tag:theconversation.com,2011:/us/topics/soft-power-36628/articlessoft power – The Conversation2024-02-14T14:27:39Ztag:theconversation.com,2011:article/2234922024-02-14T14:27:39Z2024-02-14T14:27:39ZLa victoire en coupe d’Asie, nouveau succès pour le soft power du Qatar<p>Un an après Lionel Messi, Hassan Al-Haydoos est à son tour revêtu d’un <a href="https://www.geo.fr/histoire/coupe-du-monde-quest-ce-que-le-bisht-pose-par-lemir-du-qatar-sur-les-epaules-de-messi-212961"><em>bisht</em></a>. L’émir du Qatar Tamim ben Hamad Al-Thani habille de ce manteau, synonyme de noblesse et d’autorité, le capitaine de sa sélection. Il le couronne, cette fois-ci, « prince » du football asiatique.</p>
<p>Le Qatar vient, en effet, de <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/football/coupe-dasie-des-nations-porte-par-afif-le-qatar-simpose-face-a-la-jordanie-et-conserve-son-titre-fe106094-c84d-11ee-9a26-b3fe0ec43b85">réussir un doublé historique</a>, d’autant plus pour un État de sa dimension (seulement 330 000 citoyens), en remportant la Coupe d’Asie qu’il organisait sur ses terres. Une victoire dont l’importance, comme toujours, n’est pas que sportive…</p>
<h2>La Coupe du monde 2022 : succès d’image, échec sportif</h2>
<p>Cet exploit installe sa génération triomphante au rang des grands d’Asie. C’est une fois de plus, en grande partie le sacre de <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/football/equipe-qatar/reportage-dans-les-coulisses-d-aspire-le-clairefontaine-du-football-au-qatar-ba2a9746-5ad5-11ed-8bfd-8dba71fb0669">l’Aspire Academy</a> et des dizaines de formateurs étrangers passés par ce centre dédié à la formation de l’excellence sportive du pays. D’ailleurs, son président, cheikh Jassim, le frère de l’émir, initialement promis à ce titre suprême, est à cet instant présent au côté de Tamim. Au quotidien, son ombre plane sur ce lieu stratégique de la performance sportive dans la monarchie.</p>
<p>Au cœur de la péninsule, les faits de jeu litigieux de la finale ayant avantagé sa sélection n’y font rien : la ferveur autour de son collectif est retrouvée. Les observateurs du football international avaient pourtant laissé, en décembre 2022, cette équipe sur une page inachevée, <a href="https://rmcsport.bfmtv.com/football/coupe-du-monde/coupe-du-monde-2022-le-zero-pointe-historique-du-qatar-a-domicile_AV-202211290680.html">ridiculisée lors de cette Coupe du monde tant attendue</a>. N’inscrivant qu’un but en trois rencontres, toutes perdues, la sélection, déjà championne d’Asie, avait déçu tous les espoirs misés en elle par l’émirat. Malgré un groupe relevé (Pays-Bas, Sénégal, Équateur), ses supporters étaient tombés de haut face à la piètre prestation de leurs joueurs.</p>
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<p>La principale faiblesse, pointée par plusieurs de leurs formateurs, le mental, avait jailli aux yeux du monde. <em>Al-’Annaby</em> (la Bordeaux, couleur de son maillot, qui est aussi celle du drapeau national) – était apparue totalement dépassée, tétanisée par les attentes placées en elle par tout un pays.</p>
<p>Ce grand écart, entre un premier sacre continental étincelant, en 2019, et un échec retentissant trois ans plus tard lors du plus grand événement sportif mondial, a provoqué une <a href="https://www.reuters.com/lifestyle/sports/qatar-fans-lambast-team-after-second-world-cup-defeat-2022-11-25/">profonde frustration</a>. Plusieurs échanges houleux eurent lieu. Le flou persiste autour de l’ensemble de ces faits, mais cela n’a pas manqué de rejaillir sur les rangs de sa sélection. Il a été clairement notifié aux joueurs qu’ils ne sont pas maîtres dans l’émirat, mais bien à son service, et peuvent passer à tout moment de stars à sujets de seconde zone.</p>
<h2>Abdelkarim Hassan, un cas emblématique</h2>
<p>Ce malaise se perçoit sur la feuille du match d’ouverture de la Coupe d’Asie, alors que le Qatar étrille sur la pelouse une faible sélection du Liban, 3 buts à 0. L’effectif convoqué pour défendre son titre de champion d’Asie laisse apparaître le traumatisme qu’a constitué pour <em>Al-’Annaby</em> l’échec patent enregistré lors de sa Coupe du monde. Un nouveau venu particulièrement remarqué prend ainsi place au sein de l’effectif, en la personne de Lucas Mendes. Le joueur brésilien passé par l’olympique de Marseille, recruté par Al-Duhaïl, le club de l’armée, porte cette saison les couleurs de l’équipe en vogue d’Al-Wakrah. Il se substitue à l’une des stars de la sélection, Abdelkarim Hassan.</p>
<p>Ce joueur promis à un avenir radieux dans le football asiatique a été <a href="https://www.cbc.ca/sports/soccer/qatar-player-banned-fifa-world-cup-1.6719002">contraint de quitter Doha dans l’urgence</a> pour le Koweït, avant de rejoindre l’Iran. Sa trajectoire raconte celle de la hiérarchie sociale propre aux sociétés du Golfe, dont le sport est l’un des reflets.</p>
<p>Comme la majeure partie de la sélection, il est issu des promotions de l’Aspire Academy, rouage essentiel dans l’intégration du sport à la politique étrangère dessinée par le pouvoir. Lancée en 2004, sa mission consiste à revivifier le tissu sportif qatarien affaibli au cours de la décennie 1990 par l’enrichissement de sa société. Elle vise ainsi à apporter la légitimité nécessaire à l’essor du Qatar comme nouvel acteur influent du sport mondial. Dans les faits, cette institution s’appuie avant tout sur les communautés arabes vivant au Qatar, plus enclines à épouser les contours d’une carrière de sportif de haut niveau et en quête de reconnaissance sociale.</p>
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<p>Né de parents soudanais installés à Doha, Abdelkarim Hassan en est l’illustration. Ce statut lui assure l’accès à un degré de la nationalité qatarienne. En effet, n’appartenant pas au noyau de la population définie comme originelle, il ne peut pas bénéficier de l’ensemble des <a href="https://apnews.com/article/world-cup-entertainment-soccer-sports-95c68fcde462922fc7c599e6f26497cb">droits économiques</a> attribués aux familles d’ascendance qatarienne. Son statut de sportif de haut niveau lui confère toutefois des prérogatives financières équivalentes. Élu meilleur joueur asiatique de l’année 2018, acteur majeur des bonnes performances répétées de son club d’Al-Sadd SC, ailier gauche incontournable de la sélection, il est l’un des grands artisans de l’épopée victorieuse lors de la Coupe d’Asie 2019.</p>
<p>C’est un parcours sans faute qui s’arrête au lendemain d’une phase finale de la Coupe du monde désastreuse qui l’amène à faire un faux pas. Sous le poids des critiques, il profère des insultes <em>via</em> les réseaux sociaux à l’égard de Qatariens. La suite reste obscure. Le dossier est traité en interne par les dirigeants. L’avenir de ce pilier d’<em>Al-’Annaby</em> est tranché : il n’a pas respecté la hiérarchie d’une société qui repose sur <a href="https://theconversation.com/qatar-comment-mieux-comprendre-une-societe-basee-sur-lhistoire-et-la-tradition-195961">« l’idéologie de l’origine »</a>.</p>
<p>L’avenir de l’ancien espoir ayant commis l’irréparable se déroulera loin de Doha, et il passera du statut de star à celui de paria en sa terre natale. Il évolue désormais dans un effectif à sa mesure, pour le club phare de Téhéran, le Persepolis FC. De retour à Doha, en ce mois janvier 2024, c’est en tribune qu’il prendra place pour supporter ses anciens coéquipiers.</p>
<p>La naturalisation de Lucas Mendes, un procédé qui n’était pour le Qatar plus d’usage dans le football depuis le milieu des années 2010, s’explique par cet imprévu. Doha doit alors combler le vide causé par la perte d’un pilier de son onze majeur. Le défenseur brésilien est à même d’occuper l’intérim, le temps d’une Coupe d’Asie qui s’avère cruciale pour l’émirat. À ses côtés, un autre arrière rarement convoqué prend place. Al-Mahdy Ali Mokhtar relègue sur le banc l’Algérien naturalisé Boualem Khoukhi, qui jusqu’à présent s’affirmait comme un titulaire indiscutable à ce poste. Formé à l’Aspire Academy, le joueur provient également de la communauté soudanaise de Doha. Resté dans l’ombre des grands noms de ses promotions, il profite des largesses affichées par l’arrière-garde d’<em>Al-’Annaby</em> pour enfin s’affirmer sous ses couleurs. Le Qatar compte ainsi toujours sur son principal vivier sorti des rangs de l’Aspire Academy, mais sa fédération peut, dans l’urgence, pallier ses manquements en s’appuyant sur les étrangers de son championnat éligibles.</p>
<h2>Un émirat porté vers le mondial, une sélection taillée pour l’Asie</h2>
<p>Cette histoire est le récit d’un émirat passé de la fierté d’être champion d’Asie à la honte d’une élimination précoce lors de sa Coupe du monde. Avec l’Aspire Academy, l’émirat s’est donné les moyens d’être à la hauteur de ses ambitions internationales en matière de <em>soft power</em>. Il fait cependant face à un obstacle : la place des joueurs issus de ses promotions une fois leur formation terminée.</p>
<p>Bénéficiant d’un traitement financier de choix, ils jouent principalement pour l’un des cinq clubs majeurs du pays et restent ainsi auprès de leur famille, au service de l’émir et de la sélection. Ces footballeurs sont alors cantonnés au football asiatique sans jamais se mesurer réellement à l’élite du football mondial qui, pour la majorité, évolue dans les hautes sphères du football européen.</p>
<p>Suivant ce schéma, la sélection est taillée pour l’Asie, mais n’est pas en mesure de rivaliser sur les pelouses mondiales. Son parcours lors de la Coupe d’Asie vient l’illustrer. C’est une question de niveau et là se présente la limite de son projet sportif. <a href="https://theconversation.com/apres-le-qatar-larabie-saoudite-joue-la-carte-du-soft-power-par-le-sport-201513">La politique de libéralisation initiée par l’Arabie saoudite</a> à l’été 2023 autour de son championnat apparaît à ce titre comme un signe positif pour le Qatar.</p>
