tag:theconversation.com,2011:/us/topics/sociaux-democrates-50641/articlessociaux-démocrates – The Conversation2019-05-08T19:34:27Ztag:theconversation.com,2011:article/1164772019-05-08T19:34:27Z2019-05-08T19:34:27ZL’Allemagne est-elle encore pro-européenne ?<p>Les tensions qui se sont manifestées ces derniers mois entre la France et l’Allemagne ont conduit nombre de commentateurs à douter de l’engagement européen de Berlin et à mettre l’accent sur la montée du populisme outre-Rhin. Le <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/allemagne/relations-bilaterales/traite-de-cooperation-franco-allemand-d-aix-la-chapelle/">traité d’Aix-la-Chapelle</a>, présenté lors de la journée franco-allemande du 22 janvier 2019, a fait apparaître au grand jour ces tensions. Lors des négociations longues et difficiles, d’aucuns ont même pu douter de son aboutissement.</p>
<p>De nombreuses petites phrases de la part du Président français témoignent de son agacement face à la lenteur et à la tiédeur des réactions des chrétiens-démocrates allemands (CDU) à ses propositions – depuis son discours de la Sorbonne de septembre 2017 jusqu’à <a href="http://www.leparisien.fr/politique/pour-une-renaissance-europeenne-la-lettre-d-emmanuel-macron-aux-europeens-04-03-2019-8024766.php">sa lettre du 4 mars 2019</a> en faveur d’« une renaissance européenne », adressée à tous les Européens.</p>
<p>C’est surtout la réponse de la nouvelle présidente de la CDU, Annegret Kramp-Karrenbauer (« AKK ») formulée, le 10 mars 2019, dans l’édition dominicale de <em>Die Welt</em>, qui a mis le feu aux poudres – de nombreux médias (allemands comme français) ayant retenu prioritairement les points dans lesquels celle-ci opposait à Macron une fin de non-recevoir. Le titre choisi par ce journal – <a href="https://www.welt.de/politik/deutschland/article190037115/AKK-antwortet-Macron-Europa-richtig-machen.html">« Faisons l’Europe comme il faut, maintenant »</a> (<em>Europa jetzt richtig machen</em>) pouvait être perçu comme un reproche adressé sans nuance au Président français qui, pour prêcher la renaissance de l’Europe, ferait les choses de travers.</p>
<h2>Quand Berlin froisse Paris</h2>
<p>Les commentateurs ont surtout relevé la phrase dans laquelle AKK affirme que « le centralisme européen, l’étatisme européen, la communautarisation des dettes, l’européanisation des systèmes de protection sociale et du salaire minimum seraient la mauvaise voie. » Cette tribune dans <em>Die Welt</em> visait à clarifier les divergences franco-allemandes afin d’éviter de vains débats sur un certain nombre de questions entre les deux pays.</p>
<p>La proposition d’AKK d’installer une bonne fois pour toutes le Parlement européen à Bruxelles – une idée récurrente du côté allemand qui surgit invariablement en période électorale – a également retenu l’attention. AKK qualifie ainsi l’existence de deux sièges, à Bruxelles et à Strasbourg, d’« anachronisme » inutilement coûteux (ce qu’à mi-voix on ne conteste d’ailleurs pas du côté français). Mais cette demande a froissé la susceptibilité de Paris.</p>
<p>Même chose pour la proposition selon laquelle « l’UE devrait à l’avenir être représentée par un siège permanent commun au Conseil de sécurité des Nations unies ». Une idée déjà défendue par Willy Brandt dans les années 1970 : il apparaissait alors logique que ce soit l’UE qui soit représentée de façon permanente au Conseil de sécurité de l’ONU dès l’instant que celle-ci aurait réussi son intégration.</p>
<p>Ces réactions françaises n’ont pas permis de percevoir la réponse d’AKK dans son ensemble. La dirigeante de la CDU cherche des réponses aux mêmes questions que Macron en matière de stratégie pour l’Europe face aux USA et à la Chine ou encore face à la Russie de Poutine qui, dit-elle, « semble vouloir tirer sa force de la déstabilisation et de l’affaiblissement de ses voisins. » Elle oppose à ces trois puissances les valeurs du « European way of life » symbolisé par « la démocratie représentative, le régime parlementaire, l’État de droit, les libertés individuelles et l’économie sociale de marché. »</p>
<h2>Des États plus forts pour une Europe plus forte</h2>
<p>En matière de défense, Annegret Kramp-Karrenbauer affirme : « Nous devons demeurer transatlantiques, tout en devenant plus européens. » Une formule qui révèle à la fois les continuités et les évolutions de l’Allemagne dans le nouveau contexte international. AKK, qui a déjà plaidé en faveur d’un assouplissement des règles soumettant à l’aval du Parlement les interventions extérieures de la « Bundeswehr » (l’armée allemande), évoque ainsi la mise en place d’un Conseil de sécurité européen, auquel appartiendrait le Royaume-Uni, quelle que soit l’issue du Brexit (une possibilité envisagée également par Emmanuel Macron).</p>
<p>Elle évoque aussi la création, en Allemagne même, d’un Conseil national de sécurité permettant de coordonner la politique étrangère, de défense et de sécurité, d’aide au développement et du commerce extérieur.</p>
<p><strong>Autre point important, sa vision des structures de l’Europe :</strong></p>
<blockquote>
<p>« Refonder l’Europe ne se fera pas sans les États-nations : ce sont eux qui fondent la légitimité démocratique et l’identification des peuples. Ce sont les États membres qui formulent leurs propres intérêts et en font la synthèse à l’échelon européen. C’est de cette réalité qu’émane le poids des Européens sur la scène internationale. »</p>
</blockquote>
<p>Un signal en faveur de plus d’intergouvernementalité en Europe plutôt que davantage d’intégration supranationale, avec au mieux la poursuite des processus « communautaires ».</p>
<p>Dans ce même texte paru dans <em>Die Welt</em>, la présidente de la CDU cherche visiblement à réagir à la montée des populismes en Europe, à prendre en compte les inquiétudes des populations en matière de politique d’immigration pour donner à l’Europe une dimension protectrice par la réforme (une place importante étant accordée à la politique africaine).</p>
<p>Mais, bien que critique à l’égard de plusieurs points de la politique de « renaissance européenne » de Macron, ce texte présente aussi un important potentiel pour la relance de la coopération franco-allemande au profit de l’Europe.</p>
<h2>Vu de Berlin, le retour de la « France irréformable »</h2>
<p>Pour l’Allemagne les inquiétudes face à l’immigration, la défense et les relations avec l’Afrique sont centrales. En revanche, ce texte n’aborde pas certains enjeux qui nourrissent le débat français sur l’Europe et les relations franco-allemandes. C’est le cas de l’excédent du solde commercial allemand que de nombreux économistes voudraient voir réduit par une politique de relance de la consommation des ménages en Allemagne : par une politique d’augmentation du pouvoir d’achat via la hausse des salaires, donc, mais aussi par une politique d’investissements massifs dans les infrastructures.</p>
<p>C’est un sujet que semble mal maîtriser la chancelière Merkel qui, peu soucieuse des équilibres internationaux, ne comprend pas en quoi les excédents commerciaux allemands peuvent poser problème à ses partenaires. Un dossier sur lequel AKK a préféré ne pas se prononcer.</p>
<p>Dans cette affaire, il faut bien comprendre que les réponses de Macron au mouvement des « gilets jaunes » – augmenter le pouvoir d’achat au détriment de la lutte contre les déficits publics – a provoqué une vive déception outre-Rhin.</p>
<p>L’opinion publique allemande, tout comme les états-majors de la plupart des partis, avaient pourtant bien accueilli son programme européen, sa politique volontariste en faveur de réformes, dans un premier temps couronnée de succès. Mais le mouvement des « gilets jaunes » a ravivé outre-Rhin la crainte que la France soit irréformable et cesse, une fois de plus, d’être un partenaire fiable.</p>
<h2>Avantages et inconvénients de l’Union européenne : des avis partagés</h2>
<p>Si l’on en croit un sondage effectué par l’Institut berlinois de recherches « Policy matters » à la demande de la fondation des syndicats, la <a href="https://rp-online.de/politik/eu/europawahl/europawahl-2019-wahlbeteiligung-hoeher-als-2014-65-millionen-menschen-wahlberechtigt_aid-37579885">Hans-Böckler-Stiftung</a>, les deux tiers des électeurs allemands auraient l’intention d’aller voter le 26 mai prochain.</p>
<p>Si tel était le cas, cela représenterait un bond spectaculaire de près de 20 points par rapport au taux de participation de 48,10 % en 2014. Un chiffre déjà plus élevé que le taux moyen enregistré dans l’Union européenne (42,60 %), notamment français (42,43 %). Ce sondage reste toutefois à manier avec prudence, l’électorat allemand restant très partagé sur l’appréciation de l’Union européenne.</p>
<p>Aujourd’hui, 83 % des personnes interrogées dans ce sondage souhaitent un approfondissement de la coopération avec les autres pays membres de l’UE et 72 % seraient même en faveur de la mise en place d’une avant-garde européenne qui pourrait aller plus vite de l’avant. En revanche, 37 % seulement estiment que l’<a href="https://www.spiegel.de/politik/ausland/europaeische-union-so-denken-die-deutschen-ueber-die-eu-a-1252954.html">Union européenne comporte plus d’avantages que d’inconvénients</a>. Pour 24 %, les inconvénients l’emportent et aux yeux de 39 % les deux s’équilibrent.</p>
<p>Plus l’électeur se situe à un niveau élevé de l’échelle sociale, plus son vote est positif ; et plus il est négatif à mesure qu’on descend au sein de cette même échelle. Les couches les plus défavorisées reprochent à l’Union européenne son manque de justice sociale. Les principales revendications portent sur la faiblesse du taux d’imposition des multinationales, sur davantage de protection contre la criminalité, la lutte contre le terrorisme et contre l’inégalité hommes-femmes.</p>
<h2>Pas de bouleversement politique en vue en Allemagne</h2>
<p>Un sondage, réalisé par l’institut <a href="https://www.wahlrecht.de/umfragen/europawahl.htm"><em>Forschungsgruppe Wahlen</em></a> et publié le 12 avril dernier, attribue 32 % des intentions de vote à la CDU/CSU, 19 % aux Verts, 18 % au SPD, 7 % au FDP, 6 % à Die Linke et 10 % à l’AfD. Ce parti d’extrême droite, qui a enregistré une hausse de 2,6 points aux élections fédérales de septembre 2017 et semblait crédité d’un potentiel protestataire plus important aux Européennes, enregistrerait ainsi une <a href="https://www.bundeswahlleiter.de/europawahlen/2014/ergebnisse/bund-99.html">progression de près de 3 points par rapport à 2014</a>. Dans les derniers jours de la campagne électorale, il n’est toutefois pas impossible que l’AfD soit à la hausse (un sondage non vérifié lui accorderait jusqu’à 15 % des voix).</p>
<p>Les gagnants potentiels du scrutin pourraient donc être les Verts (+8,3 points), qui bénéficieraient d’un transfert de voix venues du SPD, tandis que le FDP (Libéraux) doublerait son score (+3,6 points). Le SPD perdrait, quant à lui, près de 10 points et la CDU/CSU un peu plus de 3,2 points.</p>
<p>On ne s’attend donc pas à un bouleversement du paysage politique en Allemagne. Les intentions de vote aux Européennes collent assez bien aux tendances que révèlent les intentions de vote pour des élections fédérales.</p>
<p>Les craintes que nourrissent les partis démocratiques portent surtout sur les élections régionales de l’automne prochain dans les Länder du Brandebourg, de Thuringe : l’AfD y est créditée d’intentions de vote autour de 20 %, voire même supérieures à 20 % dans le cas de la Saxe.</p>
