’appartenance, du bonheur, etc. Une fois n’est pas coutume, on y apprend que le <a href="https://www.jstor.org/stable/41409381">GESI peut être source de fierté</a>, de satisfaction et de <a href="https://econpapers.repec.org/article/eeespomar/v_3a17_3ay_3a2014_3ai_3a2_3ap_3a121-132.htm">bien-être</a>, tout autant que de <a href="https://www.routledge.com/Mega-events-and-Urban-Image-Construction-Beijing-and-Rio-de-Janeiro/Broudehoux/p/book/9780367667948">nuisances</a> selon les contextes et les populations étudiées.</p>
<p>Suite aux Jeux olympiques de Londres en 2012, les travaux <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/13604813.2012.754190">sur le renouvellement urbain dans le quartier de Stratford sont instructifs</a> : si les GESI sont des catalyseurs d’action publique qui permettent d’améliorer grandement l’offre de transport en peu de temps, ils s’accompagnent généralement d’une forte gentrification venant nuancer l’intensité des potentielles retombées positives.</p>
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<p>Idem sur la notion de cohésion sociale et d’identité locale : les GESI sont théoriquement le moment propice à <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/14775080601155126">l’abaissement des barrières sociales entre individus</a> et au développement de relations interpersonnelles spontanées qui s’avère être extrêmement rare dans la société – ce que l’on a communément appelé l’effet « black-blanc-beur » en 1998.</p>
<p>Ce mécanisme, perçu encore lors du récent mondial de football, pourtant controversé, au Qatar, convient d’être nuancé de deux manières : d’une part il semble très éphémère, d’autre part, ces moments de communion identitaires peuvent aussi être source de repli et de <a href="https://www.decitre.fr/livres/l-impact-social-des-grands-evenements-sportifs-internationaux-processus-effets-et-enjeux-9782917465646.html">sentiment d’exclusion</a> comme nous l’avons observé lors de l’Euro 2016 dans certains quartiers parisiens peu concernés par la tenue de l’événement.</p>
<h2>Une hausse de l’activité physique ?</h2>
<p>Le développement de l’activité physique et sportive suite aux Jeux de Londres 2012 est aussi un bel exemple de cette complexité. Certains <a href="https://www.storre.stir.ac.uk/handle/1893/29216">articles</a> et <a href="http://londonsport.org/wp-content/uploads/2022/07/London-2012-report.pdf">sondages</a> pointent des effets légèrement positifs (le taux d’inactivité – moins de 30 minutes par semaine – passant de 29 % à 27 % entre 2012 et 2021), tout en faisant état <a href="https://committees.parliament.uk/committee/482/national-plan-for-sport-and-recreation-committee/news/159591/a-new-national-plan-for-sport-health-and-wellbeing-is-needed-to-tackle-inactivity-says-lords-committee/">d’un accroissement des inégalités entre catégories de populations</a>.</p>
<p>D’autres résultats sont encore moins probants 10 ans après, à l’instar de l’obésité infantile, un <a href="https://www.standard.co.uk/news/politics/london-olympic-boroughs-childhood-obesity-england-b1014919.html">problème de santé publique majeur en Angleterre</a> y compris dans les quartiers bordant les sites olympiques.</p>
<p>La plupart des études s’accordent pour identifier des <a href="https://journals.humankinetics.com/view/journals/jpah/20/1/article-p77.xml?content=abstract">effets mitigés</a>, l’impact sur la participation sportive relevant le plus souvent d’un <a href="https://www.easm.net/download/easm_essential_sport_management_collection/sport_governance_and_policy/The-Olympic-Games-and-raising-sport-participation-a-systematic-review-of-evidence-and-an-interrogation-of-policy-for-a-demonstration-effect.pdf">effet de mode</a> qui n’aura tendance à inspirer que les individus déjà engagés émotionnellement dans le sport.</p>
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<figcaption><span class="caption">Accueillir les Jeux olympiques : est-ce vraiment une bonne affaire ? (<em>Le Monde</em>).</span></figcaption>
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<h2>Le rôle clef des acteurs locaux</h2>
<p>Nous avons montré dans un <a href="https://www.decitre.fr/livres/l-impact-social-des-grands-evenements-sportifs-internationaux-processus-effets-et-enjeux-9782917465646.html">ouvrage collectif</a> que plus de 50 % des projets sociaux liés à l’Euro 2016 ont été impulsés par l’État et les collectivités territoriales.</p>
<p>Autrement dit, un GESI n’a pas d’effet intrinsèque positif sur le territoire hôte : l’impact est produit par les acteurs locaux. Une volonté politique doit être incarnée sur le temps long pour dessiner les contours d’une stratégie d’héritage. Ce sont les ressources engagées en amont et pendant l’événement qui créeront son impact en aval.</p>
<p>Que pouvait-on attendre de Londres 2012 – un événement de quinze jours – sur le développement de la pratique sportive, si les politiques publiques afférentes ne permettent pas de répondre aux enjeux liés à l’alimentation, au mode de vie, aux inégalités économiques, au manque d’espace et d’équipements, ou encore au développement des possibilités de base telles que marcher ou faire du vélo pour se déplacer ? L’organisme <a href="https://www.sportengland.org/blogs/learning-london-2012-create-lasting-impact-ten-years">Sport England</a> indique d’ailleurs en juillet 2022 que « l’organisation de grands événements ne suffit pas à susciter un changement de comportement à long terme au niveau national » mais que « l’aspect positif est que nous en connaissons désormais les raisons et, plus important encore, les moyens d’y remédier ». Gageons que Paris 2024 sache s’inspirer de ces échecs répétés pour ne pas reproduire les mêmes erreurs.</p>
<p>On nous rétorquerait ici à raison que la tâche est inextricable pour les organisateurs de GESI au XXI<sup>e</sup> siècle : une stratégie d’héritage ambitieuse s’impose pour garantir l’acceptabilité sociale de l’événement mais elle véhicule aussi son lot de désillusions. Toutefois à trop vouloir justifier de l’intérêt de son événement, on en vient presque à créer les conditions de son désenchantement.</p>
<p>Deux voies de sortie complémentaires peuvent être envisagées. La première serait de requestionner la place du sport dans notre société pour remettre l’événement à sa (juste) place. Les GESI ont le potentiel, sans équivalent dans nos sociétés, pour attirer les attentions et provoquer des enthousiasmes. Ils n’ont toutefois pas vocation à répondre à tous nos maux. Ils peuvent venir ponctuer, rythmer la vie sociale et dans le meilleur des cas, alimenter une action publique. La seconde, serait de s’appuyer davantage sur les résultats des travaux académiques car ceux-ci pointent des effets contradictoires. </p>
<p>Or la notion d’héritage, <a href="https://www.cairn.info/revue-staps-2021-4-page-113.htm">vague sur le plan scientifique</a> et trop souvent appréhendée seulement de manière quantitative (nombre de projets développés, nombres de jeunes mobilisés, etc.) présente un risque de dilution de ces résultats plus fins et contextualisés. Cela permettrait d’engager une voie plus nuancée pour souligner l’intérêt intrinsèque du projet, sans pour autant le charger implicitement d’une ambition démesurée, et donc potentiellement déceptive.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199924/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugo Bourbillères ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Face aux critiques qui dénoncent un gaspillage des deniers publics, les organisateurs promettent un héritage économique et social durable.Hugo Bourbillères, Maître de conférences en STAPS (sociologie et management du sport), Université Rennes 2Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2027882023-04-03T17:55:27Z2023-04-03T17:55:27ZForce, vitesse, endurance : qui est le meilleur, l’humain ou l’animal ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/518724/original/file-20230331-28-w4mh75.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C613%2C459&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le marathon Hommes contre Chevaux.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://rove.me/fr/to/wales/man-v-horse-marathon">Roger Kidd</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Si vous avez la chance d’être tiré au sort pour acheter des places aux Jeux olympiques 2024, il vous faudra choisir parmi les 400 épreuves qui auront lieu. « Citius, Altius, Fortius » dit la devise olympique, mais on pourrait même rajouter « <em>Diutus</em> » probablement oublié par erreur par le Baron de Coubertin. Alors : plus vite, plus haut, plus fort et plus longtemps ?</p>
<p>Oui, mais pas en même temps… Les épreuves olympiques sont aussi nombreuses que variées quant aux qualités physiques qu’elles requièrent. Alors que les sprinteurs s’affronteront dans un concours de vitesse, le volleyeur voudra sauter toujours plus haut pendant que l’haltérophile devra user de sa force et le marathonien de son endurance. Ces qualités physiques ne sont pas reliées entre elles car elles sont liées à des aspects biomécaniques et physiologiques bien différents. Chaque athlète a son profil force-vitesse-endurance. Même au sein d’une équipe ou d’une discipline, plusieurs profils de joueurs cohabitent, chacun avec ses forces et ses faiblesses.</p>
<p>Cette diversité de qualités physiques chez les humains reste anecdotique quand on regarde le règne animal. De la fourmi à l’éléphant en passant par le crabe et le serpent, tous se déplacent grâce à leurs muscles. En revanche, chacune des espèces du monde animal a développé des adaptations physiques spécifiques particulièrement adaptées à leur environnement.</p>
<h2>La force pour s’échapper</h2>
<p>Ici la question n’est pas de gagner une médaille, mais de survivre ! Prenons l’exemple des relations proies-prédateurs. A priori, le plus rapide a un avantage. S’il s’agit de la proie, le prédateur ne pourra rien se mettre sous la dent, mais dans la situation opposée on ne donnera guère de chance à la proie de s’en sortir.</p>
<p>Comme nous l’avons vu précédemment, les qualités physiques sont variées et plusieurs stratégies peuvent se mettre en place. Le plus lent pourra peut-être s’en sortir grâce à son endurance alors que le plus rapide pourrait être mis en difficulté par les capacités de force de son adversaire.</p>
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<figcaption><span class="caption">La conférence de Pierre Samozino « Les limites de la machine humaine » compare en détail les biomécaniques humaines et animales dans leurs performances physiques.</span></figcaption>
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<p>Commençons par la force. On voit tout de suite l’avantage d’être fort dans un affrontement au corps à corps, tels deux boxeurs sur un ring. Mais chez les animaux, la survie ne se joue pas toujours au bras de fer, c’est plus souvent une question de course-poursuite. Et à ce jeu-là, la force est tout aussi importante, ou plus précisément, la force rapportée au poids de corps. C’est elle qui déterminera l’accélération indispensable à une sauterelle qui, d’un seul bond, se sortira d’une embuscade tendue par une grenouille qui la dévorait des yeux. Grâce à ses tendons qu’<a href="https://resjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1365-3032.2010.00735.x">elle utilise comme catapulte</a>, la sauterelle présente des pics d’accélération hors du commun, lui permettant de sauter bien plus haut que ses prédateurs.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/518217/original/file-20230329-14-4wgxmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518217/original/file-20230329-14-4wgxmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518217/original/file-20230329-14-4wgxmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518217/original/file-20230329-14-4wgxmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518217/original/file-20230329-14-4wgxmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=512&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518217/original/file-20230329-14-4wgxmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=512&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518217/original/file-20230329-14-4wgxmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=512&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La sauterelle peut sauter 20 fois sa taille contre à peine plus d’une fois pour les champions olympiques – Crédit Roger Bruner.</span>
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<p>C’est l’arme secrète de bon nombre de petits animaux. L’allométrie, la science qui étudie l’évolution des traits biologiques au travers des différentes échelles, nous montre que le <a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/ecy.3369">rapport force/poids est au profit des « tout petits »</a>. C’est également grâce à ces pics d’accélérations que le lézard peut se défaire d’un chat affamé en changeant brutalement de direction et ainsi éviter de perdre à un concours de vitesse en ligne droite ou de lutte acharnée. On retrouve ces grandes capacités d’accélérations vers le haut (sauts), l’avant ou le côté (changement de direction) chez les meilleurs joueurs dans les sports de petits terrains (basketball, handball, tennis) où beaucoup d’actions se jouent sur le tout premier pas.</p>
<h2>La vitesse pour la course-poursuite</h2>
<p>Dans les plus grands espaces, certains animaux jouent plutôt sur la vitesse pour survivre. <a href="https://books.google.fr/books?hl=en&lr=&id=2anZacrFaxoC">C’est comme cela que l’antilope peut échapper au lion</a> qui, lui, tente le tout sur le tout sur les premiers mètres grâce à une meilleure accélération. Mais à ce jeu-là, le guépard est le champion toutes catégories avec des pointes de vitesse à plus de 100 km/h ! Cette suprématie n’est pas liée à des fibres musculaires extraordinaires, mais plutôt à ses muscles fessiers surdéveloppés et positionnés sur le squelette avec des <a href="https://www.nature.com/articles/nature12295">bras de levier permettant de démultiplier la vitesse de contraction de ses muscles</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/518212/original/file-20230329-24-izsj0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518212/original/file-20230329-24-izsj0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518212/original/file-20230329-24-izsj0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518212/original/file-20230329-24-izsj0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518212/original/file-20230329-24-izsj0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518212/original/file-20230329-24-izsj0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518212/original/file-20230329-24-izsj0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La quadrupédie et les puissances des muscles fessiers du guépard lui permettent de courir presque 3 fois plus vite qu’Usain Bolt – Crédit Ahmed Galal.</span>
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<p>Et pour ça, la quadrupédie est essentielle. Elle permet d’appliquer la force au sol bien plus efficacement que nous, humains, quand on est droit sur nos deux jambes. C’est d’ailleurs un élément central qui explique que certains athlètes courent le 100m plus vite que d’autres : une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00421-012-2379-8">orientation horizontale de la force au sol a été montrée comme plus importante que la force totale produite par nos jambes</a>. Les muscles situés à l’arrière de nos jambes (fessiers, ischiojambiers) associés à une gestuelle millimétrée jouent alors un rôle capital pour produire de la force vers l’arrière et nous accélérer vers l’avant, exactement comme lorsque nous faisons de la trottinette. Un atout majeur que présentait Christophe Lemaitre quand il est passé sous la fameuse barre des 10s au 100m en 2010. </p>
<p>Saviez-vous qu’Usain Bolt, lors de son record du monde du 100m en 2009, était à moins de 50 % de sa puissance maximale de propulsion sur les trois-quarts de sa course ? Il ne s’est pas donné à fond ce jour-là ? C’est peu probable… en revanche c’est sa boite de vitesse qui lui a fait défaut.</p>
<p>Imaginez-vous avoir pris l’autoroute pour rouler vite, mais devoir rester en fond de première… Chez l’humain, c’est exactement ce qu’il se passe sur un 100m, la production de puissance est bridée à cause <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/sms.14097">d’un « braquet » non adapté</a>. C’est donc à celui qui aura la 1<sup>re</sup> la plus proche de la 2<sup>e</sup>e qui va gagner, et pas nécessairement celui qui aura le plus de chevaux sous le capot. Le guépard a plus de puissance certes, mais surtout des rapports bien plus adaptés au sprint qui lui permettent de maintenir une bonne efficacité de propulsion quand la vitesse augmente.</p>
<h2>L’endurance pour épuiser ses proies</h2>
<p>La stratégie des félins est donc basée sur la vitesse maximale, mais d’autres animaux utilisent une stratégie à l’exact opposé. Les <a href="https://link.springer.com/article/10.4098/j.at.0001-7051.082.2008">loups</a>, mais aussi les <a href="https://www.int-res.com/articles/meps2007/347/m347p111.pdf">orques</a>, peuvent traquer leurs proies pendant des heures sur plusieurs dizaines de kilomètres. Leur cible est peut-être plus rapide sur des sprints, mais ces prédateurs vont jouer sur leur endurance élevée pour fatiguer petit à petit leur proie, jusqu’à l’épuisement total pour la capturer ensuite aisément.</p>
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<figcaption><span class="caption">La conférence de Baptiste Morel « Fables de la fatigue » revient sur l’influence de la fatigue et des capacités d’endurance dans le monde animal et les performances sportives.</span></figcaption>
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<p>Physiologiquement, ces prédateurs possèdent une vitesse critique (vitesse à partir de laquelle le phénomène de fatigue se déclenche) plus élevée. <a href="https://peerj.com/articles/3701/">La vitesse de traque est donc supportable pour eux, mais pas pour leur proie</a>.</p>
<p>Nous, humains, faisons partie de cette deuxième catégorie de prédateur. Depuis l’époque d’<em>Homo erectus</em> une <a href="https://anr.fr/Project-ANR-22-CE14-0073">sélection au profit de la résistance à la fatigue s’est produite dans le genre homo</a> au point de devenir des champions de l’endurance. Nous sommes même capables de rivaliser avec des chevaux ! Une course de 35 km au Pays de Galles oppose chaque année au début de l’été des humains et nos fidèles destriers. Pour la troisième fois, un <a href="https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2022-06-13/ce-britannique-a-remporte-un-trail-atypique-ou-les-coureurs-doivent-battre-des-chevaux-cbd1f6b2-3d09-403c-a752-b734dd97b972">humain (Ricky Lightfoot, ça ne s’invente pas) est arrivé en tête en 2022</a>. De manière moins exotique, cette qualité physique s’exprimera dans toutes les disciplines d’endurance aux prochains JO, et en premier lieu, <a href="https://theconversation.com/marathon-des-jo-2024-un-fort-denivele-pour-un-suspens-garanti-192418">lors du marathon</a>.</p>
<p>La diversité des capacités physiques du monde animal est extraordinaire. Elles ont été peu à peu sélectionnées par les mécanismes de l’évolution. Dans nos projets de recherche, nous étudions notamment comment ces capacités nous permettent de <a href="https://anr.fr/Project-ANR-22-CE14-0073">comprendre le comportement humain et plus largement animal</a>, mais aussi comment les <a href="https://anr.fr/ProjetIA-20-STHP-0006">optimiser pour gagner plus de médailles</a>. Pour nous, homo sapiens, ces qualités physiques sélectionnées par l’histoire de notre espèce ne sont plus mises en jeu pour des questions de survie. Néanmoins, elles sont pour notre plus grand bonheur mis en lumière dans les évènements sportifs tout autour de la planète et en premier lors de la grande fête quadriennale que sont les Jeux olympiques.</p>
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<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/fr/projets-finances-et-impact/projets-finances/projet/funded/project/anr-22-ce14-0073/?tx_anrprojects_funded%5Bcontroller%5D=Funded&cHash=b7a001b07e7057c2d8c589df4383314a">Relation force-vitesse-endurance de la locomotion animale – FOVEAL</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202788/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Baptiste Morel a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche. Il ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation privée qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pierre Samozino a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche. Il ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation privée qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche</span></em></p>Les humains sont très mauvais au sprint, aucune chance face à un guépard, mais plutôt bons en endurance. Certains sont même capables de battre les chevaux à la course sur longue distance.Baptiste Morel, Maître de conférences, Université Savoie Mont BlancPierre Samozino, Maître de conférences, Biomécanique et Sciences du sport, Université Savoie Mont BlancLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2028982023-04-03T17:50:30Z2023-04-03T17:50:30ZNon, les billets pour les JO 2024 ne sont pas un privilège de riche<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/518215/original/file-20230329-24-d9xcmm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=53%2C12%2C1144%2C772&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Seul 0,5&nbsp;% des billets coûtent plus de 950 euros.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/yvelines/36372594464">Flickr/Département des Yvelines</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les réactions à la mise en vente des premiers billets pour <a href="https://theconversation.com/fr/topics/paris-2024-22016">Paris 2024</a> pourraient faire croire que la billetterie des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/jeux-olympiques-21983">Jeux olympiques</a> est un attrape-gogo, une machine à exclure le peuple. « Ils nous prennent pour des gogols avec leur slogan de jeux populaires, les places sont réservées aux riches ». Pour éviter les jugements à l’emporte-pièce, un petit rappel des faits chiffrés et des principes économiques de l’émission de billets semble d’utilité publique. Parlons donc siège, coût, et prix. Nous verrons alors que ceux qui payent cher leur place financent les billets à petit montant.</p>
<p>Il ne faut jamais oublier que derrière les prix se nichent des coûts. Les dépenses du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop) s’élèvent à environ 4 milliards d’euros. La réalisation des projets d’infrastructure, grands et petits, qui sont confiés à une structure ad hoc, Solideo, réclame un peu moins. Mais pour simplifier, faisons l’hypothèse qu’elle a une utilité hors des JO. Oublions donc ces dépenses qui n’ont pas besoin d’être recouvrées par la billetterie, les sponsors et les droits télévisuels, les trois sources de recettes du Cojop pour équilibrer ses dépenses.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/billetterie-des-jo-de-paris-2024-les-raisons-de-la-colere-200666">Billetterie des JO de Paris 2024 : les raisons de la colère</a>