<p>L’arrivée de dizaines de joueurs de renom dans le football asiatique pourrait, en effet, lui être bénéfique. La qualité inégale de la Qatar Stars League, son championnat, reste l’obstacle majeur pour que le projet dont l’Aspire Academy est le fer de lance fonctionne pleinement. La ligne prônée est désormais de recruter de jeunes pépites européennes tout juste formées, souvent en manque de temps de jeu dans leur club d’origine pour poursuivre leur progression. Le Qatar pourrait se présenter pour ces joueurs d’avenir comme un débouché sérieux avant qu’ils ne retournent jouer pour de grandes écuries européennes.</p>
<p>L’adversité à laquelle les joueurs d’<em>Al-’Annaby</em> seraient confrontés au quotidien serait dès lors autrement plus élevée. Dans l’ombre du « bling bling » saoudien, le Qatar a enclenché cette politique à l’été 2023. Reste à savoir combien de temps cette ligne sera de mise. En matière de sport, au Qatar, tout reste incertain, régi en dernier lieu par les proches du cercle de l’émir. Le désastre de la Coupe du monde aura sans doute été le détonateur pour tenter d’agir sur l’écosystème sportif qatarien, qui loin de son soft power reste figé. Quoi qu’il en soit, le Qatar continue de briller sur les pelouses continentales, à la portée de sa génération dorée, ce qui suffit à lui apporter la légitimité qu’il recherche depuis la fin des années 1990 pour asseoir son soft power.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223492/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raphaël Le Magoariec a reçu des financements de la Fondation de France. </span></em></p>Retour sur l’histoire tourmentée de la sélection nationale du Qatar, qui vient de remporter « sa » coupe d’Asie après avoir subi un échec cinglant lors de « sa » Coupe du monde.Raphaël Le Magoariec, Géopolitologue, spécialiste des sociétés de la péninsule Arabique et du sport, CITERES-EMAM, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2216732024-02-09T17:48:18Z2024-02-09T17:48:18ZSur fond de guerre, le Qatar orchestre son soft power autour de la cause palestinienne<p>Depuis octobre et l’enclenchement de la <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/themes/guerre/la-guerre-de-soukkot/">« guerre de Soukkot »</a> en représailles à l’attaque meurtrière du Hamas contre Israël, les tarmacs des aéroports de Doha sont au cœur d’un <a href="https://www.lemonde.fr/comprendre-en-3-minutes/video/2023/12/07/israel-hamas-comment-le-qatar-s-est-il-impose-comme-un-interlocuteur-incontournable-comprendre-en-trois-minutes_6204360_6176282.html">intense ballet diplomatique</a>. L’émirat est, en effet, devenu un acteur incontournable dans la gestion des crises régionales.</p>
<p>Ces jours-ci, les projecteurs de son théâtre du <em>soft power</em> sont à nouveau braqués vers l’aéroport Hamad international. L’élite du football asiatique y a défilé depuis le 12 janvier, avec un seul but en tête : soulever la Coupe d’Asie des Nations. Une compétition que le Qatar organise un peu plus d’un an après avoir accueilli la Coupe du monde, et dont il espère, au-delà d’une victoire finale de son équipe nationale (qui affrontera la Jordanie en finale ce samedi), qu’elle lui permettra d’entretenir son rang international.</p>
<h2>Le Hamas à Doha</h2>
<p>L’histoire du <em>soft power</em> qatarien pourrait se résumer aux arrivées sur ses tarmacs. Ces lieux de passage symbolisent la centralité de l’émirat sur l’échiquier moyen-oriental, particulièrement sensible lorsqu’il s’agit de gérer d’épineux dossiers tel celui du conflit israélo-palestinien.</p>
<p>La crise qui s’est ouverte à Gaza offre au Qatar une nouvelle occasion de jouer un rôle crucial. Si issue favorable au sujet des otages israéliens détenus par le Hamas il y a, ce sera probablement grâce à <a href="https://www.iris-france.org/180462-israel-hamas-comment-le-qatar-sest-il-impose-comme-mediateur-du-conflit/">sa médiation</a>.</p>
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<p>Ce caractère central, Doha l’a forgé en se positionnant comme un relais auprès d’acteurs régionaux souvent jugés infréquentables par les puissances occidentales. C’est ainsi qu’une partie de la branche politique du Hamas est <a href="https://www.courrierinternational.com/article/geopolitique-que-va-t-il-advenir-des-dirigeants-du-hamas-installes-au-qatar">officiellement installée dans la capitale</a> depuis 2012. À cette époque, le mouvement palestinien, alors basé à Damas, ne cautionne pas la répression exercée par son protecteur Bachar Al-Assad à l’encontre de sa propre population. Face à cette discorde majeure, son bureau politique <a href="https://www.nytimes.com/2012/01/28/world/middleeast/khaled-meshal-the-leader-of-hamas-vacates-damascus.html">cherche un nouveau point de chute</a>.</p>
<p>Les États-Unis y voient une occasion de renouer discrètement leurs relations avec le Hamas, rompues de manière officielle en 1997, quand Washington l’avait inclus dans sa <a href="https://www.state.gov/foreign-terrorist-organizations/">liste des organisation terroristes</a>. Le tournant de 2012 est pour l’administration américaine une nouvelle occasion à saisir, une aubaine pour instaurer une nouvelle voie d’échanges avec cet acteur incontournable sur l’échiquier palestinien, qui administre pleinement depuis 2007 la bande de Gaza. Aux yeux de Washington, Doha apparaît comme le parfait entremetteur, et les Américains incitent l’émirat à proposer l’hospitalité aux dirigeants palestiniens. Voir ces derniers quitter Damas pour leur autre sponsor, Téhéran, aurait grandement compromis tout canal de discussions.</p>
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<p>Échanger avec le Hamas passe désormais avant tout par l’émirat, où la confrérie des Frères musulmans, persécutée par les différents régimes nationalistes arabes, <a href="https://www.sciencespo.fr/ceri/fr/oir/les-pays-du-golfe-face-la-question-freriste">est influente depuis les années 1960</a>. La diplomatie américaine perçoit le Qatar comme son seul allié en mesure d’exercer ce rôle.</p>
<p>De son côté, Doha considère que la présence sur son sol du Hamas renforce sa capacité à peser davantage dans l’arène internationale. Ce ressort diplomatique est un point crucial dans l’essor d’un <em>soft power</em> à multiples facettes fréquemment présenté comme l’assurance vie d’un émirat de prime abord fragile. Cette stratégie initiée à partir de 1995 à l’issue d’un coup d’État de palais qui amène au pouvoir Hamad ben Khalifa Al-Thani (lequel abdiquera en 2013 au profit de son fils Tamim ben Hamad Al Thani) résulte d’un environnement régional incertain.</p>
<h2>Un rôle clé au cœur du Proche-Orient</h2>
<p>Hamad ben Khalifa Al-Thani a le dessein de garantir la sécurité de son pays en mettant en place un système basé sur l’interdépendance. Son architecture repose sur l’investissement de multiples champs, allant de <a href="https://gfmag.com/country-report/qatar-spending-cash-abroad/">l’entrée au capital de grands groupes</a> à une présence soutenue sur le marché de l’art. La modernisation de son infrastructure gazière et l’exploitation de riches gisements constituent le noyau de sa stratégie.</p>
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<p>Fort de <a href="https://www.lesechos.fr/2017/06/comment-le-petit-qatar-est-devenu-si-riche-si-rapidement-172941">ressources financières rapidement devenues abondantes</a>, le pays cultive des alliances plurielles. Depuis 1995, il accueille de nombreux événements, <a href="https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20210717-afghanistan-des-discussions-%C3%A0-doha-entre-taliban-et-gouvernement-malgr%C3%A9-les-combats">politiques</a> comme <a href="https://journals.openedition.org/emam/3402">sportifs</a>, et <em>Al-Jazeera</em>, son média panarabe, s’affirme dans le même temps comme un moyen privilégié d’offrir à l’opinion arabe une vision de l’actualité régionale conforme aux intérêts de Doha.</p>
<p>Après le 7 octobre dernier, le Qatar propose ses services à Tel-Aviv pour faciliter la libération des centaines d’otages aux mains du mouvement islamiste. Dans un exercice où il excelle, sa diplomatie prend activement part aux négociations d’échanges d’otages et de cessez-le-feu. Elle doit aussi composer avec la stratégie jusqu’au-boutiste d’un premier ministre israélien qui voit dans la poursuite de la guerre la seule condition de sa survie politique et de son immunité judiciaire. Doha et sa posture médiatrice sont à présent <a href="https://www.france24.com/fr/vid%C3%A9o/20240125-isra%C3%ABl-benjamin-netanyahou-remettrait-en-cause-la-m%C3%A9diation-du-qatar">sous le feu des critiques de Benyamin Nétanyahou</a>.</p>
<h2>Une cérémonie d’ouverture aux sons de la Palestine</h2>
<p>Le 12 janvier dernier, l’ouverture de la Coupe d’Asie à Lusaïl, ville nouvelle située dans le nord de la métropole de Doha, réaffirme une fois de plus l’omniprésence de l’émirat. Ses stades, construits en vue de la Coupe du monde 2022, ont été conçus comme un arsenal, armé pour entretenir ce pilier de son <em>soft power</em> actif.</p>
<p>L’attribution de la Coupe du monde avait pourtant fait jaser, du fait de rumeurs insistantes de <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/09/26/coupe-du-monde-2022-le-qatari-mohamed-ben-hammam-vise-par-un-mandat-d-arret-de-la-justice-francaise_6191047_3224.html">corruption</a> de certains membres de la FIFA ; par la suite, la construction des stades avait mis en lumière le <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/coupe-du-monde/football-coupe-du-monde-2022-6-500-ouvriers-seraient-morts-dans-les-chantiers-au-qatar-7164865">sort inhumain réservé aux ouvriers étrangers</a> travaillant sur les chantiers qatariens ; et l’attention accrue portée au Qatar dans les mois et années précédant la compétition mondiale avait suscité la mise en avant de nombreuses interrogations sur son <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/10/05/ingerence-etrangere-pourquoi-un-lobbyiste-et-un-specialiste-du-qatar-sont-mis-en-examen-dans-une-affaire-tentaculaire_6192618_3224.html">ingérence</a> dans les affaires de ses partenaires, notamment occidentaux. Des accusations illustrant le fait que l’arme première du Qatar réside dans l’argent.</p>
