tag:theconversation.com,2011:/us/topics/recherche-23152/articlesrecherche – The Conversation2024-03-13T15:56:44Ztag:theconversation.com,2011:article/2172292024-03-13T15:56:44Z2024-03-13T15:56:44ZSignes religieux à l’école : 20 ans de recherches sur la loi du 15 mars 2004<p>La <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000417977">loi du 15 mars 2004</a> encadrant le port de signes religieux dans les établissements scolaires a suscité de <a href="https://www.amazon.fr/Lettre-ouverte-linstrumentalisation-politique-la%C3%AFcit%C3%A9/dp/2815921278">nombreux débats</a> aussi bien dans les champs des médias, de la politique que de l’éducation. Cependant, la manière dont les sciences humaines et sociales (SHS) l’ont appréhendée est plus mal connue.</p>
<p>L’étude de ces disciplines est pourtant un enjeu crucial, à l’intersection entre aspects académiques et <a href="https://www.puf.com/histoire-intellectuelle-de-la-laicite">interactions avec les controverses sociales</a>. En effet, l’augmentation du nombre de travaux et d’universitaires travaillant sur le sujet est fortement corrélée à la couverture médiatique et politique croissante de celui-ci depuis 1989.</p>
<p>Les chercheuses et chercheurs ne se privent d’ailleurs pas d’intervenir directement dans l’arène publique. En témoigne la participation de plusieurs spécialistes académiques de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/la-cite-22058">laïcité</a>, dont <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/la_laicite_falsifiee-9782707182173">Jean Baubérot</a>, <a href="https://ecoleetsociete.se-unsa.org/Laicite-interview-de-Jacqueline-Costa-Lascoux">Jacqueline Costa-Lascoux</a> et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=R2cWsyyDS2U">Patrick Weil</a> à la commission dirigée par Bernard Stasi en 2003 – celle-là même qui conduit à la loi du 15 mars 2004.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/signes-religieux-a-lecole-une-longue-histoire-deja-212646">Signes religieux à l’école : une longue histoire déjà</a>
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<p>Cet article s’appuie sur une analyse de la bibliographie existante en français sur le sujet, construite à partir de l’analyse des bases documentaires existantes (<a href="https://www.jstor.org/">Jstor</a>, <a href="https://hal.science/">HAL</a>, <a href="https://www.erudit.org/fr/">Erudit</a>, <a href="https://www.cairn.info/">Cairn</a>, <a href="https://www.persee.fr/">Persee</a>, <a href="https://journals.openedition.org/">Openedition journals</a>, <a href="https://books.openedition.org/">Openedition books</a>), à partir d’une requête « loi du 15 mars 2004 ». Un total de 156 travaux a été recensé sur la période allant de 2004 à 2024. Ce total se décompose en 116 articles, 25 chapitres d’ouvrages, 12 ouvrages et 2 travaux de nature autre.</p>
<p>Tout en prenant en compte les limites inhérentes à la modalité de revue de littérature scientifique, voilà qui permet de faire une analyse de la production de SHS relative à celle-ci, en trois temps complémentaires. Comment et pourquoi évolue-t-elle ? Quelles en sont les principales caractéristiques ? Quelle cartographie peut-on en tirer ?</p>
<h2>Des travaux de recherche marqués par la loi de 2004 et les attentats de 2015</h2>
<p>L’évolution dans le temps montre deux phases relativement distinctes. Les années 2004-2014 sont marquées par un pic initial, lié à l’apparition d’une production dans les mois suivant la promulgation de la loi et son application. Cette première période connaît ensuite un déclin relativement régulier jusqu’au début des années 2010 – à l’exception d’une relance en 2010, liée aux débats sur l’interdiction des tenues entièrement couvrantes.</p>
<p>Les travaux de cette première vague s’intéressent à deux enjeux principaux – qui n’en excluent bien entendu pas d’autres. Le premier est la genèse de la loi du 15 mars 2004, avec les conditions qui en favorisent à la fois l’émergence dans l’agenda public et l’insertion dans les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=3ub7ISuRFK0">débats de plus en plus passionnés que suscite l’islam de France</a>.</p>
<p>En effet, dans un contexte où l’application de la loi suscite en fin de compte peu de contentieux locaux, comme le rappelle le <a href="https://www.persee.fr/doc/homig_1142-852x_2005_num_1258_1_4391">rapport de l’inspectrice générale Hanifa Chérifi</a> sur celle-ci dès 2005, la production de SHS tend à réintégrer ce nouveau cadre législatif dans des enjeux plus globaux. De ce fait, les enjeux plus strictement scolaires ne sont pas forcément les plus visibles.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/580936/original/file-20240311-16-9okxpi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/580936/original/file-20240311-16-9okxpi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/580936/original/file-20240311-16-9okxpi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/580936/original/file-20240311-16-9okxpi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/580936/original/file-20240311-16-9okxpi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=411&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/580936/original/file-20240311-16-9okxpi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=411&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/580936/original/file-20240311-16-9okxpi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=411&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Chronologie des travaux de SHS incluant les mots « loi du 15 mars 2004 », sur la période 2004-2024 (n=156).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Recherche Ismaïl Ferhat et Béatrice-Mabilon Bonfils</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Une seconde vague apparaît à partir de 2014, avec deux pics très nets en 2015 et 2020. Celle-ci est de moins en centrée sur la loi en tant que telle, mais tend plutôt à relier celle-ci à un contexte de choc d’une société et d’une <a href="https://passes-composes.com/book/337">« école sous le feu » du terrorisme islamiste</a>. Les annonces ministérielles de « grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République » du 22 janvier 2015 tendent à confier à l’institution scolaire la mission de répondre aux problèmes et tensions révélés par les attentats qui viennent d’avoir lieu.</p>
<p>La laïcité devient dès lors un outil incontournable de cette gestion des crispations post-janvier dans la société française. Après les attentats de novembre 2015, cette saisine croissante de l’école se confirme, sous une <a href="https://www.cairn.info/revue-sociologie-2017-4-page-439.htm">forme plus sécuritaire</a>.</p>
<p>De ce fait, la loi du 15 mars 2004 est réinsérée dans un continuum de frictions répétées entre institution scolaire et manifestations du fait religieux – en particulier musulman – depuis l’affaire des foulards de 1989. Loin d’être déconnectée des enjeux immédiats, la production des SHS relative à cette loi se révèle en réalité très sensible à ceux-ci.</p>
<h2>Un investissement croissant par la science politique des questions scolaires</h2>
<p>Si la chronologie confirme la forte intrication entre travaux de SHS, analyse de la loi du 15 mars 2004 et contexte, qu’en est-il des caractéristiques propres à cette production ?</p>
<p><a href="https://theconversation.com/fr/topics/genre-22050">Le genre</a> en est l’un des enjeux centraux. En effet, sur un sujet croisant les questions de la laïcité, du droit des femmes et du traitement du fait religieux depuis 1989, ce point est important. 46 % des travaux sont réalisés uniquement par des hommes, 32 % par des femmes, et le reste est mixte. Cette partition genrée est renforcée par la faible présence de travaux collectifs dans le corpus (plus de ¾ des travaux recensés sont individuels).</p>
<p>La présence relativement forte des femmes, par rapport à d’autres thèmes touchant à la laïcité et aux phénomènes religieux, interroge. Au terme d’une analyse plus qualitative, elle semble liée à la manière dont la loi du 15 mars 2004 articule l’intersection entre femmes, laïcité scolaire et islam. La production d’autrices est en effet plus attentive aux effets de cette législation sur les élèves et femmes musulmanes. Cependant, les travaux repérés ne recourent pas à une approche d’évaluation standardisée, comme l’a proposé la <a href="https://econpapers.repec.org/article/cupapsrev/v_3a114_3ay_3a2020_3ai_3a3_3ap_3a707-723_5f10.htm">récente étude d’Aala Abdelgadir et Vassiliki Fouka</a>, ou l’analyse d’Eric Maurin quant à la circulaire Bayrou de 1994.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lenseignement-du-fait-religieux-dans-lecole-la-que-quel-bilan-194411">L’enseignement du fait religieux dans l’école laïque : quel bilan ?</a>
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<p>Le deuxième enjeu est celui des champs disciplinaires. La sociologie (40 travaux) et la science politique (idem) se taillent la part du lion. Une telle prééminence peut s’expliquer par l’importance de l’analyse des politiques publiques et de l’émergence des problèmes publics que ces deux disciplines portent. S’y ajoute, depuis les années 2000, <a href="https://www.cairn.info/revue-politix-2012-2-page-7.htm">l’investissement croissant par la science politique des questions et controverses scolaires</a>- notons que les deux auteurs du présent article sont eux-mêmes originellement issus de cette discipline.</p>
<p>Le droit suit de près (35 travaux). Cette place peut s’expliquer par l’importance traditionnelle de la production des juristes sur la laïcité, notamment dans le système éducatif public. Elle tient aussi au rôle des contentieux et de la jurisprudence administrative, notamment suite à la <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/12/dossiers/documents-laicite/document-3.pdf">circulaire dite Bayrou de 1994</a>, dans la résolution des conflits religieux, en particulier de nature vestimentaire, à l’école.</p>
<p>Les sciences de l’éducation et de la formation suivent, de manière relativement distante (11 travaux). Ceci peut paraître constituer un paradoxe, tant les conflits laïques sont historiquement centrés sur l’institution scolaire. Les autres disciplines de SHS (notamment l’histoire, la philosophie ou la psychologie) représentent une faible quantité de travaux dans le corpus, de même que les approches interdisciplinaires.</p>
<h2>Des rapports de force entre les disciplines</h2>
<p>Peut-on cartographier la production recensée ? Nous avons retenu un codage de variables qualitatives (période de parution, nombre d’auteur·e·s, discipline, type de publications) afin de repérer d’éventuels sous-groupes. Une analyse multifactorielle (Analyse en composantes multiples ou ACM) est proposée ici.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/580941/original/file-20240311-24-80sdm5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/580941/original/file-20240311-24-80sdm5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/580941/original/file-20240311-24-80sdm5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/580941/original/file-20240311-24-80sdm5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/580941/original/file-20240311-24-80sdm5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/580941/original/file-20240311-24-80sdm5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/580941/original/file-20240311-24-80sdm5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Analyse en correspondances multiples, production en SHS sur la loi du 15 mars 2004 (n= 156).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Codage et traitement Ismaïl Ferhat et Béatrice Mabilon-Bonfils</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Plusieurs lignes de force apparaissent. La représentation graphique de l’ACM souligne le caractère relativement excentré des disciplines à dimension cognitive (psychologie et psychiatrie) ainsi que des travaux collectifs à 3 auteurs et plus. Ceci rejoint et confirme d’ailleurs leur marginalité quantitative dans le corpus. Les femmes sont nettement plus proches de certaines disciplines, ainsi la sociologie, là où les hommes sont nettement plus présents en sciences de l’éducation, droit et science politique. De même, les hommes semblent nettement surreprésentés dans la production d’articles (la plus grande partie du corpus constitué) ainsi que la production individuelle.</p>
<p>Le basculement chronologique entre la période 2004-2013 et celle de 2014-2024 paraît ici avoir un éclairage nouveau. En effet, avant la relance des travaux en 2014, la loi du 15 mars 2004 fait l’objet d’un traitement disciplinaire relativement pluriel et faisant une place plus importante aux femmes. La période 2014-2024 voit la mise en place d’une production centrée sur l’action publique (science politique, droit) et l’école (sciences de l’éducation et de la formation). Or, cette production favorise une plus grande place des hommes ainsi que des travaux mixtes.</p>
<p>Le basculement de l’approche de l’interdiction des signes religieux ostensibles à l’école publique par les SHS, sous le feu des événements en 2015, paraît de ce fait net. Dans le champ académique aussi, le choc des attentats a modifié les rapports de force disciplinaires et genrés sur le sujet.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217229/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La loi du 15 mars 2004 sur le port de signes religieux dans les établissements scolaires a suscité de nombreux débats dans les médias et l’opinion. Mais comment la recherche l’a-t-elle abordée ?Ismail Ferhat, Professeur des universités en sciences de l'éducation, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresBeatrice Mabilon-Bonfils, Sociologue, Directrice du laboratoire BONHEURS, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2253412024-03-08T11:05:37Z2024-03-08T11:05:37ZLes faux travaux académiques se multiplient : pourquoi ils représentent un danger et comment y mettre fin<p>Dans les années 1800, les colons britanniques en Inde ont tenté de réduire la population de cobras, qui rendait la vie et le commerce très difficiles à Delhi. Ils ont commencé à payer une prime pour les cobras morts. Cette stratégie <a href="https://fee.org/articles/the-cobra-effect-lessons-in-unintended-consequences/">a très vite entraîné la généralisation de l'élevage de cobras pour l'argent</a>. </p>
<p>Ce risque d'effets non voulus est parfois appelé <a href="https://econowmics.com/the-cobra-effect-unintended-consequences/">“l'effet cobra”</a>. Il peut également être résumé par la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7901608/">loi de Goodhardt</a>, du nom de l'économiste britannique Charles Goodhart. Il a déclaré que lorsqu'une mesure devient un objectif, elle cesse d'être une bonne mesure.</p>
<p>L'effet cobra s'est enraciné dans le monde de la recherche. La culture du “publier ou périr”, qui valorise les publications et les citations par-dessus tout, a donné lieu à sa propre panoplie de “programmes d'élevage de cobras”. Cette approche a entraîné la généralisation de pratiques de recherche douteuses, telles que la surestimation de l'impact des résultats de la recherche pour rendre les travaux plus attrayants pour les éditeurs. </p>
<p>Cela a également conduit à l'essor des usines à papier, des organisations criminelles qui vendent les travaux des auteurs universitaires. <a href="https://publicationethics.org/sites/default/files/paper-mills-cope-stm-research-report.pdf">Un rapport sur le sujet</a> décrit les usines à papier comme (le)</p>
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<p>processus par lequel de faux manuscrits sont soumis à une revue moyennant rémunération au nom de chercheurs dans le but de leur fournir une publication facile ou d'offrir des droits d'auteur à la vente.</p>
</blockquote>
<p>Ces faux articles ont de graves conséquences pour la recherche et son impact sur la société. Tous les faux articles ne sont pas rétractés. Et même ceux qui le sont se retrouvent souvent dans des analyses documentaires systématiques qui sont, à leur tour, utilisées pour élaborer des orientations politiques, des lignes directrices cliniques et des programmes de financement. </p>
<h2>Comment fonctionnent les usines à papier ?</h2>
<p>Les usines à papier s'appuient sur le désespoir des chercheurs - souvent jeunes, souvent surchargés de travail, souvent à la périphérie du monde universitaire, luttant pour surmonter les obstacles à l'entrée - pour alimenter leur modèle d'entreprise. </p>
<p>Leur succès est alarmant. Le site web de l'une de ces entreprises, basée en Lettonie, revendique dans une annonce la publication de plus de 12 650 articles depuis son lancement en 2012. Selon <a href="https://publicationethics.org/sites/default/files/paper-mills-cope-stm-research-report.pdf">une analyse</a> de deux revues seulement, menée conjointement par le Comité d'éthique des publications et l'Association internationale des éditeurs scientifiques, techniques et médicaux, plus de la moitié des 3440 articles soumis sur une période de deux ans se sont révélés être des faux. </p>
<p>On <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-023-03464-x">estime</a> que toutes les revues, quelle que soit leur discipline, voient le nombre de faux articles soumis augmenter fortement. Actuellement, le taux est d'environ 2 %. Cela peut sembler peu. Mais étant donné le nombre important et croissant de publications scientifiques, cela signifie qu'un grand nombre de faux articles sont publiés. Chacun d'entre eux peut gravement nuire aux patients, à la société ou à la nature lorsqu'il est mis en pratique.</p>
<h2>La lutte contre les faux articles</h2>
<p>De nombreuses personnes et organisations luttent contre les usines à papier.</p>
<p>La communauté scientifique a la chance de pouvoir compter sur plusieurs “détecteurs de faux articles” qui consacrent bénévolement leur temps à débusquer les faux articles dans la littérature. <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-020-01363-z">Elizabeth Bik</a>, par exemple, est une microbiologiste néerlandaise devenue consultante en intégrité scientifique. Elle consacre une grande partie de son temps à rechercher dans la littérature biomédicale des images photographiques manipulées ou des textes plagiés. Il y a <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-019-00439-9">d'autres</a> <a href="https://www.aps.org/publications/apsnews/202307/wise.cfm">qui font ce travail</a> aussi.</p>
<p>Des organisations telles que <a href="https://blog.pubpeer.com/publications/45D03A8E43685FFF089F58330F5DC5#1*">PubPeer</a> et <a href="https://retractionwatch.com/">Retraction Watch</a> jouent également un rôle essentiel en signalant les faux articles et en faisant pression sur les éditeurs pour qu'ils se rétractent.</p>
<p>Ces initiatives et d'autres, comme le <a href="https://www.stm-assoc.org/stm-integrity-hub/">STM Integrity Hub</a> et <a href="https://united2act.org/">United2Act</a>, dans lesquelles les éditeurs collaborent avec d'autres parties prenantes, tentent de résoudre le problème. </p>
<p>Mais il s'agit d'un problème profondément enraciné. L'utilisation d'une intelligence artificielle générative telle que ChatGPT aidera les détectives, mais entraînera probablement une augmentation du nombre de faux documents, qui sont désormais plus faciles à produire et plus difficiles, voire impossibles, à détecter.</p>
<h2>Arrêtez de payer pour des cobras morts</h2>
<p>Pour changer cette culture, il faut modifier l'évaluation des chercheurs. </p>
<p>Les chercheurs doivent être reconnus et récompensés pour leurs pratiques de recherche responsables : l'accent doit être mis sur la transparence et la responsabilité, un enseignement de haute qualité, une bonne supervision et une excellente évaluation par les pairs. Cela permettra d'élargir le champ des activités qui rapportent des “points de carrière” et de déplacer l'accent de l'évaluation de la quantité vers la qualité.</p>
<p>Heureusement, il existe déjà plusieurs initiatives et stratégies axées sur un ensemble équilibré d'indicateurs de performance pertinents. La <a href="https://sfdora.org/">Déclaration de San Francisco sur l'évaluation de la recherche</a>, établie en 2012, appelle la communauté des chercheurs à reconnaître et à récompenser les différents résultats de la recherche, au-delà de la simple publication. Les <a href="https://journals.plos.org/plosbiology/article?id=10.1371/journal.pbio.3000737">Principes de Hong Kong</a>, formulés et approuvés lors de la 6e Conférence mondiale sur l'intégrité de la recherche en 2019, encouragent les évaluations de la recherche qui favorisent les pratiques de recherche responsables tout en minimisant les incitations perverses qui conduisent à des pratiques telles que l'achat de paternité ou la falsification de données.</p>
<p>Ces questions, ainsi que d'autres liées à la protection de l'intégrité de la recherche et à l'instauration de la confiance, seront également débattues lors de la <a href="https://wcri2024.org/">8e conférence mondiale sur l'intégrité de la recherche</a> qui se tiendra à Athènes, en Grèce, en juin de cette année. </p>
<h2>Ouverture</h2>
<p>Les pratiques relevant de la “<a href="https://www.fosteropenscience.eu/content/what-open-science-introduction">Science ouverte</a>” seront essentielles pour rendre le processus de recherche plus transparent et les chercheurs plus responsables. Open Science est le terme générique d'un mouvement composé d'initiatives visant à rendre la recherche universitaire plus transparente et plus équitable, allant de la publication en libre accès à la science citoyenne.</p>
<p>Les méthodes ouvertes, par exemple, impliquent le <a href="https://www.cos.io/initiatives/prereg">pré-enregistrement</a> des caractéristiques essentielles d'un plan d'étude avant son lancement. Un <a href="https://www.cos.io/initiatives/registered-reports">rapport enregistré</a> contenant l'introduction et la section sur les méthodes est soumis à une revue avant le début de la collecte des données. Il est ensuite accepté ou rejeté en fonction de la pertinence de la recherche et de la solidité de la méthodologie.</p>
<p>L'avantage supplémentaire d'un rapport enregistré est que les commentaires des évaluateurs sur la méthodologie peuvent encore modifier les méthodes de l'étude, puisque la collecte de données n'a pas commencé. La recherche peut alors commencer sans pression pour obtenir des résultats positifs, ce qui élimine l'incitation à modifier ou à falsifier les données. </p>
<h2>L'évaluation par les pairs</h2>
<p>Les pairs évaluateurs jouent un rôle important en matière de prévention de publication d'articles erronés ou falsifiés. Dans ce système, l'assurance qualité d'un article est effectuée de manière totalement volontaire et souvent anonyme par un expert du domaine ou du sujet concerné. </p>
<p>Toutefois, la personne qui effectue le travail d'évaluation ne reçoit aucun crédit ni aucune récompense. Il est essentiel que ce type de travail “invisible” dans le monde universitaire soit reconnu, célébré et inclus dans les critères de promotion. Cela peut contribuer de manière significative à la détection de pratiques de recherche douteuses (ou pires) avant la publication.</p>
<p>Cela favorisera une évaluation par les pairs de qualité, limitant ainsi le nombre d'articles douteux qui parviennent à passer à travers ce processus, tout en offrant davantage d'opportunités de réussite académique, brisant ainsi la culture toxique “publier ou périr”</p>
<p><em>Cet article est basé sur <a href="https://www.youtube.com/watch?v=64UTTIJr6wk">une présentation</a> donnée par l'auteur principal à l'université de Stellenbosch, en Afrique du Sud, le 12 février 2024. Natalie Simon, consultante en communication spécialisée dans la recherche, qui fait partie de l'équipe de communication de la 8e conférence mondiale sur l'intégrité de la recherche et termine actuellement un doctorat en sciences et technologies à l'université de Stellenbosch, a coécrit cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225341/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lex Bouter est le président fondateur de la Fondation des conférences mondiales sur l'intégrité de la recherche et coprésident de la 8e WCRI qui se tiendra à Athènes du 2 au 5 juin 2024.</span></em></p>Les fabricants d'articles de recherche exploitent la détresse des chercheurs pour soutenir leur modèle économique.Lex Bouter, Professor of Methodology and Integrity, Vrije Universiteit AmsterdamLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2240902024-02-27T16:12:33Z2024-02-27T16:12:33ZComment la recherche peut-elle (à nouveau) contribuer au développement socio-économique ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/577030/original/file-20240221-30-1haedq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=129%2C34%2C1787%2C1227&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En France, 13&nbsp;milliards d’euros d’argent public sont investis tous les ans dans la recherche académique.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.publicdomainpictures.net/fr/view-image.php?image=302907&picture=remplir-les-tubes-a-essai">Publicdomainpictures.net</a></span></figcaption></figure><p>En 2023, des <a href="https://ideas.repec.org/p/nbr/nberwo/31899.html">travaux de l’Université de Duke</a> montraient que, malgré des milliards investis dans la recherche académique – <a href="https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/FR/T622/le_financement_des_activites_de_recherche_et_developpement_des_administrations/">13 milliards par an de dotations budgétaires dans le cas français</a> –, les découvertes issues des écoles et universités peinent à devenir des innovations. Pire encore, les efforts des pouvoirs publics pour encourager le transfert via l’entrepreneuriat académique ou les brevets, auraient même des effets délétères sur l’économie.</p>
<p>Début février, en s’appuyant sur ces travaux et en caricaturant la recherche académique comme un « <a href="https://www.economist.com/finance-and-economics/2024/02/05/universities-are-failing-to-boost-economic-growth">havre de geeks curieux et désintéressés</a> », <em>The Economist</em>, ouvrait le débat : doit-on vraiment financer la recherche académique ? Le journal britannique proposait dès lors un argumentaire, entre nostalgie d’un âge d’or révolu d’une recherche industrielle de premier plan, et critique de la dynamique actuelle de la recherche.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1755483890771210678"}"></div></p>
<p>Pourtant, sans minimiser le phénomène, nous pouvons proposer à la fois une interprétation plus nuancée de ses causes, mais aussi des voies alternatives prometteuses pour y faire face, nécessitant toutefois un soutien renouvelé à la recherche académique. Cette réflexion est importante, dans un contexte où le gouvernement français vient d’annoncer dans ce même mois de février, vouloir réaliser près <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/22/pour-l-enseignement-superieur-et-la-recherche-904-millions-de-coupes-budgetaires_6217980_3224.html">d’un milliard d’économies sur l’enseignement supérieur et la recherche</a>.</p>
<h2>Le « bain de sang » de la recherche industrielle dans les années 1990</h2>
<p>Certes, « l’âge d’or » de la recherche en entreprise a bien eu lieu. De l’Après-Guerre jusque dans les années 1990, les grandes entreprises investissaient massivement dans des projets de recherche ambitieux. On citera par exemple le cas célèbre des laboratoires de recherche de l’ex-opérateur historique américain <a href="https://www.lesechos.fr/2014/01/bell-labs-voyage-dans-une-pepiniere-de-nobel-1100499">AT&T Bell Laboratories et de ses 14 Prix Nobels</a> dans des domaines aussi variés que les pincettes optiques ou le fond diffus cosmologique, et qui a développé en parallèle le transistor, le laser ou les premières télévisions. Autre exemple, DuPont de Nemours, qui publiait <a href="https://hbr.org/2019/11/why-the-u-s-innovation-ecosystem-is-slowing-down">davantage d’articles que le MIT et CalTech combinés en 1960</a> dans la revue académique majeure de chimie.</p>
<p>Toutefois, le tournant des années 1990 est marqué par ce que les historiens des sciences ont appelé <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=8EPxhPEuPSsC">« le bain de sang » de la recherche industrielle</a>. On assiste à la disparition des grands laboratoires de recherche industrielle (Bell Laboratories, Kodak, General Electric) mais aussi à une réduction importante des moyens des chercheurs de l’industrie, avec une injonction à un recentrage vers des activités plus appliquées.</p>
<p>Entre 1980 et 2006, aux États-Unis, le nombre d’articles scientifiques publiés par des industriels <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/smj.2693">a chuté de 60 %</a>. Il s’agit bel et bien d’un passage de témoin aux académiques dans les universités et les écoles pour prendre le rôle de principal producteur de connaissances scientifiques, mais aussi avec l’exigence de sa transmission vers l’industrie. En conséquence, et comme le montre les travaux de l’université de Duke, les recherches académiques ont peiné depuis à se traduire par des avancées tangibles pour les entreprises. Faut-il pour autant risquer un « bain de sang » de la recherche académique ?</p>
<h2>Ne pas oublier le rôle vital du capital humain académique pour l’innovation</h2>
<p>Dans son analyse, <em>The Economist</em> ignore l’un des résultats clés des travaux sur lesquels ils s’appuient : le rôle clé du capital humain développé à travers la recherche académique. Les doctorants et post-docs, formés par les universités et les écoles, sont essentiels non seulement comme producteurs de science pendant leur parcours académique, mais aussi comme vecteurs de transfert de connaissances vers le secteur privé, notamment pour les entreprises et start-up qu’ils peuvent rejoindre.</p>
<p>Cette dynamique illustre la valeur fondamentale de la recherche académique, historiquement reconnue pour sa capacité à générer des connaissances de manière rigoureuse et contrôlée, qualité toujours très prisée par le monde industriel aujourd’hui.</p>
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<p>Dans ce sens, nos travaux récents ont d’ailleurs montré en France, le <a href="https://www.anrt.asso.fr/fr/caracterisation-et-performances-des-theses-cifre-36747">rôle clé des thèses CIFRE</a>, ces doctorats réalisés en partenariat avec l’industrie et qui permettent à la fois des avancées industrielles et académiques. Plus globalement, en reconnaissant ce rôle clé de la recherche académique pour l’innovation, il est essentiel de poursuivre les efforts pour renforcer la reconnaissance du doctorat, mais aussi de booster son attractivité pour éviter que des étudiants prometteurs s’en détournent, face aux manques de moyens et de perspectives de carrières. Le <a href="https://www.anrt.asso.fr/sites/default/files/2024-start/ANRT_pour_un_grand_plan_national_pour_le_doctorat_oct.2023.pdf">Plan national pour le doctorat</a> en France constitue une direction prometteuse, qu’il ne faudra pas manquer.</p>
<h2>Une fonction innovation à réinventer</h2>
<p>Pour rapprocher la recherche académique et le monde de l’entreprise, il est aussi crucial de renforcer la fonction innovation au sein de l’industrie. Historiquement, les périodes de grandes avancées industrielles montrent que les chercheurs travaillaient en collaboration étroite avec des figures semblables à ce que nous appellerions aujourd’hui des directeurs de l’innovation. Un exemple classique est la <a href="https://www.researchgate.net/publication/316049887_Designing_the_Rules_for_Rule-Based_Design-Conceptual_and_Generative_Models_Axiomatic_Design_Theory">découverte du nylon par DuPont</a>, où le directeur de la recherche, Elmer Bolton a joué un rôle clé en dirigeant les efforts d’innovation et en coordonnant les stratégies et les personnes impliquées. On retrouve le même mécanisme dans les Bell Laboratories avec Mervin Kelly sur le transistor.</p>
<p>Les entreprises doivent donc (re)développer une fonction innovation qui facilite la collaboration avec le secteur académique, nécessitant des <a href="https://www.theses.fr/2023UPSLMLarelationentrescienceetinnovationn%E2%80%99estpasautomatique:elledoit%C3%AAtreorganis%C3%A9e,g%C3%A9reretpiloter.030">compétences spéciales pour naviguer dans l’inconnu</a>. En France, des efforts sont faits pour développer ces compétences du côté des pouvoirs publics : augmentation des <a href="https://www.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/le-cnrs-met-lhonneur-ses-nouveaux-laboratoires-communs">laboratoires communs entre le CNRS et l’industrie</a>, création d’instituts de recherche technologique novateurs comme <a href="https://www.irt-systemx.fr/">SystemX</a>.</p>
<p>Néanmoins il reste essentiel pour les entreprises de s’appuyer sur une Direction de l’Innovation forte, qui s’attachera notamment à repenser et renforcer les collaborations avec le monde académique, dans des logiques qui bénéficient à la fois à la science et à l’industrie : un modèle prometteur dit de <a href="https://www.cairn.info/revue-vie-et-sciences-de-l-entreprise-2023-1-page-256.htm">double impact science-industrie</a>.</p>
<h2>Les risques majeurs d’une interprétation trop hâtive</h2>
<p>Une interprétation trop hâtive de la distension du lien entre recherche académique et innovation pourrait avoir des conséquences néfastes sur tout l’écosystème de R&D. Réduire le financement académique de la recherche au seul titre de la pauvreté de ses innovations revient à bouleverser ses mécanismes, nier l’hétérogénéité de ses impacts.</p>
<p>Si nous avons proposé deux voies d’intérêt pour mieux comprendre et rapprocher recherche académique et innovation, il ne faudrait pas oublier que les recherches peuvent aussi prendre du temps avant de trouver leurs applications. Dès lors, le financement public reste essentiel dans un contexte où <a href="https://www.cairn.info/revue-innovations-2023-2-page-97.htm">l’investissement privé est généralement courtermiste</a>.</p>
<p>À ce sujet, on rappellera la phrase cinglante de Paul Berg, Prix Nobel de chimie 1980, interrompant en plein discours Thomas Perkins, surnommé « le roi de la Silicon Valley » pour le rôle central de son célèbre fonds d’investissement KPBC (Genentech, Google, Amazon, HP). Alors que Perkins s’attachait à célébrer le rôle clé de la prise de risque des investisseurs pour l’innovation, le lauréat du Nobel <a href="https://www.ukri.org/wp-content/uploads/2021/12/IUK-071221-BuildingEntrepreneurialStateMazzucatoReportSummary.pdf">lui lance</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Où étiez-vous dans les années 1950 et 1960 quand tout le financement devait être fait dans la science fondamentale ? La plupart des découvertes qui ont alimenté [l’industrie] ont été créées à cette époque ! »</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/224090/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Début février, le journal The Economist relevait le paradoxe entre l’augmentation des publications scientifiques et la faible évolution de la productivité. Des solutions existent pour en sortir.Quentin Plantec, Professeur Stratégie & Management de l'Innovation, TBS EducationBenoit Weil, Professeur, Mines Paris - PSLElise Ratier, Doctorante en management de l’innovation, Mines Paris - PSLPascal Le Masson, Professeur chaire théorie et méthode de la conception, Mines Paris - PSLSylvain Lenfle, Professeur en management de l’innovation, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2241052024-02-23T11:53:16Z2024-02-23T11:53:16ZLes classements des universités sont non scientifiques et nuisent à l'éducation, selon des experts<p>Nous établissons des classements pour presque tout : les dix meilleurs restaurants à proximité, les meilleures villes à visiter, les meilleurs films à voir. Pour déterminer la validité de ces classements, il faut savoir qui en sont les auteurs et leurs objectifs. </p>