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<p>Admettons aussi pour l’instant que chacune de ces sources participe aux dépenses du Cojop à hauteur de leur contribution à ses recettes totales, soit 31,8 % ou encore 1265 millions d’euros pour la seule billetterie. Avec cette clef de répartition et sachant que 13,4 millions de tickets seront mis en vente, le coût moyen par siège pour un spectacle sportif s’élève ainsi à environ 100 euros. Entendez ici par spectacle sportif, celui auquel donne droit un billet c’est-à-dire assister à une ou des épreuves simultanées, pour une date et un créneau horaire donnés.</p>
<p><iframe id="A5JRO" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/A5JRO/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le raisonnement par siège permet de rappeler une particularité des spectacles dans une salle ou dans un stade : le coût du siège est grosso modo le même dans toute l’enceinte. Le fait qu’ils soient plus ou moins larges et confortables n’introduit pas un grand écart. Idem pour le fait qu’ils soient plus ou moins éloignés de la scène et offrent un angle de vue plus ou moins panoramique.</p>
<p>Notez que pour les JO le coût est aussi à peu près le même quelle que soit l’étape de la compétition : il ne coûte pas vraiment plus au Cojop d’organiser la finale du 100 mètres qu’une épreuve de qualification. Les athlètes n’étant pas rémunérés, la présence de vedettes internationales n’occasionne pas de dépenses supplémentaires significatives. L’hétérogénéité des sites où se déroulent les épreuves est finalement la principale cause de variation du coût du siège car ils présentent des jauges variées et occasionnent des dépenses d’exploitation variables.</p>
<h2>Des budgets et des préférences hétérogènes</h2>
<p>La valeur d’un siège est en revanche extrêmement différente selon sa localisation dans l’enceinte et selon l’attrait du spectacle. D’où des tarifs très dispersés proposés à la vente des sièges. Ils s’échelonnent entre 25 euros et 980 euros soit un écart de 1 à 40. Rien à voir avec un écart des coûts même s’il était de 1 à 2 entre les bons et mauvais sièges par leur place ou de 1 à 10 entre les différents sites.</p>
<p>Le rapprochement entre les tarifs pratiqués et un coût moyen par siège de 100 euros conduit à observer que des billets ne peuvent être mis en vente à bas prix que si des acheteurs payent au prix fort.</p>
<p>Dit de façon plus précise, une surmarge est prélevée sur les billets à plus de 100 euros pour compenser les marges négatives de la vente de billets de moins de 100 euros. Concrètement, untel peut bénéficier d’un siège à 25 euros car 75 euros sont récupérés par la billetterie du Cojop auprès d’acheteurs plus fortunés.</p>
<p>Plus fortunés ou tout simplement mieux désireux d’assister aux épreuves. On oublie trop souvent que le montant qu’un consommateur est prêt à payer pour un bien, ici un spectacle, dépend aussi de ses préférences. Une personne qui a de petits moyens peut être prête à casser sa tirelire pour assister à une compétition des JO tandis qu’une autre ayant pourtant les moyens ne souhaitera pas mettre un centime ou en tout cas plus de 25 euros dans l’achat d’un billet. L’hétérogénéité des consommateurs s’observe dans les préférences aussi bien que dans les budgets.</p>
<iframe src="https://player.acast.com/5e69020345f6295e08d5a28b/episodes/5e690214fdacf0855703890c?theme=default&cover=1&latest=1" frameborder="0" width="100%" height="110px" allow="autoplay"></iframe>
<p><a href="https://open.spotify.com/episode/7IIpxEEMzfhWxW85rzQh8x"><img src="https://images.theconversation.com/files/237984/original/file-20180925-149976-1ks72uy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=268&fit=clip" width="268" height="68"></a></p>
<p><a href="https://podcasts.apple.com/au/podcast/podcast-les-subtilit%C3%A9s-tarifaires-des-places-de-spectacle/id1516230224?i=1000476394992"><img src="https://images.theconversation.com/files/233721/original/file-20180827-75984-1gfuvlr.png" alt="Listen on Apple Podcasts" width="268" height="68"></a></p>
<p>Cette vertu d’une billetterie qui combine des petits prix et des prix forts n’est généralement pas perçue comme telle. Assis dans les rangées du haut des extrémités du stade, il est difficile de ne pas jalouser les privilégiés occupant les sièges des premiers rangs du milieu de l’enceinte. Il n’est pas sûr pour autant qu’une tarification uniforme strictement égalitaire remédie au problème.</p>
<p>Imaginez que tous les sièges soient mis en vente au tarif unique de 100 euros après un tirage au sort parmi tous les amateurs de spectacle olympique. Les moins bien placés ne pourront qu’invoquer la malchance mais ils lorgneront peut-être quand même du côté des sièges des plus chanceux. En tout état de cause, cette tarification éliminerait les amateurs à petite bourse, ceux qui auraient été prêts à acheter un billet à 24 euros ou même à 99 euros. Elle comporte aussi le risque de rangées de sièges vides pour les épreuves les moins courues et peut donc entraîner des recettes insuffisantes au Cojop pour couvrir ses coûts.</p>
<p>On peut aussi imaginer un prix uniforme plus faible, voire nul, mais il faut alors faire appel aux finances publiques pour équilibrer les comptes. Ce qui revient à faire payer une partie de l’organisation des Jeux par les contribuables (ou les générations futures à travers la dette). Or il est dit et répété – et finalement semble largement admis –, que les Jeux de Paris 2024 ne doivent pas être subventionnés par de l’argent public.</p>
<h2>Deux spectateurs subventionnés sur trois</h2>
<p>Les éléments chiffrés précis de la grille tarifaire, en particulier le nombre de sièges offerts dans chaque catégorie de prix, ne sont pas connus. Certaines données ont toutefois été rendues publiques : 10 % des billets à 24 euros et 50 % des billets à moins de 50 euros ; 70 % des billets à moins de 100 euros ; 10 % des billets à plus de 200 euros ; enfin, 0,5 % des billets à plus de 950 euros.</p>
<p>On ne sait pas toujours si ces pourcentages sont établis sur le même total, en particulier s’ils incluent ou non la billetterie pour les épreuves paralympiques, ni quelles inégalités sont larges (c’est-à-dire plus petit ou égal) ou strictes. On peut néanmoins essayer d’en tirer quelques observations.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/518219/original/file-20230329-18-7tpbr0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Anneaux olympiques géants, situés sur la place du Trocadéro à Paris le 15 septembre 2017" src="https://images.theconversation.com/files/518219/original/file-20230329-18-7tpbr0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518219/original/file-20230329-18-7tpbr0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518219/original/file-20230329-18-7tpbr0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518219/original/file-20230329-18-7tpbr0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518219/original/file-20230329-18-7tpbr0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518219/original/file-20230329-18-7tpbr0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518219/original/file-20230329-18-7tpbr0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Un total de 10 % de la billetterie affichera un tartif de 24 euros par place.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Olympic_rings_in_the_Place_du_Trocadéro_in_Paris.jpg">Anne Jea/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Regardons au milieu d’abord : la médiane (moitié de billets en dessous et moitié au-dessus) est très inférieure à la moyenne puisqu’elles s’élèvent respectivement à 50 euros contre 100 euros. Dit autrement, au moins la moitié des spectateurs payent un prix inférieur au coût moyen du siège et bénéficient donc du fait que d’autres payent plus cher. Si les 70 % mentionnés plus haut correspondent à une inégalité stricte et au total des places pour les épreuves olympiques, environ deux spectateurs sur trois bénéficient d’un tel transfert, ou subvention implicite.</p>
<p>Regardons les extrêmes ensuite. Cinquante mille spectateurs (en faisant l’hypothèse que le total correspondant au 0,5 % ne concerne que les épreuves olympiques) contribuent à payer 4 % des dépenses totales alors que 10 % (le million de spectateurs qui payent leur siège à 25 euros) contribuent à hauteur de 2 %.</p>
<h2>Mieux vaut quelques sièges vides que des caisses moins remplies</h2>
<p>Oui mais ne pourrait-on pas inverser la direction du transfert en disant que les acheteurs de billets à petit prix subventionnent implicitement les acheteurs qui payent leur siège au prix fort ? Les premiers ne contribuent-ils pas, même si c’est pour une part modeste, à la couverture des dépenses du Cojop ? Ceux qui ont les moyens auraient-ils besoin des acheteurs qui n’en ont pas beaucoup ? Non car il est très probable qu’avec une billetterie offrant uniquement des places s’échelonnant de 100 à 950 euros le risque de billets non vendus lié à l’absence éventuelle d’acheteurs pour certaines compétitions serait plus que compensé par le surcroît de recettes. Peut-être des chaises vides mais des caisses mieux remplies.</p>
<p>Un reproche parfois entendu pour dénoncer l’inégalité de la billetterie est que les amateurs fortunés peuvent évincer ceux qui le sont moins des sièges à petits prix. Il est vrai en effet qu’aucune règle n’empêche une personne à haut revenu d’acheter un billet à 24 euros, par exemple. Cependant, une contrainte budgétaire moins forte pousse logiquement vers l’achat de places offrant une meilleure visibilité, donc tarifées à un prix plus élevé. De plus, l’engouement lors de la première vague de mise en vente des places a été tel que les places à 24 ou 50 euros ont vite été épuisées, prises d’assaut par ceux qui ont été appelés en premier par le tirage au sort. La plupart de ceux qui par leurs ressources auraient été prêts à acheter des billets à plus de 100 euros n’ont vite eu pas d’autres choix.</p>
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<p>Il faut cependant noter que la vente forcée de 3 spectacles lors de cette première vague a pu conduire des amateurs à fort pouvoir d’achat à se reporter sur les billets les moins chers pour une seconde ou troisième compétition sans intérêt pour eux, peut-être même en prévoyant ne pas y assister du tout.</p>
<p>En outre, le Cojop a prévu une billetterie solidaire à travers les collectivités locales associées aux Jeux. Celles-ci bénéficient d’un accès prioritaire aux places bon marché. Un demi-million de billets à 24 euros leur est réservé (Les Échos, 1<sup>er</sup> mars 2023), soit le tiers du montant total de cette catégorie tarifaire. Les collectivités sont appelées à redistribuer ces billets aux habitants, « notamment aux enfants et aux jeunes, aux clubs sportifs locaux et aux publics prioritaires ».</p>
<p>De nombreuses collectivités ont commencé à s’organiser. À Lyon par exemple, un appel à manifestation d’intérêt de la mairie a été diffusé aux centres sociaux et éducatifs. Leurs responsables pourront obtenir et attribuer des places dans le cadre de leurs projets et activités. La discrimination tarifaire rejoint ici la discrimination positive.</p>
<h2>Le plaisir télévisuel d’un stade plein</h2>
<p>Parlons pour finir des 4 milliards de téléspectateurs attendus. Nous avons considéré jusque-là qu’il n’y avait pas de transfert implicite entre spectateurs et téléspectateurs puisque nous avons supposé que la billetterie couvre les dépenses du Cojop à proportion de ses recettes. Soit 1265 millions d’euros ; ni plus ni moins.</p>
<p>Vous pourriez vous étonner qu’il puisse y avoir une subvention croisée puisque les téléspectateurs ne payent rien. Oui mais comme il s’agit de transfert implicite et d’analyse économique – une discipline selon laquelle rien n’est jamais gratuit –, on peut avancer que les téléspectateurs à travers leur paire d’yeux de consommateurs exposés aux annonces et marques rémunèrent in fine les droits télévisuels et les sponsors. Soit en divisant le nombre de téléspectateurs par le montant des recettes du Cojop obtenues auprès des diffuseurs et des sponsors environ 1 euro par téléspectateur en moyenne.</p>
<p>Se pourrait-il alors que les spectateurs contribuent au coût total du Cojop pour une proportion inférieure à leur part dans les recettes ? Ou l’inverse, c’est-à-dire que la subvention croisée aille des spectateurs vers les téléspectateurs ? Les deux sens sont en effet possibles. Il m’est difficile de répondre car je ne sais pas comment le montant des recettes à rechercher entre billetterie, sponsors et droits télévisuels a été décidé par le Cojop.</p>
<p>Un élément pourrait toutefois laisser penser que les spectateurs sont favorisés. Il est en effet communément admis que l’attractivité des téléspectateurs pour une compétition sportive baisse quand elle se joue devant un public clairsemé. On serait en présence de ce que les économistes appellent un effet de réseau indirect : la satisfaction du téléspectateur dépendrait du nombre de spectateurs et croîtrait lorsqu’il croît.</p>
<p>Cela semble avoir été confirmé lors de l’épidémie du SARS-CoV-2. N’a-t-on pas vu apparaître dans les travées des stades, de football en particulier, des spectateurs en carton poussant des clameurs enregistrées pour faire comme si ? Mieux le stade est rempli, plus le consentement à payer des diffuseurs et sponsors est élevé. Cela devrait logiquement conduire à baisser la contribution des spectateurs aux coûts de l’organisation des Jeux.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/518997/original/file-20230403-28-yv16rm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/518997/original/file-20230403-28-yv16rm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518997/original/file-20230403-28-yv16rm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518997/original/file-20230403-28-yv16rm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518997/original/file-20230403-28-yv16rm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518997/original/file-20230403-28-yv16rm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518997/original/file-20230403-28-yv16rm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518997/original/file-20230403-28-yv16rm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Pendant la pandémie de Covid, des spectateurs en carton ont fait leur apparition dans certaines tribunes, comme ici dans le stade de baseball de Cleveland aux États-Unis.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/edrost88/50217379857/">Erik Drost/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>En résumé, l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques passe par des dépenses de plusieurs milliards dont la plus grande partie est recouvrée auprès des téléspectateurs-consommateurs qui seront exposés aux annonces des diffuseurs et aux marques des sponsors. La partie restante est recouvrée auprès des spectateurs via la billetterie avec des tarifs qui s’échelonnent de 24 à 980 euros et avec la moitié des billets mis en vente à 50 euros ou moins.</p>
<p>En estimant à 100 euros le coût moyen du siège pour l’organisateur qu’il a à recouvrer par la vente des billets, il apparaît qu’environ deux tiers des spectateurs payent un prix en deçà. Ils bénéficient tout simplement d’un transfert du tiers restant de spectateurs qui payent leurs places au-dessus du coût.</p>
<p>Dit autrement, une surmarge est appliquée sur les billets à plus de 100 euros pour compenser les marges négatives des billets vendus à moins. C’est grâce à cette subvention implicite que le Cojop peut offrir des millions de places à 24 et 50 euros. Peut-on dès lors affirmer sans broncher que sa volonté d’organiser des Jeux populaires serait battue en brèche par une billetterie qu’il aurait réservée aux riches ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202898/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Lévêque ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des millions de billets à 24 et 50 euros ont été ou seront mis en vente – ce qui n’aurait pas été possible sans surfacturation des meilleures places.François Lévêque, Professeur d’économie, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2029712023-03-30T19:26:56Z2023-03-30T19:26:56ZMarathon de Paris 2023 : pourquoi un tel engouement ?<p>Le doute avait un temps plané sur sa tenue en raison du mouvement social contre la réforme des retraites : le départ du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/marathon-78773">marathon</a> de Paris <a href="https://www.francebleu.fr/sports/tous-les-sports/mobilisation-contre-la-reforme-des-retraites-le-marathon-de-paris-est-maintenu-ce-dimanche-7657589">sera bien donné</a> ce dimanche 2 avril. L’édition 2023 affiche complet avec plus de 50 000 coureurs. De nombreuses inscriptions ont même dû être refusées.</p>
<p>En 2022 ils n’étaient pourtant que 37 000 à se présenter aux ordres du starter, une forte baisse par rapport à l’édition 2019 avant pandémie qui comptait 49 155 partants. Il s’agissait peut-être d’un effet conjoncturel lié au coronavirus, à la guerre en Ukraine et à la crise économique, là où l’on pouvait aussi voir une évolution plus structurelle de la demande, avec des aficionados tentés par des événements moins positionnés dans la démesure et davantage pensés dans une démarche écoresponsable.</p>
<p>Cependant il n’y a que sur le plan sanitaire que les choses ont véritablement évolué depuis un an. Le relatif retour à la normale de ce point de vue explique notamment la venue en nombre de coureurs étrangers (32 % en 2023 d’après l’organisation) qui renouent avec des formes différentes de tourisme sportif.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1641085717022486530"}"></div></p>
<p>Pourquoi un tel intérêt ? Y répondre nécessite de croiser des facteurs macro et micro sociologiques comme nous le faisons dans nos <a href="https://www.editions-cairn.fr/brand/500-bessy-olivier">travaux repris dans un ouvrage récent</a>. Participer au marathon de Paris, c’est autant une manière d’échapper à son quotidien en le préparant, d’être partie prenante d’un événement aux multiples facettes et de se mettre en scène, aux yeux de la société, comme quelqu’un de performant dans un décor de rêve. Néanmoins, certains aspects pourraient bien, à l’avenir, devenir plus rebutants.</p>
<h2>Entre performance et mise en scène</h2>
<p>La première hypothèse est que le contexte sociétal actuel, teinté d’une grande vulnérabilité, d’une forte incertitude et d’une fragmentation des repères identitaires, est, au bout du compte, plutôt favorable à un surinvestissement des coureurs dans ce type d’épreuve. Préparer le marathon de Paris (et a fortiori le finir), permet à tout chacun d’oublier un quotidien morose, de se sentir vivant et de prendre en main son destin. Ne constituerait-il pas une des façons les plus remarquables de tracer son chemin d’existence ? Cela expliquerait en partie, et en partie seulement, son engouement renouvelé, car de nombreuses épreuves (autres marathons, triathlon, ultra-trails…) remplissent aujourd’hui aussi cette fonction.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/518425/original/file-20230330-390-7yolln.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/518425/original/file-20230330-390-7yolln.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518425/original/file-20230330-390-7yolln.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518425/original/file-20230330-390-7yolln.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518425/original/file-20230330-390-7yolln.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518425/original/file-20230330-390-7yolln.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518425/original/file-20230330-390-7yolln.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518425/original/file-20230330-390-7yolln.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Courir dans Paris véhicule tout un imaginaire culturel.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Maïlys Henriet</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>La seconde hypothèse réside selon nous dans le concept proposé par les organisateurs. En effet, d’après une <a href="http://publis-shs.univ-rouen.fr/rmt/index.php?id=767">enquête</a> que nous avons menée en 2018 auprès des coureurs, organisateurs et partenaires, le marathon de Paris véhicule un imaginaire métissé à la fois culturel et sportif. Nous avons analysé les mots revenant le plus fréquemment dans les entretiens et l’exercice a mis en évidence l’importance des représentations culturelles. Le récit est souvent marqué par la construction d’une urbanité événementielle principalement structurée autour des dimensions patrimoniales, hédonistes et conviviales.</p>
<p>Cependant, la représentation sportive s’avérait aussi très significative. Tout se passe comme si les marathons quelle que soit leur géographie culturelle, et c’est le cas de Paris, étaient aussi pensés pour favoriser la confrontation à soi ou aux autres, en réponse à une demande de chrono chez les participants soucieux de leurs performances même en courant dans un musée à ciel ouvert. Le <a href="https://www-cairn-info.fr/revue-science-et-motricite-2009-3-page-83.htm">culte de la performance</a> reste aujourd’hui très présent dans les pelotons, ce qui n’est pas sans influencer aussi le tracé du parcours, avec de grandes avenues, pas ou peu de dénivelé, et un kilométrage important en dehors de la zone historique au cœur de la capitale. Partout les marathons semblent s’homogénéiser ainsi.</p>
<p>La majorité des coureurs possède bien cette double représentation sportivo-culturelle.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/518490/original/file-20230330-20-z8no2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/518490/original/file-20230330-20-z8no2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518490/original/file-20230330-20-z8no2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518490/original/file-20230330-20-z8no2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518490/original/file-20230330-20-z8no2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518490/original/file-20230330-20-z8no2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518490/original/file-20230330-20-z8no2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518490/original/file-20230330-20-z8no2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« Lulu » peut dire qu'il l'a fait.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurine Buffière</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>La troisième hypothèse vise à considérer que ce marathon occupe une place à part dans l’imaginaire des coureurs attirés par la notoriété de cette épreuve et l’expérience intense proposée. C’est l’effet capitale qui jouerait à plein ici. Pour beaucoup de marathoniens et même de simples coureurs ordinaires, faire « <em>Paris</em> », 42,795 km dans la plus belle ville du monde, est un rêve qu’il faut transformer en réalité, quelque chose à faire au moins une fois dans sa vie. L’objectif suprême est de poster un selfie sur les réseaux sociaux, au départ sur les Champs-Élysées ou à l’arrivée avec la médaille autour du cou devant l’Arc de Triomphe. Mieux, de pouvoir dire « <em>je l’ai fait</em> », le lundi matin en arrivant au bureau. Le décor sublime la mise en spectacle de soi-même et garantit des profits symboliques supérieurs aux autres marathons.</p>