<p>Les nouveaux Länder issus de l’ancienne RDA n’ont pas encore, dans leur ensemble, fait leur conversion entière au régime libéral de la RFA. Leur électorat, quand il n’est pas parti à l’Ouest, n’a pas grandi avec la construction européenne.</p>
<p>Mais, malgré ces particularités sociales et territoriales, l’Allemagne d’aujourd’hui reste un pays favorable à l’Europe. L’Union européenne, comme ne cessent de le dire les dirigeants politiques et économiques du pays – <a href="https://www.t-online.de/finanzen/boerse/news/id_85511426/bvmw-praesident-ohoven-die-wachsende-europaskepsis-macht-mir-grosse-sorge-.html">à l’instar de Mario Ohoven, président de la Fédération des entreprises du Mittelstand (Verband mittelständischer Wirtschaft (BVMW)</a> – demeure bien le fondement en matière de paix, de liberté et de bien-être.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/116477/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Vaillant ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si les élites allemandes restent très pro-européennes, un quart de l’électorat outre-Rhin estime que les inconvénients l’emportent sur les avantages apportés par l’Union européenne.Jérôme Vaillant, Professeur émérite de civilisation allemande, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1058762018-10-29T14:00:12Z2018-10-29T14:00:12ZEn Allemagne, le déclin des « anciens » partis pousse Angela Merkel vers la sortie<p>Les <a href="https://statistik-hessen.de/l_2018/html/BVII2_3_5j18.pdf?0.846968590053308">résultats des élections régionales en Hesse</a> de ce dimanche 28 octobre ressemblent, dans leurs grandes tendances, à ceux de Bavière quinze jours plus tôt. Ils confirment l’établissement d’un système pluripartite à six dans les parlements régionaux d’Allemagne comme au parlement fédéral lors des élections de l’automne 2017 et ont eu d’ores et déjà pour effet de provoquer le renoncement de la chancelière à briguer un nouveau mandat de présidente de son parti, la CDU. Jusqu’ici, Angela Merkel avait toujours estimé que la chancelière devait en même temps exercer cette fonction. Celle-ci entame donc un retrait ordonné de ses fonctions sans cesser pour autant d’être chancelière. Angela Merkel disait encore récemment savoir que ce n’était pas elle qui déciderait de sa succession.</p>
<p>Principal enseignement : ce qu’il faut bien désormais appeler les deux « anciens » grands partis de rassemblement populaire (<em>Volkspartei</em>), chrétiens-démocrates et sociaux-démocrates, perdent à nouveau chacun une dizaine de points par rapport aux élections régionales de 2013, pour se situer, les premiers à 27 %, les seconds à 19,8 %. Les Verts gagnent pour leur part 8,7 points, et font jeu égal avec le SPD.</p>
<p>En revanche, leur score est inférieur à celui de l’AfD qui, avec 13,1 % des voix, dépasse de 9 points le résultat obtenu il y a cinq ans, tout en stagnant par rapport à son score au niveau fédéral : 12,6 % lors du scrutin de septembre 2017.</p>
<p>À côté de ces quatre formations, deux autres – nettement plus petites – s’établissent durablement au parlement de Wiesbaden, passant cette fois sans difficulté la barre des 5 %, seuil en dessous duquel un parti n’est pas représenté, en Allemagne, dans un parlement : Les Libéraux (7,5 %) et La Gauche (6,3 %).</p>
<p>Dans ce contexte de fortes fluctuations, il convient de souligner que la CDU enlève 40 des 55 mandats directs de circonscription – pour lesquels une majorité relative suffit –, le SPD 10 et les Verts 5 – ce qui atteste malgré tout de l’attachement d’une partie non négligeable de leur électorat et, pour les Verts en particulier, de leur capacité à obtenir de tels mandats.</p>
<h2>En Hesse, les Verts profitent de la coalition, pas la CDU</h2>
<p>La désaffection frappe avec la même vigueur les deux partis constitutifs de la Grande coalition à Berlin – ce qui a conduit de nombreux commentateurs à se poser la question de sa survie et celle de l’avenir de la chancelière. Pour certains seul un renouvellement à la tête du Parti chrétien-démocrate lui permettrait de prendre un nouveau départ et de reconquérir son électorat.</p>
<p>Ce n’est pas le moindre paradoxe de ces élections régionales que de voir les deux composantes du gouvernement sortant de Hesse – CDU et Verts – traités aussi différemment : la CDU essuie de fortes pertes, mais les Verts continuent de progresser alors qu’ils ont été cinq ans durant partie prenante du même gouvernement. On leur a même reproché d’avoir été plus gestionnaires que visionnaires et d’avoir abandonné certains des objectifs chers à l’électorat vert tel que la réduction des nuisances sonores de l’aéroport de Francfort.</p>
<p>Cette différence de traitement dans les urnes s’explique par la place qu’a prise dans les élections de Hesse la politique de la Grande coalition à Berlin. Les Verts apparaissent comme un parti auquel il est possible de faire davantage confiance qu’à ceux de la Grande coalition. Ils prennent d’ailleurs à peu près autant de voix à l’un qu’à l’autre : 101 000 au SPD, 92 000 à la CDU, alors que l’<a href="https://wahl.tagesschau.de/wahlen/2018-10-28-LT-DE-HE/index.shtml">AfD draine d’abord des électeurs à la CDU</a> et continue de mobiliser d’anciens abstentionnistes et des nouveaux électeurs.</p>
<h2>Une « bonne leçon au gouvernement fédéral</h2>
<p>Comme en Bavière, les résultats en Hesse constituent un désaveu certain du gouvernement fédéral. Ou plutôt « une bonne leçon » puisque 50 % des électeurs hessois ont confié à un institut de sondage avoir profité de ces élections régionales pour en donner une à la CDU-CSU et au SPD : il s’agissait de faire comprendre aux anciens partis que les citoyens en avaient assez du « spectacle lamentable » qu’ils avaient offert ces derniers mois avec leurs sempiternelles querelles quand les <a href="https://wahl.tagesschau.de/wahlen/2018-10-28-LT-DE-HE/index.shtml">Allemands attendent d’abord d’eux qu’ils trouvent des solutions aux problèmes du pays</a>.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/242736/original/file-20181029-76390-yeauud.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/242736/original/file-20181029-76390-yeauud.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=506&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/242736/original/file-20181029-76390-yeauud.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=506&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/242736/original/file-20181029-76390-yeauud.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=506&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/242736/original/file-20181029-76390-yeauud.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=636&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/242736/original/file-20181029-76390-yeauud.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=636&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/242736/original/file-20181029-76390-yeauud.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=636&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Bulletin de vote du dimanche 28 octobre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">DR</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le ministre-président chrétien-démocrate sortant de Hesse, Volker Bouffier, voit clairement dans les pertes de son parti « un appel en direction de Berlin à se réveiller ». Le ministre-président social-démocrate de Basse-Saxe, Stephan Weil, n’a pas hésité pour sa part à mettre en cause nommément le <a href="https://theconversation.com/apres-les-elections-en-baviere-une-scene-politique-allemande-en-pleine-ebullition-104994">ministre fédéral de l’Intérieur et président de la CSU, Horst Seehofer</a>, à l’origine des querelles au sein de la CDU-CSU et des tensions avec le SPD. La secrétaire générale de la CDU, Annegret Karren-Krampbauer, a laissé entendre à la télévision qu’il revenait à la CSU de régler en toute autonomie ses problèmes de personne.</p>
<h2>Quelle coalition en Hesse ?</h2>
<p>Les Chrétiens-démocrates ont pourtant la satisfaction de rester le premier parti du Land de Hesse et d’avoir ainsi, selon l’usage, la charge de former le gouvernement. La CDU dit vouloir engager des pourparlers avec tous les partis représentés au Landtag de Wiesbaden sauf avec l’AfD et avec La Gauche.</p>
<p>Plusieurs options s’offrent à elle : reconduire la coalition sortante (CDU-Verts) qui dispose juste de la majorité qualifiée nécessaire, négocier une coalition aux couleurs de la Jamaïque (noir, vert, jaune, soit CDU+Verts+FDP) lui garantissant une majorité plus large. Arithmétiquement parlant, la CDU pourrait également négocier avec le SPD une grande coalition.</p>
<p>De son côté, le SPD pourrait être tenté de former une coalition avec les Verts et le FDP. Tout comme, d’ailleurs, les Verts, à égalité de voix et de sièges au parlement de Wiesbaden avec le SPD, pourraient prendre l’initiative d’une telle coalition sous leur direction. Mais ce qui est arithmétiquement possible ne l’est pas forcément politiquement.</p>
<p>Le président fédéral des Verts, Robert Habeck, a ainsi exclu que son parti fasse appel au FDP dès l’instant qu’il n’a pas besoin de son appoint. Il s’était auparavant vivement querellé, lors d’un talk-show, avec son homologue du FDP, Christian Lindner, à l’origine de la rupture des pourparlers pour former une coalition aux couleurs de la Jamaïque après les élections fédérales de septembre 2017. FDP et Verts se perçoivent comme des partis rivaux.</p>
<h2>Angela Merkel fragilisée</h2>
<p>Une grande coalition des perdants comme à Berlin apparaît également peu vraisemblable : le SPD de Hesse ne voudra pas s’engager dans une aventure aussi risquée alors qu’au plan fédéral, la présidente du SPD, Andrea Nahles, visiblement sonnée par le score de son parti en Hesse, fait pression sur la CDU-CSU pour « mettre en place une feuille de route qui permette de vérifier, comme cela est prévu à mi-mandat, si le SPD a sa place dans cette coalition. »</p>
<p>Le SPD sait qu’il a besoin de s’affirmer par rapport à une CDU social-démocratisée et qu’il lui faut présenter des succès tangibles dans les domaines de la justice sociale, de la politique du logement, de l’école, mais aussi dans celui de la numérisation, etc. – autant d’objectifs qu’Angela Merkel dit également poursuivre !</p>
<p>Certains commentateurs prédisent un mois de novembre difficile pour une chancelière, à nouveau fragilisée. Celle-ci avait répété, dès avant le scrutin de dimanche, qu’il s’agissait d’une élection régionale. D’autant que la Hesse (4,4 millions d’électeurs) est un Land qui a connu dans le passé bien des sautes d’humeur, provoquant chez les chrétiens-démocrates comme chez les sociaux-démocrates et les libéraux des pertes ou des gains de l’ordre de 10 % (en 2009, 2009 ou 2013).</p>
<h2>Le « malus » Merkel</h2>
<p>Mais, comme le souligne le politologue de l’université de Duisburg-Essen, Karl-Rudolf Korte, il ne suffira pas à la Grande coalition de faire preuve de sa capacité à travailler dans une plus grande sérénité pour se défaire de la mauvaise image que les Allemands ont désormais d’elle et qu’il faut à la CDU un renouvellement à sa tête pour pouvoir prendre un nouvel élan. Il parle même <a href="https://www.zdf.de/nachrichten/heute-journal/heute-journal---wahl-in-hessen-vom-28-oktober-2018-100.html">du « malus »</a> que représenterait désormais Angela Merkel pour la CDU.</p>
<p>Tirant les conséquences du double désaveu de son parti en Bavière et en Hesse Angela Merkel a donc fait filtrer, le lendemain des élections, qu’elle ne serait pas candidate à la présidence de son parti lors de son congrès de décembre prochain.</p>