<p>Ce sont exactement les mêmes questions qu'il convient de se poser lorsqu'on examine le classement international des universités. </p>
<p>Le phénomène de classement des universités a commencé <a href="http://dx.doi.org/10.37941/PB/2023/1">il y a une vingtaine d'années</a>. Depuis, ils sont devenus omniprésents, <a href="http://www.researchcghe.org/perch/resources/publications/wp19.pdf">présumant de leur validité et de leur importance particulières</a>. Les établissements, en particulier ceux qui sont bien classés, les prennent au sérieux. Certaines consacrent du temps à la collecte des données demandées par les auteurs de classement. Les donateurs des universités les prennent au sérieux, les journalistes les vulgarisent et certains parents s'en servent pour orienter le choix d'établissement de leurs enfants. </p>
<p>Il existe <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/B9780128186305080428?via%3Dihub">une multitude de systèmes de classement des universités</a> et d'auteurs de classement. Certains systèmes de classement sont plus renommés que d'autres. Parmi les plus médiatisés et les plus influents, on trouve <a href="https://www.qs.com/">Quacquarelli Symonds (QS)</a>, <a href="https://www.timeshighereducation.com/">Times Higher Education (THE)</a>, <a href="https://www.shanghairanking.com/">Shanghai Ranking Consultancy</a> et <a href="https://www.usnews.com/education/best-global-universities/rankings">US News & World Report</a>. </p>
<p>Un <a href="https://collections.unu.edu/eserv/UNU:9299/Statement-on-Global-University-Rankings.pdf">groupe d'experts</a> s'est récemment réuni pour examiner de façon critique les systèmes de classement (j'en faisais partie). Nous avons été convoqués par <a href="https://unu.edu/iigh">l'Institut international pour la santé mondiale de l'Université des Nations unies</a>, qui a publié un <a href="https://unu.edu/press-release/rethinking-quality-unu-convened-experts-challenge-harmful-influence-global-university">communiqué de presse</a> sur le rapport.</p>
<p>Nous avons conclu, tout d'abord, que les classements posent un problème conceptuel. Il n'est pas raisonnable de mettre toutes les institutions dans le même panier et d'en tirer quelque chose d'utile. </p>
<p>Nous avons également conclu que leurs méthodologies n'étaient pas claires et que certaines d'entre elles semblaient peu fiables. Alors que nous n'accepterions pas de publier des travaux de recherche reposant sur des méthodologies médiocres, les auteurs des classements peuvent s'en tirer avec de telles méthodes peu rigoureuses. </p>
<p>Les experts ont noté que les classements étaient largement surévalués et qu'ils renforçaient les inégalités mondiales, régionales et nationales. Enfin, une trop grande attention portée aux classements empêche de réfléchir sur les systèmes éducatifs dans leur ensemble. </p>
<h2>Qui font les classements et comment</h2>
<p>Les institutions qui réalisent les classements sont des entreprises privées à but lucratif. Les agences de classement <a href="http://dx.doi.org/10.37941/PB/2023/1">gagnent de l'argent</a> de différentes manières : en récoltant des données auprès des universités qu'elles commercialisent ensuite, en vendant des espaces publicitaires, en vendant des services de conseil (aux universités et aux gouvernements) et en organisant des conférences payantes.</p>
<p>Chaque organisme de classement et chaque système de classement a une approche différente. En fin de compte, ils créent tous un indice ou un score à partir des données qu'ils collectent. Mais la manière dont ils parviennent à leurs résultats n'est pas transparente. Ils ne dévoilent pas totalement ce qu'ils mesurent et l'importance accordée à chaque composante de la mesure. </p>
<p>Par exemple, le <a href="https://www.timeshighereducation.com/">Times Higher Education</a> envoie un questionnaire aux universitaires qui sont invités à évaluer leur propre établissement ou d'autres établissements. Cette évaluation sera influencée par le nombre de personnes qui répondront, l'identité de ces personnes et leur connaissance réelle de l'institution qu'elles évaluent. </p>
<p>Il est donc facile d'obtenir un score à partir d'une telle enquête, mais est-il valable ? Reflète-t-il la réalité ? Est-il exempt de biais ? Si je travaille dans une institution particulière, est-il possible, voire probable, que je lui attribue une note élevée ? Ou, si je suis insatisfait dans cette institution, il se peut je lui donne une mauvaise note. Dans les deux cas, ce n'est pas une évaluation fiable de la réalité. </p>
<p>Les institutions de classement utilisent d'autres mesures qui peuvent être considérées comme plus objectives. Par exemple, ils examinent les publications produites par les universités. </p>
<p>Tout d'abord, de nombreuses recherches ont montré que ce qui est publié est <a href="https://www.nature.com/articles/d4158s6-023-01457-4">biaisé</a>. En outre, si l'on y regarde de plus près, les institutions de classement accordent plus d'attention à certains types de recherche - science, technologie, ingénierie et mathématiques. Elles n'évaluent pas tout et n'évaluent pas tout de la même manière et ne divulguent pas aux institutions classées comment elles ont pondéré les critères retenus. </p>
<h2>Pourquoi s'en préoccuper ?</h2>
<p>Les universités ont de multiples responsabilités dans la société. En outre, les universités reçoivent beaucoup d'argent public. Nous, le public, devrions nous soucier de la manière dont cet argent est dépensé. </p>
<p>Que se passe-t-il si une université délivre des diplômes à un grand nombre d'étudiants qui remplissent des fonctions importantes dans la société, comme les personnels des écoles, des hôpitaux et de la fonction publique et qui sont compétents dans leur travail ? On dira que c'est une bonne université qui remplit une fonction sociale importante. Tout porte à croire également que l'argent du contribuable a été utilisé à bon escient. </p>
<p>Qu'en est-il si une autre université effectue des recherches qui débouchent sur de bonnes politiques publiques, qui aident les gouvernements à mettre en œuvre des programmes visant à réduire le chômage chez les jeunes ou la criminalité ? Il s'agit là d'une bonne université. </p>
<p>Les deux établissements peuvent ne pas avoir un classement élevé. Dans ce cas, il est difficile de dire que ce ne sont pas de bonnes universités. </p>
<p>Les systèmes de classement unique ne servent pas la société. S'ils sont pris trop au sérieux, s'ils sont autorisés à influencer le système d'enseignement supérieur, les classements peuvent nuire à ce que le système d'enseignement supérieur devrait faire, c'est-à-dire contribuer à une meilleure société. </p>
<p>Une trop grande importance accordée à ces classements empêche de réfléchir sur les systèmes éducatifs dans leur ensemble. Il y a tellement de questions importantes à poser sur un système d'enseignement supérieur.</p>
<p>Les questions qui devraient être prioritaires sont les suivantes :</p>
<ul>
<li><p>Est-ce que notre palette d'institutions d'enseignement supérieur est adéquate et cohérente ? </p></li>
<li><p>Nos institutions de recherche produisent-elles suffisamment de travaux de recherche de haute qualité susceptibles de contribuer à notre développement en tant que nation ou région ?</p></li>
<li><p>Produisent-elles suffisamment de diplômés de master ou de doctorat pour doter en personnel d'autres établissements d'enseignement supérieur (ainsi que d'autres secteurs de la société) ? </p></li>
</ul>
<p>Les classements détournent les universités de ces tâches essentielles. L'obsession du classement crée des incitations perverses à agir pour améliorer un classement plutôt que de s'atteler au travail utile des universités.</p>
<h2>Que faire ?</h2>
<p>Nous devons tous comprendre que les classements ne sont ni objectifs ni véridiques. Les entreprises motivées par le profit orienteront inévitablement les systèmes de classement vers la réalisation de profits supplémentaires plutôt que vers l'intérêt public et les fonctions sociales des universités. </p>
<p>Les institutions de classement doivent être totalement transparentes afin que nous puissions évaluer l'utilité et la validité de leurs informations, ainsi que la manière dont les classements qu'ils produisent peuvent être utilisés. De plus, elles doivent reconnaître leur conflit d'intérêt inhérent.</p>
<p>Une fois que nous aurons compris la nature des classements, ainsi que leurs limites, nous accorderons moins d'importance à leurs rapports. Cela devrait nous encourager à refuser de nous conformer à leurs règles.</p>
<p>Nous devons comprendre comment la manière dont les universités sont classées renforce une vision (incorrecte ou incomplète) du monde selon laquelle tout ce qui est de grande valeur est occidental et anglophone. Les institutions qui prétendent s'intéresser au projet de décolonisation devraient être incitées à renoncer à être classées.</p>
<p>Il convient de rappeler que les classements n'ont pas toujours existé. Et ils n'ont pas à continuer d'exister. Et ne devraient pas l'être sous la forme qu'ils revêtent aujourd'hui.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224105/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sharon Fonn travaille à l'université de Witwatersrand, à Johannesburg, en Afrique du Sud, et à l'université de Göteborg, en Suède. Elle est l'une des fondatrices et la codirectrice de CARTA. CARTA est dirigé conjointement par le Centre de recherche sur la population et la santé en Afrique et l'Université de Witwatersrand et financé par la Carnegie Corporation of New York (subvention n° G-19-57145), l'Agence suédoise de coopération internationale au développement (ASDI) et l'Agence suédoise de coopération internationale en matière de santé. G-19-57145, Sida Grant No:16604, Uppsala Monitoring Center, Norwegian Agency for Development Cooperation Norad, et par la Science for Africa Foundation pour le programme Developing Excellence in Leadership, Training and Science in Africa DELTAS Africa Del-22-006 avec le soutien du Wellcome Trust et du Foreign, Commonwealth & Development Office du Royaume-Uni et fait partie du programme EDCPT2 soutenu par l'Union européenne. Les déclarations et les points de vue exprimés relèvent de la seule responsabilité de l'auteur.</span></em></p>Nous devons tous réaliser que les classements universitaires ne sont ni objectifs ni véridiques. Ils sont largement surestimés et renforcent les inégalités aux niveaux mondial, régional et national.Sharon Fonn, Professor, School of Public Health, University of Gothenburg Sweden, University of the WitwatersrandLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2222052024-01-30T16:16:51Z2024-01-30T16:16:51ZQui mène les découvertes scientifiques : de grandes personnalités ou de grandes équipes ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/571903/original/file-20240129-25-l86tp9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=23%2C11%2C1973%2C1200&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Plus de trois fois sur quatre, c’est la complémentarité entre la tête d’affiche de l’équipe et le reste des membres qui apporte le plus de valeur aux recherches.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/92416586@N05/19265682055">Flickr/NTNU</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>« Ce prix ne m’appartient pas, <a href="https://sg.news.yahoo.com/kieran-culkin-wins-golden-globe-023300356.html">il revient à toute l’équipe</a> », a déclaré Kieran Culkin, lauréat du Golden Globe du meilleur acteur pour <em>Succession</em> cette année. Cette phrase revient souvent dans les discours des gagnants à Hollywood, rappelant que les stars qui nous éblouissent à l’écran ne seraient rien sans l’équipe qui les entoure. « Je le répète, mais cette série est le fruit du travail de toute une équipe », a insisté lors de la même cérémonie Jesse Armstrong, le créateur de <em>Succession</em>, exprimant le même sentiment.</p>
<p>En dehors des discours à Hollywood, nous avons pourtant tendance à nous concentrer sur les exploits individuels. En affaires ou dans les sciences, la narration culturelle dominante veut que la majorité des innovations soit l’œuvre d’une poignée d’individus exceptionnels ou « têtes d’affiche ». Nous vantons les louanges des pionniers comme Steve Jobs ou Albert Einstein et nous accordons à ceux qui semblent avoir le même potentiel les ressources nécessaires pour qu’ils continuent à accomplir un travail d’une grande valeur ajoutée.</p>
<p>Les scientifiques de renom sont ceux qui publient davantage que la moyenne, écrivent des articles à fort impact et participent activement à des projets commerciaux. Pourtant, la science est rarement une activité individuelle. Les scientifiques de renom, comme les autres, sont entourés d’une équipe, ou « constellation », de collaborateurs. D’ailleurs, la <a href="https://ssrn.com/abstract=579787">taille des équipes a augmenté d’environ 50 %</a> au cours des deux dernières décennies du XX<sup>e</sup> siècle. En outre, ces dernières années, plus de 80 % de l’ensemble des publications scientifiques et d’ingénierie et plus de deux tiers des brevets sont <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.1136099">signés par plusieurs auteurs</a>.</p>
<p>Mais jusqu’où va l’impact d’une seule personne sur les performances globales d’une collaboration ? Dans un récent <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=4607139">article</a> de recherche, nous avons étudié la contribution relative des individus et de leurs collaborateurs sur l’innovation scientifique, afin de comprendre comment optimiser la composition des équipes pour améliorer leurs performances.</p>
<h2>Le poids des chercheurs de renom</h2>
<p>Les chercheurs de renom améliorent les performances collectives de deux façons. Premièrement, leur présence et leur contribution renforcent la qualité et la production de leurs collaborateurs, d’où plus de réussite pour l’ensemble de l’équipe. Des études antérieures ont porté sur ce prétendu effet d’entraînement en observant ce qu’il se passe lorsqu’un chercheur de renom quitte le groupe. Elles montrent que dans ce cas, le taux de publication de ses anciens collègues <a href="http://www.jstor.org/stable/27867490">baisse durablement</a> de 5 à 10 %.</p>
<p>Deuxièmement, une fois qu’un chercheur devient réputé, il lui est plus facile d’attirer des talents et des ressources. Ce mécanisme s’appelle « l’effet Matthieu », d’après une interprétation (assez libre) d’un passage biblique. Concrètement, <a href="https://www.scienceshumaines.com/l-effet-matthieu_fr_39923.html">« l’effet Matthieu »</a> illustre les cas où le chercheur de renom surfe davantage sur son propre succès que les autres.</p>
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<p>De fait, des études ont montré que les chercheurs de renom bénéficient d’un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0048733317300410">accès privilégié à des ressources précieuses</a> comme des financements, des diplômés talentueux et des laboratoires de pointe, à la fois dans les secteurs universitaire et public.</p>
<p>Par le passé, des recherches ont porté sur l’effet d’entraînement ou sur l’effet Matthieu, mais séparément, alors que ces deux notions sont inextricablement liées. Nous avons donc mis au point un modèle pour appréhender cette complexité.</p>
<p>Nous avons étudié les relations entre les têtes d’affiche et leurs constellations dans des collaborations ayant donné lieu à des inventions. Les chercheurs universitaires doivent présenter leurs inventions aux institutions auxquelles ils sont rattachés. Ces déclarations sont des documents légaux qui s’avèrent utiles pour notre étude, car elles font abstraction de tout traitement de faveur ou toute politique institutionnelle susceptible de fausser le taux d’attribution des publications à leurs auteurs. Ces données proviennent d’une université américaine dont la faculté de médecine est réputée.</p>
<p>L’analyse a porté sur les données des 555 déclarations d’inventions enregistrées entre 1988 et 1999. Parmi les 1 003 scientifiques, dont 248 directeurs de recherche, nous avons identifié une cohorte de 30 « têtes d’affiche » figurant parmi les 5 % de chercheurs les plus cités au monde.</p>
<h2>Des têtes d’affiche irremplaçables</h2>
<p>Les scientifiques de renom apportent une contribution majeure à leurs équipes, c’est-à-dire supérieure à celle des autres membres, lorsqu’ils sont « irremplaçables ». En d’autres termes, ils sont en telle symbiose avec le reste de l’équipe que la constellation serait incapable de produire un travail d’une telle qualité sans eux, y compris avec l’aide d’un autre directeur de recherche.</p>
<p>Alors, qu’est-ce qui provoque cette « symbiose » avec l’équipe ? Nous avons cherché des tendances parmi ces ensembles de données, en considérant l’impact de la recherche, le niveau de connaissances et l’ancienneté des membres du groupe, afin de déterminer ce qui influence le plus le choix de collaborateurs par les scientifiques.</p>
<p>Nous avons constaté que les directeurs de recherche de grande valeur ont tendance à travailler avec des collaborateurs de grande valeur également, ce qui confirme l’idée que les scientifiques de renom attirent des constellations talentueuses. Par ailleurs, les directeurs de recherche les plus éminents ont accès à, et sont privilégiés par, des collaborateurs avec lesquels ils partagent certaines compétences, quoiqu’une trop grande similarité rende la collaboration moins favorable. Une langue et des objectifs communs sont une force, mais des compétences qui se chevauchent freinent l’innovation.</p>
<p>Aussi, les directeurs de recherche de grande valeur ont tendance à travailler dans des groupes où sont réunis à la fois de jeunes et d’anciens scientifiques. Nous pouvons donc affirmer que la diversité des perspectives et des compétences est propice aux découvertes. Enfin, le profil de recherche des scientifiques de renom et de leurs collaborateurs est généralement similaire au niveau des domaines d’application de leurs recherches.</p>
<h2>L’immensité du ciel</h2>
<p>Nous nous sommes servis de ces résultats pour trouver qui, de la tête d’affiche ou de la constellation, contribue le plus aux découvertes scientifiques. Lorsqu’une tête d’affiche et une constellation sont en symbiose, elles produisent des recherches de meilleure qualité. Pour chaque collaboration, nous avons calculé qui, de la tête d’affiche ou de la constellation serait la plus difficile à remplacer.</p>
<p>Pour ce faire, nous avons remplacé une tête d’affiche ou une constellation par celle qui occupait la deuxième place sur le plan de la compatibilité. Plus l’impact de la recherche diminuait, plus la présence de la tête d’affiche ou de la constellation manquante était indispensable.</p>
<p>Étonnamment, nos résultats montrent qu’il est rare que la contribution d’une seule personne ait plus d’impact que celle de l’équipe entière. La contribution relative de la tête d’affiche sur la création du savoir ne dépasse celle de la constellation que dans 14,3 % des collaborations. La constellation n’est le principal contributeur, en termes de création en valeur relative, que dans 9,5 % des cas.</p>
<p>Plus de trois fois sur quatre, personne ne domine, et c’est la complémentarité entre la tête d’affiche et la constellation qui apporte le plus de valeur aux recherches. Dans presque toutes les collaborations, l’entreprise collective avait pour objectif d’innover.</p>
<p>En résumé, pour identifier les moteurs d’innovation et de découverte, il ne faut pas que quelques étoiles très brillantes nous empêchent de voir l’immensité du ciel.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222205/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une étude montre qu’un juste équilibre doit être trouvé entre les prouesses individuelles et l’effort collectif.Denisa Mindruta, Professeur Associé en Stratégie et Politique d'Entreprise, HEC Paris Business SchoolJanet Bercovitz, Professor, Strategy and Entrepreneurship PhD Program Director, University of Colorado BoulderMaryann Feldman, Professor of Public Policy and Management at the Watts College of Public Service and Community Solutions, Arizona State UniversityVlad Mares, Affiliate Professor of Economics, INSEADLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2201312023-12-21T14:28:23Z2023-12-21T14:28:23ZLa faim justifie les moyens – quand l’ours polaire s’attaque à l’oie des neiges<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/566997/original/file-20231220-19-d2je5g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C1%2C989%2C745&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les adaptations que les ours devront déployer pour faire face aux défis imposés par les changements climatiques sont multiples et imprévisibles.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>C’est durant l’hiver que les ours polaires (<em>Ursus maritimus</em>) constituent leurs <a href="https://doi.org/10.1086/physzool.69.2.30164186">réserves de graisses</a>. La chasse intensive de phoques – une ressource <a href="https://doi.org/10.1139/z75-117">riche en gras</a> – leur permet d’emmagasiner assez d’énergie pour traverser l’été.</p>
<p>Avec le réchauffement du climat, les opportunités de chasse sur la banquise <a href="https://doi.org/10.1111/1365-2656.12685">diminuent</a>. Et les experts estiment qu’il n’y a pas assez de nourriture sur la terre ferme pour compenser la <a href="https://doi.org/10.1890/140202">diminution des réserves énergétiques chez les ours</a>.</p>
<p>Face à ces changements, certains individus profitent des colonies <a href="https://doi.org/10.1098/rspb.2013.3128">d’oiseaux nicheurs et de leurs œufs</a>, l’une des rares ressources faciles à obtenir sur la terre ferme, pour combler en partie leurs déficits énergétiques. Les adaptations que les ours devront déployer pour faire face aux défis imposés par les changements climatiques sont multiples et imprévisibles.</p>
<p>Étudiant-chercheur en écologie, je profitais d’un court séjour au nord de l’île de Baffin, au Nunavut, pour travailler sur la petite faune de l’île Bylot. Le temps d’un après-midi, un ours polaire en a décidé autrement. Nous vous livrons ici ses prouesses, qui ont mené à l’observation d’un comportement inédit.</p>
<h2>L’observation inusitée – l’ours polaire en eau douce</h2>
<p>Nous sommes le 8 août 2021. À 80 km de la communauté inuite de Mittimatalik, le camp de recherche de l’île Bylot fourmille d’activité.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1139/as-2023-0029">Établi depuis 30 ans</a>, il est situé en plein cœur de l’aire d’élevage de la plus grande colonie connue d’oie des neiges (<em>Anser caerulescens caerulescens</em>). Aujourd’hui, les scientifiques de différents horizons parcourent le fond de la vallée Quarliktuvik – généralement plat – pour étudier le sol, l’eau, les plantes et la faune.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566995/original/file-20231220-25-jybcic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Bylot Island main research station TimMoser x" src="https://images.theconversation.com/files/566995/original/file-20231220-25-jybcic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566995/original/file-20231220-25-jybcic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=246&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566995/original/file-20231220-25-jybcic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=246&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566995/original/file-20231220-25-jybcic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=246&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566995/original/file-20231220-25-jybcic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=310&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566995/original/file-20231220-25-jybcic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=310&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566995/original/file-20231220-25-jybcic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=310&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le camp de recherche de l’île Bylot.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Tim Moser)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>En sortant d’un ravin, l’un des rares reliefs des environs, je balaie la vallée de mes jumelles. Deux paires de jambes retiennent mon attention au loin. Les brumes de chaleur brouillent l’image, mais ce que je considérais être des collègues marchant côte à côte prend soudainement la forme floue – mais caractéristique – d’un ours polaire. Bien que tous aient l’équipement nécessaire – vaporisateurs chasse-ours, cartouches anti-ours et parfois même un fusil – je retourne <em>presto</em> au camp après avoir alerté le groupe par radio.</p>
<p>Plusieurs collègues se sont regroupés sur une petite colline pour garder à l’œil le nouveau venu. En effet, le temps que je parcoure le kilomètre me séparant du camp, <em>nanuk</em> en avait fait trois dans sa direction et s’affairait autour d’un étang occupé par des oies. À cette période de l’année, <a href="https://doi.org/10.1111/jav.00982">celles-ci sont en mues</a> – donc incapables de voler – et s’attroupent près des étangs pour échapper au <a href="https://doi.org/10.14430/arctic604">renard arctique (<em>Vulpes lagopus</em>)</a>, qui dédaigne de se jeter à l’eau. Avec un ours dans les parages, les activités sur le terrain cessent et nous profitons de cet après-midi radieux pour observer le roi de la banquise.</p>
<p>Fidèles à leur habitude, les oies se sont réfugiées dans l’étang le plus proche à la vue du danger. Elles pataugent suffisamment rapidement pour maintenir l’ours, qui nage à la surface, à une bonne distance.</p>
<p>Celui-ci utilise alors une technique inédite : il plonge sous l’eau, disparaît aux yeux des oies qui cessent de fuir, et sort sous l’une d’elle.</p>
<p>Ma collègue Mathilde Poirier consigne ce comportement dans son carnet :</p>
<blockquote>
<p>13h45 – 14h00 : l’ours nage dans le lac […], effectue 4 plongées pour essayer d’attraper une oie. Réussi à sa 4<sup>e</sup> tentative (attrape l’oie par en dessous, lors d’une plongée).</p>
</blockquote>
<p>Au cours de l’après-midi, l’ours utilise cette technique deux autres fois, avec un échec et une réussite.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566996/original/file-20231220-19-utj9iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="schéma" src="https://images.theconversation.com/files/566996/original/file-20231220-19-utj9iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566996/original/file-20231220-19-utj9iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566996/original/file-20231220-19-utj9iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566996/original/file-20231220-19-utj9iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566996/original/file-20231220-19-utj9iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566996/original/file-20231220-19-utj9iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566996/original/file-20231220-19-utj9iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Nous avons observé une technique de chasse inédite chez un ours polaire : il plonge sous l’eau, disparaît aux yeux des oies qui cessent de fuir, puis sort sous l’une d’elle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Madeleine-Zoé Corbeil-Robitaille)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Quels bénéfices les ours peuvent-ils tirer de ce comportement ?</h2>
<p>Deux mois plus tard, de retour l’Université Laval, cette observation nous fascine toujours. Nulle part dans la littérature scientifique ne fait-on mention d’un tel comportement. Au mieux, on y rapporte des <a href="https://doi.org/10.33265/polar.v41.8176">attaques sur des guillemots dans l’océan</a>, près des côtes, un environnement fort différent des étangs calmes et peu profond où nous avons observé les attaques.</p>
<p>Étant au fait des <a href="https://doi.org/10.1890/140202">défis énergétiques</a> auxquels font face les ours durant l’été, notre groupe de recherche a voulu répondre à la question suivante : est-ce que cette technique de chasse permettrait à l’ours polaire de bénéficier de la consommation d’oie des neiges ?</p>
<p>L’information consignée sur le terrain, soit le temps nagé par l’ours et son succès de chasse, nous permettait justement d’y répondre. En combinant nos observations avec des <a href="https://doi.org/10.1007/s00300-017-2209-x">estimations du coût énergétique</a> de la nage chez l’ours et <a href="https://doi.org/10.1093/conphys/cow045">l’énergie contenue dans une oie des neiges</a>, nous avons pu modéliser l’efficacité énergétique de la technique.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1139/AS-2023-0036">Ces calculs révèlent</a> que cette technique de chasse pourrait permettre aux ours d’acquérir plus d’énergie qu’ils n’en dépensent, particulièrement pour les ours de petite taille, et s’ils arrivent rapidement à attraper l’oie.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566994/original/file-20231220-25-lint0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="ours polaire" src="https://images.theconversation.com/files/566994/original/file-20231220-25-lint0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566994/original/file-20231220-25-lint0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566994/original/file-20231220-25-lint0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566994/original/file-20231220-25-lint0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566994/original/file-20231220-25-lint0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566994/original/file-20231220-25-lint0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566994/original/file-20231220-25-lint0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’ours en question s’affairait autour d’un étang occupé par des oies.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Yannick Seyer)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un apport énergétique qui est loin d’être suffisant</h2>
<p>Cet apport énergétique aurait toutefois une portée très limitée.</p>
<p>Tout d’abord, une oie fournit relativement peu d’énergie – environ 200 fois moins qu’un <a href="https://doi.org/10.1139/z75-117">phoque annelé de 45 kilogrammes</a>.</p>
<p>De plus, elles sont rarement disponibles comme proies : elles perdent la capacité de voler seulement 3 ou 4 semaines chaque été et leurs colonies sont situés à <a href="http://dx.doi.org/10.1002/jwmg.879">quelques endroits</a> seulement dans l’arctique.</p>
<p>La chasse d’oies pourrait donc bénéficier ponctuellement à certains ours, mais ne permettra pas, à l’échelle de la population, d’alléger les déficits énergétiques causés par la fonte de la banquise.</p>
<p>Bien que notre observation souligne l’éventail comportemental que peuvent déployer les ours pour exploiter les ressources terrestres, ce type d’interaction entre l’oie des neiges et l’ours polaire ne devrait pas avoir d’impact sur les populations des deux espèces.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220131/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Bolduc a reçu des financements du PFSN et de l'Association canadienne pour le trappage sans cruauté. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Matthieu Weiss-Blais a reçu des financements de CRSNG, FRQNT, PFSN. </span></em></p>Des chercheurs ont fait une observation fascinante : un ours polaire a employé une technique de chasse en plongée, encore jamais rapportée, pour capturer de grandes oies des neiges en mue.David Bolduc, Étudiant au doctorat en écologie animale, Université LavalMatthieu Weiss-Blais, Étudiant la maîtrise en biologie, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2163792023-10-30T19:08:34Z2023-10-30T19:08:34ZComme les humains, les babouins coopèrent avec le concept du « donnant-donnant »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/556668/original/file-20231030-27-d7c2a3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C4%2C1495%2C984&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les babouins sont capables de comportements que l'on pensait réservés aux humains.</span> <span class="attribution"><span class="source">Anthony Formaux</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les humains, adultes et enfants, coopèrent naturellement dans de nombreux contextes. Par exemple, lorsqu’un enfant prête ses devoirs à un camarade pour l’aider, il peut s’attendre à ce que son camarade en fasse autant la fois d’après : <a href="https://doi.org/10.1016/j.tics.2013.06.003">c’est la réciprocité</a>. Si cela ne se produit pas, il pourrait être tenté de changer de camarade pour la prochaine fois : <a href="https://doi.org/10.1016/j.evolhumbehav.2013.02.002">c’est le choix du partenaire</a>.</p>
<p>Ces deux mécanismes sont particulièrement importants chez l’humain pour stabiliser la coopération : d’une part, la réciprocité (ou « donnant-donnant ») fait que nous sommes plus enclins à coopérer avec les individus avec qui nous avons déjà réussi à coopérer par le passé et d’autre part, le choix du partenaire fait que nous changeons de partenaire lorsque la coopération avec l’un ne nous semble pas satisfaisante. Les humains coopèrent donc de façon stratégique, en adaptant leurs comportements en fonction de leurs coûts et des bénéfices qu’ils entraînent.</p>
<p>Les études des primates non-humains montrent que les singes ont aussi tendance à coopérer dans certains contextes. Par exemple, les chimpanzés <a href="https://doi.org/10.1002/ajpa.1330780410">chassent en groupe et partagent le fruit de la chasse entre eux</a>. Cependant, il est difficile de savoir si les singes coopèrent de manière stratégique par la simple observation de leurs comportements et jusqu’à présent les expériences ne permettaient pas de fournir un contexte propice à l’émergence et au maintien de la coopération.</p>
<h2>Quand les babouins coopèrent</h2>
<p>En utilisant un nouveau dispositif expérimental permettant à des babouins de Guinée de participer librement à une tâche de coopération avec le partenaire de leur choix et sur de longues périodes, notre équipe du Laboratoire de Psychologie Cognitive (CNRS, Université Aix-Marseille) a montré, dans une expérience réalisée à la <a href="https://www.primato.cnrs.fr/">station de primatologie de Rousset</a> du CNRS, que des babouins de Guinée sont capables de coopérer en utilisant des stratégies de donnant-donnant et de choix du partenaire, tout comme l’humain. Les résultats de cette démonstration expérimentale, réalisée en utilisation un dispositif innovant, <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/sciadv.adi5282">viennent d’être publiés</a> dans la revue Science Advances.</p>