<p>Cette triple logique rend compte notamment du pourcentage de néo-participants très important, 43 % des inscrits, car ils sont plus enclins à rechercher ces profits dans un souci de reconnaissance sociale et ils en capitalisent davantage en courant Paris. Ils sont prêts pour cela à oblitérer de leur conscience les potentielles dérives économiques, environnementales et sociales de l’événement.</p>
<h2>Un charme menacé par trop de marchandisation ?</h2>
<p>De ce point de vue, la durabilité de l’attrait de l’événement est questionnable. Les coureurs se montrent ainsi très critiques envers Amaury Sport Organisation, l’organisateur de l’événement : « <em>prix trop cher du dossard</em> », « <em>un marathon qui respire trop l’argent</em> », qui est « <em>trop business</em> », « trop mercantile », qui est en train « <em>de perdre son âme</em> » avec « <em>des sponsors hors sport</em> » à l’image de Schneider Electric et un « <em>Marathon Expo trop centré sur le fric</em> ». Quentin, coureur venu de Bordeaux, nous l’expliquait avec ces mots :</p>
<blockquote>
<p>« Le business est trop présent dans ce marathon et plus particulièrement au Marathon Expo. J’ai ressenti une sensation de dégoût presque lorsque j’ai découvert, il y a cinq ans, pour la première fois ce salon du running. J’ai eu une impression lourde et repoussante de me trouver là que pour consommer, être obligé presque d’acheter, avec la multiplicité des gros stands de marque, des vendeurs tous habillés pareils. »</p>
</blockquote>
<p>L’enquêté se réfère ici également au <a href="https://www.paris-friendly.fr/sortie-a-paris-salon-running-gratuit.html">salon « Run Expérience »</a> qui se tient en amont de l’événement à la Porte de Versailles. Chaque année il semble accentuer son caractère marchand, visible dans l’architecture pensée avant tout pour les équipementiers qui sont les grands argentiers du marathon. Le nombre de mètres carrés occupés, leur place privilégiée à l’entrée, la signalétique affichée et le cheminement rendu obligatoire par l’organisation, ainsi que les animations proposées, tout semble pensé pour ces derniers. L’espace dédié aux organisateurs d’autres marathons s’est trouvé parqué lors des dernières éditions au fin fond du hall. Ces derniers se sont d’ailleurs plaints du sort qui leur est réservé.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/518423/original/file-20230330-29-8wgjsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/518423/original/file-20230330-29-8wgjsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518423/original/file-20230330-29-8wgjsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518423/original/file-20230330-29-8wgjsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518423/original/file-20230330-29-8wgjsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518423/original/file-20230330-29-8wgjsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518423/original/file-20230330-29-8wgjsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518423/original/file-20230330-29-8wgjsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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</figure>
<p>Cette marchandisation du marathon de Paris risque à moyen terme de dissuader un certain nombre de personnes de s’inscrire. Il est aussi notable que l’événement ne soit pas aujourd’hui considéré comme une épreuve écoresponsable par les coureurs. Si des actions sont en train d’être initiées et des annonces faites depuis cinq ans par les organisateurs et notamment le partenaire titre Schneider Electric, elles ne sont du moins pas évoquées par les inscrits. La synergie avec Paris comme ville durable est loin d’être atteinte et l’impression de « greenwashing » domine.</p>
<p>Le marathon de Paris amplifie la « dramaturgie moderne » propre à l’épreuve car il est en mesure de proposer à tous les participants un rêve éveillé en harmonie avec la splendeur de l’écrin patrimonial qui le magnifie. Il contribue aussi à intensifier l’expérience urbaine en provoquant une communion nourrie par différentes animations et promesses d’innombrables relations sociales tissées sur le moment. Des participants de tout pays convoquent le monde dans la ville et contribuent à son rayonnement touristique planétaire. Tous ces éléments laissent entrevoir encore de beaux jours pour l’événement.</p>
<p>Néanmoins, la dérive économique semble patente et prendre au sérieux les enjeux environnementaux de plus en plus crucial. La production d’un événement plus sobre et vraiment écoresponsable sera demain une obligation. Il faudra peut-être accepter de décélérer en limitant le nombre d’inscriptions. Les temps insouciants des pelotons chamarrés semblent être derrière nous.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202971/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Bessy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les organisateurs ont même dû refuser des inscriptions. Beaucoup rêvent de dire « je l’ai fait » le lundi matin en arrivant au bureau, montrant des photos de leur performance dans un cadre unique.Olivier Bessy, Professeur émérite à l'Université de Pau et des Pays de l'Adour (UPPA), Université de Pau et des pays de l'Adour (UPPA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2006662023-03-08T19:04:13Z2023-03-08T19:04:13ZBilletterie des JO de Paris 2024 : les raisons de la colère<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/513946/original/file-20230307-16-9y8732.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=62%2C17%2C5850%2C3917&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">D'après un sondage publié le 5 mars 2023, 82% des Français interrogés considèrent que les places pour les Jeux olympiques 2024 à Paris sont trop chères.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p>« Il est permis d’attendre, il est doux d’espérer ». Une chose est sûre : la Carmen de Georges Bizet n’a jamais essayé d’obtenir des billets pour les Jeux olympiques (JO), le plus grand évènement sportif du monde <a href="https://olympics.com/cio/celebrer-les-jeux-olympiques">(dixit ses promoteurs)</a>, de retour en France en 2024 dans sa déclinaison estivale pour la première fois depuis un siècle.</p>
<p>Depuis le 15 février, les personnes sélectionnées par le hasard (s’ils se sont bien préalablement enregistrés, point important) peuvent en effet ouvrir leurs porte-monnaie dans le cadre d’une première phase d’ouverture des places au public. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les <a href="https://www.lequipe.fr/Tous-sports/Article/La-billetterie-des-jeux-olympiques-de-paris-2024-fait-grincer-des-dents/1382012">premiers retours</a> semblent ne pas être à la hauteur de l’ambition et des espoirs du Comité d’organisation des Jeux olympiques (COJO).</p>
<p>La question du plancher (trois places pour trois sports différents, ce qui est perçu par certains comme de la vente forcée) et du plafond (trente places, soit bien plus que ce qu’une consommation familiale ou de groupe nécessite pour jouir de l’expérience olympique) semble agacer bon nombre de candidats à l’achat. Nous choisirons ici de nous attarder sur la structuration de la grille tarifaire, qui elle aussi fait l’objet de nombreuses critiques notamment concernant la disponibilité et le niveau du tarif le moins onéreux. Qui aurait pu prédire ce désamour ? Un certain nombre de spécialistes de la tarification des services publics a priori, déjà.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1628339154315608064"}"></div></p>
<h2>Comment bâtit-on une grille tarifaire ?</h2>
<p>Toute grille tarifaire se structure autour de trois données :</p>
<ul>
<li><p>la nature de la prestation rendue ; pour le cas des JO, la combinaison, pour une discipline donnée, du positionnement dans le stade, de la dramaturgie de la séquence (une finale vaut plus que des qualifications), voir du jour ou de l’horaire auquel l’épreuve se déroule (une épreuve le week-end ou le soir aura plus de valeur car ne nécessitant pas, pour le spectateur parisien, la pose d’un jour de congés) ;</p></li>
<li><p>le ou les tarifs qui sont appliqués à chaque nature de prestation ;</p></li>
<li><p>les critères d’accession à chacun de ces tarifs (critères sociaux, aléa pur, arbitraire décomplexé, vagues catégorielles…).</p></li>
</ul>
<p>Cette grille de lecture posée, il y a deux façons d’analyser la tarification de l’accès à un évènement sportif sur un site donné, et malheureusement aucune n’est réellement en adéquation à la stratégie de communication du COJO sur des Jeux <a href="https://www.lemonde.fr/sport/article/2023/02/14/paris-2024-une-billetterie-accessible-et-populaire-vraiment_6161728_3242.html">« accessibles et populaires »</a> : c’est cette dissonance entre le discours et la pratique qui explique la grogne actuelle.</p>
<p>Premier point de vue : on considère que, pour un sport donné, le placement dans le stade ou le round concerné (qualifications ou finales) n’ont en fin de compte pas tant d’importance que cela, et que nous sommes donc face à une prestation relativement homogène.</p>
<h2>Un public aisé surreprésenté ?</h2>
<p>Dans cette perspective, puisqu’il y a une prestation unique, le niveau des différents tarifs proposés et les critères d’accès aux dits tarifs sont déterminants dans la bonne perception de la grille par le public. Sur ce point, le choix du COJO, combinant <a href="https://www.maire-info.com/jeux-olympiques-et-paralympiques-2024-des-billetteries-pour-les-collectivites-partenaires-article2-27002">accès anticipé pour les partenaires</a> puis aléa pur pour le reste du public, ne pouvait qu’être mal perçu. Contrairement à ce que l’on imaginer en première lecture, l’aléa aboutit en effet mécaniquement à une surreprésentation d’un public aisé.</p>
<p>Dans une population composée de 50 % de personnes très aisées et de 50 % de personnes modestes, même si l’on met en vente pour un évènement donné 50 % de billets accessibles et 50 % de billets chers, le système de tirage au sort séquencé (une cohorte par jour) mis en place par le COJO aboutirait au final à des gradins composés au trois quart des personnes très aisées. Mécaniquement, la moitié des billets accessibles auraient en effet été préemptés par les représentants de la classe sociale supérieure tirées au sort dans les premières cohortes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1632365716656594953"}"></div></p>
<p>Pour faire court, il ne suffit pas de mettre en vente des places à 24 euros pour avoir un évènement populaire, il faut s’assurer d’une façon ou d’autre qu’une partie de ces places soient accessibles aux personnes les plus modestes.</p>
<p>Le COJO pourra rétorquer qu’il s’est bien préoccupé de cela, via les <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/835671/les-collectivites-semparent-du-levier-de-la-billetterie-sociale/">billetteries sociales</a> que les partenaires publics pourront mettre en œuvre. Mais il ne l’a clairement pas prévu dans cette première vague de mise en vente.</p>
<h2>Quelle place dans l’arène ?</h2>
<p>Second point de vue : on considère que, pour un sport donné, le placement dans le stade ou le round concerné ont vraiment de l’importance, et que nous sommes donc face à une multitude de prestations différentes. On peut comprendre que, dans cette perspective et comme c’est le cas dans la <a href="https://tickets.paris2024.org/obj/media/FR-Paris2024/grille-tarifaire.pdf">grille tarifaire arrêtée</a>, on paie pour l’athlétisme 24 euros pour des qualifications le 5 août au matin avec une visibilité limitée (catégorie D) et 690 euros pour une finale avec une excellente visibilité (catégorie A). Si l’on adopte cette posture, le COJO s’expose avec sa stratégie tarifaire à deux critiques majeures.</p>
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<p>D’une part, cette configuration impose une homogénéité minimale dans la perception qu’auront les spectateurs de la prestation rendue pour un tarif donné : quand on regarde la zone des catégories A dans le Stade de France, il y aura probablement nombreux et bruyants déçus le jour J (« j’ai payé le prix maximal et je suis super mal placé par rapport à d’autres qui ont payé le même prix, voire qui ont payé moins cher ! »). Bref, il faut savoir limiter au mieux les effets de seuils, à savoir l’écart significatif dans le prix acquitté entre deux prestations <em>in fine</em> relativement similaires.</p>
<p>De ce point de vue, quatre catégories de prix pour un stade, c’est un peu juste : pour un match de foot de Ligue 1 dans le <a href="https://billetterie.om.fr/fr">plus grand stade ouvert à la compétition</a>, on compte une dizaine de tarifs différents en fonction de la place dans le stade. C’est le risque lorsque l’on fait du cousu main : les exigences de prise en compte de la spécificité de chacun sont légitimées, et on droit chercher un équilibre nécessairement précaire entre lisibilité de l’offre (avec des tarifs distincts peu nombreux) et justesse des tarifs proposés au regard des différences de prestation.</p>
<p>D’autre part, cette configuration entretient une ségrégation spatiale et temporelle : aucune certitude qu’une personne en catégorie D pour des qualifications soit de classe modeste mais quasi-certitude qu’une personne en catégorie A pour une finale sera de classe aisée. C’est bien sûr là le lot de nombreux évènements culturels et sportifs, mais encore une fois cela tranche avec les éléments de langage très volontaristes qu’a choisi de déployer le COJO depuis plusieurs mois.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/513951/original/file-20230307-16-33irlb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Plan des catégories de places donné à titre indicatif par les organisateurs des Jeux olympiques 2024 à Paris" src="https://images.theconversation.com/files/513951/original/file-20230307-16-33irlb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/513951/original/file-20230307-16-33irlb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=680&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/513951/original/file-20230307-16-33irlb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=680&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/513951/original/file-20230307-16-33irlb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=680&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/513951/original/file-20230307-16-33irlb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=854&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/513951/original/file-20230307-16-33irlb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=854&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/513951/original/file-20230307-16-33irlb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=854&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Plan des catégories de places donné à titre indicatif par les organisateurs des Jeux olympiques 2024 à Paris.</span>
<span class="attribution"><span class="source">COJO 2024</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<h2>Les enseignements du secteur public</h2>
<p>Imaginons un instant que la Mairie de Paris ait annoncé en fanfare une refonte complète et ambitieuse de la grille tarifaire de ses écoles de musique, pour des écoles plus accessibles et populaires. Quelle aurait été la réaction des usagers si elle était arrivée avec un système de tirage au sort, plusieurs niveaux de prestation (tarif A avec les meilleurs professeurs et des instruments neufs dans un immeuble haussmannien, tarif D avec des professeurs inexpérimentés et de vieux instruments dans un local en périphérie), et une priorité donnée aux partenaires institutionnels de la ville pour leurs salariés ?</p>
<p>Au final, la grande erreur du COJO aura été de considéré qu’il pouvait totalement se soustraire des canons d’établissement des tarifs du secteur public auxquels nos concitoyens sont familiarisés.</p>
<p>Si l’organisation des compétitions olympiques est financée par de l’argent privé à 100 %, c’est en tout cas le discours encore récemment porté par le <a href="https://www.rtl.fr/sport/autres-sports/invite-rtl-jo-paris-2024-on-n-est-pas-plus-cher-qu-a-londres-en-2012-se-defend-tony-estanguet-face-aux-critiques-sur-la-billetterie-7900237948">Président du COJO</a>, la perception qu’en ont les citoyens est très différente (et peut-être pas à tort…).</p>
<p>Il n’est pas encore trop tard pour, symboliquement, assurer à certains publics modestes des places de choix pour des finales se tenant la nuit du 4 août : peut-être que ce coup de com’ effacerait les désillusions et le bad buzz des derniers jours. Sans cela, les organisateurs risquent de ramer encore pendant quelque temps pour remonter la pente dans l’opinion publique. Ça tombe bien, le <a href="https://www.paris2024.org/fr/tony-estanguet-presentation/">Président du COJO</a>, Tony Estanguet, ancien champion de canoë, doit bien avoir quelques pagaies qui traînent dans son bureau.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200666/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thomas Eisinger est administrateur délégué de l'AFIGESE (association des financiers, contrôleurs de gestion,
évaluateurs et manageurs des collectivités territoriales) </span></em></p>La mise en vente des premiers billets pour les JO de Paris 2024 a soulevé questions et critiques. Au-delà du système contraignant de packs, c’est bien la stratégie tarifaire qui interpelle.Thomas Eisinger, Professeur associé en droit, gestion financière et management des collectivités, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1924182022-10-13T19:13:28Z2022-10-13T19:13:28ZMarathon des JO 2024 : un fort dénivelé pour un suspens garanti<p>Le marathon est une épreuve emblématique de course à pied consistant à parcourir une distance de 42,195 km. L’épreuve masculine des Jeux olympiques a lieu le dernier jour et la remise des médailles a le privilège unique de se dérouler pendant la cérémonie de clôture. Mais c’est aussi monsieur et madame Tout-le-Monde qui se lancent sur cette épreuve devenue symbole du dépassement de soi. Chaque année, plusieurs centaines de milliers de personnes participent aux rendez-vous mythiques de New York, Tokyo, Londres, Boston, Berlin, ou encore Paris. Cet engouement donne lieu aux plus grands rendez-vous sportifs de la planète. Si certains tentent de rallier la ligne d’arrivée pour arborer fièrement leur T-shirt de « Finisher », pour d’autres, cela sera l’occasion d’établir de nouveaux records.</p>
<p>Le 25 septembre dernier, Eliud Kipchoge, star kényane incontestée de la discipline, a établi une nouvelle marque de référence en 2 heures, 1 minute et 9 secondes. Comme les 7 précédentes fois lors de ces 20 dernières années c’est encore lors du Marathon de Berlin que le record est tombé, et ce n’est pas un hasard. Berlin est le terrain de jeu parfait pour performer lors d’un marathon : des grandes avenues toutes droites, les températures clémentes de l’automne et surtout… un parcours intégralement plat. En effet, les autres évènements qui attirent les grands noms du marathon présentent un léger dénivelé qui réduit la vitesse de croisière : 141 m à Tokyo, 217 m à Paris et même 416m à New York.</p>
<h2>Le marathon « casse patte » des JO Paris 2024</h2>
<p>Des records en tout genre pourraient tomber lors des prochains Jeux olympiques de Paris 2024. Mais s’il y a une discipline ou cela ne risque pas d’arriver, c’est bien le marathon ! Le 5 octobre dernier, le comité d’organisation a dévoilé ce qui sera sans doute le parcours plus exigeant de l’histoire des marathons de JO. Les athlètes trouveront sur leur parcours de 42 km près de 438 mètres de dénivelé en montée et autant en descente. Pour reprendre les mots du président du comité d’organisation Tony Estanguet lors de l’annonce du parcours « On a voulu casser les codes mais les athlètes nous ont dit : “vous allez surtout nous casser les pattes” ». Une belle promesse.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/489613/original/file-20221013-19-m9l2kq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489613/original/file-20221013-19-m9l2kq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489613/original/file-20221013-19-m9l2kq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489613/original/file-20221013-19-m9l2kq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489613/original/file-20221013-19-m9l2kq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489613/original/file-20221013-19-m9l2kq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489613/original/file-20221013-19-m9l2kq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Parcours du marathon des JO Paris 2024.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Paris2024</span></span>
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<p>Si les marathons sont généralement globalement plats, certains présentent des dénivelés similaires. Par exemple à New York, on trouve également plus de 400 m de dénivelé. Mais la grande différence c’est que ce dénivelé est réparti progressivement tout au long du parcours avec des pentes relativement faibles. Au maximum, on y trouve une portion d’un kilomètre à 2,5 % de pente de moyenne.</p>
<p>Pour Paris 2024, c’est une autre histoire. La quasi-totalité du dénivelé sera concentrée en deux montées, dont la première s’étendra sur plus de 5 km et deux descentes avec des pentes dignes des plus grandes étapes du tour de France atteignant plus de 13 % sur certaines portions de la route du Pavé des Gardes.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/489621/original/file-20221013-11-cuv26u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/489621/original/file-20221013-11-cuv26u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489621/original/file-20221013-11-cuv26u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=190&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489621/original/file-20221013-11-cuv26u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=190&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489621/original/file-20221013-11-cuv26u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=190&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489621/original/file-20221013-11-cuv26u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=239&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489621/original/file-20221013-11-cuv26u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=239&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489621/original/file-20221013-11-cuv26u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=239&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Figure 1. Profil altimétrique de différents marathons (D+ : dénivelé cumulé sur l’ensemble de la course).</span>
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<p>Lorsque l’on court, notre corps dispose d’une certaine puissance produite par nos muscles. Sur le plat, l’intégralité de cette puissance est dédiée à la vitesse de déplacement. En revanche, dès qu’une pente apparaît, une partie de la puissance disponible doit être utilisée pour monter ce qui entraîne une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/12183501/">diminution de la vitesse de course</a> par un phénomène de vase communicant. On pourrait se dire qu’il suffit d’attendre la descente pour récupérer le temps perdu. Malheureusement ça n’est pas si simple. Lors de la descente, il ne s’agit plus pour nos jambes d’accélérer notre corps mais plutôt d’éviter que tout s’emballe en freinant pour contrôler une vitesse raisonnable. Même si courir en descente permet d’économiser de l’énergie, dès que les pentes sont significatives la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27501719/">vitesse de course est diminuée</a> afin que l’effort reste tolérable pour nos muscles.</p>
