tag:theconversation.com,2011:/us/topics/pays-bas-21487/articlesPays-Bas – The Conversation2024-02-12T16:31:13Ztag:theconversation.com,2011:article/2232102024-02-12T16:31:13Z2024-02-12T16:31:13ZLa rose rouge, objet de la mondialisation : des serres kenyanes aux plateformes de Hollande<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/574937/original/file-20240212-30-qkfc89.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C0%2C5590%2C3741&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La rose que vous offrirez ou recevrez le 14 février a toutes les chances de provenir de serres situées sous les tropiques voire sur l’équateur.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/natural-red-roses-background-127002347">PhotoHouse/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Une rose rouge peut symboliser bien des choses. Le jour de la Saint-Valentin, elle devient, pour beaucoup, une marque d’amour, une preuve de tendresse. C’est la fleur des amoureux par excellence. En Russie, elle est aussi offerte le 8 mars, aux mères de famille comme un gage de reconnaissance de leur travail domestique. Mais pour le géographe, la rose rouge est aussi un <a href="https://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/afrique-dynamiques-regionales/articles-scientifiques/roses-afrique-mondialisation">marqueur de la mondialisation</a>. Car la rose que vous offrirez ou recevrez le 14 février a toutes les chances de provenir de serres situées sous les tropiques voire sur l’équateur, plus précisément au Kenya, en Éthiopie, ou peut-être en Équateur si sa tige est très longue et qu’elle coûte plus cher. </p>
<p>Dans les serres, les chefs de culture ont travaillé d’arrache-pied depuis 6 mois pour que leurs rosiers (6 par m<sup>2</sup> soit 60000 environ par hectare) fleurissent précisément la semaine qui précède le 14 février, ni trop tôt, ni surtout trop tard, jouant pour cela avec les capacités techniques des serres pour moduler la lumière, l’irrigation, les apports en CO<sup>2</sup> ou en oxygène, le taux d’humidité de façon à accélérer ou ralentir la floraison des rosiers.</p>
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<span class="caption">Ouvrier dans une serre kenyane.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bernard Calas</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Quand on sait que l’écart entre deux floraisons varie selon la lumière, la nébulosité, la température, l’humidité de l’air, les apports en eau, en engrais, etc., et qu’à cela on ajoute les toujours possibles attaques d’insectes ou de champignons, catastrophiques dans ces contextes de monoculture, on mesure l’incertitude et le stress qui règnent dans les fermes à mesure de s’approche le jour fatidique. </p>
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<span class="caption">Cargo de la compagnie KLM qui entretient des liens privilégiés avec FloraHolland.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bernard Calas</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>De ces bassins de production intertropicaux, après un voyage de quelques heures dans les soutes fraîches d’un avion-cargo, par exemple un Boeing 747-Cargo qui peut transporter jusqu’à 120 tonnes de roses, votre fleur transitera par la coopérative Royal Flora Holland à Aalsmeer, à quelques encablures de l’aéroport Amsterdam-Schipol. Là, le jour même, elle sera chargée dans un de ces camions réfrigérés qui sillonnent l’Europe et sera livrée à votre fleuriste qui, en prévision du 14 février, a, avant Noël, multiplié ses commandes par quatre ou cinq et ses prix par deux ou trois, juste à cause de l’augmentation brutale de la demande. La fête des amoureux est aussi le jour où votre fleuriste réalise près de 15 % de son chiffre d’affaire annuel. </p>
<h2>Des facteurs climatiques et politiques favorables à une production kenyane</h2>
<p>Faire voyager des roses sur milliers de kilomètres n’est pas un phénomène nouveau. Alors que jusque-là l’Europe était autosuffisante en roses coupées, à la fin des années 1970, imitant leurs collègues américains qui avaient commencé quelques années plus tôt à installer des fermes en Équateur, autour de Quito, des Hollandais commencent à installer certaines unités de production au Kenya. Mais alors, Pourquoi en est-on venu à mondialiser ainsi la production de roses coupées ? </p>
<p>Des <a href="https://journals.openedition.org/belgeo/45011">facteurs répulsifs et des facteurs attractifs</a> ont en fait motivé ce mouvement vers l’Afrique. Il a d’abord s’agit de quitter l’Europe, ses coûts de main-d’œuvre et de chauffage et ses réglementations phytosanitaires émergentes. Les hautes terres kenyanes sont alors apparues comme particulièrement attrayantes du fait d’un certain nombre d’avantages climatiques : d’abord, l’écosystème équatorial d’altitude (entre 1600 et 2300 m. selon les bassins de production kenyans) offre, sans chauffage, des températures (entre 12 °C la nuit et 30 °C le jour), toute l’année idéales pour le rosier, sa croissance et sa productivité. Ensuite, ces régions garantissent une luminosité qui donne aux fleurs leurs couleurs éclatantes, et à la tige la solidité nécessaire pour voyager, ainsi qu’une taille (entre 40 cm-1 m.) idéale pour conquérir les marchés. </p>
<p>En outre, l’écosystème géoéconomique du Kenya postcolonial a permis de valoriser cette situation équatoriale. Ancienne colonie de peuplement britannique, le Kenya disposait d’une part de diasporas blanches et indiennes rompues à l’encadrement du travail en Afrique comme aux contraintes du capitalisme international, et, d’autre part d’une main-d’œuvre noire nombreuse, bon marché, éduquée, et peu revendicatrice. De plus, moteur économique de l’Afrique orientale, le Kenya possédait déjà des facilités logistiques, notamment l’aéroport de Nairobi rodé aux flux touristiques mettant l’Europe à 8 heures de vol. Enfin, le régime kenyan libéral, pragmatique et stable offrait aux investisseurs sécurité et liberté. </p>
<p>Ces entrepreneurs pionniers ont fait exemple et, au cours des années 1990, 2000 et 2010, ont été imités par des investisseurs kenyans d’origine indienne, blancs mais aussi des hommes politiques kenyans. Les superficies mises en serre se sont donc étendues et, progressivement, un véritable cluster rosicole s’est formé au Kenya puisque la production y a attiré un ensemble d’entreprises induites, à amont et à l’aval. Aujourd’hui, si les serres emploient directement 100000 personnes, 500 000 employés travaillent de près ou de loin autour de la fleur. Au total, 2 millions de personnes dépendent de la rose pour vivre. </p>
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<span class="caption">Serres de roses devant le lac Naivasha. À 1800 mètre, c'est la région de prédilection de la culture de la rose au Kenya.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bernard Calas</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>D’un point de vue macroéconomique, les exportations des roses contribuent de manière décisive à la balance commerciale du pays (700 millions de $, seconde derrière le thé 1400 millions de $). Dans les années 2000, après avoir conquis les hauts plateaux kenyans, la rose rouge a également été introduite en Éthiopie, pays limitrophe présentant des caractéristiques proches. 50 000 emplois y ont été créés par des rosiculteurs, parfois venus du Kenya à l’instigation des autorités éthiopiennes plus interventionnistes. Cependant, la chaîne de valeur n’y a pas atteint la même maturité et beaucoup moins d’emplois induits y sont associés, aussi le bassin de production éthiopien reste-t-il dans l’orbite de son voisin du Sud. Si l’on dézoome maintenant, on observe un boom rosicole africain qui a accompagné la croissance de la consommation mondiale et tué la production européenne.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/saint-valentin-pourquoi-quelques-mots-valent-mieux-quune-rose-rouge-199749">Saint-Valentin : pourquoi quelques mots valent mieux qu’une rose rouge</a>
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<h2>FloraHolland : le Wall Street des fleurs</h2>
<p>Mais l’Europe, beaucoup de fleurs y reviennent lorsqu’elles quittent les serres africaines. Elles sont pour cela conditionnées en bottes, et commercialisées selon trois modalités. </p>
<ul>
<li><p>soit dans le cadre des marchés au cadran (système d’enchères électroniques censées garantir une fixation des prix rapide et transparente)</p></li>
<li><p>soit dans le cadre d’un contrat, le plus souvent annuel, entre un producteur et une centrale d’achat ou un grossiste européens</p></li>
<li><p>soit, enfin, à l’occasion d’une vente spéciale, ponctuelle, entre un producteur et un acheteur. </p></li>
</ul>
<p>Quelle que soit la façon dont elles sont vendues, depuis Nairobi ou Addis, les roses, dans leur majorité, transitent par Aalsmeer – dans la banlieue d’Amsterdam – où se situe la plus grande plate-forme logistique de végétaux du monde : la très lucrative coopérative FloraHolland. Historiquement, celle-ci s’est imposée comme le Wall Street des fleurs, là où se fixe le cours des roses. Ces dernières années, soutenu par la croissance non démentie de la demande des classes moyennes des pays émergents et du renchérissement des prix de facteurs de production, le prix des roses a augmenté plus que l’inflation. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/574959/original/file-20240212-19-mz6yzd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574959/original/file-20240212-19-mz6yzd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574959/original/file-20240212-19-mz6yzd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574959/original/file-20240212-19-mz6yzd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574959/original/file-20240212-19-mz6yzd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574959/original/file-20240212-19-mz6yzd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574959/original/file-20240212-19-mz6yzd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Plateforme logistique de FloraHolland.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bernard Calas</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Aujourd’hui, même si la part des fleurs mises aux enchères a diminué (ce ne sont plus que 40 % des roses coupées qui sont vendues aux enchères) les marchés au cadran conservent ce rôle primordial de fixer les prix du produit. Ce recul relatif des enchères s’explique par la montée en puissance d’opérateurs européens – notamment les chaines de supermarchés britanniques et allemands – désireux et capables de négocier avec les producteurs des volumes d’achat importants, réguliers, tout au long de l’année. Ces volumes importants réguliers font l’objet de contrats qui, fixant quantités et prix sur une base annuelle, affranchissent vendeurs et acheteurs des enchères, plus aléatoires. </p>
<p>Mais FloraHolland, de par sa fluidité, ses performances logistiques, son lobbying actif, ses stratégies de promotion reste, malgré ces changements, le hub hégémonique par où passent la majeure partie des roses coupées destinées aux marchés européens. La coopérative rétribue ses membres et payent ses salariés grâce aux commissions qu’elle touche tant sur les volumes vendus aux enchères, que sur ceux qui ont fait l’objet de ventes contractuelles ou spéciales mais qui sont passés dans ses murs. </p>
<h2>Une mondialisation de la rose de plus en plus questionnée</h2>
<p>Ces roses qui traversent le monde ne sont cependant pas indemnes de critiques dont les médias, <a href="https://www.lexpress.fr/economie/la-rose-kenyane-deferle-en-europe_1433814.html">depuis le début des années 2000</a> se font régulièrement l’écho. </p>
<p>Dans les années 2000-2005, les questionnements ont d’abord porté sur les conditions de travail et de rétribution des salarié(e) s, puis, dans les années 2005-2010, sur la surconsommation d’eau nécessaire aux rosiers (entre 3 et 9 litres d’eau par jour et par m<sup>2</sup>) et la pollution de l’eau induite par les rejets de cette production. </p>
<p>Dans les années 2010-2015, c’est ensuite <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/bilan-carbone-pour-la-saint-valentin-noffrez-surtout-pas-de-roses-1361938">l’empreinte carbone</a> des fleurs, induite par le nécessaire recours à l’avion qui a été scruté. Plus récemment, enfin, dans les années 2015-2020 ce sont la charge chimique de ces fleurs et les stratégies d’évitement fiscal des entrepreneurs qui localisent leurs profits en Hollande où le taux d’imposition est de 12,5 % contre 35 % au Kenya, qui sont devenues des problématiques émergentes. </p>
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<span class="caption">Ouvrières chargées du tri des fleur en fonction de la taille des tiges.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bernard Calas</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Conscients des risques que leur faisait courir cette menace médiatique, les entrepreneurs ont, dans une certaine mesure, répondu aux critiques, en augmentant les salaires et en proposant de meilleures conditions de travail aux ouvriers, en réduisant leur empreinte hydrique grâce au recyclage et au <em>rainharvesting</em>, en réduisant les épandages de pesticides grâce aux traitements ciblés et à la lutte biologique intégrée. </p>
<p>Autre phénomène inédit, en réaction à cette production mondialisée des fleurs et aux critiques sur les coûts environnementaux de la production tropicale, émerge, très lentement, l’idée de « re-saisonnaliser » la consommation de fleurs coupées et de relocaliser la production de fleurs coupées en France. Dans les pays anglo-saxons, le mouvement <em>slow flower</em> prône cette idée, et l’on voit timidement fleurir, autour des grandes métropoles, des micro-exploitations, souvent en reconversion, ou en temps partiel. En France en 2017, une fleuriste du nord et une journaliste ont créé le <a href="https://www.collectifdelafleurfrancaise.com/">Collectif de la fleur française</a> – une association d’environ 600 membres fleuristes écoresponsables ou floriculteurs – dont l’objectif est de promouvoir la production et la commercialisation de fleurs produites en France et ainsi de participer à une agriculture écoresponsable. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/slow-flowers-un-nouveau-concept-pour-relancer-la-production-de-fleurs-francaises-142548">Slow flowers : un nouveau concept pour relancer la production de fleurs françaises ?</a>
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<h2>La rose rouge : une épine dans le pied de nos sociétés mondialisées ?</h2>
<p>La rose rouge est ainsi devenue un objet de plus en plus ambigu : si elle fait l’objet de critiques de plus en plus nombreuses, sa production elle, ne cesse de s’étendre, soutenue par la demande croissante des classes moyennes des pays émergents. Les professionnels parlent d’une croissance d’environ 5/6 % par an depuis une dizaine d’années. </p>
<p>L’industrie a même relativement bien vécu la pandémie mondiale de Covid-19. Passée les premières semaines du confinement qui a stoppé net les vols aériens et les achats, forçant les horticulteurs à jeter leur production, la pandémie de Covid a été relativement bien négociée par le secteur pour la simple raison que les gens ont continué à acheter des fleurs, en ligne évidemment, et même avec plus de régularité, habitude qui s’est prolongée depuis ! La consommation futile, esthétique a en fait été accrue pendant la pandémie, à la grande surprise et au plus grand bonheur des acteurs de la filière.</p>
<p>Comme tout objet mondialisé, la rose cristallise de ce fait des tensions entre, d’un côté, l’évidente insoutenabilité environnementale d’une culture de contresaison, de ses procédés de production et surtout de commercialisation et, d’un autre côté, une réalité économique : la rose fait vivre plusieurs millions de personnes et participe – au-delà de l’enrichissement de quelques-uns – au développement de plusieurs régions. Cette fleur nous invite ainsi à se poser des questions délicates : dans quelle mesure l’indéniable développement induit au Kenya justifie-t-il le maintien de notre consommation insoutenable – moteur du secteur – en ces temps de changement climatique ? Doit-on céder au chantage à l’emploi mis en place par cette filière qui vit d’une consommation autant ostentatoire que superfétatoire ?</p>
<p>Au-delà des roses ce sont, en fait l’ensemble des consommations tropicales qui pourraient, ou même devraient être ainsi interrogées. Car si le fort sens symbolique que génère l’achat d’une rose est propice peut-être aux questionnements quant à son mode de production, les remises en question environnementales et économiques peuvent s’étendre à bien d’autres produits : café, chocolat, thé, avocat, mangues, bananes…</p>
<h2>Du côté kenyan, des remises en cause inexistantes</h2>
<p>Au Kenya, jusqu’à ce jour, au-delà des polémiques médiatiques sur les modalités de la production, aucun changement de paradigme ne semble envisagé ou envisageable : l’industrie n’a aucun problème de recrutement et ses travailleurs se disent heureux de profiter de la manne rosicole qui garantit un salaire fixe supérieur au revenu moyen, et la possibilité d’ouvrir un compte en banque même s’ils ne se font aucun doute sur l’asymétrie des profits et l’inégalité du partage de la valeur.</p>
<p>Le respect viscéral de la figure de l’entrepreneur, l’adhésion universel à l’ethos du capitalisme, plus prosaïquement les avantages matériels et symboliques à émarger pour une entreprise prospère et reconnue, tout cela participe à faire de la rosiculture un secteur très peu remis en question. Que les entreprises ouvertes dans les années 1990 aient à gérer les problèmes de santé de leurs employées cinquantenaires montre d’ailleurs le faible <em>turn over</em> d’une main-d’œuvre enviée et attachée à son emploi. En outre, dans un pays où la figure de l’homme politique est valorisée, le fait que certaines entreprises soient détenues par des femmes/hommes politiques contribue sans aucun doute à l’aura des serres et des fleurs. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/574962/original/file-20240212-26-ex7r9g.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574962/original/file-20240212-26-ex7r9g.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574962/original/file-20240212-26-ex7r9g.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574962/original/file-20240212-26-ex7r9g.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574962/original/file-20240212-26-ex7r9g.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574962/original/file-20240212-26-ex7r9g.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574962/original/file-20240212-26-ex7r9g.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Bottes de roses kenyanes prêtes à être expédiées en Hollande. La couleur de l'autocollant correspond à un jour de la semaine. Ce code couleur permet de prioriser les fleurs à expédier en premier.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bernard Calas</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Du côté européen, conscients des interrogations des consommateurs, les grossistes, les détaillants commencent à répondre par la transparence et la traçabilité. Démarche intéressante qui consiste à pointer du doigt l’origine géographique de chacune des variétés vendues et qui dévoile explicitement la valeur politique de la consommation. Quel sens le consommateur donne-t-il à son achat ? Écologique ou développemental ? Local ou tropical ? Ce réinvestissement de sens au cœur de la consommation participe sans aucun doute à la segmentation du marché. </p>
<p>Au final, donc, si la rose est un marqueur convenu d’amour, un objet passionnant d’étude de la mondialisation pour le géographe, elle condense les tensions comme les contradictions du capitalisme actuel.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223210/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bernard Calas ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des mois avant le 14 février, dans des serres kenyanes, luminosité, taux d’humidité et engrais ont été modulé avec soin pour que les roses rouges arrivent à temps en Europe pour la Saint Valentin.Bernard Calas, Professeur en Économie et Géographie Politique, Université Bordeaux MontaigneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2186642023-12-05T17:08:44Z2023-12-05T17:08:44ZEn Pologne, aux Pays-Bas et ailleurs en Europe : les multiples visages des populismes de droite radicale<p>Les récentes élections législatives en <a href="https://fr.statista.com/statistiques/1418875/resultats-elections-pologne-2023/">Pologne</a> (15 octobre 2023) et <a href="https://fr.euronews.com/2023/11/23/seisme-politique-aux-pays-bas-lextreme-droite-de-geert-wilders-remporte-les-legislatives">aux Pays-Bas</a> (22 novembre 2023) ont témoigné de la vitalité électorale des droites radicales populistes dans les deux pays.</p>
<p>En Pologne, le scrutin d’octobre a démontré la résilience du PiS (Droit et justice), au pouvoir depuis 2015. Malgré une mobilisation sans précédent de l’opposition emmenée par la Coalition civique de Donald Tusk (et qui devrait finir par réussir à former le gouvernement avec ses alliés, malgré la <a href="https://theconversation.com/pologne-malgre-sa-defaite-electorale-la-droite-dure-menace-letat-de-droit-217316">résistance acharnée du pouvoir sortant)</a>, le parti du premier ministre Mateusz Morawiecki est arrivé en première position avec 35,28 % des voix, flanqué de <em>Konfederacja</em>, coalition hétérogène d’anciens membres de l’extrême droite qui a, elle, réuni 7,16 % des suffrages. De leur côté, les Pays-Bas ont vu le PPV (Parti pour la liberté) de Geert Wilders l’emporter avec 23,6 % des suffrages, devenant contre toute attente le premier parti au Parlement avec 37 sièges, soit presque la moitié des sièges nécessaires pour obtenir une majorité (76 sur 150).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pays-bas-quels-scenarios-apres-la-victoire-du-leader-populiste-geert-wilders-218549">Pays-Bas : quels scénarios après la victoire du leader populiste Geert Wilders ?</a>
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<p>Ces succès s’inscrivent dans une tendance plus globale au regain des forces de droite radicale populiste dans nombre de pays européens, à l’instar de l’Italie, de la Suède ou de la Finlande, sans oublier naturellement la France. Ces partis ont actuellement le vent en poupe dans de nombreux États membres de l’UE : <a href="https://theconversation.com/autriche-lextreme-droite-bientot-de-retour-au-pouvoir-199626">Autriche</a>, <a href="https://www.rtl.be/actu/magazine/cptljd/apres-la-victoire-de-lextreme-droite-aux-pays-bas-le-vlaams-belang-peut-il/2023-11-26/article/612043">Belgique</a>, <a href="https://fr.euronews.com/2023/11/28/elections-en-2024-la-roumanie-sera-t-elle-le-prochain-pays-de-lue-a-voter-pour-lextreme-dr">Roumanie</a>, <a href="https://balkaninsight.com/2023/06/16/croatian-right-gears-up-early-for-election-eying-power/">Croatie</a>, <a href="https://fr.euronews.com/2023/03/05/legislatives-en-estonie-lextreme-droite-gagnante-selon-les-resultats-provisoires">Estonie</a> ou <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Bulgarie-crise-politique-perdure-lextreme-droite-prorusse-profite-2023-04-04-1201262064">Bulgarie</a>, en particulier. Outre-Rhin, l’AfD réunit actuellement 21 % des intentions de vote, loin devant les sociaux-démocrates du SPD, une percée <a href="https://www.lopinion.fr/international/elections-regionales-en-allemagne-une-poussee-de-lafd-en-hesse-et-en-baviere">confirmée dans les urnes début octobre</a> aux élections régionales en Bavière (14,6 %, +4 points) et en Hesse (18,4 %, +5 points). En <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2006/07/01/en-slovaquie-la-gauche-s-allie-a-l-extreme-droite-et-aux-populistes_790625_3214.html">Slovaquie</a>, les ultranationalistes du Parti national (SNS) se sont imposés comme partenaires de Robert Fico à l’issue des élections de septembre dernier.</p>
<p>Les expériences polonaise et néerlandaise confirment la dynamique actuelle des droites radicales populistes. Elles illustrent également la diversité et la complexité de la scène populiste contemporaine.</p>
<h2>Des trajectoires parallèles</h2>
<p>Le PiS polonais incarne un modèle de parti conservateur qui s’est radicalisé au fil du temps en s’appropriant certains thèmes de l’extrême droite.</p>
<p>Le parti de <a href="https://www.institutmontaigne.org/expressions/portrait-de-jaroslaw-kaczynski-ancien-premier-ministre-polonais-president-du-parti-droit-et-justice">Jaroslaw Kaczynski</a>, créé en 2001, a adopté au départ un populisme de droite teinté de conservatisme social et de nationalisme. Son agenda national-conservateur s’est affirmé avec le temps, à travers des rapprochements successifs avec des mouvements situés plus à droite sur l’échiquier. Le PiS a remporté deux élections consécutives (2015 et 2019) en s’appuyant sur des <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/01/31/en-pologne-la-quasi-interdiction-de-l-avortement-est-entree-en-vigueur-sur-fond-de-manifestations_6068302_3210.html">réformes conservatrices</a>, la mise au pas du système judiciaire (<a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/06/05/la-reforme-de-la-justice-de-2019-en-pologne-enfreint-le-droit-de-l-union-europeenne_6176287_3210.html">réforme de 2019</a>) et l’affirmation récurrente qu’il représente un rempart contre les influences étrangères.</p>
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<p>Cet agenda national-conservateur lui a permis d’assurer un temps sa position de parti dominant et de convserver le pouvoir entre 2015 et 2023, ce qui explique sa trajectoire centrifuge marquée par une <a href="https://www.taurillon.org/l-etat-de-droit-en-pologne-une-situation-enlisee">dérive illibérale sur l’État de droit</a>. Cette tendance l’a d’ailleurs amené à entrer en conflit avec les institutions européennes à ce sujet.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/bras-de-fer-entre-bruxelles-et-varsovie-comprendre-la-strategie-des-autorites-polonaises-169665">Bras de fer entre Bruxelles et Varsovie : comprendre la stratégie des autorités polonaises</a>
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<p>Sur le plan économique, le PiS est volontiers interventionniste, mettant l’accent sur le soutien aux familles, la protection sociale et la promotion des entreprises polonaises (y compris par des mesures protectionnistes). En outre, le PiS a mis en place des programmes de soutien à l’agriculture, offrant des subventions aux agriculteurs et mettant l’accent sur la préservation de l’agriculture familiale traditionnelle.</p>
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<p>Le PVV néerlandais a été fondé en 2006 par Geert Wilders après son départ du Parti populaire pour la démocratie et la liberté (VVD) deux ans plus tôt. Son programme comprend des éléments nationalistes, conservateurs et libéraux, et prône la fermeté en matière d’immigration et de justice.</p>
<p>Une partie de son pouvoir de séduction repose sur un <a href="https://www.la-croix.com/international/Pays-Bas-Geert-Wilders-20-ans-campagne-anti-islam-anti-immigration-2023-11-23-1201291960">discours profondément anti-islam</a> – jusqu’à l’outrance – et une critique acerbe de la classe politique dirigeante. Wilders désigne l’immigration comme la principale menace pour l’État-providence néerlandais, dénonce le « tsunami de l’asile et de l’immigration de masse » et propose d’interdire les écoles islamiques, le Coran (qu’il a comparé à <em>Mein Kampf</em>) et les mosquées pour mettre un terme à ce qu’il considère comme « l’islamisation » du pays.</p>
<p>Le populisme demeure une caractéristique forte du PVV. En 2023, Wilders a largement fait appel au « ras-le-bol » des électeurs néerlandais après <a href="https://theconversation.com/la-chute-du-gouvernement-rutte-aux-pays-bas-illustration-des-forces-et-faiblesses-du-regime-parlementaire-209659">13 ans de gouvernement VVD de Mark Rutte</a>. Sur le plan économique, le PVV a progressivement évolué d’un programme néolibéral vers des positions plus sociales, proches de celles de Marine Le Pen en France.</p>
<p>Contrairement au PiS, le PVV n’a jamais été en mesure d’accéder au pouvoir jusqu’à présent. Les élections de 2023 marquent à cet égard un tournant historique vers sa normalisation. D’abord grâce aux efforts de Wilders pour <a href="https://www.ouest-france.fr/europe/pays-bas/elections-aux-pays-bas-geert-wilders-de-la-haine-de-lislam-au-discours-modere-pour-gagner-751b0e26-89df-11ee-a1c0-8cef14bedf93">tempérer ses positions les plus radicales</a> et se donner un profil plus fréquentable, mais surtout grâce à la porte entrouverte avant le scrutin par la nouvelle dirigeante du VVD, Dilan Yesilgöz-Zegerius, à une <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2023/nov/23/netherlands-far-right-geert-wilders-victory-mark-rutte">possible alliance avec le PVV</a>.</p>
<h2>Divergences et convergences</h2>
<p>Si le PVV néerlandais, comme le RN en France, s’efforce d’épouser les grandes évolutions de société sur les questions de mœurs – souvent d’ailleurs pour mieux diaboliser un islam jugé « retrograde » ou « totalitaire » –, d’autres incarnent à l’inverse une réaction conservatrice face aux enjeux d’égalité femmes-hommes ou de promotion des droits LGBT. Viktor Orban en Hongrie et le PiS polonais s’imposent ainsi comme des hérauts de cette contre-révolution culturelle.</p>
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<a href="https://theconversation.com/en-pologne-loffensive-anti-lgbt-illustre-un-incroyable-renversement-de-valeurs-120770">En Pologne, l'offensive anti-LGBT illustre un incroyable renversement de valeurs</a>
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<p>En Italie, Giorgia Meloni a été élue sur le slogan <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMAnalyse/3289">« Dieu, famille, patrie »</a> ; en Espagne, Vox fait de la <a href="https://information.tv5monde.com/terriennes/vox-la-tentative-de-lultra-droite-contre-les-droits-des-femmes-en-espagne-30929">lutte contre l’avortement</a> ou le <a href="https://www.euractiv.fr/section/elections/news/espagne-un-candidat-du-parti-vox-compare-le-mariage-homosexuel-a-une-union-entre-une-personne-et-un-animal/">mariage homosexuel</a> un de ses principaux chevaux de bataille.</p>
<p>En dépit de leurs différences, le PVV et le PiS, et au-delà l’ensemble des partis de droite radicale populiste, se rejoignent sur certains traits idéologiques communs : rejet de l’immigration, hostilité envers l’islam, et affirmation de l’identité et de la souveraineté nationales, notamment face à l’Union européenne. Tous ces mouvements partagent également un agenda autoritaire et sécuritaire fondé sur la loi et l’ordre, et la plupart adhèrent à l’idée d’une « préférence nationale » pour assurer l’accès prioritaire aux nationaux à l’emploi et à l’aide sociale.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/563917/original/file-20231206-29-czbn14.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/563917/original/file-20231206-29-czbn14.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/563917/original/file-20231206-29-czbn14.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=599&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/563917/original/file-20231206-29-czbn14.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=599&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/563917/original/file-20231206-29-czbn14.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=599&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/563917/original/file-20231206-29-czbn14.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=753&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/563917/original/file-20231206-29-czbn14.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=753&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/563917/original/file-20231206-29-czbn14.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=753&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Proportion de sièges détenus au Parlement national par le principal parti de droite radicale, au 23 novembre 2023.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.aubedigitale.com/ou-lextreme-droite-a-gagne-du-terrain-en-europe/">Statista</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Un peu partout en Europe, les partis de droite radicale populiste semblent en mesure d’exploiter les insécurités économiques, le pessimisme et les colères sociales, notamment face à l’impact de la guerre en Ukraine. Le gouvernement polonais du PiS a certes joué, dès février 2022, un rôle essentiel pour soutenir l’effort de guerre du pays voisin, tout en accueillant près d’un million et demi de réfugiés ukrainiens. Mais dans les mois précédant les élections du 15 octobre dernier, le PiS s’est progressivement rapproché des positions de <em>Konfederacja</em>, coalition dénonçant les effets du conflit ukrainien sur les populations rurales défavorisées, qui constituent le cœur de l’électorat du PiS. Ainsi, plusieurs prises de position négatives à l’égard de l’Ukraine, contre l’afflux de céréales et pour l’arrêt des livraisons d’armes ont marqué la fin de la campagne des conservateurs.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comprendre-les-tensions-polono-ukrainiennes-215109">Comprendre les tensions polono-ukrainiennes</a>
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<p>Par contraste, le PVV défend depuis longtemps des relations plus étroites avec Vladimir Poutine, considéré comme un allié dans la lutte contre le terrorisme et l’immigration de masse. Geert Wilders s’était mobilisé lors du <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2016/04/07/le-resultat-du-referendum-aux-pays-bas-nouveau-signe-de-defiance-pour-l-europe_4897522_3210.html">référendum de 2016 aux Pays-Bas</a> pour s’opposer à la ratification de l’Accord d’association entre l’UE et l’Ukraine. Wilders est à la fois très pro-OTAN à domicile mais également contre l’expansion de l’organisation à l’Est et contre la « russophobie hystérique » – il s’est notamment rendu à Moscou en 2018. Lors de sa campagne électorale, il a appelé de ses vœux l’avènement de « l’heure de la <em>realpolitik</em> », la <a href="https://www.kyivpost.com/post/24544">fin de la livraison d’armes et du soutien financier à Kiev</a> et l’ouverture de négociations avec la Russie.</p>
<h2>Les enjeux des élections européennes</h2>
<p>Cette montée en puissance des mouvements de droite radicale populiste pourrait représenter un enjeu majeur des élections européennes de juin 2024.</p>
<p>Ces partis, qui avaient longtemps été les principaux acteurs de l’opposition à l’Union européenne, ont, pour la plupart, opéré depuis quelques années un recentrage stratégique sur la question – souvent du fait de leur accession au pouvoir. En Italie, par exemple, <a href="https://information.tv5monde.com/international/giorgia-meloni-sest-elle-vraiment-convertie-leurope-1413340">Giorgia Meloni</a> s’est éloignée de ses positions les plus radicales sur l’immigration ou l’UE et recherche désormais le compromis avec Ursula von der Leyen et les autorités européennes sur ces sujets. En France, la question européenne a été très largement absente de la campagne présidentielle de Marine Le Pen en 2022, quand bien même cette dernière n’a jamais véritablement abandonné la <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/04/20/election-presidentielle-le-frexit-cache-de-marine-le-pen-est-un-projet-de-rupture-deletere-pour-la-france-et-pour-l-europe_6122908_3232.html">vieille idée d’une « Europe des nations libres et indépendantes »</a>, si chère à son père.</p>
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<p>En Pologne, le PiS s’oppose à Bruxelles depuis plusieurs années à propos de ses réformes judiciaires et de sa décision, en octobre 2021, de décréter certains articles des traités européens <a href="https://www.france24.com/fr/europe/20211007-trait%C3%A9s-de-l-ue-la-pologne-juge-certains-articles-incompatibles-avec-sa-constitution">incompatibles avec la Constitution nationale</a>, remettant en question le principe même de primauté du droit européen, s’alignant sur ce point avec la Hongrie de Viktor Orban. Aux Pays-Bas, Wilders a longtemps incarné un euroscepticisme « dur » prônant tout simplement une sortie unilatérale de l’Union. Comme beaucoup de ses homologues européens, le leader d’extrême droite a récemment adouci ses positions pour élargir sa base électorale, et propose désormais un <a href="https://www.levif.be/international/europe/le-nexit-de-geert-wilders-et-si-les-pays-bas-quittaient-lunion-europeenne/">référendum sur un éventuel « Nexit »</a>.</p>
