tag:theconversation.com,2011:/us/topics/penibilite-36200/articlespénibilité – The Conversation2023-11-19T16:32:53Ztag:theconversation.com,2011:article/2178442023-11-19T16:32:53Z2023-11-19T16:32:53ZQuand les conditions de travail se dégradent, faut-il s’en accommoder ou changer d’emploi ?<p>Si la <a href="https://theconversation.com/quiet-quitting-au-dela-du-buzz-ce-que-revelent-les-demissions-silencieuses-192267">« grande démission »</a> n’a pas eu lieu et que les Français ne se sont pas détournés de l’emploi, faut-il pour autant en conclure qu’ils consentent pleinement à leurs <a href="https://theconversation.com/topics/conditions-de-travail-31410">conditions de travail</a> ?</p>
<p>Le grand nombre de <a href="https://theconversation.com/topics/demission-124250">démissions</a> s’explique par l’augmentation de la population active et la reprise de l’activité économique après la crise sanitaire plutôt que par un retrait du marché du travail. Au contraire, le taux d’emploi a atteint en août 2022 son plus haut niveau depuis que l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) le mesure, avec <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6658008#titre-bloc-10">68,3 % des 15-64 exerçant une activité rémunérée</a>. </p>
<p>La crise sanitaire n’a donc pas produit de phénomène massif de <a href="https://editionsdudetour.com/index.php/les-livres/le-refus-du-travail/#:%7E:text=Th%C3%A9orie%20et%20pratique%20de%20la%20r%C3%A9sistance%20au%20travail&text=Son%20but%20est%20de%20mettre,une%20autre%20vision%20du%20bonheur">« refus du travail »</a>. En revanche, paraphrasant le titre du dernier colloque du Groupe de recherche sur le travail et la santé au travail (<a href="https://gestes.cnrs.fr/">GIS Gestes</a>) – « Changer de travail ou changer le travail ? – nous observons qu’un faisceau d’indices pointe vers un refus des conditions de travail.</p>
<h2>Des contraintes de plus en plus fortes</h2>
<p>Les thématiques de la « grande démission » ou de la « démission silencieuse » sont à restituer dans un contexte de <a href="https://www.sciencespo.fr/liepp/fr/content/maelezig-bigi-dominique-meda-prendre-la-mesure-de-la-crise-du-travail-en-france.html">conditions de travail particulièrement dégradées</a> en France. C’est ce que nous montrons avec la sociologue Dominique Méda à partir des données de l’Enquête européenne sur les conditions de travail 2021.</p>
<p>Travailleurs et travailleuses en France sont davantage exposés aux facteurs de pénibilité physique (postures douloureuses, port de charges lourdes, mouvements répétitifs, exposition à des produits toxiques) qu’en Allemagne, aux Pays-Bas et au Danemark. La situation n’est pas meilleure sur le plan des facteurs psychosociaux de risques. Plus de la moitié des enquêtés travaillent par exemple dans des délais très stricts ou très courts.</p>
<p><iframe id="HEb72" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/HEb72/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ces expositions s’inscrivent dans le contexte d’organisations du travail où les contraintes sont plus fortes que les ressources pour y faire face. Ainsi tandis que seuls 36,7 % des salariés en France déclarent que leurs collègues les aident et les soutiennent ; ils sont 54,5 % au Danemark. De même, ils sont moins souvent consultés ou informés des décisions qui sont importantes pour leur travail.</p>
<p>Finalement, ils sont peu à estimer que le travail contribue à la construction de leur santé. Au contraire, près de 39 % des personnes interrogées estiment qu’elle est menacée par leur activité professionnelle. Si les atteintes physiques sont importantes (mal de dos, douleurs dans les membres inférieurs ou supérieurs), elles sont également très marquées du côté des atteintes psychiques : 49 % des enquêtés déclarent avoir souffert d’anxiété, contre 30,4 % en moyenne dans l’Union européenne et 7,6 % au Danemark.</p>
<h2>S’accommoder de mauvaises conditions de travail… ?</h2>
<p>La thèse du « compromis fordiste », inspirée par l’<a href="https://www.cairn.info/theorie-de-la-regulation-1-les-fondamentaux-2004%E2%80%939782707132161.htm">école de la régulation</a> en économie a pu laisser penser que de mauvaises conditions de travail (c’est-à-dire concernant l’activité elle-même) pouvaient être acceptées, en contrepartie de bonnes conditions d’emploi (salaire, congés, perspectives de carrières, liens sociaux…). Pour des auteurs comme Robert Boyer ou Alain Lipietz, les rares périodes de stabilité économique, comme celle des années 1950 à 1970, s’expliquent par l’adéquation entre le régime d’accumulation et les modes de régulation par les institutions.</p>
<p>S’inscrivant dans l’esprit de ces analyses, le livre publié en 2012 par le syndicaliste italien Bruno Trentin, <a href="https://laviedesidees.fr/Reconcilier-travail-et-citoyennete"><em>La Cité du travail. La gauche et la crise du fordisme</em></a>, soutient qu’une partie des acteurs de la critique sociale se seraient alors accommodés des mauvaises conditions de travail que produisent le taylorisme et le fordisme au nom de la dignité sociale et de l’intégration économique que ces modes d’organisation procurent aux travailleurs.</p>
<p>Pourtant, les <a href="https://www.cairn.info/revue-travailler-2023-2-page-31.htm">travaux</a> portant sur syndicalisme et santé au travail nous invitent à nuancer la thèse selon laquelle l’organisation du travail n’aurait pas ou peu fait l’objet de revendications, au profit des enjeux d’emploi et de rémunération, y compris sur les enjeux de souffrance au travail. Il faut donc se garder de conclure que les travailleurs et travailleuses se seraient satisfaits au cours d’un moment historiquement marqué par la croissance économique, d’abîmer leur santé au travail en contrepartie de meilleures conditions de vie.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1655829957665521670"}"></div></p>
<p>À partir du choc pétrolier de 1973, le récit du compromis fordiste peine doublement à tenir ses promesses. D’une part l’irruption du chômage de masse, la précarisation de l’emploi et les crises économiques qui se succèdent introduisent une compétition entre les travailleurs qui obère leur capacité à peser dans les négociations avec les employeurs. D’autre part, l’amélioration des conditions de travail qui était attendue des progrès techniques et organisationnels n’a pas lieu.</p>
<p>En France, au contraire, à partir du milieu des années 1980, le <a href="https://www.lespetitsmatins.fr/collections/essais/292-le-travail-presse.html">travail s’intensifie</a> sous la forme d’une accumulation de contraintes industrielles et marchandes pesant en même temps sur des activités de plus en plus variées. Pour s’accommoder de ces conditions de travail, les individus usent de différentes méthodes comme l’autoaccélération décrite par la psychodynamique du travail.</p>
<p>Ainsi, dans les usines à colis d’aujourd’hui, les préparateurs de commandes qui travaillent sous commande vocale « jouent-ils » à faire de « belles palettes » et <a href="https://journals.openedition.org/nrt/240">rivalisent de vitesse entre eux pour tenir leur poste</a>. Travailler plus pour tenir n’est cependant pas le propre de l’usine. Pour les chercheurs de l’industrie énergétique, par exemple, travailler chez soi en <a href="https://www.cairn.info/revue-travail-et-emploi-2016-3-page-27.htm">« débordement »</a> contribue, dans certains cas, à se maintenir en bonne santé en permettant de retrouver du sens à son activité.</p>
<h2>… ou changer d’emploi ?</h2>
<p>À côté de ces pratiques d’accommodement, de nombreux travaux nous montrent que les salariés cherchent aussi à améliorer leurs conditions de travail. Et la poursuite de cet objectif peut passer par un changement d’emploi, comme on l’observe en analysant les trajectoires des salariés dont les conditions travail s’améliorent ou se dégradent.</p>
<p>D’après les <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publications/faut-il-changer-d-emploi-pour-ameliorer-ses-conditions-de-travail">enquêtes</a> de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (la Dares, qui dépend du ministère du Travail), entre 2013 et 2016, les salariés dont les conditions de travail se sont améliorées le plus sont ceux qui ont changé d’emploi ou de profession. Celles et ceux qui font l’épreuve d’une perte de <a href="https://theconversation.com/et-si-vous-profitiez-de-lete-pour-reflechir-au-sens-de-votre-travail-210914">sens au travail</a> – défini comme l’alliance de l’utilité sociale, de la cohérence éthique et des possibilités de développement de soi – ont tendance à <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/quand-le-travail-perd-son-sens">quitter leur emploi davantage que les autres</a>.</p>
<p>Si l’on considère que, dans un contexte de précarité de l’emploi, les possibilités de changer d’emploi sont inégalement réparties parmi les catégories socioprofessionnelles, il est intéressant d’interroger le désir de changement des salariés plutôt que leurs changements effectifs. L’enquête Défi du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Cereq) montre qu’en 2015, un <a href="https://www.cereq.fr/se-reconvertir-cest-du-boulot-enquete-sur-les-travailleurs-non-qualifies">tiers des salariés</a> souhaitait changer d’emploi.</p>
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<p>Les travailleurs les moins qualifiés exprimaient plus souvent que les autres (39 %) un désir de changement, principalement pour sécuriser un emploi qui leur semble menacé. Les employés et ouvriers qualifiés qui indiquaient vouloir changer d’emploi (32 %) mettaient, eux, en avant la volonté d’échapper à des conditions de travail fortement taylorisées et d’avoir plus de flexibilité quant à l’articulation des temps sociaux. Enfin, les cadres (29 %), insistaient sur leurs conditions de travail (intérêt du travail, moins de débordement sur la vie personnelle) et anticipent des réorganisations au sein de leur entreprise, dont ils estiment que leur emploi ou leur carrière pourrait pâtir.</p>
<p>Le refus de mauvaises conditions de travail s’observe aussi en interrogeant les difficultés de recrutement des employeurs. En mars 2022, un <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/sites/default/files/1c94dd73c9034a033a0f0c2bd87e133d/DI_MMO_T1%202022pdf.pdf">tiers des salariés</a> déclaraient travailler dans des entreprises ayant amélioré les conditions de travail et d’emploi pour pallier des difficultés de recrutement. Dans le contexte de reprise économique qui a suivi la sortie de la crise sanitaire, le rapport de force entre employeurs et salariés se serait légèrement infléchi en faveur du pouvoir de négociation de ces derniers.</p>
<p>Ces résultats confirment ceux de l’enquête Conditions de travail 2019 : les employeurs qui connaissent le plus de difficultés de recrutement sont aussi ceux qui estiment que leurs employés sont exposés à des pénibilités physiques ou psychiques, notamment les expositions physiques, le travail de nuit et les horaires imprévisibles et, du côté des facteurs psychosociaux de risques, le travail dans l’urgence, les tensions avec le public ainsi que l’impossibilité de faire un travail de qualité. Toutefois, ces difficultés de recrutement diminuent lorsque l’employeur estime que ses employés craignent de <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/quelles-sont-les-conditions-de-travail-qui-contribuent-le-plus-aux-difficultes-de-recrutement">perdre leur emploi</a>.</p>
<h2>Une troisième voie ?</h2>
<p>Deux manières de composer donc avec de mauvaises conditions de travail : s’en accommoder ou changer d’emploi. Les vagues de démissions dans les secteurs connaissant une pénurie de main-d’œuvre à la sortie de la crise sanitaire soulignent le caractère déterminant du rapport de force entre salariés et employeurs dans le refus des conditions de travail alors qu’à l’inverse, la peur du chômage et les craintes de déclassement agissent comme de puissants leviers d’acceptation.</p>
<p>Une troisième voie consisterait à transformer les organisations du travail pour les rendre plus soutenables, en redonnant du pouvoir de négociation aux salariés par l’intermédiaire des instances représentatives du personnel. Toutefois, la disparition des <em>comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail</em> (CHSCT) au profit des comités sociaux et économiques (CSE) risque de réduire à portion congrue la mise en discussion des conditions de travail.</p>
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<p><em>Cette contribution à The Conversation France prolonge une intervention de l’auteur aux <a href="https://www.journeeseconomie.org">Jéco 2023</a> qui se sont tenues à Lyon du 14 au 16 novembre 2023</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217844/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Maëlezig Bigi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Entre le départ et la résignation, une troisième voie apparaît dans le contexte actuel de pénurie de main-d’œuvre : peser sur les employeurs pour refuser l’intensification des contraintes.Maëlezig Bigi, Chercheuse affiliée au Centre d’études de l’emploi et du travail, Co-directrice du Groupe d’études sur le travail et la santé au travail (GIS Gestes), Maîtresse de conférences en sociologie, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2043772023-05-17T18:12:09Z2023-05-17T18:12:09ZÉboueurs : un métier essentiel mais souvent méprisé<p>La grève des éboueurs de la ville de Paris, menée et reconduite face à la réforme des retraites, a permis d’attirer l’attention sur la pénibilité d’un métier qui <a href="https://theconversation.com/travailler-plus-longtemps-mais-dans-quel-etat-le-cas-des-eboueurs-198888">met la santé à l’épreuve</a>, a un impact négatif sur <a href="https://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2006-3-page-62.htm?contenu=article">l’espérance de vie</a> et condamne, lors du départ à la retraite, à la modestie des pensions perçues et à la vulnérabilité des corps usés par un travail qui concentre la plupart des contraintes qui caractérisent le <a href="https://www.cairn.info/travailleurs-des-dechets--9782749214368-page-145.htm">monde subalterne</a> – ouvrier et employé – d’aujourd’hui.</p>
<p>En effet, comme le soulignent plusieurs études, aux contraintes de temps et physiques s’ajoutent des formes plus insidieuses mais parfois lourdes de souffrance morale, psychique ou identitaire notamment liées aux <a href="https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2015-1-page-105.htm">relations avec les usagers-riverains</a>, en dépit des satisfactions (sociabilités, reconnaissance, dons, étrennes, etc.) que celles-ci offrent par ailleurs.</p>
<p>Ces contraintes relationnelles indiquent et actualisent concrètement, lors des interactions avec le public (riverains, automobilistes, commerçants, etc.), le <a href="https://www.cairn.info/travailleurs-des-dechets--9782749214368.htm">processus de stigmatisation et de disqualification sociale</a> dont les éboueurs font l’objet. L’exercice du métier conduit notamment à faire régulièrement l’expérience de la déconsidération et du mépris.</p>
<h2>Au-delà des pénibilités physiques : faire face au mépris</h2>
<p>Les agents doivent souvent apprendre à se défaire du regard des autres et du poids des stigmates associés à leur métier, toujours ancrés dans l’imaginaire collectif (échec scolaire, « travail d’immigrés » occupé faute de mieux, etc.).</p>
<p>Ils sont également confrontés à l’invisibilisation et à l’indifférence structurelle qui les assignent au statut de non-personne dans l’espace public (« Tu existes pas pour les gens », « Tu fais partie du décor »). Ces situations quotidiennement éprouvées entretiennent et renforcent un sentiment de dévalorisation déjà existant lié à l’exercice d’un « sale boulot » (« On ramasse la merde des autres », « On est de la merde pour les gens »).</p>
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<p>Le stress des ripeurs (ceux qui sont situés à l’arrière du camion et chargés de collecter les ordures), confrontés aux dangers de la circulation et aux contraintes de temps, est amplifié par l’impatience des automobilistes qui les pressent (klaxons, insultes, etc.) lors de la collecte des déchets. Les balayeurs sont chaque jour témoins des incivilités qui ont lieu sous leurs yeux (jeter une cigarette ou un papier par terre, ne pas ramasser une déjection canine, etc.). S’ils décident de réagir, leurs rappels à l’ordre entraînent parfois des réponses qui les relèguent au statut de « larbin » (« Je vous paye avec mes impôts »).</p>
<p>Invisibilisés sauf lorsqu’il s’agit d’être mal vus, rendus responsables de la malpropreté des rues ou surveillés, chaque seconde passée à ne pas mettre en scène le travail (par exemple lors d’une pause cigarette ou dans un bistrot) alimente le soupçon de fainéantise que des riverains ne manquent pas d’exprimer directement ou par le biais de plaintes adressées aux services techniques. Des agents subissent parfois des propos malveillants, racistes ou relatifs au genre (des balayeuses à qui on fait comprendre qu’elles ne devraient pas faire un « métier d’hommes »). Elles et ils sont aussi exposés à des provocations ainsi qu’à des risques d’agression verbale et physique.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le quotidien d’un éboueur parisien (Brut).</span></figcaption>
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<p>D’autres formes de violence, en apparence plus euphémisées, peuvent marquer durablement les esprits. Par exemple, des passants qui expliquent à leurs enfants (souvent fascinés par les éboueurs), devant un agent en plein travail : « Si tu travailles pas à l’école, tu finiras comme ça », « Le monsieur balaye parce qu’il n’est pas directeur comme Papa », etc.</p>
<p>Ces contraintes s’inscrivent par ailleurs dans des rapports sociaux spécifiques. Par exemple, elles risquent d’être exacerbées par les effets de la distance sociale pour des agents qui exercent leur métier au sein de zones urbaines investies par des catégories sociales intermédiaires ou supérieures. Pour les agents, ces riverains, loin d’être systématiquement perçus comme étant irrespectueux ou hostiles, peuvent néanmoins manifester des comportements qui sont interprétés comme une forme spécifique de <a href="https://editions-croquant.org/sociologie/708-mepris-de-classe.html">mépris de classe</a>. Dans un contexte de creusement des inégalités et de renforcement des <a href="https://www.cairn.info/paris-sans-le-peuple--9782707191021.htm">processus de relégation spatiale</a> des catégories plus modestes en dehors de la capitale – la majorité des agents, issue des classes populaires, réside en banlieue –, ces expériences contribuent à nourrir un sentiment de marginalisation et à occasionner des blessures sociales parfois importantes.</p>
<h2>Les racines sociales du mal-être</h2>
<p>Cette expérience de la déconsidération est différemment appréhendée selon le profil, les propriétés ou la trajectoire sociales des agents. Mais elle révèle et ravive souvent un décalage, plus ou moins important selon leur situation, entre ce qu’ils sont professionnellement et ce qu’ils sont socialement (c’est-à-dire leurs ressources, leurs aspirations, leurs modes de vie, leur image de soi).</p>
<p>Ces ouvriers réalisent un « sale boulot » en « bas » de la fonction publique, investie pour ses vertus stabilisatrices et protectrices, sans être nécessairement en « bas » de la structure sociale. En effet, ils disposent souvent de ressources suffisantes pour aspirer à vivre simplement mais dignement, <a href="https://www.raisonsdagir-editions.org/catalogue/etre-comme-tout-le-monde/">« comme tout le monde »</a>, mais qu’ils peinent à faire reconnaître, trop souvent réduits à un travail sans qualité (« Nous aussi on a des diplômes ! », « Je suis pas une merde, moi aussi j’ai un pavillon », « C’est pas parce que je suis éboueur que je sais pas lire ni écrire », etc.).</p>
<p>Mais si ces ressources (notamment l’emploi public) procurent une relative stabilité sur le plan socio-économique, leur modestie (notamment celle des salaires) rend la situation des agents fragile, incertaine, rarement débarrassée du risque de la précarisation (parfois éprouvée), empêche la pleine satisfaction des aspirations (par exemple l’accès à la propriété) ainsi que la possibilité de se soustraire totalement aux stigmates souvent associés au « bas » de l’échelle socioprofessionnelle.</p>
<p>C’est à l’aune de cette tension entre stabilité et insécurité que l’on peut sans doute comprendre l’indignation suscitée par la réforme des retraites.</p>
<h2>La réforme des retraites : autre indice de la déconsidération ?</h2>
<p>On peut en effet penser que cette réforme vient comme accentuer ce déficit de reconnaissance, celle à l’égard de la réalité du métier, de son utilité et de ses pénibilités, de la fragilité économique et de la vulnérabilité physique des agents.</p>
<p>Rappelons que la condition des éboueurs parisiens a été fragilisée dans les années 1980 (<a href="https://www.persee.fr/docAsPDF/rfeco_0769-0479_2008_num_22_3_1653.pdf">externalisation, affaiblissement syndical et baisse de la valeur des salaires</a>) puis 2000 (<a href="https://journals.openedition.org/nrt/1624">intensification du travail</a>).</p>
<p>Les agents, craignant pour leur avenir, la perçoivent comme menacée. D’autres indices nourrissent l’inquiétude, notamment : la difficile prise en charge par l’employeur des problèmes de santé (qui interviennent parfois tôt dans la carrière) et de l’absentéisme qui en résulte au sein d’un groupe vieillissant ; une mobilité professionnelle limitée ; l’état de santé des anciens qui partent à la retraite, le montant des pensions qu’ils perçoivent et l’âge auquel certains décèdent.</p>