<p>Dans un enclos de la station de primatologie, centre de recherche spécialisé dans l’étude du comportement des primates, une vingtaine de babouins de Guinée vivant en groupe ont un accès libre et volontaire à 10 dispositifs expérimentaux automatisés. Lorsque les babouins y accèdent, ils se retrouvent face à des écrans tactiles sur lesquels apparaissent des tâches variées, auxquelles ils peuvent répondre pour obtenir de la nourriture. Ces dispositifs sont organisés par paire : lorsqu’un babouin rentre seul dans un dispositif, il participe à une tâche individuelle. Si deux babouins rentrent dans deux dispositifs voisins, ils peuvent participer à une tâche coopérative, dans laquelle ils pourront travailler ensemble pour être récompensés. Pour cela, ils peuvent voir l’écran du voisin, ce qu’il choisit, et même ce qu’il récupère.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Dispositif expérimental dans lequel les babouins peuvent coopérer pour récupérer de la nourriture." src="https://images.theconversation.com/files/556680/original/file-20231030-21-h6ep8f.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/556680/original/file-20231030-21-h6ep8f.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/556680/original/file-20231030-21-h6ep8f.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/556680/original/file-20231030-21-h6ep8f.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/556680/original/file-20231030-21-h6ep8f.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=411&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/556680/original/file-20231030-21-h6ep8f.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=411&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/556680/original/file-20231030-21-h6ep8f.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=411&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Dispositif expérimental dans lequel les babouins peuvent coopérer pour récupérer de la nourriture.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Anthony Formaux</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La tâche coopérative proposée aux babouins lors de cette expérience était la suivante : un des deux singes participants, le « donneur », pouvait choisir soit une image permettant de récompenser son partenaire « receveur » (choix prosocial), soit une autre image qui ne le récompensait pas (choix égoïste).</p>
<p>D’un essai à l’autre, les rôles étaient choisis aléatoirement, le donneur pouvant devenir le receveur et vice versa. Si les singes sont capables de garder en mémoire et d’utiliser leurs interactions avec un partenaire donné, le « donneur » aura donc tout intérêt à faire le choix prosocial, dans l’espoir que le « receveur » fasse le même choix lorsque les rôles seront inversés, permettant de maximiser les gains de chacun et leurs chances de continuer à interagir.</p>
<p>L’expérience comportait deux niveaux de difficulté : dans le premier, le donneur était systématiquement récompensé, quel que soit son choix ; dans le second, il n’était jamais récompensé en tant que « donneur » ; sa récompense ne pouvait donc provenir que d’un choix prosocial réalisé par son partenaire plus tard au cours de l’expérience.</p>
<p>Dans cette expérience, certains singes ont, après quelques essais, atteint des proportions de choix prosociaux très élevés qu’ils ont maintenus tout au long de l’expérience, suggérant qu’ils ont rapidement compris l’intérêt de coopérer.</p>
<p>De plus, lorsque la tâche est devenue plus difficile et qu’ils ne pouvaient plus être récompensés que lorsqu’ils étaient receveurs, ils ont commencé à adapter leurs comportements en fonction de leurs précédentes interactions. La probabilité qu’un individu fasse le choix prosocial était ainsi plus importante si son partenaire avait également fait le choix prosocial précédemment, et la probabilité qu’il quitte le dispositif pour chercher un autre partenaire était plus importante si son partenaire avait précédemment fait un choix égoïste.</p>
<h2>Mêler observation dans la nature et expériences scientifiques</h2>
<p>Dans la nature, les babouins de Guinée coopèrent pour de nombreuses raisons dans des contextes variés : pour se défendre contre des prédateurs ou contre d’autres groupes, pour assurer la protection des plus jeunes individus, mais également pour garantir le déplacement coordonné de plusieurs centaines d’individus.</p>
<p>Les résultats de notre étude montrent que les babouins de Guinée sont, comme les humains, aussi des coopérateurs stratégiques, ils peuvent coopérer dans un contexte nouveau et sont capables de moduler finement leur comportement en fonction de leurs interactions passées et de leurs partenaires pour maintenir la coopération au sein du groupe.</p>
<p>Pour comprendre le fonctionnement d’un comportement, il est ainsi nécessaire d’intégrer différentes approches observationnelles et expérimentales. Tandis que les observations des comportements animaux <a href="https://doi.org/10.2307/2800247">dans la nature</a> permettent de comprendre ce qu’ils leur procurent dans leur environnement naturel, les <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1700351114">études expérimentales</a> courtes et isolées permettent de déterminer les prédispositions spontanées des animaux à développer ces comportements.</p>
<p>Notre nouvelle approche permet de compléter celles déjà existantes en répondant à la question : comment ces comportements se développent et se maintiennent dans un environnement à haute fréquence d’interaction ? De futures études utilisant des contextes similaires chez d’autres espèces de primates devraient pouvoir renforcer cette intégration, en plus d’améliorer nos connaissances sur l’origine phylogénétique de la coopération stratégique humaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216379/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anthony Formaux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une nouvelle recherche montre que les babouins sont capables de coopérer et de choisir les partenaires qui leur permettront de recevoir un équivalent à ce qu’ils ont pu donner.Anthony Formaux, Doctorant en cognition comparée, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2156152023-10-25T16:00:05Z2023-10-25T16:00:05ZLinguistique, éducation… Quand les médias confondent opinion et expertise<blockquote>
<p>« Moi je suis amoureux de la langue française. J’ai envie que la langue française reste comme elle est. Je ne vois pas pourquoi on transformerait. Je suis partisan de la richesse, de la beauté des mots comme on les a lus, comme on les a appris ! »</p>
</blockquote>
<p><a href="https://www.youtube.com/embed/bmCfj9QTd8A">Cette récente saillie de Pascal Obispo</a> signe une tendance largement partagée : les individus sont souvent amenés à penser que leur expérience personnelle leur confère une expertise dans un domaine. C’est particulièrement le cas pour la langue et l’éducation. Les médias partageraient-ils cette perception ? Ils font facilement appel aux chercheurs pour traiter des actualités liées à la santé, à la politique et à l’économie, mais on observe une certaine confusion lorsqu’il s’agit d’aborder des sujets relevant d’autres sciences humaines et sociales.</p>
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<p><a href="https://theconversation.com/lexpertise-en-sciences-ou-comment-se-decide-ce-qui-est-publiable-noblesse-et-de-rives-77925">L’expertise des chercheurs</a> a-t-elle la même fonction que d’autres discours sur les plateaux télévisés ? Plutôt que de s’intéresser directement au statut des individus (experts, chercheurs, etc.), les sciences du langage analysent la manière dont les discours publics sont perçus. On examinera ici le statut de ces discours d’expertise en cherchant à comprendre leur nature – oscillant entre opinion basée sur une expérience personnelle et expertise répondant aux critères scientifiques de la recherche – et leur positionnement dans les débats publics.</p>
<p>Prenons le cas de l’analyse de la langue, qui fait l’objet <a href="https://www.slate.fr/story/199326/medias-linguistique-langue-vulgarisation-reseaux-sociaux-youtube-podcasts">d’un intérêt particulier dans les médias</a> en France. Cet engouement est étayé par la participation de différents linguistes aux questions sociétales : <a href="https://www.youtube.com/watch?v=m5Ia-CxaD00">Maria Candea</a> sur le fait que le langage est politique, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=3D_ABYMMPak">Philippe Blanchet</a> concernant la glottophobie, <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-chemins-de-la-philosophie/les-chemins-de-la-philosophie-du-vendredi-04-fevrier-2022-2334444">Bernard Cerquiglini</a> ou <a href="https://www.youtube.com/watch?v=7PW8pPWCkKk">Anne Abeillé</a> sur l’évolution des langues, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=PtkujdTDv2o">Mathieu Avanzi</a> sur le français de nos régions, Jean Pruvost sur les <a href="https://www.lefigaro.fr/langue-francaise/actu-des-mots/jean-pruvost-notre-passion-pour-la-langue-et-les-dictionnaires-est-liee-a-notre-histoire-20211227">dictionnaires</a> et <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-chronique-linguiste-de-laelia-veron">Laélia Véron</a> sur la langue dans une <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-chronique-linguiste-de-laelia-veron">chronique radio humoristique</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1695366975675924629"}"></div></p>
<p>Cette présence médiatique peut sembler importante, mais elle se concentre sur des thématiques spécifiques, parfois en raison d’une actualité brûlante : la <a href="https://theconversation.com/ecriture-inclusive-un-premier-bilan-de-la-controverse-147630">polarisation autour de certaines évolutions de la langue</a>, par exemple. Et elle reste périphérique. Sur cette thématique, les <a href="https://shs.hal.science/halshs-00731499/document">« experts-profanes »</a> sont légion. Pour le média Slate.fr, l’Académie française <a href="http://www.slate.fr/story/199326/medias-linguistique-langue-vulgarisation-reseaux-sociaux-youtube-podcasts">« comblerait également un vide médiatique laissé par les sciences du langage »</a>. En effet, celle-ci <a href="https://theconversation.com/debat-lecriture-inclusive-un-peril-mortel-vraiment-86522">critique régulièrement les évolutions de la langue française</a> dans une vision décliniste. Or, sa légitimité à parler de la langue est <a href="https://lactualite.com/societe/trop-de-romanciers-pas-assez-de-linguistes/">régulièrement mise en cause du fait de l’écrasante majorité de non-linguistes en son sein</a>. Lassé de la « désinformation sur la langue » et des « paniques morales propagées sans rencontrer de discours contradictoire », le collectif des <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/tracts-le-podcast/les-linguistes-atterres-repenser-les-debats-sur-le-francais-6935492">linguistes atterré·e·s</a> publie en 2023 un court ouvrage revendiquant que <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Tracts/Le-francais-va-tres-bien-merci">« le français va très bien, merci ! »</a> Mais ce tract est rapidement contesté par une tribune dans <em>Le Figaro</em> intitulée <a href="https://www.lefigaro.fr/langue-francaise/actu-des-mots/le-francais-ne-va-pas-si-bien-helas-20230524">« Le français ne va pas si bien, hélas »</a>.</p>
<p>Maria Candea remarque que les médias ont peu tendance à se tourner vers des linguistes (ou leurs travaux) pour vérifier, au moyen de données issues de la recherche, des idées communément admises alors qu’il s’agit parfois de lieux communs.</p>
<h2>Sur les plateaux, opinion = expertise ?</h2>
<p>Dans les médias, opinions et expertises semblent par moments se valoir. Une émission <a href="https://www.publicsenat.fr/emission/deshabillons-les">« Déshabillons-les »</a> propose ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Des images décodées et mises en perspective par des experts qu’ils soient communicants, linguistes, psychologues, politologues mais aussi par les politiques eux-mêmes. »</p>
</blockquote>
<p>On note cependant parfois un mélange des genres avec une confusion sur ce que serait un discours d’expert, comme c’est le cas d’une tentative d’analyse de l’anglais du président Emmanuel Macron par une intervenante dont « l’expertise » viendrait de sa nationalité (américaine) et son métier (enseignante d’anglais). Le discours se transforme rapidement en une évaluation relativement imprécise, basée sur des arguments intuitifs plutôt que sur une grille de lecture spécifique :</p>
<blockquote>
<p>« C’est pas un accent tout à fait français, ni c’est un accent qui est un peu… c’est comme… il essaie un peu trop d’avoir un accent et des fois ça passe pas. »</p>
</blockquote>
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<p><a href="https://larevuedesmedias.ina.fr/invites-des-talk-shows-et-emissions-de-divertissement-tous-les-memes">L’INA</a> a répertorié les intervenants sur l’éducation dans les médias entre 2010 et 2015. Si sur 72 intervenants, une quarantaine sont enseignants-chercheurs, seuls trois ont une spécialité en lien direct avec l’éducation (formation des enseignants, sciences de l’éducation). Douze se dédient à la politique, onze aux lettres/littérature, six à l’histoire géographie, quatre à la philosophie et c’est le reflet du prisme pris par les médias sur cette question. Dix-huit enseignants (dont une partie importante d’agrégés) ont également été invités. Ces intervenants combinent la plupart du temps leur fonction académique avec celle de politique, écrivain, essayiste, éditeur ou encore réalisateur – ce qui brouille encore plus la fonction de ces discours.</p>
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<p>Même des chaînes qui ne courent pas après le divertissement du spectateur tombent dans ce travers. En 2023, sur Public Sénat, pour une émission sur la thématique <a href="https://www.youtube.com/watch?v=9jEve-Ckkac">« École : des réformes passéistes »</a> les invités sont un sénateur, une éditorialiste, une agrégée d’histoire-géographie et un ancien professeur d’anglais ayant quitté l’Éducation nationale. </p>
<p>Ce dernier, qui est invité à l’occasion de la <a href="https://editions.flammarion.com/lex-plus-beau-metier-du-monde/9782080298119">sortie de son livre</a>, relate sa formation d’il y a plus de 10 ans, sans que ne soit mise en perspective une vision sur les multiples réformes engagées dans cette période (masterisation, création des écoles supérieures du professorat et de l’éducation puis INSPE) qui ont bouleversé la formation initiale et continue des enseignants. Il s’agit donc, tel qu’il est présenté, d’un discours de témoignage basé sur l’expérience vécue, et non d’une expertise ayant une vocation de généralisation.</p>
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<p>Même constat en septembre 2023, lorsque le ministre de l’Éducation nationale Gabriel Attal réintroduit des sujets récurrents dans le débat public : <a href="https://www.lepoint.fr/education/gabriel-attal-annonce-une-serie-de-mesures-pour-renforcer-l-ecrit-des-eleves-15-09-2023-2535594_3584.php">port de l’uniforme, séparation de groupes de niveaux, (re)création d’une École Normale, etc.</a> Si les réactions à ces annonces de la part des acteurs du terrain de l’éducation <a href="https://www.cafepedagogique.net/2023/10/06/annonces-dattal-reactions-syndicales/">ont été nombreuses</a>, l’absence de visibilité des chercheurs du domaine (sciences de l’éducation et de la formation, didactique des différentes disciplines) et plus encore des formateurs des Instituts Nationaux Supérieur du Professorat et de l’Éducation (INSPE, ex–Ecole Normale ou IUFM) pose question, puisqu’ici encore leurs discours ne sont pas médiatisés.</p>
<h2>Prendre la parole à la TV : un combat de voix</h2>
<p>Les médias, forts de la nécessité de maintenir l’attention du public par le spectacle, peuvent considérer ces sujets en sciences humaines (la langue, l’école) comme des <a href="https://www.huffingtonpost.fr/julien-longhi/assez-des-mots-pretextes-en-cette-rentree-politique-comment-penser-le-renouvellement-de-l-analyse-politique_a_23511609/">« prétextes »</a>, en orientant leur traitement vers des approches clivantes. Pour cela, le recours à des invités dont le discours est tranché (notamment en pour/contre) s’avère un bon moyen de générer des débats voire des <a href="https://www.theses.fr/2012LYO20088">polémiques</a>, alors même que le discours scientifique fait une place centrale au doute. Avec cette concurrence effrénée des « experts plateaux » parfois autoproclamés, friands de médiatisation quel que soit les sujet, les connaissances médiées deviennent plus superficielles, et les discours d’informations peuvent alors relever de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=f89WVeqWe-M">l’ultracrépidarianisme, c’est-à-dire « l’art de parler de ce qu’on ne connaît pas »</a>.</p>
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<p>Or, la temporalité des sciences n’est pas celle des médias, et la posture des experts-chercheurs diffère des autres experts, puisque si la <a href="https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2012-3-page-9.htm">« recherche vise à augmenter progressivement, suivant un rythme souvent lent, le stock de connaissances, l’expertise se fait sur le temps court »</a>. Et l’expertise est d’ailleurs tributaire d’une instance qui la sollicite : le discours scientifique nécessite une mise en débat avec les pairs, une prise en compte précise des connaissances actuelles et évolutions possibles. Les experts-chercheurs délivrent ainsi une analyse située, ce qui nécessite une méthodologie, des outils théoriques, et un peu plus de temps parfois que ne peuvent exiger les agendas médiatiques.</p>
<p>Cette réflexion n’amène pas à penser qu’il y aurait une hiérarchisation à faire entre les discours dans les médias. Elle s’intéresse à la manière dont ces discours peuvent être perçus comme plus ou moins experts et leur impact sur l’opinion. À ce titre, notons qu’il existe une hiérarchisation implicite de ces discours. On ne permet pas à certains de s’exprimer, par exemple, les « jeunes » qui <a href="https://www.lefigaro.fr/langue-francaise/expressions-francaises/2017/09/29/37003-20170929ARTFIG00003-l-appauvrissement-du-francais-est-en-marche.php">« appauvriraient la langue »</a>, tandis que la perception du discours des autres peut être biaisée par des représentations – les enseignants qui <a href="https://www.researchgate.net/publication/281831286_LA_RESISTANCE_AU_CHANGEMENT_UN_CONCEPT_DESUET_ET_INVALIDE_EN_EDUCATION_Resistance_to_change_an_outdated_and_invalid_concept_in_education">« résisteraient en permanence au changement »</a>. Le rôle de l’expert-chercheur en sciences du langage est aussi d’analyser ces rapports de pouvoir et parfois de les rééquilibrer.</p>
<p>En matière d’éducation ou de langue, la multiplication conséquente des <a href="https://shs.hal.science/halshs-00731499/document">« experts-profanes »</a> pose des questions pour le débat public, notamment face aux (non) interventions des experts-chercheurs. Si le « profane » ne doit pas être <a href="https://www.cairn.info/revue-questions-de-communication-2010-1-page-19.htm">« condamné à vivre sous tutelle des experts, à ne pas penser par lui-même »</a>, la mise en valeur des <a href="https://u-bourgogne.hal.science/hal-01622245/document">méthodes scientifiques auprès du grand public</a> dans les médias pourrait amener à l’identification d’experts en éducation ou en langues. Cela clarifierait, sans forcément tout résoudre, la distinction entre expertise et opinion, notamment sur des sujets qui se trouvent simplifiés ou caricaturés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215615/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’engouement des médias pour les chercheurs semble être à géométrie variable. S’il est légion dans certains domaines, en linguistique et éducation, la parole d’usagers qui se sentent experts domine.Grégory Miras, Professeur des Universités en didactique des langues, Université de LorraineJulien Longhi, Professeur des universités en sciences du langage, AGORA/IDHN, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2148912023-10-08T17:16:19Z2023-10-08T17:16:19ZLe financement public de la recherche favorise aussi la R&D des entreprises<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/551717/original/file-20231003-21-605q59.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C8%2C1121%2C739&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les connaissances produites par la recherche universitaire parviennent au secteur privé dans un délai d’environ quatre ou cinq ans.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/photo/close-up-of-lab-worker-looking-at-specimen-under-microscope-8770717/">Pexels/Gustavo Fring</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>En 2021, moins d’un an après le début de la pandémie de Covid-19, les laboratoires pharmaceutiques ont réussi à développer et mettre sur le marché plusieurs vaccins permettant de protéger la population. Il s’agit là de l’une des plus importantes prouesses de la médecine moderne, mais aussi une nouvelle preuve de l’impact du financement public (dans ce cas précis, les National Institutes of Health des États-Unis, ou NIH) sur l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/innovation-21577">innovation</a> dans le secteur privé.</p>
<p>Nous savons depuis longtemps que le soutien public à la recherche universitaire a tendance à avoir un effet « boule de neige » sur la recherche et développement (<a href="https://theconversation.com/fr/topics/randd-34548">R&D</a>) dans les secteurs biotechnologique et pharmaceutique du privé. Une <a href="https://academic.oup.com/restud/article-abstract/86/1/117/5038510?redirectedFrom=fulltext">étude</a> publiée en 2019 avait ainsi démontré que 10 millions de dollars de financement supplémentaire des NIH se traduisent par 2,7 nouveaux <a href="https://theconversation.com/fr/topics/brevets-25082">brevets</a> déposés par des chercheurs du privé. Mais jusqu’à présent, il n’avait pas été clairement démontré que le financement public de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/recherche-23152">recherche</a> avait des effets similaires sur la R&D privée dans d’autres secteurs.</p>
<p>Pour mettre en évidence l’existence de cet impact, nous avons analysé le programme « Laboratoires d’excellence » (ou <a href="https://labex-ecodec.ensae.fr/about-ecodec/what-is-a-labex">LabEx</a>) dans le cadre d’une <a href="https://cep.lse.ac.uk/pubs/download/dp1882.pdf">étude</a> menée avec les économistes <a href="https://cepr.org/about/people/arthur-guillouzouic">Arthur Guillouzouic</a> (Institut des politiques publiques), <a href="https://www.sciencespo.fr/department-economics/en/researcher/emeric-henry.html">Emeric Henry</a> (Sciences Po et Center for Economic and Policy Research) et <a href="https://www.parisschoolofeconomics.eu/en/clement-malgouyres/">Clément Malgouyres</a> (Centre national de la recherche scientifique et Centre de recherche en économie et statistique). Ce programme d’investissement du gouvernement français a en effet attribué des milliards d’euros aux laboratoires universitaires depuis sa création en 2010.</p>
<h2>Plusieurs canaux d’informations</h2>
<p>Cette étude a démarré de manière inattendue, au sens où elle n’était pas initialement un projet de recherche. Nous avons en réalité été mandatés par le ministère français de l’Enseignement supérieur pour réaliser une évaluation du programme LabEx. Mais en analysant les données fournies par le ministère, nous avons réalisé que nous pouvions également les utiliser pour déterminer si le financement public de la recherche avait un impact sur les projets d’innovation dans le secteur privé.</p>
<p>Nous avons récupéré ces données et les avons comparées à d’autres sources de données sur la R&D du secteur privé, allant des brevets déposés par les entreprises aux partenariats public-privé en passant par le parcours professionnel des chercheurs afin de déterminer comment les scientifiques naviguent entre le secteur public et le secteur privé. Cela nous a permis de comprendre non seulement dans quelle mesure la recherche publique influence la R&D des entreprises, mais aussi quels sont les canaux d’information qui existent.</p>
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<p>Pour que les connaissances issues de la recherche universitaire aient un impact, il faut qu’elles parviennent au secteur privé. Dans notre étude, nous avons identifié trois canaux qui favorisent le partage d’information.</p>
<p>Les <strong>contrats</strong>, qui comprennent les partenariats entre les universités et les entreprises, la co-supervision des étudiants en doctorat, les licences de brevet et, bien sûr, les contrats que les entreprises passent avec les laboratoires universitaires pour leurs travaux. Le canal contractuel est mentionné dans 74 % des rapports initiaux rédigés par les laboratoires financés par le LabEX peu après le lancement du programme.</p>
<p>La collaboration entre le monde académique et le secteur privé constitue en outre un moyen efficace de générer de nouvelles connaissances. À titre d’exemple, si une entreprise fournit du matériel dernier cri à un laboratoire universitaire, les chercheurs aboutiront peut-être à des résultats que les équipes R&D de l’entreprise ne pourraient pas obtenir.</p>
<p>La <strong>mobilité</strong> représente un autre canal important. Un peu plus de la moitié (52 %) des rapports LabEx mentionne des initiatives destinées à aider les étudiants et le personnel à rejoindre le secteur privé. Les chercheurs universitaires sont parfois incités à lancer leur start-up ou à trouver un emploi dans le privé. Il existe en France un <a href="https://www.senat.fr/rap/r16-683/r16-6833.html">type de société appelé SATT</a>, qui est essentiellement conçu pour accélérer la commercialisation de technologies développées dans les laboratoires publics. Les programmes de formation et d’échange, qui permettent aux chercheurs universitaires de collaborer avec des entreprises, profitent également à la R&D du secteur privé.</p>
<p>Enfin, les <strong>contacts informels</strong> entre les laboratoires publics et privés sont mentionnés dans environ 30 % des rapports LabEx. Ils peuvent avoir lieu dans le cadre de séminaires, ou lors de réunions régulières entre des chercheurs/doctorants et des acteurs du secteur privé. Il existe ainsi au sein de LabEx un laboratoire appelé ACTION, qui encadre l’échange d’informations entre les membres de LabEx et des partenaires potentiels du secteur privé.</p>
<h2>Un effet rapide et rentable</h2>
<p>Autre enseignement de l’étude : les connaissances produites par la recherche universitaire parviennent au secteur privé beaucoup plus rapidement qu’on ne pourrait le penser. Le délai observé est d’environ quatre ou cinq ans. C’est d’autant plus remarquable que le programme LabEx affiche une envergure plutôt modeste. En un an, les laboratoires ont reçu un total de 1,5 milliard d’euros. C’est beaucoup moins que ce que le gouvernement dépense sur d’autres postes budgétaires (y compris le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/credit-dimpot-recherche-68452">crédit d’impôt recherche</a> : plus de <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/10/10/budget-2023-le-serpent-de-mer-du-credit-d-impot-recherche-premiere-niche-fiscale-de-france_6145131_4355770.html">6 milliards d’euros chaque année</a>).</p>
<p>Nous avons également mieux compris pourquoi une démarche de financement ciblée, comme adoptée par le LabEx, fonctionne aussi bien. Nous pensions à l’origine que les laboratoires utiliseraient simplement l’argent pour embaucher plus de chercheurs et lancer de nouveaux projets. Mais les données suggèrent en réalité que les financements sont utilisés afin de laisser plus de temps à la recherche.</p>
<p>Cette rallonge permet aux laboratoires de créer de nouveaux contacts avec des entreprises privées, qui peuvent leur confier des projets de R&D – avec à la clé une source de revenus supplémentaire pour les laboratoires publics. Or, si vous savez que vous avez les moyens de financer vos recherches pour les six ou huit années à venir, il y a moins d’incertitude et vous disposez de plus de temps pour obtenir des résultats.</p>
<p>Au bilan, le financement de la recherche universitaire par les pouvoirs publics offre clairement des bénéfices, mais c’est en finançant les meilleurs chercheurs que l’on obtient les meilleurs résultats. Cette vision apparaît à l’opposé de la politique classique d’innovation à la française, qui a tendance à privilégier l’égalité et défend l’idée que nous devrions donner la même somme à tout le monde.</p>
<p>Par ailleurs, étant donné que les entreprises privées qui capitalisent le plus sur la recherche publique finissent par investir davantage dans leur propre R&D, elles créeront naturellement de nouvelles collaborations qui permettront d’accélérer l’innovation. Les entreprises qui comprennent l’impact de cet effet « boule de neige » sur la R&D pourraient chercher à renforcer leurs liens avec des laboratoires du secteur privé. Les responsables politiques pourraient également envisager d’augmenter le montant des investissements dans la recherche publique – à condition que ces derniers soient ciblés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214891/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antonin Bergeaud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>D’après une étude, l’investissement public dans la recherche académique encourage les entreprises privées ayant des liens avec le milieu universitaire à augmenter leurs dépenses pour innover.Antonin Bergeaud, Professeur associé en économie et en sciences de la décision, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2055312023-10-05T13:26:38Z2023-10-05T13:26:38ZLa Banque de cerveaux Douglas-Bell Canada : une mine d’or pour la recherche sur les maladies du cerveau<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/552342/original/file-20231005-26-rmh9lm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4000%2C1508&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les méthodes expérimentales à notre disposition aujourd’hui permettent ni plus ni moins de « déconstruire » le cerveau en ses composantes élémentaires afin d’en comprendre les fonctions et les dysfonctions.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le cerveau fascine les humains depuis toujours. </p>
<p>Mais nos connaissances scientifiques sur ces quelques 1,3 kg de substance fragile enchâssée dans la boîte crânienne ont longtemps été fragmentaires. Or, les percées techniques fulgurantes des dernières années ont inauguré en quelque sorte l’âge d’or des neurosciences moléculaires. </p>
<p>Ces percées ont aussi été permises grâce aux banques de cerveaux, qui conservent des cerveaux humains dans les meilleures conditions pour la recherche scientifique. Nous avons ici à Montréal l’une des plus importantes au monde, la Banque de cerveaux Douglas-Bell Canada (BCDBC), qui a été <a href="https://douglasbrainbank.ca/fr/a-propos">fondée en 1980 à l’Hôpital Douglas</a>. </p>
<p>La BCDBC, qui reçoit plusieurs cerveaux chaque mois, a récolté à ce jour plus de 3 600 spécimens. Son équipe traite chaque année des dizaines de requêtes de tissus provenant de scientifiques du Québec, du Canada, et de l’étranger, préparant ainsi environ 2 000 échantillons pour la recherche. </p>
<p>Ces efforts ont permis, au cours des 40 dernières années, un nombre considérable de découvertes sur différentes maladies neurologiques et psychiatriques. </p>
<p>Professeur titulaire au Département de psychiatrie de l’Université McGill, chercheur au Centre de recherche Douglas et directeur de la BCDBC depuis 2007, je travaille en étroite collaboration avec le <a href="https://douglas.research.mcgill.ca/fr/gustavo-turecki-2/">Dr Gustavo Turecki</a>, codirecteur de la BCDBC et responsable du volet consacré aux maladies psychiatriques et au suicide.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/552153/original/file-20231004-17-mdh992.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C2%2C1535%2C1231&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="hémisphère cérébral" src="https://images.theconversation.com/files/552153/original/file-20231004-17-mdh992.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C2%2C1535%2C1231&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/552153/original/file-20231004-17-mdh992.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=475&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/552153/original/file-20231004-17-mdh992.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=475&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/552153/original/file-20231004-17-mdh992.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=475&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/552153/original/file-20231004-17-mdh992.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=596&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/552153/original/file-20231004-17-mdh992.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=596&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/552153/original/file-20231004-17-mdh992.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=596&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La Banque de cerveaux Douglas-Bell Canada, qui reçoit plusieurs cerveaux à chaque mois, a récolté à ce jour plus de 3 600 spécimens.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Naguib Mechawar)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Une petite histoire de la recherche sur le cerveau humain</h2>
<p>Ce n’est que vers la seconde moitié du XIX<sup>e</sup> siècle que les scientifiques commencent à identifier les éléments microscopiques qui composent le cerveau.</p>
<p>À cette époque, on le conserve pour la première fois dans le formol, une solution qui préserve les tissus biologiques afin de pouvoir les manipuler plus facilement et de les garder à long terme. </p>
<p>Parallèlement, on développe des instruments de précision et des protocoles permettant d’examiner les caractéristiques microscopiques du tissu nerveux. </p>
<p>Jusqu’au milieu du XX<sup>e</sup> siècle, on se contente surtout de conserver des cerveaux de patients, prélevés à l’autopsie, dans le but d’identifier de possibles changements macroscopiques ou microscopiques en lien avec leurs symptômes neurologiques ou psychiatriques. </p>
<p>C’est notamment ce que fait le neurologue allemand Alois Alzheimer, qui analyse le cerveau d’une de ses patientes atteintes de démence. En 1906, il décrit alors, pour la première fois, les lésions microscopiques qui caractérisent la maladie portant aujourd’hui son nom. </p>
<p>Ainsi, jusqu’à la fin des années 1970, de nombreuses collections de spécimens de cerveaux conservés dans le formol se bâtissent dans des milieux hospitaliers, un peu à la façon des anciens cabinets de curiosités. </p>