<p>Jusqu’à présent, au Parlement européen, ces partis sont demeurés fortement divisés, répartis entre les groupes <a href="https://fr.idgroup.eu/">Identité et Démocratie</a>, celui des <a href="https://www.ecrgroup.eu/">Conservateurs et Réformistes européens</a> et les non-inscrits. Les désaccords entre ID et les CRE tiennent pour beaucoup à leurs positions respectives sur la question de l’attitude à adopter à l’égard de la Russie de Vladimir Poutine et, en filigrane, face à l’OTAN et aux États-Unis.</p>
<h2>Pro ou anti-Poutine ?</h2>
<p>Parmi les admirateurs zélés du président russe, on retrouve beaucoup des mouvements opposés à l’OTAN – RN, FPÖ, FvD néerlandais (qui a obtenu 2,2 % aux dernières législatives), ATAKA et Vazrazhdane en Bulgarie, SPD tchèque ou AUR en Roumanie. Pour les populistes de droite, Poutine a longtemps été vu comme l’incarnation d’un leadership fort, comme un défenseur des valeurs chrétiennes et un gardien de la civilisation européenne face à la « menace » de l’islam. De façon plus prosaïque, l’attitude des extrêmes droites européennes a été indexée, aussi, sur la dépendance au gaz russe dans des pays tels que l’Autriche, la Bulgarie, la Tchéquie ou la Serbie, ou sur l’existence d’intérêts économiques liés aux investissements russes comme en Italie ou en Hongrie. Sans oublier les liens financiers établis avec le maître du Kremlin, <a href="https://www.mediapart.fr/journal/france/dossier/largent-russe-du-rassemblement-national">à l’image du parti lepéniste en France</a>, ou les liens d’amitié personnelle, comme cela fut le cas pour Silvio Berlusconi en Italie.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/au-dela-des-liens-entre-le-rn-et-la-russie-le-grand-projet-illiberal-europeen-207570">Au-delà des liens entre le RN et la Russie : le grand projet illibéral européen</a>
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<p>La topographie des groupes européens recoupe en partie cette ligne de clivage, opposant des partis plus « mainstream » et souvent plus atlantistes, autour de Giorgia Meloni, de Vox ou des Polonais du PiS chez les Conservateurs réformistes, à un groupe ID devenu au fil du temps le principal lieu de convergence des forces pro-russes autour de Marine Le Pen, Matteo Salvini ou de l’AfD allemande. Le cas de Geert Wilders, pro-OTAN et pro-russe, n’en ressort qu’avec plus d’originalité sur ce point.</p>
<p>Si la perspective d’une vaste alliance d’extrême droite au Parlement européen demeure assez peu probable, les succès à venir laissent toutefois entrevoir un nouveau glissement du centre de gravité de la politique européenne et un pouvoir de nuisance accru de la part de mouvements qui, s’ils poursuivent leur chemin vers la normalisation, n’en demeurent pas moins les principaux vecteurs d’opposition aux valeurs fondatrices de l’UE. </p>
<p>À l’image du PiS polonais, l’exercice du pouvoir par ces partis est marqué par une dérive illibérale, caractérisée par l’opposition à certaines des valeurs et des normes qui assurent l’équilibre politique et institutionnel des démocraties modernes. Une telle dérive participe d’un mouvement plus large et particulièrement préoccupant d’érosion démocratique, à laquelle la Coalition civique, en Pologne, devra répondre avec méthode. Parallèlement, le soutien européen à l’Ukraine risque de se trouver affaibli au Parlement européen aussi bien qu’au niveau des États membres. L’arrivée au pouvoir du PVV ne fait que renforcer une telle dérive.</p>
<p>Enfin, fort d’un éventuel futur statut de premier ministre, Wilders pourrait être tenté d’abandonner Marine Le Pen pour rejoindre Giorgia Meloni et les Conservateurs réformistes à Strasbourg en juin prochain. L’hypothèse d’une alliance de la droite du <a href="https://www.eppgroup.eu/fr">Parti populaire européen</a>, qui regroupe les partis de droite « traditionnels », et d’un groupe CRE renforcé, emmené par Giorgia Meloni et le PiS, laisserait entrevoir un durcissement des politiques migratoires de l’UE et, plus fondamentalement encore, un affaiblissement du <a href="https://commission.europa.eu/strategy-and-policy/priorities-2019-2024/european-green-deal_fr"><em>Green Deal</em> européen</a> par des partis d’extrême droite souvent climato-sceptiques et peu soucieux de transition énergétique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218664/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La droite radicale populiste a le vent en poupe en Europe, mais des divergences sensibles existent entre les partis de cette famille politique hétérogène.Florent Parmentier, Secrétaire général du CEVIPOF. Enseignant à Sciences Po. Chercheur-associé au Centre HEC Paris de Géopolitique, Sciences Po Gilles Ivaldi, Chercheur en science politique, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2185492023-11-27T17:12:45Z2023-11-27T17:12:45ZPays-Bas : quels scénarios après la victoire du leader populiste Geert Wilders ?<p>Les résultats des élections néerlandaises du 22 novembre dernier, qui ont vu la <a href="https://www.rfi.fr/fr/podcasts/europ%C3%A9en-de-la-semaine/20231126-geert-wilders-le-tribun-d-extr%C3%AAme-droite-au-seuil-du-pouvoir-aux-pays-bas">victoire du Parti pour la liberté</a> (PVV), ont provoqué une onde de choc au sein de l’establishment politique européen. Les effets de ce scrutin pourraient bien aller au-delà des seuls Pays-Bas.</p>
<h2>Une première dans l’histoire du pays</h2>
<p>Pour la première fois dans l’histoire des Pays-Bas, un parti d’extrême droite est devenu le premier en nombre de sièges au Parlement national. Le leader du PVV, Geert Wilders, est un homme politique excentrique connu pour sa rhétorique incendiaire. Il prône la sortie des Pays-Bas de l’Union européenne et a qualifié l’islam de <a href="https://www.lefigaro.fr/international/2008/03/07/01003-20080307ARTFIG00024-geert-wilders-l-ideologie-islamique-est-fasciste.php">« religion fasciste »</a>. Lors d’un procès en 2016, il a été reconnu <a href="https://www.lepoint.fr/monde/pays-bas-le-depute-wilders-relaxe-d-incitation-a-la-haine-09-12-2016-2089169_24.php">coupable d’incitation à la discrimination</a>, mais a été dispensé de peine.</p>
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<p>Les <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/elections-aux-pays-bas-vers-un-paysage-politique-largement-renouvele-2030607">sondages pré-électoraux</a> avaient indiqué que le Parti pour la liberté pouvait arriver en tête, mais il apparaissait au coude à coude avec les grandes formations traditionnelles de la gauche (Parti travailliste-Gauche verte, PvdA/GL) et de la droite (Parti populaire pour la liberté et la démocratie, VVD). Les sondages se sont révélés loin du compte : Wilders a gagné avec une marge confortable (23,6 % des suffrages, contre 15,5 % au PvdA/GL et 15,2 % au VVD), même s’il devra <a href="https://www.france24.com/fr/europe/20231123-aux-pays-bas-l-extr%C3%AAme-droite-de-geert-wilders-face-au-d%C3%A9fi-de-r%C3%A9unir-une-coalition">chercher des partenaires de coalition</a> pour former un gouvernement.</p>
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<figcaption><span class="caption">Séisme politique aux Pays-Bas : l’extrême droite de Geert Wilders remporte les législatives. Euronews, 23 novembre 2023.</span></figcaption>
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<p>Un nouveau parti de droite, le Nouveau contrat social (NSC), a également obtenu un très bon score (12,8 %). Comme le Parti pour la liberté, ce parti désigne l’immigration comme étant la <a href="https://nltimes.nl/2023/10/24/election-front-runner-omtzigt-calls-stricter-immigration-limits-netherlands">première cause de problèmes</a> tels que l’engorgement des services publics néerlandais et le manque de logements abordables. Cependant, Pieter Omtzigt, le leader du NSC (et ancien député en tant que membre de l’Appel chrétien-démocrate, un parti chrétien-démocrate de centre droit qui, ce 22 novembre, n’a récolté que 3,3 % des suffrages), critique certains des discours les plus incendiaires de Wilders.</p>
<p>Omtzigt apparaît néanmoins comme le candidat le plus probable pour former une coalition avec Wilders, ainsi qu’avec le VVD, ancien parti du premier ministre sortant Mark Rutte, démissionnaire en juillet dernier. Mais il faudra attendre un certain temps avant de savoir si un tel partenariat est réalisable. Aux Pays-Bas, la mise en place d’une coalition est l’affaire de plusieurs mois et non de plusieurs semaines.</p>
<p>Ces pourparlers seront d’autant plus complexes que l’image et la personnalité de Wilders sont particulièrement clivantes. Bien que son parti ait remporté le plus grand nombre de sièges (37 sur 150), les controverses qui l’entourent depuis tant d’années risquent de l’empêcher d’obtenir le poste de premier ministre, même si son parti parvenait à mettre en place une coalition gouvernementale.</p>
<p>En cas de formation d’une coalition centrée sur le PVV, la question du maintien des Pays-Bas dans l’UE sera inévitablement mise en avant. Wilders souhaite un <a href="https://www.liberation.fr/international/europe/obsede-par-le-coran-prorusse-et-partisan-du-nexit-geert-wilders-lincrevable-figure-de-lextreme-droite-20231123_5KWABAQ5P5BMFDIWOU2EYKQSPE/">référendum sur la sortie des Pays-Bas de l’UE</a> et, même si ce projet ne se concrétise pas, on peut s’attendre à ce qu’il imprègne d’euroscepticisme tout gouvernement auquel il participerait.</p>
<p>Cela pourrait avoir des conséquences considérables pour l’UE. Même si les <a href="https://www.france24.com/fr/europe/20230920-europe-pour-les-extr%C3%AAmes-droites-ue-doit-%C3%AAtre-un-outil-pour-juguler-les-crises-migratoires">partis d’extrême droite en Europe divergent</a> sur la question de la sortie de l’Union, ils s’accordent sur la nécessité de transformer l’UE en un organe plus intergouvernemental, ce qui ôterait des prérogatives à Bruxelles.</p>
<h2>Un exemple venu d’Italie</h2>
<p>L’année dernière, <a href="https://theconversation.com/en-italie-la-victoire-annoncee-de-lextreme-droite-191111">Giorgia Meloni</a>, avec qui Wilders partage une certaine affinité idéologique, est devenue la première ministre de l’Italie. Le parti de droite radicale de Meloni, Frères d’Italie est arrivé en tête lors des législatives du 25 septembre 2022 et a formé une coalition avec d’autres partis de droite et de droite dure.</p>
<p>À l’instar de Wilders, Meloni était considérée comme une outsider sur la scène politique de son pays et a toujours placé l’immigration <a href="https://www.lecourrierdelatlas.com/italie-limmigration-au-coeur-de-la-campagne-electorale/">au cœur des débats</a>. Mais depuis son arrivée au pouvoir, sa rhétorique anti-immigration a dû être modérée. Elle a rapidement été confrontée aux appels des milieux d’affaires à remédier à la <a href="https://www.euractiv.fr/section/immigration/news/litalie-demande-larret-des-flux-migratoires-mais-veut-plus-de-main-doeuvre-etrangere/">pénurie de main-d’œuvre en Italie</a>, ce qui impliquait d’accorder des permis aux travailleurs immigrés.</p>
<p>Dans mon livre <a href="https://www.jstor.org/stable/j.ctvt9k3d3"><em>Political Entrepreneurs</em></a>, coécrit avec Sara Hobolt de la London School of Economics, nous montrons que la pratique du pouvoir change les partis politiques. Il est relativement facile de tenir des discours radicaux depuis les coulisses, mais une fois au gouvernement, les partis doivent assumer la responsabilité de la conduite des affaires de leur pays. Ils doivent prendre des décisions, peser les intérêts – et les réserves financières dont ils disposent pour mener à bien leur politique. Meloni, comme les dirigeants de tant d’autres partis populistes, a rapidement <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/migrants/crise-migratoire-a-lampedusa-qu-a-fait-giorgia-meloni-face-a-l-immigration-depuis-son-arrivee-au-pouvoir-en-italie_6073092.html">mis de l’eau dans son vin</a> une fois qu’elle est arrivée au pouvoir.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1706508650582319566"}"></div></p>
<p>C’est la leçon la plus importante pour Wilders : Frères d’Italie avait conduit une campagne électorale eurosceptique mais épousent désormais largement des positions proches de celles de Bruxelles, y compris sur les questions relatives à l’immigration. Meloni a même <a href="https://euobserver.com/migration/157613">affiché sa proximité</a> avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.</p>
<p>Cela dit, l’expérience italienne offre également un autre exemple que Wilders pourrait trouver intéressant. Dans le cadre de nos recherches, nous avons constaté que les partis qui sont devenus populaires en s’opposant à la politique existante préfèrent parfois garder un pied dans le gouvernement et un pied en dehors. C’est par exemple le cas de Matteo Salvini, chef du parti La Ligue et partenaire de la coalition de Meloni.</p>
<p>Salvini ne manque jamais une occasion de souligner son indépendance, même si cela <a href="https://www.20minutes.fr/monde/2579959-20190808-crise-politique-italie-matteo-salvini-reclame-elections-anticipees-fait-eclater-coalition-populiste">cause des difficultés au gouvernement italien auquel La Ligue participe</a>. Seul un partenaire de coalition secondaire peut se permettre de telles frasques, car un premier ministre et son parti font face à une pression bien plus intense. Wilders pourrait donc trouver plus pratique de suivre la voie de Salvini plutôt que celle de Meloni.</p>
<p>Quelle que soit la voie qu’il emprunte, si Wilders fait partie du gouvernement, les résultats de ces élections auront certainement des conséquences sur les relations des Pays-Bas avec le reste de l’Europe.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218549/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine de Vries ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le controversé politicien néerlandais a remporté le plus grand nombre de sièges au Parlement, mais il pourrait encore trouver opportun de ne pas briguer le poste de premier ministre.Catherine de Vries, Professor of Political Science, Fellow and member of the Management Council of the Institute for European Policymaking, Bocconi UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2096592023-07-16T15:28:27Z2023-07-16T15:28:27ZLa chute du gouvernement Rutte aux Pays-Bas : illustration des forces et faiblesses du régime parlementaire<p>Le 7 juillet 2023, une annonce officielle secoue l’un des États membres fondateurs de l’Union européenne. Aux Pays-Bas, le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/07/11/aux-pays-bas-la-demission-surprise-du-premier-ministre-mark-rutte-menace-les-liberaux-europeens_6181454_3210.html">gouvernement de Mark Rutte vient de chuter</a>. Le premier ministre, qui était à la tête de son quatrième gouvernement de coalition, se trouvait au pouvoir depuis douze ans, si bien qu’il avait été surnommé <a href="https://www.theguardian.com/world/2023/jul/10/mark-rutte-everyman-dutch-pm-whose-teflon-powers-finally-waned-netherlands">« Téflon »</a> par les commentateurs politiques (avec lui, les polémiques glissent sans laisser de taches). Pourtant, le débat de ce début d’été 2023 aura raison de son art du compromis.</p>
<p>Cette fois, Mark Rutte (VVD, parti libéral classé au centre droit) n’est pas parvenu à faire ce qu’il avait jusqu’alors toujours réussi : trouver un arrangement entre sa sensibilité et les autres partis membres de la coalition gouvernementale qu’il dirigeait (le D66, social-libéral, et les conservateurs chrétiens-démocrates du CDA et du CU) sur un sujet politique très clivant : « prendre des mesures pour limiter l’afflux de demandeurs d’asile ».</p>
<p>Les opinions des représentants de sa coalition se confrontaient sur la question – de fond davantage que d’actualité – du regroupement familial des immigrés et, plus spécifiquement, sur la question du quota d’enfants autorisés à rejoindre le pays pour y retrouver un parent (le quota mensuel de 200 enfants venait d’être dépassé). <a href="https://www.ouest-france.fr/europe/pays-bas/pays-bas-le-gouvernement-de-mark-rutte-chute-apres-des-negociations-houleuses-sur-limmigration-7741a89c-1cf5-11ee-b2e8-5637fbb93cc6">Constatant son incapacité à trouver un terrain d’entente entre ses ministres</a>, Mark Rutte a décidé de présenter au roi Willem-Alexander la démission de son gouvernement.</p>
<h2>Le recours au chef de l’État face à la chute d’un gouvernement</h2>
<p>Le roi des Pays-Bas est en conséquence contraint de mettre fin à ses vacances en Grèce pour recevoir et conseiller son premier ministre. Comme dans presque tous les États européens, il faut en effet garder à l’esprit que le <a href="https://www.cairn.info/revue-parlements1-2005-1-page-6.htm">véritable chef du pouvoir exécutif est le premier ministre</a> (souvent également appelé « ministre président » en néerlandais) et non le chef de l’État. Ce dernier, en l’occurrence le monarque aux Pays-Bas, ne possède qu’un rôle protocolaire et de représentation.</p>
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<p>Ce système, qui est souvent présenté comme un folklore cantonné au Royaume-Uni et à quelques pays scandinaves, est en réalité le plus commun en Europe. Car, à l’exception notable de la France et de certains États d’Europe centrale, le chef de l’État, qu’il soit président de la République ou monarque, qu’il soit élu directement par les citoyens (Autriche, Finlande, Irlande, etc.) ou non (Allemagne, Italie, Suède, etc.), n’est que très marginalement à la manœuvre politique.</p>
<p>Son rôle principal – important toutefois – consiste à aider le premier ministre à s’entourer des bonnes personnalités au sein des différents ministères, puis à approuver formellement la création du gouvernement. Aux Pays-Bas, cela prend la forme d’une prestation de serment des ministres devant le roi. C’est en somme ce que l’on a coutume d’appeler un régime parlementaire, car si le chef de l’État est ainsi relégué à ce rôle de simple soutien, c’est parce que la légitimité électorale se concentre intégralement sur le Parlement.</p>
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<p>Le premier ministre tire alors sa légitimité et son pouvoir de la confiance que lui accorde son Parlement, au nom duquel il agit et auquel il doit obéir et rendre des comptes. De fait, pour obtenir la confiance du Parlement, la composition du gouvernement doit être un reflet fidèle des couleurs politiques dominantes dans l’hémicycle. La difficulté principale aux Pays-Bas, comme dans de nombreux autres États européens, est que le Parlement est élu selon le mécanisme du scrutin proportionnel, ce qui signifie qu’il n’existe que très rarement une majorité claire, et que les premiers ministres doivent parvenir à établir des coalitions.</p>
<h2>Les coalitions gouvernementales sont le modèle dominant en Europe, mais elles posent de nombreuses difficultés</h2>
<p>Le scrutin proportionnel est à la fois une force et une faiblesse pour la démocratie. Sa force principale est indéniablement le fait qu’il offre à tous les citoyens une chance d’être fidèlement représentés au sein du Parlement, puis plus tard à travers le gouvernement qui en sera le reflet, « à hauteur de ce qu’ils représentent effectivement dans la société ». C’est d’autant plus vrai dans les systèmes qui proposent une proportionnelle intégrale comme aux Pays-Bas.</p>
<p>Ainsi, un microparti comme le « Denk » (« Pense », gauche radicale) ou le « BBB » (<em>Mouvement agriculteur – citoyen</em>, divers centre) envoient des députés et des sénateurs au Parlement néerlandais malgré leur importance <a href="https://www.lepoint.fr/monde/aux-pays-bas-le-pouvoir-a-portee-de-fourche-des-national-farmers-08-07-2023-2527800_24.php">aujourd’hui encore modeste</a> dans l’échiquier politique.</p>
<p>La faiblesse d’un tel système est principalement de deux ordres. D’une part, le scrutin proportionnel peut offrir un poids important à des partis politiques populistes, voire antidémocratiques, ce qui représente un vrai risque aux Pays-Bas où le premier parti d’opposition est le <a href="https://www.lepoint.fr/europe/aux-pays-bas-geert-wilders-veut-desislamiser-la-societe-11-01-2021-2409064_2626.php#11">PVV</a> (<em>Parti pour la liberté</em>, extrême droite) de Geert Wilders.</p>
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<p>D’autre part, on l’a dit, le scrutin proportionnel offre rarement une majorité claire (plus de 50 % des sièges) à un seul parti politique. C’est le cas actuellement, puisque le parti de centre droit dont Mark Rutte était le chef (après sa démission, il a <a href="https://www.letemps.ch/monde/europe/apres-la-chute-de-son-gouvernement-le-premier-ministre-neerlandais-annonce-quitter-la-politique">annoncé la fin de sa carrière politique</a>) n’occupe que 22 % des sièges de l’hémicycle (une proportion comparable au poids politique du président Macron au premier tour de l’élection présidentielle française).</p>
<p>Il dispose du plus grand nombre de sièges, mais il est très éloigné des 50 % de sièges nécessaires pour obtenir une majorité. Il a donc été obligatoire pour Rutte après les élections de mars 2021 de chercher des alliés auprès d’autres formations, en l’occurrence chez les autres partis de droite, et de faire des compromis sur son propre programme. Ce processus peut s’avérer long (271 jours pour former la coalition qui vient tout juste de voler en éclats) et le risque d’une mauvaise entente qui peut mener à la chute plane toujours au-dessus d’un gouvernement de coalition…</p>
<h2>Malgré toutes les difficultés liées aux coalitions, il est possible que la démocratie y trouve son compte</h2>
<p>La question du remplacement du premier ministre démissionnaire est indissociable de l’élection d’un nouveau Parlement. S’il est possible pour un premier ministre de démissionner sans que cela entraîne une dissolution du Parlement, Mark Rutte a ici confirmé qu’il y aurait de nouvelles élections législatives en novembre 2023.</p>
<p>Dans un premier temps, il va donc rester en place et gérer, selon la formule consacrée, « les affaires courantes », sans être capable toutefois de prendre de décisions d’importance telle que la signature d’un traité international. En effet, dans la logique parlementaire, le gouvernement agit au nom du Parlement et risque à tout moment d’être renversé s’il n’agit pas dans le sens souhaité par la majorité des députés ; or il est impossible pour un gouvernement ayant déjà chuté de chuter à nouveau. Ces considérations nous replongent dans l’importance pour le droit constitutionnel de toujours rechercher l’équilibre et l’interdépendance des pouvoirs.</p>
<p>La chute des gouvernements est donc un problème. Elle est d’ailleurs souvent présentée comme une difficulté récurrente et insurmontable des III<sup>e</sup> et <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/affaires-sensibles/mai-1958-la-chute-de-la-ive-republique-7325983">IVᵉ</a> Républiques françaises. Pourtant, la situation qui existe aux Pays-Bas et dans de nombreux autres pays d’Europe au XXI<sup>e</sup> siècle peut laisser penser que, malgré l’échec du compromis gouvernemental et les divers coûts liés à de nouvelles élections, les mécanismes des régimes parlementaires peuvent tout de même s’avérer capables de répondre efficacement aux standards les plus élevés de la vie démocratique.</p>
<p>D’une certaine façon, la démission du gouvernement permet de remettre chaque acteur face à ses responsabilités. Les ministres tout comme les parlementaires prennent en effet à tout moment le risque de perdre leur siège s’ils refusent de jouer le jeu du compromis. La démission permet de poser une question au peuple, de lui permettre de trancher le différend politique que les membres du gouvernement n’ont pas su résoudre en interne : en l’occurrence, quelle politique migratoire souhaitez-vous ?</p>
<p>À la différence d’un référendum, la réponse qu’apporte une élection législative proportionnelle sera pleine de nuances. Elle ne sera pas simplement destinée à servir d’approbation ou de réprobation vis-à-vis de l’auteur de la question (comme c’est souvent le cas des référendums), mais obligera chaque citoyen à choisir le parti politique, petit ou grand, historique ou nouvellement créé, qui reflétera ses aspirations démocratiques du moment. Plutôt que de voir la politique en blanc et noir, en oui et non, ce système donne aux citoyens l’occasion d’apporter une réponse qui leur ressemble – subtile, complexe, multicolore.</p>
<p>Dans une période où les institutions de la V<sup>e</sup> République française sont si souvent remises en question, il paraît opportun de mieux comprendre quels sont réellement les points forts et les points faibles à l’œuvre dans les Constitutions de nos plus proches voisins européens.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209659/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierrick Bruyas ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Du fait d’un désaccord sur la politique migratoire, la coalition gouvernementale néerlandaise a implosé. L’occasion de s’interroger sans a priori sur la pertinence des régimes parlementaires.Pierrick Bruyas, PhD in Law, postdoctoral researcher (Univ. of Strasbourg), guest researcher (Univ. of Aarhus, Denmark), Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2039942023-04-24T18:14:17Z2023-04-24T18:14:17ZDes tulipes au menu : de la survie pendant la guerre à la gastronomie contemporaine<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/521358/original/file-20230417-22-6foitl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C8%2C1920%2C1287&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des enfants mangent de la nourriture donnée par une organisation religieuse pendant la grande famine aux Pays-Bas entre 1944 et 1945.</span> <span class="attribution"><span class="source">Menno Huizinga/Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Aux Pays-Bas, à l’automne 1944, l’Allemagne nazie occupe le pays et la libération se révèle plus compliquée que prévu. L’accès à la nourriture est compromis par le blocage des trains et des transports fluviaux, qui sont interrompus en raison du gel des rivières.</p>
<p>Cette situation critique entraîne une <a href="https://academic.oup.com/shm/article-abstract/7/2/229/1704987">grande famine</a>, surtout dans les zones urbaines de l’ouest du pays. <a href="https://publ.nidi.nl/output/2013/lumey-2013-nutrition-health-famine.pdf">Les apports énergétiques y passent de 1 800 à 500 kilocalories par personne et par jour de mai 1944 à février 1945</a>.</p>
<p>On estime qu’en mai 1945, entre <a href="https://www.niod.nl/">20 000 et 25 000 citoyens néerlandais</a> sont morts des suites de la malnutrition. Elle a également touché les femmes enceintes et les enfants de moins d’un an, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0378512211002337">avec des conséquences à long terme pour la santé de ces enfants</a>.</p>
<p>Une apprentie danseuse de 16 ans, qui mesurait 1,80 m et pesait 40,8 kg, <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/19392397.2011.544163">s’est remémorée plus tard</a> qu’elle avait souffert d’asthme, de jaunisse, d’anémie et d’autres maladies résultant de la malnutrition, comme les œdèmes. « Cela commence par les pieds et quand cela atteint le cœur, on meurt. Pour moi, c’était au-dessus des chevilles quand les forces alliées nous ont libérés ».</p>
<p>Comme elle le raconte dans ses souvenirs, sa famille a survécu en mangeant des tulipes.</p>
<h2>Soupe aux tulipes</h2>
<p>Pour remédier à la famine et à la malnutrition, le gouvernement néerlandais recherche des aliments énergétiques et riches en nutriments, facilement accessibles. En temps de guerre, la culture des tulipes est interrompue et il existe un stock important de bulbes non plantés. Les autorités décident de profiter de ce surplus pour vendre les bulbes dans les épiceries et publier des recettes dans des magazines locaux afin d’aider la population. La soupe aux bulbes de tulipes est cuisinée pendant l’heure quotidienne de disponibilité du gaz.</p>
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<p>L’une de ces recettes indique le mode de préparation suivant : « Versez de l’eau dans la marmite, coupez les bulbes en deux et enlevez le germe. Râpez ensuite les bulbes à l’aide d’une râpe fine et de préférence dans la marmite, car la pulpe se décolore rapidement. Bien que les bulbes de tulipe soient riches en amidon, ils n’épaississent pas la soupe comme le fait la farine. Leur pulpe flotte dans la soupe sous forme de flocons. Si vous avez encore du curry chez vous, ajoutez-en une pincée, puis ajoutez un peu d’huile ou une petite quantité de matière grasse. Et n’oubliez pas le sel ! »</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/520106/original/file-20230410-28-ytzaen.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/520106/original/file-20230410-28-ytzaen.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/520106/original/file-20230410-28-ytzaen.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=287&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/520106/original/file-20230410-28-ytzaen.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=287&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/520106/original/file-20230410-28-ytzaen.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=287&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/520106/original/file-20230410-28-ytzaen.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=361&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/520106/original/file-20230410-28-ytzaen.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=361&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/520106/original/file-20230410-28-ytzaen.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=361&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Recette pour la préparation de la soupe aux bulbes de tulipes pendant la famine aux Pays-Bas.</span>
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<h2>Attention à la tulipaline A</h2>
<p>Les tulipes posent toutefois un problème. Leurs bulbes contiennent principalement un allergène : le composé appelé <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/15563650.2018.1440588">tulipaline A</a>. Il se trouve principalement dans la couche externe du bulbe, mais aussi dans la tige, les feuilles et les pétales.</p>
<p><a href="https://europepmc.org/article/med/12910870">Les vaches peuvent ainsi s’empoisonner</a> en consommant du foin et des bulbes de tulipe ; par ailleurs, ce composé provoque ce que l’on appelle les <a href="https://cdn.mdedge.com/files/s3fs-public/CT110003145.pdf">« doigts de tulipe »</a>. Cette dermatite, dont souffrent les bulbiculteurs, se caractérise par une desquamation érythémateuse de la peau autour des ongles et entre les extrémités du premier et du deuxième doigt de la main dominante. <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamadermatology/article-abstract/549543">Elle ne peut être évitée</a> qu’en réduisant le contact avec ces plantes bulbeuses et en portant des gants en nitrile (les gants en vinyle ne conviennent pas).</p>
<p>Le danger associé à la consommation de bulbes de tulipes réside donc dans la variété choisie ou le mode de préparation. En effet, toutes les variétés ne sont pas comestibles et celles qui le sont peuvent avoir un goût amer. D’autre part, leur consommation crue peut provoquer des nausées, des douleurs abdominales et d’autres troubles digestifs.</p>
<h2>Les tulipes dans la cuisine contemporaine</h2>
<p>Aujourd’hui, les bulbes de tulipe peuvent être séchés, pulvérisés et ajoutés aux céréales ou transformés en farine pour fabriquer du pain.</p>
<p>Les fleurs sont également <a href="https://theconversation.com/flores-comestibles-mas-que-una-cara-bonita-199196">comestibles</a>. Elles peuvent être utilisées comme garniture de plats, avec la fleur entière (sans le pistil et les étamines) ou en hachant les pétales et en les mélangeant à une salade, bien qu’elles aient peu de goût. Les pétales peuvent aussi décorer un gâteau ou servir de base à un sirop.</p>
<p>Dans la gastronomie moderne, on s’efforce de faire revivre cet ingrédient original. Par exemple, il y a 23 ans, l’experte en plantes nutritionnelles et médicinales <a href="https://www.margaretroberts.co.za/edible-medicinal-flowers/">Margaret Roberts</a> a énuméré des suggestions telles que le sirop de tulipe, les tulipes farcies à la mayonnaise de poulet et la salade de trois haricots aux tulipes.</p>
<p>On peut également citer Johanna Huiberts Van den Berg, qui a compilé une <a href="https://www.bol.com/nl/nl/p/eet-smakelijke-tulp/9200000120020113/">trentaine de recettes</a>, ou Alain Caron, un chef français qui vit aux Pays-Bas depuis 40 ans et dirige plusieurs restaurants à Amsterdam. Caron a inventé des plats comme la <a href="https://binnenstebuiten.kro-ncrv.nl/recepten/tulpenbollen-recept">salade de tomates confites, fenouil et bulbes de tulipe</a> ou les huîtres aux bulbes de tulipe.</p>
<p>La jeune femme qui raconte les ravages de la famine hollandaise aurait sans doute été ravie de goûter à ces délices.</p>
<p>Elle est d’ailleurs devenue, des années plus tard, l’une des plus grandes actrices du XX<sup>e</sup> siècle et, fin avril 1990, déclarée star du monde botanique aux Pays-Bas. L’industrie néerlandaise des bulbes a rendu hommage à son travail pour l’UNICEF en consacrant une variété blanche de cette fleur exceptionnellement lumineuse : la tulipe Audrey Hepburn.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/MaQKOPp09V0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Cérémonie officielle pour nommer une variété de tulipes en l’honneur d’Audrey Hepburn à Huis Doorn, le manoir de la famille à Doorn, aux Pays-Bas.</span></figcaption>
</figure></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203994/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La plante emblématique des Pays-Bas a sauvé des milliers de personnes de la famine en période de disette. Aujourd’hui, elle est à nouveau appréciée pour ses qualités gastronomiques…Jose Miguel Soriano del Castillo, Catedrático de Nutrición y Bromatología del Departamento de Medicina Preventiva y Salud Pública, Universitat de ValènciaMª Inmaculada Zarzo Llobell, Estudiante de Doctorado en Medicina, Universitat de ValènciaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2006522023-02-24T18:27:27Z2023-02-24T18:27:27ZAgriculture : passer d’une durabilité faible à une durabilité forte<p>À l’été 2022, les Pays-Bas ont pris une décision forte en matière d’agriculture durable. <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Pays-Bas-revolte-agriculteurs-contre-reduction-emissions-dazote-2022-07-10-1201224273">Très impopulaire auprès des agriculteurs hollandais</a>, elle consiste à réduire drastiquement les rejets d’azote et les émissions de gaz à effet de serre issus d'exploitations agricoles à proximité de zones naturelles protégées.</p>
<p>Elle va se traduire concrètement par la fermeture et le démantèlement de certaines exploitations et le renoncement à des exportations sur les marchés mondiaux.</p>
<p>Si cette décision interpelle par sa radicalité, elle nous invite plus fondamentalement à comprendre les nouveaux enjeux qui se dessinent en matière d’agriculture durable.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/LVHe1gfbUAw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le plan néerlandais de réduction d’azote provoque la colère des producteurs. (Euronews, 2022).</span></figcaption>
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<h2>Des conceptions très différentes du développement durable</h2>
<p>Le « développement durable », notion devenue incontournable quand on aborde les problématiques environnementales, ne semble présenter aucune ambiguïté dans sa définition ; il s’agit, <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/sites/odyssee-developpement-durable/files/5/rapport_brundtland.pdf">comme le propose le rapport Brundtland de 1987</a>, de :</p>
<blockquote>
<p>« Répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. »</p>
</blockquote>
<p>Popularisée depuis plus de 30 ans par l’ONU, plébiscitée par les entreprises et les ONG, cette notion semble stabilisée et opératoire. <a href="https://theconversation.com/les-malentendus-du-developpement-durable-53595">Elle est en réalité très controversée</a> et renvoie à deux paradigmes dont les ambitions conduisent à des résultats très différents : la durabilité faible et la durabilité forte.</p>
<p>Ces deux aspects prennent leur source dans les travaux de deux économistes : <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/economic-sciences/1987/solow/facts/">Robert Solow</a> pour la durabilité faible ; <a href="https://www.nature.com/articles/s41893-022-01041-0">Herman Daly</a> pour la durabilité forte. Dans les années 1980 et 1990, ils ont porté des positions très différentes en matière de développement durable.</p>
<h2>La durabilité faible</h2>
