tag:theconversation.com,2011:/us/topics/populations-25315/articlespopulations – The Conversation2024-02-11T16:56:40Ztag:theconversation.com,2011:article/2227902024-02-11T16:56:40Z2024-02-11T16:56:40ZLa population de la France va-t-elle diminuer suite à la baisse de la natalité ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/574346/original/file-20240208-30-1fxzgt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C48%2C3264%2C2394&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une projection permet d'estimer si la population de la France peut baisser à partir des derniers calculs de l'Insee. Foule, braderie de Lille.</span> <span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Les évolutions démographiques récentes en France, marquées notamment par une <a href="https://www.mnhn.fr/fr/actualites/faut-il-s-inquieter-d-une-baisse-de-la-natalite">diminution importante du nombre de naissances en 2023</a> par rapport à 2022, annoncent-elles une baisse de la population ? Le calcul de projections permet de répondre en décrivant les conséquences de la situation actuelle si elle perdurait.</p>
<p>Le nombre de naissances diminue depuis quelques années en France, le dernier bilan démographique <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/7750004">publié par l’Insee</a> indiquant une nouvelle baisse en 2023 par rapport à 2022, 678 000 contre 726 000, soit 52 000 naissances de moins (7 %). L’indicateur de fécondité passe de 1,79 enfant par femme en 2022 à 1,68 en 2023.</p>
<h2>La population n’a pas diminué en 2023</h2>
<p>Cette baisse n’a pas entraîné de diminution de la population, parce que les décès restent moins nombreux que les naissances, leur nombre ayant aussi diminué entre 2022 et 2023, de presque autant que les naissances, passant de 675 000 à 638 000.</p>
<p>La baisse du nombre de décès traduit une forte hausse de l’espérance de vie à la naissance qui effectue un <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/7750004">bond entre 2022 et 2023</a> : elle atteint 80,0 ans pour les hommes et 85,7 ans pour les femmes en 2023, contre respectivement 79,3 ans et 85,1 ans en 2022, soit un gain de 0,7 an pour les hommes et 0,6 an pour les femmes.</p>
<p>Avec ce bond, l’espérance de vie fait plus que rattraper son niveau de 2019 et se situe dans la <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/7750004">tendance à la hausse</a> observée avant l’épidémie de Covid-19, interrompue pendant trois années. L’espérance de vie a en effet reculé en 2020 en raison de l’épidémie de Covid-19, puis a stagné ou n’a augmenté que faiblement en 2021 et 2022 en raison de la poursuite de l’épidémie conjuguée à une épidémie de grippe saisonnière meurtrière et plusieurs canicules ayant entraîné également des <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6959520?sommaire=4487854">surmortalités</a>.</p>
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<p>Le solde naturel, différence entre les nombres de naissances et de décès, est positif et se situe presque au même niveau que l’année précédente : 47 000 en 2023 contre 51 000 en 2022. Il contribue à la croissance de la population, mais en partie seulement. Le solde migratoire, différence entre les entrées et les sorties du territoire, positif également, y contribue aussi et de façon plus importante. Estimé à 183 000 en 2023 <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/7750004">par l’Insee</a>, il représente les quatre cinquièmes de l’augmentation de la population en 2023, le solde naturel n’en représentant qu’un cinquième.</p>
<p>Mais si la population n’a pas diminué en 2023, les changements observés cette année-là, notamment la baisse de la fécondité, ne portent-ils pas en germe une diminution prochaine de la population et un vieillissement démographique accru ? Examinons les futurs possibles à l’aide de projections et voyons les différences avec les projections publiées par l’Insee en 2021.</p>
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<h2>Les dernières projections de l’Insee publiées en 2021</h2>
<p>L’Insee a publié en novembre 2021 des projections de population pour la France à <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5893969">l’horizon 2070</a>. Le scénario central, fondé sur les tendances démographiques des années précédentes, retient une fécondité de 1,8 enfant en moyenne par femme, soit un niveau proche de celui de 2020, maintenu constant tout au long de la projection ; une mortalité continuant à baisser au même rythme qu’au cours de la décennie 2010, l’espérance de vie à la naissance atteignant 87,5 ans pour les hommes en 2070 contre 79,7 ans en 2019, avant l’épidémie de Covid-19, soit une progression de 7,8 ans et, pour les femmes, 90,0 ans contre 85,6 ans, soit une progression de 4,4 ans ; et un solde migratoire de + 70 000 personnes par an maintenu également constant.</p>
<p>Dans ce scénario central de l’Insee, la France compterait 68,1 millions d’habitants au 1<sup>er</sup> janvier 2070, contre 67,4 millions au 1<sup>er</sup> janvier 2021, soit 700 000 de plus. La population continuerait d’augmenter jusqu’à un maximum de 69,3 millions en 2044 puis diminuerait ensuite <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2022-2-page-1.htm">jusqu’à 68,1 millions en 2070</a> (figure 1).</p>
<p><iframe id="uVNO9" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/uVNO9/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Un nouveau scénario « 2023 »</h2>
<p>Les évolutions observées depuis la publication des projections de l’Insee ne correspondent pas au scénario central, ce qui n’est pas étonnant en soi, tout exercice de projection étant appelé à être démenti par la réalité – l’objectif n’est pas de deviner le futur mais de dire ce qu’il serait sous telles et telles conditions.</p>
<p>Nous avons calculé de nouvelles projections avec un scénario modifié par rapport au scénario central de l’Insee de 2021 tenant compte des évolutions observées depuis.</p>
<p>Ce nouveau scénario, dénommé ici « 2023 », fait l’hypothèse d’une fécondité constante de 1,68 enfant par femme, le niveau observé en 2023, au lieu de 1,8 enfant, niveau retenu dans le scénario central de l’Insee.</p>
<p>La forte baisse de la fécondité en 2023 pourrait certes être suivie de nouvelles baisses dans les années futures. Mais elle pourrait aussi s’interrompre et laisser place à une hausse, <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19706/naissances_retardees.fr.pdf">comme cela a été observé</a> il y a <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/conjoncture-demographique/les-naissances-sont-retardees">30 ans</a>.</p>
<p>La fécondité avait en effet baissé dans les années 1980 et le début des années 1990 jusqu’à un niveau de 1,68 enfant en 1993 et 1994, comme en 2023. Cette baisse avait alors été expliquée par la crise qui a suivi la <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/population-et-societes/2010-fecondite-insensible-crise-economique/">chute de l’empire soviétique</a>.</p>
<p>Elle avait ensuite augmenté continûment pendant toute la deuxième moitié des années 1990 et les années 2000 pour atteindre 2,03 enfants en 2010. L’hypothèse d’une fécondité stable à son niveau actuel de 1,68 enfant par femme représente donc un compromis entre deux tendances possibles, à la baisse ou à la hausse.</p>
<p>Pour le solde migratoire annuel, nous retenons un niveau stable de 180 000 par an, le niveau de 2023, au lieu de 70 000 dans le scénario central de l’Insee de 2021. Concernant la mortalité, nous reprenons l’hypothèse de hausse de l’espérance de vie du scénario central sans la changer.</p>
<h2>Avec les conditions de 2023, le solde naturel devient négatif à partir de 2030…</h2>
<p>Le scénario 2023 conduit à une baisse du nombre de naissances et une hausse de celui des décès, les deux courbes se croisant en 2030 et le solde naturel devenant négatif. Le déficit s’accroît ensuite et le solde atteint -166 000 vers 2060 (figure 2).</p>
<p>La hausse du nombre de décès n’est pas liée à une augmentation de la mortalité, au contraire, celle-ci diminue à tous les âges dans le scénario. Elle vient de l’arrivée aux âges élevés des générations nombreuses du baby-boom qui vont alimenter les décès au fur et à mesure de leur <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/population-et-societes/nombre-deces-augmenter-france-prochaines-annees">extinction</a>. Par rapport au scénario central de 2021, le nombre de décès est un peu plus élevé, les migrants (et donc leurs décès) étant plus nombreux ; le nombre de naissances est un peu plus faible, les naissances supplémentaires de migrants compensant en partie une fécondité plus basse. Le solde naturel est au total assez peu modifié.</p>
<p><iframe id="VYzKl" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/VYzKl/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>… mais la population augmente de façon continue</h2>
<p>Le scénario 2023 conduit à une hausse ininterrompue de la population jusqu’à 72,1 millions en 2070 (figure 1). En 2021, l’Insee, en plus de son scénario central, a proposé différents scénarios alternatifs. Notre scénario 2023 aboutit à une population totale dont la progression est très proche de celles dans deux de ces scénarios alternatifs, appelés « fécondité haute » (2,0 enfants par femme, solde migratoire de 70 000) et « migrations hautes » (1,8 enfant par femme, solde migratoire de 120 000), conduisant tous les deux à 72,2 millions d’habitants en 2070, contre 68,1 dans le scénario central.</p>
<p>Avec le scénario 2023, le nombre de naissances à l’horizon 2070 est pratiquement le même que dans le scénario central (650 000 contre 660 000), et l’évolution des décès est très proche.</p>
<p>La population totale est plus importante en 2070, le surplus s’étalant entre 15 et 85 ans. La population vieillit dans les deux scénarios de manière similaire.</p>
<p><iframe id="52y8Q" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/52y8Q/6/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le futur n’est pas écrit et des évolutions s’écartant du scénario 2023 présenté ici sont évidemment probables.</p>
<p>On peut envisager une poursuite de la baisse de la fécondité, une hausse du solde migratoire, de nouvelles crises de mortalité. Cette projection a cependant l’intérêt de montrer que la situation actuelle, si elle se prolonge sans changement pour la fécondité ni pour le solde migratoire, les progrès contre la mort se poursuivant, ne conduit pas à une diminution de la population. La population en 2070 serait plus importante dans ce scénario que dans le scénario central de l’Insee de 2021 : le solde migratoire plus important fait plus que compenser la fécondité plus basse.</p>
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<p><em>Les auteurs ont reçu un soutien de l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222790/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Toulemon a reçu des financements de France 2030, de l'Agence nationale pour la recherche, de la Caisse nationale des allocations familiales et de l'Union européenne pour la réalisation d'une enquête sur les relations familiales et intergénérationnelles, dans le cadre du projet européen Generations and Gender Programme et de l’infrastructure de recherche Observatoire français des parcours de vie (LifeObs). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Gilles Pison a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche française et des National Institutes of Health américains</span></em></p>La baisse du nombre de naissances en 2023 annonce-t-elle une diminution de la population ? Une projection à l’horizon 2070 montre qu’elle continuerait d’augmenter dans les conditions actuelles.Laurent Toulemon, Directeur de recherches, Institut National d'Études Démographiques (INED)Gilles Pison, Anthropologue et démographe, professeur émérite au Muséum national d’histoire naturelle et conseiller de la direction de l'INED, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2138172023-10-19T13:21:38Z2023-10-19T13:21:38ZChangements climatiques, pandémie : les scientifiques devraient pouvoir informer le public librement<p><a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/09/06/l-ete-2023-le-plus-chaud-jamais-mesure-marque-par-une-litanie-impressionnante-d-evenements-climatiques-extremes_6188157_3244.html">Les évènements climatiques récents</a> et la pandémie ont mis en lumière le besoin de mettre en œuvre des politiques préventives et d’adaptation. Comment s’y prendre ? Notamment, en s’appuyant sur les preuves scientifiques disponibles. L’annonce par Québec le 11 septembre dernier de la création d’un comité d’experts sur l’adaptation aux changements climatiques <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2009380/adaptation-changements-climatiques-comite-experts?depuisRecherche=true">s’inscrit dans un tel objectif</a>.</p>
<p>Toutefois, plusieurs obstacles empêchent une meilleure contribution des scientifiques à la formulation de ces politiques. S’il va de soi que la science se doit d’informer l’assentiment populaire sans toutefois le remplacer, celle-ci devrait toutefois disposer d’une place de choix dans le débat politique. Pourtant, la science est souvent subordonnée à la parole politique, voire instrumentalisée. <a href="https://theconversation.com/decrochage-de-la-population-aux-mesures-sanitaires-une-sante-publique-plus-autonome-est-necessaire-176629">La pandémie</a>, les <a href="https://theconversation.com/climat-comment-lindustrie-petroliere-veut-nous-faire-porter-le-chapeau-213142">changements climatiques</a>, ou les <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2009928/environnement-doug-ford-rapport-chaleur-feux?depuisRecherche=true">récents déboires du gouvernement Ford en Ontario le démontrent</a>.</p>
<p>L’absence d’institutions scientifiques publiques autonomes en est l’une des raisons principales. En effet, le modèle démocratique de contrôle de l’administration implique dans la pratique que les organisations scientifiques publiques agissent sous le contrôle des représentants élus. Concrètement, cela signifie que des institutions comme l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) ne peuvent pas librement communiquer leurs recommandations au public, et donc participer pleinement au débat politique.</p>
<p>Doctorants en science politique, nos recherches portent sur l’utilisation de la science dans les politiques publiques. Dans cet article, nous apportons un éclairage sur les conséquences découlant de l’absence d’autonomie de la part des institutions scientifiques publiques, tant au Québec qu’aux États-Unis. Nous argumentons en conséquence pour la mise en place de procédures simples qui pourraient y remédier.</p>
<h2>L’influence de l’organisation du conseil scientifique sur les choix politiques</h2>
<p>Dans un premier temps, nos recherches sur la pandémie démontrent que l’organisation du conseil scientifique – c’est-à-dire la sélection des experts, leurs disciplines, et leur niveau de transparence et d’autonomie – a des implications concrètes sur la formulation des politiques publiques. En effet, une discipline scientifique dispose d’une vision encadrée par les méthodes, et les valeurs, de cette discipline. Et il en va de même pour les scientifiques. </p>
<p>Par exemple, durant la pandémie, le conseil scientifique suédois a été organisé autour de l’agence de santé publique, laquelle disposait d’une forte autonomie dans la formulation des politiques sanitaires. Or, le chef épidémiologiste de l’agence, A. Tegnell, avait lui-même participé à des publications, plusieurs années auparavant, dans lesquelles il <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/19628172/">reconnaissait les incertitudes entourant des mesures sévères comme la fermeture des écoles dans un contexte de pandémie</a>.</p>
<p>L’approche d’A. Tegnell consistait à trouver un équilibre, en termes de santé publique, entre les effets délétères de politiques extrêmes, et ceux du virus sur la population ; ce qui a impliqué des mesures moins sévères qu’ailleurs dans le monde. <a href="https://www.cirst.uqam.ca/nouvelles/2021/ecouter-la-science-dans-la-conception-des-politiques-publiques-de-lutte-contre-la-Covid-19-le-cas-de-la-fermeture-des-ecoles-au-quebec-et-en-suede/">Pour Tegnell, davantage de preuves scientifiques étaient nécessaires pour justifier une telle sévérité</a>. On voit ici que l’organisation du conseil scientifique autour de Tegnell, et l’autonomie dont jouissait son agence, n’a pas été sans conséquence sur le choix politique. </p>
<p>Or, la création d’un groupe d’experts au Québec sur les changements climatiques pourrait avoir des implications similaires. D’une part, qui seront ces scientifiques ? On parle des « meilleurs experts reconnus en la matière », alors que <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2009380/adaptation-changements-climatiques-comite-experts?depuisRecherche=true">l’identité de ces derniers n’est pas encore connue</a>. Et d’autre part, quel niveau d’autonomie caractérisera ce groupe ? Pourra-t-il communiquer librement au grand public ? Ces points méritent d’être éclaircis.</p>
<p>Dans les faits, le secret politique pèse lourd. L’Ontario a par exemple été récemment accusé d’avoir passé sous silence un rapport scientifique sur les <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2009928/environnement-doug-ford-rapport-chaleur-feux?depuisRecherche=true">conséquences des changements climatiques</a>. Durant la pandémie, les recommandations de la Santé publique du Québec ont manqué de transparence, et ont <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1851196/msss-revue-editeur-predateur-publication-scientifique">parfois difficilement justifié certaines mesures comme le couvre-feu</a>. Ceci implique de repenser nos institutions. </p>
<h2>L’utilisation de la science au service des intérêts privés</h2>
<p>Du côté des États-Unis, nos recherches soulignent l’impact des intérêts économiques sur les politiques d’adaptation. En Louisiane, un état républicain et conservateur, les dirigeants politiques au Sénat et à la Chambre des représentants se gardent de reconnaître l’existence des changements climatiques et leur impact sur l’immense perte de territoire et l’intensification des phénomènes climatiques extrêmes (inondations, sécheresses, incendies de forêt). </p>
<p>Les politiques actuelles visent plutôt à rétablir les processus naturels de sédimentation pour ralentir l’érosion des côtes de <a href="https://climatoscope.ca/article/reconstruire-ou-partir-les-defis-de-ladaptation-en-louisiane/">manière à préserver leur capacité à soutenir la production de pétrole et de gaz</a>. La légitimation de cette stratégie d’adaptation – la <a href="https://revuelespritlibre.org/le-controle-de-leau-en-louisiane-entre-repere-identitaire-et-menace-existentielle">restauration</a> – se fait par l’utilisation d’un discours scientifique et technique axé exclusivement sur les processus naturels du delta. Par ce biais, on ignore la science climatique et ses causes, en particulier le rôle des énergies fossiles dans l’accélération des dérèglements environnementaux et climatiques. </p>
<p>Cette sélectivité scientifique empêche l’évocation <a href="https://www.wwno.org/coastal-desk/2022-03-03/climate-change-could-prove-more-deadly-in-louisiana-without-immediate-action-report-says">d’autres options</a> d’adaptation, comme la relocalisation des populations côtières ou l’atténuation des changements climatiques. La compréhension du public quant aux effets à long terme des changements climatiques se voit ainsi brimée. </p>
<h2>Un déni partisan</h2>
<p>En argumentant que « la science » est de leur côté, même si elle ignore celle des changements climatiques, les décideurs empêchent le questionnement de leurs politiques. « La science montre que c’est la seule manière de nous sauver », proclame régulièrement le président de l’agence environnementale louisianaise. </p>
<p>Cette agence utilise un discours scientifique biaisé de manière à obtenir le soutien des républicains climatosceptiques au Sénat et à la Chambre des représentants. En évitant de contester l’influence des énergies fossiles dans le problème climatique, l’objectif est de dépolitiser l’adaptation et de la soustraire du débat public en brandissant le caractère rationnel de leurs politiques. </p>
<p>La recherche montre que le déni du changement climatique aux États-Unis <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1111/j.1533-8525.2011.01198.x">est fortement partisan</a> et qu’il s’appuie sur une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/09644016.2016.1189233">« chambre d’écho » antiréflexive</a> d’outils politico-culturels conservateurs et néolibéraux. L’anti-réflexivité est <a href="https://doi.org/10.1177/0263276409356001">définie par les chercheurs Aaron McCright et Riley Dunlap</a> comme un contre-mouvement des républicains et conservateurs américains visant à préserver le système capitaliste productiviste de sa remise en question par la science climatique et les mouvements environnementaux.</p>
<p>Ces discours scientifiques antiréflexifs entretiennent l’ambiguïté sur la science climatique et sur l’impact de la production des énergies fossiles. Pire encore, ils encouragent l’ignorance et l’inaction et provoquent une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/03623319.2020.1848294">« adaptation agnostique »</a>, à savoir une adaptation dénuée de toute croyance dans les changements climatiques. </p>
<h2>Pour la création d’institutions scientifiques publiques autonomes</h2>
<p>Le public devrait pouvoir être librement informé par les scientifiques.</p>
<p>Or, l’inexistence dans le paysage politique d’institutions scientifiques publiques autonomes l’en empêche, et non sans conséquences. Durant la pandémie, elle a eu un <a href="https://theconversation.com/decrochage-de-la-population-aux-mesures-sanitaires-une-sante-publique-plus-autonome-est-necessaire-176629">effet négatif sur l’adhésion de la population, qui a commencé à questionner la légitimité des experts</a>. Dans le cas des changements climatiques, l’instrumentalisation du discours scientifique restreint le débat public, et dépolitise les enjeux climatiques au profit de la satisfaction d’intérêts privés. </p>
<p>Nous proposons donc d’étendre l’autonomie d’institutions scientifiques publiques comme l’INSPQ. D’une part, en instaurant la possibilité de communiquer librement leurs recommandations au public, en dehors de toute tutelle. Et d’autre part, en permettant la formulation de demandes citoyennes de rapports ou de recommandations scientifiques de la part du public sous la forme de pétitions. </p>
<p>Ceci permettrait d’ajouter une « troisième voix » au débat politique, qui informerait le débat en permettant au public de faire un choix libre et éclairé. Mais cela permettrait également d’apporter un discours alternatif au discours partisan et à la polarisation, sans pour autant le remplacer. </p>
<p>Des auteurs comme Zynep Pamuk proposent également la création de <a href="https://press.princeton.edu/books/hardcover/9780691218939/politics-and-expertise">« tribunaux scientifiques » composés d’experts et de citoyens</a>. Ces tribunaux saisis par initiative citoyenne statueraient sur des problèmes publics mobilisant des connaissances scientifiques, comme la pandémie ou les changements climatiques. Suivant le modèle judiciaire, un jury composé de citoyens voterait sur une proposition de politiques publiques – par exemple, devrions-nous interdire la voiture à essence en ville ? – au terme d’une procédure contradictoire impliquant des vues opposées d’experts dans le domaine. </p>
<p>Si ces solutions ne sont pas à écarter, bâtir sur des institutions préexistantes et leurs solides expertises en leur offrant une place plus importante dans le débat apparaît une solution réalisable à court terme, et qui étendrait à la science le principe démocratique. </p>
<p>Une solution qui tirerait les leçons des crises récentes, dont la pandémie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213817/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Lemor a reçu un financement du Fond de recherche du Québec société et culture (FRQSC) dans le cadre de sa thèse de doctorat.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sarah Munoz ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il n’existe pas d’institution scientifique publique autonome dans le débat politique. Quelles en sont les conséquences, en contexte de pandémie et de changements climatiques ?Antoine Lemor, Candidat au doctorat en science politique et chargé de cours / Political science PhD candidate and lecturer, Université de MontréalSarah M. Munoz, Doctoral researcher in political science / Doctorante en science politique, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2140882023-10-12T17:29:42Z2023-10-12T17:29:42ZAustralie : un référendum historique pour donner aux Aborigènes une voix au Parlement<p>Samedi 14 octobre, les Australiens sont appelés aux urnes pour un référendum historique portant, selon son intitulé officiel, sur la <a href="https://www.aph.gov.au/Parliamentary_Business/Bills_Legislation/bd/bd2223a/23bd080">Voix des peuples aborigènes et des îles du détroit de Torres</a> et communément appelé <a href="https://www.sbs.com.au/language/french/fr/podcast-episode/voice-referendum-what-is-it-and-why-is-australia-having-one/ez1vzoo1b">« La Voix au Parlement »</a> (<em>Voice to Parliament</em>).</p>
<p>Le référendum propose de mettre en place un comité consultatif qui émanerait des peuples aborigènes australiens (il y en a des centaines) et de ceux des îles du détroit de Torres qui se situent entre l’Australie et la Nouvelle-Guinée. <a href="https://voice.gov.au/">Ce comité</a>, qui serait inscrit dans la Constitution australienne, pourrait donner son avis sur tout projet de loi concernant ces peuples, <a href="https://catalogue.nla.gov.au/catalog/682375">régulièrement opprimés</a> depuis le début de la colonisation britannique en 1788 et qui représentent aujourd’hui environ 3 % des 26 millions d’Australiens.</p>
<p>En clair, il s’agirait de mettre en œuvre un mécanisme de consultation direct des Aborigènes auprès du Parlement australien (qui est élu par tous les Australiens, y compris les Aborigènes) pour reconnaître les défis spécifiques aux populations aborigènes afin d’essayer d’y apporter des solutions qui proviendraient de ces dernières, plutôt que des décisions prises à leur place.</p>
<h2>Un référendum à l’issue très incertaine</h2>
<p>Les Australiens, pour lesquels le vote est obligatoire, doivent voter « oui » ou « non » concernant l’ajout de la section suivante à la Constitution du pays : </p>
<blockquote>
<p>« Chapitre IX portant reconnaissance des peuples aborigènes et des îles du détroit de Torres.</p>
<p>Section 129 : La voix aborigène et des îles du détroit de Torres.</p>
<p>En reconnaissance des peuples aborigènes et des îles du détroit de Torres en tant que peuples premiers de l’Australie :</p>
<p>I. Il sera établi un organisme qui sera appelé La voix aborigène et des îles du détroit de Torres.</p>
<p>II. La voix aborigène et des îles du détroit de Torres pourra chercher à faire des représentations auprès du Parlement et du Gouvernement fédéral sur des sujets ayant trait aux peuples aborigènes et des îles du détroit de Torres.</p>
<p>III. Le Parlement aura, au regard de cette constitution, le pouvoir de légiférer en ce qui concerne les questions ayant trait à la voix aborigène et des îles du détroit de Torres, telles que sa composition, ses fonctions, ses pouvoirs et ses procédures. »</p>
</blockquote>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/AaeOWs1UmnE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Une victoire du « non » constituerait indéniablement un retour en arrière pour la cause aborigène. La campagne des tenants du « non » est d’ailleurs marquée par des <a href="https://www.bbc.com/news/world-australia-66470376">relents de racisme</a> d’un autre temps. Contrairement à l’élan de fraternité auquel s’attendait le gouvernement travailliste d’Anthony Albanese élu en mai 2022, des <a href="https://www.theguardian.com/news/datablog/2023/sep/14/indigenous-voice-to-parliament-no-campaign-leading-in-every-state-poll-analysis-shows">sondages</a> toujours plus nombreux indiquent que le « non » pourrait l’emporter.</p>
<p>De fait, la <a href="https://www.sbs.com.au/language/french/fr/podcast-episode/lhistoire-cachee-des-referendums/nq3osxpjv">grande majorité des référendums</a> organisés dans l’histoire australienne se sont soldés par un échec. Le « non » l’a emporté 36 fois et le « oui » seulement à 8 reprises depuis le premier référendum de 1906.</p>
<p><em>[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</em></p>
<p>Cela s’explique en partie par le fait que pour qu’un référendum soit approuvé en Australie la majorité des votants en faveur de ce dernier est requise dans la majorité des États (il y en a six). Le but poursuivi vise à éviter que les deux États les plus peuplés et urbanisés (la Nouvelle-Galles du Sud et le Victoria) imposent leur volonté aux autres États de la fédération australienne.</p>
<h2>Rappel historique sur la condition aborigène de la colonisation à nos jours</h2>
<p>À la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle, les grands empires connaissent une expansion coloniale majeure. Cette vague atteint alors l’Australie, qui se voit progressivement découpée en une série de colonies britanniques. Celles-ci se <a href="https://peo.gov.au/understand-our-parliament/history-of-parliament/federation/the-federation-of-australia/">fédèrent en 1901</a> pour prendre la forme politique australienne actuelle. Dès l’arrivée des premiers colons sur l’île, la doctrine et fiction légale de la <a href="https://www.ruleoflaw.org.au/education/australian-colonies/terra-nullius/"><em>terra nullius</em></a> est proclamée : cette terre n’appartient à personne, elle peut donc être saisie par la Couronne pour être vendue aux colons.</p>
<p>Les navigateurs et explorateurs britanniques savaient pourtant pertinemment que cette terre était habitée. Dès leur arrivée, commence une compétition à <a href="https://www.sbs.com.au/ondemand/tv-series/the-australian-wars">armes inégales</a> qui verra les Aborigènes décimés par les <a href="https://openresearch-repository.anu.edu.au/bitstream/1885/7529/2/01Front_Dowling.pdf">maladies apportées par les colons</a> (en Tasmanie tout particulièrement), et <a href="https://c21ch.newcastle.edu.au/colonialmassacres/map.php">massacrés</a> jusque dans la première moitié du XX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>En parallèle, des <a href="https://www.abc.net.au/education/the-australian-dream-history-and-truths/13591122">politiques paternalistes</a> visant à « <a href="https://humanrights.gov.au/our-work/bringing-them-home-appendix-6">protéger</a> » et à « civiliser » les Aborigènes sont mises en place par certains des États composant l’Australie. C’est le temps du darwinisme social et de la hiérarchie des races. Les enfants issus d’unions (pourtant juridiquement interdites) entre colons blancs et personnes aborigènes sont enlevés à leur famille pour être élevés à l’occidentale. Cette politique des <a href="https://australian.museum/learn/first-nations/stolen-generation/">« générations volées »</a> ne prend fin que dans les années 1970.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/550960/original/file-20230928-17-luj1p0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/550960/original/file-20230928-17-luj1p0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550960/original/file-20230928-17-luj1p0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550960/original/file-20230928-17-luj1p0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550960/original/file-20230928-17-luj1p0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550960/original/file-20230928-17-luj1p0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550960/original/file-20230928-17-luj1p0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550960/original/file-20230928-17-luj1p0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Photo datant de 1947, présentant trois générations d’Australiens, avec dans la légende d’origine la précision de leur proportion de sang aborigène, australien ou autre.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://artandcolonialmedicine.com/three-generations/">A. O. Neville/Museum Victoria</a></span>
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<p>Contrairement aux Maoris de Nouvelle-Zélande, nombreux, concentrés géographiquement et qui réussissent dès 1840 à obtenir un traité – le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Trait%C3%A9_de_Waitangi">Traité de Waitangi</a> –, les peuples autochtones d’Australie sont longtemps niés dans leur existence même. Ainsi, ils sont <a href="https://digital-classroom.nma.gov.au/defining-moments/first-nations-peoples-counted-census">formellement exclus</a> du recensement général de la population jusqu’en 1967. Malgré ces vexations et oppressions, les Aborigènes résistent à l’invasion depuis le début de la colonisation.</p>
<h2>Pourquoi un tel référendum n’arrive-t-il qu’en 2023 ?</h2>
<p>Le XX<sup>e</sup> siècle fut un siècle de <a href="https://adb.anu.edu.au/the-quest-for-indigenous-recognition">contestation politique</a> pour les Aborigènes, qui manifestent déjà lors du 150<sup>e</sup> anniversaire de la colonisation en 1938. Lors du mouvement des droits civiques qui abolit la ségrégation raciale aux États-Unis dans les années 1960, les communautés aborigènes sont en ébullition et arrachent des droits aux divers États d’Australie, puis à <a href="https://aiatsis.gov.au/explore/1967-referendum">l’État fédéral</a>.</p>
<p>Des <a href="https://www.portrait.gov.au/magazines/24/a-handful-of-sand">grèves dans les fermes</a> sont organisées, des <a href="https://aiatsis.gov.au/explore/barunga-statement">pétitions</a> adressées au Parlement et en 1988, lors du bicentenaire de la colonisation, le premier ministre Bob Hawke promet même enfin un <a href="https://www.smh.com.au/national/nsw/the-aboriginal-rights-treaty-that-never-came-cabinet-papers-19881989-20141218-129yhm.html">traité</a> entre descendants des colons et Aborigènes, un projet resté lettre morte.</p>
<p>Les années 1990 sont la décennie de la réconciliation et en 1992, c’est l’euphorie : la Cour suprême annule la doctrine <em>terra nullius</em> et reconnaît par la <a href="https://aiatsis.gov.au/explore/mabo-case">décision Mabo</a> que les Aborigènes et les peuples des îles du détroit de Torres pourraient se prévaloir de droits ancestraux sur leurs terres, du moins celles restées inoccupées.</p>
<p>Panique à droite de l’échiquier politique : les cabinets Howard successifs de 1996 à 2007 reviennent progressivement sur de nombreuses avancées, rendant la rétrocession des terres fédérales et publiques aux Aborigènes <a href="http://nationalunitygovernment.org/content/john-howard-recognised-continuing-aboriginal-sovereignty-his-ten-point-plan-limiting-native">extrêmement compliquée</a>.</p>
<p>En 2004, le gouvernement Howard <a href="https://www.theage.com.au/national/howard-puts-atsic-to-death-20040416-gdxoqw.html">démantèle même l’ATSIC</a>, la Commission des peuples aborigènes et des îles du détroit de Torres, commission officielle établie par le gouvernement australien en 1989 qui travaillait à l’amélioration des conditions de vie pour les Aborigènes aux quatre coins du pays.</p>
<p>Le début des années 2000 marque un coup d’arrêt pour les mouvements aborigènes qui dénoncent inlassablement la colonisation et ses <a href="https://www.aihw.gov.au/reports/australias-welfare/australias-welfare-2017-in-brief/contents/indigenous-australians">inégalités qui perdurent</a>, les condamnant à vivre comme des citoyens de seconde zone avec une espérance de vie bien inférieure à celle des autres Australiens, tout en cumulant des taux de chômage, d’incarcération, d’alcoolisme, de violence et de racisme subi considérablement supérieurs à ces derniers.</p>
<p>Après ces années difficiles, des leaders aborigènes se réunissent sur l’emblématique site d’Uluru pour s’accorder sur une nouvelle pétition, qui est proposée en 2017. Cette dernière, appelée la Déclaration du cœur (<a href="https://voice.gov.au/about-voice/uluru-statement"><em>Uluru Statement from the Heart</em></a>), trace des grandes lignes pour l’Australie future. Elle comporte un traité avec les peuples aborigènes, la reconnaissance de vérités historiques pourtant toujours niées (tels que les nombreux massacres organisés qui ont égrené les 150 premières années d’occupation), une réelle réconciliation et des changements constitutionnels qui protégeraient définitivement (ou presque, car une Constitution est difficile à modifier) la voix des Aborigènes par le biais d’une institution à part entière.</p>
<p>C’est sur cette dernière proposition que les Australiens sont appelés à se prononcer par référendum samedi 14 octobre. Le but est d’éviter qu’une institution soit créée puis démantelée – comme l’ATSIC le fut en son temps – par un gouvernement qui n’en aimerait pas les positions. Une nouvelle commission consultative permanente entérinée par la Constitution serait inscrite dans la longue durée des institutions australiennes, ce qui permettrait aux Aborigènes une plus grande souveraineté et autonomie vis-à-vis de décisions qui les affectent directement.</p>
<h2>Les arguments des deux camps</h2>
<p>Le camp du « oui » est dirigé par le premier ministre travailliste Anthony Albanese, en poste depuis mai 2022 et dont ce référendum est une <a href="https://www.smh.com.au/politics/federal/first-nations-people-s-act-of-grace-deserves-an-indigenous-voice-albanese-20220518-p5amew.html">promesse de campagne</a>. Il s’agit de reconnaître les Aborigènes et les peuples des îles du détroit de Torres comme peuples premiers, présents pour certains depuis plus de 60 000 ans (oui, vous avez bien lu ce nombre), et de les munir d’un organisme représentatif pour participer à la vie politique du pays au-delà des institutions qui existent déjà et qui, depuis plus de 200 ans, n’ont pas fonctionné en leur faveur. Albanese est épaulé par de grandes figures des mouvements pour les droits des Aborigènes telles que <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Pat_Turner_(Aboriginal_activist)">Pat Turner</a>, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Noel_Pearson">Noel Pearson</a>, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Marcia_Langton">Marcia Langton</a>, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Jackie_Huggins">Jackie Huggins</a> ou encore <a href="https://treatynt.com.au/about-us">Tony McAvoy</a>.</p>
<p>Ils sont soutenus par des Australiens d’horizons différents et même par des représentants <a href="https://www.smh.com.au/politics/federal/it-s-okay-to-vote-yes-meet-the-liberals-campaigning-for-the-voice-20230603-p5ddn4.html">d’autres partis</a> politiques, tant à gauche qu’à droite. Le camp du « oui » transcende les lignes partisanes, mais, nous l’avons dit, il n’est pas pour autant certain de remporter la victoire.</p>
<p>Fin 2022, le « oui » était donné très largement vainqueur mais le vent a depuis tourné à mesure que les partisans du « non » se sont mobilisés, profitant d’une crise aiguë du logement et d’une inflation importante qui a attisé le mécontentement des Australiens au cours de ces derniers six mois.</p>
<p>Le leader du camp du « non », <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Peter_Dutton">Peter Dutton</a>, également leader de l’opposition au Parlement et chef du Parti libéral (la droite australienne), tente de se refaire une santé politique après la défaite monumentale de son parti aux élections générales de 2022. Depuis, Dutton a connu une traversée du désert et voit dans le référendum une occasion de sortir de ce marasme en <a href="https://www.smh.com.au/politics/federal/dutton-s-opposition-to-the-voice-casts-him-as-the-mansplaining-whitefella-20230411-p5czmh.html">fédérant le camp du « non »</a> : la droite conservatrice, l’extrême droite et les partis représentant les agriculteurs et le bush australien.</p>
