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programmes – The Conversation
2023-11-01T17:16:27Z
tag:theconversation.com,2011:article/215845
2023-11-01T17:16:27Z
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Les réseaux électriques de futures générations permettront-ils d’ajuster offre et demande ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/554294/original/file-20231017-27-pxpvuv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2397%2C1473&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un réseau électrique intelligent articule infrastructures traditionnelles et télécommunications.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Pok Rie / Pexels</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le <a href="https://theconversation.com/topics/electricite-23762">secteur électrique</a> constitue un des secteurs énergétiques les plus polluants, responsable de <a href="https://www.planete-energies.com/fr/media/article/production-delectricite-ses-emissions-co2#:%7E:text=Electricit%C3%A9%20et%20gaz%20%C3%A0%20effet,une%20centrale%20au%20gaz3.">42,5 % des émissions mondiales de CO₂</a>. S’il doit travailler à devenir plus propre et à faire face à la précarité énergétique, il se voit également confronté à de nouvelles contraintes, telles qu’une demande croissante, particulièrement en période de pointe, mais aussi en raison de nouveaux usages comme les véhicules électriques. Il lui faut aussi composer avec le vieillissement des infrastructures des réseaux.</p>
<p>Les acteurs du secteur se tournent donc désormais vers le déploiement des <a href="https://theconversation.com/topics/energies-renouvelables-22981">ressources renouvelables</a>. Néanmoins, certains inconvénients inhérents à ces ressources, comme leur <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/11/24/si-les-energies-renouvelables-intermittentes-etaient-soumises-aux-lois-du-marche-ni-eoliennes-ni-centrales-solaires-ne-verraient-le-jour_6103382_3232.html">caractère intermittent</a> et les problématiques d’occupation spatiale, requièrent le développement d’un mécanisme efficace de gestion de l’énergie. De <a href="https://www.revolution-energetique.com/voici-la-carte-des-6-futurs-reacteurs-nucleaires-epr-prevus-en-france/">nouveaux réacteurs nucléaires EPR</a> doivent également sortir de terre en France pour renouveler le parc existant mais, hormis Flamanville sur le Cotentin, ne sont pas attendus avant 2035. C’est pourquoi les ingénieurs travaillent d’autre part à développer des technologies de pointe pour rendre la demande d’électricité plus flexible.</p>
<p>Actuellement, la demande en électricité est considérée comme <a href="https://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/tarification-de-lelectricite">aléatoire</a> : c’est à l’offre de s’adapter pour trouver un équilibre. Dans le réseau de demain, l’intermittence des énergies renouvelables déplacera vraisemblablement le caractère aléatoire de la consommation vers la production. La demande devra donc être flexible et maitrisée grâce à des programmes de gestion spécifiques.</p>
<p>En remodelant la demande, le parc de production pourrait être géré efficacement, et les coûts lissés. En outre, le dimensionnement du parc s’ajustant à la demande maximale d’électricité, la capacité totale et le coût d’investissement seront atténués en réduisant cette demande maximale.</p>
<h2>Lisser les pics</h2>
<p>Des <a href="https://pastel.hal.science/pastel-00959266">recherches</a> ont montré que les programmes de pilotage de demande agissent sur l’allure de la courbe de charge d’électricité de trois manières : en décalant les charges (<em>Load shifting</em>), en écrêtant les pointes (<em>peak clipping</em>) et en remplissant les creux (<em>valley filling</em>). Le déplacement de la demande décale l’usage d’un appareil électrique, c’est-à-dire reporte ou avance une demande d’une tranche horaire à une autre. La réduction du pic de demande électrique est atteinte grâce à la diminution ou la coupure ponctuelle d’un usage électrique. Cette solution réduit la puissance électrique en période de pointe et induit ainsi une baisse de consommation. C’est par exemple inciter les consommateurs à diminuer la température de leur chauffage.</p>
<p>Tandis que ces deux premières techniques visent à égaliser la courbe de charge en s’intéressant aux pics de demande, le « valley filling » s’applique, lui, à augmenter la charge durant les périodes où elle est moins importante. C’est programmer son lave-linge ou son lave-vaisselle en période creuse par exemple.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1686465752373612545"}"></div></p>
<p>Il convient de noter que ces programmes énergétiques contribuent aux baisses des pics de consommation. On parle parfois d’« effacement de consommation ». Ils pèsent actuellement pour environ <a href="https://www.eqinov.com/eqilibreblogenergie/appel-offres-effacement-aoe/">3 900 MW mobilisables en France en 2023</a>, encore loin de l’objectif de 6 500 MW inscrit dans la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) à horizon 2028. 6 500 MW, c’est à peu près l’équivalent de ce que peuvent fournir <a href="https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-flamanville-3-epr/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-flamanville-3-epr/lepr-de-flamanville-debute-ses-essais-de-requalification-densemble">quatre réacteurs nucléaires de type EPR</a> comme celui actuellement en phase d’essai à Flamanville.</p>
<p>Dans ce contexte, nos <a href="https://ieeexplore.ieee.org/document/8923214">recherches</a> soulèvent deux problématiques inhérentes à la gestion énergétique dans le réseau électrique intelligent. Comment aider le propriétaire d’une maison à prendre une décision d’adhésion à un programme énergétique dans le but de réduire sa consommation énergétique ? Et comment répartir l’énergie d’une manière équitable entre les consommateurs tout en prenant en compte les contraintes d’énergie des sources renouvelables et en répondant aux besoins énergétiques variés des consommateurs ?</p>
<h2>Au carrefour des systèmes électriques et des télécommunications</h2>
<p>Une des pistes pour pouvoir répondre à ces nouvelles problématiques est de développer les technologies de réseaux électriques intelligents de future génération (<em>Next Generation Smart Grids, NGSG</em>). Il s’agit des systèmes énergétiques qui évoluent d’une structure monodirectionnelle des flux énergétiques et informationnels (de la production vers la consommation), à une structure fondée sur des interactions bidirectionnelles.</p>
<p>L’objectif des NGSG est de fusionner les technologies de télécommunication et le système électrique géré par les opérateurs de production énergétique. Il est judicieux de noter qu’ils ne visent pas une conversion radicale des technologies mais une évolution des réseaux actuels dans le but d’assurer une communication entre les différents acteurs.</p>
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<p>Bien que des éléments rendant le réseau intelligent existent déjà, la différence entre les NGSG et les réseaux électriques actuels se situe dans leur <a href="https://ieeexplore.ieee.org/document/6690098">capacité à gérer plus de complexité</a>. En effet, ces réseaux intelligents devraient évoluer pour permettre une gestion en temps réel de la consommation électrique : prédiction, équilibrage de charge, détection, surveillance des pannes et aide à la prise de décision du programme énergétique.</p>
<p>Avec les NGSG, tous les appareils électriques devraient être connectés et contrôlés dans le but de gérer et surveiller la consommation électrique et afin de remonter des informations et recevoir des commandes de contrôle. La prolifération significative d’objets connectés localisés dans les maisons requiert en effet un mécanisme de gestion efficace.</p>
<p>Ce dernier peut prendre appui sur les réseaux mobiles 5G avec notamment la <a href="https://www.redhat.com/fr/topics/hyperconverged-infrastructure/what-is-software-defined-networking">technique SDN</a> (Software Defined Network). Cette dernière s’avère particulièrement prometteuse. Elle prodigue une architecture qui sépare les fonctions de transport des fonctions de contrôle du réseau. Elle fournira ainsi l’équilibrage de charge, le déplacement de charge électrique, l’ajustement dynamique des chemins de routage suite aux commandes de contrôle, la détection rapide des pannes, l’autoréparation et la surveillance et la planification des flux de trafic électriques critiques.</p>
<p>Par ailleurs, les objets connectés dans les NGSG sont capables de générer, collecter et traiter des quantités massives de données. Ces sources de données ouvrent de nouvelles pistes pour concevoir de façon fiable et efficace les réseaux électriques. Les réseaux futurs proposeront en effet l’intégration des techniques d’apprentissage automatique pour le traitement en temps réel des données et la prise de décision du meilleur programme énergétique. Celles-ci seraient puisées tant du côté de l’offre que de la demande.</p>
<p>Dans ce contexte, l’utilisation d’un algorithme d’apprentissage automatique contribuera à l’optimisation de la consommation énergétique. Celui-ci prendra en considération les diverses variables impliquées dans la distribution d’énergie renouvelable et la consommation d’énergie, afin de maximiser l’énergie de production durant les jours nuageux et sans vent. Cet algorithme interprète les fluctuations de la demande et l’évolution des conditions météorologiques afin de prévoir l’énergie demandée, et d’anticiper les problèmes inhérents aux réseaux électriques avec pour objectif de mettre en place des moyens d’amélioration des lignes de distribution.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215845/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rola Naja ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La transition énergétique nécessite des modes de production propre de l’électricité mais aussi de mieux maîtriser la demande.
Rola Naja, Enseignante chercheuse dans le domaine de l'informatique et réseaux, ECE Paris
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
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2023-04-03T14:55:53Z
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L’intelligence artificielle inquiète. Il est temps d’éduquer la population à la programmation
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/518794/original/file-20230331-947-wicpvl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Image générée par DALL-E 2 avec la commande suivante: «une peinture à l'huile impressionniste d'un célèbre robot doré lisant un livre».</span> <span class="attribution"><span class="source">(Hugo G. Lapierre)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les récents progrès en intelligence artificielle ont été ahurissants. En seulement quelques semaines, nous avons assisté à des avancées majeures qui ont le potentiel d’<a href="https://www.lapresse.ca/affaires/techno/2023-03-29/intelligence-artificielle/yoshua-bengio-et-un-millier-de-personnalites-demandent-une-pause-de-six-mois.php">impacter le marché du travail et de notre société dans son ensemble</a>. </p>
<p>ChatGPT, qui a élargi l’accès à cette technologie, en est rendue à sa quatrième version, encore plus performante. La semaine dernière, un <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/techno/2023-03-29/intelligence-artificielle/musk-bengio-et-un-millier-d-experts-demandent-une-pause-de-six-mois.php">millier d’experts et entrepreneurs des TI, parmi lesquels Yoshua Bengio et Elon Musk, ont exigé une pause de six mois</a> dans la recherche. </p>
<p>Dans ce contexte inusité, former les futurs citoyens et enseignants aux compétences numériques fondamentales apparaît nécessaire pour affronter les défis du XXI<sup>e</sup> siècle et contribuer activement à la construction d’un monde plus sûr et plus éthique.</p>
<p>Respectivement chercheur en didactique de la programmation et co-directeur de la Chaire Unesco de développement curriculaire, à l’UQAM, nous avons dans un <a href="https://theconversation.com/voici-pourquoi-les-eleves-du-primaire-et-du-secondaire-devraient-apprendre-a-programmer-181009">article précédent</a> discuté des trois arguments les plus souvent mentionnés par la littérature scientifique afin de justifier l’intégration de la programmation à l’école, tant au primaire qu’au secondaire. Il faut maintenant élargir cette éducation à l’ensemble de la société. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/voici-pourquoi-les-eleves-du-primaire-et-du-secondaire-devraient-apprendre-a-programmer-181009">Voici pourquoi les élèves du primaire et du secondaire devraient apprendre à programmer</a>
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<h2>Savoir programmer pour mieux utiliser les modèles de langage</h2>
<p>Dans le monde de l’IA, les modèles de langage tels que ChatGPT jouent un rôle crucial dans diverses applications, comme la génération de textes divers, la génération de code informatique, et l’analyse des données. Cependant, pour exploiter pleinement le potentiel de ces modèles, il est essentiel de maîtriser certaines compétences en programmation. </p>
<p>L’ingénierie des instructions est une nouvelle discipline qui consiste à concevoir et à structurer des instructions (souvent appelées « prompts », même en français) pour guider les modèles de langage afin de produire des résultats précis. Ces instructions peuvent être organisées selon différents gabarits en fonction des objectifs visés. Ces gabarits sont appelés « modèles d’instructions », et peuvent être comparés aux fonctions en programmation. </p>
<p>Les fonctions sont des blocs de code réutilisables qui effectuent une tâche spécifique. De la même manière, les modèles d’instructions sont des solutions réutilisables pour résoudre des problèmes courants lors de l’interaction avec les modèles de langage. La différence principale entre les deux ? Les fonctions sont écrites en langage informatique (comme Python ou C++), tandis que les modèles d’instruction sont rédigés en langage naturel (notamment en français ou en anglais). En d’autres termes, il s’agit d’une manière de donner des instructions à un logiciel avec des mots, plutôt qu’avec des lignes de code.</p>
<p>La <a href="https://arxiv.org/pdf/2302.11382.pdf">connaissance des modèles d’instructions</a> permet donc aux utilisateurs de structurer les instructions qui sont données au modèle de langage de façon à obtenir les résultats les plus précis et pertinents possibles. Un exemple est le « modèle d’interaction inversée », soit une approche où le modèle de langage prend l’initiative dans la conversation, en posant des questions pour obtenir les informations nécessaires à l’accomplissement d’une tâche précise. Cette approche permet de rendre les interactions plus ciblées et efficaces, car le modèle ne posera que les questions pertinentes pour atteindre l’objectif défini. </p>
<h2>Un exemple, le modèle d’interaction inversée</h2>
<p>Imaginons que vous souhaitez planifier un voyage et que vous voulez que ChatGPT vous aide à organiser votre itinéraire en vous posant des questions pertinentes. Un exemple de modèle d’interaction inversée pourrait être :</p>
<blockquote>
<p>À partir de maintenant, je souhaite que tu me poses des questions pour m’aider à planifier mon voyage en Italie. Continue à me poser des questions jusqu’à ce que tu aies suffisamment d’informations pour me proposer un itinéraire détaillé de 10 jours.</p>
</blockquote>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/517823/original/file-20230328-28-fxpiq7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/517823/original/file-20230328-28-fxpiq7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=157&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/517823/original/file-20230328-28-fxpiq7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=157&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/517823/original/file-20230328-28-fxpiq7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=157&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/517823/original/file-20230328-28-fxpiq7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=197&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/517823/original/file-20230328-28-fxpiq7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=197&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/517823/original/file-20230328-28-fxpiq7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=197&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">En fonction de vos réponses, ChatGPT pourra élaborer un itinéraire personnalisé qui répond à vos attentes et besoins.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Hugo G. Lapierre), Fourni par l’auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans cet exemple, ChatGPT vous posera des questions pour recueillir des informations sur vos préférences de voyage, telles que les villes que vous souhaitez visiter, votre budget, vos centres d’intérêt et vos contraintes de temps, tout en considérant les attractions principales qui se trouvent en Italie. En fonction de vos réponses, il pourra alors élaborer un itinéraire personnalisé qui répond à vos attentes et besoins.</p>
<h2>ChatGPT et les requêtes malicieuses</h2>
<p>Bien qu’impressionnants et actuellement très populaires, les modèles de langage demeurent tout de même vulnérables aux attaques informatiques (« hacking »). À titre d’exemple, des pirates informatiques ont utilisé une technique appelée « injection d’instructions » (<a href="https://arxiv.org/pdf/2302.12173.pdf"><em>prompt injection</em></a>) pour manipuler les résultats de GPT-3. Cette manipulation permet à un utilisateur de contourner les contrôles de sécurité et les restrictions imposées par les concepteurs du modèle pour accéder à des fonctionnalités non autorisées ou pour manipuler le modèle de manière malveillante. </p>
<p>L’injection d’instructions consiste ainsi à entrer des instructions dans le modèle, ce qui l’amène à générer des résultats biaisés ou trompeurs. <a href="https://www.theguardian.com/technology/2023/mar/08/chatgpt-alter-ego-dan-users-jailbreak-ai-program-to-get-around-ethical-safeguards">Le modèle d’instructions malveillant le plus populaire est D.A.N</a>, qui signifie « Do Anything Now ». Il permet à l’utilisateur d’obtenir des informations non vérifiées, sans censure, et même des opinions de la part de ChatGPT libres de toute limitation imposée par OpenAI.</p>
<p>Ces attaques sur les modèles de langage sont inquiétantes, car ils compromettent la sécurité, la confidentialité et l’intégrité des modèles, tout en posant des risques pour la stabilité et les performances des systèmes associés. De plus, ils peuvent décourager l’innovation en faisant craindre aux développeurs que leurs modèles soient compromis par des acteurs malveillants.</p>
<h2>La programmation pour tous, une solution pour favoriser la cybersécurité</h2>
<p>Pour prévenir de telles attaques, il est important de mettre en place des mesures de sécurité solides et de surveiller et de les mettre à jour au fur et à mesure que de nouvelles menaces apparaissent. Il est également crucial de disposer d’un bassin de personnes talentueuses et familiarisées avec la programmation, qui pourront développer et mettre en œuvre ces mesures. </p>
<p>Il importe donc d’initier les individus à la programmation, afin qu’ils deviennent davantage conscients des défis de sécurité liés à l’utilisation des modèles de langage et des technologies d’IA. En comprenant les mécanismes de fonctionnement de ces technologies et leurs vulnérabilités potentielles, ils seront alors possiblement plus enclins à adopter des pratiques de sécurité et à utiliser les modèles de langage de manière responsable. </p>
<p>L’éducation à la programmation peut également contribuer à créer une communauté d’utilisateurs et de développeurs responsables (« white hat users »), qui travaillent ensemble pour <a href="https://www.vice.com/en/article/5d9z55/jailbreak-gpt-openai-closed-source">renforcer la sécurité des modèles de langage et rendre plus transparentes les limites éthiques imposées par les développeurs</a>.</p>
<p>Initier la population à la programmation encourage ainsi l’innovation et le développement de solutions de sécurité plus robustes. </p>
<h2>Au-delà du simple codage</h2>
<p>L’idée d’initier la population aux concepts de base de l’informatique ne date pas d’hier et dépasse l’apprentissage du codage. Peter Denning, un pionnier dans le domaine, a publié en 1989 un article intitulé <a href="https://dl.acm.org/doi/pdf/10.1145/63238.63239">« Computing as a Discipline »</a>, qui mettait déjà de l’avant l’importance des compétences associées à l’apprentissage de la programmation pour tous les citoyens. Selon lui, cet apprentissage doit viser le traitement logique et systématique de l’information et des données pour résoudre des problèmes, plutôt que de mettre l’accent sur le codage. </p>
<p>Le codage consiste à savoir écrire des lignes de code pour donner des instructions à un ordinateur, alors que la programmation englobe une approche plus large qui inclut la conception, l’analyse, la résolution de problèmes et la compréhension des concepts informatiques fondamentaux. Denning insistait dès 1989 sur le fait que la maîtrise de ces principes fondamentaux, et non simplement du codage, permet de mieux comprendre et de s’adapter aux évolutions technologiques rapides qui façonnent notre monde. Ce discours est toujours d'actualité, comme le montrent les récentes avancées dans les 4 dernières semaines :</p>
<ul>
<li><p><a href="https://blog.google/technology/ai/try-bard/">Bard</a>, le nouveau modèle développé par Google ;</p></li>
<li><p>L’annonce par Microsoft que [Copilot], un outil d’IA basé sur GPT-4,serait intégré à leur suite Office (Excel, Word et PowerPoint) ;</p></li>
<li><p>L’<a href="https://openai.com/blog/chatgpt-plugins">ajout de plug-ins à GPT-4</a> qui permettra le développement de fonctions supplémentaires directement accessible via la plate-forme de ChatGPT ; et </p></li>
<li><p>La nouvelle version de <a href="https://docs.midjourney.com/docs/model-versions">MidJourney V5</a> qui permet de générer du contenu visuel photoréaliste à l’aide d’instructions textuelles. C’est d’ailleurs cette nouvelle version de MidJourney qui a mené à la <a href="https://www.theverge.com/2023/3/27/23657927/ai-pope-image-fake-midjourney-computer-generated-aesthetic">photo virale du pape la semaine dernière</a>, qui est présentée ci-dessous. </p></li>
</ul>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1639655045875507201"}"></div></p>
<p>L’intégration de la programmation et de l’IA dans le système éducatif pourrait également contribuer à réduire les inégalités sociales et à éviter la création de différentes « catégories » de citoyens : ceux qui ignorent et n’utilisent pas les outils d’IA, ceux qui les connaissent et les utilisent, ceux qui sont en mesure de payer pour utiliser les meilleurs outils d’IA et enfin, ceux qui maîtrisent parfaitement ces outils et en tirent le maximum de bénéfices. </p>
<h2>Une pause, mais pas pour tous : l’occasion de repenser le cursus</h2>
<p>La pause dans la recherche demandée par les experts la semaine dernière pourrait être mise à profit par le système éducatif pour repenser la manière dont il aborde les technologies et la programmation dans les programmes d’études.</p>
<p>En effet, les technologies occupent actuellement une place transversale dans les cursus, ce qui pourrait ne pas être suffisant pour préparer les élèves aux défis du futur. Il ne s’agit pas nécessairement d’intégrer rapidement la programmation et l’IA dans tous les cursus, mais plutôt de prendre le temps d’évaluer leur pertinence et de déterminer la meilleure manière de les intégrer aux programmes d’études. Les enseignants, en particulier, pourraient bénéficier de cette pause pour se familiariser avec ces concepts et réfléchir aux meilleures façons de les enseigner à leurs élèves.</p>
<p>Leur formation continue est une priorité. Les instances éducatives doivent les soutenir en offrant des ressources et des formations adaptées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202025/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugo G. Lapierre a reçu des financements du CRSH (Programme de bourses d’études supérieures du Canada Joseph-Armand-Bombardier - Bourse au doctorat)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Patrick Charland a reçu des financements du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH), du Fonds de recherche du Québec - Société culture (FRQSC) et du Bureau International d'Éducation de l'UNESCO (IBE-UNESCO).</span></em></p>
L’initiation à la programmation représente une solution pour aider à protéger les systèmes contre les attaques et contribuer à répondre à la demande croissante de compétences en programmation.
Hugo G. Lapierre, Chargé de cours en technologie éducative; Doctorant en éducation (didactique de la programmation), Université du Québec à Montréal (UQAM)
Patrick Charland, Professeur titulaire / Full professor, Département de didactique, Université du Québec à Montréal (UQAM)
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tag:theconversation.com,2011:article/181271
2022-04-13T10:18:26Z
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Et si le second tour se jouait sur le social ?
<p>Dans la continuité de 2017, le premier tour de l’élection présidentielle de dimanche parachève la longue érosion de la <a href="https://theconversation.com/un-pays-fracture-pour-un-second-tour-incertain-181123">logique bipolaire</a> qui a longtemps prévalu en France. Là où 2017 avait révélé une quadripartition, la <a href="https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2022/article/2022/04/12/le-soutien-de-nicolas-sarkozy-a-emmanuel-macron-ouvre-une-crise-supplementaire-chez-lr_6121818_6059010.html">débâcle</a> de Valérie Pécresse (qui tombe sous la barre des 5 % contre 20 % pour François Fillon il y a cinq ans) laisse se dessiner une tripartition avec trois candidats, Emmanuel Macron, Marine Le Pen et Jean‑Luc Mélenchon qui cumulent plus de 70 % des voix.</p>
<p>Malgré une campagne en service minimum (absence de communication sur le bilan du quinquennat, refus de débattre avant le premier tour, concentration des efforts sur un grand meeting tardif, publication d’un programme réduit à la portion congrue trois semaines à peine avant le scrutin), Emmanuel Macron a bénéficié à la fois de l’émiettement des oppositions et d’un effet de ralliement sous les drapeaux dans le contexte de la guerre en Ukraine.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/face-a-la-guerre-les-electeurs-francais-se-rallient-a-emmanuel-macron-pour-combien-de-temps-179316">Face à la guerre, les électeurs français se rallient à Emmanuel Macron : pour combien de temps ?</a>
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<p>Les réformes menées au cours du premier quinquennat ainsi que les quelques orientations annoncées pour un deuxième mandat confirment un positionnement libéral sur le plan économique et social, ainsi qu’une évolution sur des positions plus conservatrices sur le plan des valeurs. LREM pourrait ainsi, à terme, prendre la place d’un parti de droite traditionnel dans le paysage politique français.</p>
<p>Jean‑Luc Mélenchon et Marine Le Pen sont parvenus à s’imposer, chacun dans son camp respectif, comme figure de rassemblement, bénéficiant des <a href="https://theconversation.com/la-dynamique-spectaculaire-du-vote-utile-181044">logiques de vote « utile » qui ont joué à plein</a>.</p>
<h2>Préemption des questions sociales</h2>
<p>La candidate du RN avait pourtant brillé par sa discrétion pendant toute la campagne. On a parlé <a href="https://www.europe1.fr/politique/marine-le-pen-plus-policee-sur-la-forme-mais-aussi-radicale-sur-le-fond-selon-une-etude-4103604">d’un programme « lissé »</a> sur les aspects les plus caractéristiques de l’extrême droite.</p>
<p>En réalité, à la lecture, les marqueurs demeurent : ambition de stopper « l’immigration de peuplement », aides sociales réservées aux Français, priorité nationale d’accès au logement social et à l’emploi, suppression du droit du sol, accent sur l’autorité (par exemple par la promesse d’instaurer un uniforme à l’école), patriotisme économique. Mais la stratégie payante de Marine Le Pen a été de profiter de la <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/politique/la-politisation-de-la-politique-migratoire">politisation de l’immigration</a>, le sujet qui lui est le plus favorable, par Éric Zemmour (et d’autres) sans avoir à en parler elle-même. Pour mieux se concentrer sur la préemption de questions sociales traditionnellement associées à la gauche.</p>
<p>À l’issue d’un quinquennat marqué par de profondes réformes fiscales et sociales (impôt sur la fortune, droit du travail, prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital…), la révolte des « gilets jaunes » et une pandémie dévastatrice, les questions sociales figurent au sommet des préoccupations des Français.</p>
<p><a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/presidentielle-2022/enquete-electorale-vague-7">L’enquête électorale 2022</a> Ipsos & Sopra Steria place par exemple le pouvoir d’achat au tout premier rang des enjeux jugés les plus importants et pris en compte pour le vote. Outre la guerre en Ukraine, ces enjeux comprennent la protection de l’environnement, le système de santé, puis seulement l’immigration, à rang égal avec les retraites.</p>
<p>Ce contexte aurait pu profiter à la gauche dont les discours protecteurs sont le grand marqueur. Évidemment, les candidats de gauche – et Jean‑Luc Mélenchon en particulier – n’ont pas manqué d’investir ces terrains avec des promesses comme celle de créer un état d’urgence sociale, d’établir une garantie d’emploi, de renforcer l’assurance-chômage ou de lutter contre la pauvreté.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/457881/original/file-20220413-15-nj6l5m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/457881/original/file-20220413-15-nj6l5m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/457881/original/file-20220413-15-nj6l5m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=925&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/457881/original/file-20220413-15-nj6l5m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=925&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/457881/original/file-20220413-15-nj6l5m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=925&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/457881/original/file-20220413-15-nj6l5m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1162&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/457881/original/file-20220413-15-nj6l5m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1162&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/457881/original/file-20220413-15-nj6l5m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1162&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Extrait de L’avenir en commun, programme de l’Union populaire présenté par Jean‑Luc Mélenchon.</span>
<span class="attribution"><span class="source">L’Avenir en commun</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cela dit, les candidats de gauche se sont vu concurrencer sur leur propre terrain par Marine Le Pen. Notre tableau de bord sur <a href="https://poliverse.fr/program/">Poliverse.fr</a> révèle que ses 22 mesures pour 2022 sont le programme qui consacre le plus haut niveau d’attention aux politiques sociales. Comme l’observait récemment Gilles Ivaldi, elle a multiplié les propositions en la matière.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1507015105162084352"}"></div></p>
<p>La candidate du RN a ainsi promis de baisser la TVA sur les produits énergétiques, de rendre les transports gratuits pour les 18-25 ans en heures creuses, de créer un prêt à 0 % pour les jeunes familles françaises, de construire des logements étudiants et des logements sociaux, ou encore de revaloriser les salaires des soignants et des enseignants, les retraites et l’Allocation Adulte Handicapé.</p>
<p>Si ces aides sont restreintes puisque <a href="https://www.francetvinfo.fr/elections/presidentielle/presidentielle-2022-referendums-proportionnelle-priorite-nationale-marine-le-pen-detaille-ses-futures-reformes-constitutionnelles-en-cas-de-victoire_5078230.html">« réservées aux Français »</a> et si le programme n’entre pas dans le détail de leur financement ou de leur compatibilité avec les multiples baisses d’impôt promises par ailleurs, elles pourraient avoir joué dans l’attractivité de Marine Le Pen dans les classes populaires.</p>
<h2>Facteurs sociaux et vote</h2>
<p>En fort contraste avec le <a href="https://theconversation.com/emmanuel-macron-toujours-et-encore-le-neo-liberalisme-179680">discours libéral</a> d’Emmanuel Macron, la focale placée par la gauche comme par Marine Le Pen sur les questions sociales est susceptible de parler particulièrement aux classes populaires – celles où l’on trouve les plus hauts niveaux de détresse sociale et de sentiments d’injustice.</p>
<p>Le graphique ci-dessous montre, effectivement, que Jean‑Luc Mélenchon et Marine Le Pen réalisent leurs meilleurs scores là où le revenu médian est plus faible, au contraire d’Emmanuel Macron. Cependant, la France Insoumise et le Rassemblent national ne mobilisent pas les mêmes électeurs : la première tire son épingle du jeu dans des zones où le niveau de diplôme est plus élevé, en contraste assez fort avec la candidate RN.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/457884/original/file-20220413-19-dt933o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/457884/original/file-20220413-19-dt933o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/457884/original/file-20220413-19-dt933o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/457884/original/file-20220413-19-dt933o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/457884/original/file-20220413-19-dt933o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/457884/original/file-20220413-19-dt933o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/457884/original/file-20220413-19-dt933o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/457884/original/file-20220413-19-dt933o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Graphique 1.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Benjamin et Isabelle Guinaudeau</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/457885/original/file-20220413-22-4vlpkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/457885/original/file-20220413-22-4vlpkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/457885/original/file-20220413-22-4vlpkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/457885/original/file-20220413-22-4vlpkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/457885/original/file-20220413-22-4vlpkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/457885/original/file-20220413-22-4vlpkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/457885/original/file-20220413-22-4vlpkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/457885/original/file-20220413-22-4vlpkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Graphique 2.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Benjamin et Isabelle Guinaudeau</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Par ailleurs, les données agrégées montrent des corrélations entre le vote pour certains candidats et le taux de chômage, d’une part, et la proportion d’ouvriers, de l’autre. La proportion de demandeurs d’emploi est corrélée positivement avec le vote pour Marine Le Pen (R=.23) et, plus encore, pour Jean‑Luc Mélenchon (R=.34).</p>
<p>On observe une corrélation négative avec le vote en faveur d’Emmanuel Macron (R=.44), de Valérie Pécresse (R=.38) et de Yannick Jadot (R=.36). Même chose lorsque l’on regarde le lien entre vote et proportion d’ouvriers, sauf pour Jean‑Luc Mélenchon pour qui la relation est inversée.</p>
<p>Dans l’ensemble, ces observations suggèrent des logiques sociales de vote assez fortes, avec un soutien plus fort à Emmanuel Macron chez les plus favorisés, tandis que les électeurs des zones plus modestes se tournent vers Mélenchon et Le Pen, même si les ressorts sociaux semblent sensiblement différents entre ces deux candidats. Ces associations doivent être considérées avec toutes les précautions de mise lorsque l’on travaille avec des données agrégées.</p>
<p>Des liens entre catégorie socio-professionnelle et vote apparaissent toutefois aussi au niveau individuel dans les premières enquêtes, comme celle du Cevipof.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1513250647617024001"}"></div></p>
<p>On retrouve en particulier une propension plus forte à voter pour Jean‑Luc Mélenchon chez les demandeurs d’emploi, pour Marine Le Pen parmi les ouvriers, tandis que les cadres supérieurs votent plus pour Emmanuel Macron. On note au passage des différences sensibles entre l’électorat de Marine Le Pen et celui de ses concurrents sur le spectre droit (notamment Eric Zemmour), moins populaire et plus aisé.</p>
<h2>Quels enjeux pour quel deuxième tour ?</h2>
<p>Nous avons vu que plus que jamais l’espace politique français est façonné par différents clivages qui dessinent des blocs différents. Or, le système majoritaire pousse à rétrécir le débat autour d’une opposition binaire qu’Emmanuel Macron aborde en se présentant comme le candidat de l’ouverture face à une extrême droite xénophobe et anti-libérale.</p>
<p>Suivant cette même logique, le peu d’accent placé par Marine Le Pen sur les enjeux d’immigration n’a pas empêché Éric Zemmour et Nicolas Dupont-Aignan d’annoncer qu’ils voteraient pour elle. Leurs électeurs sont nombreux à envisager de faire de même malgré des divergences en matière sociale.</p>
<p>Emmanuel Macron semble faire le pari qu’il pourra compter sur le rejet toujours majoritaire de leurs positions xénophobes et que ce clivage entre ouverture et fermeture lui sera donc favorable. Cependant, ce cadrage n’apporte guère de réponses aux demandes de protection sociales exprimées dans les sondages et, sans doute, dans le vote de dimanche. </p>
<p>Le pari pourrait s’avérer risqué si les considérations d’ordre culturelles poussent les électeurs situés à droite vers Marine Le Pen, tandis que les programmes sociaux dissuadent trop d’électeurs de gauche de lui faire barrage.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été co-publié dans le cadre du partenariat avec <a href="https://poliverse.fr">Poliverse</a> qui propose des éclairages sur le fonctionnement et le déroulement de la présidentielle</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181271/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Guinaudeau a reçu des financements de l'ANR (projet Projet Partipol, ANR- 13-JSH1-0002-01, 2014-2018) et de la fondation Humboldt (Fellowship for experienced researchers, 2019-2020).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Benjamin Guinaudeau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Le contexte aurait pu profiter aux candidats de gauche mais ils ont été concurrencés par Marine Le Pen qui a imposé le discours social dans sa campagne. Une donnée importante pour le second tour.