<p>Est-ce la bouffée d’oxygène qui doit lui permettre de poursuivre plus sereinement son travail de chancelière ? Mal aimée, la Grande coalition devrait se maintenir sous sa direction et chercher à reconquérir la confiance des Allemands. C’est théoriquement possible si le calme revient dans les rangs chrétiens-démocrates et sociaux-démocrates. Mais cela ne sera pas chose aisée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/105876/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Vaillant est secrétaire général de l'Association pour la connaissance de l'Allemagne d'aujourd'hui (ACAA), directeur de la revue «Allemagne d'aujourd'hui» et membre du centre de recherche pour l'étude civilisations, lettres et langues étrangères (CECILLE) de l'Université de Lille Sciences humaines et sociales. </span></em></p>Le scrutin en Hesse confirme l’établissement d’un système pluripartite à six dans les parlements régionaux d’Allemagne comme au parlement fédéral.Jérôme Vaillant, Professeur émérite de civilisation allemande, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1049942018-10-15T21:38:28Z2018-10-15T21:38:28ZAprès les élections en Bavière : une scène politique allemande en pleine ébullition<p>Défaites et victoires étaient annoncées lors des élections en Bavière du 14 octobre. À quelques nuances près, elles se sont produites comme les sondages le prédisaient dans ce Land de près de 13 millions d’habitants et de 9,5 millions d’électeurs.</p>
<p>Les Chrétiens-sociaux (CSU) perdent 10,5 points mais restent, malgré tout, la première force politique de Bavière, avec 37,2 % des suffrages. Les Verts gagnent 8,9 points par rapport à 2013 et occupent, avec 17,5 % des voix, la seconde place. Un succès annoncé mais peu commenté. Or ils sont les vrais gagnants de ces élections régionales.</p>
<p>Le SPD qui, depuis quinze ans ne parvenait pas à dépasser les 20 %, voit son résultat divisé par deux : il perd 10,9 points et n’obtient que 9,7 %, un résultat tel qu’il a même provoqué l’apitoiement du ministre-président CSU en exercice, Markus Söder. Longtemps, il a été possible d’expliquer l’incapacité du SPD bavarois par la suprématie incontournable de la CSU, ce n’est plus aujourd’hui possible et cela rend cette défaite historique du SPD plus cuisante encore.</p>
<p>Le parti populiste AfD reste, quant à lui, en dessous des pronostics : crédité jusqu’au soir des élections de 14 à 15 % des intentions de vote, il n’a obtenu que 10,2 % des voix – un résultat en net retrait par rapport aux 12,6 % obtenus aux élections fédérales du 24 septembre 2017 (12,4 % dans le seul État de Bavière). Certes l’AfD est désormais représentée dans tous les parlements régionaux d’Allemagne comme au Bundestag, mais sa montée apparaît aujourd’hui résistible.</p>
<p>Avec 5,1 % des voix, les Libéraux (FDP) parviennent de justesse à être représentés au Landtag de Munich, tandis que La gauche (Die Linke), malgré une progression de 1,1 point (pour un total de 3,2 %), reste en deçà du seuil des 5 %.</p>
<p>Peu représentée au niveau fédéral, mais très active en Bavière depuis la fin des années 1990, la formation des Électeurs indépendants (Freie Wähler, FW) progresse de 2,6 points et occupe, avec 11,6 % des voix, la troisième place derrière la CSU et les Verts. Ce score est d’autant plus important que nombre de ses adhérents sont d’anciens membres de la CSU qu’ils ont quittée en raison de désaccord sur ses évolutions. Ils apprécieront sans doute de devenir la force d’appoint dont la CSU aura besoin désormais pour gouverner…</p>
<p>La CSU a annoncé, le soir même des élections, son intention de constituer avec elle un gouvernement de coalition. Un appel entendu, la FW ayant déjà réclamé, par la voix de son président Hubert Aiwanger, trois postes de ministres.</p>
<h2>L’erreur insigne de la CSU</h2>
<p>Un premier constat s’impose : l’Allemagne va bien mais son électorat n’a, en 2017, renouvelé qu’en rechignant sa confiance à Angela Merkel. La Bavière se porte encore mieux que l’ensemble de l’Allemagne, mais son électorat a fortement réduit la confiance qu’il avait dans un parti pourtant étroitement associé à son succès économique : croissance de 2,8 %, taux de chômage de 2,8 % également, le plein emploi dans un Land qui – avec un PIB de près de 600 milliards d’euros en 2017 – participe le plus fortement à l’ensemble du PIB allemand.</p>
<p>Selon les études faites par l’Institut Infratest-dimap pour la première chaîne de télévision allemande (ARD), la CSU a commis l’insigne erreur de miser sur un seul sujet, celui de l’immigration, pour contrer la montée du populisme dans le pays. Un choix personnifié par le président du parti, Horst Seehofer, à qui 66 % des personnes interrogées reprochent la <a href="https://www.tagesschau.de/inland/wahl-bayern-analyse-101.html">zizanie qu’il a semée au sein du gouvernement fédéral en ne cessant d’attaquer la chancelière sur ce point</a>. Pour 56 % des électeurs, c’est bien lui qui porte la plus grande part de responsabilité dans l’état actuel de la CSU, loin devant Angela Merkel avec 24 % et Markus Söder avec 8 %.</p>
<p>Élu ministre-président depuis seulement quelques mois, celui-ci n’a pas encore acquis la confiance des Bavarois. Il a, de plus, le handicap d’être originaire de Franconie, souvent en délicatesse avec la Bavière historique. La CSU a surtout perdu des voix <a href="https://www.tagesschau.de/inland/waehlerwanderung-bayern-101.html">au profit des Électeurs indépendants (220 000), des Verts (190 000) et de l’AfD (160 000)</a>.</p>
<h2>La politique migratoire, quatrième sujet de préoccupation des Bavarois</h2>
<p>C’est quasiment pour la même raison que la CSU que l’AfD n’a pas progressé : elle a misé uniquement sur le thème de la politique migratoire alors que ce n’était que le <a href="http://www.tagesschau.de/multimedia/bilder/uvotealbum-977.html">quatrième sujet de préoccupation des Bavarois</a>, loin derrière l’école, le logement et le climat.</p>
<p>Le SPD bavarois a, en gros, les mêmes problèmes que le SPD au niveau national quand Martin Schulz en était le président. Sa présidente, Natascha Kohnen, a acquis une certaine réputation mais, pour 80 % des électeurs, elle n’est pas arrivée à préciser ce pourquoi le SPD se battait, faute d’un grand thème central mobilisateur. Ce sont les Verts à qui revient la palme de défendre la justice sociale, le thème historique du SPD.</p>
<p>Et ce sont les Verts, justement, qui se sont trouvés le <a href="https://www.tagesschau.de/inland/gruene-bayern-101.html">plus en adéquation avec leur électorat</a> qui leur reconnaît le plus de compétences en matière de défense de l’environnement, du climat et… de justice sociale, ainsi que pour promouvoir une politique sociale du logement.</p>
<p>Près de 60 % des électeurs verts appelaient de leur vœu la formation d’une coalition entre les Verts et la CSU pour infléchir la politique de cette dernière. C’est désormais un vœu pieux, quand bien même Markus Söder entamerait-il des pourparlers avec tous les partis représentés au Landtag de Munich, sauf l’AfD.</p>
<h2>Le patron de la CSU dans la tourmente</h2>
<p>Quelles seront les conséquences du scrutin bavarois au plan national ? L’analyse réalisée par l’Institut Infratest-dimap fournit un premier élément de réponse : elle confirme en effet deux choses essentielles. La première : ce n’est plus la politique migratoire qui importe – Angela Merkel a d’ailleurs fortement infléchi sa ligne depuis 2015. Les électeurs souhaitent passer à d’autres sujets tels que l’environnement et le climat.</p>
<p>Ils n’admettent pas non plus qu’un ministre fédéral sème la discorde dans son propre camp à des fins opportunistes et fasse de sa querelle personnelle avec la chancelière la référence de toute chose. Les premières voix se font, d’ailleurs, entendre au sein de la CSU pour réclamer son retrait de la présidence de la CSU. Ce qui induirait forcément son retrait du gouvernement fédéral.</p>
<p>Le débat qui est ouvert n’est donc pas celui de la succession d’Angela Merkel, mais bien celle de Horst Seehofer. Certes, de nouvelles échéances attendent la chancelière : tout d’abord les élections en Hesse le 28 octobre prochain, un Land actuellement dirigé par une coalition CDU-Verts ; puis le Congrès fédéral de la CDU en décembre au cours duquel Angela Merkel, soutenue en cela par de nombreux ministres-présidents chrétiens-démocrates, briguera à nouveau la présidence.</p>
<p>Mais ce Congrès sera, à n’en pas douter, un champ ouvert pour ses opposants internes. D’autres candidats se sont déjà déclarés pour favoriser le renouveau du parti. Leurs scores seront scrutés à la loupe.</p>
<h2>Le pluripatisme à la hausse</h2>
<p>À lire et entendre les prises de position des différents leaders politiques allemands au lendemain des élections bavaroises, on ne peut que constater une certaine humilité face aux résultats de chaque formation.</p>
<p>Les deux partis de la coalition gouvernementale à Berlin ont perdu ensemble 21,4 points, un désaveu que ceux-ci ne peuvent ignorer. Mais à Munich, c’est la CSU plus que la CDU qui est mise en cause. On entend, par ailleurs, peu de voix qui appellent sérieusement à la fin de la grande coalition, un événement qui plongerait plus encore le pays dans les incertitudes d’élections anticipées.</p>
<p>Les seuls à remettre vraiment en cause la grande coalition sont ceux-là même qui en ont contesté la formation dès le départ : les représentants de l’aile gauche du parti et, en tout premier lieu, le président des Jeunes sociales, Kevin Kühnert. Ces derniers estimaient que le SPD n’avait rien à gagner à faire cause commune avec la CDU/CSU. La grande coalition risque donc de continuer, bon an mal, an son bonhomme de chemin, sans trouver de nouvel élan libérateur.</p>
<p>Les seuls à pouvoir se réjouir au lendemain des élections bavaroises sont les Verts, même s’ils ne disposent pas de stratégie de retour au pouvoir.</p>
<p>Les résultats du scrutin bavarois montrent aussi que l’électorat allemand en se tournant vers d’autres sujets que les problèmes migratoires s’oppose majoritairement à l’ascension du populisme de droite. La marche de Berlin, le 13 octobre, contre la xénophobie et le racisme est davantage significative, illustrant l’attachement à la démocratie, que les accès de fièvre extrémistes de Chemnitz et Köthen, en Allemagne de l’Est.</p>
<p>Les regards se tournent désormais vers la Hesse, un Land de plus de 6 millions d’habitants représentant un PIB de plus de 200 milliards d’euros, où le sondage le plus récent (datant du 3 octobre 2018) fournit la <a href="https://www.wahlrecht.de/umfragen/landtage/hessen.htm">photographie suivante</a> : CDU à 29 % ; SPD à 23 % ; Verts à 18 % ; AfD à 13 % ; FDP à 6 % ; La Gauche à 6 %.</p>
<p>La répartition des voix sur quatre formations rivalisant d’importance et deux autres de taille moyenne confirme bien l’évolution du système partisan allemand vers le pluripartisme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/104994/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Vaillant est secrétaire général de l'Association pour la connaissance de l'Allemagne d'aujourd'hui (ACAA), directeur de la revue «Allemagne d'aujourd'hui» et membre du centre de recherche pour l'étude civilisations, lettres et langues étrangères (CECILLE) de l'Université de Lille Sciences humaines et sociales. </span></em></p>Les résultats du scrutin de dimanche en Bavière témoignent de l’évolution du système partisan allemand vers le pluripartisme.Jérôme Vaillant, Professeur émérite de civilisation allemande, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1046422018-10-12T09:38:53Z2018-10-12T09:38:53ZL’Allemagne, un pays d’immigration qui s’assume au-delà des tensions<p><a href="https://www.letelegramme.fr/monde/allemagne-la-tension-ne-retombe-pas-a-chemnitz-09-09-2018-12072047.php">Les images des incidents de Chemnitz</a> inquiètent à juste titre en France. Tout événement pouvant rappeler le passé nazi de l’Allemagne doit être analysé avec la plus grande attention, sans toutefois donner lieu à la surinterprétation. Prenons garde, notamment, à l’essentialisme qui menace parfois d’affleurer lorsque l’on regarde l’Allemagne depuis la France.</p>
