tag:theconversation.com,2011:/us/topics/pre-retraite-77922/articlespré-retraite – The Conversation2023-09-27T20:18:41Ztag:theconversation.com,2011:article/2138132023-09-27T20:18:41Z2023-09-27T20:18:41ZLes ouvriers vivent moins longtemps que les cadres : combien de temps passent-ils vraiment à la retraite ?<p>Les catégories socioprofessionnelles présentent en moyenne des durées d’emploi, d’inactivité et de chômage différentes, du fait d’âges d’entrée dans la carrière et de parcours variables. En partie prises en compte par les dispositifs de solidarité du système de retraite, ces différences déterminent non seulement l’éligibilité aux droits de retraite, mais aussi les <a href="https://theconversation.com/retraites-pourquoi-de-nombreuses-pensions-resteront-inferieures-a-1-200-euros-malgre-la-reforme-201726">montants des pensions perçues</a>. Par ailleurs, les inégalités sociales s’expriment en termes de durées de vie. Il existe donc des écarts importants dans les chances d’atteindre l’âge de la retraite et dans la durée passée à bénéficier de celle-ci.</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2023-5-page-1.htm">Dans une étude récente</a>, nous avons cherché à quantifier ces durées et l’ampleur des différences, à partir de données statistiques portant sur des individus nés en France, issues de l’<a href="https://www.insee.fr/fr/metadonnees/source/serie/s1166">Échantillon démographique permanent</a>. L’EDP est particulièrement précieux car il suit depuis 2008 4 % de la population française.</p>
<h2>Les hommes cadres vivent en moyenne 6 ans de plus que les ouvriers après 35 ans</h2>
<p>En 2018, si une femme a atteint l’âge de 35 ans, on estime qu’elle peut espérer vivre 51,5 années supplémentaires. Pour les hommes, c’est 46,5 ans. Mais on peut vivre presque 6 ans de plus lorsqu’on exerce un métier de <a href="https://theconversation.com/comment-les-cadres-se-projettent-ils-dans-leur-retraite-203773">cadre</a> plutôt que d’ouvrier chez les hommes, et plus de 3 ans supplémentaires chez les femmes. Ces écarts restent importants à 62 ans : 3,5 ans chez les hommes et 2,7 ans chez les femmes. Ces résultats viennent confirmer des résultats antérieurs publiés par <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1908110">l’Insee</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/548863/original/file-20230918-17-ka1au3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Figure 1" src="https://images.theconversation.com/files/548863/original/file-20230918-17-ka1au3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/548863/original/file-20230918-17-ka1au3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=290&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/548863/original/file-20230918-17-ka1au3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=290&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/548863/original/file-20230918-17-ka1au3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=290&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/548863/original/file-20230918-17-ka1au3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=365&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/548863/original/file-20230918-17-ka1au3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=365&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/548863/original/file-20230918-17-ka1au3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=365&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2023-5-page-1.htm">Bonnet et coll., 2023, Population et Sociétés n° 611</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>En termes d’espérance de vie, entre les cadres et les ouvriers, se trouvent les indépendants (artisans, commerçants, chefs d’entreprise, exploitants agricoles), les professions intermédiaires, puis les employés. Chez les femmes, le gradient est similaire, mais les indépendantes ont une espérance de vie plus faible que les professions intermédiaires.</p>
<p>Les catégories socioprofessionnelles (CSP) se distinguent aussi dans les chances d’atteindre les âges élevés. Sur 100 hommes de 35 ans, 96 peuvent espérer atteindre 62 ans parmi les cadres, mais seulement 89 parmi les ouvriers. Ces chiffres sont respectivement de 97 et 94 chez les femmes.</p>
<h2>Le même nombre d’années à la retraite pour les femmes ouvrières et cadres ?</h2>
<p>Les années de vie des femmes cadres, après 35 ans, se répartissent en un peu plus de 27 ans d’emploi, environ 1 an de chômage et 1 an d’inactivité (y compris invalidité). Leur durée de retraite dépasse légèrement 24 ans. Pour les <a href="https://theconversation.com/ce-que-les-feministes-doivent-aux-ouvrieres-de-glasgow-182866">ouvrières</a>, c’est environ 20 années d’emploi, 4 ans de chômage, 3 ans d’inactivité et un peu moins de 24 ans de retraite. L’inactivité des ouvrières est pour moitié environ déclarée comme « au foyer », correspondant à des interruptions souvent associées à la maternité, pour s’occuper des enfants, de la maison… L’autre moitié s’explique, en partie, par des difficultés à conserver ou trouver un emploi, parfois du fait d’invalidités reconnues ou non (une situation également fréquente pour les hommes ouvriers).</p>
<p>Les différences entre CSP dans les durées « en » et « hors » emploi sont assez similaires pour les deux sexes, mais les hommes passent une plus grande proportion de leur vie en emploi. Par ailleurs, les ouvriers partent à la retraite plus tôt que les cadres, mais ils y passent 2 années de moins. Ils passent également un peu plus de 3 années supplémentaires au chômage ou en inactivité au-delà de 35 ans.</p>
<h2>Proche de la retraite, des différences majeures de statut d’activité selon la CSP</h2>
<p>Avant même d’atteindre l’âge légal de départ à la retraite, qui était de 62 ans lors de l’enquête en 2018, les hommes qui sont employés ont déjà accumulé plusieurs années de vie à la retraite. Cette spécificité est notamment liée à l’existence de dispositifs de départ anticipé pour certains métiers de cette catégorie. Parmi les femmes, ce sont les professions intermédiaires qui profitent le plus des départs anticipés. Les ouvriers et ouvrières ont aussi des années de retraite avant l’âge légal, mais passent surtout bien plus de temps que les cadres en inactivité <a href="https://theconversation.com/seniors-comment-travailler-plus-longtemps-quand-personne-ne-vous-recrute-plus-198464">ou au chômage</a>. Les hommes cadres passent près d’un an et demi en activité entre 60 et 62 ans : c’est trois fois plus que les ouvriers.</p>
<p>Entre 62 et 63 ans enfin, la possibilité de prendre sa retraite diminue les durées de chômage et d’inactivité. Sur les presque deux années vécues à ces âges, les ouvrières, employées et professions intermédiaires passent entre 18 et 20 mois à la retraite. Pour les indépendantes, c’est 16 mois et pour les cadres, moins de 14 mois. Les durées d’activité des cadres sont encore quatre fois plus élevées que celles des ouvrières. Au sein de chaque CSP, les situations des hommes et des femmes se ressemblent, avec des durées de vie passées à la retraite et en activité similaires.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quels-effets-sur-la-sante-des-seniors-dun-report-de-lage-legal-de-depart-en-retraite-200019">Quels effets sur la santé des seniors d’un report de l’âge légal de départ en retraite ?</a>
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<p>Pour conclure, on rappellera donc que les années à vivre en emploi après 35 ans sont plus nombreuses chez les cadres que chez les ouvriers, en partie du fait d’années de vie travaillées avant 35 ans plus nombreuses parmi ces derniers. Les années de retraite sont par ailleurs plus nombreuses pour les cadres que pour les ouvriers (2 ans chez les hommes, 8 mois chez les femmes), en raison notamment de leur espérance de vie plus élevée.</p>
<p>Par ailleurs, l’espérance de vie plus longue des femmes se traduit par davantage de temps de retraite (3 à 4 ans de plus que les hommes selon la CSP), mais aussi d’inactivité (1 à 2 ans de plus selon la CSP) que les hommes ; les durées en emploi sont par ailleurs proches au sein de chaque CSP selon le sexe.</p>
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<p>Les dispositifs de départ anticipé permettaient en 2018 en partie de gommer les différences d’espérance de vie : les employés et ouvriers étaient déjà nombreux à la retraite avant l’âge légal. Cependant, ces CSP présentaient aussi des périodes plus longues de chômage ou d’inactivité que les autres. Elles sont probablement en partie liées à des difficultés à <a href="https://www.ipp.eu/publication/les-agesde-depart-a-la-retraite-depuis-2010-quels-enseignementspour-la-reforme-a-venir/">conserver ou trouver un emploi</a>. Ce résultat fait écho aux années de vie en incapacité, déjà présentes entre 50 et 65 ans, qui s’avèrent plus fréquentes pour les ouvriers et employés que pour les cadres, ainsi que pour les <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/population-etsocietes/la-double-peine-des-ouvriers-plus-d-annees-dincapacite-au-sein-d-une-vie-plus-courte/">femmes comparées aux hommes d’âge égal</a>.</p>