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<p>Tout cela ne semble pas, pour l’heure, freiner la progression de Doha. Dans un système mondialisé avant tout régi par la norme monétaire, le Qatar l’a bien compris : sa prospérité économique le protège. Un an après une finale de Coupe du monde légendaire, l’émir et Gianni Infantino, le président de la FIFA, aux mêmes places, assistent côte à côte à la cérémonie d’ouverture de la Coupe d’Asie des nations.</p>
<p>Et en ces temps de guerre, à la manière d’<em>Al-Jazeera</em>, le Qatar conçoit à nouveau son événement comme une caisse de résonance de son discours international – en l’occurrence, celui d’un appui complet à la cause palestinienne. L’émirat fête ainsi la Palestine – et cette fois-ci, une sélection palestinienne meurtrie mais qualifiée <a href="https://www.la-croix.com/sport/football-cinq-choses-a-savoir-sur-l-equipe-de-palestine-qui-se-distingue-a-la-coupe-dasie-20240129">est sur le terrain</a>.</p>
<p>Le temps de la cérémonie d’ouverture, la pelouse de l’Iconic Stadium prend des airs d’étendue désertique. Sur les dunes, les acteurs et danseurs entrent en scène pour une évocation de <a href="https://www.imarabe.org/fr/rencontres-debats/kalila-dimna-ou-la-fable-fertile"><em>Kalila et Dimna</em></a>, œuvre littéraire majeure du répertoire indien. Ce faisant, Doha rappelle les âges d’or de grandes civilisations asiatiques, de l’Inde à la Bagdad des Abbassides. Ces multiples livres réunissent des fables ayant pour but d’enseigner l’art de gouverner. Écrits en sanskrit au IV<sup>e</sup> siècle, ces textes ont été par la suite traduits en pehlavi dans la Perse sassanide, puis en arabe sous les Abbassides. <em>Kalila et Dimna</em> intègre ainsi la culture arabe. Par le recours à ces traits artistiques, le Qatar crée du liant entre sociétés asiatiques d’horizons divers.</p>
<p>Place au jeu ; comme la tradition le veut, le capitaine de la sélection du pays hôte entre sur le terrain. Hassan Al-Haydoos salue l’émir, puis rappelle que de coutume il revient au capitaine de la sélection hôte de prêter serment pour lancer le tournoi… mais annonce que pour cette édition extraordinaire il réserve cet honneur à la Palestine et à son capitaine. Sous les vivats du stade, Musab Al-Batat prend le micro et déclame le serment.</p>
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<p>Le symbole est fort : la parole est donnée à la Palestine, qui donne le coup d’envoi de cette Coupe d’Asie. À présent, une voix résonne dans l’enceinte : « Lil-madinat al-salat usaly – Pour la ville de la prière je prie ». Sur ces paroles empruntées à la grande diva libanaise, Fayrouz, la chanteuse qatarienne Dana Al-Mir entonne ce vers de sa célèbre chanson <a href="https://www.imarabe.org/fr/actualites/bibliotheque/2018/jerusalem-zahrat-al-mada-in">« Al-Zaharat al-mada’ïn »</a>, un hommage à Jérusalem, restée pour l’opinion arabe la capitale de la Palestine.</p>
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<p>S’ensuit un chant symbolique de la résistance des femmes palestiniennes, le <em>tarwideh</em>, également appelé <em>al-malulah</em>. Dana Al-Mir est rejointe sur scène par un groupe de femmes sorti de l’ombre, portant l’habit traditionnel palestinien, <em>al-thowb al-falestiny</em>. Rassemblées, elles reprennent en cœur une poésie cryptée visant à déjouer la surveillance de l’ennemi. Forgé par les femmes palestiniennes au cours du XX<sup>e</sup> face aux oppressions successives subies par la société palestinienne, ce genre musical repose sur l’inversion des lettres de la phrase ou du cœur de la dernière lettre de chaque mot. Les paroles interprétées à Lusaïl signifient littéralement : <a href="https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=urLTg-3eImU">« Et je suis pour envoyer avec le vent du nord »</a>. L’emploi de ce vers au sens caché vise à donner une orientation géographique au détenu qui l’entend. Puis les danseuses avancent en rythme vers la sortie. Une chanson retentit pour les accompagner : « Bilady, bilady, bilady, ya ardy, ya ard al-jadoud – Mon pays, mon pays, mon pays, ô ma terre, ô la terre des ancêtres ». L’hymne de la Palestine, « Fedayi », ponctue cette cérémonie d’ouverture imprégnée de géopolitique.</p>
<p>Deux semaines plus tard, le Qatar rencontrera la Palestine en huitième de finale et la vaincra de justesse ; mais au-delà du résultat sportif, la plus grande victoire pour Doha sera probablement l’impact symbolique de la solidarité affichée à cette occasion, comme tout au long de la Coupe d’Asie, par les footballeurs et les autorités du petit émirat à l’égard des Palestiniens. Se voyant comme un leader arabe, le Qatar continue de jouer sur la corde sensible de la cause palestinienne qui, loin des palais, demeure le trait d’union entre sociétés de Casablanca à Bagdad.</p>
<h2>La FIFA sous pression, une fois de plus confrontée à la géopolitique moyen-orientale</h2>
<p>À l’abri des regards, les loges et salons de Doha auront vraisemblablement été des lieux d’échanges poussés. Alors que la Coupe d’Asie touche à sa fin, en coulisses, derrière le prince Ali ben Al-Husseïn, l’influent président de la fédération jordanienne, se rangent douze de ses homologues de pays membres de la Fédération d’Asie de l’Ouest de football. Ils formulent auprès de la FIFA une demande d’exclusion de la fédération israélienne de toute instance du football mondial. Cette requête « choc », <a href="https://news.sky.com/story/amp/israel-faces-calls-for-football-ban-from-nations-in-the-middle-east-but-urges-fifa-not-to-involve-politics-13066461">révélée par <em>Sky News</em></a>, montre que ces États décident de pleinement politiser le football mondial pour tenter de peser sur la situation à Gaza. Comptant en son sein de puissants acteurs, parmi lesquels le Qatar, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, cette union entend jouer sur leur stature pour accroître la pression sur le gouvernement Nétanhyaou. La FIFA fait face une nouvelle fois à ses contradictions. Vantée comme « apolitique », l’enceinte sportive se révèle, encore une fois, intrinsèquement politique…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221673/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raphaël Le Magoariec a reçu des financements de Fondation de France. </span></em></p>La Coupe d’Asie organisée au Qatar est pour l’émirat un nouveau moment de soft power – spécialement dans le contexte actuel, quand l’ensemble des sociétés arabes a les yeux braqués sur la Palestine.Raphaël Le Magoariec, Géopolitologue, spécialiste des sociétés de la péninsule Arabique et du sport, CITERES-EMAM, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2216742024-01-30T15:22:15Z2024-01-30T15:22:15ZFootball : le premier échec économique de la Chine moderne<p>Le football <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/chine/mondial-et-si-le-football-etait-une-invention-chinoise_3068889.html">aurait été inventé par les Chinois</a> : le cuju, un jeu similaire au football, aurait été créé pour la formation militaire, plusieurs siècles avant notre ère. Malgré cette histoire lointaine et, surtout, malgré ses importants efforts récents, la Chine n’est aujourd’hui guère à l’honneur dans le sport le plus populaire du monde.</p>
<p>En termes de championnat domestique, d’abord. Alors que <a href="https://theconversation.com/football-le-modele-de-la-saudi-pro-league-peut-il-simposer-214296">l’Arabie saoudite vient de faire signer plusieurs superstars planétaires pour des sommes astronomiques</a>, le championnat de la République populaire peine toujours à émerger sur la scène internationale et ses recrutements ne sont plus à la hauteur de ses ambitions.</p>
<p>En termes d’accueil de grandes compétitions, ensuite : la Chine rêve depuis longtemps d’accueillir une Coupe du monde, mais depuis qu’elle se consacre sérieusement à ce projet les organisations ont été confiées à la Russie (2018), au Qatar (2022), aux trios États-Unis/Mexique/Canada (2026), puis Maroc/Espagne/Portugal (2030) et à l’Arabie saoudite (2034).</p>
<p>En termes de résultats de sa sélection nationale, enfin : l’un des objectifs affichés par la Chine est de remporter une Coupe du monde d’ici à <a href="https://neogeopo.com/fra-archives/chine-x-futur-vers-lhegemonie-de-la-chine-en-2049-avec-10-priorites-strategiques">2049, année du centenaire de la RPC</a>. Mais le football est un domaine où les coûts d’entrée sont très élevés et Pékin l’a appris à ses dépens. Malgré les investissements colossaux consentis dans les années 2000, le bilan sportif est maigre : une seule participation à la Coupe du monde (en 2002, profitant de la qualification directe du Japon et de la Corée co-organisateurs ; la Chine perd ses trois matchs et ne marque aucun but) ; deux finales seulement en Coupe d’Asie (et une <a href="https://www.vietnam.vn/fr/bi-loai-som-o-asian-cup-2023-tuyen-trung-quoc-ngay-lap-tuc-sa-thai-hlv/">élimination piteuse dès les phases de poule cette année, avec zéro but marqué</a>) ; et un classement FIFA qui stagne entre la 70<sup>e</sup> et la 100<sup>e</sup> place depuis une quinzaine d’années.</p>
<p>Les seuls succès enregistrés par le football chinois l’ont été au niveau des clubs, le Guangzhou Evergrande remportant deux fois la Ligue des champions d’Asie, en 2013 et 2015, et au niveau du <a href="https://www.lequipiere.com/le-football-feminin-chinois-en-quete-de-renouveau/">football féminin</a> (neuf victoires en coupe d’Asie et finale de Coupe du monde en 1999).</p>