<h2>Un pays ouvert à l’immigration</h2>
<p>L’Allemagne est aujourd’hui un pays extrêmement diversifié qui compte parmi sa population une part d’immigrés plus importante que la France <a href="https://www.oecd.org/fr/migrations/indicateursintegration/indicateursclesparpays/name,219043,fr.htm">selon l’OCDE</a>. En 2017, 19,3 millions de personnes (<a href="https://www.bpb.de/wissen/NY3SWU,0,0,Bev%F6lkerung_mit_Migrationshintergrund_I.html">23,5 % de la population</a>) étaient issues de l’immigration en Allemagne (immigrés ou enfants d’immigrés), dont 9,8 millions d’Allemands (12 %) et 9,4 millions d’étrangers (11,5 %).</p>
<p>La crise des réfugiés de 2015 n’est pas la première du genre en Allemagne depuis 1945. Sans remonter à l’arrivée des « Vertriebenen » (les « Expulsés ») dans l’immédiat après-guerre, chassés des anciens territoires allemands d’Europe de l’Est, il est intéressant de comparer la crise des réfugiés des années 1990 avec la situation actuelle.</p>
<p>En effet, entre les deux crises, de profondes mutations se sont produites en Allemagne : le pays se considère désormais officiellement comme un pays d’immigration, il a mis en œuvre une politique d’intégration, tente d’organiser ses relations avec les responsables du culte musulman, etc.</p>
<h2>La violence d’extrême droite dans les années 90</h2>
<p>Dans les années 90, au lendemain de la réunification, l’Allemagne accueille la majorité des réfugiés au sein de l’Union européenne : plus de 400 000 demandes d’asile en 1992, plus de 300 000 en 1993 par exemple (issues notamment de l’ex-Yougoslavie).</p>
<p>De plus, suite à l’effondrement de l’Union soviétique, des citoyens des anciennes républiques communistes aux lointaines origines allemandes font usage de leur droit à regagner l’Allemagne (environ 200 000 personnes par an entre 1991 et 1995) : ce sont les « Aussiedler », puis les « Spätaussiedler » (les « Rapatriés » et les « Rapatriés tardifs »).</p>
<p>C’est dans ce contexte qu’on assiste à la montée de la violence d’extrême droite dans le pays. A Rostock, près de 3000 habitants applaudissent l’incendie d’un foyer qui abrite des immigrés vietnamiens en août 1992. Ailleurs en Allemagne, y compris à l’Ouest, des étrangers ou des immigrés sont victimes de la violence de groupes d’extrême droite. La même année, à Mölln (Nord), par exemple, deux familles turques périssent dans l’incendie criminel de leur maison.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/3d55lApFuiU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>A l’époque, le chancelier allemand Helmut Kohl n’avait pas jugé pertinent de participer aux obsèques des membres de ces deux familles. Le journaliste Christian Jakob estime à plus d’une trentaine le nombre de victimes de l’extrême droite en 1992 si bien que l’on a pu parler d’une <a href="http://www.bpb.de/shop/zeitschriften/apuz/223928/zufluchtsgesellschaft-deutschland">« ambiance de pogroms »</a>.</p>
<p>Sur le plan politique, la situation a mené à un durcissement de la politique de l’asile connu sous le nom de l’« Asylkompromiss » (le compromis sur l’asile), en 1993.</p>
<p>Toutefois, la violence d’extrême droite n’a pas pris fin dans les années 90, comme l’ont montré les meurtres de la NSU, une organisation terroriste d’extrême droite née en Allemagne de l’Est. Celle-ci est responsable du meurtre de 9 immigrés entre 2000 et 2006. A l’époque, la police allemande n’a pas pris au sérieux le motif raciste de ces actes (comme l’a illustré le cinéaste Fatih Akin <a href="http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=231371.html">dans son film <em>In the Fade</em></a>), se montrant incapable de repérer les liens qui unissaient les différentes affaires.</p>
<p>C’est seulement à la suite du suicide de deux membres de ce groupuscule que le scandale a éclaté. Il a débouché, en 2018, sur la condamnation à la prison à perpétuité du seul membre du groupe vivant, Beate Zschäpe. En 2012, une cérémonie officielle à laquelle participait Angela Merkel avait été organisée en mémoire des victimes.</p>
<h2>La rupture du début des années 2000</h2>
<p>L’arrivée au début des années 2000 de la coalition rouge-verte au pouvoir, qui associe le SPD aux Verts, a marqué un tournant majeur dans la politique migratoire de l’Allemagne. Depuis 2005 et la promulgation d’une loi sur l’immigration, l’Allemagne est devenue officiellement un pays d’immigration, ce qu’elle était dans les faits depuis bien longtemps.</p>
<p><a href="http://kjbade.de/">Selon l’historien Klaus Bade</a>, qui avait appelé avec d’autres chercheurs à ce que la classe politique allemande reconnaisse le fait migratoire dans le « Manifeste des 60 » dès 1993, il s’agit là d’un pas essentiel mais qui arrive bien tard. En effet, la République fédérale allemande avait signé, à partir de 1955, des accords de recrutement de travailleurs étrangers avec de nombreux pays tels que l’Italie, la Turquie ou la Grèce.</p>
<p>Mais les politiciens allemands considéraient cette immigration comme temporaire. Or, à la suite du choc pétrolier de 1973, ces travailleurs sont restés en Allemagne, ont fait venir leur famille, si bien que l’Allemagne s’est retrouvée avec une immigration de fait, mais sans politique d’intégration.</p>
<p>Les communes ne restaient certes pas inactives, mais c’est bien au début des années 2000 que la politique d’intégration s’est considérablement développée au niveau national. Ce mouvement a ensuite été amplifié, en 2014, avec l’introduction de la double nationalité, sous la pression du SPD, pour tous les enfants de parents étrangers ayant obtenu un diplôme en Allemagne, suivi leur scolarité dans le pays pendant six ans ou bien vécu sur place pendant huit ans.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/LLRFLNf7qZg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Cette nouvelle législation rendait ainsi caduc le système de l’« Optionspflicht » introduit sous Gerhard Schröder en 2000 : jusqu’en 2014, les jeunes de deux parents étrangers obtenaient la nationalité allemande à leur naissance, mais à leur majorité ils devaient choisir entre la nationalité allemande et celle de leurs parents. Un choix considéré par beaucoup comme particulièrement injuste.</p>
<p>Par ces diverses mesures, l’Allemagne s’est ainsi rapprochée de façon décisive, au début du XXI<sup>e</sup> siècle, de la situation des pays d’immigration classiques.</p>
<h2>Le pari d’Angela Merkel</h2>
<p>Lorsqu’Angela Merkel prend la décision, en août 2015, de ne pas fermer les frontières de l’Allemagne aux réfugiés syriens, elle est donc à la tête d’un pays qui a accompli des pas importants dans la reconnaissance de sa diversité et d’une société qui se considère majoritairement comme ouverte et tolérante.</p>
<p>Toutefois, les conflits et les polémiques n’ont jamais cessé outre-Rhin avec les débats sur l’idée d’une culture de référence (« Leitkultur ») et sur l’existence de sociétés parallèles (« Parallelgesellschaften »), mais aussi les craintes exprimées par certains d’une islamisation rampante de l’Allemagne attisées par les écrits de <a href="http://www.thilo-sarrazin.de/">Thilo Sarrazin</a> qui a vendu de très nombreux exemplaires de son ouvrage <em>Deutschland schafft sich ab</em> (« L’Allemagne s’auto-détruit ») en 2010 (et qui réitère son succès en 2018 avec un brûlot anti-islam). Sans oublier l’aveu d’échec de la chancelière Angela Merkel elle-même <a href="http://www.lefigaro.fr/international/2010/10/17/01003-20101017ARTFIG00129-angela-merkel-admet-l-echec-du-multiculturalisme-allemand.php">à propos du « multiculturalisme »</a>.</p>
<p>Toujours est-il qu’Angela Merkel prend, à l’été 2015, la décision d’accueillir les réfugiés, une décision d’abord largement approuvée par la population allemande, avant de susciter de fortes interrogations.</p>
<p>Or, il faut souligner que sans l’engagement de très nombreux bénévoles en faveur de l’accueil des réfugiés, les structures publiques auraient été complètement dépassées par l’ampleur de la tâche. L’Église protestante (très active dans le domaine social, comme l’Église catholique) estime que <a href="https://www.welt.de/politik/deutschland/article150200411/Viele-Deutsche-helfen-haben-aber-auch-Angst.html">10 % des Allemands ont participé personnellement</a> à des actions en faveur de l’accueil des réfugiés.</p>
<p>Ce mouvement de solidarité a été rendu possible grâce au développement des initiatives locales depuis les années 70 après la révolte étudiante, renforcé par la mise en place de programmes tels que <a href="https://www.staedtebaufoerderung.info/StBauF/DE/Programm/SozialeStadt/soziale_stadt_node.html">« Soziale Stadt »</a>, qui reposent sur la mise en réseau et l’activation des acteurs locaux dans les territoires en difficulté.</p>
<h2>Le temps de la désillusion</h2>
<p>Mais à l’engouement initial a vite succédé la désillusion, accrue par les <a href="https://theconversation.com/angela-merkel-face-a-leffritement-de-la-culture-de-laccueil-53341">événements du réveillon de la Saint-Sylvestre 2015</a> où des hommes, dont de nombreux réfugiés, s’en sont pris à des femmes allemandes, quelques heures après qu’Angela Merkel avait répété dans son allocution télévisée pour la nouvelle année que leur arrivée était une « chance pour l’Allemagne ».</p>
<p>Dans un contexte général de baisse de la criminalité en Allemagne, on constate cependant une hausse des faits impliquant <a href="http://www.spiegel.de/panorama/justiz/kriminalitaet-in-deutschland-die-fantasiezahlen-des-donald-trump-a-1213951.html">des étrangers</a>, surreprésentés (avec de fortes variations en fonction des pays d’origine). Beaucoup d’Allemands prennent alors conscience que l’intégration des réfugiés va demander du temps, que l’insertion professionnelle avance doucement, etc.</p>
<p>Au plan politique, ce changement d’ambiance se traduit par les difficultés politiques d’Angela Merkel, en fin de règne, péniblement réélue fin 2017 et attaquée par ses partenaires historiques de la CSU, en difficulté pour constituer une coalition gouvernementale avec un Bundestag qui compte désormais plus de 90 députés d’extrême droite, une première dans l’après-guerre.</p>
<p>Lors des élections législatives, l’<a href="https://theconversation.com/lafd-radiographie-dun-ovni-politique-en-allemagne-88196">AfD</a>, revigorée par la crise migratoire, fait en effet un score à deux chiffres (12,6 %), enregistrant de bons résultats dans l’ex-RDA (supérieurs à 18 % dans tous les <em>Länder</em> de l’Est, sauf Berlin, et même jusqu’à 27 % en Saxe), mais pas seulement. L’AfD est aussi représentée dans de nombreux parlements régionaux d’Allemagne de l’Ouest.</p>
<p><a href="https://www.svr-migration.de/presse/presse-svr/ib2018/">Le baromètre de l’intégration</a> de septembre 2018 montre toutefois qu’une majorité d’Allemands reste favorable à l’accueil des réfugiés, tout en souhaitant une réduction du nombre d’arrivées.</p>
<h2>Les mystères de la Saxe</h2>