<p>Ces derniers affirment que la Voix au Parlement divisera le pays, qu’on ne connaît pas le périmètre de ses prérogatives et qu’elle conférerait un statut spécial aux Aborigènes. Leur slogan <a href="https://www.unitedaustraliaparty.org.au/if-you-dont-know-vote-no/">« If you don’t know, vote no »</a> (si vous ne savez pas, votez contre) et leur stratégie médiatique ont pour but d’instiller la <a href="https://www.smh.com.au/politics/federal/no-campaign-s-fear-doubt-strategy-revealed-20230910-p5e3fu.html">peur et le doute</a> auprès d’Australiens qui, depuis la colonisation, s’inquiètent que leurs jardins de banlieue proprets ne leur soient <a href="https://www.rmit.edu.au/news/factlab-meta/voice-referendum-will-not-end-private-land-ownership">repris</a>. Ce camp peut s’appuyer sur le puissant groupe <em>News Corp Australia</em> de Rupert Murdoch qui contrôle la presse australienne et est <a href="https://www.sbs.com.au/news/article/cancer-on-our-democracy-kevin-rudd-calls-for-inquiry-into-murdoch-media-dominance/0b52bjo97">régulièrement dénoncé</a> pour son populisme et son interventionnisme dans la vie politique du pays.</p>
<p>Dans le camp du non, on trouve aussi des Aborigènes. Une minorité d’entre eux, telle que la <a href="https://www.sbs.com.au/nitv/article/lidia-thorpe-has-declared-her-opposition-to-the-voice-shes-calling-for-blak-sovereignty-instead/8re90yy67">sénatrice Lidia Thorpe</a>, considèrent que la Voix au Parlement serait un hochet <a href="https://www.theguardian.com/australia-news/2023/aug/16/lidia-thorpe-calls-for-referendum-called-off-indigenous-voice-to-parliament-no-campaign">sans pouvoir décisionnaire</a> qui acterait en réalité la légitimité des <a href="https://www.sbs.com.au/nitv/article/genocide-and-invasion-lidia-thorpe-says-voice-will-be-powerless-to-change-ongoing-disadvantage/3j7upimxo">institutions coloniales</a>. Et comme elle serait un comité consultatif, ses recommandations pourront parfaitement être ignorées par le gouvernement en place. Ces opposants perçoivent donc la Voix au Parlement comme une menace qui viendrait contrecarrer d’autres revendications plus radicales.</p>
<p>Alors que les sondages successifs se contredisent, qu’une certaine confusion semble régner et que d’aucuns reprochent au gouvernement de ne pas avoir été assez pédagogue pour expliquer son projet référendaire, l’issue du vote semble plus que jamais incertaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214088/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Romain Fathi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Longtemps méprisés et opprimés sur leurs terres ancestrales, les Aborigènes vont peut-être obtenir au Parlement australien une instance expressément consacrée à l’amélioration de leur sort.Romain Fathi, Senior Lecturer, History, Flinders UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1528862021-01-28T18:07:20Z2021-01-28T18:07:20ZLa lutte contre le trafic de drogue nuit-elle aux politiques de développement ?<p>Depuis la ratification de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, le régime mondial de contrôle des drogues a tenté de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0955395911001575?via%3Dihub">changer le comportement humain</a> et de <a href="https://digitallibrary.un.org/record/258955?ln=en">prévenir la consommation de drogues</a> par la punition, afin d’atteindre un « monde sans drogues ».</p>
<p>Cette ambition clé, basée sur la simple prédiction que la prohibition assécherait éventuellement la demande des drogues illégales, a été réaffirmée par la communauté internationale depuis trente ans à travers des <a href="https://www.unodc.org/documents/commissions/CND/Political_Declaration/Political_Declaration_1990/1990_Political_Declaration_and_Programme_of_Action.pdf">déclarations politiques</a> aux Nations unies.</p>
<p>Pourtant, la demande, l’offre et le trafic des drogues illégales <a href="https://wdr.unodc.org/wdr2020/en/exsum.html">augmentent chaque année</a> et de manière ininterrompue dans le même laps de temps. De plus, le paradigme de la prohibition, qui base la quasi-totalité des interventions publiques sur la répression, a créé des <a href="https://www.unodc.org/documents/wdr/WDR_2008/WDR08_French_web.pdf">conséquences négatives majeures</a> qui remettent en cause l’accomplissement d’autres objectifs globaux de développement.</p>
<h2>Contrôle des drogues et conséquences « surprises »</h2>
<p>Ce sont ces conséquences, reconnues par les Nations unies en 2008 comme conséquences « inattendues » du régime du contrôle des drogues, qui semblent montrer que le régime de contrôle (somme toute construit sur de bonnes intentions mais mis en place par la répression) met à mal la réalisation des <a href="https://www.globalcommissionondrugs.org/wp-content/uploads/2020/06/2018SDG_FRA_web.pdf">objectifs du développement durable et l’Agenda de 2030</a>.</p>
<p>Elles incluent les dommages causés par la prohibition : déplacement budgétaire et politique dans les priorités nationales (du secteur de la santé vers celui de la justice, par exemple) ; déplacement géographique de la production et de la violence sans qu’elles soient réduites pour autant (effet ballon gonflable) ; et un marché illégal de plus de 500 milliards de dollars dans les mains d’intérêts illégaux.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1268437379838345224"}"></div></p>
<p>Autres conséquences dont la source est corrélée au <a href="http://fileserver.idpc.net/library/Executive_Summary_FR.pdf">contrôle répressif des drogues</a> : l’augmentation de la violence et de l’insécurité du fait de l’affrontement entre forces de l’ordre et trafiquants dans des quartiers souvent défavorisés ; la surincarcération et la surpopulation carcérale pour des délits mineurs ; l’enrichissement de groupes criminels ; ou encore la transmission de maladies infectieuses.</p>
<p>Voici deux problèmes liés que le régime international – en termes de droit international – pose aux politiques et aux objectifs de développement : alors que les conventions internationales sur les drogues sont construites autour de la notion que la <a href="https://www.unodc.org/documents/commissions/CND/Int_Drug_Control_Conventions/Ebook/The_International_Drug_Control_Conventions_F.pdf">dépendance est un fléau</a> (un terme exclusif aux conventions sur les drogues dans l’arsenal normatif international), le système international n’arrive pas à y intégrer la définition même du <a href="https://www.who.int/substance_abuse/terminology/ICD10ClinicalDiagnosis.pdf">syndrome de la dépendance par l’OMS</a>, qui inclut un désir incontrôlable de consommation ; un risque réaliste de rechute ; et des symptômes physiques et psychologiques de sevrage. Cette situation s’aggrave même lorsqu’est pris en compte le manque d’évaluation scientifique dans la <a href="http://www.globalcommissionondrugs.org/wp-content/uploads/2019/06/2019Report_EN_web.pdf">classification de ces substances</a>, entre ce qui est légal ou pas, dangereux ou moins.</p>
<h2>Les objectifs de développement durable mis à mal</h2>
<p>Sur la base de ces conclusions, le <a href="https://journals.openedition.org/poldev/3408">récent numéro spécial de <em>International Development Policy</em></a> consacré aux politiques de développement et de contrôle des drogues tente de répondre à une question simple : ces politiques se renforcent-elles mutuellement ou sont-elles contradictoires ? Il examine un large spectre de problématiques liées au développement, afin d’identifier les impacts réels du contrôle des drogues, et d’analyser à quel point les barrières au développement durable sont endogènes ou exogènes au contrôle des drogues.</p>
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<figcaption><span class="caption">Éradication de la coca : l’ONU débloque des aides financières.</span></figcaption>
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<p>L’exploration des interactions entre le développement et le contrôle des drogues commence par les <a href="https://journals.openedition.org/poldev/4152">programmes</a> de « développement alternatif », qui sont vus principalement du point de vue agricole ou répressif, sans prise en compte des autres problématiques socio-économiques induites par ces programmes d’éradication ou de substitution des cultures agricoles, et spécifiquement dans les communautés rurales des pays producteurs. L’<a href="https://journals.openedition.org/poldev/4167">Afghanistan</a> sert de miroir de l’incapacité de ces programmes à tenir compte des besoins des populations locales, ou de leur offrir des perspectives de long terme. Toutefois les <a href="https://journals.openedition.org/poldev/3711">agences gouvernementales</a> adoptent une autre position, tout en reconnaissant les lacunes du développement alternatif.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1276425716452651015"}"></div></p>
<p>Ces interactions concernent également des dimensions du développement qui subissent elles-mêmes des changements profonds actuellement : le climat, l’égalité des genres, les droits de l’enfant ou la santé publique. En effet, comment concilier la protection des enfants et un contrôle des drogues moins répressif ? Pourquoi les femmes subissent-elles bien plus les impacts négatifs de la répression que les hommes ? Est-ce lié aux structures patriarcales des systèmes de justice ? De la même manière, le numéro spécial aborde l’impact de la production illégale et intensive du cannabis sur le climat ; le débat autour du commerce équitable en cas de légalisation globale du cannabis afin de ne pas laisser les producteurs traditionnels sur le côté ; ou la difficulté de déploiement des services sanitaires nécessaires aux consommateurs de drogues, souvent sur des bases idéologiques.</p>
<h2>Politique et dilemmes sociétaux</h2>
<p>Ce numéro spécial apporte surtout une première lecture « politique » du désaccord entre développement et contrôle des drogues : à travers l’analyse des flux financiers illicites dans les <a href="https://journals.openedition.org/poldev/4243">zones de conflits</a> ; l’utilisation du contrôle des drogues afin d’influencer, par l’émotion politique, la compétition et la participation aux <a href="https://journals.openedition.org/poldev/3842">processus électoraux</a> ; ou la définition large des <a href="https://journals.openedition.org/poldev/4278">acteurs du contrôle des drogues</a> (par ailleurs tous acteurs du développement), des dimensions nouvelles sont ajoutées à la littérature existante. Ces discussions conceptuelles sont ancrées dans la théorie et dans l’empirique à travers différents exemples nationaux, de l’Afrique du Sud au Mexique, et du Maroc au Croissant d’Or (Afghanistan-Myanmar-Pakistan).</p>
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<figcaption><span class="caption">« Drogue : le Covid contre le trafic » (Arte).</span></figcaption>
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<p>Il semble ainsi certain que l’agenda de développement durable pourrait être mis en place pour la majorité des populations sans la réforme du régime de contrôle des drogues. Toutefois, ce développement laisserait de côté les personnes concernées par les drogues illégales (consommateurs, producteurs, chimistes, trafiquants, passeurs, etc.) ainsi que leurs communautés, qui sont statistiquement peu nombreuses pour influencer le résultat quantitatif de l’agenda de 2030.</p>
<p>La conclusion finale tirée de ce numéro spécial est la « vulnérabilisation » par la loi des personnes concernées par les drogues illégales, ces personnes perdant par leur implication dans le marché des drogues leur place dans le débat public et leur poids politique comme citoyens, et peuvent ainsi être négligées par les politiques de développement. Ceci s’entend dans le cadre de politiques de contrôle des drogues qui ne réduisent ni le trafic ni la consommation problématique, tout en ne permettant pas aux communautés concernées d’être plus résilientes ou plus intégrées dans la société.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152886/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Khalid Tinasti ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La lutte contre le trafic et la consommation de drogues dans le monde ne va pas sans conséquences néfastes pour les objectifs du développement durable de l’ONU.Khalid Tinasti, Chercheur invité au GSI, et secrétaire exécutif de la Global Commission on Drug Policy, Graduate Institute – Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1521162021-01-07T20:14:07Z2021-01-07T20:14:07ZÉlection présidentielle au Burkina Faso : les cartes et le territoire<p>Il ne faut pas confondre espace et territoire. Les géographes pourraient parler à l’infini des différences qui séparent ces deux concepts, mais on peut faire simple : un territoire est un morceau d’espace que l’homme contrôle, en l’ayant circonscrit et en ayant mis en place un maillage administratif qui permet à ses habitants de bénéficier des services de base en toute sécurité.</p>
<p>Ce mode de contrôle est généralement assuré par des structures de type étatique – on parle alors d’État – mais il arrive que celui-ci soit défaillant et abandonne ses prérogatives régaliennes (et autres) à des autorités illégales qui grignotent peu à peu le territoire et le transforment en « zones grises », caractérisées par une situation de non-droit.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/KRLctWbzANI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Zones grises : quand les États perdent le contrôle, interview du chercheur Gaïdz Minassian (IRIS).</span></figcaption>
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<p>La cartographie de ces « zones grises » recoupe celle de la <a href="https://www.nato-pa.int/download-file?filename=sites/default/files/2020-06/042%20GSM%2020%20F%20-%20DEVELOPPEMENT%20ET%20SECURITE%20AU%20SAHEL.pdf">crise sécuritaire au Sahel</a> : des groupes armés contrôlent une grande partie des territoires nationaux du <a href="https://www.france24.com/fr/afrique/20201222-mali-l-arm%C3%A9e-accus%C3%A9e-de-crimes-de-guerre-des-groupes-arm%C3%A9s-de-crimes-contre-l-humanit%C3%A9">Mali</a>, du <a href="https://www.voaafrique.com/a/niger-des-groupes-djihadistes-veulent-s-implanter-dans-l-ouest/4646403.html">Niger</a>, du <a href="https://www.ouest-france.fr/monde/burkina-faso/l-est-du-burkina-faso-retombe-sous-la-coupe-des-djihadistes-6854790">Burkina Faso</a> et, dans une moindre mesure, du <a href="https://www.rfi.fr/fr/podcasts/invit%C3%A9-afrique/20201123-en-afrique-l-%C3%A9tat-islamique-poss%C3%A8de-une-base-fiscale-qui-permet-de-tenir">Tchad</a> et du <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/05/18/les-groupes-djihadistes-etendent-leur-influence-dans-le-nord-ouest-du-nigeria_6040016_3212.html">Nigeria</a>. Mais si l’on souhaite représenter sur une carte les zones dont les États n’ont plus la maîtrise, on se heurte à une fin de non-recevoir de la part des gouvernements concernés. Quel ministre de l’Intérieur serait prêt à déclarer qu’une partie de son pays échappe à son autorité ?</p>
<h2>Le funambulisme diplomatique des zones à risques</h2>
<p>La diplomatie française est habilement parvenue à contourner ce blocage en créant le fameux site des <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/conseils-aux-voyageurs/">« Conseils aux voyageurs »</a>.</p>
<p>En fonction des renseignements – le terme est utilisé à dessein – dont dispose le Quai d’Orsay, une carte est proposée aux ressortissants français leur indiquant les régions où il est « formellement déconseillé » de se rendre (en rouge), celles où l’on doit faire état de « raisons impératives » pour y aller (en orange), et celles où il faut conserver une certaine vigilance, « renforcée » (en jaune) ou « normale » (en vert) selon le degré d’insécurité.</p>
<p>On peut comprendre qu’il aura fallu beaucoup de temps (une bonne dizaine d’années) pour faire admettre à nos partenaires étrangers, et notamment africains, cette représentation cartographique. En général, à chaque modification des limites des zones rouges, nos ambassadeurs doivent aller fournir des explications crédibles et convaincantes aux ministres en charge de l’administration du territoire dans leurs pays de résidence. À l’évidence, c’est un exercice de funambulisme diplomatique, car il faut expliquer que cette carte ne s’adresse qu’aux Français et faire mine de croire que les nationaux ne sont pas concernés par le danger…</p>
<h2>L’incertitude au Burkina Faso</h2>
<p>Depuis un certain temps, le Burkina Faso a été gagné par la <a href="https://information.tv5monde.com/Afrique/le-burkina-faso-gagnepar-la-vague-djihadiste-157797">menace djihadiste</a>. Celle-ci a peu à peu débordé de son cadre malien d’origine et a commencé à recouvrir les régions méridionales, notamment la fameuse <a href="https://www.nouvelobs.com/topnews/20201228.AFP3915/trois-soldats-francais-tues-dans-la-zone-des-trois-frontieres-au-mali.html">zone dite des trois frontières</a> (Mali, Niger, Burkina Faso). Le Quai d’Orsay a donc effectué des mises à jour qui ont conduit à la carte la plus actuelle, datée du 15 août 2020.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/376739/original/file-20201228-21-167blwu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="la page consacrée au Burkina Faso de la section « Conseils aux voyageurs » du ministère des Affaires étrangères" src="https://images.theconversation.com/files/376739/original/file-20201228-21-167blwu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/376739/original/file-20201228-21-167blwu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=502&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/376739/original/file-20201228-21-167blwu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=502&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/376739/original/file-20201228-21-167blwu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=502&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/376739/original/file-20201228-21-167blwu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=630&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/376739/original/file-20201228-21-167blwu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=630&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/376739/original/file-20201228-21-167blwu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=630&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Capture d’écran de la page consacrée au Burkina Faso de la section « Conseils aux voyageurs » du ministère des Affaires étrangères.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/conseils-aux-voyageurs/conseils-par-pays-destination/burkina-faso/#securite">Ministère français des Affaires étrangères</a></span>
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</figure>
<p>À l’observation, les trois quarts du territoire burkinabè semblent sinon hors de contrôle du moins mal sécurisés par les forces de l’ordre. Un certain nombre d’incidents et d’<a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/burkina-treize-djihadistes-tues-lors-d-un-accrochage-dans-le-nord-20200524">accrochages</a> militaires récents, souvent meurtriers, confirment la précarité de la situation. Il est probable que les autorités militaires, burkinabè ou françaises, <em>via</em> <a href="https://www.defense.gouv.fr/operations/barkhane/dossier-de-reference/operation-barkhane">Barkhane</a>, pourraient en fournir une cartographie précise, mais pour des raisons évidentes elles n’en font pas état, nous laissant ainsi dans une incertitude inconfortable.</p>
<h2>Élections et controverses cartographiques</h2>
<p>C’est pourquoi nous avons saisi l’occasion de la publication des <a href="https://www.france24.com/fr/info-en-continu/20201126-burkina-faso-roch-marc-christian-kabor%C3%A9-pr%C3%A9sident-sortant-r%C3%A9%C3%A9lu-au-1er-tour-ceni">résultats</a> de l’élection présidentielle qui a eu lieu le 22 novembre 2020 au Burkina Faso pour exploiter une donnée passée relativement inaperçue parmi les millions de chiffres fournis par la <a href="https://www.ceni.bf/">Commission électorale nationale indépendante (CENI)</a> : le nombre de bureaux de vote non ouverts le jour du scrutin. Au cœur des liasses de tableaux Excel déclinés jusqu’au niveau des déconcentrations municipales, on découvre que certaines communes n’ont pas été en mesure d’ouvrir tous leurs bureaux de vote, et on comprend que les raisons étaient sécuritaires.</p>
<p>À l’<a href="https://www.lam.sciencespobordeaux.fr/lamencartes">atelier de cartographie électorale africaine</a> du laboratoire LAM-CNRS (Les Afriques dans le Monde) de Sciences Po Bordeaux, nous avons donc calculé le pourcentage de bureaux de vote non ouverts par province et reporté ces données sur une carte qui – on pouvait le prévoir – redessine les zones « à risques » identifiées par le Quai d’Orsay, et probablement cartographiées confidentiellement par les militaires pour la période concernée (novembre 2020).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/376773/original/file-20201229-19-1eqxzuw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Burkina Faso -- Présidentielle 2020 Pourcentage de bureaux de vote non ouverts par province" src="https://images.theconversation.com/files/376773/original/file-20201229-19-1eqxzuw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/376773/original/file-20201229-19-1eqxzuw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/376773/original/file-20201229-19-1eqxzuw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/376773/original/file-20201229-19-1eqxzuw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/376773/original/file-20201229-19-1eqxzuw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/376773/original/file-20201229-19-1eqxzuw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/376773/original/file-20201229-19-1eqxzuw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Burkina Faso – Présidentielle 2020 Pourcentage de bureaux de vote non ouverts par province.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.lam.sciencespobordeaux.fr/wp-content/uploads/2020/12/Burkina-faso_carte2.png">IAM</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Pour autant, cette entreprise ne respecte pas totalement les critères de rigueur scientifique qu’on applique habituellement. D’abord parce qu’on n’a retenu que les 926 bureaux de vote non ouverts (sur les 19 836 initialement programmés) tels qu’ils ont été identifiés par la CENI, alors que d’autres sources évoquaient le chiffre de 1 318. Ensuite parce qu’on en a écarté une dizaine, disséminés dans des lieux où l’insécurité n’était pas à l’origine de la non-ouverture. Et enfin parce que la <a href="https://www.persee.fr/doc/espos_0755-7809_2000_num_18_1_1930">discrétisation</a> – en cartographie, la discrétisation est l’opération qui permet de découper en classes une série de variables qualitatives ou de variables quantitatives : l’opération de discrétisation doit satisfaire à la fois aux exigences de la représentation cartographiques et à celles des principes statistiques – que nous avons adoptée aurait pu être modulée autrement pour accroître ou diminuer la superficie des territoires marqués par le rouge le plus foncé, et donner ainsi une autre image de l’insécurité.</p>
<p>Il n’empêche que le résultat n’est pas exactement celui que l’on attendait. D’une part, les provinces considérées comme les plus insécures – selon le critère que nous avons retenu, celui des bureaux de vote non ouverts – ne se situent pas dans la zone des trois frontières Mali-Niger-Burkina, mais dans une autre zone de trois frontières (Niger-Bénin-Burkina) pour laquelle les inquiétudes sont habituellement moindres. Et, d’autre part, la province qui se trouve au cœur de la zone estimée comme la plus exposée à l’insécurité (l’Oudalan) a pu apparemment ouvrir tous ses bureaux de vote le 22 novembre 2020. Il est vrai qu’elle n’en comptait que 68, dont 50 dans la commune de Gorom-Gorom, qui fut sans doute bien sécurisée ce jour-là. Le même raisonnement peut être avancé pour une autre province coloriée en vert, Yagha, très proche des lieux d’affrontement récurrents de l’autre côté de la frontière avec le Niger, et dont les 20 bureaux de vote ont pourtant fonctionné normalement.</p>
<h2>Taux de participation suspect : fraude électorale ?</h2>
<p>Un autre sujet d’étonnement apparaît quand on introduit une autre carte : celle de la participation des électeurs à ce scrutin présidentiel.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/376774/original/file-20201229-49513-19wglqk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Burkina Faso -- Présidentielle 2020 Participation par province" src="https://images.theconversation.com/files/376774/original/file-20201229-49513-19wglqk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/376774/original/file-20201229-49513-19wglqk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/376774/original/file-20201229-49513-19wglqk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/376774/original/file-20201229-49513-19wglqk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/376774/original/file-20201229-49513-19wglqk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/376774/original/file-20201229-49513-19wglqk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/376774/original/file-20201229-49513-19wglqk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Burkina Faso – Présidentielle 2020 Participation par province.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.lam.sciencespobordeaux.fr/wp-content/uploads/2020/12/Burkina-faso_carte1.png">IAM</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Le croisement de cette carte avec la précédente montre que les provinces où l’on a le plus voté sont, pour la plupart, celles où de nombreux bureaux de vote n’ont pas pu ouvrir. Pour éclaircir cette énigme, on dispose d’un élément d’explication recevable : les agents de la CENI ont calculé la participation par rapport aux seuls électeurs ayant eu la possibilité de voter. Ceux qui étaient inscrits dans les bureaux de vote non ouverts ont été retirés des fichiers. La démarche n’est pas incorrecte mais, <em>in fine</em>, elle fausse le niveau de représentativité de l’élu.</p>
<p>En revanche, on doit se contenter d’hypothèses pour expliquer ces forts pourcentages de votants dans les zones insécures. Les électeurs se sont-ils à ce point raccrochés à l’idéal démocratique en espérant que cela les sortirait de la crise dans laquelle ils survivent difficilement ? Ou bien les délégués dans les bureaux de vote ont-ils profité de la tension ambiante pour voter à la place des absents ? Cette fois-ci, la démarche serait incorrecte, mais elle est assez courante dans les démocraties africaines (et pas seulement), surtout lorsqu’il n’y a que les délégués d’un seul parti présents dans les bureaux de vote. </p>
<p>Une troisième carte semble accréditer cette idée, puisque le candidat sortant a réalisé de gros scores dans ces régions éloignées de la capitale, parfois considérées comme des « zones grises », au point que de nombreux bureaux de vote n’ont pas pu ouvrir. Il est possible que, dans ceux qui ont pu fonctionner, les délégués du parti se soient sentis à l’aise pour donner un coup de pouce au processus électoral. Mais aucun recours n’a été enregistré par la CENI.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/377664/original/file-20210107-15-1bjmz3x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/377664/original/file-20210107-15-1bjmz3x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/377664/original/file-20210107-15-1bjmz3x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/377664/original/file-20210107-15-1bjmz3x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/377664/original/file-20210107-15-1bjmz3x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/377664/original/file-20210107-15-1bjmz3x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/377664/original/file-20210107-15-1bjmz3x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/377664/original/file-20210107-15-1bjmz3x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Pourcentage des voix obtenues par le candidat Roch Kaboré.</span>
<span class="attribution"><span class="source">IAM</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<h2>La carte, un outil de manipulation ou de révélation ?</h2>
<p>Ainsi les cartes peuvent-elles donner d’un même territoire des images contrastées, par exemple et simultanément celles de provinces que l’État contrôle mal, donc vulnérables à l’insécurité, et parallèlement ouvertes à la fraude électorale. Toutefois, rien ne prouve réellement ces affirmations, et nous aurions tout aussi bien pu choisir des représentations cartographiques suggérant d’autres hypothèses. Parce que la carte est un fantastique outil de manipulation des données.</p>
<p>Mais, en finissant par faire apparaître des réalités que l’on n’attendait pas, la carte peut agir comme un révélateur, au sens photographique du terme. Et c’est bien le dessinateur qui fait varier l’exposition. La carte peut mettre le territoire à nu, sans aucun commentaire. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’atelier LAMencartes conclut toujours ses notices par la formule : « Libre à chacun de construire sa propre analyse à partir de ces essais de représentation graphique. »</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152116/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian Bouquet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La récente élection présidentielle au Burkina Faso dévoile l’importance des analyses cartographiques. Des outils aux diverses facettes, essentiels dans l’interprétation des phénomènes politiques.Christian Bouquet, Chercheur au LAM (Sciences-Po Bordeaux), professeur émérite de géographie politique, Université Bordeaux MontaigneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1523262020-12-30T22:37:26Z2020-12-30T22:37:26ZQuelles mesures sanitaires les Français sont-ils prêts à accepter ?<p>Fêtes de réveillon en petit comité ou annulées, familles dispersées et isolées, autoconfinement, confinements locaux, partiels ou généralisés, couvre-feu, restrictions de déplacement, fermeture des frontières, incertitudes quant à la réouverture de certains secteurs : la France, comme de nombreux autres pays du monde, a fait face à une série de restrictions pour tenter d’endiguer l’épidémie.</p>
<p>Si chaque type de mesures/restrictions a sa propre efficacité dans le contrôle de la dynamique épidémiologique, ces dernières doivent également être évaluées en fonction de leur acceptabilité par la population. </p>
<p>À l’heure où les décideurs se posent la question de <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/12/21/coronavirus-la-france-devrait-elle-prendre-des-mesures-de-reconfinement-plus-drastiques_6064062_3244.html">ré-évaluer les mesures restrictives</a> pour éviter un rebond de l’épidémie, les préférences des populations devraient compter dans la décision publique. </p>
<p>Et ce, en particulier après de longs mois d’efforts consentis, puis la mise en place de nouvelles mesures ces <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/12/20/covid-19-les-pays-bas-suspendent-les-vols-en-provenance-du-royaume-uni_6063993_3244.html">dernières semaines</a> dans de nombreux pays européens.</p>
<h2>Des attitudes distinctes</h2>
<p>Notre équipe de chercheurs en économie comportementale a quantifié le degré de résistance ou d’acceptabilité d’une population face aux diverses stratégies de lutte contre l’épidémie de Covid-19. Nos résultats ont donné lieu à la publication d’un article dans la revue scientifique internationale <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanpub/article/PIIS2468-2667(20)30285-1/fulltext">The Lancet Public Health</a>.</p>
<p>Les résultats de l’étude montrent que le port du masque, les limitations de transport et le suivi numérique sont relativement bien acceptés. </p>
<p>En revanche, les fermetures des restaurants et des lieux récréatifs, ainsi que les restrictions excessives des voyages d’agrément le sont beaucoup moins. Les analyses de sous-groupes de population (vulnérabilité clinique, tranches d’âge, sexe) montrent également que l’acceptabilité de certaines stratégies dépend de caractéristiques personnelles. </p>
<p>En particulier, la <a href="https://theconversation.com/irresponsables-ego-stes-negligents-en-finir-avec-les-stereotypes-sur-les-jeunes-et-la-covid-19-150854">population jeune</a> diffère assez fortement des autres, en termes de préférences de politiques anti-Covid-19 et de demandes de compensation monétaire, suggérant la nécessité d’un « menu » adapté de politiques anti-Covid-19, basé sur des attitudes distinctes.</p>
<h2>Évaluer les préférences de la population</h2>
<p>L’étude utilise une méthode de révélation des préférences, le « <a href="https://yhec.co.uk/glossary/discrete-choice-experiment-dce/">Discrete Choice Experiment</a> », permettant d’évaluer les préférences de la population sur diverses combinaisons de politiques publiques de contrôle des épidémies de COVID-19. </p>
<p>Entre le 4 et le 16 mai 2020, à la fin du premier confinement en France, notre équipe a réalisé une enquête sur Internet portant sur un échantillon représentatif de la population française.</p>
<p>Un des objectifs de l’enquête était d’évaluer l’acceptation des mesures de restriction parmi les principales stratégies anti-COVID discutées par le gouvernement français au début du mois d’avril pour la période suivant le confinement. </p>
<p>Le graphique ci-dessous donne un classement des préférences pour l’ensemble de la population et pour certains sous-groupes, définis en fonction de leur vulnérabilité clinique, de l’âge ou du sexe.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/375851/original/file-20201218-23-b0uxr0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/375851/original/file-20201218-23-b0uxr0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/375851/original/file-20201218-23-b0uxr0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=356&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/375851/original/file-20201218-23-b0uxr0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=356&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/375851/original/file-20201218-23-b0uxr0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=356&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/375851/original/file-20201218-23-b0uxr0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/375851/original/file-20201218-23-b0uxr0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/375851/original/file-20201218-23-b0uxr0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Classement des préférences pour l’ensemble de la population et pour certains sous-groupes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">auteurs</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un mal nécessaire</h2>
<p>Les masques, les restrictions dans les transports publics et le traçage numérique (via une application optionnelle pour téléphone portable) ont été jugés acceptables par la population en général, à condition que les restrictions sur chacune de ces dimensions restent raisonnables. Ainsi, le port du masque est bien moins accepté lorsque la mention « partout » lui est associée.</p>
<p>À l’inverse, des semaines supplémentaires de confinement, la fermeture des restaurants et des bars, et une restriction excessive des déplacements pour les loisirs (inférieurs à 100 km) n’ont pas été jugées acceptables.</p>
<p>Dans l’ensemble, ces résultats indiquent que la population française a relativement bien accepté les mesures de restriction qui ont suivi le premier confinement, les vivant certes comme des contraintes, mais également comme un « mal nécessaire », à mettre en perspective avec le risque d’un confinement supplémentaire, une éventualité qui quant à elle a été perçue de manière très négative. </p>
<p>Le rejet pour des semaines supplémentaires de confinement était d’ailleurs plus que proportionnel : plus la durée de confinement additionnel est longue, plus l’intensité avec laquelle elle est rejetée est élevée.</p>
<h2>Les personnes vulnérables plus tolérantes</h2>
<p>Par rapport à la population générale, les personnes cliniquement vulnérables, c’est-à-dire celles qui déclarent souffrir d’une maladie chronique, ont montré une meilleure tolérance au confinement, une plus grande acceptation du port du masque et ont moins rejeté les fermetures de restaurants et de bars. </p>
<p>Cependant, ces différences étaient faibles, indiquant soit une forme d’altruisme de la part des non vulnérables envers les personnes vulnérables, soit une faible singularité des personnes vulnérables dans leurs attitudes face au risque.</p>
<p>Les jeunes (18-24 ans) étaient le groupe le plus dissonant, peut-être parce qu’ils sont moins concernés par les risques sanitaires que les groupes plus âgés (même si le risque médical n’est pas nul pour les jeunes, et reste important pour les aînés avec lesquels ils sont en contact).</p>
<p>Nous avons proposé dans notre enquête, parmi les différents attributs, une compensation financière pour pallier le poids des politiques de restriction. Nos analyses ont montré que les jeunes étaient nettement en faveur de cette proposition, contrairement aux autres segments de la population qui l’ont clairement rejetée. </p>
<p>De ce résultat, nous pouvons en déduire que les incitations financières pourraient être un instrument efficace quand elles sont ciblées sur les jeunes, et qu’elles sont susceptibles de pousser les jeunes à mieux accepter les options de politiques anti-COVID contraignantes.</p>
<p>Cette solution reviendrait à appliquer un <a href="https://www.economie.gouv.fr/facileco/arthur-pigou">mécanisme de compensation comme par exemple un transfert à la Pigou</a>, déjà appliqué dans d’autres champs de l’économie publique. Selon Arthur Pigou, économiste anglais du début du XXe siècle, les principes de « l’économie du bien-être » peuvent conduire à taxer -ou indemniser- les individus qui exercent des effets externes négatifs -ou positifs-, de façon à les ramener à des comportements plus optimaux pour la société.</p>
<p>Ainsi, savoir comment les personnes au sein d’une population classent les différentes mesures prophylactiques liées au COVID-19 est une condition indispensable pour concevoir des programmes et des mesures appropriés, un défi que de nombreux pays de l’hémisphère Nord doivent relever chaque jour en attendant qu’un vaccin soit largement disponible. </p>
<p>Notre enquête souligne donc la nécessité de politiques anti-COVID plus proches des sensibilités des personnes. </p>
<p>Elle propose des pistes, en particulier à travers l’indemnisation des jeunes, pour permettre une meilleure acceptabilité des politiques de contrôle, tenant compte des préférences des différents segments de population, et pour éviter qu’une partie d’entre eux refuse d’adhérer aux mesures, propageant alors le risque épidémique dans la société tout entière.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152326/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thierry Blayac a reçu des financements de l'ANR dans le cadre de l'AAP Flash COVID-19 (ANR-20-COVI-000) et de la Région Occitanie dans le cadre du programme Défis clés Urgence COVID-19. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Bruno Ventelou a reçu des financements de ANR-17-EURE-0020 et participe à l'ANR-20-COVI-000 confinobs. Aucun conflit d'intérêt n'y est associé.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marc Willinger a reçu des financements de l'ANR dans le cadre de l'AAP Flash COVID-19 (ANR-20-COVI-000) et de la Région Occitanie dans le cadre du programme Défis clés Urgence COVID-19.