<p>Cet échec est surprenant pour un pays qui a réussi dans beaucoup de domaines à rattraper son retard, voire à <a href="https://theconversation.com/la-chine-est-elle-re-devenue-la-premiere-puissance-economique-mondiale-181872">dépasser les leaders mondiaux</a>. Un échec auquel Pékin ne se résigne pas : en 2021, l’agence gouvernementale en charge du sport lançait un <a href="https://www.sportstrategies.com/comment-la-chine-veut-toujours-devenir-un-geant-du-football/">nouveau plan sur 15 ans pour faire de la Chine une grande nation de football</a>. Pour la Chine comme pour d’autres pays, le football fait en effet partie aujourd’hui des enjeux géopolitiques et peut même être qualifié d’<a href="https://www.cairn.info/revue-defense-nationale-2017-5-page-134.htm">élément majeur du « soft power »</a>.</p>
<h2>L’investissement massif des années 2000</h2>
<p>Après <a href="https://www.researchgate.net/publication/310037292_An_economic_history_of_Chinese_football_1994_-_2016">l’arrivée du football professionnel en 1994</a> et le lancement de la « Chinese Super League » en 2004, les années 2010 ont vu apparaître des clubs dotés de moyens considérables pour développer le football.</p>
<p>En avril 2016, un <a href="https://footpol.fr/la-chine-et-le-football-le-grand-bond-en-avant-la-geopolitique-chinoise-au-prisme-du-premier-sport-global#">« plan de développement du football à moyen et long terme (2016-2050) » est lancé</a> et le président Xi Jinping (amateur de football) déclare « en avoir assez d’être un nain footballistique alors que la Chine est un géant politique et économique ». L’idée, pour la RPC, est de ne plus accepter d’être battue sur le terrain par des pays voisins de petite taille. Le développement du football est ainsi, pour le pouvoir, un moyen d’affirmer la puissance du pays. L’investissement dans ce domaine relève donc d’une volonté politique de placer la Chine au premier rang des nations dans le sport le plus populaire sur la planète.</p>
<p>Plusieurs recrutements symboliques ont lieu : au premier sélectionneur étranger à prendre les commandes de l’équipe nationale en 1997 (l’Anglais Bon Houghton), succéderont, entre autres, des vedettes de la profession comme le Serbe Bora Milutinovic en 2000, l’Espagnol José Antonio Camacho en 2011, et l’Italien Marcello Lippi en 2016 (vainqueur de la Coupe du monde à la tête de la sélection de son pays dix ans plus tôt).</p>
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<p>Au niveau des clubs, l’année 2012-2013 est marquée par l’arrivée de stars mondiales comme l’Ivoirien Didier Drogba et du Français Nicolas Anelka au club de Shanghai Shenhua, avec des salaires d’un million d’euros par mois (un record pour l’époque).</p>
<p>En 2017-2018, c’est au tour de l’Argentin Carlos Tevez de rejoindre le même club, suivi du Brésilien Hulk au Shanghai Port FC <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/football/mercato-le-bresilien-hulk-rejoint-la-chine-pour-55-millions-deuros-4331206">(pour un transfert à 55 millions d’euros)</a>. Dans la plupart des cas, <a href="https://www.sofoot.com/articles/anelka-et-drogba-le-constat-dechec-du-foot-chinois-chine-chinese-super-league-mercato">l’aventure se termine mal</a> : les joueurs repartent, les supporters sont déçus et le bilan financier est désastreux.</p>
<p>En matière d’investissement, l’avancée de la Chine s’est également faite, à la même période, avec le rachat de clubs européens par des groupes privés (néanmoins liés à l’État). En 2016, le <a href="https://www.lexpress.fr/sport/le-milan-ac-officiellement-vendu-a-un-groupe-d-investisseurs-chinois_1898802.html">Milan AC est racheté pour 740 millions d’euros</a> (mais finalement, faute de paiement, le club est repris par des Américains). La même année, <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/football/italie/football-linter-milan-rachete-70-par-le-groupe-chinois-suning-4280181">l’Inter de Milan est acheté à hauteur de 70 % par le groupe Suning</a> (pour 270 millions d’euros). En Angleterre, toujours en 2016, <a href="https://www.rtbf.be/article/west-bromwich-rachete-par-un-investisseur-chinois-9369853">West Bromwich Albion est racheté par le groupe Yunyi Guoka</a> et <a href="https://www.lepoint.fr/sport/angleterre-aston-villa-rachete-par-un-groupe-chinois-18-05-2016-2040301_26.php">Aston Villa par le groupe Recon</a>. En Espagne, c’est <a href="https://www.lindependant.fr/2015/11/03/l-espanyol-barcelone-passe-aux-mains-des-chinois,2108093.php">l’Espanyol Barcelone qui a été racheté en 2015</a> pour 64 millions d’euros.</p>
<p>Des prises de participation sont également opérées dans de grands clubs, sans en prendre le contrôle, comme <a href="https://investir.lesechos.fr/actu-des-valeurs/la-vie-des-actions/le-groupe-chinois-dalian-wanda-prend-20-de-latletico-madrid-1688376">l’Atletico Madrid</a> (20 % pour 45 millions d’euros en 2015). En France, les investisseurs chinois ont également racheté des clubs, comme <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/yonne/auxerre/yonne-le-proprietaire-chinois-james-zhou-nomme-president-du-club-de-l-aj-auxerre-2085133.html">l’ AJ Auxerre</a> (en 2016 pour 7 millions d’euros « seulement »), le <a href="https://www.francebleu.fr/sports/football/fc-sochaux-le-chinois-nenking-devient-officiellement-proprietaire-du-club-1587997600">FC Sochaux</a> (en 2015 pour 7 millions d’euros également), ou des parts de <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/rhone/lyon/fonds-chinois-rachete-20-parts-olympique-lyonnais-1154327.html">l’Olympique lyonnais</a> (20 % en 2016) ou de <a href="https://www.liberation.fr/sports/2016/06/11/des-investisseurs-chinois-entrent-au-capital-de-l-ogc-nice_1458809/">l’OGC Nice</a> (80 % en 2016).</p>
<p>Enfin, la Guangzhou Evergrande Football Academy de Qingyan est devenue la <a href="https://www.lefigaro.fr/le-scan-sport/2017/01/12/27001-20170112ARTFIG00210-l-academie-de-foot-chinoise-de-la-demesure-a-canton.php">plus grande académie de football au monde</a> avec 280 millions d’euros d’investissements par l’entreprise Evergrande et un partenariat avec le Real Madrid qui envoie des entraîneurs espagnols comme conseillers.</p>
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<p>Au niveau des structures, le plan de Xi JinPing prévoyait le développement d’un championnat de haut niveau avec des stades de qualité. Une ambition affichée est d’organiser une Coupe du monde (la Chine ayant déjà accueilli la Coupe du monde féminine de football en 2007). Les stades ont été construits ou agrandis avec l’implication des entrepreneurs chinois.</p>
<p>Les dix plus gros entrepreneurs chinois ont tous acheté un club du championnat. Par exemple, Alibaba a pris 50 % des parts du Guangzhou Evergrande. L’État a également participé en soutenant directement des clubs (comme Shanghai Port FC). Les droits télévisuels sont passés de 7 millions de dollars en 2014-2015 à 140 millions en 2015-2016. Aujourd’hui, les stades sont là. En plus de dizaines de stades d’environ 30000 places, onze stades plus grands, d’une capacité située entre 57 000 et 80 000 places ont été construits ces 20 dernières années.</p>
<p><a href="https://www.francetvinfo.fr/sports/le-football-comme-axe-majeur-du-developpement-sportif-de-la-chine-l-ambition-demesuree-d-une-nation-mineure_4450289.html">Le plan de Xi Jinping</a> prévoyait aussi de rendre le football obligatoire à l’école, de créer 50 000 académies de foot (accueillant 50 millions d’enfants) et de faire en sorte que le football représente 1 % du PIB de la Chine. Son prédécesseur, Hu Jintao, voulait passer « d’un pays de premier plan en termes d’organisations sportives à une puissance sportive de renommée mondiale ».</p>
<p>La professionnalisation a engendré une transformation des instances. Depuis 2020, l’organisation de la Chinese Super League est confiée par la Fédération chinoise de football aux clubs, dans un souci de développement commercial sur le modèle de la Premier League anglaise. Les sponsors se sont développés, avec notamment Ping An (société d’assurance), Nike, Ford, DHL, Shell, Tsingtao ou encore Tag Heuer.</p>
<h2>Le repli actuel</h2>
<p>Les investissements ont été freinés à partir de la fin des années 2010 et une nouvelle politique prônée afin de limiter le « gaspillage ». Certains grands clubs, comme Jiangsu Suning ou Tianjin Tainhai, <a href="https://lucarne-opposee.fr/index.php/actualite/afc/archives/chine/8408-chine-chinese-super-league-2021-le-monde-d-apres">mettent la clé sous la porte en 2020</a>. Le premier, racheté en 2015 par le Suning Appliance Group pour 68 millions d’euros, avait recruté à prix d’or des joueurs internationaux brésiliens (Ramires pour 30 millions d’euros et Teixeira pour 50 millions), ainsi que l’entraîneur italien Fabio Capello. Le second avait recruté le Belge Witsel pour 20 millions d’euros et le Brésilien Pato pour 18 millions d’euros.</p>
<p>Ces disparitions vont de pair avec la crise Covid qui a considérablement affaibli financièrement le football chinois. Même si le repli des investissements avait légèrement anticipé la crise sanitaire, les effets ont été catastrophiques pour la plupart des clubs.</p>
<p>Dès 2017, une <a href="https://www.letemps.ch/economie/football-chinois-somme-mettre-lordre-finances">« luxury tax » avait été imposée par le gouvernement</a> : tout club dépensant plus 6 millions d’euros d’achat d’un joueur doit payer une taxe égale à 100 % de l’indemnité de transfert (réinjectée dans le développement du football en Chine).</p>
<p>Cette mesure, accompagnée d’une surveillance accrue des finances des clubs et de leur solvabilité, a freiné ces derniers dans leur développement. La Chinese Super League a ensuite fixé de nouvelles règles avec un « salary cap » (masse salariale maximale par équipe) et un salaire maximum par joueur afin de limiter la dérive financière.</p>