Isabelle Guinaudeau, Chargée de recherches CNRS, Sciences Po Bordeaux
Benjamin Guinaudeau, Chercheur, University of Konstanz
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/180621
2022-04-06T21:23:12Z
2022-04-06T21:23:12Z
L’Europe puissance, enjeu de la campagne présidentielle
<p>En relisant la <a href="https://www.mitterrand.org/lettre-a-tous-les-francais.html"><em>Lettre à tous les Français</em></a> rédigée par François Mitterrand en avril 1988, on se remémore assez vite que le thème européen n’est pas nouveau dans les campagnes présidentielles françaises.</p>
<p>Celles qui ont abouti aux victoires de Jacques Chirac (deux fois), Nicolas Sarkozy, François Hollande et Emmanuel Macron ont également vu la construction européenne apparaître comme un thème de premier plan. Ce qui change avec la campagne de 2022 est que la construction européenne n’est plus abordée sous le seul angle de la mise en commun des politiques économiques nationales, mais aussi sous celui de la place de l’Europe dans le monde.</p>
<p>Dans la campagne de 2022, on assiste clairement à un glissement de la thématique européenne vers l’international, c’est-à-dire à un débat où l’on s’interroge sur la position que la France doit adopter pour que l’UE devienne un véritable acteur de politique étrangère et de sécurité, et donc une puissance.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-guerre-en-ukraine-marque-t-elle-un-tournant-pour-la-defense-europeenne-180212">La guerre en Ukraine marque-t-elle un tournant pour la défense européenne ?</a>
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<hr>
<p>Les candidats cherchent désormais à répondre à cette question des électeurs : l’UE aide-t-elle la France à exister dans le concert mondial des puissances ? Cette préoccupation internationaliste des <a href="https://mouvement-europeen.eu/lagence-eee-agence-de-notation-du-volet-europeen-des-programmes-des-candidats-aux-elections-presidentielles-de-2022/">programmes</a> ne résulte pas seulement de l’intervention militaire en Ukraine le 24 février 2022. Le tropisme de la puissance était présent avant les tragiques événements qui se déroulent aux portes de l’UE, comme on le constate par exemple en consultant le <a href="https://avecvous.fr/projet-presidentiel">projet présenté par Emmanuel Macron</a>.</p>
<h2>Qu’entend-on par « Europe puissance » ?</h2>
<p>Le thème de l’« Europe puissance » a été inventé en France. Il est toujours difficile de retracer la genèse exacte d’un concept utilisé dans le discours politique. Mais <a href="http://www.sudoc.abes.fr/cbs/xslt/DB=2.1//SRCH?IKT=12&TRM=004514882">on en attribue</a> généralement la paternité à Jean François-Poncet, qui fut ministre des Affaires étrangères de Valéry Giscard d’Estaing de 1978 à 1981. Le thème a été ensuite repris par de nombreux responsables politiques français. Il visait à souligner que l’Europe devait être une puissance militaire, parce que le continent ne pouvait pas dépendre uniquement de la garantie de sécurité des États-Unis.</p>
<p>Dans cette pensée française, il y a l’héritage du général de Gaulle, dont de nombreux candidats (d’Emmanuel Macron à Éric Zemmour en passant par Jean-Luc Mélenchon) se revendiquent dans la campagne électorale. Lors de son premier mandat, Emmanuel Macron a repris le thème de l’Europe puissance au point d’en faire l’un des slogans de la <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/europe/la-presidence-francaise-du-conseil-de-l-union-europeenne/programme-de-la-presidence-francaise-du-conseil-de-l-union-europeenne/">présidence française du Conseil de l’Union européenne</a> qui a démarré le 1<sup>er</sup> janvier dernier.</p>
<p>Derrière ce concept de l’Europe puissance, il y a aussi la conviction que, pour ne pas renoncer à la « grandeur » de la France (autre héritage gaullien), il faut jouer le jeu de l’UE en en exerçant autant que possible le leadership.</p>
<h2>Une ligne de clivage</h2>
<p>À la lecture des programmes, un clivage apparaît toutefois entre les candidats qui considèrent la puissance européenne comme le moyen de sauver la grandeur de la France (Emmanuel Macron, Yannick Jadot, Anne Hidalgo), ceux qui le refusent totalement au nom de la seule approche nationale (Marine Le Pen, Éric Zemmour, Jean-Luc Mélenchon, Fabien Roussel), et ceux qui se situent entre les deux parce que leur électorat traditionnel est divisé sur cette question (Valérie Pécresse).</p>
<p>Ces différentes prises de position rejoignent une préoccupation majeure des citoyens français sur l’avenir de leur pays : comment la France peut-elle rester influente dans un système international qui a vu émerger, depuis la fin de la guerre froide, de nouvelles puissances comme la Chine, l’Inde ou le Brésil ? Faut-il consolider l’Europe pour rester « grand » en acceptant l’existence d’une nouvelle souveraineté européenne ou faut-il, à l’inverse, assumer plus que jamais la stricte souveraineté nationale ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1504114444242235398"}"></div></p>
<p>Le clivage s’observe d’abord dans les propositions des candidats sur la politique européenne de défense, une fois encore indépendamment de l’intervention russe en Ukraine. Plusieurs candidats veulent renforcer cette politique européenne de défense, afin de mieux assurer la sécurité de la France (Macron, Jadot, Hidalgo, Pécresse), alors que d’autres (Le Pen, Zemmour, Mélenchon) rejettent cette option et prônent en parallèle la sortie de la France du commandement militaire intégré de l’OTAN, c’est-à-dire le retour pur et simple à l’orthodoxie gaullienne.</p>
<p>Ce n’est pas un hasard non plus si les chapitres des programmes consacrés aux questions européennes abordent tous les relations avec la Chine et avec la Russie. Aux yeux de Macron, Jadot et Hidalgo, l’UE doit permettre à la France de peser davantage dans les négociations (commerciales, climatiques, énergétiques) avec les régimes autoritaires. Pour leur part, Zemmour, Le Pen et Mélenchon évoquent plutôt la nécessité d’une « bonne » relation bilatérale de la France avec la Russie et la Chine, qui permettrait à Paris de ne pas – ou peu – se préoccuper de l’avis des autres États de l’UE sur cette question.</p>
<p>À ce propos, les sondages effectués après le début de l’intervention militaire russe en Ukraine le 24 février ont montré que cette opération armée desservait les candidats d’extrême droite et d’extrême gauche, jugés <a href="https://www.ifop.com/publication/les-francais-la-guerre-en-ukraine-et-le-second-tour-de-lelection-presidentielle-2/">trop complaisants à l’égard de Moscou</a>. Soulignons toutefois que la <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/04/03/hongrie-viktor-orban-revendique-la-victoire-aux-legislatives-et-se-dirige-vers-un-quatrieme-mandat-consecutif_6120413_3210.html">victoire massive</a> du parti de Viktor Orban aux élections législatives hongroises, le 3 avril dernier tend à montrer qu’apparaître aligné sur le Kremlin n’est pas nécessairement synonyme de défaite dans les urnes.</p>
<h2>Migrations, environnement : quelle dimension européenne ?</h2>
<p>Autre question à portée internationale que l’on retrouve dans toutes les parties des programmes portant sur l’Europe : l’immigration. Plusieurs candidats (Macron, Jadot, Mélenchon) appellent à renforcer la coordination aux frontières extérieures de l’UE, afin de parvenir à un traitement « rationalisé » des flux migratoires. Ils prônent donc un renforcement des accords de Schengen. Pour les candidats d’extrême droite et de droite (Zemmour, Le Pen, Pécresse), l’UE est incapable de contrôler des flux migratoires que seul un renforcement des dispositifs nationaux aux frontières de la France pourrait réduire.</p>
<p>Les candidats qui insistent sur la responsabilité de la France dans les politiques environnementales (Jadot, Hidalgo, Roussel) le font aussi en prônant une approche européenne face au reste du monde. Yannick Jadot y voit par exemple l’élément clé du partenariat renforcé qui devrait se tisser entre l’UE et l’Afrique.</p>
<p>Enfin, le thème de l’élargissement de l’UE est abordé en lien avec la puissance européenne, même si c’est indirectement.</p>
<h2>L’élargissement, source de préoccupation</h2>
<p>Notons d’abord qu’un élargissement rapide de l’UE aux Balkans occidentaux et à la Turquie ne fait recette chez aucun candidat. La situation est un peu différente à l’égard d’une candidature accélérée de l’Ukraine puisqu’une candidate (Hidalgo) <a href="https://www.francebleu.fr/infos/politique/a-bordeaux-anne-hidalgo-reclame-une-procedure-acceleree-d-adhesion-de-l-ukraine-a-l-union-europeenne-1645907746">déclare</a> la soutenir sans pour autant faire de même pour la Géorgie et la Moldavie.</p>
<p>L’absence générale d’enthousiasme à l’égard de l’élargissement s’explique chez certains (comme Le Pen ou Pécresse) par une vision selon laquelle cette option serait porteuse de nombreux maux, comme les flux migratoires, le crime organisé ou la concurrence déloyale. Mais pour d’autres (comme Macron), l’élargissement n’est pas souhaitable car il <a href="https://www.robert-schuman.eu/fr/doc/questions-d-europe/qe-529-fr.pdf">compromettrait</a> un approfondissement de la gouvernance européenne, nécessaire à l’émergence de l’Europe puissance.</p>
<h2>La « grandeur » de la France en question</h2>
<p>Le temps où la construction européenne consistait pour les candidats à l’élection présidentielle à se demander s’il fallait coopérer pour créer un marché intérieur ou une monnaie unique est bel et bien derrière nous.</p>
<p>Désormais, la place de l’UE dans le monde remplit les programmes, parce que ce thème préoccupe les Français. Derrière cette attente, il y a la perception que la place de la France dans les relations internationales a diminué depuis la fin de la guerre froide. Il y surtout l’héritage français de la « grandeur », dont les Français se demandent si la puissance européenne est ou n’est pas la condition de son sauvetage.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180621/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian Lequesne ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Si certains candidats plaident en faveur d’une « Europe puissance », d’autres se méfient de cette idée, porteuse selon eux d’un affaiblissement de la France.
Christian Lequesne, Professeur de science politique, Sciences Po
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/180004
2022-03-29T19:29:33Z
2022-03-29T19:29:33Z
Comment le poids économique de la guerre en Ukraine pourrait bénéficier à Marine Le Pen
<p>L’impact économique de la guerre en Ukraine pèse sur les électeurs français. La flambée des <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2022-01-07/france-s-le-maire-says-power-price-surge-is-absolute-emergency">prix de l’énergie</a> s’ajoute à l’inflation qui a accompagné la reprise de l’économie française après les confinements liés à la pandémie de Covid-19.</p>
<p>À deux semaines du premier tour, la stratégie « social-populiste » de Marine Le Pen – à savoir un positionnement à la gauche économique associé à une <a href="https://www.cairn.info/les-faux-semblants-du-front-national--9782724618105-page-161.htm">rhétorique populiste et nationaliste</a> –, mise en œuvre depuis dix ans par la présidente du RN, pourrait s’avérer un pari politique gagnant.</p>
<p>Les inquiétudes économiques s’imposent comme le thème dominant de la campagne. Selon la toute dernière vague de l’<a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/fr/content/resultats-et-decryptages-par-vague.html">enquête électorale du CEVIPOF</a> -Sciences Po Paris réalisée les 21-24 mars, 58 % des Français déclarent que les prix et le pouvoir d’achat auront une influence importante sur leur vote en avril, soit une hausse de 6 % depuis début mars.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/454182/original/file-20220324-13-3n95az.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/454182/original/file-20220324-13-3n95az.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/454182/original/file-20220324-13-3n95az.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/454182/original/file-20220324-13-3n95az.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/454182/original/file-20220324-13-3n95az.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=443&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/454182/original/file-20220324-13-3n95az.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=443&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/454182/original/file-20220324-13-3n95az.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=443&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Comme ailleurs en Europe, les prix du carburant ont grimpé en flèche en France à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Thomas Coex/AFP</span></span>
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<h2>Les questions liées au pouvoir d’achat s’imposent dans la campagne</h2>
<p>Si la guerre en Ukraine préoccupe encore les Français, les craintes s’estompent quelque peu : un tiers (34 %) des personnes interrogées se disent « très inquiètes » par la guerre, elles étaient 43 % <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/fr/content/resultats-et-decryptages-par-vague.html">début mars</a>. Le conflit militaire en Ukraine semble aussi perdre de son importance dans le choix de vote : seuls 23 % de nos répondants affirment qu’il aura une incidence sur leur décision, soit une baisse de 10 % juste après le déclenchement de l’invasion russe.</p>
<p>L’accent est désormais mis sur les conséquences économiques de la crise ukrainienne, 43 % des personnes interrogées se déclarant « très inquiètes », une diminution par rapport à la précédente vague réalisée les 10-14 mars, mais qui témoigne encore d’un haut niveau d’inquiétudes chez les Français (cf. Figure 1). Les craintes d’un conflit plus large ou d’une guerre nucléaire sont, elles, comparativement plus faibles à 33 % et 28 %, soit une baisse de 6 % et 7 % respectivement depuis début mars.</p>
<p><strong>Figure 1. Évolution des inquiétudes relatives à la guerre depuis début mars</strong></p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/454645/original/file-20220328-17-8fsmud.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/454645/original/file-20220328-17-8fsmud.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/454645/original/file-20220328-17-8fsmud.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/454645/original/file-20220328-17-8fsmud.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/454645/original/file-20220328-17-8fsmud.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/454645/original/file-20220328-17-8fsmud.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/454645/original/file-20220328-17-8fsmud.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"> % d’enquêtés se disant « très inquiet ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Enquête électorale Ipsos-CEVIPOF-Le Monde, Vague 8, 21-24 mars 2022</span></span>
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</figure>
<p>À la lumière de ces données, le résultat du premier tour de l’élection présidentielle dépendra en grande partie de la réponse des divers candidats aux questions de pouvoir d’achat, d’augmentation des prix et de protection des Français face à l’impact économique de la guerre.</p>
<p>Anticipant « une crise qui va s’installer », le gouvernement de Jean Castex a d’ores et déjà souligné l’importance de soutenir l’économie française en élaborant un <a href="https://www.gouvernement.fr/actualite/presentation-du-plan-de-resilience-economique-et-sociale">plan d’urgence de « résilience »</a>. Après le <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/12/29/quoi-qu-il-en-coute-une-doctrine-de-crise-au-sommet-de-l-etat_6064715_823448.html">« quoi qu’il en coûte »</a> pendant la pandémie de Covid-19, ce nouveau plan de <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/03/17/pour-faire-face-aux-consequences-de-la-guerre-en-ukraine-sur-l-economie-francaise-un-plan-de-resilience-a-7-milliards-d-euros_6117835_3234.html">7 milliards d’euros</a> est destiné à aider les entreprises et les ménages à faire face à la hausse des coûts de l’énergie suite aux sanctions économiques imposées par l’Occident à la Russie.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lutte-contre-linflation-des-actions-collectives-cassent-les-prix-176594">Lutte contre l’inflation : des actions collectives cassent les prix</a>
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<h2>A droite, des stratégies économiques divergentes</h2>
<p>Si Emmanuel Macron semble encore dominer pour l’heure la bataille du premier tour – avec 28 % des intentions de vote, en léger recul dans la <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/fr/content/resultats-et-decryptages-par-vague.html">dernière vague de notre enquête</a> –, les préoccupations économiques sont devenues une des clés de la bataille pour la deuxième place.</p>
<p>À droite, les stratégies économiques des trois principaux prétendants divergent. Pour l’essentiel, les grandes orientations de campagne de Valérie Pécresse, Éric Zemmour et Marine Le Pen ont été définies il y a plusieurs mois, bien avant le déclenchement de la guerre en Ukraine. Mais à l’approche du premier tour, la crise ukrainienne crée des opportunités différentes pour chacun de ces candidats.</p>
<p>Sur le plan économique, Éric Zemmour et Valérie Pécresse défendent un programme à tonalité libérale, marqué par la lutte contre l’« assistanat » chez le premier ou la réduction du nombre de fonctionnaires chez la candidate LR. Tous deux sont également en faveur d’un recul de l’âge légal de départ à la retraite – 64 ans pour E. Zemmour et 65 ans pour V. Pécresse –, une réforme qui continue d’être <a href="https://www.lesechos.fr/elections/sondages/presidentielle-les-francais-rejettent-majoritairement-la-retraite-a-65-ans-proposee-par-emmanuel-macron-1395322">rejetée par près de 7 Français sur 10</a>.</p>
<p>En pleine tempête sur les prix et le pouvoir d’achat, cette orientation libérale se heurte aux attentes qui existent, notamment au sein de l’électorat populaire, de plus de protection sociale, de santé et de redistribution : dans notre enquête, le pouvoir d’achat constitue un enjeu important pour la décision de vote pour 63 % des employés et 67 % des ouvriers.</p>
<p>Ces questions sociales sont précisément au cœur de la campagne de Marine Le Pen. Face à ses deux principaux concurrents à droite, la candidate du Rassemblement national a très tôt choisi une voie économique différente, mettant l’accent sur le pouvoir d’achat, la santé, la défense des services publics et la redistribution.</p>
<p>Avant même l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la candidate du Rassemblement national avait promis un « choc de pouvoir d’achat » en s’engageant à « protéger notre peuple » et à <a href="https://www.youtube.com/watch?v=hEVj9za0298">« rendre leur argent aux Français »</a>.</p>
<p>Ce discours à forte tonalité sociale a assez rapidement permis à Marine Le Pen de détourner l’attention de ses positions pro-russes et de son <a href="https://www.bfmtv.com/politique/elections/presidentielle/ce-qu-a-repondu-marine-le-pen-aux-francais-qui-ont-participe-a-la-france-dans-les-yeux_AN-202203220687.html">soutien à Vladimir Poutine</a> dans le passé, pour recentrer sa campagne sur les conséquences économiques du conflit ukrainien sur la vie quotidienne des Français</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/454179/original/file-20220324-22-1dyc4ha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/454179/original/file-20220324-22-1dyc4ha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/454179/original/file-20220324-22-1dyc4ha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/454179/original/file-20220324-22-1dyc4ha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/454179/original/file-20220324-22-1dyc4ha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/454179/original/file-20220324-22-1dyc4ha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/454179/original/file-20220324-22-1dyc4ha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Alors que Marine Le Pen vantait autrefois ses liens avec le président russe Vladimir Poutine, la guerre en Ukraine a contraint la candidate du RN à un changement de ton vis-à-vis de la Russie et de son président.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mikhail Klimentyev/Sputnik/AFP</span></span>
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</figure>
<h2>Marine Le Pen ou la stratégie « social-populiste »</h2>
<p>Plus encore, il permet à la candidate du RN d’asseoir sa crédibilité en tant que candidate du « pouvoir d’achat » auprès des catégories populaires et des classes moyennes les plus inquiètes de l’impact économique de la crise.</p>
<p>Une <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/sites/sciencespo.fr.cevipof/files/NoteBaroV13_GI_socialpopulisme_mars2022_V4.pdf">analyse statistique</a> du projet présidentiel de Marine Le Pen montre que la composante de « redistribution » représente pas moins des deux tiers (66 %) de son programme économique : il s’agit là du pourcentage le plus élevé depuis la percée électorale du FN au milieu des années 1980 (cf. Figure 2). Ce premier pilier réunit toutes les mesures sociales ou économiques d’orientation keynésienne, fondées sur la demande, la protection sociale et la redistribution.</p>
<p><strong>Figure 2. Évolution des trois piliers de l’économie politique du FN/RN depuis 1986</strong></p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/454644/original/file-20220328-13-19k6udp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/454644/original/file-20220328-13-19k6udp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/454644/original/file-20220328-13-19k6udp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/454644/original/file-20220328-13-19k6udp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/454644/original/file-20220328-13-19k6udp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=608&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/454644/original/file-20220328-13-19k6udp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=608&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/454644/original/file-20220328-13-19k6udp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=608&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Analyse statistique des programmes du Front national/Rassemblement national (1986-2022). Chaque programme économique est décomposé en trois grandes dimensions : nationalisme économique, redistribution et libéralisme. Toutes les mesures présentées par le FN/RN sont codées sur ces composantes, ce qui permet de calculer le pourcentage de propositions dans chaque catégorie. Pour 1986, on utilise le programme législatif du FN. N=500 mesures économiques et sociales. Codages et calculs effectués par l’auteur.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le <a href="https://mlafrance.fr/programme">programme de Marine Le Pen</a> propose, entre autres choses, des baisses de TVA, une hausse des salaires, des exonérations fiscales et la gratuité des transports pour les jeunes travailleurs. Cette offensive de redistribution tous azimuts sur le pouvoir d’achat et la santé a pour cibles prioritaires les catégories populaires et les jeunes actifs, qui constituent le gros des bataillons de l’électorat RN.</p>
<p>La vague 8 de l’<a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/fr/content/resultats-et-decryptages-par-vague.html">enquête électorale du CEVIPOF</a> confirme l’importance de ces segments électoraux pour Marine Le Pen. Cette dernière y arrive en tête des intentions de vote chez les 25-34 ans avec 22 % des voix, devant Emmanuel Macron. La présidente du RN l’emporterait également assez largement au premier tour chez les ouvriers (34 %) et les employés (22 %).</p>
<p>Autre cible : les retraités, qui demeurent, eux, moins enclins à soutenir le RN – seuls 13 % d’entre eux voteraient pour sa présidente. Aux séniors, Marine Le Pen promet la revalorisation des retraites et du minimum vieillesse, et la suppression des impôts sur l’héritage direct pour les familles modestes et les classes moyennes.</p>
<p>Parallèlement, le RN s’est éloigné de positions économiques plus libérales sur les fonctionnaires, la dérégulation ou le retrait de l’État providence. Ces politiques ne représentent que 21 % du programme de 2022, contre 35 % il y a cinq ans. Elles représentaient près de <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/sites/sciencespo.fr.cevipof/files/NoteBaroV13_GI_socialpopulisme_mars2022_V4.pdf">80 % sous Jean-Marie Le Pen</a> au milieu des années 1980.</p>
<p>Il a conservé, enfin, son ancrage de nationalisme économique (13 % du programme). Marine Le Pen continue de défendre la souveraineté économique nationale, le protectionnisme, le refus du libre-échange ou la préférence donnée aux entreprises nationales contre la libre concurrence de l’Union européenne.</p>
<p>Ce positionnement à la gauche économique, associé à la rhétorique populiste et nationaliste traditionnelle du RN opposant les élites économiques et politiques « mondialistes » au peuple, dessine les contours d’un <a href="https://www.cairn.info/les-faux-semblants-du-front-national--9782724618105-page-161.htm">« social-populisme »</a> qui distingue aujourd’hui très clairement Marine Le Pen de ses autres compétiteurs à droite, y compris Éric Zemmour : le programme économique du candidat de Reconquête réunit au total <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/sites/sciencespo.fr.cevipof/files/NoteBaroV13_GI_socialpopulisme_mars2022_V4.pdf">43 % de mesures d’orientation libérale</a>, plus du double de celui de la présidente du RN.</p>
<p>Le <a href="https://www.cairn.info/les-faux-semblants-du-front-national--9782724618105-page-161.htm">projet social-populiste</a> de Marine Le Pen n’est pas nouveau. Il a débuté il y a 10 ans, immédiatement après son arrivée à la tête du FN. Dans le sillage de la crise financière de 2008 et de la crise des dettes souveraines de 2011, le Front national avait adopté un programme « keynésien » de dépenses publiques, d’expansion des services publics et, déjà, de pouvoir d’achat contre l’austérité imposée par le gouvernement de François Fillon. En <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/sites/sciencespo.fr.cevipof/files/NoteBaroV13_GI_socialpopulisme_mars2022_V4.pdf">2012, 59 % des propositions économiques du FN penchaient déjà vers la gauche économique</a>, en rupture avec les orientations plus libérales du parti sous l’ère Jean-Marie Le Pen (cf. Figure 2).</p>
<h2>Le pari de Marine Le Pen</h2>
<p>Tout au long du quinquennat d’Emmanuel Macron, Marine Le Pen s’est employée à cultiver son image social-populiste, rejoignant à plusieurs occasions les rangs de la gauche et des syndicats. Fin 2019, elle s’était fortement <a href="https://www.europe1.fr/politique/marine-le-pen-tout-est-a-jeter-dans-la-reforme-des-retraites-3937513">opposée à la réforme des retraites</a>. En mars 2021, la présidente du RN avait également dénoncé la réforme de l’assurance-chômage par le gouvernement, demandant à Emmanuel Macron de mettre un terme à cette <a href="https://twitter.com/mlp_officiel/status/1445398684288655365">« saignée sociale »</a>.</p>
<p>La dernière vague de notre <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/fr/content/resultats-et-decryptages-par-vague.html">enquête électorale</a> confirme qu’il s’agit là d’un pari potentiellement gagnant : Marine Le Pen y recueille 17,5 % des intentions de vote (+3 points depuis début mars), loin devant Éric Zemmour (12 %) et Valérie Pécresse (10 %).</p>
<p>En <a href="https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2022/article/2022/03/26/en-meeting-dans-le-bordelais-marine-le-pen-s-attaque-au-bilan-de-macron_6119256_6059010.html">meeting à Saint-Martin-Lacaussade</a> le 25 mars, Marine Le Pen a répété sa vision populiste du duel qu’elle espère livrer face à Emmanuel Macron, opposant les « gros » aux « petits », le « peuple » aux« élus ». « Entre Emmanuel Macron et nous, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=cad2sY77tz8">a-t-elle déclaré</a>, c’est le choix entre le pouvoir de l’argent qui profite à quelques-uns, et le pouvoir d’achat qui profite à tout le monde ».</p>
<p>La flambée des prix du carburant liée à l’invasion de la Russie résonne fortement avec la rhétorique social-populiste lepéniste et donne aujourd’hui l’avantage à Marine Le Pen. Jouant une nouvelle fois l’opposition des petits contre les gros, la dirigeante du RN a proposé le 10 mars de « supprimer les augmentations » des taxes sur les carburants entre 2015 et 2018 et de compenser ces annulations par une <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/marine-le-pen-veut-taxer-les-petroliers-20220310">« taxe exceptionnelle sur les (groupes) pétroliers »</a>.</p>
<p>L’<a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/fr/content/resultats-et-decryptages-par-vague.html">enquête électorale du CEVIPOF</a> montre que les préoccupations économiques liées à la guerre sont les plus fortes parmi les soutiens électoraux de Marine Le Pen : 53 % se disent « très inquiets » pour l’économie, contre 43 % dans l’ensemble de l’électorat. Pas moins de 69 % des électeurs de Marine Le Pen affirment que le pouvoir d’achat fait partie des enjeux qui compteront le plus dans leur choix de vote au premier tour de l’élection présidentielle, contre 56 % de l’électorat de Valérie Pécresse et 47 % seulement des électeurs d’Éric Zemmour.</p>
<p>En défendant un programme social-populiste bien avant le déclenchement de la guerre en Ukraine, Marine Le Pen a fait le pari politique que les préoccupations socio-économiques croissantes de l’électorat pourraient lui donner un avantage décisif face à ses principaux concurrents. Les sondages semblent, pour l’instant, lui donner raison.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180004/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gilles Ivaldi a reçu des financements de l'Agence nationale de la Recherche (ANR).</span></em></p>
À deux semaines du premier tour, la stratégie « social-populiste » de Marine Le Pen pourrait s’avérer gagnante face au poids économique de la guerre en Ukraine.