<p>Les périodes hors emploi au seuil de la retraite témoignent de fins de carrière complexes et exposent à des niveaux de pension moindres. Avec les paramètres d’âge et de durée de cotisation, les dispositifs protégeant les personnes ayant des difficultés de maintien en emploi au cours et à la fin de leur carrière constituent des enjeux majeurs du système de retraite, et plus généralement de protection sociale, pour les générations présentes et futures.</p>
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<p><em>Ce texte est adapté d’un article publié par les auteurs dans Population et Sociétés n° 611, <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2023-5-page-1.htm">« Les ouvriers vivent moins longtemps que les cadres : combien de temps passent-ils à la retraite et en (in) activité ? »</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213813/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les cadres ont une espérance de vie plus longue que les ouvriers, mais partent en moyenne plus tard à la retraite. Quelle catégorie sociale passe le plus de temps à la retraite ?Florian Bonnet, Agregé d'économie, chargé de recherches, Institut National d'Études Démographiques (INED)Carlo Giovanni Camarda, Docteur, spécialiste des méthodes de prévision (mortalité, longévité, etc.), Institut National d'Études Démographiques (INED)Emmanuelle Cambois, Directrice de recherche, Institut National d'Études Démographiques (INED)Ophélie Merville, Doctorante, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1924362022-10-19T17:06:14Z2022-10-19T17:06:14ZEntreprises familiales : le défi du retrait progressif pour le cédant<p>La transmission d’une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/entreprises-familiales-92864">entreprise familiale</a> n’est pas un long fleuve tranquille. Cette aventure collective chamboule tout à la fois la vie de la famille et celle de l’entreprise, renvoyant le cédant dans une position éminemment inconfortable et exigeante. Céder sa place n’est jamais chose facile mais en matière d’entreprise familiale le défi est vraiment de taille. En effet, il s’agit pour le cédant d’accepter de démarrer un <a href="http://revues.uqac.ca/index.php/revueot/article/view/554/456">processus de désengagement progressif</a>, tout en accompagnant le successeur dans sa montée en compétences en tant que dirigeant de l’entreprise familiale.</p>
<p>En outre, le cédant doit penser non seulement à la transmission de son entreprise elle-même mais aussi à son propre retrait progressif, dans une perspective réaliste et apaisée. Tout plan de transmission devrait en effet s’accompagner d’un plan de départ à la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/retraite-20151">retraite</a> pour le cédant car, en l’absence d’un tel projet de retraite, le désengagement risque d’être plus long et plus douloureux psychologiquement pour tous les acteurs en présence.</p>
<h2>« Comment continuer à vivre ? »</h2>
<p>Ainsi, un dirigeant dans un <a href="https://doi.org/10.3917/entre.153.0063">article</a> de recherche publié en 2016 s’interrogeait :</p>
<blockquote>
<p>« Comment vais-je pouvoir continuer à vivre, à exister, à rester valable, à avoir une image positive de moi-même si je me sépare de mon entreprise ? »</p>
</blockquote>
<p>Ce témoignage illustre les résultats de <a href="https://spgcfb.org/2019">l’enquête mondiale</a> de 2019 du réseau STEP Project Global Consortium for family enterprising, dont la <a href="https://entrepreneuriat-familial.audencia.com/">Chaire Entrepreneuriat Familial & Société</a> d’Audencia est adhérente. Ces données montrent que la plupart des dirigeants partent en retraite au-delà des 70 ans et n’ont pas ou peu de projets pour l’« après » transmission de leur entreprise.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/489576/original/file-20221013-17-6ee1au.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/489576/original/file-20221013-17-6ee1au.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489576/original/file-20221013-17-6ee1au.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489576/original/file-20221013-17-6ee1au.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489576/original/file-20221013-17-6ee1au.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489576/original/file-20221013-17-6ee1au.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489576/original/file-20221013-17-6ee1au.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489576/original/file-20221013-17-6ee1au.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://spgcfb.org/2019">Enquête mondiale de 2019 du réseau STEP</a></span>
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<p>Une bonne proportion des dirigeants d’entreprise familiale dans le monde déclare vouloir se retirer après 70 ans, 40 % d’entre eux en Amérique du Nord, 60 % en Europe et Asie centrale et 46 % en Asie.</p>
<p>À la question « Quels sont vos projets pour « après » ? Avez-vous de nouveaux projets pour la retraite une fois parti de l’entreprise familiale ? », on constate qu’en Amérique du Nord, 50 % des dirigeants n’ont aucun projet pour la retraite, de même que 42 % en Europe et Asie centrale.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>Parmi ceux qui ont des projets pour « après », 37 % veulent passer plus de temps en famille et voyager, certains envisagent une semi-retraite (ils vont continuer à rester engagés dans des projets mais d’une manière moins active) notamment en Amérique latine ; en Asie et au Moyen-Orient, les dirigeants souhaitent prendre part à des activités philanthropiques après la transmission de leur entreprise.</p>
<h2>« Fausses peurs »</h2>
<p>Pour conclure, les dirigeants d’entreprise familiale soulignent unanimement l’importance de la transmission familiale à la fois sur le volet capitalistique et managérial. Se projeter dans la planification de la transmission entraîne une série de questionnements et de doutes pour le dirigeant et ses successeurs potentiels.</p>
<p>Les questions auxquelles il faut tenter de répondre en amont de la transmission concernent donc aussi « l’après-transmission ». Que vais-je faire de ma vie à la retraite ? Que vais-je devenir, quel sera mon rôle dans la famille, dans la communauté, une fois la transmission effective ?</p>
<p>Dans le <a href="https://fr.calameo.com/read/0001372064237d9f8aba4">rapport</a> « La culture entrepreneuriale et familiale : un levier pour la transmission ? » de notre Chaire paru en 2020, nous avions publié un « avis d’expert » qui illustrait que ces craintes étaient généralement infondées :</p>
<blockquote>
<p>« Nous remarquons une incapacité à anticiper les enjeux de transmission. C’est un sujet qui n’est pas fluide et à maturation lente. Plus on s’empare de la transmission en amont plus elle est digeste. Souvent, les dirigeants pensent qu’à 70 ans ils ont encore la vie devant eux ! Cette incapacité à anticiper est fréquente. Il y a une forme de peur des dirigeants. Souvent, ils hésitent à s’en emparer. Cela ne leur paraît ni simple ni prioritaire face à des sujets de croissance ou de digital. Ce sont souvent de fausses peurs ! En réalité, évoquer ces sujets provoque une décontraction pour tous. Traiter ces sujets-là est compliqué pour les Français alors que pour les Anglo-Saxons, c’est fluide. La France est spécifique car les frais fiscaux sont lourds et culturellement ces sujets sont tabous. Malgré tout, ça bouge pour la génération des dirigeants de 40-50 ans : ils pensent qu’il faut ouvrir les enfants à la culture entrepreneuriale ».</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/192436/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Selon une récente étude, environ un dirigeant sur deux qui doit passer la main n’a « aucun projet » pour sa retraite.Miruna Radu-Lefebvre, Professeur en Entrepreneuriat, AudenciaRaina Homai, Research Analyst, AudenciaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1302182020-01-20T20:40:46Z2020-01-20T20:40:46ZRéforme des retraites : les limites du projet français révélées par l’expérience italienne<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/310872/original/file-20200120-69543-1d17v50.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C22%2C1280%2C827&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Malgré les mesures destinées à réduire les dépenses publiques, l’Italie consacre plus de 16% de son PIB aux versements des pensions de retraites.</span> <span class="attribution"><span class="source">Kolibrik / Pixabay.com</span></span></figcaption></figure><p>Au cours des années 1990, l’Italie, comme la Suède et la Pologne, a mis en place le système notionnel à cotisations définies : d’une part, le régime continue à être financé par répartition (le paiement des pensions est assuré par les cotisations sociales des travailleurs actuels) ; d’autre part, un compte virtuel est établi pour chaque travailleur, sur lequel s’accumulent ses cotisations sociales, avec un rendement – comptabilisé annuellement sur le solde – égal à la croissance moyenne du PIB sur les cinq dernières années.</p>