<p>Dans ce contexte, on peut comprendre l’incompréhension mais aussi l’angoisse provoquée par la réforme, qui prévoit de reculer l’âge de départ à la retraite (57 à 59 ans dans le public, 62 à 64 ans dans le privé), chez celles et ceux qui exercent un métier indispensable au bon fonctionnement de la cité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204377/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugo Bret ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les agents doivent souvent apprendre à se défaire du regard des autres et du poids des stigmates associés à leur métier.Hugo Bret, Sociologue - chercheur associé au CERLIS, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2005982023-02-26T17:10:38Z2023-02-26T17:10:38ZRéforme des retraites : comment aménager au mieux les fins de carrière ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/511996/original/file-20230223-28-nlgm1z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C11%2C1136%2C839&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En Allemagne ou dans les pays nordiques, des dispositifs permettent aux seniors d’organiser leur temps de travail de manière plus flexible.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/gens-building-hommes-internet-7983582/">Kampus Production/Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le projet de report de l’âge légal de départ à la retraite, de 62 ans à 64 ans, actuellement en débat, remet en lumière les questions <a href="https://theconversation.com/reforme-des-retraites-des-craintes-pour-lemploi-des-seniors-a-nuancer-198540">d’amélioration du taux d’emploi des seniors</a>, de <a href="https://theconversation.com/penibilite-usure-professionnelle-burn-out-quelles-avancees-dans-le-projet-de-reforme-des-retraites-197972">pénibilité</a> des tâches et de <a href="https://theconversation.com/quels-effets-sur-la-sante-des-seniors-dun-report-de-lage-legal-de-depart-en-retraite-200019">santé au travail</a>. </p>
<p>Deux grandes questions demeurent cependant peu discutées : la transition de l’emploi vers la retraite et la fluidité des parcours professionnels, éléments pourtant essentiels afin d’envisager un débat apaisé sur la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reforme-des-retraites-82342">réforme des retraites</a>. Il est en effet illusoire d’imaginer faire le même métier, en tout cas de la même façon (organisation, gestes, postures, horaires), à 20 ans et à plus de 60 ans, surtout si ce métier est pénible physiquement ou psychologiquement.</p>
<p>Sur le terrain, les exemples concrets ne manquent pas et démontrent que les conditions d’exercice d’un même métier peuvent parfaitement être aménagées tout au long de la carrière, et notamment dans les dernières années.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quels-effets-sur-la-sante-des-seniors-dun-report-de-lage-legal-de-depart-en-retraite-200019">Quels effets sur la santé des seniors d’un report de l’âge légal de départ en retraite ?</a>
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<p>Dans le cadre d’entretiens menés avec des salariés, nous avons par exemple rencontré Thibault* S., aujourd’hui jeune couvreur en bâtiment, dont le projet de deuxième partie de carrière est de se diriger vers la menuiserie ou la fabrication en atelier pour exercer un métier moins pénible.</p>
<p>Le cas de Sylvain M. constitue également une initiative intéressante : cet agent de nettoyage senior a obtenu de son entreprise l’achat d’une laveuse autoportée (sur laquelle le salarié peut s’asseoir) afin d’alléger physiquement son travail.</p>
<p>De même, Myriam T., infirmière désormais retraitée, avait d’abord commencé à exercer à l’hôpital en enchaînant les gardes de nuit. Elle a poursuivi sa carrière en dispensaire, puis en centres de PMI (protection maternelle et infantile), en cadre scolaire, et enfin dans un centre de transfusion sanguine juste avant de prendre sa retraite.</p>
<h2>Des exemples ailleurs en Europe</h2>
<p>Une <a href="https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs_rapport-seniors-emploi-retraite_01102018_0.pdf">étude</a> de France Stratégie publiée en 2018 avait établi des comparaisons internationales pour identifier les pratiques qui ont montré leurs effets, par exemple la <a href="https://hal-sciencespo.archives-ouvertes.fr/hal-03459851">stratégie de « vieillissement actif</a> » des pays nordiques.</p>
<p>Au Danemark, où l’âge légal de départ est fixé actuellement à 67 ans et le taux d’emploi des 55-64 ans était de <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/databrowser/view/tesem050/default/table?lang=fr">72,3 % en 2021</a>, l’outil principal de maintien dans l’emploi des seniors est la flexibilité dans l’organisation de son temps de travail (<a href="https://eures.ec.europa.eu/living-and-working/living-and-working-conditions/living-and-working-conditions-denmark_fr">fixé à 37 heures hebdomadaires</a>). Dans le secteur public, cette flexibilité est couplée à une réduction horaire avec maintien du salaire pour les plus de 60 ans permettant ainsi aux salariés <a href="https://theconversation.com/fr/topics/seniors-38909">seniors</a> de se maintenir en emploi plus longtemps.</p>
<p>En Finlande, la reconnaissance des besoins spécifiques des travailleurs âgés ainsi que la promotion « d’actions ciblées sur la coopération et les interactions entre les équipes et le management » ont permis d’améliorer sensiblement la qualité de vie au travail des seniors.</p>
<p><iframe id="4hjCE" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/4hjCE/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En Allemagne, où l’âge légal de départ en retraite est fixé à 65 ans et onze mois et <a href="https://www.destatis.de/EN/Press/2023/01/PE23_N003_13.html">17 % des 65-69 ans sont en emploi en 2021</a>, la négociation de conventions collectives au niveau des branches et dans les entreprises a permis l’adoption de mesures d’adéquation des conditions de travail au vieillissement des salariés. Des dispositifs de <a href="https://www.cairn.info/revue-allemagne-d-aujourd-hui-2016-4-page-107.htm">transitions « flexibles » vers la retraite</a> ont fait partie des mesures prises dès les années 2010. Parmi celles-ci, nous pouvons citer notamment l’adaptation de l’environnement de travail, la flexibilité de l’organisation du temps de travail ou encore l’application du <em>life long learning</em> (apprentissage tout au long de la vie).</p>
<p>Notons que le « Vertrauensarbeitszeit » (travail basé sur la confiance) est un concept de flexibilité du temps de travail qui repose sur un système d’horaires de travail flexibles fondé sur la confiance réciproque entre employeurs et salariés.</p>
<h2>Penser la fluidité plutôt que la mobilité</h2>
<p>Ces différentes initiatives, en termes d’aménagement des fins de carrière dans les différents pays européens, amènent plus largement à s’interroger sur un autre élément finalement peu discuté dans les débats et dans les travaux de recherche : celui de la fluidité des parcours professionnels. Nous concevons cette notion de fluidité comme la possibilité de penser les transitions professionnelles en amont de la retraite, mais aussi tout au long de la carrière.</p>
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<p>Beaucoup plus liquide que celle de <a href="https://www.cairn.info/psychologie-du-travail-et-des-organisations--9782100738113-page-299.htm">mobilité professionnelle</a>, fréquemment utilisée en gestion des ressources humaines (GRH), la fluidité se traduit d’abord par un glissement de logique, de celle de carrière à celle de parcours, en s’appuyant non seulement sur le développement de compétences des individus mais également sur leurs envies et capacités tout au long de la vie.</p>
<p>Ces deux questions autour de l’aménagement des parcours et des transitions emploi-retraite doivent ainsi plus que jamais s’inscrire au centre du dialogue social.</p>
<hr>
<p>*Tous les prénoms ont été modifiés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200598/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne-Sophie Volz-Tollet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des initiatives, en France comme en Europe, prévoient par exemple une réduction du temps de travail ou des aménagements de postes pour favoriser l’emploi des seniors.Anne-Sophie Volz-Tollet, Maître de Conférences en sciences de gestion, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2000192023-02-15T23:12:40Z2023-02-15T23:12:40ZQuels effets sur la santé des seniors d’un report de l’âge légal de départ en retraite ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/510378/original/file-20230215-22-l1en85.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C15%2C924%2C598&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Après la réforme de 2010, le coût des indemnités journalières liées à l’absence pour maladie a augmenté en moyenne chaque année de 4,2%.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Pour une deuxième semaine, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reforme-des-retraites-82342">réforme du système de retraite</a> voulue par le gouvernement est débattue par les parlementaires. Une semaine marquée ce jeudi 16 février par une <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/retraites/greve-du-jeudi-16-fevrier-contre-la-reforme-des-retraites-a-quoi-faut-il-sattendre-67ec3fb0-ac43-11ed-b6e3-38da84828b93">quatrième journée de mobilisation intersyndicale</a>.</p>
<p>En attendant l’examen des amendements portant sur le recul de l’âge légal de 62 à 64 ans, les députés d’opposition ont fait échec à la proposition gouvernementale de création d’un <a href="https://www.bfmtv.com/politique/parlement/reforme-des-retraites-l-assemblee-nationale-rejette-l-article-2-sur-l-index-seniors-dans-les-entreprises_AD-202302140801.html">index senior</a>, au grand dam des ministres en charge du dossier.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1625622449797603328"}"></div></p>
<p>L’idée était d’obliger les entreprises à publier leurs statistiques d’embauche de salariés en fin de carrière pour les inciter à embaucher ou garder en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/emploi-20395">emploi</a> des salariés plus âgés, sans toutefois les y contraindre, en réponse à des <a href="https://theconversation.com/reforme-des-retraites-des-craintes-pour-lemploi-des-seniors-a-nuancer-198540">craintes pour l’emploi des seniors</a>. Des participants au débat, pensifs quant à l’utilité du dispositif, ont notamment avancé que les travailleurs seniors ont un risque assez élevé de se retrouver en <a href="https://twitter.com/LCP/status/1625153970992709633">congés maladie</a> de longue durée ou en situation d’invalidité.</p>
<p>C’est sur ce point que nos <a href="https://ceet.cnam.fr/publications/connaissance-de-l-emploi/age-legal-de-depart-en-retraite-et-absences-maladie-quels-effets-du-passage-a-62-ans-en-2010--1394102.kjsp?RH=1507626697168">travaux</a> récents ont porté, proposant une évaluation des effets de la réforme de 2010 sur les absences maladie des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/seniors-38909">seniors</a>.</p>
<h2>Une équation financière pas systématiquement positive</h2>
<p>La principale mesure de cette réforme avait été l’augmentation de 2 ans des âges légaux, d’ouverture des droits comme d’annulation de la décote. Ils sont passés respectivement de 60 et 62 à 62 et 64 ans, et ce, dans un délai remarquablement court, 5 ans.</p>
<p>Étaient visées une réduction de la charge des pensions et une augmentation du taux d’activité des seniors pour limiter le déficit des caisses d’assurance-retraite. Le nouveau texte a, de fait, induit une augmentation des taux d’activité des seniors. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), la proportion des personnes âgées de 60 ans en emploi s’est accrue de <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2546882">17 points de pourcentage pour les hommes et de 16 points pour les femmes</a> tandis que la proportion au chômage s’est accrue de 7 et 6 points de pourcentages, respectivement.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>En fin de carrière, cette hausse du chômage est même mesurée à 13 points de pourcentages par d’autres <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/journal-of-pension-economics-and-finance/article/abs/employment-and-substitution-effects-of-raising-the-statutory-retirement-age-in-france/4286104DFC75D283D1652996120C2B1C">études</a>. Combiné à une hausse de l’invalidité de 6 points, cela pèse sur les régimes d’assurance sociale alternatifs à la retraite. La Cour des comptes n’a pas manqué de le relever dans un <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/securite-sociale-2019">rapport de 2019</a>. Elle pointe une croissance notable des dépenses pour le risque maladie : dans les années qui ont suivi la réforme, le coût des indemnités journalières liées à l’absence pour maladie a augmenté en moyenne chaque année de <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-10/20191008-synthese-rapport-securite-sociale-2019.pdf#page=19">4,2 %</a> pour atteindre <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-10/20191008-rapport-securite-sociale-2019-2.pdf#page=20">8 milliards d’euros</a> en 2017. Une part non négligeable de cette hausse est attribuée au <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-10/20191008-rapport-securite-sociale-2019-2.pdf#page=20">vieillissement</a> de la population des salariés.</p>
<p>En même temps qu’elle prolonge la durée de cotisations à l’assurance-retraite, l’allongement de la vie semble en même temps augmenter, dans une moindre mesure toutefois, d’autres dépenses. Au-delà d’un enjeu financier pour des organismes publics, c’est aussi, pour les entreprises, des absences plus fréquentes de salariés qu’il leur faut pallier.</p>
<h2>Des arrêts maladie plus fréquents, plus longs et plus nombreux après 60 ans</h2>
<p>Pour le documenter, nous avons, dans nos <a href="https://ceet.cnam.fr/publications/connaissance-de-l-emploi/age-legal-de-depart-en-retraite-et-absences-maladie-quels-effets-du-passage-a-62-ans-en-2010%E2%80%931394102.kjsp?RH=1507126380703">travaux</a>, mobilisé une base de données administratives dans laquelle les mêmes individus sont suivis sur plusieurs années : le panel <a href="https://www.irdes.fr/recherche/partenariats/hygie-systeme-d-information-sur-les-indemnites-journalieres/actualites.html">Hygie</a> sur la période 2005-2015, mis en place par l’<a href="https://www.irdes.fr/recherche/partenariats/hygie-systeme-d-information-sur-les-indemnites-journalieres/actualites.html">Irdes</a> après un appel d’offres de la Drees, direction statistique du ministère de la Santé. Il combine des données administratives de la Caisse nationale de l’assurance vieillesse avec celles de la Caisse nationale de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/assurance-maladie-21865">assurance maladie</a>.</p>
<p>Pour mesurer l’impact d’un décalage de l’âge légal de départ sur la fréquence des absences maladie, il faudrait pouvoir observer ce qui se serait passé chez ceux qui ont pu prendre leur retraite à 60 ans s’ils avaient travaillé jusqu’à l’âge 62 ans, ce qui est impossible. On peut néanmoins trouver moyen de trouver une approximation pour cet élément de comparaison que l’on appelle, en statistique, le contre-factuel.</p>
<p>En comparant les toutes premières générations concernées par la retraite à 62 ans (les individus nés entre 1952 et 1954) avec les toutes dernières à y avoir échappé (1946-1951), on peut ainsi réduire un certain nombre de biais. On peut en effet supposer plus de ressemblance entre la trajectoire réelle des individus nés en 1952 avec celle, fictive, des individus nés en 1950 que si l’on comparait les générations 1940 et 1958.</p>
<p>L’idée est la suivante. Avec des départs en retraite, une génération voit logiquement le nombre d’individus concernés par un ou plusieurs arrêts maladie chuter (puisqu’on n’est pas arrêté pour maladie lorsque l’on est retraité). Cela survient à 60 ans avant l’entrée en vigueur de la réforme de 2010, à 62 ans après. Si l’on compare donc nos deux groupes entre 60 et 62 ans, l’un aura connu cette chute et pas l’autre. La différence s’expliquera donc a priori largement par un décalage de l’âge légal.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/510342/original/file-20230215-22-1kbvdr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/510342/original/file-20230215-22-1kbvdr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510342/original/file-20230215-22-1kbvdr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=468&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510342/original/file-20230215-22-1kbvdr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=468&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510342/original/file-20230215-22-1kbvdr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=468&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510342/original/file-20230215-22-1kbvdr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=588&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510342/original/file-20230215-22-1kbvdr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=588&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510342/original/file-20230215-22-1kbvdr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=588&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La méthode dite de « régression avec discontinuité ».</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour rendre les deux groupes aussi comparables que possible du point de vue de leurs caractéristiques individuelles, toute autre que l’âge de départ en retraite, on va également tenir compte de ces dernières dans nos calculs. Parmi ces caractéristiques figurent le salaire des individus, le temps qu’ils ont passé au chômage durant l’ensemble de la carrière ou encore leur catégorie socioprofessionnelle.</p>
<p>Nous avons ainsi pu mettre en regard entre nos deux groupes, la probabilité de connaître au moins un arrêt de travail sur une année, la durée annuelle cumulée d’arrêts-maladie et le nombre d’épisodes d’arrêts-maladie dans l’année d’observation. Les analyses économétriques confirment bien que la hausse de l’âge d’ouverture des droits explique une large part de l’augmentation significative de la probabilité, après 60 ans, d’être arrêté pour maladie sur une année de l’ordre de 1,7 point de pourcentage. Le nombre annuel cumulé de jours d’arrêt augmenterait, lui, d’un peu plus d’un jour et le nombre annuel d’arrêts maladie, de 0,02.</p>
<h2>Des populations plus sensibles que d’autres</h2>
<p>De manière générale, une grande hétérogénéité apparaît au-delà de ces moyennes. Il s’avère notamment que la réforme des retraites de 2010 a effectivement eu un effet plus fort sur la probabilité d’arrêt pour les individus considérés en mauvaise santé et ayant connu des événements de santé comme les accidents de travail et maladies professionnelles conduisant à des absences maladie de longue durée par le passé (hausse de 2,2 points de pourcentage contre 1,2 point de pourcentage pour ceux en bonne santé). L’effet de la réforme sur le nombre de jours annuel de maladie est également plus important pour ces individus en mauvaise santé avant le report de l’âge légal d’ouverture des droits entraînant une augmentation de 1,8 jour environ.</p>
<p><iframe id="rksVm" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/rksVm/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les différences semblent, en outre, plus marquées pour les femmes que pour les hommes s’agissant de la probabilité d’arrêt ou du nombre d’épisodes d’arrêt. Elles restent toutefois moins importantes en ce qui concerne le nombre annuel de jours d’arrêt.</p>
<p>Pareilles observations suggèrent l’importance pour des projets d’évolution des paramètres de retraite, comme la réforme en débat actuellement, de mesures permettant de tenir compte de l’hétérogénéité des situations parmi la population active, avec une prise en compte de la pénibilité et de l’état de santé des salariés. Cela peut passer par des mesures de prévention, une amélioration des conditions de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/travail-20134">travail</a> ou par une possibilité laissée aux salariés fragilisés par leur état de santé ou par leur parcours professionnel d’accéder à la retraite plus tôt. Il pourrait aussi s’agir d’assouplir le temps de travail des seniors, avec des possibilités de départs progressifs à la retraite, et de les affecter aux postes les moins pénibles.</p>
<p>Rappelons enfin qu’un recul de l’âge de départ n’influence pas seulement les absences maladie des seniors : il induit également un <a href="https://www.cor-retraites.fr/sites/default/files/2022-01/Doc10_D%C3%A9penses%20rel%C3%A8vement%20%C3%A2ge_DREES.pdf">effet de déversement</a> vers d’autres dispositifs alternatifs de protection sociale tels que le chômage ou l’invalidité. Seule la prise en compte de l’ensemble de ces effets éclairerait le décideur public quant à l’ensemble des retombées de réformes telles que celle actuellement en débat.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200019/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Évaluer la réforme de 2010 montre qu'une fin d'activité retardée, c'est, certes, plus de recettes pour le système de retraites, mais c'est aussi un peu plus de dépenses pour l'assurance maladie.Mohamed Ali Ben Halima, Maître de conférences, économiste santé au travail, MESuRS, CEET, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Ali Skalli, Maître de conférences de sciences économiques, Laboratoire d’Economie Mathématique et de Microéconomie Appliquée (LEMMA), Université Paris-Panthéon-AssasMalik Koubi, Chercheur associé au Centre d’études de l’emploi et du travail (CEET), Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1988882023-02-01T19:09:11Z2023-02-01T19:09:11ZTravailler plus longtemps mais… dans quel état ? Le cas des éboueurs<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/507308/original/file-20230131-4652-n9up99.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=21%2C26%2C1257%2C846&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Durant une collecte de déchets, comme ici à Paris, la fréquence cardiaque d’un éboueur frôle le niveau considéré comme excessif.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Collecte_des_d%C3%A9chets,_Paris_-_octobre_2013.JPG">Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reforme-des-retraites-82342">réforme des retraites</a> du gouvernement, adoptée à l'Assemblée nationale après le recours au 49.3 le 16 mars dernier, continue de mobiliser contre elle, notamment chez les éboueurs. Mardi 21 mars, la CGT Services Publics de la ville de Paris a annoncé la <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/greve-des-eboueurs-a-paris-la-situation-s-ameliore-tres-legerement-avec-les-premieres-requisitions-20230320">reconduction du mouvement</a> débuté il y a une quinzaine de jours jusqu'au lundi 27 mars. En début de semaine, près de 10 000 tonnes de déchets jonchaient toujours les trottoirs de la capitale, malgré les réquisitions de personnel ordonnées par la Préfecture de la Paris. </p>