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Phu Nguyen-Van a reçu des financements de l'ANR dans le cadre de l'AAP Flash COVID-19 (ANR-20-COVI-000) et de la Région Occitanie dans le cadre du programme Défis clés Urgence COVID-19.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sébastien Duchêne a reçu des financements de l'ANR dans le cadre de l'AAP Flash COVID-19 (ANR-20-COVI-000) et de la Région Occitanie dans le cadre du programme Défis clés Urgence COVID-19. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Dimitri Dubois ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Résultats d'une étude sur le degré de résistance ou d’acceptabilité d’une population face aux diverses stratégies de lutte contre l’épidémie de Covid-19.Thierry Blayac, Professeur d'Economie, Centre d'Economie de l'Environnement de Montpellier (CEE-M), Université de MontpellierBruno Ventelou, Chercheur CNRS-AMSE, économie, santé publique,, Aix-Marseille Université (AMU)Dimitri Dubois, Economie comportementale, Economie de l'environnement, Economie expérimentale, Université de MontpellierMarc Willinger, Professeur d'Economie, économie comportementale et expérimentale, Université de MontpellierPhu Nguyen-Van, Directeur de recherche CNRS en sciences économiques, Université de StrasbourgSébastien Duchêne, Maître de Conférences en Sciences Economiques, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1513392020-12-17T19:38:11Z2020-12-17T19:38:11ZLa santé mentale est un enjeu crucial des migrations contemporaines<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/374783/original/file-20201214-16-13owrab.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Camp de réfugiés de Choucha, Tunisie. Isolement et manque de reconnaissance sociale ont un impact énorme sur la santé mentale des populations migrantes. Ph Luca Manunza.</span> <span class="attribution"><span class="source">LUCA MANUNZA/lucalasius/instagram</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p>Si la migration est source d’espoirs liés à la découverte de nouveaux horizons, de nouveaux contextes sociaux et de nouvelles perspectives économiques, elle est également à des degrés divers un moment de rupture sociale et identitaire qui n’est pas sans conséquence sur la santé mentale.</p>
<p>Abdelmalek Sayad, l’un des sociologues des migrations les plus influents de ces dernières décennies, a défini la condition du migrant comme étant suspendu entre deux mondes parallèles. Sayad nous dit que le migrant est <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-double-absence-des-illusions-de-l-emigre-aux-souffrances-de-l-immigre-abdelmalek-sayad/9782020385961">doublement absent</a>, à son lieu d’origine et son lieu d’arrivée.</p>
<p>Il est, en tant qu’<strong>émigrant</strong>, projeté dans une condition faite de perspectives et, très souvent, d’illusions qui l’éloignent de son lieu d’origine. Mais le migrant est tout aussi absent dans sa condition d’<strong>immigré</strong>, dans les processus d’adaptation à un contexte nouveau et souvent hostile, source de nombreuses souffrances.</p>
<p>Quelles sont les conséquences de cette double absence et plus largement de cette transition de vie dans la santé mentale des migrants ?</p>
<h2>Migrer implique une perte de capital social</h2>
<p>Migrer, c’est quitter un univers social pour un autre. Les contacts, les échanges et les relations interpersonnelles qui soutiennent chacun de nous sont perturbés, fragmentés ou même rompus durant cette transition.</p>
<p>Si pour certains la migration implique un renforcement du capital social (ou économique), dans la plupart des cas elle mène à une perte de capital social. Dans un entretien mené en 2015, un demandeur d’asile afghan souligne cette rupture sociale et la difficulté de maintenir des liens avec son pays d’origine :</p>
<blockquote>
<p>« C’est très difficile de quitter son pays parce que ce n’est pas seulement ta terre que tu quittes, mais toute ta vie, ta famille. J’ai des contacts avec ma famille de temps en temps, mais c’est difficile parce que les talibans détruisent souvent les lignes de téléphone, et donc, c’est difficile de les joindre. »</p>
</blockquote>
<p>Pour contrer ou éviter cette perte de capital social, de nombreux réseaux transnationaux et organisations d’immigrants dans les pays d’accueil sont créés et jouent dans la vie des migrants un rôle primordial.</p>
<p>À titre d’exemple, la migration italienne d’après-guerre s’est caractérisée par une forte structuration en communautés. Ils ont créé d’importants organisations et réseaux, notamment des organisations <a href="https://www.inca-cgil.be/chi-siamo-3/">politiques et syndicales</a>, des <a href="https://www.coasit.com.au">centres catholiques et culturels</a>, dont certains sont encore actifs dans les pays de la diaspora italienne.</p>
<p>L’environnement social et la manière dont les sociétés d’arrivée vont accueillir et inclure les migrants, vont être donc des éléments clés dans la résilience de ces populations face aux défis posés par leur trajectoire de vie et par leur parcours migratoire. Les migrants peuvent en effet rencontrer des situations qui mettent en danger leur santé physique et mentale dans leur lieu d’origine, pendant leur transit et à leur destination finale.</p>
<p>Cela est particulièrement vrai pour les migrants forcés qui sont souvent confrontés à des expériences de détention, de violence et d’exploitation susceptibles de provoquer des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1403494819882137">troubles post-traumatiques, dépressifs et anxieux</a>. C’est le cas des centaines de milliers de réfugiés qui fuient les conflits armés depuis 2015, principalement dans les régions de la Syrie et de l’Afrique subsaharienne.</p>
<p>Ces migrants subissent des violences tout au long de leur parcours, y compris la <a href="https://www.medecinsdumonde.org/fr/actualites/tribunes/2019/03/15/reconnaitre-le-trauma-psychique-des-refugies">violence des lois de l’asile</a> dans nos sociétés.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1284861306881835009"}"></div></p>
<h2>L’environnement social est une des clés de la santé mentale</h2>
<p>Dans son document d’orientation <a href="https://www.euro.who.int/__data/assets/pdf_file/0004/386563/mental-health-eng.pdf%3Fua%3D1">« Mental health promotion and mental health care in refugees and migrants »</a>, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) indique l’intégration sociale comme l’un des domaines d’intervention les plus importants pour combattre les problèmes de santé mentale dans les populations migrantes.</p>
<p>Pour l’OMS, la lutte contre l’isolement et la promotion de l’intégration sont des facteurs clés, tout comme les interventions visant à faciliter les relations entre les migrants et les services de soins, et à améliorer les pratiques et les traitements cliniques.</p>
<p>Cependant, l’appartenance à des réseaux dans un environnement social donné est une condition essentielle pour le bien-être mental de l’individu, mais elle n’est pas suffisante.</p>
<p>Le philosophe allemand Axel Honneth souligne notamment que la confiance en soi, l’estime de soi et la capacité à s’ouvrir à la société trouvent leurs origines dans le <a href="https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2004-1-page-133.htm">concept de reconnaissance</a>. Chaque individu est mu par le besoin que son environnement social et la société, dans laquelle il ou elle vit, valorisent ses identités et lui accordent une place comme sujet de droit.</p>
<h2>Les identités des migrants doivent être reconnues par la société</h2>
<p>À cet égard, se construire de nouvelles identités sociales et maintenir une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00127-017-1424-7">continuité identitaire</a> entre l’avant et l’après-migration permet aux migrants de diminuer les risques de détresse psychologique.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/oNC4C4OqomI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La journaliste Julia Montfort a créé « Carnets de Solidarité » et relate la façon dont de nombreux Français ont ouverts leurs portes (TedX).</span></figcaption>
</figure>
<p>Être discriminé, exclu ou ostracisé du fait de ses appartenances et son identité affecte profondément la santé mentale. En réaction à ce sentiment d’exclusion ou de discrimination, maintenir une estime de soi positive et un équilibre psychosocial passe souvent parla <a href="https://iaap-journals.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1464-0597.2008.00384.x">prise de distance par rapport à la société discriminante et le repli vers d’autres groupes plus soutenants</a>.</p>
<h2>La reconnaissance juridique, un élément central</h2>
<p>Or ce principe de reconnaissance s’articule tant au niveau de la sphère sociale qu’au niveau juridique. Dans les sociétés d’accueil, les migrants doivent être reconnus comme porteurs de droits civils, sociaux et politiques.</p>
<p>Au-delà des enjeux pragmatiques liés à l’accès à des services, à une protection ou au marché de l’emploi, l’obtention de droits et d’un statut juridique permet de retrouver une forme de contrôle sur la poursuite de sa vie.</p>
<p>Certaines catégories de migrants vivant soit en procédure pour faire reconnaître leurs droits, comme les demandeurs d’asile, soit en situation irrégulière, comme les « sans-papiers », doivent souvent faire face à des <a href="https://www.migrationpolicy.org/article/life-after-trauma-mental-health-needs-asylum-seekers-europe">situations psychologiquement compliquées</a>.</p>
<p>À cet égard, les sans-papiers sont presque totalement exclus, privés de leurs droits fondamentaux et criminalisés par la justice. Les demandeurs d’asile sont quant à eux souvent pris dans la bureaucratie du système d’accueil durant des périodes déraisonnablement longues, vivant dans des conditions psychologiques difficiles et parfois dans un profond isolement social. Cela est bien exprimé par un jeune migrant kenyan que nous avions interviewé en 2018 dans une structure d’accueil belge :</p>
<blockquote>
<p>« Je suis arrivé quand ils ont ouvert le [centre d’accueil], et je suis toujours là ! Cela fait presque trois ans maintenant ! Ma première demande a été rejetée et maintenant, si c’est un “non”, je vais devoir quitter le territoire. […] Tous ces jours, les mois d’attente, pour quoi faire ? Pour rien avoir ? Pour devenir un sans-papiers ? Je vais devenir fou, je préfère me tuer. »</p>
</blockquote>
<p>Être dans l’attente d’une décision sur son statut ou être dénié de droits plonge l’individu dans l’insécurité et dans une situation où toute projection est rendue compliquée, voire impossible.</p>
<p>Nous avons souligné <a href="https://theconversation.com/ce-que-les-demandeurs-dasile-pensent-du-systeme-daccueil-durgence-belge-125478">ailleurs</a> que la lourdeur des procédures et le sentiment de déshumanisation dans l’examen des demandes d’asile causent d’importantes frustrations chez les migrants, et peuvent avoir un impact sur leur bien-être et leur santé mentale.</p>
<p>La migration est un moment de nombreuses ruptures sociales et identitaires face auxquelles les individus vont (ré)agir et mobiliser les ressources disponibles dans leur environnement. Donner, alimenter et construire ces ressources autour et avec les migrants les plus vulnérables constitue dès lors un enjeu de santé publique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/151339/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Roblain receives funding from Fédération Wallonie Bruxelles </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Alessandro Mazzola ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le migrant est doublement « absent », à son lieu d’origine et à son lieu d’arrivée. Comment cet état de fait joue-t-il sur la santé mentale ?Alessandro Mazzola, Post-doc Research Fellow, Sociologist, Guildhall School, City of London Corporation, Université de LiègeAntoine Roblain, Post-doc Research Fellow, Social Psychology, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1469662020-10-08T17:49:45Z2020-10-08T17:49:45ZDébat : Colonialisme vert, une vérité qui dérange<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/361938/original/file-20201006-14-1wc6o6y.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C0%2C2767%2C1833&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Ethiopie, le parc naturel Simien</span> <span class="attribution"><span class="source">Guillaume Blanc</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Le « monde d’après » sera écologique ou ne sera pas. La formule n’est pas métaphorique. Sauf changement radical, dans un futur proche, la planète que nous connaissons ne sera plus. Pour prendre l’indispensable virage écologique, beaucoup comptent sur les institutions internationales : le WWF (Fonds mondial pour la nature), l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) ou encore l’Unesco. Pourtant, ces prestigieuses organisations sont loin de remplir la mission qu’elles disent poursuivre.</p>
<h2>Là où l’Européen s’adapte, l’Africain dégrade</h2>
<p>Il est encore, en Europe, des agriculteurs et des bergers qui peuplent et façonnent les montagnes. Ces derniers nous montrent la voie de la sobriété écologique ; à ce titre, les institutions conservationnistes les soutiennent toujours davantage. En France par exemple, dans les <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/1153/">Cévennes</a>, en 2011, l’Unesco a classé au Patrimoine mondial de l’humanité des « paysages façonnés par l’agro-pastoralisme durant trois millénaires ». Et depuis, l’organisation plaide pour le « renouveau contemporain de l’agro-pastoralisme » et la « perpétuation des activités traditionnelles (des bergers et des agriculteurs) ». Voici donc une histoire européenne d’adaptation à l’environnement.</p>
<p>Mais il y aurait aussi des histoires de dégradation. Ici, nous sommes en Afrique. Du nord au sud du continent, bien des montagnes sont également protégées par les institutions internationales de la conservation. Protégées… des agriculteurs et des bergers. Dans les montagnes éthiopiennes du <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/9">Simien</a>, par exemple, « les activités agricoles et pastorales […] ont sévèrement affecté les valeurs naturelles du bien », nous dit l’Unesco. Selon ses experts, « les menaces pesant sur l’intégrité du parc sont l’installation humaine, les cultures et l’érosion des sols ». Et c’est sur leurs recommandations qu’en 2016, l’Éthiopie a accepté d’expulser les quelque <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/regard-sur-l-info/regard-sur-l-info-la-creation-d-une-nouvelle-forme-de-colonialisme-le-colonialisme-vert_4096379.html">2 500 cultivateurs</a> et bergers qui vivaient au cœur du parc national du Simien.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/361926/original/file-20201006-18-1eu4kgd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/361926/original/file-20201006-18-1eu4kgd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/361926/original/file-20201006-18-1eu4kgd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/361926/original/file-20201006-18-1eu4kgd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/361926/original/file-20201006-18-1eu4kgd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/361926/original/file-20201006-18-1eu4kgd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/361926/original/file-20201006-18-1eu4kgd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Avant : le village de Gich, Simien (2013).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Guillaume Blanc</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/361929/original/file-20201006-24-aygy4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/361929/original/file-20201006-24-aygy4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=272&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/361929/original/file-20201006-24-aygy4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=272&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/361929/original/file-20201006-24-aygy4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=272&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/361929/original/file-20201006-24-aygy4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=342&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/361929/original/file-20201006-24-aygy4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=342&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/361929/original/file-20201006-24-aygy4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=342&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Après : le plateau de Gich, après l’expulsion (2019).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Guillaume Blanc</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le cas éthiopien n’est pas une exception. L’Afrique compte environ <a href="https://www.afrique-tourisme.com/parcs-nationaux-afrique/">350 parcs nationaux</a>. Au XX<sup>e</sup> siècle, plus d’un million de personnes en ont été expulsées pour faire place à l’animal, à la forêt ou à la savane. Ces <a href="https://www.researchgate.net/publication/42763474_Eviction_for_Conservation_A_Global_Overview">expulsions</a> sont toujours d’actualité. Pis, dans certains cas, les plus atroces, les éco-gardes financés par des ONG occidentales abattent les <a href="https://www.buzzfeednews.com/article/tomwarren/wwf-world-wide-fund-nature-parks-torture-death">habitants coupables</a> d’avoir pénétré dans un parc pour y chasser du petit gibier, en temps de disette.</p>
<p>Aujourd’hui encore, dans les parcs africains, des millions d’agriculteurs et de bergers sont punis d’amendes voire de peine de prison pour avoir labouré leur terre, coupé des arbustes ou emmené leur troupeau pâturer en altitude. Voilà ce qu’est le colonialisme vert. Une entreprise globale qui consiste à naturaliser l’Afrique par la force, c’est-à-dire à la déshumaniser.</p>
<h2>« Ce que peut l’histoire »</h2>
<p>À cet égard, malheureusement, les archives ne mentent pas. À la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, les colons qui prennent le chemin de l’Afrique laissent derrière eux une Europe en pleine transformation. Les paysages du Vieux Continent périssent sous les coups de l’urbanisation et de la révolution industrielle, et les Européens sont alors persuadés de retrouver en Afrique la nature qu’ils ont perdue chez eux. Ainsi naissent les premières réserves de chasse qui deviennent, dans les années 1930, des <a href="https://inpn.mnhn.fr/programme/espaces-proteges/presentation">parcs nationaux</a>. Et dans chacun d’entre eux, du parc Albert au Congo jusqu’au Kruger en Afrique du Sud, les colons expulsent les Africains ou au moins, les privent du droit à la terre.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/362452/original/file-20201008-14-bmv8mh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/362452/original/file-20201008-14-bmv8mh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/362452/original/file-20201008-14-bmv8mh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/362452/original/file-20201008-14-bmv8mh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/362452/original/file-20201008-14-bmv8mh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/362452/original/file-20201008-14-bmv8mh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/362452/original/file-20201008-14-bmv8mh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dans le parc national de Simien.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Guillaume Blanc</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Puis vient l’indépendance. Mis au chômage forcé, de nombreux administrateurs coloniaux se reconvertissent en experts internationaux. Ils sont recrutés par l’Unesco ou l’UICN et, ensemble, ils décident de mettre sur pied une banque dont la première fonction serait de lever des fonds pour « faire face à l’africanisation des parcs », écrit alors Ian Grimwood, un ancien de la Rhodésie et du Kenya. Cette banque voit le jour en 1961 sous le nom de World Wildlife Fund : le WWF.</p>
<p>Ses experts se déploient alors dans tous les parcs d’Afrique où désormais, ils doivent composer avec des chefs d’États indépendants. Pour ces derniers, les parcs et la reconnaissance internationale qui les accompagne sont un moyen efficace de dynamiser l’industrie touristique et, aussi, de planter le drapeau national dans des territoires que l’État peine à contrôler : dans les maquis, chez les nomades, en zones sécessionnistes. Ainsi se tisse l’alliance entre l’expert et le dirigeant. Mais pour l’habitant, l’histoire se répète : expulsion, criminalisation, violence.</p>
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<p>Aujourd’hui, le discours a changé. Depuis la fin des années 1980, les nouveaux « consultants » en patrimoine recommandent le « départ volontaire » des occupants des parcs, et la mise en place d’une « conservation communautaire ». Le discours est policé. Il ne peut cependant masquer la continuité des pratiques : tandis qu’en Europe les institutions internationales et leurs experts valorisent <a href="https://www.courrierinternational.com/article/2007/02/22/les-tribus-victimes-de-l-ecologie">l’harmonie entre l’homme et la nature</a>, en Afrique ils réclament encore l’expulsion d’habitants qui seraient trop nombreux, et destructeurs.</p>
<p>Cette réalité est choquante. Pourtant, elle rythme le quotidien des millions d’agriculteurs et de bergers qui vivent dans et autour des parcs africains. Voici, en matière d’écologie, ce que peut l’histoire, pour reprendre la belle formule de <a href="https://www.college-de-france.fr/site/patrick-boucheron/inaugural-lecture-2015-12-17-18h00.htm">Patrick Boucheron</a>. L’histoire peut nous aider à voir ce que l’on préférerait ignorer : le fait que l’Unesco, le WWF ou encore l’UICN conduisent des politiques similaires à celles de l’époque coloniale.</p>
<h2>Une cécité de convenance</h2>
<p>Au moins trois raisons expliquent la méconnaissance de cette histoire, et l’agacement qu’elle suscite chez certains : il y a le mythe ; la science ; et enfin, notre vie quotidienne.</p>
<p>D’abord, le mythe. L’idée d’un continent exclusivement naturel est aussi absurde que celle selon laquelle l’homme africain ne serait pas rentré dans l’histoire. Seulement, trop de produits culturels continuent de nous faire croire à l’Éden africain : des romans comme <em>Les racines du ciel</em> de Romain Gary jusqu’à <em>Out of Africa</em> ; des magazines et des guides tels que le <em>National Geographic</em> ou le <em>Lonely Planet</em> ; ou encore des films comme le <em>Roi Lion</em>. Tous décrivent une Afrique chimérique : une planète verte, vierge, sauvage. Mais cette Afrique n’existe pas. L’Afrique est habitée, cultivée. Et ses parcs ne sont pas vides : ils ont été vidés.</p>
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<figcaption><span class="caption"><em>Out of Africa</em>, Wolfgang Amadeus Mozart, concerto pour clarinette en la majeur, K. 622.</span></figcaption>
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<p>La puissance du mythe nous renvoie ensuite aux croyances scientifiques. Les forêts primaires sont une illustration criante du phénomène. En réalité, elles n’existent presque nulle part sur le continent, puisque les Africains façonnent les forêts comme les Européens. Seulement, des personnalités comme <a href="https://doi.org/10.1068/a40158">Al Gore</a> diffusent des chiffres totalement faux, selon lesquels la forêt primaire « africaine » aurait été détruite par ses occupants, siècle après siècle. Et ces chiffres sont pris pour argent comptant par les experts internationaux qui les diffusent, ensuite, dans les parcs africains. La plupart de ces experts ignorent tout des <a href="http://www.theses.fr/2001PA082012">réalités locales</a>. Il n’empêche. Partout, ils recommandent l’expulsion ou au moins la <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/05/08/au-c-ur-de-l-afrique-la-guerre-au-nom-de-la-nature_6039073_3212.html">criminalisation</a> d’agriculteurs et de bergers qui ne participent pas, eux, à la crise écologique.</p>
<p>C’est là, enfin, toute l’incohérence des politiques globales de la nature. Avec son livre <em>Une vérité qui dérange</em>, malgré le caractère fantasque de certains chiffres, l’ancien vice-président des États-Unis participe bel et bien à la lutte contre le changement climatique. Il est d’ailleurs l’un des rares « experts » à en décrire si finement les ravages sociaux. En revanche, Al Gore ne dit jamais rien des entreprises polluantes que sont, par exemple, Google et Apple. Car celui-ci finance la première et participe à l’administration de la seconde. Ceux qui protègent sont aussi ceux qui détruisent.</p>
<p>Ce paradoxe n’est pas le fruit d’un complot orchestré par des multinationales malveillantes et des États retords. Il est le résultat de « notre » mode de vie quotidien. Les habitants des parcs africains ne dégradent pas la nature. Ils consomment leur propre nourriture. Ils vont à pied. Ils n’ont ni électricité, ni <em>smartphone</em>. Et pourtant, ils sont les premières cibles des institutions internationales de la conservation. Pourquoi ? Pour nier l’évidence. S’en prendre à ceux qui vivent d’une agriculture de subsistance permet d’éviter de remettre en cause l’exploitation effrénée des ressources de la planète entière. <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-01546412/">Préserver la nature</a> dans les parcs africains, c’est, en fait, s’exonérer des dégâts que cause partout ailleurs notre mode de vie consumériste et capitaliste. Voici la matrice du colonialisme vert. Et cette vérité dérange car l’accepter, ce serait reconnaître que, pour enfin amorcer le virage écologique, il faudrait s’en prendre non plus à la paysannerie (africaine), mais à nous-mêmes.</p>
<hr>
<p>Cet article résume le livre que l'auteur vient de consacrer à ce sujet : <a href="https://editions.flammarion.com/Catalogue/hors-collection/essais/linvention-du-colonialisme-vert"><em>L'invention du colonialisme vert. Pour en finir avec le mythe de l'Eden africain</em>, Paris, Flammarion, 2020</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146966/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Blanc a reçu des financements de l'ANR CE-27 PANSER. </span></em></p>Au nom d’une vision fantasmée d’une Afrique sauvage et paradisiaque, les organisations internationales qui orientent la gestion des parcs naturels africains vident ceux-ci de leurs habitants humains.Guillaume Blanc, Maître de conférences à l'université Rennes 2. Chercheur à Tempora et chercheur associé au Centre Alexandre Koyré et à LAM (Les Afriques dans le Monde, Sciences po Bordeaux), Université Bordeaux MontaigneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1397692020-09-13T15:36:17Z2020-09-13T15:36:17ZQui a habité en France ces 9 000 dernières années ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/357779/original/file-20200913-20-1hfhy4h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C23%2C4000%2C2970&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Photo de Samantha Brunel quand elle examine un crâne dans le laboratoire de haut confinement à l’Institut Jacques Monod.</span> <span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Il existe un désir authentique pour beaucoup de connaître « leur » histoire à des échelles différentes, de l’histoire de la famille et sa généalogie, en passant par l’Histoire de la nation, du « peuple », du groupe ethnique auquel on appartient, jusqu’à l’Histoire de l’humanité tout entière qui raconte le récit des temps révolus de notre espèce.</p>
<p>Pour éclairer la période du passé ou des civilisations pour lesquelles des documents écrits ne nous sont pas parvenus parce que l’écriture n’a pas encore été inventée (les périodes préhistoriques) ou parce qu’il n’y avait pas de tradition écrite (comme pour des sociétés protohistoriques), il faut alors avoir recours à des sciences analysant des vestiges non écrits du passé.</p>
<p>Ces vestiges apportent des informations sur deux chapitres différents de notre Histoire, l’un étant l’histoire culturelle/politique et l’autre l’histoire biologique. Il peut y avoir chevauchement entre les deux, mais elles ne sont pas identiques.</p>
<p>L’archéologie analyse l’histoire culturelle à travers des vestiges matériels qui souvent sont préservés dans le sol et doivent être mis en évidence par la fouille. Ainsi elle met en évidence des cultures archéologiques caractérisées par l’ensemble des artefacts (objets fabriqués ou transformés par les humains) et écofacts (vestiges biologiques) relevant d’une période, d’une civilisation, d’une région, ou d’une population donnée.</p>
<p>Les archéologues déterrent aussi des restes biologiques des humains, animaux et plantes et les positionnent et interprètent dans le contexte archéologique. Les archéobiologistes analysent la morphologie de ces restes et en déduisent des aspects biologiques (âge, sexe, pathologies, etc.). Ensuite, ils croisent ces données avec les données archéologiques pour obtenir des informations sur les rites funéraires, les structures sociétales ou économiques.</p>
<p>Les restes de squelettes préservent souvent encore un autre type d’information biologique sous la forme des génomes qui contiennent l’information génétique sur la biologie des individus, humains, animaux, végétaux. Ces génomes contiennent chacune des parties des génomes des ancêtres de l’individu et c’est pour cela qu’ils racontent l’histoire biologique d’une population. La combinaison des informations génomiques, archéologiques et ostéométriques (obtenues grâce aux mesures des os archéologiques) peut aider à reconstruire la vie et l’histoire des sociétés du passé.</p>
<h2>L’analyse paléogénomique des populations ayant peuplé le territoire</h2>
<p>C’est cette approche que nous avons adoptée afin de caractériser l’histoire du peuplement du territoire de la France actuelle à l’Holocène, c’est-à-dire entre ~7000 et ~300 avant l’ère commune (AEC).</p>
<p>D’abord, notre équipe <a href="https://www.ijm.fr/98/research-groups/epigenome.htm">« Epigénome et Paléogénome »</a> de l’Institut Jacques Monod a développé et optimisé des méthodes d’analyse de génomes anciens extraits d’ossements archéologiques français afin de pouvoir produire des résultats fiables.</p>
<p>Ceci n’est pas trivial car l’ADN ancien est très dégradé et constitue un défi méthodologique. Sur ce fond méthodologique solide, nous avons conçu, avec une jeune chercheuse de notre équipe, Mélanie Pruvost, le projet « Ancestra » d’analyse des populations qui se sont succédé sur le territoire de la France actuelle. Dans le cadre de son mastère et de sa thèse, Samantha Brunel s’est attelée avec talent à analyser presque 250 échantillons osseux d’individus préservés dans des sites mésolithiques, néolithiques, de l’âge du Bronze et du Fer que nous avons obtenus grâce à la collaboration avec des archéologues et anthropologues de l’INRAP, du CNRS et des universités françaises.</p>
<p>Pour la partie la mieux préservée d’entre eux, elle a pu produire des séquences nucléotidiques des parties de génomes, pour d’autres elle a dû se contenter avec la production de séquences de l’ADN mitochondrial (qui ne caractérise que la lignée maternelle), de l’ADN du chromosome Y (qui caractérise que la lignée paternelle) et de quelques marqueurs nucléaires associés à des traits phénotypiques concernant la physiologie, la morphologie, l’apparence d’un individu.</p>
<p>Ce grand travail a porté ses fruits et nous permet de <a href="https://www.pnas.org/content/117/23/12791.short?rss=1">raconter une partie de l’histoire des populations</a> ayant occupé le territoire français actuel.</p>
<h2>La vague de migration néolithique</h2>
<p>La comparaison des génomes de quelques chasseurs-cueilleurs d’un site mésolithique en Charente, datés à ~7100 AEC, avec ceux d’agriculteurs néolithiques en Alsace et en Champagne a montré que ces individus appartenaient à deux populations génétiquement distinctes.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/357469/original/file-20200910-22-1x1uqbs.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/357469/original/file-20200910-22-1x1uqbs.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/357469/original/file-20200910-22-1x1uqbs.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/357469/original/file-20200910-22-1x1uqbs.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/357469/original/file-20200910-22-1x1uqbs.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/357469/original/file-20200910-22-1x1uqbs.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/357469/original/file-20200910-22-1x1uqbs.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/357469/original/file-20200910-22-1x1uqbs.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le site de Menneville (Picardie) (un site du Néolithique ancien daté à environ 5 000 ans avant notre ère, entre 5300-4500 AEC).</span>
<span class="attribution"><span class="source">UMR Trajectectoires, d’après Thevenet (dir.) 2014</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En effet, ces chasseurs-cueilleurs mésolithiques se sont avérés d’être d’un côté des descendants de chasseurs-cueilleurs mésolithiques ayant habité l’Europe occidentale il y a environ 12 000 à 6 000 ans.</p>
<p>De l’autre côté, ils étaient mélangés avec d’autres populations de chasseurs-cueilleurs plus à l’est. Les agriculteurs néolithiques, par contre, étaient des descendants des premiers agriculteurs néolithiques anatoliens. Ces derniers avaient traversé au 7<sup>e</sup> millénaire AEC le Bosphore et ont colonisé l’Europe en avançant vers le nord à travers les Balkans, la Hongrie, l’Autriche, l’Allemagne pour arriver en France du Nord au 6<sup>e</sup> millénaire AEC.</p>
<p>Ils ont emmené avec eux leur culture, l’industrie lithique, la poterie les caractérisant, les plantes et animaux domestiqués au croissant Fertile. L’analyse de ces génomes a montré qu’il y avait métissage entre ces premiers agriculteurs néolithiques et les chasseurs-cueilleurs autochtones mésolithiques, ainsi que leurs descendants. Au fur et à mesure que le Néolithique a évolué, ces événements de métissage ont dû augmenter en fréquence alors que la culture mésolithique avait disparu. Ce phénomène était plus global et a aussi été décrit <a href="https://www.nature.com/articles/nature19310">dans d’autres régions de l’Europe</a>.</p>
<h2>A quoi ressemblaient ces « Français »</h2>
<p>L’analyse de quelques marqueurs génétiques (mutations dans des gènes) caractérisant des traits phénotypiques nous a renseignés sur certains aspects de la physiologie et l’apparence de ces agriculteurs néolithiques.</p>
<p>Ainsi, ils n’étaient pas encore capables de digérer le lait frais car il leur manquait une mutation dans le gène qui code pour l’enzyme permettant la digestion du sucre du lait, le lactose. Ceci a été également observé ailleurs en Europe et la <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rstb.2010.0268">capacité de digérer le lait frais</a> semble augmenter dans la population européenne seulement après l’âge du Bronze avec un gradient allant du nord vers le sud, de la Scandinavie, l’Allemagne du Nord et Angleterre du Sud représentant les populations avec la plus haute fréquence de personnes pouvant boire du lait frais.</p>
<p>Les Néolithiques français possédaient à haute fréquence un variant génétique dans un gène impliqué dans la pigmentation et il est possible qu’il y avait des individus à la peau claire parmi, probablement, une majorité d’individus à la peau plus sombre. Un variant génétique associé à la couleur claire des yeux et des cheveux, par contre, n’était pas encore très répandu dans la population néolithique, mais a été trouvé chez un des individus mésolithiques du 8<sup>e</sup> millénaire AEC.</p>
<p>Une note de prudence dans cette interprétation doit être retenue car le nombre d’individus ainsi que de variants génétiques (allèles) analysés étaient faibles et une analyse plus en profondeur sur plus d’individus et de marqueurs est requise.</p>
<p>Cette prudence doit aussi être gardée quant à l’interprétation des résultats pour certains marqueurs dans des gènes associés à la réponse immunitaire innée de l’organisme contre des infections bactériennes, comme celle de la lèpre ou de la tuberculose, et dont seulement peu d’individus néolithiques étaient porteurs.</p>
<p>D’autres allèles associés à la réponse immunitaire étaient présents chez les individus néolithiques à une fréquence comparable à la situation actuelle suggérant qu’ils étaient déjà sélectionnés avant le Néolithique et apportaient un avantage à la population.</p>
<h2>La vague de migration à l’Âge du Bronze en France</h2>
<p>Dans la deuxième moitié du 3<sup>e</sup> millénaire AEC, les individus sortis des contextes de l’âge du Bronze possédaient un génome avec une nouvelle composante originaire des nomades des steppes pontiques au nord de la mer Noire. Ceci témoigne d’un nouveau métissage de dominance masculine car les hommes de ces sites de l’âge du Bronze portaient tous les chromosomes Y de ces migrants de l’Est. Ce sont donc plus les hommes que les femmes qui se déplaçaient.</p>
<p>Encore aujourd’hui, ce type de chromosome Y est majoritaire en Europe de l’Ouest. Le même phénomène a été identifié <a href="https://www.researchgate.net/publication/273059488_Massive_migration_from_the_steppe_is_a_source_for_Indo-European_languages_in_Europe">ailleurs en Europe Centrale</a>, mais aussi en Angleterre.</p>
<p>Nous ne savons pas comment cette migration des nomades des steppes vers l’Ouest et la rencontre avec les populations du Néolithique final, voire de l’âge du Cuivre, s’est déroulée, mais il apparaît que les hommes venus de l’Est avaient un succès reproducteur plus élevé que les Néolithiques autochtones bien que l’on n’analyse que les ossements préservés dans un contexte archéologique. Ces ossements peuvent donc révéler soit une évolution majeure du succès reproductif des mâles provenant des steppes, soit une stratification sociale forte entraînant un biais dans les pratiques d’inhumation. </p>
<p>Une telle forte hiérarchisation de la société a été identifiée en <a href="https://science.sciencemag.org/content/366/6466/731">Allemagne à la même époque</a>. On pourrait donc avancer l’hypothèse que ces « envahisseurs » constituaient une nouvelle élite qui s’est imposée sur la population agricole néolithique à cause d’un avantage technologique, celui de la maîtrise de la métallurgie. On peut aussi spéculer que la population néolithique autochtone aurait continué à travailler les champs mais n’aurait pas eu accès aux richesses et n’aurait pas été enterrée avec les familles dominantes. Pour l’instant, on doit se contenter avec ces réflexions, hypothèses, spéculations jusqu’à ce que de nouvelles études enrichissent nos connaissances sur ces événements d’une lointaine époque.</p>
<h2>Stabilité génétique entre l’âge du Bronze et l’âge du Fer</h2>
<p>Les génomes des individus des sites archéologiques de l’âge du Fer se distinguent peu de ceux de l’âge du Bronze et sont assez proches de ceux de la population actuelle. Ceci montre qu’il n’y avait plus de migrations de populations génétiquement très différentes, comme cela a été le cas pour les deux grandes vagues de migration qui ont précédé, la migration des agriculteurs néolithiques et la migration des nomades des steppes. Pour déceler les migrations ayant lieu à l’Antiquité et au Moyen Âge, il faudra donc augmenter le niveau de résolution de l’analyse et obtenir beaucoup plus de séquences d’ADN puisque la ressemblance génétique de ces populations est importante. Les différences entre les Gaulois, les Romains, les Germaniques sont moins importantes, au niveau génomique, que celles séparant les peuples ayant migré en Europe dans les époques antérieures. Les différences sont donc surtout à chercher au niveau culturel.</p>