Gilles Ivaldi, Chercheur en science politique, Sciences Po
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/179678
2022-03-22T19:34:43Z
2022-03-22T19:34:43Z
Les candidats à la présidentielle copient-ils les programmes de leurs concurrents ?
<p>Eric Zemmour ne cesse de reprocher à Valérie Pécresse de <a href="https://www.francetvinfo.fr/elections/presidentielle/video-presidentielle-valerie-pecresse-se-retrouver-a-copier-eric-zemmour-reagit-le-porte-parole-du-candidat-d-extreme-droite_4961487.html">« le copier »</a>. La candidate Les Républicains (LR) quant à elle estime que tous les candidats sauf Philippe Poutou puisent dans ses idées et que le programme présenté le 17 mars par Emmanuel Macron (LREM) <a href="https://www.bfmtv.com/politique/elections/presidentielle/une-pale-copie-pourquoi-valerie-pecresse-accuse-emmanuel-macron-de-siphonner-son-programme_AN-202203170294.html">n’est qu’une « pâle copie » du sien</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1503306306236686336"}"></div></p>
<p>Dans l’imaginaire collectif, les partis sont supposés défendre des positions et porter des priorités différentes. L’originalité des propositions représente un critère important de jugement des programmes. Lorsque l’on constate une convergence, c’est généralement pour la dénoncer, par exemple lorsque les responsables du Front national parlaient de <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/politique/fn/cette-france-qui-tombe-dans-les-bras-du-fn_1618575.html">« l’UMPS »</a> pour railler un manque de distinction présumé entre l’UMP (ancêtre de LR) et le Parti socialiste (PS).</p>
<p>Cette attente renvoie à une vision de la démocratie où les élections mettent les électeurs en position de trancher entre les alternatives soumises au vote – et ainsi de décider de la direction que doit prendre leur pays. Une vision que les partis et les candidats endossent dans leurs programmes qui se présentent comme une prise sur le cours des choses. Anne Hidalgo (PS), par exemple déclare au début de son projet présidentiel : « L’élection présidentielle de 2022 va trancher une grande question : quelle France voulons-nous ? »</p>
<p>Les théories de la compétition partisane ont, elles aussi, tendance à postuler des identités partisanes marquées et des affinités fortes entre certains partis et certains enjeux supposés définir leur stratégie de campagne. Ainsi, chaque parti mènerait campagne sur ses propres thèmes de prédilection – les écologistes sur la protection de l’environnement, l’extrême droite sur l’immigration, la gauche sur les questions sociales, etc. Les travaux sur la <a href="https://www.jstor.org/stable/2111797">propriété des enjeux</a> indiquent clairement que les partis et leurs candidats ont intérêt à tirer la campagne sur des enjeux différents.</p>
<h2>Des candidats très attentifs aux propositions de leurs concurrents</h2>
<p>Les travaux empiriques disponibles dans <a href="https://global.oup.com/academic/product/do-elections-still-matter-9780192847218?cc=de&lang=en">différents pays</a> (notamment au <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1111/1467-9248.12121">Danemark ici</a> et <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/13540688211066415">là</a> ou encore aux <a href="https://www.jstor.org/stable/1519925">États-Unis</a>) ne confirment pourtant pas cette hypothèse.</p>
<p>Les programmes présentés pour une même élection ont tendance à se recouper énormément dans leurs enjeux.</p>
<p>Ceux des différents candidats en lice pour la présidentielle française 2022, par exemple, accordent tous des niveaux d’attention élevé à l’énergie, l’immigration ou la fiscalité. Les recoupements entre programmes sont également manifestes quand on regarde plus finement les enjeux mis en avant en lien avec chaque sujet : construction de nouveaux EPR, âge légal de vote, PMA, santé féminine, droits de formation, etc.</p>
<p>Ces convergences programmatiques sont loin d’être nouvelles. Lors d’un débat télévisé, le 20 mars 2017, Jean-Luc Mélenchon (France Insoumise) avait par exemple interpellé plusieurs candidats sur leurs intentions quant aux demandes de <a href="https://informations.handicap.fr/a-melenchon-aah-smic-9560.php">relever</a> l’Allocation adulte handicapé (AAH). Seul François Fillon (LR) ne s’était pas rangé à la proposition comme le rapportent Pierre-Yves Baudot, et Marie-Victoire Bouquet dans leur chapitre « L’enjeu et le mouvement. Comment les acteurs du handicap ont structuré l’organisation d’En marche » dans <a href="https://www.pug.fr/produit/1662/9782706142635/l-entreprise-macron"><em>L’entreprise Macron en 2019</em></a> (PUG).</p>
<p>Outre cette mesure, Emmanuel Macron avait intégré à son programme de 2017 des <a href="https://en-marche.fr/emmanuel-macron/le-programme">mesures</a> initialement formulées par la gauche – instaurer un pourcentage obligatoire de produits biologiques dans les cantines scolaires, doublement du nombre de maisons de santé – comme par la droite – l’adoption d’un <em>Buy European Act</em> ou la hausse du nombre de forces de l’ordre par exemple.</p>
<p>De nouveau, le programme présenté par Emmanuel Macron la <a href="https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2022/article/2022/03/18/le-programme-d-emmanuel-macron-a-la-presidentielle-2022_6118070_6059010.html">semaine dernière</a> puise dans les propositions de ses concurrents, notamment à droite (activité d’intérêt général exigées des titulaires du RSA par exemple), mais pas seulement, comme l’illustrent les annonces sur les déserts médicaux, les énergies renouvelables ou l’égalité professionnelle hommes-femmes.</p>
<h2>Convergence des enjeux, divergence des positions ?</h2>
<p>La convergence semble être un résultat assez régulier de la compétition partisane. Les dossiers qui émergent dans ce processus se caractérisent, pour la plupart, par un caractère non-conflictuel.</p>
<p>Il s’agit, pour beaucoup, de mesures qu’une majorité de citoyens s’accorderait à identifier comme prioritaires et légitimes : la hausse du minimum vieillesse, les politiques de soutien aux aidants familiaux ou la réduction de la fracture numérique. Certaines reprises se font toutefois seulement au sein d’un bloc politique, comme en 2022 la création d’un ministère des droits de plein exercice dédié aux droits des femmes, promise uniquement par des candidats de gauche, tandis que la demande d’une activité d’intérêt général aux titulaires de minima sociaux ne circule qu’à droite.</p>
<p>Les thèmes les plus visibles dans la campagne sont ceux qui sont abordés par tous, mais avec des positions (parfois diamétralement) opposées. En 2022, c’est par exemple le cas de l’imposition des grandes fortunes, que plusieurs candidats de gauche souhaitent rétablir en revenant sur la réforme opérée par Emmanuel Macron en 2017 alors que plusieurs candidats de droite proposent au contraire de l’alléger en retirant la résidence principale de la base pour le calcul. D’autres dossiers divisent l’ensemble des candidats, que ce soient par exemple le logement social ou les critères pour être naturalisé français.</p>
<p>Et les sujets propres à un candidat au sens où il est le seul à en parler ? En fin de compte, ces propositions restent généralement marginales d’un point de vue électoral. Il s’agit plutôt de propositions lancées dans l’intention d’orienter le débat, mais qui sont tombées à plat, n’ayant pas été reprises par des concurrents. Ainsi, en 2022, la proposition de Jean-Luc Mélenchon d’introduire une <a href="https://melenchon2022.fr/programme/">6ᵉ semaine de congés payés</a> n’a sans doute pas eu l’écho escompté.</p>
<p>De même, la <a href="https://programme.zemmour2022.fr/">promesse</a> d’Éric Zemmour d’abolir la loi Pleven de 1972, qui avait créé le délit d’injure raciste, « pour donner un nouvel oxygène à la liberté de parole en France » n’a pas trop fait parler d’elle parmi les autres candidats ou dans les médias.</p>
<h2>Un problème démocratique ?</h2>
<p>La convergence sur les enjeux est donc la règle et les similitudes entre programmes sont nombreuses en termes de priorités, voire de propositions substantielles. Ce phénomène est-il le symptôme d’un problématique manque de pluralisme ? Voire une trahison démocratique ? La réponse est plutôt non. Il serait étrange que chacun des nombreux candidats en lice ait une vision radicalement différente des priorités pour le nouvel exécutif. Les recoupements résultent d’une perception partagée des problèmes, des mobilisations ou de l’actualité. Et même les pratiques consistant à reprendre des propositions électoralement porteuses prônées par un rival peuvent être vues comme un signe de compétition politique plutôt que de collusion.</p>
<p>Par ailleurs, ce mécanisme rend possible une influence indirecte des perdants sur les politiques publiques menées par le vainqueur. Ainsi, plusieurs des mesures qu’Emmanuel Macron s’était appropriées en 2017 ont ainsi été au moins partiellement mises en œuvre : l’AAH a été augmentée dans des proportions proches de ce qui avait été promis, le nombre de maisons de santé et de policiers ont bien connu la hausse annoncée.</p>
<p>À condition que le débat public permette l’émergence et la diffusion d’un grand nombre de propositions, couvrant le plus d’enjeux possible et tous les secteurs de la société, le mécanisme de la convergence des enjeux semble de nature à modérer le fonctionnement souvent très majoritaire des institutions de la V<sup>e</sup> République.</p>
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<p><em>Cet article a été co-publié dans le cadre du partenariat avec <a href="https://poliverse.fr">Poliverse</a> créé par une équipe de chercheurs et qui propose des éclairages sur le fonctionnement et le déroulement de la présidentielle.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/179678/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Guinaudeau a reçu des financements de l'ANR (projet Projet Partipol, ANR- 13-JSH1-0002-01, 2014-2018) et de la fondation Humboldt (Fellowship for experienced researchers, 2019-2020).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emiliano Grossman ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Qui détient la propriété des programmes ? Contrairement à ce qui est avancé, les programmes présentés pour une même élection ont tendance à se recouper énormément dans leurs enjeux.
Isabelle Guinaudeau, Chargée de recherches CNRS, Sciences Po Bordeaux
Emiliano Grossman, Associate Professor en Science politique, Sciences Po
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/178659
2022-03-13T17:34:06Z
2022-03-13T17:34:06Z
Avec le « low code » ou le « no code » : aurons-nous encore besoin de développeurs informatiques ?
<p>À quelques semaines des élections présidentielles en France, plusieurs candidats ont fait part de leur volonté de développer davantage <a href="https://www.numerama.com/politique/877215-emmanuel-macron-desire-etendre-lapprentissage-du-code-des-la-5e-comme-une-langue-vivante.html">l’apprentissage du code informatique</a> dans les programmes scolaires. Ce dernier est en effet déjà présent depuis plusieurs années dans de nombreux programmes scolaires et cursus de l’enseignement supérieur. De multiples auteurs et institutions considèrent que cette compétence est nécessaire pour tout citoyen de la société de l’information, quelle que soit sa future orientation. Au-delà de l’apprentissage d’un langage informatique (syntaxe et sémantique), l’apprentissage du code serait un atout pour développer des compétences dans la résolution de problème, la logique, la créativité ou encore l’esprit critique.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-apprendre-a-coder-109206">Pourquoi apprendre à coder ?</a>
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<p>La programmation n’est désormais plus la seule voie pour développer des applications ou des sites Internet. Depuis quelques années, nous entendons parler des outils de « no code/low code ». Que sont ces outils ? Leur essor rend-il l’apprentissage des langages de programmation obsolètes ?</p>
<h2>Qu’est-ce que le no code/low code ?</h2>
<p>Les solutions no code permettent de créer des applications, ou d’automatiser des tâches sans utiliser de langage de programmation, ou alors en très faible quantité (il s’agit alors de low code). Trois avantages principaux expliquent l’essor de ces solutions. Tout d’abord, la création d’applications devient accessible à tous, sans nécessité de recourir au travail d’un développeur. Ce mode de création réduit de façon considérable le temps de développement, ainsi que de test des applications produites. Enfin, le coût associé est <a href="https://www.usine-digitale.fr/article/no-code-low-code-quels-avantages-et-quels-inconvenients-pour-ces-solutions-de-developpement-simplifie.N1055904">drastiquement réduit</a> par rapport à un développement traditionnel.</p>
<p>Bien que ces solutions ne semblent dater que de quelques années, elles existent en réalité depuis plus de 20 ans. Les outils de création de sites Internet, comme Dreamweaver et FrontPage, reposent sur le même principe. Nous parlions alors d’outils « WYSIWYG » : <em>what you see is what you get</em> (« vous obtenez ce que vous voyez »). Ces outils permettent de créer des sites Internet sans aucune connaissance des langages de programmation associés.</p>
<p>Plusieurs éditeurs proposent depuis des années des outils de développement d’applications liés à des bases de données et n’utilisant pas de code. Nous pouvons citer par exemple Clarion, ou la suite de développement <a href="https://www.itplace.com/logiciels-sur-mesure-fr/developpement-windev-dans-quels-buts/">Windev</a>. Jusqu’à récemment, seuls des adeptes de la technologie utilisaient ce type d’outil. Depuis quelques années, les outils se sont perfectionnés, devenant accessibles à un <a href="https://medium.com/@rrhoover/the-rise-of-no-code-e733d7c0944d">public plus large</a>.</p>
<h2>Les outils existants</h2>
<p>Les applications qualifiées de no code/low code sont désormais des solutions intégrées grâce auxquelles des utilisateurs novices peuvent créer des applications complètes. Une formation à l’utilisation de la solution choisie reste nécessaire, mais elle ne requiert pas de compétence technique importante.</p>
<p>Nous pouvons distinguer d’un côté les suites complètes de développement, qui sont le plus souvent payantes, et d’un autre côté les outils de no code/low code dédiés à un seul usage, mais qui sont le plus souvent gratuits.</p>
<p>L’organisme Gartner dresse un panorama des différentes plates-formes de développement, et les présente dans le schéma suivant :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/451634/original/file-20220311-17-9krky5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/451634/original/file-20220311-17-9krky5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=623&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/451634/original/file-20220311-17-9krky5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=623&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/451634/original/file-20220311-17-9krky5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=623&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/451634/original/file-20220311-17-9krky5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=782&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/451634/original/file-20220311-17-9krky5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=782&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/451634/original/file-20220311-17-9krky5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=782&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Différentes plates-formes de développement.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Magic Quadrant for Enterprise Low-Code Application Platforms</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Parmi les <a href="https://www.journaldunet.com/solutions/dsi/1506431-les-plates-formes-d-applications-low-code-d-entreprise-en-2021-selon-le-gartner-magic-quadrant/">solutions les plus présentes</a>, nous pouvons noter la présence d’éditeurs très connus, comme Salesforce ou Microsoft. Ce dernier propose une solution Low-Code appelée « Power Apps », qui profite de la grande diffusion de la suite Office 365. Ces solutions permettent de créer et gérer une base de données, de développer des applications en lien avec ces données, et enfin d’automatiser des actions. Par exemple, il est possible d’envoyer des messages électroniques ou encore de créer ou trier des documents automatiquement.</p>
<p>De nombreuses solutions libres ou peu onéreuses existent pour des usages spécifiques. Pour stocker les données sous forme de tableaux, il est possible d’utiliser par exemple Google Sheets. <a href="https://www.airtable.com/">L’outil Airtable</a> permet de structurer les données et de les stocker sur le <a href="https://wordpress.com/fr/">cloud Wordpress</a> permet de créer des formulaires et des contenus pour les mettre en ligne. D’autres outils permettent d’automatiser des processus, comme l’outil <a href="https://zapier.com/">Zapier</a> par exemple. Enfin, l’existence d’API (Interface de Programmation d’Application) permet de garantir la communication entre ces différents outils. Il est à noter que certains de ces outils peuvent être gratuits ou très peu onéreux au début, mais devenir payant s’ils sont utilisés à plus grande échelle.</p>
<h2>Quels usages pour le no code/low code ?</h2>
<p>L’essor de ces outils est concomitant avec un manque important de développeurs, en particulier en France. Cette pénurie s’explique à la fois par le manque d’attractivité du secteur par rapport aux autres pays, et par <a href="https://www.datackathon.com/recrutement-it-penurie-developpeurs/">l’inadéquation</a> de certains profils avec les besoins des entreprises. Les compétences mises en œuvre dans ce secteur évoluent sans cesse, et il est difficile pour les personnes en activité de maintenir à jour leurs <a href="https://start.lesechos.fr/travailler-mieux/metiers-reconversion/les-profils-developpeurs-les-plus-hot-du-moment-1179634">connaissances</a></p>
<p>Le recours aux outils no code/low code est une alternative permettant aux entreprises de développer des outils internes rapidement et sans besoin de compétences fortes. <a href="https://solutions-entreprise.developpez.com/actu/312720/Le-marche-mondial-des-technologies-de-developpement-low-code-va-augmenter-de-23-pourcent-en-2021-selon-les-previsions-de-Gartner/">Ce marché</a> a augmenté de 22,6 % entre 2020 et 2021 et cette croissance devrait se poursuivre.</p>
<p>Les <a href="https://www.info-du-web.net/pourquoi-les-tpe-et-pme-doivent-adopter-le-no-code-pour-la-creation-de-leurs-sites-web/">start-up et petites entreprises</a> sont les premiers utilisateurs de ces outils. Ne pouvant se permettre de rémunérer un développeur, elles peuvent ainsi développer leurs propres outils de gestion. Les autres utilisations les plus courantes sont l’automatisation des processus, le développement de sites Internet et le traitement de données marketing. Dans les entreprises de plus grande taille, le no code/low code commence à s’implanter pour le développement d’applications métier spécifiques. Ces dernières sont souvent créées par les utilisateurs finaux, qui connaissent parfaitement leurs besoins et contraintes. Ces développements ne peuvent cependant perdurer sans un lien avec les services informatiques de l’entreprise pour garantir leur bonne intégration dans l’environnement numérique et une sécurité des applications développées.</p>
<h2>La fin des programmeurs ?</h2>
<p>Comme de nombreux autres pays, la France a inscrit l’apprentissage du code informatique dans les programmes scolaires depuis 2016. Comprendre la logique informatique est une nécessité, et l’utilisation des outils no code/low code nécessite bien de comprendre le fonctionnement d’une application informatique. Mais le développement de ces solutions ne va-t-il pas rendre le métier de développeur moins indispensable ? Le fondateur de GitHub (service Internet d’hébergement et de gestion de développement logiciel), <a href="https://start.lesechos.fr/travailler-mieux/metiers-reconversion/en-2028-devrons-nous-tous-savoir-coder-1176622">Chris Wanstrath</a>, disait en 2017 : « Le futur du code, c’est pas de code du tout ». </p>
<p>Cette déclaration peut sembler exagérée. Il est en effet très probable que le no code/low code remplacera le développement basique, mais il existera toujours un besoin pour des développeurs aguerris, que ce soit pour développer des applications plus complexes ou pour <a href="https://www.digitalcorner-wavestone.com/2021/07/le-developpement-low-code-remplacera-t-il-le-developpement-traditionnel/">améliorer et sécuriser</a> les applications développées à l’aide de ces outils.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178659/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Delphine Billouard-Fuentes ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La programmation n’est désormais plus la seule voie pour développer des applications ou des sites Internet. Découvrez les outils de no code/low code.