<p>Les éboueurs sont en effet particulièrement exposés aux conséquences de l’allongement substantiel de la durée de vie professionnelle prévue par le texte, qui porte l'âge légal de départ de 62 à 64 ans. Pour que ces deux ans de travail supplémentaires puissent se concrétiser dans les faits, la question de la santé au travail doit se poser au préalable. Il s’agit notamment de passer d’une logique de réparation à une logique de prévention des maux du travail. Le projet du gouvernement comporte certes un volet <a href="https://theconversation.com/fr/topics/penibilite-36200">pénibilité</a>, mais les pistes présentées ne vont pour l’instant pas dans ce sens.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/penibilite-usure-professionnelle-burn-out-quelles-avancees-dans-le-projet-de-reforme-des-retraites-197972">Pénibilité, usure professionnelle, burn-out : quelles avancées dans le projet de réforme des retraites ?</a>
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<p>La soutenabilité du travail sur le long terme dépend en effet de l’équilibre entre l’état de santé des travailleurs et l’exercice de leur métier, ce qui se traduit par deux questions : premièrement, l’état de santé d’un travailleur est-il compatible avec son métier à un instant <em>t</em> ? ; deuxièmement, le métier exercé influe-t-il sur l’état de santé du travailleur, et dans quel sens ?</p>
<p>Au-delà du cas des éboueurs, pour permettre aux salariés de satisfaire aux exigences légales de départ en retraite, le gestionnaire va dorénavant devoir, en collaboration avec les spécialistes en santé au travail et en prévention, se poser ces questions tout au long de la carrière professionnelle du salarié, et cela dès le début de celle-ci, sans considération de l’âge du salarié.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="Éboueurs à Marseille" src="https://images.theconversation.com/files/507533/original/file-20230201-21-m0ncyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/507533/original/file-20230201-21-m0ncyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/507533/original/file-20230201-21-m0ncyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/507533/original/file-20230201-21-m0ncyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/507533/original/file-20230201-21-m0ncyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/507533/original/file-20230201-21-m0ncyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/507533/original/file-20230201-21-m0ncyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Lorsque les ripeurs sont deux pour une tournée, chacun ramasse en moyenne 4,7 tonnes de déchets.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Eboueurs_20100508_Aix-en-Provence_1.jpg">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>12 238 pas</h2>
<p>Dans un <a href="https://www.annales.org/gc/2022/gc148/2022-06-04.pdf">article</a> publié récemment dans la revue <em>Gérer et Comprendre</em>, nous analysons l’état de santé des ripeurs, c’est-à-dire des éboueurs qui collectent les ordures ménagères à l’arrière des camions de ramassage.</p>
<p>Notre étude montre qu’un ripeur, lorsque la tournée de ramassage est faite avec deux personnes à l’arrière du camion, collecte les déchets pendant une durée moyenne de 401 minutes (presque 7 heures), bénéficie d’un temps de pause de 33 minutes, ramasse 4,7 tonnes de déchets, réalise 12 238 pas et parcourt au total 44,6 km à l’arrière du camion.</p>
<p>Le coût cardiaque, c’est-à-dire la différence entre la fréquence cardiaque au travail et celle au repos, est à 28,8 battements par minute. Or, le seuil supérieur qui caractérise une astreinte physique excessive est à 30 battements.</p>
<p>On comprend facilement que l’usure physique est très forte dans ce métier extrêmement contraignant, ce qui pose la question de la responsabilité du gestionnaire en termes de GRH et de santé au travail.</p>
<h2>Le coût cardiaque élevé du monoripage</h2>
<p>Cela pose aussi la question de la responsabilité des donneurs d’ordre, qui sont souvent des communes ou des communautés de communes pour la collecte des déchets. La responsabilité est d’autant plus forte lorsque le gestionnaire ou le donneur d’ordre, sous pression de la concurrence, envisage la pratique du monoripage, c’est-à-dire l’affectation d’un seul ripeur par camion.</p>
<p>Toutes les moyennes citées pour deux ripeurs se dégradent alors : 434 minutes de collecte, avec un écart-type à 90 minutes ; 26 minutes de pause ; 9,6 tonnes de déchets collectés ; 16 599 pas effectués ; 58,3 km en moyenne par tournée ! Le coût cardiaque bondit au-delà du seuil supérieur, jusqu’à 38,8 battements par minute.</p>
<p>Le métier de ripeur est probablement l’un des métiers les plus éprouvants, car il cumule nombre des difficultés contemporaines du travail : contraintes physiques et de temps, interactions avec les usagers, complexité des chaînes de responsabilité en matière de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/qvt-69248">Qualité de vie au travail (QVT)</a>, etc.</p>
<h2>Des réponses déjà élaborées</h2>
<p>Pourtant, un <a href="https://www.theses.fr/087694425">travail doctoral</a> mené en 2019, fondé sur l’étude de plusieurs entreprises de collecte des déchets, montrait que certains employeurs avaient déjà <a href="https://www.anact.fr/la-gestion-de-lemployabilite-et-des-parcours-par-la-sante-au-travail-analyser-les-pratiques-de-grh">élaboré des réponses</a> qui permettaient aux salariés d’exercer leur métier jusqu’à l’âge de la retraite en étant bien moins usés. Nous avions identifié deux modèles de GRH qui fournissent deux réponses différentes à une seule question : combien de temps un salarié doit-il/peut-il rester dans un métier contraignant ?</p>
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<p>Dans la première entreprise étudiée, l’employeur estimait que le salarié devait pouvoir exercer son métier « pour la vie », et mettait tout en œuvre pour le lui permettre, adaptant sa GRH quotidienne à son état de santé. Dans les faits, cette attitude se traduisait par l’introduction de marges de manœuvre dans deux grands domaines.</p>
<p>Premièrement, dans tous les aspects de la GRH : évaluation attentive aux souhaits d’évolution, moyens conséquents pour la formation, dialogue social permettant de limiter en interne le recours au monoripage si les ripeurs ne le souhaitaient/pouvaient pas, etc. Deuxièmement, dans tous les aspects de la vie quotidienne : soutien aux ripeurs en difficulté, organisation des équipes et du travail, pour adapter ce dernier aux éventuelles faiblesses transitoires résultant d’événements de la vie ou de santé… En conséquence, les indicateurs dans cette entreprise étaient bons : faible absentéisme, très peu d’inaptitudes, forte attractivité et très faible turn-over.</p>
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<img alt="Poubelles à Paris" src="https://images.theconversation.com/files/507530/original/file-20230201-25-m0ncyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/507530/original/file-20230201-25-m0ncyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=551&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/507530/original/file-20230201-25-m0ncyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=551&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/507530/original/file-20230201-25-m0ncyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=551&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/507530/original/file-20230201-25-m0ncyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=693&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/507530/original/file-20230201-25-m0ncyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=693&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/507530/original/file-20230201-25-m0ncyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=693&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les éboueurs cumulent bon nombre des difficultés contemporaines du travail.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/186368025@N06/49484241723">Paola Breizh/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Dans la deuxième entreprise, l’employeur estimait au contraire qu’un ripeur devait exercer son métier le moins longtemps possible. Imaginant que l’instabilité dans le métier pouvait garantir la stabilité dans l’emploi, les gestionnaires avaient élaboré un projet de flexisécurité en interne, voire à l’échelle du territoire et entre employeurs.</p>
<p>Ainsi, le recrutement favorisait délibérément des candidats surqualifiés pour le métier de ripeur mais motivés par une carrière dans la fonction publique. L’employeur leur expliquait dès l’embauche que le métier de ripeur ne pouvait être qu’une étape dans leur carrière, un moyen mais pas une fin.</p>
<p>En les recrutant, il leur ouvrait l’accès aux concours de la fonction publique, qu’il les encourageait ensuite vivement à passer en leur fournissant des moyens conséquents (en temps et en argent) pour qu’ils puissent les préparer et les réussir. Malheureusement, nous n’avons pas pu avoir accès aux résultats de cette politique, le projet débutant lors de notre étude.</p>
<h2>Une réforme à quel prix ?</h2>
<p>Sans être toujours aussi contraignantes que celle des ripeurs, toutes les activités professionnelles ont un impact sur la santé dès lors que l’on considère celle-ci au plan physique et psychique. À l’heure où l’on observe dans de nombreux métiers une <a href="https://rfg.revuesonline.com/articles/lvrfg/abs/2015/04/lvrfg41249p53/lvrfg41249p53.html">augmentation des cas de burn-out et de suicides</a>, ainsi qu’un redoublement des questionnements sur le <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/redonner-du-sens-au-travail-thomas-coutrot/9782021503234">travail et son sens</a>, les débats sur l’âge de départ en retraite remettent en avant les questions sur la durée pendant laquelle on peut envisager d’exercer un métier. Nos travaux menés chez des « premiers de corvée » comme les ripeurs peuvent se révéler source d’inspiration.</p>
<p>En effet, cette réflexion doit être l’occasion de rappeler que les effets du travail sur la santé peuvent aussi être positifs, sur le plan de la santé comme sur le plan social ; ce qui, au-delà des finalités et objectifs économiques de la réforme, justifie également de favoriser au maximum le maintien en emploi des seniors.</p>
<p>Pour conclure, nous pouvons dire que tenter de faire travailler des salariés vieillissants sans se poser la question de la soutenabilité du travail et sans mettre la GRH au service de cette question expose aux risques d’exclusion, d’arrêts-maladie, de chômage, d’invalidité voire de décès : c’est coûteux pour les individus comme pour la société. Une réforme peut-elle être payée un tel prix ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/valoriser-lemploi-des-seniors-le-prealable-oublie-de-la-reforme-des-retraites-197141">Valoriser l’emploi des seniors, le préalable oublié de la réforme des retraites</a>
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<img src="https://counter.theconversation.com/content/198888/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La question de la pénibilité constitue l'un des enjeux de la mobilisation des éboueurs, dont le mouvement de grève contre la réforme des retraites est reconduit à Paris jusqu'à lundi.Jean-Yves Juban, Professeur de sciences de gestion, Université Grenoble Alpes (UGA)Isabelle Salmon, Médecin du travail collaborateur, chercheur associé au CERAG, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1979722023-01-19T17:54:48Z2023-01-19T17:54:48ZPénibilité, usure professionnelle, burn-out : quelles avancées dans le projet de réforme des retraites ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/505091/original/file-20230118-8055-2iber8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C5%2C1088%2C732&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les mesures contenues dans le projet de réforme des retraites concernent davantage la réparation que la prévention des maladies professionnelles.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/38712296@N07/5929070623">Frédéric Bisson/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Sous le feu des projecteurs depuis le début de l’année, le <a href="https://www.gouvernement.fr/actualite/projet-pour-lavenir-du-systeme-de-retraites-ce-quil-faut-retenir">projet pour l’avenir du système des retraites</a>, contre lequel les Français se sont largement mobilisés ce jeudi 19 janvier, comprend notamment des mesures de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/prevention-28416">prévention</a> de l’usure professionnelle. Lors de la <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/287799-elisabeth-borne-10012023-reforme-des-retraites">présentation de réforme</a>, le mardi 10 janvier, la première ministre Élisabeth Borne avait insisté sur ce point.</p>
<p>Quatre pistes sont aujourd’hui envisagées pour les métiers physiques ou répétitifs : la création d’un fonds d’investissement d’un milliard d’euros pour la prévention de l’usure professionnelle ; la mise en place d’un suivi médical renforcé auprès des salariés ayant un métier pénible ; la possibilité de financer un congé de reconversion ; l’élargissement du compte professionnel de prévention (C2P) à plus de salariés et avec plus de droits.</p>
<p>Ce C2P, né des « ordonnances Macron », avait remplacé en 2017 le terme « pénibilité » en « facteurs de risques professionnels » et avait retiré 4 facteurs (charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques et risques chimiques) du dispositif précédent, le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P). En décembre 2022, la Cour des comptes a présenté ce C2P comme « un dispositif sans ambition et non contrôlé » dans son <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-politiques-publiques-de-prevention-en-sante-au-travail-dans-les-entreprises">rapport public thématique</a> sur les politiques publiques en santé au <a href="https://theconversation.com/fr/topics/travail-20134">travail</a> dans les entreprises.</p>
<h2>La réparation plus que la prévention</h2>
<p>Comment appréhender les quatre mesures avancées sur ce sujet lors de cette présentation ? Tout d’abord, concernant la création d’un fonds d’investissement d’un milliard d’euros pour financer des actions de prévention, de sensibilisation, et de reconversion, mesure revendiquant explicitement la prévention comme objectif, plusieurs interrogations émergent. Sur quelles analyses repose ce montant d’un milliard d’euros sur cinq ans ? Quels objectifs concrets se donnera ce fonds d’investissement ? S’agit-il d’une extension du <a href="https://politiques-sociales.caissedesdepots.fr/le-role-du-fnp">Fonds national de prévention de la Caisse des dépôts</a> ou d’un fonds annexe ? Ces questions sont en suspens.</p>
<p>Concernant l’élargissement du C2P, trois seuils permettant de doter le compte en points ont été abaissés : avec la réforme, il suffira de 100 nuits de travail par an, et non plus 120, ou de 30 nuits en travail alternant contre 50 aujourd’hui. Cet élargissement ouvre également droit au cumul de points dans les cas d’expositions à plusieurs formes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/penibilite-36200">pénibilité</a>. Si le gouvernement a refusé de réintégrer les 4 critères exclus en 2017, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reforme-des-retraites-82342">réforme des retraites</a> permettrait toutefois, pour les salariés exposés aux charges lourdes, postures pénibles et vibrations, sous réserve de la reconnaissance officielle d’une inaptitude, de bénéficier de nouveaux droits, chaque branche professionnelle devant lister les métiers concernés. Cela crée un risque de décalage entre métiers, certaines branches pouvant reconnaître un métier comme pénible et d’autres non.</p>
<p>Enfin, le financement de congés de reconversion et la mise en place d’un suivi médical renforcé auprès des salariés ayant un métier pénible apparaissent comme des mesures de réparation plutôt que de réelle prévention. Pourtant, comme nous l’avions déjà souligné dans un précédent <a href="https://theconversation.com/loi-travail-ci-git-le-compte-penibilite-81240">article</a>, le travail joue un rôle déterminant dans les différences d’espérance de vie et d’état de santé entre les citoyens. </p>
<p>Ce constat est validé par de nombreuses études liant l’exposition aux facteurs de pénibilité avec, notamment, la <a href="http://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2008.01-03.1-2-2.pdf">sortie précoce de l’emploi</a>, ou <a href="http://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2011-020.pdf">l’état de santé après 50 ans</a>. L’espérance de vie sans incapacité est également corrélée avec les <a href="http://gdr.site.ined.fr/fichier/rte/65/GDR--Lettredinformation10.pdf">catégories professionnelles</a>. Ces mesures ne devraient donc n’avoir qu’un effet limité pour éviter ou diminuer les maux du travail.</p>
<h2>Le non-recours aux dispositifs reste important</h2>
<p>La prévention de la désinsertion et de l’usure professionnelles figure déjà au cœur de l’axe stratégique 2 du <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/sante-au-travail/plans-gouvernementaux-sante-au-travail/article/plans-sante-au-travail-pst">« plan santé au travail 4 »</a> adopté pour la période 2021-2025. Si certains progrès techniques permettent effectivement d’améliorer les conditions de travail (à l’image des exosquelettes pour les charges lourdes), ils restent loin de résoudre le problème. </p>
<p>Certes, selon la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du Travail, les expositions longues à certaines contraintes physiques ont diminué dans la majorité des secteurs ces 20 dernières années. Cependant, d'autres <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/enquete-source/la-surveillance-medicale-des-expositions-des-salaries-aux-risques-professionnels-2">expositions, notamment de courtes durées ont augmenté</a> sur la même période.</p>
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<p>En outre, la Cour des comptes avait souligné fin 2022 l’écart entre le nombre de salariés concernés selon la Dares et les effectifs des salariés déclarés exposés dans le cadre du C2P : tous risques confondus, seul un quart de salariés potentiellement exposés disposent d’un compte professionnel de prévention, cette proportion variant entre 11 % pour le bruit et 53 % pour le travail de nuit. Ce phénomène de non-recours, qui en rappelle d’autres, devrait amener à revoir profondément le dispositif, son périmètre, ses moyens et ses objectifs.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/mesurer-le-non-recours-pour-eviter-de-depenser-un-pognon-de-dingue-99250">Mesurer le non-recours pour éviter de dépenser « un pognon de dingue »</a>
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<h2>Et le burn-out ?</h2>
<p>Quant aux risques liés aux facteurs psychosociaux, le ministre du Travail Olivier Dussopt a estimé, le 15 janvier dernier sur France Inter, qu’il s’agissait <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/questions-politiques/questions-politiques-du-dimanche-15-janvier-2023-7165720">d’un chantier « immense » et « majeur »</a> souffrant d’un manque d’indicateurs. Ces facteurs sont évalués régulièrement notamment par une des enquêtes de la Dares qui fait état, dans ses dernières estimations, d’un <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publications/les-expositions-aux-risques-professionnels-les-risques-psychosociaux">recul des marges de manœuvre favorisant l’autonomie</a>. Pire, les études sur les salariés exposés à plusieurs risques professionnels montrent que cette catégorie majoritaire est systématiquement <a href="https://www.anses.fr/fr/content/expositions-cumul%C3%A9es-au-travail-12-profils-pour-%C3%A9clairer-les-politiques-de-pr%C3%A9vention">concernée par des contraintes organisationnelles et relationnelles</a>.</p>
<p>D’ailleurs, les saisines des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) ont <a href="https://www.sante-et-travail.fr/systeme-complementaire-reconnaissance-submerge">plus que doublé en 10 ans</a>. Des milliers de salariés voient ainsi leurs affections psychiques reconnues comme maladies professionnelles. Le <a href="https://theconversation.com/le-burn-out-sera-t-il-reconnu-comme-maladie-professionnelle-73465"><em>burn-out</em>, épuisement professionnel en français</a>, fait partie de ces affections mais ce syndrome est loin d’être le seul trouble pouvant conduire à une prise en charge par la branche Accidents du travail – Maladies professionnelles (AT-MP) de la Sécurité sociale.</p>
<p>Des mesures ambitieuses et incitatives pour protéger les salariés et éviter les atteintes à leur santé dès les prises des postes manquent donc encore dans le projet de réforme des retraites. Et l’absence de représentants du personnel formés et dédiés à ce sujet, depuis la suppression des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) en 2017, complique encore la prise en compte de ces enjeux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197972/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le gouvernement envisage aujourd’hui d’accompagner le report de l’âge légal de départ à la retraite de quatre mesures pour limiter les maux liés au travail.Claire Edey Gamassou, Maîtresse de conférences en sciences de gestion, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Tarik Chakor, Maître de conférences en sciences de gestion, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1739392022-01-02T17:23:20Z2022-01-02T17:23:20ZLe travail, c’est la santé… mais la retraite ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/438049/original/file-20211216-27-1mi7lrc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C19%2C1196%2C878&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La retraite a pour effet de diminuer l’anxiété des personnes ayant subi des contraintes psychosociales pendant leur carrière professionnelle.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/dauphin-poisson-mahimahi-597379/">BeautifulKeyWest / Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La lancinante question de la réforme des retraites reste invariablement associée au recul de l’âge de liquidation des droits. Pourtant, les chances de poursuite d’une activité professionnelle au-delà de l’âge de 60 ans restent très fortement liées à la santé des seniors.</p>
<p>En 2021, plus d’un tiers des salariés français estiment que le travail détériore leur santé, contre <a href="https://www.eurofound.europa.eu/fr/data/european-working-conditions-survey">seulement 23 % en Europe</a>. Les expositions au bruit, à la poussière, aux produits chimiques ou aux agents infectieux, au port de charges lourdes et aux mouvements répétitifs des mains figurent parmi les contraintes physiques les plus discriminantes en France d’après Eurofound.</p>