<p>Au moment de la retraite, le capital notionnel de chaque individu est converti en pension, multipliée par des coefficients dépendant de l’âge à la liquidation et reflétant l’espérance de vie à la retraite, révisés tous les deux ans. Partir à la retraite avec un capital constitué de 200 000 euros donnerait ainsi droit à une pension mensuelle de 760 euros à 63 ans et de 862 euros à 67 ans.</p>
<p>Le taux de cotisation est de 33 % pour les employés (les deux tiers sont payés par l’entreprise) ; pour les travailleurs indépendants et autres catégories, les cotisations convergent vers le même taux. En 1995, l’âge de départ à la retraite était librement fixé entre 57 et 65 ans. Toutefois, ces seuils ont été progressivement relevés et indexés sur l’espérance de vie.</p>
<h2>Effets sur l’emploi des jeunes</h2>
<p>En plus du régime public, des fonds de pension privés complémentaires à prestations définies ont été mis en place. Ils sont financés essentiellement par le TFR (<em>trattamento di fine rapporto</em> ou indemnités de fin de contrat), un élément de salaire différé équivalent à 6,91 % du salaire annuel des Italiens. Environ 30 % des actifs sont actuellement inscrits dans un fonds de pension, bien que les rendements soient décevants et les coûts assez élevés.</p>
<p>La dépense publique au titre des retraites est d’autant plus élevée que le vieillissement de la population pose un <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/06/16/italie-un-vieillissement-accelere-et-ses-consequences_5476985_3234.html">sérieux problème en Italie</a>. À cela s’ajoutent la stagnation des salaires, une économie souterraine importante et l’expansion des emplois précaires. En conséquence, malgré les réformes, la pression financière sur le régime de retraite n’a pas cessé et l’intervention vigoureuse mise en œuvre en Italie à la suite de la crise des finances publiques en 2011 a fait passer à 66 ans l’âge de départ à la retraite (il est de 67 ans actuellement) avec très peu de possibilités de retraites anticipées.</p>
<p>De ce fait, un grand nombre de travailleurs âgés sont encore en activité, ce qui empêche les entreprises de les remplacer par une main-d’œuvre plus jeune, moins coûteuse et plus qualifiée, avec des <a href="https://www.touteleurope.eu/actualite/le-taux-de-chomage-des-jeunes-en-europe.html">effets</a> sur le chômage des jeunes dont le taux est l’un des plus élevés en Europe, ainsi que sur la productivité et le coût du travail.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/310860/original/file-20200120-69551-4xy3io.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/310860/original/file-20200120-69551-4xy3io.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/310860/original/file-20200120-69551-4xy3io.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/310860/original/file-20200120-69551-4xy3io.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/310860/original/file-20200120-69551-4xy3io.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/310860/original/file-20200120-69551-4xy3io.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/310860/original/file-20200120-69551-4xy3io.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/310860/original/file-20200120-69551-4xy3io.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.touteleurope.eu/actualite/le-taux-de-chomage-des-jeunes-en-europe.html">Touteleurope.eu/Eurostat (avril 2019)</a></span>
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<p>Il a fallu imaginer des interventions ponctuelles et coûteuses pour accroître les possibilités de retraite anticipée, ce qui a mis en péril les règles du régime de retraite. En l’absence de véritable reprise économique, les dépenses de retraite ont atteint selon l’OCDE <a href="https://data.oecd.org/fr/socialexp/depenses-de-retraite.htm">16,2 % du PIB en 2017</a>, le deuxième taux le plus élevé de l’Union européenne.`</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/310861/original/file-20200120-69606-v5kdhm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/310861/original/file-20200120-69606-v5kdhm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/310861/original/file-20200120-69606-v5kdhm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/310861/original/file-20200120-69606-v5kdhm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/310861/original/file-20200120-69606-v5kdhm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/310861/original/file-20200120-69606-v5kdhm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=462&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/310861/original/file-20200120-69606-v5kdhm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=462&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/310861/original/file-20200120-69606-v5kdhm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=462&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://data.oecd.org/fr/socialexp/depenses-de-retraite.htm">OCDE.</a></span>
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<p>Bien qu’en Italie la question des retraites ait été traitée en temps voulu, avec la volonté explicite (comme en France) de sauvegarder et renforcer l’offre publique tout en harmonisant les différents régimes, des problèmes se posent encore et de nouvelles interventions sont nécessaires. Quelques points méritent d’être soulignés, car ils pourraient s’avérer utiles dans le débat français actuel.</p>
<h2>Un régime mal adapté au contexte</h2>
<p>Tout d’abord, le régime de retraite ne peut être sorti d’un cadre économique plus large. En l’absence d’une dynamique démographique, économique, professionnelle et salariale équilibrée, aucun des deux systèmes, par capitalisation ou par répartition, ne survivra. Promouvoir l’investissement et une croissance économique durable avec un taux d’emploi et des salaires élevés serait sans nul doute la meilleure stratégie, quel que soit le cadre.</p>
<p>En outre, la réduction constante de la part du PIB consacrée au travail et la persistance du chômage laissent croire que l’objectif originel (un financement total du système par les cotisations sociales) n’est pas réaliste. Plutôt que d’imposer des cotisations élevées sur des salaires ou de diminuer les prestations, il serait plus judicieux de remplacer partiellement les cotisations salariales par des fonds issus de l’élargissement de l’assiette fiscale (impôt sur la fortune, spéculation financière, etc.).</p>
<p>Ces considérations sont également valables pour la France, où il est prévu que la part des dépenses dans le PIB soit globalement constante à l’avenir (plus ou moins 15 % à l’horizon 2050). Cependant, les recettes attendues risquent d’entraver la viabilité de cette solution.</p>
<p>Le nouveau système italien apparaît comme une alternative valable au système traditionnel de prestations définies, dès lors qu’il s’applique aux salariés traditionnels dont les salaires et les cotisations sont élevés et les carrières, longues et ininterrompues. Tout ceci ne correspond plus vraiment au marché du travail actuel. Différents outils sont également nécessaires pour garantir des retraites adéquates au segment le plus faible du marché de l’emploi, tels que la garantie d’un cumul minimum par année de cotisation, les cotisations imputées, la possibilité de cumuler les pensions versées au titre de l’assistance sociale et de la sécurité sociale.</p>
<h2>Un déplacement du risque macroéconomique</h2>
<p>Alors que le projet du gouvernement français et son principe d’universalité vise spécifiquement les profils « atypiques » (qui le sont de moins en moins), la protection accrue de ces travailleurs dépendra des détails encore inconnus de la réforme. S’il est vrai qu’en ce sens, la proposition d’une <a href="http://www.leparisien.fr/economie/retraites/la-retraite-minimum-a-1000-euros-qui-serait-concerne-04-10-2019-8166510.php">pension universelle minimum de 1 000 euros</a> par mois est rassurante, le simple cumul de points pour les emplois temporaires et mal payés ne garantit pas que les cotisations seront suffisantes pour une pension équitable au-delà du minimum social.</p>
<p>L’expérience italienne met également en lumière un autre point critique du projet du gouvernement français : la tendance à <a href="https://global.oup.com/academic/product/the-great-risk-shift-9780190844141?cc=fr&lang=en&">déplacer le risque macroéconomique</a> sur les individus.</p>
<p>En Italie, afin de garantir la viabilité des finances publiques, le rendement des cotisations est indexé sur la croissance passée du PIB. En liant la valeur du point à la viabilité à moyen terme, le gouvernement français semble avoir en tête un mécanisme similaire, qui ferait peser les risques économiques, démographiques et financiers sur les individus plutôt que sur la collectivité.</p>
<p>Comme on l’apprend en première année de microéconomie, les assurances améliorent l’efficacité en permettant la mutualisation du risque. Si on laisse le risque peser sur les épaules des travailleurs, l’efficacité de l’assurance collective est entravée. Le développement des régimes de pension complémentaire n’atténuera pas le problème dans la mesure où tous les fonds de pension appliquent aujourd’hui le principe de la cotisation définie pour éviter toute responsabilité en cas de mauvais rendement des systèmes privés d’épargne retraite.</p>