<p>Le développement durable faible consiste à trouver des compromis jugés satisfaisants à l’instant T et qui pénalisent à minima le bien-être des générations futures. Des dégradations de l’environnement naturel sont acceptées si elles permettent de maintenir ou de développer les performances du système économique.</p>
<p>Dans le paradigme de la durabilité faible, le capital économique est substituable au capital naturel et le développement technique et scientifique permettra aux générations futures de réparer ou de dépasser les dégradations de l’environnement naturel réalisées par les générations antérieures.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/512161/original/file-20230224-576-hria2d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/512161/original/file-20230224-576-hria2d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512161/original/file-20230224-576-hria2d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=268&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512161/original/file-20230224-576-hria2d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=268&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512161/original/file-20230224-576-hria2d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=268&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512161/original/file-20230224-576-hria2d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=337&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512161/original/file-20230224-576-hria2d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=337&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512161/original/file-20230224-576-hria2d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=337&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Schématisation des approches de durabilité forte et de durabilité faible.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.semanticscholar.org/paper/%C3%89valuation-synth%C3%A9tique-de-la-durabilit%C3%A9-des-%3A-et-de-H%C3%A9ly/5a1cb53595637b52962ed7e95397bf4e34e01a8d/figure/11">Vincent Hély d’après Lourdel (2005)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cela ne veut bien évidemment pas dire que toutes les dégradations de l’environnement naturel sont permises, mais que certaines d’entre elles sont jugées acceptables, car elles soutiennent un régime de développement économique et technologique dont les générations futures pourront pleinement bénéficier.</p>
<p>Il est ainsi acceptable de continuer à émettre du CO<sub>2</sub> dans l’atmosphère sur la base d’énergies fossiles, car les performances de ce système permettent d’investir dans de nouvelles technologies qui à l’avenir seront beaucoup moins problématiques et vertueuses pour l’environnement. Le développement durable faible fait un pari sur l’avenir et les capacités du génie humain à solutionner les problèmes.</p>
<h2>La durabilité forte</h2>
<p>Le développement durable fort refuse la substitution entre le capital économique et le capital naturel. Il est à cet égard inenvisageable de compenser une perte de biodiversité ou la dégradation d’un service écosystémique par un surplus de valeur économique ou un nouveau dispositif technologique. Les éléments qui constituent l’environnement naturel ne doivent pas être dégradés afin d’être transmis en l’état aux générations futures.</p>
<hr>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Pour suivre au plus près les questions environnementales, retrouvez chaque jeudi notre newsletter thématique « Ici la Terre ». Au programme, un mini-dossier, une sélection de nos articles les plus récents, des extraits d’ouvrages et des contenus en provenance de notre réseau international. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-environnement-150/">Abonnez-vous dès aujourd’hui</a>.</em></p>
<hr>
<p>Il n’est bien évidemment pas interdit de dégrader certaines ressources naturelles, mais cette dégradation ne doit pas dépasser certains seuils, qui permettent à ces ressources de se régénérer ou de se reproduire. Nous léguons aux générations futures un certain état du système Terre qui leur permettra de vivre dans un environnement naturel, ainsi que des biorégions qui auront des caractéristiques biophysiques identiques ou très proches de celles connues aujourd’hui.</p>
<p>Dans cette perspective, l’activité économique ne disparaît bien évidemment pas, mais elle doit s’insérer dans un tissu naturel et social qu’elle ne dégrade pas, voire qu’elle régénère. Dans cette logique, il convient de limiter l’utilisation des énergies fossiles afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C degré et de ne rien lâcher sur ce seuil dont le franchissement entraînerait une transformation considérable des conditions de vie pour les générations futures.</p>
<h2>Vous avez dit « agriculture durable » ?</h2>
<p>Le secteur agricole est aujourd’hui rattrapé par ces deux visions incompatibles du développement durable. S’il est sensible aux enjeux de développement durable depuis au moins 20 ans, le secteur agricole français a toujours été orienté <a href="https://www.cairn.info/le-demeter-2023%E2%80%930011662119-page-25.htm">par une conception faible de la durabilité</a>.</p>
<p>L’objectif a toujours été de maintenir, voire d’accroître, les performances économiques, tout en cherchant à limiter les impacts négatifs sur l’environnement naturel. Cette trajectoire en matière de durabilité conduit à des performances questionnables, car sur les 9 limites planétaires identifiées par les travaux du Stockholm Resilience Centre, <a href="https://www.ecologyandsociety.org/vol22/iss4/art8/">l’agriculture participe directement à la dégradation de 5 d’entre elles</a>.</p>
<p>L’agriculture est ainsi directement responsable du changement climatique, de la perturbation des cycles de l’azote et du phosphore, de la perturbation du cycle de l’eau, de l’érosion de la biodiversité et de l’introduction de nouvelles entités dans la biosphère.</p>
<p>Ces limites planétaires correspondent à des processus biophysiques dont il ne faut pas perturber le fonctionnement, sous peine de voir toute la machinerie planétaire se transformer, conduisant à une très forte dégradation des conditions d’habitabilité de la planète Terre pour l’espèce humaine.</p>
<p><strong>Représentation des neuf limites planétaires</strong> (traduit de <a href="https://science.sciencemag.org/content/347/6223/1259855">Steffen et coll., 2015</a>)</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/355200/original/file-20200827-14-1wfwwzj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/355200/original/file-20200827-14-1wfwwzj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/355200/original/file-20200827-14-1wfwwzj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/355200/original/file-20200827-14-1wfwwzj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/355200/original/file-20200827-14-1wfwwzj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/355200/original/file-20200827-14-1wfwwzj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/355200/original/file-20200827-14-1wfwwzj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/355200/original/file-20200827-14-1wfwwzj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Steffen, W.,et al. « A safe operating space for humanity ». Nature 461, pp. 472–475</span></span>
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<p>(<em>cliquer pour zoomer</em>)</p>
<p>La décision radicale des Pays-Bas est emblématique de cette compréhension d’une impasse en matière de trajectoire de durabilité de l’agriculture hollandaise. Les dirigeants politiques ont entériné le fait que leur modèle agricole conduit au dépassement des limites planétaires et qu’une nouvelle trajectoire de durabilité s’impose. La décision prise en 2022 marque ainsi le passage d’une conception de la durabilité agricole de faible à forte.</p>
<p>Dans cette perspective, les pratiques et les ambitions en matière de durabilité agricole ne sont plus les mêmes. Il ne s’agit plus de trouver le meilleur compromis entre les enjeux économiques, sociaux et environnementaux, mais bien de s’assurer que les pratiques agricoles n’ont pas d’impacts négatifs sur les différentes composantes de l’environnement naturel : l’eau, l’air, le sol et la biodiversité.</p>
<h2>En marche vers une durabilité forte</h2>
<p>En dépit des efforts en matière de durabilité, les compromis entre les objectifs sociaux, économiques et environnementaux observables sont à l’heure actuelle en France sont très <a href="https://www.editionsbdl.com/produit/refonder-lagriculture-a-lheure-de-lanthropocene/">largement insuffisants</a>.</p>
<p>Le secteur agricole a un impact négatif sur des processus géophysiques essentiels à la survie de l’espèce humaine et il devra inévitablement apporter des réponses pour aller vers une neutralité, voire potentiellement une régénération.</p>
<p>La société civile et les responsables politiques imposeront des normes dans les années qui viennent qui s’inséreront dans le paradigme de la durabilité forte. Cet objectif implique une puissance remise en question de certaines pratiques agricoles, l’acquisition de nouvelles connaissances, le développement de nouvelles technologies et, bien évidemment, un financement d’une transition.</p>
<p>Cette transition passera également par un renoncement et un démantèlement, comme le montre l’exemple des Pays-Bas.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200652/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bertrand Valiorgue ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Durabilité forte ou faible ? Le secteur agricole français est aujourd'hui rattrapé par ces deux visions incompatibles du développement durable.Bertrand Valiorgue, Professeur de stratégie et gouvernance des entreprises, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1858042022-09-06T21:40:12Z2022-09-06T21:40:12ZRendre les modèles économiques « durables » attrayants : le cas de l’électricité néerlandaise<p><a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/284713-nouveau-rapport-du-giec-des-solutions-face-au-rechauffement-climatique">Rendre l’économie plus durable</a> afin d’éviter les effets désastreux du changement climatique est devenu une nécessité indiscutable. Or une transition vers une économie « net zéro » implique un changement fondamental dans la manière dont les <a href="https://theconversation.com/comment-les-grandes-entreprises-prennent-elles-en-compte-les-enjeux-climatiques-183739">entreprises fonctionnent</a> et gagnent de l’argent.</p>
<p>Par conséquent, les modèles économiques actuels, axés uniquement sur la réalisation de bénéfices, ne sont plus viables dans un avenir « net zero ». Comment alors les remplacer ? À quoi ressembleront les modèles économiques de l’avenir ? Et comment convaincre les leaders du marché de changer une recette gagnante ? Sachant qu’il est peu probable qu’ils puissent maintenir les mêmes flux de revenus avec un modèle durable.</p>
<p>Il existe de nombreuses options, mais <a href="https://doi.org/10.1016/j.jbusvent.2009.07.005">seules quelques-unes</a> sont jusqu’à présent parvenues à s’imposer dans un monde où l’essentiel de l’argent est encore gagné par des entreprises qui polluent la planète et n’ont pas à payer pour cela. Comment les entrepreneurs qui conçoivent ces modèles réussissent-ils à faire accepter leurs idées, quand bien même elles remettent en cause les idées reçues sur ce que les consommateurs aiment et sont prêts à payer ?</p>
<h2>Mettre en avant d’autres avantages</h2>
<p>Dans notre <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/10860266221079406">dernière publication</a>, nous montrons comment des entrepreneurs du secteur néerlandais de l’électricité ont réussi à rallier le public à leur modèle de vente d’électricité verte. Pendant des décennies, le secteur de l’électricité a été dominé par un modèle dans lequel des entreprises verticalement intégrées produisaient de l’électricité dans de grandes centrales utilisant des combustibles fossiles.</p>
<p>Mais les pressions en faveur de la décarbonation, de la numérisation et de la déréglementation du secteur ont permis à de nouveaux acteurs d’entrer sur le marché avec une proposition différente. Comment ont-ils su se rendre attractifs ?Les modèles classiques de vente d’électricité reposent sur l’idée que « l’argent est roi ». Le prix et la fiabilité déterminent le choix des clients, rien d’autre.</p>
<p>C’est en changeant cette perception de ce qui fait la valeur de l’électricité verte que les entrepreneurs néerlandais ont su rendre leur modèle attrayant. Sans ignorer l’importance du prix et de la fiabilité, ils mettent également en avant d’autres avantages à choisir l’électricité verte. Certains arguments de vente consistent à laisser les clients choisir la provenance de leur électricité (elle est produite dans mon village), qui produit leur électricité (elle est produite par mes amis et ma famille) et comment leur électricité est produite (je peux décider comment elle est produite).</p>
<p>Toutefois, mettre l’accent sur ces aspects n’a pas suffi à généraliser les modèles de l’électricité verte.</p>
<h2>Décrédibiliser les acteurs classiques</h2>
<p>Les entrepreneurs, ainsi que les ONG, ont également dû changer la perception des clients sur les offres des leaders du marché en montrant que ces offres n’étaient pas vraiment vertes. En partie grâce à un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=7bJcHMsPrl4">marketing non conventionnel</a>, ils ont fait germer dans l’esprit des gens l’idée que l’on ne pouvait pas faire confiance aux grandes compagnies d’électricité pour mener à bien la transition vers une consommation nette zéro.</p>
<p>Une start-up influente, Vandebron, a ainsi proposé d’acquérir une centrale électrique au charbon <a href="https://cleantechnica.com/2017/03/24/energy-start-up-vandebron-bids-dutch-coal-power-plant-turn-theme-park/">pour un million d’euros</a>, avec l’intention de la transformer en parc d’attractions. Elle a tenté de prouver que le propriétaire actuel, Nuon, n’était pas disposé à mettre fin à ses activités liées aux combustibles fossiles.</p>
<p>[<em>Plus de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Les entrepreneurs ont également fait prendre conscience aux gens que la plupart de l’électricité verte proposée n’était pas produite aux Pays-Bas, mais qu’elle était simplement le résultat d’un <a href="https://theconversation.com/label-vertvolt-vers-une-prise-en-compte-de-ladditionnalite-dans-les-offres-delectricite-verte-173277">exercice sur papier</a> où les entreprises achètent des certificats verts pour affirmer que leur électricité sale est verte.</p>
<p>En faisant honte aux entreprises existantes, les entrepreneurs ont créé un espace pour leur propre offre, car les consommateurs ont commencé à chercher des fournisseurs alternatifs, vendant de l’électricité réellement verte. Ils ont également fait pression sans relâche pour obtenir des changements réglementaires permettant de déployer d’autres modes d’approvisionnement en électricité, tels que la livraison de pair-à-pair et les micro-réseaux communautaires.</p>
<h2>Déboulonner le mythe du prix bas</h2>
<p>En faisant comprendre aux gens que l’électricité verte présente de nombreux avantages et que l’on ne peut pas faire confiance aux leaders du marché pour atteindre le net zéro, les entrepreneurs ont réussi à montrer qu’il est possible de faire les choses différemment et que cela peut être source de succès économique.</p>
<p>Ils ont démantelé l’idée selon laquelle les entreprises ne peuvent réussir dans ce secteur que si elles proposent un prix bas : au contraire, ils ont révélé que les citoyens sont prêts à payer un peu plus si l’électricité est produite localement, s’ils peuvent l’acheter directement à leurs voisins, leur famille ou leurs amis, ou si cela signifie qu’un prix équitable est versé à ceux qui produisent l’électricité.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Les business models de l’innovation sociale » avec Thibault Daudigeos et Caroline Gauthier (Xerfi Canal, 21 janv. 2019).</span></figcaption>
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<p>Même si l’électricité elle-même a exactement la même fonction, à savoir alimenter nos appareils, les entrepreneurs ont montré que les gens accordent de l’importance à la provenance de leur électricité et à la manière dont elle est produite. Déboulonner les mythes sur la réussite dans le secteur a ouvert les yeux des leaders du marché qui ont commencé à acquérir des start-up dont les <em>business model</em> durables ont fait leurs preuves.</p>
<p>Alors, ces modèles durables dominent-ils désormais le secteur ? Malheureusement, non. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Mais les entrepreneurs et les ONG ont réussi à prouver qu’il était possible de créer de la valeur autrement, et ils ont aidé les leaders du marché à se diversifier, en proposant une électricité véritablement verte, livrée de différentes manières, notamment par des plates-formes d’échange d’énergie de pair-à-pair. Les gens ont désormais beaucoup plus de choix pour passer au vert.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185804/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>C’est désormais l’un des principaux défis auxquels sont confrontées les entreprises : construire des modèles économiques à la fois durables, rentables et attractifs pour le grand public.Anne-Lorène Vernay, Associate professor, Grenoble École de Management (GEM)Jonatan Pinkse, Professor, University of ManchesterMélodie Cartel, Lecturer in organization theory, UNSW SydneyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1393572020-05-31T16:52:22Z2020-05-31T16:52:22ZComment la crise souligne les faiblesses des extrêmes<p>La lutte contre la pandémie du Covid-19 a mis au premier plan de l’agenda public toute une série de thèmes : la désorganisation de la puissance publique, la fermeture des frontières, le contrôle strict des flux migratoires, les effets pervers de la mondialisation, la supposée incurie de l’Union européenne, la mise en œuvre de mesures autoritaires…</p>
<p>Tous ces sujets sont, depuis des décennies, au cœur des programmes et des projets des forces nationalistes et populistes qui ont connu un certain succès lors des dernières élections européennes de juin 2019. En France, la liste du Rassemblement national emmenée par Jordan Bardella <a href="https://www.bfmtv.com/politique/europeennes-jordan-bardella-le-benjamin-rompu-aux-tactiques-militantes-du-rn-1695236.html">était arrivée en tête avec 23,3 %</a> des suffrages exprimés devant la liste de la majorité dirigée par Nathalie Loiseau (22,4 %).</p>
<p>La brusque montée en puissance de toutes ces thématiques, reprises au plus haut niveau dans la plupart des pays européens par les forces de gouvernement qu’elles soient de gauche, de droite ou d’ailleurs, pourrait ouvrir des perspectives de développement aux forces extrêmes qui véhiculent, depuis de longues années, nombre de <a href="https://socialistregister.com/index.php/srv/article/view/5799">ces enjeux</a>.</p>
<h2>La mondialisation dans le viseur</h2>
<p>Depuis plus d’une décennie, les populismes nationaux tiennent un discours très <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-de-politique-comparee-2005-4-page-415.htm">hostile</a> à la mondialisation.</p>
<p>Cette orientation est au cœur de toutes les dénonciations populistes qu’elles viennent de la droite ou de la gauche. Marine Le Pen (alors Front national, désormais Rassemblement national) s’est posée en dernier recours de la <a href="https://www.lejdd.fr/Politique/Marine-Le-Pen-se-pose-en-dernier-recours-face-a-la-mondialisation-affreuse-845582">« mondialisation affreuse »</a> lors de la dernière élection présidentielle de 2017.</p>
<p>Jean‑Luc Mélenchon (La France Insoumise) n’a jamais été en reste sur ce créneau et vitupérait la « mondialisation esclavagiste ».</p>
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<figcaption><span class="caption">Jean‑Luc Mélenchon, « La mondialisation esclavagiste et la résistance à l’oppression » (février 2017).</span></figcaption>
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<h2>Un bouc émissaire idéal</h2>
<p>L’appel à une sortie de la mondialisation ou à une maîtrise étroite de celle-ci est un des thèmes centraux de la rhétorique populiste.</p>
<p>Or, depuis trois mois, la « mondialisation heureuse » n’est pas au rendez-vous. Elle montre qu’elle est très imparfaite et qu’elle peut dysfonctionner gravement. Au-delà des déséquilibres économiques et sociaux qu’elle peut charrier, la mondialisation fait maintenant découvrir qu’elle est le vecteur de la diffusion d’une épidémie dans tous les continents à partir de son foyer originel de Wuhan au cœur de la Chine continentale.</p>
<p>Après cet épisode où l’on a pu constater que la propagation du virus était étroitement articulée à l’intensité des voyages aériens, la mondialisation ne fait plus l’objet de doutes mais de peurs liées au péril humain qu’elle peut engendrer. Déjà, fin janvier 2020, 55 % des Français interrogés dans le <a href="http://www.sciencespo.fr/cevipof/sites/sciencespo.fr.cevipof">baromètre de confiance politique de Sciences Po</a> estimaient que « la France doit se protéger davantage du monde d’aujourd’hui », réinterrogés début avril ils étaient 65 % à penser de même.</p>
<p>Pourtant, en dépit des craintes ravivées devant la mondialisation dans le contexte pandémique actuel, les leaders des forces populistes et antimondialistes, en France et à l’étranger, ne semblent pas pour l’instant bénéficier de cette situation potentiellement favorable.</p>
<h2>Asseoir une image alternative crédible</h2>
<p>Ni Marine Le Pen, ni Jean‑Luc Mélenchon, ni Matteo Salvini chef de la Ligue en Italie, ni Jörg Meuthen, leader de l’AfD ou Sarah Wagenknecht patronne d’Aufstehen en Allemagne, ni Geert Wilders responsable du Parti pour la liberté aux Pays-Bas, ni Norbert Hofer, président du FPÖ en Autriche, ni Santiago Abascal, dirigeant de Vox en Espagne ne semblent profiter de la crise sanitaire et des dérèglements économiques et sociaux qu’elle engendre.</p>
<p>Les extrêmes politiques, qui sont souvent les <a href="https://www.fayard.fr/pluriel/les-nouveaux-populismes-9782818503423">symptômes des crises majeures</a> que les sociétés traversent, ont besoin également d’avoir une image d’alternatives crédibles, susceptibles de mieux résoudre ces crises que ne le font les traditionnelles forces de gouvernement de droite ou de gauche.</p>
<p>Depuis quelques années, les extrêmes ont ici et là participé au pouvoir (Italie, Autriche, Espagne, Finlande, Slovaquie…) et n’ont pas laissé forcément d’impérissables souvenirs de leur <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/ei/2009-v40-n2-ei3477/038284ar/">capacité gouvernante</a>.</p>
<p>Au-delà de l’Europe, les victoires de Donald Trump aux États-Unis et de Jair Bolsonaro au Brésil ne se soldent pas par une gouvernance sereine et sérieuse de nombre d’enjeux publics au premier rang desquels la santé.</p>
<p>Avec la crise sanitaire, le retour de la confiance dans les experts est incontestable et de facto étouffe la voix ou plus exactement le crédit des leaders populistes et démagogues. Ainsi selon le <a href="https://www.ifop.com/publication/le-barometre-des-deux-crises/">sondage IFOP pour No Com, 5-6 mai 2020</a>, 79 % des personnes interrogées font confiance aux experts scientifiques pour assurer efficacement leur rôle dans la crise sanitaire du coronavirus.</p>
<h2>Un manque d’expertise</h2>
<p>La réputation de ces derniers n’est pas fondée sur l’expertise, plus encore elle s’accommode volontiers de l’approximation, des foucades et d’une litanie de condamnations sans appel.</p>
<p>Après avoir accusé, le 30 mars, le gouvernement « de mentir sur absolument tout, sans exception », Marine Le Pen, le 8 mai, <a href="https://www.sudouest.fr/2020/05/08/coronavirus-marine-le-pen-prepare-un-livre-noir-sur-la-gestion-de-la-crise-7469011-10618.php">déclare</a> « Quand tous les mensonges du gouvernement seront mis les uns après les autres, on s’apercevra que, probablement, c’est le gouvernement qui a le plus mal géré cette crise et de surcroît a fait preuve de mépris à l’égard de la population ».</p>
<p>Ce noviciat et même cet amateurisme, à l’heure où l’opinion exige une certaine maîtrise de « professionnels », handicapent fortement les extrêmes politiques coutumiers de la protestation tous azimuts mais peu familiers de l’exercice du pouvoir et du bon fonctionnement de l’appareil d’État.</p>
<p>Si, en France, une minorité de Français (44 %) fait « confiance au gouvernement pour faire face efficacement au coronavirus » (<a href="https://www.lejdd.fr/Politique/sondage-coronavirus-la-confiance-dans-le-gouvernement-remonte-fortement-3968804">sondage IFOP/JDD des 14 et 15 mai</a>) ils sont encore moins nombreux à le faire chez les électeurs de Marine Le Pen (24 %) ou de Jean‑Luc Mélenchon (24 %).</p>
<p>Cette défiance particulière ne rend pas pour autant les leaders extrémistes plus crédibles dans leur gestion éventuelle de la crise. Interrogés les 29 et 30 avril par l’IFOP pour <em>le Journal du dimanche</em>, 20 % seulement des personnes interrogées pensent que Marine Le Pen « ferait mieux qu’Emmanuel Macron si elle était au pouvoir aujourd’hui » (ils étaient 26 % en novembre 2018 et 27 % en octobre 2019).</p>
<p>C’est encore moins de Français (15 %) qui considèrent que le leader de la France insoumise ferait mieux que le Président (ils étaient 20 % en novembre 2018 et 17 % en octobre 2019).</p>
<p>Au-delà de leurs seuls soutiens directs (sympathisants du Rassemblement national ou de la France insoumise) ces leaders n’ont aucune capacité de conviction quant au talent de gouvernement qu’on leur prête. La crise du Covid-19 a même plutôt contribué à éroder cette capacité déjà faible.</p>
<h2>La colère ne suffit pas</h2>
<p>Ainsi, l’expression des colères et des inquiétudes qui nourrissent les dynamiques protestataires des formations extrémistes ne suffit pas à créer mécaniquement une confiance alternative en ces mouvements.</p>
<p>Les solutions économiques dont elles sont porteuses (et en particulier un protectionnisme très étroit), des éthiques de conviction qui ne laissent que peu de place à l’éthique de la responsabilité.</p>
<p>Dans une conférence sur le politique, le <a href="http://classiques.uqac.ca/classiques/Weber/savant_politique/Le_savant.html">sociologue allemand Max Weber</a> disait :</p>
<blockquote>
<p>« Toute activité orientée selon l’éthique peut être subordonnée à deux mondes différents et irréductiblement opposés. D’un côté l’éthique de conviction repose sur des principes supérieurs auxquels on croit, de l’autre l’éthique de la responsabilité prend en compte les effets concrets que l’on peut raisonnablement prévoir. »</p>
</blockquote>
<p>L’absence souvent de pratiques de pouvoir et de gestion de collectivités, l’imprécation qui tient parfois lieu de conviction, sont autant d’éléments qui inquiètent des citoyens à la recherche d’un « sérieux gouvernemental » et d’une expérience de la chose publique.</p>
<p>Ce « plafond de verre » de la respectabilité gouvernante semble encore tenir et empêche que la passion extrémiste saisisse un nombre croissant d’électeurs.</p>
<p>Au début de la crise du Covid-19, lors du premier tour des élections municipales, le 15 mars, le Rassemblement national qui était loin de présenter partout des listes n’a rassemblé qu’un modeste 2,3 % des suffrages, la France insoumise n’en attirant qu’un encore plus modeste 0,4 %.</p>
<p>En revanche, huit des douze listes conduites par des maires sortants du Rassemblement national ont été réélues dès le premier tour ce qui montre indirectement la capacité désinhibitrice de la <a href="https://jean-jaures.org/nos-productions/municipales-quelles-perspectives-de-victoire-pour-le-rassemblement-national">dimension gestionnaire</a> lorsqu’elle a pu se développer pendant six ans de mandat.</p>
<p>Partout ailleurs, le Rassemblement national n’a gagné aucune commune et était même souvent en perte de régime par rapport aux élections municipales de mars 2014. La crise du Covid-19, parce qu’elle touche à la vie, a renforcé l’attente d’esprit de sérieux de la part des décideurs publics. Or, les extrêmes semblent encore manquer de cette « gravitas » dont parlaient les Anciens et qui sied mal aux leaders forts en gueule des formations extrémistes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/139357/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pascal Perrineau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En dépit des apparences, la montée en puissance de nombreuses thématiques chères aux partis d’extrême droite ou gauche ne semble pas leur bénéficier particulièrement en temps de crise.Pascal Perrineau, Professeur de sciences politiques, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1306592020-01-29T17:51:57Z2020-01-29T17:51:57ZL’Europe des 27 ne veut surtout pas imiter le Brexit<p>Le Brexit n’est pas une bonne nouvelle pour l’Union européenne : il représente une amputation, en termes de poids commercial, politique et stratégique. Il rend aussi plus difficile le discours normatif sur le modèle européen de régionalisme dans le monde. Au Brésil, en Inde ou en Afrique du Sud, le modèle apparaît comme une entreprise qui se délite. Par ailleurs, le Brexit acte la possibilité d’une véritable réversibilité politique, si bien que certains ont même parlé d’une <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2016/07/11/le-scenario-noir-d-une-desintegration-de-l-union-europeenne_4967370_3232.html">désintégration de l’Union européenne</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/312275/original/file-20200128-81346-1t6xcjo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/312275/original/file-20200128-81346-1t6xcjo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/312275/original/file-20200128-81346-1t6xcjo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/312275/original/file-20200128-81346-1t6xcjo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/312275/original/file-20200128-81346-1t6xcjo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/312275/original/file-20200128-81346-1t6xcjo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/312275/original/file-20200128-81346-1t6xcjo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’Europe est-elle vraiment sur le point de craquer ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/policy-crisis-national-security-concept-flag-747225766">Syda Productions/Shutterstock</a></span>
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<h2>L’unité renouvelée des Européens</h2>
<p>Malgré cela, du point de vue des gouvernements nationaux, il est remarquable que les 27 autres États membres aient présenté dans les négociations un « front uni » face aux divisions britanniques. Le rapport de force a été clairement en faveur de l’Union européenne, ce qui s’explique par plusieurs facteurs : conscience aiguë de la nécessité absolue de préserver l’intégrité du marché intérieur au cœur de l’existence politique de l’UE ; volonté unanime de ne pas accorder au Royaume-Uni un statut plus favorable à l’extérieur de l’UE qu’en sa qualité d’État membre, afin de ne pas renforcer la montée des partis europhobes ; poids économique et commercial de l’UE ; moindre dépendance commerciale de l’UE vis-à-vis du Royaume-Uni que l’inverse ; mandat à l’unanimité donné par les 27 États membres au négociateur en chef de l’UE, Michel Barnier.</p>
<p>Il est enfin remarquable que les « Européens » aient réussi à faire preuve d’unité alors que le Royaume-Uni avait tissé depuis des années des relations bilatérales privilégiées avec certains d’entre eux, comme le Danemark et la Suède en raison de leur position externe à la zone euro, ou la Pologne et la République tchèque en raison d’une aversion partagée pour une plus grande supranationalité des institutions européennes.</p>
<h2>Des opinions publiques échaudées par le Brexit</h2>
<p>De leur côté, qui l’eût cru mais, après le Brexit, les opinions publiques sont devenues généralement <a href="https://www.touteleurope.eu/actualite/des-europeens-toujours-plus-europhiles.html">plus favorables</a> à l’appartenance de leur pays à l’Union européenne. Cette évolution est constatée y compris dans les États membres actuellement gouvernés par des forces politiques national-populistes et illibérales comme la <a href="https://hungarytoday.hu/over-60-of-hungarians-like-being-eu-members-new-study-finds/">Hongrie</a> et la <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Europe/En-Pologne-meme-PiS-dit-attache-lUE-2019-05-14-1201021604">Pologne</a>. Par ailleurs, on ne trouve dans aucun pays membre une majorité en faveur de la sortie de l’UE et il n’y a de remise en cause de l’appartenance à l’Union ni en Hongrie, ni en Pologne, ni même en <a href="https://www.liberation.fr/planete/2018/05/28/l-italie-encore-bien-ancree-en-europe_1654863">Italie</a> ou encore en <a href="https://www.ladepeche.fr/article/2018/10/17/2890107-eurobarometre-2018-64-francais-adhesion-union-europeenne-est-bonne-chose.html">France</a>, même si cela n’exclut pas que de <a href="https://www.europe1.fr/international/europeennes-les-europhobes-montent-mais-les-pro-ue-restent-majoritaires-selon-un-sondage-3860027">sévères critiques « eurosceptiques »</a> s’expriment au sein de l’UE.</p>
<p>Depuis le référendum britannique, une grande incertitude a été ressentie en raison des crises politique et constitutionnelle que le Brexit a générées au sein même du Royaume-Uni. En outre, la crainte des conséquences économiques et financières de la sortie de l’UE conduit une majorité de l’opinion publique à s’opposer à la sortie de l’Union européenne ou de la zone euro. Enfin, bien que le contrôle plus strict de l’immigration (notamment centre-européenne) ait été une priorité absolue pour les forces politiques pro Brexit pendant la campagne référendaire de 2016, les enquêtes d’opinion suggèrent qu’une majorité des électeurs de l’UE considère que la régulation des flux migratoires <a href="https://www.europarl.europa.eu/at-your-service/files/be-heard/eurobarometer/2018/parlemeter-2018/report/en-parlemeter-2018.pdf">nécessite des solutions au niveau européen plutôt que national</a>.</p>
<h2>Les eurosceptiques mettent de l’eau dans leur vin</h2>
<p>En dernier lieu, si le discours néo-souverainiste de Nigel Farage, le leader du parti pour le Brexit, a pu être utilisé comme une ressource par les partis eurosceptiques des 27 (de nouveaux néologismes sont apparus dans les débats publics tels que « Frexit » en France, « Nexit » aux Pays-Bas et « Czexit » en République tchèque), la stratégie d’une sortie complète de l’UE ne fait désormais plus recette. Les partis eurosceptiques au sein des 27 ont <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/05/24/les-partis-europhobes-ont-renonce-a-sortir-de-l-union-europeenne_5466454_3210.html">abandonné la référence à la sortie</a> dans un contexte marqué par les difficiles négociations entre l’UE et le Royaume-Uni.</p>
<p>Le virage à 180 degrés du programme du Rassemblement national illustre parfaitement cette évolution en France. Après son échec à l’élection présidentielle de 2017, Marine Le Pen <a href="https://www.franceinter.fr/politique/marine-le-pen-renonce-officiellement-au-frexit-dans-son-projet">ne défend plus</a> la sortie de la France de l’Union européenne et de la zone euro, et recentre toutes ses critiques sur la question de l’immigration. De même, Alternative für Deutschland (AfD) en Allemagne, parti créé en 2013 en réponse à la crise de la zone euro, <a href="https://www.zeit.de/politik/deutschland/2019-01/alexander-gauland-afd-parteitag-eu-dexit-brexit">ne réclame plus</a> que l’Allemagne abandonne l’euro et revienne au Deutschemark ; AfD concentre maintenant son discours et sa stratégie politiques sur les conséquences négatives de la crise des réfugiés après 2015 et de l’immigration en Allemagne. En Italie, le parti la Lega de Matteo Salvini n’a jamais utilisé l’argument de la sortie de l’UE malgré les vives critiques qu’il a exprimées vis-à-vis de l’Union lorsqu’il était au pouvoir à Rome avec le Mouvement 5 étoiles.</p>
<p>Les incertitudes résultant des négociations controversées sur les conditions du Brexit au Royaume-Uni (trois rejets du compromis négocié avec les 27 par le parlement national) et entre le Royaume-Uni et les 27 ont ainsi convaincu les partis eurosceptiques que quitter l’Union européenne était un exercice très délicat. Ces négociations ont également démontré que la préservation de l’intégrité du marché intérieur était dans l’intérêt de toutes les économies nationales des États membres. Au sein des 27, il n’y a aucun gouvernement – ni aucune majorité de citoyens – prêt à accepter les risques économiques de quitter le marché intérieur ou l’euro dans le contexte actuel.</p>
<h2>Le Brexit, un contre-modèle ?</h2>