Delphine Billouard-Fuentes, Professeur associé, EM Lyon Business School
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/158249
2022-03-02T19:41:21Z
2022-03-02T19:41:21Z
Radiographier les logiciels pour mieux les faire évoluer
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/445385/original/file-20220209-13-6v2w8n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C3%2C2048%2C1143&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Code source d'un plugin de sécurité Wordpress.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/132889348@N07/20013034943">Christiaan Colen/flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les logiciels sont omniprésents dans nos vies : apps, logiciels bancaires, gestion des ressources humaines, salaires, gestion des hôpitaux, réservations de billets, voitures, mais aussi outils de surveillance du territoire, serveurs, machines-outils, lance-missiles et bien d’autres encore. Autant de logiciels qui <em>doivent</em> évoluer pour prendre en compte le fait que les règles, les usages et la société changent. Qui voudrait être forcé de réserver son billet de train sur un bon vieux Minitel ? Personne. Qui voudrait être forcé d’être opéré avec du matériel médical de 1970 ? Personne. De même, les logiciels doivent être constamment adaptés et améliorés pour prendre en compte les changements incessants de nos vies et sociétés.</p>
<p>Imaginons un monde où, tous les 10 ans, l’écartement des rails des trains, la résistance des poutres de rails, le format et le voltage des prises électriques changeraient. Et bien, ce monde est le monde du développement logiciel.</p>
<p>Dans ces conditions, on pourrait imaginer qu’il serait judicieux de juste jeter les vieux logiciels pour en développer de nouveaux. Or, cela s’avère compliqué pour plusieurs raisons.</p>
<h2>Pourquoi on ne jette pas les anciens logiciels</h2>
<p>Tout d’abord, ces logiciels sont souvent indispensables au bon fonctionnement des sociétés qui les utilisent : sans eux, plus de business. Personne n’imagine un supermarché sans logiciel de gestion de stock ! Il n’est donc pas possible de s’en abstraire.</p>
<p>Ensuite, développer un logiciel est un processus long et coûteux pour les entreprises. Ceci est d’autant plus vrai que près d’un projet sur trois est un échec : soit il a été abandonné avant la fin de son développement, soit il a connu des dépassements en temps de développement ou en argent, soit il ne répond pas parfaitement aux besoins des utilisateurs. Réécrire un logiciel veut également dire être capable de bien capturer correctement le business et le domaine dans lequel il devra s’inscrire. Il y a quelques années, la refonte du logiciel de paye des militaires a été un tel <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/abandon-du-logiciel-de-paie-louvois-autopsie-d-une-debacle-militaire_467652.html">fiasco</a> que le ministre lui-même a dû prendre des mesures. Ce chantier a d’ailleurs coûté énormément d’argent à l’état français.</p>
<p>Par ailleurs, tout développement de logiciel apporte son lot de bugs. Les techniques de développement (telles que le développement agile, l’utilisation intensive des tests, l’intégration continue…) permettent de réduire leur nombre avant de livrer le logiciel aux clients, mais il est fréquent qu’il en reste. En conséquence, réécrire les logiciels s’avère souvent dangereux : un logiciel qui a évolué les 30 dernières années a eu des années de correctifs visant à corriger ses failles et ses bugs.</p>
<p>Enfin, les utilisateurs sont réticents aux changements. Il arrive fréquemment que des utilisateurs se plaignent car la position ou la couleur d’un bouton a changé. Face à un logiciel entièrement nouveau, avec de nouvelles interfaces graphiques, ils peuvent se retrouver complètement perdus.</p>
<p>Dans ces conditions, on peut aisément comprendre que les entreprises, quelles qu’elles soient, cherchent à garder le plus longtemps possible un logiciel sur lequel s’appuie une grande partie de leur fonctionnement.</p>
<p>Il va donc falloir maintenir ces logiciels pour répondre à de nouveaux besoins des utilisateurs, à de nouvelles lois, à de nouvelles technologies… En effet, seuls les logiciels qui sont des succès, c’est-à-dire qui sont utilisés, sont maintenus.</p>
<h2>La maintenance des logiciels</h2>
<p>Il existe deux grands types de maintenance : celle qui intervient au jour le jour et qui concerne une infime partie du logiciel, et celle qui intervient plus rarement, mais qui concerne une grande partie du logiciel. Dans le premier cas, une vision microscopique est suffisante, alors que dans le second une vision à la fois macroscopique et microscopique, globale, mais précise est nécessaire. C’est de ce type de maintenance qu’il est question ici.</p>
<p>La maintenance d’un logiciel est souvent très compliquée, et engendre souvent un très gros stress sur les développeurs et les sociétés qui doivent maintenir ces logiciels. Ceci peut s’expliquer par plusieurs raisons.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une image de verrou surpimposée à du code informatique." src="https://images.theconversation.com/files/445387/original/file-20220209-416-1jyshly.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445387/original/file-20220209-416-1jyshly.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445387/original/file-20220209-416-1jyshly.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445387/original/file-20220209-416-1jyshly.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445387/original/file-20220209-416-1jyshly.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445387/original/file-20220209-416-1jyshly.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445387/original/file-20220209-416-1jyshly.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Maintenir ou faire évoluer des logiciels est une tâche compliquée.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/yusamoilov/13334048894/in/photostream/">Yuri Samoilov/flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><strong>La complexité des logiciels.</strong>
Bien qu’abstrait pour la plupart des personnes et occupant autant d’espace sur un disque dur que quelques chansons MP3, un logiciel a souvent une très grande complexité. À titre d’exemple, si on avait imprimé en 1993 le code de Windows sur du papier A4, on aurait eu plus de pages que l’<em>Encyclopædia Britannica</em> (en 15 volumes) ou un étage d’immeuble. Dix ans plus tard, imprimer le code de Windows 2003 aurait donné une pile de papiers plus haute que la Statue de la Liberté. Depuis, la quantité de code n’a fait qu’augmenter.</p>
<p><strong>La durée de vie des logiciels et le renouvellement des équipes.</strong>
La durée d’un logiciel est dictée par le business, la possibilité de répondre aux besoins des clients dans un temps donné et la possibilité d’investissement de la société éditrice. Il est clair que la majorité des applications mobiles n’ont pas la même durée de vie que des logiciels qui font tourner des sociétés entières. Ceux-ci peuvent avoir une durée de vie de 20 à 30 ans.</p>
<p>Cette longue durée de vie implique que, souvent, les développeurs qui ont conçu ces logiciels ne sont pas ceux qui doivent (ou devront) les maintenir. Cela rend l’évolution des logiciels encore plus délicate : il est difficile de travailler sur des programmes que l’on ne connaît pas et que l’on ne comprend qu’imparfaitement. De plus, il est fréquent que plusieurs personnes ayant des façons de coder différentes soient intervenues.</p>
<p><strong>L’utilisation de langages de programmation aujourd’hui inconnus.</strong>
Finalement, certains très grands systèmes (utilisés entre autres par les banques ou les assurances, et ayant un rôle central pour ces entreprises) sont écrits dans des langages que même Google ne « connaît » pas (comme Mantis). D’autres langages ont très peu de documentation en ligne (comme Natstar). Cela veut dire que très peu de personnes les connaissent.</p>
<p><strong>Un exemple de besoin de maintenance.</strong>
La société Berger-Levrault utilise de façon massive dans les logiciels qu’elle développe du GWT (Google Web Toolkit) pour leurs parties graphiques. Enfin, ça, c’était avant. En effet, GWT n’a plus évolué depuis 2015 et n’est plus maintenu par Google. En conséquence, les nouveaux navigateurs web ne supporteront bientôt plus cette technologie, et il devient difficile pour les développeurs de faire des corrections ou des améliorations. Il est donc indispensable pour l’entreprise de changer de technologie et d’en utiliser une plus récente. L’entreprise a estimé qu’il lui faudrait plus de <a href="http://hal.inria.fr/hal-03313462/document">8000 jours-homme</a> (c’est-à-dire le travail d’une personne pendant environ 22 ans), et donc plusieurs années avec une équipe de plusieurs développeurs, pour migrer une application vieillissante et passer les interfaces graphiques de GWT à Angular. Or, d’ici là, la technologie cible d’aujourd’hui sera devenue obsolète ; ils devront recommencer une deuxième migration avant même d’avoir fini la première.</p>
<p>Cependant, des outils informatiques peuvent aider à raccourcir ce type de migration.</p>
<h2>Radiographier les vieux logiciels pour une migration plus efficace</h2>
<p>Pour faire face à ces défis modernes, notre équipe, RMOD, ainsi que d’autres équipes dans le monde, développent des outils qui vont aider les développeurs à mieux connaître leur logiciel, et aider à la prise de décisions.</p>
<p>Nos outils fonctionnent comme les rayons X pour le corps humain, mais sur les logiciels. Grâce à eux, les développeurs peuvent obtenir des cartes de leurs logiciels à différents niveaux de granularité. Les informations retirées des logiciels peuvent être de plusieurs natures :</p>
<ul>
<li><p>Comment le logiciel est structuré ?</p></li>
<li><p>Quelle est la partie la plus utilisée ?</p></li>
<li><p>Est-ce que la qualité d’une partie est bonne pour être réutilisée ?</p></li>
<li><p>Quelles sont les parties qui sont testées ?</p></li>
</ul>
<p>De plus, un architecte ou développeur peut aussi définir des requêtes spécifiques que seul lui (en tant expert du domaine et du logiciel) peut avoir envie ou besoin d’exprimer. Il est difficile pour nous d’illustrer sans être technique, mais voici quelques exemples. Quels sont les sous-programmes qui utilisent la classe X, sachant que normalement il ne doit y avoir qu’un seul utilisateur de la classe X ? Est-ce que l’on peut couper ce programme en deux, en considérant que les données bleues sont toutes appelées par des opérations bleues, et pareil pour les rouges (si on considère ces couleurs comme des propriétés d’éléments de programmes) ? Quelles sont les opérations qui utilisent à la fois les deux couleurs et empêchent le découpage ?</p>
<p>Mais nous pouvons aussi extraire des informations relatives aux développeurs responsables de telle ou telle partie du logiciel. En effet, il existe une métaphore un peu macabre qu’on appelle le <em>Truck factor</em> (le « facteur camion »), qui exprime la chose suivante : quel est le risque pour le logiciel (et donc pour l’organisation qui l’utilise) si un des développeurs est écrasé par un camion, ou, d’une manière moins violente, s’il quitte son emploi ? Quelle quantité de savoir ce développeur emmène-t-il avec lui ? Quelle information la société perd-elle sur son logiciel ? En effet, nous l’avons vu plus haut, devoir travailler sur un logiciel que l’on ne connaît pas ou peu est bien plus délicat que si on le connaît parfaitement.</p>
<p>Enfin, nos outils permettent également d’aider les développeurs à réorganiser leur système, par exemple pour le rendre plus modulaire. Ainsi une partie pourra être changée ou utilisée séparément sans impacter le reste du système, rendant ainsi la maintenance plus simple et moins chère.</p>
<p>De telles solutions permettent de migrer automatiquement une partie de l’application, et peuvent faire gagner plus de 60 % du temps. Par exemple, une architecte d’une grande firme allemande nous disait passer 7 mois pour une tâche de restructuration manuelle du code d’une application stratégique pour la société alors qu’avec nos outils, elle fait la même tâche en deux semaines.</p>
<p><em>Cet article a été écrit en collaboration avec Nicolas Anquetil, maître de conférence en informatique et génie logiciel à l'Université de Lille</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/158249/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ducasse Stéphane est membre des associations Pharo <a href="http://association.pharo.org">http://association.pharo.org</a> et ESUG <a href="https://esug.github.io">https://esug.github.io</a>. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anne Etien ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les logiciels sont omniprésents dans notre vie et doivent sans cesse évoluer. Des outils informatiques analysant leur code peuvent faciliter ces mises à jour.
Stéphane Ducasse, Directeur de recherche en Génie Logiciel et Conception de Langages, Inria
Anne Etien, Professeur, Inria
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/166614
2021-09-09T19:09:13Z
2021-09-09T19:09:13Z
IA et modération des réseaux sociaux : un cas d’école de « discrimination algorithmique »
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/418419/original/file-20210830-18-15sph8z.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C1%2C1194%2C596&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Titres de médias sur les biais des algorithmes des réseaux sociaux.</span> <span class="attribution"><span class="source">Thibault Grison</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Ces dernières années, les entreprises détentrices des réseaux sociaux numériques (comme Google, Facebook, Twitter ou ByteDance, l’entreprise détentrice du réseau social TikTok) ont beaucoup investi dans le recours à l’IA et à l’apprentissage automatique pour décupler leurs capacités de repérage et de modération des contenus illicites sur le web. La montée de la haine en ligne ou encore l’emballement médiatique autour des fake news ont instauré un <a href="https://www.cairn.info/revue-constructif-2020-2-page-50.htm">climat médiatique parfois hostile aux contenus diffusés sur les réseaux sociaux et une panique morale pour réguler le web à tout prix</a>. Entre bras de fer législatifs et marronniers médiatiques, la manière de modérer les réseaux sociaux numériques est passée d’un questionnement technique opéré à huis clos par les entreprises à un enjeu éminemment politico-publique.</p>
<p>Toutefois en parallèle de ce recours plus massif à l’IA, certaines communautés en ligne disent avoir fait l’objet d’une vague de censure abusive de la part des plates-formes. Comment le recours à l’IA dans la modération des réseaux sociaux engendre-t-il des discriminations à l’encontre de certaines catégories protégées ?</p>
<h2>Lutter contre la prolifération des contenus illicites en ligne, mais à quel prix ?</h2>
<p>Aujourd’hui, nul ne sait vraiment comment la haine en ligne est concrètement modérée sur les réseaux sociaux numériques.</p>
<p>On sait que des entreprises comme Facebook et Twitter <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/2053951720919776">emploient des modérateurs dans des sociétés de sous-traitance</a> à l’étranger dans des conditions de travail parfois douteuses, mais aussi qu’elles possèdent leurs propres équipes de modérateurs pour gérer les contenus illicites et le référencement des publications en interne, et enfin qu’une partie de cette modération est de plus en plus déléguée à des algorithmes de <em>machine learning</em>, chargés de « nettoyer » les plates-formes de tous les contenus qu’elles auront jugé indésirables conformément aux règles fixées par les chartes et conditions d’utilisation des plates-formes.</p>
<p>Le travail de modération sur les réseaux sociaux numériques est donc à la fois réalisé par des humains et de manière automatisée, sans que l’on connaisse avec certitude les modalités d’articulation de ces méthodes, ainsi que la part de contenus traités exclusivement de manière automatique.</p>
<p>Or la délégation du travail de modération à l’IA <a href="https://journals.openedition.org/ctd/6049">semble aller de pair avec la discrimination à l’encontre des minorités sexuelles, de genre et de race</a>. En effet ces dernières années, de nombreux utilisateurs ont tenté d’alerter les entreprises au sujet des injustices dont ils étaient victimes sur leurs plates-formes respectives. Ces injustices pouvaient prendre les formes suivantes : <a href="https://www.lesinrocks.com/actu/la-loi-avia-est-elle-deja-en-train-de-museler-les-activistes-lgbt-155206-28-05-2020/">suppressions de comptes</a>, censure automatique de posts, <a href="https://www.numerama.com/politique/555549-comment-youtube-demonetise-des-videos-des-videastes-ont-teste-15-000-mots-cles-differents.html">démonétisation de vidéos</a> ou encore dé-référencement de contenus, via le phénomène de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Shadow_banning"><em>shadowban</em></a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/417786/original/file-20210825-13-x74m1b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/417786/original/file-20210825-13-x74m1b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/417786/original/file-20210825-13-x74m1b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=225&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/417786/original/file-20210825-13-x74m1b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=225&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/417786/original/file-20210825-13-x74m1b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=225&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/417786/original/file-20210825-13-x74m1b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=283&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/417786/original/file-20210825-13-x74m1b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=283&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/417786/original/file-20210825-13-x74m1b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=283&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le <em>shadowban</em>, une des formes de modération de contenus en ligne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Thibault Grison</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les formes de censure sont donc multiples et divergent d’un réseau social numérique à l’autre.</p>
<h2>De nombreux exemples de discriminations liées à la modération en ligne</h2>
<p>Prenons l’exemple des utilisateurs et utilisatrices ouvertement LGBT+ pour illustrer notre point. En 2019, le <a href="https://twitter.com/SEO_lesbienne?s=20">mouvement « SEO Lesbienne »</a> avait tenté de créer un compte Facebook comportant le mot « lesbienne », en <a href="https://www.numerama.com/tech/508425-pourquoi-facebook-naime-pas-le-mot-lesbienne.html">vain</a>. Ce nom d’utilisateur était automatiquement refusé par la plate-forme pour le motif suivant : « Il comporte des mots qui ne sont pas autorisés sur Facebook ». </p>
<p>Plus récemment sur Facebook et Twitter, des <a href="https://journals.openedition.org/ctd/6049">comptes de militants LGBT ont été temporairement suspendus</a> en raison de la mention de leur orientation sexuelle dans leur bio (Twitter) ou descriptions de leur photo de profil (Facebook) : l’IA assimilait la mention de mots-clés comme « pédé » ou « gouine » a du contenu nécessairement haineux <a href="https://journals.openedition.org/ctd/6049">sans prendre en compte le contexte d’énonciation et la réappropriation militante de ces termes</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1266340292854194176"}"></div></p>
<p>Sur TikTok, une <a href="https://www.aspi.org.au/report/tiktok-wechat">étude menée par le think tank australien ASPI (Australian Strategic Policy Institute)</a> a montré que selon la langue utilisée par l’utilisateur des réseaux sociaux numériques, certains hashtags LGBT+ étaient déréférencés de la plate-forme. Citons-en quelques exemples : يسنج لوحتملا# soit « transgenre » en arabe, #ягей pour « je suis gay » en russe, #Intersex pour « intersexe » en anglais ou encore #gej pour « gay » en bosnien et estonien. Ces quelques exemples constituent une des facettes de ce à quoi peut ressembler la discrimination algorithmique dans la modération des réseaux sociaux numériques.</p>
<p>On appellera discrimination algorithmique toute discrimination causée par un recours aux algorithmes. Il s’agit, en d’autres termes, de l’expérience de la discrimination vécue par les utilisateurs de ces services automatisés. Mais quelle en est la cause ?</p>
<h2>A l’origine, les biais algorithmiques</h2>
<p>La discrimination algorithmique résulte de l’introduction de « biais » <a href="https://theconversation.com/intelligence-artificielle-combattre-les-biais-des-algorithmes-125004">au moment de la conception des algorithmes</a>. Ces biais consistent en la transposition d’observations générales (souvent stéréotypées) ou statistiques en <a href="https://www.editions-observatoire.com/content/De_lautre_c%C3%B4t%C3%A9_de_la_machine">conditions algorithmiques systématiques</a>. Il en existe plusieurs types et ils peuvent apparaître à différents moments du cycle de vie d’un algorithme. Je propose de les réunir en trois grandes catégories.</p>
<p>La première relève de la qualité des données d’apprentissage des algorithmes de <em>machine learning</em>. Dans leur écrasante majorité, ces données contiennent déjà des biais discriminants, que les algorithmes vont ensuite reproduire de façon « mécanique ». Par exemple, les algorithmes entraînés à partir de corpus moissonnés sur le web peuvent finir par associer le mot « lesbienne » à des <a href="https://www.numerama.com/politique/478663-pourquoi-le-mot-lesbienne-sur-google-ne-renvoie-t-il-que-vers-des-sites-pornographiques.html">contenus pornographiques</a> et donc à considérer des contenus militants comme problématiques.</p>
<p>La seconde catégorie de biais porte sur ce qu’on appelle tantôt « biais de société », « biais cognitifs » ou encore « biais de stéréotypes » selon les langues et champs de recherche en IA. Il s’agit des représentations biaisées et des impensés des concepteurs (humains) transférés aux machines <a href="https://rm.coe.int/etude-sur-discrimination-intelligence-artificielle-et-decisions-algori/1680925d84">au moment de la conception</a>.</p>
<p>Enfin, les objectifs de rentabilité et des critères garantissant l’efficacité d’un algorithme peuvent aussi engendrer des biais algorithmiques. Selon l’importance qu’on donnera à un critère (souvent financier) plus qu’à un autre, les algorithmes, pour répondre à cet objectif qui constitue leur raison d’être, pourront engendrer des discriminations collatérales. En guise d’exemple, imaginons un algorithme de recommandation dont la mission principale serait de promouvoir les contenus qui génèrent le plus de trafic en ligne (et donc de revenus pour les entreprises comme Google). </p>
<p>Le mot « lesbienne » renvoyant essentiellement à du contenu pornographique destiné à un public hétérosexuel et masculin ; les algorithmes de recommandation mettront en avant ce type de contenus (parce que reconnu comme populaire) dans les résultats de recherche. La pertinence des résultats de recherche ne coïncide donc pas avec les enjeux de représentation et de visibilisation des différentes orientations sexuelles et identités de genre en ligne, qui n’ont tout simplement pas été pris en compte par les concepteurs. On appellera cette négligence un <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10506-016-9182-5">« biais de variable omise »</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/emploi-securite-justice-dou-viennent-les-biais-des-ia-et-peut-on-les-eviter-154579">Emploi, sécurité, justice : d’où viennent les « biais » des IA et peut-on les éviter ?</a>
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<p>Trop souvent perçus comme neutres et objectifs, les algorithmes (comme toute technologie) peuvent, selon les usages et les concepteurs qui les mettent en service, reproduire des injustices déjà existantes dans la société.</p>
<p>La question qui se pose à présent est celle de la responsabilité. Si des titres de presse comme <a href="https://www.lebigdata.fr/algorithme-google-raciste">« L’algorithme anti-haine de Google est raciste envers les noirs »</a> ou <a href="https://www.insider.com/tiktok-algorithm-promotes-transphobic-homphobic-content-fyp-experiment-finds-2021-5">« TikTok’s algorithm is promoting homophobia »</a> semblent caricaturaux aux yeux des défenseurs de l’IA qui jugent absurde le fait d’imputer la responsabilité de la discrimination aux algorithmes et à leurs concepteurs, le problème de la discrimination demeure.</p>
<p>Pourtant, dès lors que les cas de censure en ligne se multiplient et que ces outils sont toujours déployés, il appartient aux communautés scientifiques et militantes de mettre au jour les effets de ces outils sur les populations et la responsabilité des entreprises à maintenir leur mise en service alors même qu’ils contribuent à la (re)production d’injustices.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/un-de-programme-sexiste-comment-detecter-et-corriger-les-biais-des-ia-156874">« Un $ % de programme sexiste » : comment détecter et corriger les biais des IA</a>
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<p>De plus, le désir de légiférer contre la haine en ligne ou les fake news ne saurait se faire sans un contrôle des outils automatiques de modération, au risque d’accroître les cas de discriminations algorithmiques. En effet, le projet de loi visant à lutter contre les contenus haineux en ligne portée par la députée LREM Laëtitia Avia a fait craindre un <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/le-billet-politique/le-billet-politique-du-vendredi-19-juin-2020">recours plus accru aux algorithmes en raison du nouveau délai de 24 heures</a> imposé aux plates-formes pour supprimer les contenus qu’elles auraient jugé illicites. Plutôt que de proposer une loi pour lutter contre la haine en ligne qui <a href="http://www.inter-lgbt.org/vote-loi-avia/">risquerait d’avoir de lourdes conséquences sur la liberté d’expression des personnes que la loi vise à protéger</a>, il conviendrait d’abord de réduire l’impact discriminant du recours aux algorithmes dans les réseaux sociaux en pénalisant les détenteurs des plates-formes lorsqu’ils discriminent des populations.</p>
<p>Les algorithmes interviennent de plus en plus dans nos vies quotidiennes et affectent la manière dont nous recevons l’information et percevons le monde – <a href="https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/synth-algos-num-05.06.20.pdf">pensons à réguler la manière dont ils nous régulent</a>, avant de leur donner plus de pouvoir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/166614/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thibault Grison bénéficie, dans le cadre de sa thèse, d'un financement du SCAI Doctoral Program 2020 (Sorbonne Université - ANR) et d'un accompagnement par l'unité de service CERES de Sorbonne Université. </span></em></p>
De nombreux exemples de discriminations en ligne sont liés à la modération des contenus par les plates-formes et réseaux sociaux, parfois humaine, parfois automatisée.
Thibault Grison, Doctorant en Sciences de l'Information et de la Communication, Sorbonne Université
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/159406
2021-04-26T14:28:02Z
2021-04-26T14:28:02Z
Crise à l’Université Laurentienne : une occasion de repenser l’enseignement supérieur en français en Ontario
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/396655/original/file-20210422-21-197w2bh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C0%2C1280%2C850&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Créée en 1960 comme université fédérée bilingue, l'Université Laurentienne a rôle historique en tant qu’institution phare de la communauté franco-ontarienne.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Photo tiré du site web de l'Université Laurentienne</span></span></figcaption></figure><p>Embourbée dans une crise financière, l’Université Laurentienne a supprimé 60 programmes, dont <a href="https://onfr.tfo.org/lundi-noir-a-la-laurentienne-28-programmes-en-francais-supprimes/">28 programmes de langue française</a>, et licencié 110 professeurs le 12 avril 2021 dernier. Depuis, le milieu universitaire et la communauté franco-ontarienne sont sous le choc.</p>
<p>Ainsi, 69 % des programmes de langue française dans cette université ont été rayés d’un trait, dont ceux d’Histoire, Littérature, Éducation, Études de l’environnement, Sage-Femme (le seul hors Québec), Théâtre, Philosophie, Génie minier et Science politique, pour ne nommer que ceux-là.</p>
<p>Le couperet est tombé dans le but d’assainir les finances de l’Université Laurentienne, qui s’est placée à l’abri de ses créanciers le 1<sup>er</sup> février 2021 en invoquant la <a href="https://canlii.ca/t/6c4w7">Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies</a> (LACC), une première pour une université publique au Canada. La LACC est une <a href="https://www.ic.gc.ca/eic/site/bsf-osb.nsf/fra/br02284.html">bouée de sauvetage pour les entreprises privées en détresse financière</a> : elle leur permet de poursuivre leurs activités tout en tentant de conclure des ententes avec leurs créanciers devant les tribunaux, afin d’éviter la faillite.</p>
<p>Les <a href="https://documentcentre.ey.com/#/detail-engmt?eid=459">actes de procédures</a> déposés à la Cour supérieure de justice de l’Ontario font état des origines de la crise financière, des tentatives de redressement et de son état actuel. De 2015 à 2020, le déficit opérationnel de l’Université Laurentienne est passé 8,2 millions $ à plus de 20 millions $ par année. Avec une dette qui dépasse les 100 millions $, l’Université est aujourd’hui incapable de rembourser ses créanciers ou de payer ses employées.</p>
<h2>Une décision comptable</h2>
<p>Pour l’Université Laurentienne, ses démarches sous l’égide de la LACC relèvent d’un exercice comptable qui lui permet de faire fi de son mandat public à l’égard de la francophonie ontarienne.</p>
<p>Autre que pour rappeler la création de cette université, en 1960, comme université fédérée bilingue et la subvention pour le bilinguisme qu’elle partage avec l’Université de Sudbury, le <a href="https://documentcentre.ey.com/#/detail-engmt?eid=459">dossier de requête de l’Université Laurentienne (qui comprend un mémoire et quatre volumes de documents, dont l’affidavit du recteur Haché)</a> ne mentionne aucunement son rôle historique en tant qu’institution phare de la communauté franco-ontarienne.</p>
<p>Les plus de 1500 pages d’argumentaire avec pièces à l’appui (rédigés en anglais seulement) passent sous silence les institutions avec qui l’UL a nourri la langue et la culture françaises dans le Nord de l’Ontario depuis plus de 40 ans : <a href="http://institutfranco-ontarien.ca/">l’Institut franco-ontarien</a>, le <a href="https://letno.ca/">Théâtre du Nouvel-Ontario</a> et les <a href="https://www.prisedeparole.ca/">éditions Prise de parole</a>.</p>
<h2>La francophonie escamotée</h2>
<p>Plus étonnant encore : la requête de l’Université Laurentienne passe également sous silence le fait notoire de sa désignation aux termes de la <a href="https://canlii.ca/t/6blz9">Loi sur les services en français</a> (LSF), une loi qui l’oblige à garantir l’offre de ses services et programmes en français. Pourtant, il aurait été pertinent dans le cadre d’une restructuration de faire valoir les obligations juridiques de l’Université Laurentienne envers la minorité franco-ontarienne. Rappelons que <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/554595/montfort-15ans-chronologie">c’est cette loi qui a servi de bouclier à l’Hôpital Montfort</a>, le seul hôpital francophone de l’Ontario, menacé de fermeture lorsque le gouvernement de l’Ontario restructurait les soins de santé de la province à la fin des années 90.</p>
<p>La décision de l’Université Laurentienne d’escamoter la francophonie et la LSF de sa démarche de restructuration est révélatrice du peu d’importance qu’elle y accorde et de la place marginale qu’elle lui réserve dans son plan de relance.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-reforme-de-la-gouvernance-scolaire-au-quebec-envoie-un-mauvais-message-aux-minorites-linguistiques-au-pays-134190">La réforme de la gouvernance scolaire au Québec envoie un mauvais message aux minorités linguistiques au pays</a>
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<p>Le 30 mars, l’Assemblée de la francophonie ontarienne (AFO) <a href="https://documentcentre.ey.com/api/Document/download?docId=33241&language=EN">a introduit une motion</a> pour s’immiscer dans les procédures judiciaires et contraindre l’Université Laurentienne à négocier avec elle et l’Université de Sudbury, et étudier toute proposition « susceptible d’avoir une incidence sur la restructuration conformément aux objectifs de la LACC et aux droits de la communauté franco-ontarienne », notamment au regard de la LSF.</p>
<h2>Chronologie d’une crise</h2>
<p>Craignant le pire, les <a href="https://onfr.tfo.org/universite-laurentienne-les-francophones-tirent-la-sonnette-dalarme/">professeurs francophones ont sonné l’alarme au mois de février</a>. La communauté francophone s’est mobilisée et les événements se sont enchaînés rapidement par la suite.</p>
<p>Le 13 mars, <a href="https://www.francopresse.ca/actualites/francophonie/luniversite-de-sudbury-veut-devenir-entierement-francophone-6966a601884afe95b3f995e4ad1bad2c">l’Université de Sudbury a annoncé sa volonté de devenir une institution entièrement francophone</a>, laïque, dirigée par et pour la communauté franco-ontarienne. Les messages de solidarité des élus provinciaux et fédéraux, et en provenance du milieu universitaire canadien se sont multipliés au cours des semaines suivantes ; le souhait de voir naître une <a href="https://www.ledevoir.com/opinion/idees/597991/pour-une-universite-de-langue-francaise-a-sudbury">nouvelle université de langue française à Sudbury s’est intensifié</a>.</p>
<p>Le 7 avril, <a href="https://l-express.ca/luniversite-laurentienne-dissout-sa-federation/">l’Université Laurentienne a annoncé la dissolution de la fédération</a> qui l’unit aux universités de Thornloe, Huntington et Sudbury, laissant le champ libre à un éventuel successeur pour reprendre la place qu’elle semble elle-même abdiquer.</p>
<p>Dans la foulée du « lundi noir » du 12 avril, d’aucuns sont d’avis que <a href="https://onfr.tfo.org/le-transfert-des-programmes-a-luniversite-de-sudbury-est-demande/">« le français n’a plus sa place à l’Université Laurentienne »</a> et que celle-ci <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1784834/loi-services-francais-bilingue-designation-universite-laurentienne">« a perdu toute crédibilité auprès de la communauté franco-ontarienne »</a>.</p>
<p>Le poète et dramaturge <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1785330/poete-critique-supression-programme-solidarite-professeurs-etudiants">Jean‑Marc Dalpé a renoncé publiquement au doctorat honorifique que l’Université lui a décerné</a> en 2002, annonçant au recteur Robert Haché que « la résistance ne fait que commencer ».</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/397113/original/file-20210426-19-1quy9va.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/397113/original/file-20210426-19-1quy9va.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/397113/original/file-20210426-19-1quy9va.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/397113/original/file-20210426-19-1quy9va.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/397113/original/file-20210426-19-1quy9va.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/397113/original/file-20210426-19-1quy9va.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/397113/original/file-20210426-19-1quy9va.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des députés du Nouveau Parti démocratique (NPD) et leur chef, Jagmeet Singh, se sont aussi portés à la défense de l’Université Laurentienne en pressant le gouvernement Trudeau de « sauver l’Université » en imposant notamment un moratoire sur la fermeture des nombreux programmes d’études.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Adrian Wyld</span></span>
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</figure>
<p>La Fédération de la jeunesse franco-ontarienne aussi a demandé le <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1786221/sondage-jeunesse-franco-ontartienne-universite-sudbury-programmes">rapatriement à l’Université de Sudbury de tous les programmes français</a> de l’Université Laurentienne.</p>
<h2>Vers un réseau d’universités francophones ?</h2>
<p>L’<a href="https://www.lavoixdunord.ca/actualites/education/luniversite-de-sudbury-presente-son-groupe-de-travail-68aa082a6f9a47fec42422083cd52525">Université de Sudbury est déjà à l’œuvre</a> pour préparer l’avenir du postsecondaire en français dans le Nord de l’Ontario. Le <a href="https://onfr.tfo.org/laurentienne-joly-ouverte-a-un-financement-pour-une-universite-par-et-pour-les-francophones/">gouvernement fédéral est disposé</a> à contribuer au financement d’une institution par et pour les francophones.</p>
<p>L’une des formules envisagées est <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/le-matin-du-nord/segments/entrevue/347812/universite-francophone-sudbury-larocque-lettre-ouverte-nord-ontario">l’établissement d’un réseau d’universités francophones en Ontario</a> pour desservir les communautés francophones dans tous les coins de la province, incluant l’Université de l’Ontario français au sud, l’Université d’Ottawa dans l’est et l’Université de Hearst au nord. Cette dernière vient récemment d’obtenir <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1785105/universite-hearst-autonomie-laurentienne-ontario-independance">son autonomie de la Laurentienne</a> et peut désormais développer ses propres programmes et partenariats.</p>
<p>Pour sa part, le gouvernement de l’<a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1786390/universite-laurentienne-lettre-reponse-mulroney-joly-aide-financiere">Ontario affirme vouloir collaborer avec le fédéral</a> pour assurer l’accès aux études postsecondaires dans le Nord de la province, mais préfère attendre le dénouement de la restructuration.</p>
<p>Le 22 avril, la <a href="https://documentcentre.ey.com/api/Document/download?docId=33488&language=EN">Cour accueille la motion de l’Assemblée de la francophonie</a> et ordonne à l’Université Laurentienne de « mener des consultations véritables » avec l’organisme porte-parole et l’Université de Sudbury, afin d’envisager des solutions qui tiennent compte des droits linguistiques et des aspirations de la communauté franco-ontarienne.</p>
<h2>Une communauté qui continue d’écrire son histoire</h2>
<p>Dans <a href="https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/4197363">son célèbre rapport de 1839</a> recommandant la fusion du Haut et du Bas-Canada, notamment pour accélérer l’assimilation des Canadiens-Français, Lord Durham avait dit ceci : « They are a people with no history, and no literature. » (C’est un peuple sans histoire et sans littérature).</p>
<p>Cette formule déplorable du Rapport Durham a trouvé son sens littéral à Sudbury le 12 avril 2021.</p>
<p>Le dossier évolue continuellement, mais il est raisonnable de penser que ça ne sera pas à la « Laurentian University » que s’écriront les prochaines pages de l’histoire et de la littérature franco-ontarienne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159406/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Larocque ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les démarches de l’Université Laurentienne pour se mettre à l’abri de ses créanciers sont un exercice comptable qui lui permet de faire fi de son mandat public à l’égard de la francophonie ontarienne.