<p>C’est à Dresde, en Saxe, que le mouvement <em>Pegida</em> a été lancé, détournant le slogan « Wir sind das Volk ! » (« Nous sommes le peuple ! ») de la révolution pacifique de 1989-1990 dans un sens xénophobe et populiste. C’est aussi en Saxe que certains groupes d’extrême droite s’en sont pris à des foyers de réfugiés <a href="https://www.20minutes.fr/monde/1672959-20150826-incidents-racistes-allemagne-president-denonce-face-sombre-pays">comme à Heidenau</a>, suscitant la venue d’Angela Merkel, huée lors de sa visite, ou bien ont protesté de façon violente dans une véritable chasse à l’homme contre les migrants à Chemnitz.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/nMjhNY0XXLQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Cette concentration – non-exclusive – de manifestations en Saxe interroge. Le taux de chômage n’y est pas élevé (5,8 % pour l’ensemble de la population locale, 7,3 % pour les jeunes en août 2018). De plus, la part de la population immigrée et étrangère y est beaucoup plus faible que dans d’autres régions allemandes.</p>
<p>Mais les zones rurales connaissent de vraies difficultés. Beaucoup de jeunes partent encore à l’Ouest, où les opportunités professionnelles sont plus nombreuses. Et la politique d’aide locale peut paradoxalement y être perçue comme une forme d’abandon par la puissance publique des zones en difficulté (Chemnitz et Heidenau sont concernées par le programme « Soziale Stadt »), alors que les groupes d’extrême droite s’engagent parfois dans le soutien associatif au plus près des populations.</p>
<p>Surtout, ces personnes qui soutiennent aujourd’hui l’extrême droite ont vécu l’effondrement du communisme, l’introduction de l’économie de marché dont elles n’avaient pas la culture. Elles ont vécu de nombreuses années dans un système où le rôle de l’État n’avait rien à voir avec celui qu’il a dans une République fédérale marquée par l’idée de subsidiarité et d’auto-responsabilisation des acteurs. Elles se perçoivent comme des perdants de la réunification, des perdants de la mondialisation et idéalisent parfois le passé communiste. En définitive, elles estiment qu’Angela Merkel, « la fille de l’Est », les a trahies.</p>
<p>En RDA, les travailleurs immigrés vietnamiens ou mozambicains étaient tenus à l’écart. Ainsi, si une travailleuse étrangère venait à tomber enceinte, elle devait avorter ou bien rentrer dans son pays. La confrontation avec la diversité culturelle vient donc pour la plupart après la réunification.</p>
<p>Beaucoup d’immigrés turcs, partis dans les nouveaux <em>Länder</em> juste après la réunification afin d’y faire des affaires (y ouvrant, par exemple, des magasins de primeurs), le savent bien : ils y ont été accueillis froidement, les vitrines de leurs magasins ont parfois été saccagées et nombre d’entre eux sont finalement rentrés à l’Ouest. Vingt-huit ans après la réunification, rien n’aurait donc changé ?</p>
<h2>Des tensions, mais pas de panique !</h2>
<p>Ce n’est pas notre analyse. Les tensions sont bien présentes, les manifestations de rejet et la violence également, y compris à l’Ouest. On a enregistré depuis 2015 de très nombreuses attaques contre des réfugiés ou leurs résidences. Mais, contrairement à l’année 1992, il n’y a pas eu, à notre connaissance, de victimes parmi les réfugiés depuis la crise de 2015, même si on dénombre des blessés.</p>
<p>La violence verbale s’est certes accrue avec l’arrivée de l’AfD au Bundestag qui dispose ainsi d’une résonance nouvelle. Si ce mouvement d’extrême droite possède un fort pouvoir de nuisance, et si l’on assiste à un effritement de la position des partis traditionnels, on ne peut toutefois pas parler d’effondrement : 41 % des Allemands soutiennent toujours les deux principaux partis au pouvoir, <a href="https://www.tagesschau.de/inland/deutschlandtrend-1405.html">d’après un sondage de l’ARD datant d’octobre 2018</a>. Il s’agit néanmoins du pire score historique jamais enregistré dans une enquête d’opinion par la grande coalition, tandis que les Verts progressent (17 %) et que l’AfD reste stable (16 %).</p>
<p>Quels enseignements pourra-t-on tirer des élections régionales qui se déroulent en Bavière ce dimanche 14 octobre ? Confirmeront-elles l’embellie des Verts dans les sondages ? Quelles seront les répercussions de ce scrutin sur la politique allemande au niveau fédéral ? Et quel sera, notamment, le sort réservé à l’encombrant ministre de l’Intérieur, issu des rangs de la la CSU, Horst Seehofer ?</p>
<p>Quel que soit le résultat, la démocratie allemande est forte, les positions exprimées y sont souvent très tranchées. Mais les protections constitutionnelles sont élevées et la société civile est prête à faire entendre sa voix.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/104642/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Sellier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’Allemagne, qui se considère officiellement comme un pays d’immigration, a mis en œuvre une politique d’intégration, et tente d’organiser ses relations avec les responsables du culte musulman.Julien Sellier, MCF d'allemand, Faculté d'AEI, IMAGER, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1037492018-09-27T21:34:22Z2018-09-27T21:34:22ZEn Allemagne, la résistible ascension de l’extrême droite<p>Procédons, pour commencer, à un bref rappel historique. L’Alternative für Deutschland (AfD, Alternative pour l’Allemagne) est un parti politique qui a été fondé en février 2013. Très rapidement, celui-ci va s’emparer des thèmes de campagne propres aux partis d’extrême droite en Europe tels que l’immigration, la sécurité ou encore l’opposition entre « élites politiques et peuple allemand ».</p>
<p>Lors des élections législatives de 2017, l’AfD fait une entrée historique au Bundestag. Le tout « jeune parti » est devenu la troisième force politique au Parlement. Avec 12,6 % des voix, l’AfD s’est placée derrière les sociaux-démocrates du SPD, crédités de 20,5 %. Si le mouvement de la chancelière Merkel, la CDU avec 33 % des suffrages est resté le premier parti, il va vite se retrouver en <a href="http://www.spiegel.de/politik/deutschland/bundestagswahl-2017-alle-ergebnisse-im-ueberblick-a-1167247.html">difficulté face à cette percée inédite de l’extrême droite</a>. De ce fait, l’Allemagne est alors entrée dans une <a href="https://www.zdf.de/kinder/logo/deutschlands-neue-regierung-100.html">crise politique sans précédent</a> qui a duré près de 6 mois avant de pouvoir retrouver une stabilité et surtout un gouvernement.</p>
<p>Par ailleurs, comme le reste de l’Europe, elle a été frappée de plein fouet par la crise migratoire qui a eu des répercussions sur la politique menée par la chancelière Merkel et qui a permis à l’AfD de conquérir une place encore plus grande auprès de l’opinion publique. A l’été 2018, comme en écho à cette montée extrémiste se sont multipliées dans différentes villes d’Allemagne des manifestations anti-migrants.</p>
<h2>Une alternative de plus en plus crédible</h2>
<p>Rien d’étonnant, dès lors, à ce que Chemnitz (anciennement Karl-Marx-Stadt au temps de la République démocratique allemande) ait été un lieu de rassemblements contre les migrants. Dans ce lieu symbolique politiquement puisqu’ancienne ville de la RDA socialiste, l’extrême droite ne cesse depuis la chute du mur de Berlin de s’implanter et d’obtenir de bons scores.</p>
<p>Ainsi, il n’est gère surprenant d’avoir vu participer aux différentes manifestations des militants et cadres de l’AfD, des néonazis, des skinheads ou encore des membres du mouvement de droite populiste Pegida (Européens patriotes contre l’islamisation de l’Occident). Depuis le début de la crise migratoire en Europe, l’AfD a fait de ce thème son cheval de bataille.</p>
<p>Face à une chancelière Merkel bousculée même dans son propre camp par son « aile droite conservatrice », l’extrême droite s’est peu à peu imposée comme étant une alternative crédible. Les participations de l’AfD aux manifestations dans différentes villes sont d’ailleurs payantes puisque le parti talonnerait, <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2018/08/30/a-chemnitz-l-extreme-droite-a-nouveau-dans-la-rue-contre-la-politique-migratoire-de-merkel_5348266_3214.html">d’après certains sondages</a>, le SPD.</p>
<h2>Mobilisation tous azimuts sur les réseaux sociaux</h2>
<p>Le grand quotidien de la presse allemande, <em>Die Zeit</em>, n’a pas manqué de mettre l’accent sur ces manifestations par un titre accablant : « Der Abend, an dem der Rechtsstaat aufgab » (Le soir où l’État de droit a abdiqué). Ce titre symbolise bien le climat actuel qui domine en Allemagne avec l’expansion de l’extrême droite, et un <a href="https://www.zeit.de/gesellschaft/zeitgeschehen/2018-08/chemnitz-rechte-demonstration-ausschreitungen-polizei">gouvernement acculé de plus en plus à la défensive</a>.</p>
<p>Ainsi, l’AfD mène une lutte sans relâche contre la chancelière Merkel, accusée d’avoir favorisé l’accueil de plus d’un million de demandeurs d’asile. Elle est, à ses yeux, responsable de tous les crimes perpétrés par les étrangers. De fait, chaque fait divers est l’<a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2018/08/30/a-chemnitz-l-extreme-droite-a-nouveau-dans-la-rue-contre-la-politique-migratoire-de-merkel_5348266_3214.html">occasion pour ce parti</a> de pointer du doigt et de critiquer la politique migratoire du gouvernement et ce, uniquement à des fins électoralistes.</p>
<p>De plus, l’AfD a un avantage sur les deux autres partis traditionnels allemands que sont la CDU et la SPD : sa capacité à mobiliser ses militants sur les réseaux sociaux, permettant de transmettre l’information, et plus exactement leur idéologie, au plus grand nombre. YouTube est le réseau préféré de l’AfD qui peut mettre en ligne beaucoup de vidéos, dont des « fake news », le <a href="https://www.20minutes.fr/high-tech/2337067-20180915-allemagne-comment-extreme-droite-sert-youtube-attiser-mobilisation-anti-migrants">seul but étant d’inonder les médias du thème de l’immigration afin de faire réagir et d’arriver à créer le « buzz »</a>. Et c’est précisément cette capacité de mobilisation qui peut expliquer en partie la montée de l’AfD dans l’opinion publique.</p>
<h2>Une relation des plus ambiguës avec le nazisme</h2>
<p>Le climat politique actuel en Allemagne semble profiter à l’AfD : une chancelière en fin de règne, des sociaux-démocrates qui peinent à exister sur la scène politique, un pays divisé sur le sujet des accueils des réfugiés. Dès lors, pour un grand nombre d’Allemands l’extrême droite apparaît comme une solution plausible.</p>
<p>Mais un frein demeure : l’AfD, tout comme son voisin autrichien du FPÖ (Parti de la liberté d’Autriche), entretient une relation ambiguë avec le nazisme par ses comportements xénophobes et antisémites. Lors des dernières manifestations, des slogans ont été scandés dans la foule et on a pu voir des saluts nazis. L’AfD n’a à ce sujet pas souhaité réagir, <a href="https://www.t-online.de/nachrichten/deutschland/gesellschaft/id_84455390/kundgebung-in-chemnitz-tausende-folgen-protestaufruf-hitlergruss-gezeigt.html">esquivant volontairement ces questions</a>.</p>
<p>Cette ambiguïté ne date pas d’aujourd’hui car rappelons tout de même que de nombreux cadres du parti n’ont jamais montré leur inimitié à l’égard de l’idéologie national-socialiste. En pleine campagne des législatives en 2017, Alexander Gauland, le leader de l’extrême droite habitué aux sorties provocatrices et polémiques (un peu comme Jörg Haider en son temps) avait vanté les <a href="http://www.europe1.fr/international/allemagne-le-leader-de-lextreme-droite-compare-hitler-a-une-fiente-doiseau-3670112">mérites des soldats de la Wehrmacht</a>.</p>