<p>Dès lors, il est peu probable que le retrait britannique serve de modèle et valide la désintégration de l’UE par un effet de dominos. À l’inverse, le Brexit a joué un rôle de contre-modèle et, paradoxalement, a renforcé la cohésion de l’UE. C’est la première fois en dix ans que les 27 ont été aussi unis, certains au nom des principes et d’autres simplement au nom des intérêts. Ce fut une grande leçon pour la diplomatie britannique qui pensait qu’elle allait pouvoir jouer sur les divisions internes des 27 pour pousser ses pions, un peu comme les Chinois le font pour empêcher une vraie politique unie à leur égard. En fait, il n’en fut rien, au grand dam parfois des négociateurs britanniques.</p>
<p>Il reste désormais à observer si les 27 feront preuve d’autant de cohésion dans la négociation d’un nouvel accord entre le Royaume-Uni et l’UE. Car, de ce point de vue, le Brexit est loin d’être achevé. En quelque sorte, la négociation sur le nouvel accord occupera toute l’année 2020 et peut-être davantage, car personne ne croit vraiment que tout pourra être réglé en un an contrairement à ce que clame le premier ministre Johnson. Mais ce dernier n’est pas à une volte-face près. Il a souvent montré qu’il était un homme politique parfaitement capable de revenir sur ses engagements.</p>
<hr>
<p><em>Ce texte est basé sur une étude de Thierry Chopin et Christian Lequesne : <a href="https://www.tandfonline.com/loi/cjea20">« Disintegration Reversed : Brexit and the Cohesiveness of the EU 27 »</a> à paraître en 2020 dans le _Journal of Contemporary European Studies</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130659/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thierry Chopin is affiliated with the Jacques Delors Institute. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christian Lequesne ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Contrairement à ce qui avait parfois été annoncé, le Brexit n’a pas incité les opinions publiques des 27 États membres de l’UE à réclamer un « Exit » de leur propre pays. Au contraire, même.Christian Lequesne, Professeur de sciences politiques, Sciences Po Thierry Chopin, Professeur de sciences politiques à l'European School of Political and Social Sciences (ESPOL), Institut catholique de Lille (ICL)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1263772019-12-15T17:53:38Z2019-12-15T17:53:38ZQuand l’histoire de l’art dialogue avec l’histoire du climat<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/300072/original/file-20191104-88399-2f7ik1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2296%2C1220&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Hendrick Avercamp, Les plaisirs de la glace près d'une ville, 1620.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Hendrick_Avercamp_-_Winterlandschap_met_schaatsers_bij_de_stad_Kampen.jpg">Wikipédia</a></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>Qu’il est doux, qu’il est doux d’écouter des histoires,<br>
Des histoires du temps passé,<br>
Quand les branches d’arbres sont noires,<br>
Quand la neige est épaisse et charge un sol glacé !</p>
</blockquote>
<p>C’est par ces mots d’Alfred de Vigny que je vous invite à explorer un paysage d’hiver. Direction Kampen, petite ville hollandaise à une centaine de km à l’est d’Amsterdam, au début du XVII<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>C’est là qu’a vécu pendant une grande partie de sa vie <a href="https://www.nationalgallery.org.uk/artists/hendrick-avercamp">Hendrick Avercamp</a>, artiste spécialiste de scènes hivernales. Dans ma thèse de géographie, publiée il y a un an <a href="https://sup.sorbonne-universite.fr/catalogue/beaux-livres/geographie/lhiver-au-siecle-dor-hollandais">sous la forme d’un beau livre</a>, j’ai travaillé sur un corpus de ses peintures et sur les peintures d’autres artistes hollandais du XVII<sup>e</sup> siècle. L’idée consistait à étudier si leurs œuvres correspondent à la réalité des hivers de l’époque ou s’il s’agissait simplement d’un imaginaire glacé que l’artiste avait voulu transmettre.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/306954/original/file-20191215-85428-1czua93.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/306954/original/file-20191215-85428-1czua93.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/306954/original/file-20191215-85428-1czua93.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=702&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/306954/original/file-20191215-85428-1czua93.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=702&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/306954/original/file-20191215-85428-1czua93.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=702&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/306954/original/file-20191215-85428-1czua93.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=883&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/306954/original/file-20191215-85428-1czua93.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=883&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/306954/original/file-20191215-85428-1czua93.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=883&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Détail : les pêcheurs.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Que voyons-nous sur cette toile ? Un nombre impressionnant de personnages se déplacent sur une étendue de glace. À gauche, on distingue des pêcheurs, ayant probablement trouvé du poisson après avoir découpé un bloc de glace. On peut estimer son épaisseur à une quinzaine de cm en regardant le bloc de glace par rapport à la taille des personnages. Au loin, plusieurs tentes sont montées, il s’agit sans doute de buvettes éphémères qui affichent fièrement les drapeaux provinciaux. Plusieurs personnes aisées, d’après leurs costumes, avancent sur des traîneaux, peut-être vers la ville de Kampen dont on distingue les remparts à l’arrière-plan.</p>
<p>La glace est aussi un lieu où l’on expose ses richesses, le lieu « tendance »… C’est l’époque où arrive de France aux Pays-Bas le vertugadin avec son bourrelet placé au niveau des hanches pour donner à la robe des femmes de l’ampleur. À droite, on distingue deux <a href="https://www.newnetherlandinstitute.org/history-and-heritage/additional-resources/dutch-treats/the-dutch-origins-of-golf/">joueurs de <em>kolf</em></a>, l’ancêtre du golf (sur glace !). Encore un peu plus à droite, d’autres pêcheurs découpent un trou dans la glace en contrebas d’un gibet sur lequel on distingue des pendus. Dans le ciel, une couche de nuages rose-bleu assez uniforme occupe la moitié du tableau.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/306952/original/file-20191215-85376-18hn0ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/306952/original/file-20191215-85376-18hn0ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/306952/original/file-20191215-85376-18hn0ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/306952/original/file-20191215-85376-18hn0ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/306952/original/file-20191215-85376-18hn0ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/306952/original/file-20191215-85376-18hn0ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/306952/original/file-20191215-85376-18hn0ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Détail : les traîneaux.</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Évaluer le réalisme de l’image</h2>
<p>Cette image est-elle réaliste ? Pour répondre à cette question, j’ai consulté des ouvrages d’histoire de l’art, d’histoire culturelle et d’histoire du climat. L’approche géographique et climatologique m’a aussi conduit à interpréter cette œuvre d’art à la lumière des dynamiques atmosphériques, c’est-à-dire en regardant plus scrupuleusement les types de temps météorologiques et leur évolution supposée.</p>
<p>D’après les sources écrites, il est manifeste que cette peinture correspond bien à une image de la vie quotidienne. Les Hollandais s’habillaient bien ainsi, étaient bien adeptes des sports de glace, pêchaient, se déplaçaient massivement en hiver… Parfois plus qu’en été ! Parce qu’acheter des patins à glace ne coûtait quasiment rien et que la densité des cours d’eau en Hollande permettait d’aller voir sa famille ou des amis facilement. Alors qu’en été la marche était plus longue ou les coches d’eau plus onéreux ? Les buvettes étaient présentes, la bière coulait à flots, parfois après les parties déchaînées de kolf, aux règles bien définies – comme à la pétanque on pouvait essayer d’envoyer au loin pour la « dégommer » une boule trop proche du marqueur !</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/306953/original/file-20191215-85391-4ub6cc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/306953/original/file-20191215-85391-4ub6cc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=262&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/306953/original/file-20191215-85391-4ub6cc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=262&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/306953/original/file-20191215-85391-4ub6cc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=262&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/306953/original/file-20191215-85391-4ub6cc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=329&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/306953/original/file-20191215-85391-4ub6cc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=329&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/306953/original/file-20191215-85391-4ub6cc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=329&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Détail : les tentes/buvettes, ornées des drapeaux provinciaux.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Intéressons-nous maintenant aux éléments météorologiques et au climat. Le début du XVII<sup>e</sup> siècle est bien marqué par une récurrence d’hivers froids. C’est un des extrêmes frais du « petit âge glaciaire » décrit par Emmanuel le Roy Ladurie, terme sans doute excessif, correspondant à des températures moyennes d’environ -1 °C par rapport à la normale 1961-1990. La période a duré du début du XIV<sup>e</sup> siècle au milieu du XIX<sup>e</sup> siècle. Des anciennes chroniques, correspondances, observations météorologiques nous confirment que la Hollande était bien concernée par cette période plus froide. Mais pas tous les hivers et pas tout le temps en hiver…</p>
<p>Dans cette peinture, nous voyons la mer intérieure des Pays-Bas, la Zuiderzee, disparue car drainée en <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Travaux_du_Zuiderzee">grande partie au XXᵉ siècle</a>. À l’époque d’Avercamp, elle n’était pas du tout gelée tous les hivers. Certains amateurs de glisse, comme un certain Caescooper à la fin du XVII<sup>e</sup> siècle, se désolent d’ailleurs de ne pas pouvoir ajouter sous leur barque des patins pour y pratiquer une sorte de char à voile (sur glace, donc). Toutes les peintures hivernales d’Avercamp nous incitent à penser que tous les hivers étaient suffisamment froids pour que tous les cours et plans d’eau gèlent. Image d’Épinal : en reprenant les carnets d’un pasteur frison, ayant noté tous les jours le temps qu’il observait et les jours de gel, on peut estimer à moins de 20 % le nombre de jours entre décembre et février marqués par le gel.</p>
<p>Voilà donc sans doute l’enseignement d’une étude pluridisciplinaire entre géoclimatologie, histoire et art : ces tableaux sont des miroirs déformants. Ils nous montrent uniquement certains moments dans l’hiver ; et Avercamp ne sera pas le seul à peindre des hivers où les Hollandais de toutes classes sociales patinent. Au XVII<sup>e</sup> siècle, les scènes d’hiver sont à la mode et celles de Jan van Goyen, Aert van der Neer, Jacob van Ruisdael reprennent ce même motif qui devient presque un topos.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/306966/original/file-20191215-85412-x74c5t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/306966/original/file-20191215-85412-x74c5t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/306966/original/file-20191215-85412-x74c5t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/306966/original/file-20191215-85412-x74c5t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/306966/original/file-20191215-85412-x74c5t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/306966/original/file-20191215-85412-x74c5t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/306966/original/file-20191215-85412-x74c5t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Jan van Goyen, <em>Scène d’hiver sur la glace</em>, 1641.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Jan_van_Goyen_-_Winter_Scene_on_the_Ice_-_Google_Art_Project.jpg">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Alors pourquoi ? Pourquoi est-ce cette image des hivers qui a été peinte maintes et maintes fois ? Pourquoi ne pas représenter des hivers doux, des hivers humides avec des pluies ou chutes de neige importantes – ce qu’on ne voit jamais dans la peinture hollandaise de ce Siècle d’or ?</p>
<h2>Un hiver idéalisé</h2>
<p>Les hypothèses s’accumulent avec le renfort de l’interdisciplinarité. De fait : si ces hivers-là, froids et glacés, sont tellement peints, c’est parce qu’ils trouvaient leurs acheteurs. Ils étaient donc désirés, tant par les pauvres que par les riches, car acheter des peintures ne coûtait pas grand-chose. Vermeer lui-même, si côté aujourd’hui, avait échangé une de ses peintures contre une barque montée sur des patins à glace. Nul ne sait si cette barque existe encore, mais elle aurait sans doute valu une fortune aujourd’hui ! Ces peintures étaient l’équivalent de nos photographies, de famille ou de paysage, exposées dans nos intérieurs contemporains.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/306955/original/file-20191215-85367-12v9mvj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/306955/original/file-20191215-85367-12v9mvj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/306955/original/file-20191215-85367-12v9mvj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/306955/original/file-20191215-85367-12v9mvj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/306955/original/file-20191215-85367-12v9mvj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=553&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/306955/original/file-20191215-85367-12v9mvj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=553&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/306955/original/file-20191215-85367-12v9mvj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=553&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les joueurs de kolf, ancêtre du golf.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Peindre la glace permettait de mettre en valeur toute une société. Tout le monde patine, ensemble, enfant, femmes, hommes, riches et pauvres. La glace était le lieu de lien social, de melting-pot. Pour pouvoir afficher cette image, exit donc les ciels pluvieux ou neigeux (qui permettent beaucoup moins de sorties), tout comme les hivers doux (où l’on ne patine pas). Les ciels sont majoritairement couverts de stratus dans les peintures, ce qui est tout à fait cohérent pour des types de temps froids, alimentés par l’humidité, mais avec pas ou très peu de précipitations.</p>
<p>Peindre la glace, c’était aussi peindre une eau amie, maîtrisée, qui pouvait pourtant lorsqu’elle dégelait occasionner de sévères inondations. Enfin, et c’est là tendre peut-être vers la <a href="https://www.cairn.info/revue-natures-sciences-societes-2009-1-page-3.htm"><em>political ecology</em></a>, peindre la glace permettait aux Hollandais de se mettre en avant en tant que nouvelle société protestante, indépendante depuis peu de l’Espagne catholique. C’étaient des images d’hivers bien différentes de celles que peignaient les <a href="https://journals.openedition.org/gc/3943">Espagnols à l’époque</a>, comme la célèbre Vue de Tolède du Greco, noyée sous la chaleur.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/306967/original/file-20191215-85428-s7zca9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/306967/original/file-20191215-85428-s7zca9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=686&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/306967/original/file-20191215-85428-s7zca9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=686&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/306967/original/file-20191215-85428-s7zca9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=686&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/306967/original/file-20191215-85428-s7zca9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=862&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/306967/original/file-20191215-85428-s7zca9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=862&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/306967/original/file-20191215-85428-s7zca9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=862&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le Greco, <em>Vue de Tolède</em>, entre 1596 et 1600.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/f/f6/El_Greco_-_Vue_de_Tol%C3%A8de.jpg/1024px-El_Greco_-_Vue_de_Tol%C3%A8de.jpg">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il y aurait encore beaucoup à dire sur ces images qui fourmillent de détails. Le gibet à l’arrière-plan rappelle peut-être que la tolérance protestante n’existait que jusqu’à un certain point… Amusez-vous, soyez ensemble, mais dans le respect de valeurs morales ! Plus largement, montrer pourquoi certains courants artistiques sont marqués par certaines représentations paysagères plutôt que d’autres implique des regards pluridisciplinaires.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/306968/original/file-20191215-85367-1rig4wl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/306968/original/file-20191215-85367-1rig4wl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/306968/original/file-20191215-85367-1rig4wl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=719&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/306968/original/file-20191215-85367-1rig4wl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=719&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/306968/original/file-20191215-85367-1rig4wl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=719&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/306968/original/file-20191215-85367-1rig4wl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=904&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/306968/original/file-20191215-85367-1rig4wl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=904&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/306968/original/file-20191215-85367-1rig4wl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=904&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les initiales du peintre se cachent sur un tonneau.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/d/d7/Hendrick_Avercamp_-_Winterlandschap_met_schaatsers_bij_de_stad_Kampen.jpg">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La géographie, qui étudie les rapports entre les hommes et leur environnement, sonne à la porte. Car pour mieux comprendre ces œuvres d’art, la géoclimatologie, la géographie culturelle voire la géomorphologie peuvent donner des clés de lecture. L’angle de lecture climatique peut être particulièrement révélateur et mettre en perspective les enjeux de l’adaptation aux changements climatiques passés et présents. Il suffit de trouver la bonne loupe. Avez-vous d’ailleurs pu repérer la signature de l’artiste que, facétieux, il s’ingéniait à ajouter sous la forme de graffiti dans ses tableaux ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/126377/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexis Metzger a reçu des financements de la région IDF pour son contrat doctoral, des université de Limoges et Strasbourg pour des contrats postdoctoraux et de l'ENS d'Ulm pour un contrat d'ATER.</span></em></p>Cette scène de genre classique de la peinture hollandaise est-elle réaliste du point de vue climatique, sociologique, historique ?Alexis Metzger, Géographe de l’environnement, du climat et des risques, Université de LausanneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1281412019-12-05T19:27:23Z2019-12-05T19:27:23ZBrexit et agences européennes : pourquoi l’EMA va à Amsterdam et l’EBE à Paris<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/304686/original/file-20191202-67002-75c5jj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C14%2C962%2C625&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La procédure de désignation retenue par le Conseil européen a pu avoir une influence décisive sur le résultat du vote. </span> <span class="attribution"><span class="source">Alexandros Michailidisr / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>À la suite d’un référendum le 23 juin 2016, les Britanniques ont choisi à une majorité de 51,89 % (avec un taux de participation de 72,21 %) de quitter l’Union européenne (UE). Cela a mécaniquement conduit le gouvernement du Royaume-Uni à mettre en œuvre <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/20367-retrait-volontaire-de-lue-article-50-tue-issu-du-traite-de-lisbonne">l’article 50 du Traité sur l’UE</a> et à notifier au Conseil européen le 29 mars 2017 la décision du Londres de quitter les Vingt-Huit : ce que l’on appelle depuis le « Brexit ». Il s’agit là d’un évènement historique sans précédent, aux conséquences incertaines, tant pour le Royaume-Uni que pour les 27 autres pays de l’UE.</p>
<p>Les problèmes à résoudre sont gigantesques et d’autant plus délicats que les positions défendues par les différentes parties prenantes au sein du Royaume-Uni sont très hétérogènes. Le <a href="https://www.senat.fr/notice-rapport/2019/r19-049-notice.html">rapport</a> d’information du Sénat du 10 octobre 2019 réalisé par les sénateurs Jean Bizet et Christian Cambon au nom du « Groupe de suivi sur le retrait du Royaume-Uni et sur la refondation de l’Union européenne » offre une belle analyse de la situation, de ses risques, ainsi que des évolutions possibles.</p>
<p>Parmi les très nombreuses questions liées au changement de statut du Royaume-Uni, qui passera du statut d’État membre à celui d’État tiers, figure celle du devenir des <a href="https://europa.eu/european-union/about-eu/agencies_fr">agences européennes</a> implantées outre-Manche. Il n’est en effet pas possible de laisser des agences européennes sur le territoire d’un État tiers. Concrètement, en l’espèce, il s’agissait de savoir où allaient être réimplantées sur le territoire européen l’Agence européenne des médicaments (<a href="https://europa.eu/european-union/about-eu/agencies/ema_fr">EMA</a>) et l’Autorité bancaire européenne (<a href="https://europa.eu/european-union/about-eu/agencies/eba_fr">EBA</a>).</p>
<p>L’objet de cette note est d’expliquer la manière dont ce problème a été résolu en mettant en évidence le fait qu’il s’agissait de résoudre ce que les économistes appellent un problème de <a href="https://crese.univ-fcomte.fr/uploads/documents/89c5f8346db8ab6327abef6d9696729a.pdf">choix social</a>, c’est-à-dire un problème consistant à regrouper les choix ou classements d’au moins deux individus (personnes physiques, juges, entreprises, associations, partis politiques, ou États) pour en faire un classement ou un choix collectif.</p>
<h2>Le choix crucial de la procédure</h2>
<p>Face au retrait du Royaume-Uni de l’UE, les autres États membres ont dû choisir une méthode pour relocaliser ces deux agences européennes. Reprenant la tripartition proposée en 1944 par l’économiste américain Frank Knight en matière de choix sociaux, ils devaient donc choisir entre : l’autorité, la coutume et le consensus. La première solution envisageable, l’autorité, aurait consisté à ce qu’un (ou plusieurs) État(s) membre(s) ait (aient) suffisamment de pouvoir au sein du Conseil européen pour imposer aux autres membres deux localisations, puisqu’il avait été convenu que les deux agences ne pourraient être relocalisées dans un même pays. À l’évidence une telle option était à la fois juridiquement et démocratiquement impossible.</p>
<p>La deuxième solution envisageable, la coutume, était elle aussi impossible, pour les mêmes raisons, mais également car il n’y a jamais eu auparavant de sortie d’un État de l’UE. Il ne restait donc que la troisième solution : le consensus.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/304667/original/file-20191202-67007-h72qnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304667/original/file-20191202-67007-h72qnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304667/original/file-20191202-67007-h72qnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304667/original/file-20191202-67007-h72qnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304667/original/file-20191202-67007-h72qnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304667/original/file-20191202-67007-h72qnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304667/original/file-20191202-67007-h72qnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304667/original/file-20191202-67007-h72qnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’ancien siège de l’EMA, à Londres.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Lubo Ivanko/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/304668/original/file-20191202-67002-1bc3go3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304668/original/file-20191202-67002-1bc3go3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304668/original/file-20191202-67002-1bc3go3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304668/original/file-20191202-67002-1bc3go3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304668/original/file-20191202-67002-1bc3go3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304668/original/file-20191202-67002-1bc3go3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304668/original/file-20191202-67002-1bc3go3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304668/original/file-20191202-67002-1bc3go3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le nouveau siège de l’EMA, à Amsterdam.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Aerovista Luchtfotografie/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Depuis les travaux de Kenneth Arrow, les économistes conviennent que la solution du consensus comprend elle-même deux possibilités : le marché et le vote. La solution du marché aurait par exemple consisté à mettre aux enchères entre les pays membres la nouvelle localisation de ces agences. Ainsi chaque pays intéressé (voir même chaque ville intéressée) par recevoir une agence aurait proposé une somme d’argent et les gagnants auraient payé cette somme pour, par exemple, alimenter le budget européen. Il existe là encore de très nombreuses manières d’organiser concrètement des enchères et la théorie économique propose une analyse fine de ces questions. Mais le Conseil européen a choisi de ne pas retenir cette option et de procéder à un vote.</p>
<p>À notre connaissance les éléments qui ont conduit le Conseil européen à ce choix social d’une procédure de vote parmi les procédures que nous venons de rappeler n’ont pas été rendus publics.</p>
<p>Arrivé à l’idée que la relocalisation des agences européennes devait se faire grâce à un vote, le problème était posé mais non résolu. En effet, la théorie du choix social a démontré que le choix d’un système de vote n’était pas nécessairement neutre quant au résultat du vote. Autrement dit, la théorie du choix social a démontré qu’en prenant les mêmes classements (c’est-à-dire les mêmes préférences dans le jargon des économistes), le choix d’une procédure de vote peut influer sur l’identité du gagnant du vote. Se pose donc à nouveau un problème de choix social, lequel concerne cette fois-ci le choix entre les différents systèmes de vote existants. Là encore, à notre connaissance, il n’est pas possible de savoir comment fut choisi le système de vote appliqué que nous allons maintenant présenter.</p>
<h2>Trois tours de vote</h2>
<p>La <a href="https://www.consilium.europa.eu/media/31502/sn05194fr17.pdf">procédure</a> retenue par le Conseil européen a les huit caractéristiques suivantes :</p>
<ul>
<li><p>il y a 27 votants (l’ensemble des États membres de l’UE à l’exception du Royaume-Uni),</p></li>
<li><p>il n’y a pas de procuration possible,</p></li>
<li><p>il n’y a pas de quorum,</p></li>
<li><p>le vote blanc et le vote nul sont possibles,</p></li>
<li><p>chaque votant dispose de 6 points à répartir sur ceux qu’il estime être les 3 meilleurs candidats (3 points pour le premier, 2 points pour le deuxième, et 1 point pour le troisième) (tous les autres candidats recevant 0 points),</p></li>
<li><p>il y a au minimum 1 tour et au maximum 3 tours pour choisir le gagnant,</p></li>
<li><p>un vote est effectué pour chaque agence,</p></li>
<li><p>les candidats pour recevoir une agence correspondent aux villes qui en ont fait la demande (il y a eu 19 villes candidates pour recevoir l’Agence européenne des médicaments et 8 villes candidates pour recevoir l’Autorité bancaire européenne).</p></li>
</ul>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/304665/original/file-20191202-67028-nh0s3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304665/original/file-20191202-67028-nh0s3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304665/original/file-20191202-67028-nh0s3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=599&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304665/original/file-20191202-67028-nh0s3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=599&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304665/original/file-20191202-67028-nh0s3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=599&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304665/original/file-20191202-67028-nh0s3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=753&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304665/original/file-20191202-67028-nh0s3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=753&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304665/original/file-20191202-67028-nh0s3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=753&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les villes candidates à l’accueil des agences de l’UE établies au Royaume-Uni.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.consilium.europa.eu/media/31502/sn05194fr17.pdf">Europa.eu</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les tours de vote furent organisés de la manière suivante :</p>
<ul>
<li><p>Premier tour : il y a un gagnant si et seulement si une ville obtient 14 fois la première place (cela correspond à la majorité absolue sur 27 votants). En l’absence de gagnant on passe à un deuxième tour.</p></li>
<li><p>Deuxième tour : ne sont qualifiées au deuxième tour que les trois villes qui ont obtenu au premier tour le plus de points (ce qui correspond à ce que les économistes considèrent être une version particulière des règles d’élimination à scores). En cas d’ex aequo il peut y avoir plus de trois villes qualifiées pour le deuxième tour. Pour ce deuxième tour, chacun des 27 votants choisi un gagnant et si une ville est placée 14 fois gagnante alors la procédure s’arrête et elle est déclarée gagnante. Sinon, on passe au troisième et dernier tour.</p></li>
<li><p>Troisième tour : ne sont qualifiées au troisième tour que les deux villes ayant obtenu au deuxième tour le plus de points). En cas d’ex aequo il peut y avoir trois villes. Pour ce dernier tour, chacun des 27 votants donne 1 point à son favori et la ville gagnante est celle qui obtient le plus de points. En cas d’égalité entre des villes, le président effectue un tirage au sort.</p></li>
</ul>
<p>Comme on peut le voir, chacun des éléments précédents mérite réflexion et n’est ni naturel, ni incontestable. Parmi les caractéristiques qu’il est possible de relever, on peut noter que pour le premier tour il n’est pas tenu compte des écarts relatifs des différentes villes. En effet on peut imaginer un cas où les 27 votants ont les préférences suivantes : 14 pays classent la ville A en premier et la ville B en seconde position et 13 pays classent la ville B en première position et la ville A en dernière position. Dans la procédure retenue, c’est la ville A qui est gagnante malgré le fait que tous les votants classent la ville B soit en première position, soit en deuxième position, alors que 13 votants classent la ville A en dernière position.</p>
<p>Au bilan, c’est Paris qui gagna le vote pour accueillir l’Autorité bancaire européenne et Amsterdam qui gagna le vote pour accueillir l’Agence européenne des médicaments. Un bel exemple supplémentaire de choix social dont il sera intéressant d’analyser la sensibilité des résultats à la procédure de vote choisie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/128141/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Décryptage de la méthode qui a conduit à la relocalisation de ces deux agences européennes sises jusqu’à présent au Royaume-Uni.Marc Deschamps, Chercheur, membre associé du Bureau d’économie théorique et appliquée (BETA), Université de LorraineMostapha Diss, Professeur des Universités en sciences économiques, Université de Franche-Comté – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1173452019-05-23T22:13:00Z2019-05-23T22:13:00ZElections européennes : six pays vus par six experts<p><em>Dimanche 26 mai, les Français voteront pour désigner leurs représentants aux élections parlementaires européennes. The Conversation France a demandé leur point de vue à des spécialistes originaires de six pays européens : la République tchèque, l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas et la Suède, ainsi que la Norvège, où vivent de nombreux citoyens de l’UE et qui fait partie de l’Espace économique européen. Ils se sont penchés sur la façon dont l’UE était perçue par les citoyens et résidents de leur pays, leurs préoccupations et les perspectives du scrutin.</em></p>
<hr>
<h2>La République tchèque : eurosceptique, mais pas pressée de s’en aller</h2>
<p><em>Vít Hloušek, Université Masaryk, Brno.</em></p>
<p>Très eurosceptique lors de son adhésion, en 2004, la République tchèque reste encore aujourd’hui critique vis-à-vis de l’Union européenne. D’après un sondage datant d’avril dernier, organisé par le Centre de recherche sur l’opinion publique tchèque, seulement <a href="https://cvvm.soc.cas.cz/en/press-releases/political/international-relations/4621-public-opinion-on-the-czech-republic-s-membership-in-the-european-union-april-2018">36 % des personnes interrogées se déclaraient satisfaites d’appartenir à l’UE</a>, 32 % <a href="http://ec.europa.eu/commfrontoffice/publicopinion/index.cfm/ResultDoc/download/DocumentKy/84930">ont « plutôt confiance » dans l’UE</a> et <a href="http://ec.europa.eu/commfrontoffice/publicopinion/index.cfm/Chart/getChart/chartType/gridChart/themeKy/9/groupKy/23/savFile/661">38 % des électeurs font confiance au Parlement européen</a>. Néanmoins, malgré ces doutes, 62 % des sondés estiment que leur pays doit rester dans l’UE.</p>
<p>Depuis longtemps, les <a href="https://shop.budrich-academic.de/produkt/europeanised-defiance-%c2%96-czech-euroscepticism-since-2004/?v=928568b84963">partis eurosceptiques</a> <a href="https://www.researchgate.net/publication/301637130_Narratives_of_European_Politics_in_the_Czech_Republic_A_Big_Gap_between_Politicians_and_Experts">dominent le débat</a>. À la Chambre basse du Parlement, le parti d’extrême droite Liberté et Démocratie directe occupe 11 % des sièges, les partis eurosceptiques modérés (parti démocratique civique, communistes, ANO) en contrôlent 59 % – ce qui laisse aux pro-UE seulement 30 %.</p>
<p>Autre spécificité, le <a href="https://www.kas.de/c/document_library/get_file?uuid=d3b13d4c-81ad-5926-f2eb-d41cbc81f95b&groupId=252038">taux d’abstention aux européennes est en général extrêmement élevé</a> : en 2014, seulement 18,2 % des inscrits se sont rendus aux urnes.</p>
<p>La campagne n’a commencé véritablement que trois semaines avant le 26 mai, date des élections. La principale thématique à l’ordre du jour est la réforme souhaitée de l’UE, en général présentée de façon très floue. Les programmes se sont rapprochés des sujets européens depuis 2004, mais les partis méconnaissent les enjeux réels du Parlement européen ou les ignorent.</p>
<p>Les débats se concentrent d’abord sur les problématiques nationales, ensuite sur celles de l’UE. En matière <a href="http://ec.europa.eu/commfrontoffice/publicopinion/index.cfm/ResultDoc/download/DocumentKy/84930">d’immigration et de terrorisme</a>, les eurosceptiques vont sûrement jouer sur les inquiétudes des électeurs. Jusqu’à présent, seuls les partis déjà installés à la Chambre des députés <a href="https://www.politico.eu/2019-european-elections/czech-republic/">semblaient avoir des chances de remporter des sièges</a> « là-bas », dans ce lieu lointain qu’est Bruxelles.</p>