François Larocque, Professor, Research Chair in Language Rights, Faculty of Law, Common Law Section | Professeur, Chaire de recherche Droits et enjeux linguistiques, Faculté de droit, Section de common law, L’Université d’Ottawa/University of Ottawa
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tag:theconversation.com,2011:article/156874
2021-03-15T18:00:20Z
2021-03-15T18:00:20Z
« Un $ % de programme sexiste » : comment détecter et corriger les biais des IA
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/388765/original/file-20210310-15-beloxs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=44%2C0%2C5000%2C3300&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Si un algorithme est formé à partir d’un ensemble de données biaisées de décisions passées prises par des humains, il hériterait et perpétuerait les préjugés de ces humains.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-illustration/3d-rendering-robot-learning-solving-problems-680929729">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>La sortie commerciale d’une carte de crédit signée Apple, en août 2019, n’a pas tardé à susciter de nombreuses questions urgentes. Le Danois David Heinemeier Hansson, auteur et développeur réputé, a annoncé dans un <a href="https://twitter.com/dhh/status/1192540900393705474">tweet</a> que sa femme et lui avaient tous deux fait une demande pour l’Apple Card :</p>
<blockquote>
<p>« Mon épouse et moi déclarons nos impôts conjointement et nous sommes mariés depuis longtemps sous régime communautaire, écrivait-il. Pourtant, l’algorithme de la boîte noire d’Apple pense que j’ai droit à une limite de crédit 20 fois plus élevée qu’elle. »</p>
</blockquote>
<p>Il n’a pas hésité à traiter l’Apple Card de « programme sexiste », en y ajoutant un juron pour faire bonne mesure.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1192540900393705474"}"></div></p>
<p>Goldman Sachs, la banque à l’origine de la carte, a défendu son produit en expliquant que l’algorithme utilisé par l’intelligence artificielle (IA) pour déterminer la solvabilité d’un client ne prenait pas en compte le sexe. Un argument qui peut sembler convaincant… si l’on omet le fait que même en l’absence de données liées au sexe, les algorithmes utilisent des informations en corrélation avec le sexe (des « proxys » de genre, comme l’endroit où vous faites vos achats) qui peuvent engendrer des <a href="https://www.wired.com/story/the-apple-card-didnt-see-genderand-thats-the-problem/">apparitions imprévues</a> de biais injustes.</p>
<p>Même le co-fondateur d’Apple, Steve Wozniak, et sa femme ont signalé avoir été victimes de ce biais. L’algorithme estimait que Steve Wozniak méritait 10 fois plus de crédit que son épouse, en dépit du fait que le couple partageait ses actifs et ses comptes bancaires. Un véritable pavé dans la mare qui a poussé les régulateurs de New York à ouvrir une enquête afin d’étudier l’algorithme de l’Apple Card.</p>
<h2>Données biaisées, résultats biaisés</h2>
<p>L’IA et l’apprentissage automatique (« machine learning ») sont capables de traiter d’énormes quantités de données plus efficacement que les humains. Bien utilisée, l’IA a le pouvoir d’éradiquer la discrimination contre certains groupes sociaux. Pourtant, dans la pratique, les cas de biais algorithmiques ne sont pas rares, comme l’a démontré l’affaire de l’Apple Card ci-dessus.</p>
<p>Les origines de ces biais sont variées. Par exemple, si un algorithme de score de solvabilité assimile à partir d’un ensemble de données biaisées issues de décisions passées prises par des humains (comme des agents de crédit sexistes ou racistes, entre autres), l’algorithme risque d’hériter et d’entretenir ces inégalités. Et comme les IA utilisent des milliers d’observations ainsi que des méthodes opaques pour prendre des décisions (parfois décrites comme une <a href="https://www.zdnet.com/article/inside-the-black-box-understanding-ai-decision-making/">boîte noire</a>), les biais algorithmiques peuvent survenir de façon totalement fortuite et échapper aux contrôles.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1357488924390789120"}"></div></p>
<p>Sur les marchés du crédit, qui sont au centre de notre étude, ce manque d’équité peut entraîner des préjudices systématiques envers les groupes déjà défavorisés (à cause de leur sexe, race, citoyenneté ou religion). Ces groupes risquent alors d’essuyer des refus de prêt déraisonnables, de recevoir des offres avec des taux d’intérêt désavantageux ou de se voir imposer des limites de crédit basses. De telles inégalités risquent aussi d’exposer les institutions financières qui utilisent ces algorithmes à des répercussions légales et à des atteintes à leur image.</p>
<h2>Mettre en place un « feu de signalisation »</h2>
<p>Mes collègues chercheurs, Christophe Hurlin et Sébastien Saurin, et moi-même avons conçu une définition statistique de l’équité ainsi qu’une méthode pour la mesurer. Pour garantir cette équité, les décisions prises par un algorithme ne devraient être calculées que sur la base d’attributs en relation avec les variables cibles, comme la durée d’emploi ou les antécédents de crédit, sans prendre en compte des données comme le sexe.</p>
<p>En nous appuyant sur la théorie statistique, nous avons élaboré une formule capable de calculer une mesure d’équité ainsi qu’un seuil théorique au-dessus duquel une décision serait considérée comme inéquitable.</p>
<p>Pour évaluer un algorithme réel, nous pouvons ainsi traiter ses données et calculer son degré d’équité, puis le comparer à la valeur théorique (ou seuil). Cette procédure permet ensuite d’indiquer si un algorithme a le « feu vert » (quand la valeur d’équité calculée est inférieure au seuil établi) ou le « feu rouge » (quand la valeur d’équité calculée est supérieure au seuil).</p>
<p>Dans le cas où un problème serait détecté, nous proposons ensuite des techniques pour identifier les variables qui génèrent le biais, même quand les processus de l’algorithme sont impénétrables. Pour cela, nous avons développé de nouveaux outils d’explicabilité de l’IA. Enfin, nous suggérons des manières d’atténuer le problème en traitant les variables incriminées.</p>
<h2>Application dans divers domaines</h2>
<p>D’un point de vue purement pratique et commercial, il est crucial que les banques comprennent les répercussions, et les conséquences potentiellement inattendues, de la technologie qu’elles utilisent. Elles risquent en effet de se mettre à dos la justice et l’opinion publique dans une industrie où la réputation et la confiance sont des éléments clés.</p>
<p>Bien que notre recherche se concentre sur les scores de solvabilité, la méthodologie utilisée pourrait s’appliquer dans de nombreux autres contextes qui font appel à des algorithmes d’apprentissage automatique, comme la justice prédictive (condamnation, probation), les décisions de recrutement (analyse des CV et des vidéos de candidats), la détection des fraudes et la tarification des polices d’assurance.</p>
<p>L’utilisation de technologies d’apprentissage automatique soulève de nombreuses questions d’ordre éthique, légal et réglementaire. Ces méthodes d’apprentissage automatique, qui sont souvent difficiles à interpréter, peuvent engendrer des biais imprévus et invisibles qui désavantagent des populations entières sur la base de leur ethnie, religion, sexe, race ou de tout autre critère social.</p>
<p>Les opportunités mais aussi les risques qui découlent des techniques d’apprentissage automatique requièrent indubitablement l’implémentation d’une nouvelle forme de régulation, comme une certification des algorithmes et des données utilisées par les entreprises et les institutions.</p>
<hr>
<p><em>Cette contribution, publiée en anglais sur le site <a href="https://www.hec.edu/en/knowledge/articles/sexist-program-detecting-and-addressing-ai-bias">Knowledge@HEC</a>, s’appuie sur <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3785882">l’article</a> de Christophe Pérignon intitulé « The Fairness of Credit Scoring Models », coécrit avec Christophe Hurlin et Sébastien Saurin de l’Université d’Orléans</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/156874/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Pérignon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Une recherche propose une méthode pour éliminer les injustices générées par l’intelligence artificielle qui peuvent mettre à mal les entreprises.
Christophe Pérignon, Doyen associé en charge de la recherche et professeur de finance, HEC Paris Business School
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tag:theconversation.com,2011:article/151128
2020-12-02T19:24:09Z
2020-12-02T19:24:09Z
Conversation avec Marie-Cécile Naves : « Joe Biden hérite d'une Amérique très polarisée »
<p><em>À l’occasion des <a href="https://tribunesdelapresse.org/">Tribunes de la Presse 2020</a>, Marie-Cécile Naves, chercheuse associée au Centre de Recherches Interdisciplinaires (CRI) et directrice de recherche à l’IRIS (Institut de Relations Internationales et Stratégiques), dresse les perspectives d’un pays qui demeure divisé et s’interroge, entre autres, sur les marges de manœuvre possibles pour le nouveau président Joe Biden.</em></p>
<p><strong>Joe Biden a remporté 306 grands électeurs. Donald Trump, qui n’a toujours pas reconnu officiellement sa défaite, vient enfin d’autoriser ses équipes à préparer la transition. Peut-on dire qu’une page se tourne ? Donald Trump a-t-il profondément marqué les États-Unis ?</strong></p>
<p>Une page se tourne puisque l’une des principales motivations des électeurs de Joe Biden était l’anti-trumpisme. Avec un discours de bienveillance et de solidarité, Joe Biden a fait une campagne anti-Trump. Tout va aussi dans ce sens à présent qu’il a gagné – les conseillers et ministres nommés, ainsi que le programme dévoilé. Le président élu a un projet axé notamment sur la défense des populations les plus fragiles, l’exact contraire de son prédécesseur. La page se tourne également du côté de la scène internationale. Les États-Unis vont de nouveau collaborer avec les partenaires traditionnels qui sont les leurs. Il reste que Donald Trump a bien évidemment marqué les États-Unis. Il les marquera encore sans doute pendant les mois et les années à venir. Chose importante à préciser, il a obtenu 12 millions de votes de plus qu’en 2016. Cela montre une véritable adhésion et un engouement de la part d’une grande partie de la population envers ce projet néofasciste. De plus, le milliardaire « tient » le parti républicain. Le trumpisme va résister et perdurer au-delà de la présidence de Donald Trump.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1324218802045915137"}"></div></p>
<p><strong>Vous dressez le portrait d’une Amérique fracturée ; or Joe Biden souhaite « être un président qui rassemble et non qui divise ». Pourquoi l’Amérique est-elle tant divisée ? Joe Biden pourra-t-il vraiment être le président de tous les Américains ?</strong></p>
<p>Joe Biden veut guérir son pays (« heal the country ») et le réunifier. Évidemment, ce ne sera pas un homme providentiel. Il ne pourra pas le faire tout seul, surtout si le Sénat reste à majorité républicaine. Il reste deux sièges à pourvoir, le 5 janvier prochain. L’enjeu est de taille. Si le Sénat n’est pas de la couleur politique du président, même à un siège près, celui-ci aura de grandes difficultés à faire passer ses grandes réformes législatives. Mais si le pays est divisé, cela ne date pas de Donald Trump. Certes, il a soufflé sur les braises, en attisant l’extrême droite, en stigmatisant certaines populations, en ayant des propos ouvertement racistes et misogynes, mais la droitisation du parti républicain s’est amplifiée depuis vingt ans. De plus, le pays est très polarisé sur le plan politique, avec un dialogue difficile entre les Démocrates et les Républicains. Ainsi, les accords bipartisans, les lois votées par les deux partis sont de plus en plus difficiles à faire passer.</p>
<p><strong>Dans votre dernier livre, <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-la-democratie-feministe-reinventer-le-pouvoir-148380"><em>La démocratie féministe</em></a>, vous expliquez que les femmes sont nécessaires au renouveau démocratique. Après avoir choisi Kamala Harris comme colistière durant la campagne, Joe Biden continue de former une équipe paritaire et diverse. Pensez-vous que les prochaines années confirmeront cette tendance ?</strong></p>
<p>Pour que le projet d’émancipation, notamment des femmes, se concrétise, il faut maintenir le triptyque suivant : représentativité, manière de gouverner et programme. Biden montre une <a href="https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/etats-unis-joe-biden-nomme-quatre-femmes-des-postes-cles-pour-redresser-leconomie">volonté de parité dans son équipe</a>, ce qui est un profond contraste avec celle de Trump, ostensiblement très masculine et blanche. Pour le nouveau président, ceux et celles qui gouvernent doivent être à l’image de la société américaine. Par ailleurs, ce sont des gens très compétents qui connaissent parfaitement les sujets. On peut donner l’exemple de l’Afro-Américaine Linda Thomas-Greenfield, la future ambassadrice américaine à l’ONU. L’équipe de communication de Biden sera <a href="https://www.liberation.fr/planete/2020/11/30/joe-biden-feminise-integralement-son-equipe-de-com_1807183">intégralement composée de femmes</a>. Le programme ira-t-il dans le sens des droits des femmes (santé, accès à l’avortement, égalité salariale, lutte contre les violences, etc.) ? C’est probable, mais n’oublions pas qu’il s’agit d’un pays fédéral. Washington ne décide pas de tout.</p>
<p><strong>La Covid-19 ravage les États-Unis. Le pays compte à peu près 13 millions de cas et plus de 270 000 décès. Alors que Donald Trump a été vivement critiqué sur sa gestion de la crise sanitaire, quelle stratégie le président élu pourra-t-il mettre en place dans ce domaine ?</strong></p>
<p>Joe Biden a un discours de protection. Il encourage tout le monde à porter un masque, à respecter la distanciation physique et il appelle à la prudence, notamment pour les personnes vulnérables. Ensuite, il a nommé un conseil scientifique autour de lui, composé de treize experts. Cela confirme qu’il souhaite, sur ce sujet comme sur d’autres, s’appuyer sur la science pour guider ses politiques publiques. Il a recréé un conseil scientifique comme celui installé lors de la crise Ebola par Obama en 2014, puis supprimé en 2017 par Trump. Par ailleurs, Biden a également le désir de travailler en bonne intelligence avec les États fédérés sur la Covid. D’une part, ce sont eux qui ont le plus de pouvoir en matière de mesures « contraignantes » sur la population et, d’autre part, le président élu entend activer la possibilité de débloquer des fonds fédéraux pour les accompagner. Il y a, pour le moment, une impulsion, de l’ordre du discours, et de la prise d’exemple.</p>
<p><strong>La politique étrangère de Donald Trump a été en rupture totale avec celle de son prédécesseur, Barack Obama. De quelle manière, selon vous, Joe Biden va-t-il se positionner sur le plan international ?</strong></p>
<p>Sur le plan international, pour la plupart des commentateurs, le ton va changer ! On ne sera plus dans le registre de la menace, de l’insulte, des volte-face, ou du bluff. Le lien avec les partenaires traditionnels, notamment les démocraties occidentales, va sans doute se renforcer, alors que Donald Trump semblait faire davantage confiance aux dictateurs.</p>
<p>Sur le fond, cependant, on ne s’attend pas à d’énormes bouleversements, en particulier avec l’Europe qui vient de décider de mettre en place une taxe sur les GAFAM. Cela risque même de donner lieu à des discussions houleuses avec l’équipe de Joe Biden. Vis-à-vis de la Chine, les relations ne devraient pas beaucoup changer. Le bras de fer va continuer sur les aspects commerciaux et sera même plus offensif sur les questions relatives aux nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle, la 5G et la gestion des données personnelles – domaine où la Chine est considérée comme une menace aux États-Unis.</p>
<p>Quant au Moyen-Orient, là non plus, <a href="https://theconversation.com/quelle-politique-pour-ladministration-biden-au-moyen-orient-150681">il ne faut pas s’attendre à un changement notable</a>. Israël a compris qu’il n’aurait plus de chèque en blanc de la Maison Blanche, notamment concernant la colonisation. Le gros sujet sera l’Iran. Il est très probable que Joe Biden relance le dialogue international pour rétablir un nouvel accord sur la non-prolifération nucléaire.</p>
<p>Dernier sujet majeur, donc : le retour du multilatéralisme, c’est-à-dire le retour d’une coopération internationale, par exemple un probable retour des États-Unis dans les accords de Paris sur le climat, dans l’OMS et l’Unesco, mais aussi les enjeux militaires avec l’OTAN ou commerciaux avec l’OMC. Les Américains voudront prendre le « lead ».</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/viDuzR42hVk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p><strong>Concernant les accords de Paris sur le climat, les États-Unis vont-ils être de précieux alliés dans la lutte contre le réchauffement climatique et comment vont-ils s’y prendre ? La nomination de John Kerry comme envoyé pour le climat est-elle significative ?</strong></p>
<p>Ce nouveau poste est inédit car Kerry aura aussi le rang de ministre. Il s’agit d’un signal fort. Les États-Unis sont prêts à travailler collectivement avec les autres partenaires mondiaux. Ce qu’ils vont faire va aussi dépendre des rapports de force politiques à Washington. Encore une fois, un Sénat républicain empêcherait les démocrates de mettre en place une grande réforme écologique, par exemple un « green new deal » comme souhaité par Alexandria Ocasio-Cortez et la jeunesse militante. Par ailleurs, les enjeux autour de l’industrie de l’énergie et notamment du pétrole sont énormes sur le plan économique. Ces secteurs industriels ont des lobbies extrêmement puissants pour financer les campagnes électorales. En termes électoraux, c’est un défi pour les démocrates dans certains territoires clés.</p>
<p><strong>Beaucoup de perspectives donc, mais, comme vous l’avez expliqué, encore faut-il que Joe Biden puisse travailler en collaboration avec le Sénat…</strong></p>
<p>Les États-Unis étant très polarisés, il ne faut pas s’attendre à ce que Biden ait les mains libres dans un Sénat à majorité conservatrice. Cependant, il a un passé d’homme de compromis. Il connaît bien et a <a href="https://www.lopinion.fr/edition/wsj/usa-2020-adversaires-amis-joe-biden-mitch-mcconnell-detiennent-cle-228901">déjà travaillé</a> avec Mitch McConnell, le chef de la majorité républicaine au Sénat, qui, sans aucun doute, va être un « dur à cuire » et c’est un euphémisme. Trump, par ailleurs, continuera d’être très influent, aussi bien au sein du Parti républicain qu’en dehors. Il sera intéressant de voir comment Trump va nourrir tout un récit de la désinformation autour de l’illégitimité du président Biden. Ce sont des choses assez terrifiantes qui se profilent car l’objectif de Trump est, à des fins lucratives, de faire fructifier sa « marque », son « branding », d’entretenir une influence, un soft power dont le socle sera de fragiliser un peu plus la démocratie et ses institutions.</p>
<p><em>Propos recueillis par Lou Surrans et Mathilde Muschel, étudiantes du master journalisme de l’Institut de Journalisme de Bordeaux Aquitaine (IJBA)</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/151128/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Cécile Naves est membre de l'IRIS. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marie-Christine Lipani ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Réconcilier les Américains, promouvoir les droits des femmes, reprendre le fil d’une politique étrangère que son prédécesseur a profondément marquée : Joe Biden n’aura pas la tâche aisée.
Marie-Christine Lipani, Maitre de conférences en Sciences de l’Information et de la Communication habilitée à diriger des recherches à l'Institut de Journalisme Bordeaux Aquitaine (IJBA), Université Bordeaux Montaigne
Marie-Cécile Naves, Docteure en science politique, chercheuse associée au CRI Paris, Learning Planet Institute (LPI)
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2020-09-02T19:25:55Z
2020-09-02T19:25:55Z
Du Lavisse au Bescherelle, ces manuels qui ont marqué des générations d’élèves
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/355572/original/file-20200831-19-11rujn5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=20%2C51%2C1920%2C1241&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Certains manuels sont devenus des incontournables dans leur discipline et résument l'esprit d'une époque.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/illustrations/luggage-school-benches-board-4349237/">DarkWorkX/Pixabay </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.retronews.fr/education/echo-de-presse/2019/08/13/le-petit-lavisse">Lavisse</a>, Bled, Bescherelle, Lagarde et Michard, autant de noms qui restent irrémédiablement liés aux manuels d’histoire, de conjugaison, d’orthographe ou de littérature dont ces professeurs sont les auteurs. Leurs ouvrages ont marqué l’histoire scolaire des XIX<sup>e</sup> et XX<sup>e</sup> siècles, faisant partie de la panoplie de référence des élèves.</p>
<p>Comment expliquer cette longévité ? Comment ces manuels sont-ils devenus les symboles d’une certaine culture scolaire ? Que nous révèlent-ils sur l’organisation de l’Éducation nationale et la façon d’enseigner jusqu’à aujourd’hui ?</p>
<p>Témoins de leur temps et <a href="https://www.peterlang.com/view/title/71025">objets de recherche</a>, les manuels scolaires doivent être appréhendés de <a href="https://www.persee.fr/doc/hedu_0221-6280_1980_num_9_1_1017">manière globale</a>. Pionnier dans leur étude, Alain Choppin a bien montré que le manuel était une <a href="https://journals.openedition.org/histoire-education/565">fausse évidence</a> historique, recouvrant une diversité de formats et d’usages. Outils de mise en œuvre des programmes, traits d’union entre l’institution, les enseignants, les élèves, et les parents, les manuels sont des piliers de l’élaboration d’une <a href="https://journals.openedition.org/histoire-education/1013">culture scolaire</a>, pour reprendre le terme d’André Chervel, issue d’un savoir universitaire encyclopédique</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1143302207711993857"}"></div></p>
<p>Leurs contenus sont parfois contestés pour leurs partis pris. Par <a href="https://www.marianne.net/societe/l-impossible-neutralite-des-manuels-scolaires">leur impossible neutralité</a> ils ont véhiculé, hier comme aujourd’hui, des stéréotypes de genre et de classe. Même si l’on pronostique souvent leur mort face à l’extension des ressources en ligne, ils sont toujours là, sous forme papier ou numérique. La récente période de confinement n’a fait que confirmer cet état de fait avec une <a href="https://www.lesediteursdeducation.com/actu/covid-19-les-editeurs-deducation-mettent-gratuitement-leurs-manuels-numeriques-a-la-disposition-de-tous-les-eleves/">mise à disposition gratuite</a> des manuels numériques, au nom de la continuité pédagogique.</p>
<h2>Romans scolaires</h2>
<p>Ernest Lavisse (1842-1922) fut l’un des auteurs les plus prolifiques et les plus publiés des éditions Armand Colin, avec plus de 20 millions d’exemplaires vendus, pour tous les niveaux d’enseignement. Historien reconnu, il élabore un « roman national » autour d’une <a href="https://bibliobs.nouvelobs.com/documents/20131014.OBS1062/histoire-de-france-le-vice-du-lavisse.html">histoire scolaire</a> centrée sur la France, sa puissance et ses personnages masculins mythifiés.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/355554/original/file-20200831-21-1a0kal.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/355554/original/file-20200831-21-1a0kal.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=932&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/355554/original/file-20200831-21-1a0kal.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=932&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/355554/original/file-20200831-21-1a0kal.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=932&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/355554/original/file-20200831-21-1a0kal.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1171&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/355554/original/file-20200831-21-1a0kal.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1171&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/355554/original/file-20200831-21-1a0kal.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1171&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le Tour de France par deux enfants.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Tour_de_France_par_deux_enfants.jpg">Jean Poussin/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Dans le même esprit, <em>Le tour de France par deux enfants</em> d’Augustine Fouillée, qui signe sous le pseudonyme de G. Bruno, dont la première édition date de 1877, reflète cette même conception du manuel et de la <a href="https://journals.openedition.org/histoire-education/1247">leçon-modèle</a> : un récit encyclopédique qui permet à l’enseignant d’être le pivot de la transmission du savoir, et de développer un discours patriotique dans la France de l’après-guerre de 1870 et de la construction républicaine.</p>
<p>Ce que l’on appelle communément <a href="https://www.retronews.fr/education/echo-de-presse/2019/08/13/le-petit-lavisse">« les petit Lavisse »</a> resteront jusqu’à la Seconde Guerre mondiale les manuels d’histoire de références. Aujourd’hui, bien évidemment, l’évolution de la discipline, celle de l’enseignement vers une réflexion fondée sur l’étude de documents, font du Lavisse un vestige d’une histoire ancienne. Néanmoins, ces ouvrages sont constamment réédités jusqu’à aujourd’hui comme références d’une histoire ancienne et nostalgique.</p>
<h2>Langue et littérature françaises</h2>
<p>Alors qu’Ernest Lavisse, universitaire, écrit pour les enseignants et les élèves à partir de sa conception de l’histoire, Odette et Édouard Bled, instituteurs, conçoivent leur manuel d’orthographe et de grammaire à partir de leurs observations de « terrain ». Incontournable pour toutes les générations d’écoliers depuis sa première édition en 1946, le Bled est souvent associé au « Bescherelle », <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2058410">manuel de conjugaison des verbes</a>.</p>
<p>Soutenus par l’institution scolaire, ces deux ouvrages sont encore perçus comme des ouvrages « officiels », indispensables de la scolarité. Ils n’en reflètent pas moins une certaine vision de l’enseignement. Édouard Bled sera un farouche opposant à toute réforme orthographique et le Bescherelle, en se fondant exclusivement sur un apprentissage par cœur, ne prend pas en compte l’évolution de l’enseignement vers la prise en compte du contexte ou <a href="https://www.albin-michel.fr/ouvrages/toute-la-grammaire-9782226143921">l’analyse d’un texte</a>.</p>
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<span class="caption">Lagarde et Michard, réédition 1993.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bordas éditions</span></span>
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<p>Enseignants du secondaire, puis inspecteurs généraux, André Lagarde et Laurent Michard publient à partir de 1948 une série de manuels scolaires composés d’extraits de textes littéraires de références, d’illustrations et de biographies. Leur première publication marque une <a href="https://www.vousnousils.fr/2005/07/13/lagarde-et-michard-celebres-et-meconnus-243162">révolution éditoriale</a>. Sur six volumes au total, ils proposent, chronologiquement, une anthologie de la littérature française.</p>
<p>Aujourd’hui, les Lagarde et Michard apparaissent plus comme des symboles d’un enseignement secondaire fondé sur l’encyclopédisme. D’autre part, dans le contenu, les choix de certains extraits de textes et de commentaires sont sujets à critiques. Il n’en reste pas moins que ces ouvrages, qui ont eux aussi dépassé les 20 millions d’exemplaires vendus, restent des références pour certains enseignants et surtout la mémoire de plusieurs générations de lycéens.</p>
<h2>Outil d’échanges</h2>
<p>On peut donc légitimement s’interroger sur la longévité de ces ouvrages. S’agit-il d’une capacité hors norme de leur part à se renouveler ou le symptôme d’une certaine inertie pédagogique ? Les pédagogues d’éducation nouvelle comme Célestin Freinet au début du XX<sup>e</sup> siècle ont critiqué ce magister des manuels, supports qui empêcheraient une réflexion autonome des élèves.</p>
<p>Depuis les années 1960, les manuels ne sont plus seulement des livres d’auteurs mais d’équipes. Plus aucun manuel n’a un tel monopole et les multiples maisons d’édition rivalisent d’ingéniosité pour proposer des manuels possédant des illustrations et des documents de haute qualité, et qui prennent en compte l’évolution des méthodes pédagogiques. Il faut préciser que les livres scolaires représentent entre 12 et 18 % du chiffre d’affaires de l’édition française.</p>
<p>Ensuite, l’usage des manuels dans les classes est un sujet complexe. Ils sont une référence, un appui pour la transmission des savoirs pour les enseignants mais aussi un intermédiaire de communication sur les programmes vis-à-vis des parents, et la période du confinement l’a bien montré.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pedagogie-a-distance-les-enseignements-du-e-confinement-137327">Pédagogie à distance : les enseignements du e‑confinement</a>
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<p>Jusqu’à aujourd’hui, les usages du manuel scolaire induisent également une culture et une forme scolaire spécifique, où l’enseignant et son savoir transmis sont au centre de l’institution. Pour l’instant, la révolution du numérique ne semble transformer que peu les choses. Perçus comme des outils privilégiés des <a href="https://www.cairn.info/des-manuels-scolaires-pour-apprendre--9782804130534-page-83.htm">apprentissages</a>, les manuels se doivent aussi d’être des outils pour comprendre les mutations de nos sociétés, et des vecteurs pour transformer nos façons de voir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/142783/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvain Wagnon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Comment expliquer la longévité de certains manuels comme les Bled ou les Lagarde et Michard ? Comment sont-ils devenus les symboles d’une certaine culture scolaire ?