<h2>Soupçons de collusion avec les services secrets</h2>
<p>Il y a quelque temps, un autre cadre du parti, Björn Höcke, s’était singularisé par son antisémitisme. Il avait comparé le monument au cœur de Berlin dédié aux victimes de l’Holocauste à un <a href="https://www.nytimes.com/2017/12/25/world/europe/germany-bjorn-hocke-bornhagen.html">« mémorial de la honte »</a>, ce qui avait suscité de vives réactions de la part nombreuses personnalités politiques et au sein de la population en général.</p>
<p>Enfin tout récemment encore, Hans-Georg Maassen, le patron du renseignement allemand, a été destitué par la chancelière Angela Merkel, après la polémique sur l’existence de « chasses collectives » d’immigrés à Chemnitz et des soupçons de collusion avec l’AfD. L’ancien chef du renseignement avait relativisé l’ampleur des attaques néonazies à Chemnitz lors des manifestations.</p>
<p>De plus, il aurait divulgué des informations confidentielles à des cadres et députés issus de l’AfD. <a href="https://www.morgenpost.de/politik/article215102067/Wie-nah-steht-Verfassungsschutzchef-Maassen-der-AfD.html">En effet, il aurait expliqué comment faire pour que l’AfD" échappe à la surveillance du Bundesamt für Verfassungsschutz (l’Office fédéral de protection de la constitution).</a> Cette institution a, entre autres, pour mission de vérifier que les partis politiques allemands n’ont pas d’intentions antidémocratiques qui pourraient mettre en péril la pérennité de la République fédérale d’Allemagne.</p>
<p>Les missions principales de l’Office fédéral de protection de la constitution sont la collecte et la valorisation de renseignements concernant les activités extrémistes et hostiles à la constitution, c’est-à-dire notamment des activités politiques qui mettent en danger, par leurs orientations antidémocratiques, la réputation ou la sécurité, ou encore l’existence même de la République fédérale d’Allemagne</p>
<p>Depuis de nombreux jours, le SPD demandait son éviction. Angela Merkel a finalement pris la décision de lui retirer son poste pour ensuite le nommer Secrétaire d’État au ministère de l’Intérieur – une <a href="https://www.theguardian.com/world/2018/sep/18/germanys-domestic-spy-chief-hans-georg-maassen-chemnitz">décision qui suscite la polémique en Allemagne</a>.</p>
<h2>La bataille des idées</h2>
<p>La situation se tend en Allemagne. Après avoir fait son entrée historique au Bundestag lors des dernières élections législatives, l’AfD met fin peu à peu à la bipolarisation allemande (CDU/SPD) et tente ainsi de s’imposer sur l’échiquier politique local.</p>
<p>Maniant les provocations et une excellente communication politique, ce nouveau parti pourrait, dans les prochains mois, remporter de nombreux combats électoraux au niveau local. Aujourd’hui, l’AfD mène la bataille des idées et les impose dans le débat politique, imitant en cela le même phénomène que l’on a pu observer en Autriche avec le FPÖ.</p>
<p>Les prochaines « Landtagswahl » (élections législatives régionales) en Bavière auront lieu le 14 octobre prochain. Depuis quelques mois, la CSU (l’Union chrétienne-sociale), alliée conservateur de la CDU, ne cesse de baisser dans les enquêtes d’opinion. <a href="https://www.merkur.de/politik/landtagswahl-umfrage-in-bayern-soeders-csu-rauscht-weiter-ab-afd-holt-auf-zr-10105575.html">Un sondage de l’Institut INSA/Bild en date du 26 septembre 2018</a> montre ainsi que la CSU serait à 34 % d’intention de vote, bien loin des 47,7 % obtenus lors des élections en 2013. Cette baisse profiterait à Bündnis 90/Die Grünen (Alliance 90/Les Verts) créditée de 17 %. L’AfD, qui n’existait pas encore lors du scrutin régional de 2013, pourrait quant à elle recueillir 14 % des suffrages.</p>
<p>En cas de nouvelle percée de l’AfD, cette fois en Bavière, se posera inévitablement la question de l’avenir de la coalition CDU/SPD actuellement au pouvoir en Allemagne. Cette élection pourrait-elle provoquer la chute d’Angela Merkel ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/103749/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benjamin Rojtman-Guiraud est conseiller municipal LR de la ville de Maxéville (54). Également Directeur de cabinet du Maire de Remiremont (88.</span></em></p>Maniant les provocations et une excellente communication politique, l’AfD pourrait, dans les prochains mois, remporter de nombreux combats électoraux au niveau local.Benjamin Rojtman-Guiraud, Doctorant en Sciences politiques, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1037452018-09-23T19:19:46Z2018-09-23T19:19:46ZEn Allemagne, une scène politique de plus en plus éparpillée<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/237609/original/file-20180923-129850-1johbhu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C6%2C2029%2C1355&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Horst Seehofer (ici en 2016), le leader de la CSU, allié de plus en plus encombrant d'Angela Merkel.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/andreaskhol/25689557794/in/photolist-kPtsa1-kkYVsP-kJfr2p-kFSZWP-aCtLbY-kFSYrK-kPrq7Z-kkYU1a-kkZEHK-kkZZ6B-aC3MQV-aC3PNx-HC2PMB-FVjJ83-KAa7yH-fTfw1i-HC2NGa-751wFk-HC2MPi-22w34A3-28F8CsU-fSQDRj-fSHuz4-F9aujG-FVrP89-fSMhxa-FDeq41-FDmhnW-G4Bznt-G4sJWg-FXHVHi-FVecSo-G2jywY-FXBeTR-FVpPQ5-G4zz9M-F9cE6v-21dPvYn-G4kZgn-G4BAne-F96Gwf-27vviKF-22w34Kw-HhkscR-kJgXDA-F9geQP-FVpLJq-FDnMwL-EsfWbL-CWnG6V">Andreas Khol/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span></figcaption></figure><p>Les événements de Chemnitz en Saxe à la fin du mois d’août, et plus récemment ceux de Köthen en Saxe-Anhalt, ont largement donné à l’étranger le sentiment que, malgré tout le travail de mémoire effectué les décennies passées en Allemagne, ses vieux démons n’avaient pas entièrement disparu et se réveillaient dans le contexte de la crise migratoire.</p>
<p>Chemnitz, l’ancienne Karl-Marx-Stadt du temps de la RDA, est la troisième ville de Saxe. Fin août, elle fêtait son 875<sup>e</sup> anniversaire. La mort d’un Allemand de 35 ans lors d’une rixe avec des migrants d’origine irakienne et syrienne met le feu aux poudres. Avant même qu’une enquête policière ait pu faire la lumière sur les circonstances du drame, les réseaux sociaux font circuler l’information selon laquelle la victime aurait voulu protéger des femmes des attaques des migrants. « L’information » réveille le traumatisme qui subsiste en Allemagne <a href="https://theconversation.com/angela-merkel-face-a-leffritement-de-la-culture-de-laccueil-53341">depuis la soirée de la Saint Sylvestre 2015-2016, à Cologne</a>, quand de jeunes migrants avaient assailli des femmes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1033806135990644744"}"></div></p>
<p>Des supporteurs d’extrême droite du club de foot de Chemnitz réunis sous le nom de Kaotic Chemnitz appellent alors à manifester contre les « envahisseurs étrangers ». Ils sont bientôt rejoints par le mouvement Pegida, antimusulman et antieuropéen. Des représentants du parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) appellent également à manifester. Ce serait, selon eux, un « devoir citoyen de stopper la migration des tueurs porteurs de couteaux ».</p>
<h2>Le fantôme de Weimar</h2>
<p>Lors de la première manifestation, le samedi 25 août, la police est dépassée. À 6 000 manifestants d’extrême droite ne s’opposent alors qu’environ 1 500 contre-manifestants. À Köthen, une petite ville de l’Anhalt à mi-chemin de Leipzig et de Magdebourg, les événements se déroulent de façon semblable. La mort d’un jeune homme est mise sur le compte de migrants, les manifestations organisées par l’extrême droite se font aux cris de « Les étrangers dehors ! »</p>
<p>Dans les jours qui suivent à Chemnitz comme à Köthen, les contre-manifestations prennent de l’ampleur et rassemblent des milliers de personnes contre la xénophobie. <a href="https://www.deutschlandfunk.de/konzert-in-chemnitz-65-000-setzen-ein-zeichen-gegen-rechts.1773.de.html?dram:article_id=427175">Un concert</a> rassemble à lui seul le 3 septembre à Chemnitz 65 000 personnes.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/6fN97CnRb2Y?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Mais ce clivage rappelle aussi en Allemagne la fin de la République de Weimar qui a vu s’affronter les extrêmes de droite et de gauche dans des batailles de rue sanglantes. Il n’est pas jusqu’au directeur de l’Institut d’histoire contemporaine de Munich, <a href="http://www.spiegel.de/plus/andrea-nahles-und-die-spd-geschichte-die-wertschaetzung-ist-weg-a-00000000-0002-0001-0000-000159428621">Andreas Wirsching</a>, qui juge cette évolution « inquiétante ».</p>
<h2>Face à la radicalisation de l’extrême droite néonazie</h2>
<p>On n’en est pas là, mais le réveil de l’extrême droite en Saxe et Saxe-Anhalt confronte l’Allemagne à un phénomène minimisé depuis des années, en particulier dans les Länder d’Allemagne de l’Est, celui de la radicalisation de l’extrême droite néonazie et sa disposition à recourir délibérément à la violence.</p>
<p>Cela commence avec la déclaration du premier ministre-président de Saxe après l’unification, Kurt Biedenkopf (CDU), qui, dans un entretien accordé au journal <em>Die Leipziger Volkszeitung</em>, déclare en 2015, sans doute dans le souci de ne pas stigmatiser les Allemands de l’Est, que ceux-ci sont <a href="http://www.haz.de/Nachrichten/Politik/Deutschland-Welt/Ostdeutsche-immun-gegen-Rechtsradikalismus">« immunisés contre l’extrémisme de droite »</a>. En 2017, <a href="https://www.zeit.de/2017/41/cdu-sachsen-kurt-biedenkopf-wahlergebnis/seite-4">ce même Kurt Biedenkopf</a> estime que le succès de l’AfD en Saxe n’a rien à voir avec les néonazis mais avec l’insatisfaction d’une partie de la population et que ce sont ceux qui affirment que la démocratie ne fonctionne pas en Saxe qui la menacent.</p>
<p>Son actuel successeur à la tête du gouvernement du Land de Saxe, Michael Kretschmer, banalise lui aussi les événements de Chemnitz quand il contredit la chancelière qui les interprète, quant à elle, et le condamne comme <a href="https://www.welt.de/newsticker/dpa_nt/infoline_nt/brennpunkte_nt/article181424020/Kretschmer-widerspricht-Merkel-Keine-Hetzjagd-in-Chemnitz.html">des manifestations de haine xénophobe et de chasse aux étrangers</a>.</p>
<h2>Les frustrations de l’Est</h2>
<p>L’extrémisme de droite n’est pas un phénomène limité à la seule Allemagne de l’Est. L’Allemagne de l’Ouest est pourtant mieux immunisée, même si celle-ci a connu, elle aussi, des accès de fièvre comme à Mölln (1992) et Solingen (1993), récemment encore à Dortmund et a été le théâtre de meurtres racistes perpétrés par le groupe néonazi clandestin NSU (Nationalsozialistischer Untergrund) dont les principaux protagonistes sont morts et dont la survivante du groupe, Beate Zschäpe – originaire de Thuringe – vient d’être <a href="https://info.arte.tv/fr/le-proces-de-la-nsu-touche-sa-fin-mais-sans-reponse">condamnée à la perpétuité</a>.</p>
<p>Les Länder de l’Est sont nettement plus perméables aux slogans d’extrême droite. L’AfD qui a fait une moyenne de 12,6 % dans l’ensemble de l’Allemagne aux élections fédérales du 24 septembre 2017, tourne autour de 20 % dans tous les Länder de l’Est et réalise, en Saxe, le score de 27 % des voix, y dépassant de 0,1 point la CDU. Elle atteint 22,7 % en Thuringe.</p>