<p><br></p>
<h2>L’Allemagne : cœur europhile de l’Europe qui bat plus lentement</h2>
<p><em>Kai Arzheimer, Université Johannes Gutenberg, Mayence.</em></p>
<p>En 2019, l’Allemagne reste l’un des phares des europhiles dans l’UE. Seule l’<a href="https://theconversation.com/germanys-afd-how-to-understand-the-rise-of-the-right-wing-populists-84541">Alternative pour l’Allemagne</a> (AfD), parti d’extrême droite radicale, peut être considéré comme eurosceptique. Et encore : son programme mentionne une série de tests que l’UE devrait rejeter avant que l’AfD ne puisse avancer sur la voie d’un « Dexit » (une sortie de l’Allemagne de l’UE). Les dirigeants du parti ont même changé d’avis sur l’appartenance de l’Allemagne dans l’Union, passant d’une opinion « négative » à « neutre » sur l’application semi-officielle des consignes de vote du gouvernement allemand – le <a href="http://wahl-o-mat.de/">Wahl-o-mat.de</a> – quelques jours après sa mise en ligne.</p>
<p>À l’autre extrémité du spectre politique, les Verts mènent, tambour battant, une campagne au soutien de l’UE dont les fers de lance sont deux éminents membres du Parlement : <a href="http://www.europarl.europa.eu/meps/fr/96734/SKA_KELLER/home">Ska Keller</a> et <a href="https://www.europarl.europa.eu/meps/fr/96730/SVEN_GIEGOLD/home">Sven Giegold</a>. Les campagnes des autres partis sont plus discrètes et reflètent leur idéologie générale. Chacun s’accorde à dire que l’UE est une bonne chose. Les partis martèlent leurs messages clés habituels, plaidant pour une meilleure redistribution des ressources, davantage de libéralisme ou, simplement, la même chose en mieux… Sans plus de précisions.</p>
<p>Pour encourager les électeurs à se rendre aux urnes, 10 des 16 Länder – les États fédérés allemands – organisent des élections locales le même jour que les européennes. À en juger par les affiches, les premières pourraient bien éclipser les secondes.</p>
<p>Si l’on fait confiance aux sondages, les résultats des élections européennes devraient refléter ceux des récents scrutins régionaux et le climat politique actuel : l’alliance CDU-CSU (droite démocrate-chrétienne) récolterait 30 % des voix, les Verts et le SPD (parti social-démocrate) devraient en obtenir de 15 à 20 % chacun, le FDP (parti libéral-démocrate) et <a href="https://en.die-linke.de/welcome/">Die Linke</a> (parti d’extrême gauche), 7 % chacun.</p>
<p>Le soutien à l’AfD reste stable, entre 10 et 14 %, depuis des mois. Dans le cas de l’Allemagne, les rumeurs d’une rébellion de grande ampleur contre l’UE menée par l’extrême droite ne semblent donc que des exagérations.</p>
<p><br></p>
<h2>L’Italie : État fondateur aujourd’hui fragmenté</h2>
<p><em>Gioacchino Garofoli, Université de l’Insubrie, Varèse.</em></p>
<p>En 1957, l’Italie fut l’un des <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Inner_Six">six membres fondateurs</a> de la Communauté économique européenne (CEE), future UE. A l’époque, le pays méditerranéen était plus europhile que d’autres : en 1998, 73 % d’Italiens avaient encore une opinion favorable de l’UE. Toutefois, la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2011/08/04/crise-de-la-dette-comment-l-italie-en-est-elle-arrivee-la_1556018_3234.html">crise économique de 2007-2008</a> a transformé la plupart des citoyens transalpins en eurosceptiques : en 2018, seuls 36 % des Italiens se déclaraient favorables à l’UE.</p>
<p>Les <a href="http://www.csroggi.org/xi-rapporto-dellosservatorio-europeo-sulla-sicurezza-da-demospi-e-fondazione-unipolis/">préoccupations majeures des Italiens</a> aujourd’hui sont l’immigration (66 %), le chômage des jeunes (60 %) et la situation économique du pays (57 %).</p>
<p>En février dernier, les deux principaux partis ou mouvements anti-européens, la Ligue (Lega) et le Mouvement 5 étoiles (M5S), ont gagné les élections législatives. Ces deux partis sont davantage souverainistes qu’europhobes. Quitter la zone euro ou l’Union ne fait pas ou plus partie de leurs programmes. <a href="https://www.cnbc.com/2019/02/26/italy-m5s-could-be-headed-for-political-disaster-after-regional-collapse.html">Le soutien au M5S s’est, par ailleurs, reduit</a>, déstabilisant le gouvernement. Sur l’autre bord, Nicola Zingaretti, nouveau chef élu du <a href="https://www.theguardian.com/world/2019/mar/03/italy-heads-to-the-polls-to-elect-new-leader-for-democratic-party">Parti démocrate</a> (centre-gauche), est plus europhile mais peine à rassembler à grande échelle.</p>
<p>En dehors des partis politiques, des mouvements sociaux et culturels cherchent à mobiliser les citoyens et à développer le concept d’une Europe sociale, plus fédérale et unie, qui réduirait les inégalités et garantirait les droits fondamentaux de chacun. Ces mobilisations à travers les réseaux – au niveau des villes, mais aussi des régions et à l’échelle européenne, devraient théoriquement combler le « déficit démocratique » perçu face à l’UE.</p>
<p><br></p>
<h2>Les Pays-Bas : l’irruption du populisme dans la majorité libérale</h2>
<p><em>Jacques Paulus Koenis, Université de Maastricht.</em></p>
<p>Les Pays-Bas subissent toujours les répercussions de l’ascension fulgurante de <a href="https://www.politico.eu/article/thierry-baudet-forum-for-democracy-netherlands-5-things-to-know-about-dutch-far-rights-new-figurehead/">Thierry Baudet et de son Forum pour la démocratie</a> (FvD), le dernier-né de la famille des partis populistes néerlandais. Le Forum a obtenu le plus grand nombre de voix aux élections provinciales du mois de mars, coiffant au poteau le Parti populaire pour la liberté et la démocratie (VVD) du <a href="https://www.government.nl/government/members-of-cabinet/mark-rutte">premier ministre Mark Rutte</a>.</p>
<p>Le FvD fait même de l’ombre au Parti pour la liberté (PVV), mouvement d’extrême droite de Geert Wilders, et obtiendra probablement un grand nombre des voix lors de ces élections européennes.</p>
<p>En dépit de l’issue du scrutin de mars, l’opinion publique est plus favorable à l’UE qu’il y a cinq ans, semblant vouloir s’en remettre davantage à Bruxelles pour trouver des solutions à des problématiques comme les flux migratoires internationaux, le changement climatique et le sentiment d’insécurité.</p>
<p>Il est frappant de constater que l’appel au « Nexit » (une sortie des Pays-Bas de l’UE) se fait entendre bien moins souvent aujourd’hui que lors des précédentes élections européennes. Même Thierry Baudet, populiste, n’en fait pas une priorité. Ce sont ses prises de position climato-sceptiques qui attirent davantage l’attention.</p>
<p>Des partis centristes comme le VVD et le CDA (Démocrates chrétiens) se montrent plus europhiles. Dans ses discours à l’étranger, le premier ministre Mark Rutte clame sa fierté d’être européen. Devant le Parlement néerlandais, en revanche, il affirme que les élections européennes n’ont que <a href="https://www.politico.eu/article/dutch-pm-mark-rutte-chides-white-wine-sipping-elites-for-us-president-donald-trump-bashing/">« peu d’intérêt »</a>, pour ne pas céder trop de terrain aux populistes.</p>
<p>Le VVD de M. Rutte devrait remporter la majorité des voix, suivi par le FvD de Thierry Baudet et par <a href="https://verkiezingen.groenlinks.nl/bas-eickhout">GroenLinks, le parti écologiste de Bas Eickhout</a> qui est, avec l’Allemande Ska Keller, l’une des <a href="https://www.politico.eu/article/manfred-weber-spitzenkandidat-system-unconcerned/"><em>Spitzenkandidaten</em></a> (tête de liste) des Verts européens.</p>
<p>Frans Timmermans, le candidat des sociaux-démocrates, n’obtiendra dans son pays que peu de suffrages, car le Parti travailliste est très affaibli. En revanche, il peut espérer récolter des voix en toute l’Europe, car il est le <em>Spitzenkandidat</em> du <a href="https://www.pes.eu/en/">Parti socialiste européen</a> (PES).</p>
<p><br></p>
<h2>Suède : Les jeunes pour l’environnement</h2>
<p><em>Anamaria Dutceac Segesten, Université de Lund.</em></p>
<p>La protection de l’environnement et la lutte contre le changement climatique sont au centre des préoccupations des électeurs suédois, selon les <a href="https://www.aftonbladet.se/nyheter/samhalle/a/8mPqj1/klimat-och-miljo-i-topp-infor-eu-valet">derniers sondages d’opinion</a>. Le sujet a été mis sur le devant de la scène par Greta Thunberg, une adolescente désormais connue dans le monde entier, mais aussi du fait des <a href="https://www.nytimes.com/2018/07/19/world/europe/heat-wave-sweden-fires.html">nombreux incendies de forêt</a> qui ont dévasté le pays l’an dernier.</p>
<p>L’intérêt pour l’environnement n’est pas récent en Suède. Lors des précédentes élections européennes, cette problématique figurait déjà parmi les cinq préoccupations principales des citoyens. <a href="https://www.kantarsifo.se/rapporter-undersokningar/valjarbarometern-eu">En seconde et troisième positions</a>, ces derniers souhaiteraient voir l’UE s’attaquer au problème des réfugiés et à la lutte contre le terrorisme et la criminalité.</p>
<p>Toujours d’après les derniers sondages, un tiers des électeurs suédois n’a pas encore choisi son camp. La participation devrait être plus importante (autour de 58 %) cette année qu’en 2014 (51 %), en partie à cause des inquiétudes relatives au climat. Un problème essentiel pour les plus jeunes, qui seront sûrement nombreux à voter. Selon un sondage de l’institut Novus, 66 % des 18-29 ans font confiance à l’UE, plus que l’ensemble de la population : 59 % d’après l’<a href="http://ec.europa.eu/commfrontoffice/publicopinionmobile/index.cfm/Survey/getSurveyDetail/surveyKy/2215">Eurobaromètre</a>).</p>
<p>Bien que les Verts soient les hérauts de la protection de l’environnement, leur parti semble en <a href="https://www.kantarsifo.se/rapporter-undersokningar/valjarbarometern-eu">perte de vitesse</a>, avec seulement 11 % d’intentions de vote (une baisse de 4 % par rapport au 2014). Toutefois, le prix de la « plus grosse perte d’électeurs » revient aux libéraux : ils glissent sous la barre des 4 %, avec seulement 3,6 % d’intentions de vote. Pour la première fois depuis 1999, ce parti europhile risque de n’obtenir aucun siège au Parlement européen.</p>
<p>À l’autre extrémité du spectre politique, les Démocrates de Suède, parti anti-immigration et eurosceptique, tablent sur 16,9 % d’intentions de vote, 7 % de plus qu’en 2014, où ils avaient obtenu deux sièges au Parlement européen.</p>
<p><br></p>
<h2>La Norvège : spectateurs « impactés » du scrutin</h2>
<p><em>John Erik Fossum, Université d’Oslo.</em></p>
<p>La Norvège n’est pas membre de l’Union européenne et n’élit donc pas de représentants au parlement. Néanmoins, deux facteurs font de ces élections un événement important pour le pays. Tout d’abord, <a href="https://www.ssb.no/en/befolkning/statistikker/innvbef">plus de 7 % de ses résidents sont citoyens de l’UE</a> et ont donc le droit de participer au scrutin. Deuxièmement, la Norvège fait partie de l’Espace économique européen : elle est donc concernée par 75 % des directives de l’UE.</p>
<p>Les principaux médias du pays font fréquemment référence à <a href="https://www.aftenposten.no/sok?query=macron+">certains des acteurs de premier plan de la scène politique européenne</a>, dont Emmanuel Macron, Angela Merkel et Annegret Kramp-Karrenbauer ou encore Viktor Orban. En revanche, en dehors de l’Allemand Manfred Weber, président du Parti populaire européen, quasiment aucun député européen ne bénéficie de la moindre attention en Norvège.</p>
<p>Finalement, le manque de représentation directe au Parlement influence l’engagement et la nature des débats autour des élections. Les partis politiques norvégiens ne bataillent pas dans un contexte électoral. Ce qui se reflète dans la couverture irrégulière des médias norvégiens, déconnectés par rapport au cycle des élections du Parlement.</p>
<p>L’absence de sondages d’opinion amplifie ce sentiment. Les Norvégiens ont le sentiment d’être tenus à l’écart de la campagne. Ils ne s’estiment donc pas en mesure d’envoyer des représentants à Bruxelles, et sont donc réduits au rôle de spectateurs des événements à venir, qui vont pourtant avoir un impact sur leur pays non négligeable.</p>
<hr>
<p><em>Les élections au Parlement européen se tiendront du 23 au 26 mai. Plus d’information est disponible sur le site <a href="https://europeelects.eu/ep2019">europeelects.eu/ep2019</a>.</em></p>
<p><em>Traduit de l’anglais par Iris Le Guinio pour <a href="http://www.fastforword.fr/">Fast ForWord</a>, Daniel Peyronel et Thomas Hofnung.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117345/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>John Erik Fossum reçoit un financement en tant que coordinateur du projet Eu3 H2020</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Vít Hloušek reçoit un financement de la Fondation tchèque pour la science.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anamaria Dutceac Segesten, Gioacchino Garofoli, Jacques Paulus Koenis et Kai Arzheimer ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Comment l'Union européenne est-elle perçue, de Rome à Oslo, en passant par Berlin, Amsterdam, Stockholm et Prague ? A l'occasion du renouvellement du Parlement européen, six experts répondent.Anamaria Dutceac Segesten, Senior Lecturer in European Studies, Lund UniversityGioacchino Garofoli, Professeur d’économie, Università degli Studi dell’InsubriaJacques Paulus Koenis, Professor of Social Philosophy, Maastricht UniversityJohn Erik Fossum, Professor, ARENA Centre for European Studies, University of OsloKai Arzheimer, Professor of Political Science, Johannes Gutenberg University of MainzVít Hloušek, Associate Professor of Political Science, Masaryk UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1168482019-05-16T19:30:50Z2019-05-16T19:30:50ZCommunautés énergétiques : quand les citoyens bousculent le marché de l’électricité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/274980/original/file-20190516-69192-1x9eg7k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=140%2C14%2C1058%2C741&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La France recense 315 communautés énergétiques qui réunissent près de 11 000 actionnaires.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.echirolles.fr/sites/default/files/2018-04/Visite_chantier_Solaire_d%27ici_JFL%20%2821%29.JPG">Mairie d’Echirolles</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>« Nos clients sont en train de devenir nos concurrents. C’est la pire chose qu’il puisse arriver à une industrie ». Cette observation du directeur de l’innovation ouverte d’un énergéticien historique montre à quel point le marché de l’énergie, jusqu’ici très centralisé est en train de se transformer du fait de l’apparition de <a href="http://www.europarl.europa.eu/thinktank/en/document.html?reference=EPRS_BRI(2016)593518"><em>consomm’acteurs</em></a>, clients actifs à la fois producteurs et consommateurs d’énergie.</p>
<p>Il en existe différentes sortes : les « consomm’acteurs » résidentiels, qui produisent de l’électricité à domicile – principalement grâce à des panneaux solaires photovoltaïques sur leurs toits ; des communautés énergétiques qui regroupent des citoyens dans des modes de production d’énergie renouvelable ; et des « consomm’acteurs » commerciaux dont la principale activité n’est pas la production d’électricité ; et des institutions publiques comme les écoles ou les hôpitaux qui installent des panneaux PV sur leurs toits ou ombrières de parking.</p>
<p>Leur émergence tient à plusieurs facteurs. Au cours des dernières années, les technologies d’énergie renouvelable ont vu leur prix chuter, rendant leur commercialisation possible sur un marché élargi. Les tarifs de rachat de l’électricité verte mis en place par le gouvernement demeurent pour le moment attractifs même s’ils sont en <a href="https://www.les-energies-renouvelables.eu/conseils/photovoltaique/tarif-rachat-electricite-photovoltaique/">baisse constante</a>. Les citoyens témoignent par ailleurs l’envie de jouer un rôle dans le développement de ce secteur renouvelable, et la libéralisation du secteur permet la mise en place de nouvelles pratiques.</p>
<p>Si individuellement, ces consommateurs-producteurs paraissent anodins, ils peuvent en s’associant devenir disruptifs et concurrencer les systèmes d’énergie centralisés. Les communautés énergétiques ont-elles vraiment le potentiel pour bouleverser le marché de l’électricité ? Nous nous appuyons ici sur l’analyse d’une trentaine d’entretiens réalisés en 2019 auprès de communautés énergétiques en France et aux Pays-Bas.</p>
<h2>Des initiatives impulsées par les citoyens</h2>
<p>La notion de communauté énergétique fait référence à une pluralité d’initiatives, bien qu’on l’associe généralement aux projets énergétiques citoyens, tels que <a href="http://www.buxia-energies.fr/">Buxia Energie</a>, <a href="https://solairedici.org/author/energycitoyennes/">Energ’Y Citoyennes</a> ou <a href="https://gresi21centralesvillageoises.com/">Grési21</a> en Isère.</p>
<p>Ces groupements réunissent des citoyens, souvent associés à des collectivités, des entreprises ou des associations qui veulent produire ensemble et localement de l’énergie renouvelable, ou mener des actions en faveur de la maîtrise de l’énergie. <a href="https://www.hoom.nl/">Hoom</a>, aux Pays-Bas, soutient les coopératives qui souhaitent mener des actions individuelles ou groupées de rénovation énergétique de bâtiment. Le but est de promouvoir le tissu économique et social du territoire, et de permettre aux revenus générés de profiter à la communauté.</p>
<p>De manière peut-être moins intuitive, on note qu’un nombre croissant d’entreprises surfe sur l’idée de créer des communautés énergétiques afin de se différencier de la concurrence. Ces entreprises développent notamment des plates-formes, qui reposent sur la mise en relation de petits, voire de très petits producteurs d’un côté, et de consommateurs de l’autre.</p>
<h2>Un plus grand succès aux Pays-Bas qu’en France</h2>
<p>Aux Pays-Bas par exemple, <a href="https://www.powerpeers.nl/">Powerpeers</a> propose depuis 2017 aux foyers de vendre leur surplus d’énergie à leurs voisins, parents ou amis. La plate-forme permet également aux foyers d’acheter de l’énergie, quand ils n’en produisent pas assez, au club de foot dont ils font partie ou à la radio qu’ils écoutent tous les matins…</p>
<p>Certaines entreprises autorisent également leurs clients, syndic de copropriété ou copropriétaires, à faire de l’autoconsommation collective. C’est le cas d’<a href="https://www.urbansolarenergy.fr/">Urban Solar Energy</a> en France, qui met en place des centrales photovoltaïques sur le toit d’immeubles et assure une répartition équitable de l’électricité produite entre chaque participant.</p>
<p>Selon le recensement effectué par l’association <a href="http://www.wiki.energie-partagee.org/wakka.php?wiki=ProjetS2">Énergie partagée</a> – qui rassemble au niveau national la plupart des acteurs de l’énergie citoyenne – il existe en France 315 communautés énergétiques, réunissant 11 000 actionnaires. Ensemble, ils <a href="https://theconversation.com/projets-citoyens-dans-les-renouvelables-ou-en-est-la-france-103728">produisaient en 2016</a> 0,2 % de la production annuelle française d’électricité renouvelable.</p>
<p>Le mouvement est balbutiant par rapport aux Pays-Bas où il existe une coopérative dans les 2/3 des villes du pays. Là-bas, les communautés énergétiques <a href="https://www.hieropgewekt.nl/local-energy-monitor">atteignent presque le nombre de 500</a>, regroupent plus de 70 000 citoyens (1 % des foyers néerlandais) et possèdent 2 % de l’énergie solaire installée. À elles seules, les communautés éoliennes néerlandaises produisent assez d’énergie pour 120 000 foyers.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"778847553248825345"}"></div></p>
<h2>Le rôle de la libéralisation du marché de l’énergie</h2>
<p>Les <a href="https://data.worldbank.org/indicator/EN.ATM.CO2E.PC?locations=NL-EU">émissions annuelles de CO₂</a> des Pays-Bas avoisinent les 10 tonnes par habitant et ne tiennent pas le rythme de réduction annoncé, alors qu’un Français en émet en moyenne deux fois moins. Cette différence s’explique notamment par le fait que l’électricité est produite à 80 % à partir d’énergies fossiles (20 % charbon et 60 % gaz) aux Pays-Bas, et à hauteur de 8 % en France. Attaqué par des citoyens, l’<a href="https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/climat-les-pays-bas-epingles-par-la-justice-pour-leur-manque-dambition-141333">État a été condamné</a> en novembre dernier par la Cour de La Haye à intensifier ses efforts dans la lutte contre le changement climatique.</p>
<p>Mais dès 2004, les Pays-Bas avaient totalement libéralisé le marché de l’énergie. Au cours de l’année 2018, 18 % des foyers néerlandais ont ainsi changé de fournisseur. En France, la libéralisation n’a été totale qu’à partir de 2007 : fin 2018, 75 % des sites résidentiels et non résidentiels français étaient au <a href="https://www.cre.fr/Electricite/Marche-de-detail-de-l-electricite">tarif réglementé de vente</a> et un peu moins du quart des foyers avaient <a href="https://www.energie-mediateur.fr/publication/2018-12eme-edition-du-barometre-annuel-energie-info-sur-louverture-des-marches/">changé de fournisseurs en dix ans</a>.</p>
<p>Si une concurrence est née entre les fournisseurs, elle n’existe pas entre les producteurs, puisqu’EDF est un acteur incontournable en France pour bénéficier des tarifs de rachat. Afin de promouvoir le développement des énergies renouvelables, et notamment du solaire, l’État a missionné EDF pour racheter l’électricité photovoltaïque produite, au moins pendant la première année de production. Au-delà d’un an et depuis 2017, d’autres acteurs comme Enercoop sont autorisés à gérer les contrats d’obligation d’achat d’électricité renouvelable. Aux Pays-Bas les fournisseurs sont en concurrence pour l’accès aux centrales de production d’énergie renouvelable locale, ce qui donne aux initiatives citoyennes un plus grand pouvoir de négociation.</p>
<h2>Un marché plus mature</h2>
<p>Les communautés s’insèrent également dans un écosystème plus mature et plus favorable aux Pays-Bas qu’en France. Ce sont par exemple les gestionnaires du réseau de distribution qui financent la <a href="https://www.hieropgewekt.nl/local-energy-monitor">plate-forme de partage d’informations</a> à l’échelle nationale. Les Pays-Bas ont également inclus dans leur <a href="https://www.klimaatakkoord.nl/klimaatakkoord">accord sur le climat</a> l’objectif que les acteurs locaux détiennent 50 % des capacités d’électricité renouvelable (hors off-shore) construites d’ici 2050.</p>
<p>À l’inverse, en France, on note une certaine résistance de la part d’acteurs clés du secteur. Enedis par exemple a récemment publié une tribune arguant que les communautés énergétiques citoyennes peuvent se <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/03/18/les-communautes-energetiques-citoyennes-et-l-autoconsommation-peuvent-se-reveler-nefastes-pour-l-acces-a-l-electricite_5437721_3232.html">révéler néfastes pour l’accès à l’électricité</a>. Ces structures rencontrent également de nombreuses barrières administratives, réglementaires et organisationnelles : la difficulté à pérenniser une structure sur la base du volontariat, à trouver une assurance, à convaincre les services techniques municipaux de mettre des toits à disposition, ou le manque de transparence sur le coût du raccordement au réseau.</p>
<p>Il existe enfin des différences liées à la manière dont ces communautés se positionnent et se présentent. Le mouvement débutant en France, elles revendiquent souvent une action militante. Aux Pays-Bas, où il est bien installé, ces nouveaux acteurs cherchent surtout à créer une marque attractive auprès du grand public.</p>
<h2>Bousculer la logique dominante du secteur</h2>
<p>Une autre manière d’évaluer l’impact des communautés énergétiques consiste à étudier l’influence qu’elles ont sur la logique dominante des autres énergéticiens. Dans une industrie, les entreprises interprètent souvent de la même manière les attentes de leur clients, et comment y répondre. Pour les fournisseurs d’énergie, il s’agit d’offrir une énergie abordable et fiable, produite et contrôlée de manière centralisée, pour des clients perçus comme peu intéressés par le produit.</p>
<p>Bien que cette logique historique domine toujours, l’exemple des Pays-Bas illustre que les communautés énergétiques amorcent un changement. Là-bas, Engie qui proposait une offre totalement classique jusqu’en 2015, permet aujourd’hui à ses clients de choisir leur propre source d’énergie. Parmi les options proposées, un parc éolien en mer du nord ou dans un polder – étendue de terre inférieure à la mer et maintenue artificiellement asséchée – en Frise, et la possibilité de consommer le surplus d’énergie solaire produit par d’autres clients de l’entreprise. L’énergéticien propose une carte interactive du pays, inspirée de celles d’Airbnb, localisant tous les clients qui vendent leur surplus d’énergie photovoltaïque.</p>
<p>En France, les communautés énergétiques sont portées par l’envie de sensibiliser et de montrer qu’il est possible de produire autrement, quant aux Pays-Bas, le mouvement prend plus d’ampleur et de maturité. Mais les volumes produits par ces communautés demeurant faibles, et la révolution reste loin d’avoir lieu. Si les communautés parviennent à pousser les énergéticiens historiques à évoluer dans leurs pratiques, leur impact pourrait être considérable et changer radicalement le système vers un modèle plus décentralisé et mieux maîtrisé par ses citoyens.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/116848/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne-Lorène Vernay détient des parts dans Energ’Y Citoyennes. Cette recherche bénéficie d'un financement (partiel) du programme The Future of Energy de la Fondation Tuck.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Carine Sebi détient des parts dans la centrale d'énergie citoyenne Buxia. Cette recherche bénéficie d'un financement (partiel) du programme The Future of Energy de la Fondation Tuck.</span></em></p>Bien que balbutiantes en France, les communautés citoyennes en matière d’énergie pourraient à terme bouleverser la logique du secteur.Anne-Lorène Vernay, Assistant Professor, Grenoble École de Management (GEM)Carine Sebi, Assistant Professor - Economics, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1132812019-05-07T13:05:49Z2019-05-07T13:05:49ZBerlinde de Bruyckere, ou les métamorphoses de la matière<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/273080/original/file-20190507-103057-u1xxm8.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C6%2C890%2C587&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Berlinde De Bruyckere, Criplewood, 2012-2013</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.facebook.com/slashparis/photos/pcb.1017344291643565/1017323268312334/?type=3&theater">Compte Facebook de Slash Paris</a></span></figcaption></figure><p>Son nom, prononcé à la flamande en roulant les « r », évoque des carcasses d’animaux qui n ‘en sont pas : c'est <a href="https://www.arte.tv/fr/videos/078894-003-A/femmes-artistes-berlinde-de-bruyckere/">Berlinde de Bruyckere</a>. L’artiste sculpte des corps, ni homme ni bêtes, comme pendus à des crocs de boucher imaginaires ; la peinture violente et organique de Francis Bacon n’est pas loin. La matière employée pour ces sculptures est énigmatique : cuir, époxy, cire, graisse ? On n’arrive pas à le savoir, et au fond, c’est sans importance. Ce qui se joue, c’est l’effet produit par ce mélange de matières.</p>
<p>Car ces étranges sculptures monumentales se transforment en images mentales indélébiles qui questionnent l’anthropomorphisme, le mystère d’une transformation et le drame de la souffrance et de la décomposition des corps ; elles interrogent notre humanité. Si les sculptures d’un artiste comme Ron Mueck montrent bien le vieillissement et la déformation des corps, l’exaspération des tailles, le fripé d’un nouveau-né, Berlinde de Bruyckere s’interroge plutôt sur les métamorphoses, c’est-à-dire la transformation des formes, la chenille devenue papillon, le sang de l’amant d’Apollon, Hyacinthe devenu fleur de lys. Elle pense aux <em>Métamorphoses</em> d’Ovide lorsque, d’entrée de jeu, le poète écrit : « je veux dire l’histoire et les métamorphoses des formes et des corps ».</p>
<p>A Mechelen, se tient actuellement une exposition personnelle de l’artiste flamande. Mechelen dominait l’Europe <a href="https://www.youtube.com/watch?v=tZUWyIBnEBc">au temps de Marguerite d’Autriche</a> ; fille de l’empereur Maximilien d’Autriche, tante de Charles-Quint, elle régna sur les Pays-Bas bourguignons pendant plus de vingt ans. De ce pouvoir exercé au XVIe siècle subsiste la puissance symbolique de son palais, entouré de quelques demeures seigneuriales.</p>
<p>C’est dans dans la maison de l’humaniste Jérôme de Busleyden que Berlinde de Bruyckere dialogue avec des retables appelés « jardins clos », œuvres des religieuses du XVIe siècle. Tout comme dans le pavillon belge où l’artiste exposait à la biennale de Venise un corps/tronc d’arbre à peine visible, le visiteur a l’impression de rentrer dans l’histoire où d’ailleurs nous aurions pu rencontrer l’humaniste de la Renaissance <a href="https://goo.gl/images/AUewCj">Thomas More</a>, l’ami du propriétaire des lieux, et auteur d’<a href="https://www.lhistoire.fr/classique/%C2%AB-lutopie-%C2%BB-de-thomas-more"><em>Utopie</em></a>.</p>
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<p>En nous plongeant dans la pénombre, l’artiste nous demande d’interroger le lien entre le patient travail de ces religieuses anonymes du XVIe siècle et son propre travail sur les métamorphoses. C’est en résonance avec ces paradis miniatures visibles dans de petites vitrines que Berlinde de Bruyckere imagine des formes qui pourraient ressembler à des fleurs de lys mais qui n’en sont pas. Revenons à Ovide : « une fleur apparut, qui eut semblé de lys, s’il n ‘était pas argenté, elle de vermillon vif »…</p>
<p>Sachant que ces petits retables sont l’œuvre de sœurs de l’ordre hospitalier, un bref retour historique s’impose. Les Sœurs augustines soignaient les malades et les pélerins ; ce sont des religieuses à demeure qui vivent dans un hospice de la ville sous le contrôle de l’archevêque de Malines. Ces retables restaurés du XVIe ont pu être sauvés grâce à la ruse des religieuses ; en effet pendant les guerres de religions, elles les avaient rangés dans les salles réservées aux malades de la peste, un lieu que les iconoclastes n’osaient pénétrer.</p>
<p>C’est cette résonance entre deux mondes qui fait toute la force de cette exposition ; un monde contenu, serré, épinglant minutieusement, pendant des heures et des heures, les mini-reliques, les objets des scènes de la vie quotidienne mais aussi les écureuils, les oiseaux les fruits et les fleurs ; un monde qui exprime la fragilité mais aussi un idéal, une utopie de la vie bonne.</p>
<p>A ce monde résonne celui de l’artiste, un monde qui exprime aussi la souffrance et la fragilité mais d’une toute autre manière. Les matériaux utilisés d’abord sont différents. Ce n’est plus de la soie ni du papier, ni de la terre, ni du bois, ni des perles, ni du verre qui sont utilisés mais des peaux de vache encore chaude provenant de l’abattoir pour mieux les mouler dans la cire, aussi des vielles couvertures abîmées par le temps et les éléments et utilisées comme pour rappeler au visiteur le <a href="https://goo.gl/images/ef1cXh">rôle protecteur d’une couverture</a>, qui symbolise aussi une forme de vulnérabilité.</p>
<p>L’échelle est différente elle aussi, le passage de la miniature au monumental change le regard ; les fleurs fanées sont pendues de haut en bas comme des silhouettes à l’allure christique, des formes aux allures de moine à capuchons frôlent Zurbaran. Si les matériaux et les échelles diffèrent, le point commun reste la ferveur créatrice, d’expression religieuse ou non.</p>
<p>C’est dans la salle où sont exposés les dessins de fleurs en floraison et en déclin qui évoquent le sexe ou des dessins de sexe qui évoquent des fleurs en floraison ou en déclin que le travail de l’artiste est le plus ambivalent dans sa correspondance avec les œuvres des religieuses. Pour ces religieuses ayant fait vœu de chasteté et toutes entières dévouées à la souffrance de leurs malades, ce travail patient et obstiné peut se comprendre comme un refuge intime mais aussi comme l’expression de la souffrance et de leur créativité joyeuse annonçant le paradis. On peut l’interpréter aussi comme une forme de sublimation ou de mysticisme.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/273087/original/file-20190507-103057-1q19lnl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/273087/original/file-20190507-103057-1q19lnl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/273087/original/file-20190507-103057-1q19lnl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=848&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/273087/original/file-20190507-103057-1q19lnl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=848&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/273087/original/file-20190507-103057-1q19lnl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=848&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/273087/original/file-20190507-103057-1q19lnl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/273087/original/file-20190507-103057-1q19lnl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/273087/original/file-20190507-103057-1q19lnl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L'affiche de l'exposition.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Musée de Mechelen.</span></span>
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<p>Ces religieuses anonymes, tout comme cette artiste flamande, entretiennent un même rapport au monde : pour elles, le temps ne se compte pas, l’esprit de calcul n’a pas sa place, le travail de création engage le corps et l’esprit sans crainte du jugement ; l’engagement total dans l’art prend une dimension presque mystique. Loin des représentations comptables de nos vies intérieures, auxquelles trop souvent le monde moderne veut nous réduire. Repensons à Ovide : « Dieux, c’est votre œuvre aussi ; inspirez mon poème et guidez en le fil de l ‘aurore du monde au matin d’aujourd’hui ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/113281/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Michel Saussois ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les sculptures de Berlinde de Bruyckère questionnent l’anthropomorphisme, le mystère d’une transformation et le drame de la souffrance et de la décomposition des corps.Jean-Michel Saussois, Professeur émérite HDR en sociologie, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1150052019-04-14T19:43:58Z2019-04-14T19:43:58ZPodcast : Air France sur la mauvaise pente ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/267793/original/file-20190405-180023-p2fbbj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=128%2C40%2C3105%2C1512&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Malgré les difficultés, la compagnie aérienne conserve des atouts colossaux, dont son rattachement à la France, l’une des principales places fortes du tourisme mondial.</span> <span class="attribution"><span class="source">Sahachatz/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’annonce-surprise de la montée de l’État hollandais au capital du groupe Air France–KLM <a href="https://theconversation.com/air-france-klm-et-le-mythe-des-alliances-transfrontalieres-112784">à hauteur de 14 %</a> (soit au même niveau que l’État français), fin février, a jeté un trouble : et si cette décision avait été prise pour reprendre la main après plusieurs épisodes délicats pour la compagnie aérienne française, dont celui, tristement et mondialement célèbre, de la chemise du DRH arrachée ? Quoi qu’il en soit, cette nouvelle donne laisse penser que des ajustements stratégiques se préparent, notamment pour faire face aux problèmes concurrentiels liés au positionnement d’Air France, aujourd’hui pris entre des offres plus haut de gamme et des offres agressives sur le plan tarifaire…</p>
<hr>
<h2>Pour aller plus loin</h2>