<p>Les récentes <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/football/equipe-chine/football-lex-president-de-la-federation-chinoise-juge-pour-corruption-cced04e4-be71-11ee-8a7d-fa3ec2db0626">affaires de corruption</a> révélées au sein de la fédération chinoise de football ne font que renforcer les craintes (Chen Xuyuan, président de l’Association chinoise de football, fait l’objet d’une enquête, après l’arrestation de Li Tie, ancien entraîneur de l’ACF et Chen Yongliang, secrétaire général).</p>
<p>Aujourd’hui, le championnat chinois a une valeur marchande (prix estimé de tous les joueurs) très éloignée des plus grands championnats, avec une somme de 154 millions d’euros qui le situe à la <a href="https://www.transfermarkt.fr/wettbewerbe/asien/wettbewerbe">sixième place sur le continent asiatique</a> mais loin des européens (3,5 milliards pour la Ligue 1 en France ou 10,5 milliards pour la Premier League en Angleterre). Même le championnat des États-Unis est presque dix fois plus coté (1,3 milliard).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/571860/original/file-20240129-19-kebv5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571860/original/file-20240129-19-kebv5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571860/original/file-20240129-19-kebv5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571860/original/file-20240129-19-kebv5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571860/original/file-20240129-19-kebv5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571860/original/file-20240129-19-kebv5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571860/original/file-20240129-19-kebv5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Valeur des championnats asiatiques en prix des joueurs y évoluant.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.transfermarkt.fr/wettbewerbe/asien/wettbewerbe">Transfermarkt.de</a></span>
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<p>Concernant le nombre de spectateurs dans les stades, les deux années Covid ont faussé les statistiques et la dernière saison redonne des <a href="https://www.transfermarkt.fr/chinese-super-league/besucherzahlenentwicklung/wettbewerb/CSL">chiffres un peu inférieurs à ceux des années précédentes</a> – autour de 20 000 spectateurs en moyenne par match, en stagnation depuis 2014, après une montée rapide de 2009 à 2015 (passant de 14 000 à 22 000). Ces chiffres sont à rapprocher de ceux d’un championnat majeur comme la Ligue 1, où l’on recense 24 000 spectateurs en moyenne.</p>
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<span class="caption">Nombre de spectateurs dans le championnat de République de Chine par année.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.transfermarkt.fr/chinese-super-league/besucherzahlenentwicklung/wettbewerb/CSL">Transfermakt.de</a></span>
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<h2>L’un des rares échecs internationaux de la Chine de Xi Jinping</h2>
<p>La Chine a beaucoup investi dans le football dans l’optique de gagner une place importante sur la scène internationale permettant d’asseoir sa stature de grande puissance et de développer son soft power.</p>
<p>Les résultats n’ont pas été au rendez-vous et les sommes investies n’ont pas été rentabilisées, si bien qu’aujourd’hui la Chine semble avoir reculé, pour ne pas dire renoncé. Dans ce domaine, elle est désormais largement devancée par d’autres nations asiatiques (Qatar, Arabie saoudite) dont les premiers succès seront toutefois à confirmer.</p>
<p>Cet échec d’un investissement colossal est étonnant dans le paysage économique actuel, tant les succès sont nombreux pour les projets chinois sur des domaines où la Chine partait de loin à l’échelle internationale : éolien, ferroviaire, universités, etc. La Chine semble en avoir tiré les leçons en misant davantage sur la formation (académies de football), et plus généralement en se montrant plus patiente, espérant en tirer profit plus tard avec l’éclosion de talents. Elle paraît avoir réussi à sortir suffisamment tôt de l’emballement et de la folie des grandeurs qui caractérisent les pays du Golfe et qui peuvent conduire à des pertes importantes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221674/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphane Aymard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le championnat chinois ne fait plus recette, l’équipe nationale est très faible, le pays n’a pas obtenu l’organisation de la Coupe du monde 2030 qu’il convoitait…Stéphane Aymard, Ingénieur de Recherche, La Rochelle UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2208912024-01-11T16:39:04Z2024-01-11T16:39:04ZFootball : au Qatar, coup d’envoi de la Coupe d’Asie des tensions<p>À peine plus d’un an après avoir accueilli la Coupe du Monde, le Qatar s’apprête à accueillir à nouveau l’une des plus grandes compétitions de football, la Coupe d’Asie des nations. Le petit pays du Golfe lancera la compétition face au Liban, le 12 janvier, au stade Lusail, près de Doha, où <a href="https://www.aljazeera.com/news/2022/12/18/tears-of-relief-and-joy-as-messi-lifts-world-cup-for-argentina">Lionel Messi avait mené l’Argentine à la victoire</a> en décembre 2022.</p>
<p>Le Qatar espère <a href="https://www.cnbc.com/2019/01/30/qatar-thrashes-uae-4-0-in-politically-charged-asia-cup-semi-final--.html">conserver son titre acquis en 2019</a> face au Japon, aux Émirats arabes unis. Les cinq dernières années ont été mouvementées, turbulentes et donc incertaines : la <a href="https://www.reuters.com/lifestyle/sports/china-gives-up-2023-asian-cup-hosting-rights-afc-2022-05-14/">Chine aurait dû accueillir l’événement</a>, mais une combinaison de raisons politiques et sanitaires (sa politique « zéro Covid ») a <a href="https://asia.nikkei.com/Business/Business-Spotlight/Chinese-soccer-plunges-deeper-into-crisis">réduit les ambitions du pays</a> qui <a href="https://www.espn.co.uk/football/story/_/id/37628437/china-withdraw-afc-asian-cup-2023-hosts">a finalement renoncé en 2022</a> à accueillir le tournoi.</p>
<p>Quand elle a gagné le droit d’organiser la Coupe d’Asie, en 2019, la Chine aspirait à devenir l’une des principales nations de football au monde. Or, ces rêves ont été contrariés par des joueurs peu performants, des politiciens qui s’immiscent dans le jeu et la prudence apparente des officiels chinois.</p>
<h2>Le Qatar à nouveau au centre de l’attention</h2>
<p>La Confédération asiatique de football (AFC) a donc rouvert les candidatures et reprogrammé la compétition en 2024, une opportunité fortuite pour le Qatar. Ayant dépensé <a href="https://publika.skema.edu/qatar-saudi-arabia-sport-is-also-a-means-to-accumulate-power-and-build-control/">240 milliards de dollars pour accueillir la Coupe du monde</a>, le pays pourra réutiliser ses nouvelles infrastructures et démontrer que l’organisation d’un tournoi peut avoir des retombées positives. Sur le plan régional, cela est d’autant plus important que, depuis 2019, l’Arabie saoudite voisine est devenue un sérieux <a href="https://www.thisdaylive.com/index.php/2023/08/30/sports-and-entertainment-tourism-saudi-arabias-ambitious-plan-to-host-major-events-and-attract-global-audiences">rival pour les projets d’accueil d’événements sportifs</a> du Qatar.</p>
<p>Néanmoins, le Qatar se retrouve une fois de plus au centre de l’attention, une position que le gouvernement du pays souhaite perpétuer. Lors de la Coupe du monde 2022, il s’est imposé comme un <a href="https://www.cityam.com/size-matters-why-tiny-qatar-decided-it-needed-to-host-the-world-cup/">hôte fiable</a>, capable d’organiser des événements avec succès, comme un point focal pour communiquer une <a href="https://time.com/6237673/arab-nationalism-world-cup-qatar/">vision de l’unité arabe</a> et pour démontrer qu’il est un membre légitime et digne de confiance de la communauté internationale. Cette année, les responsables de Doha rechercheront sans aucun doute le même objectif, surtout au vu des récentes turbulences au Moyen-Orient.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/568637/original/file-20240110-29-8ndfnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Vue du stade Lusail de Doha au Qatar" src="https://images.theconversation.com/files/568637/original/file-20240110-29-8ndfnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568637/original/file-20240110-29-8ndfnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568637/original/file-20240110-29-8ndfnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568637/original/file-20240110-29-8ndfnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568637/original/file-20240110-29-8ndfnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568637/original/file-20240110-29-8ndfnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568637/original/file-20240110-29-8ndfnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le stade Lusail de Doha, où s’est déroulé la finale de la Coupe du monde 2022, accueille le match d’ouverture, le 12 janvier.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://zh.wikipedia.org/zh-cn/File:Lusail_Iconic_Stadium,_Qatar.jpg">Ilus/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Ces dernières années, le <a href="https://edition.cnn.com/2023/11/01/middleeast/qatar-mediation-israel-hamas-intl/index.html">Qatar s’est engagé dans la diplomatie</a> entre les États-Unis et le gouvernement taliban en Afghanistan, a organisé un échange d’otages entre l’Iran et les États-Unis et a joué un rôle déterminant dans la négociation de la libération d’otages palestiniens et israéliens. Lors de la Coupe d’Asie, les responsables qataris <a href="https://apnews.com/article/qatar-palestinians-israel-negotiation-hostages-6a11f09dd0968de8eb232260d7aca90d">devront déployer pleinement leur « soft power »</a> (puissance douce) et leur diplomatie, notamment en raison de l’identité de plusieurs équipes qualifiées pour le tournoi.</p>
<h2>Football et politique se mélangent</h2>