<p>Vers la fin du XX<sup>e</sup> siècle, les approches expérimentales permettant l’analyse à haute résolution de cellules et de molécules au sein de tissus biologiques se multiplient. </p>
<p>Il devient alors nécessaire de recueillir et de conserver des cerveaux humains, obtenus grâce au consentement de la personne ou de sa famille, dans des conditions compatibles avec les techniques scientifiques modernes.</p>
<p>On se met à congeler l’un des hémisphères cérébraux afin, notamment, de pouvoir en mesurer les différentes composantes moléculaires. L’autre hémisphère est fixé dans le formol pour des études anatomiques macroscopiques et microscopiques.</p>
<p>C’est dans ce contexte que fut créée la Banque de cerveaux Douglas-Bell Canada.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/552154/original/file-20231004-25-z5k7jp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Les locaux de la BCDBC" src="https://images.theconversation.com/files/552154/original/file-20231004-25-z5k7jp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/552154/original/file-20231004-25-z5k7jp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/552154/original/file-20231004-25-z5k7jp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/552154/original/file-20231004-25-z5k7jp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/552154/original/file-20231004-25-z5k7jp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/552154/original/file-20231004-25-z5k7jp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/552154/original/file-20231004-25-z5k7jp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">À Montréal se trouve l’une des plus importantes banques de cerveaux au monde, la Banque de cerveaux Douglas-Bell Canada, qui fut fondée en 1980 à l’Hôpital Douglas.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Naguib Mechawar)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>De nouvelles approches expérimentales qui portent fruit</h2>
<p>Des chercheurs de pointe de nombreuses universités à travers le monde bénéficient des échantillons de la BCDBC pour faire progresser leurs recherches. Cela inclut, il va sans dire, plusieurs équipes québécoises.</p>
<p>C’est ainsi que le <a href="https://douglas.research.mcgill.ca/fr/judes-poirier-2/">Dr Judes Poirier</a>, du Centre de recherche Douglas, affilié à l’Université McGill, et son équipe ont découvert que le gène APOE4 constitue un <a href="https://doi.org/10.1016/0140-6736(93)91705-Q">facteur de risque de la maladie d’Alzheimer</a>. Plus récemment, l’équipe du <a href="https://crhmr.ciusss-estmtl.gouv.qc.ca/fr/chercheur/gilbert-bernier">Dr Gilbert Bernier</a>, professeur au Département de neurosciences de l’Université de Montréal, a découvert que les lésions caractéristiques de cette maladie sont associées à une <a href="https://doi.org/10.1038/s41598-018-37444-3">expression anormale du gène BMI1</a>.</p>
<p>Du côté des maladies psychiatriques, et plus particulièrement de la dépression, des progrès importants ont été réalisés tout récemment par le <a href="https://douglas.research.mcgill.ca/fr/groupe-mcgill-detudes-sur-le-suicide/">Groupe McGill d’Études sur le Suicide</a>. </p>
<p>Ainsi, en utilisant des méthodes de pointe permettant d’isoler et d’analyser les cellules du cerveau humain, l’équipe du Dr. Turecki est parvenue à identifier précisément les types de cellules dont la fonction est affectée chez des hommes <a href="https://doi.org/10.1038/s41593-020-0621-y">ayant souffert de dépression majeure</a>, puis de découvrir que les types cellulaires en cause dans cette maladie diffèrent <a href="https://doi.org/10.1038/s41467-023-38530-5">entre les hommes et les femmes</a>. </p>
<p>Ces approches expérimentales donnent lieu à des ensembles de données gigantesques pouvant être interrogés dans le cadre d’études subséquentes. C’est le cas, par exemple, de travaux menés dans mon laboratoire et ayant identifié des signes de changements persistants dans la neuroplasticité au sein du cortex préfrontal de personnes ayant un historique de <a href="https://doi.org/10.1038/s41380-021-01372-y">maltraitance infantile</a>. En effet, les études citées ci-dessus nous ont permis de découvrir au moins un des types cellulaires impliqués dans ce phénomène. </p>
<p>En somme, les méthodes expérimentales à notre disposition aujourd’hui permettent ni plus ni moins de « déconstruire » le cerveau en ses composantes élémentaires afin d’en comprendre les fonctions et les dysfonctions.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/552155/original/file-20231004-27-62uc6y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Hémisphères cérébraux conservés dans le formol" src="https://images.theconversation.com/files/552155/original/file-20231004-27-62uc6y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/552155/original/file-20231004-27-62uc6y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/552155/original/file-20231004-27-62uc6y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/552155/original/file-20231004-27-62uc6y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/552155/original/file-20231004-27-62uc6y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/552155/original/file-20231004-27-62uc6y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/552155/original/file-20231004-27-62uc6y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des chercheurs de pointe de nombreuses universités à travers le monde bénéficient des échantillons de la BCDBC pour faire progresser leurs recherches.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Naguib Mechawar)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Identifier, prévenir, dépister et traiter</h2>
<p>C’est grâce au travail acharné et au dévouement de toute l’équipe de la BCDBC, ainsi qu’au soutien indéfectible de tous ses partenaires, de mécènes (souvent anonymes) et d’organismes subventionnaires, et particulièrement le FRQS et son <a href="https://reseausuicide.qc.ca/fr/">Réseau québécois sur le suicide, les troubles de l’humeur et les troubles associés</a>, que cette ressource inestimable a non seulement réussi à survivre, mais à se développer et à se hisser au rang des plus importantes banques de cerveaux au monde. </p>
<p>Il est permis de croire que la BCDBC aura dans les années à venir un rôle important à jouer dans l’identification de plus en plus précise des causes biologiques des maladies du cerveau, et donc de nouvelles cibles en vue de meilleures approches de prévention, de dépistage et de traitement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205531/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Naguib Mechawar a reçu des financements des IRSC, du CRSNG, de HBHL (Apogée) et du FRQS (ERA-NET NEURON et RQSHA). </span></em></p>À Montréal se trouve l’une des plus importantes banques de cerveaux au monde, la Banque de cerveaux Douglas-Bell Canada. Elle permet des découvertes sur différentes maladies neurologiques et psychiatriques.Naguib Mechawar, Neurobiologiste, Institut Douglas; Professeur titulaire, Département de psychiatrie, McGill UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2139652023-09-20T15:46:36Z2023-09-20T15:46:36ZLa croissance verte de moins en moins crédible pour les universitaires<p>Pour son <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/ov/speech_23_4426">discours sur l’état de l’Union Européenne</a> la semaine dernière, Ursula von der Leyen, cheffe de la Commission européenne, n’a pas dévié de sa ligne habituelle. Décrivant sa vision d’une Europe économiquement dynamique et durable à l’ère du changement climatique, elle a appelé l’UE à accélérer le développement du secteur des technologies propres, « de l’éolien à l’acier, des batteries aux véhicules électriques ». « En ce qui concerne le Green Deal européen, nous nous en tenons à notre stratégie de croissance », a-t-elle conclu. </p>
<p>Rien de très révolutionnaire, en somme. La notion de croissance verte, c’est-à-dire l’idée que les objectifs environnementaux peuvent être alignés sur une croissance économique continue – reste l’orthodoxie économique commune à de grandes institutions telles que la <a href="https://elibrary.worldbank.org/doi/abs/10.1596/978-0-8213-9551-6">Banque mondiale</a> et l’<a href="https://www.oecd.org/greengrowth/48012345.pdf">Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)</a>.</p>
<p>L’OCDE a quant à elle promis de « renforcer leurs efforts pour poursuivre des stratégies de croissance verte […], en reconnaissant que la croissance verte et la croissance peuvent aller de pair », tandis que la Banque mondiale a appelé à une « croissance verte inclusive » où « l’écologisation de la croissance est nécessaire, efficace et abordable ».</p>
<p>Dans son Green Deal européen, l’UE a défini la <a href="https://www.eea.europa.eu/publications/reflecting-on-green-growth">croissance verte</a> comme « une base pour soutenir les niveaux d’emploi et garantir les ressources nécessaires à l’augmentation du bien-être public […] en transformant la production et la consommation de manière à concilier l’augmentation du PIB avec les limites environnementales. »</p>
<p>En dépit de ce consensus au niveau des organisations, <a href="https://www.nature.com/articles/s41893-023-01198-2">notre nouvelle enquête</a> menée auprès de près de 800 chercheurs en politique du Climat du monde entier révèle, elle, un scepticisme généralisé à l’égard de ce concept de croissance verte dans les pays à revenu élevé, avec notamment de plus en plus d’ouvrages affirmant que ce principe n’est ni viable ni souhaitable. Au lieu de cela, d’autres paradigmes post-croissance, dont la « <a href="https://theconversation.com/fr/topics/decroissance-34260">décroissance</a> » et l’« acroissance » ( <em>agrowth</em> en Anglais ) gagnent du terrain.</p>
<h2>Différencier la croissance verte de l’acroissance et de la décroissance</h2>
<p>Mais que signifient ces termes ?</p>
<p>La <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0921800910005021">« Décroissance »</a> est une école de pensée proposant une réduction planifiée de la consommation matérielle dans les pays riches afin de créer des sociétés plus durables et plus équitables. De leur côté, les partisans de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0921800910004209">« l’acroissance »</a> choisissent d’adopter une vision neutre de la croissance économique, et de se concentrer sur la réalisation de la durabilité indépendamment des fluctuations du PIB. </p>
<p>Pour résumer, les deux positions se montrent donc sceptiques à l’égard du paradigme prédominant de la « croissance verte », la décroissance représentant cependant une vision plus critique de la croissance économique.</p>
<p>Une grande partie du débat porte sur le concept de « <a href="https://www.carbone4.com/publication-decouplage">découplage</a> » (<em>decoupling</em> en anglais), c’est-à-dire sur la question de savoir si l’économie peut croître sans que la dégradation de l’environnement ou les émissions de gaz à effet de serre n’augmentent en conséquence. Il s’agit d’une rupture du lien historique entre la croissance du PIB et ses effets néfastes sur l’environnement. Pour que la croissance verte soit réussie, il faut un découplage <em>absolu</em> plutôt <em>relatif</em>. En d’autres termes, les émissions doivent diminuer au cours de la croissance économique, et non simplement croître plus lentement.</p>
<p>Les <a href="https://academic.oup.com/oxrep/article-abstract/30/3/407/552020?login=false">partisans de la croissance verte</a> affirment que le découplage absolu est réalisable à long terme, bien que les avis soient partagés sur la question de savoir si la croissance économique sera affectée à court terme. Les <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13563467.2019.1598964">partisans de la décroissance</a> critiquent le fait que le découplage absolu est réalisable à l’échelle mondiale et peut être atteint au rythme rapide requis pour rester dans les limites des objectifs de l’Accord de Paris. Une <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanplh/article/PIIS2542-5196(23)0 0174-2/fulltext">étude récente</a> a révélé que les taux actuels de découplage dans les pays à revenu élevé sont loin d’être suffisants pour limiter le réchauffement de la planète à un niveau nettement inférieur à 2 °C, comme le prévoit l’accord de Paris. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/peut-on-concilier-capitalisme-et-ecologie-les-enseignements-dignacy-sachs-103652">Peut-on concilier capitalisme et écologie ? Les enseignements d'Ignacy Sachs</a>
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<p>La position des partisans de l’accroissance se traduit elle par des points de vue plus mitigés et intermédiaires sur le débat sur le découplage. <a href="https://nyaspubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/nyas.14900">Certains affirment</a> que le découplage est potentiellement plausible avec les bonnes politiques, mais qu’il faut se concentrer sur les politiques plutôt que sur les objectifs, car cela revient à confondre les moyens et les fins. D’autres soutiennent que le débat est largement hors de propos car le PIB est un mauvais indicateur du progrès sociétal – il existe à cet égard un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0167487008001141">« paradoxe du PIB »</a> s’étonnant du fait que l’indicateur continue d’être dominant en économie et en politique malgré ses défaillances largement reconnues.</p>
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<h2>7 experts climatiques sur 10 sont sceptiques à l’égard de la croissance verte</h2>
<p>Parmi les universitaires, quelle école de pensée domine ? </p>
<p>Dans le cadre d’une enquête récente menée auprès de 789 chercheurs internationaux ayant publié sur les politiques d’atténuation du changement climatique, <a href="https://rdcu.be/diKl4">nous avons pu interroger leurs positions vis-à-vis du débat sur la croissance</a>. 73 % de tous les répondants ont exprimé des points de vue alignés sur les positions de « l’acroissance » ou de la « décroissance », la première étant la plus populaire. Nous avons constaté que les opinions variaient en fonction du pays et de la discipline du répondant (voir la figure ci-dessous).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="la croissance verte, la décroissance et l’acroissance se répartissent selon les disciplines scientifiques" src="https://images.theconversation.com/files/549105/original/file-20230919-21-12sur0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/549105/original/file-20230919-21-12sur0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/549105/original/file-20230919-21-12sur0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/549105/original/file-20230919-21-12sur0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/549105/original/file-20230919-21-12sur0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=469&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/549105/original/file-20230919-21-12sur0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=469&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/549105/original/file-20230919-21-12sur0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=469&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le graphique montre l’école de pensée adoptée par 789 chercheurs mondiaux, en fonction de l’origine géographique et de la discipline scientifique.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Alors que l’OCDE elle-même plaide fortement en faveur de la croissance verte, les chercheurs de l’UE et des autres pays de l’OCDE ont fait preuve d’un grand scepticisme. En revanche, plus de la moitié des chercheurs des pays non membres de l’OCDE, en particulier dans les économies émergentes telles que les BRICS, se sont montrés plus favorables à la croissance verte.</p>
<h2>Fractures disciplinaires</h2>
<p>En plus de ces divergences géographiques, il existe un fossé disciplinaire. Les chercheurs en sciences sociales, à l’exclusion des économistes orthodoxes, étaient les plus sceptiques à l’égard de la croissance verte. En revanche, les économistes et les ingénieurs se sont révélé les plus favorables au concept de croissance verte, possiblement du fait d’une confiance dans le progrès technologique et les modèles économiques conventionnels qui suggèrent que la croissance économique et les objectifs climatiques sont compatibles.</p>
<p>Notre analyse a également tâché d’évaluer les possibles liens entre ces différentes théories à propos de la croissance et le PIB par habitant du pays d’origine des chercheurs. Une tendance se dégage : plus le revenu national augmente, plus le scepticisme à l’égard de la croissance verte s’accroît. À des niveaux de revenus plus élevés, les experts soutiennent de plus en plus l’argument post-croissance selon lequel, au-delà d’un certain point, les coûts socio-environnementaux de la croissance peuvent l’emporter sur les bénéfices.</p>
<p>Les résultats étaient encore plus prononcés lorsque nous tenions compte de l’indice de développement humain ajusté aux inégalités (IDHI), un outil statistique visant à évaluer le niveau de développement des pays en tenant compte des inégalités en matière de santé, d’éducation, de genre, et de revenu. Les résultats montrent alors que d’autres critères que le strict revenu, tels que l’inégalité et le développement global, pourraient influencer ces points de vue.</p>
<p>Dans un monde en proie au dérèglement climatique comme aux disparités socio-économiques, ces résultats ne doivent pas être ignorés. Ils soulignent la nécessité d’un dialogue plus élargi sur le développement durable, allant au-delà du paradigme conventionnel de la croissance verte.</p>
<h2>La pensée post-croissance n’est plus une position marginale</h2>
<p>Bien qu’Ursula von der Leyen se soit clairement rangée dans le camp de la croissance verte, les positionnements des universitaires de plus en plus critiques de la croissance verte se fraient progressivement un chemin dans le débat politique. En mai 2023, le Parlement européen a accueilli une conférence sur le thème <a href="https://www.beyond-growth-2023.eu/">« Au-delà de la croissance »</a> à l’initiative de 20 députés européens issus de cinq groupes politiques différents et soutenus par plus de 50 organisations partenaires. Son principal objectif était de discuter de propositions politiques visant à dépasser l’approche selon laquelle la croissance du PIB national est la principale mesure du succès.</p>
<p>Six gouvernements nationaux et régionaux – l’Écosse, la Nouvelle-Zélande, l’Islande, le Pays de Galles, la Finlande et le Canada – ont rejoint le partenariat Wellbeing Economy Governments <a href="https://weall.org/wego">(WEGo)</a> dont l’objectif premier est de passer à “une économie conçue pour servir les gens et la planète, et non l’inverse”.</p>
<p>Il est clair que la pensée post-croissance n’est plus une position marginale et radicale au sein de ceux qui travaillent sur les solutions au changement climatique. Il convient dès lors d’accorder une plus grande attention aux raisons pour lesquelles certains experts jugent la croissance verte peu réaliste, ainsi qu’aux alternatives potentielles axées sur des concepts plus larges de bien-être sociétal plutôt que sur une réflexion limitée à la croissance du PIB.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213965/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ce travail contribue au programme "María de Maeztu" pour les unités d'excellence du ministère espagnol de la science et de l'innovation (CEX2019-000940-M). Ivan. Savin remercie également le programme de recherche et d'innovation Horizon Europe de l'Union européenne pour son financement dans le cadre de l'accord de subvention numéro 101056891, ClimAte Policy AcceptaBiLity Economic (CAPABLE). Ivan Savin remercie également le Conseil européen de la recherche (ERC) pour le soutien apporté dans le cadre du programme de recherche et d'innovation Horizon 2020 de l'Union européenne (numéro de convention de subvention 741087).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Lewis King ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Sur les 800 chercheurs interrogés, 73 % demeurent sceptiques sur la croissance verte.
Les théories de la décroissance ou de l’accroissance leur semblent plus pertinentes.Ivan Savin, Associate Professor of Business Analytics at ESCP Business School, Madrid campus & Research Fellow at ICTA-UAB, ESCP Business SchoolLewis King, Lecturer in climate policy and green economics, Universitat Autònoma de BarcelonaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2139302023-09-20T10:05:16Z2023-09-20T10:05:16ZEffondrement des barrages en Libye : un expert en ingénierie s'interroge sur la gestion de l'ouvrage<p><em>Plus de <a href="https://www.leparisien.fr/faits-divers/inondations-meurtrieres-en-libye-les-deux-barrages-de-derna-etaient-fissures-16-09-2023-ZYN4XYYZBJCGLJOQH2UKKC3F24.php">11 000 personnes</a> ont été tuées et des dizaines de milliers sont portées disparues à la suite de l'effondrement catastrophique de <a href="https://www.arabiaweather.com/fr/content/infographie-les-causes-combines-de-la-catastrophe-de-derna">deux barrages</a> dans la ville de Derna, dans l'est de la Libye. L'effondrement du barrage s'est produit après qu'une tempête extrême, la tempête Daniel, s'est abattue sur ce pays d'Afrique du Nord. Moina Spooner, de The Conversation Africa, a demandé à Nadhir Al-Ansari, expert en ressources en eau et en ingénierie, qui a effectué des recherches sur la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1001627916000020">conception</a> et la <a href="https://www.researchgate.net/publication/342270305_Dam_Safety_General_Considerations">sécurité</a> des barrages, d'apporter des éclairages sur cette catastrophe.</em></p>
<h2>Comment les conditions météorologiques extrêmes affectent-elles la stabilité des barrages ?</h2>
<p>Les barrages sont généralement construits pour résister à de fortes précipitations ou à la sécheresse. La conception et la construction d'un barrage tiennent compte de tous les effets possibles. Tous les facteurs sont pris en considération lors de la planification d'un barrage, notamment le type de matériaux de construction, la conception des fondations et la stabilité d'un barrage, ainsi que les inondations et les tremblements de terre prévus, voire même les opérations militaires.</p>
<p>Outre la construction du barrage, des mesures de sécurité doivent être mises en place. Par exemple, en cas de tempête, les ingénieurs doivent libérer l'eau pour s'assurer que la capacité de stockage maximale du barrage n'est pas dépassée.</p>
<p>Dans le cas de la Libye, je pense que la gestion des barrages n'était pas adéquate. L'ingénieur responsable du barrage aurait dû s'assurer que l'eau ne dépassait pas la capacité de stockage maximale du barrage. Lorsqu'il a remarqué qu'un énorme volume d'eau entrait dans le réservoir, il aurait dû libérer de grandes quantités d'eau pour maintenir le niveau du réservoir en dessous de sa limite maximale. </p>
<p>Les recherches montrent que les <a href="https://www.researchgate.net/publication/342270305_Dam_Safety_General_Considerations">principales causes de défaillance des barrages</a> sont les problèmes de fondation (40 %), un déversoir inadéquat (23 %), une mauvaise construction (12 %) et un tassement irrégulier (10 %). Le site d'un barrage n'est pas toujours plat, car les barrages sont construits dans des zones montagneuses, mais les concepteurs doivent en tenir compte. La conception du barrage doit être adaptée à la topographie. Parmi les causes plus rares de rupture de barrage, on trouve les actes de guerre (3 %), les matériaux défectueux (2 %) et les tremblements de terre (1 %). </p>
<p>Dans le cas de la Libye, une mauvaise gestion semble avoir été la cause de l'effondrement du barrage.</p>
<h2>Cette tragédie aurait-elle pu être évitée ?</h2>
<p>Oui, si les responsables de l'exploitation des barrages avaient ouvert les vannes pour libérer l'eau. Lorsque les responsables de la gestion de l'eau du barrage ignorent les fortes précipitations, on peut s'attendre à ce que de telles catastrophes se produisent. </p>
<p>Les gestionnaires de barrages doivent également connaître la zone de captage de chaque barrage et les prévisions de précipitations. Cela nécessite une coordination entre les météorologues et le personnel responsable de la gestion des barrages. Lorsque de fortes précipitations sont attendues, le service météorologique doit en informer les gestionnaires des barrages, qui peuvent alors prendre des dispositions pour libérer de l'eau afin de les maintenir dans leurs limites opérationnelles. C'est la pratique habituelle dans tous les barrages que j'ai <a href="http://www.diva-portal.org/smash/record.jsf?dswid=-6381&pid=diva2%3A1370665">étudiés en Irak</a>. </p>
<p>En l'occurrence, il doit y avoir eu un dysfonctionnement dans la communication entre les services de météorologie et les ingénieurs chargés de la gestion des barrages.</p>
<h2>Comment les ingénieurs et les autorités contrôlent-ils généralement l'intégrité structurelle des barrages ?</h2>
<p>Les barrages doivent bénéficier d'un programme d'inspection régulier qui prend en compte toutes les parties du barrage. <a href="https://www.researchgate.net/publication/342270305_Dam_Safety_General_Considerations">Tous les pays</a> dotés de barrages, qu'il s'agisse États-Unis, de l'Irak ou de la Suède, effectuent des inspections régulières. Il devrait y avoir des instruments pour surveiller les fissures dans les parois d'un barrage et tout changement dans sa structure. Une fois identifiés, ils doivent faire l'objet d'une intervention immédiate. </p>
<p>Dans le cas de la Libye, si les vannes avaient été ouvertes pour maintenir l'eau dans les limites de la capacité de stockage du barrage, l'effondrement des barrages aurait causé moins de dégâts.</p>
<h2>Existe-t-il de nouvelles technologies ou des innovations permettant d'améliorer la sécurité ?</h2>
<p>Il existe un certain nombre de modèles et de techniques, et chaque barrage dispose de son propre modèle ou sa propre technique que le concepteur propose. La planification des événements météorologiques extrêmes se fait généralement dans la phase de conception du barrage. Le concepteur est censé fournir un rapport détaillé sur la stabilité du barrage en fonction de différents facteurs, y compris les conditions météorologiques. </p>
<p>Différents scénarios sont établis en fonction du niveau d'eau dans le réservoir du barrage afin d'éviter des défaillances. Le gouvernement concerné doit savoir ce qu'il faut faire en cas de défaillance du barrage, en s'appuyant sur les informations fournies par le concepteur. Par exemple, dans <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10706-020-01355-w">mon étude</a> du barrage irakien de Mossoul, qui a eu lieu après la construction du barrage, j'ai suggéré qu'un barrage de protection soit construit en aval pour assurer la sécurité de la zone en aval et de sa population. Des mesures de sécurité peuvent être prises même après la construction du barrage.</p>
<p>Les autres mesures de sécurité concernent les habitations et les autres constructions dans les zones situées en aval. Dans le cas de la Libye, il y a eu une mauvaise planification. Les zones situées en aval des barrages n'auraient pas dû être utilisées <a href="https://apnews.com/article/libya-floods-derna-storm-daniel-11c33a12418149f761fe79a47ea7289c">pour la construction d'habitations</a>.</p>
<p>En définitive, la rupture du barrage en Libye aurait pu être évitée, ou du moins les pertes auraient pu être minimisées, si les ingénieurs sur place avaient libéré l'eau du réservoir dès le début de la tempête.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213930/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nadhir Al-Ansari does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>Les barrages sont généralement construits pour résister aux fortes pluies ou à la sécheresse.Nadhir Al-Ansari, Professor, Luleå University of TechnologyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2066392023-09-14T17:32:28Z2023-09-14T17:32:28ZComment faire face aux revues scientifiques prédatrices ?<p>Le système de publication scientifique est sous tension : l’accès aux publications doit être libre et gratuit, mais publier a un coût. Historiquement, ce coût revenait aux lecteurs. Désormais, il incombe souvent aux auteurs, permettant un accès gratuit aux lecteurs, avec en 2019 <a href="https://doi.org/10.1101/795310">31 % de tous les articles scientifiques publiés qui étaient accessibles à tous</a>. La note, souvent réglée avec de l’argent public, peut atteindre <a href="https://zenodo.org/record/7212922">plus de 10 000 euros par article</a>. Ce marché juteux, avec des marges bénéficiaires <a href="https://zenodo.org/record/7212922">pouvant atteindre 40 %</a>, a conduit nombre de scientifiques à <a href="https://doi.org/10.3998/ptpbio.3363">ne plus accepter que des maisons d’édition profitent</a> d’un travail intellectuel qu’elles ne financent et ne rémunèrent pas.</p>
<p>Simultanément, le système d’évaluation conventionnel des scientifiques, fondé notamment sur le nombre de publications en général et dans des périodiques à haut facteur d’impact (<a href="https://doi.org/10.1001/jama.295.1.90">IF</a>, correspondant au nombre moyen annuel de citations des articles d’un périodique parus les deux années précédentes) en particulier, est <a href="https://yvesgingras.uqam.ca/en/publications/books/les-derives-de-levaluation-de-la-recherche-du-bon-usage-de-la-bibliometrie/">remis en question</a> depuis la Déclaration sur l’évaluation de la recherche de San Francisco (<a href="https://sfdora.org/">DORA</a>). DORA est une déclaration collective internationale, initialement élaborée lors d’une réunion annuelle de la Société américaine de biologie cellulaire en 2012, et qui a été progressivement ratifiée par nombre d’universités et d’organismes de recherche, par exemple en France le CNRS et le CEA.</p>
<p>La collision de ces deux changements débouche sur de nouveaux questionnements :</p>
<ul>
<li><p>Quels impacts ces transformations ont-elles sur la qualité de la science ?</p></li>
<li><p>Peut-on raisonner l’usage fait de l’argent public dans la publication académique ?</p></li>
</ul>
<h2>L’émergence des revues prédatrices</h2>
<p><a href="https://doi.org/10.1007/s12109-016-9486-z">La transition actuelle</a> du système lecteur-payeur vers le système auteur-payeur s’est accompagnée de <a href="https://www.nature.com/articles/489179a">l’émergence de maisons d’édition</a> <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262537933/gaming-the-metrics/">scientifique qualifiées</a> <a href="https://doi.org/10.12688/f1000research.15256.2">« de prédatrices »</a>. Développant des démarches <a href="https://doi.org/10.5195/jmla.2022.1554">commerciales</a> <a href="https://doi.org/10.1016/j.jsxm.2016.10.008">agressives</a>, notamment via quantité de <a href="https://paolocrosetto.wordpress.com/2021/04/12/is-mdpi-a-predatory-publisher/">numéros spéciaux</a>, leur objectif principal étant de « faire du profit » en imposant des coûts de publication <a href="https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/handle/1866/21676">démesurés</a> (<a href="https://doi.org/10.1016/j.jsurg.2014.09.006"><em>article-processing charges</em> ou APC</a>), et non de promouvoir une science de qualité.</p>
<p>En effet, le processus d’évaluation des articles y est souvent médiocre (brefs délais d’évaluation, évaluateurs peu compétents), parfois inexistant, conduisant à une pollution massive de la littérature par des résultats <a href="https://doi.org/10.1126/science.2013.342.6154.342_60">mal, voire pas vérifiés</a>. <a href="https://doi.org/10.1186/s12916-015-0469-2">En 2015, déjà un cinquième de la production scientifique mondiale paraissait dans des maisons d’édition prédatrices</a>.</p>
<p>Un effet secondaire est <a href="https://doi.org/10.1080/08989621.2020.1869547">l’érosion de la confiance des scientifiques</a> dans le processus d’évaluation par les pairs, pourtant robuste et éprouvé depuis plus d’un siècle.</p>
<p>À la racine du problème, un cercle vicieux : les chercheurs sont engagés dans une course frénétique à la publication et les évaluateurs disponibles, non rémunérés pour ce travail d’évaluation et devant eux-mêmes publier, deviennent une <a href="https://doi.org/10.1002/leap.1392">ressource limitante</a>.</p>
<p>Quand des périodiques traditionnels s’échinent à <a href="https://doi.org/10.1177/1932296814563883">dénicher des évaluateurs compétents</a> et disponibles, les prédateurs se contentent d’évaluateurs peu compétents qui, contre des rabais sur des APC futurs, écriront de brefs rapports justifiant d’accepter au plus vite un article. Couper le robinet des évaluateurs et refuser d’y soumettre ses travaux, soit par décision personnelle, soit collectivement, permettrait de contrer l’émergence et le développement de ces maisons d’édition prédatrices.</p>
<p>Mais la volonté d’aller dans ce sens est-elle là ? Reconnaître les travers de ce système prédateur est nécessairement lent, en particulier lorsqu’on y a largement contribué.</p>
<p>Il est difficile de définir le caractère prédateur d’un éditeur et certaines revues vont donc se situer dans une <a href="https://themeta.news/mdpi-zone-grise-de-ledition-scientifique/">zone grise</a>, à la limite de la prédation. De plus, si l’objectif des revues prédatrices est avant tout le profit, le montant des APC n’est pas une condition suffisante pour qualifier un périodique de prédateur – les APC de revues liées à des sociétés savantes (à but non lucratif) sont parfois élevés, mais tout ou partie de ces APC leur sert à développer leur mission dont l’utilité sociale est avérée.</p>
<p>Couper les ailes de l’édition prédatrice passe aussi par une <a href="https://doi.org/10.1098/rspb.2019.2047">évaluation différente de l’activité</a> des scientifiques, en s’écartant d’une évaluation actuellement trop quantitative, car largement <a href="https://doi.org/10.1136/bmj.314.7079.497">fondée sur le nombre d’articles et sur l’IF des revues</a> (une métrique mesurant <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0257340">leur audience</a> et <a href="https://doi.org/10.1017/iop.2020.53">non leur qualité</a>).</p>
<h2>Un appel collectif pour de meilleures pratiques</h2>
<p>DORA et <a href="https://osec2022.eu/fr/appel-de-paris/">l’appel de Paris</a> vont dans ce sens en proposant la fin de l’utilisation de l’IF, mais aussi du nombre de publications, comme métriques centrales de l’évaluation. Ainsi, des institutions françaises, dont le CNRS, INRAE, l’ANR et l’Hcéres, demandent non pas la liste exhaustive des productions, mais une sélection que la personne évaluée souhaite mettre en avant, avec une explication détaillant les qualités, la signification et la portée de cette sélection dans son projet. Ce changement d’évaluation, simple à mettre en œuvre, permet de limiter une course aux publications faciles et coûteuses. Ces initiatives de réforme du système d’évaluation académique fleurissent dans d’autres pays, par exemple <a href="https://sfdora.org/2019/11/14/quality-over-quantity-how-the-dutch-research-council-is-giving-researchers-the-opportunity-to-showcase-diverse-types-of-talent/">aux Pays-Bas</a> et <a href="https://sfdora.org/2023/07/03/the-dora-movement-in-canada-working-together-to-advance-assessment-of-research-excellence/">au Canada</a>, ou encore au niveau européen avec la <a href="https://coara.eu/">coalition CoARA</a>.</p>