Sylvain Wagnon, Professeur des universités en sciences de l'éducation, Faculté d'éducation, Université de Montpellier
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/130153
2020-01-27T17:10:38Z
2020-01-27T17:10:38Z
Lutte contre la pauvreté : les limites du transfert monétaire
<p>Le <a href="http://www.cashlearning.org/section-thematique/transferts-montaires--usages-multiples"><em>cash transfer</em></a> (CT), ou transfert monétaire, est devenu l’un des outils privilégiés de nombreux bailleurs, à la fois pour lutter contre l’extrême pauvreté et pour aider les populations vulnérables à rebondir face aux catastrophes, notamment naturelles.</p>
<p>L’idée de départ est simple et semble judicieuse. Elle vient de programmes latino-américains, en particulier du programme brésilien de <a href="http://ceriscope.sciences-po.fr/pauvrete/content/part4/bolsa-familia-une-nouvelle-generation-de-programmes-sociaux-au-bresil?page=3">Bolsa familia</a> et du programme mexicain <a href="https://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2008-4-page-881.htm">Progresa-Oportunidades</a>, et a essaimé un peu partout sous l’impulsion des bailleurs, en particulier en Afrique subsaharienne.</p>
<h2>Un principe simple, une mise en pratique complexe</h2>
<p>Il s’agit de verser une petite somme d’argent, à échéance régulière, afin d’aider les bénéficiaires à sortir du cercle vicieux de la pauvreté : en leur garantissant une petite capitalisation, ces aides leur sécurisent un petit revenu. Ces transferts monétaires sont tantôt non conditionnels, seulement liés à la vulnérabilité des bénéficiaires, tantôt conditionnels, c’est-à-dire assortis d’obligations faites aux bénéficiaires, comme celle de scolariser ou de faire vacciner ses enfants, l’objectif étant alors d’inciter à l’adoption de comportements favorisant l’accumulation de capital humain.</p>
<p>Si le principe est simple, sa mise en œuvre est bien plus complexe, et sujette à de nombreuses critiques. La première tient au fond du problème de la pauvreté. En délivrant, pendant un temps donné, un revenu d’assistance, on ne s’attaque pas aux racines des maux dont souffrent les populations : intégration défavorable aux marchés, spoliations foncières, lacunes des systèmes de santé, etc. Mais, répondra-t-on, s’attaquer aux symptômes, ce n’est déjà pas si mal. C’est ici qu’il faut se pencher sur les modalités concrètes de mise en œuvre des programmes de CT.</p>
<p>Il y a quelques années, une <a href="https://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2014-2-page-107.htm">analyse fine</a> avait été menée au Niger, sur cette question, par l’anthropologue franco-nigérien Jean‑Pierre Olivier de Sardan et ses collègues du LASDEL de Niamey. Ces chercheurs y mettaient en évidence les nombreux effets inattendus de ces dispositifs, tels que les tensions sociales induites et les détournements des dispositifs liés aux rapports de force et aux arrangements locaux. Mais, répondra-t-on encore, tout ceci pourrait être spécifique au contexte socioculturel nigérien. L’analyse que nous pouvons faire de dispositifs de CT dans le Sud malgache, très éloigné des réalités nigériennes, semble pourtant aller dans le même sens.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/311626/original/file-20200123-162216-419ope.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/311626/original/file-20200123-162216-419ope.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/311626/original/file-20200123-162216-419ope.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/311626/original/file-20200123-162216-419ope.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/311626/original/file-20200123-162216-419ope.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/311626/original/file-20200123-162216-419ope.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/311626/original/file-20200123-162216-419ope.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue d’un village de la commune d’Ambazoa, Madagascar.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Benoît Lallau</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>L’application du cash transfer dans une région pauvre de Madagascar</h2>
<p>Quelques éléments de contexte : nous sommes dans la région de l’Androy, dans la commune d’Ambazoa, à proximité de la petite ville d’Ambovombe. Une zone vulnérable aux aléas de la faible pluviométrie annuelle : en dessous de 300 mm, le <em>kéré</em> (famine) menace. Et donc une zone qui a vu se déployer de nombreux projets d’appui aux populations, en balance permanente entre urgence et développement. Le CT s’intègre sans mal à cette balance. Ici, il est porté par le Fonds d’Intervention pour le Développement (FID, instance nationale chargée de mettre en œuvre les programmes financés par les bailleurs internationaux), en trois dispositifs voulus complémentaires.</p>
<p>En premier lieu, le « fonds de redressement » vise, en un versement relativement conséquent (180 000 ariary, soit environ 45 euros, le salaire minimum étant fixé à 200 000 ariary), à susciter de petites capitalisations sur pattes (achat de deux chèvres, par exemple). Il s’agit d’un transfert d’actifs appelé à être remboursé grâce au cheptel ainsi initié. En deuxième lieu, le « transfert monétaire non conditionnel », appelé <em>fiavota</em>, consiste en un versement bimensuel de 30 000 ariary aux familles bénéficiaires, plus précisément aux femmes bénéficiaires. Ce fiavota est complété par le « transfert monétaire pour le développement humain » (TMDH), destiné aux familles bénéficiaires scolarisant leurs enfants (10 000 ariary par mois et par enfant, dans la limite de 20 000 ariary), sous-tendu par l’objectif d’une moindre transmission intergénérationnelle de la pauvreté.</p>
<p>Appui à une petite capitalisation, allocation non conditionnelle, complément lié à la scolarité, ciblage spécifique des femmes vulnérables : nous retrouvons là des modalités très courantes des dispositifs de CT. Ce qui montre une fois encore l’étonnante propension des bailleurs à dupliquer partout les mêmes dispositifs, une fois que ceux-ci ont été décrétés efficaces, sans réellement interroger ni leurs impacts réels ni leurs modalités concrètes de mise en œuvre.</p>
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<figcaption>
<span class="caption">Panneau d’information dans la région de l’Androy.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Benoît Lallau</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Les transferts bénéficient-ils vraiment aux plus vulnérables ?</h2>
<p>Interrogeons-les, justement. À commencer par celles du ciblage. C’est là que se situe la première incompréhension pour les populations de la commune d’Ambazoa. Seuls quatre des vingt <em>fokontany</em> (l’échelle administrative correspondant à un village ou un quartier) de la commune sont intégrés au dispositif, faute d’une enveloppe suffisante. Mais alors, quels sont les critères qui ont déterminé ce choix des quatre ? Bien plus que des indicateurs objectivés de vulnérabilité, la présence de personnes importantes dans les fokontany retenus et leur capacité à influer sur le ciblage semblent avoir constitué des critères majeurs.</p>
<p>Le ciblage se poursuit ensuite au sein de chaque fokontany, par le choix des ménages bénéficiaires. Dans celui d’Ambazoa 2, seuls 112 ménages ont été retenus (soit un peu plus de la moitié des ménages du fokontany), en vertu d’un critère à la fois simple et problématique : ce sont des ménages qui font l’objet d’un suivi par l’Office régional de nutrition et dont au moins l’un des enfants présente des signes de malnutrition – une malnutrition révélée grâce à la classique <a href="https://ifrcgo.org/ecv-toolkit/fr/activite/mesure-du-pe-rime-tre-brachial/">mesure de périmètre brachial</a>. Ce critère peut toutefois être assez aisément détourné (par des « prêts » d’enfants par exemple) et permet à des familles en relativement bonne situation de faire partie des bénéficiaires.</p>
<p>Aux deux échelles du ciblage, le fokontany et le ménage, il n’y a donc aucune certitude que ce soit bien les plus vulnérables qui bénéficient du fiavota. Les modalités de ce ciblage provoquent tensions et rancœurs, mais cela ne se dénonce pas, pour les mêmes raisons que celles analysées par les collègues du LASDEL : la peur de s’opposer aux autres villageois, en particulier aux notables ; des arrangements locaux de redistribution partielle au sein des lignages, comme cela se fait très souvent suite aux distributions de vivres par le Programme alimentaire mondial ; et surtout la volonté de toujours montrer l’image d’une communauté soudée au bailleur, afin de le retenir. Et ceux et celles qui, actuellement, ne sont pas bénéficiaires espèrent bien l’être un jour.</p>
<h2>Des dysfonctionnements systémiques</h2>
<p>Une fois les bénéficiaires identifiés, la mécanique de l’allocation des fonds se met en branle. Là encore, guère de surprises. On trouve, outre le bailleur FID, quatre acteurs : une organisation de la société civile (OSC) locale en charge d’organiser le transfert ; au niveau des fokontany bénéficiaires, un comité de protection sociale et un comité de gestion des plaintes ; et, enfin, un opérateur de téléphonie mobile assurant les transferts via les portables des bénéficiaires. Cette configuration, usuelle dans le monde du CT, n’empêche pas les dysfonctionnements.</p>
<p>En premier lieu, le recours à la société de téléphonie mobile doit permettre d’éviter les mouvements trop importants de liquidités et de limiter les risques de détournement, par un envoi direct du cash sur le téléphone des bénéficiaires. Mais cela ne garantit pas que l’argent arrive effectivement à ces bénéficiaires. On s’est heurté aux problèmes des puces bloquées, des comptes sans soldes, mais aussi à des détournements de la part des agents de certains opérateurs, conduisant à un retour des distributions physiques.</p>
<p>En deuxième lieu, l’OSC prestataire peut aussi faire disparaître une partie des montants alloués, en particulier après le décès ou le départ d’un bénéficiaire. En troisième lieu, les comités locaux ne constituent pas non plus des gages absolus d’une bonne marche du système. Ces comités regroupent surtout les notables qui, d’une part, tentent parfois de capter leur part de la manne, et d’autre part, ont intérêt à ce que tout, de l’extérieur, semble bien se passer. En quatrième lieu, le versement du TMDH dépend d’un relevé de présences, dit « fiche de co-responsabilité », délivré par les directeurs d’école – une fiche dont l’exactitude n’est jamais certaine (« prêts » d’enfants, complaisance, négligence, etc.).</p>
<p>Pour faire simple, il semble que tous les maillons du système tentent de prendre leur part. Conséquences : les versements alloués aux bénéficiaires réellement vulnérables sont inférieurs à ce qu’ils devraient être ; et il devient nécessaire de mettre en place des procédures de contrôle à la fois coûteuses et incertaines. Conscient des difficultés, le FID a d’ailleurs récemment remplacé l’OSC prestataire ; charge à la nouvelle OSC de faire rentrer les choses dans l’ordre.</p>
<p>La complexité est une autre réalité qui ressort de l’observation de ce système de CT. Les trois mécanismes qui se combinent, sur des temporalités différentes, rendent le système et ses règles peu compréhensibles pour les bénéficiaires.</p>
<p>L’arbitraire est donc à la fois réel, on l’a vu, mais aussi perçu par des personnes souvent analphabètes, à qui l’on remet des fiches de suivi sans grand sens pour elles, et qui peinent à comprendre les variations des versements d’une échéance à l’autre. De plus, ces échéances sont irrégulières, obligeant certains bénéficiaires à s’endetter auprès d’un usurier (souvent un notable), face à une dépense urgente et dans l’attente du versement du fiavota.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/311621/original/file-20200123-162216-1cgn0l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/311621/original/file-20200123-162216-1cgn0l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/311621/original/file-20200123-162216-1cgn0l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=852&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/311621/original/file-20200123-162216-1cgn0l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=852&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/311621/original/file-20200123-162216-1cgn0l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=852&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/311621/original/file-20200123-162216-1cgn0l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1071&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/311621/original/file-20200123-162216-1cgn0l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1071&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/311621/original/file-20200123-162216-1cgn0l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1071&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Fiche de Fiavota remise aux bénéficiaires.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Benoît Lallau</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Un impact limité</h2>
<p>Il reste justement à aborder la question de l’impact du système pour les bénéficiaires. Le fiavota et son complément scolaire permettent l’octroi de quelques dizaines de milliers d’ariary, tous les deux mois, ce qui peut effectivement contribuer à certaines dépenses (santé, obligations sociales, petits biens manufacturés) ; mais face à une dépense importante, le recours à l’aide des proches ou, à défaut, aux services de l’usurier demeure nécessaire. Quant au fonds de redressement, il ne permet pas à tous les ménages bénéficiaires d’initier une réelle dynamique de capitalisation. Les plus vulnérables sont souvent contraints de revendre les deux chèvres acquises grâce aux 180 000 ariary, pour faire face à des dépenses urgentes, ou bien celles-ci meurent, faute de soins appropriés. </p>
<p>Or pour pouvoir bénéficier de la prochaine tranche du fond, il est exigé de démontrer que l’on a bien eu un comportement « responsable ». On voit alors certains ménages pauvres s’endetter auprès de l’usurier afin de racheter deux chèvres et ainsi présenter une bonne image au bailleur. Paradoxal effet d’un système pensé pour sortir les pauvres de ce type de cercle vicieux. Enfin, l’impact sur l’autonomisation des femmes, qui est recherché par ce ciblage féminin du fiavota, est peu évident, les maris gardant généralement le contrôle sur le revenu du ménage, d’où qu’il vienne. Il peut certes être plus important dans le cas des femmes « chefs de ménages ».</p>
<p>À Ambazoa, comme dans les nombreuses communes du Grand Sud malgache où il a été initié, la balance des bénéfices et des coûts de ce dispositif est donc peu favorable. D’un côté, un impact réel mais faible sur les conditions de vie des bénéficiaires davantage que sur leurs capacités d’accumulation. De l’autre, une grande complexité, un arbitraire réel et/ou ressenti, les tensions sociales induites, et des coûts élevés de fonctionnement et de contrôle. À une époque où les bailleurs exigent de financer des programmes démontrant de réels résultats (<a href="https://www.worldbank.org/en/news/feature/2019/06/28/banking-on-impact-what-you-need-to-know-about-results-based-financing"><em>results-based financing</em></a>), on peut d’ailleurs s’étonner que cette balance défavorable ne conduise pas à interroger la pertinence de tels dispositifs.</p>
<p>Sans doute est-ce parce que personne n’a intérêt à les dénoncer. Ni les bénéficiaires (actuels et potentiels, directs et indirects) bien sûr, pour lesquels c’est toujours mieux que rien et qui ne souhaitent pas fâcher ceux qui interviennent dans leur fokontany. Ni les multiples intermédiaires, <a href="http://blogs.worldbank.org/fr/nasikiliza/grand-sud-malgache-de-lurgence-la-resilience">employés des bailleurs</a>, experts de tous poils, ONG prestataires, comités locaux, qui vivent de ce système et captent une large partie des fonds présentés comme devant profiter aux bénéficiaires. Au risque d’entretenir le soupçon qui pèse sur un système de l’aide qui aurait pour finalité première de s’autoalimenter, plutôt que sortir véritablement les populations pauvres de leur vulnérabilité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130153/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claire Gondard-Delcroix a reçu des financements de la Région Nouvelle Aquitaine de l'Institut de Recherche pour le Développement, de l'Université de Bordeaux. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Benoît Lallau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Une étude conduite à Madagascar montre les limites de la pratique du « cash transfer », pourtant plébiscitée par les bailleurs dans de nombreux pays du monde.
Benoît Lallau, Maître de conférences, Sciences Po Lille
Claire Gondard-Delcroix, Enseignante-chercheuse en économie, Institut de recherche pour le développement (IRD)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/124759
2019-10-06T19:40:38Z
2019-10-06T19:40:38Z
BD « Sciences en bulles » : Des robots qui apprennent à lire
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/295711/original/file-20191006-118239-xgshmc.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=40%2C27%2C1332%2C928&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.fetedelascience.fr/pid35151-cid144926/-sciences-en-bulles-le-nouveau-livre-de-la-fete-de-la-science-2019.html">Peb&Fox/Syndicat national de l’édition</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet extrait de la BD <a href="https://www.fetedelascience.fr/pid34623-cid144926/sciences-en-bulles-la-recherche-en-bd.html">« Sciences en bulles »</a> est publié dans le cadre de la Fête de la science (du 5 au 13 octobre 2019 en métropole et du 9 au 17 novembre en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème : « À demain, raconter la science, imaginer l’avenir ». Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<hr>
<p>Mon but : aider les chercheurs, tous domaines confondus, à trouver les informations dont ils ont besoin dans l’océan des publications scientifiques. Sachant qu’il y en a beaucoup trop pour y parvenir sans l’aide d’un robot. Mais d’un robot… éduqué ! Car, aujourd’hui, malheureusement, aucun n’a encore le niveau pour comprendre un texte aussi bien qu’un humain.</p>
<p>J’évolue donc sur les terres de l’intelligence artificielle (IA), dont l’objet est de réaliser des programmes capables de simuler l’intelligence. Je m’intéresse plus particulièrement à l’intelligence linguistique, c’est-à-dire à la capacité de comprendre une langue. La branche de l’IA qui vise à créer des programmes dotés de cette capacité est appelée « traitement automatique des langues ». C’est mon domaine.</p>
<p>Mon travail consiste à écrire de nouveaux programmes informatiques toujours plus performants, capables d’apprendre à repérer, dans la masse des informations, celles qui seront utiles à leurs utilisateurs.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/295710/original/file-20191006-118228-1ww2pwb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/295710/original/file-20191006-118228-1ww2pwb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/295710/original/file-20191006-118228-1ww2pwb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=618&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/295710/original/file-20191006-118228-1ww2pwb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=618&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/295710/original/file-20191006-118228-1ww2pwb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=618&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/295710/original/file-20191006-118228-1ww2pwb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=777&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/295710/original/file-20191006-118228-1ww2pwb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=777&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/295710/original/file-20191006-118228-1ww2pwb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=777&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.fetedelascience.fr/pid35151-cid144926/-sciences-en-bulles-le-nouveau-livre-de-la-fete-de-la-science-2019.html">Peb&Fox/Syndicat national de l’édition</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p><em>Retrouvez les créations dessinées du duo Peb & Fox <a href="http://www.pebfox.com/blog/">sur leur blog</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124759/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arnaud Ferré ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Avec la complicité dessinée du duo Peb & Fox, on fait le tri dans l’océan des informations grâce à l’intelligence artificielle.
Arnaud Ferré, Docteur en intelligence artificielle appliquée aux sciences du vivant, Université Paris-Saclay
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/124537
2019-10-02T17:52:19Z
2019-10-02T17:52:19Z
Y a-t-il une éducation au climat digne de ce nom en France ?
<p>La préoccupation climatique aura particulièrement occupé l’actualité du mois de septembre : un sommet des Nations unies à New York, les grèves et marches des jeunes pour le climat dans de nombreux pays, le rapport spécial <em>Océans et Cryosphère</em> publié par le Groupe intergouvernemental pour l’étude du climat, ouragans et incendies…</p>
<p>Mais quelle place exacte nos lycées, collèges et écoles, qui ont récemment fait leur rentrée, font-ils à l’enseignement du changement climatique ?</p>
<p><a href="https://unfccc.int/resource/docs/2015/cop21/fre/l09f.pdf">L’article 12</a> de l’Accord de Paris, ratifié à la suite de la COP21 (2015), fait obligation aux signataires de se préoccuper d’une telle éducation pour tous les élèves. Au printemps dernier, une pétition signée d’éminents climatologues interrogeait vigoureusement la situation en France. <a href="https://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/194000526-premier-rapport-annuel-du-haut-conseil-pour-le-climat-agir-en-coherence-avec-les-ambitions/">Le premier rapport</a> du Haut-Conseil pour le climat souligne qu’« il faut intégrer systématiquement les connaissances sur le changement climatique, les émissions de GES et les actions bas carbone dans les systèmes d’éducation ».</p>
<p>Sans doute sensible à la mobilisation de la jeunesse comme à celle des scientifiques, le ministère de l’Éducation nationale a tardivement pris conscience de la nécessité d’agir, nécessité d’autant plus impérieuse que tout changement au sein du système éducatif prend du temps.</p>
<p>En juin dernier, le ministre a saisi le Conseil supérieur des programmes – où siègent notamment des députés et sénateurs – pour lui demander d’étudier, au collège et à l’école primaire, « des enseignements plus explicites, plus précis et plus complets… ayant trait au changement climatique, à la biodiversité et au développement durable, intégrés dans toutes les disciplines… avec une base scientifique progressivement consolidée ».</p>
<p>Vaste programme, dont il faut espérer la cristallisation opérationnelle et concrète dès la rentrée 2020.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1176804726274449408"}"></div></p>
<h2>Ignorance des faits et du consensus scientifique</h2>
<p>De fait, il est déjà bien tard. Nombre de témoignages, de parents comme de professeurs, attestent du désarroi, voire de l’angoisse ressentie par de jeunes enfants ou adolescents, démunis ou crédules en entendant que la planète est en perdition, une nouvelle extinction en marche, l’humanité entière menacée de collapse, voire de disparition.</p>
<p>Et les adolescents, s’interrogeant sur leurs choix professionnels à venir, ne sont pas en reste. <a href="https://theconversation.com/leco-anxiete-une-angoisse-salutaire-123028">L’éco-anxiété</a>, charriée par les réseaux sociaux, serait-elle le nouveau mal du siècle ? En Europe, aux États-Unis, en Australie, des chercheurs ont analysé en profondeur, chez des jeunes de 12 à 25 ans, le <a href="https://climatecommunication.yale.edu/publications/american-teens-knowledge-of-climate-change">rôle des connaissances</a>, des valeurs et des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/wcc.353">engagements</a> autour des questions climatiques.</p>
<p>Il en ressort une grande ignorance des faits et du consensus scientifique sur ceux-ci, de sérieuses confusions entre adaptation et atténuation, mais aussi une place de choix donnée à certains « messagers » que ces jeunes estiment fiables, au premier rang desquels figurent leurs professeurs.</p>
<p>Aujourd’hui, si tous nos élèves savent que « la Terre se réchauffe », très rares sont ceux auxquels ont été expliqués les phénomènes en jeu et les ordres de grandeur associés.</p>
<p>Une analyse soignée des <a href="http://cache.media.education.gouv.fr/file/MEN_SPE_11/67/3/2015_programmes_cycles234_4_12_ok_508673.pdf">actuels programmes</a> de l’école et du collège en France, lesquels sont communs à tous les élèves, montre qu’à une ou deux rares exceptions en primaire, les connaissances climatiques n’y apparaissent que timidement à partir de la classe de 6<sup>e</sup>. Dans les trois années qui suivent, elles figurent de-ci de-là, évoquées en géographie et en sciences de la vie et de la Terre (SVT) sous forme quelque peu désordonnée et impressionniste.</p>
<p>On comprend que le chantier qui s’ouvre sera difficile. Il devrait donner aux élèves un cadre structuré de pensée, leur permettant d’avoir une vision globale, quoiqu’ici élémentaire, du système Terre (continents, océan, atmosphère, glaces, biosphère et leurs couplages mutuels), de son évolution rapide sous l’influence humaine, des risques encourus, et des solutions encore accessibles, tant pour l’adaptation que pour l’atténuation. Il devrait aussi pointer l’indispensable solidarité globale et l’exigence de justice climatique. Il devrait enfin souligner que la science analyse des faits et des stratégies, évalue des probabilités, dessine des scénarios pour l’avenir, mais qu’elle ne dicte pas des choix qui relèvent de valeurs et du libre débat démocratique.</p>
<h2>Une indispensable vision systémique</h2>
<p>Au collège, la fragmentation disciplinaire des professeurs joue contre cette indispensable vision systémique. Seul un travail collectif, un narratif obligé par le programme et commun à tous, permettrait de restituer aux élèves la cohérence de la science climatique et le paysage des actions possibles. À l’école primaire, avec son unique professeur traitant de toutes les disciplines, la tâche sera plus aisée.</p>
<p>Pour tous ces jeunes entre 6 et 16 ans, l’essentiel est de structurer leur pensée de façon rationnelle et de leur offrir, par des projets et une <a href="http://oce.global/fr/oce/a-propos">pédagogie active</a> du type <a href="http://fondation-lamap.org">« La main à la pâte »</a>, des activités qui, pour modestes qu’elles soient dans leur voisinage immédiat, fassent sens – telle l’estimation du bilan carbone de chacun, de la famille, de l’école, du quartier. Dans le sillage de « La main à la pâte », la création en 2018 de l’<a href="http://oce.global">Office for Climate Education</a> à Paris vise à accompagner les enseignants par des outils adaptés et de qualité scientifique indiscutable, en écho aux <a href="https://www.ipcc.ch/reports/">rapports successifs du GIEC</a>.</p>
<p>Au lycée, la maturité des élèves permettrait de construire des connaissances plus approfondies, ouvrant à l’exercice prochain de leur citoyenneté. La réforme du lycée général est <a href="https://www.education.gouv.fr/pid285/bulletin_officiel.html?pid_bo=39051">entrée en vigueur tout récemment</a>. La classe de 2nde demeure indifférenciée, et le climat de la Terre en est pratiquement absent. Puis en 1<sup>re</sup> et terminale (pour 2020), les anciennes sections S, ES et L sont supprimées, remplacées par un tronc commun à tous les élèves (soit près de 350 000 par niveau) accompagné d’un menu « à la carte » de spécialités, choisies par chaque élève.</p>
<p>Dans le tronc commun, le mot « climat » ne figure ni en géographie, ni en enseignement moral et civique (EMC), ni en philosophie. « L’environnement », notion très générale, parfois fourre-tout, aux multiples facteurs, est mentionné une à deux fois en EMC et en géographie. L’innovation, réelle, se trouve dans un enseignement scientifique interdisciplinaire, de deux heures hebdomadaires. Le climat terrestre, le réchauffement actuel et ses impacts, la consommation énergétique et la transition écologique y trouvent une place explicite, quoique modeste (à peine 20 % en 1<sup>re</sup>, environ 50 % en terminale).</p>
<p>Ici une vision systémique est bien proposée, éclairée par chacune des sciences : physique, chimie, sciences du vivant et de la planète, mathématiques. L’expérience dira si les professeurs de science savent collectivement mettre en valeur cette vision, en associant économistes, géographes et philosophes à leur enseignement. Elle dira aussi si place est faite, par un dédoublement de classes souvent pléthoriques, à une pédagogie active comprenant des projets et des expériences.</p>
<p>Seule la petite fraction d’élèves (de l’ordre d’un quart au plus), choisissant en 2020 la spécialité « Sciences de la vie et de la Terre » en terminale, recevra une exposition bien plus solide, quoique coupée de la physique-chimie qui se limite à conseiller « d’évoquer » le climat à propos de l’énergie. Enfin, la spécialité « économie » fait une modeste place aux conséquences du changement climatique.</p>
<p>La réforme du lycée professionnel, en cours, ne comprend pour le moment aucune exposition structurée aux questions climatiques, non plus que les sections technologiques du lycée général. N’y aurait-il pas une profonde injustice à ce que, face à cet enjeu planétaire, un bon tiers des jeunes de chaque classe d’âge, de surcroît souvent plus démunis que les élèves du lycée général, ne soient pas dotés d’un minimum d’outils de compréhension ?</p>
<p>En conclusion, une action vigoureuse est nécessaire à l’école et au collège. Au lycée général, les nouveaux programmes pourraient suffire à donner des bases solides à une partie de la jeunesse, à condition qu’au sein de l’établissement un travail collectif des professeurs, élargi à la plupart des disciplines, assure la <a href="http://documents.irevues.inist.fr/handle/2042/70363">cohérence des connaissances</a>. Dans les voies technologiques et surtout professionnelles, tout est à faire. Partout, la <a href="https://www.education.gouv.fr/pid285/bulletin_officiel.html?cid_bo=144377">généralisation récente des éco-délégués</a> ouvre peut-être une piste ?</p>
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<figcaption><span class="caption">Les 5 missions de l’éco-délégué. (Éducation France, 2019).</span></figcaption>
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<p>Sans doute certains argumenteront-ils que les programmes scolaires ne peuvent se saisir à tout moment de toutes les questions sociétales brûlantes, et doivent conserver une certaine distance dans la transmission des savoirs. Certes, mais ici, serait-il vraiment légitime de se contenter d’une <em>school as usual</em>, à l’image des scénarios les plus catastrophiques du GIEC que l’on intitule <em>business as usual</em> ? <a href="https://www.lalibrairie.com/livres/l-education-en-anthropocene_0-6236291_9782356876744.html?ctx=9feebeb87ebb2e5910f5cc2f2a71026b">Entendons la voix de la jeunesse</a> qui est aussi, ici, celle de la sagesse.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124537/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>L’Office for Climate Education (OCE), dont Pierre Léna est le président du Conseil stratégique, reçoit des financements de nombreux organismes publics (ministères, MétéoFrance…) et privés (Fondation Luciole de l’Institut de France, Fondation Siemens…). </span></em></p>
Si les élèves savent que « la Terre se réchauffe », très rares sont ceux auxquels ont été expliqués les phénomènes en jeu.