<p>Alors pourquoi la Saxe n’est-elle pas immunisée contre l’extrémisme de droite ? Il y a des explications historiques, démographiques, sociologiques et politiques à ce phénomène. Comme l’ensemble de l’ancienne RDA, la Saxe n’a pas appris le « vivre ensemble » pratiqué à l’Ouest, faute entre autres d’avoir connu la proximité d’étrangers dans le passé. Elle ignore encore pour de larges franges de sa population la tolérance qui seule naît du débat démocratique : plus de 25 ans après l’unification, il semble qu’elle reste marquée par les décennies de dictature qui ont précédé.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Pczy7-RjVFA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>L’ancienne RDA est la région privilégiée où grandit un mouvement d’extrême droite qui, sous le nom de Reichsbürger, refuse d’appliquer la Constitution fédérale et de payer l’impôt et rêve d’un rétablissement du Reich. En rejetant la démocratie parlementaire à l’occidentale, les <a href="http://www.maz-online.de/Lokales/Havelland/Rathenow/Jan-Gerrit-Keil-spricht-in-Rathenow-ueber-Reichsbuerger">Reichsbürger</a> expriment en même temps leur malaise face à une société dans laquelle ils s’estiment laissés pour compte.</p>
<p>Ils représentent une minorité qui formule de façon diffuse les frustrations de toute une frange de la population qu’expriment plus ouvertement Pegida et l’AfD. La frustration, en particulier, de ceux qui pensent que l’Allemagne en fait plus pour les étrangers que pour eux, des retraités aux pensions limitées, des victimes de la mondialisation et tous ceux qui n’ont pas su ou pas voulu ou pas pu s’adapter au mode de vie occidentale dont ils rêvaient pourtant avant l’unification.</p>
<h2>La position particulière de la Saxe</h2>
<p>La Saxe a perdu près de 800 000 habitants depuis 1990 au profit des autres Länder, principalement de l’Ouest. Le nombre de femmes à être parties, au nombre de 454 000, dépasse de beaucoup celui des hommes (240 000) – ce qui provoque un excédent masculin confronté non seulement au chômage mais au risque de ne pas trouver de partenaire pour se marier.</p>
<p>À cela s’ajoute que ce sont prioritairement les plus jeunes qui sont partis. La part des jeunes de moins de vingt ans dans la population est ainsi passé de 24 à 17 %, tandis que celle des personnes âgées de plus de 60 ans a augmenté de 21 à 33 % faisant passer l’âge moyen de la population de 39,4 à 46,7 ans. Pour la seule ville de Chemnitz, la <a href="https://www.t-online.de/nachrichten/deutschland/gesellschaft/id_84389582/wut-in-chemnitz-manche-kraenkung-kann-keine-demokratie-kompensieren-.html">moyenne d’âge de la population est de 50-51 ans</a></p>
<p>Une partie dynamique de la population de Saxe a donc quitté le pays et laissé sur place la vieille génération qui n’a toujours pas trouvé ses repères dans le système politique, économique et social de l’Allemagne unifiée. D’où cette revendication de reprendre la révolution de l’automne 1989 là où elle s’est arrêtée et cette façon de s’en prendre, dans le plus pur style de l’ancienne RDA, à « ceux qui sont là-haut » (<em>Die da oben</em>), une réaction ambivalente de sujets soumis à la tyrannie d’en haut dont on attend en même temps la solution à ses problèmes économiques et financiers.</p>
<h2>L’émergence de groupes d’extrême droite violents</h2>
<p>C’est dans ce contexte que se sont développés des groupes d’extrême droite dits « militants » en Allemagne, c’est-à-dire prêts à recourir à la violence, une évolution que les services du renseignement intérieur chargé de la protection de la Constitution (Bundesverfassungsschutz) se sont refusés à prendre pleinement en compte et à combattre. L’appréciation par son président aujourd’hui démissionné, Hans-Georg Maassen, qui refusait de voir des scènes de chasse aux étrangers dans les vidéos de Chemnitz qui lui étaient présentées est à cet égard symptomatique.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/zfsypeu62mc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Les groupes néonazis ont choisi de se manifester dans la rue en recourant à des slogans haineux et en provoquant l’intimidation par la violence. Ils ont trouvé à l’occasion des événements de Chemnitz et Köthen un allié dans l’AfD, trop contente d’enfoncer le clou sur la question migratoire alors qu’elle semblait plutôt être dans les mois précédents en quête d’honorabilité parlementaire.</p>
<p>La campagne électorale en Bavière où les élections régionales auront lieu le 14 octobre prochain a contribué à exacerber le débat politique et à faire flamber les réseaux sociaux.</p>
<h2>La CSU en perte de vitesse en Bavière</h2>
<p>La CSU, menacée de perdre par la montée de l’AfD la majorité des sièges au parlement régional de Munich, a cru qu’en copiant l’AfD elle réussirait à préserver son électorat. Comme il arrive en pareil cas, c’est l’inverse qui se produit. Les sondages d’opinion font apparaître une chute constante des intentions de vote des électeurs bavarois en faveur de la CSU. Appréciée encore à 44 % en avril, la CSU n’obtiendrait plus aujourd’hui que 35 à 36 % des suffrages.</p>
<p>Mais on aurait tort de croire que cela se fait au seul profit de l’AfD. Certes, celle-ci voit parallèlement son score s’améliorer, elle passerait sur le même laps de temps de 12 à 13 %, voire 14 %. Mais le <a href="http://www.wahlrecht.de/umfragen/landtage/bayern.htm">sondage le plus récent</a> la place à 11 %. La stratégie suivie par la CSU aurait donc eu pour effet de profiter aux autres partis, en premier aux Verts qui passent dans les intentions de vote de 11 à 16-17 % et aux associations d’électeurs indépendants qui sont crédités soudain de 11 % des intentions de vote contre 6 % seulement en avril. SPD, FDP et la Gauche (die Linke) n’évoluent pas sensiblement ou pas au point de bouleverser l’échiquier politique bavarois.</p>
<h2>La CSU en mode marche arrière</h2>
<p>Entre-temps, la CSU, par la voix de son président Horst Seehofer, qui se veut réaliste, ne prétend plus préserver sa majorité de sièges à Munich et revendique pour soi seulement de rester le premier parti sans lequel aucun gouvernement en Bavière ne pourra être formé. Il n’est pas jusqu’au nouveau ministre-président bavarois, Markus Söder, qui n’enclenche la marche arrière pour ne plus effrayer les électeurs hostiles à un discours proche de celui de l’AfD. Il lui faut penser à la coalition qu’il pourra former pour gouverner la Bavière.</p>
<p>De 2008 à 2013, la CSU – qui, avec un score de 43,4 % des suffrages venait de perdre 17,3 points aux élections – avait dû gouverner avec un autre parti. Horst Seehofer avait été alors propulsé à la tête d’un gouvernement CSU-FDP.</p>
<p>Si la CSU reste en dessous de 40 %, elle devra peut-être envisager de trouver deux partenaires pour former le gouvernement, sauf à croire qu’une grande coalition avec le SPD soit possible ou une petite coalition avec les Verts. Cette dernière option apparaît politiquement peu vraisemblable, même si en Hesse, où les électeurs voteront 15 jours après les Bavarois, la <a href="http://www.faz.net/aktuell//politik/inland/Bilanz-der-schwarz-gruenen-hessischen-landesregierung.html">CDU s’entend fort bien au gouvernement avec les Verts</a>. Toutefois, elle n’est pas davantage assurée d’avoir avec eux le 28 octobre au soir la <a href="https://www.wahlrecht.de/umfragen/landtage/hessen.htm">majorité requise</a>.</p>
<h2>L’ego surdimensionné d’Horst Seehofer</h2>
<p>Les observateurs en viennent à se demander si le comportement d’Horst Seehofer dans ce qu’on est bien obligé d’appeler l’affaire Maassen n’est pas suicidaire. L’homme reste imprévisible tant son ego semble avoir le dessus sur sa raison et son entendement politique. L’affaire jette une lumière crue sur l’état non plus des affaires bavaroises mais de la grande coalition à Berlin.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/237608/original/file-20180923-117383-ap3nlq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/237608/original/file-20180923-117383-ap3nlq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/237608/original/file-20180923-117383-ap3nlq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/237608/original/file-20180923-117383-ap3nlq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/237608/original/file-20180923-117383-ap3nlq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/237608/original/file-20180923-117383-ap3nlq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/237608/original/file-20180923-117383-ap3nlq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Horst Seehofer (ici en 2009).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/michael-panse-mdl/5182103083/in/photolist-8TVCGT-8TYDe5-71QKFh-22NE4dR-WcGNfc-8TYjhw-aCtLbY-kPrRW2-71QHpf-kQbopp-km146R-kQc8L2-kQcbsX-71LkCa-kFSySx-kkYVsP-kJfr2p-j2LMoF-kFTbwX-kFSYrK-kPrq7Z-kkYU1a-71R4Qw-7H972h-kkZZ6B-kQc5cR-kPtsa1-71L81M-eCKWUU-bYJv81-kkZEHK-bYJAPG-71QsHs-j2MpyY-bYKT2J-71LaP4-71LfCe-71QDVY-aC3PNx-bYJxjf-71Qosh-71R3z9-71QUW9-7cxrgb-71LiAx-71PXGQ-7cxrgU-7dAVDq-71PTeo-71LHZv">Michael Panse/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Suite à ses déclarations mensongères et à ses critiques de la politique migratoire du gouvernement fédéral, le SPD réclamait le départ de H-G. Maassen qu’Horst Seehofer voulait préserver. Les trois partis de la grande coalition, CDU et CSU (qu’il faut bien présenter séparément plutôt que comme les partis-frères qu’ils sont officiellement) et SPD, se sont mis d’accord sur ce qu’on ne peut qualifier que de compromis foireux.</p>
<p>Intenable à la tête du Bundesverfassungsschutz, Maassen ne pouvait être que sanctionné, il cesse donc d’être président de ce service fédéral. Mais Horst Seehofer qui a pris sa défense a obtenu qu’il soit promu aux fonctions de secrétaire d’État dans le ministère qu’il dirige. Sanction et promotion en un, cela paraît difficilement acceptable aux yeux de nombreuses personnalités politiques non seulement de l’opposition mais des partis constitutifs de la grande coalition.</p>
<h2>La guerre d’usure d’Angela Merkel</h2>
<p>Ce compromis, s’il en était besoin, montre la fragilité de la coalition gouvernementale transformée en champ de bataille entre la CDU et la CSU, et non pas tant entre la CDU-CSU d’une part et le SPD d’autre part, qui perd ainsi toute occasion de se profiler par rapport à son partenaire chrétien-démocrate. Remis en cause par le SPD, le compromis doit être renégocié, mais Seehofer continue de soutenir Maassen qu’il apprécie pour ses compétences en matière de lutte antiterroriste.</p>
<p>Ce nouvel épisode ne fait qu’accroître l’instabilité de la grande coalition et fragiliser encore plus Angela Merkel contrainte de mener une guerre d’usure permanente pour tenir tête à son ministre de l’Intérieur. L’image de marque de la grande coalition auprès de l’opinion s’en trouve profondément ternie, comme il ressort <a href="http://www.faz.net/aktuell/politik/inland/deutschlandtrend-afd-verdraengt-spd-als-zweitstaerkste-kraft-15799090.htm">du sondage le plus récent au niveau fédéral</a> : ensemble CDU+CSU+SPD ne réuniraient plus que 45 % des voix, soit une perte de près de 8 points depuis les élections fédérales de septembre 2017, déjà catastrophiques pour eux. L’AfD dépasserait le SPD d’un point tandis que les Verts confirment leur remontée.</p>