<p>Notre étude s’insère parfaitement dans l’image que la paléogénomique a déjà dessinée pour d’autres régions de l’Europe : la protohistoire a été rythmée par deux grandes vagues de migrations de populations génétiquement très distinctes, la migration néolithique à partir de l’Anatolie, et la migration à l’âge du Bronze à partir des steppes pontiques. Les populations qui habitaient le territoire de la France pendant les millénaires suivants jusqu’à aujourd’hui, portent toujours des portions de génomes de ces trois populations, les chasseurs-cueilleurs de la fin du Paléolithique, les agriculteurs du Néolithique et les nomades des steppes de l’âge du Bronze. Ces trois composantes principales constituent le triangle dans lequel ont évolué ultérieurement les génomes des Européens aboutissant à des différences plus subtiles au niveau génomique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/139769/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eva-Maria GEIGL a reçu des financements de l'ANR, CNRS, Université de Paris</span></em></p>L’analyse génétique permet de caractériser l’histoire du peuplement du territoire de la France actuelle.Eva-Maria Geigl, Directrice de recherche CNRS, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1424282020-07-15T17:41:17Z2020-07-15T17:41:17ZRefonder la police : et si on osait la convention citoyenne sur la sécurité ?<p>Service public de première ligne, la police peut-elle rester sourde au <a href="http://retro.erudit.org/projspec/lsp/n84_complet.pdf">renforcement des exigences démocratiques</a> à son égard ? Dans un contexte de crise de la démocratie représentative et de foisonnement des voix mettant en cause <a href="https://www.liberation.fr/debats/2020/07/01/justice-et-verite-sur-le-racisme-et-les-violences-policieres_1792903">l’usage de la force</a>, la participation des citoyens peut-elle aider à refonder démocratiquement les politiques de sécurité ?</p>
<p>Une <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/06/23/pourquoi-pas-une-convention-citoyenne-sur-les-violences-policieres-a-l-exemple-de-la-convention-citoyenne-sur-le-climat_6043877_3232.html">convention citoyenne sur la sécurité</a> au niveau national, inspirée de la récente Convention citoyenne sur le climat, et des expérimentations pratiques au niveau local pourraient aller de pair pour sortir de l’impasse.</p>
<h2>La sécurité, chasse gardée des professionnels</h2>
<p>S’il reste, en France, un domaine perçu comme <a href="https://theconversation.com/police-de-proximite-sortir-du-roman-policier-national-83309">l’apanage des professionnels et de l’État</a>, c’est bien celui de la sécurité.</p>
<p>Comme les politiques de maintien de l’ordre, la sécurité se caractérise par un <a href="https://laviedesidees.fr/Un-splendide-isolement.html">« splendide isolement »</a> qui concourt à une véritable sclérose des recettes d’action publique et à une <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/les-francais-ont-de-moins-en-moins-confiance-en-leur-police_fr_5e60c1d9c5b69d641c0b0e96">défiance croissante</a> de la population.</p>
<p>Cet isolement se déploie sur plusieurs fronts.</p>
<p>Tout d’abord, alors que de nouveaux modèles d’action comme le <a href="https://www.cambridge.org/core/books/police-innovation/advocate-the-promise-of-community-policing/364C7BC491D809F5738F479C3A087511"><em>community policing</em></a> une politique qui vise à rapprocher la police de la population pour mieux <a href="https://www.liberation.fr/societe/2014/03/30/a-montreal-une-police-bien-polie_991471">répondre à ses attentes</a> se sont diffusés dans le monde entier pour refonder l’usage démocratique de la force, la <a href="https://www-cairn-info.acces.entpe.fr/la-police-contre-les-citoyens--9782353711055.htm">France a raté le tournant</a>.</p>
<p>L’insularité policière est ensuite entretenue par les relations distendues qui existent en France avec le monde académique, alors que ce dernier joue dans d’autres pays comme le Canada ou les États-Unis un rôle essentiel de « passeur » de nouvelles approches, comme le montre l’exemple de la police dite communautaire, imaginée à l’origine <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01199289/document">par des chercheurs</a>.</p>
<p>L’insularité renvoie enfin aux relations avec les citoyens : les enjeux de sécurité restent, en France, perçus comme « <a href="https://journals.openedition.org/quaderni/1088">trop sensibles, importants ou sérieux</a> pour être discutés, et plus encore décidés, avec la population ».</p>
<h2>Une fracture profonde</h2>
<p>Ce n’est sans doute pas un hasard si les mobilisations contre les violences policières ont rencontré un tel succès en France, témoignant d’une fracture profonde entre l’institution policière et des franges croissantes de la population.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/347054/original/file-20200713-58-pppq08.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/347054/original/file-20200713-58-pppq08.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/347054/original/file-20200713-58-pppq08.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/347054/original/file-20200713-58-pppq08.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/347054/original/file-20200713-58-pppq08.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=462&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/347054/original/file-20200713-58-pppq08.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=462&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/347054/original/file-20200713-58-pppq08.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=462&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Graffiti sur les murs d’Easton, Angleterre.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/fragiletender/5665502789">Kirsty Hall/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>Le sentiment d’injustice et le rejet de l’opacité policière se sont cristallisés suite à la mort de Georges Floyd aux États-Unis en mai 2020 et aux mobilisations planétaires qui en ont découlé. En France, l’affaire fait écho à la mort d’Adama Traoré en 2016 et aux <a href="https://www.acatfrance.fr/public/rapport_violences_policieres_acat.pdf">violences policières visant les minorités visibles</a>.</p>
<h2>La participation citoyenne, pour quoi faire et comment ?</h2>
<p>A l’heure où l’expérimentation démocratique a le vent en poupe, la récente Convention citoyenne sur le climat pourrait servir de source d’inspiration pour faire avancer la délibération collective sur ces questions sensibles.</p>
<p>Les travaux sur la démocratie participative ont montré la plus-value de l’expertise profane et de l’intelligence collective pour <a href="https://journals.openedition.org/developpementdurable/1316">« agir dans un monde incertain »</a>.</p>
<p>Plusieurs expérimentations de conférences citoyennes « hybrides » sur les rapports police/population en région <a href="https://theconversation.com/gendarmes-et-citoyens-a-l-ecole-de-la-democratie-130338">Auvergne-Rhône-Alpes et dans l’Yonne</a> confirment que les habitants, du fait non seulement de leur expertise en tant qu’utilisateurs du service public, mais aussi de leur qualité de citoyen, ont des choses pertinentes à dire sur la sécurité.</p>
<h2>Le risque d’instrumentalisation</h2>
<p>Une critique récurrente à l’égard des dispositifs délibératifs est cependant qu’ils se limitent souvent à un rôle purement consultatif, au risque d’<a href="https://theconversation.com/pourquoi-lenquete-police-population-du-ministere-de-linterieur-est-trompeuse-142098">instrumentaliser la parole des citoyens</a>.</p>
<p>C’est dans ce cadre limité qu’a par exemple eu lieu une <a href="https://www.interieur.gouv.fr/Archives/Archives-ministres-de-l-Interieur/Archives-Christophe-Castaner/Dossiers-de-presse/Conference-des-citoyens-pour-le-livre-blanc-de-la-securite-interieure-les-11-et-12-janvier-2020">« conférence des citoyens »</a> organisée par le Ministère de l’Intérieur pour contribuer à l’écriture du Livre blanc de la sécurité intérieure en janvier 2020.</p>
<p>Cet exercice diversement apprécié par les <a href="https://www.lepoint.fr/politique/conference-citoyenne-de-castaner-de-l-enthousiasme-au-rejet-26-01-2020-2359689_20.php">participants</a> n’a débouché sur rien de concret, le Livre blanc n’ayant fait à ce jour l’objet d’aucune présentation officielle.</p>
<h2>Apprendre et débattre</h2>
<p>Une expérimentation plus ambitieuse se donnerait les moyens d’être suivie par une commission parlementaire, et plus encore par des décisions réglementaires et législatives voire un référendum permettant la mise en œuvre des propositions.</p>
<p>Des citoyens « profanes » choisis par tirage au sort débattraient, pendant plusieurs mois, des arguments d’intervenants aux profils, idées et approches diversifiés : experts, représentants de la police et de la gendarmerie, associations et organismes de défense des droits, chercheurs, etc.</p>
<p>Un tel processus, transparent et délibératif, permettrait de proposer une série de mesures visant à renouveler la « boîte à outils » de l’action publique.</p>
<p>Quelques <a href="https://theconversation.com/de-minneapolis-a-la-porte-de-clichy-la-question-des-violences-policieres-140139">pistes de thématiques en prise avec les mobilisations actuelles</a> et avec les propositions issues de la <a href="https://www.rue89lyon.fr/2019/01/20/police-contre-habitants-une-premiere-conference-citoyenne-a-vaulx-en-velin/">conférence citoyenne de consensus de Vaulx-en-Velin</a> peuvent être envisagées à ce stade.</p>
<h2>Des pistes concrètes</h2>
<p>De nombreuses enquêtes ont montré qu’une réflexion sur les « styles de police » et les modes d’action était nécessaire.</p>
<p>La France se singularise de certains de ses <a href="https://www.cairn.info/journal-societes-contemporaines-2015-1-page-101.htm">voisins européens</a> par le recours fréquent aux contrôles d’identité, qui sont au cœur de nombreuses controverses.</p>
<p>Que produisent réellement les contrôles d’identité ? Quelle efficacité pénale – <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/06/22/le-rapport-avec-la-police-se-construit-des-le-plus-jeune-age-selon-une-etude_6043713_3224.html">97 % des contrôles ne se concluent par aucune suite judiciaire</a> – et quelles <a href="https://www.justiceinitiative.org/uploads/a18ddc78-180e-4f0b-a695-ccfc91906210/french_20090630_0_0.pdf">discriminations</a> ces contrôles génèrent-ils, en sus de nourrir la peur et la défiance à <a href="https://journals.openedition.org/champpenal/10318">l’égard de la police</a> ? Une question que pourrait soulever une telle convention citoyenne serait ainsi celle du maintien ou non des contrôles d’identité, au-delà de la systématisation de l’enregistrement des contrôles par les caméras piétons annoncée le 14 juillet 2020 par le président de la République.</p>
<h2>Des techniques à discuter</h2>
<p>La question des techniques d’intervention et de leurs effets (clé d’étranglement, placage ventral, etc.) mérite aussi d’être explorée collectivement en faisant appel à des expertises pluralistes (policiers, chercheurs, associations, etc.) et en explorant les pratiques d’autres pays comme la Grande-Bretagne.</p>
<p>Alors que dans le domaine du maintien de l’ordre le ministère de l’Intérieur travaille à l’élaboration d’une doctrine qui viendrait préciser les principes de la <a href="https://www.interieur.gouv.fr/Actualites/Communiques/Seminaire-de-travail-sur-le-schema-national-du-maintien-de-l-ordre">gestion des foules</a>, les relations police-population ne font pas, à ce jour, l’objet d’une telle réflexion.</p>
<p>La confiance des citoyens envers la police est pourtant une condition d’efficacité de celle-ci : en effet, le fait de percevoir ou non les manières de faire des policiers comme justes joue sur la propension à obéir à la loi et <a href="https://www.cairn.info/revue-deviance-et-societe-2016-2-page-139.htm">à coopérer avec la police</a></p>
<h2>Plus de transparence</h2>
<p>La transparence de l’action publique et la reddition de comptes méritent également d’être travaillées.</p>
<p>Certains <a href="https://rapportspvm2018.ca/rapport/01342%20SPVM%20Stats%202018%20FR_V7.pdf">services de police étrangers</a> comme la police de Montréal ou de Toronto diffusent régulièrement le nombre de blessés et de tués au cours d’interventions policières, des données relatives à l’usage des armes, le nombre de plaintes visant des policiers ou encore le taux de poursuites, ce qui permet aux citoyens, aux chercheurs ou aux médias d’exercer une vigilance quant à l’usage de la force et à sa conformité aux règles déontologiques et professionnelles.</p>
<p>Or, en France, l’accès à des données exhaustives demeure au bon vouloir des institutions, ce qui contribue à entretenir la défiance.</p>
<h2>Et si on commençait par expérimenter au niveau local ?</h2>
<p>Pour nourrir la réflexion collective, la convention citoyenne pourrait aller de pair avec des expérimentations au niveau local impliquant tous les acteurs de la sécurité : forces de police, maires, associations, citoyens, etc.</p>
<p>Le droit à l’expérimentation, constitutionnalisé depuis 2003, vise à favoriser l’innovation à partir des collectivités territoriales en s’appuyant sur des évaluations scientifiques rigoureuses.</p>
<p>Les élus locaux ne s’en sont guère saisis jusqu’à présent relevait la <em>Gazette des communes</em> en <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/424826/le-droit-a-lexperimentation-nest-pas-tres-experimente-par-les-collectivites/">2016</a>.</p>
<p>L’expérimentation constitue pourtant un gage d’efficacité et « un vecteur d’adhésion : en effet, elle permet de dissiper les craintes et de lever les réticences que suscite toute perspective de changement ».</p>
<p>C’est ce que suggère par exemple l’expérimentation en cours du <a href="https://www.tzcld.fr">dispositif</a> « Territoires zéro chômeur de longue durée ». Cette expérimentation propose de partir des compétences des chômeurs de longue durée sur un territoire pour développer une offre d’activités socialement utiles mais non couvertes par l’économie locale.</p>
<h2>Penser à des modes d’action alternatifs</h2>
<p>S’agissant de la sécurité, l’expérimentation de modes d’action alternatifs comme la médiation, la prévention, le dialogue police-population, le partenariat interinstitutionnel ou encore la <a href="https://www.cairn.info/revue-societes-contemporaines-2015-1-page-101.htm">désescalade</a> pourrait être menée dans des communes volontaires et suivie sur chaque territoire par des groupes de citoyens tirés au sort, ainsi que par des chercheurs.</p>
<p>Ces expérimentations doivent pouvoir être évaluées localement et nationalement en concertation entre forces de sécurité, élus, citoyens et associations.</p>
<p>Ce circuit démocratique à front renversé misant sur l’intelligence collective et les capacités d’innovation de nouveaux exécutifs <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/686521/avec-les-ecologistes-on-peut-sattendre-a-un-tournant-dans-les-politiques-de-securite/">municipaux volontaristes</a> permettrait de territorialiser davantage les politiques de sécurité, voire de préfigurer l’avènement d’une <a href="http://www.fondation-nature-homme.org/magazine/osons-le-big-bang-democratique">VIᵉ République incluant une chambre tirée au sort</a>, dotée d’un réel pouvoir législatif.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304237/original/file-20191128-178107-ytiu6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304237/original/file-20191128-178107-ytiu6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304237/original/file-20191128-178107-ytiu6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304237/original/file-20191128-178107-ytiu6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304237/original/file-20191128-178107-ytiu6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304237/original/file-20191128-178107-ytiu6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304237/original/file-20191128-178107-ytiu6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Les travaux sur la recherche participative entre policiers et citoyens ont fait l’objet d’un prix de la Fondation de France. Premier réseau de philanthropie en France, la <a href="https://www.fondationdefrance.org/fr">Fondation de France</a> réunit depuis 50 ans et sur tous les territoires, des donateurs, des fondateurs, des bénévoles et des acteurs de terrain.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/142428/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Le travail de recherche participative Policité porté par Anaïk Purenne a reçu le soutien de la Fondation de France.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Hélène Balazard, Julien Talpin, Marie-Hélène Bacqué et Marion Carrel ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Une convention citoyenne nationale inspirée de la récente Convention citoyenne sur le climat et d’expérimentations locales pourrait permettre de refonder les pratiques de sécurité en France.Anaïk Purenne, sociologue, chargée de recherche à l’Université de Lyon, ENTPEHélène Balazard, Chercheure en science politique à l’Université de Lyon, ENTPEJulien Talpin, Chargé de recherche en science politique au CNRS, Université de LilleMarie-Hélène Bacqué, Sociologue, urbaniste, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresMarion Carrel, Maîtresse de conférence en sociologie, Habilitée à diriger des recherches, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1334942020-03-19T15:17:46Z2020-03-19T15:17:46ZCovid-19 : y a-t-il surabondance d’informations ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/321134/original/file-20200317-60894-15wjyk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C0%2C5455%2C3645&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un tsunami d’informations déferle, sans que l’on puisse prendre le recul nécessaire pour en faire l'analyse.</span> <span class="attribution"><span class="source">shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La crise de la Covid-19 monopolise l’attention des médias et du public depuis déjà plusieurs semaines. Une quantité phénoménale d’informations, d’images et d’analyses circulent un peu partout. Cette surabondance d’informations pousse certains producteurs de contenu à vouloir se démarquer pour augmenter leur auditoire et à tomber dans le sensationnalisme.</p>
<p>Pensons ici aux mots, aux images ou aux graphiques qui sont utilisés par plusieurs médias pour parler, montrer et mettre en scène la crise de la Covid-19. Les médias sociaux, blogues et autres plates-formes numériques ne sont pas en reste. Un tsunami d’informations y déferle, sans que l’on puisse prendre le recul nécessaire pour en faire l’analyse. On peut s’interroger à savoir si ces informations, en jouant sur le registre de nos émotions, contribuent à amplifier la panique qui se répand dans la population.</p>
<p>En tant que sociologue et professeur de communication organisationnelle et de communication en santé (Health Communication), je m’intéresse aux enjeux posés par l’usage des technologies de l’information et de la communication (TIC) du point de vue des pressions qu’elles induisent dans le quotidien des individus et des logiques de l’urgence qu’elles contribuent à mettre en place. La crise actuelle offre l’occasion d’observer quasi en direct l’effet pernicieux des nouvelles qui tournent en boucle sur la santé des populations.</p>
<h2>Le danger des images virales</h2>
<p>Les images de cadavres qui jonchent le sol en Chine ou ailleurs, d’aéroports assiégés, de villes désertées, de rayons d’épicerie vides, d’hôpitaux remplis à pleine capacité, de mises en quarantaine et de confinement circulent en abondance sur Internet. Réelles ou non, ces <a href="https://observers.france24.com/en/20200312-iran-coronavirus-authorities-hiding-covid-19-deaths-reports">images</a> contribuent très certainement à alimenter la peur.</p>
<p>Les titres qui coiffent les nouvelles qui circulent sont à notre avis les plus pernicieux et les plus susceptibles d’entretenir le <a href="https://www.lapresse.ca/debats/opinions/202003/11/01-5264227-la-covid-19-et-la-panique.php">sentiment de panique</a> que l’on tend à observer chez plusieurs individus.</p>
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<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/coronavirus-et-fake-news-lassemblage-catastrophique-133297">Coronavirus et fake news : l’assemblage catastrophique</a>
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<p>Les nombreuses <a href="https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2020/03/06/la-rumeur-l-autre-epidemie-qui-preoccupe-l-oms_6032079_4500055.html">rumeurs</a>, croyances populaires et autres théories du complot relayées comme par contagion sur le web n’aident en rien. <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1521861/desinformation-fausses-nouvelles-epidemies-grippe-variole-norovirus-coronavirus-reseaux-sociaux">Une étude</a> portant sur l’influence des fausses nouvelles sur les épidémies a démontré que dans les réseaux sociaux, par exemple, les informations percutantes, sensationnalistes, à forte charge émotive, circulent plus facilement et rapidement que les informations vérifiées et validées.</p>
<h2>La peur est normale, pas l’obsession</h2>
<p>Une question peut se poser : pourquoi avons-nous collectivement peur ? Cette peur serait-elle co-construite et alimentée par les uns et les autres, participant chacun à leur manière à la surenchère de « nouvelles » sur la Covid-19 ? Est-ce cette surenchère d’informations quotidiennes qui nous pousse à craindre la pénurie de biens essentiels comme le papier hygiénique, les lingettes antiseptiques et autres produits désinfectants ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/321136/original/file-20200317-60871-9gbhfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/321136/original/file-20200317-60871-9gbhfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/321136/original/file-20200317-60871-9gbhfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/321136/original/file-20200317-60871-9gbhfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/321136/original/file-20200317-60871-9gbhfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/321136/original/file-20200317-60871-9gbhfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/321136/original/file-20200317-60871-9gbhfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La peur, alimentée par la surabondance d’informations, peut conduire à des comportements irrationnels.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>La peur est une émotion légitime et souhaitable dans certaines situations. Il s’agit d’un mécanisme de défense du cerveau qui évalue la probabilité que certains risques puissent réellement nous menacer.</p>
<p>Elle devient problématique lorsqu’elle perdure dans le temps ou se transforme en angoisse. Et cela devient encore plus problématique lorsque l’objet de cette angoisse devient une obsession, qui monopolise toute notre attention en biaisant la perception que nous avons de ce qui nous entoure.</p>
<h2>Des scénarios hollywoodiens</h2>
<p>Certains concepteurs, influenceurs et relayeurs d’information se nourrissent de cette peur en nous rappelant combien nous sommes collectivement vulnérables face aux risques qui jalonnent notre existence. Ils créent les conditions propices à l’émergence d’une culture de la peur, symptomatique de sociétés qui cherchent à prévenir tous les risques susceptibles d’affecter notre mode de vie. Pour citer le sociologue Gérald Bronner, <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-idees/coronavirus-la-democratie-immunisee-contre-la-peur-0">« la peur est un très bon produit sur le marché dérégulé de l’information »</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/4sYSyuuLk5g?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le film « Contagion » raconte la progression d’un virus mortel, qui tue en quelques jours. Alors que l’épidémie se propage, les scientifiques tentent de trouver un traitement et de freiner la panique qui se répand dans la population.</span></figcaption>
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<p>Dans les réseaux sociaux, on voit défiler des messages faisant des liens entre la propagation de la Covid-19 et les scénarios apocalyptiques des films de science-fiction ou d’horreur issus de notre « culture cinématographique occidentale ». On peut d’ailleurs s’interroger sur le fait que certains des films et séries les plus récemment visionnés aient un lien avec les grandes pandémies. Qu’on pense aux films <a href="https://www.washingtonpost.com/technology/2020/03/06/contagion-streaming/"><em>Contagion</em></a> et <a href="https://www.thewrap.com/outbreak-movie-top-10-netflix-titles-movies-pandemic-tv-series-coronavirus/"><em>Outbreak</em></a>.</p>
<p>D’autres évoquent les similarités entre la propagation de la Covid-19 et les grandes épidémies qui ont fauché des millions de vies dans le passé, telles que la peste (la Grande Faucheuse), le choléra, la variole, la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Grippe_espagnole">grippe espagnole</a>.</p>
<h2>Le défi de trouver l’équilibre</h2>
<p>Toutefois, l’heure est à la concertation. Les autorités gouvernementales jonglent en ce moment avec une situation délicate : diffuser assez d’information, mais pas trop non plus. Le défi pour les autorités gouvernementales est de calmer la population, d’atténuer la peur, tout en diffusant des messages clés, simples à comprendre et qui apparaissent comme étant préventifs en concordance avec des pays qui traversent une situation similaire.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/321135/original/file-20200317-60906-9f3174.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/321135/original/file-20200317-60906-9f3174.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/321135/original/file-20200317-60906-9f3174.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/321135/original/file-20200317-60906-9f3174.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/321135/original/file-20200317-60906-9f3174.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/321135/original/file-20200317-60906-9f3174.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/321135/original/file-20200317-60906-9f3174.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le défi pour les autorités gouvernementales est de calmer la population, d’atténuer la peur, tout en diffusant des messages clés, simples à comprendre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Presse canadienne/Jacques Boissinot</span></span>
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<p>Sans vouloir être pessimiste, j’estime que la barre est haute cependant. Être inondé d’informations, de données statistiques et d’images percutantes, effrite toute prise de distance critique de la part de la population. La crise actuelle est aussi une crise de l’information, et le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, n’hésite d’ailleurs pas à parler aussi d’une véritable <a href="https://www.franceculture.fr/numerique/coronavirus-et-infodemie-aux-grands-maux-les-grands-remedes">« infodémie »</a>.</p>
<h2>Trop d’information nuit à l’information</h2>
<p>La capacité de prendre des décisions rationnelles et réfléchies dans un tel contexte devient difficile, car trop d’information conduit à de la désinformation. Cette infodémie engendre du stress et une perte de sens. Cela est d’autant plus vrai quand il y a beaucoup d’inconnus et d’incertitudes, comme c’est le cas en ce moment.</p>
<p>Finalement, rappelons que, dans un tel contexte, chaque citoyen a un rôle à jouer dans la manière de s’approprier l’information et, surtout, dans le choix de la relayer ou non dans les réseaux sociaux. Avant de diffuser certaines informations, des spécialistes de la communication <a href="https://www.ifla.org/node/11174">recommandent</a> d’identifier les sources, de lire les articles au complet (et non seulement les titres) et de vérifier le statut des experts qui y sont cités.</p>
<p>Il faut surtout se méfier de nos propres préjugés. Être conscient que la peur et la panique prennent racine dans l’ignorance, elle-même entretenue par le trop-plein d’informations ainsi que les fausses nouvelles qui circulent dans l’espace numérique.</p>
<p>Nous sommes tous responsables de la peur que l’on peut alimenter chez les autres. Chacun a un rôle critique à jouer en ces temps de crise, non seulement sanitaire, mais aussi, et surtout, sociale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/133494/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luc Bonneville ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les nouvelles sur la Covid-19 tournent en boucle, sans permettre le recul nécessaire pour les analyser. Il faut s'interroger sur leur potentiel d'amplifier la panique dans la population.Luc Bonneville, Professeur en communication et santé , L’Université d’Ottawa/University of OttawaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1305872020-02-13T18:00:30Z2020-02-13T18:00:30ZInde : vers un cauchemar démographique ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/314744/original/file-20200211-146714-1eti942.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C5%2C3637%2C2419&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">New Delhi, 5 novembre 2014. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/delhi-indianovember-5-unidentified-people-walk-381599926">Don Mammoser/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Longtemps, la croissance de la population en Inde a été vue comme une malédiction. Les <a href="http://temis.documentation.developpement-durable.gouv.fr/docs/Temis/0053/Temis-0053969/Population_societe_423.pdf">politiques de contrôle de la natalité</a> se sont succédées avec des fortunes diverses, certaines laissant un goût amer. Les choses ont changé au début du XXI<sup>e</sup> siècle. La croissance démographique <a href="https://www.lemonde.fr/demographie/article/2015/07/29/l-inde-pays-le-plus-peuple-du-monde-en-2022_4703873_1652705.html">(+1 % par an, pour une population qui compte aujourd’hui 1,4 milliard d’habitants)</a> et les gains économiques potentiels qu’elle pouvait apporter ont suscité des analyses plus optimistes. Économistes et démographes ont commencé à parler de <a href="https://asialyst.com/fr/2015/12/01/l-inde-profitera-t-elle-du-dividende-demographique/">« dividende démographique »</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"900469755840167937"}"></div></p>
<h2>Le mirage du dividende démographique</h2>
<p>Le dividende démographique désigne le phénomène par lequel le taux de dépendance, c’est-à-dire le nombre d’inactifs (enfants et personnes âgées) à la charge des actifs, baisse suite à l’arrivée sur le marché du travail de nombreux jeunes actifs. Cette baisse du ratio de dépendance permet alors de libérer des ressources précédemment dédiées au soutien des inactifs, et de les consacrer à des investissements productifs, à l’épargne ou à la consommation.</p>
<p>Le principal dividende démographique identifié jusqu’à présent est celui associé au « miracle asiatique » des années 1970 à 1990. Dans ces pays d’Extrême-Orient, la fin de la transition démographique est allée de pair avec une forte croissance. <a href="https://www.jstor.org/stable/3115219?seq=1">Pour plusieurs experts</a>. La baisse du ratio de dépendance aurait contribué à un quart, voire deux cinquièmes de la croissance entre 1965 et 1990.</p>
<p>Dans le cas de l’Inde, le ratio de dépendance était de 80 % dans les années 1960. Descendu à 60 % au début des années 2000, il est actuellement de <a href="https://data.worldbank.org/indicator/SP.POP.DPND?locations=IN">50 %</a> et devrait tomber au plus bas à 40 %. Entre 8 et 10 millions d’Indiens vont entrer tous les ans sur le marché du travail au cours des dix prochaines années ; l’économie du pays va donc devoir créer <a href="https://data.worldbank.org/country/india">près d’un million d’emplois par mois jusqu’en 2025</a>.</p>
<p>Or, si la croissance démographique a pu alimenter la croissance économique des économies d’Extrême-Orient, il en est allé tout autrement en Amérique latine entre 1970 et 1990, où les taux de dépendance ont décliné de la même manière qu’en Asie tandis que la croissance ne dépassait pas 1 % sur la période. La croissance démographique semble avoir davantage contribué à une <a href="https://www.rand.org/content/dam/rand/pubs/monograph_reports/2007/MR1274.pdf">hausse du chômage qu’à celle du PIB</a>, de même qu’au Maghreb dans les années 2000.</p>
<p>Pour que la transition démographique produise du dividende, il faut que le marché du travail soit en mesure d’absorber les nouveaux entrants. Or, en Inde, deux problèmes se posent actuellement : premièrement, les compétences offertes sur le marché du travail ne sont pas en phase avec celles demandées et, deuxièmement la croissance est devenue, en Inde, destructrice d’emplois.</p>
<h2>Un système éducatif inadapté</h2>
<p>Le marché du travail en Inde est caractérisé par un faible niveau de qualification. Près d’un <a href="http://www.mospi.gov.in/sites/default/files/publication_reports/Annual%20Report%2C%20PLFS%202017-18_31052019.pdf">tiers de la population active est analphabète</a> et 17 % des Indiens n’ont fréquenté que l’école primaire, ce qui s’explique par la place de l’agriculture : elle ne pèse que 14 % du PIB mais emploie encore plus de la moitié de la main-d’œuvre du pays.</p>
<p>Plus de la moitié de la population dispose d’un niveau d’instruction secondaire, sans pour autant disposer de compétences techniques ou professionnelles, l’enseignement secondaire restant encore <a href="https://www.unicef.org/press-releases/more-half-south-asian-youth-are-not-track-have-education-and-skills-necessary">quasi uniquement généraliste</a>. On estime à 2 % la population active ayant suivi une formation professionnelle formelle, ce à quoi on peut ajouter 5 % de la population active qui aurait reçu une <a href="https://link.springer.com/article/10.1186/s40461-019-0078-y">formation professionnelle informelle</a>. Ce manque de qualifications représente un frein majeur pour l’essor du secteur manufacturier et la création d’emplois. Selon une <a href="http://ficci.in/Sedocument/20165/FICCI_Labour_Survey.pdf">enquête</a> de la Fédération indienne des Chambres de commerce et d’industrie, 90 % des sociétés interrogées disent faire face à une pénurie de main-d’œuvre.</p>
<p>10 % de la population possède un diplôme de l’enseignement supérieur. Il ressort d’une <a href="https://cse.azimpremjiuniversity.edu.in/wp-content/uploads/2019/10/Mehrotra_Parida_India_Employment_Crisis.pdf">enquête nationale</a> menée en 2014 par un cabinet de conseil, que 50 % des diplômés du supérieur sont inemployables au sortir de leurs études. Le taux de chômage des jeunes diplômés est en effet relativement élevé : 18 %. Pour cette raison, la plupart des grands groupes disposent de leurs propres centres de formation par lesquels passe tout nouvel employé, tant la formation des jeunes diplômés indiens est jugée inadéquate.</p>
<p>L’offre de travail est plombée par un manque de qualifications. Côté demande, seule une croissance fortement créatrice d’emplois saurait absorber une telle arrivée de jeunes actifs. Or, le secteur primaire mécanise et tend à détruire des emplois. Le secteur manufacturier – qui, pour des raisons historiques, a longtemps été atrophié en Inde, ne contribuant qu’à moins de 20 % du PIB –, a souffert de la pénurie de main-d’œuvre qualifiée et a donc cherché à mécaniser sa production.</p>
<p>Enfin, les services, qui tirent la croissance, représentent 58 % du PIB mais emploient 20 % de la population active. Dans le secteur tertiaire, l’Inde s’est fortement spécialisée dans des segments de niche extrêmement productifs et donc peu créateurs d’emplois. Pour toutes ces raisons, la croissance en Inde ne crée plus d’emplois mais en détruit. Une étude montre que sur les six dernières années, le pays a <a href="https://cse.azimpremjiuniversity.edu.in/wp-content/uploads/2019/10/Mehrotra_Parida_India_Employment_Crisis.pdf">perdu 9 millions d’emplois</a>, malgré des taux de croissance élevés.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/314753/original/file-20200211-146720-k8f39.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/314753/original/file-20200211-146720-k8f39.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/314753/original/file-20200211-146720-k8f39.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/314753/original/file-20200211-146720-k8f39.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/314753/original/file-20200211-146720-k8f39.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/314753/original/file-20200211-146720-k8f39.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/314753/original/file-20200211-146720-k8f39.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Mumbai, 8 août 2017. La chute du secteur agricole et l’augmentation du chômage en Inde accroissent la pauvreté et le nombre de sans-abri. Les gens migrent vers des villes comme Mumbai pour trouver du travail.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/mumbai-india-august-8-2017-falling-1107077855">Emmanuel Nalli/Shutterstock</a></span>
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<h2>Vers un chômage massif ?</h2>
<p>Il est donc à redouter une montée du chômage en Inde, qui a d’ailleurs déjà commencé, le taux s’élevant aujourd’hui à 6 %, au plus haut depuis 45 ans – et cela, alors même que le taux de participation des femmes au marché du travail est, à 23 %, l’un des plus faibles au monde. Ce chômage touche particulièrement des jeunes qui ont de plus en plus investi dans une éducation qui ne peut que les décevoir. Le gouvernement Modi a lancé des campagnes de professionnalisation (<a href="https://skillindia.gov.in/">« Skill India »</a>) dont l’effet reste à démontrer et qui interviennent sans doute un peu tard.</p>
<p>L’arrivée massive au cours des prochaines années de jeunes travailleurs, pour l’heure peu employables, dans une économie qui ne crée pas ou peu d’emplois, a de quoi inquiéter. D’autant plus que le climat social est déjà agité dans ce pays qui abrite près d’un cinquième de la population mondiale et où le parti au pouvoir, populiste et nationaliste, a remporté en mai dernier un <a href="https://www.franceinter.fr/monde/le-nationalisme-indien-vainqueur-de-la-plus-grande-election-du-monde">succès électoral</a> inattendu qui lui a ouvert la voie d’un second mandat.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130587/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine Bros ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’Inde va bientôt dépasser la Chine et devenir le pays le plus peuplé au monde. Cette rapide croissance démographique risque fort de provoquer une envolée du chômage et de graves troubles sociaux.Catherine Bros, Maître de Conférences en économie, HDR, Université Gustave Eiffel, affiliée au laboratoire DIAL, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1305812020-01-26T18:28:49Z2020-01-26T18:28:49ZLes villes africaines vont-elles exploser ?<p>On décrit, parfois avec effroi, l’explosion de mégapoles comme Lagos ou Kinshasa, qui compteront plus de 20 millions d’habitants en 2030. Il est vrai que le taux de croissance de la population urbaine africaine est l’un des plus forts du monde – 4 % par an en moyenne entre 1960 et 2010 – et il devrait continuer à être supérieur à celui des autres régions d’ici à 2050.</p>
<h2>Une idée reçue : l’Afrique vit un exode rural massif</h2>
<p>Pourtant, l’urbanisation africaine se réalise aujourd’hui principalement dans les campagnes et dans les villes petites et moyennes, comme le montre la <a href="http://www.AFRICApolis.org">base de données Africapolis</a> récemment publiée par le Club du Sahel et l’OCDE. Contrairement à ce qu’on imagine, les bourgs ruraux deviennent des villes en se densifiant, et sans grignoter massivement les terres cultivées et irriguées.</p>
<p>En outre, les campagnes ne se dépeuplent pas. Dans certains pays, la population rurale a même augmenté plus rapidement que la population urbaine entre 1990 et 2010 (Égypte, Liberia, Maurice, Zambie, Eswatini). Il n’y a pas d’exode rural massif. Ainsi, dans 22 pays d’Afrique, les deux tiers de la croissance urbaine sont alimentés par les naissances d’enfants de citadins, et non pas par des migrations des campagnes vers les villes. Entre 2010 et 2014, l’indice de fécondité en ville était supérieur à 5 enfants par femme au Mali, au Niger, au Nigeria, en République démocratique du Congo et au Burundi.</p>