<h2>Le trail, une discipline familière du dénivelé</h2>
<p>Je mène mes recherches au cœur des alpes dans un laboratoire (<a href="https://libm.univ-st-etienne.fr/en/index.html">LIBM</a>, Université Savoie Mont-blanc) où nous étudions une activité ou le dénivelé est au cœur de la performance : le trail (ou course à pied en montagne). Dans cette discipline, des marathons existent aussi mais les dénivelés sont d’un autre ordre de grandeur. Prenons le marathon du Mont-Blanc, c’est plus de 2 500 m que les participants gravissent en 42km ! Les meilleurs mettront entre 3h30 et 4h pour terminer la course, soit presque le double de Kipchoge sur le plat. L’analyse de ces épreuves nous permettent de construire des modèles biomécaniques et physiologiques de la locomotion humaine afin de comprendre comment s’opère la perte de vitesse de course avec le dénivelé.</p>
<p>Nous pouvons notamment, à partir de ces modèles, prédire la perte de vitesse et de temps en connaissant le tracé d’une course. Si l’on compare les prédictions effectuées entre le marathon de Berlin qui fait office de référence, et le tracé de Paris 2024, les participants mettront, en moyenne, 2,5 % soit 3 minutes en plus. Cela n’a pas l’air bien grand si notre objectif est simplement de terminer un marathon. En revanche, aux Jeux olympiques, c’est ce qui sépare la médaille d’or d’une discrète 10<sup>e</sup> place. Le choix du parcours de Paris 2024 va donc, c’est certain, augmenter le temps de course et il sera difficile pour le vainqueur d’espérer descendre en dessous des 2 heures et 10 minutes.</p>
<h2>Courir vite à plat ou en montée, il faut choisir</h2>
<p>Les qualités physiques requises pour courir vite sur le plat ou en montée sont différentes et sont notamment liées à une propriété fondamentale des muscles et de la locomotion : la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27896682/">relation force-vitesse</a>. Cette relation décrit que plus la force à produire est importante, moins il est possible de réaliser un mouvement rapide. En course à pied, la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16000549/">force est proportionnelle à la pente</a>. Il est donc possible de courir vite sur le plat (force faible) mais de plus en plus lentement avec l’augmentation de la pente (force élevée). Chaque athlète possède son propre profile force-vitesse. Les spécialistes du marathon possèdent plus de qualité de vitesse alors que les traileurs sont capables de maintenir des niveaux de force plus élevés dans leurs épreuves d’endurance. C’est notamment la raison pour laquelle vous ne voyez pas un spécialiste de marathon gagner un trail et vice versa.</p>
<p>Dans le cadre du projet <a href="https://www.predictrail.com">Predic’Trail</a> porté par le laboratoire <a href="https://libm.univ-st-etienne.fr/fr/index.html">LIBM</a>, nous évaluons le profil force-vitesse de coureur à pied amateurs et élites à partir des données GPS collectées lors de leur entraînement. Une fois le profil établi, il est possible de prédire la vitesse de course à chaque instant et le temps final de l’épreuve. Nous avons ainsi simulé le marathon de Paris 2024 chez plusieurs coureurs et le temps perdu varie en fonction des athlètes allant de 1 à 4 % ! Quand certains perdront 1 minute, d’autres en perdront 5.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/489620/original/file-20221013-26-v69r9a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/489620/original/file-20221013-26-v69r9a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489620/original/file-20221013-26-v69r9a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=271&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489620/original/file-20221013-26-v69r9a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=271&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489620/original/file-20221013-26-v69r9a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=271&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489620/original/file-20221013-26-v69r9a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=341&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489620/original/file-20221013-26-v69r9a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=341&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489620/original/file-20221013-26-v69r9a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=341&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Figure 2. Profile force-vitesse d’endurance en course a pied pour deux athlètes élites (gauche) et prédiction de leur temps de course sur le marathon de Berlin et des JO Paris 2024 (Droite). L’athlète B (violet) présente une capacité de vitesse plus importante et donc une meilleurs performance sur le marathon de Berlin alors que l’athlète A (jaune) possède une capacité de force plus élevée et une meilleure performance prédite sur le marathon des JO de Paris 2024.</span>
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<p>Nul doute que les athlètes et entraîneurs sont déjà en train de planifier une préparation spécifique pour limiter la casse. Plus que de faire simplement durer le plaisir, le dénivelé proposé sur ce tracé va rebattre les cartes. Rendez-vous dans 18 mois pour un suspens garanti.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192418/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Baptiste Morel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le plus rapide sur du plat ne sera pas forcément le meilleur coureur en montée. Va-t-on assister à une surprise lors de ce marathon ?Baptiste Morel, Maître de conférences, Université Savoie Mont BlancLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1759642022-02-02T14:55:39Z2022-02-02T14:55:39ZChangement climatique : les Jeux olympiques d’hiver sont-ils amenés à disparaître ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/443825/original/file-20220201-19-1dqilnf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=67%2C0%2C7467%2C4951&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des skieuses de l'équipe canadienne de ski freestyle s'entraînent sur le site de compétition olympique de Zhangjiakou, en Chine, le 1er février. Faute de neige naturelle, ce sont des canons à neige qui sont utilisés pour assurer la tenue des sports de glisse, provoquant une surconsommation d’eau dans une région qui vit un stress hydrique majeur.</span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Francisco Seco)</span></span></figcaption></figure><p>Y aura-t-il encore des Jeux olympiques d’hiver en 2046 ou en 2080 ? Et quelles villes pourront encore les accueillir ?</p>
<p>Les Jeux d’hiver, qui démarrent le 4 février à Pékin, font l’objet de nombreuses critiques environnementales. <a href="https://theconversation.com/verra-t-on-la-fin-du-ski-des-2050-107246">Faute de neige naturelle</a>, ce sont des canons à neige qui sont utilisés pour assurer la tenue des sports de glisse, <a href="https://ici.radio-canada.ca/jeux-olympiques/nouvelle/1850887/jeux-pekin-canons-neige-environnement-hiver-chine">provoquant une surconsommation d’eau</a> dans une région qui vit un stress hydrique majeur. Une <a href="https://www.nature.com/articles/nature.2015.18174">réserve naturelle</a> est mise en danger à la suite de la construction des infrastructures olympiques. Les enjeux autour de la soutenabilité des Jeux olympiques d’hiver et d’été ne sont pas nouveaux (températures positives, pluies, déplacement de population, pollution des eaux, déchets).</p>
<p>Ces Jeux sont une occasion de se poser la question du sens et de la possibilité d’organiser un événement sportif d’envergure mondiale dans un monde bouleversé par les changements climatiques. Notre équipe de chercheurs en Sciences de l’activité physique et du sport a publié une <a href="https://theconversation.com/le-sport-et-lactivite-physique-seront-bouleverses-par-le-changement-climatique-voici-comment-attenuer-ses-effets-167935">revue de la littérature sur les changements climatiques et l’activité physique</a>. Cela nous a permis de comprendre que faire de l’activité physique ou du sport en 2030 ou 2040 risque d’être de plus en plus compliqué par manque de glace, ou en raison de températures trop douces.</p>
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<img alt="Skieurs de fond derrière une affiche des JO de Pékin" src="https://images.theconversation.com/files/443828/original/file-20220201-19-1koozij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/443828/original/file-20220201-19-1koozij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/443828/original/file-20220201-19-1koozij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/443828/original/file-20220201-19-1koozij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/443828/original/file-20220201-19-1koozij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/443828/original/file-20220201-19-1koozij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/443828/original/file-20220201-19-1koozij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des skieurs de fond s’entrainent sur la neige articielle du site olympique de Zhangjiakou, en Chine, le 1ᵉʳ février.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/John Locher)</span></span>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-sport-et-lactivite-physique-seront-bouleverses-par-le-changement-climatique-voici-comment-attenuer-ses-effets-167935">Le sport et l’activité physique seront bouleversés par le changement climatique. Voici comment atténuer ses effets</a>
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<h2>Où organiser les prochains Jeux ?</h2>
<p>Le constat pour les Jeux olympiques d’hiver est simple : il va devenir de plus en plus compliqué de trouver un lieu pour les organiser.</p>
<p>Déjà, de nombreuses villes ont décliné l’invitation du CIO de tenir les JO d’hiver ces dernières années, dont Lillehammer, en Norvège, pour des raisons économiques.</p>
<p>Mais, désormais, ce sont des raisons environnementales qui pourraient dicter les choix. Des études, dites de <a href="https://doi.org/10.1080/13683500.2017.1410110">modélisation</a>, permettent de prédire avec un bon niveau de précision les conditions d’enneigement et de température partout dans le monde en fonction de scénarios d’émissions de gaz à effet de serre.</p>
<p>Pour simplifier, le scénario avec de très basses émissions nous permettrait de limiter les conséquences climatiques graves. Le scénario avec de très fortes émissions de gaz à effet de serre <a href="https://theconversation.com/climat-le-rapport-du-giec-est-bouleversant-il-est-maintenant-temps-dagir-165851">entraîne des conséquences graves et irréversibles pour l’accès à l’eau, l’agriculture, la qualité de l’air et l’intensité des catastrophes naturelles</a>. À ce jour, les émissions mondiales suivent <a href="https://ourworldindata.org/greenhouse-gas-emissions">ce scénario</a>.</p>
<p>Quelles villes parmi celles qui ont déjà accueilli les Jeux olympiques d’hiver pourraient le faire à nouveau en 2050 ou 2080 avec des températures négatives et un enneigement d’au moins 30 cm ?</p>
<p>Si nous mettons un coup d’arrêt à nos émissions de gaz à effet de serre dès maintenant, environ la moitié seulement des 21 villes qui ont organisé les Jeux au cours des 100 dernières années pourraient avoir des <a href="https://doi.org/10.1080/13683500.2018.1436161">conditions relativement bonnes</a> pour organiser des compétitions, selon une étude internationale menée par Daniel Scott, de l’Université de Waterloo.</p>
<p>Si nous continuons de faire croître nos émissions, moins de la moitié des villes organisatrices pourraient accueillir les Jeux en 2050 et à peine le quart en 2080.</p>
<p>Mais les résultats s’aggravent si on se concentre uniquement sur les Jeux paralympiques d’hiver. En effet, ils se déroulent après les Jeux olympiques, donc en mars. Or, les changements climatiques risquent fortement de réduire la durée de l’hiver. Autrement dit, avoir beaucoup de neige et des températures négatives en mars va devenir de plus en plus rare. Il y a donc encore moins de villes « disponibles » en 2050 et 2080 pour accueillir les Jeux olympiques et paralympiques d’hiver.</p>
<h2>Pire pour les sports de glisse</h2>
<p>Dans les villes qui ont déjà accueilli les Jeux olympiques d’hiver, lesquelles pourraient le faire à nouveau en 2050 ou 2080, selon les athlètes ?</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1080/13683500.2021.2023480">La même équipe de recherche citée plus haut</a> a aussi mené une enquête en ligne internationale chez plus de 300 athlètes et entraîneurs de haut niveau dans les sports de glisse d’hiver afin de leur demander d’identifier les conditions de pratiques sécuritaires et propices à leur sport.</p>
<p>Une faible épaisseur de neige, une neige trop humide, de la pluie et des températures trop douces s’avèrent être des conditions inacceptables pour eux.</p>
<p>Les chercheurs ont donc posé la même question, utilisé la même méthode, mais en utilisant ces critères plus précis. Pour un scénario de très faibles émissions de gaz à effet de serre, les résultats sont similaires : moins de la moitié des villes pourraient accueillir les Jeux 2050 ou 2080. En revanche, pour le scénario de gaz à effet de serre actuel, seulement quatre villes d’accueil ont été identifiées en 2050 (Lake Placid, Lillehammer, Oslo et Sapporo), et une seule en 2080 (Sapporo). Les résultats sont sans appel.</p>
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<img alt="Un skieur dans les airs, lors d’une compétition olympique" src="https://images.theconversation.com/files/443829/original/file-20220201-20-1r6dxyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/443829/original/file-20220201-20-1r6dxyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/443829/original/file-20220201-20-1r6dxyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/443829/original/file-20220201-20-1r6dxyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/443829/original/file-20220201-20-1r6dxyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=519&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/443829/original/file-20220201-20-1r6dxyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=519&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/443829/original/file-20220201-20-1r6dxyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=519&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le sauteur à ski Stein Gruben durant la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Lillehammer, en Norvège, en 1994. Ces jeux sont considérés comme les plus réussis de tous les temps.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Michael Euler, File)</span></span>
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</figure>
<p>Ainsi, lorsqu’on prend en compte les critères de pratique des sports de glisse dans de bonnes conditions, les résultats sont encore plus alarmants que la première étude, qui identifiait au moins une dizaine de villes d’accueil en 2050.</p>
<h2>En finir avec l’écoblanchiment du CIO</h2>
<p>On pourrait penser que les efforts affichés par le Comité international olympique pour réduire l’empreinte écologique, hydrique et carbone des futurs Jeux vont permettre d’atténuer les conséquences des changements climatiques. À titre d’exemple, des <a href="https://olympics.com/ioc/news/beijing-2022-pre-games-sustainability-report-outlines-climate-solutions-development-of-winter-sports-and-regional-regeneration-in-china">arbres ont été plantés</a> en Chine pour « compenser » certaines émissions. Or cette mesure s’avère <a href="https://theconversation.com/face-au-rechauffement-climatique-la-reforestation-nest-quune-partie-de-la-solution-121060">peu efficace</a> dans la lutte contre le changement climatique.</p>
<p>La soutenabilité peut être déterminée par une série d’indicateurs qui intègrent les enjeux écologiques, économiques et sociaux des Jeux olympiques. Quand on cumule l’ensemble de ces indicateurs, la <a href="https://doi.org/10.1038/s41893-021-00696-5">soutenabilité des Jeux olympiques d’été comme d’hiver décroît</a> depuis ceux d’Albertville en 1992. Les Jeux de Vancouver étaient très moyens par exemple, et ceux de Sotchi, en Russie, les pires. <a href="https://avuer.hypotheses.org/2940">Ils ont eu un impact négatif majeur</a> sur les forêts anciennes, les terres arables, les populations de saumon environnantes et les réserves naturelles proches.</p>
<p>Si nous souhaitons pouvoir vivre des moments inoubliables devant la finale de slalom géant de snowboard dans les prochaines décennies, nous devrions réduire de manière draconienne les émissions de gaz à effet de serre dès aujourd’hui, tel qu’on l’a vu <a href="https://www.ipcc.ch/languages-2/francais/">dans le dernier rapport du GIEC</a>.</p>
<p>Il faut repenser l’organisation des Jeux olympiques pour qu’ils soient plus soutenables, avec deux villes d’accueil qui resteraient les mêmes. Par exemple, les Jeux d’hiver pourraient systématiquement être organisés à Oslo puis, quatre ans plus tard, à Sapporo, pour ensuite revenir à Oslo. De plus, il faut aussi accentuer la pression sur le Comité olympique international pour qu’il cesse d’utiliser des <a href="https://avuer.hypotheses.org/2940">stratégies trompeuses d’écoblanchiment</a>.</p>
<p>Les Jeux olympiques de Londres, en 2012, ont été présentés comme les plus verts de l’histoire. Pour la première fois, les <a href="https://actiphysetc.wordpress.com/2020/01/04/lecoblanchiment-dans-le-sport-2-2/">organisateurs développaient une nouvelle catégorie de partenaires</a>, les partenaires durables (BP, BMW ou General Electrics), mais ne demandaient pas de réelles contreparties environnementales. Les Jeux de Vancouver, annoncés comme les premiers jeux durables, ont entraîné la destruction de parties importantes des <a href="https://doi.org/10.1080/02614367.2012.716077">Eagleridge Bluffs</a>. Sans oublier tous les sites olympiques laissés à l’abandon, <a href="https://www.slate.fr/grand-format/sites-abandonnes-jeux-olympiques-athenes-2004-photos">comme à Athènes</a> ou à <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1018125/jeux-olympiques-stades-rio-janeiro-decrepitude">Rio de Janeiro</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un groupe de personnes avec des casques de construction observent une maquette" src="https://images.theconversation.com/files/443827/original/file-20220201-23-169lrn2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/443827/original/file-20220201-23-169lrn2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/443827/original/file-20220201-23-169lrn2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/443827/original/file-20220201-23-169lrn2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/443827/original/file-20220201-23-169lrn2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/443827/original/file-20220201-23-169lrn2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/443827/original/file-20220201-23-169lrn2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le président français Emmanuel Macron en visite sur le site du village olympique, à Paris, le 14 octobre 2021. Les organisateurs de ces jeux veulent en faire un exemple sur le plan environnemental.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sarah Meyssonnier/Pool Photo via AP</span></span>
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<p>La ville de Paris, hôtesse des Jeux olympiques 2024, joue à fond la carte de la durabilité. Tony Estanguet, le co-président du Comité de candidature de Paris, <a href="https://www.lefigaro.fr/sports/jeux-olympiques/jo-2024/fil-infos/le-developpement-durable-au-coeur-du-projet-parisien-781878">a déclaré en novembre</a> que « le développement durable n’est pas un objectif, c’est l’ADN même de la candidature que nous construisons avec les athlètes et l’ensemble de nos partenaires ».</p>
<p>Mais peut-être devrions-nous en douter à la vue de la soutenabilité déclinante des Jeux ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175964/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bernard Paquito a reçu des financements des Fonds de recherche du Québec - Santé, et de la Fondation du cancer du sein du Québec</span></em></p>Les JO de Pékin font la démonstration, une fois de plus, que les grands événements sportifs ont un impact négatif majeur sur l’environnement. Avec le réchauffement climatique, ont-ils un avenir ?Paquito Bernard, Professeur, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1223012019-10-22T18:42:18Z2019-10-22T18:42:18ZAccueillir des Jeux suffit-il pour qu’une nation soit plus sportive ?<p>Paris a tout juste <a href="https://www.lemonde.fr/sport/article/2019/10/21/paris-2024-le-nouveau-logo-des-jeux-olympiques-se-devoile_6016373_3242.html">dévoilé ce lundi 21 octobre</a> le logo des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 mettant à l’honneur le visage d’une femme et qui symboliserait des jeux « plus ouverts, plus participatifs, plus inclusifs » d’après le <a href="https://www.paris2024.org/fr/">Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques</a> (Cojop) de Paris 2024.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/297992/original/file-20191021-56234-1fqljqq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/297992/original/file-20191021-56234-1fqljqq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/297992/original/file-20191021-56234-1fqljqq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/297992/original/file-20191021-56234-1fqljqq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/297992/original/file-20191021-56234-1fqljqq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/297992/original/file-20191021-56234-1fqljqq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/297992/original/file-20191021-56234-1fqljqq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Logo des Jeux de Paris 2024.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Paris 2024</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Derrière cette ambition se niche aussi l’espoir de voir augmenter la <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/16184742.2014.998695">participation sportive</a>, notamment de celle des plus jeunes et des groupes sous-représentés. Cet argument sert souvent à justifier l’organisation de grands évènements sportifs. Lorsque Londres avait accueilli les Jeux olympiques et paralympiques en 2012, le gouvernement souhaitait ainsi « inspirer une génération ». </p>
<p>Mais est-ce si simple ? Accueillir des Jeux entraîne-t-il automatiquement un accroissement de la participation sportive au sein de la nation hôte ? Ces dernières années, <a href="https://www.cogitatiopress.com/socialinclusion/article/view/54">plusieurs études</a> ont démontré que l’objectif fixé par le gouvernement britannique n’avait pas été atteint.</p>
<p>La <a href="https://www.sportengland.org/media/11746/1x30_sport_16plus-factsheet_aps10.pdf">participation sportive</a> n’a augmenté <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/19406940.2017.1348964">ni de manière significative ni de manière pérenne</a> dans le pays depuis 2012.</p>