<p>Bien entendu, il est peu probable que les chercheurs évaluateurs des dossiers ou des projets de collègues jettent les indicateurs aux orties, <a href="https://doi.org/10.1096/fj.08-107938">IF ou autres</a>, surtout quand l’évaluation, qui prend un temps considérable lorsqu’elle est menée sérieusement, est si mal valorisée en tant qu’activité dans l’évaluation des chercheurs. Mais combiner évaluation quantitative et qualitative à <a href="https://dafnee.isem-evolution.fr/">d’autres critères</a> tels le prix des APC, les profits et leurs usages, la durabilité numérique, la transparence des évaluations ou la reproductibilité des résultats publiés, est souhaitable.</p>
<p>Les comités d’évaluation des chercheurs, par exemple au niveau national le Conseil national des universités et au Comité national de la recherche scientifique, doivent se saisir de ces nouveaux critères, les expliciter et les rendre publics. Il serait aussi souhaitable qu’ils statuent sur les maisons d’édition prédatrices ou semi-prédatrices, <a href="https://conferencedesdoyensdemedecine.org/danger-des-revues-predatrices/">ou à la manière de la conférence des Doyens des facultés de médecine, sur les maisons d’édition non prédatrices</a>.</p>
<p>Ils doivent se saisir au plus vite de la question de l’articulation entre modèles de publication et évaluation des chercheurs, pour ne pas se faire devancer par les maisons d’édition susceptibles de proposer elles-mêmes des outils d’évaluation ou de faire changer les <a href="http://knowledgegap.org/index.php/sub-projects/rent-seeking-and-financialization-of-the-academic-publishing-industry/preliminary-findings/">règles du jeu</a>.</p>
<p>Dans le contexte actuel de pénurie d’évaluateurs, les périodiques à IF élevé et coûteux jouent sur le prestige supposé d’être évaluateur. Un levier permettant d’attaquer cette situation serait l’assurance que les « lignes de CV » concernant l’évaluation des manuscrits ne soient pas appréciées à l’aune du prestige de périodique coûteux par les comités d’évaluation de l’activité des chercheurs. De cette manière, un scientifique aurait a priori autant intérêt à évaluer pour tout périodique qu’il estime de qualité, et non pas prioritairement pour le peloton de tête de l’IF.</p>
<p>Ainsi, <a href="https://blphillipsresearch.wordpress.com/a-letter-to-the-editor/">on tarirait l’offre en évaluateurs</a> pour ces périodiques ; ces évaluateurs seraient alors plus disponibles pour des périodiques aussi sérieux, mais moins onéreux. De plus, un processus d’évaluation transparent (c’est-à-dire public) permettrait la valorisation des évaluations, et aux comités de jauger qualitativement l’implication des scientifiques dans ce processus.</p>
<p>Contre la monétarisation de la publication scientifique, il faut séparer <a href="https://www.coalition-s.org/">l’impératif de l’accès libre</a> et le système de publications en accès libre avec APC obligatoires : les <a href="https://www.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/il-ny-pas-de-raison-que-les-scientifiques-fassent-une-cession-exclusive-gratuite-de-leurs">scientifiques doivent rendre leurs publications accessibles, mais sans payer pour cela</a>. L’utilisation de plates-formes de <a href="https://www.biorxiv.org/">textes</a> <a href="https://hal.science/">non évalués</a> pour rendre accessibles les travaux est une option possible. Cela permettrait de piéger les éditeurs prédateurs au jeu de leur argument de choc (« rendre accessible une publication sans restriction »). Reste alors à imaginer des modèles alternatifs, tel que <a href="https://peercommunityin.org/"><em>Peer Community In</em></a>, proposant un système d’évaluation transparent, exigeant et gratuit à partir d’articles déposés sur des serveurs en accès libre.</p>
<p>Nos actions, via le choix d’un support de publication ou de notre modèle d’évaluation, s’inscrivent dans un contexte politique national et européen parfois contradictoire : certains établissements suggèrent aux chercheurs <a href="https://www.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/le-cnrs-encourage-ses-scientifiques-ne-plus-payer-pour-etre-publies">d’éviter</a> les <a href="https://www.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/il-ny-pas-de-raison-que-les-scientifiques-fassent-une-cession-exclusive-gratuite-de-leurs">APC</a> tout en prônant l’accès libre à toutes les publications sortant de leurs laboratoires. D’autres initiatives, comme la création de <a href="https://open-research-europe.ec.europa.eu/"><em>Open Research Europe</em></a> par l’Union européenne, révèlent en creux le poids de certains lobbys puisque les projets européens pourront de ce fait publier en <a href="https://sciencebusiness.net/news/Universities/leaked-eu-member-states-set-out-reform-scientific-publishing">accès libre tous leurs résultats dans des périodiques <em>ad hoc</em> et financés par l’UE</a>. L’injonction à une « science ouverte » devrait plutôt encourager à l’utilisation des plates-formes de <a href="https://www.biorxiv.org/">textes</a> <a href="https://hal.science/">non évalués</a>. Elle ne doit pas être un argument pour justifier la publication dans des revues avec APC, souvent prédatrices. Autrement dit : ne sacrifions pas la qualité sur l’autel de l’accès libre, et les plates-formes de textes non évalués sont là pour ça.</p>
<p>À nous, chercheurs, de retourner le jugement d’Yves Gingras pour démontrer que nous sommes <a href="https://themeta.news/yves-gingras-les-chercheurs-sont-incapables-dactions-collectives/">capables d’actions collectives</a>. Avec quelques règles, de la pédagogie et un système de valorisation pluriel de la qualité des périodiques scientifiques, nous pouvons endiguer le phénomène des maisons prédatrices.</p>
<hr>
<p><em>Auteurs associés à cet article : Loïc Bollache (Université de Bourgogne), Denis Bourguet (INRAE), Antoine Branca (Université Paris-Saclay), Christopher Carcaillet (EPHE-PSL), Julie Crabot (Université Clermont-Auvergne), El Aziz Djoudi (Brandenburgische Technische Universität), Elisabeth Gross (Université de Lorraine), Philippe Jarne (CNRS & Université de Montpellier), Béatrice Lauga (Université de Pau et des Pays de l’Adour), Joël Meunier (CNRS & Université de Tours), Jérôme Moreau (Université de Bourgogne), Mathieu Sicard (Université de Montpellier), Julien Varaldi (Université Claude Bernard-Lyon 1)</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206639/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Massol a été membre de la section 67 du Conseil National des Universités (2019-2023). Dans le cadre de ses recherches, il a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche et du CNRS. Depuis 2018, il dirige la publication de Peer Community In Ecology.</span></em></p>L’injonction à une science en accès libre favorise un commerce éditorial prédateur, mais les changements récents du processus d’évaluation académique posent les bases d’une réponse collective.François Massol, Directeur de recherche en écologie, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2126322023-09-07T15:35:27Z2023-09-07T15:35:27ZChercheuse, chercheur, êtes-vous « techno-vulnérable » ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/545729/original/file-20230831-4384-19g87w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=37%2C10%2C1138%2C738&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans l’intérêt de l’intégrité scientifique, il faut prendre pour acquis qu’il n’y a pas d’amis, seulement des ennemis potentiels.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/sv/illustrations/s%C3%A4kerhet-cyber-data-dator-n%C3%A4tverk-4868165/">Pete Linforth/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le pain et le beurre de tout scientifique sont les données qu’il recueille au fur et à mesure de ses recherches, qu’elles soient terrain ou à partir de bases de données, qu’elles soient qualitatives ou quantitatives, ou les deux. Dans tous les cas de figure, le chercheur s’appuie sur ses données pour peaufiner des théories existantes, élaborer des hypothèses, confirmer des modèles, bref pour apporter à la science une valeur certaine qui permettra, l’espère-t-il (tout comme les revues scientifiques qui le publient), une amélioration de ce que l’on pourrait nommer la condition humaine.</p>
<p>Or, personne n’est sans savoir que les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/donnees-23709">données</a> de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/recherche-23152">recherche</a> sont sujettes à de nombreuses attaques, par exemple par le biais de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/piratage-26347">piratage</a> informatique ou de vol de propriété intellectuelle. Parmi mes nombreux articles qui examinent le phénomène de mise en vulnérabilité économique, je <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/08276331.2018.1459018">définis cette « techno-prédation</a> » comme l’appropriation ou l’utilisation planifiée « et indésirable d’une nouvelle <a href="https://theconversation.com/fr/topics/technologies-21576">technologie</a> par une partie prenante (ci-après dénommée le « techno-prédateur ») d’un réseau d’innovation, au détriment du créateur de ladite technologie (ci-après dénommé la « techno-proie »)… Ce phénomène peut avoir plusieurs formes et impliquer plusieurs parties prenantes (investisseurs, sociétés, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/universites-20604">universités</a>, chercheurs, inventeurs, ou un mélange des cinq). Elle peut aussi être le sort d’universités ou autres institutions inexpérimentées qui sont peu enclines à protéger leurs chercheurs ou incapables de le faire ».</p>
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<p>Il faut retenir de cette définition que personne n’échappe à des tentatives d’escroquerie dans le domaine scientifique. Même le proche collaborateur avec lequel un scientifique travaille depuis 20 ans s’avérera un « traître » si son idéologie ou ses croyances le guident vers une voie qui diffère de la mission première de la recherche, ou alors s’il est attisé par des considérations parallèles, tels un gain financier ou l’opportunité de se construire une certaine célébrité en utilisant des données qui ne lui appartiennent pas. C’est malheureux à dire, mais dans l’intérêt de l’intégrité scientifique, il faut prendre pour acquis, dans le présent contexte, qu’il n’y a pas d’amis, même pas au sein du syndicat des professeurs, seulement des ennemis potentiels.</p>
<h2>Un phénomène qui n’est pas nouveau</h2>
<p>Parmi ceux qui peuvent compromettre les données se trouvent une panoplie d’individus et d’organisations, dont les intentions, le manque de moyens, ou la mauvaise foi, sont à considérer avec soin. Cependant, le premier danger vient des chercheurs eux-mêmes en tant que scientifiques : le laissez-faire, le manque de rigueur, ou la paresse peut-être sont autant de portes d’entrée pour les malfaiteurs.</p>
<p>Ensuite viennent les personnes qui ont accès, directement ou indirectement, physiquement ou par Internet, aux données du chercheur. Cela comprend les étudiants, les collaborateurs, les personnes à qui des projets de recherche sont présentés, les responsables des institutions, les membres de comités d’éthique, etc. Il faut noter ici que bien des étudiants à la maîtrise ou au doctorat se plaignent de ce que leurs travaux sont repris à leur insu par leur directeur de recherche ; ce phénomène n’est pas nouveau.</p>
<h2><a href="https://sphinx.icn-artem.com/SurveyServer/s/pedagogie/EnqueteTechoPredation/questionnaire.htm">Et vous, êtes-vous « techno-vulnérable » ? Faites le test en cliquant ici !</a></h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/546702/original/file-20230906-28-gbi3mi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546702/original/file-20230906-28-gbi3mi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546702/original/file-20230906-28-gbi3mi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546702/original/file-20230906-28-gbi3mi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546702/original/file-20230906-28-gbi3mi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546702/original/file-20230906-28-gbi3mi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546702/original/file-20230906-28-gbi3mi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vous êtes-vous déjà interrogé sur votre exposition au risque de vol ou de destruction de vos données scientifiques ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pxfuel.com/en/free-photo-jerfy">Pxfuel</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Il ne faut pas oublier que les actions dolosives sont souvent très bien camouflées, que les acteurs en jeu jouissent parfois du support logistique et financier de puissantes firmes d’avocats ou même de gouvernements (par exemple, dans le cas d’espionnage industriel), et qu’ils ont recours dans des cas extrêmes à des tentatives d’intimidation, des menaces, à de la diffamation du chercheur, ou pire encore. Le travail de tout chercheur, peu importe sa spécialité, mérite d’être protégé.</p>
<h2>Les cinq clés de défense</h2>
<p>Alors, comment se prémunir contre ce fléau ? Il existe cinq clés de défense essentielles : la prudence, la duplication, la traçabilité, le cryptage et la vérification.</p>
<p>En ce qui a trait à la <strong>prudence</strong>, le chercheur prendra toutes les mesures nécessaires pour ne pas ébruiter inutilement en quoi sa recherche consiste avant sa publication et vérifiera régulièrement la force et la nature des liens de confiance avec les personnes qui ont un accès à ses données, sans jamais présumer que l’organisation qui le soutient est infaillible ou éthiquement responsable en termes de sécurité des données. Le chercheur doit à tout prix éviter de se mettre en position de vulnérabilité en imbriquant vie professionnelle et vie personnelle : les malfaiteurs utiliseront ces derniers renseignements pour exercer du chantage ou des représailles.</p>
<p>Quant à la <strong>duplication</strong>, le chercheur voudra garder ses données dans au moins trois endroits différents : sur son lieu de travail, sur une surface accessible (une clé USB, un site Internet sécurisé), et sur un disque dur gardé si possible chez soi ou, par exemple, à sa banque, dans un coffre-fort. L’idée est qu’il doit y avoir trois copies des données localisées dans des endroits différents, avec des méthodes d’accès différentes. Cela vaut pour toutes les données de recherche, pas seulement pour celles qui promettent de fusionner la théorie de la relativité et la physique quantique. L’effort en vaut la peine et n’est pas fondamentalement difficile à faire.</p>
<p>En ce qui concerne la <strong>traçabilité</strong>, celle-ci est un concept fondamental dans toute recherche scientifique. Il s’agit de s’assurer que tout développement, peu importe sa pertinence perçue immédiate, puisse être retracé. Le chercheur, à titre d’exemple, sauvegardera ses écrits, ses tableurs Excel, ses analyses en SPSS, selon un code de jour et d’heure de révision. Une recherche qui n’a pas un historique clair et définissable n’a que peu de valeur, car la réplicabilité des recherches est au cœur des avancées scientifiques. Malheureusement, bien des étudiants, de ce que j’ai pu voir, sauvegardent leurs travaux en continu avec le même nom de dossier ; l’historique est ainsi perdu. À ce chapitre, rien n’empêche le chercheur, chaque vendredi après- midi, de faire une capture d’écran ou de sortir son téléphone pour prendre une photo de son écran afin de capturer la preuve visuelle que tel ou tel dossier était bien présent sur son ordinateur.</p>
<p>Par <strong>cryptage</strong>, j’entends ici des mesures avec différents degrés de complexité. Les chercheurs en sciences humaines savent très bien qu’ils doivent employer des codes pour éviter que l’on puisse reconnaître les participants à leurs études. Le même principe s’applique partout : rien n’empêche un chercheur de sécuriser ses données, ses modèles, ses écrits, à l’aide de mots de passe efficaces (changés régulièrement), de codes cryptés et de procédures reconnues pour maximiser la protection des données.</p>
<p>Enfin, le chercheur <strong>vérifiera</strong> régulièrement que ses données sont à jour, qu’elles demeurent intègres, et qu’aucune trace de violation n’est présente.</p>
<h2>David face à Goliath… mais sans fronde</h2>
<p>Ces cinq conseils sont d’autant plus précieux qu’il faut se rappeler que devant certaines forces, y compris institutionnelles ou étatiques, le chercheur sera bien mal équipé pour se défendre. Prenons l’exemple d’un chercheur qui s’aperçoit qu’on est entré dans son bureau durant le week-end, à son insu, mais qui ne peut le prouver. L’université ou le département de la recherche de son entreprise aura beau jeu de dire que ne sont entrées que les personnes affectées à l’entretien ménager.</p>
<p>Si l’institution décide de détruire de manière illicite les données stockées sur l’ordinateur du chercheur à son insu, elle pourra arguer à juste titre que le matériel informatique lui appartient, et même affirmer qu’il n’y avait aucun contenu sur le disque dur. Quant à la police, elle risque de répondre au chercheur qu’il lui appartient de prouver que ce qu’il prétend était présent sur son ordinateur était effectivement présent, ce qui sera plutôt difficile et probablement peu convaincant. Alors autant chercher à éviter ce genre de situation, pour son bien personnel et le respect de la science !</p>
<hr>
<p><em>Vous pouvez retrouver le test de « techno-vulnérabilité » conçu par l’auteur en cliquant sur le lien suivant : <a href="https://sphinx.icn-artem.com/SurveyServer/s/pedagogie/EnqueteTechoPredation/questionnaire.htm">Enquête sur la techno-vulnérabilité</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212632/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Mesly ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les données collectées dans le cadre des travaux de recherche peuvent attirer la convoitise de personnes mal intentionnées, mais quelques principes simples permettent de limiter les risques de vol.Olivier Mesly, Enseignant-chercheur au laboratoire CEREFIGE, université de Lorraine, professeur de marketing, ICN Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2123922023-08-31T10:38:32Z2023-08-31T10:38:32ZSénégal : le chikungunya sévit dans le pays, voici comment l'éviter<p>Au cours du mois d'août 2023, une épidémie de chikungunya a été identifiée au Sénégal, touchant <a href="https://www.pressafrik.com/Chikungunya-apres-Kedougou-la-maladie-s-est-propagee-jusqu-a-Dakar_a260987.html">la région de Kédougou</a>, dans le sud du pays. Les trois départements de cette région ont signalé <a href="https://crisis24.garda.com/alerts/2023/08/senegal-elevated-chikungunya-activity-reported-in-the-kedougou-region-through-august-update-1">112 cas confirmés</a> de cette maladie virale. Bien que le chikungunya soit relativement rare au Sénégal, les autorités sanitaires cherchent à apaiser les inquiétudes en soulignant qu'aucun cas grave n'a été signalé jusqu'à présent.</p>
<p>Le virus du chikungunya est originaire d'Afrique mais il s'est répandu dans le monde au fil des ans. Au <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7241529/">cours des 20 dernières années</a>, de plus en plus d'infections par le chikungunya ont été signalées dans les pays africains, mais le tableau général de sa circulation reste sous-estimé, la maladie étant sous-diagnostiquée et insuffisamment déclarée.</p>
<p>Le virus du chikungunya a été identifié pour la première<a href="https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/chikungunya#:%7E:text=R%C3%A9partition%20g%C3%A9ographique%20et%20flamb%C3%A9es%20%C3%A9pid%C3%A9miques,d'Asie%20(1)."> fois en Tanzanie en 1952</a>. Le chikungunya est une maladie infectieuse provoquée par un virus transmis aux humains par des moustiques du genre <em>Aedes</em> (moustique tigre). Le nom de la maladie signifie “celui qui marche courbé”, parce que l’infection entraîne non seulement une forte fièvre, mais aussi des douleurs articulaires et musculaires. Ce nom est dérivé d’un mot de la <a href="https://fr-academic.com/dic.nsf/frwiki/917008">langue kimakonde</a> – parlée dans le sud-est de la Tanzanie et au nord-est du Mozambique – et qui signifie “se déformer”.</p>
<p>D’après l’OMS, depuis 2004, des flambées urbaines de chikungunya ont été <a href="https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/chikungunya#:%7E:text=R%C3%A9partition%20g%C3%A9ographique%20et%20flamb%C3%A9es%20%C3%A9pid%C3%A9miques,d'Asie%20(1).">signalées dans plus de 110 pays d’Asie</a>, d’Afrique, d’Europe et des Amériques. Ces flambées sont devenues plus fréquentes et plus étendues là où des populations d’<em><a href="https://www.ird.fr/projet-tis-aedes-oi-application-de-la-technique-de-linsecte-sterile-dans-locean-indien#:%7E:text=L'Aedes%20aegypti%20est%20une,et%20de%20la%20fi%C3%A8vre%20jaune.">Aedes aegypti</a></em> ou d’<em><a href="https://www.pasteur.fr/fr/journal-recherche/actualites/qui-est-moustique-tigre-ou-aedes-albopictus">Aedes albopictus</a></em> sont bien établies. Dans ces régions, une transmission locale par les moustiques est désormais connue. </p>
<p>Mes <a href="https://www.documentation.ird.fr/listes/parauteur/SOKHNA/CHEIKH+SADIBOU/tout">recherches</a> portent, principalement, sur <a href="http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed?term=Sokhna+">l'épidémiologie des agents pathogènes</a> à transmission vectorielles responsables des maladies fébriles en Afrique de l'Ouest. Dans cet article, j'explique les symptômes, le traitement, le diagnostic et la prévention de cette infection.</p>
<h2>Symptômes, traitement et vaccins</h2>
<p>Chez les cas qui présentent <a href="https://applications.emro.who.int/docs/Fact_Sheet_WHD_2014_FR_15259.pdf?ua=1">des symptômes</a>, la maladie se manifeste après une incubation de 4 à 8 jours en moyenne, suite à la piqûre d’un moustique tigre infecté. Une fièvre élevée (supérieure à 38,5°C) apparaît brutalement, accompagnée de maux de tête, de courbatures ou de douleurs articulaires, qui peuvent être intenses, touchant principalement les poignets, chevilles et phalanges et qui sont souvent très handicapantes. </p>
<p>Ces symptômes durent généralement quelques jours, mais peuvent persister pendant des semaines ou des mois. L’évolution peut être rapidement favorable, si le malade répond bien au traitement symptomatique. Après la guérison, les patients ont de fortes chances d’avoir acquis une immunité contre de futures infections.</p>
<p>La prise en charge clinique vise essentiellement à soulager la fièvre et les douleurs articulaires au moyen d’antipyrétiques, d’analgésiques adaptés, d’un bon apport en liquides et d’un repos du patient. Il n'existe pas de médicament antiviral spécifique contre l'infection par le chikungunya. </p>
<p>Plusieurs <a href="https://francais.medscape.com/voirarticle/3610245">vaccins sont en cours de développement</a>, mais ils ne sont pas encore homologués. C’est pourquoi l’OMS encourage les pays à une meilleure prise en charge des malades et une mise en œuvre de stratégies de communication sociale visant à réduire la présence des moustiques vecteurs.</p>
<h2>Diagnostic</h2>
<p>Le virus du chikungunya peut être détecté directement dans des échantillons sanguins prélevés chez le patient au cours de la première semaine de la maladie par <a href="https://www.hpci.ch/prevention/fiches-techniques/contenu/technique-de-pr%C3%A9l%C3%A8vement-par-pcr-nasopharyng%C3%A9">PCR</a> (technique d'amplification de l'ADN ou <a href="https://www.francepaternite.com/entre-arn-et-adn-differences-et-similarites/#:%7E:text=L'ADN%20stocke%20l'information%20g%C3%A9n%C3%A9tique%20%C3%A0%20long%20terme.&text=L'ARN%20quant%20%C3%A0%20lui,informations%20g%C3%A9n%C3%A9tiques%20dans%20certains%20organismes.">ARN </a>du porteur de la maladie). D’autres tests peuvent détecter la réponse immunitaire d’une personne à l’infection par le virus du chikungunya. </p>
<p>Ces tests sont généralement utilisés pour rechercher la présence d’anticorps dirigés contre le virus, qui sont généralement détectables dès la première semaine après l’apparition de la maladie et peuvent encore être détectés pendant environ deux mois.</p>
<p>C’est pourquoi l’OMS encourage les pays à acquérir et à maintenir les capacités nécessaires à la détection et à la confirmation des cas.</p>
<h2>Prévention et lutte</h2>
<p>Lors d’une piqûre, le moustique tigre prélève le virus sur une personne infectée, et à l’occasion d’une autre piqûre, il le transmet à une personne saine. C’est pourquoi, le meilleur moyen de lutter contre la transmission du chikungunya est de se protéger individuellement contre les piqûres de moustique (vêtements longs, répulsifs cutanés, moustiquaires), et de détruire les gîtes larvaires les plus accessibles.</p>
<p>Il faut pour cela mobiliser les communautés qui jouent un rôle essentiel dans la réduction des sites de reproduction des moustiques en vidant et en nettoyant régulièrement les récipients contenant de l'eau, en éliminant les déchets et en soutenant les programmes locaux de lutte contre les moustiques. </p>
<p>Lors de flambées épidémiques, des insecticides peuvent être pulvérisés pour tuer les moustiques adultes. Les moustiquaires de fenêtre et de porte peuvent empêcher aussi les moustiques de pénétrer dans les habitations. Les moustiquaires imprégnées d’insecticide doivent être utilisées (jour et nuit) contre les moustiques qui piquent, en particulier les jeunes enfants et les personnes malades ou âgées. </p>
<p>Toutes ces mesures peuvent également être prises à titre d’urgence par les autorités sanitaires pour lutter contre les moustiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212392/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cheikh Sokhna does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>Le meilleur moyen de lutter contre la transmission du chikungunya est de se protéger individuellement contre les piqûres de moustique et de ralentir leur reproduction.Cheikh Sokhna, Directeur de recherche à l'IRD, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2089142023-08-21T15:45:52Z2023-08-21T15:45:52ZLe « wokisme » est-il vraiment un danger pour la science ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/535113/original/file-20230701-15-7iub59.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C14%2C1920%2C1238&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le mérite scientifique ne tient pas au nombre de publications et de citations.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>De nos jours, il est courant de se plaindre que, compte tenu de la préoccupation générale pour les minorités et de l’affirmation selon laquelle la justice sociale devrait intéresser tout le monde, l’idéologie domine la science. Certains vont même jusqu’à comparer le système de recherche actuel au <a href="https://ethos.lps.library.cmu.edu/article/id/560/">lyssenkisme</a>, une approche erronée de la génétique végétale promue par les autorités soviétiques et chinoises.</p>
<p>C’est le cas d’un article paru le 27 avril dans le <em>Wall Street Journal</em>, <a href="https://www.wsj.com/articles/the-hurtful-idea-of-scientific-merit-controversy-nih-energy-research-f122f74d">« The hurtful idea of scientific merit »</a> — (La notion « blessante » de mérite scientifique), rédigé par les scientifiques Jerry Coyne — un éminent biologiste de l’évolution, auteur de l’important livre <em>Why Evoluton is True ?</em> – et Anna Krylov. Les institutions et les revues, affirment-ils, ont oublié le « mérite scientifique » et l’ont remplacé par l’idéologie, craignant que les soi-disant « wokistes » soient soutenus par les gouvernements et les agences officielles de la même manière que la fausse théorie de Trofim Lysenko sur l’hérédité des caractères acquis a été mise en application par Staline. Si c’est vrai, c’est une terrible nouvelle, car en URSS, la suprématie idéologique du lysenkoïsme a conduit à de nombreuses exécutions et à des exils.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/534045/original/file-20230626-7296-eraf42.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534045/original/file-20230626-7296-eraf42.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=814&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534045/original/file-20230626-7296-eraf42.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=814&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534045/original/file-20230626-7296-eraf42.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=814&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534045/original/file-20230626-7296-eraf42.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1022&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534045/original/file-20230626-7296-eraf42.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1022&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534045/original/file-20230626-7296-eraf42.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1022&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’adoption des idées pseudo-scientifiques de Trofim Lysenko a contribué aux famines qui ont tué des millions de personnes en URSS et en Chine.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Trofim_Lysenko#/media/File:Trofim_Lysenko_portrait.jpg">Russian Federation foundation/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À de nombreuses reprises, les « anti-woke » ont formulé des critiques analogues. Un exemple dans les sciences humaines a été la dénonciation de la divulgation des relations entre la famille du poète <a href="https://www.theguardian.com/books/2020/nov/25/british-library-apologises-for-linking-ted-hughes-to-slave-trade?CMP=Share_iOSApp_Other">Ted Hughes et l’esclavage</a>. En psychologie, on a critiqué l’introduction de la <a href="https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/0963721417753600">notion de « privilège blanc »</a>.</p>
<h2>Le concept délicat de mérite scientifique</h2>
<p>Coyne et Krylov parlent de biologie, mais on pourrait facilement admettre que les controverses sur ce qu’on appelle le wokisme, la justice sociale et la vérité concernent l’ensemble du monde universitaire, qui comprend les sciences naturelles, les sciences sociales, les sciences humaines et le droit. Leur affirmation est censée s’appliquer au monde universitaire en général, et « mérite scientifique » est ici synonyme de « mérite académique ». </p>
<p>Mais cette notion de « mérite scientifique », parfois appelée <a href="https://aoc.media/analyse/2020/09/15/le-mirage-de-lexcellence-menera-t-il-au-naufrage-de-la-recherche-publique/">« excellence scientifique » dans les politiques françaises dévaluation de la recherche</a>, est obscure. En l’absence d’une méthode fiable pour la mesurer, l’invoquer est une affirmation vide de sens. Pire encore, la manière dont le mérite lui-même est utilisé par les institutions et les politiques s’avère en fin de compte beaucoup plus nuisible à la science que n’importe quelle « idéologie guerrière de justice sociale » radicalisée, si tant est que cette expression ait un sens.</p>
<p>Dans le monde universitaire, le « mérite » signifie que l’on doit être crédité d’une contribution solide et mesurable à la science. Pourtant, lorsqu’une découverte est faite ou qu’un théorème est prouvé, c’est toujours sur la base de travaux antérieurs, comme nous l’a rappelé une <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-023-01313-5">reconstitution exhaustive</a> du rôle joué par Rosalind Franklin dans la découverte mondialement saluée de l’ADN (1953) par Crick et Watson, qui ont reçu le prix Nobel pour cela alors que Franklin était décédée quatre ans plus tôt. L’attribution du mérite est donc compliquée par l’inextricabilité des contributions causales, ce qui rend la notion de « crédit intellectuel » complexe, tout comme l’idée même d’un « auteur », à qui ce crédit est en principe dû. Comme dans une équipe de football ou de handball, l’analyse de la contribution de chaque joueur au but marqué par l’équipe n’est pas une mince affaire.</p>
<p>Des conventions sociales ont donc été inventées pour surmonter cette sous-détermination quasi métaphysique de l’« auteur » (et donc de son mérite). En science, l’une d’entre elles est la <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0198117"><em>discipline</em></a> : être un auteur n’est pas la même chose en mathématiques qu’en sociologie, et les disciplines déterminent ce qui est requis pour signer un article, et donc pour être un auteur dans un domaine donné. Un autre outil conventionnel est la <em>citation</em> : plus une personne est citée, plus son mérite est élevé.</p>
<p>Le classement des citations est donc censé refléter la véritable <a href="https://press.princeton.edu/books/paperback/9780691125169/on-justification"><em>grandeur</em></a> des individus. Pour l’estimer, il faut répertorier tous les articles signés par un individu et cités par ses pairs, ce qui donne lieu à des mesures telles que le <em>facteur d’impact</em> (pour les revues) ou le <em>h-index</em> (pour les scientifiques), qui constituent la base de notre système de mérite dans le domaine scientifique, puisque toute évaluation de la valeur académique d’une personne et de ses chances d’être embauchée, promue ou financée dans n’importe quel pays jongle avec ces chiffres combinés. Comme l’a dit le <a href="https://www.ost.uqam.ca/en/publications/the-transformation-of-the-scientific-paper-from-knowledge-to-accounting-unit/">sociologue canadien Yves Gingras</a>, alors que l’« article » a été une unité de connaissance pendant quatre siècles, il est maintenant aussi une unité d’évaluation et est utilisé quotidiennement par les comités d’embauche et les agences de financement dans le monde entier.</p>
<p>Contrairement à ce qu’affirment Coyne et Krylov, ces derniers ont l’intention de trouver les scientifiques les plus méritants en suivant le nombre de citations et de publications — ces dernières permettant d’augmenter le nombre de citations, puisque plus vous publiez d’articles, plus votre travail sera cité. Entendre dire que la Chine est désormais le <a href="https://theconversation.com/china-now-publishes-more-high-quality-science-than-any-other-nation-should-the-us-be-worried-192080">premier pays publiant</a> et s’inquiéter de sa victoire imminente dans la course aux publications, comme nous le lisons tous les jours, n’a de sens que si l’on assimile la valeur de la science à ces grandes mesures.</p>
<h2>Où la science est perdante dans l’idée de mérite</h2>
<p>Pourtant, mesurer le mérite scientifique de cette manière nuit à la qualité de la science pour trois raisons qui ont été analysées par les scientifiques eux-mêmes. Le résultat global est que ce type de mesure produit une « sélection naturelle pour la mauvaise science », comme l’ont dit les biologistes évolutionnistes Paul E. Smaldino et Richard McElreath dans un <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rsos.160384">article de 2016</a>. Pourquoi ?</p>