<p>De plus, depuis une trentaine d’années, le travail se densifie, les rythmes s’accélèrent, l’autonomie se réduit. D’après l’enquête européenne sur les conditions de travail de 2015, <a href="https://www.eurofound.europa.eu/fr/surveys/european-working-conditions-surveys/sixth-european-working-conditions-survey-2015">l’environnement social du travail</a> (perception du management, aide et soutien des collègues, des managers, comportements sociaux, discrimination et climat social en général) est d’ailleurs devenu une contrainte majeure, la France se situant dans les dernières positions parmi les pays de l’Union européenne à l’aune de ce critère-là.</p>
<p><iframe id="nQ8Y4" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/nQ8Y4/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Il est fort à parier qu’en cas de nouveau recul de l’âge de la retraite, certains de ces salariés n’auront pas la capacité physique, voire psychique, de se maintenir en emploi à des âges plus avancés. D’ailleurs, la réforme des retraites de 1993 (allongeant la durée de cotisation) avait <a href="https://econpapers.repec.org/article/adranecst/y_3a2019_3ai_3a133_3ap_3a57-86.htm">dégradé la santé perçue</a> des personnes peu diplômées, plus enclines à connaître des carrières physiquement pénibles.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/repousser-lage-de-la-retraite-peut-etre-nocif-47176">Repousser l’âge de la retraite peut être nocif</a>
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<p>Quelles sont alors en France les conséquences de la retraite sur la santé physique et mentale et comment tenir compte, de façon précise, de l’exposition à des conditions de travail physiques et psychosociales dégradées au long de la carrière professionnelle dans cette relation ? C’est à cette question que nous répondons dans notre dernier article publié dans la revue <a href="https://annals.ensae.fr/"><em>Annals of Economics and Statistics</em></a>.</p>
<p>Deux hypothèses concurrentes et très intuitives coexistent dans la littérature traitant du rôle de la retraite sur l’état de santé.</p>
<h2>« Retirement Blues » ou une retraite bien méritée ?</h2>
<p>Dans un pamphlet particulièrement virulent à l’endroit de la médecine du XVIII<sup>e</sup> siècle, Jean-Jacques Rousseau estime que « la tempérance et le travail sont les meilleurs médecins de l’homme ». Il est utile de rappeler que les personnes en emploi sont en moyenne en <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2013-009.pdf">meilleure santé que celles ne travaillant pas</a>.</p>
<p>Assez naturellement donc, la première hypothèse suppose que la sortie du marché du travail conduit à une <a href="https://academic.oup.com/psychsocgerontology/article/57/3/P212/581321">perte de rôle social</a>, une réduction du capital social et donc une détérioration de la santé (renforcée par une perte en termes de niveau de vie). Des anglicismes, tels que <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28505541/">« retirement blues »</a> ou encore <a href="http://jhr.uwpress.org/content/52/1/128.short">« unhealthy retirement »</a>, traduisent cette situation de manière particulièrement explicite.</p>
<p>L’environnement de travail apparaît également plus stimulant sur le plan cognitif que la retraite. Plusieurs auteurs corroborent cette hypothèse et mettent en évidence l’influence négative de la retraite sur les <a href="https://econpapers.repec.org/article/uwpjhriss/v_3a52_3ay_3a2017_3ai_3a1_3ap_3a128-151.htm">capacités cognitives</a>, les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/hec.1712">maladies chroniques</a>, la dépression ou la mobilité.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/438045/original/file-20211216-23-3ewdjz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/438045/original/file-20211216-23-3ewdjz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/438045/original/file-20211216-23-3ewdjz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/438045/original/file-20211216-23-3ewdjz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/438045/original/file-20211216-23-3ewdjz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/438045/original/file-20211216-23-3ewdjz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/438045/original/file-20211216-23-3ewdjz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La perte de rôle social à la retraite peut favoriser la dépression.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/en/photo/483984">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>A contrario, la seconde hypothèse postule que la retraite peut libérer des individus de situations de tensions professionnelles et peut donc améliorer leur état de santé à court terme. Ce cercle vertueux peut être durable si les individus ont la capacité d’investir dans leur santé. Ainsi, de nombreuses études empiriques internationales démontrent que la retraite est bénéfique pour la santé en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0167629610001414">Europe</a> et <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s12122-007-9036-8">aux États-Unis</a>.</p>
<p>Comment alors trancher entre ces deux hypothèses ? En réalité, l’effet net de la retraite dépend grandement du moment auquel elle intervient. L’effet positif reste souvent associé à une retraite anticipée, et concerne principalement les individus ayant commencé leur carrière tôt et très exposés à la pénibilité du travail, réputée pour avoir des effets de long terme sur l’état de santé, en <a href="https://www.cairn.info/revue-economie-et-prevision-2018-1-page-61.htm">France</a> comme <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/hec.1616">à l’étranger</a>.</p>
<p>En France, la probabilité de se déclarer en mauvaise santé est <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0277953618306816">significativement plus faible pour les retraités</a> que pour les individus qui restent en emploi à des âges avancés. Les travailleurs qui prennent leur retraite le plus tôt possible améliorent notamment <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29040897/">leurs capacités cognitives</a>.</p>
<h2>Le rôle protecteur de la retraite</h2>
<p>À partir de données rétrospectives issues de l’<a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sources-outils-et-enquetes/06-lenquete-sante-et-itineraire-professionnel-sip">enquête</a> Santé et itinéraire professionnel (2006, 2010) de la Drees et la Dares, <a href="https://doi.org/10.15609/annaeconstat2009.144.0039">notre étude</a>, qui reconstitue l’intégralité des expositions passées aux conditions de travail pour chaque année de vie professionnelle, confirme ces effets.</p>
<p>Ces conditions de travail, dont le rôle est étudié spécifiquement dans cette étude, sont de deux ordres : physique (travail de nuit, travail répétitif, travail physiquement exigeant et exposition à des produits toxiques ou nocifs) et psychosocial (plein emploi des compétences, travail sous pression, tensions avec le public, reconnaissance du travail à sa juste valeur, conciliation travail et obligations familiales, bonnes relations de travail avec mes collègues). Nous construisons ainsi deux indicateurs synthétiques et considérons une personne comme exposée si son degré d’exposition est supérieur à la moyenne.</p>
<p>Comme attendu, le rôle protecteur de la prise de retraite reste très prononcé parmi les personnes dont le travail a été éprouvant. Pour les personnes confrontées à des contraintes physiques, la retraite améliore principalement la santé générale, tandis que pour les personnes ayant subi des contraintes psychosociales, elle diminue plus sensiblement l’anxiété et la dépression.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/438041/original/file-20211216-25-e3l2dm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/438041/original/file-20211216-25-e3l2dm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=479&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/438041/original/file-20211216-25-e3l2dm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=479&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/438041/original/file-20211216-25-e3l2dm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=479&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/438041/original/file-20211216-25-e3l2dm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=601&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/438041/original/file-20211216-25-e3l2dm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=601&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/438041/original/file-20211216-25-e3l2dm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=601&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La recherche a démontré que la pénibilité du travail produisait des effets de long terme sur la santé.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/amenagement_numerique/3292960106">Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En particulier, on observe les effets les plus visibles de la retraite dans la population masculine peu qualifiée et exposée à des contraintes physiques, pour laquelle on enregistre une diminution de 21,2 points de pourcentage (pp) de la probabilité de se déclarer en mauvaise santé et de 13,7pp pour les maladies chroniques, 16pp pour les limitations d’activité et 8pp pour l’anxiété ou la dépression.</p>
<p>Plus surprenant, la retraite améliore également, dans une moindre mesure, la santé perçue des personnes peu ou pas exposées et réduit leur niveau de dépression et d’anxiété.</p>
<p>Enfin, il est à noter que l’effet bénéfique de la retraite sur la santé ne résorbe pas complètement l’effet néfaste des conditions de travail passées sur la santé, tout particulièrement chez les personnes les plus exposées.</p>
<h2>Un mal-être des seniors au travail</h2>
<p>Ces résultats interrogent les modalités de compensation et la légitimité d’une approche quasi exclusivement réparatrice des conséquences délétères de la pénibilité du travail.</p>
<p>À défaut de conduire des politiques de prévention, divers mécanismes ciblés de réparation ont été introduits depuis le début des années 2000. Certains reconnaissent la spécificité des carrières longues débutées précocement et souvent éprouvantes (<a href="https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F13845">retraite anticipée pour carrières longues</a> mise en place en 2003). D’autres visent à directement mesurer l’exposition aux contraintes physiques du travail justifiant une dérogation à l’âge légal de la retraite (Compte personnel de prévention de la pénibilité – C3P – en 2014, ensuite réduit en termes de périmètre au <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F15504">Compte personnel de prévention</a> – C2P – en 2017).</p>
<p>Ces dispositifs apparaissent limités au moins à deux titres. Tout d’abord, les écarts d’espérance de vie liés aux différences d’expositions aux conditions de travail pénibles ne sont que partiellement compensés. Le compte pénibilité ne permet par exemple d’anticiper le départ à la retraite au maximum que de deux années. Or, à l’âge de 62 ans, les bénéficiaires de pensions d’inaptitude au travail peuvent espérer vivre <a href="https://www.cor-retraites.fr/sites/default/files/2021-07/Doc_11_Cadrage_Retraites%20pour%20inaptitude_2019.pdf">près de cinq années de moins</a> que les retraités du régime général.</p>
<p><iframe id="0Jb4d" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/0Jb4d/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ensuite, les risques psychosociaux au travail ne sont pas pris en compte, alors même qu’ils <a href="https://theconversation.com/comment-lexposition-passee-aux-risques-psychosociaux-affecte-la-sante-des-retraites-73022">dégradent fortement la santé mentale</a> mais aussi physique en France.</p>
<p>Le fait que la retraite améliore la santé de tous constitue donc sans doute le révélateur d’un mal-être au travail généralisé parmi les seniors français. Le maintien en bonne santé au travail exige alors de mener des politiques de santé systémiques plus ambitieuses, agissant sur l’ensemble du cycle de vie (politique de formation, de l’emploi, de prévention et de santé au travail ainsi que de protection des personnes exclues du marché du travail), pour sortir d’une politique de soins stricto sensu ou de compensation ex post.</p>
<p>Elles doivent répondre à l’insatisfaction singulière des salariés français en termes de risques psychosociaux, de sentiment de perte d’autonomie et plus fondamentalement de perte de sens au travail. Albert Camus n’indiquait-il pas dans <em>Le mythe de Sisyphe</em> (1942) qu’« il n’est pas de punition plus terrible que le travail inutile et sans espoir » ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173939/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cette recherche a bénéficié d'un financement de la Chaire "Transitions démographiques, Transitions économiques" (TDTE) </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Éric Defebvre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un article de recherche montre que les effets positifs qu’entraîne globalement la fin de la carrière dépendent étroitement des conditions de travail passées.Thomas Barnay, Professeur de sciences économiques (en disponibilité) / Visiting Professor, Health Care Policy Department, Harvard Medical School and French Harkness Fellow in Health Care Policy and Practice (The Commonwealth Fund) (2021-2022), Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Éric Defebvre, Maître de Conférence en Sciences Économiques, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1496062020-12-11T17:18:35Z2020-12-11T17:18:35ZTrouver un emploi, le garder et gagner sa vie : les attentes des jeunes des classes populaires<p>Les statistiques nous apprennent qu’en France le diplôme reste le meilleur atout pour avoir accès à l’emploi, d’autant plus quand il s’agit d’un contrat stable, à durée indéterminée – surtout en temps de crise. C’est l’enseignement que nous livre la crise financière de 2007-2008, <a href="https://www.cereq.fr/sites/default/files/2018-09/0b7359a94be6fceef9208a73e1df1af7.pdf">comme l’explique</a> le Céreq :</p>
<blockquote>
<p>« En 2010, soit trois ans après avoir quitté le système éducatif, 73 % des jeunes travaillent. Parmi les diplômé·es de l’enseignement supérieur, 85 % sont en emploi. C’est le cas de seulement de 48 % des non diplômé·es. »</p>
</blockquote>
<p>Alors que nous n’analysons pas encore complètement l’impact de la crise actuelle sur le travail et l’emploi, que sait-on aujourd’hui de cette jeunesse non étudiante, et peu ou pas diplômée ?</p>
<p>Depuis plusieurs années, nous réalisons des enquêtes de terrain auprès des jeunes des classes populaires, issus de familles qui ont un accès précaire à l’emploi, de faibles niveaux de revenus et de diplôme, et qui sont les plus concernés par les politiques publiques d’insertion.</p>
<p>Ces recherches ont fait tomber d’emblée l’idée d’une jeunesse qui n’aurait jamais travaillé ou n’aurait pas fait les efforts nécessaires pour trouver du travail.</p>
<p>Depuis leurs débuts dans la vie active, ces jeunes alternent des périodes d’emploi ou de formation avec des épisodes de chômage plus ou moins longs, plus ou moins récurrents. Pour une grande partie d’entre eux, les horaires de travail ne sont pas toujours fixes et sont décalés, et leurs contrats de travail de courte durée.</p>
<p>Certains sont embauchés en CDI, mais pas forcément à temps plein. D’autres enchaînent les missions d’intérim avec des durées variables, allant de quelques jours à quelques mois. Les niveaux de salaire de leurs emplois ouvriers et employés se situent autour du SMIC.</p>
<h2>La loi du marché</h2>
<p>Alors que les nouvelles générations sont de <a href="https://www.cereq.fr/enquete-2016-aupres-de-la-generation-2013-pas-damelioration-de-linsertion-professionnelle-pour-les">plus en plus diplômées</a>, ces jeunes paient au prix fort leur sortie précoce du système éducatif, surtout les immigré·es ou descendant·es d’immigré·es d’origine maghrébine et d’Afrique subsaharienne, confronté·es aux discriminations <a href="https://www.persee.fr/doc/estat_0336-1454_2013_num_464_1_10239">à l’école</a> et pendant les <a href="https://www.cereq.fr/les-debuts-de-carriere-des-jeunes-issus-de-limmigration-une-double-penalite">débuts</a> de leur carrière.</p>
<p>Les jeunes que nous avons rencontrés se confrontent au jugement des employeurs, <a href="https://injep.fr/publication/recrutement-des-jeunes-critere-dage-et-logiques-de-selection/">souvent négatif</a>, leur reprochant la faiblesse ou l’absence de leur diplôme et leur manque d’expérience. Ils et elles envoient parfois des dizaines de candidatures spontanées, sans jamais recevoir de réponse, même négative.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1225919481341468675"}"></div></p>
<p>Les entretiens montrent à quel point le marché du travail et de l’emploi s’est complexifié. Il se caractérise aujourd’hui par une injonction très forte à la flexibilité et par une mise en compétition de plus en plus dure. Ainsi, Karima, rencontrée au sein d’un foyer de jeunes travailleurs, espère obtenir un emploi d’hôtesse de caisse dans une grande enseigne de supermarché (« une bonne place »), car elle a déjà de l’expérience en tant que caissière. Elle a passé des tests de sélection pendant deux jours :</p>
<blockquote>
<p>« On devait comparer deux tickets de caisse et trouver les fautes qu’il y avait. Sauf que tout ça, c’était chronométré en fait. On devait faire le plus de tickets de caisse ».</p>
</blockquote>
<p>Quand elle se rend aux entretiens collectifs, il y a quatorze jeunes femmes pour cinq places à l’essai. Au final, une seule d’entre elles aura le CDI. Après une période d’essai de deux mois, le contrat de Karima n’est pas reconduit : « On m’a reproché d’être trop proche des clients… J’ai pas compris… »</p>
<h2>Pénibilités du travail</h2>
<p>Autre fait marquant : ces jeunes, conscients de la faiblesse relative de leur qualification, s’accommodent d’emplois peu rémunérateurs et de conditions de travail parfois éprouvantes. C’est le cas d’Ibrahim, <a href="https://urldefense.proofpoint.com/v2/url?u=https-3A__www.lemonde.fr_emploi_article_2016_06_07_dans-2Dles-2Dentrepots-2Dle-2Dpreparateur-2Dde-2Dcommandes-2Dc-2Dest-2Dle-2Dmineur-2Dd-2Dil-2Dy-2Da-2Dtrente-2Dans-5F4941066-5F1698637.html&d=DwIFaQ&c=BMMjOd5rMwijTOshDELeaSyLbdw3FGdGqNcuGNpHb2g&r=IkCB-sMepLOcmjME68FqEWYp7xhA4HFArOva8bq6qoUGpSzbOUMfN25_Om8IRDT5&m=kmN0wqME7TdMTjcLikl9beEUfuTRCmYKi_PAwYBOEw4&s=3TSfJ-5PAH6Dvf_yuK25IzKJuYYRM_qHfCchs3iXjzY&e=">préparateur de commandes</a> depuis quelques semaines. « Je scanne, je scotche, je scanne, je scotche », dit-il pour illustrer ce travail répétitif.</p>
<p>Quand nous lui demandons si son activité n’est pas trop difficile, sa réponse rejoint les propos que nous avons régulièrement entendus auprès des travailleur·euses les plus exposé·es aux pénibilités. Celles-ci sont minimisées, sinon déniées, ou sont valorisées lorsqu’ils parviennent à les surmonter. « Franchement, ça va, c’est pas physique, c’est pas des poids lourds », déclare Ibrahim. Il précise toutefois qu’il est obligé de s’asseoir pendant ses pauses pour soulager ses douleurs au dos, « des petites douleurs » selon ses mots.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/373684/original/file-20201208-23-x2nk8s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/373684/original/file-20201208-23-x2nk8s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/373684/original/file-20201208-23-x2nk8s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/373684/original/file-20201208-23-x2nk8s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/373684/original/file-20201208-23-x2nk8s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/373684/original/file-20201208-23-x2nk8s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/373684/original/file-20201208-23-x2nk8s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Conscients de la faiblesse relative de leur qualification, ces jeunes s’accommodent d’emplois peu rémunérateurs et de conditions de travail parfois éprouvantes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/efficient-male-warehouse-worker-wearing-face-1845770164">Shutterstock</a></span>
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<p>Pour Rébecca, rencontrée dans une mission locale, la préparation de commande, « c’est sympa ». Mais comme beaucoup d’autres, elle aspire avant tout à avoir un travail régulier (un CDI à temps plein) pour pouvoir emménager dans un <a href="https://journals.openedition.org/nrt/3137">appartement avec son compagnon</a>.</p>
<h2>Solidarité familiale</h2>
<p>Le fort attachement au travail et à l’emploi salarié est donc un résultat central de nos recherches et de bien d’autres. C’est ce que confirme la manière dont ils se représentent, à l’inverse, leur « inactivité » forcée lors des deux confinements de 2020, ainsi que la nécessité d’avoir recours aux aides sociales.</p>
<p>« C’était dur de pas travailler », affirme Samir. Contrairement à des idées reçues sur les « assisté·es », toucher une allocation (allocation chômage, allocation Garantie jeunes…) n’est pas anodin pour ces jeunes. Ils distinguent clairement les revenus issus des aides sociales de ceux issus du travail. Et ils ne se satisfont pas de cette situation de dépendance financière.</p>
<p>Au contraire, ils souhaitent stabiliser leur situation par le travail et ainsi à avoir « une vie comme les autres » (une expression qui revient souvent). « J’aimerais bien dépendre de mon salaire », affirme par exemple Laura. Son propos traduit le coût symbolique d’être dépendant·e des aides sociales.</p>
<p>L’usage qu’ils en font est par ailleurs révélateur de leur condition sociale. Alors qu’ils sont à un âge où la norme voudrait que ce soit leurs parents qui les soutiennent financièrement (par exemple pour le permis de conduire), une majorité d’entre eux redistribue à leur famille les revenus provenant des aides sociales comme du travail.</p>
<p>Cette « <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-des-affaires-sociales-2019-2-page-79.htm">solidarité familiale</a> inversée » se caractérise par des transferts financiers (« Je donne 100 euros tous les mois à ma mère ») ou par des achats de biens matériels pour leur famille : « mettre de l’essence dans la voiture », « remplir le frigo », « racheter un matelas ».</p>
<h2>Conscience sociale</h2>
<p>Au cours de la crise sociale, économique et politique que nous traversons, on s’est à juste titre inquiété de la condition étudiante et des <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2020/11/10/avec-la-crise-sanitaire-de-plus-en-plus-d-etudiants-sont-en-detresse-psychologique_6059199_4401467.html">situations de grande détresse</a> que ces jeunes peuvent connaître. Mais on a eu tendance à oublier qu’une partie d’entre eux a travaillé durant cette période.</p>