<p>Comment expliquer ce constat ? Pour y parvenir, nous nous sommes intéressés à l’effet de la politique d’austérité budgétaire mise en place par le gouvernement britannique à la fin des années 2000. Dans quelle mesure cette dernière a-t-elle influencé l’héritage des Jeux de Londres 2012 en termes de participation sportive, notamment au regard de son impact sur les clubs sportifs amateurs anglais ?</p>
<h2>L’influence des mesures d’austérité sur le mouvement sportif anglais</h2>
<p>L’impact des mesures d’austérité sur la participation sportive au Royaume-Uni a récemment fait l’objet de plusieurs études académiques et journalistiques. <a href="https://www.cogitatiopress.com/socialinclusion/article/view/54">Des chercheurs</a> ont montré que les inégalités structurelles croissantes générées par ces mesures ont eu un effet négatif sur la participation sportive, touchant plus sévèrement les personnes en situation de pauvreté ; le phénomène étant aggravé par des facteurs de genre, de handicap, d’âge ou d’ethnicité.</p>
<p>À titre d’exemple, les jeunes venant de familles à bas revenus (moins de 16 000 livres sterling par an, soit 18 600 euros) ont deux fois moins de chance d’être membre d’un club, de faire de la compétition ou d’être coach. Leurs possibilités de faire du volontariat est 25 % plus faible.</p>
<p>Une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/04419057.2013.820503">autre étude</a> a révélé que les programmes dédiés à renforcer la participation sportive étaient fragilisés, alors que ceux visant à élargir cette participation dans différents groupes sous-représentés (comme les femmes, les jeunes, les personnes ayant un handicap) étaient sur le point de disparaître.</p>
<p>Une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/19407963.2014.968309?casa_token=IkCzhBA9S7AAAAAA:F07oNNQZBn3GIaArRQlnCREk6pcHmwGPXu3IfZIgzkOQ1Ty_AWB4Rvj3V-xz69D75VDCwFXeunb2Ig">dernière recherche</a> note un transfert de l’offre sportive du secteur public et volontaire vers le secteur privé et commercial.</p>
<p>S’inspirant de ces travaux, notre étude <a href="https://pureportal.coventry.ac.uk/en/publications/gouvernance-des-f%C3%A9d%C3%A9rations-sportives-d%C3%A9fis-actuels-dans-une-pers">tente de comprendre les mécanismes</a> par lesquels les politiques d’austérité ont pesé sur les clubs sportifs amateurs, affectant ainsi la réalisation des objectifs d’élévation de la participation sportive attendus de l’organisation des Jeux de Londres 2012. Pour ce faire, une série d’interviews a été conduite auprès de dirigeants de clubs sportifs amateurs dans le centre de l’Angleterre. Nous avons également étudié l’évolution des principales politiques et stratégies sportives menées par les gouvernements successifs au Royaume-Uni.</p>
<h2>Un environnement socio-économique changeant</h2>
<p>En 2003, lorsque le gouvernement britannique décide de supporter la candidature de Londres pour l’organisation des Jeux de 2012, le Royaume-Uni connaît une longue période de stabilité économique. De plus, le gouvernement travailliste au pouvoir investit alors massivement dans le secteur public, notamment dans différents programmes pour promouvoir la participation sportive. La crise financière de 2007-2008 change la donne. Elle entraîne une augmentation significative du déficit public, <a href="https://www.theguardian.com/news/datablog/2010/oct/18/deficit-debt-government-borrowing-data">qui atteint 156 milliards (£) (181 365 euros) en 2009</a>.</p>
<p>L’année suivante, l’élection d’une coalition formée par les Conservateurs et les Socio-Démocrates marque un tournant non seulement idéologique concernant le rôle de l’État, mais aussi politique, <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/23750472.2018.1550369">avec une série de mesures d’austérité budgétaire et de réduction des investissements publiques</a>.</p>
<p>Le budget des gouvernements locaux est massivement réduit, impliquant une réduction de l’offre sportive offerte ou soutenue par les services publics. La Local Government Association estime que les gouvernements locaux ont dépensé 1 milliard (£) soit 1,1 M d’euros, dans le domaine du sport en 2014, contre 1,4 milliard (1,6 M euros) en 2009-2010. Une <a href="https://www.thetimes.co.uk/article/thousands-of-sports-facilities-lost-since-2012-bxfnlp8jw">autre étude</a> rapporte que le nombre d’infrastructures sportives (piscines, pistes d’athlétisme, cours de tennis, etc.) a chuté de 80 942 en 2012 à 78 270 en 2016, phénomène associé à des pertes d’emplois et une baisse des heures d’ouverture ou des offres sportives proposées. Ces restrictions budgétaires ont eu des répercussions pour les clubs sportifs amateurs, comme l’indique un des dirigeants interviewés :</p>
<blockquote>
<p>« Je sais de par mon expérience que les choses sont plutôt difficiles pour les autorités locales en ce moment, et cela complique les choses pour nous aussi car nous dépendons d’eux pour accéder à la piscine [communale]. »</p>
</blockquote>
<p>Plusieurs programmes phares furent par ailleurs annulés par le gouvernement conservateur, tel que le programme de « natation gratuite » destiné à encourager la pratique pour les moins de 16 ans et les plus de 60 ans.</p>
<p>Hugh Robertson, alors ministre des Sports et de l’Olympisme, décrit soudain ce programme <a href="https://www.theguardian.com/politics/2010/jun/18/end-free-swimming-children-over-60s">« comme un luxe que l’on ne peut plus se permettre »</a>. Ce changement d’orientation politique affecte également les clubs sportifs, comme le mentionne le dirigeant d’un club de natation :</p>
<blockquote>
<p>« C’était super quand le gouvernement travailliste garantissait la natation gratuite, mais quand cela a été supprimé, il ne fait pas de doute que cela nous a fortement impacté. »</p>
</blockquote>
<h2>Des paradoxes au cœur de l’héritage des Jeux de Londres 2012</h2>
<p>Plus largement, nos résultats indiquent des contradictions profondes entre les politiques d’austérité et les objectifs de promotion de la participation sportive promus par les Jeux de Londres 2012.</p>
<p>Au moment même où le budget des Jeux été réévalué à 9 milliards de livres sterling (10,4 M euros), le gouvernement se refusant à <a href="https://www.bbc.co.uk/news/uk-16370681">des « Jeux d’Austerité »</a> (Austerity Games), les moyens donnés aux clubs sportifs locaux et aux dispositifs de promotion de la pratique se voyaient significativement amputés.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/M4JA3Lbwj5Y?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Austerity Olympics », INSEAD, 2012.</span></figcaption>
</figure>
<p>Cette contradiction inscrite au cœur de l’héritage de Londres 2012 est pointée par l’ensemble des dirigeants sportifs interviewés. Le président d’un club de natation souligne ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai été impliqué dans tout cela le [sport associatif local] depuis plus de 20 ans et la situation est pire qu’elle ne l’a jamais été. »</p>
</blockquote>
<p>Un autre dirigeant n’hésite pas à renchérir :</p>
<blockquote>
<p>« Nous perdons notre piscine et on nous parle d’héritage olympique ! Est-ce là l’héritage olympique ? ! Notre situation est bien pire qu’en 2012 ! Je ne pense donc pas qu’il y a eu un héritage… »</p>
</blockquote>
<p>Au moins deux conclusions s’imposent. Ainsi, même si le gouvernement britannique <a href="https://www.theguardian.com/business/2019/sep/05/has-the-age-of-austerity-really-come-to-an-end-sajid-javid">a annoncé la fin des mesures d’austérité</a>, leurs conséquences ne vont pas s’effacer du jour au lendemain.</p>
<p>Les clubs sportifs britanniques ont besoin d’un environnement économique et politique stable, propice à leurs activités et qui favorise non seulement l’augmentation de la participation sportive mais aussi son élargissement aux franges de la population jusqu’ici sédentaire.</p>
<p>Enfin, l’accueil de grands évènements sportifs ne peut pas contribuer à l’essor de la participation sportive sans l’accompagnement de politiques claires et durables de soutien au mouvement sportif local. Voilà le Comité d’organisation des Jeux de Paris 2024 averti !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/122301/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’austérité budgétaire génère des inégalités croissantes avec un effet négatif sur la participation sportive.Simon Gérard, Lecturer in Sport Management, Coventry UniversityAndrew Jones, Research Assistant, Coventry UniversityIan Stuart Brittain, Research Fellow, Centre for Business in Society, Coventry UniversitySylvain Ferez, Maître de conférence, sociologie, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1076342018-12-12T22:28:09Z2018-12-12T22:28:09ZLe sport ne peut se passer de l’évaluation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/250060/original/file-20181211-76965-cmoq41.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C1%2C1270%2C710&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La cérémonie d'ouverture de l'Euro 2016 au stade de France, à Saint-Denis, le 10 juin 2016.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Uefa_Euro_2016_Opening_Ceremony.jpg">H4stings/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>En France, l’évaluation a mauvaise presse. Souvent mal comprise, associée à une sanction politique, à une rigidité bureaucratique ou à une suite de chiffres abscons, elle est cependant indispensable pour que les décideurs publics et privés ajustent leurs investissements et leurs dépenses, et rendent des comptes aux citoyens.</p>
<p>Face aux défis que nous partageons avec nos voisins européens – creusement des inégalités, vieillissement de la population, transformation des modes de vie, éducation et formation tout au long de la vie, détérioration des écosystèmes, pour n’en citer que quelques-uns –, l’évaluation permet, parmi d’autres outils, de garantir un équilibre entre universalisme et ciblage en fonction des besoins des populations et des territoires.</p>
<p>Or, évaluer, ce n’est ni sonder l’air du temps, ni se contenter d’un sondage d’opinion à des fins de marketing. C’est, en s’appuyant sur une méthode scientifique rigoureuse et interdisciplinaire, fournir un état des lieux, une mesure d’impacts – quantitatifs et qualitatifs – qui tiennent compte des complexités sociales.</p>
<p>La science doit en effet être davantage utilisée comme un <a href="https://theconversation.com/debat-comment-renforcer-la-place-des-sciences-sociales-dans-lespace-public-105535">outil d’aide à la décision publique et privée</a> afin, notamment, de passer des normes implicites aux normes explicites, et de garantir l’égalité réelle des droits et de l’accès aux ressources.</p>
<p>Alors que prospèrent les désordres de l’information, la société aspire à l’élévation du niveau des connaissances et la recherche, l’expertise, validées par les pairs, sont des atouts précieux mais insuffisamment exploités. Sans rien céder sur l’exigence intellectuelle, les résultats de la recherche doivent être valorisés, explicités, rendus accessibles au citoyen. C’est particulièrement vrai de l’évaluation des politiques publiques et des investissements privés.</p>
<h2>Le sport, terrain privilégié de la rencontre entre science et politique</h2>
<p>À l’instar d’autres champs comme la culture, le sport est un laboratoire de transformation du social qui est sous-utilisé. Les liens entre recherche et décision restant largement à construire, le sport – omniprésent dans la vie quotidienne, bénéficiant d’une immense couverture médiatique – a tous les atouts pour devenir un instrument d’innovation au service des acteurs politiques, associatifs et fédéraux, mais aussi pour appréhender d’autres items de l’agenda de manière nouvelle.</p>
<p>Les enseignements qu’il apporte peuvent en effet infuser dans le reste de la société car une innovation qui fonctionne, c’est une innovation dont l’impact dépasse sa seule sphère d’influence. Envisagé de manière transversale, le sport pourrait mieux nourrir des <em>evidence-based policies</em> et aider à <a href="https://theconversation.com/le-sport-ne-guerit-pas-le-cancer-mais-il-peut-y-aider-92981">élaborer des dispositifs plus efficaces et plus efficients en matière de santé</a>, d’éducation et de formation, d’emploi, de lutte contre les discriminations, d’inclusion sociale, de protection de l’environnement, entre autres, <a href="https://theconversation.com/il-faut-inciter-les-filles-et-les-jeunes-femmes-a-aller-jouer-dehors-dans-la-nature-107494?utm_source=facebook&utm_medium=facebookbutton&fbclid=IwAR3p7x1LrlD_p_WcZCEVvUBkjkOV4YsuGypcAkRbmYO5p4NR1J8xEU89Rco">tout ceci faisant du reste souvent système</a>.</p>
<h2>Sans évaluation, pas d’héritage tangible des GESI</h2>
<p>L’organisation de grands événements sportifs internationaux (GESI) en France dans les prochains mois et les prochaines années – France 2019 (Coupe du monde féminine de football), France 2023 (Coupe du monde masculine de rugby) et Paris 2024 (Jeux olympiques et paralympiques), pour ne prendre que trois exemples – constitue une occasion unique pour mettre cette proposition en pratique.</p>
<p>Jusqu’ici, les grandes compétitions sportives internationales qui se sont tenues dans notre pays n’ont pas répondu aux engagements pris, ni sur le plan de l’héritage, ni sur celui de son évaluation sociétale – ce qui a accentué la défiance populaire et médiatique. Le cas de l’Euro 2016 est emblématique : les espoirs déçus de la Seine-Saint-Denis ont laissé des traces. Il est, en outre, regrettable que l’absence d’indicateurs et de véritable stratégie politique globale ne permette pas, pour l’heure, de <a href="https://www.nouveau-magazine-litteraire.com/idees/la-liesse-et-apres">capitaliser sur une victoire en Coupe du monde masculine de football</a> pour construire un agenda émancipateur.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/250062/original/file-20181211-76983-flag9o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/250062/original/file-20181211-76983-flag9o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/250062/original/file-20181211-76983-flag9o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/250062/original/file-20181211-76983-flag9o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/250062/original/file-20181211-76983-flag9o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/250062/original/file-20181211-76983-flag9o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/250062/original/file-20181211-76983-flag9o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">À Belfort, des supporters français lors de la Coupe du monde de football.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/f/f9/2018-06-30_16-20-05_coupe-du-monde-foot-belfort.jpg/640px-2018-06-30_16-20-05_coupe-du-monde-foot-belfort.jpg">Thomas Besson/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
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<p>S’ils veulent laisser un legs durable et objectivable, les GESI ne pourront donc plus faire l’économie d’un travail d’évaluation des retombées de leur événement, en matière non seulement économique, mais aussi sociétale et ce, sans oublier que ces deux aspects sont indissociables.</p>
<p>Comment, par exemple, mesurer l’effet sur le chômage d’une politique sportive transversale sans s’atteler à la lutte contre les discriminations fondées sur le genre, l’origine, le territoire de vie, etc., et aux coûts humain et financier que ces discriminations occasionnent ? Ce travail ne peut être laissé aux seuls économistes. Sociologues, politistes, historiens, géographes ont un savoir-faire précieux dont les décideurs ne peuvent plus se passer. Le « mouvement » des gilets jaunes serait, aujourd’hui, incompréhensible par le pouvoir politique sans les travaux, passés et en cours, de la recherche interdisciplinaire. La même exigence doit être de mise dans le sport.</p>
<h2>Le sport au service de tous et toutes</h2>
<p>Par ailleurs, on ne trouvera pas de manière magique « trois millions de nouveaux pratiquants d’ici 2024 » : pour y parvenir, il faut partir des besoins des individus et des groupes et <a href="https://theconversation.com/children-with-disabilities-need-better-access-to-sport-99493">viser des objectifs de santé et de bien-être – avec des moyens et accompagnements adaptés à chacun.e –, de solidarité intergénérationnelle, d’accessibilité, de lutte contre l’isolement, etc.</a>. Les villes-hôtes des GESI, témoins de la diversité du territoire, fournissent un formidable terrain d’étude et d’expérimentation qu’il s’agira de documenter scientifiquement.</p>
<p>Valoriser les résultats de la recherche dans l’espace public et médiatique de débats, expliquer et porter, auprès des décideurs, les enjeux démocratiques et citoyens du sport sont une tâche indispensable mais complexe parce que ces différents univers sont largement cloisonnés.</p>
<p>Réussir ce dialogue suppose de produire et de diffuser une expertise au service de l’intérêt général et non d’intérêts particuliers marchands ou non marchands, pour, enfin, agir. Produire des rapports ne suffit pas : le courage politique s’incarne dans la mise en place de dispositifs concrets dont les retombées doivent être évaluées scientifiquement, en amont et en aval, et de manière indépendante. Il s’agit, avant tout, de mettre le sport au service de la société, autrement dit de tous et de toutes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/107634/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Cécile Naves est directrice des études du think tank Sport et Citoyenneté.</span></em></p>Produire des rapports ne suffit pas : le courage politique s’incarne dans la mise en place de dispositifs concrets dont les retombées doivent être évaluées scientifiquement et de manière indépendante.Marie-Cécile Naves, Docteure en science politique, chercheuse associée à l'IRIS, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1077532018-12-12T22:28:03Z2018-12-12T22:28:03ZNouvelle gouvernance du sport : des incertitudes à lever d’urgence<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/250290/original/file-20181212-110243-mxdrge.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C93%2C1274%2C753&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La ministre des Sports, Roxana Maracineanu, à l'Ecole polytechnique, le 4 septembre 2018.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/c/cf/Roxana_Maracineanu_%2844439543342%29.jpg/1280px-Roxana_Maracineanu_%2844439543342%29.jpg">Jérémy Barande/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Établi au terme d’une consultation de plusieurs mois, le <a href="http://www.sports.gouv.fr/autres/Gouvernance_Rapport.pdf">rapport préconisant une refonte du modèle sportif français</a> a été remis à la ministre des Sports, Roxana Maracineanu, en septembre dernier. Ce document, qui comporte 57 propositions pour une nouvelle gouvernance du sport, répond à la demande du premier ministre :</p>
<blockquote>
<p>« Engager une démarche de confiance envers le mouvement sportif en donnant davantage d’autonomie aux fédérations sportives et au Comité national olympique, ainsi qu’aux acteurs locaux et en recentrant l’action de l’État sur des missions essentielles de coordination, de réglementation et de contrôle, notamment éthique ».</p>
</blockquote>
<p>Les objectifs assignés visent notamment à réussir les Jeux olympiques et paralympiques de 2024, et à augmenter de trois millions le nombre de pratiquants.</p>
<h2>Une Agence pour gouverner le sport</h2>
<p>L’élément central de la nouvelle gouvernance est la <a href="http://www.sports.gouv.fr/presse/article/La-Ministre-annonce-la-creation-de-l-Agence-du-sport">création d’une Agence nationale du sport, dont le lancement est prévu pour le 1ᵉʳ mars 2019</a>, sous la forme d’un groupement d’intérêt public (GIP). Cette structure inédite vise à regrouper l’État, les collectivités territoriales, le mouvement sportif et le monde économique pour exercer une gouvernance partagée en termes d’appui, de financement et d’évaluation, tant au titre de la haute performance que du développement des pratiques. <a href="https://www.lequipe.fr/Tous-sports/Actualites/Jean%E2%80%91castex-a-la-tete-de-la-future-agence-du-sport/957307">Elle sera présidée par Jean Castex, qui conservera sa fonction de délégué interministériel aux JOP et aux grands événements sportifs</a>.</p>
<p>Au niveau territorial, des conférences régionales et des conférences des financeurs seront mises en place, en vue d’assurer une meilleure coordination des politiques et des interventions. Enfin, le mouvement sportif disposera de plus d’autonomie avec la fin de la tutelle de l’État, tandis que le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) verra son rôle renforcé en matière de contrôle de l’éthique des fédérations.</p>
<p>Dans un premier temps, l’Agence bénéficiera des fonds issus du <a href="http://www.cnds.sports.gouv.fr/">Centre national pour le développement du sport (CNDS)</a> appelé à disparaître, ainsi que du programme « sport » dédié au financement des fédérations. Mais un des points essentiels de la réforme vise à mobiliser des financements privés pour relayer les fonds publics.</p>
<h2>Une réforme radicale, des incertitudes à lever</h2>
<p>S’il est acquis que notre mode d’organisation du sport nécessite une profonde rénovation, le caractère radical de la réforme génère des incertitudes qui doivent être exprimées. En effet, le mode de gouvernance proposé n’a fait l’objet d’aucune phase d’expérimentation ni étude d’impact préalable. L’abandon d’un système éprouvé depuis des décennies pour une structure non encore testée induit une prise de risque importante. La proximité de l’échéance de Paris 2024 contribue évidemment à amplifier l’enjeu.</p>
<p>La gouvernance partagée ou collégiale qui doit remplacer le leadership étatique suppose que des acteurs aux intérêts parfois divergents puissent s’accorder sur les contours du « bien sportif commun » et les voies de son développement. Or le mouvement sportif et les collectivités territoriales sont très hétérogènes et souvent divisés, sans parler de la diversité du « monde économique ». L’une des interrogations essentielles pour l’avenir tient à la capacité des partenaires constitutifs de la future Agence à coopérer efficacement.</p>
<p>Vouloir réussir les JOP et accroître le nombre de pratiquants de trois millions, tout en réduisant les fonds publics affectés au sport, en diminuant les effectifs dédiés et en s’appuyant sur un modèle institutionnel entièrement rénové, peut s’avérer un pari à haut risque.</p>
<p>Un éventuel échec serait un scénario inacceptable, tant pour son impact national qu’au plan international. Le compte à rebours ayant démarré, il importe désormais que tous les obstacles soient levés rapidement afin que la performance attendue puisse effectivement s’accomplir.</p>
<hr>