Pierre Léna, Professeur émérite, Observatoire de Paris & Université Paris-Diderot, Observatoire de Paris
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/120777
2019-07-26T07:08:05Z
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Langages des maths, langages de l’informatique
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/285492/original/file-20190724-110175-vefkzd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C32%2C976%2C633&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Equations au tableau noir</span> <span class="attribution"><span class="source">Photothèque Inria</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p><em>Un nouvel « entretien autour de l’informatique » : Serge Abiteboul et Gilles Dowek interviewent Thierry Coquand, informaticien et mathématicien français, professeur à l’Université de Göteborg en Suède. Thierry Coquand est l’auteur de nombreux travaux en théorie de la démonstration et sur les mathématiques constructives. Il est, en particulier, à l’origine, avec Gérard Huet, du Calcul des constructions, qui est la théorie implémentée dans le système Coq. Cet article est co-publié avec le <a href="https://www.lemonde.fr/blog/binaire/">Blog Binaire</a> ».</em></p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/285487/original/file-20190724-110191-1mmkt7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/285487/original/file-20190724-110191-1mmkt7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=801&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/285487/original/file-20190724-110191-1mmkt7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=801&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/285487/original/file-20190724-110191-1mmkt7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=801&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/285487/original/file-20190724-110191-1mmkt7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/285487/original/file-20190724-110191-1mmkt7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/285487/original/file-20190724-110191-1mmkt7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Thierry Coquand.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikipedia</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p><strong>Binaire : tes travaux se situent à la frontière de l’informatique et des mathématiques. Est-ce que ce sont pour toi deux domaines distincts ?</strong></p>
<p><strong>Thierry Coquand :</strong> le point de départ de ma thèse était une tentative d’identifier ces deux domaines. Avec le recul, je me rends compte de la naïveté de ce projet. Cependant, il existe des analogies remarquables entre les deux domaines, qui nous apprennent énormément sur l’un et sur l’autre, et c’est cela qui m’intéresse.</p>
<p><strong>Peux-tu nous parler d’une de ces analogies que tu as étudiée dans ta thèse ?</strong></p>
<p>Dans ma thèse, je me suis intéressé au raisonnement mathématique et à sa représentation sur un ordinateur. L’étude du raisonnement est ancienne, mais l’arrivée de l’informatique l’a bouleversée, car il devenait possible de confier à une machine la vérification de la correction des raisonnements.</p>
<p>Avant la rencontre avec l’informatique, les mathématiciens, notamment Bourbaki, étaient déjà allés très loin sur le chemin de la formalisation des démonstrations, mais ils voyaient bien les limites de cette démarche. Si on donne tous les détails dans une démonstration, si on la formalise totalement, elle devient vite trop longue et illisible pour les humains. En revanche, un ordinateur a besoin de tous ces détails et ne s’effraie pas de la longueur des démonstrations. L’arrivée de l’informatique changeait donc tout.</p>
<p>J’ai été influencé par les travaux du mathématicien néerlandais, Nicolaas de Bruijn, qui a eu l’idée d’utiliser des notations issues de l’informatique pour représenter les démonstrations. Ses travaux, ceux du statisticien et logicien suédois Per Martin-Löf et du logicien français Jean‑Yves Girard m’ont beaucoup influencé. Ma thèse fait la synthèse des langages qu’ils ont proposés.</p>
<p>On retrouve dans nos travaux, l’idée que les démonstrations mathématiques sont des programmes exprimés dans un type particulier de langage de programmation : un langage fonctionnel, comme les langages Lisp ou ML. Cette manière d’exprimer les programmes est particulièrement appropriée pour obtenir une représentation uniforme des programmes informatiques et des démonstrations mathématiques. La programmation fonctionnelle apporte comme une correspondance magique entre programmes et démonstrations. C’est ce que j’ai fait dans ma thèse. Et c’est le programme que j’ai poursuivi pendant trente ans dans un domaine qui reste toujours très riche.</p>
<p>Cette correspondance entre programmes fonctionnels et démonstrations jette rétrospectivement une lumière nouvelle sur les travaux des logiciens des années 1930, par exemple ceux de Gerhard Gentzen, qui y trouve en quelque sorte les bons langages pour être exprimés.</p>
<p>On peut aussi s’intéresser à la généralisation de cette correspondance à d’autres types de langages de programmation. C’est une direction de recherche active aujourd’hui.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/285489/original/file-20190724-110166-1t173ns.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/285489/original/file-20190724-110166-1t173ns.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/285489/original/file-20190724-110166-1t173ns.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/285489/original/file-20190724-110166-1t173ns.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/285489/original/file-20190724-110166-1t173ns.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/285489/original/file-20190724-110166-1t173ns.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/285489/original/file-20190724-110166-1t173ns.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Travail en collaboration.</span>
<span class="attribution"><span class="source">© Inria / Photo C. Morel</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p><strong>Le langage pour décrire des algorithmes ou des démonstrations. C’est bien le sujet ?</strong></p>
<p>On connaît depuis longtemps l’importance des notations en mathématiques. J’aime bien l’exemple de Leibniz. Une de ses grandes contributions pour le calcul différentiel tient dans les notations qu’il introduit. De Bruijn aussi a passé beaucoup de temps à comprendre ce que sont les bonnes notations en logique et en mathématique.</p>
<p>L’informatique ici aussi apporte un renouveau : parce que les systèmes qu’ils conçoivent sont très complexes, les informaticiens sont obligés de trouver de bonnes notations.</p>
<p><strong>La manière d’exprimer les démonstrations évolue avec le temps, n’est-ce pas contradictoire avec l’idée d’objectivité de la vérité mathématique ?</strong></p>
<p>La correction d’un raisonnement mathématique doit être un fait objectif. Mais le chemin vers la perfection est long et ce que nous avons découvert, depuis cinquante ans est qu’écrire des démonstrations absolument correctes est impossible sans ordinateur. Chaque étape du développement des mathématiques nous a cependant apporté de nouvelles notations qui nous ont rapproché de cet idéal. C’est pour cela qu’il y a une histoire de des langages d’expression des démonstrations.</p>
<p>Il nous reste cependant encore beaucoup de progrès à faire : les démonstrations formelles que nous écrivons aujourd’hui sont difficilement lisibles par les humains. Nous devons donc comprendre comment concilier complexité, correction et lisibilité. Nous ne sommes qu’au début de cette histoire.</p>
<p><strong>L’informatique également est confrontée à cette complexité ?</strong></p>
<p>Les informaticiens sont confrontés à la complexité des programmes, de même que les mathématiciens confrontés à celle des démonstrations. Ils ont donc eux aussi besoin de vérifier que leurs programmes sont corrects, qu’ils font bien ce qu’ils sont supposés faire. Les outils pour raisonner sur les programmes, pour vérifier leur correction sont les mêmes que ceux qui permettent de vérifier la correction des démonstrations mathématiques.</p>
<p>C’est une autre illustration de cette correspondance fantastique entre programmes et démonstrations.</p>
<p><strong>Peux-tu nous donner un exemple de cette complexité ? Où voit-on des signes d’imperfection dans la représentation formelle des raisonnements ?</strong></p>
<p>Georges Gonthier et son équipe ont formalisé une démonstration du théorème de Feit-Thompson. La démonstration de ce théorème était connue depuis les années 1960 mais il leur a fallu six ans pour construire cette démonstration formelle, c’est bien le signe que tout n’était pas dit dans la démonstration originale. La démonstration de Georges nous permet d’avoir véritablement confiance dans ce résultat. Mais au delà, elle nous permet aussi de maîtriser la complexité du problème, de l’analyser, de comprendre sa structure de façon plus fondamentale.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/285490/original/file-20190724-110187-1t5w0ks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/285490/original/file-20190724-110187-1t5w0ks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=819&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/285490/original/file-20190724-110187-1t5w0ks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=819&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/285490/original/file-20190724-110187-1t5w0ks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=819&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/285490/original/file-20190724-110187-1t5w0ks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1029&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/285490/original/file-20190724-110187-1t5w0ks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1029&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/285490/original/file-20190724-110187-1t5w0ks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1029&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Walter Feit-Konrad Jacobs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikipedia</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>À mes yeux, le plus intéressant dans ce tour de force est que pour y arriver il s’est appuyé sur ses intuitions d’informaticien. C’est exactement ce que Gérard Huet et moi avions en tête quand nous avons commencé notre travail sur le Calcul des constructions : l’idée que nos intuitions de mathématiciens étaient utiles pour écrire des programmes et que nos intuitions d’informaticiens étaient symétriquement utiles pour écrire des démonstrations.</p>
<p>Ces systèmes de vérification de démonstrations formelles arrivent aussi à un moment particulier de l’histoire des mathématiques. On commence depuis quelques années à voir apparaître des démonstrations de plusieurs centaines de pages. Les mathématiciens s’attaquent aujourd’hui à des démonstrations très complexes qu’il devient quasiment impossible de vérifier « à la main ».</p>
<p><strong>En astronomie, la lunette permet de dépasser les limites de l’œil ? Les systèmes de vérification de démonstrations sont-ils des outils analogues pour les mathématiciens ?</strong></p>
<p>C’est une motivation bien sûr. On peut rêver de proposer aux mathématiciens des outils à la mesure de leurs rêves, des outils qui leurs permettent de dompter la complexité de certaines démonstrations. Mais nous n’en sommes qu’au début. Les mathématiciens ne se sont pas encore emparés de ces logiciels comme les astronomes des télescopes. Peut-être l’outil est-il encore trop récent ?</p>
<p><strong>L’outil, c’est la programmation fonctionnelle qui permet d’unifier la démonstration mathématique et la programmation.</strong></p>
<p>TC : un même outil mathématique, le lambda-calcul, représente remarquablement bien à la fois la structure d’une démonstration mathématique et celle d’un algorithme. C’est ce même objet qui est à l’origine de la programmation fonctionnelle.</p>
<p><strong>Mais peut-on exprimer n’importe quel raisonnement ?</strong></p>
<p>Dans les années 1900-1930, il y a eu de grands débats en logique. Peut-on démontrer l’existence d’un objet sans jamais montrer cet objet. C’est ce qu’il se passe, par exemple, dans un raisonnement par l’absurde. Si on suppose qu’un tel objet n’existe pas, on arrive à une contradiction. Donc un tel objet existe parce qu’il est impossible qu’il n’existe pas. Dans un tel argument, on ne montre jamais l’objet dont on démontre l’existence. On n’a pas le début d’une idée pour imaginer à quoi il ressemble. Avec le lambda-calcul, on se focalise sur les démonstrations « constructives », celles qui montrent comment construire les objets dont elles montrent l’existence.</p>
<p><strong>Faut-il interdire le raisonnement par l’absurde ?</strong></p>
<p>Non bien entendu, mais les démonstrations par l’absurde occupent une place singulière au sein des démonstrations. Cette singularité fait qu’ils trouvent mal leur place dans la correspondance entre programmes et démonstrations. Cette correspondance est surtout une correspondance entre les programmes fonctionnels et les démonstrations constructives. Peut-on aller au-delà des démonstrations constructives ? C’est une direction de recherche active aujourd’hui.</p>
<p><strong>Tu as apporté des contributions considérables avec le Calcul des constructions, qui est la base du système Coq. Aujourd’hui sur quoi portent tes travaux ?</strong></p>
<p>Ma réponse va peut-être surprendre les lecteurs de Binaire et de The Conversation. Mais depuis trente ans nous sommes bloqués par une question qui a l’air simple. Qu’est-ce que l’égalité ? Comment définir ce symbole que nous notons « = » ? Les réponses que, depuis Leibniz, nous avons apportées à cette question sont toutes insatisfaisantes. Car elles n’égalisent pas assez d’objets, nous voudrions montrer que tel objet est égal à tel autre, mais nous n’y parvenons pas car notre définition de l’égalité est trop tatillonne.</p>
<p>Un grand mathématicien, Vladimir Voevodsky s’est intéressé à la question. Ses démonstrations étaient tellement complexes qu’elles n’étaient pas suffisamment vérifiées. Il s’inquiétait du fait que des erreurs pourraient rester ignorées et a donc cherché à les vérifier en utilisant le système Coq.</p>
<p>Il a alors découvert des analogies surprenantes entre la topologie, c’est-à-dire la théorie de la représentation des formes et celle de l’égalité. À côté, de la correspondance entre programmes et démonstrations, apparaissait une nouvelle correspondance entre l’homotopie et l’égalité dans la théorie des types. C’est véritablement remarquable !</p>
<p><strong>Pourrais-tu nous dévoiler un des secrets de tes succès professionnels ?</strong></p>
<p>Ce n’est pas un secret : le travail d’équipe. Ce que j’ai fait n’était possible qu’avec les gens qui sont venus avant comme mon directeur de thèse, Gérard Huet, et d’autres pour poursuive les travaux après comme Hugo Herbelin. On bâtit nos résultats sur ceux des autres. J’ai mentionné des travaux qui ont influencé ma recherche. Et leurs impacts ne dépendent pas que de nous. La théorie des constructions n’aurait jamais eu cet impact sans le système Coq, c’est-à-dire plus de 15 ans de travail d’une équipe brillante.</p>
<p><strong>Pourrait-on enseigner cela aux enfants ?</strong></p>
<p>J’aimerais que toute cette théorie serve pour enseigner les démonstrations aux enfants. Ce sujet passionnait déjà de Bruijn. La notion de démonstration est difficile à enseigner aux enfants. Qu’est-ce que c’est une démonstration ? Comment peut-on se convaincre qu’elle est correcte ? Est-ce que j’ai donné assez de détail pour convaincre quelqu’un d’autre ? Il me semble qu’enseigner la notion de démonstrations en s’appuyant sur la vérification d’algorithmes est la bonne direction. Il y a par exemple les travaux là-dessus de Julien Narboux à Strasbourg. Les enfants comprennent bien la notion d’algorithme et la proximité des notations entre programmes et démonstrations facilite la tâche.</p>
<p><strong>Quelques définitions :</strong> </p>
<p>. <strong>Programmation fonctionnelle</strong> : les langages de programmation fonctionnels forment une famille de langage, dans laquelle un programme n’est pas vu comme la prescription d’une succession d’étapes devant être exécutées l’une après l’autre, mais comme la description d’une fonction qui à chaque argument associe une valeur. La programmation fonctionnelle vient du le lambda-calcul, un langage inventé dans les années 1930, donc avant la construction des premiers ordinateurs, pour exprimer les algorithmes. Des exemples de langages fonctionnels : Lisp, ML, Haskell, OCaml, Scala.</p>
<p><strong>Curry-Howard</strong> : La correspondance de Curry-Howard, appelée également correspondance de Curry-de Bruijn-Howard, correspondance démonstration/programme ou correspondance formule/type, est une série de résultats à la frontière entre la logique mathématique, l’informatique théorique et la théorie de la calculabilité. Ils établissent des relations entre les démonstrations formelles d’un système logique et les programmes d’un modèle de calcul. Les premiers exemples de correspondance de Curry-Howard remontent à 1958, date à laquelle Haskell Curry remarqua l’analogie formelle entre les démonstrations des systèmes à la Hilbert et la logique combinatoire, puis à 1969 où William Alvin Howard remarqua que les démonstrations en déduction naturelle intuitionniste pouvaient formellement se voir comme des termes du lambda-calcul typé.</p>
<p><strong>Coq</strong> est un assistant de démonstration fondé au départ sur le Calcul des Constructions (une variété de calcul fonctionnel typé) introduit par Thierry Coquand et Gérard Huet. Il permet l’expression d’assertions mathématiques, vérifie automatiquement les démonstrations de ces affirmations, et aide à trouver des démonstrations formelles. Thierry Coquand, Gérard Huet, Christine Paulin-Mohring, Bruno Barras, Jean‑Christophe Filliâtre, Hugo Herbelin, Chet Murthy, Yves Bertot, Pierre Castéran ont obtenu le prestigieux 2013 ACM Software System Award pour la réalisation de Coq.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/120777/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Conversation avec Thierry Coquand, informaticien et mathématicien français, co-découvreur du système Coq. En collaboration avec le Blog Binaire.
Serge Abiteboul, Directeur de recherche à Inria, membre de l'Académie des Sciences, École normale supérieure (ENS) – PSL
Gilles Dowek, Chercheur au LSV, laboratoire d'informatique de l'ENS Cachan, et professeur attaché à l'ENS Paris-Saclay., École Normale Supérieure Paris-Saclay – Université Paris-Saclay
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tag:theconversation.com,2011:article/104033
2018-11-19T19:48:57Z
2018-11-19T19:48:57Z
Comprendre l’intelligence artificielle symbolique
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/246218/original/file-20181119-76131-qco75v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C14%2C4839%2C2991&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Comprendre d'intelligence artificielle symbolique : un jeu d'enfants</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/zFSo6bnZJTw">NeONBRAND on Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Peut-on apprendre à compter à un ordinateur ? Vous me direz « à quoi bon ? » puisque ce genre de machines possède déjà des circuits qui font fort bien les additions et les multiplications. Mais là n’est pas notre propos : peut-on enseigner à une machine les connaissances de base de l’arithmétique, puis lui demander de les appliquer en raisonnant, en lui posant un problème comme : « trouver tous les nombres entiers dont le produit fait 80 ».</p>
<p>Si nous réussissons, nous pouvons envisager plus généralement de transmettre à une machine bien d’autres sortes de connaissances, pour qu’elle puisse résoudre une grande variété de problèmes. Tel est un des buts de l’intelligence artificielle symbolique, étudiée depuis les années 1950, et très utilisée dans les années 1980.</p>
<h2>Apprendre à parler le Prolog</h2>
<p>Vous allez voir que toutes les connaissances permettant de maîtriser l’addition tiennent en deux phrases, et nous verrons comment les coder dans le langage <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Prolog">Prolog</a>.</p>
<p>L’intelligence artificielle symbolique se différencie de l’intelligence artificielle connexionniste, sous les feux de la rampe depuis une dizaine d’années, bien qu’aussi ancienne. La première part de connaissances générales transmises à la machine par des humains pour résoudre des problèmes, la seconde part d’exemples de solutions qu’elle essaie d’extrapoler par des méthodes statistiques.</p>
<p>Prolog est un langage informatique inventé en 1972 à L’université de Marseille par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Alain_Colmerauer">Alain Colmerauer</a>. Basé sur la logique, il est une des principales innovations en informatique de ces cinquante dernières années.</p>
<p>Nous allons procéder comme nous le faisons avec les jeunes enfants pour leur apprendre les premiers rudiments des mathématiques.</p>
<p>D’abord, il faut apprendre à compter, à l’aide de comptines que l’on apprend par cœur :</p>
<blockquote>
<p>Un, deux, trois, quatre, cinq, six… <br>
Qu’est-ce qu’il y a après sept ? huit. Très bien !<br>
Tu sais compter jusqu’à combien ? vingt. Excellent !</p>
</blockquote>
<p>Avec Prolog, on va dire à l’ordinateur :</p>
<blockquote>
<p>apres(un,deux).<br>
apres(deux,trois).<br>
apres(trois,quatre).<br>
apres(quatre,cinq).<br>
[…]<br>
apres(douze,<em>treise</em>).</p>
</blockquote>
<p>Vous vous arrêtez quand vous voulez, vous pouvez faire quelques fautes d’orthographe… Maintenant, on peut poser des questions à la machine :</p>
<blockquote>
<p>apres(trois,X) ?<br>
Elle nous répond gentiment : X = quatre<br>
apres(douze,X) ? :<br>
Réponse : X = <em>treise</em></p>
</blockquote>
<p>Un peu plus difficile (pour les enfants)</p>
<blockquote>
<p>apres(X,dix) ? :<br>
Réponse : X = neuf</p>
</blockquote>
<p>Quels sont les deux nombres avant sept ?</p>
<blockquote>
<p>apres(X,Y), apres(Y,sept) ?<br>
Réponse : X = cinq, Y = six</p>
</blockquote>
<p>Pas si mal.</p>
<h2>Passons aux additions</h2>
<p>Une première solution est d’apprendre à la machine la table d’addition :</p>
<blockquote>
<p>somme(un,un, deux).<br>
somme(un,trois,quatre).<br>
… <br>
somme(un, douze, treise).<br>
… <br>
somme(trois,cinq,huit).<br>
somme(trois,six,neuf).<br>
…</p>
</blockquote>
<p>Ensuite vous pouvez demander :</p>
<blockquote>
<p>somme(trois,quatre,X) ? :<br>
Réponse : X= sept. </p>
</blockquote>
<p>Bravo ! Et, beaucoup plus fort, la machine en sait maintenant assez pour faire des soustractions :</p>
<blockquote>
<p>somme(trois,X,sept) ?<br>
Réponse : X = quatre.</p>
</blockquote>
<p>Mais encore :</p>
<blockquote>
<p>somme(X,Y,quatre) ?<br>
Réponse : X = un, Y = trois<br>
X = deux, Y = deux<br>
X = trois, Y = un</p>
</blockquote>
<h2>Quand les enfants découvrent les algorithmes</h2>
<p>Vous me direz qu’il n’y a pas grand-chose d’intelligent là-dedans, juste du par cœur. Mais nous sommes déjà si fiers quand nos chères têtes blondes font aussi bien.</p>
<p>On préfère néanmoins quand ils commencent à nous expliquer leurs propres raisonnements : « pour ajouter trois à cinq, je pars de cinq et je cherche le nombre suivant trois fois : six, puis sept, puis huit » Ils viennent de découvrir un algorithme ! Pour cela, il leur a fallu d’abord acquérir la notion, le sens de « addition », comment ils ressentent ça dans la vraie vie.</p>
<p>Maman a des bonbons dans son panier, et Papa en a d’autres dans le sien. Une addition, c’est quand ils versent leurs paniers dans mon panier. Le nombre des bonbons dans mon panier à la fin est la somme du nombre des bonbons dans leurs paniers. Une fois la notion d’addition ainsi définie, les enfants se font très vite une idée de sa propriété essentielle : plus il y a de bonbons dans leurs paniers, plus il y en a dans le mien !</p>
<p>Ce que, en bons agents rationnels et pragmatiques, ils expriment vite par la propriété minimale suivante : un bonbon de plus dans le panier de Papa ou de Maman, ça fait un bonbon de plus dans mon panier.</p>
<p>Ils viennent tout simplement de découvrir un des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Axiomes_de_Peano">axiomes de Peano</a> :</p>
<blockquote>
<p>Si a + b = c, alors a + (b+1) = (c+1)</p>
</blockquote>
<p>Ou encore, une condition suffisante pour que a + (b+1)= (c+1) est que a + b = c. On va coder ça en Prolog :</p>
<blockquote>
<p>somme(Maman_T1,Papa_T2,Moi_T2) :-<br> apres(Papa_T1,Papa_T2),apres(Moi_T1,Moi_T2), somme(Maman_T1,Papa_T1,Moi_T1).</p>
</blockquote>
<p>T1 et T2 voulant dire « au temps T1 : avant d’ajouter un bonbon » et « au temps T2 : après avoir ajouté un bonbon »</p>
<p>En Prolog les symboles <strong> :-</strong> dans <strong>A :- B,C,D</strong> signifient : A est vrai si B et C et D sont vrais. L’énoncé en Prolog doit se lire :</p>
<p>S’il y a un bonbon de plus dans le panier de Papa : </p>
<blockquote>
<p>apres(Papa_T1,Papa_T2)</p>
</blockquote>
<p>Alors il y a un bonbon de plus dans le mien : </p>
<blockquote>
<p>apres(Moi_T1,Moi_T2)</p>
</blockquote>
<p>Pourvu que le panier de Maman reste inchangé : on a utilisé Maman_T1 des deux côtés du :-</p>
<p>Les mathématiques ne peuvent exister que parce que les humains sont d’accord entre eux sur ces intuitions dès l’âge de 3 ans. Notre définition de l’addition est récursive : on calcule la somme de grands nombres et ajoutant « un » aux résultats de l’addition de plus petits nombres. Mais cette récursion ne peut être infinie, car il n’y a pas de plus petit nombre que « un ». Il nous faut une autre connaissance pour ne pas tomber dans le cercle vicieux : « pour faire une addition, faites une addition ». la seule autre connaissance dont nous disposons est la succession des nombres : « apres ».</p>
<p>La solution – comme les jeunes enfants la trouvent tous seuls- est de se rendre compte que ajouter « un » à un nombre est la même chose que de trouver son successeur.</p>
<p>Ce qui en Prolog donne</p>
<blockquote>
<p>somme(X,un,Y) :-apres(X,Y).</p>
</blockquote>
<h2>Le tour est joué !</h2>
<p>Tout tient en ces deux phrases, plus la liste des « apres »</p>
<blockquote>
<p>somme(X,un,Y) :-apres(X,Y).<br>
somme(Maman_T1,Papa_T2,Moi_T2) :-<br> apres(Papa_T1,Papa_T2),apres(Moi_T1,Moi_T2),somme(Maman_T1,Papa_T1,Moi_T1).</p>
</blockquote>
<p>Nous avons appris l’addition à la machine.</p>
<p>Vérifions avec Prolog :</p>
<blockquote>
<p>somme(trois,cinq,X) ?<br>
Réponse : X = huit<br>
somme(deux,X,six) ?<br>
Réponse X = quatre<br>
somme(X,Y,cinq)<br>
X=un, Y= quatre<br>
X=deux, Y = trois<br>
X=trois, Y = deux<br>
X=quatre, Y = un</p>
</blockquote>
<p>Pour exécuter en vrai ce programme, <a href="http://www.swi-prolog.org/Download.html">téléchargez SWI Prolog</a>, développé par l’Université d’Amsterdam, avec le fichier suivant :</p>
<blockquote>
<p>apres(un,deux).<br>
apres(deux,trois).<br>
apres(trois,quatre).<br>
… <br>
apres(douze,treise).<br>
somme(X,un,Y) :-apres(X,Y).<br>
somme(Maman_T1,Papa_T2,Moi_T2) :-<br> apres(Papa_T1,Papa_T2),apres(Moi_T1,Moi_T2),somme(Maman_T1,Papa_T1,Moi_T1).</p>
</blockquote>
<p>Une fois tout ça bien assimilé, posez-vous le problème de la multiplication, définissez « mult » en Prolog de façon que :</p>
<blockquote>
<p>mult(deux,quatre,X) réponde X = huit</p>
</blockquote>
<p>Quelques indications : ça prend aussi deux lignes, en suivant le même principe que l’addition : une expression récursive, et qui utilise des connaissances déjà exprimées.</p>
<p>Et bien sûr, commencez par retrouvez votre âme d’enfant, en vous demandant d’abord ce que peut bien vouloir signifier une multiplication, avec notre histoire de paniers et de bonbons.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/104033/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean Rohmer travaille pour le Pôle Universitaire Léonard de Vinci. Il est membre de l'Institut Fredrik Bull (Association loi de 1901)</span></em></p>
Apprendre à compter à un ordinateur, c’est de l’intelligence artificielle, et c’est un jeu d’enfant !