<p>Celles et ceux des classes populaires ont été chauffeurs-livreurs, hôtes et hôtesses de caisse, préparateurs et préparatrices de commandes dans la grande distribution, employé·es de rayons, aide-soignant·es ou parfois ouvriers du bâtiment.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1319013767909343239"}"></div></p>
<p>Si la crise a permis de remettre en cause l’idée que 20 ans est « le plus bel âge de la vie », nos recherches rappellent que les jeunes ne sauraient être dépeints au travers de <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/sont-ils-egoistes-pourquoi-les-jeunes-ont-du-mal-a-respecter-les-consignes-sanitaires-anti-covid-19_fr_5f7db622c5b61229a05a2d05">stéréotypes sociaux</a> qui ont la vie dure : celui de la fête, de l’insouciance, de la légèreté voire de l’égoïsme d’un côté ; celui de la défiance, de la déviance et de la « délinquance » de l’autre.</p>
<p>En réalité, au-delà de spécificités liées à certains âges de la vie, les jeunes enquêté·es ont globalement les mêmes <a href="https://www.armand-colin.com/sociologie-des-classes-populaires-contemporaines-9782200272166">préoccupations majeures</a> que leurs aînés des classes populaires : trouver un emploi, le garder et gagner sa vie. Et l’usage solidaire qu’ils font des aides sociales n’est qu’un exemple parmi d’autres d’une <a href="https://www.lefigaro.fr/actualite-france/coronavirus-les-jeunes-s-engagent-parce-qu-ils-eprouvent-un-fort-besoin-de-sens-20200416">conscience sociale</a> qui a tendance à être sous-estimée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149606/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une expression comme « Génération Z » renvoie aux images de jeunes très qualifiés, flexibles et connectés, oubliant une grande part des 20-25 ans, non étudiants, peu diplômés et attachés au travail.Nicolas Roux, Maître de conférences en sociologie, Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA)Julie Couronné, Chargée d'études et de recherche à l'Injep, affiliée au CEET, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1302632020-01-23T19:11:12Z2020-01-23T19:11:12ZRéforme des retraites : la difficile prise en compte de la pénibilité du travail<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/311160/original/file-20200121-117943-1qxy8tp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un bref historique de la prise en charge de la pénibilité du travail permet de mieux saisir les débats actuels.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/nordpas-de-calaisfranceoctober-30-2013-installation-784089211">M G White / shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Quand le 24 décembre 2019, 28 danseuses de l’Opéra de Paris ont interprété un extrait du Lac des cygnes devant l’Opéra Garnier, elles étaient loin d’imaginer que, quelques semaines plus tard, de nombreux manifestants feraient référence à cette action dans le cadre <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/le-lac-des-cygnes-de-lopera-de-paris-fait-des-emules-contre-la-reforme-des-retraites_fr_5e204058c5b63211760ea3c6">leurs propres mobilisations</a>.</p>
<p>Qu’y a-t-il de commun entre ces mondes que tout semble opposer ? Un même mot revient pour dénoncer le projet de régime universel unique de retraites, qui doit être examiné, vendredi 24 janvier, en conseil des ministres : la pénibilité, thème qui avait pourtant brillé par son absence par le passé.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/rsTut7fs9UI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">À l’Opéra de Paris, un ballet contre la réforme des retraites (AFP, décembre 2019).</span></figcaption>
</figure>
<p>L’enjeu est décisif : comment prendre en compte les multiples formes et niveaux de pénibilité dans un régime universel, quand chaque situation de travail a des <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2011-020.pdf">effets différents</a> sur la santé des travailleurs ? Les « exceptions » concédées par l’exécutif (militaires, policiers, personnels navigants, Opéra) posent également la question de l’égalité, notamment vis-à-vis des aides-soignantes, <a href="https://www.ouest-france.fr/bretagne/quimper-29000/quimper-les-gilets-jaunes-du-btp-font-entendre-leurs-voix-6696189">ouvriers du bâtiment</a> ou ouvriers qualifiés de l’automobile, majoritairement <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/dares-etudes-et-statistiques/etudes-et-syntheses/dares-analyses-dares-indicateurs-dares-resultats/article/des-risques-professionnels-contrastes-selon-les-metiers">soumis à des contraintes physiques intenses</a> mais non concernés par ces exceptions.</p>
<p>Par ailleurs, alors que les résultats de l’<a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/synthese_stat__expositions__risques_professionnelles_fonctions_publiques.pdf">enquête Sumer 2017</a> font état d’autant de déclarations de contraintes physiques chez les agents territoriaux que chez les agents hospitaliers, seuls ces derniers ont obtenu une <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/657430/penibilite-la-fonction-publique-est-davantage-exposee-selon-une-etude/">négociation spécifique sur la pénibilité</a>.</p>
<p>À l’heure où le premier ministre considère que la prise en compte de la pénibilité doit être <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/272582-edouard-philippe-19122019-concertation-partenaires-sociaux-retraites">« l’un des piliers de l’universalité »</a> (allocution du 19 décembre 2019), et suite au retrait temporaire de l’âge pivot, un historique de la prise en charge de la pénibilité du travail nous semble incontournable pour mieux saisir les débats actuels.</p>
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<figcaption><span class="caption">Réforme des retraites : les avancées d’Édouard Philippe (CNEWS, décembre 2019).</span></figcaption>
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<h2>Acte 1 : Le C3P et ses 10 facteurs de pénibilité</h2>
<p>Créé dans la continuité des lois du 9 novembre 2010 et du 20 janvier 2014 de réforme des retraites, le « Compte personnel de prévention de la pénibilité » (C3P) avait <a href="https://theconversation.com/compte-penibilite-est-il-encore-en-mesure-de-proteger-la-sante-des-salaries-71422">deux objectifs</a> : traduire l’exposition réelle des salariés aux risques du travail et sécuriser les parcours professionnels, afin de garantir à tous les salariés la même espérance de vie. Dix facteurs de pénibilité avaient ainsi été retenus : activité en <a href="https://www.preventionbtp.fr/Documentation/Explorer-par-produit/Information/Dossiers-prevention/Les-activites-exercees-en-milieu-hyperbare/Comprendre-les-enjeux">milieu hyperbare</a>, températures extrêmes, bruit, travail de nuit, travail en équipes successives alternantes, travail répétitif, manutentions manuelles de charge, postures pénibles, vibrations mécaniques et exposition à des agents chimiques dangereux.</p>
<p>L’exposition à au moins l’un de ces 10 facteurs, à partir d’un seuil déterminé, devait entraîner l’ouverture d’un C3P. Ce compte générait des droits individuels et « portables », pouvant être utilisés de trois manières : réduction du temps de travail sans perte de salaire, départ en retraite anticipée ou bénéfice d’heures de formation. Le financement du C3P incombait à l’employeur via une double cotisation patronale, afin de les inciter à réduire l’exposition de leurs salariés.</p>
<p>Loin d’une réelle prévention, le C3P compensait et réparait les effets de l’exposition aux facteurs de pénibilité : l’existence de seuils et le format « à points » tendent à faire évoluer les individus vers des postes moins exposés, une reconversion ou un départ anticipé à la retraite plus qu’à la mise en place d’une action réellement en amont. Ce dispositif pénibilité a suscité de nombreuses oppositions, notamment des employeurs, autour de son coût global (double cotisation, mise en place du dispositif, réorganisation(s)).</p>
<h2>Acte 2 : le C2P, pour simplifier</h2>
<p>Né de l’« ordonnance Macron » du 22 septembre 2017, le « Compte professionnel de prévention » (C2P) devait simplifier le C3P, dispositif <a href="http://www.gouvernement.fr/argumentaire/simplifier-la-prise-en-compte-de-la-penibilite-pour-garantir-les-droits-des-salaries">« trop complexe à mettre en œuvre »</a>, selon le gouvernement. L’expression « facteurs de risques professionnels » s’est substituée au terme « pénibilité » et quatre facteurs (charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques et risques chimiques) ont été tout simplement <a href="https://theconversation.com/loi-travail-ci-git-le-compte-penibilite-81240">retirés</a> du dispositif, du fait de la présumée difficulté de leur mesure.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"912919105375744000"}"></div></p>
<p>Ce retrait pose un réel problème de protection de la santé des salariés, mis en évidence notamment par le <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_professeur_frimat.pdf">rapport Frimat</a>. Sans ces quatre critères, seuls 150 000 salariés sont concernés par ce dispositif <a href="https://www.cairn.info/revue-retraite-et-societe-2017-2-page-139.htm">au lieu de 820 100</a>.</p>
<p>Le financement du C2P ne repose plus sur une double cotisation patronale et sa logique « pollueur-payeur » mais sur la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale et une mutualisation du financement. Les syndicats patronaux, le Medef et la CGPME, ont salué le « pragmatisme » de cette réforme, source de simplification et de réduction des coûts, tandis que les organisations syndicales ont vivement critiqué l’absence de consultation, une réforme au détriment de la prévention et une déresponsabilisation des employeurs.</p>
<p>Un départ anticipé ou un droit à la formation suite à l’exposition aux risques non pris en compte dans le C2P restent envisageables, mais uniquement sous certaines conditions (maladie professionnelle reconnue, taux d’incapacité permanente supérieure à 10 %, etc.). L’obligation de conclusion d’un accord collectif pour les entreprises exposant plus de 50 % de leurs salariés à des facteurs de pénibilité retenus pour le C3P a été conservée pour les entreprises d’au moins 50 salariés, tandis qu’une obligation de négocier s’applique uniquement aux entreprises les plus à risque.</p>
<h2>Acte 3 : une harmonisation par le bas ?</h2>
<p>Aujourd’hui, la pénibilité est revenue au cœur des débats politiques et médiatiques.</p>
<p>Le gouvernement souhaite ouvrir le C2P aux agents du secteur public nés après 1975, en faisant disparaître les « catégories actives » qui bénéficiaient de départs anticipés à la retraite. Cette disparition ne concernerait pas les fonctionnaires exerçant des missions de protection de la population (policiers, gendarmes, surveillants pénitentiaires, contrôleurs aériens, pompiers professionnels, douaniers).</p>
<p>Ainsi, environ <a href="https://toulon.maville.com/actu/actudet_-penibilite-pourquoi-la-reforme-des-retraites-inquiete-les-fonctionnaires_54135-3963353_actu.Htm">500 000 agents</a> n’auraient plus droit aux départs anticipés, notamment les aides-soignantes ou cheminots, mais pourraient toutefois bénéficier du C2P.</p>
<p>Dénonçant une harmonisation par le bas, la majorité des syndicats souhaite maintenir toutes les catégories actives, ainsi que la <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/social/reforme-des-retraites-des-avancees-insuffisantes-sur-la-penibilite-pour-les-syndicats-1155603">réintégration des quatre critères retirés</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/311150/original/file-20200121-117943-vmstt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/311150/original/file-20200121-117943-vmstt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/311150/original/file-20200121-117943-vmstt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/311150/original/file-20200121-117943-vmstt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/311150/original/file-20200121-117943-vmstt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/311150/original/file-20200121-117943-vmstt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/311150/original/file-20200121-117943-vmstt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dans le projet du gouvernement, les cheminots ne pourraient plus partir de manière anticipée à la retraite, mais bénéficieraient du C2P.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jmenj/49200636302/in/photolist-2hXG83N-2i6pPNF-2i6pcZX-2i6nn5G-2i6pPz4-H477zj-2i6mQDB-2i6mKQi-2i6mKQo-D7h51F-2i6pcwN-2i6pctB-KncQGC-2i6qor7-KFuzDa-23xcZs7-2i6mKTV-qMNnHN-2icADvo-2ifUfQm-2hXJKZ3-2hXG89Q-2hXCzKV-B9z1Lq-qX64xf-4Xoaz-2iaij5Y-9H1xZS-2i6qo8m-25a1pmm-2315Fny-nJDEAG-2hXCzLG-26mmrkC-qBGjtS-FKgHrV-o2Q8wv-26SdMCC-2cJUEmg-HgKw7N-25P8f2B-2i1DTv4-rRgpcj-r9pqK2-RXiN6q-2hXKNPW-d7T4WU-25QBocW-24wTm35-qZqes4">Jeanne Menjoulet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Alors que la disparition du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), intégré au Comité social et économique (CSE), risque d’entraîner la dilution de la question de la pénibilité au profit d’autres jugées plus urgentes, les débats actuels sont majoritairement tournés vers la réparation plutôt que la prévention.</p>
<p>Une approche par métier, plutôt que la fixation de critères identiques pour tous (ce que font certains pays de l’OCDE) ou encore la prise en compte de la dimension psychique de la pénibilité seraient des pistes à explorer. Cela permettrait notamment d’aligner le dispositif pénibilité au <a href="http://travail-emploi.gouv.fr/sante-au-travail/plans-de-sante-au-travail/article/plan-de-sante-au-travail-2016-2020-pst-3">Plan Santé Travail 3 (2016-2020)</a>, soulignant l’importance d’une réelle culture de prévention.</p>
<p>Les réflexions sur la pénibilité devraient également être articulées avec la problématique du <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/travailler-jusqua-64-ans-y-arriver/00091497">maintien dans l’emploi des seniors</a> et des aménagements de fin de carrière. De plus, afin de prendre en compte de la façon la plus appropriée possible les spécificités des métiers et leurs évolutions, il faudrait, <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2020/01/14/il-faut-donner-plus-de-place-a-l-expertise-des-chercheurs-dans-le-debat-public-la-decision-politique-et-l-action-collective_6025851_1650684.html">comme le recommandent 30 sociétés savantes</a>, que les expertises, notamment des <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/travailler-jusqua-64-ans-y-arriver/00091497">statistiques publiques</a> puissent prendre pleinement leur place dans les négociations comme dans le débat public, à l’instar du <a href="https://www.ehess.fr/fr/d%C3%A9bat/retraites-pour-tous">cycle organisé</a> par l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130263/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le projet du gouvernement vise à allier universalité de régimes et prise en compte de la pénibilité. Deux notions qui semblent pourtant a priori inconciliables.Tarik Chakor, Maître de conférences en sciences de gestion - Université Savoie Mont Blanc, Membre de la chaire Management et Santé au travail, Université Grenoble Alpes (UGA)Claire Edey Gamassou, Maîtresse de conférences en sciences de gestion, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1278772020-01-08T23:17:37Z2020-01-08T23:17:37ZMal-être chez les cadres de la R&D : quand les syndicats affrontent le déni patronal<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/309002/original/file-20200108-107219-1nijvks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=57%2C0%2C5390%2C3587&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La gestion syndicale de la pénibilité mentale et physique du travail des cadres, ingénieur et chercheurs de l'industrie se heurte bien souvent à un profond déni patronal.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>« Nous, cadres sup, aux côtés des grévistes » : ainsi s’intitule la tribune parue lundi 7 janvier dans le journal <a href="https://www.liberation.fr/debats/2020/01/06/nous-cadres-sup-aux-cotes-des-grevistes_1771808"><em>Libération</em></a>. Les auteurs (le collectif Les Infiltrés) rappellent par ce texte que les cadres sup’ sont, au même titre que de nombreux autres salariés, directement concernés par les mobilisations sociales, le bien-être au travail et le besoin de voir la pénibilité prise en charge. Pourtant, <a href="https://periodicos.ufsm.br/seculoxxi/article/view/36159">nos recherches</a> montrent que la gestion syndicale de la <a href="https://www.lci.fr/emploi/burn-out-inquiet-seul-sous-pression-demuni-un-cadre-sur-deux-dit-avoir-deja-vecu-un-epuisement-professionnel-etude-cadremploi-2124568.html">pénibilité mentale du travail des cadres</a>, ingénieur et chercheurs de l’industrie se heurte bien souvent à la <a href="http://www.lesutopiques.org/desindividualiser-reconflictualiser-repolitiser/">violence d’un profond déni patronal</a>.</p>
<p>Comment lutter syndicalement contre <a href="https://journals.openedition.org/pistes/4927">la souffrance au travail</a> ? A l’heure où le verdict du procès <a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-condamnation-de-france-telecom-ne-changera-malheureusement-pas-grand-chose-129231">France Télécom</a> vient de tomber, où les <a href="https://www.humanite.fr/apres-france-telecom-de-nouveaux-droits-democratiques-pour-la-sante-au-travail-et-lenvironnement">suicides liés au travail</a> bénéficient d’une attention soutenue, où les témoignages de salariés en souffrance se multiplient, voilà une question que se posent nombre de militants.</p>
<h2>S’entourer de spécialistes</h2>
<p>Selon les <a href="https://la-petite-boite-a-outils.org/la-sante-au-travail-un-nouveau-defi-pour-le-syndicalisme">organisations syndicales</a>, les entreprises, les directions, les démarches entreprises <a href="http://www.editions-croquant.org/les-collections/product/438-syndicalisme-et-sante-au-travail">diffèrent</a>. Loin de chercher à en établir un panorama exhaustif, cet article rend compte d’un cas : celui d’une équipe syndicale, avec laquelle nous avons travaillé de <a href="https://journals.openedition.org/temporalites/2578">2012 à 2017</a>, dans le cadre de trois études commanditées par le Comité d’établissement (CE) d’un centre de recherche d’un grand groupe industriel français.</p>
<p>Confrontés à une direction hermétique à leurs revendications, les représentants du personnel réunis en commission intersyndicale décident en 2009 de faire appel à des spécialistes pour les aider à lutter contre ce phénomène.</p>
<p>Ils se tournent alors vers une équipe de psychologues du travail qui constituent deux groupes d’étude, réunissant respectivement 11 et 19 salariés. S’ensuivent trois demi-journées d’échanges par groupe, dont les résultats sont consignés dans un rapport qui est ensuite discuté et enrichi par les participants. Le verdict est sans appel : l’organisation du travail, qualifiée d’« impitoyable », est fondée sur un déni du travail scientifique et des besoins de reconnaissance de l’humain.</p>
<p>Interpellés par ce diagnostic, les membres de la direction reconnaissent l’existence de chercheurs en souffrance, mais estiment que ces cas restent isolés et ne sauraient rendre compte de la situation des 2000 salariés de cette direction : l’échantillon ayant été constitué sur la base du volontariat, il ne serait statistiquement pas représentatif, et même biaisé, puisque principalement composé de personnes ayant profité de cette étude pour faire état de leur mal-être.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/VvXbqQQK5lM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Médiapart, souffrance au travail quand l’entreprise détruit les salariés.</span></figcaption>
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<h2>Ajuster la méthodologie</h2>
<p>Pour répondre à cette objection, les représentants du personnel changent de stratégie. Ils sollicitent une équipe de sociologues du travail, réorientent l’étude vers les effets de l’organisation par projet sur le vécu des salariés et se montrent particulièrement vigilants quant à la méthodologie employée : l’échantillon est de plus grande ampleur (89 entretiens individuels de 2 à 3 heures), établi en concertation avec la direction et constitué de chercheurs pris au hasard dans le registre du personnel, en fonction de leurs caractéristiques sociales et professionnelles.</p>
<p>L’enquête confirme que nombre d’entre eux connaissent des troubles de la santé en lien avec leur travail. Une typologie permet par ailleurs d’établir des profils types de salariés « en souffrance » selon les moments de leur trajectoire, leurs caractéristiques sociales, les postes occupés et les contraintes organisationnelles auxquelles ils sont exposés. Les managers apparaissent ainsi particulièrement exposés au risque de surmenage, les chercheurs récemment recrutés ou mutés à celui d’isolement, quand d’autres, notamment parmi ceux dont l’expertise n’est plus jugée utile et porteuse par les financeurs de leur activité, sont nombreux à faire face à une perte de sens, voire à une profonde déstabilisation de leur estime personnelle.</p>
<p>Confrontée à la présentation de ces résultats lors d’une restitution en CE en 2013, la responsable des ressources humaines, qui préside ce jour-là, déclare à nouveau douter de la représentativité des résultats et clôt le débat en indiquant que « les salariés qui éprouvent le plus de difficultés ne sont, bien heureusement, pas la majorité ».</p>
<h2>Quantifier le phénomène</h2>
<p>Pour contrer l’argument de la direction, les militants commanditent une étude quantitative afin de mesurer l’ampleur du phénomène. La direction s’oppose d’abord à la diffusion du questionnaire auprès des chercheurs, au motif qu’il serait trop centré sur les questions de santé au travail.</p>
<p>Après plusieurs mois de discussions, il est finalement adressé à l’ensemble des salariés. Environ 1 100 d’entre eux y répondent, lui conférant un taux de retour de 51 %. Résultat : plus d’un tiers déclarent avoir ou avoir eu des problèmes de santé en lien avec leur travail. Parmi eux, près d’un sur deux évoque des troubles du sommeil, 72 % font part de signes de fatigue et d’épuisement, 42 % de maux de tête, 58 % de signes d’anxiété, près d’un tiers mentionne des maux de ventre ou des ulcères à l’estomac et 60 % déclarent souffrir de maux de dos ou de douleurs aux cervicales en raison de leur travail.</p>