<p><em><a href="https://www.sportetcitoyennete.com/articles/mai-2018-position-think-tank-sport-citoyennete-gouvernance-sport">Lire la position du think tank Sport et Citoyenneté relative à la gouvernance du sport français</a> (mai 2018).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/107753/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Colin Miège est président du Comité scientifique du Think tank «Sport et Citoyenneté». </span></em></p>S’il est acquis que le mode d’organisation du sport français nécessite une profonde rénovation, le caractère radical de la réforme génère des incertitudes qui doivent être exprimées.Colin Miège, Chargé de cours, AudenciaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/907612018-02-07T22:48:42Z2018-02-07T22:48:42ZLe futur héritage des JO de Paris 2024 déjà en question<p>Lima, 13 septembre 2017, Paris est désigné par le Comité international olympique (CIO) pour accueillir les Jeux olympiques et paralympiques en 2024. La phase de candidature a donné lieu à de multiples promesses qui devaient constituer l’héritage des JO pour les Parisiens, Franciliens et Français. Mais que signifie ce futur héritage ?</p>
<h2>Le temps révolu des Jeux bâtisseurs</h2>
<p>Il y a 26 ans, Albertville accueillait les JO d’hiver. L’événement avait permis de moderniser les stations de ski de Tarentaise, renforçant durablement l’attractivité touristique de la région. Elle a également laissé <a href="https://www.la-croix.com/Sport/reste-Jeux-dAlbertville-1992-2017-09-10-1200875587">des infrastructures démesurées pour les besoins locaux</a> : une piste de bobsleigh à la Plagne ou une halle olympique à Albertville pour lesquelles de multiples projets de reconversion ont tenté d’en augmenter l’usage. En vain. L’héritage olympique, c’est également une dette. Cinq ans après la cérémonie de clôture, l’État épongera les 28 millions de francs (5,41 millions d’euros) encore dus.</p>
<p>L’héritage des grands événements sportifs a longtemps été centré sur les infrastructures sportives. Mais les équipements démesurés laissés à l’abandon du fait de coût de fonctionnement trop élevé et les dettes interminables, comme celle du stade de Montréal dont la dépense s’est étalée durant 30 ans après l’événement (<a href="https://www.cairn.info/revue-geographie-economie-societe-2010-4-page-367.htm">Roult et Lefebvre, 2010</a>), constituent un fardeau pour les générations futures.</p>
<p>Ce temps des Jeux bâtisseurs est désormais révolu et les candidats pour l’accueil des JO, comme Paris ou Los Angeles, font de la <a href="http://www.paris2024.org/fr/carte">disponibilité des infrastructures</a> un argument de campagne.</p>
<h2>L’impératif du développement durable</h2>
<p>Dès lors, qu’apportent les Jeux à la ville hôte ? Le CIO a souhaité que l’événement olympique ait un impact positif sur le territoire et que cet impact ne soit pas seulement sportif. C’est pourquoi les candidats doivent démontrer aujourd’hui l’impact global des JO, lequel sera évalué en reprenant le triptyque du développement durable : l’économie, l’environnement et le social.</p>
<p>En effet, le <a href="https://www.olympic.org/documents/games-paris-2024-olympic-games">contrat de ville hôte</a> exige du comité d’organisation la production de « sustainability reports » en amont et en aval des Jeux pour rendre compte de cet impact global.</p>
<p>Dans cette perspective, Londres ou <a href="https://theconversation.com/les-sept-plaies-des-jo-de-rio-62996">Rio de Janeiro</a> ont saisi l’événement pour mettre en œuvre des projets d’aménagement urbain d’envergure. Londres – dont la situation est plus comparable à celle de Paris – a entrepris de rénover le quartier défavorisé de Stratford. L’Olympiade permet d’accélérer des transformations urbaines mobilisant principalement l’État et des promoteurs privés. Si le projet n’est pas réalisé sans surcoût ni difficulté, l’héritage est certain : le <a href="https://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/londres-quelle-vie-pour-les-habitants-apres-les-jo-591363.html">quartier de Stratford</a> apparaît sous un nouveau visage sous les caméras du monde entier.</p>
<h2>La relative contribution des Jeux</h2>
<p>Les Jeux de Londres sont également le douloureux souvenir de la défaite de la candidature parisienne pour l’Olympiade de 2012. Paris avait alors déjà pleinement intégré les attentes du CIO et le projet de la capitale s’inscrit dans cette même perspective de rénovation urbaine. Le village olympique est alors prévu dans le XVII<sup>e</sup> arrondissement. Une friche libérée par la SNCF offre l’emprise foncière nécessaire pour l’accueil des 17 000 athlètes attendus.</p>
<p>Le projet de réaménagement du quartier des Batignolles est le pendant du quartier de Stratford londonien. Qu’est devenu, depuis, ce quartier sans les Jeux olympiques ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/205237/original/file-20180207-74501-19zeyzr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/205237/original/file-20180207-74501-19zeyzr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/205237/original/file-20180207-74501-19zeyzr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/205237/original/file-20180207-74501-19zeyzr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/205237/original/file-20180207-74501-19zeyzr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/205237/original/file-20180207-74501-19zeyzr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/205237/original/file-20180207-74501-19zeyzr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Construction de l’éco-quartier Clichy Batignolles, en 2016, à Paris.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/1e/Construction_%40_Eco-Quartier_Clichy-Batignolles_%40_Paris_%2829589292140%29.jpg">Guilhem Vellut</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Un vaste projet urbain a été engagé sur ce territoire, étendu jusqu’à Clichy. Initié à partir d’octobre 2010, le projet touche 6,5 hectares dans un premier temps pour être étendu sur près de 10 hectares à terme.</p>
<p><a href="http://www.leparisien.fr/paris-75017/paris-clichy-batignolles-veut-etre-le-premier-ecoquartier-intelligent-19-06-2017-7068042.php">L’éco-quartier qui voit le jour</a> rassemble plusieurs innovations dans le cadre d’une démarche haute qualité environnementale (HQE). Les synergies avec le réseau de transport en commun ne font pas défaut : les habitants devraient profiter d’une desserte en métro améliorée par l’extension en cours de la ligne 14. Les travaux se poursuivent aujourd’hui, près de six ans après l’Olympiade londonienne.</p>
<p>Dès lors, que représente l’accueil de l’événement ? Est-ce que la tenue des Jeux a de réelles conséquences sur le territoire ou est-ce que l’impact des Jeux est une chimère ? Les projets urbains se verraient étiquetés de la marque olympique sans que celle-ci n’ait un quelconque effet sur eux ?</p>
<h2>Les engagements de Paris</h2>
<p>Il faut reconnaître que la rénovation de Stratford a été plus rapide que le projet des Batignolles. La contrainte temporelle des Jeux peut être un accélérateur des politiques publiques. <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/15/projets/pl0383.asp">La loi Olympique</a>, votée prestement après la désignation de Paris, prévoit des aménagements du code de l’urbanisme qui réduisent les délais légaux dans les procédures. L’accueil de l’événement créerait les conditions d’une mise en œuvre plus rapide des projets, même si l’annonce récente des <a href="http://lemonde.fr/economie/article/2018/01/31/grand-paris-express-le-gouvernement-avance-le-debut-des-travaux-strategiques-pour-les-jo-2024_5250062_3234.html">retards dans la réalisation du Grand Paris Express</a> révèle les limites de ces dispositifs.</p>
<p>Cependant, si les projets sont réalisés plus vite, sommes-nous également en droit d’attendre plus que ce qui sera fait sans les Jeux ? N’oublions pas que le projet n’entend pas seulement agir sur le paysage urbain. Il prévoit également des améliorations dans le domaine social, sanitaire, éducatif, économique et environnemental !</p>
<p>Les parties prenantes de la candidature n’ont pas hésité à annoncer des engagements. <a href="https://www.paris.fr/actualites/jo-2024-paris-presente-un-plan-d-action-en-43-mesures-3648">La Mairie de Paris a présenté ses 43 engagements</a> qui entendent faire de Paris une ville plus sportive, plus citoyenne, plus durable, plus innovante.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/205235/original/file-20180207-74490-1wks025.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/205235/original/file-20180207-74490-1wks025.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/205235/original/file-20180207-74490-1wks025.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/205235/original/file-20180207-74490-1wks025.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/205235/original/file-20180207-74490-1wks025.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1130&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/205235/original/file-20180207-74490-1wks025.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1130&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/205235/original/file-20180207-74490-1wks025.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1130&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Sur la Tour Montparnasse, en juin 2017…</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/o_0/35221840165/in/photolist-5nvQrd-VEr8Yi-miavN-ToPjkq-5q44t8-57q7zJ-4WA2nm-cMwWC-8qBPQr-7xYU52-aPA2eR-aPzCfa-UFnEQy-Vb44Ah-aPA2Kg-UZXcLv-NiT6PZ-TgwCrU-aEeusL-aPzCYk-aPA2ie-aPA2nT-V59ADE-aPA2tD-aPA2E8-P8xz7e-X1NuVy-aPzCjx-aPzCRX-aPzCzv-aPzCr2-aEaDKK-aEeuKY-aPA2xK-aPA2NM-aPzCFn-aPzD3F-aEeuRU-aEaEdt-aEeuyb-aEeup1-aEaEax-aPA2Ax-aEaDUk-aPzCLr-aEaDXt-Na5GmB-unmG1j-trV4hW-aEaDQX">Guilhem Vellut/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Le ministère des Sports a, lui aussi, manifesté le souhait de saisir l’opportunité des Jeux olympiques pour dynamiser ses efforts en faveur de la pratique sportive et, plus généralement, d’une <a href="http://www.sports.gouv.fr/accueil-du-site/a-la-une/article/24-mesures-pour-donner-une-nouvelle-dimension-au-sport-francais">politique sociale et environnementale par le sport</a>. Mais simultanément, le budget du ministère a été réduit de 7 % pour 2018.</p>
<p>Tout cela raisonne comme une campagne politique. Les promesses inondent les médias jusqu’à l’élection. Puis vient le temps de la rigueur et de la gestion prudente des ressources financières, par nature limitées. Probablement à juste titre, car les Français sont nombreux à penser que le coût de l’événement dépassera les prévisions…</p>
<p>Si l’événement a inévitablement un effet immédiat en 2024, construire l’héritage des Jeux ne peut s’entendre que dans la durée pour éviter que l’effet ne soit aussi fort qu’éphémère. L’engouement soulevé par la nomination de Paris en septembre dernier doit enclencher dès aujourd’hui les efforts nécessaires à sa construction. L’avenir se construit au présent.</p>
<hr>
<p><em>Un collectif de chercheurs s’est réuni sous l’appellation d’<a href="https://www.u-orme.fr/fr/">Observatoire pour la Recherche sur les Méga-evénements</a> pour fédérer l’expertise et la rigueur méthodologique de la recherche sur la question des Jeux olympiques dans une perspective pluridisciplinaire. La finalité de cet observatoire est à la fois de coordonner et catalyser les travaux menés sur le sujet mais également de donner à voir les résultats de ces recherches aux parties prenantes.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/90761/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre-Olaf Schut ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La candidature contient son lot de promesses. La flamme est-elle une vaste fumisterie ou les JO apportent-ils une réelle valeur ajoutée au territoire ?Pierre-Olaf Schut, Maître de conférences en sciences du sport, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/880352017-11-23T21:28:57Z2017-11-23T21:28:57ZVidéo : Les JO de 2024 vont-ils profiter à l’économie parisienne et française ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/196131/original/file-20171123-17975-8rvsxm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Mathias Thépot interroge Pierre Rondeau dans les studios de Xerfi Canal.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.xerficanal-economie.com/emission/Pierre-Rondeau-Les-Jeux-olympiques-a-Paris-les-enjeux-economiques_3745224.html">xerficanal-economie.com</a></span></figcaption></figure><figure>
<iframe src="https://player.vimeo.com/video/238935980" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Paris l’a fait. 100 ans après les dernières Olympiades dans la Ville-lumière, la capitale française va de nouveau accueillir et organiser les Jeux olympiques, en 2024. Depuis mercredi 13 septembre, date de l’annonce officielle, tout le monde est euphorique. Tout le monde se félicite de cette excellente nouvelle qui, en plus d’apporter fierté et renommée à la France entière, permettra de redynamiser la croissance économique. Vraiment ?</p>
<p>Entretien avec Pierre Rondeau, économiste du sport, à la suite de son article <a href="https://theconversation.com/jeux-olympiques-la-legende-des-retombees-economiques-84190">« Jeux olympiques : la légende des retombées économiques »</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/88035/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Rondeau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Tout le monde se félicite de cette excellente nouvelle qui, en plus d’apporter fierté et renommée à la France entière, permettra de redynamiser la croissance économique… Vraiment ? Entretien.Pierre Rondeau, Professeur d'économie, Sports Management SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/841902017-09-18T19:09:10Z2017-09-18T19:09:10ZJeux olympiques : la légende des retombées économiques<p>Paris l’a fait. 100 ans après les dernières Olympiades dans la Ville-lumière, la capitale française va de nouveau accueillir et organiser les Jeux olympiques, en 2024. Depuis mercredi 13 septembre, date de l’annonce officielle, tout le monde est euphorique. Tout le monde se félicite de cette excellente nouvelle qui, en plus d’apporter fierté et renommée à la France entière, permettra de redynamiser la croissance économique. Vraiment ?</p>
<p>Le Centre de droit et d’économie du sport (CDES) de Limoges, connu pour ses analyses <em>ex-ante</em> des grandes compétitions sportives, comme la Coupe du monde de rugby, en 2007, ou l’Euro de football, en 2016, a simulé plusieurs scénarii possibles. Il estime, notamment, que Paris 2024 rapportera au moins 5,3 milliards d’euros et <a href="http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2017/02/07/20002-20170207ARTFIG00005-jo-2024-paris-espere-107-milliards-de-retombees-economiques.php">jusqu’à 10,7 milliards d’euros</a>, soit « des bénéfices de 294 à 594 millions d’euros par an sur dix-huit années ». En effet, durant l’événement, la France espère accueillir au moins 3 millions de supporters.</p>
<p>À cela se rajoute la création de 119 000 emplois, au minimum, dans les secteurs du BTP, du tourisme et de l’événementiel. Enfin, les rentrées fiscales devraient exploser, avec plus de 250 millions d’euros sur la seule quinzaine de l’événement. Une aubaine donc pour la France et un argument supplémentaire pour les Jeux olympiques de 2024.</p>
<h2>Des effets d’éviction</h2>
<p>Seulement, en regardant plus en détail, on se rend compte que les grandes compétitions sportives internationales, quelles qu’elles soient, n’ont <a href="https://theconversation.com/organiser-le-jeux-olympiques-dete-une-contre-performance-financiere-48705">pratiquement jamais rapporté d’argent</a>, n’ont jamais vraiment été bénéficiaires et n’ont jamais soutenu l’emploi durable. Appliquée au domaine du football mais étayée par de nombreux exemples sportifs, l’étude des économistes Bastien Drut et Richard Duahutois, parue dans leur livre <a href="https://www.amazon.fr/Sciences-sociales-football-club-Bastien/dp/2804193985/"><em>Sciences sociales football club</em></a>, vient d’ailleurs illustrer ce postulat.</p>
<p>Premièrement, les effets mis en avant a priori ne sont pratiquement jamais constatés a posteriori. Certes, qu’il s’agisse d’une Coupe du monde ou des JO, on assiste à un regain de la croissance à l’instant t, durant toute la durée de la compétition, mais les impacts sont minimes et ne se répercutent pas sur les autres strates de l’économie nationale.</p>
<p>Drut et Duhautois expliquent que les rapports <em>ex ante</em> –tous sauf ceux du CDES– oublient ce que les économistes appellent « les effets de substitution et les effets d’éviction ». Sur le marché touristique, les événements sportifs attirent du monde mais font aussi fuir des personnes, apeurées à l’idée de se retrouver au milieu des foules de supporters. Par exemple, la Coupe du monde 2014 et les <a href="https://theconversation.com/les-sept-plaies-des-jo-de-rio-62996">Jeux olympiques 2016, au Brésil</a>, n’ont ni augmenté ni diminué les chiffres du tourisme. Le pays étant déjà le plus touristique d’Amérique du Sud, les étrangers férus de sport ont tout simplement remplacé, « substitués », ceux qui avaient l’habitude de venir jusque-là.</p>
<p>En France, c’est pareil. La Coupe du monde 1998, organisée dans le pays, n’a pas connu une croissance exceptionnelle du tourisme, il est resté exactement le même qu’il avait été en 1997 ou en 1999. Les supporters de foot ont seulement remplacé les visiteurs du musée du Louvre ou de la Tour Eiffel. Comme l’Euro 2016, d’ailleurs. Le niveau touristique était quasiment le même qu’en 2015 et était même inférieur à celui de 2017. Pas de boom donc.</p>
<h2>Un gouffre financier historique</h2>
<p>Enfin, le dernier élément est celui du coût. Si l’on se réfère à l’histoire des Jeux olympiques, les coûts prévus lors du dépôt du dossier de candidature sont <a href="http://theconversation.com/les-couts-des-jo-flambent-il-faut-les-maitriser-62879">pratiquement toujours dépassés</a>. Et parfois de façon spectaculaire. L’économiste du sport Wladimir Andreff a montré que le taux moyen de dépassement était de 167 % depuis les JO de 1968.</p>
<p>Paris pourrait très bien prendre ce risque et voir son budget, estimé à 6,5 milliards d’euros, dépasser et atteindre des niveaux dangereux. À Pékin, en 2008, le taux de dépassement était de 1130 %, celui de Barcelone, en 1992, de 156 %. Si, d’un côté, les grandes compétitions sportives ne rapportent pas et que, de l’autre, elles coûtent cher, cela pourrait rapidement devenir un gouffre financier pour Paris.</p>
<h2>Les points positifs de Paris</h2>
<p>Néanmoins, la ville a un double avantage à ce niveau-là. Premièrement, il n’y a pas eu de « malédiction du vainqueur », expression économique désignant la situation où le vainqueur d’une enchère ne bénéficiera pas du gain escompté car il a surpayé l’offre, face à une concurrence trop forte, « il est maudit ».</p>
<p>Paris n’a pas été victime de cette « winner’s curse » puisque Paris était la seule ville candidate pour les Jeux de 2024. Boston, Rome ou encore Budapest s’étaient désistés. La ville n’a donc pas eu à surenchérir face à des propositions indécentes et promettre monts et merveilles au CIO pour décrocher la timbale. Elle a présenté un budget éco-responsable, simple et réaliste.</p>
<p>C’est le deuxième argument : Paris a d’ores et déjà 95 % des infrastructures sportives. Les organisateurs vont « seulement » construire pour 2024 un centre aquatique, un village olympique et un média center. Pas un nouveau stade olympique de 1 milliard de dollars, comme à Pékin, en 2008, ou à Londres, en 2012, par exemple.</p>
<h2>Le risque de l’accélération</h2>
<p>Au sujet des infrastructures, nous pouvons néanmoins nous inquiéter de l’accélération des travaux du Grand Paris, avec la création de quatre nouvelles lignes de métro et la ligne à grande vitesse entre le centre de Paris et l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle. Les projets ont déjà été budgétés, donc les organisateurs annoncent qu’il n’y aura pas de financement supplémentaire, mais pour 2030. En effet, ces travaux étaient prévus pour être livrés en 2030, pas en 2024 avec six ans d’avance. Face à cette imposante accélération, il y a un risque de dépassement budgétaire. Pour aller plus vite, il faut payer plus cher ses salariés, embaucher plus de monde et dépenser plus d’argent.</p>
<p>Mais certains diront : « Et alors ? » Si la dette explose au profit d’une considérable amélioration du service des transports et du bien-être des 10 millions de Franciliens, pour un héritage durable pendant au moins 100 ans, doit-on vraiment se focaliser sur la question des retombées économiques de court terme ?</p>
<p><a href="https://www.alternatives-economiques.fr/leuro-2016-a-prix/00005352">Le géographe Loïc Ravenel</a>, responsable du Centre international d’économie du Sport, le rappelle très bien :</p>
<blockquote>
<p>« Cette histoire de retombées économiques, c’est de l’enfumage. Assumons qu’à ce niveau de sport spectacle, ça ne rapporte pas. Aujourd’hui, on accepte que la culture soit déficitaire parce qu’on estime que c’est important pour une société. reconnaissons qu’on veut organiser une grande compétition sportive pour des questions d’image, de fête populaire, mais arrêtons de vouloir le justifier économiquement. »</p>
</blockquote>
<p>Finalement, suivons les préceptes de Ravenel : les JO de Paris ne seront sûrement pas un gouffre financier, comme Athènes, Pékin ou Rio, mais Paris 2024 ne sera pas non plus un démultiplicateur de croissance et d’emploi.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/84190/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Rondeau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Tout le monde se félicite de cette excellente nouvelle qui, en plus d’apporter fierté et renommée à la France entière, permettra de redynamiser la croissance économique. Vraiment ?Pierre Rondeau, Professeur d'économie, Sports Management SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/814322017-07-26T20:43:55Z2017-07-26T20:43:55ZLes Jeux olympiques à Paris, un pari sportif<p>Les impacts de l’organisation d’un grand événement sur un territoire sont nombreux et de natures diverses. Ils se résument essentiellement à des considérations économiques – impacts sur de nombreuses industries liés aux dépenses des touristes, emplois directs et indirects créés – quantifiables à court, moyen et long termes ainsi qu’à des effets moins tangibles relatifs à l’amélioration du capital-marque (notoriété et image), de la réputation, voire du statut d’une destination.</p>
<p>Par ailleurs, des incidences importantes peuvent également être constatées du point de vue <a href="https://theconversation.com/rio-2016-3-quel-avenir-pour-la-politique-sportive-au-bresil-64472">des infrastructures</a> (sportives comme des stades mais plus globales comme des infrastructures de transports) créées ou rénovées à l’occasion de l’événement. Chaque ville candidate se retrouve dans une configuration particulière, certains impacts devenant majeurs dans certains cas, d’autres plus mineurs par ailleurs.</p>
<p>Ainsi, la future organisation de la Coupe du Monde de football au Qatar en 2022 se présente comme un enjeu principal de développement de la notoriété – qui connaît réellement le pays aujourd’hui, et peux le situer géographiquement ? – et d’amélioration de son image – le Qatar vise un positionnement « eco friendly » loin de son image actuelle –, celui d’un pays qui ambitionne à terme de devenir une destination touristique.</p>
<h2>Cascade de défections</h2>
<p>De nombreux analystes soulignent également un <a href="https://theconversation.com/les-sept-plaies-des-jo-de-rio-62996">certain nombre d’effets négatifs</a>. En effet, le coût final de l’organisation est souvent montré du doigt tout comme l’écart constaté entre le budget affiché lors d’une candidature et le budget réel. Certains postes comme la sécurité faisant considérablement augmenter la facture. Par ailleurs, certaines éditions ont laissé une impression de gigantesque gaspillage avec des sites à l’abandon comme en Grèce ou au Brésil.</p>