<p><strong>La nouvelle structure capitalistique du groupe Air France–KLM</strong></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/267787/original/file-20190405-180029-1h310ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/267787/original/file-20190405-180029-1h310ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/267787/original/file-20190405-180029-1h310ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/267787/original/file-20190405-180029-1h310ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/267787/original/file-20190405-180029-1h310ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/267787/original/file-20190405-180029-1h310ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/267787/original/file-20190405-180029-1h310ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/267787/original/file-20190405-180029-1h310ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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<p><strong>Évolution du cours d’Air France–KLM depuis la fusion</strong></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/267867/original/file-20190405-180033-3f0ba8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/267867/original/file-20190405-180033-3f0ba8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/267867/original/file-20190405-180033-3f0ba8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=308&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/267867/original/file-20190405-180033-3f0ba8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=308&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/267867/original/file-20190405-180033-3f0ba8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=308&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/267867/original/file-20190405-180033-3f0ba8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=387&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/267867/original/file-20190405-180033-3f0ba8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=387&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/267867/original/file-20190405-180033-3f0ba8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=387&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évolution du cours du groupe Air France KLM 2014-2019.</span>
</figcaption>
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<p><strong>Évolution des résultats d’Air France</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/267872/original/file-20190405-180029-dvkhin.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/267872/original/file-20190405-180029-dvkhin.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/267872/original/file-20190405-180029-dvkhin.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/267872/original/file-20190405-180029-dvkhin.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/267872/original/file-20190405-180029-dvkhin.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/267872/original/file-20190405-180029-dvkhin.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=346&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/267872/original/file-20190405-180029-dvkhin.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=346&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/267872/original/file-20190405-180029-dvkhin.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=346&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Résultats opérationnel et net d’Air France–KLM (échelle de gauche), et CA consolidé du groupe (échelle de droite).</span>
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</figure>
<p><strong>Des images qui ont fait le tour du monde…</strong></p>
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<figcaption><span class="caption">Reportage de la chaîne Euronews, octobre 2015.</span></figcaption>
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<p><strong>L’analyse de l’équilibre au sein de l’alliance, par Michel Albouy (Grenoble École de Management)</strong></p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1101488746502017024"}"></div></p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/255110/original/file-20190123-135139-13qew4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/255110/original/file-20190123-135139-13qew4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/255110/original/file-20190123-135139-13qew4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/255110/original/file-20190123-135139-13qew4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/255110/original/file-20190123-135139-13qew4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/255110/original/file-20190123-135139-13qew4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/255110/original/file-20190123-135139-13qew4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>« C’est dans la boîte ! », le Podcast de la stratégie d’entreprise signé The Conversation France, vous propose l’étude de cas d’une multinationale bien connue des consommateurs et des citoyens. Julien Pillot, enseignant-chercheur à l'INSEEC School of Business and Economics, et Thibault Lieurade, chef de rubrique Économie + Entreprise, vous donnent rendez-vous deux fois par mois pour décrypter les aspects stratégiques les moins visibles… qui sont aussi les plus essentiels !</em></p>
<p><em>Retrouvez tous les épisodes précédents sur <a href="https://theconversation.com/fr/podcasts/strategie-entreprise-etude-cas-numerique-podcast">The Conversation France</a>, <a href="https://www.deezer.com/fr/show/345262">Deezer</a> et <a href="https://open.spotify.com/show/6IBNs4HbMEmLbrQuzgDFpx">Spotify</a>.</em></p>
<hr>
<p><em>Un grand merci à toute l’équipe du <a href="https://www.scandleparis.com">Scandle</a>, 68 rue Blanche dans le 9<sup>e</sup> arrondissement de Paris, pour l’accueil dans son studio !</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/115005/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Pillot est coordinateur du think tank trans-partisan "Le Jour d'Après" qui entend participer aux débats sur les réformes structurelles nécessaires à la modernisation et l'efficacité de notre modèle social, économique et institutionnel, en dépassant les clivages partisans.</span></em></p>Entre négociations syndicales tendues, abandon de sa filiale low cost Joon et crises de gouvernance, le blason du fleuron de l’aviation française semble bien terni…Julien Pillot, Enseignant-Chercheur en Economie et Stratégie (Inseec U.) / Pr. et Chercheur associé (U. Paris Saclay), INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1139352019-03-20T21:04:50Z2019-03-20T21:04:50ZDe Halle à Manchester : le terrorisme est la domination par la panique<p>Ce mois d'octobre, des attaques isolées ont fait de nouvelles victimes, à la préfecture de police <a href="https://www.liberation.fr/france/2019/10/10/tuerie-a-la-prefecture-de-police-de-paris-le-mystere-de-la-cle-usb_1756784">de Paris</a>, à <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/10/11/allemagne-l-auteur-de-l-attentat-de-halle-a-avoue-sa-motivation-antisemite_6015120_3210.html">Halle en Allemagne</a> ou encore à <a href="https://www.20minutes.fr/monde/2625783-20191011-manchester-plusieurs-blesses-attaque-couteau">Manchester ce samedi 12 octobre</a>. Au mois de mars, deux fusillades avaient fait d'autres victimes civiles en Nouvelle-Zélande et aux Pays-Bas.</p>
<p>Que les assassinats et attaques reçoivent ou non la qualification pénale d’actes terroristes, l’opinion publique, elle, établit des correspondances. Elle s’interroge, sous le choc de cette violence armée en temps de paix, au cœur de deux sociétés démocratiques libérales.</p>
<p>Ironie tragique, c’est précisément au moment où nous espérons avoir mis fin à l’emprise territoriale de l’organisation État islamique que nous sommes confrontés à de nouveaux attentats. <a href="https://theconversation.com/face-a-Daech-letrange-victoire-113511">L’EI est en effet en repli en Syrie et en Irak</a>. Mais est-ce à dire que le terrorisme peut être vaincu ?</p>
<p>Le choc de la violence ne doit pas alimenter, une nouvelle fois, les illusions que les terrorismes véhiculent pour justifier leurs actions et pour étendre leur domination. Les dissiper est essentiel à la lutte contre les terrorismes, ici et ailleurs.</p>
<h2>Islamisme et fascisme visent le même objectif</h2>
<p>En matière de terrorisme, nous prenons souvent la partie pour le tout : nous identifions islamisme terroriste et terrorisme en soi. Les controverses entre Olivier Roy et Gilles Kepel, entre Jean‑Pierre Filiu et François Burgat sont essentielles au débat public. Mais elles n’épuisent pas la nature du terrorisme en général. Pourtant nos sociétés ont été en butte à de nombreuses formes de terrorisme et à plusieurs appareils idéologiques destinés à justifier cette violence indiscriminée.</p>
<p>À Oklahoma City en 1995, à Oslo et Utoya en 2011, comme aujourd’hui à Christchurch, la violence radicale s’exerce contre des populations civiles au nom de principes anti-islamiques. <a href="https://theconversation.com/massacres-de-masse-violence-terrorisme-et-quelques-antecedents-americains-63070">Les suprématistes blancs</a> et les néofascistes ont en commun avec les islamistes de vouloir dominer des populations grâce à une violence imprévisible et hautement médiatisée. Attentats à l’explosif, prises d’otage, massacres à l’aide de véhicules et aujourd’hui fusillades : tous ces modes opératoires visent des civils, des passants ou des vacanciers. Toutes ces tactiques terroristes s’adressent aux médias pour répandre la terreur dans une opinion devenue mondiale. D’où l’importance de la communication pour la plupart des terroristes.</p>
<p>Se demander si l’islam est terroriste par accident ou par nature manque l’essentiel du terrorisme. Ce qu’il faut chercher, ce sont les idéologies qui récusent l’action politique (manifestations, meetings, élections, grèves) pour promouvoir la violence armée dirigée contre des civils, quel que soit le contenu de la justification. Islamiste ou fasciste, réactionnaire ou communiste, le terrorisme est une méthode de tyrannie par l’horreur médiatisée. C’est ce que Michael Walzer a montré avec force dans <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-essais/Guerres-justes-et-injustes"><em>Guerres justes et injustes</em></a> : l’action terroriste n’est pas une action politique comme une autre. C’est même la renonciation à la politique.</p>
<h2>Loups solitaires et réseaux mondialisés : la vulnérabilité généralisée</h2>
<p>Sidérés par les attentats du 11 septembre et par l’emprise supposée mondiale d’Al-Qaïda, intimidés par la rhétorique para-étatique de l’organisation État islamique sur le rétablissement du Califat, nous considérons implicitement le terrorisme comme résultant d’organisations complexes. De la Volonté du Peuple en Russie aux Brigades rouges en Italie et en Allemagne et d’ETA à AQMI, nous analysons le terrorisme par la grammaire de l’action clandestine en réseau.</p>
<p>Mais, là encore, ne confondons pas la manifestation particulière et le type universel. Le terrorisme est <a href="https://theconversation.com/une-diaspora-imaginee-du-califat-au-service-du-djihad-global-62613">affaire de groupe comme d’individus</a>. Depuis l’affaire Merah, on a suffisamment glosé sur la notion de « loup solitaire » et ses limites. C’est moins la quantité et l’organisation des criminels qui compte que la forme de leur action.</p>
<p>Le démantèlement des réseaux et l’identification des complices sont essentiels pour l’enquête et les poursuites. Mais la réponse au terrorisme n’est pas seulement judiciaire. À la limite, pour nos représentations, peu importe que l’auteur de l’attentat soit un individu isolé ou un réseau organisé. Le même sentiment de menace constante nous hante qu’une armée secrète prépare des attentats ou que des individus complotent la mort de passants.</p>
<p>Le terrorisme n’est pas affaire quantitative mais qualitative. C’est l’effet de vulnérabilité généralisée qui est essentiel, pas le nombre d’auteurs de l’attentat.</p>
<h2>Entre guerre et terrorisme, une différence de nature</h2>
<p>Aujourd’hui comme hier, les démocraties occidentales sacrifient aux catégories guerrières concernant le terrorisme. Le terrorisme est érigé en « guerre contre l’Occident » par les islamistes et en résistance armée contre le « Grand remplacement » par les groupes d’extrême droite <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/03/18/attentat-de-christchurch-le-concept-de-grand-remplacement-tend-a-se-banaliser-dans-une-partie-de-l-opinion-publique_5437749_3232.html">comme l’a montré dans <em>Le Monde</em> Valérie Igounet</a>.</p>
<p>Depuis la présidence Bush, le contre-terrorisme est lui aussi une guerre : de la « global war on terror » de 2001 à la guerre au terrorisme de 2015, les politiques instaurent une symétrie. À l’heure où la guerre se métamorphose en conflits hybrides et en combats de basse intensité, la tentation est grande, <a href="https://www.lemonde.fr/attaques-a-paris/article/2015/11/15/pour-l-hsitorien-pascal-ory-le-terrorisme-est-la-guerre-de-notre-temps_4810535_4809495.html">comme le fait Pascal Ory</a>, de considérer le terrorisme comme le nouveau paradigme de la guerre.</p>
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<p>Mais les événements des derniers jours doivent rappeler l’évidence : la différence entre terrorisme et guerre est de nature, pas de degré. Les terroristes auront beau, comme le 13 novembre à Paris, emprunter des armes, des vêtements et des tactiques de guerre, ils n’ouvrent pas des lignes de front dans les grandes villes en paix.</p>
<p>Car ils ne s’attaquent pas à des combattants, n’ont pas d’objectifs militaires et ne veulent pas le renversement du rapport de force armé pour le contrôle d’un objectif. À Christchurch, les cibles ont été des fidèles et les objectifs des lieux de culte. À Utrecht, des passants. En aucun cas, le terrorisme n’est la guerre car il ne cherche pas la victoire militaire.</p>
<h2>Le terrorisme n’est pas le dernier recours des faibles</h2>
<p>Le choc des derniers jours doit également nous ramener à la raison sur les discours justificatifs du terrorisme. Ni en Nouvelle-Zélande ni aux Pays-Bas, le terroriste ne peut légitimement se parer du statut de défenseur des sans-voix et des opprimés. Ces attentats ont eu lieu dans des États où la liberté religieuse et politique fait l’objet des garanties les plus sourcilleuses. En aucune façon, les terroristes ne peuvent prétendre utiliser la violence en dernier ressort, après avoir épuisé les moyens pacifiques de propager leurs opinions.</p>
<p>Prisonniers de notre histoire, nous envisageons parfois le terrorisme à travers le prisme de la lutte anticoloniale. Mais les deux tragédies récentes soulignent l’hypocrisie fondamentale du terrorisme. Celui-ci se fait passer pour l’arme des faibles, y compris quand la promotion d’une cause politique aurait pu prendre des expressions non-violentes.</p>
<p>Un mode de justification classique du terrorisme est l’impossibilité de se faire entendre pour certaines populations. Les peuples colonisés, les nations privées d’État, les sociétés opprimées, les classes dominées seraient nécessairement conduits au terrorisme pour se faire entendre des empires, des colonisateurs, des forces d’occupation et des oligarchies. Le terrorisme serait ainsi une manifestation de désespoir. Les fusillades récentes rappellent pourtant que le désespoir peut être étranger au terrorisme.</p>
<p>Et, réciproquement, des populations privées d’expression politique ont utilisé bien d’autres moyens que le terrorisme : résistance passive, désobéissance civique, pétitions publiques, dissidences, etc. Il n’y a pas de corrélation directe entre désespoir et terrorisme.</p>
<p>Le choc et le dégoût des attentats brouillent nos catégories éthiques et politiques fondamentales. Le tyran en puissance se fait passer pour l’avocat des opprimés. Le massacre de civils se fait passer pour un acte de guerre. La violence dominatrice se fait passer pour un programme politique ou pour un réveil religieux.</p>
<p>Que les attentats récents n’alimentent pas ces illusions : le terrorisme est, avant tout, une tentative de domination mentale par la panique.</p>
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<p><em>L’auteur a récemment publié « Qu’est-ce que le terrorisme ? » aux éditions Vrin.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/113935/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cyrille Bret ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Islamiste ou fasciste, réactionnaire ou communiste, le terrorisme est une méthode de tyrannie par l’horreur médiatisée.Cyrille Bret, Géopoliticien, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1127842019-03-01T14:09:59Z2019-03-01T14:09:59ZAir France–KLM et le mythe des alliances transfrontalières<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/261647/original/file-20190301-110119-1i9ngze.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C1%2C953%2C666&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’État néerlandais a porté sa participation dans le capital du groupe Air France-KLM a 14 % le 27 février.</span> <span class="attribution"><span class="source">Pieter Beens / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le dernier épisode de l’actualité capitalistique du groupe Air France–KLM révèle toutes les ambiguïtés de ce qu’on appelle les « alliances » entre grandes entreprises à l’heure de la montée des nationalismes. Que ce soit pour l’alliance Renault-Nissan – aujourd’hui malmenée après l’arrestation de son ex-patron Carlos Ghosn – que pour celle d’Air France–KLM, on assiste à une reprise en main par les États, voire les acteurs nationaux, de leurs entreprises emblématiques. Ainsi, la vague du nationalisme atteindrait également la sphère économique. Drôle de retournement de situation pour ceux qui avaient prédit la fin des États nation à l’heure de la mondialisation.</p>
<p>Wopke Hoekstra, le ministre des Finances néerlandais, a justifié le 26 février 2019 l’initiative de montée au capital d’Air France–KLM par la volonté « d’exercer une influence directe sur les évolutions futures de la société holding Air France–KLM, pour s’assurer que les intérêts publics néerlandais sont garantis de manière optimale ».</p>
<p>On ne peut pas être plus clair. Ainsi, un des pays européens considéré comme le plus libéral, n’hésite pas à faire un raid boursier pour défendre ses intérêts économiques. L’annonce de l’acquisition de 12,68 % du capital de la compagnie aérienne pour un montant de 680 millions d’euros le 26 février a surpris tout le monde, <a href="https://www.msn.com/fr-fr/actualite/monde/air-france-klm-paris-ignorait-tout-du-raid-surprise-des-pays-bas/ar-BBU8xPA">y compris le gouvernement français</a> qui ne fut informé que quelques heures avant le raid. Un jour plus tard, le 27 février, on apprenait que l’État néerlandais avait porté sa participation dans le capital du groupe Air France–KLM a 14 %, soit un niveau équivalent à celui de l’État français qui détient 14,3 % du capital mais encore 22 % des droits de vote du fait des droits de vote double pour les actions détenues depuis plus de deux ans.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/261639/original/file-20190301-110150-1bwg3wd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/261639/original/file-20190301-110150-1bwg3wd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/261639/original/file-20190301-110150-1bwg3wd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/261639/original/file-20190301-110150-1bwg3wd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/261639/original/file-20190301-110150-1bwg3wd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/261639/original/file-20190301-110150-1bwg3wd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/261639/original/file-20190301-110150-1bwg3wd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/261639/original/file-20190301-110150-1bwg3wd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Graphique 1 : structure capitalistique du groupe Air France–KLM.</span>
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<h2>Jeu politique</h2>
<p>À l’annonce de l’opération menée par le gouvernement néerlandais, le ministre français de l’économie Bruno Le Maire <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/af-klm-doit-etre-gere-sans-interference-etatique-selon-le-maire-1329334">a déclaré</a> : « Il est essentiel qu’Air France KLM soit géré sans interférence étatique nationale ». Une source de Bercy aurait même qualifié cette opération de <a href="https://fr.reuters.com/article/topNews/idFRKCN1QG2D1-OFRTP">« technique de raiders »</a> plutôt que celle d’un État actionnaire).</p>
<p>Ces déclarations venant de hauts responsables de l’État français prêtent à sourire quand on connait la doctrine du patriotisme économiques en vigueur dans notre administration si prompte à défendre nos fleurons industriels… À noter que la montée au capital d’Air France–KLM par les américains Delta Airlines et les chinois China Eastern Airlines en <a href="https://www.tourmag.com/Delta-Airlines-et-China-Eastern-entrent-au-capital-d-Air-France_a88761.html">2017</a> n’avait pas produit le même effet. Pourtant à eux deux, ces actionnaires étrangers et non européens, possèdent aujourd’hui 17,6 % de la compagnie aérienne, soit plus que l’État français (14,3 %). Il est vrai que leur arrivée avait été souhaitée par le management de l’époque pour recapitaliser la compagnie nationale qui en avait bien besoin. Des augmentations de capital réservées à China Eastern Airlines et Delta Airlines avaient alors été réalisées pour un montant de <a href="https://theconversation.com/air-france-ou-comment-se-couper-les-ailes-95758">751 millions d’euros</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"992449841379897344"}"></div></p>
<p>Pour le ministre français de l’Économie, qui estime néanmoins que l’alliance Air France–KLM est solide, « Il n’est pas raisonnable de rester dans cette situation qui ne bénéficie à personne, ni à Air France, ni à KLM, ni au groupe dans son ensemble ». Sans vouloir polémiquer inutilement, on ne voit pas en quoi le fait que l’État néerlandais, un actionnaire stable et de confiance, prennent une participation significative au capital du groupe Air France–KLM ne bénéficierait pas à la compagnie globalement. Pourquoi ce qui n’est pas acceptable par un État européen l’est davantage pour des actionnaires étrangers ? Les réponses à ces questions se trouvent dans le jeu politique qui se déroule entre Français et Néerlandais depuis l’acquisition par Air France de la compagnie KLM.</p>
<p>Si Air France et KLM ont fusionné en 2004, les deux compagnies continuent à opérer de façon largement indépendante et tiennent à leur pavillon national. Ceci était acté par le fait que jamais, depuis le rachat de KLM, les patrons d’Air France n’ont jamais siégé au conseil de surveillance de la filiale KLM. Mais la nomination en 2018 du nouveau PDG du groupe, Benjamin Smith, a changé la donne. Ce dernier a en effet exigé et obtenu, afin de mieux contrôler son groupe, de siéger au conseil de la filiale. En échange, Pieter Elbers, le directeur-général de KLM, a obtenu l’assurance du <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/air-france-klm-comment-pieter-elbers-le-patron-de-klm-a-sauve-sa-tete-808421.html">renouvellement de son mandat</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/261649/original/file-20190301-110110-1v3q3gs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/261649/original/file-20190301-110110-1v3q3gs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/261649/original/file-20190301-110110-1v3q3gs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/261649/original/file-20190301-110110-1v3q3gs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/261649/original/file-20190301-110110-1v3q3gs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/261649/original/file-20190301-110110-1v3q3gs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/261649/original/file-20190301-110110-1v3q3gs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le Canadien Benjamin Smith, nouveau PDG du groupe.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cagatiocommons</span></span>
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<p>À cela s’ajoute le fait que la compagnie française a été secouée par de graves mouvements sociaux ces dernières années et qu’elle est beaucoup moins rentable que sa consœur néerlandaise. Cela est attesté par les <a href="https://www.airfranceklm.com/fr/communiques/resultats-annuels-2018">résultats annuels du groupe</a> (publiés le 20 février 2019) qui révèlent que 80 % des 1,33 milliards d’euros de bénéfices d’exploitation ont été réalisés par KLM. De quoi alimenter une certaine rancœur chez les salariés de KLM qui ne veulent pas devenir « la vache à lait » d’un groupe dont le pouvoir se trouve de facto dans les mains des français, même si le nouveau patron, Benjamin Smith, est canadien.</p>
<p>Il est aussi possible que les projets de ce nouveau patron aient réveillé des inquiétudes auprès des salariés de KLM et du gouvernement néerlandais. L’idée de faire monter en gamme Air France au détriment de KLM et de piloter l’ensemble d’une seule main n’a pas dû <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/0600678516950-air-france-klm-ben-smith-confronte-a-un-vent-de-fronde-chez-klm-et-chez-hop-2243871.php">être du goût des salariés</a> de KLM et du gouvernement néerlandais.</p>
<h2>Le précédent de l’alliance Renault-Nissan</h2>
<p>Interrogé le 25 novembre 2015, à l’Assemblée nationale, au sujet de la participation de l’État dans le capital de Renault, le ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, <a href="https://theconversation.com/quelle-gouvernance-pour-renault-avec-letat-actionnaire-53777">déclarait</a> :</p>
<blockquote>
<p>« L’objectif de l’État en tant qu’actionnaire de long terme, c’est de pouvoir peser sur les décisions stratégiques de l’entreprise ».</p>
</blockquote>
<p>C’est ainsi que l’État français avait porté de 15 à près de 20 % la part de l’État chez Renault-Nissan, afin de peser sur la gouvernance du constructeur. Aujourd’hui, c’est le même État français qui s’émeut de la montée au capital de l’État néerlandais. À croire que ce qui serait vrai en France ne le serait pas aux Pays-Bas. À noter que l’action de l’État français sur le capital de Renault a durablement altéré la relation de confiance entre les clans français et japonais. Comment croire qu’il n’en sera pas de même avec l’épisode néerlandais sur les relations entre Air France et KLM ?</p>
<p>Depuis l’arrestation au Japon de Carlos Ghosn, le célèbre patron de l’alliance Renault-Nissan, Nissan demande un rééquilibrage de l’Alliance. D’autant plus que Nissan est le premier contributeur, que ce soit en chiffre d’affaires comme de résultats. Une situation un peu analogue à celle d’Air France–KLM…</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/261654/original/file-20190301-110137-1fcplsd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/261654/original/file-20190301-110137-1fcplsd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/261654/original/file-20190301-110137-1fcplsd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/261654/original/file-20190301-110137-1fcplsd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/261654/original/file-20190301-110137-1fcplsd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/261654/original/file-20190301-110137-1fcplsd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/261654/original/file-20190301-110137-1fcplsd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’arrestation de Carlos Ghosn a fragilisé Renault-Nissan, autre alliance transfrontalière.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Frederic Legrand -- COMEO/Shutterstock</span></span>
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<p>Contrairement à ce que d’aucuns ont écrit l’Alliance Renault-Nissan n’a jamais fait un seul constructeur par exemple Volkswagen. De ce point de vue, les comparaisons qui ont souvent été faites pour montrer que l’Alliance Renault-Nissan était le premier constructeur mondial ne tenait pas. Dans le cas du groupe Air France–KLM, et contrairement à l’Alliance Renault-Nisssan, il y a bien eu une acquisition et la constitution d’une holding. Mais vu le degré d’indépendance dont jouissait chaque filiale on peut s’interroger sur la réalité de leur fusion. En clair, l’absence de vraie fusion-intégration fragilise ces alliances et ce d’autant plus que s’y mêlent le patriotisme économique. L’idée que l’on va travailler entre égaux relève de fait plus de la rhétorique que de la réalité du monde des affaires. À cela s’ajoute la difficulté d’un pilotage partagé et les évolutions différenciées des entités dans le temps. On le voit avec l’Alliance Renault-Nissan comme dans le groupe Air France–KLM.</p>
<h2>Quelques enseignements</h2>
<p>L’actualité des alliances transfrontalières montrent la fragilité de ces constructions face à la montée des nationalismes économiques. Pour ceux qui ont le pouvoir, il est toujours facile de justifier leur position en montrant les avantages de ces alliances. L’expérience montre aussi que les mêmes arguments – la nécessité pour un État de peser sur les décisions stratégiques de son champion national – sont utilisés selon la position que l’on occupe.</p>
<p>Pour le marché financier, il est clair – vu sa réaction à l’annonce de l’acquisition réalisée par l’État néerlandais – que cette opération ne va pas dans le bon sens. <a href="https://www.businessinsider.fr/air-france-klm-chute-en-bourse-apres-la-montee-de-letat-neerlandais-au-capital-de-la-compagnie/">Le titre a décroché</a> de près de 12 % à l’annonce de l’opération. Cette réaction peut s’interpréter comme une défiance à l’égard de la politique d’intégration plus poussée que souhaite mettre en œuvre le nouveau patron du groupe Air France–KLM. De fait, avec un poids équivalent à l’État français, le gouvernement néerlandais sera en mesure de défendre les intérêts de « sa compagnie » et de son hub.</p>
<p>Le cas Air France–KLM montre également que l’interventionnisme d’État, marqueur du capitalisme français, a tendance à se propager y compris dans des pays de plus forte tradition libérale comme les Pays-Bas. Autant, la participation au capital d’actionnaires privés étrangers semble ne pas poser problème, comme le montre le cas du groupe Air France, il n’en va pas de même lorsqu’il s’agit de la montée d’États souverains, quand bien même ils seraient européens. Visiblement, la création de véritables champions européens demeure un chemin difficile, comme la fusion ratée d’Alstom-Siemens l’a encore montré récemment.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1093636941931864064"}"></div></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/112784/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Albouy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’annonce surprise de la montée au capital de l’État néerlandais souligne une nouvelle fois toute la fragilité de ces alliances entre grandes entreprises de nationalités différentes.Michel Albouy, Professeur senior de finance, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1063612018-11-28T20:38:47Z2018-11-28T20:38:47ZLe populisme, un terme trompeur<p>Le terme <em>populisme</em> est polysémique. Certains considèrent le populisme comme un style (proximité langagière avec le « peuple », habillement simple « populaire », etc.) ; d’autres réduisent le populisme à un discours démagogique.</p>
<p>On peut aussi considérer que l’aspect le plus important pour définir un populiste, en plus des deux précédents, est son attachement à se considérer comme le représentant du « vrai peuple », c’est-à-dire comme le représentant légitime de la majorité silencieuse. Mais quelle est-elle ?</p>
<p>S’agit-il du peuple tout entier moins ceux d’en haut (les « élites »), c’est-à-dire de la majorité de la population nationale ? Parle-t-on de la partie prolétarisée de celle-ci ? Dans ce dernier cas, le « peuple » se réduit-il à la classe ouvrière à laquelle s’adjoindraient les chômeurs et les précarisés ? Y ajoute-t-on les employés ? Les artisans et les commerçants ? Les paysans ? Et où met-on les classes moyennes salariée ? Bref, le terme <em>populisme</em> est trompeur.</p>
<h2>Les raisons de la montée en puissance</h2>
<p>Il renvoie, dans les différents pays où il est utilisé, à des contenus différents : aux Pays-Bas, par exemple, à un parti de droite qui se radicalise (le Parti pour la Liberté) ; tandis qu’en France, il est utilisé pour qualifier un parti d’extrême droite qui essaie de muter (en <a href="https://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=PE_162_0103&contenu=article">l’occurrence le Rassemblement national</a>). Au Venezuela, il sert à définir un <a href="http://www.csprp.univ-paris-diderot.fr/IMG/pdf/raison_publique_16.pdf">régime autoritaire</a>.</p>
<p>En France, il y a deux grandes formations populistes : le Rassemblement national (Jean‑Marie Le Pen excellait dans cet exercice) et La France Insoumise. D’ailleurs, cette dernière formation met en avant des théoriciens du populisme, en l’occurrence d’un populisme de gauche : <a href="https://www.albin-michel.fr/ouvrages/pour-un-populisme-de-gauche-9782226435293">Chantal Mouffe et Ernesto Laclau</a>.</p>
<p>Le populisme est divers, d’où la difficulté d’en cerner les contours : son expression dépend du lieu où il est né, elle est liée à l’histoire du pays dans lequel il se développe. En outre, ce terme est abondamment utilisé comme disqualifiant –, ce qui ne facilite pas sa compréhension.</p>
<p>Les différents partis populistes apparaissent et se développent à partir du milieu des années 1980, à la suite de la stagnation économique née des chocs pétroliers du début des années 1970. Mais ils deviennent des partis de premier plan à compter du début des années 2000. Ce sont donc d’autres raisons qui sont à l’origine de l’essor de ces partis.</p>
<p>Parmi celles-ci, qui peuvent d’ailleurs se cumuler, figurent la montée de l’euroscepticisme et la question de la souveraineté, le poids de la mondialisation, la volonté de protectionnisme économique, le rejet des élites et des partis politiques et, évidemment, celui de l’immigration, en particulier celle provenant des pays arabo-musulmans.</p>
<h2>Défendre le « vrai peuple »</h2>
<p>Pour un partisan de cette façon de faire de la politique, être populiste est éminemment positif. Il s’agit de défendre le peuple, d’en être son porte-parole. La connotation négative est le fait de ceux qui le rejettent. Elle est utilisée comme une façon de disqualifier. En ce sens, elle devient synonyme de démagogie.</p>
<p>En outre, on peut être d’extrême droite sans être populiste. Pensons aux régimes technocratiques. L’un des meilleurs exemples reste l’« État nouveau » de Salazar au Portugal. Ceci dit, le style « populiste » est très fréquent à l’extrême droite, surtout dans les régimes totalitaires : <a href="https://www.jstor.org/stable/3770603?seq=1#page_scan_tab_contents">Italie fasciste</a>, Allemagne nazie. Mais il faut tenir compte du fait que ce populisme n’est pas spontané, il est au contraire très travaillé. Le populisme relève du discours extrémiste, dans le sens où il pousse à tout changer, à tout bousculer… Il porte en lui des germes radicaux.</p>
<p>Cette radicalité se manifeste dans l’idée de défendre le « vrai peuple ». En définissant un « vrai peuple », le leader populiste établit une double exclusion : d’un côté, cela revient à rendre les autres partis illégitimes, ceux-ci étant forcément corrompus (le « tous pourris » chez tous les populistes, de gauche comme de droite) ; de l’autre, à exclure les citoyens qui ne soutiennent pas la politique de ce leader (ils deviennent alors des ennemis) : car s’il y a un « vrai peuple », forcément homogène, il y a aussi, en miroir, un « faux peuple ».</p>
<p>Le cœur du populisme, son essence, n’est pas la critique des élites – les leaders populistes sont d’ailleurs rarement issus du « peuple », bien au contraire –, mais le rejet du pluralisme de l’offre politique. Sauf que, sans pluralisme politique, <a href="https://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=POUV_161_0019">il n’y a pas de démocratie</a>.</p>
<h2>Malaise dans le système représentatif</h2>
<p>S’il existe un populisme droite et un populisme de gauche, distincts, ceux-ci se rejoignent dans l’idée d’être le représentant du « vrai » peuple. Le rapport aux élections de ces formations est d’ailleurs symptomatique : les populismes rejettent le système représentatif au profit du référendum et préfèrent <a href="https://laviedesidees.fr/Penser-le-populisme.html">s’adresser directement au peuple</a>.</p>
<p>En ce sens, il s’agit d’un symptôme d’un malaise dans le système représentatif. Comme il est censé connaître les besoins de ce peuple, le leader populiste est à même d’identifier la volonté populaire, il n’a guère besoin d’institutions intermédiaires. Le rejet des pratiques électorales se voit dans le décalage, selon lui, entre le résultat électoral et celui des populistes : la majorité silencieuse, n’ayant pu s’exprimer (pour quelle raison ? Cela reste un mystère), les procédures électorales sont remises en cause.</p>
<p>Toutefois, il ne faut pas repousser d’un geste de la main le populisme ou mépriser ceux qui sont attirés par ce vote. Il faut maintenir un dialogue avec ces partis, mais en respectant plusieurs règles :</p>