<p>Lors de la restitution de ces résultats en 2015, le directeur du centre fait part de son « malaise » (toutes les citations sont extraites des procès verbaux et observations des séances de CE) à l’égard du taux de retour de cette étude :</p>
<blockquote>
<p>« peut-on vraiment en déduire qu’elle est représentative ? ».</p>
</blockquote>
<p>Il ajoute être « dubitatif » vis-à-vis de « certains résultats pour le moins étonnants ». Il « ne sait pas ce qu’il est possible de tirer d’une telle enquête » car, au fond, « les salariés sont-ils qualifiés pour identifier eux-mêmes l’origine de leurs problèmes de santé ? », « Comment isoler les difficultés professionnelles des difficultés personnelles dans l’analyse alors qu’elles sont souvent entremêlées dans la réalité ? » ; et surtout « qui n’a jamais expérimenté de soucis professionnels dans sa carrière ? »</p>
<p>Enfin, dernier argument avancé par l’équipe de direction : il lui semble « totalement irréaliste » de mettre en question l’organisation du travail car « toutes les R&D de France et du monde travaillent en projet ». Fin de la discussion. Sujet suivant.</p>
<h2>Chiffrer le coût du mal-être</h2>
<p>En 2015, les militants adoptent une nouvelle stratégie : aller sur le terrain de la direction en chiffrant le coût économique du mal-être au travail. 30 entretiens supplémentaires, 40 observations et un nouveau questionnaire sont alors réalisés dans le but d’établir des budgets-temps.</p>
<p>Il en ressort que les chercheurs consacrent près des deux tiers de leur temps de travail à des activités qu’ils jugent périphériques à leur cœur de métier, au détriment de leur production scientifique stricto sensu, alors même que cette dernière est celle qui comporte le plus d’intérêt à leurs yeux. De surcroît, ces activités ne sont pas réalisées de manière séquentielle mais simultanée, ce qui accroît la charge mentale, détériore la capacité de concentration et occasionne une plus grande fatigabilité. Pour continuer à faire de la recherche, ces cadres travaillent alors plus longtemps, au bureau mais aussi, et de plus en plus, chez eux, le soir, le week-end et pendant les vacances, <a href="https://www.cairn.info/revue-travail-et-emploi-2016-3-page-27.htm">ce que l’on sait facteur de risque pour leur santé</a>.</p>
<p>Après s’être félicité que les salariés de la R&D travaillent autant, le directeur propose une autre interprétation de ces résultats. Il s’agirait selon lui d’un problème de « surqualité » : en tant qu’éternels insatisfaits, les chercheurs seraient en quelque sorte victimes de leur perfectionnisme. Faisant amende honorable, le DRH conclut alors la discussion en s’engageant à veiller à davantage protéger les chercheurs d’eux-mêmes et de leur tendance à « s’engager trop fortement dans leur activité ».</p>
<p>Aujourd’hui Bien que la direction se dise ouverte à « poursuivre le dialogue » avec les organisations syndicales, aucune action n’a été engagée à l’issue de ces rapports. Selon certains militants, ces démarches ne sont toutefois pas vaines : elles permettent de « maintenir la pression sur la direction » et de la « mettre face à ses responsabilités » (élu au CE et en DP). Pour d’autres, en revanche, la véritable bataille se joue à présent du côté des salariés, afin que les langues se délient, que ces situations ne soient plus vécues sur le mode de la culpabilité et que des mobilisations puissent émerger sur ces enjeux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127877/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Comment lutter syndicalement contre la souffrance au travail quand les directions sont dans le déni ? Nos recherches dans le secteur de l’industrie montrent différentes stratégies.Lucie Goussard, Maître de conférences en sociologie, Centre Pierre Naville, Université d’Evry – Université Paris-SaclayGuillaume Tiffon, Maître de conférences en Sociologie, Centre Pierre Naville, Université d’Evry – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1285592019-12-09T19:42:50Z2019-12-09T19:42:50ZRéforme des retraites : le problème des fins de carrière dans l’Education nationale<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/305845/original/file-20191209-90557-1fpkoi0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C7%2C994%2C658&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">A mesure que leur carrière avance, les enseignants sont unanimes à évoquer une fatigue accrue.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/adult-teacher-college-technical-discipline-sitting-1532040341?src=d8edfc03-c7d2-42e0-996e-535cfe6c1982-1-50">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Depuis 2003, au fil des <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A16293">réformes des retraites</a> mises en œuvre en France, le nombre d’annuités nécessaires pour bénéficier d’une retraite complète ne cesse d’augmenter. Dans le même temps, les dispositifs d’aménagement des fins de carrière ont disparu – parmi ces dispositifs, on peut citer l’exemple des mesures de cessation progressive d’activité.</p>
<p>Une telle évolution contraint les personnels à rester en activité à temps plein même s’ils ressentent une fragilisation croissante. Voilà qui questionne les conditions de travail dans lesquelles évoluent les travailleurs : leur permettent-elles de pouvoir se maintenir en activité en santé jusqu’à l’âge de départ à la retraite ?</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/valoriser-lemploi-des-seniors-le-prealable-oublie-de-la-reforme-des-retraites-197141">Valoriser l’emploi des seniors, le préalable oublié de la réforme des retraites</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Cette problématique de <a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2014-7-page-149.htm">vieillissement au travail</a> est très présente dans le champ de l’éducation où les seniors représentent <a href="https://cache.media.education.gouv.fr/file/2019/54/8/depp-rers-2019-chap9_1162548.pdf">30 % des enseignants</a> en activité. Elle préoccupe les responsables des ressources humaines, les médecins de prévention et les syndicats car de nombreuses recherches font état de difficultés, de problèmes de santé physiques et psychologiques en fin de carrière.</p>
<h2>Usure prématurée</h2>
<p>On pourrait avancer que l’expérience construite au fil du temps apporterait des ressources suffisantes pour faire face aux contraintes du métier jusqu’en fin de carrière. Or les enjeux sont bien plus complexes. Au-delà des savoir-faire accumulés, vieillir au travail, c’est aussi faire l’expérience d’une triple <a href="https://www.researchgate.net/publication/266617056_Sante_et_formes_de_fragilisation_dans_le_travail_construction_d%E2%80%99une_recherche-intervention">fragilisation</a> de la santé :</p>
<ul>
<li><p>l’expérience d’une fragilisation <em>par le travail</em> du fait des expositions à certaines contraintes de l’environnement professionnel</p></li>
<li><p>l’expérience d’une fragilisation de la santé <em>par rapport au travail</em> : les difficultés rencontrées par les salariés dans leur travail peuvent les amener à devoir changer de travail, voire anticiper leur retraite</p></li>
<li><p>l’expérience de la fragilisation de la santé <em>au travail</em> en référence aux possibilités de s’appuyer sur leur expérience pour tenter de mettre en place des processus de régulations.</p></li>
</ul>
<p>Quand on parle de fragilisation de la santé <em>par le travail</em>, on fait référence aux expositions à certaines formes de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=yvq5mVV7tLA">pénibilité</a>, qui se cumulent dans le temps, participant à une usure prématurée de l’organisme. Nous pouvons prendre <a href="https://journals.openedition.org/rechercheseducations/4529">l’exemple</a> des professeurs d’éducation physique et sportive (EPS). Ils sont exposés à un cumul de contraintes physiques (port de charges, parages, station debout permanente…), mentales (travail par ateliers de niveaux différents), environnementales (contraintes thermiques, bruit… ).</p>
<p>En résulte une usure prématurée de leur corps et des problèmes de santé aigus, nécessitant souvent des prises en charge médicales, en cas de troubles musculo-squelettiques, de surdité, ou encore de problèmes de voix, comme en témoigne cet enseignant :</p>
<blockquote>
<p>« Je pense qu’un sportif a une conscience aiguë du vieillissement, de la diminution des capacités malgré la volonté de s’entretenir. C’est quelque chose que je ressens violemment quand même. Ça devient de plus en plus difficile, et je n’ai pas 63 ans : j’ai encore beaucoup d’années à faire, j’ai 53 ans. »</p>
</blockquote>
<p>On retrouve cette <a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2014-7-page-149.htm">usure liée à l’activité</a> également exprimée par des enseignants dans le premier degré, comme cette professeure des écoles chargée d’une classe de CP :</p>
<blockquote>
<p>« Les enfants, au fil du temps, te bouffent, te prennent tous les jours un peu de toi, ils t’en prennent un bout. C’est comme une toile émeri ; on n’a plus d’écorce à force. Il faut tellement donner dans ce métier, à longueur de minutes… »</p>
</blockquote>
<p>Du vécu de ces atteintes à la santé vont souvent dépendre les projections professionnelles : rester dans l’activité à temps plein, passer à temps partiel, ou tenter de quitter le métier pour évoluer vers d’autres fonctions.</p>
<h2>Dilemmes professionnels</h2>
<p>Cette fragilisation de la santé <em>par le travail</em> se couple souvent avec l’expérience de la fragilisation <em>par rapport au travail</em>. Les nombreuses réformes qui touchent l’enseignement depuis plus de 15 ans au gré des changements de ministres contribuent à une intensification du travail et à une lassitude généralisée de l’innovation. Ce qu’un ministre met une place, le suivant le détricote pour imposer d’autres normes et il est attendu des enseignants qu’ils respectent les prescriptions.</p>
<p>Ces réformes bouleversent non seulement les contenus des programmes, les objectifs pédagogiques, mais aussi, plus fondamentalement, le sens du métier. Les seniors se trouvent donc de plus en plus en dissonance entre, d’un côté, ce qu’ils ont envie de faire dans leur travail et qui leur semble pertinent au vu de leur longue expérience et, de l’autre, les injonctions de la hiérarchie qu’ils ne comprennent pas toujours, auxquelles ils n’ont pas nécessairement envie d’adhérer ; d’où parfois le souhait de certains « de quitter le navire dès que possible, avant que le bateau ne coule ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/de-decibel-en-decibel-comment-le-bruit-gene-t-il-les-enfants-en-classe-161291">De décibel en décibel, comment le bruit gêne-t-il les enfants en classe ?</a>
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<p>Mais l’expérience de la <a href="https://www.octares.com/travail-et-activite-humaine/84-la-vie-professionnelle-age-experience-et-sante-a-l-epreuve-des-conditions-de-travail.html">fragilisation <em>au travail</em></a> est largement partagée : les seniors sont nombreux à percevoir un nombre croissant de difficultés dans leur activité. En dépit des compétences qu’ils ont construites au fil du temps, ils estiment que leurs ressources personnelles pour faire face aux contraintes diminuent. Ils éprouvent plus de difficultés à tenir une journée entière de travail, comme le raconte cette professeure d’EPS de 60 ans :</p>
<blockquote>
<p>« Je suis plus fatiguée qu’avant. C’est-à-dire que je ne pourrai pas faire 6h de cours dans une journée, ça me détruirait, ça me détruirait vite et ça me fatiguerait trop. Je pense que mon maximum c’est 4h maintenant ; je ne ressentais pas ça avant ! »</p>
</blockquote>
<p>Ils ont le sentiment de devenir plus intolérants au bruit dans la classe, évoquent une diminution de leur patience vis-à-vis du comportement de certains élèves perturbateurs, plus de difficulté à mobiliser les élèves, devant puiser plus loin en eux-mêmes les ressources pour créer les conditions des apprentissages.</p>
<p>Les enseignants sont unanimes à évoquer une fatigue accrue, des douleurs dans l’activité, nécessitant des espaces de récupération plus importants qu’avant, pouvant impacter leur mode de vie hors travail, ainsi que l’exprime cette enseignante de 54 ans en maternelle :</p>
<blockquote>
<p>« Je vois bien que chaque année, quand même, j’ai un petit truc en plus ! C’est comme un escalier à monter… j’ai encore une marche à gravir au niveau fatigue. Je me dis « Je n’y arriverai jamais, quoi ! » Donc je suis inquiète. »</p>
</blockquote>
<h2>Manque de dispositifs collectifs</h2>
<p>Les seniors recherchent souvent des aménagements temporels de leur activité. Se mettre à temps partiel, par exemple, serait une « stratégie pour survivre » afin de pouvoir poursuivre leur activité professionnelle en « gardant le plaisir de travailler », comme nous l’expliquait une enseignante de maternelle.</p>
<p>Mais ces demandes de temps partiel « sur autorisation », à ce stade de leur carrière, ne sont pas toujours comprises et acceptées, ce qui maintient les enseignants en difficulté dans une situation critique. Cela amène certains à anticiper leur départ à la retraite, malgré les décotes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/declassement-manque-de-reconnaissance-ces-enseignants-qui-veulent-changer-de-metier-176293">Déclassement, manque de reconnaissance… ces enseignants qui veulent changer de métier</a>
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<p>Ces différentes formes de <a href="https://www.octares.com/travail-et-activite-humaine/84-la-vie-professionnelle-age-experience-et-sante-a-l-epreuve-des-conditions-de-travail.html">fragilisation</a> peuvent être source d’inquiétude, voire d’anxiété en fin de carrière, et participer à des syndromes dépressifs. En dépit de ces différents constats, on ne peut que déplorer l’absence de suivi médical des enseignants au sein de l’Éducation nationale. Un tel suivi permettrait d’objectiver ces difficultés et de questionner sur le fond les évolutions profondes du métier.</p>
<p>Les seules mesures mises en place pour accompagner les seniors en difficulté se résument aux <a href="http://www.ac-bordeaux.fr/dsden47/cid97789/espace-accueil-ecoute-reseau-pas.html">espaces d’accueil</a> et d’écoute du personnel en partenariat avec la MGEN. Un tel dispositif relève d’une mesure de prévention, centrée essentiellement sur l’individu. L’approche choisie ne remet donc pas en question les conditions globales de l’activité et des transformations du métier. En abordant seulement les difficultés au cas par cas, on risque une psychologisation excessive des problèmes du travail.</p>
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<p>Les difficultés des seniors ne sont pas liées uniquement au processus de vieillissement. Il faut les mettre en perspective avec les conditions de réalisation de l’activité, les changements profonds qui affectent ces métiers. Elles sont révélatrices de problèmes largement partagés par les enseignants, quel que soit leur âge.</p>
<p>C’est donc l’ensemble du système de travail qui doit être questionné pour aborder les fins de carrière et réfléchir à des conditions de travail soutenables dans le temps.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/128559/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dominique Cau-Bareille ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>30% des enseignants sont des seniors. Alors que le nombre d’annuités nécessaires pour une retraite complète augmente, la question du vieillissement au travail est pressante dans l’Éducation nationale.Dominique Cau-Bareille, Maître de Conférences en Ergonomie, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1193752019-06-25T11:54:17Z2019-06-25T11:54:17ZTravailler en cas de forte chaleur, que dit le droit ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/281130/original/file-20190625-81780-1s59hvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C13%2C989%2C652&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En cas de forte chaleur, il serait imprudent pour un salarié de rentrer chez lui sans prévenir.</span> <span class="attribution"><span class="source">Monika Wisniewska / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La canicule sévit depuis ce lundi 24 juin et des mesures exceptionnelles sont prises dans différents domaines. Le plan canicule proposé par le ministère des Solidarités et de la Santé précise les <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/sante-et-environnement/risques-climatiques/article/recommandations-en-cas-de-canicule">recommandations</a> en cas de forte chaleur. Le brevet des collèges est <a href="http://bit.ly/2FvoBZh">reporté</a>, des brumisateurs sont installés dans les maisons de retraite, mais qu’en est-il sur le lieu de travail ? Une rumeur urbaine tend à laisser croire que l’employeur est contraint par le code du travail au delà d’une certaine température. Or, il n’en est rien.</p>
<p>Le code du travail évoque simplement l’obligation de sécurité avec l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000035640828&cidTexte=LEGITEXT000006072050&dateTexte=20171001">article L4121-1</a> qui prévoit que l’employeur se doit de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Par ailleurs, l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000023795562&cidTexte=LEGITEXT000006072050&dateTexte=20110401">article R4121–1</a> du code du travail oblige l’employeur à transcrire et à mettre à jour dans un document unique les résultats de l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs. Cette évaluation comporte un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l’entreprise ou de l’établissement, y compris ceux liés aux ambiances thermiques. En revanche, aucun seuil de température n’est indiqué…</p>
<h2>L’obligation de prévention de l’employeur</h2>
<p>Ainsi, en cas de canicule, l’employeur met en œuvre les mesures nécessaires pour protéger la santé physique des travailleurs (article L. 4121-1 du code du travail), en application des principes généraux de prévention. L’employeur peut ainsi prendre des mesures d’aménagement et d’aération des locaux pour éviter l’élévation excessive de température (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000018532340&cidTexte=LEGITEXT000006072050&dateTexte=20080501">articles R4222-1</a> et <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000018532332&cidTexte=LEGITEXT000006072050">R4222-4</a> du code du travail), ou encore procéder à la distribution de boissons fraîches (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000018532169&cidTexte=LEGITEXT000006072050&dateTexte=20080501">article R4225-2</a> et suivants). Pour les postes en extérieur, les salariés doivent être protégés contre les conditions atmosphériques (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000018532175&cidTexte=LEGITEXT000006072050&dateTexte=20080501">article R4225-1</a>). L’employeur peut également proposer un aménagement des horaires de travail.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/281136/original/file-20190625-81745-8718ws.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/281136/original/file-20190625-81745-8718ws.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/281136/original/file-20190625-81745-8718ws.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/281136/original/file-20190625-81745-8718ws.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/281136/original/file-20190625-81745-8718ws.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/281136/original/file-20190625-81745-8718ws.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/281136/original/file-20190625-81745-8718ws.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La mise à disposition de boissons fraîches peut faire partie des mesures de prévention de l’employeur en cas d’épisode caniculaire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">New Africa/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans le cadre de ces circonstances exceptionnelles, les employeurs sont actuellement invités à mettre en place le <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/avec-la-canicule-le-teletravail-doit-etre-favorise-souhaite-le-gouvernement_fr_5d1098bde4b0a394186574e9">télétravail</a>. Le gouvernement s’est d’ailleurs exprimé dans ce sens au cours d’un point presse le 24 juin, la ministre du Travail a donné des instructions visant à favoriser la mise en place du télétravail quand les postes le permettent. Cela devrait contribuer à réduire l’affluence dans les transports en commun.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1143094215020351489"}"></div></p>
<h2>Attention au droit de retrait abusif</h2>
<p>Le code du travail prévoit que tout salarié peut exercer son droit de retrait selon le principe énoncé à l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006903155&cidTexte=LEGITEXT000006072050">article L4131-1</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d’une telle situation. »</p>
</blockquote>
<p>Le droit de retrait n’est pas une obligation qui serait conditionnée à une certaine température. Il est apprécié par le salarié lui-même en fonction de sa perception de la situation. Ce dernier n’aura pas à prouver le danger, mais devra justifier qu’il a bien identifié un risque imminent pour sa vie ou sa santé.</p>
<p>Aucune condition spécifique n’est donc requise pour exercer le droit de retrait. Il est néanmoins préférable d’informer son employeur ou son manager, en indiquant les raisons de l’exercice du droit de retrait. L’information peut se faire par tout moyen et il s’avère utile d’informer rapidement également un représentant du personnel, qui pourra lui-même exercer son <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000035653297&cidTexte=LEGITEXT000006072050&dateTexte=20180101">droit d’alerte</a> pour l’ensemble des salariés.</p>
<p>L’employeur aura alors tout intérêt à prendre en compte le danger généré par la canicule. En effet, il serait contraint à verser une <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006073189&idArticle=LEGIARTI000006743112">indemnisation supplémentaire</a> en cas de maladie professionnelle ou d’ accident.</p>
<h2>Short ou pas short ?</h2>