<p>Par ailleurs, un phénomène important en Afrique est la transformation de camps de réfugiés en villes. Le camp d’Iriba au Tchad compte à lui seul plus de 141 000 réfugiés du Darfour, la taille d’une vaste agglomération. Lorsque les camps sont éloignés des principaux lieux d’activité économique, l’avenir de leurs habitants est préoccupant.</p>
<p>La croissance urbaine africaine n’est pas synonyme d’étalement spatial au sens de dilution. Dans le monde, les pays riches connaissent un étalement urbain dû à la réduction de la taille des ménages et à l’augmentation du niveau de vie. Ainsi, entre 1990 et 2015, les surfaces bâties <a href="https://link.springer.com/book/10.1007%2F978-3-030-36656-8">se sont accrues de 18,5 % en Europe</a>, tandis que la population n’augmentait que de 1,6 %, ce qui aggrave l’empreinte écologique des villes européennes. </p>
<p>Durant la même période, les villes africaines devenaient plus compactes. En 1990, dans les grandes villes africaines, la densité moyenne de population était de 5 500 habitants/km<sup>2</sup> ; elle est de 6 000 habitants par km<sup>2</sup> en 2015 (contre 2 500 habitants par km<sup>2</sup> à Los Angeles). Cette densification est en grande partie due aux « modes d’habiter ». <a href="https://www.worldbank.org/en/programs/africa-regional-studies/publication/african-cities-opening-doors-to-the-world">Selon la Banque mondiale</a>, en 2017 la moitié de la population d’Abidjan (Côte d’Ivoire) et le tiers de la population de Dar es-Salaam (Tanzanie) vivent en moyenne à 3 habitants par pièce.</p>
<h2>Multiplication des mégapoles et création de villes nouvelles</h2>
<p>Le nombre de grandes métropoles a quand même été multiplié par 10 entre 1970 et 2015 : le nombre des villes de plus de un million d’habitants est passé de 4 à 41 et elles <a href="https://unhabitat.org/world-cities-report">devraient être 67 en 2030</a>. L’Afrique compte aujourd’hui 3 mégapoles (plus de 10 millions d’habitants) : Le Caire, Lagos et Kinshasa. En 2050, 3 autres dépasseront ce seuil : Dar es-Salaam, Johannesburg et Luanda.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/311893/original/file-20200125-81357-nll03k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/311893/original/file-20200125-81357-nll03k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/311893/original/file-20200125-81357-nll03k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/311893/original/file-20200125-81357-nll03k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/311893/original/file-20200125-81357-nll03k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/311893/original/file-20200125-81357-nll03k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/311893/original/file-20200125-81357-nll03k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Johannesburg, Afrique du Sud, 2017.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mark Hillary/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>En raison du rythme élevé de la croissance démographique, ONU-Habitat estime les besoins en Afrique à 4 millions de logements supplémentaires chaque année. Si ceux-ci ne sont pas fournis par une offre formelle et planifiée, ils se développent par auto-construction. C’est pourquoi la population des bidonvilles africains a <a href="https://unhabitat.org/world-cities-report">plus que doublé entre 1990 et 2014</a>, passant de 200 millions à 456 millions d’habitants.</p>
<p>Or, les pays dont la majorité (plus de 80 %) des citadins habite dans des quartiers précaires sont les États les plus pauvres : Soudan, République centrafricaine, Tchad, Mauritanie, Madagascar. Certains de ces pays ont subi des crises politiques, l’État dispose de peu de ressources financières. La probabilité pour que leurs gouvernements réussissent à mettre en place une planification rationnelle anticipant l’ensemble des besoins en logements est très faible. L’un des grands défis de la planification urbaine en Afrique est donc l’intégration au reste de la ville des quartiers dits « informels » – c’est-à-dire leur normalisation. Les politiques répressives vis-à-vis de ces quartiers renforcent les inégalités et l’exclusion. Elles sont souvent inefficaces, puisque le développement de ces quartiers répond à des <a href="https://www.afd.fr/fr/ressources/repenser-les-quartiers-precaires">besoins essentiels pour les populations</a>.</p>
<p>Une autre piste encore est la réalisation de polarités secondaires en périphérie des grandes métropoles, voire la création de villes nouvelles, afin d’éviter l’étalement urbain. Le pays précurseur pour les villes nouvelles modernes est l’Égypte. 22 cités ont été construites entre 1977 et 2000, avec des fortunes variables : cités-dortoirs mais aussi embourgeoisement dans le Grand Caire, villes désertes dans le désert.</p>
<p>Au début des années 2000, le Maroc a à son tour lancé la planification d’une dizaine de villes nouvelles, destinées aux classes populaires et aux classes moyennes. En Algérie et en Angola, d’immenses villes nouvelles ont pu voir le jour grâce aux revenus pétroliers et à la construction à bas coût par des entreprises chinoises. D’autres villes nouvelles visent explicitement les classes aisées, parfois en association avec des parcs de haute technologie, comme Sidi Abdellah en Algérie, Diamniado au Sénégal, Hope City au Ghana, Eko Atlantic City au Nigeria ou Konza Technology City au Kenya.</p>
<p>De nombreux observateurs soulignent le fait que ces villes nouvelles récentes n’attirent pas massivement les populations, en particulier lorsqu’elles sont éloignées des lieux d’emploi et mal desservies, contrairement à ce qui était annoncé par les gouvernements. Cependant, il faut comprendre que ces <a href="https://journals.openedition.org/ema/2990">grands projets</a> servent également à thésauriser des capitaux, dans un contexte de fiabilité limitée du système bancaire, et à entretenir une bulle spéculative.</p>
<h2>La nécessaire implication des États</h2>
<p>Si elles en ont les moyens, les autorités publiques peuvent lancer d’importants programmes de construction de logements sociaux. En revanche, si elles laissent libre champ au secteur privé de la promotion immobilière, ce dernier, dans une recherche de rentabilité, offrira peu de solutions pour les populations peu solvables, qui constitueront pourtant la majorité des citadins africains de demain. Une partie des villes nouvelles et <em>gated communities</em> de dernière génération abritera alors uniquement les classes aisées, ce qui risque de renforcer la ségrégation spatiale et les inégalités, tout en ayant un impact négatif pour le climat et l’environnement (les quartiers aisés sont souvent plus consommateurs d’espaces).</p>
<hr>
<p><em>Pour une analyse plus détaillée de ces questions, lire <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-L___conomie_africaine_2020-9782348057465.html">« L’économie africaine 2020 »</a>, paru aux éditions La Découverte en janvier 2020.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130581/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Irène Salenson ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La notion d’« explosion » urbaine africaine alimente les visions catastrophistes. Or, si le nombre de mégapoles augmente, l’urbanisation se déroule en bonne partie dans les campagnes.Irène Salenson, PhD, chargée de recherches, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1247362019-10-05T01:03:05Z2019-10-05T01:03:05ZBD « Sciences en bulles » : Comment évoluent les populations ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/295663/original/file-20191004-118244-1d7m712.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.fetedelascience.fr/pid35151-cid144926/-sciences-en-bulles-le-nouveau-livre-de-la-fete-de-la-science-2019.html">Peb&Fox/Syndicat national de l’édition</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet extrait de la BD <a href="https://www.fetedelascience.fr/pid34623-cid144926/sciences-en-bulles-la-recherche-en-bd.html">« Sciences en bulles »</a> est publié dans le cadre de la Fête de la science (du 5 au 13 octobre 2019 en métropole et du 9 au 17 novembre en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème : « À demain, raconter la science, imaginer l’avenir ». Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<hr>
<p>Les mathématiques sont un domaine de connaissance purement abstrait. Pourtant, les outils qu’elles offrent permettent de mettre en équations quantité de phénomènes naturels, qu’ils soient physiques, économiques, sociaux, biologiques… Il est ainsi possible de modéliser, comprendre, prévoir et contrôler différents processus comme les épidémies, la croissance tumorale ou l’envoi d’une fusée dans l’espace.</p>
<p>Un domaine m’intéresse particulièrement, celui de la biologie évolutive : comment les populations évoluent-elles, qu’il s’agisse de populations de molécules chimiques (y compris médicamenteuses), de virus, de bactéries ou d’espèces animales ?</p>
<p>En bon mathématicien, mon objectif est de parvenir à traduire sous forme d’équations la plupart des lois qui régissent cette évolution, afin de mieux la comprendre et même de la diriger. Mon but est en particulier d’améliorer des traitements médicamenteux déjà existants, voire d’en trouver de nouveaux. </p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/295666/original/file-20191004-118205-i2io65.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/295666/original/file-20191004-118205-i2io65.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/295666/original/file-20191004-118205-i2io65.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=594&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/295666/original/file-20191004-118205-i2io65.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=594&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/295666/original/file-20191004-118205-i2io65.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=594&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/295666/original/file-20191004-118205-i2io65.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=747&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/295666/original/file-20191004-118205-i2io65.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=747&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/295666/original/file-20191004-118205-i2io65.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=747&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/295665/original/file-20191004-118222-f4d4vz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/295665/original/file-20191004-118222-f4d4vz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/295665/original/file-20191004-118222-f4d4vz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=623&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/295665/original/file-20191004-118222-f4d4vz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=623&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/295665/original/file-20191004-118222-f4d4vz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=623&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/295665/original/file-20191004-118222-f4d4vz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=783&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/295665/original/file-20191004-118222-f4d4vz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=783&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/295665/original/file-20191004-118222-f4d4vz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=783&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/295667/original/file-20191004-118217-zrafcx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/295667/original/file-20191004-118217-zrafcx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/295667/original/file-20191004-118217-zrafcx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=611&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/295667/original/file-20191004-118217-zrafcx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=611&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/295667/original/file-20191004-118217-zrafcx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=611&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/295667/original/file-20191004-118217-zrafcx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=768&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/295667/original/file-20191004-118217-zrafcx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=768&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/295667/original/file-20191004-118217-zrafcx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=768&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.fetedelascience.fr/pid35151-cid144926/-sciences-en-bulles-le-nouveau-livre-de-la-fete-de-la-science-2019.html">Peb&Fox/Syndicat national de l’édition</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p><em>Retrouvez les créations dessinées du duo Peb & Fox <a href="http://www.pebfox.com/blog/">sur leur blog</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124736/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mario Veruete ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Avec la complicité du duo Peb & Fox, une mise en équations de la biologie évolutive.Mario Veruete, Associate professor, EPF – UGEILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1125562019-03-03T19:58:23Z2019-03-03T19:58:23ZOù sur Terre y a-t-il le plus d’immigrés ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/261746/original/file-20190302-110143-1n3wpzf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C7%2C1614%2C1060&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un groupe de travailleurs immigrés à Doha, au Qatar. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/w/index.php?title=Special:Search&title=Special:Search&redirs=0&search=migrants+Qatar&fulltext=Search&fulltext=Advanced+search&ns0=1&ns6=1&ns14=1&advanced=1&searchToken=cdwlneokxs2wzg4j9wbulhc5z#%2Fmedia%2FFile%3AMigrant_workers_in_West_Bay_Doha.jpg">Alex Sergeev/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La proportion d’immigrés varie beaucoup d’un pays à l’autre, dépassant la moitié de la population dans certains pays, alors qu’elle est inférieure à 0,1 % dans d’autres. Dans quels pays les immigrés sont-ils les plus nombreux ? De quels pays sont-ils issus ? De façon plus générale, comment les immigrés se répartissent-ils à l’échelle de la planète ? Nous dressons ici un panorama du nombre et de la part des immigrés dans les différents pays du monde.</p>
<p>Les États-Unis sont le pays du monde comptant sur son sol le plus grand nombre d’immigrés (personnes nées à l’étranger) : 48 millions en 2015, d’après les <a href="https://www.un.org/en/development/desa/population/migration/data/index.shtml">Nations unies</a>. C’est près de cinq fois plus que l’Arabie saoudite (11 millions) et six fois plus que le Canada (7,6 millions) (figure en dessous). Mais proportionnellement à leur taille, ces deux derniers pays ont nettement plus d’immigrés : respectivement 34 % et 21 %, contre 15 % aux États-Unis.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/261656/original/file-20190301-110115-vwp6gl.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/261656/original/file-20190301-110115-vwp6gl.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/261656/original/file-20190301-110115-vwp6gl.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/261656/original/file-20190301-110115-vwp6gl.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/261656/original/file-20190301-110115-vwp6gl.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/261656/original/file-20190301-110115-vwp6gl.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/261656/original/file-20190301-110115-vwp6gl.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Gilles Pison (à partir des données des Nations unies).</span>
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</figure>
<h2>Cinq types de pays avec un fort pourcentage d’immigrés</h2>
<p>Si l’on rapporte de façon systématique le nombre d’immigrés à l’effectif de la population (figure en dessous), <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/28889/563.comparaison.internationale.immigre.2019.2.fr.pdf">cinq types de pays</a> à fort pourcentage d’immigrés apparaissent :</p>
<ul>
<li><p>un premier groupe de pays, peu peuplés mais richement dotés en ressources pétrolières, où les immigrés sont parfois majoritaires. C’est dans ce groupe que l’on observe en 2015 les proportions les plus élevées sur le plan mondial : Émirats arabes unis (87 %), Koweït (73 %), Qatar (68 %), Arabie saoudite, Bahreïn et Oman avec des taux compris entre 34 % et 51 %.</p></li>
<li><p>un deuxième groupe est formé de très petits territoires, des micro-États souvent dotés d’un statut particulier, notamment sur le plan fiscal : Macao (57 %), Monaco (55 %), Singapour (46 %).</p></li>
<li><p>le troisième groupe correspond aux pays qualifiés autrefois de « pays neufs », dotés d’immenses espaces mais encore faiblement peuplés : Australie (28 %) et Canada (21 %).</p></li>
<li><p>le quatrième groupe, proche du précédent pour le mode de développement, est celui des démocraties industrielles occidentales où la proportion d’immigrés est généralement comprise entre 9 % et 17 % : Autriche (17 %), Suède (16 %), États-Unis (15 %), Royaume-Uni (13 %), Espagne (13 %), Allemagne (12 %), France (12 %), Pays- Bas (12 %), Belgique (11 %), Italie (10 %).</p></li>
<li><p>un cinquième et dernier groupe est celui des pays dits de « premier asile », qui reçoivent des flux massifs de réfugiés du fait de conflits dans un pays voisin. Le Liban hébergeait ainsi plus d’un million de réfugiés syriens ou irakiens fin 2015, soit l’équivalent de 20 % de sa population, et le Tchad, 400 000 réfugiés (3 % de sa population) originaires du Soudan.</p></li>
</ul>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/261658/original/file-20190301-110110-rihqw6.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/261658/original/file-20190301-110110-rihqw6.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=594&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/261658/original/file-20190301-110110-rihqw6.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=594&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/261658/original/file-20190301-110110-rihqw6.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=594&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/261658/original/file-20190301-110110-rihqw6.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=746&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/261658/original/file-20190301-110110-rihqw6.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=746&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/261658/original/file-20190301-110110-rihqw6.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=746&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Gilles Pison (à partir des données des Nations unies).</span>
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</figure>
<h2>Les pays de petite taille accueillent proportionnellement plus d’immigrés</h2>
<p>La Suisse – avec 29 % d’immigrés – se situe devant les États-Unis ou la France, et le Luxembourg a une proportion encore plus élevée (46 %). Si l’attractivité du pays joue, sa taille aussi. Plus le pays est petit, plus la part de la population née à l’étranger risque d’être élevée.</p>
<p>En sens inverse, plus le pays est grand, plus cette part risque d’être faible. L’Inde ne compte ainsi que 0,4 % d’immigrés en 2015, et la Chine, encore moins, 0,07 %. Mais si chaque province chinoise était un pays indépendant – une dizaine de provinces ont plus de 50 millions d’habitants ; les trois plus peuplées (le Guangdong, le Shandong et le Hénan) en ont autour de 100 millions –, le taux d’immigrés serait beaucoup plus élevé. Les migrations de province à province, qui ont pris beaucoup d’importance ces dernières années, seraient en effet alors comptées comme des migrations internationales et non plus comme des migrations internes.</p>
<p>En sens inverse, si l’Union européenne formait un seul pays, la part des immigrés diminuerait sensiblement, puisque les ressortissants d’un autre pays de l’Union n’en feraient plus partie. L’importance relative des deux types de migration – interne et internationale – est donc fortement liée au découpage du territoire en nations.</p>
<h2>Le nombre des émigrés est difficile à mesurer</h2>
<p>Tout immigré est aussi un émigré pour le pays qui l’a vu naître. Même s’il s’agit des mêmes personnes à l’échelle mondiale, quand on s’intéresse à un pays particulier et que l’on souhaite en connaître la population des émigrés, les informations disponibles sont souvent moins bonnes que pour les immigrés. Les pays sont sans doute moins soucieux de dénombrer leurs émigrés que leurs immigrés, les premiers n’étant plus résidents, et n’occasionnant plus de dépenses publiques sous forme d’équipements et d’infrastructures, contrairement aux seconds. Mais les émigrés contribuent souvent de façon importante à l’économie de leur pays de départ par l’envoi d’argent et, dans certains cas, ils peuvent toujours voter, ce qui justifie de mieux connaître leur population.</p>
<p>La moins bonne connaissance des émigrés tient également aux sources statistiques. Les arrivées de migrants sont mieux enregistrées que les départs. Et le nombre d’émigrés est souvent estimé à partir des statistiques sur les immigrés dans les différents pays d’accueil.</p>
<p>Le nombre d’émigrés varie beaucoup d’un pays à l’autre. L’Inde se trouve en tête en l’an 2015, avec près de 16 millions de personnes nées dans ce pays et vivant dans un autre pays (figure en dessous). Le Mexique occupe la seconde place avec plus de 12 millions d’émigrés, vivant principalement aux États-Unis.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/261659/original/file-20190301-110107-1ikxezz.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/261659/original/file-20190301-110107-1ikxezz.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/261659/original/file-20190301-110107-1ikxezz.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/261659/original/file-20190301-110107-1ikxezz.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/261659/original/file-20190301-110107-1ikxezz.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/261659/original/file-20190301-110107-1ikxezz.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/261659/original/file-20190301-110107-1ikxezz.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Gilles Pison (à partir des données des Nations unies).</span>
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<p>En termes de proportion, la Bosnie-Herzégovine détient un record : on compte un Bosnien vivant à l’étranger pour deux vivant au pays, ce qui signifie que le tiers des personnes nées en Bosnie-Herzégovine ont émigré (figure en dessous). L’Albanie est dans une situation proche, ainsi que le Cap-Vert, pays insulaire dénué de ressources.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/261660/original/file-20190301-110137-e9jmyl.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/261660/original/file-20190301-110137-e9jmyl.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=605&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/261660/original/file-20190301-110137-e9jmyl.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=605&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/261660/original/file-20190301-110137-e9jmyl.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=605&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/261660/original/file-20190301-110137-e9jmyl.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=761&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/261660/original/file-20190301-110137-e9jmyl.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=761&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/261660/original/file-20190301-110137-e9jmyl.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=761&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Gilles Pison (à partir des données des Nations unies).</span>
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<h2>Le Japon, fermé aux migrations dans les deux sens</h2>
<p>Certains pays sont à la fois des terres d’immigration et d’émigration. C’est le cas, par exemple, du Royaume-Uni, qui compte 8,4 millions d’immigrés et 4,7 millions d’émigrés en 2015.</p>
<p>Les États-Unis comptent un nombre appréciable d’expatriés (2,9 millions en 2015), mais comparativement aux immigrés (48 millions à la même date), c’est dix-sept fois moins.</p>
<p>La France est dans une situation intermédiaire : d’après les décomptes dans les recensements du monde entier, elle compterait 2,9 millions d’expatriés en 2015, soit autant que les États-Unis, mais 40 % de moins que le Royaume-Uni ; ses émigrés seraient quatre fois moins nombreux que ses immigrés.</p>
<p>Enfin, certains pays paraissent relativement fermés jusqu’ici aux migrations, et dans les deux sens. C’est le cas par exemple du Japon, qui compte à la fois peu d’immigrés (seulement 1,7 % de la population en 2015) et peu d’émigrés (0,6 %).</p>
<h2>Les immigrés, moins de 4 % de la population mondiale</h2>
<p>Les immigrés seraient, au total, 258 millions en 2017, d’après les <a href="https://www.un.org/en/development/desa/population/migration/data/index.shtml">Nations unies</a>. Ils ne représentent qu’une faible minorité de la population mondiale (3,4 %), la plupart des humains vivant dans leur pays de naissance.</p>
<p>La proportion d’immigrés n’a que très légèrement augmenté au cours des dernières décennies : elle était de 2,9 % il y a trente ans (en 1990), et de 2,3 % il y a 55 ans (en 1965). Elle a sans doute également peu changé en cent ans.</p>
<p>En revanche, la répartition des immigrés n’est pas la même qu’il y a un siècle. L’un des changements survenus depuis est le « renversement des flux migratoires », entre le Nord et le Sud, selon l’expression d’Alfred Sauvy, les pays du Sud fournissant désormais une part importante des migrants internationaux.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/261749/original/file-20190302-110130-1hw4lj2.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/261749/original/file-20190302-110130-1hw4lj2.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=593&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/261749/original/file-20190302-110130-1hw4lj2.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=593&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/261749/original/file-20190302-110130-1hw4lj2.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=593&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/261749/original/file-20190302-110130-1hw4lj2.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=746&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/261749/original/file-20190302-110130-1hw4lj2.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=746&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/261749/original/file-20190302-110130-1hw4lj2.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=746&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Gilles Pison (à partir des données des Nations unies).</span>
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<p>Ceux-ci se répartissent aujourd’hui en trois groupes d’importance numérique à peu près égale (figure au-dessus) :</p>
<ul>
<li><p>les migrants nés au Sud et vivant au Nord (89 millions en 2017 d’après les <a href="https://www.un.org/en/development/desa/population/migration/data/index.shtml">Nations unies</a>) ;</p></li>
<li><p>les migrants Sud-Sud (97 millions), qui ont migré d’un pays du Sud vers un autre pays du Sud ;</p></li>
<li><p>les migrants Nord-Nord (57 millions).</p></li>
</ul>
<p>Le quatrième groupe des personnes nées au Nord et ayant migré au Sud, qui dominait il y a un siècle, est nettement moins important numériquement (14 millions).</p>
<p>Les flux de migrants générés depuis 2015 par les conflits au Moyen-Orient, malgré leur importance notamment en Europe, n’auront pas sensiblement modifié le tableau mondial des migrations internationales.</p>
<hr>
<p><em>Cet article s’appuie sur <a href="https://www.autrement.com/Catalogue/atlas/atlas-monde/atlas-de-la-population-mondiale">« L’Atlas de la population mondiale »</a>, Gilles Pison, 2019, Autrement.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/112556/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gilles Pison ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans quels pays les immigrés sont-ils les plus nombreux ? De quels pays sont-ils issus ? De façon plus générale, comment les immigrés se répartissent-ils à l’échelle de la planète ?Gilles Pison, Anthropologue et démographe, professeur au Muséum national d'histoire naturelle et chercheur associé à l'INED, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/999142018-11-06T21:05:23Z2018-11-06T21:05:23ZLes acteurs locaux, premiers architectes des villes du XXIᵉ siècle<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/243670/original/file-20181102-83626-1yfqrzk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C0%2C2579%2C1779&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La population taïwanaise compte en 2018 23.5 millions d'habitants, dont 78% sont urbains.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/F0ujN2nH9Ns">Andrew Haimerl/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Ce texte s’inscrit dans une série d’articles autour de la thématique « Universités et ville durable », sujet du colloque de l’Agence universitaire de la francophonie (AUF) qui se tient les 21 et 22 octobre 2019 à Dakar, avec plus de cent cinquante acteurs francophones : établissements universitaires, représentants gouvernementaux, maires, et experts en urbanisme dans le monde francophone.</em></p>
<hr>
<p>Principalement alimentée par les mobilités – migrations et exode rural – la croissance urbaine mondiale affiche depuis le milieu du XX<sup>e</sup> siècle un rythme soutenu. <a href="https://news.un.org/fr/story/2018/05/1014202">Près de 70 % de la population</a> vivra en ville d’ici 2050, selon l’ONU. C’est-à-dire dans moins d’une génération.</p>
<p>La croissance rapide et incontrôlée de la population et des superficies urbaines entre en conflit avec les <a href="https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/objectifs-de-developpement-durable/">objectifs de développement durable (ODD)</a>, définis en 2015 par les Nations unies. Penser la ville du futur dans une perspective soutenable est donc devenu l’un des principaux défis du XXI<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Le 31 octobre dernier, la journée mondiale des villes était placée sous le mot d’ordre « construire des villes durables et résilientes ». « Chaque semaine, 1,4 million de personnes s’installent en ville », a souligné à cette occasion Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU. « Cette urbanisation effrénée peut mettre à rude épreuve les capacités des collectivités, les rendant plus vulnérables aux catastrophes dues à l’homme ou à la nature ».</p>
<h2>Séismes, tsunamis, épidémies : des villes plus vulnérables</h2>
<p>Les populations qui migrent privilégient majoritairement des villes déjà massives. Alors que 5 villes seulement dépassaient les 10 millions d’habitants en 1975, elles étaient 30, en 2018, à héberger un total de <a href="http://worldpopulationreview.com/world-cities/">485 millions d’habitants</a> – dont 19 dans la zone intertropicale et 22 sur les côtes ou les zones à risque. Les villes de plus d’un million d’habitants, quant à elles, sont passées de 86 à 600 au cours des 70 dernières années.</p>
<p>Or ces mastodontes agrègent non seulement les incommodités propres à la forte densité, mais favorisent la vulnérabilité face aux menaces naturelles et climatiques – séismes, tsunamis, épidémies, inondations, tornades, glissements de terrain – auxquelles s’ajoutent les risques créés par les activités humaines – pollutions ou catastrophes industrielles, entre autres.</p>
<p>Certaines villes, telles que Lagos, Istanbul ou Osaka, sont ainsi exposées au « multi-risque », c’est-à-dire à la fois aux inondations, aux séismes, aux tsunamis, ou encore aux glissements de terrain.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/243671/original/file-20181102-83641-sp3def.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/243671/original/file-20181102-83641-sp3def.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/243671/original/file-20181102-83641-sp3def.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/243671/original/file-20181102-83641-sp3def.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/243671/original/file-20181102-83641-sp3def.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/243671/original/file-20181102-83641-sp3def.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/243671/original/file-20181102-83641-sp3def.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Istanbul s’étale sur une bande littorale urbanisée de manière continue sur 75 kilomètres, cumulant toutes les incommodités (transport, pollution, ségrégation sociale) et continuant à croître sous l’effet de projets gigantesques de promotion immobilière.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/1nrvi08YbZg">Oziel Gomez/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>L’uniformisation de notre alimentation</h2>
<p>Par ailleurs, le fort déséquilibre qui se développe entre zones urbaines et rurales représente un enjeu crucial pour la sécurité alimentaire. Alors que le nombre d’agriculteurs est en chute libre, la production alimentaire se mondialise et uniformise les modes de consommation.</p>
<p>Selon la <a href="http://www.fondation-nature-homme.org/magazine/pourquoi-et-comment-privilegier-une-alimentation-de-qualite-de-proximite-et-de-saison/">Fondation pour la Nature et l’Homme</a>, les trois quarts de notre alimentation urbaine sont composés de 12 espèces végétales et 5 espèces animales seulement. Un manque de diversité alimentaire qui n’est pas sans répercussions sur la santé des populations et la durabilité de nos systèmes agricoles.</p>
<h2>Multiplication des bidonvilles</h2>
<p>La dérégulation et l’absence de politiques urbaines génèrent parallèlement le développement de fortes inégalités au sein même des villes : autour de <a href="https://fr.unhabitat.org/urban-themes/logement-et-amelioration-des-bidonvilles/">40 % de la croissance urbaine</a> dans les villes du Sud passe par des habitats non consolidés et un accès limité voire inexistant aux services de base. La ville de Mexico compte ainsi 4 millions d’habitants vivant dans des bidonvilles, contre 3,3 millions au Caire. Quant à l’Afrique, <a href="https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/EN.POP.SLUM.UR.ZS?view=chart">61 % de la population urbaine</a> vit dans les bidonvilles.</p>
<p>Il y a donc, non seulement pour des questions environnementales, mais également de développement humain, une urgence à penser ces problématiques. À la fois pour les grandes villes, mais aussi pour les petites et les moyennes : confrontées aux mêmes enjeux, celles-ci ne disposent pas des mêmes ressources pour y faire face mais sont pourtant le laboratoire de solutions innovantes intéressantes : elles incitent notamment à un changement des modes de gouvernance et à une implication plus forte de la société civile – voir par exemple les initiatives de <a href="http://www.mercociudades.org/node/2250">Mercociudades</a>, réseau qui englobe 400 communes urbaines d’Amérique du Sud.</p>
<h2>Quelle réponse internationale ?</h2>
<p>Face à ces risques, les organismes internationaux recherchent eux aussi des solutions. De nombreuses initiatives tentent ainsi d’accompagner les États vers des démarches en faveur de la ville durable. Les <a href="https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/objectifs-de-developpement-durable/">Objectifs du développement durable</a> ou la <a href="https://planbleu.org/sites/default/files/upload/files/SMDD_2016-2025_final.pdf">Stratégie méditerranéenne de développement durable</a> réalisée par le Plan d’action pour la Méditerranée en sont des illustrations.</p>
<p>La COP21 a également encouragé la mobilisation des gouvernements locaux : lors de la rencontre de décembre 2015, un sommet des maires avait débouché sur la création <a href="https://www.c40.org/">du C40</a> – qui réunit les 85 agglomérations les plus grandes du monde – du <a href="https://www.100resilientcities.org/">100 Resilient Cities</a> – une idée de la Fondation Rockfeller – ou encore du <a href="http://www.mercociudades.org/">Mercociudades</a>.</p>
<p>Cette implication nouvelle des collectivités illustre une prise de conscience sur la nécessité d’agir. Toutefois, elle montre également que la situation appelle des solutions contextualisées, sur mesure, et des modes d’action auxquels les institutions ne sont pas formées.</p>
<p>Car à la différence des grands modèles de développement des années 1990 ou 2000, il n’y a plus de solution toute faite. L’émergence de la ville durable prendra donc du temps et demandera des efforts d’innovation et de réflexion considérables à ses architectes.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/6BbCTm7uEJ8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le 13 septembre dernier, les maires du C40 se sont réunis à San Francisco pour un sommet mondial sur le climat.</span></figcaption>
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<h2>En Algérie, une cité « éco-citoyenne »</h2>
<p>Les nouvelles propositions internationales de politiques urbaines, tels que les ODD ou <a href="http://habitat3.org/">Habitat III</a>, en tiennent d’ailleurs compte, et tentent d’assouplir leurs cadres pour les gouvernements.</p>
<p>Les campagnes de projets – comme la <a href="https://fr.unhabitat.org/campagne-urbaine-mondiale/">campagne urbaine mondiale</a> lancée après la conférence Hapitat II de 1996, qui vise à échanger des expériences, ou l’<a href="https://fr.unhabitat.org/linitiative-pour-les-villes-et-le-changement-climatique/">initiative pour les villes et le changement climatique</a> pour renforcer la capacité d’adaptation des villes dans les pays en développement – souhaitent avant tout promouvoir des initiatives locales et sensibiliser les citoyens, par des expériences participatives et à l’échelle des moyens locaux.</p>
<p>Améliorer les espaces publics peut constituer le premier pas vers une prise de conscience collective, comme ce fut dans une certaine mesure le <a href="https://www.lesechos.fr/thema/0301684876311-medellin-la-ville-violente-devenue-modele-durbanisation-2177558.php">cas à Medellín</a>, en Colombie. En Algérie, la construction du Ksar Tafilelt, une ville nouvelle de plus de 10000 habitants à Ghardaïa, fut possible grâce à la société civile, car le projet mêlait traditions locales et modernité, et visait un objectif de bien-vivre.</p>
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<figcaption><span class="caption">À 600 km au sud d’Alger, Ksar Tafilelt se revendique première cité « écocitoyenne » d’Algérie.</span></figcaption>
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<h2>Réponse locale aux problèmes environnementaux</h2>
<p>Les études sur les mécanismes et l’impact du changement climatique, si elles sont importantes, intéressent peu les populations et les institutions de pays du sud, car elles sont menées à des échelles trop larges. Le développement économique et la lutte contre la pauvreté restent les priorités.</p>
<p>En mobilisant les sciences sociales et politiques, la recherche doit se pencher sur les réponses locales aux problèmes environnementaux. Dans les villes en particulier, c’est sur les modes de vie et l’éducation que les chercheurs peuvent aider à construire des modalités d’agir. Il s’agit de s’intéresser aux modifications des régimes alimentaires, aux comportements énergétiques, aux habitudes de transports, aux perceptions du cadre de vie, et d’identifier les leviers de l’action et les facteurs de blocage.</p>
<p>Il n’y a pas de recherche sur le changement climatique sans une participation conjointe des institutions, de la société civile, et des entreprises. C’est ainsi que les politiques publiques pourront évoluer vers de l’action locale et soutenue. L’agenda de la recherche doit donc se déplacer vers les modalités de l’action.</p>