<p>Enfin, on relèvera une contradiction : alors qu’en 1995 l’Italie adoptait un modèle qui devait laisser la liberté aux salariés de partir en retraite à n’importe quel âge (la retraite étant calculée selon un principe actuariellement équitable), elle en est venue à imposer, en 2011, l’un des âges minimaux de départ à la retraite les plus élevés au monde, ce qui s’explique par le besoin de réduire immédiatement les dépenses.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/310873/original/file-20200120-69535-1929pch.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/310873/original/file-20200120-69535-1929pch.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/310873/original/file-20200120-69535-1929pch.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/310873/original/file-20200120-69535-1929pch.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/310873/original/file-20200120-69535-1929pch.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/310873/original/file-20200120-69535-1929pch.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/310873/original/file-20200120-69535-1929pch.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/310873/original/file-20200120-69535-1929pch.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.touteleurope.eu/actualite/l-age-legal-de-depart-a-la-retraite-dans-l-union-europeenne.html">Touteleurope.eu/Missoc (au 1ᵉʳ janvier 2019)</a></span>
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<p>En effet, l’augmentation permanente de l’âge de la retraite autorise une réduction brutale et non négligeable des dépenses liées à la retraite, quoiqu’avec des coûts substantiels assumés par les familles et les entreprises. Introduire un système dans lequel les considérations de stabilité financière sont susceptibles d’altérer fortement la liberté du travailleur modifie fondamentalement l’approche actuarielle de la réforme des retraites.</p>
<p>En ce sens, l’approche initiale du gouvernement français, qui prétendait n’avoir aucun problème de stabilité financière en tête au moment où il a proposé sa réforme, semblait plus justifiée que le glissement ultérieur vers la viabilité. La <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/retraites/retraites-edouard-philippe-vante-sa-majorite-un-compromis-transparent-et-solide-6685298">lettre envoyée</a> par Édouard Philippe aux partenaires sociaux annonçant le retrait temporaire de l’âge pivot est donc révélatrice, dans la mesure où le premier ministre a explicitement lié ce retrait à d’autres moyens de garantir la viabilité.</p>
<p>En conclusion, l’expérience italienne semble offrir de bonnes indications sur les écueils que présente le projet français. Ce sont les points principaux qui devraient être abordés dans les mois qui viennent.</p>
<hr>
<p><em>Article co-écrit avec Angelo Marano, économiste, et traduit de l’anglais par Catherine Biros pour <a href="http://www.fastforword.fr">Fast ForWord</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130218/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Francesco Saraceno ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les différentes réformes menées dans la péninsule ont notamment conduit à un transfert du risque macroéconomique de la collectivité vers l’individu.Francesco Saraceno, Directeur adjoint du département des études à l'OFCE, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1289602019-12-17T17:42:35Z2019-12-17T17:42:35ZLe maintien dans l’emploi des seniors, l’enjeu oublié de la réforme des retraites<p>Depuis les annonces des grandes lignes du projet de réforme des retraites par le premier ministre Édouard Philippe le 11 décembre dernier, la question de l’âge pivot (rebaptisé « âge d’équilibre ») déchaîne les foudres des syndicats, y compris celles des organisations réformistes comme la CFDT. Cet âge pivot, à partir duquel les retraités pourront bénéficier d’une retraite à taux plein, pourrait être fixée à 64 ans à partir de 2027. Le gouvernement le définit comme un point d’équilibre dans le dispositif des retraites. Il ne constitue toutefois pas une révolution sur l’âge du départ, actuellement autour de <a href="http://www.leparisien.fr/economie/age-de-depart-a-la-retraite-les-cles-pour-comprendre-un-debat-relance-18-03-2019-8034714.php">63,5 années</a>, hommes et femmes confondus.</p>
<p>Le débat sur l’âge réel de départ ne devrait donc pas se situer sur une valeur précise, mais bien sur une réflexion autour d’une possibilité de départ avec des conditions acceptables pour chacun. Sur ce point, tout le monde a saisi également que nous aurons à travailler plus longtemps.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/HZnsi5Yesus?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les annonces clés d’Édouard Philippe sur la réforme des retraites (<em>Les Échos</em>, 11 décembre 2019).</span></figcaption>
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<p>Or, une fois ce constat posé, qu’en est-il vraiment ? Car travailler un plus grand nombre d’années implique inévitablement de rester en emploi afin de compter parmi les <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3676623?sommaire=3696937">26,9 millions d’actifs</a> de ce pays (hors 2,8 millions de personnes au chômage). Le maintien en activité reste ainsi l’option la plus intéressante pour les seniors s’ils veulent bénéficier d’une retraite à taux plein.</p>
<h2>Déficit démographique</h2>
<p>Cependant, la France est-elle en capacité de maintenir en emploi tous ses actifs jusqu’au terme d’une retraite à taux plein ? Une observation pourrait sembler apporter une réponse prometteuse. D’après l’Insee, la population de seniors va fortement augmenter, alors que dans le même temps, celle des actifs entre 25-65 ans va diminuer.</p>
<p>Ainsi en 2050, les personnes de plus de 65 ans devraient représenter <a href="https://www.lepoint.fr/societe/en-2050-la-france-comptera-20-millions-de-plus-de-65-ans-22-06-2017-2137412_23.php">20 millions d’habitants</a> sur les 74 millions que comptera le pays. Par glissement au fil des années, on pourrait donc penser que les seniors vont occuper les postes qu’un déficit de 600 000 actifs laissera. Bien entendu, aucune raison de se réjouir, il s’agit là d’une vision trop généraliste.</p>
<p>Des dispositifs permettent d’associer retraite et activité professionnelle. Malgré tout, depuis la réforme pour le <a href="https://www.capital.fr/votre-retraite/cumul-emploi-retraite-au-1er-janvier-2015-les-regles-changent-preparez-vous-983771">cumul emploi-retraite</a> en 2015, l’ensemble est devenu moins attractif, car l’activité exercée pendant le cumul ne permet plus d’acquérir des droits à retraite supplémentaires. De plus, les « cumulants » ont eu une longue carrière en amont (42 ans ou +) et leur niveau de pension est compris entre 702-835 euros bruts par mois. Enfin, ils ne concernent qu’une très faible part des retraités du régime général (moins de 3 %).</p>
<p>Les résultats produits par ces dispositifs ne sont donc pas de nature à inverser favorablement les tendances lourdes liées à la <a href="https://www.liberation.fr/france/2019/10/10/emploi-des-seniors-la-cour-des-comptes-denonce-un-delaissement_1756766">précarité des retraités</a>.</p>
<p>Souligné par l’Insee, le rapport entre les actifs et les retraités pose une véritable contrainte prenant de l’ampleur chaque année. Du côté des entreprises, la situation d’embauche s’est améliorée pour les salariés âgés de 55 à 60 ans (44 %), tandis que le taux d’emploi des 60-64 ans peinait à atteindre les <a href="https://votreargent.lexpress.fr/retraite/la-reforme-des-retraites-une-trappe-a-precarite-pour-les-seniors_2102586.html">32 % au premier trimestre 2019</a>.</p>
<p>C’est le cœur du problème. Avec l’allongement de la durée de la vie, nous devrons travailler plus longtemps plus vieux. Autrement dit, c’est bien sur le maintien dans l’emploi des seniors qu’il conviendra d’agir. Or, le déficit démographique a déjà montré le poids qu’il représente dans l’équation, notamment avec certains régimes spéciaux (SNCF et RATP). Certes, on part en retraite plus tôt à l’intérieur de ces régimes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1205405954046607361"}"></div></p>
<p>Les discussions cachent pourtant le véritable problème de gestion rencontré pour leur financement. Ils sont en effet déficitaires en raison d’une démographie mise à mal, variable d’entrée principale pour comprendre le phénomène. Ces régimes spéciaux concentrent ainsi une situation qui renvoie aux difficultés d’équilibre des 42 régimes de retraite confondus. Leur nombre d’actifs cotisants est largement inférieur aux personnes bénéficiaires.</p>