<p>En matière de tenue vestimentaire, le salarié est en principe libre du choix de sa tenue vestimentaire en vertu des libertés individuelles, reconnu par l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072050&idArticle=LEGIARTI000006900785">article L1121-1</a> du code du travail. Ainsi, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/281135/original/file-20190625-81741-1jvl1am.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/281135/original/file-20190625-81741-1jvl1am.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/281135/original/file-20190625-81741-1jvl1am.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/281135/original/file-20190625-81741-1jvl1am.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/281135/original/file-20190625-81741-1jvl1am.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/281135/original/file-20190625-81741-1jvl1am.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/281135/original/file-20190625-81741-1jvl1am.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Venir en short au bureau, plus compliqué en réalité qu’en théorie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LightField Studios/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pendant la durée de l’épisode caniculaire que nous traversons, les employeurs doivent s’adapter tout en donnant toujours la priorité à la sécurité en présence d’un environnement dangereux de travail, même si les vêtements de sécurité (casque, combinaison, etc.) peuvent être gênants en cas de canicule. Ainsi, depuis 2018, les 15 000 conducteurs et conductrices de bus de la RATP peuvent <a href="https://www.sudouest.fr/2019/06/24/canicule-teletravail-bermuda-absence-quels-droits-pour-les-salaries-6251629-4688.php">porter le bermuda ou la jupe RATP</a>, à condition que la température atteigne les 28 degrés entre le 1<sup>er</sup> mai et le 30 septembre.</p>
<p>Ainsi, mieux vaut demander au préalable à son employeur s’il est possible de venir en short au bureau…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119375/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Caroline Diard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le droit de retrait au-delà d’une certaine température ? Une légende urbaine…Caroline Diard, Professeur associé en Management des Ressources Humaines et Droit - Laboratoire Métis - Membre de l'AGRH, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1182912019-06-05T20:48:50Z2019-06-05T20:48:50ZVotre métier est-il vraiment pénible ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/277901/original/file-20190604-69095-1d8dftm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C10%2C988%2C640&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les métiers du bâtiment sont généralement considérés comme pénibles. </span> <span class="attribution"><span class="source">Welcomia / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Vous vous sentez fatigué après votre journée de travail ? Vous avez des douleurs dans le dos ou dans les articulations ? Peut-être avez-vous un travail pénible qui occasionne ces douleurs et cette lassitude ? Mais qu’est-ce qu’un travail pénible ? Un travail considéré comme « non pénible » peut-il quand même être « pénible » ?</p>
<p>Une <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/travail_et_bien-etre_tc_vd_2.pdf">étude</a> publiée par la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques) en 2018 permet de publier un « hit parade » des métiers les moins favorables au bien-être psychologique (et non les plus pénibles !) à savoir dans l’ordre : </p>
<ol>
<li>cuisiniers</li>
<li>employés et agents de maîtrise de l’hôtellerie et de la restauration</li>
<li>aides-soignants</li>
<li>métiers de bouches (boucher, charcutier, boulanger)</li>
<li>employés de banque/assurance</li>
<li>ouvriers non qualifiés de la mécanique</li>
<li>ouvriers qualifiés des travaux publics, du béton et de l’extraction</li>
<li>ouvriers non qualifiés du second-œuvre du bâtiment</li>
<li>infirmiers/sages-femmes</li>
<li>agents de gardiennage et de sécurité.</li>
</ol>
<h2>Ce que dit la loi</h2>
<p>Mais s’agit-il pour autant des métiers les plus pénibles ? Après plusieurs évolutions réglementaires, l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=D156DF9E115A065A6E74972817AF917B.tplgfr22s_1?cidTexte=JORFTEXT000035607482&dateTexte=20190214">ordonnance n°2017-1389 du 22 septembre 2017</a> a retenu 10 facteurs de risques, regroupé en trois grandes catégories, pour qualifier cette pénibilité : ils dépendent de l’environnement du poste de travail et de la nature des tâches.</p>
<ul>
<li><p>Les contraintes physiques marquées : il s’agit des métiers avec de la manutention (1), des métiers soumis à des vibrations (2) ou qui nécessitent une posture pénible (3) ;</p></li>
<li><p>l’environnement physique agressif : l’exposition aux agents chimiques dangereux, y compris les poussières et les fumées (4), les activités exercées en milieu hyperbare (5), les températures extrêmes (6) et le bruit (7) ;</p></li>
<li><p>certains rythmes de travail : on parle ici du travail de nuit (8), le travail en alternance (les fameux 3/8) (9) et enfin les gestes répétitifs (10).</p></li>
</ul>
<p>Au regard des fameux 10 critères de pénibilité, certains métiers présents dans ce classement interpellent : les employés de banque/assurance et à un degré moindre, les agents de gardiennage et de sécurité ne semblent pas être exposés aux facteurs de risques énoncés dans la loi. À l’inverse, certains métiers (éboueur/ripeur ou agent de conditionnement dans l’agroalimentaire) semblent remplir ces critères, mais ne figurent pas dans la liste.</p>
<p>Un autre élément est déterminant pour connaître la pénibilité d’un métier : l’espérance de vie à 35 ans selon la catégorie socio-professionnelle. L’Observatoire des seniors précise qu’il existe un <a href="http://observatoire-des-seniors.com/lesperance-de-vie-a-35-ou-65-ans-en-fonction-de-la-categorie-socio-professionnelle/">lien direct</a> entre espérance de vie et pénibilité. Mais cette réalité est également à nuancer. Par exemple, un homme-cadre a une espérance de vie à 35 ans de 49 ans contre 49,8 ans pour une femme ouvrière.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/277899/original/file-20190604-69083-u9qei.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/277899/original/file-20190604-69083-u9qei.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/277899/original/file-20190604-69083-u9qei.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/277899/original/file-20190604-69083-u9qei.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/277899/original/file-20190604-69083-u9qei.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/277899/original/file-20190604-69083-u9qei.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=460&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/277899/original/file-20190604-69083-u9qei.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=460&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/277899/original/file-20190604-69083-u9qei.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=460&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="http://observatoire-des-seniors.com/lesperance-de-vie-a-35-ou-65-ans-en-fonction-de-la-categorie-socio-professionnelle/">Observatoire des seniors</a></span>
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</figure>
<h2>Intégrer la notion de « bien-être »</h2>
<p>On voit ici que la notion de métier « pénible » repose prioritairement sur critères endogènes. Mais de nombreux autres facteurs entrent en ligne de compte liés au travail (durée du travail, conditions de travail, ambiance de travail, rémunération) ou au mode de vie personnel (alimentation, consommation d’alcool) ou aux deux (conciliation vie personnelle et professionnelle, temps de transport).</p>
<p>Les facteurs psychologiques sont également prépondérants. On peut citer notamment quatre situations qui influent sur l’environnement psychologique des salariés :</p>
<ul>
<li><p>Modèle « situation de travail tendue » ou <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/dares-karasek.pdf">« job train » de Karasek</a> : le questionnaire issu de ses travaux est l’un des outils les plus connus pour évaluer les facteurs de risques psychosociaux. Il permet de mettre en évidence que le déséquilibre entre de fortes exigences et un manque d’autonomie, appelé « job strain » (« situation de travail tendue »), est un facteur de stress. S’il permet dans certains cas d’identifier les facteurs de risque propres à un contexte de travail donné, il n’est pas adapté à toutes les situations. Ainsi, les employés et les femmes sont plus exposés à la tension au travail.</p></li>
<li><p>Modèle du <a href="http://www.inrs.fr/media.html?refINRS=FRPS%203">« déséquilibre efforts/récompenses » de Siegrest</a> : il repose sur la distorsion pouvant exister entre l’effort requis pour un travail et la reconnaissance ou la récompense. Rappelons-nous ce devoir réalisé avec sérieux, volonté et rigueur élevés, mais qui ne vaudra de la part de notre professeur un commentaire succinct : « c’est médiocre ! » Le sentiment de reconnaissance/non reconnaissance est donc un facteur fort de bien-être/mal-être.</p></li>
<li><p>Théorie de la <a href="https://www.observatoire-management.org/single-post/2016/11/02/Th%C3%A9orie-de-la-justice-organisationnelle">justice organisationnelle</a> de Greenberg : ce concept est utilisé pour décrire le rôle de l’équité quand elle est directement liée au monde du travail. Il repose sur le sentiment de chaque salarié par rapport à son collègue : suis-je aussi bien payé que lui, suis-je autant reconnu, ma charge de travail est-elle la même ? Un sentiment d’inéquité influe alors négativement sur la perception du salarié et sur son bien-être.</p></li>
<li><p>Le sentiment d’insécurité au travail : un <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000022909525">arrêt de la Cour de cassation de 2010</a> rappelle la responsabilité des employeurs qui découle de l’obligation de sécurité. Cela traduit la reconnaissance du lien direct pouvant exister entre le sentiment d’insécurité aux causes diverses (relations avec des clients agressifs et violents, incertitudes sur sa situation personnelle).</p></li>
</ul>
<p>Les enseignements sont donc nombreux. À côté de critères objectifs définis par la loi, on voit que les facteurs subjectifs influent fortement sur la pénibilité des métiers. On constate aussi que l’équilibre vie personnelle/vie professionnelle impacte fortement le ressenti des salariés. Ainsi, parmi les métiers considérés comme apportant le moins de bien-être, les rythmes de travail (cuisinier, aide-soignant, infirmier) apparaissent comme un critère décisif.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1068408280752537602"}"></div></p>
<p>La capacité de se « réaliser » dans son travail ou d’exercer un travail utile est également un facteur atténuant de la pénibilité : l’autonomie, la responsabilité, transmission de savoirs. Enfin, les questions de valeurs, d’interactions sociales et d’ambiance de travail sont également prépondérantes dans cette évaluation de la pénibilité des métiers. Autant de paramètres à prendre en compte par les managers… à défaut de réglementation en la matière.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118291/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hubert Jaspard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les critères retenus par la loi restent insuffisants pour définir précisément la pénibilité d’un métier, notamment car ils ne retiennent pas la dimension « bien-être ».Hubert Jaspard, Enseignant vacataire, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/812402017-09-26T22:01:18Z2017-09-26T22:01:18ZLoi travail : ci-gît le compte pénibilité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/184357/original/file-20170901-27238-9e6ij3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le travail de nuit, par exemple à l'hôpital, est l'un des critères reconnus de pénibilité.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/sad-surgeon-leaning-on-wall-corridor-630461921">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>En direct pour la télévision, le président de la République Emmanuel Macron a signé le 22 septembre les ordonnances réformant le droit du travail. Parmi ces ordonnances, l’une est entièrement consacrée à la transformation du « compte personnel de prévention de la pénibilité » ou C3P en <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000035607482&dateTexte=&categorieLien=id">« compte professionnel de prévention » ou C2P</a>. Un changement de nom qui cache « péniblement », pourrait-on dire, la mise à mort pure et simple de ce dispositif.</p>
<p>Cette réforme du compte pénibilité avait été présentée le 20 juillet <a href="https://mobile.Twitter.com/nraymond1/status/888112584179671042/photo/1">au Conseil National d’Orientation des Conditions de Travail</a> par Muriel Pénicaud, la ministre du Travail. Elle avait été annoncée un peu plus tôt aux interlocuteurs sociaux <a href="http://www.lemonde.fr/gouvernement-philippe/article/2017/07/08/edouard-philippe-annonce-aux-partenaires-sociaux-sa-reforme-du-compte-penibilite_5157994_5129180.html">par une simple lettre</a> signée du Premier ministre, Edouard Philippe.</p>
<h2>Feu le C3P et ses dix critères de pénibilité</h2>
<p>En quoi consistait « feu » le C3P ? Dispositif novateur et ambitieux, il avait pour objectif de rétablir l’équité dans les départs à la retraite en garantissant à tous les citoyens la même espérance de vie en bonne santé. Dix critères avaient été retenus : le travail en milieu hyperbare (où la pression est supérieure à la pression atmosphérique), les températures extrêmes, le bruit, le travail de nuit, le travail en équipes successives alternantes, le travail répétitif, ainsi que la manutention de charges lourdes, les postures pénibles, les vibrations mécaniques et l’exposition à des agents chimiques dangereux.</p>
<p>Un C3P devait s’ouvrir dès qu’un salarié était exposé à au moins l’un de ces facteurs, au-delà de seuils de durée et d’intensité définis. Le nombre de points comptabilisés dépendait du nombre de facteurs auquel le salarié était exposé mais aussi de son âge et du temps passé dans l’entreprise durant l’année. Le C3P permettait de cumuler et d’utiliser des droits au cours de la vie active, via des actions de formation, de réduction du temps de travail à salaire égal et d’anticipation de départ à la retraite.</p>
<p>Mis en place par étapes depuis 2015, ce dispositif a dû faire face à de nombreuses critiques, principalement de la part des employeurs : coût administratif, complexité, reconfiguration des logiciels de paie, délais de transmission des informations à la Caisse nationale d’assurance-vieillesse (Cnav) et à la Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat), nécessité de concevoir de nouveaux outils de recueil et d’analyse des expositions, ainsi que le risque accru de départs massifs en retraite anticipée. C’est ainsi que, sur les 2,6 à 3 millions de salariés potentiellement concernés évoqués par la Cnav (chiffres officiels non publiés <a href="http://www.lexpress.fr/actualites/1/actualites/compte-penibilite-comment-le-simplifier_1918359.html">consultés par l’AFP</a>), seulement 800 000 salariés ont été déclarés par leurs employeurs.</p>
<h2>Avec le C2P, quatre critères exclus et un nouveau mode de financement</h2>
<p>Le passage du C3P au C2P a condamné quatre des dix critères, en les excluant tout simplement du dispositif de compte à points : charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques et risques chimiques. Ces critères apparaissaient comme les plus décriés par les dirigeants d’entreprises, qui les jugeaient inapplicables en l’état, du fait de leur présumée complexité à être mesurés.</p>
<p>Le départ anticipé d’un salarié suite à l’exposition à l’un de ces quatre critères reste envisageable. Mais, et c’est là que ça se complexifie, uniquement lorsque « qu’une maladie professionnelle a été reconnue » – ce qui suppose que la maladie du salarié figure dans l’un des <a href="http://www.inrs.fr/publications/bdd/mp.html">98 tableaux du régime général de la Sécurité sociale ou un des 59 du régime agricole</a>, si « le taux d’incapacité permanente excède les 10 % », et suite à une visite médicale de fin de carrière permettant au salarié de faire valoir son droit. Des conditions qui constituent autant de barrières à la compensation ou à la réparation.</p>
<p>Pourtant Muriel Pénicaud annonçait <a href="https://mobile.Twitter.com/murielpenicaud/status/885164356836700160?p=v">dès le 12 juillet</a> que 10 000 salariés pourraient bénéficier de la retraite à taux plein dès 2018 suite à des examens médicaux. Elle a malheureusement omis de compléter cette évaluation chiffrée, dont elle n’a pas précisé les fondements, par celle du nombre de salariés dont les pathologies apparaîtront seulement à la retraite, notamment les cancers.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"885164356836700160"}"></div></p>
<p>La seconde évolution majeure liée au C2P repose sur le mode de financement du dispositif : <em>exit</em> la double cotisation patronale, place à un financement assuré par la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la Sécurité sociale (du fait, certainement, de sa situation excédentaire). La logique de « pollueur-payeur » du C3P est ainsi remplacée par une logique de mutualisation du financement, répondant à une demande de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME). On cherchera longtemps en quoi ces changements incitent les employeurs à réduire les expositions aux facteurs de pénibilité.</p>
<p>Les objectifs affichés par le gouvernement sont de plusieurs ordres : simplifier un dispositif qui <a href="http://www.gouvernement.fr/argumentaire/simplifier-la-prise-en-compte-de-la-penibilite-pour-garantir-les-droits-des-salaries">« s’est avéré trop complexe à mettre en œuvre »</a>, « libérer » les entreprises – notamment les PME – d’une « contrainte administrative » et d’une « obligation franchement usine à gaz », selon les termes de la ministre du travail. <a href="https://mobile.Twitter.com/mansat/status/884473241846386689">L’expression « usine à gaz »</a> et plus généralement, la position de la ministre, ont été critiquées, notamment par le député socialiste Régis Juanico <a href="http://www.juanico.fr/2017/07/12/qag-compte-penibilite/">lors de la séance des questions au Gouvernement</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"884112044768862208"}"></div></p>
<h2>La disparition du mot pénibilité, une stratégie d’affichage</h2>
<p>Ne nous leurrons pas : le changement de nom du dispositif, avec la disparition du mot pénibilité, n’est pas exempt d’une stratégie d’affichage ; les organisations patronales n’appréciaient pas que la notion de travail soit associée à quelque chose de pénible, une réticence dont le <a href="http://www.leparisien.fr/flash-actualite-economie/penibilite-macron-favorable-a-une-mise-en-place-par-branche-16-03-2017-6768537.php">candidat Macron, déjà, avait tenu compte</a>… Cachez cette pénibilité que nous ne saurions voir !</p>
<p>Mais le plus paradoxal est que ce nouveau compte, prétendument de prévention, tend beaucoup plus vers une logique de compensation <em>a posteriori</em> des atteintes à la santé, que vers une logique de prévention <em>a priori</em>. Cette tendance s’inscrit dans la lignée des dernières heures de feu le C3P : le <a href="http://www.gouvernement.fr/partage/8406-rapport-ameliorer-la-sante-au-travail-l-apport-du-dispositif-penibilite">rapport demandé par Manuel Valls, alors premier ministre, en novembre 2016</a> faisait déjà état d’un déséquilibre patent entre ces deux approches. Cependant le C3P présentait de sérieuses avancées dans la lutte contre les risques professionnels, avec la prise en compte en amont de l’exposition réelle des individus. Aujourd’hui la perspective choisie relève essentiellement de la réparation.</p>
<p>Le C2P pose également un problème d’inégalités entre salariés. En effet, les salariés exposés aux six facteurs maintenus dans le dispositif pourront, de droit, partir à la retraite de manière anticipée alors que, à moins d’avoir pu faire reconnaître une maladie professionnelle incapacitante d’au moins 10 %, ceux exposés aux quatre facteurs sortis du compte ne pourront bénéficier ni d’un départ anticipé, ni du système de points pour suivre une formation et changer pour un métier moins pénible, ni d’un temps partiel payé à temps plein. Quid donc des milliers de personnes ayant accumulé des « points pénibilité » en raison de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques ou risques chimiques ?</p>
<h2>Des différences d’espérance de vie entre les citoyens</h2>
<p>Légiférer autour de la pénibilité fournit pourtant une occasion unique de souligner le rôle déterminant du travail dans les différences d’espérance de vie et d’état de santé entre les citoyens. Ce constat est validé par de nombreuses études liant l’exposition aux facteurs de pénibilité avec, notamment, la <a href="http://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2008.01-03.1-2-2.pdf">sortie précoce de l’emploi</a>, ou l’<a href="http://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2011-020.pdf">état de santé après 50 ans</a>. L’espérance de vie sans incapacité est également corrélée <a href="http://gdr.site.ined.fr/fichier/rte/65/GDR%20-%20Lettre%20dinformation%2010.pdf">avec les catégories professionnelles</a>.</p>
<p>Cette réforme du C3P intervient alors que le <a href="http://travail-emploi.gouv.fr/sante-au-travail/plans-de-sante-au-travail/article/plan-de-sante-au-travail-2016-2020-pst-3">Plan Santé Travail 3 pour 2016-2020 (PST3)</a> adopté en 2015, et qui constitue la feuille de route du gouvernement en matière de santé au travail jusqu’en 2020, souligne l’importance d’une « politique de prévention qui anticipe les risques professionnels et garantit également la bonne santé des salariés en prenant aussi pleinement en compte la qualité de vie au travail ».</p>
<p>L’un des axes de ce Plan santé travail donne explicitement la priorité à la prévention primaire, axée sur l’organisation du travail, et au développement d’une culture de prévention. En effet, bien menée, la prévention permet d’éviter des dommages sur le plan humain et peut aussi se traduire par un bénéfice financier pour les entreprises. Ainsi, <a href="https://www.preventionbtp.fr/Documentation/Explorer-par-produit/Information/Dossiers-prevention/Prevention-et-performance/Etude-de-terrain-et-fiches-a-telecharger">des calculs réalisés en 2015</a> dans le secteur du bâtiment montrent que 1 euro investi dans la prévention des risques professionnels se traduit par un gain final de 2,34 euros.</p>
<p>Avec le C2 P, le P de « personnel » est devenu celui de « professionnel », celui de « pénibilité » s’est volatilisé, et celui de « prévention » perd de son sens. Le nouveau dispositif constitue une marche arrière unilatérale en matière de prévention, et celle-ci n’augure rien de positif, ni pour les salariés ni pour les employeurs. Le risque est de voir perdurer ou augmenter les invalidités, ainsi que les décès précoces chez les retraités.</p>