<p>Les événements actuels au Proche-Orient ont entraîné la <a href="https://www.aljazeera.com/sports/2023/10/30/israelis-war-on-gaza-hits-palestinian-football">mort de plusieurs joueurs de football</a> et la guerre a posé des problèmes à la sélection palestinienne pour se préparer au tournoi. Pour son premier match, l’équipe affrontera l’Iran, <a href="https://www.chathamhouse.org/2023/11/irans-regional-strategy-raising-stakes-hamas-israel-war">pays accusé par Israël, les États-Unis et leurs alliés</a> d’être à l’origine des attaques du Hamas en Palestine et de soutenir le Hezbollah au Liban. Ce dernier participera également au tournoi, dans le même groupe que le Qatar et la Chine, à un moment de tensions croissantes, comme en témoigne la <a href="https://edition.cnn.com/2024/01/03/middleeast/iran-explosions-soleimani-ceremony-intl/index.html">récente explosion terroriste</a> à Téhéran.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1719136639170056311"}"></div></p>
<p>Lors de la Coupe du monde 2022, <a href="https://www.npr.org/2022/11/29/1139548119/iran-protests-2022-world-cup">l’Iran s’était attiré les foudres du monde entier</a>, car à l’époque, des femmes du pays étaient arrêtées et battues pour avoir refusé de se couvrir la tête en public. Cette question pourrait resurgir une fois de plus, bien que l’apparition des Émirats arabes unis dans le même groupe que l’Iran et que la sélection palestinienne suggère que des questions plus importantes pourraient être soulevées – idéalement, le football et la politique ne devraient pas se mélanger, mais c’est très souvent le cas.</p>
<p>Tout au long du récent conflit au Moyen-Orient, Etihad Airways d’Abu Dhabi a été <a href="https://gulfnews.com/business/aviation/uaes-etihad-resumes-israel-flights-emirates-suspends-all-tel-aviv-flights-until-october-20-1.1696997020113">l’une des rares compagnies aériennes internationales à continuer à desservir Tel-Aviv</a>. Cela fait suite à la normalisation de ses relations avec Israël en 2020, un processus qui a ensuite donné lieu à <a href="https://news.sky.com/story/beitar-jerusalem-emirati-sheikh-invests-in-football-club-with-reputation-for-anti-arab-racism-12155293">plusieurs accords dans le domaine du football</a>. Mais le Qatar, pays hôte du tournoi, a toujours refusé de suivre le mouvement, tandis que l’Arabie saoudite est <a href="https://www.reuters.com/world/middle-east/saudi-arabia-puts-israel-deal-ice-amid-war-engages-with-iran-sources-say-2023-10-13/">revenue sur sa volonté de normalisation</a> à la suite de l’action militaire d’Israël à Gaza.</p>
<h2>Une édition particulière</h2>
<p>La Coupe d’Asie de cette année se déroulant dans un contexte de conflit et d’incertitude, l’Arabie saoudite s’y rend en essayant de se forger une <a href="https://www.ft.com/content/a619d07c-70e3-453c-83b3-3ce2ff903a78">réputation internationale plus progressiste et plus responsable</a>. Cela n’a jamais été aussi évident qu’à travers ses <a href="https://theconversation.com/saudi-arabia-and-sport-a-strategic-gamble-aiming-for-economic-political-and-social-goals-199233">récents investissements sportifs</a>, en particulier dans le football. Il y a cinq ans, le royaume était arrivé deuxième de son groupe et avait quitté la compétition en huitièmes de finale, une performance décevante comparée à celle de ses petits voisins, le Qatar et les Émirats arabes unis (qui ont atteint les demi-finales).</p>
<p>Cette fois-ci, l’Arabie saoudite, qui a <a href="https://www.middleeasteye.net/news/saudi-arabia-football-huge-spending-reshape-middle-east">beaucoup investi dans l’acquisition de joueurs étrangers</a> pour son championnat national, espère mieux jouer, voire remporter le tournoi, et projeter une image du pays qui attire l’attention de manière positive plutôt que négative. La Coupe d’Asie ne sera pas un test décisif pour évaluer le retour sur investissement de l’Arabie saoudite dans le football, mais les performances de l’équipe dans le tournoi donneront une indication de l’évolution du football dans le royaume.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/football-le-modele-de-la-saudi-pro-league-peut-il-simposer-214296">Football : le modèle de la Saudi Pro League peut-il s’imposer ?</a>
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<p>En ce qui concerne le soft power et l’attractivité, les pays du Golfe se retrouveront <a href="https://theconversation.com/world-cup-2022-who-won-the-prize-for-soft-power-195867">face à certains des meilleurs dans ce domaine</a>, notamment le Japon et la Corée du Sud. Tous deux participeront au tournoi et ont une réputation bien établie pour ce qui est de séduire le public dans le monde entier, qu’il s’agisse des supporters japonais qui <a href="https://timesofindia.indiatimes.com/life-style/spotlight/japanese-fans-cleaning-stadiums-its-cool-but-why-are-they-doing-it/articleshow/95993013.cms">nettoient les stades après leur passage</a> ou du Sud-Coréen Son Heung-min, véritable <a href="https://www.korea.net/NewsFocus/Culture/view?articleId=226199">ambassadeur de la « vague Hallyu »</a>, qui désigne la politique de soft power du pays.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1595475389257760768"}"></div></p>
<p>À ce mélange de tensions, d’attraction et d’intrigues s’ajoutent l’Australie et la Syrie, qui s’affrontent, même si <a href="https://www.smh.com.au/politics/federal/australia-to-end-air-strikes-in-iraq-and-syria-following-victory-over-islamic-state-20171222-h090x4.html">leurs relations en dehors du terrain restent tendues</a> (la première ayant bombardé la seconde au cours de la dernière décennie). L’Indonésie sera également présente, pays qui ambitionnait d’accueillir la Coupe du monde <a href="https://www.espn.co.uk/football/story/_/id/38687241/saudi-given-2034-wc-bid-boost-indonesia-show-support">mais qui se serait retiré</a> pour permettre à l’Arabie saoudite de devenir le favori pour l’organisation du tournoi de 2034. Il y a aussi l’Inde, une nation traditionnellement peu performante dans le domaine du football mais qui <a href="https://www.firstpost.com/sports/football-news/indian-football-2023-year-in-review-13526702.html">s’éveille peu à peu</a> aux avantages économiques et politiques de ce sport.</p>
<p>Contrairement aux éditions précédentes, la Coupe d’Asie 2024 revêt une importance particulière. Certaines régions du continent sont en proie à des conflits, tandis que d’autres sont en train de devenir des puissances mondiales. Cela illustre la façon dont le <a href="https://knowledge.skema.edu/future-sport-asia-khanna-soft-power/">monde pivote du Nord vers le Sud</a>. Dans le même temps, le tournoi nous rappelle que ce pivot ne se fait pas nécessairement sans heurts, surtout en ces temps difficiles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220891/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Un peu plus d’un an après le Mondial, le Qatar accueille le tournoi international continental dans un contexte de rivalités avec le voisin saoudien et du risque d’embrasement de la région.Simon Chadwick, Professor of Sport and Geopolitical Economy, SKEMA Business SchoolPaul Widdop, Reader of Sport Business, Manchester Metropolitan UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2164672023-11-07T17:27:11Z2023-11-07T17:27:11ZComment le rugby est devenu un élément majeur de l’identité irlandaise<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/556154/original/file-20231026-24-42brlj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C3537%2C2360&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’équipe nationale de rugby est composée à la fois de joueurs de la République d’Irlande et de joueurs d’Irlande du Nord.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Marco Iacobucci Epp/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le 9 septembre 2023, l’Irlande a entamé sa Coupe du monde de rugby par un match contre la Roumanie, à Bordeaux. En tribunes, l’ambassadeur d’Irlande et l’ambassadeur du Royaume-Uni étaient présents. Tous deux étaient venus encourager « leur » Irlande. En effet, l’équipe d’Irlande représente l’ensemble de l’île, donc aussi bien la République d’Irlande, qui est <a href="https://www.lisez.com/livre-de-poche/histoire-de-lirlande/9782262030223">indépendante depuis 1922</a>, que l’Irlande du Nord, restée dans le giron du Royaume-Uni.</p>
<p>Cette simple image des deux ambassadeurs illustre la complexité du rapport entre sport et politique en Irlande. Les équipes nationales irlandaises – et spécialement celle de rugby – se trouvent, plus qu’ailleurs, au centre de la construction identitaire des habitants de l’île, qu’ils soient citoyens de la République d’Irlande (5 millions de personnes) ou qu’ils comptent parmi les quelque 2 millions de résidents de l’Irlande du Nord, laquelle est partie intégrante du Royaume-Uni.</p>
<h2>Stades, drapeaux, hymnes… Les casse-tête irlandais</h2>
<p>Malgré la partition de 1922, l’Irlande est représentée par une seule sélection nationale unique dans de nombreux sports. Cette situation n’est pas allée sans créer quelques problèmes.</p>
<p>En football, jusque dans les années 1950, la République d’Irlande et l’Irlande du Nord prétendaient toutes deux représenter « l’Irlande ». Certains joueurs en profitaient pour jouer pour l’équipe du Nord le samedi à Belfast, avant de prendre le train pour Dublin et de porter les couleurs de l’équipe du Sud le dimanche. En 1953, la FIFA a ordonné que cela cesse et a décrété que, dorénavant, les deux équipes s’appelleraient République d’Irlande et Irlande du Nord.</p>
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<p>En hockey sur gazon, une équipe irlandaise unique dispute la Coupe du monde et le Championnat d’Europe ; mais les règles des Jeux olympiques n’autorisent pas la présence de plusieurs équipes d’un même pays : aux JO, il y a donc une seule équipe représentant l’ensemble du Royaume-Uni, et une autre représentant la République d’Irlande. Plusieurs hockeyeurs ont ainsi joué pour l’Irlande lors de la Coupe du monde et des Championnats d’Europe, mais pour l’équipe du Royaume-Uni lors des Jeux olympiques.</p>