<p>Tout d’abord, il est facile de jouer avec les mesures — par exemple, en divisant un article en deux, ou en écrivant un autre article en modifiant uniquement les paramètres d’un modèle. De toute évidence, cette stratégie augmente inutilement la quantité de littérature que les chercheurs doivent lire et accroît ainsi la difficulté de distinguer le signal du bruit dans une forêt croissante d’articles universitaires. Les raccourcis tels que la fraude ou le plagiat sont également encouragés ; il n’est donc pas étonnant que les agences pour l’intégrité scientifique et les traqueurs d’inconduite scientifique aient proliféré.</p>
<p>Deuxièmement, cette mesure du mérite induit une science moins exploratoire, car l’exploration prend du temps et risque de ne rien trouver, de sorte que vos concurrents récolteront tous les bénéfices. Pour la même raison, les revues favoriseront ce que les écologistes appellent traditionnellement <a href="https://psycnet.apa.org/doiLanding?doi=10.1037%2Fdec0000033"><em>exploitation</em> plutôt qu’<em>exploration</em> de nouveaux territoires</a>, puisque leur facteur d’impact repose sur le nombre de citations. Un récent article de <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-022-05543-x%23citeas"><em>Nature</em></a> affirme que la science est devenue beaucoup moins novatrice au cours de la dernière décennie, alors que les évaluations basées sur la bibliométrie ont prospéré.</p>
<p>Enfin, même si l’on souhaite conserver une mesure du mérite liée à l’activité de publication, le mérite basé sur la bibliométrie est unidimensionnel car la science réelle — telle qu’elle est révélée par son étude quantitative assistée par ordinateur — se développe comme un paysage en évolution plutôt que comme un progrès linéaire. Ainsi, ce qui constitue une « contribution majeure » à la science peut prendre plusieurs formes, en fonction de l’endroit où l’on se situe dans ce paysage.</p>
<h2>Repenser le progrès scientifique</h2>
<p>À l’ISC-PIF (Paris), les <a href="https://iscpif.fr/projects/gargantext/?lang=en">chercheurs ont cartographié la dynamique de la science</a> en détectant au fil des ans l’émergence, la fusion, la fission et la divergence de sujets définis par des groupes de mots corrélés (comme l’illustre la figure ci-dessous concernant le domaine de l’informatique quantique, où les fissions et les fusions qui se sont produites dans l’histoire du domaine sont visibles graphiquement). Il apparaît que les types de travaux réalisés par les scientifiques aux stades distincts de la naissance, de la croissance ou du déclin d’un domaine (considéré ici comme un ensemble de sujets) sont très différents et donnent lieu à des types de mérites incomparables.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/534625/original/file-20230628-21-uoc72f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534625/original/file-20230628-21-uoc72f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=461&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534625/original/file-20230628-21-uoc72f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=461&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534625/original/file-20230628-21-uoc72f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=461&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534625/original/file-20230628-21-uoc72f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=579&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534625/original/file-20230628-21-uoc72f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=579&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534625/original/file-20230628-21-uoc72f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=579&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Progrès au fil du temps dans le domaine de l’informatique quantique.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Ainsi, lorsqu’un domaine est mature, il est facile de produire de nombreux articles. En revanche, lorsqu’il est émergent — par exemple par la fission d’un domaine ou la fusion de deux domaines antérieurs — les publications et les publics sont rares, de sorte qu’il est impossible de produire autant d’articles qu’un concurrent travaillant dans un domaine plus mûr. Tout niveler par la référence commune aux nombres de citations —, quel que soit le raffinement des mesures — manquera toujours la nature propre de chaque contribution spécifique à la science.</p>
<p>Quel que soit le sens du mot <em>mérite</em> en science, il est multidimensionnel, et donc tous les index et mesures basés sur la bibliométrie ne le prendront pas en compte parce qu’ils le transformeront en un chiffre unidimensionnel. Mais ce mérite mal défini et mal mesuré, en tant que base de toute évaluation des scientifiques et donc de l’allocation des ressources (postes, subventions, etc.), contribuera à façonner la physionomie du monde universitaire et donc à corrompre la science plus fermement que n’importe quelle idéologie.</p>
<p>Par conséquent, la revendication du mérite tel qu’il est actuellement évalué n’est pas un étalon-or pour la science. Au contraire, ce « mérite » est déjà connu pour renforcer une approche délétère de la production de connaissances qui implique de nombreuses conséquences négatives pour la science comme pour les chercheurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208914/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Avant l’idéologie « wokiste », qui est accusée de corrompre la valeur scientifique, c’est cette notion même de « valeur » qui pourrait être une menace pour la science.Philippe Huneman, Directeur de recherche CNRS, Institut d'histoire et de philosophie des sciences et des techniques, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneDavid Chavalarias, Research director, Centre d’Analyses de Mathématiques Sociales (CAMS), Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2097682023-08-10T21:18:29Z2023-08-10T21:18:29ZLa puissance scientifique et technologique chinoise : de l’imitation au leadership mondial<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/538740/original/file-20230721-19-48a781.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C5%2C3988%2C2670&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans l’atelier de production de Jiangxi Lanke Semiconductor Co., LTD., à Jiujiang, Chine, en mai 2022.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/jiujiang-china-may-14-2022-workers-2156914541">humphery/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>La Chine a longtemps été présentée comme un <a href="https://foreignpolicy.com/2023/03/28/china-has-been-waging-a-decades-long-all-out-spy-war/">pays recourant à la copie ou à l’espionnage pour monter en puissance</a> sur les plans scientifique et technologique. Désormais, sur ces deux plans, la RPC <a href="https://www.ifri.org/fr/publications/publications-ifri/pekin-course-technologie">rivalise avec les plus grandes puissances mondiales</a>, et exerce même le leadership dans certains domaines. Les derniers indicateurs contrastent avec la vision classique d’une Chine qui espionne pour progresser et dont la production scientifique est plus quantitative que qualitative.</p>
<h2>L’innovation et les brevets : des premiers partenariats technologiques à l’autonomie puis à la domination mondiale</h2>
<p>Lors du développement des relations économiques des pays occidentaux avec la RPC, après la reconnaissance par la France en 1964, puis par les États-Unis en 1978, les premiers accords ont porté sur un « partenariat stratégique », avec le déploiement en Chine de technologies avancées.</p>
<p>Côté français, les projets dans le ferroviaire ou le nucléaire civil ont débouché sur d’importants contrats. L’exemple le plus notable est la <a href="https://www.lexpress.fr/informations/les-gaulois-de-daya-bay_595930.html">centrale nucléaire de Daya Bay</a>. Plus tard, les partenariats se sont équilibrés, avec des ventes et coopérations notamment dans l’aéronautique (<a href="https://www.europe1.fr/international/la-chine-achete-292-avions-a-airbus-pour-un-montant-total-de-37-milliards-de-dollars-4121040">Airbus</a>), accompagnées de « transferts technologiques ». Avec le temps, la Chine a acquis connaissances et savoir. Elle est devenue moins dépendante des technologies occidentales et a pu développer ses propres technologies.</p>
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<p>Aujourd’hui, d’après un <a href="https://www.aspi.org.au/report/critical-technology-tracker">rapport de l’Australian Sciences Policy Institute (ASPI)</a>, la Chine est en tête dans la compétition technologique mondiale et devance les États-Unis dans 37 des 44 technologies dites « critiques » identifiées par l’ASPI. Parmi celles-ci : les communications radiofréquences (5G, 6G), l’hydrogène, les batteries électriques, les nano-matériaux, les revêtements avancés, les super-condensateurs, l’hypersonique… Dans huit d’entre elles, le risque que la Chine devienne monopolistique est jugé élevé.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/537370/original/file-20230713-25-t0dz0u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/537370/original/file-20230713-25-t0dz0u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537370/original/file-20230713-25-t0dz0u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=872&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537370/original/file-20230713-25-t0dz0u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=872&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537370/original/file-20230713-25-t0dz0u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=872&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537370/original/file-20230713-25-t0dz0u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1095&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537370/original/file-20230713-25-t0dz0u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1095&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537370/original/file-20230713-25-t0dz0u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1095&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Tableau créé par l’ASPI.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Même si cette étude se base sur les innovations technologiques et pas sur leur commercialisation, il est clair que les transferts de technologies des décennies précédentes ont porté leurs fruits.</p>
<p>Cela s’est traduit, pour les entreprises occidentales, par un recul sur les marchés internationaux. L’<a href="https://classe-export.com/index.php/secteurs/energie/72245-eolien-europe-chine/">éolien</a>, le <a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/industries/crrc-le-geant-chinois-du-ferroviaire-pret-a-avaler-l-europe_AV-202002190220.html">ferroviaire</a> ou l’<a href="https://www.ladepeche.fr/2023/05/31/lavion-chinois-c919-peut-il-vraiment-concurrencer-lairbus-a320-11232277.php">aéronautique</a> en sont des exemples notables : après des transferts de technologies vers la Chine, les entreprises occidentales de ces secteurs ont été fortement concurrencées, voire dépassées par des entreprises chinoises. Sur les marchés émergents, la croissance chinoise est spectaculaire. L’exemple le plus commun concerne les véhicules électriques. Dans ce domaine, la Chine représentait <a href="https://www.ev-volumes.com/">60 % du marché mondial en 2022</a> :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/538729/original/file-20230721-25-88o09t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538729/original/file-20230721-25-88o09t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=653&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538729/original/file-20230721-25-88o09t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=653&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538729/original/file-20230721-25-88o09t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=653&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538729/original/file-20230721-25-88o09t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=821&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538729/original/file-20230721-25-88o09t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=821&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538729/original/file-20230721-25-88o09t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=821&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Progression des ventes de véhicules électriques à batterie (BEV) et de véhicules hybrides rechargeables (PHEV) de 2021 à 2022, en milliers d’exemplaires.</span>
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</figure>
<p>Plus généralement, en matière d’innovation et de technologies émergentes, l’analyse des dépôts de brevets donne une idée de l’activité. Selon le <a href="https://www.wipo.int/en/ipfactsandfigures/patents">World Intellectual Property Office</a> (WIPO ou OMPI en français, affilié aux Nations unies), la Chine devance de loin et depuis longtemps les autres pays pour les dépôts de brevets : </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/538730/original/file-20230721-27-6vfe0u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538730/original/file-20230721-27-6vfe0u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538730/original/file-20230721-27-6vfe0u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538730/original/file-20230721-27-6vfe0u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538730/original/file-20230721-27-6vfe0u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538730/original/file-20230721-27-6vfe0u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538730/original/file-20230721-27-6vfe0u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Progression en nombre et en proportion des brevets déposés par pays de 2020 à 2021.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>La Chine se concentre surtout sur les domaines de l’informatique, des télécommunications et de l’électronique. Aujourd’hui, <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/03/17/huawei-premier-deposant-de-brevets-au-monde-consacre-des-efforts-considerables-pour-franchir-la-frontiere-technologique-bien-gardee-par-washington_6073439_3234.html">Huawei est le premier déposant mondial</a>, très loin devant Samsung.</p>
<p>Pour nuancer ces indicateurs, l’OMPI publie aussi le <a href="https://www.wipo.int/global_innovation_index/fr/2022/">« Global Innovation Index »</a>, basé sur 80 paramètres, intégrant l’environnement politique, la réglementation, la formation, les infrastructures, les marchés financiers, etc. en plus des innovations à proprement parler. La Chine arrive alors à la 11<sup>e</sup> place (en progressant chaque année), avec des résultats performants sur les critères clés : 1 <a href="https://fr.euronews.com/2019/12/03/education-la-chine-meilleure-eleve-de-l-etude-pisa-l-estonie-premier-pays-de-l-ue">ʳᵉ place au classement PISA</a> qui compare les performances des systèmes éducatifs, 2<sup>e</sup> place pour le nombre de clusters technologiques, 3<sup>e</sup> place pour les dépenses de R&D financées par les entreprises…</p>
<h2>Les publications scientifiques et la recherche : de la quantité à la qualité</h2>
<p>La revue <em>Nature</em> a publié un <a href="https://www.nature.com/nature-index/news/ten-global-institutions-universities-twenty-nineteen-annual-tables">indicateur agrégeant les données des 82 plus grandes revues scientifiques du monde</a>. Il permet de classer les organismes de recherche à l’échelle mondiale. La Chinese Academy of Sciences (CAS) arrive en tête devant Harvard, la Max Planck Society et le CNRS. Avec plus de 60 000 chercheurs, elle représente le double du CNRS, qui a longtemps été le plus grand organisme de recherche du monde. Ses dépenses pour la science et la technologie s’élèvent à près de 5 milliards de dollars (le CNRS a un budget de 4,4 milliards de dollars). Elle accueille de <a href="https://english.cas.cn/research/facilities/">grandes infrastructures de recherche</a>, parmi les plus importantes du monde. </p>
<p>Au niveau individuel, c’est-à-dire au niveau des chercheurs, la Chine a longtemps misé sur le recrutement des meilleurs mondiaux, avant de progressivement permettre à une nouvelle génération de briller sur la scène internationale.</p>
<p>Aujourd’hui, les chercheurs chinois se positionnent de mieux en mieux dans les classements internationaux. Pour éviter les difficultés liées à l’analyse d’une production scientifique de masse de faible qualité, de nouveaux indicateurs sont utilisés, comme le nombre de citations des articles publiés (ce qui montre leur intérêt pour la communauté, même s’il existe des biais). Parmi ces nouveaux indicateurs, <a href="https://www.adscientificindex.com/?con=&tit=&tit_sub=&country_code=&q=">l’AD Scientific Index (Alper-Doger Scientific Index)</a> est le plus en vue. Il s’appuie sur 9 paramètres mêlant publications et citations. Il ressort de son classement mondial qu’il y a, en 2023, 304 chercheurs chinois dans le Top 10 000, 1 982 dans le Top 50 000 et 4 178 dans le Top 100 000. À titre de comparaison, les chercheurs français sont pratiquement moitié moins nombreux : 177 dans le Top 10 000, 1 214 dans le Top 50 000 et 2 856 dans le Top 100 000. Même si avec ce classement, les États-Unis ne voient pas leur leadership menacé, la Chine apparaît maintenant, qualitativement, comme une puissance scientifique devançant la plupart des grands pays occidentaux.</p>
<p>Au niveau des établissements d’enseignement supérieur et de recherche, les classements internationaux montrent aussi une percée de la Chine. On retrouve par exemple 16 établissements chinois sur les 25 premiers du <a href="https://www.leidenranking.com/ranking/2023/list">classement de Leiden</a>, qui classe les universités selon le nombre de publications scientifiques de leurs chercheurs, en fonction de critères à la fois quantitatifs (nombre total de publications scientifiques) et qualitatifs (uniquement les publications dans le Top 10 % des revues les plus cotées).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/538731/original/file-20230721-22713-r9uf3l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/538731/original/file-20230721-22713-r9uf3l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538731/original/file-20230721-22713-r9uf3l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538731/original/file-20230721-22713-r9uf3l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538731/original/file-20230721-22713-r9uf3l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538731/original/file-20230721-22713-r9uf3l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=568&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538731/original/file-20230721-22713-r9uf3l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=568&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538731/original/file-20230721-22713-r9uf3l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=568&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Classement de Leiden 2023.</span>
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</figure>
<p>Globalement, la Chine apparaît aujourd’hui comme un pays disposant de ses propres capacités de recherche et d’innovation, rivalisant avec les meilleurs mondiaux, voire les dépassant.</p>
<h2>Conclusion : espionnage et protectionnisme ?</h2>
<p>Depuis plusieurs décennies, les pays occidentaux soupçonnent la Chine de se livrer à un espionnage à large échelle, aussi bien dans le domaine militaire que dans les domaines scientifiques, technologiques et industriels. Les auteurs de l’ouvrage de 2013 <a href="https://www.cairn.info/revue-securite-et-strategie-2014-1-page-90.htm"><em>Chinese industrial espionage : technology acquisition and military modernisation</em></a> analysent les moyens de captation de l’information scientifique, notamment par les transferts de technologies, via la diplomatie chinoise, les entreprises sino-américaines ou chinoises aux États-Unis et la diaspora de scientifiques et d’entrepreneurs innovants installée en Europe et aux États-Unis. L’attraction vers la RPC de scientifiques occidentaux et la délocalisation en Chine de centres de R&D y participeraient, de même que la mobilisation des étudiants chinois acquérant leur savoir-faire dans les universités occidentales.</p>
<p>Les procès pour « cyber espionnage » se sont multipliés aux États-Unis, comme <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/espionnage-economique-le-groupe-chinois-sinovel-condamne-par-les-etats-unis-784398.html">celui concernant le vol de brevets de l’entreprise de haute technologie American Superconductor</a>. En France aussi, plusieurs affaires ont défrayé la chronique, comme celle de l’étudiante <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2007/12/18/soupconnee-d-espionnage-industriel-une-etudiante-chinoise-est-finalement-condamnee-pour-abus-de-confiance_991249_3224.html">Li Li Whuang</a>, arrêtée pour espionnage industriel en 2005 après son stage chez Valeo. De nombreux autres soupçons ont été révélés en 2019 dans l’ouvrage d’Antoine Izambard <a href="https://www.editions-stock.fr/livres/essais-documents/france-chine-les-liaisons-dangereuses-9782234086555"><em>France-Chine, les liaisons dangereuses</em></a>).</p>
<p>Ces affaires montrent que la progression de la Chine et même sa position dominante n’empêcheraient pas une concurrence féroce accompagnée d’espionnage, un peu comme cela peut se rencontrer dans le monde des affaires où une entreprise dominante continuera à surveiller ce que font ses concurrents directs ou indirects. Face à ces pratiques, le protectionnisme revient en force. En France, l’Inspection générale des finances (IGF) a publié en 2022 un <a href="https://www.challenges.fr/education/ingerences-etrangeres-dans-la-recherche-l-elysee-a-la-manoeuvre-la-chine-visee_800869">rapport</a> sur « les enjeux de la protection des savoirs et savoir-faire dans les domaines de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique » et le Sénat a rendu public en 2021 un rapport d’information intitulé <a href="https://www.senat.fr/notice-rapport/2020/r20-873-notice.html">« Mieux protéger notre patrimoine scientifique et nos libertés académiques »</a>. Des efforts peut-être insuffisants et tardifs…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209768/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphane Aymard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des années durant, la Chine a employé les méthodes les plus diverses pour s’imposer comme une grande puissance technologique et scientifique. Avec un succès désormais indiscutable.Stéphane Aymard, Ingénieur de Recherche, La Rochelle UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2097412023-08-08T13:56:47Z2023-08-08T13:56:47ZLe « blanchiment responsable » en innovation en santé est tout aussi néfaste que l’écoblanchiment. Voici comment y mettre fin<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/539331/original/file-20230725-21-3zft7l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1920%2C960&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour développer des innovations responsables dans le secteur de la santé, il faut de bons outils et des conseils pratiques, de la conception de l’innovation jusqu’à la fin de son cycle de vie. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Selon le PDG d’Apple, Tim Cook, <a href="https://www.popularmechanics.com/technology/a40823587/guest-editor-tim-cook/">« le futur, c’est l’innovation responsable »</a>. Toutefois, des chercheurs en gestion prédisent depuis 10 ans <a href="https://www.worldscientific.com/worldscibooks/10.1142/8903#t=aboutBook">l’arrivée du « blanchiment responsable »</a> et le temps leur a donné raison. Par exemple, des outils d’IA générative, tels que ChatGPT, ont récemment <a href="https://theconversation.com/the-ai-arms-race-highlights-the-urgent-need-for-responsible-innovation-200218">soulevé des inquiétudes de blanchiment responsable</a>.</p>
<p>De la même manière que l’écoblanchiment donne la fausse impression qu’un produit est écologique, le blanchiment responsable crée l’impression qu’une innovation est responsable, sans que des pratiques concrètes soient mises en place pour résoudre des enjeux de responsabilité sociale, tels que l’équité en matière de santé, le caractère abordable et la durabilité. </p>
<p>L’innovation responsable (IR) <a href="https://econpapers.repec.org/bookchap/wsiwsbook/8903.htm">vise à réduire les impacts négatifs d’une innovation à court et à long termes</a> en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0048733313000930?via%3Dihub">transformant la manière dont elle est développée</a>. Cependant, il manque une définition reconnue de l’IR, ainsi que d’outils pratiques et de critères d’évaluation clairs. Ces lacunes peuvent mener au blanchiment responsable d’une innovation, de manière intentionnelle ou non.</p>
<p>Par conséquent, tout comme <a href="https://www.canada.ca/fr/bureau-concurrence/nouvelles/2022/01/soyez-a-laffut-de-lecoblanchiment.html">l’écoblanchiment a nui au développement durable</a> avant l’établissement de normes et de standards reconnus (telle que la <a href="https://www.iso.org/fr/iso-14001-environmental-management.html">norme ISO 14001 Management environnemental</a>), le blanchiment responsable peut nuire à l’IR. </p>
<p>Les innovations en santé soulèvent des enjeux économiques, sociaux et environnementaux complexes, en plus des préoccupations d’innocuité et d’efficacité clinique. Voilà pourquoi notre équipe de recherche experte en IR s’attaque au blanchiment responsable dans ce secteur.</p>
<h2>Pourquoi le secteur de la santé aurait-il besoin de l’IR ?</h2>
<p>Les innovations en santé sont très réglementées pour limiter les risques et les inconvénients. Après tout, leur but est de sauver des vies et d’aider les gens à se sentir mieux. De bonnes technologies sont développées par les équipes cliniques en collaboration avec des patients afin de mieux répondre à leurs besoins. Ne sont-elles donc pas déjà responsables ?</p>
<p>En 2015, notre équipe de recherche canadienne et brésilienne s’est fixé comme objectif de mieux comprendre comment l’IR s’applique au secteur de la santé dans une économie mature et une économie émergente. À cet effet, nous avons mené :</p>
<ul>
<li><p>une recension exhaustive des travaux scientifiques ; </p></li>
<li><p>plus de 85 entrevues auprès d’experts et expertes œuvrant dans les domaines de l’entrepreneuriat, du génie, du design industriel et de l’évaluation des technologies en santé ; </p></li>
<li><p>une étude approfondie d’une durée de quatre ans avec de petites et moyennes entreprises, et</p></li>
<li><p>un processus collaboratif avec des experts et des expertes pour identifier des conseils pratiques. </p></li>
</ul>
<p>Ces travaux de recherche ont alimenté le <a href="https://link.springer.com/book/10.1007/978-981-19-3151-2">cadre conceptuel de l’Innovation responsable en santé (IRS)</a>, qui vise à développer « des innovations sécuritaires et de hautes qualités qui, à la fois, renforcent l’équité et la pérennité des systèmes de santé, apportent plus de valeur aux utilisateurs et utilisatrices, utilisent moins de ressources, sont bonnes pour l’environnement et sont économiquement viables. »</p>
<p>L’IRS rassemble cinq domaines de valeurs et chacun est défini par un objectif précis et des attributs (éléments) de responsabilité qui vont au-delà des standards d’innocuité et d’efficacité clinique : la valeur pour la santé des populations, le système de santé, l’économie, l’organisation et l’environnement. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/539328/original/file-20230725-15-phzsln.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/539328/original/file-20230725-15-phzsln.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/539328/original/file-20230725-15-phzsln.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/539328/original/file-20230725-15-phzsln.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/539328/original/file-20230725-15-phzsln.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/539328/original/file-20230725-15-phzsln.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/539328/original/file-20230725-15-phzsln.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’innovation responsable en santé rassemble cinq domaines de valeur et chacun est défini par un objectif et des attributs de responsabilité qui vont au-delà des standards d’innocuité et d’efficacité clinique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(In Fieri)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Après avoir défini ce qu’est l’IR dans le secteur de la santé, notre équipe a développé un guide pratique pour concevoir une innovation responsable en santé et un outil d’évaluation pour mesurer son degré de responsabilité.</p>
<p>Le <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-981-19-3151-2_3">Cahier des charges de l’IRS</a> explique comment intégrer de manière tangible les neuf attributs de responsabilité de l’IRS tout au long du développement de l’innovation : de sa conception à la fin de son cycle de vie.</p>
<p>Ensuite, <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-981-19-3151-2_8">l’Outil d’évaluation IRS</a> mesure le niveau auquel chaque attribut de responsabilité est rencontré. Cet outil <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2211883718301485?via%3Dihub">a été validé par des experts et expertes à l’échelle internationale</a> et a été démontré <a href="https://www.ijhpm.com/article_3778.html">fiable</a>.</p>
<p>Ces deux outils reposent sur des échelles d’évaluation à quatre niveaux, propres à chaque attribut, où A implique un degré de responsabilité élevé et D, aucun signe particulier de responsabilité.</p>
<p>Par exemple, regardons de plus près les échelles de l’inclusivité et de l’éco-responsabilité.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/539329/original/file-20230725-23-n4nt02.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/539329/original/file-20230725-23-n4nt02.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/539329/original/file-20230725-23-n4nt02.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/539329/original/file-20230725-23-n4nt02.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/539329/original/file-20230725-23-n4nt02.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/539329/original/file-20230725-23-n4nt02.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/539329/original/file-20230725-23-n4nt02.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’outil d’évaluation utilise une échelle à quatre niveaux, où A implique un degré de responsabilité élevé et D, aucun signe particulier de responsabilité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(In Fieri)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’inclusivité mesure si l’équipe qui développe l’innovation a consulté de manière formelle un groupe diversifié de personnes pouvant être affectées par celle-ci (les détenteurs d’enjeux) et a expliqué comment leurs rétroactions ont été intégrées concrètement dans le produit final. Les méthodes formelles incluent les consultations (p. ex., questionnaires) et les méthodes d’engagement (p. ex., tables rondes).</p>
<p>L’éco-responsabilité mesure le nombre d’étapes clés du cycle de vie de l’innovation où l’équipe de développement a appliqué des pratiques éco-responsables, incluant <a href="https://www.ijhpm.com/article_3778.html">l’approvisionnement en matières premières, la fabrication, la distribution, l’utilisation et la fin de vie utile</a>. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/539326/original/file-20230725-17-re3qbf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/539326/original/file-20230725-17-re3qbf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=381&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/539326/original/file-20230725-17-re3qbf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=381&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/539326/original/file-20230725-17-re3qbf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=381&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/539326/original/file-20230725-17-re3qbf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/539326/original/file-20230725-17-re3qbf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/539326/original/file-20230725-17-re3qbf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’éco-responsabilité mesure le nombre d’étapes clés du cycle de vie où l’équipe de développement de l’innovation a appliqué des pratiques éco-responsables, incluant l’approvisionnement en matières premières, la fabrication, la distribution, l’utilisation et la fin de vie utile.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(In Fieri)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Pour un futur réellement responsable</h2>
<p>Pour prévenir le blanchiment responsable, l’IRS pave une nouvelle voie pour l’innovation, de sa conception à son utilisation, et ce, sans oublier sa fin de vie. </p>
<p>En travaillant avec les attributs de l’IRS dès la conception d’une innovation en santé, les équipes de développement peuvent identifier et réduire de manière tangible et mesurable les enjeux économiques, sociaux et environnementaux soulevés par leur innovation. </p>
<p>Pour bien outiller les équipes dans cette démarche, le Cahier des charges IRS offre des conseils pratiques et un exercice de réflexion sur les enjeux de responsabilité, soit la <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-981-19-3151-2_2">Boussole de la conception responsable</a>. De plus, une <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-981-19-3151-2_6">boîte à outils multidisciplinaire</a> explique comment les équipes peuvent rencontrer les critères de l’IRS en appliquant des outils déjà reconnus, tels que l’<a href="https://www.fda.gov/regulatory-information/search-fda-guidance-documents/applying-human-factors-and-usability-engineering-medical-devices">ingénierie des facteurs humains de la FDA</a>, le <a href="https://www.designkit.org/methods/photojournal.html">photojournal d’IDEO</a> ou <a href="https://www.bcorporation.net/en-us/programs-and-tools/b-impact-assessment/">l’évaluation de l’impact de B Corp</a>.</p>
<p>Les décideurs politiques, les gestionnaires de la santé, les investisseurs, les bureaux de transfert des technologies, les fondations philanthropiques et les groupes de patients peuvent également utiliser les résultats de l’Outil d’évaluation IRS afin d’informer des décisions d’investissement, d’achat ou d’implantation. </p>
<p>Avec les outils et les conseils pratiques de l’IRS en main, les innovateurs et innovatrices en santé peuvent bâtir dès aujourd’hui un futur réellement responsable, et ce, de manière délibérée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209741/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pascale Lehoux a obtenu du financement des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC). Son groupe de recherche, le CReSP, est soutenu financièrement par les Fonds de la recherche du Québec-Santé (FRQ-S).