<p>Selon la <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-07/20190716-rapport-regimes-speciaux-retraite.pdf">Cour des comptes</a> en 2017, la SNCF enregistrait 0,55 cotisant pour 1 retraité, soit 144 000 salariés pour 260 000 retraités. Qu’est-il advenu des 116 000 actifs manquants pour avoir un ratio de 1 ? Ils sont pour la plupart sortis de l’effectif sans être remplacés depuis 1990 (207 000 agents SNCF en poste à l’époque). Entre-temps, la SNCF a adopté une stratégie de sous-traitance, supprimé des postes (2 000 emplois pour l’année 2019 sur le secteur fret et 3 000 emplois d’ici 2020 pour le transport passager).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/307250/original/file-20191216-123987-1vaz4k0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/307250/original/file-20191216-123987-1vaz4k0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/307250/original/file-20191216-123987-1vaz4k0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=636&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/307250/original/file-20191216-123987-1vaz4k0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=636&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/307250/original/file-20191216-123987-1vaz4k0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=636&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/307250/original/file-20191216-123987-1vaz4k0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=799&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/307250/original/file-20191216-123987-1vaz4k0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=799&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/307250/original/file-20191216-123987-1vaz4k0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=799&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Cette stratégie d’entreprise n’est pas remise en cause ici mais ses effets sont pour autant majeurs. Car de fait, la question du maintien dans l’emploi se retrouve face à une logique incontournable. Quand une entreprise réduit sa masse salariale pour des raisons économiques, ne remplace pas ses départs, ou concentre le travail sur moins d’employés au détriment de l’embauche, elle produit inexorablement parmi les seniors des retraités par anticipation (ou des chômeurs souvent proches de la retraite).</p>
<p>Le fameux « faire plus avec moins de monde » positionne l’individu dans un dilemme forcé : garder son emploi ou en trouver un autre, intégrer les chiffres du chômage de longue durée ou profiter d’un dispositif de départ anticipé. Or, depuis 2015, un individu ne peut pas appartenir en même temps à la masse salariale de son entreprise et percevoir une pension du régime de retraite dont il dépend. Et depuis 2016, la Cour des comptes fait état du <a href="https://www.lexpress.fr/emploi/conseils-emploi/contrat-de-generation-l-autopsie-d-un-echec-par-la-cour-des-comptes_1762039.html">peu d’efficacité du Contrat de génération</a> pour le maintien dans l’emploi des seniors de 57 ans ou plus.</p>
<p>Il est enfin difficile de reprocher aux entreprises de chercher à rester compétitives, plus efficientes dans leur gestion, tout en supportant à long terme un coût du travail qui n’a jamais diminué.</p>
<h2>Des solutions existent</h2>
<p>Les entreprises disposent d’outils qui visent à favoriser le travail des seniors : le CDD Senior, le Parcours emploi compétences (PEC), le Contrat de professionnalisation, l’intérim ou encore le travail en temps partagé. Toutefois, les marges de progression sont fortes, comme le montrent les indicateurs.</p>
<p>Il y a deux niveaux sur lesquels État, employeurs et employés peuvent avancer en tenant compte des intérêts respectifs.</p>
<p>D’abord, en matière de perception et sensibilités sur les différences générationnelles. Cela concerne les valeurs profondes de la diversité des âges au travail. La dimension junior-senior d’un effectif est à reconsidérer. Le simple « passage de témoin » ne suffit plus pour comprendre la mesure de l’enjeu économique qui nous attend d’ici 2050. Le « jeune contre le vieux » n’a plus lieu d’être.</p>
<p>Le cliché de l’ancien qui laisse sa place au nouveau est à reprendre, car ce stéréotype commande une représentation séquentielle au détriment d’une vision intergénérationnelle. Pour les entreprises, c’est en partie un projet RH visant à diminuer les discriminations dues à l’âge (avoir 55 ans est aujourd’hui considéré comme un <a href="https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/etudes-et-recherches/2019/09/12eme-barometre-de-la-perception-des-discriminations-dans-lemploi">inconvénient pour 81 % des salariés du privé</a>, 82 % du public).</p>
<p>Deuxièmement, les marges de manœuvre concernent les discours et la simplicité du propos. Car il n’y a pas de vision salutaire d’un senior laissant sa place à un junior, dans un jeu à somme gagnante pour celui ou celle qui reste en emploi. En percevant un salaire, il faudra cotiser pour une population de retraités augmentant toujours plus chaque année. Autrement dit, à chaque fois qu’un senior quittera prématurément le marché de l’emploi, il accentuera le déséquilibre d’un système de financement reposant sur celui qui travaille.</p>
<p>Il suffit d’écouter les arguments d’aujourd’hui pour comprendre que l’effort demandé pourra lourdement peser sur les plus jeunes (allongement de la durée de travail, niveau des cotisations, etc.). Une stabilité relative pour chaque retraité, dépendant alors d’une génération au travail qui devra faire en sorte que le système perdure, sans perdre l’espoir d’un principe de solidarité porteur à long terme.</p>
<p>Si les chiffres semblent jouer contre nous, il reste encore la possibilité de redéfinir les configurations du travail et du partage de sa quantité disponible entre les générations. Car aucune formule magique ne permettra de créer de l’emploi pour les juniors/seniors, si le marché du travail ne leur en propose plus ou trop peu pour chacun.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/128960/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Pierre Dumazert ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La mise en place de l’âge pivot à 64 ans appellerait notamment un renfort des dispositifs en faveur des chômeurs proches de la retraite, aujourd’hui insuffisants.Jean-Pierre Dumazert, Professeur de Management, ExceliaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1289132019-12-15T17:53:20Z2019-12-15T17:53:20ZAprès la réforme des retraites, un horizon politique qui profite à l’extrême droite pour 2022 ?<p>La mobilisation actuelle est étonnante. En son cœur, en effet, elle a trouvé une dynamique paradoxale qui risquait de s’étioler avec la décision de la CFDT, de l’UNSA et de la CFTC de <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/societe/la-cfdt-bascule-unanimite-syndicale-pour-une-mobilisation-le-17-decembre_2110752.html">participer</a> aux manifestations du 17 décembre, appelées initialement par des organisations aux orientations très différentes, à commencer par la CGT, la FSU, et FO.</p>
<p>Ces dernières demandent le retrait pur et simple du projet gouvernemental de réforme des retraites, qui consiste à remplacer le système actuel basé pour chacun sur le nombre de trimestres de cotisation par un système à points, dit universel. Elles exigent le maintien des régimes particuliers – 42 actuellement – en tous cas pour la SNCF et RATP qui sont en première ligne dans la mobilisation.</p>
<p>Or, les organisations « réformistes » sont favorables au système à points, mais s’opposent au pouvoir au sujet des modalités de financement de ce système, et tout particulièrement à l’instauration d’un « âge pivot » placé à 64 ans.</p>
<p>Cette mobilisation contradictoire a lieu dans un climat social particulièrement chaud. Les professions de santé sont depuis plusieurs semaines vent debout, les étudiants demandent, entre autres revendications à pouvoir sortir de la précarité qui atteint nombre d’entre eux. Les chercheurs scientifiques sont en colère après les déclarations du président du CNRS, Antoine Petit, en appelant à des dispositifs inégalitaires et, selon ses mots, <a href="https://www.lemonde.fr/blog/huet/2019/12/12/antoine-petit-conteste-au-cnrs/">« darwiniens »</a>, et des établissements universitaires sont fermés pour éviter leur occupation par des contestataires. Les enseignants du secondaire et du primaire sont singulièrement inquiets pour leur retraite.</p>
<p>Diverses professions libérales, avocats par exemple, et d’autres professions, dans les transports routiers par exemple, sont également partie prenante de la contestation. Et les « gilets jaunes », qui durant de longs mois ont fait preuve d’animosité plus que d’intérêt vis-à-vis des syndicats sont, pour certains d’entre eux au moins, décidés à les appuyer.</p>
<h2>Une évolution politique à droite pour le pouvoir ?</h2>
<p>Le gouvernement a engagé une campagne massive d’explication pour tenter de démontrer le bien-fondé d’une réforme présentée comme juste, équitable et nécessaire, <a href="https://www.lepoint.fr/societe/retraites-macron-defend-une-reforme-historique-pour-le-pays-13-12-2019-2353050_23.php">« historique »</a> a dit le président de la République.</p>
<p>S’il se heurte à un front commun des organisations réformistes et de celles qui sont radicales, c’est un choix délibéré : en proposant une réforme qui conjugue deux registres, celui du changement de système et celui du financement, il savait ce qu’il faisait.</p>
<p>À partir de là, on entre, au-delà de ce que sera l’évolution du conflit proprement social, dans la politique.</p>