<p>En ce qui concerne le rugby, les problèmes ont également été nombreux lors des matchs de la sélection. Tout d’abord, où doit-elle disputer ses rencontres à domicile ? L’Irlande joue principalement à Dublin, et occasionnellement à Belfast, en Irlande du Nord (donc au Royaume-Uni).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/556129/original/file-20231026-15-21aip8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/556129/original/file-20231026-15-21aip8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/556129/original/file-20231026-15-21aip8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/556129/original/file-20231026-15-21aip8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/556129/original/file-20231026-15-21aip8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/556129/original/file-20231026-15-21aip8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/556129/original/file-20231026-15-21aip8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/556129/original/file-20231026-15-21aip8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Lors de ce match au Millenium Stadium, au Pays de Galles, les supporters irlandais brandissent le drapeau national et le drapeau vert de l’IRFU.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.irishrugby.ie/gallery/fans-at-wales-v-ireland-millennium-stadium-saturday-march-21-2009/#nanogallery/undefined/0/1">Irish Rugby</a></span>
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<p>Dès lors, quel drapeau afficher ? Pour éviter les litiges sur ce point, l’IRFU (la fédération chargée du rugby à XV en Irlande) a conçu son propre drapeau en 1925. Lors des matchs qui se déroulent à Dublin, ce drapeau est associé au drapeau tricolore de la République. Et lors des rares matchs tenus à Belfast, c’est le drapeau de l’Ulster (région historique située dans le nord de l’île d’Irlande, qui recouvre la totalité de l’entité du Royaume-Uni qu’est l’Irlande du Nord ainsi que trois comtés relevant de la République d’Irlande) qui est utilisé conjointement avec celui de l’IRFU.</p>
<p>Autre symbole important de l’identité : l’hymne. Lors des matchs de rugby à Dublin, l’hymne national de la République d’Irlande (« Amhràn na bhFiann ») est joué, tandis qu’à Belfast, c’est « God Save The Queen » (ou désormais God Save The King) qui est utilisé, et aucun hymne n’est joué lors des matchs à l’extérieur. En 1954, ce problème a atteint son paroxysme lorsque certains joueurs de la République ont protesté contre l’utilisation de « God Save The Queen » avant un match contre l’Écosse à Belfast. Il s’ensuivit une longue période pendant laquelle l’IRFU évita d’organiser des matchs à Belfast.</p>
<p>L’absence d’un hymne irlandais acceptable par tous a été un problème lors de la première Coupe du monde de rugby, en 1987. Toutes les équipes, à l’exception de l’Irlande, avaient un hymne. En guise de mesure d’urgence, l’équipe a donc utilisé l’enregistrement, sur une cassette audio, d’une ballade irlandaise, <a href="https://www.independent.ie/regionals/kerry/news/the-rose-of-tralee-and-the-rugby-world-cup-how-the-kerry-festival-inspired-irelands-call/a697801384.html">« The Rose of Tralee »</a>. Cet enregistrement a suscité des moqueries en raison de la piètre qualité audio de la cassette et du fait que le morceau avait été enregistré par un musicien allemand, James Last.</p>
<p>Finalement, l’IRFU a commandé un hymne pour l’équipe de rugby, « Ireland’s Call ». Il a été écrit par l’un des meilleurs auteurs-compositeurs irlandais, Phil Coulter. Bien qu’il ait été initialement <a href="https://global.oup.com/academic/product/sport-and-ireland-9780198745907">critiqué</a>, il a fini par être adopté comme hymne politiquement neutre, non seulement par l’équipe irlandaise de rugby, mais aussi par les équipes irlandaises de cricket et de hockey.</p>
<p>La pratique consiste désormais à jouer « Ireland’s Call » et « Amhràn na bhFiann » à Dublin, mais seulement « Ireland’s Call » lors des matchs à l’extérieur.</p>
<p>Lors de la Coupe du monde de rugby 2023, un hymne non officiel des supporters a vu le jour. Les fans irlandais ont commencé à chanter la chanson « Zombie » des Cranberries, écrite quelque 30 ans plus tôt en réaction à un attentat à la bombe de l’IRA. L’adoption de cette chanson par les fans de rugby a déclenché un débat, certains estimant qu’elle insultait le nationalisme irlandais et qualifiant les fans de rugby de « West Brits » (terme péjoratif désignant les Irlandais trop pro-britanniques). Toutefois, le premier ministre irlandais actuel, Leo Varadkar, a insisté sur le fait qu’il s’agissait d’une <a href="https://www.theguardian.com/world/2023/oct/13/ireland-embrace-zombie-song-rugby-world-cup-stirs-debate-lyrics">« chanson antiterroriste ; ce n’est pas une chanson nationaliste ou unioniste »</a></p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/CbGq_ffK2Jo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>Le poids des années de Troubles</h2>
<p>Les discussions relatives à « Zombie » montrent comment le rugby a été affecté par les <a href="https://www.cairn.info/les-conflits-dans-le-monde--9782200611613-page-179.htm">Troubles</a>, le violent conflit sur le statut de l’Irlande du Nord qui a duré de la fin des années 1960 jusqu’à l’accord de paix de 1998.</p>
<p>Les graves violences qui ont éclaté en Irlande du Nord ont en effet eu des conséquences sur le rugby. En 1972, l’Écosse et le Pays de Galles ont refusé de se rendre à Dublin pour participer au Tournoi des cinq nations. L’année suivante, on s’attendait à ce que l’Angleterre fasse de même, mais au lieu de cela, elle est venue jouer à Dublin, un geste de soutien qui a été chaleureusement accueilli en Irlande.</p>
<p>Après ces deux années particulièrement tendues, il n’y a pas eu d’autres annulations de matchs de rugby. Cependant, en avril 1987, trois joueurs du Nord – Nigel Carr, David Irwin et Philip Rainey – ont été blessés lorsque la voiture dans laquelle ils se rendaient à une séance d’entraînement a été prise dans un attentat à la bombe commis par l’IRA au passage de la frontière entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande. La cible de l’attentat était <a href="https://www.irishtimes.com/news/victims-lord-justice-gibson-and-his-wife-cecily-1.400995">Maurice Gibson</a>, un haut magistrat d’Irlande du Nord ; sa femme et lui-même ont été tués dans l’explosion.</p>
<p>La voiture qui emmenait les trois rugbymen vers le sud passait juste à ce moment-là. Les joueurs n’ont pas subi de blessures mortelles – tous les trois ont fait partie de l’équipe d’Irlande lors de la Coupe du monde qui s’est déroulée plus tard dans l’année – mais l’un d’entre eux, Carr, s’est retiré prématurément du rugby à la suite des blessures qu’il a subies.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/b4g9rFq90p0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Revenons brièvement sur la question des stades accueillant les matchs. En 2007, l’ancien stade de Lansdowne Road à Dublin a été fermé pendant trois ans pour reconstruction. Pendant ces années, les rencontres internationales de rugby (et de football) ont été déplacées à Croke Park. Ce stade appartient à la Gaelic Athletic Association (GAA), qui vise à promouvoir les sports typiquement irlandais tels que le football gaélique et le hurling.</p>
<p>À l’origine, la GAA interdisait spécifiquement les « sports étrangers » tels que le football et le rugby – les membres des clubs de la GAA n’avaient pas le droit de participer à ces sports, ni même de les regarder. Si cette hostilité profonde s’est atténuée au début des années 2000, la réticence à aider un sport rival reste considérable. Un membre important de la GAA a par exemple déclaré en 2017 que le rugby <a href="https://www.irishexaminer.com/sport/gaa/arid-20442688.html">« menaçait de détourner les jeunes joueurs prometteurs des sports gaéliques »</a>.</p>
<p>En outre, Croke Park est imprégné de symbolisme nationaliste. L’une des extrémités du terrain est connue sous le nom de « Hill 16 », en mémoire du <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/le-soulevement-de-paques-en-irlande-en-1916-6782217">soulèvement nationaliste de 1916 contre la domination britannique en Irlande</a>. Une autre partie est appelée Hogan Stand, en l’honneur d’un joueur de football gaélique qui fut l’une des 14 personnes tuées à Croke Park le <a href="https://www.francetvinfo.fr/sports/centenaire-du-bloody-sunday-le-jour-ou-un-match-de-football-gaelique-s-est-transforme-en-massacre_4429661.html">21 novembre 1920</a> lorsque les forces de sécurité britanniques ont ouvert le feu sur une foule assistant à un match de football gaélique. La décision d’accueillir à Croke Park un « match étranger » a donc suscité la controverse. Cependant, lorsque l’Irlande y a joué contre l’Angleterre en 2007, « God Save The Queen » a été traité avec respect, ce qui a fait de cette journée <a href="https://www.theguardian.com/sport/2007/feb/26/rugbyunion.sixnations20071">« un jour de fierté pour l’Irlande moderne »</a>.</p>
<h2>Un sport devenu fédérateur</h2>
<p>On le voit : en Irlande, le rugby est entouré d’une importante symbolique politique. Malgré tout, l’île continue d’aligner une équipe nationale unique.</p>
<p>Au cours des dernières décennies, c’est aussi l’alignement identitaire lié au rugby qui a changé. Auparavant, ce sport était considéré comme fortement protestant et, par conséquent, aux yeux d’une grande partie de la République d’Irlande, il <a href="https://muse.jhu.edu/article/510690/pdf">« ne représentait pas vraiment l’Irlande »</a>.</p>