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Hudson Silva et Lysanne Rivard ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les nouvelles technologies de la santé soulèvent de nombreuses questions complexes. Tout comme l’écoblanchiment a terni le développement durable, il menace l’innovation dans le domaine de la santé.Lysanne Rivard, Senior Research Advisor, Center for Public Health Research, Université de MontréalHudson Silva, Senior Research Analyst, Fieri Research Program on Responsible Innovation in Health, Université de MontréalPascale Lehoux, Professor of Health Management, Evaluation and Policy, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2105042023-08-03T14:36:45Z2023-08-03T14:36:45ZVous avez perdu un être cher : 4 signes qui indiquent que vous avez peut-être besoin de consulter un professionnel de l'accompagnement au deuil<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/539823/original/file-20230727-21-stn6k1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le dialogue vous aide à accéder à vos ressources internes.</span> <span class="attribution"><span class="source">Getty Images</span></span></figcaption></figure><p>Le deuil est une réaction naturelle à la perte d'un être cher. Cette perte peut varier de la mort à la fin d'une relation. Il peut également s'agir de la perte d'une élection ou d'une partie du corps suite à une amputation. Le deuil est naturel et normal. Il sert de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/15305816/">moyen psychologique de protection contre le choc</a> provoqué par la perte. </p>
<p>Vivre le deuil causé par la mort d'un être cher est un parcours émotionnellement difficile. L'intensité de votre réaction variera en fonction de facteurs tels que la nature du décès de l'être cher, votre relation avec lui et son âge. Par exemple, les morts violentes ou la perte d'un enfant ont tendance à susciter une douleur plus profonde qu'une mort naturelle ou le décès d'une personne âgée. </p>
<p>En tant que <a href="https://www.cuea.edu/?page_id=12280">psychologue conseiller</a> qui étudie les traumatismes et la façon dont les communautés traversent le deuil, je pense que comprendre les symptômes du deuil et reconnaître les signes indiquant que vous avez du mal à surmonter votre perte en ne comptant que sur vous-même sont essentiels pour <a href="https://www.ourhouse-grief.org/grief-pages/grieving-adults/four-tasks-of-mourning/">favoriser la guérison et le bien-être de manière générale</a>. </p>
<h2>Symptômes du deuil</h2>
<p>Les symptômes courants du deuil peuvent être classés en <a href="https://psycnet.apa.org/record/1998-06044-005">quatre catégories</a>.</p>
<p><strong>Symptômes physiques</strong> : ils affectent les fonctions biologiques du corps humain. Ils peuvent inclure un changement des habitudes alimentaires, comme une suralimentation ou une perte d'appétit. Vous pouvez également ressentir une perte générale d'énergie et des problèmes gastro-intestinaux, comme la constipation et les maux d'estomac. Votre système immunitaire peut également s'affaiblir, ce qui rend plus facile de tomber malade. </p>
<p><strong>Symptômes intellectuels</strong> : ils affectent la dimension cognitive. Ils comprennent des déficits de concentration, tels que l'exécution répétée de petites tâches pour accomplir des travaux simples. On peut être confus, entraînant une désorganisation et des difficultés à se souvenir de certaines choses, comme le nom des enfants ou de certaines pièces de la maison. Prendre des décisions et apprendre de nouvelles choses peuvent également devenir difficiles. Cette réaction est le résultat de la pression accablante et des perturbations que le deuil <a href="https://speakinggrief.org/get-better-at-grief/understanding-grief/cognitive-effects">exerce sur le cerveau</a>.</p>
<p><strong>Symptômes sociaux :</strong> il s'agit notamment de la façon dont vous vous comportez avec les autres après la perte d'un être cher. Certaines personnes peuvent se replier sur elles-mêmes et cesser les activités qu'elles aiment. D'autres peuvent se montrer irritables ou avoir des sautes d'humeur. Elles peuvent également devenir plus dépendantes et avoir besoin de la présence et du soutien d'autres personnes, même pour prendre des décisions simples.</p>
<p><strong>Symptômes spirituels :</strong> ils concernent les croyances et les valeurs religieuses ou spirituelles. Le deuil peut vous amener à vous demander où était votre Dieu lorsque votre proche est décédé. Vous pouvez douter du pouvoir de votre Dieu ou de l'efficacité de vos prières. Ces réactions spirituelles sont une tentative pour comprendre le deuil par la quête d'un nouveau sens <a href="https://www.counseling.org/docs/default-source/vistas/a-shift-in-the-conceptual-understanding-of-grief---using-meaning-oriented-therapies-with-bereaved-clients.pdf?sfvrsn=4acab18c_12#page=2">en se tournant vers une puissance supérieure pour obtenir des réponses</a>.</p>
<p>Tous ces symptômes sont des réactions normales à la perte d'un être cher. Ils ne sont pas nécessairement problématiques. Cependant, les symptômes de deuil peuvent être considérés comme nocifs s'ils <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamapsychiatry/fullarticle/2788766#:%7E:text=The%20DSM%2D5%2DTR%20criteria,the%20lost%20person%20to%20a">persistent plus longtemps que la normale</a> (généralement plus de 12 mois) ou s'ils affectent votre fonctionnement à un point tel que vous n'êtes plus en mesure d'accomplir vos activités quotidiennes normales sans heurts. </p>
<h2>Les signes montrant que vous ne parvenez pas à faire face</h2>
<p>Les personnes qui ne parviennent pas à surmonter leur chagrin après la perte d'un être cher <a href="https://www.psychiatry.org/patients-families/prolonged-grief-disorder">présentent plusieurs symptômes</a>. Ces symptômes sont les suivants :</p>
<p><strong>Chagrin intense et prolongé:</strong> bien que le deuil soit un processus naturel qui prend du temps, une période prolongée de chagrin intense peut indiquer que vous avez besoin d'un soutien supplémentaire. Si votre chagrin persiste au-delà de six mois sans amélioration ou soulagement significatif, il peut être bénéfique de demander l'aide d'un professionnel.</p>
<p><strong>Perturbation de la vie quotidienne</strong>: le deuil peut perturber la vie quotidienne, mais s'il affecte de manière significative votre capacité à fonctionner, c'est peut-être le signe qu'une aide professionnelle est nécessaire. S'il vous est difficile de vous concentrer sur des tâches, de prendre des décisions ou d'effectuer des activités de routine en raison d'une tristesse accablante, vous avez peut-être besoin d'une aide psycholoqique pour surmonter le deuil. Vous pourriez également avoir besoin du soutien de vos pairs ou de vos proches. </p>
<p><strong>Souffrance émotionnelle persistante</strong> : les sentiments de vide, de solitude et une profonde nostalgie envers la personne décédée sont des aspects normaux du processus de deuil. Toutefois, si ces émotions deviennent envahissantes et perturbent constamment votre vie quotidienne, il est peut-être temps d'envisager de demander une aide professionnelle. Les conseillers en matière de deuil peuvent vous aider à gérer des émotions complexes et à trouver des mécanismes d'adaptation sains. Ces mécanismes comprennent le sport, la prière, tenir un journal de réflexion ou la célébration d'anniversaires liés à la personne décédée. </p>
<p><strong>Pensées ou comportements autodestructeurs:</strong> dans certains cas, le deuil peut conduire à penser à nuire à soi-même ou à un désir de rejoindre la personne décédée. Ces sentiments intenses d'impuissance et de désespoir nécessitent une attention immédiate. Si vous avez des pensées suicidaires persistantes ou si vous adoptez des comportements autodestructeurs, comme la consommation de drogues, pour tenter de soulager la douleur, contactez un conseiller en matière de deuil ou à un professionnel de santé mentale. C'est essentiel pour votre sécurité et votre bien-être.</p>
<h2>La voie à suivre</h2>
<p>Demander de l'aide professionnelle n'est pas un signe de faiblesse ou d'incapacité à gérer le deuil par soi-même. Au contraire, le conseil en matière de deuil offre un espace sécurisé pour exprimer vos émotions, acquérir des connaissances précieuses et apprendre des stratégies adaptées à vos besoins spécifiques. </p>
<p>Lorsque vous êtes dans cet espace sécurisé, parlez de ce que vous ressentez. Cela vous aidera à exprimer des émotions que vous aviez peut-être refoulées auparavant. Cela vous aide également à accéder à vos ressorts internes, telles que la résilience, la spiritualité et un discours positif sur vous-même. Ce dialogue vous permet également d'accepter la perte et à avancer dans votre vie. </p>
<p>Sortir du deuil prend du temps. Chercher de l'aide est une démarche courageuse pour trouver du réconfort et rétablir votre bien-être.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210504/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stephen Asatsa does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>Le deuil est une réaction naturelle face à la perte d'un être cher, mais s'il perturebe considérablement votre vie, il est peut être temps de chercher l'aide d'un professionnel.Stephen Asatsa, Counseling Psychologist, Catholic University of Eastern AfricaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2086092023-07-24T18:33:24Z2023-07-24T18:33:24ZUne étude montre que les politiques estiment les électeurs plus à droite qu’ils ne le sont réellement<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/538702/original/file-20230721-15-1pcvlm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C21%2C2037%2C1339&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La vague de protestations contre la réforme des retraites en France illustre aussi les biais chez politiciens qui estiment parfois faussement les électeurs plus à droite qu'ils ne le sont. Manifestation pour la défense des retraites du 31 janvier 2023
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jmenj/52661676765/in/album-72177720305356181/">Jeanne Menjoulet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Depuis quelques années, en Europe, les victoires vont souvent plutôt <a href="https://doi.org/10.1080/13501763.2019.1701532">à droite qu’à gauche</a>. Les deux dernières élections présidentielles françaises avec une gauche absente du second tour s’inscrivent dans cette tendance. Ces résultats laissent à penser que les opinions des citoyens penchent majoritairement à droite. À la lumière de recherches récentes, cette interprétation semble pourtant erronée.</p>
<p>Dans une étude réalisée en 2018, David Broockman et Christopher Skovron <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/american-political-science-review/article/bias-in-perceptions-of-public-opinion-among-political-elites/2EF080E04D3AAE6AC1C894F52642E706">ont montré</a> que les politiciens américains surestimaient la part des citoyens américains ayant des opinions conservatrices.</p>
<h2>866 politiciens interrogés</h2>
<p>Dans une étude <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/american-political-science-review/article/do-politicians-outside-the-united-states-also-think-voters-are-more-conservative-than-they-really-are/D21A9077EE2435F2B910394378E96450">publiée ce mois-ci</a>, nous avons cherché à savoir si le même biais conservateur dans la perception de l’opinion publique par les hommes et femmes politiques se matérialisait dans d’autres contextes.</p>
<p>Pour ce faire, nous avons interrogé 866 hommes et femmes politiques dans quatre démocraties occidentales, dont les systèmes politiques : Belgique, Canada, Allemagne et Suisse. En parallèle, nous avons mené des enquêtes d’opinion auprès d’échantillons représentatifs des citoyens dans chacun de ces pays.</p>
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<p>Les politiciens participants à notre enquête, qui comprenaient des membres d’organes législatifs nationaux et infranationaux (provinces, cantons, régions, Länders) et issus de partis situés sur l’ensemble de l’échiquier politique, ont été invités à évaluer la position de l’opinion publique générale (mais aussi celle des électeurs de leur parti) sur une série de questions. Parmi ces dernières : l’âge de la retraite, la redistribution, les droits des travailleurs, l’euthanasie, l’adoption d’enfants par des couples de même sexe et l’immigration.</p>
<p>Nous avons comparé leurs réponses à l’opinion publique réelle (évaluée à l’aide des enquêtes représentatives à grande échelle citées plus haut).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/535361/original/file-20230703-239813-8wjlcz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/535361/original/file-20230703-239813-8wjlcz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535361/original/file-20230703-239813-8wjlcz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535361/original/file-20230703-239813-8wjlcz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535361/original/file-20230703-239813-8wjlcz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535361/original/file-20230703-239813-8wjlcz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535361/original/file-20230703-239813-8wjlcz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535361/original/file-20230703-239813-8wjlcz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La figure 1 présente l’écart moyen entre la perception qu’ont les hommes et femmes politiques de l’opinion publique dans leur pays et l’opinion réelle des citoyens (cercles).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pilet et coll.</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Dans les quatre pays, et sur une majorité de sujets, les élus et élues surestiment systématiquement la part des citoyens qui ont des opinions de droite.</p>
<p>La figure 1 présente l’écart moyen entre la perception de l’opinion publique qu’ont les hommes et femmes politiques et l’opinion réelle des citoyens (cercles). Elle montre aussi l’écart entre leur perception de l’opinion de l’électorat de leur parti et l’opinion observée au sein de cet électorat (triangles). Il faut ainsi lire que, sur l’enjeu culturel qui leur était soumis (dans ce cas-ci, la légalisation de l’euthanasie), les élues et élus canadiens surestiment d’une vingtaine de points de pour cent la part de citoyens (cercle) et d’électeurs de leur parti (triangle) qui ont une position à droite (dans ce cas-ci, s’opposer à la légalisation de l’euthanasie).</p>
<p>Les enjeux à évaluer étaient, pour l’enjeu culturel (quadrant en haut à gauche) la légalisation de l’euthanasie et l’accès à l’adoption pour les couples de même sexe, sur l’enjeu économique (quadrant en haut à droite) des questions relatives à l’impôt sur la fortune, à la redistribution et à la protection syndicale, sur l’enjeu d’immigration (quadrant en bas à gauche) des questions relatives aux contrôles des frontières et à l’asile, et sur l’enjeu des pensions (quadrant en bas à droite) des questions relatives à l’âge légal d’accès à la pension.</p>
<p>Incontestablement, la figure 1 révèle un biais conservateur substantiel et largement cohérent dans les perceptions de l’opinion publique par les élus. Il est important de noter que ce biais conservateur s’observe tant chez des élus et élus de droite que du centre et de gauche.</p>
<p>Si le schéma général est remarquablement stable, nous découvrons cependant d’importantes variations entre les différents domaines.</p>
<h2>Quelques différences entre les pays mais un panorama cohérent</h2>
<p>Pour les différences entre pays, nous observons que le biais conservateur est globalement moins fort parmi les élus et élues de Belgique francophone (Wallonie et Bruxelles), alors qu’il est tendanciellement plus marqué en Allemagne et au Canada.</p>
<p>En ce qui concerne les différences selon les types d’enjeu politique, on observe que c’est sur la question de l’âge légal de la pension que les femmes et hommes politiques surestiment de la façon la plus systématique la proportion de citoyens positionnés à droite. Un tel résultat est particulièrement interpellant dans le contexte français actuel.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/comment-une-crise-parlementaire-inedite-est-nee-avec-la-reforme-des-retraites-204596">Les fortes résistances sociales</a> à la réforme poussée par le président Macron pourraient pour partie s’expliquer par une mauvaise évaluation de l’opinion publique par rapport à cette réforme du camp de la majorité présidentielle.</p>
<p>La seule exception au biais conservateur s’observe sur les questions relatives à l’immigration. Lorsqu’ils sont interrogés sur des questions telles que le regroupement familial, l’asile ou le contrôle aux frontières, les élues et élus ont également une perception erronée de l’opinion publique, mais pas toujours dans le sens d’un biais conservateur.</p>
<p>En Belgique (Flandre et Wallonie) comme en Suisse, les décideurs surestiment aussi la proportion de citoyens ayant des positions de droite sur ces enjeux. En revanche, au Canada et en Allemagne, nous observons l’inverse, avec une surestimation des positions penchant à gauche.</p>
<h2>Le résultat du lobbying ?</h2>
<p>La grande question est de savoir pourquoi ce biais conservateur existe. Aux États-Unis, <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/american-political-science-review/article/bias-in-perceptions-of-public-opinion-among-political-elites/2EF080E04D3AAE6AC1C894F52642E706">Broockman et Skovron</a> ont expliqué que les électeurs de droite sollicitent plus souvent leurs représentants, ce qui biaise vers la droite les signaux reçus quant aux demandes des citoyens.</p>
<p>Nous avons vérifié cette explication dans les quatre pays que nous avons étudiés mais nous n’avons pas trouvé d’éléments allant dans ce sens. Les citoyens de droite de notre échantillon ne sont pas plus actifs politiquement et ne contactent pas plus leurs élus que leurs homologues de gauche. Cependant, l’idée que l’environnement informationnel pourrait être biaisé vers la droite a été déjà identifiée dans d’autres travaux.</p>
<p><a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1111/spsr.12224">Des recherches antérieures</a> ont montré que les hommes politiques ont tendance à recevoir des informations disproportionnées de la part de groupes d’intérêt situés à droite politiquement. Analysant les contacts enregistrés entre parlementaires et groupes d’intérêts en Suisse, les auteurs montrent que les lobbies liés au patronat et aux secteurs industriels ont une influence majeure dans l’information transmise aux députés. Les contacts fréquents entre le monde des affaires et les décideurs politiques ne sont d’ailleurs pas du tout cachés, comme en atteste le Forum économique mondial de Davos.</p>
<p>Les médias sociaux, que les hommes politiques utilisent de plus en plus, ont également tendance à être dominés <a href="https://pure.rug.nl/ws/portalfiles/portal/148014700/review_Schradie.pdf">par des opinions conservatrices</a>. Ce biais peut aussi expliquer la perception qu’ont les élus et élus d’une opinion publique plus à droite qu’elle ne l’est en réalité.</p>
<p>Il a également <a href="https://doi.org/10.1017/S000305542100037X">été démontré</a> que les hommes et femmes politiques ont tendance à accorder plus d’attention aux préférences politiques des citoyens ayant des niveaux de diplôme et de revenu plus élevés. Or, ces citoyens se rendent plus souvent aux urnes que d’autres catégories sociales et ont plus souvent des <a href="https://oxfordre.com/politics/display/10.1093/acrefore/9780190228637.001.0001/acrefore-9780190228637-e-581">opinions de droite</a>, du moins sur les questions économiques.</p>
<p>Le biais conservateur observé pourrait également être associé à ce que les psychologues sociaux appellent <a href="https://www.cairn.info/revue-bulletin-de-psychologie-2006-3-page-281.htm">« l’ignorance pluraliste » (c’est-à-dire la perception erronée des opinions des autres)</a>. En ce qui concerne les libéraux, par exemple, les psychologues sociaux ont montré qu’ils ont tendance à exagérer le caractère unique de leur propre opinion (<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24247730/">« faux caractère unique »</a>). Les conservateurs, en revanche, perçoivent leurs opinions comme plus communes qu’elles ne le sont (<a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0146167214537834">« faux consensus »</a>).</p>
<p>Enfin, les récents résultats électoraux, avec la croissance de la droite radicale comme on l’a vu en Italie ou en <a href="https://theconversation.com/de-2002-a-2022-comprendre-la-presence-croissante-de-lextreme-droite-aux-scrutins-presidentiels-181850">France</a>), pourraient également avoir envoyé un signal aux politiciens sur le conservatisme des citoyens qui n’est pas nécessairement en phase avec leurs opinions réelles.</p>
<h2>Une menace pour la démocratie représentative</h2>
<p>Indépendamment des sources du biais conservateur, le fait qu’il soit présent de manière persistante dans une variété de systèmes démocratiques différents a des implications majeures pour le bon fonctionnement de la démocratie représentative. Celle-ci repose sur l’idée que les élus sont à l’écoute des citoyens, ce qui signifie qu’ils s’efforcent généralement de promouvoir des initiatives politiques conformes aux préférences de la population.</p>
<p>Si l’idée que se font les hommes politiques de ce que pense le public est systématiquement biaisée en faveur d’un camp idéologique, la chaîne de représentation politique s’en trouve affaiblie. Les hommes politiques peuvent poursuivre à tort des politiques de droite qui n’ont en fait pas le soutien de la population, et s’abstenir d’œuvrer à la réalisation d’objectifs progressistes (perçus à tort comme minoritaires).</p>
<p>Mais si les citoyens sont moins conservateurs que ce que les élus perçoivent, l’offre politique risque d’être constamment sous-optimale et peut avoir des implications plus larges, à l’échelle du système, telle qu’une désaffection croissante à l’égard de la démocratie et des institutions démocratiques.</p>
<p>La situation n’est toutefois pas sans espoir, et l’accès à des informations précises semble jouer un rôle important. Une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/pdfdirect/10.1111/spsr.12495">étude 2020</a> réalisée en Suisse a montré qu’une utilisation soutenue de la démocratie directe (référendums et votations) pourrait aider les hommes politiques à mieux comprendre l’opinion publique.</p>
<p>Dans la même logique, une étude récente sur les élus américains montre qu’ils ont tendance à mal percevoir le soutien à la violence politique. Mais lorsqu’ils sont exposés à des informations fiables et précises, <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2116851119">ils mettent à jour et corrigent leurs (fausses) perceptions</a>. Sur la base de ces études, nous pensons qu’il reste encore beaucoup à faire pour comprendre les sources et la prévalence des préjugés conservateurs et pour identifier d’autres moyens de les compenser.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208609/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Benoit Pilet a reçu des financements du European Research Council (ERC) et du Fonds national de la recherche scientifique belge (FNRS)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Lior Sheffer a reçu des financements du Social Sciences and Humanities Research Council of Canada (SSHRC).</span></em></p>Une étude récente portant sur plusieurs pays européens montre que le personnel politique perçoit les électeurs et l’opinion publique en général plus à droite qu’elle ne le serait vraiment.Jean-Benoit Pilet, Professeur de Science Politique, Université Libre de Bruxelles (ULB)Lior Sheffer, Assistant professor in political science, Tel Aviv UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2068102023-06-08T18:00:53Z2023-06-08T18:00:53ZL’université doit-elle se mettre au service de l’économie ? Retour sur un débat vieux de plusieurs siècles<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/529367/original/file-20230531-27-kzkj67.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C1%2C1162%2C740&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Au Moyen Âge, on observe des liens robustes entre des universités et certaines sphères de l’activité économique.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/levanrami/42046662921">Flickr/Levan Ramishvili</a></span></figcaption></figure><p>Depuis le milieu du XX<sup>e</sup> siècle, les deux principales missions de l’université communément identifiées sont l’enseignement et la recherche. Cependant, il existe une troisième mission, moins connue, qui amènerait l’université à adopter une approche dite « entrepreneuriale », et qui depuis les années 2000 fait l’objet d’un engouement croissant.</p>
<p>Selon les partisans de la troisième mission, l’université doit s’engager – au-delà de ses fonctions d’éducation et de recherche – dans des activités entrepreneuriales, et <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11187-016-9755-4">avoir des impacts bénéfiques sur le développement socio-économique</a>, notamment au niveau local. La troisième mission de l’université consiste ainsi à transférer des connaissances produites dans la sphère académique vers la société, au travers essentiellement de la valorisation de sa propriété intellectuelle, et d’activités d’essaimage, c’est-à-dire la création d’entreprises issues de connaissances universitaires.</p>
<p>Aux États-Unis, la volonté de soutenir la mission entrepreneuriale de l’université s’incarne au travers de la loi emblématique <a href="https://shs.hal.science/halshs-00780699/document">Bayh Dole</a> votée en 1980. Ce texte a été répliqué, en partie, en France en 1999 avec la promulgation de la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000759583">loi sur l’Innovation et la recherche</a>, et de manière plus ou similaire dans d’autres états de l’Union européenne. Dans les tous les cas, il s’agit de construire des ponts entre d’un côté des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0040162520311100">savoirs universitaires et de l’autre côté des activités économiques et sociales</a>.</p>
<p>Depuis les années 2000, on observe chez différents acteurs – politiques et économiques – un intérêt accru envers la <a href="https://www.mondedesgrandesecoles.fr/paris-dauphine-psl-house-of-entrepreneurship/">dimension entrepreneuriale de l’université</a>, la littérature académique notamment en sciences économiques et de gestion s’en est fait largement l’écho. Selon cette perspective, le transfert et la valorisation des connaissances académiques peuvent contribuer à la <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11187-016-9721-1">création d’entreprises</a>, d’emplois, à l’émergence d’innovations (technologiques, organisationnelles, sociales…), et plus généralement à la croissance économique.</p>
<h2>Les universités, des tours d’ivoire ?</h2>
<p>Parmi les critiques bien connues adressées aux universités, on retrouve l’argument selon lequel ces dernières seraient enfermées dans des tours d’ivoire, insensibles aux difficultés économiques et aux défis sociétaux. Ces reproches conduiraient à favoriser une ouverture des universités au monde extérieur.</p>
<p>Cependant, l’engouement pour une mission entrepreneuriale est loin de faire consensus au sein de la sphère académique. Nous pouvons regrouper les arguments contre une intensification des liens entre les universités et les activités marchandes dans deux sous-ensembles : premièrement, certains chercheurs restent sceptiques quant à la faisabilité des objectifs associés à cette troisième mission, <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10961-014-9357-8">même au niveau régional</a>.</p>
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<p>Deuxièmement, d’autres chercheurs font part de leurs craintes concernant la qualité de la recherche scientifique : la nature heuristique de la recherche pourrait être <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10961-014-9348-9">affectée par des pressions économiques</a> venant du secteur privé. En d’autres termes, favoriser une recherche appliquée en lien avec des intérêts économiques de court terme pourrait perturber des processus de recherche fondamentale qui visent, à long terme, des répercussions favorables sur l’ensemble de la société et l’économie. Ce dernier argument fait référence au <a href="https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2013-3-page-32.htm">principe de sérendipité</a>, c’est-à-dire de découverte liée au hasard, principe crucial pour de nombreux scientifiques.</p>
<h2>Un vieux débat</h2>
<p>Selon une croyance répandue, <a href="https://journals.openedition.org/cdst/206">l’université entrepreneuriale</a> serait un phénomène relativement récent. Ce terme est apparu en 1983 dans l’ouvrage d’Etzkowitz, qui, dès les années 1980, soulignait la mise en œuvre de transformations majeures dans le monde universitaire. Cependant, des traces de l’existence d’un intérêt porté par les universités à l’environnement économique sont en réalité très anciennes. Le premier signe d’une université dite entrepreneuriale remonte au XI<sup>e</sup> ou XII<sup>e</sup> siècle en France, en Italie et au Royaume-Uni.</p>
<p>Au Moyen Âge, on observe déjà des <a href="https://www.cairn.info/revue-marche-et-organisations-2019-1-page-11.htm">liens robustes</a> entre des universités et certaines sphères de l’activité économique. Un des objectifs associés à la création d’universités est alors la formation de professionnels qui seraient davantage compétents qu’une partie de l’administration royale et des élites.</p>
<p>Plus tard, à la Renaissance, le mécénat joue un grand rôle dans le financement de recherches scientifiques. De son côté, le début du XIX<sup>e</sup> siècle est marqué par l’apparition, outre-Rhin, du modèle de <a href="https://journals.openedition.org/pyramides/804?lang=en">Humboldt</a> qui met l’accent sur l’éducation et la recherche comme étant les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S004873331400105X">deux activités clés des universités</a>. L’université de Berlin, créée en 1810 sur la base de ce modèle est considérée comme l’une des institutions d’enseignement et de recherche les plus prestigieuses au monde, générant de nombreux prix Nobel et de célèbres étudiants, tels que Karl Marx, Max Weber, Arthur Schopenhauer, Albert Einstein et Otto von Bismarck. Le modèle de l’université de Berlin s’est largement répandu notamment en Europe continentale.</p>
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<img alt="Bâtiment principal de l’université Humboldt à Berlin" src="https://images.theconversation.com/files/529387/original/file-20230531-21-7g4mhp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/529387/original/file-20230531-21-7g4mhp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/529387/original/file-20230531-21-7g4mhp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/529387/original/file-20230531-21-7g4mhp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/529387/original/file-20230531-21-7g4mhp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/529387/original/file-20230531-21-7g4mhp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/529387/original/file-20230531-21-7g4mhp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Bâtiment principal de l’université Humboldt à Berlin.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/dalbera/9634657735">Jean-Pierre Dalbéra/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Néanmoins, au cours de la même période, on observe comme un contrepoids, l’émergence d’établissements d’enseignement supérieur purement utilitaristes axés sur l’enseignement, sans préoccupation pour la recherche. L’objectif principal de ces établissements est alors de répondre à des besoins industriels et sociétaux, c’est notamment le cas <a href="https://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwjM0JXqjp__AhXCU6QEHUSmAFAQFnoECCgQAQ&url=https%3A%2F%2Fshs.hal.science%2Fhalshs-01366484%2Fdocument&usg=AOvVaw3AwOjPiN10Dtqi_X85EUb3">du modèle des grandes écoles en France</a>.</p>
<p>Cependant, on peut relever le rôle clé joué par les universités lors de la première révolution industrielle : de nombreuses inventions émergent de collaborations entre les universités et l’industrie. Cela a notamment donné lieu à des avancées technologiques majeures apparues en Allemagne dans les secteurs de l’électricité et de la chimie. Au Royaume-Uni, au XIX<sup>e</sup> siècle, <a href="https://publimath.univ-irem.fr/glossaire/LO027.htm">Lord Kelvin</a> incarne à la fois un physicien reconnu et un membre de la direction de la filiale britannique de la société américaine Kodak. Un autre exemple illustre français demeure celui de Marie Curie, lauréate de deux prix Nobel, et <a href="https://www.persee.fr/doc/rei_0154-3229_1997_num_79_1_1659">à l’origine d’une toute nouvelle industrie</a>.</p>
<p>Ce n’est qu’au cours du XX<sup>e</sup> siècle, après les deux guerres mondiales, un changement conséquent se produit avec l’apparition d’un <a href="https://www.cairn.info/revue-marche-et-organisations-2019-1-page-87.htm">certain éloignement</a> entre le monde universitaire et le monde industriel. Les universités semblent moins enclines à se rapprocher des entreprises privées, notamment pour y trouver des financements. Cela est dû, au moins en partie, à la forte croissance, à la fois des activités économiques et de la richesse du monde occidental.</p>
<p>En Europe continentale, la perception selon laquelle les missions de recherche et d’éducation doivent être à la fois prépondérantes et corrélées devient une opinion dominante. En effet, à cette époque de nombreux opposants à la valorisation économique de la recherche affirment que recherche et formation représentent le modèle souhaité de ce que devrait être une université. Ils défendent ainsi un modèle d’université indifférent à toute préoccupation économique.</p>
<h2>Et maintenant ?</h2>
<p>Finalement, si on considère les siècles passés plutôt que les dernières décennies, la période pendant laquelle les universités ont été étrangères à toute considération sociale et économique demeure assez limitée. Ainsi, il n’y aurait pas eu de passage récent d’un mode de production de connaissances purement académique à un mode plus utilitariste de production de connaissances, <a href="https://www.torrossa.com/en/resources/an/5017649">comme certains ont pu l’affirmer</a> dès les années 1990. Ces deux modes co-existent simultanément depuis longtemps.</p>
<p>Cependant, leur poids, leurs influences respectives, et leurs configurations varient au cours du temps, en fonction de valeurs sociales, économiques et politiques. Aujourd’hui, les grands défis sociétaux auxquels nous sommes confrontés, tels que la transition écologique, le vieillissement de la population, la souveraineté technologique et industrielle, l’impact de la digitalisation et de l’intelligence artificielle (IA), appellent premièrement à un renouvellement de la réflexion sur les interactions au sein des universités entre recherche, enseignement et engagement entrepreneurial.</p>
<p>Deuxièmement, dans la continuité des travaux sur la <a href="https://www.cairn.info/revue-projectique-2012-2-page-13.htm">recherche et l’innovation responsable (RIR)</a>, on peut également s’interroger sur l’importance de construire des relations fortes entre les universités d’un côté et la société de l’autre. En effet, face à des défis complexes, changeants, combinant des enjeux technologiques et sociétaux, et caractérisés par une forte incertitude, la question du rôle et des missions des organisations de <a href="https://academic.oup.com/spp/article/45/4/448/4915392">création</a> de savoirs tels que les universités, est plus que jamais d’actualité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206810/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’intérêt des universités pour leur environnement économique est apparu au XIᵉ siècle avant un recentrage sur les missions de recherche et d’enseignement à partir de la Renaissance.Valérie Revest, Professeure des universités en sciences économiques, centre de recherche Magellan, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3Jean-Régis Kunegel, Docteur en économie, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2015822023-04-27T17:59:19Z2023-04-27T17:59:19ZRecherche et pédagogie : qu’est-ce que l’« evidence-based education » ?<p>L’instauration du paquet neutre pour lutter contre le tabagisme ou encore l’élaboration du logo nutritionnel <a href="https://theconversation.com/qualite-nutritionnelle-des-aliments-nutri-score-ou-en-est-on-conversation-avec-mathilde-touvier-158985">NutriScore</a> pour aider les consommateurs à mieux se repérer parmi les produits alimentaires sont des mesures qui ont été pensées à partir de programmes de recherches en santé publique fondées sur les données probantes. Cette méthodologie – ou « evidence-based practice » est développée dans le domaine médical depuis plus de trois décennies.</p>
<p><a href="https://drapps-occitanie.fr/les-dossiers-du-drapps/donnees-probantes/">L’Organisation mondiale de la santé</a> l’a définie comme un outil majeur pour développer de nouvelles connaissances, évaluer les effets de nouvelles pratiques et prendre des décisions dans le domaine de la santé publique et des soins de santé.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/inegalites-en-maternelle-quelle-pedagogie-choisir-pour-les-reduire-196310">Inégalités en maternelle : quelle pédagogie choisir pour les réduire ?</a>
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<p>Construites à partir de données dites probantes, ces recherches scientifiques rigoureuses et expérimentales produisent des preuves, créant ainsi une <a href="https://www.echosciences-grenoble.fr/articles/la-pyramide-des-preuves-en-sciences-les-differents-types-d-etudes-a-la-loupe">pyramide</a>, une hiérarchie dans laquelle les recherches quantitatives sont jugées plus fiables statistiquement que les recherches qualitatives et collaboratives.</p>
<p>Ce type de travaux, fondés sur des évaluations comparatives à partir de critères quantitatifs et observables, est-il pertinent dans le <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807351370-les-donnees-probantes-et-l-education">domaine éducatif</a> ?</p>
<h2>Mesurer l’efficacité des dispositifs éducatifs</h2>
<p>L’appui sur des données probantes n’est nouveau en éducation. L’idée même de tests quantitatifs est présente depuis le début du XX<sup>e</sup> siècle chez le psychologue <a href="https://www.cairn.info/revue-bulletin-de-psychologie-2011-3-page-251.htm">Alfred Binet</a>, inventeur des tests d’intelligence et précurseur de la notion de quotient intellectuel, ou chez le pédagogue belge <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3339982w.texteImage">Ovide Decroly</a> figure de l’Éducation nouvelle, qui élabore des tests mentaux pour les élèves.</p>
<p>Depuis une dizaine d’années, l’Organisation de Coopération et de Développement économiques (OCDE) préconise des <a href="https://www.oecd.org/fr/education/Travaux-de-locde-sur-leducation-et-les-competences.pdf">normes internationales fondées sur des données probantes</a>. En France, le Conseil scientifique de l’éducation nationale, créé en 2018, à l’instar d’autres institutions aux États-Unis, Royaume-Uni, Danemark ou <a href="https://www.nwo.nl/nieuws">Pays-Bas</a>, recommande le développement de recherches scientifiques quantitatives fondées sur les données probantes. L’objectif affirmé, dans ce que l’on nomme une <a href="https://www.reseau-canope.fr/fileadmin/user_upload/Projets/conseil_scientifique_education_nationale/Ressources_pedagogiques/La_recherche_translationnelle_en_education.pdf">recherche translationnelle</a> est de permettre par la recherche un impact immédiat sur les pratiques pédagogiques. En se voulant scientifiques et indiscutables, les recherches fondées sur les données probantes sous-tendent la possibilité d’un passage direct de la recherche à la classe.</p>