<p>Considérons tout d’abord le pouvoir. La discussion a été <a href="https://www.radioclassique.fr/magazine/articles/marlene-schiappa-le-gouvernement-attend-une-contre-proposition-des-partenaires-sociaux-sur-lage-pivot/">vive</a> au sein de la majorité et du gouvernement, à propos, précisément du choix ou non d’un « âge pivot », c’est-à-dire d’une mesure constituant pour les syndicats réformistes, comme a dit Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, une « ligne rouge » qui ne devait pas être franchie – et qui finalement l’a été.</p>
<p>Si Édouard Philippe doit reculer, alors, ses jours sont comptés, et on voit bien comment le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, en <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/12/12/reforme-des-retraites-bruno-le-maire-assure-qu-il-y-a-de-la-place-pour-la-negociation_6022589_823448.html">opposition avec le premier ministre</a> à propos de cette mesure, pourrait être chargé de présenter un nouveau gouvernement.</p>
<p>Si Édouard Philippe parvient à maintenir son projet, sans trop reculer, en trouvant un accord avec Laurent Berger, la grève pourrait s’essouffler et se durcir, et perdre le soutien d’une opinion lui devenant alors plus ou moins hostile. Il n’en aura pas fini pour autant avec les difficultés, alors que les députés La République en Marche auront en effet été divisés.</p>
<p>Quel que soit l’avenir, la séquence aura permis à Emmanuel Macron de se positionner sur le terrain de la droite. La posture d’Édouard Philippe fait penser à celle d’Alain Juppé en 1995, « droit dans ses bottes », avant qu’il ne se présente en homme d’ouverture et de négociation ; celle de Bruno Le Maire n’a pas davantage été marquée à gauche.</p>
<p>Bref, la réforme, quelle que soit la conclusion du conflit social actuel, aura contribué à miner la droite classique, à la vider de sa substance, à faire en sorte que parmi ses électeurs, les uns à terme rejoignent ou soutiennent le président, même s’ils ne sont pas stratégiquement d’accord entre eux, tandis que bien d’autres, finalement, n’auront d’autre choix que l’abstention ou le Rassemblement national.</p>
<h2>Pas de recomposition de la gauche et la fin de l’exception française</h2>
<p>L’affaire aurait fait courir de grands risques au pouvoir si elle avait permis à la gauche de commencer à se recomposer.</p>
<p>Mais même si Martine Aubry a fait entendre sur France Info le 13 décembre une <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/retraite/reforme-des-retraites/comment-le-gouvernement-peut-etre-a-ce-point-sourd-aux-inquietudes-des-francais-s-interroge-martine-aubry-maire-de-lille_3742839.html">voix claire et forte</a>, authentiquement de gauche, rien n’indique une quelconque renaissance.</p>
<p>La France Insoumise sort plus requinquée que renforcée de cette séquence, et on a pu entendre en effet un Jean‑Luc Mélenchon très à son aise. Mais rien ne démontre qu’elle remonte nettement dans l’opinion, et il semble qu’elle se maintienne à un niveau bien inférieur à celui de 2017.</p>
<p>Ce qui débouche sur une conséquence importante : la fin de l’exception française, qui jusqu’ici se caractérisait par deux populismes, presque équilibrés, l’un à gauche, avec la France Insoumise, l’autre à droite, avec le Rassemblement national.</p>
<p>Le déclin du parti de Jean‑Luc Mélenchon ne peut que se solder par une <a href="https://www.lesechos.fr/politique-societe/politique/retraites-marine-le-pen-a-la-manoeuvre-avec-2022-en-ligne-de-mire-1152358">évolution en faveur</a> de celui de Marine Le Pen, qui peut en escompter quelques pourcentages de voix en plus, et davantage d’abstentionnistes lors d’une élection présidentielle où certains préféreront ne pas voter plutôt que de le faire pour Emmanuel Macron.</p>
<p>Ajoutons ici un point essentiel : dans plusieurs pays où le national-populisme prospère, et parvient aux affaires, il sait conjuguer une politique identitaire, (anti-migrants, anti-islam, etc.), et des mesures sociales qui lui apportent un soutien populaire.</p>
<p>Or les représentants de Marine Le Pen, très présents dans les médias ces derniers temps, ont souvent insisté sur le caractère légitime des revendications sociales qui émanaient des Gilets jaunes ou, aujourd’hui des syndicats, qui ne sont pourtant pas leur tasse de thé.</p>
<h2>Affrontement Macron-Le Pen ?</h2>
<p>Ce qui conforte l’hypothèse selon laquelle le calcul politique du Président consiste à favoriser tout ce qui conduit, pour dans deux ans, à un affrontement où il serait seul à pouvoir s’opposer à une candidature de Marine Le Pen.</p>
<p>Ici, il faut faire un pas de plus. 2022 ne sera pas un remake de 2017.</p>
<p>Le parti du Président n’a pas jusque-là su convaincre l’opinion, on le voit mal s’imposer d’ici deux ans. Les grèves et manifestations à propos de la réforme des retraites auront laissé des traces, nécessairement négatives pour le pouvoir, qui par ailleurs déçoit ceux qui pour qui l’environnement et le changement climatique sont des enjeux prioritaires, une urgence.</p>
<p>Les municipales, entre temps, auront été l’occasion de débauchages sans contenu d’élus locaux ; la préparation de l’élection à Paris, <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/politique/municipales-le-duel-griveaux-villani-a-paris_2096322.html">avec Cédric Villani et Benjamin Griveaux</a>, aura été la meilleure façon de donner toutes ses chances à Anne Hidalgo.</p>
<p>Tout ceci n’aura ajouté aucune voix à Emmanuel Macron, et lui en aura fait perdre, notamment au profit de l’abstention.</p>
<p>Finalement, un certain nombre de ceux qui ont voté pour lui en 2017 auront été tellement déçus, voire écœurés, qu’ils ne tiendront plus le raisonnement qui en fait sinon le meilleur candidat face à Marine Le Pen, du moins le moins pire : ceux-là se diront qu’il existe des institutions, une justice, un droit ; que Marine Le Pen et son parti ne pourront pas faire tout ce qu’ils voudront, et qu’après une période limitée dans le temps, en tout cas à l’échelle de l’histoire, à l’issue de ce qui aura été une crise salutaire, le bon sens et les valeurs humanistes et démocratiques reprendront leurs droits.</p>
<p>Ils déchanteront ensuite – mais trop tard.</p>
<p>Il faut donc, si cette analyse est fondée, regretter que le pouvoir semble vouloir se préparer à rejouer un scénario de type « 2017 », alors que ce qui se prépare pourrait plutôt annoncer « 1984 », un millésime qui nous rappelle que le parti qui était alors celui de Jean‑Marie Le Pen avait réalisé un score impressionnant à une élection nationale, lors du scrutin européen. Un millésime auquel le célèbre roman de George Orwell a aussi donné, si on peut dire, quelques lettres de noblesse.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/128913/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Wieviorka ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La radicalisation autour de la mobilisation pourrait profiter à Marine Le Pen lors des élections présidentielles de 2022.Michel Wieviorka, Sociologue, Président de la FMSH, Fondation Maison des Sciences de l'Homme (FMSH)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1249362019-12-10T21:05:51Z2019-12-10T21:05:51ZComment vieillir est peu à peu devenu synonyme de travailler plus<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/305865/original/file-20191209-90592-u3if8g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C1985%2C1230&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Nous assistons à un changement profond dans la signification sociale de la retraite, davantage associée aujourd’hui à l’activité et moins au repos et aux loisirs.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La réforme annoncée du système de retraite français et les débats qu’elle suscite, en particulier autour de l’instauration d’un âge-pivot qui retarderait l’âge effectif de cessation d’activité, méritent d’être replacés dans le cadre des mutations sociales de la retraite au cours des dernières décennies.</p>
<p>Deux évolutions majeures peuvent être soulignées. D’une part, le mouvement de baisse de l’âge de la retraite a été corrélé à une dynamique de prolongation de l’activité professionnelle. De l’autre, nous assistons à un changement profond dans la signification sociale de la retraite, davantage associée aujourd’hui à l’activité et moins au repos et aux loisirs.</p>
<p>Le développement du cumul emploi-retraite se situe à la croisée de ces deux évolutions.</p>
<h2>Partir tôt pour favoriser l’emploi des jeunes</h2>
<p>En France, <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/article40.pdf">l’espérance de vie à la retraite</a>, qui est aujourd’hui de 22 ans pour les hommes et de 26 ans pour les femmes, a augmenté d’une dizaine d’années depuis la fin des années 1950.</p>
<p>L’augmentation de l’espérance de vie aux âges élevés – qui, dans la deuxième moitié du XX<sup>e</sup> siècle, a remplacé la baisse de la mortalité infantile comme principal moteur de l’augmentation de l’espérance de vie à la naissance – conjuguée à la baisse de l’âge de la cessation de l’activité professionnelle explique ce phénomène.</p>
<p>Pourtant, l’âge effectif de cessation de l’activité professionnelle n’a pas baissé de manière linéaire.</p>