<p>Ces incidences négatives expliquent aussi que les habitants-contribuables ne soient pas favorables à la tenue de ces événements jugés coûteux et non prioritaires par rapport à d’autres chantiers. Les deux dernières campagnes concernant les Jeux olympiques (d’hiver et d’été) 2022 et 2024 se sont traduites par un nombre important de défections de villes candidates. Ainsi, Stockholm, Lviv, Oslo et Cracovie ont renoncé à candidater à l’organisation des JO d’hiver 2022, alors que Boston, Budapest, Rome et Hambourg ont jeté l’éponge concernant l’édition d’été en 2024. Les motifs invoqués par les dirigeants de ces villes sont systématiquement liés aux risques d’inflation des coûts d’organisation et à la défiance de la population locale.</p>
<p>Quelle configuration alors pour Paris au coude à coude avec Los Angeles pour les JO 2024 ? Les externalités exposées précédemment sont-elles particulièrement pertinentes ?</p>
<p>Il ne s’agira pas de discuter du capital-marque (notoriété + image) de la capitale française, Paris étant une <a href="http://www.20minutes.fr/paris/1775055-20160128-tourisme-paris-redevient-ville-plus-admiree-monde">des villes les plus connues et réputées du monde</a>.</p>
<p>D’un point de vue touristique, Paris conserve son attractivité à l’instar de villes comme Londres ou New York et en dépit de la menace terroriste. Les incidences économiques mises en avant notamment par une <a href="https://www.unilim.fr/recherche/2016/10/25/etude-de-lomij-cdes-limpact-jo-2024/">étude sérieuse du CDES (Centre du Droit et d’économie du sport de Limoges)</a> sont assez contestées par plusieurs économistes parmi lesquels <a href="https://theconversation.com/les-couts-des-jo-flambent-il-faut-les-maitriser-62879">Wladimir Andreff</a> et ne pourront pas faire consensus en amont de l’événement.</p>
<p>Si les impacts plutôt « classiques » ne peuvent pas être spécifiquement argumentés dans le cadre de la candidature parisienne, comment justifier Paris 2024 ?</p>
<h2>Renforcer le soft power, l’influence de la France</h2>
<p><a href="http://www.latribune.fr/economie/international/soft-power-macron-propulse-la-france-en-tete-des-pays-les-plus-influents-744465.html">Selon une étude récente</a> publiée par l’Université de Caroline du Sud et le cabinet de conseil Portland, la France est devenu le pays le plus influent du monde. Rappelons que le soft power peut être défini comme la capacité d’influence et de persuasion d’un état en dehors des moyens militaires. L’obtention (et évidemment la bonne tenue) d’un événement comme les Jeux olympiques renforcerait encore le rayonnement de la France et de ses dirigeants.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/la-fuite-en-avant-perpetuelle-du-populisme-russe-70774">L’instrumentalisation d’un grand événement à des fins diplomatique ou géopolitique</a> n’est pas un phénomène nouveau, l’obtention d’un événement d’envergure ayant souvent été interprétée comme une des manifestations de l’influence d’un État et de ses dirigeants.</p>
<p>Le président de la République Emmanuel Macron a plus que mouillé la chemise, à Paris pour des opérations de promotion et à Lausanne pour porter le dossier de candidature. Une victoire au mois de septembre serait indiscutablement analysée comme un succès personnel, comme l’attestent certains précédents (Lula, Poutine).</p>
<h2>Les jeux durables-bénéfices sociétaux</h2>
<p>Autre idée forte fréquemment mise en avant par les membres du comité de candidature Paris 2024 : l’écologie, même si, là encore, l’écologisation des Jeux olympiques ou d’un événement sportif d’envergure n’est pas un concept inédit, l’ensemble des manifestations intégrant un axe « RSE » au sein de l’organisation globale. En revanche, les JO Paris 2024 seraient alignés sur l’accord de Paris sur le climat.</p>
<p>L’un des enjeux majeurs de Paris 2024 sera sans doute le développement du sport et des disciplines sportives en France, pays à la culture sportive faible en raison d’un manque de pratique à l’école. L’engouement suscité par le projet sportif pourrait permettre d’atteindre l’objectif ambitieux de <a href="http://www.lepoint.fr/sport/jo-paris-2024-des-promesses-et-des-questions-14-07-2017-2143125_26.php">80 % de pratique sportive d’ici à 2024</a> affiché par le Comité d’organisation. Au-delà de l’organisation sans faille de l’événement, un pays doit également « performer » sur le terrain, une victoire finale dans une Coupe du Monde de Football (voir France 98) ou un <a href="https://theconversation.com/question-deconomie-politique-pourquoi-certains-pays-raflent-la-mise-au-jo-64006">record de médailles lors des JO</a> (voir le cas de la Chine en 2008 et de Londres en 2012) sont des exploits qui sortent du cadre purement sportif pour rejaillir sur la société toute entière.</p>
<p>Au final, il peut certes paraître surprenant d’affirmer que les impacts événementiels traditionnellement mis en avant par les candidatures – notoriété, image, infrastructures, tourisme, économie, emploi – bien que <strong>réels</strong> ne seront pas <strong>majeurs</strong> pour Paris si la capitale française obtient l’organisation des JO en 2024, contrairement à ce qu’on a pu observer par le passé à de nombreuses reprises pour des destinations comme Barcelone ou Pékin.</p>
<p>Paris est au top de son capital-marque tandis que son attractivité touristique se maintient. D’ailleurs, la ville risque même un effet d’éviction avec les JO et les <a href="http://www.leparisien.fr/sports/jo-2024/video-jo-2024-sites-sportifs-et-village-olympique-paris-devoile-son-projet-17-02-2016-5554235.php">infrastructures existent déjà en grande majorité</a> (le paysage urbain ne sera pas modifié). Il n’y aura que peu de constructions d’infrastructures nouvelles.</p>
<p>Compte tenu de cette configuration, est-il pertinent d’envisager les Jeux olympiques ? La réponse est positive au regard d’autres enjeux moins abordés comme le développement d’un élan et d’une culture sportive en France, la contribution au pouvoir d’influence de la France et le positionnement d’un événement « durable ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/81432/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Philippe Danglade ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Est-il vraiment pertinent d’envisager les Jeux olympiques à Paris la lumière des excès ou impacts négatifs mesurés récemment ? Oui, notamment pour favoriser un élan sportif dans le pays.Jean-Philippe Danglade, Professeur de Marketing, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/800912017-06-26T19:39:48Z2017-06-26T19:39:48ZJOP de Paris de 2024 : prendre le sport au sérieux<p>Avec l’organisation, les 23 et 24 juin, des « journées olympiques », l’opportunité et l’utilité de la tenue, à Paris, des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de 2024, ont suscité récemment quelques <a href="http://lemonde.fr/sport/article/2017/06/23/jeux-olympiques-2024-a-paris-des-adversaires-inaudibles_5149762_3242.html">débats</a>.</p>
<p>Or, sur les JOP et le sport en général, il est important d’éviter à la fois l’angélisme et la critique stérile. S’abriter derrière des valeurs sportives vertueuses mais souvent incantatoires est tout aussi délétère que relayer un discours sur une corruption généralisée et un capitalisme sauvage inhérents au sport.</p>
<p>En réalité, ce dernier est traversé par les mêmes problématiques de développement durable, d’emploi, de mixité sociale ou encore de lutte contre les discriminations que d’autres secteurs. C’est pourquoi il faut prendre le sport au sérieux. A condition d’être bien utilisé, il peut impulser de nouveaux modèles économiques, renforcer la cohésion sociale et territoriale, <a href="https://theconversation.com/candidature-de-paris-2024-le-storytelling-de-la-jeunesse-et-de-la-diversite-55116">donner de l’espoir à la jeunesse</a>. Mais pour être crédible dans ce rôle, le sport doit lui-même être exemplaire dans le management de ses organisations et le respect de chacun(e), et adopter une vision de long terme.</p>
<h2>Un défi qui mérite d’être relevé</h2>
<p>Paris et la France ont-ils besoin des JOP pour accroître leur rayonnement international ? La réponse est oui. Si cet événement, qui est bien pensé sur le papier, atteint ses objectifs, il montrera comment le sport est un levier de développement durable, d’émancipation et de progrès. C’est un défi qui mérite d’être relevé.</p>
<p>Le dossier de Paris 2024 est solide car il a été construit de manière globale, au-delà des seules considérations de compétition sportive. Le coût des JOP de Paris est estimé, hors organisation des compétitions – qui correspondent à un coût fixe d’environ trois milliards d’euros –, à trois autres milliards. Cette somme, qui renvoie à des investissements, couvrira la construction d’un petit nombre de nouvelles infrastructures sportives – centre nautique à Aubervilliers, salle Arena II à Bercy – et non sportives – village olympique dans le 93. En effet, 95 % des sites sont existants ou seront temporaires. Le sport est un accélérateur de changement puisque la préparation de ces JOP permettra aussi de développer l’accessibilité aux transports en commun pour les personnes en situation de handicap. La partie « héritage » est la grande force du dossier de candidature de Paris.</p>
<p>Il faut à tout prix éviter le <a href="https://theconversation.com/les-couts-des-jo-flambent-il-faut-les-maitriser-62879?sr=10">dépassement des coûts non justifiés</a> et, quoi qu’il en soit, il n’est pas question de construire des « éléphants blancs » comme à Rio, Athènes ou Pékin. <a href="https://theconversation.com/organiser-le-jeux-olympiques-dete-une-contre-performance-financiere-48705">Chaque euro dépensé doit se justifier</a>, c’est une question de responsabilité sociétale. Les organisateurs auront des comptes à rendre aux pouvoirs publics, qui financent pour moitié les nouvelles infrastructures, mais aussi à la société civile (associations, citoyens, usagers, chercheurs) qui, depuis trois ans, a été largement associée aux réflexions sur l’opportunité, puis les conditions d’organisation des Jeux à Paris. Le projet a aussi été pensé en interministérialité, avec un rôle fort du ministère chargé de l’Éducation nationale, en particulier. L’exemplarité, encore.</p>
<h2>Rendre des comptes aux citoyens et évaluer les retombées des Jeux</h2>
<p>Pour les JOP de 2012, Londres a investi 10 milliards au lieu de 5 prévus initialement, mais ce projet a contribué à l’élaboration de la norme ISO 20121, devenue depuis une référence environnementale dans l’organisation d’événements majeurs. Le recours massif aux transports en commun s’est également renforcé grâce aux Jeux et la durabilité des installations sportives et non sportives est avérée. Tout n’est pas parfait puisque la rénovation de certains quartiers londoniens ne s’est pas faite au bénéfice des plus démunis.</p>
<p>Une question qui se pose donc également, c’est l’estimation des retombées matérielles et immatérielles des JOP. Sur le plan économique, dans le cas de Londres, plusieurs calculs ont été effectués sur les retombées commerciales – tourisme, investissements étrangers, etc. – estimés, selon les études, entre 10 et 12 milliards d’euros. Paris peut et doit faire mieux. La mise en place d’indicateurs sur les emplois créés, mais aussi sur les retombées immatérielles des Jeux, par définition plus difficiles à estimer, sont indispensables. Nous avons sept ans devant nous.</p>
<p>Car la candidature de Paris n’a de sens que si elle répond à un vrai besoin, de court et de long terme, pour la société française, et notamment pour sa jeunesse. Il est vital de ne pas reproduire les erreurs de l’Euro masculin de football de 2016 qui n’a pas tenu ses promesses en termes d’emploi et de formations dans le sport pour les jeunes de Seine-Saint-Denis.</p>
<h2>Des Jeux alignés sur l’Accord de Paris</h2>
<p>Dans la perspective de 2024, les perspectives de développement sont plus solides. Prenons quelques exemples. En partenariat avec Muhammad Yunus, prix Nobel de la paix 2006, les entreprises et les associations de l’économie sociale et solidaire ont été associées au dossier de candidature, pour répondre à un objectif d’insertion sociale et professionnelle des personnes éloignées de l’emploi. Il est également prévu de créer 50 nouveaux centres sportifs et un campus solidaire pour accueillir 25 000 jeunes Franciliens et leur proposer un accompagnement alliant sport, éducation, insertion professionnelle et entrepreneuriat.</p>
<p>En termes de développement durable, l’objectif affiché est une réduction de 55 % de l’empreinte carbone par rapport à Londres et <a href="https://theconversation.com/les-sept-plaies-des-jo-de-rio-62996?sr=6">Rio</a>, et de faire de Paris les premiers Jeux alignés sur l’Accord de Paris sur le climat.</p>
<p>Par ailleurs, les JOP de 2024 doivent absolument être l’occasion d’aller plus loin dans la reconnaissance du bénévolat, la France étant très en retard dans ce domaine. Les compétences informelles acquises dans le bénévolat sportif – le deuxième en Europe en nombre d’individus impliqués – méritent d’être davantage transférables dans les parcours scolaires, universitaires et professionnels. C’est un puissant vecteur d’innovation culturelle et économique, notamment pour les personnes sans diplôme ou n’ayant pas travaillé depuis longtemps. Organiser les Jeux requiert des qualités et des savoir-faire précieux dans le monde du travail : manager une équipe, gérer un budget, communiquer sur les réseaux sociaux, etc. Il faut les valoriser dans la société apprenante qui est en train d’émerger.</p>
<p>Il importe aujourd’hui d’entendre ceux qui critiquent les Jeux. La réputation du CIO, les précédents désastreux de Sotchi ou de Pékin en matière de pollution et de non-respect des droits de l’Homme, ainsi que les ravages du dopage ont considérablement nui à l’image du sport international. L’organisation des JOP à Paris est une occasion unique de tourner la page et de redonner au sport la place qu’il mérite dans la société, l’économie, la vie quotidienne, l’attractivité des territoires, au service de l’intérêt général. Sans langue de bois.</p>
<hr>
<p><em>Marie-Cécile Naves s’apprête à publier, avec Julian Jappert, l’ouvrage « Le pouvoir du sport » (FYP, sortie le 12 juillet 2017).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/80091/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Marie-Cécile Naves est VP de Sport et Citoyenneté et chercheuse associée à l'IRIS.</span></em></p>S’abriter derrière des valeurs sportives vertueuses, souvent incantatoires, est tout aussi délétère que relayer un discours sur une corruption généralisée et un capitalisme sauvage inhérents au sport.Marie-Cécile Naves, Docteure en science politique, chercheuse associée à l'IRIS, VP de Sport et Citoyenneté, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/718162017-01-30T21:22:27Z2017-01-30T21:22:27Z2017, Année de l’Olympisme ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/154553/original/image-20170127-30416-8bfb3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La tradition du relais de la flamme olympique, une invention des nazis.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://de.wikipedia.org/wiki/Olympischer_Fackellauf#/media/File:Bundesarchiv_Bild_146-1976-116-08A,_Olympische_Spiele,_Fackell%C3%A4ufer.jpg">Bundesarchiv</a></span></figcaption></figure><p>À l’initiative du Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, et par le biais d’une circulaire envoyée le 22 août 2016 à tous les établissements scolaires français, l’année 2017 est appelée à être l’<a href="http://eduscol.education.fr/cid104776/annee-de-l-olympisme-de-l-ecole-a-l-universite.html">« Année de l’olympisme, de l’école à l’Université »</a>. Afin de motiver les établissements scolaires, quatre grands objectifs ont été retenus : « valoriser les pratiques sportives à l’École […] ; valoriser le sport comme outil pédagogique […] ; valoriser la dimension culturelle du sport […] ; mobiliser le sport comme un outil permettant de renforcer les liens entre les établissements d’enseignement, leur environnement et le milieu associatif […]. »</p>
<p>Le label « Année de l’Olympisme, de l’école à l’université » sera attribué par ce même ministère aux actions qui remplissent entre autres la condition d’un partenariat entre établissement scolaire (ou universitaire) et un acteur du sport scolaire et/ou du mouvement sportif. Il ira aussi aux actions qui lient la pratique sportive à une ambition éducative, culturelle ou citoyenne autour de l’Olympisme et de ses valeurs sur le modèle des Classes olympiques, une action éducative proposée par le CNOSF (Comité national olympique et sportif français).</p>
<p>Les établissements, classes et groupes d’étudiants labellisés pourront participer à cinq défis organisés par « Paris 2024 », lui-même partenaire de l’« Année de l’Olympisme, de l’école à l’université ». Quelques questions face à cette déferlante.</p>
<p>Les thèmes des défis proposés à la jeunesse scolarisée sont-ils, d’une part, si stimulants pour l’esprit par le biais de : la réalisation de la carte de vœux de « Paris 2024 », la rédaction de lettres aux membres du Comité international olympique, le concours artistique « Cultures du monde », le concours photo/vidéo « Partageons Paris 2024 », la mise en place d’une journée « Sport campus » dans les universités, la promotion d’une « semaine olympique et paralympique » sur « l’ensemble du territoire » et l’apothéose d’une « Journée olympique », le 23 juin 2017. D’autre part, on perçoit très vite que la thématique générale de ces défis et leur organisation sont d’emblée liées à une adhésion aux valeurs de l’Olympisme, orientées par une soumission aux idéaux olympiques acceptés sans aucun recul critique.</p>
<p>Le <a href="https://www.reseau-canope.fr/">réseau CANOPE</a>, un établissement public, est mis à contribution par le biais d’une plate-forme, <a href="https://www.reseau-canope.fr/notice/se-depasser-cest-du-travail.html">« la grande école du sport aux couleurs de l’Olympisme »</a>, intégrant de nombreuses ressources (textes, images, vidéos) mises en ligne. L’ancien nageur Alain Bernard tente de nous convaincre dans une interview didactique qu’il faut sans cesse chercher à se dépasser mais que : « se dépasser, c’est du travail ». Pourquoi faudrait-il d’ailleurs se dépasser ? Pour quoi et pour qui ? Se dépasser n’est-il pas lié à ce point à la compétition que certains la refusent parce que dangereuse (élimination des faibles, tricherie généralisée, lutte de tous contre tous… ) ?</p>
<h2>Lavage de cerveaux</h2>
<p>Ne remettra-t-on donc jamais en cause ce thème du « dépassement de soi » lorsqu’il s’agit d’entraînements démentiels liés à la fréquence infernale des longueurs de bassin de piscine sur un rythme soutenu par l’exigence du chronomètre ? Est-ce là un si bel idéal pour la jeunesse ? Quelles valeurs et idéaux humains (émancipation, autonomie, liberté… ) seraient ainsi mises en œuvre à nager dix heures par jour pendant plusieurs années ? Quelle intelligence cherche-t-on à développer lorsqu’on répète pendant toute sa jeunesse et des années durant les mêmes gestes ?</p>
<p>L’école et l’université doivent-elles devenir, elles aussi, les lieux d’intégration et de promotion de la grande mystification que sont les fausses valeurs ou les pseudo-valeurs de l’Olympisme bien souvent contredites par la réalité : esprit de compétition, excellence, fair-play, tolérance et refus de toute discrimination, esprit d’amitié et de fraternité, solidarité, compréhension mutuelle, paix dans le monde, construction d’un monde meilleur ?</p>
<p>Les symboles de l’Olympisme doivent-ils également servir de référence à la jeunesse : la terrible devise (« Citius, altius, fortius ») qui est le pendant sportif de la lutte de tous contre tous du système capitaliste actuel, le credo mensonger (« Le plus important aux Jeux olympiques n’est pas de gagner mais de participer… »), les anneaux si purs (des cercles aux couleurs des continents sur un fond blanc censé représenter la paix), le serment toujours contredit par les faits, la flamme et le relais de la flamme (<a href="http://www.slate.fr/lien/54869/torche-olympique-nazi">inventé par les nazis pour les JO de 1936</a>), l’hymne si désuet ?</p>
<p>Lors du serment olympique, l’athlète récite en effet des propos lénifiants : « Au nom de tous les concurrents, je promets que nous prendrons part à ces jeux olympiques en respectant et suivant les règles qui les régissent, en nous engageant pour un sport sans dopage et sans drogues, dans un esprit chevaleresque, pour la gloire du sport et l’honneur de nos équipes. » Là encore : mythe, légende, bref idéologie coriace du rêve olympique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/154703/original/image-20170130-7653-1rri4ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/154703/original/image-20170130-7653-1rri4ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/154703/original/image-20170130-7653-1rri4ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/154703/original/image-20170130-7653-1rri4ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/154703/original/image-20170130-7653-1rri4ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/154703/original/image-20170130-7653-1rri4ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/154703/original/image-20170130-7653-1rri4ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Sur le site du Ministère de l’’Education Nationale.</span>
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<h2>Se souvenir de l’histoire des JO</h2>
<p>Le 31 décembre dernier, sur les Champs-Élysées, la foule rassemblée pour fêter le Nouvel An a pu constater avec surprise que l’Arc de triomphe, un édifice public, avait été privatisé par l’entreprise <a href="http://www.paris2024.org/fr">« # Paris 2024 »</a>. D’autres sites culturels emblématiques de Paris seront associés à l’entreprise olympique : Notre-Dame, l’Hôtel de Ville, le Musée du Louvre, le musée d’Orsay, les Grand et Petit Palais, le Trocadéro, la Tour Eiffel et la Bibliothèque nationale. Des monuments qui n’ont pourtant aucun rapport avec les Jeux olympiques.</p>
<p>Ainsi fut projetée sur sa façade la « merveilleuse histoire » des JO dont on avait soigneusement expurgé les côtés sombres : son histoire coloniale (aux JO de Saint-Louis, en 1904, des « Jeux anthropologiques » réservés aux non-blancs voulaient faire la démonstration <em>in situ</em> de l’existence de races inférieures… ), ses présidents du CIO racistes (<a href="http://www.lalibre.be/sports/omnisports/la-face-sombre-de-pierre-de-coubertin-52f4d76e3570516ba0b64517">Pierre de Coubertin</a>), xénophobes voire antisémites (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Avery_Brundage">Avery Brundage</a>, <a href="http://www.lepoint.fr/sport/jeux-olympiques/jo-la-sombre-histoire-du-cio-fascisme-nazisme-et-antisemitisme-05-08-2012-1493156_761.php">Henri de Baillet-Latour</a>, fascisants (<a href="http://www.lecoinsport.com/polemique-autour-de-la-photo-montrant-juan-antonio-samaranch-faisant-le-salut-fasciste/">Juan Antonio Samaranch</a>).