<hr>
<p><em><a href="https://blogs.worldbank.org/fr/team/elkin-velasquez-monsalve">Elkin Velásquez Monsalve</a>, directeur du bureau régional pour les Caraïbes et l’Amérique Latine (ROLAC), ONU-Habitat, est co-auteur de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/99914/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hubert Mazurek ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Tandis que la croissance urbaine se poursuit à un rythme soutenu, il est urgent de penser des solutions locales pour la ville de demain.Hubert Mazurek, Director of Research, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1057572018-11-01T21:18:36Z2018-11-01T21:18:36ZDébat sur la démographie en Afrique : un impact d’abord local<p>Une polémique scientifico-médiatique a surgi récemment sur l’avenir démographique de l’Afrique et son incidence sur les migrations vers l’Europe.</p>
<p>Une première vision fait état d’une expansion migratoire massive due à la croissance économique du continent africain combinée à celle de sa population, notamment jeune, qui pourrait venir remplacer celle de l’Europe vieillissante et représenter jusqu’à un quart de cette dernière à l’horizon de la moitié du siècle (<em>La ruée vers l’Europe</em> de Stephen Smith).</p>
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<p>Une deuxième relève, au contraire, une tendance à la migration régionale intra-africaine, avec un lien entre les variables sociales, économiques et-démographiques fort différent de la première et justifiant une estimation très inférieure dans laquelle cette proportion ne dépasserait guère 4 % (<a href="https://lemonde.fr/europe/article/2018/09/12/non-l-afrique-subsaharienne-ne-va-pas-envahir-l-europe_5353671_3214.html?">François Héran</a>, « l’Europe et le spectre des migrations subsahariennes », in <em>Population et sociétés</em>, n° 558, septembre 2018).</p>
<p>Le débat est passé de la controverse scientifique à l’empoignade intellectuelle en se transposant à l’arène médiatique à travers des journaux renommés et aux approches contrastées (<a href="http://www.lefigaro.fr/vox/monde/2018/09/14/31002-20180914ARTFIG00347-stephen-smith-l-anatheme-a-etouffe-le-debat-contradictoire-sur-l-immigration.php">Le Figaro</a>, <a href="https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/231018/francois-heran-les-migrations-sont-un-phenomene-banal">Mediapart</a>).</p>
<h2>Ni déferlante, ni statu-quo</h2>
<p>Il y a pourtant un constat qui met tout le monde d’accord : la jeunesse africaine est celle qui croît le plus au monde et les prévisions que l’on peut faire à ce niveau sont fiables et convergentes. Or, prenant la catégorie d’âge issue de l’école secondaire (à 75 % scolarisée aujourd’hui) et entrant dans une période d’activité professionnelle ou étudiante, elles dessinent la double image suivante (voir cartes A et B ci-dessous) :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/243043/original/file-20181030-76402-13efqjv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/243043/original/file-20181030-76402-13efqjv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/243043/original/file-20181030-76402-13efqjv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/243043/original/file-20181030-76402-13efqjv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/243043/original/file-20181030-76402-13efqjv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/243043/original/file-20181030-76402-13efqjv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/243043/original/file-20181030-76402-13efqjv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<hr>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/243045/original/file-20181030-76408-2ya6it.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/243045/original/file-20181030-76408-2ya6it.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/243045/original/file-20181030-76408-2ya6it.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/243045/original/file-20181030-76408-2ya6it.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/243045/original/file-20181030-76408-2ya6it.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/243045/original/file-20181030-76408-2ya6it.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/243045/original/file-20181030-76408-2ya6it.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au cours des 30 prochaines années, les densités de population active jeune par grandes régions du monde vont globalement peu évoluer, sauf pour l’Afrique où le changement sera, en revanche, considérable (<a href="https://www.populationpyramid.net/">multiplication par 2 en seulement trois décennies</a>).</p>
<p>Peut-on imaginer que ces variations seront assumées localement sans interférences avec le reste du monde ? Peut-on penser que l’Afrique, à la démographie la plus dynamique, à l’économie en voie d’intégration dans la mondialisation particulièrement accélérée, et à la proximité la plus immédiate d’une région à hauts revenus, restera peu mobile à cette échelle ? Peut-on négliger les multiples constats d’études empiriques faisant état de l’<a href="https://theconversation.com/le-migrant-est-lavenir-du-monde-104798">aspiration des jeunes à se construire de bonnes conditions de vie</a> ou à les choisir parfois ailleurs à défaut ?</p>
<p>Évidemment non et il n’est pas souhaitable de faire comme si, pour l’Europe, ce sera <em>business as usual</em>, ou de raisonner comme si les conséquences des changements sont essentiellement prévisibles et peuvent être bien anticipées. Mais il n’est pas non plus réaliste d’imaginer une déferlante Sud-Nord – ne serait-ce que parce que de gros projets européens, discrets mais très concrets, mettent en place des dispositifs très sophistiqués – notamment technologiques- de contrôle des frontières en Afrique, avec la collaboration des gouvernements locaux.</p>
<p>Il n’y a pas, par conséquent, de lien simple et direct entre la croissance de la population jeune et sa traduction en flux migratoires.</p>
<h2>En Afrique d’abord</h2>
<p>Sans surprise, c’est d’abord en Afrique que se feront sentir les mouvements générés par cette dynamique démographique. Les processus de développement y sont extrêmement disparates, entre pays, régions et secteurs urbains et ruraux (lire <a href="https://journals.openedition.org/lectures/24592">« La nouvelle Afrique »</a>, <em>Questions internationales</em> n°90, mars-avril 2018). C’est donc là que les mobilités, régulées-entravées ou non, seront les plus actives.</p>
<p>Elles ont déjà – et auront plus encore du fait de leur accroissement notable – une incidence sur la stabilité politique et sociale locale. Et cette dernière est souvent cruciale pour les relations internationales au niveau mondial.</p>
<p>L’enjeu du traitement de la question démographique africaine réside dans ces impacts indirects et différés, beaucoup plus que dans la question de savoir si l’Europe doit se prémunir ou non de ses effets « mécaniques ».</p>
<p>Pour cette dernière et pour la Chine, hautement concernée du fait de l’importance de ses engagements sur le continent, il y a une coopération majeure – notamment sur les plans universitaire et technique – à développer sans attendre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/105757/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Baptiste Meyer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’enjeu du traitement de la question démographique réside dans les impacts indirects et différés en Afrique beaucoup plus que dans ses possibles effets « mécaniques » en Europe.Jean-Baptiste Meyer, Directeur de recherche (Centre Population et Développement), Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1028862018-09-09T21:52:14Z2018-09-09T21:52:14ZArrêter de faire des enfants pour sauver la planète ? Posons-nous d’abord les bonnes questions<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/235493/original/file-20180909-18990-1hh2ilk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">7 milliards d’êtres humains peuplent la Terre. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/people-on-square-537148279?src=7fD1DDl_4QwYB93GVLQD9Q-1-99">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Faut-il arrêter de faire des enfants pour sauver la planète ? Nombre d’articles <a href="https://www.theguardian.com/world/2018/jun/20/give-up-having-children-couples-save-planet-climate-crisis">dans les médias</a> et plusieurs <a href="http://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/aa7541">publications scientifiques récentes</a> ont à nouveau souligné les défis inhérents à la surpopulation et aux conséquences néfastes pour l’environnement d’avoir trop d’êtres humains sur Terre. Pour beaucoup, faire moins d’enfants semble une <a href="https://www.populationmatters.org/">solution logique</a> à ce problème.</p>
<p>En lisant les commentaires relatifs aux articles sur ce sujet, vous découvrirez ce que les gens qui travaillent sur ces questions connaissent bien : chacun campe souvent sur ses positions et les discussions prennent régulièrement un tour émotionnel, voire conflictuel.</p>
<p>Que vous pensiez que la surpopulation est la question centrale de notre temps, que ce n’est <a href="https://www.nytimes.com/2013/09/14/opinion/overpopulation-is-not-the-problem.html">pas vraiment un problème</a> ou que vous vous situiez entre les deux, il est crucial de pouvoir en discuter sans cliver à outrance ce débat. Dans un <a href="http://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/aac9d0/">article récemment publié</a> dans <em>Environmental Research Letters</em>, nous avons proposé trois pistes pour discuter de la surpopulation de manière plus éthique et, espérons-le, plus réfléchie.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"951712628103090176"}"></div></p>
<h2>Reconnaître les limites de l’action individuelle</h2>
<p>Un individu (ou un couple) agissant en son nom propre a un impact limité. Et si le fait de décider dans son coin d’avoir moins d’enfants <a href="http://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/aa7541">peut sembler déterminant</a>, une action collective aura des effets autrement plus importants.</p>
<p>Les problèmes environnementaux, à commencer par le changement climatique, sont d’une telle ampleur qu’il est souvent bien difficile d’y réfléchir. Et <a href="https://www.theguardian.com/environment/true-north/2017/jul/17/neoliberalism-has-conned-us-into-fighting-climate-change-as-individuals">quand on encourage les gens</a> à le faire de manière individuelle, cela peut les conduire à tout simplement nier leur responsabilité dans ce domaine. Plusieurs études <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10584-016-1670-9">ont ainsi montré</a> que la mise en avant d’une responsabilité collective pour résoudre les crises environnementales faisait naître un plus grand désir de changer les choses.</p>
<p>Bien souvent, les recommandations pour une attitude plus écoresponsable porte sur des choses que l’on fait chez soi, au quotidien : recycler davantage, manger moins de viande, éviter de prendre l’avion, etc. Cela pourrait presque faire oublier que les entreprises, les universités, les hôpitaux, etc., ont aussi une empreinte écologique et non des moindres ! On peut donc penser que les individus peuvent faire beaucoup pour réduire leur impact au sein même des structures professionnelles.</p>
<p>Prenons l’exemple d’un responsable des achats dans une grande entreprise : il ou elle pourra en faire bien plus en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre en adaptant les achats de son entreprise à cette donne climatique qu’en décidant d’avoir moins d’enfants… L’échelle de l’action fait la différence.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"690059391752671232"}"></div></p>
<h2>Reconnaître que certains consomment plus que d’autres</h2>
<p>Quand on évoque l’impact néfaste de la démographie sur l’environnement, il faut sans cesse rappeler que ce n’est pas tant le nombre de personnes qui pose problème, mais bien les habitudes de consommation. Si les 7 milliards d’humains que compte aujourd’hui la planète se comportaient comme des Américains, consommant autant d’eau, de viande, de plastique et de pétrole, ce serait un désastre planétaire. Dans de nombreux pays, les habitants consomment infiniment moins, l’Érythrée ayant la <a href="http://data.footprintnetwork.org/#/compareCountries?cn=all&type=EFCpc&yr=2014">plus faible empreinte</a> écologique par habitant.</p>
<p>Et si peu d’enfants naissent dans les pays développés, sans l’immigration, ces derniers sont confrontés à un inéluctable déclin. <a href="http://www.statcan.gc.ca/pub/11-630-x/11-630-x2014002-eng.htm">En 2011</a>, par exemple, le taux de fertilité atteignait au Canada 1,6 enfant par femme, bien en dessous du seuil de renouvellement, fixé à 2,1 pour ce pays. En y réfléchissant, le véritable impact sur l’environnement concerne avant tout les modes de vie – dont les variations sont considérables à la fois <a href="https://pubs.acs.org/doi/abs/10.1021/es803496a">entre les pays</a> et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921800909000366">à l’intérieur de chaque pays</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/230416/original/file-20180802-136655-1i1ht1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/230416/original/file-20180802-136655-1i1ht1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/230416/original/file-20180802-136655-1i1ht1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/230416/original/file-20180802-136655-1i1ht1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/230416/original/file-20180802-136655-1i1ht1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/230416/original/file-20180802-136655-1i1ht1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/230416/original/file-20180802-136655-1i1ht1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/230416/original/file-20180802-136655-1i1ht1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Chaque Européen génère en moyenne 31 kilos de déchets plastiques par an.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Roman Mikhailiuk/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Reconnaître le contrôle des naissances comme un droit fondamental ?</h2>
<p>L’idée de faire moins d’enfants convoque la notion de contrôle des naissances. Celle-ci a une histoire sombre et ses conséquences sont encore visibles aujourd’hui en Chine et en Corée du Sud. Dans ces pays, ce contrôle a conduit au phénomène de l’avortement sélectif – les familles préférant avoir des garçons pour diverses raisons culturelles. Aujourd’hui, ces pays doivent faire face au phénomène des « femmes manquantes », qui alimente notamment le trafic de femmes en provenance d’autres pays asiatiques, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29202096">comme le Vietnam</a> par exemple.</p>
<p>Dans ce contexte, le Fonds des Nations unies pour la population <a href="https://www.unfpa.org/events/launch-state-world-population-report-1">a déclaré en 2012</a> que le planning familial constituait un droit fondamental… auquel <a href="https://www.unfpa.org/data/world-population-dashboard">12 % des femmes</a> âgées de 15 à 49 ans n’ont à l’heure actuelle toujours pas accès dans le monde. Nous sommes donc ici en présence du non-respect d’un droit humain.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"991787047546511361"}"></div></p>
<p>Tout cela explique sans doute pourquoi, quand la question des liens entre démographie et environnement se focalise sur la surpopulation, elle se tend. Car la surpopulation est souvent vue comme une menace pour les générations futures. Dès lors, quand cette question est évoquée dans le cadre d’une conversation sur la planification des naissances, elle est considérée comme un jugement de valeur : le fait que les droits futurs de mes enfants ne sont pas respectés importent davantage que le fait que certains droits ne sont pas respectés aujourd’hui. Pour être bien clair, reformulons : accordons-nous aux femmes le droit de choisir quand et combien d’enfants elles veulent porter ?</p>
<p>Une population mondiale en pleine extension constitue aujourd’hui un défi collectif où jouent les valeurs morales, les émotions, des visions du monde différentes, de même que des intérêts multiples. Discuter de l’impact des naissances sur l’environnement réclame d’avoir l’esprit ouvert.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/102886/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Petit guide pour apprendre à (vraiment) débattre des questions relatives à la démographie et à la protection de l’environnement.Rebecca Laycock Pedersen, PhD Researcher, Keele UniversityDavid P. M. Lam, PhD Researcher, Institute for Ethics and Transdisciplinary Stustainability Research (IETSR), Leuphana UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/991112018-07-01T20:34:45Z2018-07-01T20:34:45ZLe Sahel au défi de son peuplement<p>Ce lundi 2 juillet, la lutte contre le terrorisme et l’accélération du développement des pays du « G5 Sahel » seront au centre des discussions du sommet de l’Union africaine (UA), en Mauritanie.</p>
<p>Le Sahel traverse une phase de croissance démographique sans précédent dans aucune autre région du monde. En l’espace de 20 ans, période très courte, la population des pays du G5 (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad) pourrait doubler, ce qui la ferait passer, en vase clos, de 80 à 160 millions d’habitants en 2040.</p>
<p>En comparaison, celle des pays côtiers atlantiques d’Afrique de l’Ouest sera multipliée par 1,8, alors que la dynamique démographique dans le Maghreb sera beaucoup moins forte : la <a href="https://www.un.org/development/desa/publications/world-population-prospects-the-2017-revision.html">population devrait y croître d’environ 30 %</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/225344/original/file-20180628-117374-2ose89.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/225344/original/file-20180628-117374-2ose89.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=378&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/225344/original/file-20180628-117374-2ose89.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=378&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/225344/original/file-20180628-117374-2ose89.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=378&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/225344/original/file-20180628-117374-2ose89.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=475&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/225344/original/file-20180628-117374-2ose89.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=475&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/225344/original/file-20180628-117374-2ose89.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=475&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Graphique établi par le Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO-OCDE).</span>
<span class="attribution"><span class="source">AFD</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Ces constats, renforcés par la situation de crise sécuritaire aiguë de certaines régions du Sahel, inquiètent la France et l’Europe, qui y voient une menace migratoire, amplifiée par des essais récents aux titres parfois provocateurs. On pense notamment à l’essai de <a href="http://afrique.lepoint.fr/actualites/migrations-la-ruee-vers-l-europe-le-livre-qui-derange-01-02-2018-2191491_2365.php">Stephen Smith, <em>La ruée vers l’Europe</em></a>.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/demographie-africaine-et-migrations-entre-alarmisme-et-deni-94765">Démographie africaine et migrations : entre alarmisme et déni</a>
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</em>
</p>
<hr>
<p>Mais il faut aussi replacer cette hausse importante de la population de l’Afrique subsaharienne dans son contexte, celui d’une phase de rattrapage historique. Avec un niveau de plus de 2 milliards prévu en 2050, elle retrouve seulement en ce XXI<sup>e</sup> siècle l’<a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-319-46889-1_2">importance relative qu’elle avait dans la population mondiale au XVIIᵉ siècle</a>, soit environ 1/5<sup>e</sup>.</p>
<p>Entre ces deux dates, la <a href="https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Bilan_%C3%A9conomique_de_la_colonisation_en_Afrique">traite négrière et la colonisation</a> ont conduit l’Afrique subsaharienne à moins de 10 % d’une population mondiale par ailleurs en croissance, sa population ne dépassant pas 100 millions d’habitants jusqu’au début du XX<sup>e</sup> siècle.</p>
<h2>La mobilité, condition clef du développement</h2>
<p>Parler d’une « Ruée vers l’Europe » comme le propose Smith revient cependant à caricaturer la situation. L’objectif des femmes et hommes du Sahel, notamment de sa jeunesse, est d’améliorer leur situation, de chercher un meilleur accès aux services de base, à la formation, la santé, le logement, l’information, la sécurité…</p>
<p>Ce qui conduit parfois à se déplacer, sans perdre nécessairement le contact avec leur région d’origine. C’est également l’aspiration au voyage, à la découverte, que connaissent tous les jeunes du monde.</p>
<p>Ces conditions meilleures, si elles ne se présentent pas sur place, ils les trouvent dans les bourgs et villes de rang supérieur à leur lieu de vie actuel. <a href="https://ec.europa.eu/jrc/en/publication/eur-scientific-and-technical-research-reports/many-more-come-migration-and-within-africa">La majorité des Sahéliens qui choisissent de se déplacer s’installeront donc dans leur propre pays</a>. D’autres traverseront une frontière pour rallier des pôles de croissance dans des pays voisins mieux dotés comme le sont la plupart des pays qui entourent le Sahel, en Afrique de l’Ouest côtière ou au Maghreb.</p>
<p>Enfin, une partie des déplacements conduira des Sahéliens vers d’autres régions du monde, comme ce fut souvent le cas des régions en transition démographique (de 1850 à 1914, <a href="http://www.clesdusocial.com/les-migrations-europeennes-aux-xixeme-et-xxeme-siecles-un-eclairage-historique">60 millions d’Européens quittèrent l’Europe</a>).</p>
<p>Achile M’Bembé le dit à sa manière : <a href="https://ideas4development.org/ateliers-de-pensee-de-dakar-circulation-migration-questions/">« Si la plus grande question du XXᵉ siècle était celle de la race, au XXIᵉ siècle, ce sera celle de la mobilité »</a>.</p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/103243947" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Transition démographique européenne, 1992, INED.</span></figcaption>
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<h2>Une transformation profonde et rapide des sociétés</h2>
<p>Les idées reçues ont la vie longue. Les images d’un Sahel de paysans et d’éleveurs que les <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-africaine-2010-3-page-23.htm">sécheresses des années 70 et 80</a> avaient projetées dans le monde occidental sont restées dans les mémoires.</p>
<p>Or, les pays sahéliens se sont dotés depuis lors d’un réseau de villes et de voies de communication. Dans certains pays sahéliens, le <a href="http://www.oecd.org/fr/csao/publications/un-atlas-du-sahara-sahel-9789264222335-fr.htm">niveau d’urbanisation est ainsi passé de 2 % en 1950 à 25 % en 2010</a>. Les Sahéliens se procurent leur alimentation via le marché <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/development/les-nouvelles-opportunites-de-l-economie-alimentaire-ouest-africaine_5jlwjg67l25f-fr">pour plus des deux tiers</a>.</p>
<p>Les chaînes alimentaires (production-transformation-commercialisation) fonctionnent, permettant aux Sahéliens de se nourrir à <a href="https://www.afd.fr/fr/lafrique-la-conquete-de-son-marche-alimentaire-interieur-enseignements-de-dix-ans-denquetes-aupres-des-menages-dafrique-de-louest-du-cameroun-et-du-tchad">80 % de produits sahéliens</a>, ces derniers se composant principalement de céréales, graines oléagineuses, racines et tubercules, légumineuses, huile, sucre.</p>
<p>Les diasporas émigrées en Afrique (en Côte d’Ivoire notamment), en Europe, en Amérique du Nord, apportent par ailleurs à leurs pays d’origine plus de ressources que l’aide au développement : <a href="http://www.worldbank.org/en/topic/labormarkets/brief/migration-and-remittances">2,2 milliards de dollars au Sénégal et 1 milliard au Mali en 2017</a>.</p>
<p>La vision dominante aujourd’hui d’un Sahel en crise provient surtout des difficultés de certains États de la région (notamment le Mali et le Nigeria) à <a href="https://www.afd.fr/fr/lac-tchad-boko-haram">gérer la sécurité de leur territoire national</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lafrique-a-lheure-du-nouveau-regionalisme-securitaire-72945">L’Afrique à l’heure du nouveau régionalisme sécuritaire</a>
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<p>Cette vérité, certes préoccupante, ne doit pas masquer que le Sahel est engagé dans une transformation interne des sociétés, passant par une forte urbanisation des bourgs, des villes secondaires et des capitales, et par une transformation des modes de vie (comportement de consommation, logement, mode de transport, accès aux services et à l’information).</p>
<h2>Accompagner le processus de peuplement en cours</h2>
<p>Ces transformations en appellent d’autres. Ainsi, l’urbanisation en cours nécessitera d’équiper les agglomérations et de les doter de pouvoirs locaux représentant toutes les parties prenantes impliquées dans les économies et sociétés locales, leurs biens communs.</p>
<p>Les régions frontalières entre les pays du Sahel et les pays côtiers (de la Côte d’Ivoire au Cameroun en passant par le Nigéria) verront une activité commerciale dense. La distinction rural-urbain laissera la place à la notion de territoires centrés sur des bourgs et des villes secondaires, ce qui suppose que les pouvoirs centraux acceptent de jouer le jeu d’une véritable décentralisation, point clef d’un renouveau de la gouvernance que les peuples sahéliens, notamment leur jeunesse, <a href="http://mali-web.org/societe/g5-sahel-la-jeunesse-au-coeur-dune-strategie-integree">appellent impatiemment de leurs vœux</a>.</p>
<p>Ce mouvement est en marche mais les observateurs occidentaux peinent à le comprendre, notamment à saisir l’<a href="https://www.afd.fr/fr/les-dispositifs-dappui-linsertion-des-jeunes-sur-le-marche-du-travail-en-afrique">importance considérable du secteur informel</a> véritable économie populaire <a href="https://www.afd.fr/fr/les-entreprises-informelles-de-lafrique-de-louest-francophone-taille-productivite-et-institutions">permettant à la majorité de se procurer un revenu</a>, secteur en outre articulé avec le secteur « moderne » comme celui des technologies mobiles et des nouveaux médias.</p>
<p>Comprendre les transformations induites par ce peuplement accéléré – où vivront les Sahéliens, comment évolueront les emplois et les comportements sociaux – est indispensable pour anticiper, et pour ouvrir l’éventail des choix offerts aux Sahéliennes et aux Sahéliens, dans différents domaines, notamment l’aménagement des cadres de vie, la planification familiale, l’éducation, l’emploi et la mobilité.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/225568/original/file-20180630-117389-puyaa6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/225568/original/file-20180630-117389-puyaa6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/225568/original/file-20180630-117389-puyaa6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=363&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/225568/original/file-20180630-117389-puyaa6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=363&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/225568/original/file-20180630-117389-puyaa6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=363&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/225568/original/file-20180630-117389-puyaa6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=457&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/225568/original/file-20180630-117389-puyaa6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=457&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/225568/original/file-20180630-117389-puyaa6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=457&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Questions internationales n°58, « Sahel », janv-fév 2012, PIB Sahel, 2011.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://cartotheque.sciences-po.fr/media/PIB_et_PIB_par_habitant_au_Sahel_2011/1991/">Sciences Po/Banque mondiale</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une mobilité dont doit s’emparer la CEDEAO</h2>
<p>Les pays sahéliens et la communauté internationale ont donc deux défis essentiels à relever dans le Sahel, celui de la crise sécuritaire et celui de la transformation du peuplement. Ces deux défis n’ont pas les mêmes temporalités et l’un ne peut occulter l’autre.</p>
<p>Pour servir de cadre général aux débats des États sur cette mobilité, seule la <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2012/09/06/qu-est-ce-que-la-cedeao_1756007_3212.html">Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest</a> (CEDEAO) paraît à la hauteur des enjeux, parce qu’elle regroupe déjà une large majorité des États concernés, plusieurs pays, non des moindres, étant en outre candidats à y entrer (la Mauritanie, le Maroc, la Tunisie).</p>
<p>Dans les deux cas, les <a href="http://lefaso.net/spip.php?article84180">bailleurs de fonds</a> doivent s’efforcer d’adopter ensemble des modes d’action plus rapides et efficaces que par le passé.</p>
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<p><em>Cet article a été publié en collaboration avec le <a href="https://ideas4development.org/">blog Ideas for development, Id4D</a>, animé par l’AFD.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/99111/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le Sahel traverse une phase de croissance démographique sans précédent qui engage une transformation interne des sociétés, et nécessite d’être compris plutôt que dénoncé.Jean-Marc Pradelle, Référent Sahel de la Direction Innovation-Recherche et Savoirs, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/981882018-06-17T20:21:52Z2018-06-17T20:21:52ZEspérance de vie : peut-on gagner six heures par jour indéfiniment ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/222775/original/file-20180612-112611-19clabq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 2004 en France, l’espérance de vie a passé le seuil des 80 ans. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/pgzNop1KQy8?utm_source=unsplash&utm_medium=referral&utm_content=creditCopyText">Marie-Sophie Tekian/Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>En France, au milieu du XVIII<sup>e</sup> siècle, l’espérance de vie à la naissance était de moins de 30 ans ; elle a <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/18799/pop.et.soc.francais.410.fr.pdf">presque triplé</a> depuis (voir la figure 1 ci-dessous). Au cours de la période récente, c’est-à-dire depuis le milieu du XX<sup>e</sup> siècle, elle a progressé de près de trois mois en moyenne par an – soit six heures par jour –, passant de 66,4 ans en 1950 à 82,5 ans en 2017.</p>
<p>Va-t-elle continuer à augmenter ? Jusqu’où ? Elle progresse en effet <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/27659/pop.soc553.conjoncture.demographique.france.fr.fr.pdf">moins vite</a> depuis quelque temps, de deux mois en moyenne par an. Est-ce le signe qu’elle se rapproche des limites ? Pour y voir plus clair, analysons son évolution passée et les facteurs expliquant sa formidable progression jusqu’ici.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/222749/original/file-20180612-112611-kbvzbf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/222749/original/file-20180612-112611-kbvzbf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/222749/original/file-20180612-112611-kbvzbf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=758&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/222749/original/file-20180612-112611-kbvzbf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=758&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/222749/original/file-20180612-112611-kbvzbf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=758&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/222749/original/file-20180612-112611-kbvzbf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=952&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/222749/original/file-20180612-112611-kbvzbf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=952&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/222749/original/file-20180612-112611-kbvzbf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=952&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évolution de l’espérance de vie en France.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ined.fr/fr/publications/population-et-societes/france-2004-l-esperance-de-vie-franchit-le-seuil-de-80-ans/">Gilles Pison (à partir de reconstitutions historiques et des données de l’Insee)</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Le recul de la mortalité infantile, un facteur déterminant</h2>
<p>La progression de l’espérance de vie n’a pas été régulière au cours des deux siècles et demi passés. Elle a été interrompue par les conflits (guerres napoléoniennes, guerres de 1870, 1914-1918 et 1939-1945) qui ont entraîné des reculs importants. Mais ceux-ci n’ont duré que le temps du conflit, la progression reprenant ensuite la tendance de fond.</p>
<p>Les progrès s’accélèrent à certaines périodes, comme au tournant du XVIII<sup>e</sup> et du XIX<sup>e</sup> siècle, ou cent ans plus tard, à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle. Ils ralentissent à d’autres, comme entre 1850 et 1870. Ces variations sont parallèles à celles de la <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/18799/pop.et.soc.francais.410.fr.pdf">mortalité des enfants</a>, encore très élevée à ces époques, et qui pèse beaucoup sur la durée de vie moyenne.</p>
<p>Ainsi, la moitié des enfants mourait avant l’âge de 10 ans en France au milieu du XVIII<sup>e</sup> siècle, ce qui explique la très faible espérance de vie (25 ans). Autour de 1800 la mortalité des enfants recule fortement grâce en partie à la vaccination contre la variole : le risque pour un nouveau-né de mourir dans sa première année diminue d’un tiers en deux décennies, passant de 275 pour mille à 185 pour mille, comme le montre la figure 2. L’espérance de vie fait un bond de 10 ans.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/222750/original/file-20180612-112602-yopm9p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/222750/original/file-20180612-112602-yopm9p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/222750/original/file-20180612-112602-yopm9p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=673&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/222750/original/file-20180612-112602-yopm9p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=673&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/222750/original/file-20180612-112602-yopm9p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=673&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/222750/original/file-20180612-112602-yopm9p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=845&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/222750/original/file-20180612-112602-yopm9p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=845&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/222750/original/file-20180612-112602-yopm9p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=845&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Évolution de la mortalité infantile en France.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ined.fr/fr/publications/population-et-societes/france-2004-l-esperance-de-vie-franchit-le-seuil-de-80-ans/">Gilles Pison (à partir de reconstitutions historiques et des données de l’Insee)</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au milieu du XIX<sup>e</sup> siècle, la mortalité infantile remonte du fait de l’industrialisation et l’urbanisation qui dégradent les conditions de vie des enfants, notamment dans les villes. L’espérance de vie stagne. À l’inverse, à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle et dans la première moitié du XX<sup>e</sup> siècle, les progrès de l’hygiène et de la médecine liés à la <a href="https://www.cairn.info/revue-corps-2011-1-page-165.htm">révolution pastorienne</a>, dont les enfants ont été les premiers bénéficiaires, et aussi la mise en place des premières politiques de protection de la petite enfance, entraînent une forte augmentation de l’espérance de vie.</p>
<p>Au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, l’espérance de vie récupère la tendance de fond et atteint 66,4 ans en 1950. Elle poursuit ensuite sa progression au rythme de près de 3 mois en plus par an en moyenne.</p>
<p>Mais le rythme a un peu baissé depuis 2010, deux mois en plus par an seulement en moyenne comme déjà mentionné, laissant penser que l’allongement de la vie pourrait bientôt atteindre ses limites.</p>
<h2>Un précédent ralentissement il y a 50 ans</h2>
<p>Un phénomène similaire de <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/27659/pop.soc553.conjoncture.demographique.france.fr.fr.pdf">ralentissement des progrès</a> s’est produit il y a 50 ans, visible à la figure 3 qui zoome sur la période récente. Alors que l’espérance de vie à la naissance (sexes confondus) a augmenté de 4 ans au cours de la décennie 1950, elle n’a crû que de 1,7 an au cours de la décennie 1960.</p>
<p>Durant ces décennies, la progression de l’espérance de vie vient encore pour partie du recul de la mortalité infantile. Elle a baissé de moitié entre 1950 et 1960, passant de 51 décès d’enfants de moins d’un an pour mille naissances, à 27 ‰, et a continué de diminuer pendant la décennie suivante pour atteindre 18 ‰ en 1970. Mais le niveau atteint est si bas qu’elle ne représente plus désormais qu’une faible part de la mortalité, et même si son recul se poursuit (elle est de 4 ‰ en 2017), il n’a pratiquement plus d’effet sur l’espérance de vie.</p>
<p>Celle-ci ne peut progresser qu’en raison des succès remportés dans la lutte contre la mortalité adulte, en particulier aux âges élevés où se concentrent de plus en plus les décès.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/222751/original/file-20180612-112611-1mrs8t1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/222751/original/file-20180612-112611-1mrs8t1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/222751/original/file-20180612-112611-1mrs8t1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=824&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/222751/original/file-20180612-112611-1mrs8t1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=824&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/222751/original/file-20180612-112611-1mrs8t1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=824&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/222751/original/file-20180612-112611-1mrs8t1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1036&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/222751/original/file-20180612-112611-1mrs8t1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1036&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/222751/original/file-20180612-112611-1mrs8t1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1036&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">En France, la progression de l’espérance de vie marque le pas dans les années 1960.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.ined.fr/fr/publications/population-et-societes/1968-2018-4-surprises-demographiques-france-50-ans/](https://www.ined.fr/fr/publications/population-et-societes/1968-2018-4-surprises-demographiques-france-50-ans/">Gilles Pison (à partir des données de l’Insee)</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des scénarios pessimistes démentis par la réalité, l’idée du plafonnement abandonnée</h2>