<p>Au lieu de rester sur une telle mesure, la création d’une délégation interministérielle à la santé au travail chargée notamment de la prévention des risques professionnels serait davantage à la hauteur des enjeux de santé en lien avec le travail. Cette délégation pourrait être chargée, en lien avec le Conseil d’orientation des conditions de travail (COCT), de suivre la mise en œuvre du Plan santé travail. Une chance pour que les mots <em>santé</em> et <em>travail</em> occupent enfin ensemble la scène médiatique et politique ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/81240/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le compte pénibilité, rebaptisé compte prévention, a été largement vidé de son contenu. Le nouveau dispositif n’incite pas suffisamment les employeurs à préserver la santé de leurs salariés.Tarik Chakor, Maître de conférences en sciences de gestion - Université Savoie Mont Blanc, Membre de la chaire Management et Santé au travail, Université Grenoble Alpes (UGA)Claire Edey Gamassou, Maîtresse de conférences en sciences de gestion, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/772102017-09-04T20:42:27Z2017-09-04T20:42:27ZTendinites, douleurs à l’épaule chez les femmes : et si c’était le travail ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/173626/original/file-20170613-25839-8ly7rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des tensions excessives dans l'exercice de son métier peuvent être source de troubles musculo-squelettiques. Ici une infirmière aide un homme âgé à se lever.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/nurse-aged-care-elderly-nursing-homes-72925843">Lisa S/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Douleur à l’épaule, tendinite au coude, engourdissement des doigts, bursite du genou : ces maux sont courants chez les femmes actives. Bien souvent elles incriminent leur âge, ou pensent présenter une vulnérabilité toute personnelle. Sans s’interroger sur leurs conditions de travail. Or ces maux qui touchent les articulations, les muscles et les tendons surviennent rarement par hasard ou par accident.</p>
<p>Les <a href="http://www.inrs.fr/risques/tms-troubles-musculosquelettiques/ce-qu-il-faut-retenir.html">troubles musculo-squelettiques</a> (TMS), de leur nom officiel, sont généralement liés à des gestes répétitifs, des postures inconfortables ou des tensions excessives. Ces problèmes sont bien connus des caissières de supermarché, par exemple, qui manipulent les articles à longueur de journée. Aujourd’hui, on ne leur demande plus de déplacer les packs d’eau, simplement de scanner l’étiquette. Mais dans beaucoup d’autres métiers exercés par les femmes, l’apparition de ces troubles n’a pour l’instant provoqué aucune remise en cause de la manière de travailler.</p>
<p>L’analyse fine des études disponibles permet de penser que les TMS sont sous-diagnostiqués, en France, chez les femmes. Ils résultent souvent d’un manque de réflexion sur l’adaptation du poste à la morphologie féminine. Et sont moins facilement reconnus au titre de maladie professionnelle, car les grilles d’analyses des situations de travail sont conçues essentiellement à partir de l’expérience des hommes.</p>
<h2>Infirmière de nuit, dans un service en sous-effectif</h2>
<p>Pour montrer à quel point la cécité est collective sur ce sujet, prenons le cas récent de cette soignante, Cécile (son prénom a été changé), âgée de 47 ans, qui a 20 ans d’ancienneté en milieu hospitalier. Avant d’intégrer l’hôpital public, elle travaillait comme aide à domicile pour les personnes âgées. Cécile est infirmière de nuit dans un service de gériatrie. La charge de travail est élevée, le service en sous effectif chronique. Le matériel nécessaire n’est pas toujours disponible. En raison de ces conditions de travail dégradées, il y a un fort taux de <em>turnover</em> dans l’équipe.</p>
<p>Cécile souffre d’une tendinite à l’épaule depuis deux mois. Elle s’ouvre auprès de son supérieur de ses difficultés à déplacer seule les patients âgés pour leur prodiguer les soins. Quand elle évoque cette douleur, elle en parle comme une pathologie liée à l’âge, à l’usure physique. Son encadrement met donc cette pathologie sur le compte d’une fragilité individuelle et ne pousse pas la réflexion plus loin.</p>
<p>Cécile prend des médicaments antidouleur et s’organise avec une collègue avec qui elle s’entend bien pour soulever à deux les patients les plus lourds. Mais cela ne suffit pas. Sa douleur à l’épaule augmente. Elle est arrêtée par son médecin durant plus de trois semaines. Au moment de reprendre son poste, elle voit le médecin du travail qui lui délivre une « restriction d’aptitude ». Ce document indique qu’elle ne peut désormais faire son travail que partiellement. Elle ne pourra plus être seule pour soulever les patients lourds.</p>
<h2>Des facteurs de risque inconnus de la liste officielle</h2>
<p>Sa pathologie n’est pas reconnue pour autant comme une maladie professionnelle, car les contraintes liées à son travail d’infirmière ne figurent pas dans la liste officielle des facteurs d’un risque de TMS. La législation française prévoit en effet des <a href="http://www.inrs-mp.fr/mp/cgi-bin/mppage.pl?rgm=1">« tableaux » descriptifs pour chaque maladie</a>, détaillant la nuisance prise en compte, les maladies ou symptômes liés à cette nuisance et le type de tâches exposant l’individu à celle-ci.</p>
<p>Cécile en vient à penser que son épaule est moins solide que celle des autres soignants. Son supérieur trouve désormais que les problèmes de santé de Cécile lui posent problème pour répartir équitablement la charge de travail au sein de l’équipe. Quant au médecin du travail, il estime que la pathologie de cette salariée relève de caractéristiques personnelles inadéquates. Ainsi, tous s’accordent pour dire que Cécile ne fait pas les bons gestes dans les tâches qui lui incombent. Personne ne remet en cause l’organisation du travail dans le service, ni les contraintes relatives à l’exercice du métier d’infirmière. Et encore moins les tableaux descriptifs des maladies professionnelles…</p>
<p>Les cas comme celui de Cécile ne sont pas pris en compte dans les statistiques. Globalement, en Europe, les femmes obtiennent moins de reconnaissance en maladie professionnelle de leurs TMS que les hommes, comme le montre les <a href="http://pistes.revues.org/4889">cas de l’Italie et de la Suisse</a> ou les travaux de <a href="https://www.etui.org/fr/L-ETUI/Personnel/Laurent-Vogel">Laurent Vogel</a>, chercheur à l’Institut syndical européen (ETUI) et à l’université Paris 13.</p>
<h2>Trop peu de femmes dans les cas reconnus en maladie professionnelle</h2>
<p>En France, le nombre de cas de <a href="https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/tms/comprendre-troubles-musculosquelettiques">troubles musculo-squelettiques</a> reconnus en maladie professionnelle était en 2012 presque aussi élevé chez les femmes (26 438 cas) que chez les hommes (27 577 cas), selon l’étude réalisée par Florence Chappert et Patricia Therry, chercheuses à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail. Mais les femmes, plus vulnérables à ces troubles, devraient logiquement se trouver en plus grand nombre. Preuve que beaucoup de cas de TMS restent, chez elles, invisibles.</p>
<p>En France, comme ailleurs, la majorité des maladies professionnelles reconnues chez les femmes <a href="http://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2016-081.pdf">sont des TMS</a>. Ces troubles sont en effet bien repérés aujourd’hui dans certains métiers comme femme de ménage, caissière, ouvrière de confection ou de montage de petits éléments. Mais une étude réalisée en 2009 par la chercheuse de l’université d’Ottawa (Canada) Katherine Lippel montre que les statistiques d’indemnisation des maladies professionnelles ne reflètent pas toutes les atteintes d’origine professionnelle. On peut donc penser que les cas reconnus ne sont que la partie émergée de l’iceberg des douleurs musculo-squelettiques.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/178325/original/file-20170715-5265-1pmgum6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/178325/original/file-20170715-5265-1pmgum6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/178325/original/file-20170715-5265-1pmgum6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/178325/original/file-20170715-5265-1pmgum6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/178325/original/file-20170715-5265-1pmgum6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=486&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/178325/original/file-20170715-5265-1pmgum6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=486&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/178325/original/file-20170715-5265-1pmgum6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=486&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les troubles musuculo-squelettiques sont désormais bien repérés chez les caissières.</span>
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<p>Les femmes et les hommes ne sont pas touchés par les TMS dans les mêmes circonstances. Car ils n’occupent pas, bien souvent, les mêmes emplois. Prenons l’exemple du <a href="https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/syndrome-canal-carpien/comprendre-syndrome-canal-carpien">syndrome du canal carpien</a>, cette compression d’un nerf provoquant des douleurs au poignet. Chez les hommes, il touche 70 % des travailleurs dans les métiers de manutentionnaire, ouvrier en milieu industriels, artisan et agriculteur, selon une <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/art.22222/abstract;jsessionid=A6433BD9CEC89ED7763EED0D4AC6757E.f03t04">étude de 2006</a>. Chez les femmes, il touche 70 % des travailleurs dans les métiers d’ouvrière d’assemblage de matériel, agricultrice et d’employée de commerce.</p>
<h2>Douleurs aux épaules pour les femmes, lombaires pour les hommes</h2>
<p>Il arrive, bien évidemment, qu’une tâche identique soit confiée aux hommes et aux femmes. Mais ils ne l’accomplissent pas de la même façon et ne peinent pas au même moment, en raison de leurs différences de morphologie et de physiologie. Dans le milieu de l’élevage par exemple, la traite des vaches expose les femmes à des douleurs au niveau des épaules lors du port des tuyaux à lait. Les hommes, eux, sont sujets à des douleurs lombaires lorsqu’ils se baissent pour placer les manchons trayeurs sur les pies de la vache.</p>
<p>Les femmes vont se préserver de cette douleur en modifiant leurs déplacements dans l’étable pour porter les tuyaux sans se fatiguer, tandis que les hommes vont chercher à se positionner différemment, par exemple en pliant les genoux pour ne pas forcer sur les muscles du dos. J’ai présenté ces résultats le 13 février à Bruxelles lors du <a href="https://www.etui.org/Events/His-and-Hers-occupational-hazards-health-justice-and-prevention-actors">colloque sur travail et genre</a> organisé par l’Institut syndical européen (ETUI). Ils ont permis de mettre en place, avec la Mutualité sociale agricole, des formations spécialement destinées aux agricultrices.</p>
<p>La plupart des études sur la santé au travail ne prennent pas suffisamment en compte les effets de genre dans le risque et la prévention des TMS. Ainsi, les stéréotypes se construisent sur une connaissance biaisée des liens entre santé, travail et genre. Cela conduit à des erreurs de diagnostic de la part du médecin, à une cécité de l’employeur et de la salariée elle-même, comme dans le cas de Cécile.</p>
<h2>Mieux répérer les contraintes au travail pour les femmes</h2>
<p>Et si on cherchait <a href="https://pistes.revues.org/4882?lang=fr">à mieux connaître les véritables contraintes au travail pour les femmes</a>. Beaucoup de facteurs de pénibilité reconnus concernent majoritairement les hommes : vibrations, bruit, chaleur, froid, expositions aux toxiques, radiations, charges lourdes, travail de nuit. D’autres facteurs, généralement à l’œuvre chez les femmes, sont moins repérables : la répétitivité, l’impossibilité d’interrompre son travail, un travail sous la pression avec des émotions qu’on empêche de s’exprimer – notamment dans les activités de service.</p>
<p>Encore aujourd’hui, les troubles musculo-squelettiques chez les femmes sont trop vite mis sur le compte des hormones, de l’approche de la ménopause ou des tâches qu’elles accomplissent en plus à la maison, après leur journée de travail. Le défi sera de mieux comprendre, demain, la spécificité du travail des femmes dans cette répartition « genrée » de l’exposition au risque des TMS. Et de mettre en œuvre une prévention adaptée et équitable pour tous, hommes et femmes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/77210/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sandrine Caroly ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les femmes sont plus exposées aux troubles musculo-squelettiques que les hommes. Mais elles ne font pas toujours le lien avec leur travail quand la douleur survient.Sandrine Caroly, Enseignant chercheur en ergonomie, laboratoire Pacte, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/731002017-02-26T22:22:25Z2017-02-26T22:22:25ZQuel avenir pour la robotique agricole ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/158098/original/image-20170223-24107-jhwfg4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Robot mobile secondant un tracteur conduit manuellement pour l’assister dans ses tâches. </span> <span class="attribution"><span class="source">Irstea</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Le secteur agricole est aujourd’hui confronté à un épineux paradoxe : maintenir, voire accroître, ses niveaux de production tout en réduisant l’impact de ses activités sur l’environnement.</p>
<p>À cela s’ajoutent les contraintes économiques qui pèsent sur les exploitants et la pénibilité d’un métier exigeant, exposant l’agriculteur à <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Agriculteur#cite_note-7">plusieurs types de risque</a> : accidents du travail, pathologies professionnelles et exposition à des produits potentiellement dangereux, à l’image des pesticides. On recense, par exemple, pour les seuls accidents liés <a href="http://www.msa.fr/lfr/sst/renversement-tracteur">au renversement</a> de machines agricoles, entre 20 et 30 décès par an.</p>
<p>Depuis les années 1950, la modernisation de l’agriculture a permis de doubler les niveaux de production en réduisant la pénibilité. Ceci s’est accompagné d’utilisation de machines de grandes tailles et de produits potentiellement nuisibles. La contrainte environnementale de plus en plus prégnante a également favorisé le développement de nouvelles modalités de production, comme l’<a href="http://agriculture.gouv.fr/lagriculture-biologique-1">agriculture biologique</a> ou l’<a href="http://prodinra.inra.fr/ft?id=0731B2B9-388D-4F8B-A93D-C3A39E3B5064">agriculture de précision</a>. Ces dernières nécessitent une main-d’œuvre accrue, pour réaliser par exemple un désherbage mécanique (sans herbicides) ou effectuer des traitements très localisés.</p>
<h2>Surtout des dispositifs d’assistance</h2>
<p>Dans ce contexte, la robotique peut apporter des solutions, en permettant d’effectuer avec précision des tâches répétitives et d’intervenir dans des zones difficiles (dans les vignobles en forte pente, par exemple) sans exposer les individus.</p>
<p>Les économistes perçoivent d’ailleurs cet intérêt et placent l’agriculture comme le <a href="https://www.tractica.com/newsroom/press-releases/agricultural-robot-revenue-to-reach-74-1-billion-worldwide-by-2024/">second marché pour la robotique de service</a> à l’horizon 2025.</p>
<p>Sans aller jusqu’à la commercialisation de solutions robotiques complètes, les constructeurs historiques proposent, depuis une dizaine d’années, des dispositifs d’assistance à la conduite comprenant notamment des <a href="https://www.deere.fr/fr_FR/products/equipment/agricultural_management_solutions/guidance_and_machine_control/itec_pro/itec_pro.page">systèmes de guidage automatique</a>, lors des phases de travail en plein champ. À l’instar des véhicules autonomes, ces dispositifs requièrent la présence d’un conducteur ; ils ne constituent donc pas des robots à proprement parlé.</p>
<p>De fait, la présence de robots commerciaux dans un cadre agricole concerne pour l’essentiel des systèmes intervenant dans le périmètre de l’exploitation, comme les robots <a href="http://www.jeantil.com/Contenus-Jeantil/2-50-0-0-0-0-145-1-JEANTIL_Automatic_Feeding.html">d’affouragement</a> ou de traite, démocratisés depuis plusieurs années. On estime aujourd’hui que la moitié des exploitations laitières qui voient le jour sont <a href="http://idele.fr/rss/publication/idelesolr/recommends/robots-de-traite-le-deploiement-continue.html">équipées de telles machines</a>. En 2015, 3 316 exploitations, sur les <a href="http://agriculture.gouv.fr/combien-y-t-il-dagriculteurs-en-france">514 800 que compte la France</a>, en disposaient.</p>
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<figcaption><span class="caption">Reportage sur les robots de traite (France 3 Normandie, 2016).</span></figcaption>
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<p>Si les robots sont performants dans les bâtiments – où ils évoluent dans un environnement connu et des conditions répétables –, à l’extérieur, la diversité des sols et des travaux à réaliser (semis, désherbage, récolte, etc.) rend la robotisation plus compliquée. Par conséquent, les solutions commerciales complètement autonomes restent cantonnées à des actions limitées, comme le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=EPxDZYhQSds">désherbage en maraîchage</a> ou l’assistance à l’opérateur, notamment <a href="http://www.vitisphere.com/images/magazine/Robots.pdf">dans les vignes</a>.</p>
<p>L’avènement du tracteur autonome demeure pour le moment à l’état de prototype, à l’image du tracteur sans chauffeur Magnum mis au point par l’entreprise américaine Case IH et <a href="https://www.caseih.com/emea/fr-fr/News/Pages/2017-01-23-Case-IH-marque-son-175%C3%A8me-anniversaire-en-pr%C3%A9sentant-pour-la-premi%C3%A8re-fois-en-Europe-son-concept-de-tracteur-aut.aspx?tCat=Hero%20Promo">présenté</a> ces jours-ci au Salon international du machinisme agricole.</p>
<h2>À la recherche de la modularité</h2>
<p>L’avènement de la robotique en agriculture nécessite, on le voit, encore des développements scientifiques et technologiques pour pouvoir s’adapter à différentes situations et accomplir divers types de travaux agricoles. Face à cette diversité, les robots doivent pouvoir adapter leurs comportements, voire leur configuration (hauteur, voie, etc..), en temps réel ; c’est ce qu’étudie notamment le projet <a href="https://adap2e.irstea.fr/">Adap2E</a>.</p>
<p>Ils permettront alors de remplir différentes missions, avec un niveau d’autonomie réellement utile pour l’agriculteur. Les projets <a href="http://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/un-robot-agricole-multi-usages-en-cours-d-experimentation-dans-l-ouest-4647241">PumAgri</a> et <a href="http://www.naio-technologies.com/machines-agricoles/robot-enjambeur-viticole/">Ted</a>, en cours de développement, visent ainsi à accroître la modularité – c’est-à-dire les capacités d’adaptation – des robots agricoles pour différentes cultures et opérations.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/158078/original/image-20170223-24107-xasshn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/158078/original/image-20170223-24107-xasshn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/158078/original/image-20170223-24107-xasshn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/158078/original/image-20170223-24107-xasshn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/158078/original/image-20170223-24107-xasshn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/158078/original/image-20170223-24107-xasshn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/158078/original/image-20170223-24107-xasshn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Deux robots coopérant dans un champs pour effectuer des traitements.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Irstea</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Cette modularité ne se conçoit pas que pour une seule machine, mais également pour une flotte de robots, capables de coopérer entre eux afin d’étendre les capacités de production en tentant de limiter l’impact environnemental. Les projets européens <a href="https://www.youtube.com/watch?v=FquW_WDBIE4">Mars</a> et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=WoVBoY-B0kI">Flourish</a> développent de tels concepts à l’aide de machines de petite taille. Le projet Safeplatoon a également montré la capacité de <a href="https://adap2e.irstea.fr/retombees/coop02red/">contrôler plusieurs robots</a> en coordination à l’aide d’une machine conduite manuellement.</p>
<h2>La place des robots dans le système agricole</h2>
<p>De telles avancées permettent d’entrevoir de nouvelles possibilités pour l’agriculture : conjuguer production et respect de l’environnement, tout en réduisant la pénibilité des travaux agricoles. Car elles ont surtout vocation à améliorer les conditions de travail en secondant les agriculteurs. Pour être pleinement efficaces et utiles, ces innovations doivent donc se faire en lien l’ensemble des acteurs de la filière.</p>
<p>Elles s’accompagnent également d’une réflexion plus globale sur l’organisation des exploitations et du travail agricole. Des initiatives, comme la <a href="http://www.axema.fr/AProposAxema/Documents/Axemag-N17-BD.pdf">plateforme RobAgri</a>, témoignent de ce souci de faire en sorte que les robots contribuent socialement, économiquement et écologiquement à l’amélioration de cette activité exigeante qu’est l’agriculture.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/73100/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Roland Lenain a reçu des financements de l’Agence nationale de la recherche (ANR). </span></em></p>L’agriculture est un marché porteur pour l’automatisation. Que ce soit pour augmenter la production ou réduire la pénibilité et les impacts environnementaux, les robots s’installent aux champs.Roland Lenain, Directeur de recherche, équipe « Robotique et mobilité pour l’environnement et l’agriculture », InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.