L’actuel président du CIO, <a href="http://tempsreel.nouvelobs.com/sport/20130910.OBS6242/sans-charisme-avec-casseroles-un-allemand-favori-pour-diriger-le-cio.html">Thomas Bach</a>, fut aussi président du <a href="http://ghorfa.de/de/start/">Ghorfa</a>, une chambre de commerce germano-arabe qui organise la vente des armes et boycotte les produits israéliens.</p>
<p>On y omettait les tentatives de boycott (Jeux de Berlin en 1936) et les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Boycotts,_scandales_et_controverses_olympiques">boycotts</a> effectifs (de 1976 à 1988), le dopage généralisé des athlètes (après les athlètes américains, les jamaïcains, les chinois puis toute la fédération russe), les malversations, la prévarication et la concussion au sein du CIO (<a href="http://www.liberation.fr/sports/1999/02/11/cio-salt-lake-city-aurait-depense-13-million-de-dollars-pour-obtenir-les-jo-sales-les-pots-de-vin_264759">scandale des pots-de-vin de Salt Lake City</a>). Preuves que l’on ressasse les valeurs olympiques sans chercher à analyser leurs réalités ni à comprendre l’histoire qui les sous-tend.</p>
<h2>Face à un Olympisme omnipotent, une Université qui ne joue pas son rôle</h2>
<p>Toute l’organisation autour de « Paris 2024 » a pour but de susciter un vaste mouvement populaire et jeune, puis de le maintenir pour lui instiller l’« idéal olympique », cette « philosophie de vie », et même ce « style de vie fondé sur la joie dans l’effort » tel que le promeut la Charte dans les cinq « Principes fondamentaux de l’Olympisme ». Coubertin parlait de l’« Olympisation » de nos sociétés… </p>
<p>Quant au CIO, on est en droit de se demander comment une organisation internationale non gouvernementale à but non lucratif a tant de facilité à s’introduire dans toute l’institution scolaire. Il y a bien sûr la puissance intrinsèque du CIO, et plus largement du Mouvement olympique, devenu une institution comparable en terme d’échelle (économique et politique) à un État et dont les dirigeants (une centaine de membres dont deux-tiers d’hommes) ne sont pas élus mais cooptés. Un CIO autour duquel se rassemblent les plus grandes compagnies internationales (Visa, Coca-Cola, McDonald’s, Toyota, Samsung, etc.), les sponsors officiels, auxquels s’associe, à chaque édition des JO, une quarantaine d’entreprises locales. Un CIO dont la trésorerie est alimentée pour plus de la moitié par les droits télévisés.</p>
<p>Cette puissance n’explique cependant pas tout. Nos établissements scolaires, et surtout l’Université, ont toujours refusé d’analyser la réalité par trop opaque d’un Olympisme pas si immaculé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71816/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Perelman ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En 2017, les établissements scolaires sont invités à célébrer l’Olympisme : une injonction qui ne souffre aucune remise en cause des « valeurs olympiques », qui ont pourtant une face sombre.Marc Perelman, Professeur en esthétique, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/600912016-05-26T15:27:56Z2016-05-26T15:27:56ZFemmes et sport : un ticket gagnant pour « Paris 2024 »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/124217/original/image-20160526-22080-1nqadf9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Site web de Paris 2024.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.paris2024.org/fr">Paris 2024</a></span></figcaption></figure><p>La candidature de « Paris 2024 » surfe sur un triple <em>storytelling</em> intéressant, celui de la jeunesse, de la diversité et de l’environnement. Et ce, autant dans le fond (arguments du dossier) que dans la forme (mots choisis, mise en scène à la Philharmonie en février dernier). En cela, on est dans une « mise en récit » contraire à celle de la candidature de Paris 2012, qui surfait sur la tradition, le conservatisme, le statu quo.</p>
<p>Or qu’ont en commun ces thèmes de la jeunesse, de la diversité et de l’environnement ? La problématique du renouvellement. C’est ce qui nous manque aujourd’hui en démocratie : partis politiques, syndicats, fédérations sportives se renouvellent peu en termes de génération et de présence des femmes, des jeunes, d’individus d’origines diverses. Non pas que la représentativité doive être en soi un objectif ; mais la non-représentativité, à coup sûr, est un problème.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/124336/original/image-20160527-883-1s326hx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/124336/original/image-20160527-883-1s326hx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/124336/original/image-20160527-883-1s326hx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/124336/original/image-20160527-883-1s326hx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/124336/original/image-20160527-883-1s326hx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/124336/original/image-20160527-883-1s326hx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/124336/original/image-20160527-883-1s326hx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Séréna Williams, tenniswomen américaine.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jgirl4858/6986887088/in/photolist-bDpC7u-bSjfo2-bSjtM2-bSjwox-bSjqCc-bDpzKh-bSjccV-fHPeWG-bSjb46-bDpE8L-ai56dF-fsfPUd-fs1tFX-bSjvsK-bSjogg-bSjtdV-e6XWJS-9ToLhr-bSjjPz-9fmVgp-c7XMDs-eiprUk-e25uSU-e7MTGy-bSjq3v-bSjeWF-e7MTwu-bDpv2C-e6UmpB-bEs8s3-4EqX3H-fzNbxC-fzxRf6-fp2tnW-dWkQ3N-fAztCA-e6SiYz-bJa2a8-fA9zwr-bsew8q-btp5SS-btFuqd-cxGQ3w-cxbYKY-cwDvMA-cxGQmJ-cxGQ6Y-6Faphh-fb2DPK-dfzTMg">jgirl4858/flickr</a></span>
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<p>« Paris 2024 » est donc une excellente occasion de nous fédérer pour aller dans cette direction. Il ne s’agit ni de faire table rase des compétences existantes, ni non plus de tomber dans le piège de l’essentialisme ou dans celui du relativisme. Il importe plutôt de rendre ces compétences plurielles, pour nous ouvrir à d’autres expériences, d’autres visions du monde, afin de nous enrichir et de ne pas <a href="http://www.editionsdelaube.fr/catalogue/t%C3%A2lentsg%C3%A2ch%C3%A9s">gâcher les talents</a> et les bonnes volontés. Le gâchis de talents, c’est une injustice, mais c’est aussi une perte en termes de cohésion sociale, comme en termes économiques. C’est pourquoi la féminisation du sport, dans toutes ses composantes (pratiques, médiatisation, gouvernance), est un impératif éthique tout autant qu’un objectif de performance. Bref, nous devons tous mettre en application nos discours sur les valeurs du sport, dans la logique du « souci de soi » au sens de Michel Foucault : nous faisons un travail sur nous-mêmes, pour nous-mêmes, et pour l’avenir de la cité.</p>
<p>Cependant, dans les nouvelles générations, ni l’égalité filles-garçons, ni la mixité ne se feront toutes seules. Bien sûr, les politiques publiques en faveur de l’égalité ont eu des effets – la loi d’août 2014 est à cet égard exemplaire, de même que les préconisations et textes européens – et il est important de poursuivre ce combat. Pour avancer, il faut s’inspirer des bonnes pratiques, ce qui suppose de les visibiliser ; il faut aussi mener à bien des expérimentations, des évaluations et en diffuser les résultats. Autant de domaines où, en France, on n’est pas encore assez performant.</p>
<h2>Les voies de la mixité</h2>
<p>Tous les milieux sociaux sont concernés par la problématique des inégalités de pratiques femmes-hommes dans le sport. À cet égard, les discours de plus en plus nombreux consistant à stigmatiser les quartiers populaires sont extrêmement dangereux : non seulement ils conduisent à faire des généralités sur des groupes de populations, mais ils servent d’alibi à des habitudes trop largement répandues. Laisser entendre que le sexisme et les discriminations faites aux femmes (dans le sport et ailleurs) sont l’apanage des musulmans occasionne une opposition « nous » versus « eux » bien commode, dont l’extrême droite a, la première, pleinement saisi le potentiel idéologique et instrumentalisant. Ne tombons pas dans ce piège.</p>
<p>En réalité, les filles font moins de sport que les garçons, dès l’adolescence, en particulier parce que la pratique masculine est largement <a href="http://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/archives/CGSP_Stereotypes_filles_garcons_web.pdf">favorisée</a> par les clubs, les municipalités et les fédérations. L’exemplarité de l’UNSS en matière d’encouragement à la mixité de pratique et de prise de responsabilité mérite ici d’être rappelée. À l’âge adulte, le temps quotidien des femmes est beaucoup plus contraint que celui des hommes, tous milieux sociaux confondus : un partage plus équitable des tâches parentales et ménagères dégagerait aux femmes du temps libre, pouvant être notamment utilisé pour faire un sport ou une activité physique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/124337/original/image-20160527-900-byew5c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/124337/original/image-20160527-900-byew5c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/124337/original/image-20160527-900-byew5c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/124337/original/image-20160527-900-byew5c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/124337/original/image-20160527-900-byew5c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/124337/original/image-20160527-900-byew5c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/124337/original/image-20160527-900-byew5c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Laure Maunaudou, alors en compétition des Jeux Olympiques de Pékin en 2008.</span>
<span class="attribution"><span class="source">lauremanaudou/flickr</span></span>
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<h2>Changer les discours pour changer les mentalités</h2>
<p>De leur côté, les discours et l’iconographie doivent encore changer sur le sport féminin. Ils sont performatifs : en d’autres termes, ils ont des effets sur le réel. Par exemple, on parle encore de « sport » pour désigner les compétitions masculines et de « sport féminin » à propos des compétitions féminines. Comme nous l’ont enseigné les études de genre, le masculin se confond avec l’universel et s’oppose à la différence, à la marge, incarnée par le féminin, qui est donc infériorisé dans les discours dominants. Par ailleurs, il est urgent de médiatiser davantage les sportives, qui peuvent être des modèles pour la jeunesse.</p>
<p>Sur le plan de la gouvernance du sport, certaines fédérations sont exemplaires dans la féminisation de leurs instances, à tous les niveaux hiérarchiques, et dans la sensibilisation aux stéréotypes de genre. Des dispositifs de coaching existent pour encourager les femmes à prendre des responsabilités. Le projet européen <a href="http://www.score-coaching.eu/score-project">SCORE</a>, auquel participe le think tank « Sport et citoyenneté », identifie les bonnes pratiques européennes en matière de mentoring et diffuse des outils pratiques pour faciliter l’accès des femmes aux postes à responsabilité dans le sport.</p>
<p>Les organisations que sont les fédérations doivent montrer l’exemple en matière de parité et d’ouverture : si rien ne change, des mesures plus drastiques devront être prises comme par exemple le non-cumul des mandats dans le temps. C’est exactement la même configuration qui concerne les partis politiques et les syndicats, et l’on sait combien les élus sont réticents à partager le pouvoir.</p>
<p>Quand un « numéro un » mondial du tennis masculin estime que les joueuses devraient gagner moins que les joueurs, quand un grand quotidien sportif préfère faire sa « une » sur les sportifs qui perdent plutôt que sur les sportives qui gagnent, on se dit que beaucoup de chemin reste à parcourir pour que les valeurs du sport, tant vantées, soient mises en pratique. La candidature de « Paris 2024 » nous contraint à l’exemplarité, pour notre jeunesse. Prenons date.</p>
<p><em>À paraître : « Sport power », FYP Editions, septembre 2016 (avec Julian Jappert).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/60091/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Marie-Cécile Naves est vice-présidente de Sport et Citoyenneté. </span></em></p>La candidature de « Paris 2024 » surfe sur un triple storytelling intéressant, celui de la jeunesse, de la diversité et de l’environnement. Et ce, autant dans le fond (arguments du dossier) que dans la…Marie-Cécile Naves, Chargée de cours à Audencia Business School (Management du sport, sport et RSE), AudenciaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/558122016-03-09T05:46:49Z2016-03-09T05:46:49ZEmpire des signes, empire des singes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/113930/original/image-20160305-3860-jhmp9y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Campagne Paris 2024.</span> </figcaption></figure><p>Si l’on juge de la vitalité d’une culture à la qualité et à l’énergie des signes qu’elle déploie, la campagne de promotion de la candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2024 doit nous alerter sur l’état de déliquescence de la culture et de la politique françaises. Que penser de la pauvreté sémantique consistant à nous égrainer tous les clichés de la culture publicitaire? Tous ces ingrédients dont on sait qu’ils accroissent l’impact du message et l’agrément de la cible : des enfants, des sourires, de la joie, des couleurs solaires, etc. sont en effet les manettes incontournables du pubard en manque d’idées créatives pour vendre une campagne de pub à un client désoeuvré. Que peut-on vouloir signifier avec un tel chapelet de poncifs visuels ?</p>
<h2>Non-signes pour pseudo-événements ?</h2>
<p>Ce pullulement du non-signe est la caractéristique suprême d’une société qui glorifie les pseudo-évènements : tout doit faire signe et chaque manifestation, chaque lieu a vertu à se transformer en marque. Cela signe la prétention de chacun à vouloir devenir une marque et le règne du logo qui s’applique en toutes circonstances.</p>
<p>Paris se porte donc candidate aux Jeux olympiques de 2024. Soit. Passons sur le fait que plutôt que de se livrer aux charmes du médiatique et du spectaculaire, le politique devrait davantage se préoccuper de gérer le manque de décence ordinaire qui a transformé les trottoirs de Paris en un dépotoir faisant de notre capitale l’une des villes les plus répugnantes du monde, une ville où le vouloir vivre ensemble n’est plus de mise. Voici donc que Paris se porte candidate en affublant ce geste politique d’un logo dont le moins que l’on puisse dire est qu’il fera plus parler dans les dîners en ville qu’il ne restera dans l’histoire du design graphique.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/114258/original/image-20160308-22117-13fbkpl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/114258/original/image-20160308-22117-13fbkpl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/114258/original/image-20160308-22117-13fbkpl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=886&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/114258/original/image-20160308-22117-13fbkpl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=886&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/114258/original/image-20160308-22117-13fbkpl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=886&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/114258/original/image-20160308-22117-13fbkpl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1113&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/114258/original/image-20160308-22117-13fbkpl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1113&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/114258/original/image-20160308-22117-13fbkpl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1113&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Affiche Paris 2024.</span>
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<p>Agir de la sorte, c’est tout simplement confondre le design et le coloriage. Il est important de rappeler ce que signifie à l’origine le design. Il s’agit très exactement d’articuler un projet et une forme, c’est-à-dire un dessein et un dessin. Le design ne consiste donc pas uniquement à tracer des formes et à choisir des couleurs au gré des desiderata d’un créatif – qui se prend souvent pour un artiste, d’où justement le problème qui nous occupe… –, mais plus exactement à mettre un projet en forme. Mais de quel projet veut-on parler quand on se le matérialise par un ruban multicolore vaguement polysémique dans lequel le chiffre 24 suggère grossièrement la Tour Eiffel. N’est pas Moebius qui veut…</p>
<p>C’est un peu comme si Paris n’avait d’autre choix pour prendre la parole que de se tourner vers son passé en arguant d’une sorte de légitimité traditionnelle et en s’appuyant sur des icônes historiques qui en sont devenues banales à force d’être surexploitées. Tout cela étant, rappelons-le- censé matérialiser « la force d’un rêve »…</p>
<h2>Empire des signes et haïku visuel</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/114259/original/image-20160308-22117-fvlxl8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/114259/original/image-20160308-22117-fvlxl8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/114259/original/image-20160308-22117-fvlxl8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=885&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/114259/original/image-20160308-22117-fvlxl8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=885&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/114259/original/image-20160308-22117-fvlxl8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=885&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/114259/original/image-20160308-22117-fvlxl8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1112&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/114259/original/image-20160308-22117-fvlxl8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1112&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/114259/original/image-20160308-22117-fvlxl8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1112&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Tokyo logo.</span>
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<p>A la force du rêve, il est peut-être temps de substituer la force du signe. N’est-ce pas ce à quoi nous invite le logo de Tokyo pour les Jeux olympiques de 2020 ? De la même façon que la France a pu être récemment traumatisé par la barbarie et des vagues d’attentats, le Japon l’a été par l’accident nucléaire de Fukushima. Plutôt que d’en tirer prétexte pour véhiculer des projets angéliques, les Japonais ont décidé d’utiliser le levier olympique pour communiquer sur la ville hydrogène, c’est-à-dire sur un projet lié à un enjeu urbain, environnemental et politique majeur. Que l’on observe le logo de la candidature de la ville aux Jeux olympiques (non pas le logo des Jeux qui a été retiré pour plagiat de celui du Théâtre de Liège).</p>
<p>Les Japonais ont décidé de donner un sens à l’évènement olympique en ne le laissant pas, comme c’est trop souvent le cas, n’être qu’un prétexte pour que les grandes marques s’affichent en mondovision et polluent l’espace public pendant plusieurs semaines. Ce logo nous montre de façon végétale un monde qui renaît, qui vit, un mode dont sourd l’énergie dans un logo véritablement souriant qui fait sens. L’idée est de montrer la nécessité et l’urgence de sortir d’un monde asservi à la dictature du carbone pour se tourner à nouveau vers la vie, le mouvement et donc l’espoir. On comprend mieux alors pourquoi Roland Barthes parlait à propos du Japon d’un empire des signes. Comme il le rappelle,</p>
<blockquote>
<p>comme beaucoup de langues, le japonais distingue l’animé (humain et/ou animal) de l’inanimé, notamment au niveau de ses verbes être ; or les personnages fictifs qui sont introduits dans une histoire (du genre : il était une fois un roi) sont affectés de la marque de l’inanimé ; alors que tout notre art s’essouffle à décréter la « vie », la « réalité » des êtres romanesques, la structure même du japonais ramène ou retient ces êtres dans leur qualité de produits, de signes coupés de l’alibi référentiel par excellence : celui de la chose vivante. (L’empire des signes, p. 15-16) </p>
</blockquote>
<p>Le logo de la candidature de Tokyo serait peut-être une sorte de haïku visuel au sens où, comme l’explique Barthes,</p>
<blockquote>
<p>le haïku ne décrit jamais, son art est contre descriptif, dans la mesure où tout état de la chose est immédiatement, obstinément, victorieusement converti en une essence fragile d’apparition : moment où la lettre « intenable », où la chose, bien que n’étant déjà qu’un langage, va devenir parole, va passer d’un langage à un autre et se constituer comme le souvenir de ce futur, par là même antérieur (p. 102).</p>
</blockquote>
<h2>Événementialiser le rien ?</h2>
<p>Ce que nous indique la culture japonaise du signe, c’est une adéquation du signifiant et du signifié, c’est-à-dire du projet et de la forme. L’empire de signes nous convie comme le rappelle Barthes à « mesurer, d’arrêter cette toupie verbale, qui entraîne dans sa giration le jeu obsessionnel des substitutions symboliques » (p. 100). C’est pourquoi le haïku n’est pas une pensée riche réduite à une forme brève, mais « un évènement bref qui trouve d’un coup sa forme ». (p. 101).</p>
<p>Plutôt que d’évènementialiser le rien (ou le rêve) -quelle différence au fond ?-, les Japonais ont judicieusement choisi de donner une véritable portée politique et symbolique à l’organisation des Jeux en proposant un nouveau modèle énergétique et donc une nouvelle forme de vivre ensemble. Les Japonais nous rappellent avec justesse ce qu’est un projet politique et comment il peut s’incarner grâce au design qui signifie justement trouver sa forme.</p>
<p>Ils nous suggèrent également ce qui est véritablement capable de « faire évènement ». Car outre la dilapidation injustifiée de l’argent public, il y a autre chose encore dont témoigne la prolifération de ces pseudo-signes dans l’espace public. Dans un ouvrage original et percutant édité par Ruedi Baur, <a href="http://www.lars-mueller-publishers.com/en/please-don-t-brand-my-public-space"><em>Don’t Brand My Public Space !</em></a>, un ensemble de penseurs d’horizons divers se sont très largement insurgés contre les stratégies visuelles utilisées pour identifier, valoriser et marquer des espaces publics. Le déploiement de ces images banales y est analysé comme le signe d’une crise de la représentation politique et la dégradation des espaces en purs produits marketing.</p>
<p>D’où une urgence à questionner la multiplication de la production théâtrale de ces signes et symboles publics. Il est urgent que les politiciens se préoccupent d’un vrai projet politique plutôt que de se contenter d’être de vulgaires dircoms agitant des breloques pour faire oublier aux badauds l’inanité de leur action politique. C’est à cette seule condition que Paris pourra retrouver l’envie d’un vivre ensemble qui ne devrait justement pas dépendre uniquement de la « force d’un rêve ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/55812/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Peut-on faire signe de tout… et de rien ? Peut-on tout événementialiser ? Réflexion autour des logos des candidats aux JO, à la lumière des leçons du Barthes de « L’Empire des Signes ».Benoit Heilbrunn, Professeur de marketing, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.