<p>L’éparpillement des voix sur les six partis représentés au Bundestag (sept si l’on considère CDU et CSU comme deux partis différents) n’a jamais été aussi marqué. Seuls les chrétiens-démocrates émergent malgré tout du lot puisqu’ils conservent une avance de 10 points par rapport à l’AfD. Appréciés à 28 %, ils auraient toutefois perdu à eux seuls 5 points depuis septembre 2017. Certes, il ne s’agit là que d’un instantané en période de crise, on notera en tous cas que ce sondage sanctionne particulièrement Horst Seehofer, dont la notoriété se réduit au point que de nombreux commentateurs s’interrogent sur ce que sera son sort politique au lendemain des élections bavaroises.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/103745/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Vaillant est secrétaire général de l'Association pour la connaissance de l'Allemagne d'aujourd'hui (ACAA), directeur de la revue «Allemagne d'aujourd'hui» et membre du centre de recherche pour l'étude civilisations, lettres et langues étrangères (CECILLE) de l'Université de Lille Sciences humaines et sociales. </span></em></p>Le réveil de l’extrême droite en Saxe et Saxe-Anhalt confronte l’Allemagne à un phénomène minimisé depuis des années, celui de la radicalisation de l’extrême droite néonazie.Jérôme Vaillant, Professeur émérite de civilisation allemande, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/928132018-03-04T21:10:08Z2018-03-04T21:10:08ZAllemagne : les adhérents du SPD disent oui à « la voie de la raison »<p>Les adhérents du SPD, consultés sur la question de savoir s’ils approuvaient ou non le contrat de coalition négocié avec les chrétiens-démocrates, ont dit oui à 66,02 % et ouvert ainsi définitivement la voie à une nouvelle « grande coalition » conduite par Angela Merkel. La participation (78,39 %) a été très légèrement plus élevée qu’en 2013 quand la même question leur avait été posée, le taux de votes favorables étant quant à lui, cette année-là, d’environ dix points supérieurs (75,93 %).</p>
<h2>La voie de la raison</h2>
<p>C’est pourtant un résultat plus net que pronostiqué, et surtout il est de 10 points supérieur au vote des délégués du congrès extraordinaire du SPD réunis à Bonn le 21 janvier pour dire si oui ou non le SPD devait engager des négociations avec les chrétiens-démocrates.</p>
<p>C’est la preuve que, malgré les doutes qui parcourent le parti, ses membres ont majoritairement opté pour la voie de la raison et pour le pragmatisme contre la voie de l’aventure pour le parti et le pays.</p>
<p>La procédure a été longue mais la direction comme la base du SPD se félicitent des débats que la question controversée de reconduire la grande coalition a provoqués, un bel exemple, pour eux, de démocratie participative qui a le mérite de clarifier la situation politique en Allemagne.</p>
<p>Le SPD présentera ses ministres dans les jours à venir, trois femmes et trois hommes, comme l’a indiqué le président par intérim du SPD, Olaf Scholz, sans laisser fuiter de noms. L’élection de la chancelière devrait intervenir lors de la prochaine séance du Bundestag, le 14 mars.</p>
<h2>Soulagement en Europe</h2>
<p>Le soulagement à Berlin comme dans les autres capitales européennes est sensible tant il apparaissait nécessaire que l’Allemagne retrouve sa capacité non pas seulement de gérer les affaires courantes mais de faire de la politique et d’être un partenaire à part entière dans les négociations à mener. Sur le mode amusé mais à l’évidence soulagé, la <a href="http://www.faz.net/aktuell/politik/inland/kommentar-zum-groko-votum-wie-gut-dass-die-spd-noch-mitglieder-hat-15477558.html"><em>Frankturter Allgemeine Zeitung</em> titrait</a> : « Comme il est bon que le SPD puisse compter sur ses adhérents… »</p>
<p>Il aura fallu près de six mois pour que l’Allemagne retrouve sa capacité d’action. Cette durée interroge. Il n’y a pas si longtemps encore l’Allemagne était présentée en France comme risquant de devenir durablement instable, voir ingouvernable. La durée du processus de décision au sein du SPD interroge également sur sa situation intérieure et sa fiabilité au gouvernement.</p>
<h2>Un SPD divisé, vieillissant et masculin</h2>
<p>Le résultat du vote confirme que le SPD reste divisé puisque l’opposition à la grande coalition représente un bon tiers des voix, mais il invalide le pronostic du président des Jeunes socialistes, Kevin Kühnert, qui voyait le non l’emporter sans doute de justesse. Il y aurait eu alors deux partis au sein du SPD, difficiles à réconcilier.</p>
<p>Le rapport de forces de deux tiers à un tiers devrait permettre à la minorité de s’incliner plus facilement devant le choix de la majorité tout en continuant de débattre et de s’affirmer au sein du parti. Ce devrait être d’ailleurs une opportunité à saisir pour la direction du parti qui ne peut que s’inquiéter de la composition de ses membres si elle ne veut pas se couper encore plus des jeunes générations et creuser le fossé entre hommes et femmes et entre l’Est et l’Ouest, devenir de plus en plus un parti des services publics et des employés au détriment des autres salariés, en particulier ouvriers.</p>
<p>En effet, en 2017, les jeunes de moins de 30 ans ne représentent que 8 % de ses membres (16 % avec les personnes de 31 à 40 ans), tandis que les 41 ans – 60 ans en représentent 30 % et les personnes âgées de plus 60 ans plus de 50 % ! Les femmes ne sont représentées qu’à 38 % pour 68 % aux hommes ; 40 % des membres du SPD viennent des services publics.</p>
<p>Enfin, la sous-représentation du SPD dans les Länder de l’Est (moins de 5 %), est tout bonnement catastrophique et explique qu’il y soit devancé par les chrétiens-démocrates, la Gauche ou l’AfD bien qu’il participe à des gouvernements mais de coalition à Berlin, dans le Brandebourg, le Mecklenbourg-Poméranie occidentale et la Thuringe. Le SPD apparaît ainsi comme un <a href="http://www.bpb.de/politik/grundfragen/parteien-in-deutschland/zahlen-und-fakten/140358/soziale-zusammensetzung">parti vieillissant, masculin, occidental de fonctionnaires.</a></p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/208814/original/file-20180304-65547-1wq5dyi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/208814/original/file-20180304-65547-1wq5dyi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/208814/original/file-20180304-65547-1wq5dyi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/208814/original/file-20180304-65547-1wq5dyi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/208814/original/file-20180304-65547-1wq5dyi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=426&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/208814/original/file-20180304-65547-1wq5dyi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=426&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/208814/original/file-20180304-65547-1wq5dyi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=426&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un besoin de rénovation</h2>
<p>La révolte des Jeunes socialistes apparaît dans ce contexte comme l’opportunité de revivifier le parti social-démocrate et de lui insuffler des idées nouvelles, en rupture avec les vieilles générations, d’autant plus que leur leader, Kevin Kühnert, sait allier au sens de la révolte celui de la mesure réfléchie – même si la déception lui dicte aujourd’hui un discours plus agressif.</p>
<p>Le SPD a connu un précédent qui pourrait lui servir d’exemple quand, après la révolte étudiante de la fin des années 1960, Willy Brandt a su accueillir et intégrer ceux qui se voyaient, selon la formule du leader étudiant de l’époque, Rudi Dutschke, « entamer leur longue marche à travers les institutions. »</p>
<p>Reste la question de savoir si le SPD saura se rénover tout en gouvernant. Les Jusos répondaient par non à cette question quand la direction leur opposait que ne pas participer à la gestion des affaires de l’État provoquerait encore plus certainement son affaiblissement.</p>
<p>C’est dire que le SPD va devoir travailler à son renouvellement programmatique et personnel dans des conditions d’autant plus difficiles qu’il va affronter au gouvernement un parti chrétien-démocrate autrement mieux préparé que lui depuis qu’Angela Merkel a repris la main et l’a remis en ordre de marche.</p>
<h2>Une CDU à l’offensive</h2>
<p>Lors de son congrès de Berlin le 26 février 2018, la CDU, en effet, a non seulement formellement approuvé l’accord de gouvernement négocié avec les sociaux-démocrates, elle s’est également donnée à quasiment l’unanimité une nouvelle secrétaire générale en la personne de la ministre-présidente sortante de Sarre, Annegret Kramp-Karrenbauer.</p>
<p>A. Merkel a ainsi signalé qu’elle refusait une droitisation du parti et entendait continuer de gouverner au centre. Les deux femmes se présentent d’ailleurs à la presse et au public avec une étiquette : CDU = die Mitte, c’est-à-dire le milieu, le centre.</p>
<p>A. Merkel a également présenté les membres chrétiens-démocrates de son futur gouvernement, ses choix ont fait taire le début de fronde qui se profilait sur sa droite en nommant à la santé Jens Spahn qui passe pour être son plus ambitieux adversaire conservateur potentiel.</p>
<p>Elle a encore engagé un rajeunissement du gouvernement et entamé une réflexion pour remplacer d’ici deux ans le programme fondamental du parti vieux de dix ans.</p>
<h2>Des frictions à prévoir</h2>
<p>Les rapports entre les deux formations de la coalition gouvernementale risquent d’être plus conflictuels que dans le passé parce que le SPD, affaibli, cherchera à s’affirmer contre la CDU-CSU et la chancelière elle-même dans le double souci de faire ressortir ce qui dans la politique gouvernementale est à mettre à son compte et de revendiquer des améliorations à tout ce que n’a pas gravé dans le marbre le contrat de coalition.</p>
<p>Les premières joutes ont d’ailleurs déjà eu lieu, dès avant le vote du SPD. La chancelière, poussée en cela par sa droite conservatrice, a signifié à son futur ministre des Finances, Olaf Scholz, qu’il serait tenu de respecter le cadre fixé par le contrat de coalition et serait tenu en particulier de présenter des budgets en équilibre, sans recours à l’emprunt pour ne pas accroître la dette publique. Mais le contrat de gouvernement prévoit également une enveloppe budgétaire supérieure de 48 milliards d’euros au précédent budget – une somme à vrai dire disponible vu les rentrées fiscales foisonnantes du pays.</p>
<p>Les tensions entre les deux partis gouvernementaux proviendront, enfin, de leurs stratégies pour se maintenir au pouvoir ou pour le conquérir dans le cadre d’autres constellations politiques. Sur ce plan, la CDU/CSU est mieux placée que le SPD qui a un plus gros handicap à refaire et moins de partenaires potentiels.</p>
<p>Mais tous deux, sous réserve du vote des électeurs, savent que cette grande coalition devrait être la dernière. CDU-CSU et SPD sont même convenus de faire un bilan à mi-parcours pour vérifier dans quelle mesure ils auront appliqué leur contrat de gouvernement et sont disposés à continuer leur coopération jusqu’au terme du mandat de quatre ans du Bundestag.</p>
<p>L’Allemagne a un nouveau gouvernement et il va falloir à nouveau compter avec elle en Europe, mais on est en droit de se demander si elle sera encore gouvernable à l’avenir ou bien si l’on verra se répéter dorénavant de longs préliminaires avant d’aboutir à la mise en place d’un gouvernement stable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/92813/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Vaillant est secrétaire général de l'Association pour la connaissance de l'Allemagne d'aujourd'hui (ACAA), directeur de la revue «Allemagne d'aujourd'hui» et membre du centre de recherche pour l'étude civilisations, lettres et langues étrangères (CECILLE) de l'Université de Lille Sciences humaines et sociales. </span></em></p>Les rapports entre les deux formations de la coalition gouvernementale risquent d’être plus conflictuels que dans le passé parce que le SPD, affaibli, cherchera à s’affirmer contre la CDU-CSU.Jérôme Vaillant, Professeur émérite de civilisation allemande, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.