<p>Elle a été particulièrement marquée dans les années 1980, rendue possible par le développement de dispositifs divers tels que les pré-retraites ou la dispense de recherche d’emploi pour les chômeurs âgés. En effet, dans les années 1970-1980, un consensus s’est établi autour de l’idée que le retrait précoce du marché du travail des travailleurs âgés constituait une manière pertinente de lutter contre le chômage des jeunes. Les évolutions législatives ont aussi accompagné ce mouvement, l’ordonnance du 26 mars 1982 instituant la <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2010/09/25/comment-est-nee-la-retraite-a-60-ans_1415000_823448.html">retraite à 60 ans</a>.</p>
<p>C’est ainsi que la France s’est installée dans ce que la <a href="https://www.cairn.info/les-defis-du-vieillissement--9782200249205-page-223.htm">sociologue Anne-Marie Guillemard a appelé</a> une « culture de la sortie précoce ».</p>
<h2>Maintenir les seniors en emploi</h2>
<p>Depuis une dizaine d’années, cette tendance s’est inversée et <a href="https://www.capital.fr/votre-retraite/le-spectaculaire-rebond-de-lage-de-depart-en-retraite-depuis-10-ans-1254297">l’âge de départ à la retraite est reparti à la hausse</a>. La France a en effet, cherché à mettre en œuvre une politique inverse de la précédente, visant désormais à maintenir les seniors en emploi. Aussi les dispositifs de cessation d’activité anticipée ont-ils été fortement réduits.</p>
<p>Par ailleurs, les <a href="https://www.cairn.info/revue-idees-economiques-et-sociales-2014-3-page-23.htm">réformes de la retraite</a> qui se sont succédées <a href="https://www.vie-publique.fr/eclairage/20111-retraites-les-differentes-reformes-des-de-1993-2014">depuis 1993</a> ont augmenté le nombre d’annuités nécessaires pour obtenir une retraite à taux plein, retardé l’âge auquel il est possible de prendre sa retraite et incité à rester plus longtemps en activité, notamment par l’instauration d’une <a href="https://www.senat.fr/rap/a02-383/a02-38316.html">surcote</a> pour ceux qui retardent leur départ à la retraite et par un assouplissement des règles du cumul entre emploi et retraite.</p>
<p>En France, la remontée de l’âge de la retraite a cependant été plus tardif que dans bien d’autres pays européens du fait de la prégnance de la culture de la sortie précoce. Les mesures prises ont longtemps hésité entre prolongation d’activité et poursuite de la politique des départs précoce. On pense ainsi à la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000781627">réforme Fillon de 2003</a> qui, d’un côté, a augmenté la durée de cotisations pour prendre sa retraite à taux plein et, de l’autre, a créé le dispositif de retraite anticipée pour carrières longues, qui a eu un succès massif et immédiat.</p>
<h2>Une pluralité de retraites</h2>
<p>Les manières de vivre la retraite sont plurielles. Ainsi, dans les années 1980, des sociologues de la <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/cahiers/la-retraite-quinze-ans-apres/">Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse</a> avaient distingué <a href="https://www.armand-colin.com/sociologie-de-la-vieillesse-et-du-vieillissement-9782200601898">cinq types de retraite</a> : la retraite-abandon, la retraite-retranchée, la retraite intimiste, la retraite conviviale et la retraite-loisirs.</p>
<p>On peut cependant considérer qu’au-delà de cette diversité des modes de vie, les représentations sociales dominantes de cette période de l’existence se sont transformées. De ce point de vue, on peut distinguer trois grandes époques.</p>
<p>Dans les années qui suivent la création de l’assurance-vieillesse dans le cadre de la Sécurité sociale en 1945, la retraite est perçue comme un temps de repos après une vie de labeur. Cependant, le contenu de cette nouvelle période de la vie ne fait pas, dans un premier temps, l’objet d’une réflexion collective. Aussi les <a href="https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=44642">enquêtes de l’époque</a> décrivent-elles des retraités « marqués par la conscience de leur inutilité sociale » et dont la vie quotidienne est marquée par « l’ennui et les difficultés d’adaptation à l’inactivité ».</p>
<h2>Quelle manière d’occuper le temps « libéré » ?</h2>
<p>À partir des années 1960, une réflexion émerge sur la manière d’occuper le temps libéré par la fin de l’activité professionnelle et, plus largement, quant à la place des retraités dans la société. Cette nouvelle orientation est impulsée par le <a href="https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=44642">rapport de Pierre Laroque (1962)</a>, qui marque le point de départ d’une politique d’insertion sociale de la population âgée. Une nouvelle signification de la retraite se dessine alors et s’impose peu à peu, orientée vers les activités de loisirs du « troisième âge ».</p>
<p>C’est ainsi <a href="https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1979_num_26_1_2630">qu’à partir des années 1970</a> un ensemble d’acteurs (notamment les caisses de retraite et les municipalités) mettent en place des dispositifs comme les clubs, les vacances ou les universités pour le troisième âge, tandis que les revues pour retraités diffusent un modèle de vie à la retraite orienté vers l’épanouissement de soi et les activités de loisir.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/-cYFx_03yDU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le fight club des retraités, Clique TV, 16 juin 2019.</span></figcaption>
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<p>Parallèlement, le temps de retraite se trouve plus fortement dissocié du temps d’activité professionnelle avec la mise en place de conditions très restrictives de cumul entre emploi et retraite.</p>
<p>Plus récemment, l’apparition de la notion de <a href="https://journals.openedition.org/socio-logos/2814">« vieillissement actif »</a> marque le développement d’une nouvelle signification sociale de la retraite, moins tournée vers les loisirs et davantage orientée vers l’utilité sociale.</p>
<p>La catégorie de « vieillissement actif », qui s’est diffusée au sein des grandes organisations internationales depuis la fin des années 1990 (comme en témoigne, par exemple, l’intitulé choisi pour l’année européenne 2012, « Vieillissement actif et solidarité intergénérationnelle ») est cependant ambivalente : elle renvoie tout à la fois aux activités bénévoles non marchandes et aux activités marchandes.</p>
<p>Mais, quelle que soit l’acception retenue, la perspective qu’elle introduit vient contester la représentation de la retraite comme temps de loisirs. Le modèle qui se diffuse aujourd’hui est celui de la poursuite d’une « activité » à la retraite, ou du moins pendant les premières années de retraite, que ce soit sous forme bénévole ou à travers le maintien ou le retour en emploi.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/6QXkArsYiGY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Reportage sur des Médecins retraités sans frontières : une association unique en France qui vient en aide aux réfugiés, France 3, 2017.</span></figcaption>
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<h2>Le cumul emploi-retraite</h2>
<p>L’une des formes prises aujourd’hui par cette activité continuée est le cumul emploi-retraite, à savoir l’exercice d’une activité professionnelle rémunérée après avoir fait valoir ses droits à pension.</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-retraite-et-societe1-2013-2-page-39.htm">Ce phénomène</a>, rendu possible par un assouplissement de la législation depuis 2004, concerne <a href="https://www.statistiques-recherches.cnav.fr/images/publications/cahier-cnav/Cahiers-Cnav-11.pdf">aujourd’hui 12 % des retraités</a> des générations récemment passées à la retraite (ce qui reste bien moins fréquent qu’en Amérique du Nord).</p>
<p>Il renvoie bien sûr à des réalités diverses. Pour certains, continuer à travailler après la retraite relève d’un choix positif : il s’agit pour eux de poursuivre une activité gratifiante, voire de se lancer dans une nouvelle aventure professionnelle épanouissante.</p>
<p>Pour d’autres, le retour à l’emploi après la retraite s’explique avant tout par des raisons financières. <em>In fine</em>, ce phénomène met au jour les inégalités sociales qui traversent la retraite : inégalités de revenus et de patrimoine ; inégalités de charges familiales ; inégalités de santé et d’espérance de vie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124936/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Caradec ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Nous assistons à un changement profond dans la signification sociale de la retraite, davantage associée aujourd’hui à l’activité et moins au repos et aux loisirs.Vincent Caradec, Sociologue, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1254612019-10-28T12:35:01Z2019-10-28T12:35:01ZLa population active canadienne vieillit… et il faut la garder au travail!<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/298956/original/file-20191028-113991-1svggw5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le fait de garder les travailleurs âgés au travail après 65 ans pourrait aider à résoudre la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée au Canada. </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La population active du Canada est en pleine métamorphose. Nous vieillissons et partons à la retraite en nombre record.</p>