Jean Rohmer, Docteur-Ingénieur ENSIMAG, Docteur-ès-Sciences – HDR en Informatique, Pôle Léonard de Vinci
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2018-11-13T00:59:40Z
2018-11-13T00:59:40Z
Apprendre une langue étrangère : plaidoyer pour l’étude de la grammaire
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/244355/original/file-20181107-74778-1h8a54t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C7%2C986%2C649&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La grammaire offre des ressources dans lesquelles les locuteurs puisent pour organiser leurs échanges sociaux.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>On peut disposer d’une quantité d’informations précieuses sur une langue sans être au courant des savoirs élaborés depuis des siècles par les grammairiens et légitimés par les chercheurs de son époque. Pensons par exemple au réceptionniste d’hôtel, capable de saluer tous les clients dans leur langue respective, en ayant chaque fois recours à des formules bien bâties. Dans le cas présent, on a envie de dire que la connaissance de la grammaire n’est pas indispensable pour un minimum de communication.</p>
<p>D’ailleurs, dans une certaine mesure, et à tout âge, certaines structures grammaticales d’une deuxième langue peuvent être acquises en dehors de toute institution scolaire par le biais d’interactions avec des locuteurs natifs et experts, par la lecture ou par la fréquentation assidue des médias. Mais, de là à déduire qu’il serait plus judicieux d’« aller à l’essentiel », et donc de laisser tomber les activités de structuration de la langue, pour se centrer uniquement sur l’expression et la motivation, il y a un pas.</p>
<h2>Un traitement systématique nécessaire</h2>
<p>Certes, pour motiver au maximum les élèves, et stimuler leur participation en classe, l’enseignant peut faire l’illusion de « renverser » l’itinéraire traditionnel d’apprentissage des langues en partant de séquences immédiatement utilisables dans les échanges quotidiens.</p>
<p>Toutefois, l’apprentissage purement communicatif « dans une globalité fonctionnelle » n’existe pas. Les méthodes de langue, y compris les plus modernes et les plus contextualisées, se substituent péniblement au traitement plus systématique des formes. Il faut bien admettre qu’il n’existe pas d’enseignement de langue étrangère efficace purgé de toute réflexion grammaticale.</p>
<p>À un moment donné, si l’on veut que l’apprenant comprenne l’utilité de produire les formes de façon correcte, nous devrons attirer son attention sur les composantes et sur les modalités d’assemblage de ces composantes au sein de la langue qu’il étudie.</p>
<h2>Créer des situations de communication</h2>
<p>Une langue sans structures grammaticales n’est pas une langue vivante et dans tout cours apparaît rapidement le besoin d’ordonner les éléments à acquérir. Dans le même temps, il faut admettre que cet examen linguistique n’est pas une fin en soi. Si l’activité de l’enseignant apparaît trop ouvertement commandée par une progression pédagogique stricte, les étudiants risquent de focaliser leur attention sur le code linguistique, autrement dit, le support de la communication, au lieu de la communication elle-même.</p>
<p>De toute évidence, l’outil linguistique se confond avec l’objet linguistique à s’approprier : on apprend à communiquer par la communication. Le processus d’apprentissage de la grammaire nécessite la mise en place de situations de communication ne serait-ce qu’embryonnaires. Celles-ci permettent de présenter les points grammaticaux à traiter, de les contextualiser et aussi de les réinvestir dans des productions guidées.</p>
<p>La pédagogie du « savoir » (lexique, grammaire, prononciation, orthographe…) ne doit pas s’opposer à la pédagogie du « savoir-faire » (lire, écouter), écrire, parler, traduire, etc.). La langue en tant que système et en tant qu’outil, autrement dit le « savoir sur la langue » et le « savoir parler la langue » sont inter-reliés</p>
<p>La langue n’est pas un simple matériau à démonter et à monter mécaniquement. La grammaire offre des ressources dans lesquelles les locuteurs puisent pour organiser leurs échanges sociaux, et les choix linguistiques ne doivent pas être vus comme un recueil de normes. Il s’agit plutôt d’un espace d’observation et de réflexion, d’où la nécessité de varier les cadres interprétatifs dans l’enseignement.</p>
<h2>Des jeux de comparaison</h2>
<p>Tout cours de grammaire illustre à sa manière que les éléments de la langue, qu’on ajuste dans un certain ordre, forment entre eux des microsystèmes qui font sens. L’apprenant ne cesse de comparer sa langue et la langue à acquérir. La conscientisation du langage passe par une mise en parallèle des systèmes grammaticaux des langues en présence : un cours de grammaire idéal offre des outils diversifiés pour des allers et retours judicieux entre le fonctionnement de la première et de la deuxième langue.</p>
<p>La grammaire doit aider les apprenants à comprendre que la maîtrise des règles n’est pas contradictoire avec la liberté d’expression. Les bains socioculturel et grammatical s’avèrent complémentaires. L’apprentissage systématique des règles de fonctionnement reste un élément de transmission présent à toutes les étapes de l’apprentissage des langues étrangères.</p>
<p>De plus, lorsqu’on enseigne une langue, on lui confère une légitimité politique et culturelle, et aussi, ne l’oublions pas : une légitimité fonctionnelle et structurelle. L’existence d’un outil d’apprentissage comme celle d’un manuel de grammaire peut sortir une langue de la confidentialité. Les éléments qui y sont retenus accèdent à une sorte de dignité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/105461/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thomas Szende ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Ce sont les situations concrètes et les perspectives d’échanges qui dynamisent l’apprentissage des langues. Mais cela n’annihile en aucun cas les besoins de connaissances grammaticales. Explication.
Thomas Szende, professeur des universités, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)
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tag:theconversation.com,2011:article/104650
2018-10-17T18:57:32Z
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École : l’évaluation, capable du meilleur, coupable du pire
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/240617/original/file-20181015-165897-8t2sk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C998%2C660&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Se sentir en situation d'évaluation peut produire du stress.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La question de l’évaluation à l’école revient sur le devant de la scène. Alors que le ministre de l’Éducation, Jean‑Michel Blanquer, entend développer une culture de l’évaluation, de nouvelles évaluations des élèves sont désormais prévues à mi-CP, en CE1, et en seconde. Une « instance de l’évaluation », dédiée à l’appréciation des établissements, est en cours de création pour 2019, tandis que les députés Marie Tamarelle-Verhaeghe et Régis Juanico viennent de rendre leur rapport sur l’évaluation du système scolaire.</p>
<p>Et, comme toujours, l’irruption de ce sujet déclenche des polémiques, suscitant autant d’espoirs que de craintes. Comment expliquer cette polarisation ? Faut-il voir dans l’évaluateur un acteur social toujours écartelé ?</p>
<h2>Une simple fonction « GPS » ?</h2>
<p>Évaluer revient à mesurer l’acceptabilité d’une réalité donnée – individu, institution, situation, politique – par référence à des attentes déterminées, en vue d’en dire la valeur. Qu’il s’agisse de décerner un Prix Nobel, de désigner le meilleur pâtissier, d’apprécier l’action du gouvernement, ou de noter une copie, l’enjeu est le même. Si ce n’est qu’il n’est pas toujours et nécessairement question de classer ceux qu’on jauge.</p>
<p>Du point de vue de la conduite des actions, l’évaluation est une nécessité. Pour atteindre un but, il est préférable de savoir où l’on en est par rapport à lui ! Telle est sa première et pour ainsi dire naturelle fonction : accompagner des acteurs engagés dans un processus (enseigner ; apprendre ; transformer les rapports sociaux, etc.) en les éclairant sur leur situation par rapport à leur objectif. On pourrait parler d’une fonction « GPS ». L’évaluation est ici totalement légitime. Elle concrétise la volonté de vivre les yeux ouverts.</p>
<p>Mais l’évaluation ne se contente pas d’éclairer en situant. Elle juge. Un jugement, même « d’acceptabilité », est un jugement. Si bien que, d’une part, le fait d’être jugé produit du stress. Celui qui sait qu’on l’évalue peut perdre une partie de ses moyens, dans une situation pour lui a-normale.</p>
<p>L’évaluateur, d’autre part, court le risque de sombrer dans l’ivresse que donne le pouvoir de juger. Et de céder alors à la tentation de l’abus de pouvoir, dans une relation asymétrique ou complémentaire, qui le place en position haute par rapport à des évalués en position basse. Il faudra une grande force d’âme pour résister à ce que Patrice Ranjard (1984) désignait comme un <a href="https://www.persee.fr/doc/rfp_0556-7807_1985_num_71_1_2361_t1_0079_0000_1">« plaisir persécuteur »</a> : « la toute-puissance de noter : un plaisir qui vient des enfers ».</p>
<h2>Entre valorisation et rapport de force</h2>
<p>Ayant pour ambition de dire la valeur, l’évaluation devrait premièrement, et logiquement, contribuer à la valorisation de ceux sur qui elle porte. Il s’agit de dire ce que vaut une copie, un élève, une politique. L’évaluateur fait par principe l’hypothèse que ce qu’il évalue a un minimum de valeur, sauf à s’enfermer dans une conception négative de la valeur, qui pourrait tendre vers la nullité – et même descendre en dessous de zéro ? En ce sens l’évaluation devrait toujours être bienveillante, et ne pas s’interdire de mettre en évidence les progressions et les réussites.</p>
<p>Mais la tentation du regard dévalorisant sera d’autant plus forte que les « valeurs » au nom desquelles on juge poussent en ce sens. C’est en valorisant des attentes (celles dont on apprécie la réalisation) que l’évaluation est créatrice de valeur. Et que valent les valeurs au nom desquelles on valorise ces attentes ? Par exemple, la <a href="https://www.cairn.info/faut-il-avoir-peur-de-l-evaluation--9782804168735.htm">concurrence, la compétitivité, la performance, la rentabilité méritent-elles vraiment d’être valorisées</a> ? On risque d’imposer des « valeurs » contestables, qui ne sont, de fait, que les valeurs du temps. D’un temps où domine un modèle socio-économique qui impose la loi du marché.</p>
<p>L’usage dominant de l’évaluation comme pratique sociale tend alors à s’inscrire dans ce modèle. Concrètement, l’évaluation va valoriser des rapports de compétition qui ne sont que rapports de force et de domination. Pour faire faire, <a href="https://www.scienceshumaines.com/ivan-illich-une-societe-sans-ecole_fr_37231.html">comme le déplorait Illich dès 1971</a>, l’apprentissage de la soumission. On ne sait bientôt plus que « passer sous la toise »…</p>
<h2>Au cœur de l’évaluation, une ambiguïté révélatrice</h2>
<p>On se souvient du mot de Pascal : « l’homme n’est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l’ange fait la bête ». Les pratiques évaluatives sont frappées d’une ambiguïté qui n’est que l’expression d’une ambiguïté humaine fondamentale. Car l’homme, qui est toujours capable du meilleur, est aussi, hélas, trop souvent, coupable du pire. L’évaluation, l’une des activités cognitives les plus fréquentes chez l’être humain, n’échappe pas à la règle.</p>
<p>L’évaluation est capable du meilleur quand, en n’oubliant jamais un premier impératif d’objectivité – dans le cadre d’une démarche techniquement rigoureuse-, sa volonté première est de mettre l’éclairage qu’elle apporte au service de la promotion et du développement de ceux qu’elle éclaire – dans le cadre d’une volonté humaniste. Elle est coupable du pire quand, aux errements techniques (notamment la méconnaissance des biais qui pèsent sur elle), s’ajoutent des usages sociaux éthiquement contestables. C’est le cas lorsqu’une « sélectionnite » aiguë est mise au service de la reproduction sociale.</p>
<p>Et encore : la sélection peut être faite plus ou moins bêtement (évaluation négative ! J’aurais pu dire, dans le cadre d’une évaluation positive ou bienveillante : plus ou moins intelligemment) ! Le film <em>Première année</em> sur les études de santé vient d’en donner un bon exemple. Comment peut-on se satisfaire de la plus archaïque et de la plus primaire des épreuves (un QCM) pour sélectionner de futurs professionnels qui, dans leur exercice, auront besoin de bien d’autres choses que de la seule capacité de mémorisation forcenée ? En rendant presque impossible un véritable apprentissage, un mode d’évaluation peut dénaturer des études, et rendre malades de futurs médecins.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/6LPkNBGtZFA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bande-annonce du fil <em>Première année</em>, sorti en septembre 2018.</span></figcaption>
</figure>
<p>Finalement, et comme dans la « guerre des étoiles », qui l’emportera, du côté obscur, ou lumineux, de l’évaluation… et de l’humanité ? Une chose est certaine. Le combat pour une évaluation humaniste va de pair avec le combat pour une société plus humaine. <a href="https://www.lemonde.fr/education/article/2018/09/27/l-ecole-au-defi-de-son-evaluation_5360806_1473685.html">Le défi de l’évaluation à l’école</a> n’est que la face scolaire d’un défi que doivent affronter tous les hommes.</p>
<p>S’il n’est jamais gagné d’avance, le <a href="https://enseignants.nathan.fr/catalogue/l-evaluation-a-l-ecole-pour-la-reussite-de-tous-les-eleves-cycles-1-2-et-3-livre-de-pedagogie-9782091246376.html">combat pour une évaluation « au service de tous les élèves »</a>, devient, parce que « humanité (dans sa face lumineuse) oblige », un devoir impérieux pour tous les éducateurs et enseignants. Sachant que l’homme « a en lui une nature capable de bien » (Pascal), il ne faudrait jamais désespérer… pas même de l’évaluation !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/104650/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charles Hadji ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Nécessaire pour aider les élèves à se situer par rapport aux objectifs à atteindre, l’évaluation peut vite virer au jugement. En faire un « outil au service de tous » est un défi.
Charles Hadji, Professeur honoraire (Sciences de l’éducation), Université Grenoble Alpes (UGA)
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2018-03-18T21:15:19Z
2018-03-18T21:15:19Z
Quand l’école modèle le déterminisme social
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/210592/original/file-20180315-104650-1ygnmii.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C25%2C1192%2C635&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le documentaire _Comme un loup revient sur les différents aspects que revêt le déterminisme social et interroge les « choix » des jeunes dans le système scolaire et ce que ce dernier projette.</span> <span class="attribution"><span class="source">Comme un loup</span></span></figcaption></figure><p>Un groupe d’enfants se partagent à tour de rôle un vélo. On ne leur a jamais demandé de le faire, ni quand le faire, comment ou avec qui. Ils savent simplement que le moment est venu et ils se sentent bien. Contemplez ces enfants et l’organisation du groupe, essayez de ressentir les lois implicites de leur univers social. Ils apprennent en groupe. La scène est extraite du film <em>Comme un loup</em>, qui offre une nouvelle perspective quant au rôle de l’école dans le monde de la jeunesse et au rôle de la jeunesse dans le monde de l’école.</p>
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<figcaption><span class="caption">Extrait de <em>Comme un loup</em>.</span></figcaption>
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<p>Lorsque l’esprit se comporte en groupe, un univers social émerge. Ces formes complexes et auto-organisées sont uniques et parfaitement adaptées au contexte qui les voit naître. Il existe un sentiment particulier lié au fait de faire partie d’un univers social, tout comme il existe un sentiment particulier lié au fait d’en être exclu. <em>Comme un loup</em> est un documentaire qui porte sur les conséquences psychologiques et comportementales de notre système scolaire.</p>
<p>Le film pose plusieurs questions importantes, auxquelles il est difficile de répondre à travers nos méthodes d’évaluations traditionnelles, <a href="https://theconversation.com/comment-les-enquetes-pisa-sont-devenues-incontournables-70443">telles que les statistiques PISA</a> ou la <a href="https://theconversation.com/sortir-du-faux-debat-sur-les-notes-a-lecole-48767">notation chiffrée</a>. Dans quelle mesure peut-on dire que l’école occupe le monde vécu des jeunes générations ? L’enfant existe-t-il au sein du programme scolaire autrement que sous la forme d’un échantillon statistique, d’un nombre ou d’un nom ? Existe-t-il en tant qu’individu complet ? Autrement dit, dans quelle mesure les élèves se sentent-il appartenir à l’école ?</p>
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<figcaption><span class="caption">Le documentaire <em>Comme un loup</em> (2017) explore le déterminisme social à l’école.</span></figcaption>
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<p>L’élève serait le premier à convenir qu’il n’est pas le centre du système scolaire actuel. De fait, l’effort administratif vers un « meilleur niveau » et la course à la performance rejette graduellement à l’arrière-plan les besoins et les espoirs des élèves. Cet effort révèle un schéma narratif incontestable et une morale sans équivoque : réussir à l’école est la clé de la prospérité dans la vie. Quelles sont les conséquences logiques de cet état de fait ? Quels en sont les coûts pour les élèves et, en dernière analyse, pour nos sociétés ?</p>
<h2>L’école comme un champ de possibilités</h2>
<p>La fonction de l’école est de créer les ressources humaines nécessaires pour maintenir la société dans le futur – et, indirectement, de financer la retraite de ceux qui décident actuellement de la destinée des jeunes générations. Mais si l’on considère l’école du point de vue des enfants, comme des êtres humains en évolution, construisant les forces nécessaires pour impulser leur trajectoire de vie, se créant une identité et apprenant à partager des sphères d’appartenance, alors l’école devient quelque chose de très différent.</p>
<p>L’école cesse d’être une usine produisant le personnel salarié du futur pour devenir une période de temps, une <em>skholè</em>, un champ de possibilité, un terrain de jeu, une scène de vie, un terreau fertile où les idées et les talents peuvent naître et évoluer. Mohamed, un autre personnage du film, a quitté l’école très jeune, pour trouver sa scène de vie ailleurs : sur le ring de boxe. Peut-être car c’est dans la nature du jeune homme de gagner et qu’il savait très bien que l’école ne lui permettrait aucune victoire satisfaisante.</p>
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<figcaption><span class="caption">Extrait de <em>Comme un loup</em>.</span></figcaption>
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<p>Les enfants ne vont pas à l’école pour être transformés en une sorte de ressource financière, ils vont à l’école pour grandir, pour savourer, pour interagir, pour expérimenter et pour enrichir leurs connaissances quant aux mystères de la vie. Ils vont à l’école pour découvrir ce qu’ils ne connaissent pas encore, l’immensité du monde et de l’esprit. Nous avons donc refusé de montrer une école dans notre film. En ce qui concerne les jeunes, l’école comme temple de la connaissance semblait un monde à part – une sphère à laquelle seul un petit nombre appartient.</p>
<p>L’école nous apprend à être fiers ou honteux, que nous sommes un succès ou un échec. Cette connaissance ne nous quitte jamais. Savoir que l’on est un échec signifie que l’on n’appartient pas à la société qui nous définit comme tel. Lorsque nos écoles envoient des échecs dans le monde, elles ne créent pas des ressources mais des problèmes pour le futur. Les trois personnages du film ont tous fréquenté le même collège avant que leurs trajectoires ne divergent. À travers la politique ou la boxe, chacun à trouvé sa sphère d’appartenance hors du système scolaire ; tous excepté le personnage principal, Yaya, qui se trouve être un succès à l’école.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/210586/original/file-20180315-104699-4z0io3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/210586/original/file-20180315-104699-4z0io3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/210586/original/file-20180315-104699-4z0io3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/210586/original/file-20180315-104699-4z0io3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/210586/original/file-20180315-104699-4z0io3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/210586/original/file-20180315-104699-4z0io3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/210586/original/file-20180315-104699-4z0io3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Yaya est l’un des rares de son quartier à suivre un cursus général et un des seuls de son lycée à venir de cité. Arrivé en France à l’âge de 11 ans et habitant de la Cité Cambrai dans le XIXᵉ arrondissement de Paris, il se prépare à passer l’examen qu’il redoute tant.</span>
<span class="attribution"><span class="source">_Comme un loup_.</span></span>
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<p>Yaya est déchiré entre les mondes, entre l’école et sa famille, entre sa famille et ses amis, entre ses amis du quartier et ses amis à l’école. Yaya est le héros tragique de la méritocratie, le succès individuel qui cache un échec collectif. Il est le seul à croire à la morale de l’histoire scolaire, seulement voilà : réussir à l’école <em>n’est pas</em> la clé de la prospérité dans la vie. Ses amis du quartier eux en sont déjà conscients, peut-être pour s’épargner la dissonance cognitive. Et quand Yaya dit vouloir devenir président après ses études, le rire tonitruant du groupe rappelle la réalité profonde derrière l’illusion scolaire.</p>
<p>Les sphères d’appartenances du jeune homme s’excluent mutuellement sous l’autorité d’évaluations toujours plus précises imprégnant chacun des aspects de la vie vécue. Lorsqu’ils parlent de filles, la première chose que font Yaya et ses amis, c’est de les noter. Leurs vies sont fondées et déterminées par les valeurs et les processus de pensée qu’ils ont appris au travers de l’école.</p>
<p>Dans un monde de plus en plus globalisé, transitoire et désorientant, beaucoup d’enfants – en particulier ceux qui ont été déplacés – cherchent à construire leur identité dans une sphère d’appartenance, dans les cercles de la famille, de l’amitié, du quartier et de l’école. Comment l’harmonie peut-elle s’accomplir entre les sphères de l’appartenance ? Entre les milliers de relations virtuelles et leurs affiliations fluides et fragiles, peut-on encore espérer à une culture unifiée ? L’école peut-elle offrir un centre à ces cercles, un lieu d’apprentissage collectif – ou rejette-t-elle la vie à la périphérie de la société ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/92446/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
L’enfant existe-t-il au sein du programme scolaire autrement que sous la forme d’un nombre ou d’un nom ?
Felix Schoeller, Research fellow, Learning Planet Institute (LPI)
John Mason, Lecturer, University of Southern Denmark
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/88339
2017-12-06T21:22:07Z
2017-12-06T21:22:07Z
Les programmes sont-ils politiques ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/197996/original/file-20171206-901-1pljb6z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=177%2C20%2C3171%2C2236&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quelles Histoire ? Quelle histoire ! (_Petit Journal_, 10 janvier 1997).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/taffeta/4249687340/in/photolist-7twKZo-UwaSfW-fjoueW-5VsXU8-fjoxp5-9RxgyS-fj9mrg-fj9ifx-cGv1Eq-UwaSud-9RxgUC-fjoyaE-5Rf34A-fj9j3p-6JgJWd-fjov3W-fjot6J-fj9nix-oo19iA-63raWV-eFdTpZ-eFdS1F-eFjUNs-TaShqf-UUF7Fv-URSxrQ-eFjWK9-9rT58z-eFdQS4-eFdQWk-eFjWrL-eFdPBe-2YC65d-eFjYdN-eFdPWX-cGv2QW-auh629-cGuZwb-37ZwcV-eFdNXr-3fdGAY-6JcEyF-cGv2ys-eFjZdS-eFdSNg-cGv1Nm-eFjZ7W-cGv42S-37Zw52-eFjYPf">patricia m/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Cette chronique est publiée en partenariat avec la revue <a href="http://bit.ly/2Azhkqa">« Le magazine de l’Education »</a> du laboratoire <a href="http://bit.ly/2oSnGbJ">EMA-TechEduLab de l’Université de Cergy-Pontoise</a>.</em></p>
<hr>
<p>Comment les <a href="http://bit.ly/1OieE00">programmes</a> pourraient-ils être autrement que politiques ? Telle serait une autre manière de poser la question. Le projet de l’école républicaine est un projet intrinsèquement politique à partir du moment où dès la Révolution française, il a été conçu comme la participation de l’État à la prise en charge de l’éducation des futurs citoyens, à une « éducation nationale » disait <a href="http://bit.ly/2nq0HHM">Lepeletier de Saint Fargeau en 1793</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/197999/original/file-20171206-910-oh796.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/197999/original/file-20171206-910-oh796.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/197999/original/file-20171206-910-oh796.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=893&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/197999/original/file-20171206-910-oh796.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=893&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/197999/original/file-20171206-910-oh796.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=893&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/197999/original/file-20171206-910-oh796.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1122&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/197999/original/file-20171206-910-oh796.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1122&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/197999/original/file-20171206-910-oh796.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1122&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Victor Duruy.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=265101">Wikipedia</a></span>
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<p>Dès lors, l’écriture des programmes devenus nationaux sous Victor Duruy, a été mise au service d’un projet politique de grande ampleur : former des Français, des citoyens, des lettrés dont on attendra en retour la légitimation et la consolidation de l’État, impérial d’abord, républicain plus tard.</p>
<h2>Le délicat contexte français</h2>
<p>Le mot « programme » est quasiment une spécificité française ; ailleurs on lui préfère des concepts plus souples : « plan d’étude » en Suisse, « curriculum » dans la plupart des autres pays du monde. C’est dire l’importance accordée au texte de cadrage en contexte français, au prescrit.</p>
<p>De fait, les programmes sont aussi des textes hybrides : publiés au Journal officiel, ils ne sont pas débattus par le parlement mais restent des textes très contraignants, ce qui ne manque pas d’étonner nos voisins étrangers circonspects face à l’importance qu’on leur accorde, aux débats qu’ils déclenchent et au stress qu’ils génèrent rituellement chez les enseignants courant après leur montre pour les boucler.</p>
<p>La question se corse lorsque la discipline concernée est elle-même intrinsèquement politique. C’est le <a href="http://www.pug.fr/produit/1167/9782706121142">cas de l’enseignement de l’histoire</a> qui doit son acte de naissance – du moins dans sa dimension sécularisée – à la volonté de construire l’unité nationale autour d’un récit historique fédérateur que l’on estime à l’époque suffisamment « actif » pour produire de l’amour patriotique et de l’identité nationale.</p>
<h2>Les contenus d’histoire sont politiques</h2>
<p>Des trois finalités identitaires, civiques et intellectuelles assignées à l’enseignement de l’histoire, c’est sans doute la dernière qui est encore aujourd’hui la plus minimisée, surtout pour les petites classes, au profit des deux premières qui alimentent tous les débats, du ministère aux rédactions des médias nationaux.</p>
<p>C’est pour juguler cette politisation parfois très vive que différents dispositifs d’écriture des programmes ont été expérimentés récemment. Entre 1989 et 2005, le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Conseil_national_des_programmes">Conseil National des programmes</a> (CNP) tente un circuit long, impliquant plusieurs catégories d’acteurs et ne laissant au ministère que l’arbitrage final. Bon an mal an, cela ne fonctionne pas si mal, et, pour les questions chaudes, souvent mémorielles, comme le fait colonial, le chemin opère comme un « circuit de refroidissement » de la politisation justement.</p>
<p>Plus récemment, après une période d’opacité, Vincent Peillon, sous couvert de quête de consensus, a choisi d’introduire au sein du nouveau <a href="http://www.education.gouv.fr/cid75495/le-conseil-superieur-des-programmes.html">Conseil Supérieur des Programmes</a> (CSP) six parlementaires de droite et de gauche. Le résultat a été plus qu’explosif puisque les <a href="http://bit.ly/1YtBHex">programmes de collège ont déclenché en 2015</a> la dernière séquence d’extrême politisation de l’enseignement de l’histoire, autour de la place faite à l’histoire nationale, séquence finalement arbitrée à Matignon…</p>
<p>Était-il possible de faire autrement ? Sans doute, en admettant comme sain que les contenus d’enseignement nourrissent des débats démocratiques mais en ne confondant pas ces débats avec des tribunes politiciennes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/88339/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
La constitution des programmes d’histoire pour l’enseignement primaire et secondaire est un exercice délicat. Il faut admettre comme sain que ces contenus nourrissent des débats démocratiques.
Laurence De Cock, Docteure en sciences de l'éducation, Université Paris Cité
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.