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<p>Une méthodologie peut-elle suffire à définir une pratique efficace ou même une méthode pédagogique précise ? L’un des risques est de faire des données probantes un <a href="https://www.ledevoir.com/opinion/idees/487597/les-donnees-probantes-un-nouveau-dogme">dogme</a>, de créer une hiérarchie entre les recherches scientifiques voir de discréditer les recherches n’utilisant pas les données probantes comme les recherches appliquées ou collaboratives. La définition même des <a href="https://theconversation.com/et-si-les-reformes-de-leducation-sappuyaient-sur-les-donnees-de-la-science-79713">données probantes en éducation</a> est liée à leur usage : il s’agit de transformer l’enseignement et en particulier les méthodes d’apprentissages.</p>
<p>La méthodologie des données probantes entend mettre en avant « ce qui marche », ce qui est efficace. Certains chercheurs posent la question : <a href="https://www.researchgate.net/publication/313321979_L%27efficacite_une_finalite_digne_de_l%27education">L’efficacité est-elle une finalité digne de l’éducation ?</a> En effet, qu’entend-on par efficace ? S’agit-il de former de futurs citoyens d’une société démocratique ou des futurs travailleurs et, dans ce cas, lesquels ? S’agit-il de développer l’épanouissement des individus et leur bien-être ?</p>
<p>En intégrant la question de l’efficacité, la méthodologie des données probantes pose aussi celle de la transformation des pratiques pédagogiques. Mais <a href="https://www.cairn.info/revue-education-et-didactique-2022-1-page-153.htm">est-il suffisant d’avoir des données probantes sur l’efficacité d’un dispositif éducatif pour qu’il produise des effets positifs en classe ?</a> Si l’on compare l’acte éducatif à la confection d’un plat, il semble évident qu’une recette est nécessaire, ce que promettent d’apporter les données probantes. Cependant, le rôle du cuisinier est primordial, son intuition, son témoignage, son expérience, le choix des ingrédients, le contexte et le temps considéré sont des paramètres aussi importants que la recette pour le succès du plat !</p>
<h2>Varier les cadres de recherche pour saisir la complexité des situations</h2>
<p>Néanmoins, la méthodologie fondée sur les données probantes offre la possibilité de recherches rigoureuses, scientifiques, qui s’appuie sur des panels pertinents et significatifs. Le passage de la recherche à la pratique, du laboratoire à la classe est une clé de la réussite de l’intégration de nouvelles pratiques pédagogiques dans un monde en mutation. En France, les recherches fondées sur les données probantes se multiplient sur la possible intégration de nouvelles pratiques de l’école dehors, du yoga, de la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S000344871930294X">méditation</a> ou du <a href="https://www.respadd.org/publications/programmes-de-recherche-et-evaluations/evaluation-du-programme-europeen-unplugged/">développement des compétences psychosociales.</a></p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ecole-le-yoga-une-activite-a-mettre-au-programme-141714">École : le yoga, une activité à mettre au programme ?</a>
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<p>Pour que les données probantes soient aussi des données <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807351370-les-donnees-probantes-et-l-education">éclairantes</a>, on ne peut se limiter à l’analyse de données mesurables et quantifiables. L’éducation est un phénomène complexe et suppose de prendre en compte les multiples paramètres de contexte, d’environnement, d’organisation du temps et des élèves, d’espaces, de mentalités des différents acteurs, élèves, enseignants, adultes non enseignants, parents.</p>
<p>L’influence des <a href="https://www.sciencespo.fr/institut-competences-innovation/fr/actualites/l-education-fondee-sur-des-preuves-definition-et-enjeux">données probantes</a> au sein des politiques publiques d’éducation est grandissante. Elle est une méthode parmi d’autres, qui peut apporter des outils d’aide à la prise de décision. Rendre un accès plus aisé aux connaissances scientifiques, permettre aux enseignants, principaux acteurs de la réussite d’un tel transfert, de s’approprier et d’intégrer les connaissances des recherches et des études est une condition de la réussite de la transformation des systèmes éducatifs.</p>
<p>Notre système éducatif pour évoluer a besoin de recherches scientifiques fiables, quelle que soit la méthodologie choisie. Le passage de la recherche à la pratique en classe n’est jamais une évidence. Faire des enseignants les acteurs majeurs des recherches, leur offrir la possibilité de les infléchir par leur expérience, ouvre des perspectives pour mieux connaitre l’acte éducatif mais aussi permettre de résoudre les multiples défis de l’éducation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201582/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Dans quelle mesure la recherche peut-elle contribuer à transformer les méthodes d’enseignement ? C’est la question que soulève l’essor de programmes fondés sur des « données probantes ».Sylvain Wagnon, Professeur des universités en sciences de l'éducation, Faculté d'éducation, Université de MontpellierSihame Chkair, Docteure en économie de la santé et doctorante en sciences de l'éducation, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2021572023-03-27T14:11:28Z2023-03-27T14:11:28ZTchad : la méconnaissance des informations scientifiques freine l'accès à l'eau<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/517387/original/file-20230324-22-vu2ybd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des femmes se déplacent à dos d'âne pour remplir leurs bidons au seul puits du campement nomade de Toukra à N'Djamena, au Tchad, le 10 juin 2022.</span> <span class="attribution"><span class="source">Photo ; Aurélie Bazzara-Kibangula/AFP via Getty Images</span></span></figcaption></figure><p><em>L’accès à une eau de qualité est une préoccupation dans beaucoup de pays d’Afrique, dont le Tchad. Le Tchad fait partie <a href="https://tchadinfos.com/le-tchad-fait-partie-des-10-pays-africains-dont-des-crises-liees-a-leau-menacent-la-vie-de-190-millions-denfants/">des pays africains</a> où l’inadéquation des services d’approvisionnement en eau, d’assainissement et d’hygiène exposent les enfants à des risques extrêmement élevés.</em> </p>
<p><em>Le chercheur Abdallah Mahamat Nour explique à Aliou Niane de The Conversation Afrique les raisons de la faiblesse du taux d’accès à l’eau dans ce pays sahélien et ce qui doit être fait pour améliorer la qualité et la disponibilité de cette ressource pour les populations.</em></p>
<p><strong>L'accès à l'eau - pour la boisson et les usages domestiques - est un grand défi au Tchad. Quelle est la gravité de la situation ?</strong></p>
<p>La répartition de cet accès est très inégale sur le territoire, certaines zones étant plus alarmantes que d'autres en raison de facteurs géologiques, climatiques et autres.</p>
<p>Dans les zones de socle (dans ces zones, les <a href="https://www.u-picardie.fr/beauchamp/cours.qge/du-7.htm#:%7E:text=Un%20aquif%C3%A8re%20est%20un%20corps,de%20quantit%C3%A9%20d'eau%20appr%C3%A9ciable.">aquifères</a> sont discontinus et les eaux sont localisées dans les structures géologiques) notamment, où les forages ont un taux de réussite relativement faible, l'accès à l'eau est particulièrement difficile. Les points d'eau existant en milieu rural réalisés par l’Etat tchadien ou par les partenaires sont souvent partagés entre plusieurs villages, obligeant les habitants à parcourir de longues distances et à consacrer des heures de marche pour y accéder. </p>
<p>Dans certaines régions comme la <a href="https://www.humanitarianresponse.info/sites/www.humanitarianresponse.info/files/documents/files/tcd_viz_profilprovince_lac_20190418.pdf">province du lac Tchad</a>, la population se sert de l'eau prélevée directement des puits à ciel ouvert ou dans les mares, sans aucun traitement. Dans ces zones, les femmes et les filles sont souvent chargées de la collecte de l'eau pour les usages domestiques. Ce qui les oblige à parcourir de longues distances pour trouver de l'eau, occasionnant ainsi des problèmes de santé et de sécurité. </p>
<p>La qualité de l'eau est également problématique dans les grandes villes comme par exemple <a href="https://www.pseau.org/outils/organismes/organisme_detail.php?org_organisme_id=17357">Moundou</a>, ou dans certains quartiers de la capitale N'Djamena et de ses périphéries qui sont alimentés par des forages individuels qui ne sont pas contrôlés et peuvent être situés à proximité de latrines ou de puisards, ce qui augmente les risques de contamination de l'eau et de propagation de maladies hydriques.</p>
<p>Enfin, les défis liés à l'accès à l'eau sont aggravés par les changements climatiques qui ont <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0048969722052512">une incidence </a>sur les ressources en eau dans la région sahélienne. Les périodes de sécheresse sont de plus en plus fréquentes et les ressources en eau de plus en plus limitées. Cela a un impact direct sur la sécurité alimentaire et la santé des populations locales.</p>
<p>En somme, la situation de l'accès à l'eau au Tchad est très préoccupante et nécessite une attention urgente pour améliorer la qualité et la disponibilité de cette ressource vitale pour les populations locales.</p>
<p><strong>Que fait le gouvernement à ce sujet ? Cela fonctionne-t-il ?</strong></p>
<p>Le gouvernement tchadien a élaboré plusieurs plans stratégiques et documents d'orientation, particulièrement le <a href="https://www.pseau.org/outils/biblio/resume.php?d=4329">Schéma directeur de l’eau et d’assainissement en 2003</a>, le <a href="https://fr.scribd.com/document/512165674/Politique-Et-Strategie-Nationale-Dassainissement-Du-Tchad-2013-Republique-Du-Tchad">Code de l’eau et la Politique et stratégie nationale d’assainissement</a> en 2013, pour améliorer l'accès à l'eau dans le pays. Cependant, malgré les efforts déployés, les résultats sont mitigés. La mise en œuvre des programmes est souvent entravée par des contraintes techniques – manque des études détaillées, des prestataires non qualifiés – et financières, ainsi que par une coordination insuffisante entre les différents acteurs impliqués dans le secteur de l'eau. De plus, la gestion des ressources en eau est complexe et nécessite une connaissance scientifique approfondie, ce qui peut également constituer un obstacle à la mise en place de politiques efficaces.</p>
<p><strong>Quelles sont les solutions envisageables pour répondre aux besoins en eau du Tchad ?</strong></p>
<p>Le Tchad dispose de <a href="https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers16-01/010063402.pdf">ressources en eau considérables</a> tant de surface que souterraines, mais celles-ci sont limitées par le manque de connaissances sur ces ressources. Les échecs constatés dans la plupart des programmes visant à améliorer l'accès à l'eau sont en partie dûs à l'absence d'études scientifiques récentes et à une sous-exploitation des connaissances disponibles. La principale raison est que dans la zone d'étude, il n'y a pas des études récentes à cause de moyens limités et de l'étendue de la zone.</p>
<p>Ainsi, avant toute mise en œuvre d'actions dans le domaine de l'eau, il est primordial de consulter les <a href="https://unitar.org/sites/default/files/uploads/pprs/evaluation_prospective_de_la_1e_phase_du_projet_de_cartographie_des_ressources_en_eau_reseau_tchad.pdf">connaissances scientifiques</a> disponibles pour réduire les risques d'échec.</p>
<p>Les études que nous menons actuellement dans le cadre du programme pilote <a href="https://www.aasciences.africa/aesa/programmes/african-research-initiative-scientific-excellence-arise#:%7E:text=ARISE%20is%20a%20Euro%2025,the%20African%20Union%20(AU).&text=Grant%20awards%20for%20ARISE%20are,ARISE%20Fellowships%20in%20May%202022.">African Research Initiative for Scientific Excellence</a> (ARISE) sur les <a href="https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/2022-03/010057680.pdf">hydrosystèmes</a> du bassin du lac Tchad permettent de mieux comprendre la vulnérabilité de la ressource en eau dans une région où l'accès, la potabilité et la durabilité de l'eau sont cruciales. </p>
<p>Les résultats de ces études non encore disponibles pourront être utilisés pour développer un nouveau cadre conceptuel pour l'interprétation des données <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/hydrogeologie/">hydrogéologiques</a> dans la région du bassin du lac Tchad et dans l'ensemble de la région du Sahel. Ils pourraient également aider les gestionnaires des ressources en eau à prendre en compte les données hydrologiques et hydrogéologiques dans le processus d'évaluation des ressources en eau.</p>
<p>En améliorant les informations hydrologiques disponibles dans la région, on peut garantir une meilleure connaissance de la situation réelle et de la dynamique des processus hydrogéologiques. Cela peut fournir des informations et des caractéristiques importantes sur la capacité de renouvellement des processus <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/rseau/1992-v5-n2-rseau3266/705131ar/">hydrogéologiques</a> de manière efficace, rapide et économique. Ce qui est essentiel pour les gestionnaires des ressources en eaux souterraines pour assurer la durabilité à long terme de cette ressource socio-économique très importante pour l'ensemble de la région d'Afrique centrale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202157/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Abdallah, Mahamat Nour does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>Les défis liés à l'accès à l'eau sont aggravés par les changements climatiques qui ont une incidence sur les ressources en eau dans la région sahélienne.Abdallah, Mahamat Nour, Enseignant-chercheur, Géo-scientiste et hydro(géo)logue, Université de N'Djamena (Tchad)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1993592023-03-15T19:58:52Z2023-03-15T19:58:52ZAprès la thèse, pourquoi faire un postdoctorat ?<p><em>De la collecte de données à la valorisation de ses travaux en passant par la publication d’un premier article scientifique, <a href="https://www.editions-ems.fr/boutique/lexperience-de-la-these-en-management/">L’expérience de la thèse en management</a> documente les défis qui se posent aux doctorants. En s’appuyant sur les retours de terrain de jeunes chercheurs, les coordinateurs de l’ouvrage, Hugo Gaillard, Julien Cloarec, Juliette Senn et Albane Grandazzi, invitent les lecteurs à remettre en perspective les questionnements qui surgissent à chaque étape de leur parcours. Ci-dessous, voici un extrait de la cinquième partie de l’ouvrage consacrée au choix de poursuivre en postdoctorat.</em></p>
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<h2>Les bonnes raisons d’effectuer un postdoc</h2>
<p>Plutôt qu’un contrat, il serait plus adéquat de parler d’une période de transition entre la thèse et la prise de poste, tout comme le décrit le récent Code de la recherche qui statue sur les différentes <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042752265">« modalités particulières d’emploi scientifique »</a>. En pratique, le chemin peut être long et parsemé d’embûches, d’autant plus qu’il intervient déjà après la longue période de la <a href="https://theconversation.com/reussir-laventure-de-la-these-tout-un-art-133127">thèse</a>. Cette transition nous paraît un bon choix si le postdoc donne les bons outils pour obtenir le poste que l’on vise ensuite. Il faut donc l’envisager comme une première étape dans sa carrière. En effet, « faire un postdoc pour faire un postdoc » n’est pas une bonne option. En revanche, trois raisons nous semblent particulièrement pertinentes pour poursuivre dans cette voie.</p>
<h2>a) Développement des compétences pour trouver un poste</h2>
<p>Le postdoc est avant tout un bon moyen de compléter son profil de recherche, qui passe souvent par la publication de travaux liés à la thèse, et le bien nommé « job market paper » dans le monde anglo-saxon. La tendance du postdoc est donc largement soutenue par la nécessité de publier à l’ère du <a href="https://theconversation.com/recherche-publish-or-perish-vers-la-fin-dun-dogme-128191">« publish or perish »</a>. C’est donc l’occasion de publier des résultats de sa thèse par exemple, ou d’un autre projet de recherche débuté en parallèle. Comme explicité plus haut dans l’introduction, il n’est pas dans cette optique un moyen de retarder la prise de poste, encourageant les postures indécises.</p>
<p>Ce serait biaisé pour autant de ne penser uniquement le postdoc au travers de la recherche. Il permet de compléter son profil dans tous ses aspects, par exemple celui de l’enseignement dans le cas où l’on aurait peu enseigné : par exemple, lors des <a href="https://theconversation.com/doctorat-cifre-un-pont-entre-la-recherche-et-le-monde-economique-64406">thèses CIFRE</a> où l’enseignement est optionnel. Il permet également de développer son « réseau », à savoir s’intégrer dans des communautés scientifiques françaises et internationales. Ainsi, le postdoc va pouvoir se construire un statut dans sa communauté, ce qui pourra lui offrir des opportunités de carrière.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/jusquou-peut-on-invoquer-la-liberte-academique-174623">Jusqu’où peut-on invoquer la liberté académique ?</a>
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<p>Enfin, il est un moment privilégié pour sa recherche de poste : un moyen de gérer la « file d’attente » découlant du fait qu’il y a beaucoup plus de docteurs que de postes disponibles. Les postes de maîtres de conférences (MCF) sont en déclin depuis 10 ans alors que le nombre de candidats qualifiés augmente, même si cela dépend des disciplines. À titre d’illustration, il est très difficile de trouver des candidats en comptabilité. Par ailleurs, il permet de répondre à une internationalisation du marché du travail, en particulier dans des écoles où le recrutement s’étend largement au-delà de nos frontières : les doctorants français, ayant soutenu leur thèse de doctorat en université, sont en concurrence avec des PhD qui ont quatre à cinq ans d’expérience, avec des publications déjà intégrées à leur thèse. De ce point de vue, s’engager dans un postdoc après l’obtention d’un doctorat français peut paraître logique si l’on désire obtenir un poste en école où le recrutement est fortement internationalisé. A noter que le postdoc est aussi courant pour des PhD ayant déjà 4 à 5 ans d’expérience.</p>
<h2>b) Cultiver la dimension internationale</h2>
<p>L’évolution de la formation doctorale encourage une culture académique internationale. Pour autant, faire un postdoc n’implique pas nécessairement de partir dans un pays étranger. Tout dépend de l’endroit où l’on souhaite poursuivre sa carrière. Partir à l’étranger pendant la période postdoctorale peut paraître en effet comme un atout : style d’enseignement, nouvelles idées qui façonnent le travail de recherche, ou encore l’exposition à une culture académique différente. La dimension internationale est surtout synonyme de nouvelles connexions avec d’autres chercheurs internationaux, ouvrant les portes à plus d’opportunités de co-écriture en particulier. En cela, c’est avant tout un élargissement des perspectives de recherche, de la visibilité de son travail, et des codes appris jusqu’alors. Cependant, il nous semble important de mentionner qu’« internationaliser » son postdoc est également envisageable en restant dans son pays d’origine. Par exemple, beaucoup de grandes écoles de commerce sont insérées dans des réseaux internationaux de par leur recrutement. Le chercheur peut donc s’engager dans cette dimension internationale à plusieurs niveaux.</p>
<h2>c) L’émancipation du jeune chercheur</h2>
<p>Enfin, un des atouts indéniables du postdoc est de s’émanciper de son laboratoire d’origine, de son <a href="https://theconversation.com/un-directeur-de-these-a-quoi-ca-sert-100269">directeur ou directrice de thèse</a>, d’affirmer son projet, et en fin de compte, de contribuer grandement à construire son identité d’académique. Pour <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/ipme/2017-v30-n2-ipme03119/1040451ar/">Olivier Germain et Laurent Taskin</a> « toute relation entre le directeur et son doctorant devrait constituer un espace d’émancipation et de confrontation », discutant <a href="https://journals.aom.org/doi/10.5465/amle.2007.27694946">l’étude de Wright, Murray et Geale</a> sur la typologie des rôles de directeurs de thèse et leurs finalités.</p>
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<p>En effet, le doctorat en France reste très marqué par la présence visible d’un directeur ou d’une directrice de thèse. Cette personne guide tant les recherches, que les réseaux académiques dans lesquels « son » doctorant (le pronom possessif étant lui-même révélateur) s’inscrit. Même si on note des évolutions importantes sur ce point, en particulier avec la forte augmentation des thèses co-dirigées depuis dix ans, ou par l’instauration de comités de thèse qui suivent l’évolution du doctorant avec des professeurs externes, il n’en demeure pas moins que le doctorat à la française privilégie encore une relation bilatérale. Nous ne souhaitons pas critiquer cet aspect : c’est aussi ici que se joue la beauté du compagnonnage académique selon nous, même s’il n’est pas exempt de certaines dérives, et nous ne pouvons que le déplorer. Pour autant, il nous semble important qu’un jeune docteur puisse travailler en direct avec d’autres collègues, professeurs, au sein d’un laboratoire qui n’est pas celui qui l’a d’abord vu comme doctorant.</p>
<p>Par ailleurs, au-delà de cet aspect identitaire, cela lui apportera aussi de nouvelles méthodes de travail, de fonctionnement d’un département, d’une équipe de recherche, des traditions théoriques pouvant être complémentaires. Les relations entre collègues, l’environnement de recherche et d’enseignement, les relations avec les étudiants sont des points qui peuvent varier fortement d’une institution à l’autre. Le postdoc permet donc de développer sa recherche qui peut être vue comme un processus d’apprentissage qui s’étire parfois jusqu’à plusieurs années après l’obtention du doctorat (<a href="https://link.springer.com/book/10.1007/978-94-007-5977-0">Höhle et Teichler, 2013</a>). Ce processus structure l’identité du chercheur. En cela, le postdoc permet de développer sa propre identité scientifique et de sortir de ce qui est parfois considéré comme la « coupe » du directeur ou directrice de thèse.</p>
<p>En ce sens, le postdoc peut permettre de savoir quoi viser précisément dans sa recherche de poste. D’après les retours d’expériences dont nous disposons, il est parfois nécessaire pour affiner son projet professionnel, en découvrant d’autres univers académiques. C’est donc un jeu d’équilibriste entre chercher un postdoc cohérent avec son projet professionnel, tout en conservant une certaine latitude pour le faire évoluer.</p>
<h2>1.2. Les risques et les pièges</h2>
<p>Pour autant, nous avons conscience que le postdoc est souvent nécessaire pour obtenir un poste, tant les exigences sont multiples et élevées et parfois contradictoires : avoir conduit une recherche doctorale de qualité, avoir publié pendant sa thèse ou montrer des projets de publications déjà bien développés, avoir enseigné un nombre suffisant d’heures auprès de publics variés, être intégré dans les réseaux de sa communauté scientifique, être engagé dans la vie de son département et/ou de son équipe, etc. Le postdoc serait donc à ce titre l’étape souvent indispensable, et parfois non désirée par le doctorant lui-même, pour construire ce qu’on appelle souvent un profil du « mouton à cinq pattes ». À ce titre, il entraîne un certain nombre de risques et de pièges, qu’il nous semble particulièrement important de discuter ici.</p>
<h2>a) Le postdoc, à la recherche du temps perdu ?</h2>
<p>En premier lieu, le postdoc présente le risque de ne pas bien négocier le contenu exact de son poste, en particulier son temps de recherche. Les activités sont souvent mêlées entre recherche collective, personnelle, les services au laboratoire, des missions plutôt orientées sur la gestion de projet, l’organisation d’évènements scientifiques ou à destination de professionnels. Il est alors aisé de s’y perdre. Quel équilibre viser entre tous ces éléments ? Il est important d’expliciter le temps de recherche dont on veut disposer dans la négociation de son poste. C’est là une condition importante pour accepter ou non la proposition que vous aurez. D’après notre expérience et de celles de nos jeunes collègues, avoir 50 % du temps dédié à la recherche personnelle dans un postdoc constitue un bon équilibre. Ce chiffre pourrait paraître élevé dans certains contextes institutionnels, mais il est souvent indispensable pour pousser ses projets de l’après-thèse et trouver un poste permanent. Cela place réellement le postdoctorant dans une posture d’enseignant-chercheur, prêt à démarrer son premier poste académique.</p>
<h2>b) L’engagement dans une institution</h2>
<p>Le postdoc est souvent vu comme un temps précieux pour se concentrer sur son développement intellectuel, parfois en privilégiant certains aspects par rapport à d’autres. À l’inverse d’un poste d’enseignant-chercheur donc, il n’est pas surprenant d’observer une participation plus minime à la vie de l’institution : responsabilités administratives, projet d’encadrement, programme d’enseignement, service et même l’attachement affectif ne doit pas être comparable entre le postdoctorat et le poste. Notre propos n’est pas ici de décourager un investissement dans l’institution du postdoc, bien au contraire, mais de veiller toujours à respecter un certain équilibre entre cet engagement institutionnel et le développement de votre recherche.</p>
<p>En particulier si le jeune docteur se trouve bien identifié dans une institution, une sorte de « sur » engagement est parfois la pente naturelle que prennent de nombreux collègues. Sans présager de mauvaises intentions de la part des institutions qui les accueillent, les chercheurs postdoctoraux sont rarement encouragés, et encore moins obligés, à consacrer du temps à préparer une prise de poste future. Les méthodes de travail distribuées et souvent individuelles du métier académique ne permettent pas de donner à voir tous ces éléments aux yeux de l’institution qui vous emploie. Pour autant, la recherche et la préparation d’une prise de poste constituent une stratégie essentielle. Là aussi, c’est au postdoc de trouver le bon équilibre entre sa recherche personnelle, dont il doit veiller à la protection, et le développement de ses réseaux académiques, éléments indispensables dans l’obtention d’un poste permanent.</p>
<h2>c) Les raisons personnelles</h2>
<p>La décision de faire un postdoc est intrinsèquement liée à nos conditions et à nos étapes de vie personnelles. Cela peut paraître évident, mais pour réussir son postdoc, il faut pouvoir le réaliser dans de bonnes conditions, dans l’objectif de chercher un emploi par la suite. La précarité de ce type de contrat est bien trop souvent mise en avant, mais les situations sont variables d’une institution à l’autre. Sa situation personnelle, en particulier sa situation conjugale, mais aussi familiale et amicale, est essentielle à considérer. À notre sens, elle ne doit pas rester un des multiples éléments dans la balance, mais offrir les conditions de possibilités d’un postdoc conduit avec succès.</p>
<p>En confrontant nos expériences respectives, on peut par exemple trouver de nombreuses tensions caractérisées par le statut de chercheur féminin qui mettent à jour une tendance à invisibiliser la question du genre dans les carrières académiques. L’équilibre vie personnelle-professionnelle est souvent construit comme une tâche impossible et préjudiciable à la carrière des femmes (<a href="https://psycnet.apa.org/record/2016-36732-001">Toffoletti et Starr, 2016</a>). La maternité est par exemple souvent reculée à l’obtention d’un poste permanent (voir, par exemple, <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/gwao.12314">Huppatz et coll., 2019</a>). Autre exemple, les couples peuvent être à distance, à des centaines, et parfois des milliers de kilomètres. Notre intention n’est pas ici de donner un avis personnel, ou un guide de conduite à suivre. Pour autant, il nous semble important d’avoir ces éléments en tête pour poser un choix éclairé. Le postdoc peut ouvrir des portes professionnelles. Reste à savoir à quel prix…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199359/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugo Gaillard est membre du Bureau et du CA l'AGRH.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Albane Grandazzi, Julien Cloarec et Juliette Senn ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Un contrat postdoctoral peut être l'occasion pour un jeune universitaire de compéter son profil de recherche et d'étoffer son réseau. Extraits d'un ouvrage fondé sur des avis de jeunes docteurs.Albane Grandazzi, Professeur Assistant, Grenoble École de Management (GEM)Hugo Gaillard, Maître de conférences en Sciences de gestion, Le Mans UniversitéJulien Cloarec, Assistant Professor of Data Science, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3Juliette Senn, Assistant Professor, Montpellier Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2016442023-03-15T19:57:11Z2023-03-15T19:57:11ZRapport Meadows : pourquoi les alertes de 1972 ont été ignorées par les chercheurs en management ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/514806/original/file-20230312-2942-nar6hk.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C52%2C1191%2C745&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Certaines hypothèses formulées il y a 50 ans par le Club de Rome se confirment aujourd'hui.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/eau-smog-navires-pollution-6675078/">Chris LeBoutillier/Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>En octobre 1972, le <a href="https://www.clubofrome.org/">Club de Rome</a>, groupe de réflexion réunissant des scientifiques, des fonctionnaires et des dirigeants d’entreprises, publiait le célèbre <a href="http://www.donellameadows.org/wp-content/userfiles/Limits-to-Growth-digital-scan-version.pdf">rapport Meadows</a> qui alertait les dirigeants sur le caractère non durable des stratégies poursuivies par les entreprises occidentales.</p>
<p>Ce rapport s’appuyait sur les travaux réalisés par <a href="https://mitsloan.mit.edu/ideas-made-to-matter/professor-emeritus-jay-w-forrester-digital-computing-and-system-dynamics-pioneer-dies-98">Jay Forrester</a>, alors professeur au Massachusetts Institute of Technology (<a href="https://www.mit.edu/">MIT</a>) avec l’aide de ses collègues <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Donella_Meadows">Donella</a> et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Dennis_Meadows">Dennis</a> Meadows. La démarche de prospective développée par l’équipe du MIT s’articule autour de cinq variables principales : la population, la production industrielle, la production agricole, les ressources naturelles et la pollution. La conclusion des auteurs est sans appel car :</p>
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<p>« Si les tendances actuelles de croissance de la population mondiale, de l’industrialisation, de la pollution, de la production alimentaire et de l’épuisement des ressources se poursuivent sans changement, des limites seront atteintes au cours des cent prochaines années. Et en découlera vraisemblablement le déclin, rapide et incontrôlable, de la population et de la production industrielle. »</p>
</blockquote>
<p>Commandité par des dirigeants et destiné à éclairer la prise de décision, on aurait pu s’attendre à ce que le <a href="https://jancovici.com/en/readings/societies/the-limits-to-growth-donella-meadows-dennis-meadows-jorgen-randers-and-behrens-william-w-iii-1972/">rapport Meadows</a> impacte le champ académique du management et en particulier les travaux en stratégie d’entreprise. Or, les alertes ont été globalement ignorées. Deux raisons complémentaires peuvent expliquer ce rendez-vous manqué.</p>
<h2>Dérive académique</h2>
<p>Tout d’abord, la conjoncture économique des années 1970 va conduire à recentrer le monde académique sur des objectifs stratégiques de performance économique et non de développement durable. Ce qui fait alors problème n’est pas la pollution et les risques d’effondrement mais bien la situation économique qui se dégrade dangereusement.</p>
<p>En effet, le <a href="https://www.economie.gouv.fr/facileco/chocs-petroliers">choc pétrolier de 1973</a> et la crise économique qui s’ensuivit a marginalisé les analyses du rapport Meadows.</p>
<p>L’urgence de la situation à court terme et la crise énergétique ont relégué au second plan les analyses de fond du rapport Meadows qui propose une prospective à l’échelle du siècle. L’internationalisation et la financiarisation de l’économie l’emporteront très largement sur les hypothèses du Club de Rome d’une fin du monde économique sous l’effet d’une croissance non maitrisée.</p>
<p>Soucieux d’être utiles aux dirigeants, les enseignants-chercheurs en management ont collé aux attentes générées par la crise économique en orientant le contenu de leurs recherches et leurs enseignements autour de ces enjeux. Les questions de compétitivité et de création d’un avantage concurrentiel l’emportent très largement comme le montre le succès des publications de <a href="https://www.hbs.edu/faculty/Pages/profile.aspx?facId=6532">Michael Porter</a> à partir des années 1980.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/uky_oUmFVZ0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">1972, les alertes pour la planète du rapport Meadows (Franceinfo INA, 2022).</span></figcaption>
</figure>
<p>La deuxième raison est liée l’évolution de la recherche en stratégie d’entreprise au début des années 1980 et, en conséquence, à l’enseignement dispensé aux futurs dirigeants.</p>
<p>À la fin des années 1950, les business schools américaines ont en effet été bousculées par deux rapports : le <a href="https://www.jstor.org/stable/2390781">premier</a>, rédigé par les économistes Robert Gordon et James Howell, et le <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/08832323.1959.10116244?journalCode=vjeb19">second</a> par leur collègue Frank Pierson.</p>
<p>Ces études plaidaient pour une forme d’académisation du champ de la gestion sur le modèle des sciences « dures » (mathématiques, physique, etc.). Dans le même temps, ils préconisent que le cours de <em>business policy</em> reste quant à lui un cours structuré autour d’études de cas.</p>
<p>Si l’effet de ces deux rapports fut moins immédiat et visible que la crise pétrolière, ils ont toutefois conduit à une importante transformation des enseignements et des recherches en stratégie. Jugés trop empiriques et peu généralisables, les enseignements et les recherches en stratégie d’entreprises se sont par la suite développés sur la base d’un formalisme mathématique et de tests économétriques. La faisabilité d’une croissance infinie de la production industrielle dans un monde aux ressources limitées s’est alors éloignée des préoccupations des chercheurs et enseignants en stratégie d’entreprise.</p>
<p>À partir des années 1980, la légitimation du champ de la stratégie dans le concert des disciplines académiques a pris le pas sur l’analyse et la résolution de problèmes complexes auxquels les dirigeants étaient confrontés. La rigueur méthodologique et le raffinement des analyses sont progressivement passés au premier plan des préoccupations universitaires. Les chercheurs en stratégie se sont montrés de moins en moins soucieux d’engager des conversations avec les dirigeants et de s’intéresser à la stratégie telle qu’elle se pratique dans les entreprises.</p>
<p>Pourtant, un certain nombre de chercheurs en gestion, à l’instar de <a href="https://thinkers50.com/blog/thinkers50-hall-of-fame-sumantra-ghoshal/">Sumantra Ghoshal</a> et <a href="https://mintzberg.org/">Henry Mintzberg</a> à l’international et <a href="https://www.univ-lyon3.fr/martinet-alain-charles">Alain-Charles Martinet</a> en France, avaient très tôt souligné l’<a href="https://www.editions-ems.fr/boutique/homo-strategicus-capitalisme-liquide-destruction-creatrice-et-mondes-habitables/">inutilité</a> voire la <a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/amle.2005.16132558">dangerosité</a> de certains travaux universitaires pour les entreprises et la société plus généralement.</p>
<h2>Quand les hypothèses de 1972 se confirment</h2>
<p>Dans un <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/jiec.13084">article</a> publié en 2020, la chercheuse néerlandaise Gaya Herrington proposait une actualisation des analyses du rapport Meadows. Elle arrivait à la conclusion que deux scénarios identifiés par les époux Meadows en 1972 se confirment : l’arrêt de la croissance de la population mondiale, de l’industrialisation et de la production alimentaire devraient ainsi intervenir d’ici 2030.</p>
<p>En parallèle, les phénomènes climatiques extrêmes de ces dernières années ont renforcé la prise de conscience d’une transformation sans précédent des équilibres du système Terre. Nous entrons dans l’ère géologique de l’<a href="https://www.editionsbdl.com/produit/refonder-lagriculture-a-lheure-de-lanthropocene/">Anthropocène</a>. Cette transformation est aujourd’hui largement documentée scientifiquement par de nombreuses disciplines reliées aussi bien aux sciences sociales (histoire, géographie, économie) qu’aux sciences fondamentales (climatologie, archéologie, physiques…).</p>
<p>Si les analyses du rapport Meadows pouvaient être considérées comme isolées dans les années 1970, les choses sont très différentes dans les années 2020 car les constats se recoupent et ils émanent de multiples disciplines. Plus personne ne peut aujourd’hui ignorer les synthèses que constituent les <a href="https://www.ipcc.ch/languages-2/francais/">rapports</a> du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) qui sont sans équivoque.</p>
<p>La recherche en management et en stratégie d’entreprise ne peut donc plus rester sourde à ces alertes. Un des chercheurs phares de la discipline, le professeur américain Jay Barney, admet aujourd’hui qu’il serait souhaitable que les travaux, en particulier la <a href="https://pubsonline.informs.org/doi/abs/10.1287/orsc.7.5.469">théorie des ressources</a> qu’il a contribué à développer, prennent mieux en compte les différentes parties prenantes de l’entreprise et plus singulièrement l’environnement naturel.</p>
<p>Un repositionnement des objets de recherche et des méthodes semble s’imposer aux enseignants-chercheurs en management et stratégie d’entreprise.</p>
<p>Ce repositionnement implique la construction de nouvelles théories, de nouvelles méthodes et de nouveaux supports de discussion et partage des connaissances. Ce travail prendra au moins une décennie et il est fort possible que d’autres disciplines académiques s’avèrent finalement mieux armées conceptuellement et méthodologiquement pour accompagner les dirigeants d’entreprises dans la construction et la mise en œuvre de nouvelles stratégies intégrant les limites planétaires.</p>
<p>Si ce sursaut épistémique n’est pas mis en œuvre rapidement, tout porte à croire que la légitimité des disciplines de gestion vont s’éroder plus vite encore que la biodiversité et autres déterminants biophysiques que les chercheurs en management se seront révélés incapable d’appréhender dans leurs recherches et enseignements.</p>
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<p><em>Cet article est issu d’une <a href="https://www.ifge-online.org/lifge-celebre-les-50-ans-du-rapport-meadows-par-un-seminaire-online-le-2-fevrier/">conférence</a> organisée par l’<a href="https://www.ifge-online.org/">Institut français de gouvernement des entreprises</a> d’EM Lyon Business School ayant eu lieu le 2 février 2023 célébrant les 50 ans du rapport Meadows, avec comme invités Gaya Herrington, vice-president of ESG Research au sein du groupe Schneider Electric.</em></p>
<p>__</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201644/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La crise économique des années 1970 mais aussi la recherche de légitimité des sciences de gestion d’entreprise ont progressivement écarté les enjeux de durabilité des priorités.Guillaume Carton, Professeur associé en Stratégie, EM Lyon Business SchoolBertrand Valiorgue, Professeur de stratégie et gouvernance des entreprises, EM Lyon Business SchoolThomas Gauthier, Professeur, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.