<p>Les possibilités de diminution de la mortalité à ces âges ne peuvent être que limitées, pense-t-on il y a 50 ans, et l’espérance de vie va rapidement buter sur un plafond biologique.</p>
<p>Le ralentissement des années 1960 vient conforter cette vision. Celle-ci se reflète dans les <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/1374368/HISTO14_d_D3_demo.pdf">scénarios d’évolution</a> de l’espérance de vie qu’élabore l’Insee pour projeter la population de la France (voir la figure 3 ci-dessus).</p>
<p>Ainsi, la projection publiée en 1979 considère que l’espérance de vie va plafonner à 73,8 ans en 2000, or ce seuil a été dépassé l’année même où elle a été publiée, l’espérance de vie ayant atteint 74,1 ans en 1979. Tenant compte de l’énorme décalage entre les projections précédentes et la réalité, la projection de 1986 fait progresser l’espérance de vie nettement plus rapidement tout en conservant l’hypothèse d’un ralentissement puis d’un plafonnement à terme.</p>
<p>Mais, comme dans les projections antérieures, le plafond de la projection de 1986 est atteint puis dépassé (en 1997). Le constat que les plafonds même rehaussés sont régulièrement dépassés au bout de quelques années conduit à l’abandon de l’idée même de plafonnement dans les <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/version-html/2496228/ip1619.pdf">projections suivantes</a>.</p>
<p>Celles-ci extrapolent la tendance courante sur toute la période de projection, se contentant de l’infléchir très progressivement sans toutefois fixer de limite. Elles correspondent assez bien à l’évolution observée pour l’instant.</p>
<h2>Les succès de la lutte contre la mortalité des personnes âgées</h2>
<p>Si les projections ont longtemps sous-estimé les progrès de l’espérance de vie, c’est qu’elles n’ont pas anticipé la forte baisse de la mortalité des adultes et des personnes âgées. Il faut dire que les progrès dans ce domaine sont relativement récents, comme le montre l’<a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/27659/pop.soc553.conjoncture.demographique.france.fr.fr.pdf">évolution de l’espérance de vie à 60 ans</a> sur la figure 4 ci-dessous.</p>
<p>Au milieu du XX<sup>e</sup> siècle, elle était encore proche de son niveau du XIX<sup>e</sup> siècle, notamment du côté masculin : un homme de 60 ans pouvait espérer vivre encore 13 à 14 ans. Ce n’est qu’à partir de la fin de la Deuxième Guerre mondiale qu’elle commence à augmenter chez les hommes, les progrès s’accélérant ensuite jusqu’à ce qu’elle atteigne 23,2 ans en 2017, soit 7,3 ans de plus qu’en 1967. La progression a commencé plus tôt chez les femmes, dès les premières décennies du XX<sup>e</sup> siècle, et elle s’est aussi accélérée à partir de la fin de la guerre jusqu’à 27,6 ans en 2017, soit 7,2 ans de plus qu’en 1967.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/222752/original/file-20180612-112637-19yeh2n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/222752/original/file-20180612-112637-19yeh2n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/222752/original/file-20180612-112637-19yeh2n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=744&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/222752/original/file-20180612-112637-19yeh2n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=744&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/222752/original/file-20180612-112637-19yeh2n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=744&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/222752/original/file-20180612-112637-19yeh2n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=935&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/222752/original/file-20180612-112637-19yeh2n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=935&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/222752/original/file-20180612-112637-19yeh2n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=935&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évolution de l’espérance de vie des personnes âgées en France.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ined.fr/fr/publications/population-et-societes/1968-2018-4-surprises-demographiques-france-50-ans/">Gilles Pison (à partir des données de l’Insee et de Vallin et Meslé 2001)</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<h2>La révolution cardiovasculaire</h2>
<p>Au milieu du XX<sup>e</sup> siècle, les maladies infectieuses étaient encore la cause d’une partie importante des décès d’adultes et de personnes âgées, et leur recul a entraîné une augmentation sensible de l’espérance de vie à 60 ans. Mais, comme pour les enfants, la part de ces maladies dans la mortalité totale a beaucoup régressé et les gains à attendre de la poursuite de leur recul sont faibles.</p>
<p>Les maladies cardiovasculaires et les cancers sont désormais les <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/18799/pop.et.soc.francais.410.fr.pdf">principales causes de décès</a> à ces âges, comme le montre la figure 5 ci-dessous. Et ce sont les succès rencontrés dans la lutte contre ces maladies qui ont permis à la mortalité des adultes et des personnes âgées de poursuivre sa baisse à partir des années 1970, et à l’espérance de vie de continuer à augmenter.</p>
<p>La mortalité due aux maladies du cœur et des vaisseaux a énormément diminué depuis un demi-siècle grâce à la <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19141/pes473.fr.pdf">« révolution cardiovasculaire »</a> qu’ont constitué les progrès de la prévention et des traitements dans ce domaine. Quant à la mortalité par cancer, qui avait augmenté, elle régresse maintenant grâce aux diagnostics plus précoces et à la réduction des comportements à risques comme le tabagisme.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/222776/original/file-20180612-112614-f44ytc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/222776/original/file-20180612-112614-f44ytc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/222776/original/file-20180612-112614-f44ytc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=755&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/222776/original/file-20180612-112614-f44ytc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=755&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/222776/original/file-20180612-112614-f44ytc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=755&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/222776/original/file-20180612-112614-f44ytc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=948&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/222776/original/file-20180612-112614-f44ytc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=948&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/222776/original/file-20180612-112614-f44ytc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=948&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évolution de la mortalité par causes de décès en France.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ined.fr/fr/publications/population-et-societes/france-2004-l-esperance-de-vie-franchit-le-seuil-de-80-ans/">Gilles Pison (à partir des données de l’Inserm, Meslé 2006 et Breton et coll. 2017)</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les conditions d’une espérance de vie toujours en progrès</h2>
<p>Le ralentissement des progrès de l’espérance de vie depuis une dizaine d’années est peut-être le signe que les retombées de la révolution cardiovasculaire sont en voie d’épuisement.</p>
<p>Et les progrès futurs pourraient dépendre de plus en plus de la lutte contre les cancers qui sont devenus la première cause de décès. Si celle-ci engrange les succès, les retombées en termes d’espérance de vie ont été moins spectaculaires jusqu’ici que celles liées à la révolution cardiovasculaire. Il faudrait que le recul de la mortalité liée aux cancers s’accélère dans les prochaines décennies si l’on veut que l’espérance de vie continue de progresser de 3 mois par an.</p>
<p>À plus long terme, comme pour les avancées liées à la lutte contre les infections, celles liées à la lutte contre les maladies cardiovasculaires et les cancers devraient s’épuiser un jour. De nouveaux terrains de lutte comme les maladies neurodégénératives (maladies d’Alzheimer, de Parkinson, etc.) et des innovations médicales et sociales pourraient alors prendre le relais et ouvrir une <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19141/pes473.fr.pdf">nouvelle phase</a> de progrès sanitaire.</p>
<p>Ce qui pourrait non pas conduire à l’immortalité, vieux rêve inaccessible, mais remettre de nouveau à plus tard le <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19141/pes473.fr.pdf">calcul d’une limite</a> à la progression de l’espérance de vie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/98188/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gilles Pison ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ces dix dernières années, les progrès de l’espérance de vie ont marqué le pas en France. Décryptage et explications de ce phénomène.Gilles Pison, Anthropologue et démographe, professeur au Muséum national d'histoire naturelle et chercheur associé à l'INED, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/947652018-05-02T19:39:32Z2018-05-02T19:39:32ZDémographie africaine et migrations : entre alarmisme et déni<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">DR.</span>
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<p><em>Cet article est republié dans le cadre de l’initiative « Quelle est votre Europe ? » dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez toutes les informations, débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://bit.ly/2qJ1aUH">quelleestvotreeurope.fr</a></em></p>
<hr>
<p>Il en est des chiffres de la population comme de ceux de l’abstention dans un scrutin démocratique : on peut leur faire dire ce que l’on veut entendre. Sur la démographie africaine, le spectre est très large entre ceux qui agitent l’épouvantail de la « croissance exponentielle » et ceux qui se réjouissent de toute cette jeunesse, symbole des dynamiques à venir. Dans ce débat, la voie du chercheur est étroite.</p>
<h2>Des statistiques problématiques, mais qui vont toutes dans le même sens</h2>
<p>Naturellement, on pourrait s’en sortir par défaut, en soulignant que la plupart des statistiques africaines sont contestables en raison des difficultés rencontrées dans nombre de pays pour conduire des enquêtes crédibles.</p>
<p>Il n’empêche que même les fourchettes basses sont élevées, et les courbes de croissance – minimales, maximales et médianes – toujours fortement ascendantes. Selon <a href="https://esa.un.org/unpd/wpp/Publications/Files/WPP2017_KeyFindings.pdf"><em>The World Population Prospects : The 2017 Revision</em></a>, émanant du département des Affaires économiques et sociales de l’ONU, l’Afrique compte 1,256 milliard d’habitants, contre 640 millions en 1990. Sa population a donc doublé en un quart de siècle.</p>
<p>Si l’on ne retient que les chiffres essentiels, on note que son taux moyen de fécondité est de 4,7 enfants par femme (contre 2,2 en Asie et 2,1 en Amérique latine). Mais il atteint 7,4 au Niger – ce qu’avait bien lu Emmanuel Macron – ou encore 6,6 en Somalie et 6,3 au Mali. La pyramide des âges affiche une base très évasée, puisque 60 % des Africains ont moins de 25 ans. À ce rythme, on estime que l’Afrique comptera 1,704 milliard d’habitants en 2030, 2,528 milliards en 2050 et 4,468 milliards en 2100. Soit à cet horizon 40 % de la population mondiale, contre 17 % en 2017.</p>
<h2>Le courage des précurseurs</h2>
<p>Toutes ces données sont connues et généralement admises, mais elles ont souvent été enfouies dans le non-dit parce qu’elles génèrent un malaise dans les opinions publiques, et plus particulièrement dans les milieux scientifiques. Il a donc fallu beaucoup de patience et un certain courage à quelques auteurs, et notamment – surtout ? – en France, pour commencer à tirer la sonnette d’alarme malgré la réprobation de nombre de chercheurs.</p>
<p>L’un de ces précurseurs, <a href="https://www.cairn.info/revue-etudes-2011-10-page-305.htm">Jean‑Pierre Guengant</a>, résumait très bien la controverse dans un article de 2011 cosigné avec le démographe belge de la Banque mondiale John F. May :</p>
<blockquote>
<p>« Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les néo-malthusiens et les développementistes se sont violemment opposés, surtout dans les années 1960 et 1970. Les premiers présentaient le contrôle des naissances comme une condition indispensable au développement des pays qualifiés alors de “sous-développés”. Pour les seconds, seules des politiques vigoureuses en faveur du développement pouvaient permettre aux pays du Sud de sortir de leur situation, le développement socio-économique entraînant la réduction de leur fécondité, d’où le slogan “le développement est le meilleur contraceptif” ».</p>
</blockquote>
<p>On se souvient des critiques récurrentes formulées – notamment en Europe – contre le <em>Population Council</em>, créé par John D. Rockefeller III en 1952 et financé par sa fondation, dans le but plus ou moins avoué d’encourager la contraception dans les pays « sous-développés ».</p>
<p>Parallèlement, les chercheurs et les politiques adoptaient, selon Stephen Smith (<a href="http://afrique.lepoint.fr/actualites/migrations-la-ruee-vers-l-europe-le-livre-qui-derange-01-02-2018-2191491_2365.php"><em>La Ruée vers l’Europe</em></a>, Grasset, 2017, p. 61), trois types d’attitude dans la seconde moitié du XX<sup>e</sup> siècle : ce qu’il appelle avec bienveillance « l’inattention » (très peu d’études étaient consacrées au lien entre démographie et pauvreté au sud du Sahara), mais aussi le déni, et enfin la maladresse (<em>wealth in people</em>, la population est une richesse).</p>
<h2>« Dans la chambre à coucher… »</h2>
<p>Ces réactions demeurent d’actualité, ainsi qu’on a pu le constater lorsque Emmanuel Macron a déclaré, en marge du Sommet du G20 en juillet 2017 : </p>
<blockquote>
<p>« Quand des pays ont encore sept à huit enfants par femme, vous pouvez décider d’y dépenser des milliards d’euros, vous ne stabiliserez rien. »</p>
</blockquote>
<p>Outre les commentaires indignés de ses opposants traditionnels, il s’attira les foudres d’Angélique Kidjo :</p>
<blockquote>
<p>« Moi ça ne m’intéresse pas qu’un Président, d’où qu’il vienne, dise à des millions [d’Africains] ce qu’ils doivent faire dans leur chambre à coucher ». (TV5 Monde, 10 septembre 2017).</p>
</blockquote>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/B27qzAebcvA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>De la part de l’ambassadrice de l’UNICEF, cette déclaration montrait bien à quel point l’incompréhension demeurait grave sur les enjeux démographiques africains. En même temps, on pouvait comprendre que la crainte de la stigmatisation ait pu peser sur bon nombre d’auteurs soucieux de ne pas trop se marginaliser par rapport au <em>mainstream</em>.</p>
<h2>Une série de malentendus</h2>
<p>En fait, le premier grand malentendu porte sur la réalité de la <strong>transition démographique</strong>, dont le moins qu’on puisse dire concernant l’Afrique subsaharienne est qu’elle demeure inachevée, bloquée en fin d’étape 2, avec des taux de natalité qui ne baissent que très lentement.</p>
<figure class="align-center ">
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<span class="caption"></span>
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<p>Influencés (ou non) par les recommandations du <em>Population Council</em>, certains pays avaient pris conscience de la nécessité de mettre en place des politiques de planning familial, parfois assez tôt comme le Kenya (1967) et le Ghana (1970), parfois avec un peu de retard comme le Sénégal et le Nigeria (1988). Mais la plupart de ces campagnes de sensibilisation échouèrent face aux résistances des milieux religieux et faute de moyens, notamment lorsque les programmes d’ajustement structurels asséchèrent les budgets de la santé et de l’éducation.</p>
<p>Le second grand malentendu porte sur la notion de <strong>dividende démographique</strong>, que les opinions publiques associent souvent à un bénéfice garanti dès lors que la population dite active (comprise entre 20 et 65 ans) est plus nombreuse que la population dite dépendante (moins de 20 ans et plus de 65 ans). C’est évidemment le cas en Afrique, mais la situation est piégeuse.</p>
<p>Dans son ouvrage cité, Stephen Smith évoque Jean‑Michel Severino (<em>Le Temps de l’Afrique</em>, Odile Jacob, 2010) et Serge Michaïlof (<em>Africanistan</em>, Fayard, 2015) qui, dit-il: </p>
<blockquote>
<p>« ont vaillamment abordé la pyramide africaine des âges, le premier par l’adret, avec l’espoir que le continent bénéficiera d’un dividende démographique quand ses nombreux jeunes auront trouvé un travail rémunéré et le second par l’ubac, dans la crainte que cela n’arrive pas de sitôt et que l’Afrique en crise ne se retrouve dans nos banlieues. » </p>
</blockquote>
<p>Il aurait dû ajouter à propos du dividende démographique : du travail dans le secteur formel.</p>
<p>Pour que les 30 millions de jeunes Africains qui arrivent chaque année sur le marché du travail rendent le dividende démographique bénéficiaire, il faudrait créer autant d’emplois dans le secteur formel, soit 30 millions par an d’ici à 2035. Pourquoi sommes-nous aussi sûrs de ces chiffres ? Parce que ces jeunes ne relèvent pas de la virtualité des projections démographiques : ils sont déjà nés.</p>
<p>Certes, on peut y croire, comme la Banque africaine de développement (BAD) ou l’Institut allemand du développement (DIE), qui pensent qu’un chiffre de l’ordre de 20 millions d’emplois créés annuellement est tenable. Mais on peut aussi en douter, ne serait-ce que parce que nulle amorce de ce processus n’est actuellement visible dans le paysage économique africain, qui continue à être largement dominé par l’informel. Alors la tentation de la migration risque d’être forte.</p>
<h2>L’inévitable soupape migratoire</h2>
<p><strong>L’hypothèse de la soupape migratoire</strong> a longtemps été considérée comme inutilement alarmiste, et les auteurs qui osaient en parler à la fin du XX<sup>e</sup> siècle restaient très prudents. <a href="http://www.revue-projet.com/articles/2002-4-quel-lien-entre-migrations-internationales-et-developpement/">Jean‑Pierre Guengant lui-même soulignait, dès 2002</a>, que la conjugaison « des arrivées massives sur le marché de l’emploi des pays du Sud, qui ne seront pas capables de les absorber, des facilités de déplacement, des informations sur les lieux de destination, etc. » conduirait inévitablement à des migrations internationales. Mais il restait sur le terrain du « développement » et ne se hasardait pas (encore) sur celui de la démographie.</p>
<p>En 2015 (<a href="https://www.nouvelobs.com/monde/20151028.OBS8490/africanistan-dans-20-ans-nous-serons-confrontes-a-l-implosion-securitaire-du-sahel.html"><em>Africanistan</em></a>), Serge Michaïlof s’est affranchi du déni, au risque de la provocation affichée dans son sous-titre (« L’Afrique en crise va-t-elle se retrouver dans nos banlieues ? »). En reprenant les courbes de la démographie africaine, il rappelait que si l’on ne faisait rien, au plan de la démographie <em>et</em> du développement, on s’exposerait aux migrations massives vers l’Europe. Surfant entre les tabous, son ouvrage illustrait l’étroitesse du chemin qui s’ouvre actuellement aux chercheurs, parce que son argumentaire pouvait servir – bien involontairement – la cause de l’extrême droite.</p>
<p>Dans son dernier essai (<em>La Ruée vers l’Europe</em>, 2017), fort bien documenté et solidement argumenté, Stephen Smith va encore plus loin. L’ancien journaliste de <em>Libération</em> et du <em>Monde</em>, actuellement enseignant-chercheur à Duke University (États-Unis), affiche les chiffres cités <em>supra</em> (l’Afrique comptera 2 milliards d’habitants en 2050) et établit un parallèle avec la situation européenne au XIX<sup>e</sup> siècle : entre 1850 et 1914, alors que la population de l’Europe passait de 200 à 300 millions, plus de 60 millions d’Européens migraient vers les États-Unis (43 millions), l’Amérique latine (11 millions), l’Australie (3,5 millions) et l’Afrique du Sud (1 million).</p>
<p>Sur cette base, Stephen Smith fait l’hypothèse qu’une vague migratoire analogue entre l’Afrique et l’Europe pourrait atteindre des proportions telles qu’on compterait 150 à 200 millions d’Afro-Européens en 2050. Pour lui, ce mouvement massif de population ne serait donc pas un événement exceptionnel dans l’histoire du monde : il suffit juste de ne pas rejeter l’hypothèse <em>a priori</em>, au motif que celle-ci risque d’être brandie comme un épouvantail par les populistes européens.</p>
<p>Dans un <a href="https://bibliobs.nouvelobs.com/idees/20180209.OBS1958/la-jeunesse-africaine-est-elle-un-danger-pour-l-europe.html">débat publié en février par <em>L’Obs</em></a>, Stephen Smith était d’ailleurs interpellé sur ce sujet par Michel Agier en ces termes : « À qui faites-vous signe en écrivant cela ? À qui faites-vous peur ? »</p>
<h2>« Une partie du destin de l’Europe se joue avec l’Afrique »</h2>
<p>Tout est dit dans ces deux questions. Faut-il alors avoir peur d’écrire, ou bien faut-il passer sous silence des données qu’on regrettera peut-être, dans dix ou quinze ans, d’avoir occultées ? Faut-il négliger ce sondage Gallup (2016) indiquant que 42 % des Africains âgés de 15 à 24 ans (et 32 % des diplômés du supérieur) déclaraient vouloir émigrer ? En intitulant sa chronique du 8 février 2018 dans <em>Le Monde</em> : <a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/02/08/une-partie-essentielle-du-destin-de-l-europe-se-joue-avec-l-afrique-que-nous-le-voulions-ou-non_5253603_3232.html">« Une partie du destin de l’Europe se joue avec l’Afrique »</a>, Alain Frachon a pris bien soin d’ajouter : « que nous le voulions ou non ».</p>
<p>Il semble de plus en plus clair que les opinions publiques européennes « ne le veulent pas », si l’on en juge par les résultats des élections les plus récentes en Italie, en Pologne, en Grande Bretagne, aux Pays-Bas, en France, en Allemagne, en Autriche, en Hongrie. « La crise migratoire a retourné l’opinion publique européenne », <a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/03/07/la-crise-migratoire-a-retourne-l-opinion-publique-europeenne_5266744_3232.html">écrit Sylvie Kauffmann</a> (<em>Le Monde</em>), dans sa chronique du 7 mars 2018. Et elle insiste un mois plus tard : « La droite identitaire devient mainstream. Elle évince la droite classique, et pas seulement en Europe centrale » (4 avril 2018).</p>
<h2>Traiter l’immigration africaine en Europe à sa juste dimension</h2>
<p>Pour autant, les chercheurs qui ne partagent pas cette idéologie de rejet doivent-ils laisser le champ libre aux auteurs qui ont théorisé cette « menace migratoire », s’inscrivant dans la filiation de Jean Raspail, dont <a href="http://www.lepoint.fr/politique/jean-raspail-que-les-migrants-se-debrouillent-29-09-2015-1968909_20.php"><em>Le Camp des Saints</em></a> (Robert Laffont, 1973) était devenu le livre de chevet de Steve Bannon, l’ex-conseiller anti-immigration de Donald Trump ? Nous avons laissé passer Bat Yé’or (<em>Eurabia</em>, Godefroy, 2006) et Renaud Camus (<em>Le Grand Remplacement</em>, Chez l’auteur, 2011) sans opposer de contre-feu digne de la recherche universitaire française en sciences sociales.</p>
<p>En 1991 pourtant, Jean‑Christophe Rufin – au-dessus de tout soupçon dans le présent débat – nous avait prévenus dans <a href="https://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_1992_num_57_1_4109_t1_0169_0000_2"><em>L’Empire et les nouveaux barbares</em></a> : un nouveau <em>limes</em> était insidieusement en train de se dresser entre un Nord trop riche et un Sud trop pauvre. En 2001, il avait insisté dans la nouvelle édition de son livre prémonitoire sur la nécessité de regarder les choses en face. Mais, là encore, nous avions préféré regarder ailleurs.</p>
<p>Ainsi la démographie africaine doit-elle être abordée dans sa profondeur et dans son intégralité, sans tabou, en rappelant que deux des plus grandes puissances mondiales actuelles ne le seraient sans doute pas aujourd’hui si elles n’avaient pas conduit, en temps utile, des politiques de population drastiques.</p>
<p>De même, l’immigration africaine en Europe doit être traitée à sa juste dimension, en tenant compte à la fois de tous les paramètres chiffrés qui la sous-tendent, des obligations humanitaires qui sont celles des pays d’accueil, et des équilibres socio-économiques qu’il conviendra d’ajuster sans passion. Donc en évitant l’alarmisme et le déni, et sans craindre « l’approbation venue du mauvais côté », pointée par Hans-Magnus Enzensberger (<em>Culture et mise en condition</em>, Le Goût des idées, 2012) à propos des schémas totalitaires de la pensée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/94765/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian Bouquet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’immigration africaine en Europe doit être traitée en tenant compte des paramètres chiffrés qui la sous-tendent, des obligations humanitaires des pays d’accueil et des équilibres socio-économiques.Christian Bouquet, Chercheur au LAM (Sciences-Po Bordeaux), professeur émérite de géographie politique, Université Bordeaux MontaigneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/930362018-03-08T21:17:01Z2018-03-08T21:17:01ZLes petites villes, l’autre visage de l’urbanisation en Inde<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/209536/original/file-20180308-30958-1c2ncnu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C15%2C2048%2C1517&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Développement des marchés à Kullu, au nord de l'Inde.</span> <span class="attribution"><span class="source">Diya Mehra</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Lorsque l’on arpente les campagnes en mutation de Dharuhera en Haryana, les ruelles sans drainage de Satghara au Bihar ou les petits ateliers informels de Kartarpur (Punjab) et de Tiruchengode (Tamil Nadu), on est loin des nouvelles icônes des changements urbains tels que le métro de Delhi, les tours de Mumbai ou les immeubles de verre des zones consacrées aux nouvelles technologies à Bangalore et à Hyderabad.</p>
<p>Cette autre réalité, que nous décrivons <a href="https://www.springer.com/gp/book/9788132236146">dans un ouvrage collectif</a>, produit du projet de recherche <a href="https://f-origin.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/489/files/2013/01/Subaltern_Urbanisation_in_India_EPW2012.pdf">« Subaltern Urbanization in India »</a>, rompt avec la représentation d’une population urbaine de 300 millions d’habitants concentrée dans des mégalopoles multimillionnaires telles que <a href="https://www.mgm.fr/PUB/Mappemonde/M201/Dupont.pdf">Delhi</a> et Mumbai (plus de 20 millions d’habitants).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/jsTadNkTBlw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Mumbai, mégalopole tentaculaire, National Geographic, 2016.</span></figcaption>
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<p>Ces géants urbains, fascinants et monstrueux, concentrent richesse et pauvreté, et <a href="http://www.metropolitiques.eu/Le-droit-a-la-ville-en-Inde-un.html">des inégalités aiguës</a>, incarnées par l’image du bidonville, l’accroissement des risques environnementaux et sanitaires à court et long terme.</p>
<p>On pense ainsi à la <a href="http://www.bbc.com/news/world-asia-india-41925067">pollution de l’air de la capitale</a>, aux inondations majeures à <a href="http://indianexpress.com/article/india/mumbai-rains-chennai-floods-assam-floods-mumbai-floods-strategies-to-tackle-urban-flooding-on-the-table-plans-to-develop-alerts-improve-drainage-4823060/">Mumbai et Chennai</a> ou encore à la raréfaction des ressources comme la pénurie chronique d’eau à Bangalore, la <a href="https://www.wired.com/2017/05/why-bangalores-water-crisis-is-everyones-crisis/">« Silicon Valley indienne »</a>.</p>
<p>Les politiques publiques indiennes se sont ainsi essentiellement centrées sur ces larges agglomérations, qui sont perçues comme les moteurs mais aussi les <a href="https://suburbin.hypotheses.org/files/2011/09/RBBhagatUrbanisation.pdf">hérauts des mutations économiques et sociales en devenir</a>.</p>
<p>En effet, il faut rappeler que la transition urbaine n’est pas terminée : selon les <a href="https://www.census2011.co.in/">statistiques officielles</a>, même si la <a href="http://documents.worldbank.org/curated/en/378351482172055283/Understanding-Indias-urban-frontier-what-is-behind-the-emergence-of-census-towns-in-India">définition de l’urbanisation est très restrictive</a>, l’Inde reste un pays faiblement urbanisé avec environ un tiers de la population vivant en ville.</p>
<h2>Décentrer le regard</h2>
<p>Or les métropoles et leurs périphéries, futures « villes intelligentes », et les villes nouvelles planifiées sont-elles réellement la seule force derrière le passage d’une société rurale à une société urbaine ?</p>
<p>La réponse à cette question est non, sans hésitation aucune. Il faut poser son regard ailleurs, dans des villages densifiés, des villes comme peut-être Kartapur, Dharuhera ou Satghara pour avoir une vision complète de la diversité du monde urbain en Inde.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/209537/original/file-20180308-30979-14xe6sv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/209537/original/file-20180308-30979-14xe6sv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/209537/original/file-20180308-30979-14xe6sv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/209537/original/file-20180308-30979-14xe6sv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/209537/original/file-20180308-30979-14xe6sv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/209537/original/file-20180308-30979-14xe6sv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/209537/original/file-20180308-30979-14xe6sv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Boom immobilier à Dharuhera, dans l’Haryana, nord de l’Inde.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marie-Hélène Zerah</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Ces petites villes sont considérées comme insignifiantes. Pourtant les villes de moins de 100 000 habitants représentent 90 % du total des sites urbains et abritent plus de 40 % de la population urbaine indienne.</p>
<p>Ces « petites villes » à l’échelle de l’Inde mettent en lumière des dynamiques économiques et socio-spatiales singulières. La nomenclature des petites villes comprend à la fois des villes ayant un statut de municipalité mais aussi des villes dites « censitaires » qui conservent juridiquement un statut de villages.</p>
<h2>Des gros villages urbanisés</h2>
<p>Ces dernières ont vu leur structure économique rapidement modifiée puisque plus de trois quarts de la population masculine n’est plus employée dans le secteur agricole.</p>
<p>Ces changements de densité, de population et de structure économique justifient leur inclusion dans le décompte de la population urbaine par le bureau du recensement. Or, entre 2001 et 2011, le nombre de ces villes censitaires est passé d’environ 1300 à 3900, ce qui <a href="https://mpra.ub.uni-muenchen.de/41035/">représente un tiers de la croissance urbaine</a>, soit plus que la part de la croissance urbaine due à la migration.</p>
<p>La progression rapide de cette catégorie a étonné <a href="https://www.researchgate.net/publication/279896789_Method_in_madness_Urban_data_from_2011_Census">tous les observateurs</a> qui l’ont en partie interprétée comme l’absorption de villages liée à l’étalement urbain des métropoles. Mais cette explication n’est pas suffisante puisque près de 60 % de ces villes censitaires ne sont pas situées à proximité de villes dépassant les 100 000 habitants. Elles sont soient isolées soit proches de villes de petite taille.</p>
<h2>Urbanisation subalterne</h2>
<p>Elles mettent en lumière une forme d’urbanisation in situ, que l’on peut qualifier <a href="https://www.springer.com/gp/book/9788132236146">d’urbanisation subalterne</a>, qui se développe dans un contexte de migration limitée vers les grandes villes. Cette modalité de l’urbanisation s’inscrit à l’encontre de l’imaginaire d’afflux massifs dans les métropoles, qui ne créent pas suffisamment d’emplois dans les secteurs secondaire et tertiaire.</p>
<p>Comment expliquer alors cette forte urbanisation des zones rurales et le maintien d’un réseau dynamique de petites villes ?</p>
<p>Pour les plus petites d’entre elles, les gros bourgs sont des lieux d’ajustement dans lesquelles les populations affrontent la pauvreté et l’incertitude. Les habitants mobilisent leurs réseaux (sociaux, de parentèle, de caste) et leurs ressources familiales pour développer une <a href="http://documents.worldbank.org/curated/en/378351482172055283/Understanding-Indias-urban-frontier-what-is-behind-the-emergence-of-census-towns-in-India">économie de bazar et une économie informelle</a> fortement marquées par l’auto-emploi dans la construction, le transport, et des activités de service.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/209541/original/file-20180308-30983-1kue3fy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/209541/original/file-20180308-30983-1kue3fy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/209541/original/file-20180308-30983-1kue3fy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/209541/original/file-20180308-30983-1kue3fy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/209541/original/file-20180308-30983-1kue3fy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/209541/original/file-20180308-30983-1kue3fy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/209541/original/file-20180308-30983-1kue3fy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Manque d’infrastructures dans une petite ville au Bihar.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Khaliq Parkar</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Cette forme d’économie banale joue néanmoins un rôle majeur dans l’absorption des cohortes de jeunes entrants sur un marché du travail très en tension marqué par la destruction rapide d’emplois dans le secteur agricole.</p>
<p>Dans certaines régions, on trouve aussi dans ces zones rurales urbanisées une part non négligeable de la production manufacturière dont plus de la moitié de la valeur ajoutée, en 2011-2012, <a href="http://cprindia.org/research/papers/engines-without-drivers-cities-india%E2%80%99s-growth-story">provient des zones rurales</a>.</p>
<p>Des facteurs communs sont propices à la croissance de ces gros bourgs et de ces petites villes, en particulier un prix faible du foncier (par ailleurs disponible), une main d’œuvre bon marché ainsi que des règlements en matière d’urbanisme et d’environnement moins contraignants.</p>
<h2>Des espaces d’innovations</h2>
<p>Un certain nombre de ces petites villes sont aussi des espaces dans lesquels innovations et dynamiques économiques mettent en évidence (ou rappellent) que la globalisation n’est pas le seul fait des réseaux entre grandes villes.</p>
<p>Prenons ainsi l’exemple de Kartarpur, petite ville du Pendjab de 25 000 habitants. En deux décennies, les activités artisanales de fabrication de meubles se sont structurées en une industrie prospère de l’ameublement parfaitement insérée dans l’économie nationale et internationale.</p>
<p>L’augmentation de la demande, la localisation du site très bien connecté par les réseaux de transport et la confiance tacite entre des entrepreneurs appartenant à une même communauté, mais capable d’absorber de nouveaux groupes, <a href="https://www.cairn.info/revue-espaces-et-societes-2017-1-p-147.htm">expliquent cette mutation</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/209539/original/file-20180308-30969-7erhp3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/209539/original/file-20180308-30969-7erhp3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/209539/original/file-20180308-30969-7erhp3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/209539/original/file-20180308-30969-7erhp3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/209539/original/file-20180308-30969-7erhp3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/209539/original/file-20180308-30969-7erhp3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/209539/original/file-20180308-30969-7erhp3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Artisanat à Kartarpur, Pendjab.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rémi De Bercegol</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Beaucoup plus au sud, dans la ville de Tiruchengode, située au Tamil Nadu et approchant les 100 000 habitants, de nombreux habitants vivent grâce à l’industrie du forage, spécialité de la ville. En trois générations, les petites sociétés familiales de Tiruchengode sont passées de la fabrication de chars à bœufs aux plateformes mobiles de forage qu’elles exportent depuis quelques années au Kenya, à Oman ou encore au Ghana.</p>
<p>En effet, au-delà de prix compétitifs par rapport à la concurrence européenne, ces entrepreneurs possèdent des compétences et des capacités d’adaptation qui leur permettent de trouver des solutions et d’assurer l’<a href="https://www.cairn.info/revue-techniques-et-culture-2017-1-p-196.htm">entretien dans des conditions difficiles</a>.</p>
<p>À bien des égards, les villes de Kartarpur et de Tiruchengode témoignent de formes d’innovations souterraines, des capacités des sociétés locales à s’insérer dans de nouveaux circuits de production économique et d’entrer différemment dans la globalisation, faisant la démonstration de véritables trésors cachés en termes de compétences économiques. Ces villes sont des acteurs à part entière dans une globalisation par le bas façonnée aussi par des réseaux Sud-Sud qui échappent le plus souvent à l’analyse.</p>
<h2>Une dynamique à ne pas sous-estimer</h2>
<p>Ne pas s’intéresser à ces dynamiques empêche de saisir la diversité des facteurs qui produisent la transition urbaine. De nombreuses entreprises indiennes (automobiles, biens durables, téléphonie…) ne s’y sont pas trompées et ont compris la montée des aspirations à des modes de vie de plus en plus urbains dans ces petites villes qui sont des marchés en croissance.</p>
<p>C’est moins le cas pour les décideurs et le gouvernement central qui n’ont pas encore pris la pleine mesure de l’importance de mettre en place des politiques adaptées à ces autres espaces urbains.</p>
<p>Les petites villes sont non seulement cruciales pour améliorer les conditions de vie d’une part significative de la population mais aussi pour fournir des réponses aux problèmes de l’emploi et du développement des compétences d’une main-d’œuvre encore très peu qualifiée, sans parler des questions liées à la préservation de l’environnement et des écosystèmes. En se penchant plus sérieusement sur ces questions, un changement de trajectoire vers une urbanisation moins inégalitaire et spatialement plus équilibrée serait alors envisageable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/93036/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Tous les exemples cités sont tirés d’un ouvrage collectif qui est le produit du projet de recherche « Subaltern Urbanization in India » dirigé par Eric Denis et Marie – Hélène Zérah (suburbin.hypotheses.org/). Je remercie par ailleurs certains des contributeurs à cet ouvrage pour les photos qui illustrent cet article. </span></em></p>La population urbaine indienne dépasse les 300 millions d’habitants, soit 10 % des citadins dans le monde. Une grande partie de ces citadins vivent dans le monde méconnu des petites villes.Marie-Hélène Zérah, Chargée de recherches, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/896002018-01-11T20:48:39Z2018-01-11T20:48:39ZPourquoi Malthus fut, au fond, le premier anti-malthusien<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/201211/original/file-20180108-83567-v8to1v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Thomas Robert Malthus (1768-1834).