<p>Le départ d’un si grand nombre de travailleurs et le nombre insuffisant d'employés sur le marché pour les remplacer laissent présager un ralentissement de l’économie. La réduction de la main-d’œuvre se traduira par celle de l’assiette fiscale, tandis que le vieillissement de la population <a href="https://www.queensu.ca/sps/don-drummond-dramatic-greying-canada%E2%80%99s-population-will-reshape-economy">augmentera le fardeau financier</a> imposé à notre système de soins de santé.</p>
<p>Inciter les personnes âgées à continuer de travailler après 65 ans atténuerait nombre de ces problèmes. Notre gouvernement actuel a toutefois choisi d’ignorer cette solution des plus évidentes.</p>
<p>En fait, non seulement le Canada se rebiffe-t-il contre la <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/fr/social-issues-migration-health/panorama-des-pensions-2017/reformes-recentes-des-retraites_pension_glance-2018-4-fr">tendance mondiale au recul de l’âge de la retraite</a> à 67 ans, mais le point de vue du gouvernement sur la main-d’œuvre vieillissante est archaïque et dépassé – tout comme notre système de régime de retraite, qui ne reflète pas la réalité du vieillissement et du travail au 21ème siècle.</p>
<p><a href="https://www.facebook.com/thenational/videos/10153465234312686/?v=10153465234312686">Lorsque Justin Trudeau est devenu premier ministre</a> il y a quatre ans, il a déclaré que le plan de Stephen Harper visant à repousser l’âge de la retraite à 67 ans constituait « une grave erreur », soulignant <a href="https://www.bbc.com/news/world-us-canada-35835830">« l’importance de prendre soin des membres les plus vulnérables de notre société »</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-travail-la-nouvelle-retraite-118172">Le travail, la nouvelle retraite!</a>
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<p>Si une telle déclaration implique qu’une personne de 65 ans est physiquement et cognitivement incapable de travailler au-delà de l’âge habituel de la retraite, elle nie également la valeur de l’expérience et notre reconnaissance de l’expertise.</p>
<h2>Nous vivons plus vieux</h2>
<p>Au siècle dernier, les innovations technologiques et les progrès de la médecine ont donné lieu à l’un des plus grands miracles de notre époque : la <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMbkrev59980">révolution de la longévité</a>. Nous vivons à présent plus longtemps et en meilleure santé. La population active est composée en grande partie de travailleurs du savoir, ce qui banalise la notion de capacité physique. Ajoutons à cela les percées de la technologie, notamment l’automatisation, et l’on observe un <a href="https://www.nber.org/papers/w23077.pdf">accroissement de la productivité des travailleurs âgés</a> comparativement aux générations précédentes.</p>
<p>La déclaration de Justin Trudeau suppose en outre que nous vieillissons tous au même rythme biologique. Le cas échéant, l’approche chronologique des compétences professionnelles serait indiquée, mais <a href="https://www.nextavenue.org/definition-of-aging-is-changing/">comme l’explique Andrew Scott, professeur de sciences économiques à la London Business School</a>, les gens vieillissent différemment. C’est pourquoi certains septuagénaires participent à des olympiades pour personnes âgées, tandis que certains quinquagénaires ont besoin d’une marchette.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/297213/original/file-20191015-98657-1hjqe34.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/297213/original/file-20191015-98657-1hjqe34.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/297213/original/file-20191015-98657-1hjqe34.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/297213/original/file-20191015-98657-1hjqe34.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/297213/original/file-20191015-98657-1hjqe34.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/297213/original/file-20191015-98657-1hjqe34.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/297213/original/file-20191015-98657-1hjqe34.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Nombre de travailleurs vieillissants demeurent extrêmement actifs au-delà de 65 ans.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les stéréotypes sur les travailleurs vieillissants considèrent que l’âge chronologique reflète les capacités professionnelles. Or, la chronologie ne révèle que la longévité d’une personne, sans tenir compte de sa santé, de son expérience ou de ses connaissances ainsi que des variations dans sa tranche de population.</p>
<p>Lors d’une récente <a href="https://www.bnnbloomberg.ca/jean-charest-disappointed-upscaling-canada-s-workforce-isn-t-a-bigger-election-issue-1.1325405">entrevue avec BNN Bloomberg</a>, Jean Charest, ancien premier ministre du Québec, a exprimé son inquiétude quant au manque d’attention accordé au vieillissement de la population active par les partis fédéraux durant les élections.</p>
<p>Alors qu’il prenait part au Canadian Manufacturing Technology Show à Toronto, M. Charest a déclaré :</p>
<blockquote>
<p>“Je suis un peu surpris et déçu que durant cette campagne électorale, les chefs n’aient pas plus parlé de ce que le Canada doit faire pour améliorer sa main-d’œuvre et rester concurrentiel – surtout avec une population vieillissante… Si nous n’abordons pas cette question rapidement, nous allons avoir de gros problèmes.”</p>
</blockquote>
<p>Les experts en conviennent.</p>
<h2>La natalité décline</h2>
<p>Le demi-siècle dernier a vu les économies des pays développés croître et notre niveau de vie s’améliorer sans cesse. Cette situation est en grande partie attribuable à la participation de la génération du baby-boom au marché du travail ainsi qu’à l’afflux des femmes dans la population active. Le baby-boom a toutefois été suivi d’une <a href="https://www.jstor.org/stable/4132676?seq=1#page_scan_tab_contents">chute de la natalité</a>, et les gens choisissent à présent d’avoir moins d’enfants.</p>
<p>Cela signifie que plus de travailleurs quitteront la population active que n’y entreront dans les années à venir, ce qui pourrait freiner la croissance de notre économie et <a href="https://www.focus-economics.com/blog/economic-implications-of-an-aging-global-population">avoir des répercussions négatives sur notre niveau de vie</a>.</p>
<p>Notre système actuel ne peut générer les <a href="https://www.queensu.ca/sps/don-drummond-dramatic-greying-canada%E2%80%99s-population-will-reshape-econom%5BSA1%5D%20y">revenus fiscaux requis</a> pour financer les retraites prolongées du bassin de retraités en constante expansion. Les travailleurs devront produire plus, mais recevront moins. Dans leur ouvrage, <a href="https://www.researchgate.net/publication/227390313_The_Economic_Implications_of_Aging_Societies"><em>The Economic Implications of Aging Societies: The Costs of Living Happily Ever After</em></a>, Steven Nyce et Sylvester Schieber préviennent que la société devra accepter un niveau de vie moins élevé si elle ne trouve pas les moyens d’attirer les travailleurs étrangers ou d’encourager les employés âgés à continuer de travailler après 65 ans.</p>
<p>Selon Jean Charest, cette dernière stratégie exigera de repenser la culture du milieu de travail. Les employeurs et les gouvernements devront notamment faire preuve d’initiative en investissant dans le recyclage des compétences pour que le Canada demeure concurrentiel.</p>
<p>Ce sentiment trouve d’ailleurs un écho retentissant dans le dernier <a href="http://www3.weforum.org/docs/WEF_TheGlobalCompetitivenessReport2019.pdf">indice mondial de compétitivité</a> récemment publié par le Forum économique mondial.</p>
<p>Le Canada arrivait au 14e rang des économies les plus concurrentielles du monde, en baisse de deux places par rapport à 2018. L’un des facteurs cités par l’indice était la nécessité pour le Canada d’équilibrer ses avancées technologiques et son investissement dans le capital humain. Or, recycler les compétences de notre main-d’œuvre vieillissante répondrait justement à ce besoin.</p>
<p>Nous devons commencer à envisager l’âge en termes de capacités, et non de chronologie. Concrètement, cela signifie modifier la réglementation gouvernementale concernant l’âge et la retraite, et tenir compte de l’allongement des carrières.</p>
<p>En 2010, [Standard & Poor’s prédisait] :</p>
<blockquote>
<p>“Aucune autre force n’est susceptible de façonner l’avenir de la santé économique nationale, des finances de l’État et de l’élaboration des politiques autant que le rythme irréversible auquel la population mondiale vieillit.”</p>
</blockquote>
<p>Mais peu de politiciens canadiens semblent s’en préoccuper.</p>
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<p class="fine-print"><em><span>Gillian Leithman ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Notre attitude envers les employés âgés est archaïque et dépassée, compte tenu des avancées scientifiques et technologies. Nous devons envisager l’âge en termes de capacités, et non de chronologie.Gillian Leithman, Adjunct Professor, Leadership Development, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.