<ul>
<li><p>ne pas les disqualifier d’office, par exemple en les traitant de démagogues, de racistes ou de menteurs ;</p></li>
<li><p>il faut faire de vraies contre-propositions ;</p></li>
<li><p>il faut condamner fermement les propos les plus antidémocratiques ou moralement les plus inacceptables ;</p></li>
<li><p>Surtout, il faut prendre conscience que le populisme relève d’une crise de la représentation pour deux grandes raisons : premièrement, l’électorat des grands partis s’érode, ceux-ci ne renouvelant ni leur personnel, ni leurs idées ; deuxièmement, cet électorat devient très volatile.</p></li>
</ul>
<p>Face au populisme, l’un des enjeux est donc de renouer la confiance entre les partis de gouvernement et l’électorat, et surtout de proposer des idées nouvelles, mobilisatrices, qui peuvent – et doivent – être concrétisées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/106361/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphane François ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le cœur du populisme, son essence, n’est pas la critique des élites, bien au contraire, mais le rejet du pluralisme de l’offre politique.Stéphane François, Politiste, historien des idées, chercheur associé, École pratique des hautes études (EPHE)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1058692018-10-30T23:34:38Z2018-10-30T23:34:38ZL’arrêt Urgenda, un espoir face à l’inertie des politiques climatiques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/243018/original/file-20181030-76405-1abrhdb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1024%2C683&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Marjan Minnesma, directrice de l’ONG Urgenda, le 9 octobre dernier lors de la décision de la cour d’appel de La Haye.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.urgenda.nl/en/themas/climate-case/">Chantal Bekker/Urgenda</a></span></figcaption></figure><p>La <a href="https://www.urgenda.nl/wp-content/uploads/ECLI_NL_GHDHA_2018_2610.pdf">cour d’appel de La Haye</a> a rendu le 9 octobre un arrêt historique en matière de justice climatique. Confirmant le jugement en première instance du 24 juin 2015, cette nouvelle décision confirme l’injonction aux autorités hollandaises de réduire d’au moins 25 % leurs émissions à l’horizon de 2020.</p>
<p>Cette procédure fait suite à une action en justice introduite en 2015 par la fondation environnementaliste Urgenda (contraction de « Urgent Agenda ») au nom de 886 citoyens hollandais. La plainte pointait l’insuffisance des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre <a href="https://www.urgenda.nl/wp-content/uploads/VerdictDistrictCourt-UrgendavStaat-24.06.2015.pdf">fixés par le pays</a>.</p>
<p>La possibilité d’actions d’intérêt collectif n’est pas nouvelle. Mais ce type de recours, né aux États-Unis dans les années 1970 dans le but de forcer des <a href="https://www.press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/R/bo3621952.html">changements sociaux</a>, demeure rare en matière d’environnement.</p>
<p>Sur les centaines d’actions judiciaires en <a href="http://wedocs.unep.org/bitstream/handle/20.500.11822/20767/climate-change-litigation.pdf?sequence=1&isAllowed=y">cours</a> sur les sujets climatiques, moins d’une dizaine sont d’intérêt collectif et cinq d’entre elles seulement se déroulent en Europe (<a href="https://affaire-climat.be/">Belgique</a>, <a href="https://www.savethearctic.org/en/peoplevsarcticoil/background-documents/">Norvège</a>, <a href="https://ainees-climat.ch/">Suisse</a>, <a href="https://www.climatecaseireland.ie/">Irlande</a>, <a href="https://peoplesclimatecase.caneurope.org/">Union européenne</a>). L’arrêt Urgenda est donc aux avant-postes, en marquant l’accueil favorable par le juge de ce type particulier de poursuite.</p>
<h2>Réduire drastiquement les émissions de carbone</h2>
<p>Se fondant sur le droit international et sur l’état de la science, la cour hollandaise a estimé dans sa décision qu’une réduction des émissions inférieure à 25 % en 2020 ne satisferait pas aux exigences du « devoir de diligence » de l’État envers deux droits fondamentaux. Et ce malgré l’objectif européen fixé à 20 %.</p>
<p>Insistant sur le caractère irréaliste des scénarios de réduction, qui tablent sur des stratégies d’émissions négatives, le tribunal a rappelé les préconisations du GIEC depuis 2007, sur la nécessité de réduire de 25 à 40 % les émissions d’ici à 2020.</p>
<p>S’agissant d’une demande d’injonction plutôt que d’une action en responsabilité, la Cour défend explicitement une approche très souple sur l’établissement du lien causal entre l’inaction de l’Etat et la violation des droits concernés, tant il est vrai que les dommages climatiques que craignent les plaignants ne résultent pas des seules émissions hollandaises. </p>
<p>Il est de plus en plus fréquent qu’un juge condamne un Etat pour ne pas en avoir fait assez pour protéger un droit. La décision apporte une réponse à la crainte d’un « gouvernement des juges » : rejetant ce risque, le texte explique qu’il ne s’agit pas d’imposer le contenu précis des mesures permettant d’atteindre l’objectif concerné.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1049608246661697536"}"></div></p>
<h2>Enjeu d’âges et de générations</h2>
<p>À mesure que notre immobilisme « carbonique » provoque sur le climat des effets immédiats, les actions judiciaires climatiques nécessitent de moins en moins de statuer sur les droits de personnes futures. L’arrêt Urgenda apporte à cet égard trois enseignements essentiels.</p>
<p>La cour considère d’abord que l’action est recevable dans la mesure où Urgenda agit au nom des intérêts citoyens hollandais « actuels ». Estimant ceci suffisant, elle ne se prononce pas sur le droit d'un groupe de plaignants à représenter les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1467-9760.2008.00323.x">générations futures</a> – comme l’avait affirmé un juge philippin dans l’arrêt <a href="https://www.crin.org/en/library/legal-database/minors-oposa-v-secretary-department-environmental-and-natural-resources">Opposa</a>.</p>
<p>Elle insiste ensuite sur le fait que les plus jeunes des plaignants « auront à faire face à des effets néfastes au cours de leur vie si les émissions globales ne sont pas réduites de manière adéquate ». Inclure de jeunes citoyens permet d’étendre considérablement l’horizon temporel de ce type d’action d’intérêt collectif.</p>
<p>D’autres poursuites judiciaires climatiques en cours sont d’ailleurs concernées par cette question, comme le cas norvégien, initié par une organisation de <a href="https://www.savethearctic.org/en/peoplevsarcticoil/background-documents/">jeunes environnementalistes</a>.</p>
<p>Enfin, insister sur l’âge des plaignants ne doit toutefois pas nous faire confondre « effets de génération » et « effets d’âge ». C’est une chose d’affirmer que certaines générations seront plus affectées au cours de leur vie par les changements climatiques. C’en est une autre de souligner que certaines classes d’âge sont plus vulnérables aux effets du réchauffement.</p>
<p>Si la plupart des actions « climat » sont mues par la première préoccupation, il serait possible d’y traduire aussi la seconde. L’action dite <a href="https://klimaseniorinnen.ch/wp-content/uploads/2017/05/request_KlimaSeniorinnen.pdf">« des grand-mères suisses »</a> invoque la vulnérabilité particulière des personnes âgées aux vagues de chaleur. Elle suggère un possible développement post-Urgenda.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/242950/original/file-20181030-76405-qond2e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/242950/original/file-20181030-76405-qond2e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/242950/original/file-20181030-76405-qond2e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/242950/original/file-20181030-76405-qond2e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/242950/original/file-20181030-76405-qond2e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=558&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/242950/original/file-20181030-76405-qond2e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=558&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/242950/original/file-20181030-76405-qond2e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=558&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’association Aînés pour la protection du climat a déposé plainte contre la Suisse, au nom de la vulnérabilité des personnes âgées face au réchauffement climatique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://drive.google.com/drive/folders/1L4JxzKzBJGfMr5fYAQFo7TYHI3jn2oD3">Miriam Künzli/KlimaSeniorinnen</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<h2>Droits humains et discrimination</h2>
<p>L’arrêt de la cour de La Haye est par ailleurs significatif quant aux deux droits fondamentaux dont il reconnaît la violation : outre rappeler l’effet direct du droit à la vie et du droit à la vie privée et familiale (articles 2 et 8 de la <a href="https://www.echr.coe.int/Documents/Convention_FRA.pdf">Convention européenne des droits de l’homme</a>), la décision pousse plus loin.</p>
<p>Elle estime notamment recevable, devant une juridiction hollandaise, une action d’intérêt collectif fondée sur des droits consacrés par la CEDH, alors même que ce type de recours est irrecevable devant la Cour européenne des droits de l'homme.</p>
<p>Par ailleurs, si les interprétations de la CEDH ont effectivement étendu l’article 8 aux questions d’environnement <a href="https://hudoc.echr.coe.int/eng">depuis 1990</a>, la juridiction hollandaise élargit le champ aux « menaces d’atteinte sérieuses » aux intérêts protégés par l’article 8.</p>
<p>Si la combinaison des articles 2 et 8 de la CEDH est centrale, plus surprenante est l’absence d’invocation de l’article 14, qui porte sur le droit à l’égalité et à la non-discrimination.</p>
<p>En acceptant l’idée selon laquelle certaines générations ou classes d’âges sont ou seront plus affectées par la dégradation du climat, l’inaction climatique pourrait aussi être vue comme une forme de discrimination entre générations, et entre classes d’âge. Au moins deux des affaires en cours en matière climatique s’y réfèrent (<a href="https://static1.squarespace.com/static/571d109b04426270152febe0/t/57a35ac5ebbd1ac03847eece/1470323398409/YouthAmendedComplaintAgainstUS.pdf">Juliana v. US</a> et <a href="https://peoplesclimatecase.caneurope.org/wp-content/uploads/2018/05/legal-summary-of-the-peoples-climate-case-1.pdf">une action menée contre l’UE</a>). Absente de l’affaire Urgenda, c’est une piste qu’il faut désormais <a href="https://www.e-publica.pt/volumes/v2n2/pdf/Vol.2-N%C2%BA2-Art.03.pdf">prendre en compte</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/105869/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Tandis que les actions en justice climatiques se multiplient, la cour d’appel de La Haye a rendu un arrêt décisif, enjoignant l’État hollandais à agir plus efficacement pour le climat.Axel Gosseries, Professeur de philosophie politique normative, Université catholique de Louvain (UCLouvain)Refia Kadayifci Kaya, Doctorante en sciences juridiques, Université catholique de Louvain (UCLouvain)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1058672018-10-30T23:34:28Z2018-10-30T23:34:28ZLa montée en puissance d’une justice climatique mondiale<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/242937/original/file-20181030-76387-nckacg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C404%2C4019%2C2474&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Plus d’un quart du territoire néerlandais se situe sous le niveau de la mer.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/QwBpR7ca2pA">Daria/TaskArmy.nl/Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>C’est une décision historique qu’à <a href="https://www.urgenda.nl/wp-content/uploads/ECLI_NL_GHDHA_2018_2610.pdf">confirmée</a>, le 9 octobre dernier, la Cour d’appel de la Haye. En faisant valoir la protection des droits de ses citoyens et le devoir de diligence, le tribunal a imposé au gouvernement néerlandais de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) des Pays-Bas.</p>
<p>Ce nouvel arrêt renforce la position rendue en 2015 dans l’affaire « Urgenda Foundation contre l’État des Pays-Bas » : à la suite d’une <a href="http://theconversation.com/changement-climatique-la-societe-civile-multiplie-les-actions-en-justice-74191">plainte signée par la fondation Urgenda au nom de 886 citoyens</a>, le gouvernement avait été enjoint une première fois de réduire ses émissions de 25 % par rapport au niveau de 1990 d’ici à 2020. Une décision dont l’État avait alors fait appel.</p>
<h2>Au même moment, le rapport du GIEC</h2>
<p>Cet arrêt de la Cour d’appel est intervenu au lendemain de la publication du rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur les changements climatiques (GIEC) : dans les <a href="http://www.ipcc.ch/report/sr15/">400 pages de leur rapport</a> rendu public le 8 octobre, les climatologues lancent un avertissement fort sur la nécessité de maintenir le réchauffement planétaire en dessous de 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels d’ici 2030.</p>
<p>L’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/accord-de-paris-23135">Accord de Paris</a>, rappelons-le, fixait un objectif principal à +2 °C et s’était vu ajouter, en vertu d’une demande expresse des petits États insulaires spécialement vulnérables au changement climatique, l’objectif de +1,5 °C.</p>
<p>Dans ce nouveau rapport, les scientifiques réunis au sein du GIEC ont reconnu avoir sous-estimé l’impact de cette différence de 0,5 °C sur la faune, l’environnement et les êtres humains. La multiplication des événements météorologiques extrêmes, les sécheresses et les inondations qui en découleraient entraîneraient, soulignent-ils, des crises de santé publique et des pénuries alimentaires dramatiques.</p>
<h2>Le gouvernement néerlandais enjoint à agir</h2>
<p>Associé à cette nouvelle décision dans l’affaire Urgenda, le rapport du GIEC contribuera à encadrer les négociations sur le changement climatique qui se tiendront en Pologne, à partir du 3 décembre prochain lors de la COP24.</p>
<p>Le rapport souligne l’urgence pour les gouvernements à agir, tout en redoublant d’effort pour réduire drastiquement leurs émissions de gaz à effet de serre ; c’est bien de cela dont il est question dans cette seconde décision Urgenda. Cette dernière adresse au gouvernement néerlandais une <a href="https://uitspraken.rechtspraak.nl/inziendocument?id=ECLI:NL:GHDHA:2018:2610">injonction de faire</a> pour mettre en œuvre une réduction de 25 % des émissions de GES à l’horizon.</p>
<p>Après avoir perdu en première instance dans la décision Urgenda de 2015, l’État néerlandais avait annoncé une politique de réduction des émissions de 25 %. Mais les objectifs fixés par ce plan, tout comme la suppression progressive de toutes les centrales à charbon, étaient largement insuffisants pour respecter l’échéance de 2020.</p>
<p>En juillet dernier, le gouvernement néerlandais s’était engagé avec une nouvelle proposition de loi à conduire une politique plus ambitieuse, visant une <a href="http://theconversation.com/aux-pays-bas-les-retombees-vertueuses-de-la-justice-climatique-99397">réduction des émissions de 30 %</a>. La procédure judiciaire initiée par Urgenda l’engage à s’y exécuter dans les plus brefs délais.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1049578964904275968"}"></div></p>
<h2>Moteur d’action pour la justice climatique européenne</h2>
<p>La plainte d’Urgenda, qui a depuis 2015 inspiré des dizaines d’autres actions en justice climatique dans le monde, vient raviver dans les prétoires la flamme de la lutte contre le changement climatique.</p>
<p>En juin dernier, dix familles de huit pays européens ont ainsi <a href="https://www.ouest-france.fr/environnement/climat/victimes-du-rechauffement-climatique-des-familles-portent-plainte-contre-l-union-europeenne-5779412">déposé plainte</a> contre l’Union européenne. Se sentant victimes du réchauffement climatique, elles en déplorent les effets négatifs sur leurs familles – notamment sur leur droit à la vie et à exercer une activité commerciale.</p>
<p><a href="http://www.climatechangenews.com/2018/10/09/climate-lawyers-use-un-1-5c-report-sue-governments/">Dans une lettre ouverte</a> adressée aux hommes politiques européens, et publiée le 9 octobre dernier dans <em>Climate Home News</em>, les avocats des plaignants ont déclaré que le GIEC avait confirmé que seuls les objectifs d’émissions européens retenant le réchauffement à moins de 1,5 °C étaient compatibles avec leurs « droits fondamentaux ».</p>
<p>Cette action engagée devant la Cour européenne vise, d’une part, à ce que l’Union s’engage à réduire davantage les GES d’ici 2020, 2030 et 2050 ; d’autre part, à ce que les 27 reconnaissent la violation des droits fondamentaux compris dans la <a href="http://www.europarl.europa.eu/charter/pdf/text_fr.pdf">Charte de l’Union européenne</a>.</p>
<p>Parmi les signataires, Maurice Feschet, 72 ans, agriculteur de quatrième génération du sud de la France, estime que les perturbations climatiques sont devenues plus fréquentes depuis sa jeunesse. La sécheresse répétée a frappé la récolte de lavande, rendant difficile pour son fils de poursuivre la tradition familiale :</p>
<blockquote>
<p>« C’est très difficile de vivre à présent… Nous avons rejoint les dix autres familles pour demander à l’Europe de protéger notre mode de vie. »</p>
</blockquote>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"999648944350154752"}"></div></p>
<h2>Multiplication des litiges</h2>
<p>Certes, le rapport spécial du GIEC du 8 octobre dernier n’est pas légalement contraignant. « Cela ne changera peut-être pas la loi, <a href="http://www.climatechangenews.com/2018/10/09/climate-lawyers-use-un-1-5c-report-sue-governments/">a déclaré un avocat</a> au sein du cabinet londonien Client Earth, mais cela fournit potentiellement beaucoup de munitions pour ceux d’entre nous qui cherchent à utiliser la loi pour apporter des changements sur cette question. »</p>
<p>Urgenda 2 l’illustre : la combinaison des principes juridiques nationaux et internationaux existants peut mener à des décisions péremptoires dans un contexte plus global de prise de conscience des périls liés au changement climatique.</p>
<p>En attendant que le texte de l’Accord de Paris soit éventuellement revu à la lumière du dernier rapport du GIEC, ou que d’autres lois nationales sur le climat soient adoptées, le nombre de poursuites en justice climatique s’accroît ; ces litiges ne feront que se multiplier, tant que les mesures contre le changement climatique ne suivront pas le rythme de ses impacts.</p>
<p>Greenpeace Asie du Sud-Est s’est pour sa part réjouit de la décision Urgenda 2, qui lui permettra, estime l’ONG, d’avancer dans sa propre requête. Son équipe « justice climatique » a en effet adressé en juillet 2016 une <a href="https://www.business-humanrights.org/fr/philippines-la-commission-des-droits-de-l%E2%80%99homme-envoie-une-plainte-%C3%A0-47-entreprises-pour-leur-contribution-au-changement-climatique">pétition</a> à la Commission des droits de l’homme des Philippines pour demander aux grands producteurs historiques de charbon, de pétrole et de gaz de rendre compte de leur rôle dans le dérèglement climatique.</p>
<p>La Commission a accédé à cette demande de plainte, une enquête est en cours. Les personnes les plus durement exposées ont commencé à témoigner il y a plusieurs mois à Manille ; une nouvelle série d’audiences est prévue à Londres, du 6 au 8 novembre prochain. <a href="https://www.greenpeace.fr/catastrophes-climatiques-les-pollueurs-doivent-rendre-des-comptes-en-justice/">Selon les avocats impliqués dans ce projet</a>.</p>
<h2>« Obligations positives » des États et droits fondamentaux</h2>
<p>Les États qui ont adhéré à des conventions de protection des droits de l’Homme, comme c’est le cas des Pays-Bas avec la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), ont des obligations positives en matière de prévention des violations prévisibles de ces droits. Les articles 2 et 8 de la CEDH – instaurant respectivement un droit à la vie et un droit à la vie privée et familiale – doivent par conséquent être honorés, comme le confirme l’arrêt Urgenda 2.</p>
<p>Selon les juges de la Cour d’appel de La Haye, le gouvernement aurait ainsi un devoir d’agir, fondé sur le devoir de diligence qui l’oblige à protéger non seulement la vie de ses concitoyens mais également leur domicile et leur vie de famille ; ces derniers pourraient se voir menacés par les <a href="https://uitspraken.rechtspraak.nl/inziendocument?id=ECLI:NL:GHDHA:2018:2610">effets inégalitaires</a> du changement climatique.</p>
<p>Cet argument ouvre la porte à de futures actions en justice climatique, fondées sur la violation des droits fondamentaux.</p>
<p>Désormais avertis que leurs politiques sont contraires aux droits de l’homme, les gouvernements se savent davantage exposés à des poursuites judiciaires dans le cadre de la justice climatique. En 2017, le <a href="https://www.ohchr.org/en/Issues/environment/SRenvironment/Pages/SRenvironmentIndex.aspx">dernier rapport</a> de John Knox, rapporteur spécial des Nations unies pour les droits de l’homme, soulignait déjà le lien essentiel qui doit désormais être établi entre environnement et droits de l’homme.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"976568884894543874"}"></div></p>
<h2>Coût de l’inaction</h2>
<p>Mais la décision de la Cour d’appel de La Haye du 9 octobre dernier va encore plus loin.</p>
<p>Elle évoque en effet les mesures à prendre pour éviter que le changement climatique devienne « inabordable » d’ici peu de temps, et souligne le coût de l’inaction :</p>
<blockquote>
<p>« Rester en dessous d’une réduction de 25 % signifierait rester dans une marge d’incertitude trop importante, ce qui serait trop dangereux. »</p>
</blockquote>
<p>En vertu de son devoir de diligence envers les citoyens, l’État est donc tenu d’appliquer obligatoirement le principe de précaution.</p>
<p>Les juges ont en effet estimé, en vertu de leur marge d’appréciation, que :</p>
<blockquote>
<p>« L’État a très peu fait pour prévenir un changement climatique dangereux et très peu fait pour y remédier, du moins à court terme […]. Le gouvernement n’a pas pris en compte non plus les coûts sociaux et économiques du changement climatique et le fait de trop tarder à prendre des mesures préventives ne fera qu’augmenter ces coûts […]. »</p>
</blockquote>
<p>Le succès et l’influence de cette décision marqueront sans aucun doute une nouvelle voie pour les négociations climatiques à venir. Comme le soulignait Christiana Figueres, ancienne responsable du climat des Nations unies, qui a apporté son soutien <a href="http://www.climatechangenews.com/2018/10/09/climate-lawyers-use-un-1-5c-report-sue-governments/">aux militants d’Urgenda</a> :</p>
<blockquote>
<p>« L’arrêt Urgenda reconnaît l’importance cruciale d’une action rapide en matière de changement climatique. Si les émissions mondiales de gaz à effet de serre continuent d’augmenter au-delà de 2020, les objectifs de température négociés à Paris deviendront presque certainement irréalisables. »</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/105867/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marta Torre-Schaub ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La décision du 9 octobre 2018 dans l’affaire Urgenda aux Pays-Bas confirme la vitalité du mouvement de la justice climatique en Europe et dans le monde.Marta Torre-Schaub, Directrice de recherche CNRS, juriste, spécialiste du changement climatique et du droit de l’environnement et la santé, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/993972018-07-16T19:23:40Z2018-07-16T19:23:40ZAux Pays-Bas, les retombées vertueuses de la justice climatique<p>Les Pays-Bas viennent de présenter une <a href="https://groenlinks.nl/nieuws/netherlands-presents-ambitious-climate-law">loi inédite</a> sur le changement climatique. Sans doute l’une des conséquences positive de l’<a href="http://deeplink.rechtspraak.nl/uitspraak?id=ECLI:NL:RBDHA:2015:7196">affaire Urgenda</a>, premier procès climatique à avoir eu lieu en Europe en 2015.</p>
<p>À l’issue de ce procès, l’État néerlandais avait en effet été jugé « responsable » <a href="http://theconversation.com/changement-climatique-la-societe-civile-multiplie-les-actions-en-justice-74191">pour ses carences</a> en matière d’action climatique au nom de son devoir de vigilance envers ses concitoyens.</p>
<h2>Une majorité politique</h2>
<p>La nouvelle loi a été proposée par sept partis politiques – GroenLinks, PvdA, SP, D66, ChristenUnie, VVD et CDA – représentant une large majorité au parlement néerlandais.</p>
<p>Ce texte fixe des objectifs clairs en matière de réduction des gaz à effet (GES) de serre ; il introduit également un mécanisme novateur d’examen annuel pour s’assurer que ces objectifs ont été atteints.</p>
<p>Il introduit en outre une « Journée nationale du climat », chaque quatrième jeudi du mois d’octobre. Ce jour-là, le gouvernement rendra public le niveau de réduction des émissions de gaz à effet de serre et pourra annoncer des mesures supplémentaires pour atteindre ses objectifs.</p>
<h2>Une ambitieux renouvelée</h2>
<p>Cette nouvelle loi, à l’initiative du Parti vert (GroenLinks) et des sociaux-démocrates (PvdA), est largement soutenue par les partis de gauche comme de droite. Et elle fixe les objectifs les plus ambitieux connus à ce jour.</p>
<p>Le texte prévoit ainsi un objectif de réduction des GES de 95 % pour 2050 (par rapport à 1990) ; un objectif de réduction GES de 49 % pour 2030 (par rapport à 1990) ; un objectif de production de 100 % d’électricité neutre en carbone pour 2050.</p>
<p>Pour les réaliser, le texte stipule que le gouvernement néerlandais présentera un plan climat tous les cinq ans. Ce plan contiendra les principaux sujets de politique climatique pour les années suivantes. Il indiquera d’autre part les mesures nécessaires pour rester sur la bonne voie. Le plan sera évalué tous les deux ans et révisé si nécessaire. Et, chaque quatrième jeudi d’octobre, comme un rituel de remerciement ou plutôt comme un rappel du danger que représente le changement climatique, la Journée nationale du climat aura donc lieu.</p>
<h2>Un droit « reajustable »</h2>
<p>La loi néerlandaise, si elle est bien une loi de droit positif, n’implique pas moins un mécanisme de « révision » et de « réajustement » en fonction de l’évolution des connaissances scientifiques, des fluctuations des différentes politiques et des rapports de force avec les industries et les émetteurs de GES.</p>
<p>Cette loi se situe dans la même lignée que l’Accord de Paris, en ce qu’elle se présente comme « évolutive » et « adaptable » : elle est révisable tous les ans et tous les cinq ans, dans le même esprit de « réajustement » permanent indiqué par le <a href="https://unfccc.int/resource/docs/2015/cop21/fre/l09f.pdf">texte de l’Accord de Paris</a>.</p>
<p>Le droit se construit ainsi en tension permanente entre la nécessité d’assurer la pérennité de la lutte pour la préservation du climat et l’impératif de s’adapter au fur et à mesure des avancées, mais aussi de certains compromis.</p>
<p>Face au défi global du changement climatique, l’Accord de Paris et les lois qui commencent à apparaître dans les différents pays constituent un exemple intéressant d’adaptabilité du droit. On pourrait à juste titre se poser ici la question de la « sécurité juridique ». Peut-être sommes-nous désormais contraints, à cause de ce défi, de changer également nos repères juridiques classiques ainsi que nos façons d’élaborer le droit …</p>
<p>Le changement climatique nous oblige ainsi à adopter un mode de fonctionnement législatif « souple », « flexible » et « reajustable » en fonction de ces nouveaux paramètres. Et cela, pour le meilleur comme pour le pire.</p>
<p>Pour le meilleur, car réajuster une loi climatique implique de bien intégrer toutes les nouvelles données scientifiques tous les « x » temps – aux Pays-Bas, ce sera tous les ans puis tous les cinq ans. Pour le pire aussi car il n’y a aucune garantie juridique que ces révisions de la loi ne se fassent pas pour reculer ou rétrograder dans les acquis de protection, en fonction de changements gouvernementaux ou des différents intérêts en présence au moment de la révision annuelle et quinquennale…</p>
<p>Cette nouvelle loi montre qu’elle est également le fruit de la désormais très célèbre affaire Urgenda et de la décision de justice climatique énoncée par les juges du Tribunal de La Haye en 2015 , intimant à l’État d’agir et de légiférer de manière plus effective et efficace contre le changement climatique.</p>
<h2>Circulation des textes législatifs</h2>
<p>Cette nouvelle loi climatique est la <a href="https://lemonde.fr/climat/article/2018/01/22/la-suede-se-dote-d-une-loi-climatique-extremement-ambitieuse_5244994_1652612.html">huitième</a> du genre au niveau mondial. En Europe, le Royaume-Uni, le Danemark, la Finlande, la France (avec sa loi sur la transition énergétique), la Norvège et la Suède <a href="https://unfccc.int/fr/news/le-nombre-de-lois-climatiques-a-double-depuis-2009">ont ainsi précédé les Pays-Bas</a>. Le Mexique possède également une telle loi-climat ; et le gouvernement allemand a récemment prévu d’élaborer un tel texte.</p>
<p>Mais la loi néerlandaise fixe pour l’heure les objectifs les plus ambitieux avec, rappellons-le un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 95 % pour 2050. Elle devrait ainsi permettre d’inscrire, noir sur blanc, une continuité sur le long terme de la politique climatique nationale dans la lignée de l’Accord de Paris.</p>
<p>Cette initiative témoigne de circulations vertueuses entre juges, tribunaux, ONG et parlements aux Pays-Bas depuis l’affaire Urgenda.</p>
<p>Au niveau international, on observe également que les mouvements législatifs pro-climatiques sont intenses et bien réels. Le Pérou a ainsi voté il y a à peine deux mois, une loi sur le changement climatique ; et l’Espagne vient d’annoncer un projet similaire.</p>
<p>Malgré les effets très positifs attendus de cette nouvelle loi aux Pays-Bas – elle pourrait être promulguée dès l’été 2019 –, on ne peut s’empêcher de soupçonner les autorités néerlandaises d’un certain opportunisme. Car cette annonce intervient un mois avant la sortie du verdict de l’appel de l’arrêt Urgenda ; ce dernier doit dire si, oui ou non, l’État néerlandais est finalement coupable et responsable de son inaction climatique et de sa permissibilité envers les industries fossiles, et particulièrement la compagnie Shell…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/99397/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marta Torre-Schaub ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Sept partis politiques néerlandais viennent de proposer une ambitieuse loi climat.Marta Torre-Schaub, Directrice de recherches, juriste, spécialiste du changement climatique et du droit de l’environnement et la santé, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/948752018-04-13T04:23:56Z2018-04-13T04:23:56ZSanction de l’usage de stupéfiants : le bateau ivre de la politique des drogues<p>Le 3 avril dernier, prenant acte de la <a href="https://www.ofdt.fr/publications/collections/periodiques/drogues-chiffres-cles/7eme-edition-2017/">faiblesse des résultats</a> de la politique de lutte contre les drogues, la ministre Nicole Belloubet a détaillé <a href="http://videos.assemblee-nationale.fr/video.5783908_5ac378f75a557">devant les députés</a> les dispositions du projet de loi de modernisation de la justice destinées à répondre à la massification de l’usage de stupéfiants en France.</p>
<p>Nourrie de l’espérance qu’une systématisation des sanctions dissuadera les millions de consommateurs, la nouvelle réponse pénale proposée consiste en une « forfaitisation du délit d’usage ». Celle-ci permettra aux forces de l’ordre d’infliger une amende de 300 euros à toute personne ayant fait un usage illicite de drogue, tout en laissant ouverte la possibilité d’une procédure judiciaire donnant lieu à une inscription au casier judiciaire et au prononcé d’une peine de prison.</p>
<h2>Deux credos présidentiels remisés</h2>
<p>Cette mesure s’inscrit dans la continuité d’une politique prohibitionniste répressive menée depuis plusieurs décennies. L’échec de cette approche, dont il est acquis qu’elle a contribué à l’accroissement de la violence criminelle, à l’enrichissement des mafias et au pourrissement du lien social dans les banlieues, explique la réaction défavorable que suscite le projet d’amende forfaitaire délictuelle chez les <a href="https://www.federationaddiction.fr/rapport-de-la-mission-dinformation-parlementaire-conclusions-divergentes-et-reactions-mediatiques/">intervenants en toxicomanie</a> et les <a href="https://www.norml.fr/communique-amende-forfaitaire/">associations de défense des consommateurs</a>.</p>
<p>Selon eux, la systématisation de la répression contribuera à éloigner un peu plus du système de santé les centaines de milliers d’usagers problématiques de drogues. Elle apparaît, en outre, bien peu respectueuse du libre arbitre des millions d’usagers récréatifs non toxicodépendants.</p>
<p>Cette critique n’est pas nouvelle, mais elle se trouve aujourd’hui renforcée par deux éléments contextuels qui devraient conduire le gouvernement à réviser sa copie s’il ne veut pas trahir deux credos essentiels du Président Macron : son engagement européen et sa volonté de développer une stratégie industrielle fondée sur l’innovation.</p>
<h2>Double langage vis-à-vis de l’Union européenne</h2>
<p>Qu’on en juge sur le terrain des engagements européens tout d’abord. Le 8 mars dernier, le Conseil de l’Union européenne adoptait des <a href="http://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-6931-2018-INIT/fr/pdf">conclusions recommandant le recours à des solutions alternatives à la répression des consommateurs de drogues</a>. Selon les 28 ministres de l’Intérieur de l’Union européenne, dont Gérard Collomb, il convient de favoriser les « solutions de remplacement à l’imposition de sanctions coercitives », notamment les amendes, pour promouvoir au contraire les mesures éducatives et la réinsertion sociale.</p>
<p>Or c’est précisément l’inverse que vise le projet de loi. En confiant à la police un pouvoir de sanction pécuniaire, la forfaitisation délictuelle consacre le principe d’une répression automatique de l’usage de stupéfiants excluant de facto toute mesure éducative ou sociale. On appréciera le double langage du gouvernement, soucieux de la santé et de l’insertion des consommateurs de drogues à Bruxelles mais pressé de les punir en France.</p>
<h2>Une filière chanvrière bridée</h2>
<p>Un autre mot d’ordre du gouvernement est également mis à mal par le caractère essentiellement répressif de son approche. C’est celui du développement industriel. Veillant sur <a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/emmanuel-macron/durcir-la-loi-evin-macron-defend-le-vin-et-ne-veut-pas-qu-on-emmerde-les-francais_2624978.html">notre culture viticole</a> et <a href="http://www.anpaa.asso.fr/presse/espace-presse/963-communique-experts-plan-national-sante-publique-vu-foie-vin-encore-gagne">protégeant les intérêts des alcooliers nationaux</a>, l’État français ne semble pas avoir pris la mesure du développement de l’industrie cannabique au-delà de nos frontières.</p>
<p>La légalisation du cannabis médical et récréatif dans un nombre croissant de pays a contribué à ouvrir de <a href="https://www.forbes.com/sites/thomaspellechia/2018/03/01/double-digit-billions-puts-north-america-in-the-worldwide-cannabis-market-lead/#30dce4d86510">colossaux marchés</a>. Tenue logiquement à l’écart de ce mouvement, l’industrie pluriséculaire du chanvre français risque de ne pas pouvoir en profiter. Confinée à la production d’aliments pour animaux et de fibres végétales, notre filière chanvrière est aujourd’hui bridée par une <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000351447">législation si prohibitionniste</a> qu’elle entrave jusqu’au développement de produits cosmétiques, de compléments alimentaires et de médicaments à base de cannabinoïdes non psychoactifs. <a href="https://arcviewgroup.com/">Les firmes étrangères, notamment nord-américaines</a>, prennent aujourd’hui une avance qu’il sera difficile de rattraper.</p>
<p>Plusieurs pays européens sont sensibles à ces évolutions, à l’instar des Pays-Bas qui ont réglementé la production de <a href="https://english.cannabisbureau.nl/">cannabis médical</a> il y a près de vingt ans et se préparent à faire de même <a href="http://www.emcdda.europa.eu/news/2018/dutch-ministers-trial-supply-cannabis-coffeeshops_en">avec le cannabis récréatif</a>. Ce n’est pas, à ce jour, le cas du gouvernement français, arc-bouté sur l’idée que la punition des consommateurs de drogues fera bientôt disparaître le cannabis de notre culture.</p>