Détail du tableau de John Linnel. (The Masters and Fellows of Jesus College, Cambridge.)</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.jesus.cam.ac.uk/college/about-us/history/people-note/thomas-robert-malthus">Jesus College, Cambridge</a></span></figcaption></figure><p>Un immense malentendu entoure Thomas Robert Malthus (1766-1834). Comme souvent les grands penseurs il est souvent cité sans avoir été vraiment lu, d’où un <a href="http://lemde.fr/2EVukpk">lourd contresens</a> ; Malthus, loin de dénoncer le risque de surpopulation, a proposé un modèle de croissance démo-économique profondément original. Celui-ci est presque totalement méconnu, en raison des arguments pseudo-scientifiques et des affirmations idéologiques qui n’ont cessé, à travers les siècles, d’être assénés en son nom, invoqué comme autorité suprême.</p>
<h2>Fécondité et misère</h2>
<p>Commençons par la thèse de la double progression : la croissance géométrique de la population (1, 2, 4, 8, 16, 32, 64 millions de personnes avec un doublement tous les 25 ans) écrit-il en 1798 dans <a href="http://bit.ly/2COSb9h">« L’Essai sur le principe de population »</a>, était infiniment plus rapide que celle des ressources indispensables à sa survie (qui augmentait au maximum selon une progression arithmétique « de raison 1 », soit 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7). Le déséquilibre n’était certes que potentiel, car la croissance de la population était immédiatement sanctionnée par la famine et la mort, mais il constituait une terrifiante et permanente menace, la trop forte fécondité étant inéluctablement associée à une aggravation de la misère.</p>
<p>Et pour Malthus, telle était bel et bien la situation des classes sociales les plus défavorisées de l’Angleterre. La théorie devenait ainsi le fondement d’une doctrine de population : la dénonciation du comportement « irresponsable » des pauvres, répétée à travers toute l’Europe jusque vers 1870 environ, alimenta le discours conservateur attentif à étouffer toute remise en cause de l’ordre social.</p>
<p>En France par exemple en 1848, en pleine crise économique, sociale et politique fut assénée l’affirmation que « la cause de la misère des ouvriers, c’est leur trop grand nombre d’enfants ». Elle suscita en retour la haine des progressistes : « il n’y a qu’un homme de trop sur terre c’est M. Malthus » rétorqua aussitôt Proudhon. Cette arme idéologique redoutable fut progressivement abandonnée face au constat que les classes moyennes et inférieures avaient de moins en moins d’enfants tandis que leur niveau de vie s’élevait et Malthus tomba dans un oubli relatif, lorsque l’on commença à craindre la dépopulation, signe du « Déclin de l’Occident » (Oswald Spengler).</p>
<h2>Instrumentalisation politique de la démographie</h2>
<p>Pourtant il ne tarda pas à connaître une seconde gloire posthume avec la prise de conscience de la croissance de l’Inde, dont l’énorme population était plongée dans famines et misère chroniques. D’où un profond désaccord entre ceux pour qui la bombe démographique était la cause du sous-développement et les représentants de certains pays en développement qui affirmèrent à l’inverse, lors de la mémorable <a href="http://bit.ly/2qpnncU">Conférence mondiale sur la population de Bucarest en 1974</a>, que « le meilleur des contraceptifs était le développement ». Quant aux débats actuels sur la bombe démographique mondiale de <a href="http://bit.ly/2AnxZZp">11 milliards d’habitants en 2100</a> et sur le développement durable, ils font implicitement ou explicitement référence à Malthus.</p>
<p>Son ombre plane donc sur la démographie et plus précisément sur son instrumentalisation idéologique et politique. De tels rebondissements historiques pourraient laisser penser que ce premier modèle de la double progression, avec sa mécanique irréfutable, a eu un étonnant pouvoir d’attraction.</p>
<h2>Relire Malthus… et le lire vraiment</h2>
<p>Mais l’<a href="http://www.persee.fr/doc/pop_0032-4663_1981_num_36_2_17174">œuvre de Malthus est beaucoup plus complexe</a>. Par exemple il n’a jamais recommandé la contraception pour réduire la fécondité, pour des raisons religieuses et économiques, contrairement aux « néo-malthusiens » français, anglais ou suédois des XIX<sup>e</sup> et XX<sup>e</sup> siècles, qui en firent une priorité majeure pour améliorer la condition ouvrière. De même les politiques actuelles de contrôle de la croissance démographique, qui se définissent elles aussi comme « malthusiennes » visent à lever cet obstacle jugé dévastateur pour le développement.</p>
<p>Ensuite on ignore que dans le même chapitre de l’Essai sur le principe de population, il développe quelques pages plus loin un second modèle de croissance démographique et économique permanente dans le secteur agricole, en totale contradiction avec le premier modèle où le plafond des subsistances freine nécessairement la croissance de la population. Le report des mariages et des naissances, lorsque les récoltes sont mauvaises, est devenu le moteur de simples fluctuations de la croissance démographiques, la mortalité ne joue plus aucun rôle et on n’observe plus de diminution de l’effectif de la population.</p>
<h2>Une pensée économique</h2>
<p>De telles contradictions dans l’analyse démographique suffiraient à conclure à l’incohérence totale de la pensée. Mais est-ce vraiment le cas, les lecteurs pressés, y compris des démographes sérieux, ne commettent-ils pas l’erreur grossière de s’en tenir à cette seule dimension, en oubliant que la pensée est aussi économique ? Malthus publia en 1820 des <a href="http://bit.ly/2CDKCou">Principes d’économie politique</a> au moins aussi importants que ceux de Ricardo.</p>
<p>Marx et Keynes ne s’y sont pas trompés, qui ont trouvé chez Malthus des éléments décisifs pour leurs constructions théoriques respectives. Contre l’optimisme de la pensée économique classique selon laquelle aux crises succède toujours le retour à l’équilibre.</p>
<p>Par exemple, Malthus a eu le premier l’intuition d’un « general glut », d’un encombrement général des marchés, d’une crise structurelle de sous-consommation, que Keynes théorisa en 1932. Malthus, en plein triomphe du libéralisme et de la doctrine de l’État-gendarme, recommanda en effet en 1820 la mise en œuvre de programmes de travaux publics, soit 110 ans avant le New Deal d’inspiration keynésienne de Roosevelt.</p>
<h2>Une démarche interdisciplinaire</h2>
<p>La seule façon de rendre justice à la pensée de Malthus, plutôt que de le considérer comme une vielle lune incohérente, est d’adopter une <a href="http://www.persee.fr/doc/pop_0032-4663_1998_num_53_1_6848">démarche authentiquement interdisciplinaire</a>. Il apparaît alors qu’il fut en réalité le premier grand théoricien de la croissance démo-économique.</p>
<p>Témoin attentif de l’Angleterre de la révolution industrielle, il montre d’abord que la complémentarité des trois grands secteurs, agriculture, industrie et commerce, est la plus favorable aussi bien à l’emploi qu’à la production et à sa commercialisation nationale et internationale.</p>
<p>Croissance démographique et économique à long terme sont donc compatibles. À court terme, la démographie va aussi s’adapter à l’économie. En période de crise, le report des mariages des célibataires et l’utilisation accrue de la contraception par les couples mariés permettent de freiner la fécondité et donc d’ajuster la main-d’œuvre aux besoins de l’économie.</p>
<p>Inversement, en cas de reprise économique, la fécondité pouvait augmenter rapidement, avec un délai de 5 à 10 ans, car à son époque les enfants étaient mis au travail très tôt. Dans ce modèle global, le raisonnement est donc conduit à court et long terme, au niveau macro-démographique et économique et à celui « micro » des comportements individuels, et nous sommes bien loin de la simpliste double progression.</p>
<h2>Triomphe du démographe, marginalisation de l’économiste</h2>
<p>On peut se demander pourquoi Malthus le démographe est passé à la postérité alors que l’économiste est tombé dans l’oubli. Premier élément de réponse, « l’épouvantail malthusien » n’a cessé d’être agité à travers les siècles. Ensuite, l’économiste, qui s’inscrivait en porte à faux par rapport à l’optimisme de l’économie classique, était bien trop dérangeant pour les classes dirigeantes.</p>
<p>Aujourd’hui, les projections démographiques alarmantes sur la population mondiale et en particulier sur l’Afrique exercent une sorte de fascination, alimentée par un sentiment d’urgence, alors que les problèmes du sous-développement sont bien moins mobilisateurs au niveau de l’opinion publique. On s’habitue à la misère des autres, mais la bombe démographique suscite l’effroi. L’histoire se répète.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/89600/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yves Charbit ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Loin de dénoncer le risque de surpopulation, Malthus a proposé un modèle de croissance démo-économique profondément original.Yves Charbit, Professeur de démographie, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/894332017-12-19T20:36:29Z2017-12-19T20:36:29ZConversation avec Hervé Le Bras : « S’il y a invasion, c’est une invasion de gens mixtes »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/200009/original/file-20171219-4965-zlid7w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Hervé Le Bras à Bordeaux en décembre 2017.</span> <span class="attribution"><span class="source">IJBA</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>« Grand remplacement », extrême-droite et migrations : à l’occasion des <a href="http://tribunesdelapresse.org/">Tribunes de la presse</a> à Bordeaux fin 2017, le démographe Hervé Le Bras démonte le fantasme français d’une invasion étrangère.</em></p>
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<p><strong>Vous affirmez dans <a href="http://bit.ly/2yXR97F">« L’Invention de l’immigré »</a> que « l’invasion n’a pas eu lieu ». Comme êtes-vous parvenu à ce constat ?</strong></p>
<p>En 1985, le <em>Figaro Magazine</em> s’interrogeait en Une : « serons-nous Français dans trente ans ? » En 2015, comme vous pouvez le constater, nous sommes toujours Français (rires). Et cela, pour de multiples raisons : il y a eu des naturalisations, l’immigration a été nettement plus faible que ce qu’annonçait Le Figaro, et la fécondité des immigrés a beaucoup baissé. En ce sens, cette prétendue « invasion » n’a pas eu lieu.</p>
<p>Mais ce thème a récemment connu un regain d’actualité avec ce que l’extrême droite appelle le « grand remplacement », et qui porte la même idée : la population française serait progressivement remplacée par une population étrangère. Bien sûr, des étrangers arrivent et des Français partent. Mais c’est une idée fondamentalement fausse, car beaucoup de ces étrangers se marient avec des Français ou des Françaises.</p>
<p>Actuellement, 40 % des immigrés vivant en union, le sont avec une personne non immigrée. Le remplacement se fait donc en fait de la manière suivante : les populations qui ont un parent ou un grand-parent d’origine immigrée vont devenir majoritaires, et celles qui n’en ont pas vont céder le pas. Ce qui augmente dans la population, c’est la mixité.</p>
<p>Dans ce domaine, la France est, d’une certaine manière, assez en avance sur d’autres pays. Les chiffres sont, par exemple, plus faibles en Allemagne. De même, aux États-Unis où les unions mixtes entre les Noirs et les autres groupes sont plutôt de l’ordre de 20 %. Mais ce chiffre est en croissance relativement rapide.</p>
<p>Nous allons ainsi vers une population mondiale beaucoup plus mélangée. On peut, d’une certaine manière, dire qu’il y a une invasion, mais c’est une invasion virtuelle, une invasion de gens mixtes.</p>
<p><strong>Vous notez dans <a href="http://bit.ly/2yXR97F">« L’invention de l’immigré »</a> que <em>Valeurs actuelles</em> posait en 2013 une question analogue à celle du Figaro. Que traduit une telle interrogation ?</strong></p>
<p>Il y a au fond une sorte de permanence de cette peur en France, peut-être même plus que dans d’autres pays. Cette peur commence à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle. Ce que l’on craint alors, c’est une invasion militaire, guerrière : une invasion des Allemands, qui nous ont battus en 1870 et pris trois départements. Il y a donc une mentalité de peur de l’invasion, et aussi une peur que les immigrés forment une « cinquième colonne », qu’ils trahissent la France.</p>
<p>Dans le cas du <em>Figaro</em>, certains auteurs français importants ont repris cet article en prévoyant que des masses envahiraient l’Europe. Mais c’est une époque où il faut voir aussi que la fécondité était très élevée dans les pays arabes, ou en Turquie, à 6 enfants par femme. Aujourd’hui, la situation a complètement changé et la fécondité est à 2,3 enfants par femme.</p>
<p>À cette époque, s’ajoutait donc à la peur d’arrivées d’immigrés, la peur qu’ils fassent énormément d’enfants. Or les immigrés s’adaptent rapidement et font rapidement un peu plus d’enfants que les Français, mais pas beaucoup plus. On continue à croire le contraire. C’est une question sur laquelle je n’ai pas totalement de réponse…</p>
<p>Si vous prenez l’histoire longue, d’Aristote à Machiavel, les pauvres sont, en général, contre les riches. Dans le dernier siècle, les pauvres ne s’opposent plus aux riches mais aux plus pauvres qu’eux, à savoir les immigrés qui arrivent. Pourquoi eux, alors que les inégalités se renforcent en France comme dans la plupart des pays d’Europe ?</p>
<p>Au lieu de s’opposer aux riches comme elles l’ont toujours fait, les classes populaires les mettent désormais à la tête de leur gouvernement : Donald Trump aux États-Unis, le milliardaire Andrej Babis en Tchéquie, Berlusconi en Italie et Poutine, Medvedev et leurs oligarques en Russie. C’est curieux : les riches ont été assez habiles pour détourner la colère des pauvres contre de plus pauvres qu’eux.</p>
<p><strong>Dans <a href="http://bit.ly/2D5rOvv">« Les Trois France »</a>, vous précisez dès le premier chapitre que le Front national c’est « la France de la haine ». Pourquoi ce jugement de valeur, qui contraste avec la démarche scientifique utilisée tout au long de l’ouvrage ?</strong></p>
<p>J’ai écrit <em>Les Trois France</em> en 1986. Cette formule est une réaction primaire au premier vote FN important, et je la récuse aujourd’hui. C’est trop simple. J’ai d’ailleurs développé plus longuement cette question dans la deuxième édition du livre. J’ai, par ailleurs, consacré un ouvrage entier, <em>Le Pari du FN</em>, pour tenter de comprendre les motivations de l’électorat frontiste.</p>
<p>J’ai comparé ce vote avec un pari. Quand vous prenez un billet à la loterie, vous y perdez au niveau des probabilités. Et pourtant, les gens achètent ces billets. Car pour eux, les dix euros qu’ils mettent ne changeront pas leur vie, mais si jamais ils remportent le million, là… Quelque part, ils voient le FN en se disant : « ça risque fort de ne pas être bien fameux, mais il y a une petite chance que ma vie change vraiment ».</p>
<p>En France, quand vous êtes à un niveau moyen comme un département, plus vous avez d’étrangers ou d’immigrés en proportion, moins vous avez de vote FN. C’est un paradoxe. Prenez, par exemple, le Pas-de-Calais. C’est l’un des deux départements qui vote le plus pour le FN. C’est aussi le troisième département français où il y a le moins d’immigrés, c’est quand même fascinant.</p>
<p>Le vote Front national a, en fait, des racines historiques profondes. Les régions qui votent FN, sont des endroits où, traditionnellement, la population vivait groupée. Puis ils ont vu les groupes des petites villes se désagréger : les gens travaillent à l’extérieur, achètent à l’extérieur… Les liens sociaux qui étaient forts localement, se sont alors distendus. Dans ces régions, c’est le voisin qui est devenu l’étranger.</p>
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<p><em>Propos recueillis par Florent Bardos et Théo Mercadier, étudiants en master professionnel à l’Institut de journalisme Bordeaux Aquitaine/Université Bordeaux Montaigne.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/89433/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Simon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>« Grand remplacement », extrême-droite et migrations : à l’occasion des Tribunes de presse à Bordeaux fin 2017, le démographe Hervé Le Bras démonte le fantasme français d’une invasion étrangèreFrançois Simon, Maître de conférences hors classe en sciences de l’information et de la communication, Université Bordeaux MontaigneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/875622017-11-28T19:18:18Z2017-11-28T19:18:18ZPeut-on encore croire au progrès social ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/196515/original/file-20171127-2042-15xu91v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le progrès social n'est pas juste une utopie. Mais l'humanité doit combiner ses forces et se débarasser des mouvements exclusivistes si elle veut parvenir à en faire une réalité.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/sylviafredriksson/28850891612/in/photostream/">Sylvia Fredriksson/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est publié dans le cadre du cycle de conférences <a href="http://www.cite-sciences.fr/fr/au-programme/animations-spectacles/conferences/le-progres-a-t-il-un-avenir/">Le progrès a-t-il un avenir ?</a>, organisé par Universcience, du mardi 15 au 26 mai 2018. Durant deux semaines, des groupes d’étudiants, un panel de citoyens et des scientifiques, historiens et philosophes, livrent leurs réflexions et débattent.</em></p>
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<p>Depuis que la notion de <a href="http://www.wiley.com/WileyCDA/WileyTitle/productCd-0745690998.html">progrès social</a> est apparue dans les débats scientifiques et politiques, elle prête à controverse et est aujourd’hui spécialement décriée. Beaucoup de commentateurs remettent en cause sa pertinence, d’autres contestent ses bénéfices supposés.</p>
<p>Le climat de doute actuel n’est pas nouveau, la croyance en l’existence ou la possibilité de progrès ayant toujours connu des aléas. Mais l’histoire contemporaine, de <a href="http://www.nber.org/papers/w7569">1950 à 1980 environ</a> a été marquée par une foi sans faille dans le progrès social.</p>
<p>Tandis que l’humanité vivait dans l’angoisse d’une Troisième guerre mondiale, thermonucléaire, elle continuait d’espérer, de croire en la possibilité d’une société meilleure.</p>
<p>Cette période coïncide avec l’avènement de la société de consommation et l’extension des <a href="http://www.uio.no/for-ansatte/enhetssider/jus/smr/arrangementer/2015/esping-anderson---the-three-worlds-of-welfare-capitalism.pdf">droits sociaux</a> dans les pays développés. En Afrique et en Asie, c’était l’époque des mouvements d’indépendance, qui ont abouti à l’émergence de « nouvelles puissances émergentes » lors de la <a href="https://bandung60.wordpress.com/bandung-documents/">conférence de Bandung</a>. En Amérique latine, on œuvrait à la création de Brasilia, capitale ultramoderne, et de nouveaux horizons semblaient possibles, motivés par la révolution cubaine et <a href="http://latinamericanhistory.oxfordre.com/view/10.1093/acrefore/9780199366439.001.0001/acrefore-9780199366439-e-95">« l’Alliance pour le progrès »</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/193236/original/file-20171103-1017-v3mxse.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/193236/original/file-20171103-1017-v3mxse.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/193236/original/file-20171103-1017-v3mxse.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/193236/original/file-20171103-1017-v3mxse.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/193236/original/file-20171103-1017-v3mxse.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/193236/original/file-20171103-1017-v3mxse.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/193236/original/file-20171103-1017-v3mxse.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">John F. Kennedy et Rómulo Betancourt à La Morita, au Venezuela, lors d’un sommet officiel, le 16 décembre 1961).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Alliance_for_Progress#/media/File:Betancourt_-_JFK.jpg">US Gov -- Historia de Venezuela en Imágenes, El Nacional, 2001/Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>C’était une période glorieuse, marquée au Nord par l’apogée de mouvements sociaux de masse ancrés dans une idéologie progressiste, au Sud, par des mouvements de libération asiatiques et africains mais aussi des syndicats et partis de travailleurs internationalistes, soutenus par un mouvement communiste puissant, jouissant d’une image positive, notamment grâce à des événements tels que le <a href="https://www.ina.fr/video/I06194377">lancement du satellite Spoutnik</a>.</p>
<h2>Post-socialisme</h2>
<p>Cette période de l’histoire est à présent révolue. Le socialisme a largement disparu (sauf, dans une certaine mesure, en Amérique latine) et les derniers États providence tentent de survivre comme ils le peuvent. La consommation individuelle et les classes moyennes se sont affirmées. Mais pour de nombreuses populations en Asie (hors l’Asie de l’Est), en Amérique latine et en Afrique <a href="http://www.hup.harvard.edu/catalog.php?isbn=9780674737136">ce mode de vie peine à convaincre les populations</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/191528/original/file-20171024-20397-skg8yg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/191528/original/file-20171024-20397-skg8yg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=454&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/191528/original/file-20171024-20397-skg8yg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=454&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/191528/original/file-20171024-20397-skg8yg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=454&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/191528/original/file-20171024-20397-skg8yg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=571&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/191528/original/file-20171024-20397-skg8yg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=571&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/191528/original/file-20171024-20397-skg8yg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=571&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Our World in Data.</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De même, en Europe, en Amérique du Nord et au Japon, il a cessé de séduire. Bien au contraire, pour de plus en plus de jeunes, le consumérisme de la classe moyenne semble toujours plus <a href="https://www.theguardian.com/news/datablog/2014/apr/14/will-your-generation-have-a-better-life-than-your-parents">fragile ou inaccessible</a>.</p>
<p>La capacité d’inclusion de l’État-nation est remise en question de différentes manières : soit par la mobilité du capital soit par celle du monde du travail.</p>
<p>Le premier limite les ressources économiques de l’État, tandis que le second complique, voire perturbe, le concept établi de citoyenneté. De nombreux mouvements solidaires et organisations populaires sont affaiblis ou divisés. <a href="https://theconversation.com/global/topics/alt-right-31564">Ainsi, des mouvements ouvertement exclusivistes</a>, qu’ils soient ethniques ou religieux, connaissent aujourd’hui une <a href="https://theconversation.com/the-road-to-the-great-regression-76293">recrudescence phénoménale</a>. Certains sont même arrivés au pouvoir.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/193253/original/file-20171103-1046-gv7tgd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/193253/original/file-20171103-1046-gv7tgd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/193253/original/file-20171103-1046-gv7tgd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/193253/original/file-20171103-1046-gv7tgd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/193253/original/file-20171103-1046-gv7tgd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=493&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/193253/original/file-20171103-1046-gv7tgd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=493&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/193253/original/file-20171103-1046-gv7tgd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=493&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Occupy Wall Street arrive à Portland (Oregon), en octobre 2011.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File%3AOccupy_Wall_Street_spreads_to_Portland.jpg">S51438/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<p>D’importantes proportions de la population prennent aussi des positions diamétralement opposées quant à l’avenir de nos sociétés. Le monde des affaires s’intéresse par exemple exclusivement à l’innovation technologique, sans aucune vision de progrès social au sens large ; les <a href="http://trumpeter.athabascau.ca/index.php/trumpet/article/view/313/1249">mouvements écologistes radicaux</a> eux envisagent une société de décroissance et de consommation réduite dans les pays riches comme seul moyen d’éviter une catastrophe climatique. Dans ce contexte, comment élaborer une vision réaliste du progrès social ?</p>
<h2>Une communauté humaine de nations</h2>
<p>Aujourd’hui, l’humanité se trouve à l’apogée du champ des possibles. Nous avons atteint un stade d’avancées biomédicales et technologiques révolutionnaires. Notre développement économique pourrait permettre une inclusion sociale à long terme, mais seulement si nous réussissons à atténuer – puisque leur éradication est impossible – le sexisme et le racisme institutionnalisés.</p>
<p>La meilleure connaissance des enjeux écologiques et climatiques joue également un rôle primordial, d’autant que les populations y sont davantage sensibilisées. Le progrès social consistera à concrétiser ces possibilités.</p>
<p>Pour que l’idée s’inscrive dans la réalité, notre société doit changer radicalement afin de devenir une communauté humaine de nations. Cette idée a été esquissée (avec un fort accent allemand) par le philosophe des Lumières dissident <a href="https://plato.stanford.edu/entries/herder/">Johann Gottfried Herder</a>. Les <a href="http://www.festivalofnationsstl.org/">événements culturels comme les Festivals des nations</a> organisés dans les grandes mégalopoles cosmopolites telles que New York ou Londres illustrent déjà cette pensée. Mais ce n’est pas suffisant.</p>
<p>Car nous nous orientons actuellement dans la direction opposée. Les nations sont de plus en plus fragmentées au niveau économique, polarisées au niveau idéologique. Elles ont besoin de se reconstruire. Peut-être que les défis planétaires pourraient être le moteur de cette reconstruction. <a href="https://www.jstor.org/stable/j.ctt5hhgtd">La manière dont les pays se positionneront face aux accords mondiaux sur l’environnement</a> sera sans doute l’indicateur le plus pertinent du progrès dans ce domaine.</p>
<h2>Confrontation des puissances mondiales</h2>
<p>Aujourd’hui, plus que jamais auparavant, se tisse un réseau international de mouvements sociaux et <a href="http://www.cn.undp.org/content/dam/china/docs/Publications/UNDP-CH11%20An%20Overview%20of%20International%20NGOs%20in%20Development%20Cooperation.pdf">d’ONG œuvrant dans l’humanitaire et les droits humains</a> qui s’efforcent de promouvoir l’inclusion sociale au niveau mondial et le bien commun.</p>
<p>Mais les espoirs placés dans les mouvements alternatifs mondiaux et les initiatives telles que le Forum social mondial <a href="http://www.lemonde.fr/economie-mondiale/article/2016/08/09/le-forum-social-mondial-en-quete-de-renouveau-a-montreal_4980526_1656941.html">se sont évanouis</a>. Ces courants sont confrontés à la montée de nouveaux mouvements conservateurs, nourris par le fondamentalisme religieux ou l’extrémisme nationaliste.</p>
<p>Au niveau de la gouvernance, les contradictions et les difficultés persistent également. <a href="https://www.questia.com/library/p4209/global-governance?gclid=Cj0KCQjwyvXPBRD-ARIsAIeQeoEG85eu1JriG94PBfjxzfRSXAP15ukbfvHgi-7ebx1GcASVQVQz5zsaAlnoEALw_wcB">Les institutions locales et internationales</a> (Nations unies, G20, Union européenne, Union africaine, Association des nations de l’Asie du Sud-est, Communauté des États de l’Amérique latine et des Caraïbes, etc.) sont plus fortes et influentes qu’elles ne l’étaient il y a 50 ou 25 ans, mais elles se révèlent toujours incapables de résoudre les problèmes auxquels elles étaient censées s’attaquer.</p>
<p>Pour ne citer qu’un exemple, il n’existe toujours pas une véritable institution internationale de régulation de l’économie mondiale, même si un travail important a été entrepris pour lutter contre les paradis fiscaux internationaux et le blanchiment.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/192883/original/file-20171101-19876-t0mhl5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/192883/original/file-20171101-19876-t0mhl5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/192883/original/file-20171101-19876-t0mhl5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/192883/original/file-20171101-19876-t0mhl5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/192883/original/file-20171101-19876-t0mhl5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/192883/original/file-20171101-19876-t0mhl5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/192883/original/file-20171101-19876-t0mhl5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Projection de la population mondiale SSP IIASA.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Our World in Data</span></span>
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<p>Au niveau des libertés individuelles, l’autonomie prend de l’ampleur grâce à l’allongement de la scolarité et à la connectivité numérique dématérialisée. Elle offre de plus grandes opportunités aux femmes dans de nombreuses régions du monde et fait émerger des cultures transnationales.</p>
<p>Des institutions participatives internationales, soutenues par les mouvements et réseaux internationaux, ont poussé à de tels développements. Les droits des plus défavorisés dans le monde sont à présent indiscutables. Ces institutions visent à universaliser le potentiel humain.</p>
<p>Mais cette émancipation est souvent minée par une segmentation sociale accrue et un taux de chômage élevé.</p>
<p>De nouveaux mouvements d’émancipation collective à destination des plus défavorisés <a href="http//ipmsdl.org/">ont émergé, chez les populations indigènes</a>, les travailleurs non officiels ou les <a href="http://skoll.org/organization/slum-dwellers-international/">habitants de bidonvilles</a>. Si ces mouvements sont en général plus faibles que les <a href="http://www.brill.com/workers-world">mouvements de libération et syndicaux du passé</a> ils peuvent néanmoins accompagner un projet de progrès social même si cela semble parfois utopiste face à l’informalisation et la précarisation du travail, nouvelles normes qui tendent à nier ou minimiser les droits des travailleurs.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/192901/original/file-20171101-19850-1ppw4hi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/192901/original/file-20171101-19850-1ppw4hi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=289&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/192901/original/file-20171101-19850-1ppw4hi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=289&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/192901/original/file-20171101-19850-1ppw4hi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=289&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/192901/original/file-20171101-19850-1ppw4hi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=364&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/192901/original/file-20171101-19850-1ppw4hi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=364&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/192901/original/file-20171101-19850-1ppw4hi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=364&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Part du travail non standard (travail indépendant, temporaire ou à temps partiel) sur le taux d’emploi total, 1985-2013.</span>
<span class="attribution"><span class="source">OECD</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une nouvelle grande transformation</h2>
<p>Il est évident que les innovations biomédicales et technologiques ne sont pas incompatibles avec une résurgence mondiale des aspirations au progrès social.</p>
<p>Comme l’a écrit Karl Polanyi, une nouvelle <a href="http://inctpped.ie.ufrj.br/spiderweb/pdf_4/Great_Transformation.pdf">« grande transformation »</a> est nécessaire, bien que ses perspectives à court terme ne soient guère encourageantes.</p>
<p>C’est pourquoi chercheurs et universitaires peuvent y contribuer en explorant la viabilité des idées existantes. Ils doivent oser étudier les possibilités à long terme, dépasser l’analyse des politiques envisagées et imaginer comment des réseaux d’institutions alternatives pourraient faire avancer le progrès social.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/201169/original/file-20180108-83571-1ioqma4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/201169/original/file-20180108-83571-1ioqma4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=201&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/201169/original/file-20180108-83571-1ioqma4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=201&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/201169/original/file-20180108-83571-1ioqma4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=201&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/201169/original/file-20180108-83571-1ioqma4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=252&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/201169/original/file-20180108-83571-1ioqma4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=252&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/201169/original/file-20180108-83571-1ioqma4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=252&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
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<p><em>Ce billet s'inscrit dans une série de contributions issues du <a href="https://www.ipsp.org">panel international sur le progrès social</a>, une initiative universitaire internationale réunissant 300 chercheurs et universitaires – toutes sciences sociales et sciences humaines confondues – qui préparent un rapport sur les perspectives de progrès social pour le XXI<sup>e</sup> siècle. En partenariat avec The Conversation, ces articles proposent un aperçu exclusif du contenu du rapport et des recherches de ses auteurs.</em></p>
<p><em>Traduit de l’anglais par Anne-Laure Martin et Bamiyan Shiff pour <a href="http://www.fastforword.fr">Fast for Word</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/87562/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Göran Therborn is affiliated with International Panel on Social Progress. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marc Fleurbaey is affiliated with International Panel on Social Progress. </span></em></p>Les chercheurs peuvent contribuer à l’avènement d’un véritable progrès social pour l’humanité, en étudiant comment des idées peuvent être concrètement utilisées.Göran Therborn, Professor emeritus of Sociology, University of CambridgeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.