<p>Prendre conscience du caractère erroné de cette croyance est urgent. C’est une condition sine qua non à l’initiation d’une réflexion gouvernementale sur les enjeux sanitaires et économiques de la légalisation contrôlée du cannabis, une réforme dont la plupart des observateurs bien informés s’accordent, en privé, à reconnaître qu’elle est désormais inévitable à plus ou moins long terme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/94875/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Renaud Colson est chercheur en résidence à l’Institut universitaire sur les dépendances de Montréal.</span></em></p>La forfaitisation du délit d’usage proposée par le gouvernement s’inscrit dans la continuité d’une politique menée depuis plusieurs décennies. Sans succès, celle-ci n’est pas non plus sans risque.Renaud Colson, Maître de conférences à l’Université de Nantes (UMR CNRS Droit et Changement Social), Université de NantesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/924082018-02-26T21:07:31Z2018-02-26T21:07:31ZLégislatives en Italie : un enjeu de taille pour l’Union européenne<p>Les élections législatives italiennes du dimanche 4 mars 2018 auront une formidable portée européenne. Elles s’inscrivent en effet dans une série électorale particulière lancée par le Brexit du 23 juin 2016.</p>
<h2>Stop ou encore ?</h2>
<p>Depuis le référendum sur l’appartenance du Royaume uni à l’Union européenne, la plupart des élections générales en Europe se sont polarisées sur la question européenne : stop ou encore ?</p>
<p>Il y eut successivement la présidentielle autrichienne, les législatives hollandaises, la présidentielle française, les législatives allemandes, autrichiennes et tchèques. En décembre 2016, le troisième tour de la présidentielle autrichienne fut comme un référendum sur l’appartenance de l’Autriche à l’UE, le non étant incarné par le candidat du parti d’extrême droite, Norbert Hofer, et le oui par Alexander van Bellen, un écologiste finalement élu avec 54 % des voix.</p>
<p>En mars dernier, le Nexit aux Pays-Bas avait le <a href="https://theconversation.com/aux-pays-bas-geert-wilders-a-deja-gagne-la-bataille-des-idees-74762">visage de Geert Wilders</a>, leader du PVV, le parti pour la liberté, un parti avant tout xénophobe et islamophobe. À force qu’il soit donné en tête dans les sondages, les électeurs néerlandais participèrent à plus de 80 % pour donner une large majorité de suffrages à des partis attachés à la construction européenne et faire passer le PVV sous la barre des 20 %.</p>
<p>En mai, le Frexit prit en France le visage de Marine Le Pen. Au second tour, face à Emmanuel Macron, candidat qui faisait de l’approfondissement de l’Union européenne la clé de voûte de son programme, la candidate du Front national, tout en mobilisant 10 millions et demi de suffrages – un record – ne dépassa pas un tiers des suffrages exprimés.</p>
<p>En septembre, en <a href="https://theconversation.com/allemagne-un-seisme-electoral-de-moyenne-amplitude-84631">Allemagne aussi</a>, l’euroscepticisme voire le souverainisme fit une percée significative mais limitée : avec 13 % des voix, le parti de droite extrême AfD a envoyé 94 députés au Bundestag, tout en restant isolé dans sa remise en cause de l’euro.</p>
<p>Lors des élections législatives autrichiennes d’octobre dernier, le parti de la liberté d’Autriche, ce FPÖ d’extrême droite de Norbert Hofer dirigé par Hans-Christian Strache, n’est arrivé cette fois qu’en troisième position, avec 25 % des voix. Toutefois, le leader du parti conservateur ÖVP arrivé en tête, Sebastian Kurz, a offert à son adversaire jusqu’alors favorable à une quasi sortie de l’Autriche de l’UE de gouverner ensemble dans le cadre d’une coalition pro-UE mais xénophobe et anti-migrants.</p>
<p>La <a href="https://theconversation.com/pologne-hongrie-les-valeurs-de-lunion-europeenne-font-sa-force-77923">droite extrême eurocritique, illibérale et xénophobe</a> est aussi au pouvoir en Hongrie depuis 2010, avec Viktor Orban, et en Pologne depuis 2015 avec le Parti droit et justice. Ce pourrait être aussi le cas en République tchèque, où Andrez Babis, le premier ministre issu des législatives de décembre, est porté par un parti populiste ambigu sur l’UE, ANO.</p>
<h2>Matteo Renzi, l’exception italienne</h2>
<p>Depuis cinq ans, l’Italie détonnait dans ce paysage, avec sa majorité de centre gauche pro-européenne dont la figure de proue, Matteo Renzi, avait même obtenu un raz de marée aux élections européennes de 2014. Aujourd’hui, les sondages donnent battu son mouvement, le Parti démocrate.</p>
<p>Les Italiens donneront-ils la majorité de leurs suffrages aux trois partis anti-européens que sont, d’une part, le <a href="https://theconversation.com/rome-a-cinq-etoiles-un-probleme-urbain-61241">Mouvement 5 étoiles (fondé par Beppe Grillo)</a>, ce parti populiste inclassable et, d’autre part, les deux partis d’extrême droite, La Ligue et Frateli d’Italia, l’un et l’autre proche de notre Front national et alliés au Forza Italia du vieux Berlusconi ?</p>
<p>Ce 4 mars 2018, si, contrairement à la France et aux Pays-Bas, mais comme la Pologne, l’Autriche et la Hongrie, les Italiens donnaient une majorité de leurs suffrages à des partis eurosceptiques voire souverainistes, ce serait une victoire de poids pour les partis qui rêvent de détourner l’Union européenne de son cours humaniste et de la faire bifurquer vers la xénophobie d’État, le nationalisme européen et la corrosion de l’État de droit.</p>
<h2>Le sentiment d’avoir été « lâché » par l’UE</h2>
<p>En effet, l’Italie n’est pas seulement un des six membres fondateurs de la construction européenne dans les années 1950. Elle en a aussi été l’un des plus ardents promoteurs jusque dans les années 2000. Durant ces six décennies, la société politique comme la société civile italiennes ont considéré la construction européenne comme une politique publique particulièrement efficace comme levier de réformes et de solutions aux difficultés spécifiques de leur pays.</p>
<p>Depuis la double crise ouverte à la fin de la décennie 2000, de l’euro et des dettes souveraines d’une part, et des flux migratoires d’autre part, un nombre croissant d’Italiens tendent à considérer l’Union européenne davantage comme un problème que comme une solution. Dans cette double crise, alors que l’Italie est l’un des États membres les plus exposés, ces électeurs ont le sentiment d’avoir été « lâchés » par les autres États membres. Ce ressenti n’est pas dénué de légitimité.</p>
<p>Ce retournement de l’opinion publique vis-à-vis de la construction européenne a été comme suspendu par le moment Renzi. L’actuel patron du Parti démocrate, ancien président du Conseil de 2014 à 2016, était parvenu à susciter brièvement une forte adhésion sur un programme couplant réformes structurelles domestiques et inflexion des politiques communautaires de l’UE.</p>
<p>Hélas, les autres États membres ni la Commission n’ont eu l’intelligence de permettre à Renzi d’incarner un retour de l’Italie en Europe, tandis que lui-même se prenait les pieds dans le tapis d’une réforme constitutionnelle et électorale rejetée par des Italiens devenus méfiants et par des partis soucieux de leurs rentes.</p>
<h2>Le succès annoncé des partis antisystème</h2>
<p>Aujourd’hui, c’est donc classiquement qu’une majorité d’Italiens s’apprêtent à voter pour l’alternance. Mais l’alternance en Italie prend maintenant le visage du rejet de la construction européenne. Le dépit et l’amertume diffus exprimés par les Italiens à son endroit pourrait bien favoriser la victoire, non pas tant de la droite, que celle des trois partis antisystème, xénophobes et eurosceptiques cités plus haut : le Mouvement 5 étoiles (M5S), ce parti populiste inclassable, et les deux partis d’extrême droite, La Ligue de Matteo Salvini et <em>Frateli d’Italia</em>.</p>
<p>Une alliance entre les trois n’est pas à l’ordre du jour. Ce qui se profile, c’est plutôt une coalition dite de centre-droit entre les deux partis d’extrême droite et <em>Forza Italia</em> de Berlusconi. Les scores respectifs de chacun des trois détermineront le ton de leur programme de gouvernement sur la construction européenne comme sur une potentielle xénophobie d’État. Ira-t-on vers un programme de coalition à l’autrichienne, ou pas ?</p>
<p>La question est d’autant plus indécise que la réponse dépendra du score du Mouvement 5 étoiles. Ce « parti » est celui qui est donné en tête. Mais il ferait moins à lui seul que l’alliance dite de centre-droit. Alors que son intransigeant fondateur s’est retiré, son jeune et nouveau leader, Luigi di Maio, n’exclut plus de former une coalition. Mais alors, avec qui, et pourquoi faire ?</p>
<h2>Vers un « souverainisme mou »</h2>
<p>Si Luigi di Maio et le M5S ne font plus d’un référendum sur la sortie de l’euro un pilier de leur programme de gouvernement, ils restent fidèles à leur méfiance envers la construction européenne. Elle fait partie de leur suspicion générale envers les élites et toute forme de pouvoir institutionnel, une méfiance qui contribue en Italie à attirer vers ce mouvement des électeurs venus d’horizons et de cultures politiques très variés, et qui se reconnaissent dans le « ni de droite ni de gauche ».</p>
<p>Si en France, avec En Marche, le « et de droite et de gauche » fédère des électeurs et des militants d’horizons variés et favorables à l’Europe, en Italie, le « ni de droite ni de gauche » du M5S est défavorable à la construction européenne.</p>
<p>Ainsi, alors qu’il est fort délicat de prévoir quelle coalition gouvernementale procédera des élections législatives italiennes du 4 mars, il paraît probable que celle-ci, quelle qu’elle soit, sera eurosceptique ou, à tout le moins, très eurocritique. Qu’elle mettra en œuvre, si ce n’est un « souverainisme dur », au minimum un « souverainisme mou » (selon la distinction commode proposée <a href="https://global.oup.com/academic/product/opposing-europe-the-comparative-party-politics-of-euroscepticism-9780199258352?cc=fr&lang=en&">par Paul Taggart et Aleks Szczerbiak</a>.</p>
<p>Ce passage annoncé de l’Italie de la moitié de terrain européiste à la moitié de terrain souverainiste serait une bifurcation lourde de sens et de conséquences, non seulement pour l’Italie contemporaine, mais pour les Européens dans leur ensemble.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/92408/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvain Kahn ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ce dimanche, une majorité d’Italiens s’apprêtent à voter pour l’alternance, qui prend désormais le visage du rejet de la construction européenne.Sylvain Kahn, Professeur agrégé, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/872762017-11-14T20:28:58Z2017-11-14T20:28:58ZOptimisation fiscale : les virtuoses de l’industrialisation du clair-obscur financier<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/194364/original/file-20171113-27607-12mc2xv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1675%2C14146%2C9756&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">_La Ronde de Nuit_, Rembrandt van Rijn.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.rijksmuseum.nl/en">Rijksmuseum.nl</a></span></figcaption></figure><p>Prenant les « opacificateurs » à leur propre jeu du secret, le consortium de journalistes à l’origine des « Paradise Papers » ne fait pas que révéler des pratiques d’optimisation fiscale pour le moins agressives et généralisées. Il montre aussi à quel point ces pratiques sont le fruit d’un processus d’industrialisation de l’opacité financière.</p>
<p>Nul pays et nul secteur d’activité ne semblent désormais épargnés par le phénomène. Cela montre à quel point l’établissement de listes noires est une impasse stratégique majeure dans la lutte que les États les plus lésés annoncent mener, au-delà du nombre parfois ridicule des pays qui y sont inscrits. Cela montre aussi que nous nous sommes habitués aux scandales à répétition, aux rapports dénonçant l’inertie des États dans le domaine (malgré des avancées notables, y compris dans l’Union européenne), mais aussi aux chiffres eux-mêmes. On estime en effet que la seule optimisation fiscale des entreprises génère un manque à gagner pour les États membres de l’UE de 50 à 70 milliards d’euros par an.</p>
<p>Il n’empêche que dans un contexte d’austérité budgétaire accrue et de hausse des inégalités au profit essentiellement des « premiers de cordée », la compréhension de la logique économique derrière ces pratiques demeure assez claire : le marché de l’optimisation fiscale est un marché de l’offre d’opacité, où quelques très gros participants organisent, parce que c’est rentable, une pièce déjà connue depuis près d’un siècle. Qui sont ces participants ? Que permettent ces pratiques ? Et comment peut-on les interpréter ?</p>
<p>Outre les bénéficiaires finaux que sont pour l’essentiel les ménages les plus fortunés et les entreprises les plus puissantes de la planète (les acteurs), les participants de cette pièce sont de deux types. D’abord, les décorateurs, souvent regroupés sous le vocable de « paradis fiscaux », de destination ou de transit. Ensuite, les éclairagistes de cette pièce sont les intermédiaires financiers au sens large, qui agissent essentiellement dans le second type de juridiction.</p>
<h2>Ne pas oublier le décor</h2>
<p>Dans une publication récente disponible non pas dans une revue économique mais sur le site de la revue <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-017-06322-9#additional-informationhttp://example.com/"><em>Nature</em></a>, dont on ne peut contester le sérieux et la scientificité, on découvre en effet qu’il existe deux types de paradis fiscaux, aux contours et aux fonctions bien différentes.</p>
<p>Les premiers sont des lieux de destination finale des revenus échappant à l’impôt. Ils commercialisent leur souveraineté fiscale pour attirer et retenir les capitaux étrangers. Il est vrai qu’ils n’ont pas grand-chose à offrir sinon. Ce sont le plus souvent de petites économies insulaires, très attirantes car prélevant un impôt sur les sociétés le plus souvent proche de zéro. Elles sont aussi connectées de manière privilégiée à un pays de transit. Dans le palmarès se retrouvent ainsi à la première place les Îles Vierges Britanniques, Jersey, les Bermudes, les Îles Caïmans, et plus surprenant, Taïwan ou le Luxembourg et ses célèbres rescrits fiscaux…</p>
<p>Les seconds sont souvent en dessous des radars, alors qu’ils concentrent l’essentiel de l’activité d’<a href="http://www.financialsecrecyindex.com/">opacification financière</a>. Ils ont pour fonction de permettre l’aiguillage des flux financiers liés à ces pratiques vers les pays de destination. En particulier, ces pays imposent de très faibles taxes aux transferts de capitaux, quels qu’ils soient (rapatriement de dividendes, royalties, paiements d’intérêts, etc.). Ils bénéficient aussi de nombreuses conventions fiscales avec d’autres grands pays. Enfin, ils ont des systèmes juridiques particulièrement adaptés à la production transnationale ainsi qu’une main-d’œuvre spécialisée hautement qualifiée et compétente dans ces domaines. Au sommet du classement, on retrouve sans surprise les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suisse, Singapour et l’Irlande.</p>
<p>Inutile d’insister sur ce point, mais on comprendra facilement pourquoi la « lutte » contre les paradis fiscaux s’est toujours essentiellement portée sur les juridictions du premier type (l’arrière-plan) et non sur celle du second (le premier plan), et pourquoi depuis peu elle se tourne vers les éclairagistes de cette pièce, véritables virtuoses de l’opacité financière : les intermédiaires.</p>
<h2>Deux types d’éclairagistes</h2>
<p>Ici aussi, deux catégories sont à noter. D’abord, les grandes banques internationales. Elles sont en première ligne dans l’offre d’opacité financière, au contact des bénéficiaires. Moyennant des commissions juteuses sur les montages complexes qu’elles proposent, elles maintiennent par ce biais leur rentabilité mise à mal par la crise financière. Rien que pour le cas des <a href="https://www.oxfamfrance.org/sites/default/files/file_attachments/01_banquesenexil_2703_french_final.pdf">grandes banques européennes</a>, qui doivent depuis peu se conforter au <em>reporting</em> pays par pays, il apparaît qu’elles concentrent un quart de leurs bénéfices déclarés dans les paradis fiscaux, soit près de 25 milliards d’euros, alors qu’elles n’y déclarent que 12 % de leur chiffre d’affaires et seulement 7 % de leurs employés. On note aussi de manière intéressante que les banques européennes choisissent avec soin leur implantation internationale. Par exemple, l’État du Delaware concentre à lui seul 59 % des implantations de filiales de banques européennes aux États-Unis, dont 42 % dans le même bâtiment…</p>
<p>Ensuite, les compagnies d’audit, et au premier rang desquelles les <a href="https://www.letemps.ch/economie/2017/10/04/pression-monte-big-four">Big Four</a>. Traditionnellement considérées comme des entreprises du chiffre, elles sont en fait de plus en plus les sous-traitants de premier rang des banques et sous-traitent elles-mêmes certains éléments de leur offre, notamment à des cabinets spécialisés comme celui en cause dans les <em>Paradise papers</em>. Elles proposent les montages sophistiqués et personnalisés aux clients des banques, moyennant là encore de juteuses commissions sur les gains réalisés.</p>
<p>Les <a href="https://www.bna.com/big-four-overrepresented-n73014461366/">activités</a> liées à la fiscalité du Big Four représentent désormais près 30 milliards de dollars par an, soit 23 % de leur activité mondiale. Plus intéressant encore, même si 43 % de leurs employés sont dans un pays du G7, on observe une forte sur-représentation dans les paradis fiscaux par rapport à la taille de leur population. On retrouve ainsi dans le top 25 le Luxembourg à la première place, 5 juridictions qui dépendent de la couronne britannique (comme le Îles Caïmans) et le Royaume-Uni lui-même, mais aussi quatre juridictions qui dépendent des Pays-Bas (Bonaire, Saint Martin, Aruba et Curaçao). On peut comprendre dès lors aussi pourquoi la Commission européenne, qui marche sur des œufs avec deux de ses membres fondateurs sur ce point, a décidé en 2016 non pas d’interdire ces pratiques, mais de les rendre plus transparentes.</p>
<h2>Des virtuoses du clair-obscur financier</h2>
<p>L’originalité de cette industrie de l’opacité financière n’est pourtant pas de simplement soustraire à l’impôt une partie des revenus des activités des firmes transnationales. Cela serait d’ailleurs fort logiquement assimilé à de la fraude fiscale pure et simple. Il s’agit plutôt d’éclairer les flux financiers de telle sorte que les États sont dans l’impossibilité légale de les taxer. Face à cette offre d’opacité financière, la demande est en effet particulièrement exigeante.</p>
<p>Il s’agit en particulier dans un premier temps de pouvoir posséder et ne pas posséder en même temps. Un certain nombre d’outils, comme les Trusts, permettent ainsi de faire disparaître la responsabilité du vrai bénéficiaire du dispositif. Par exemple Kazaa utilisait la juridiction du Vanuatu au profit officiel du Comité international de la Croix-Rouge (sans que ce dernier le sache) mais en réalité à celui de ses seuls administrateurs, qui ont pu bénéficier ainsi de près de 60 millions de dollars de recettes publicitaires par an.</p>
<p>Il s’agit aussi, dans un deuxième temps, de pouvoir emprunter sans s’endetter, et donc d’augmenter le levier du crédit en transférant le risque à d’autres entités localisées dans des paradis fiscaux et qui disparaissent des radars des agences de notation financière. Quand Enron a fait faillite, par exemple, on a ainsi découvert pas moins de 3 000 entités qui s’endettaient pour cette entreprise.</p>
<p>Il s’agit, dans un troisième temps, de pouvoir déclarer des profits importants pour les actionnaires (<em>book profits</em>) et en même temps des profits faibles pour les autorités fiscales (<em>tax profits</em>). Par exemple, la Deutsche Bank a déclaré une perte globale en Allemagne de 6,1 milliards d’euros en 2015, mais un bénéfice peu taxé de 1,2 milliard au Luxembourg, quand Goldman & Sachs déclarait la même année un bénéfice de 100 millions de dollars aux Îles Caïmans, sans y déclarer un seul employé…</p>
<p>Enfin, dans un quatrième temps, ces pratiques permettent de transformer un investissement national en investissement direct à l’étranger. Le cas de la Chine est à ce propos très troublant, puisqu’elle reçoit une proportion anormalement élevée d’IDE en provenance officiellement de Hong Kong, des Îles vierges britanniques, des Îles Caïmans, de Samoa ou de l’Île Maurice.</p>
<h2>Des pratiques au cœur des transformations du capitalisme contemporain</h2>
<p>Malgré leur légalité pour le moment non remise en cause dans la plupart des cas, toutes ces pratiques d’optimisation fiscale illustrent les nouvelles dynamiques de l’économie mondiale. Au niveau micro-économique, celui des acteurs eux-mêmes, derrière les chaînes de valeur globales, dont la littérature se cesse de fleurir depuis une décennie, se cachent des <a href="http://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/09692290.2016.1268189">chaînes de richesses globales</a>. Ces dernières orientent les flux financiers liés aux premières, et permettent de construire des avantages compétitifs décisifs pour les grandes firmes transnationales.</p>
<p>Au niveau macro-économique, il est permis de penser que la croissance mondiale est en danger du fait de ces pratiques. Elles rendent encore plus difficile l’estimation des richesses produites dans un pays (donc l’évaluation de l’efficacité de telle ou telle politique économique). Elles facilitent la concentration de la distribution des profits au détriment de l’investissement productif. Elles rendent plus difficile encore la perception de l’endettement des acteurs privés, dont on sait que c’est une des causes probablement les plus importantes de l’<a href="https://www.amazon.fr/Pouvons-nous-%C3%A9viter-autre-crise-financi%C3%A8re/dp/B071S6ZXWG/ref=sr_1_4?ie=UTF8&qid=1510580554&sr=8-4&keywords=steve+keen">instabilité financière</a>. Elles limitent enfin la capacité des États à financer les politiques de stabilisation indispensables dans ce contexte d’augmentation de l’instabilité financière.</p>
<p>L’ironie, dans cette affaire, est que les intermédiaires financiers mis en cause dans ces pratiques d’opacification financière sont aussi les mêmes qui sont au cœur des transformations des normes financières internationales. Transformations dont le leitmotiv est plus de transparence…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/87276/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Grégory Vanel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les « Paradise Papers » ne font pas que révéler des pratiques d’optimisation fiscale. Ils montrent aussi que ces pratiques sont le fruit d’un processus d’industrialisation de l’opacité financière.Grégory Vanel, Professeur d'économie, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/851142017-10-19T21:38:58Z2017-10-19T21:38:58ZRedonner vie aux aurochs pour réhabiliter les terres : une impossible quête ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/190633/original/file-20171017-30379-14o58tv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Squelette reconstitué d’un auroch datant de 7500 av. J.-C. retrouvé au Danemark.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/a8/Bos_primigenius_Vig_uroksen.jpg">Malene Thyssen./Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p>Le réaménagement et la restauration de terres endommagées reposent souvent sur la réintroduction d’espèces. Mais que se passe-t-il lorsque celles-ci n’existent plus ? Quand l’animal en question n’est pas seulement éteint localement, mais a complètement disparu de la surface de la Terre ?</p>
<p>Difficile de ne pas penser à <em>Jurassic Park</em> en évoquant ce scénario !</p>
<p>Un tel projet existe pourtant bel et bien dans la réalité et la réintroduction des aurochs (<em>Bos primigenius</em>) a été initiée <a href="https://8e-etage.fr/2016/04/05/scientifiques-ressusciter-aurochs/">depuis quelques années</a> par des scientifiques.</p>
<p>Cet ancêtre sauvage du bétail moderne a pourtant disparu, aucun spécimen n’ayant été aperçu depuis la mort du dernier individu, <a href="http://science.sciencemag.org/content/350/6265/1144.summary">survenue en 1627</a>. Il vivait alors sur une aire géographique correspondant aujourd’hui à la Pologne.</p>
<p>Les aurochs ont été présents dans la psyché humaine depuis fort longtemps, comme en témoigne leur présence dans l’art rupestre.</p>
<p>Mais en dehors de ces peintures, nous disposons de peu de sources concernant cet animal, ses caractéristiques ou son histoire ; aussi devons-nous nous fier à quelques fossiles et récits historiques sommaires. « Leur force et leur vitesse sont extraordinaires », écrivait à leur sujet l’empereur romain Jules César dans son <a href="http://classics.mit.edu/Caesar/gallic.6.6.html"><em>Commentarii de bello Gallico</em></a>.</p>
<p>Vraisemblablement, sa taille, son comportement et son tempérament variaient selon les <a href="http://etheses.whiterose.ac.uk/6572/1/Wright%202013%20Thesis.pdf">divers environnements</a> dans lesquels il évoluait, soit du croissant fertile à la péninsule ibérique, de la Scandinavie au sous-continent indien.</p>
<p>L’avènement de l’agriculture et de la domestication ont peu à peu conduit à l’extinction de ce magnifique animal.</p>
<p>En ressuscitant l’auroch, certains espèrent à la fois obtenir une bête capable de s’adapter à différents milieux et restaurer des territoires délaissés.</p>
<p>Quels sont processus à l’œuvre et les conséquences d’une telle expérience ?</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/188001/original/file-20170928-22252-1swotdp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/188001/original/file-20170928-22252-1swotdp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/188001/original/file-20170928-22252-1swotdp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/188001/original/file-20170928-22252-1swotdp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/188001/original/file-20170928-22252-1swotdp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/188001/original/file-20170928-22252-1swotdp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/188001/original/file-20170928-22252-1swotdp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Peintures de Lascaux représentant des aurochs.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/File:Lascaux_painting.jpg">Prof saxx/Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un super-taureau</h2>
<p>Nous pensons aujourd’hui que les caractéristiques des aurochs sont encore présentes, dispersées génétiquement à travers ses descendants qui se présentent sous la forme de puissants taureaux.</p>
<p>En les croisant et en sélectionnant des descendants présentant des traits dits de type « auroch », nous pourrions ainsi, en théorie, recréer un animal très similaire à celui éteint. Cette technique est connue sous le nom de <a href="https://books.google.fr/books?id=CNyKBAAAQBAJ&pg=PT51&lpg=PT51&dq=reconstitution+de+taxon.&source=bl&ots=a6BbdAUqty&sig=E7WPf9Tyb_D-jF9s_-5jSC7E2Ys&hl=en&sa=X&ved=0ahUKEwjrqbm5u_fWAhUD2RoKHdevAT44ChDoAQg2MAI#v=onepage&q=reconstitution%20de%20taxon.&f=false">reconstitution de taxon</a>. Le taxon désigne une <a href="http://www.futura-sciences.com/planete/definitions/classification-vivant-taxon-264/">entité d’êtres vivants</a> regroupés en fonction de caractères communs du fait de leur parenté. En croisant les descendants d’un même groupe, des scientifiques pensent pouvoir retrouver l’ascendant originel.</p>
<p>La première tentative de faire revivre les aurochs date des années 1930, en Allemagne. Elle fut conduite par deux directeurs de zoo, les frères Lutz et Heinz Heck, <a href="http://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00045608.2015.1115332">proches des idées et idéologues nazis</a>.</p>
<p>Leur création, connue sous le nom de bétail Heck, a abouti assez rapidement, au bout de douze ans. Elle mélangeait des races de bétail domestique avec des taureaux venus d’Espagne.</p>
<p>Lutz et Heinz Heck se concentrèrent sur la taille et le caractère agressif des animaux, se montrant un peu moins soucieux de coller à la description anatomique des aurochs. C’est la raison pour laquelle personne aujourd’hui ne considère les bœufs Heck <a href="https://www.courrierinternational.com/article/2000/05/25/la-vache-d-hitler-est-de-retour">comme de véritables recréations</a> d’une espèce éteinte.</p>
<p>Le bétail Heck aurait survécu à la Seconde Guerre mondiale et peuple depuis les pâturages et les jardins zoologiques d’Europe. Leurs qualités et capacités d’adaptation en font de « parfaits remplaçants » à l’auroch. C’est pourquoi la célèbre réserve naturelle d’<a href="https://www.staatsbosbeheer.nl/Natuurgebieden/oostvaardersplassen">Oostvaardersplassen</a> aux Pays-Bas les emploie comme l’un de ses principaux herbivores.</p>
<h2>Recréer la nature sauvage</h2>
<p>Quel pourrait être le rôle environnemental de l’auroch ?</p>
<p>Durant la plus grande partie du XX<sup>e</sup> siècle, on a pensé que le paysage européen d’avant l’arrivée de l’humain se composait principalement de forêts.</p>
<p>Frans Vera, un biologiste néerlandais, a une autre hypothèse : selon lui, le paysage européen primitif se présentait plutôt <a href="https://www.newyorker.com/magazine/2012/12/24/recall-of-the-wild">comme une mosaïque</a> composée de forêts, de prairies et d’autres types d’habitats. Une composition imputable à la présence de grands herbivores – dont les aurochs – qui auraient façonné le paysage par leurs habitudes de pâturage, un phénomène appelé <a href="http://mediatheque.inra.fr/media/detail/174792/privat">« pâturage naturel »</a>.</p>
<p>La réserve Oostvaardersplassen, fondée par Frans Vera, matérialise le résultat de son travail et de ses théories scientifiques. Les troupeaux de bovins Heck y ont été introduits pour aménager le paysage, afin d’observer comment réagissent les sols en présence de ces herbivores.</p>
<p>La théorie du pâturage naturel a séduit de nombreux écologistes et éleveurs soucieux d’impulser l’émergence d’une nouvelle nature « sauvage » à l’échelle européenne. Cette campagne en faveur de la réintroduction d’animaux sauvages sur les pâturages est l’une des principales motivations pour redonner vie aux aurochs.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/188003/original/file-20170928-1456-5d7rkq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/188003/original/file-20170928-1456-5d7rkq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/188003/original/file-20170928-1456-5d7rkq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/188003/original/file-20170928-1456-5d7rkq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/188003/original/file-20170928-1456-5d7rkq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/188003/original/file-20170928-1456-5d7rkq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/188003/original/file-20170928-1456-5d7rkq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des espèces descendant des aurochs sont utilisées aux Pays-Bas pour recomposer les paysages d’un lointain passé.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/aurochs-des-animaux-2371367/">Alexas Foto/Pixabay</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au fur et à mesure que la planète s’urbanise, les <a href="https://ec.europa.eu/agriculture/sites/agriculture/files/external-studies/2013/farmland-abandonment/fulltext_en.pdf">terres rurales sont délaissées</a>. En Europe, il est prévu que l’abandon des terres agricoles <a href="https://ieep.eu/uploads/articles/attachments/60c46694-1aa7-454e-828a-c41ead9452ef/Farmland_abandonment_in_the_EU_-_assessment_of_trends_and_prospects_-_FINAL_15-11-2010_.pdf?v=63664509740">se poursuive à un rythme soutenu</a> jusqu’au milieu du siècle.</p>
<p>Ce changement dans l’utilisation des terres à une échelle continentale a relancé le débat sur la restauration. Et l’hypothèse de Vera quant à la création d’un paysage mosaïque original pourrait bien inciter d’autres acteurs à réintroduire les grands herbivores.</p>
<h2>Dessine-moi un auroch</h2>
<p>Pour en arriver là, il faudrait toutefois parvenir à recréer un auroch ! Depuis les essais hâtifs des frères Heck, de nouvelles tentatives de reproduction ont été menées.</p>
<p>Il existe actuellement <a href="http://science.sciencemag.org/content/350/6265/1144.summary">plusieurs projets en cours</a> dans différents pays européens.</p>
<p>L’une des tentatives les plus importantes est ainsi conduite par la <a href="https://www.rewildingeurope.com/tag/taurus-foundation/">Fondation Taurus</a> en partenariat avec Rewilding Europe, une organisation de restauration écologique. Des projets similaires existent aux Pays-Bas, en Allemagne et en Hongrie.</p>
<p>Mais il n’existe aucun critère commun permettant à tous d’atteindre le même objectif ou même de savoir à quoi devrait ressembler un auroch.</p>
<p>Le seul critère fiable est celui de la génétique ; mais ce n’est qu’en 2015 que le <a href="https://genomebiology.biomedcentral.com/articles/10.1186/s13059-015-0790-2">généticien Stephen Park et ses collègues</a> ont pu séquencer le premier génome de l’auroch.</p>
<p>Or, ce matériel génétique provient d’un seul spécimen fossilisé. Beaucoup de travail reste ainsi à accomplir pour comprendre la variabilité génétique des espèces éteintes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/188004/original/file-20170928-1460-1oypcne.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/188004/original/file-20170928-1460-1oypcne.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=477&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/188004/original/file-20170928-1460-1oypcne.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=477&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/188004/original/file-20170928-1460-1oypcne.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=477&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/188004/original/file-20170928-1460-1oypcne.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=600&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/188004/original/file-20170928-1460-1oypcne.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=600&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/188004/original/file-20170928-1460-1oypcne.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=600&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Mâles « Tauros » aux Pays-Bas, nés dans le cadre du programme éponyme destiné à « recréer » des aurochs.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/File:Tauros_bull_Manolo.JPG">Henri Kerkdijk-Otten/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Il est d’autre part peu probable qu’une organisation ou un programme soit aujourd’hui en mesure d’imposer une norme déterminant quel animal, à l’avenir, serait ou non un auroch.</p>
<p>Le débat reste vif : certains avancent que ramener à la vie des espèces éteintes est <a href="https://www.pdcnet.org/pdc/bvdb.nsf/purchase?openform&fp=enviroethics&id=enviroethics_2015_0037_0002_0131_0143">dépourvu de toute éthique</a> quand d’autres <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s13347-015-0208-9">soutiennent le contraire</a>.</p>
<p>Pour beaucoup, ce projet ressemble à une <a href="http://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/21550085.2017.1291826">chimère</a>.</p>
<p>Les expérimentations actuelles risquent surtout de mener à un futur peuplé d’aurochs « concurrents », une situation dont les trajectoires et conséquences génétiques demeurent inconnues.</p>
<p>Reste qu’une grande partie de l’effort pour recréer un animal éteint comporte une préoccupation d’ordre esthétique : l’humain souhaite avant tout que le « nouvel animal » colle avec l’idée et l’imaginaire qu’il s’est construit de l’ancien. Or, tout à l’ambition de faire revivre une espèce disparue, il se pourrait bien que nous en créions plusieurs…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/85114/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mihnea Tanasescu a reçu des financements de la Research Foundation - Flanders (FWO). </span></em></p>Certains rêvent de ressusciter l’auroch, ce grand herbivore disparu au XVIIᵉ siècle, pour restaurer les paysages européens. Une initiative qui soulève des questions éthiques et scientifiques.Mihnea Tanasescu, Research Fellow, Environmental Political Theory, Vrije Universiteit BrusselLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.