<p>Mais progressivement, le nombre de catholiques appréciant et pratiquant le jeu a augmenté et une position plus équilibrée a émergé. Ce processus a été renforcé par l’identité de classe liée à la pratique et à l’appréciation du rugby en Irlande. Le rugby est fortement ancré dans la classe moyenne et « la pratique du rugby et la participation sociale au rugby (appartenance à un club, participation aux matchs, etc.) <a href="https://www.esri.ie/system/files/publications/RS97_0.pdf">sont fortement liées au statut socio-économique »</a>. Cette appartenance à une même classe sociale a contribué à maintenir l’unité du rugby en Irlande.</p>
<p>Enfin, la professionnalisation du rugby en 1995 a eu un impact majeur sur sa place en Irlande. Sa popularité a nettement augmenté, tant au niveau des clubs qu’au niveau de l’équipe nationale. L’ère du professionnalisme a également permis à de nombreux joueurs australiens, néo-zélandais et sud-africains de s’installer en Irlande et même de jouer pour la sélection irlandaise. Cela a contribué à l’affaiblissement des identités nationalistes et unionistes les plus dogmatiques et les plus enracinées, qui sont en train d’être remplacées par de nouvelles identités plus mondialisées.</p>
<p>Alors que l’équipe d’Irlande a pu être autrefois <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/714947402">« une union temporaire de deux nations politiquement distinctes par le biais du sport »</a>, elle « transcende désormais les barrières et les différences de race, de sexe, de religion et d’orientation sexuelle », selon la <a href="https://www.irishrugby.ie/irfu/strategic-plan/">formule de l’IRFU</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216467/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michael Holmes ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La Coupe du monde de rugby n’aura pas souri aux Irlandais, mais la compétition leur a tout de même permis, une fois de plus, d’exprimer leur unité à travers leur sélection nationale.Michael Holmes, Maître de conférences en science politique, Institut catholique de Lille (ICL)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2168492023-11-05T18:23:04Z2023-11-05T18:23:04ZFermeture de plusieurs Instituts Goethe en France : une décision dommageable pour la relation franco-allemande<p>Au terme d’un « dialogue stratégique » mené avec le ministère allemand des Affaires étrangères, la Direction centrale des Instituts Goethe, domiciliée à Munich, a fait part le 27 septembre 2023 de son <a href="https://www.goethe.de/de/uun/prs/pma/goethe-institut-beschliesst-um.html">intention de procéder à une « transformation globale » de son réseau dans le monde</a>.</p>
<p><a href="https://www.goethe.de/ins/fr/fr/index.html">L’Institut Goethe</a>, association de droit privé largement dépendante des subsides de l’État fédéral, compte aujourd’hui 158 centres culturels dans 98 pays. </p>
<p>Fin 2023, une <a href="https://www.spiegel.de/kultur/goethe-institute-muessen-sparen-die-axt-an-die-wurzeln-a-32ba820c-e881-4e9d-85c8-b5d9bad97fe1?giftToken=6a089dbc-df0d-4fde-8f1a-50455c20eaf8">dizaine de ses centres culturels seront fermés</a>, dont trois en France – Bordeaux et Lille, ainsi que le bureau de liaison installé à Strasbourg –, trois en Italie (Gènes, Turin et Naples) et d’autres également à Osaka, Rotterdam et même à Washington, en raison des coûts particulièrement élevés engendrés par l’institut dans la capitale des États-Unis. Ces fermetures – qui entraîneraient la suppression de 110 emplois et permettraient à l’État fédéral allemand de vendre les bâtiments où les centres étaient installés – ont suscité de nombreuses protestations. </p>
<h2>Une décision qui va à l’encontre de la mission fixée aux Instituts Goethe</h2>
<p>La fermeture de ces dix centres est officiellement justifiée par la volonté des autorités allemandes de s’en remettre aux nouvelles technologies pour favoriser les échanges et, surtout, de s’adapter aux nouvelles conditions géopolitiques et climatiques que connaît le monde et de faire face aux contraintes financières engendrées par ce que le <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2022/02/28/le-jour-ou-la-politique-etrangere-allemande-a-change/">chancelier Scholz a appelé un « changement d’époque » (<em>Zeitenwende</em>)</a> suite à la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine.</p>
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<p>Les économies ainsi réalisées, de l’ordre de 24 millions d’euros par an, permettraient de financer l’installation de nouveaux centres culturels en Europe de l’Est et dans le Caucase, ainsi que dans le Pacifique Sud, région qui supporte le plus directement les effets du changement climatique.</p>
<p>Pour la France, le choix des instituts à fermer n’est pas sans rappeler la vague de fermetures envisagée au tournant du millénaire qui devait concerner Marseille, Toulouse, Bordeaux et Lille. La vigueur des protestations des municipalités comme de la société civile avait pourtant permis, à l’époque, de conclure des compromis, à vrai dire au prix de coupes sombres dans les budgets et de la vente de quelques bâtiments. À Lille, le premier Institut Goethe à avoir été ouvert en France (en 1957) avait dû fermer sa bibliothèque, dont l’essentiel des volumes avait été réparti entre les bibliothèques universitaire et municipales, et abandonner ses cours de langue. L’Institut Goethe de Lille, qui n’occupe plus, en location, que 15 % de son ancien bâtiment, était devenu une antenne de celui de Paris.</p>
<p>Avec une équipe réduite à 4 puis à 2 personnes, il a pourtant joué jusqu’à maintenant le rôle actif d’un relais linguistique et culturel allemand dans le Nord et le Pas-de-Calais – et au-delà – tout en conservant sa spécialisation comme filmothèque.</p>
<p>La situation du centre de Bordeaux est plus étonnante encore. L’Allemagne a acheté son bâtiment dans les années 1990 ; celui-ci a fait alors l’objet d’une importante rénovation. À l’occasion de l’installation dans ses locaux du Consulat général d’Allemagne en 2005, de nouveaux travaux y ont été réalisés. La bibliothèque a été sauvée en 2006 grâce au soutien des bibliothèques universitaires et municipales de la ville ainsi que de la Région et du Département. Le Goethe-Institut de Bordeaux a fêté cette année son 50<sup>e</sup> anniversaire ; son ancienne bibliothécaire lui a consacré un hommage riche et passionnant dans un <a href="https://www.cairn.info/revue-allemagne-d-aujourd-hui-2023-2-page-180.htm">livre qui vient de paraître</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/JzEtMHXYuGk?wmode=transparent&start=4" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Les arguments avancés pour justifier ces fermetures sont d’autant plus étonnants qu’ils entrent en contradiction avec les <a href="https://www.goethe.de/resources/files/pdf288/gi_vision_strategie_broschuere_1209-einzel-v1.pdf">principes directeurs des Instituts Goethe et les valeurs qu’ils défendent</a>. La mission des instituts Goethe est, en effet, de propager l’apprentissage de la langue et de la culture allemandes dans le monde et, est-il précisé en 2023, d’y conforter les valeurs de la démocratie et de combattre l’illibéralisme et les populismes et nationalismes naissants. Or ces phénomènes ne sont pas étrangers aux sociétés française et italienne…</p>
<p>Pour la France vient s’ajouter le fait que 2023 est l’année du 60<sup>e</sup> anniversaire du <a href="https://de.ambafrance.org/Texte-du-Traite-de-l-Elysee-22">Traité de l’Élysée</a> qui, de même que le <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/allemagne/relations-bilaterales/le-traite-d-aix-la-chapelle-sur-la-cooperation-et-l-integration-franco/article/le-traite-d-aix-la-chapelle-sur-la-cooperation-et-l-integration-franco#sommaire_">traité d’Aix-la-Chapelle</a> qui est venu le compléter en 2019, prône l’apprentissage de la langue du pays voisin et la connaissance de sa culture et de sa civilisation.</p>
<p>Or l’apprentissage de l’allemand est en <a href="https://www.ouest-france.fr/education/enseignement/penurie-de-professeurs-desinteret-des-eleves-l-apprentissage-de-l-allemand-recule-daafbf88-f878-11ec-9ba9-7c7737bde7fe">net recul en France</a> depuis une vingtaine d’années.</p>
<h2>Levée de boucliers en France et en Allemagne</h2>
<p>L’annonce de ces fermetures a provoqué de multiples protestations, en particulier en France où des <a href="https://ages-info.org/fr/2023/10/26/motion-de-lages-contre-la-fermeture-du-goethe-institut-a-bordeaux-lille-et-strasbourg/">pétitions</a> ont en <a href="https://www.change.org/p/non-%C3%A0-la-disparition-du-goethe-institut-de-bordeaux">peu de temps</a> recueilli des <a href="https://www.change.org/p/s-opposer-%C3%A0-la-fermeture-de-trois-goethe-instituts-en-france?recruiter=1186854501&recruited_by_id=70587c20-8668-11eb-ba6d-231cb01c15c4&utm_source=share_petition&utm_campaign=petition_dashboard&utm_medium=copylink">milliers de signatures</a>.</p>
<p>Les <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/10/06/l-institut-goethe-va-fermer-deux-de-ses-cinq-sites-francais_6192705_3210.html">médias</a> ont pour leur part fait leur travail d’explication et d’analyse, répercutant <a href="https://www.sudouest.fr/culture/le-choc-et-l-incomprehension-a-l-annonce-de-la-fermeture-du-goethe-institut-de-bordeaux-16908049.php">l’incompréhension</a> des autorités <a href="https://www.lavoixdunord.fr/1380553/article/2023-10-03/fermeture-du-goethe-institut-de-lille-un-tres-mauvais-signal-envoye-par-l">régionales et locales</a>.</p>
<p>Brigitte Klinkert, coprésidente de l’Assemblée parlementaire franco-allemande, créée en 2019 par un accord entre l’Assemblée nationale et le Bundestag, a cosigné avec son homologue allemand Nils Schmid une <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/17/en-diffusant-la-langue-et-la-culture-allemande-en-france-les-instituts-goethe-menent-un-travail-d-interet-europeen_6194989_3232.html">tribune dans <em>Le Monde</em></a> qui conclut :</p>
<blockquote>
<p>« Ce n’est pas simplement la fidélité à notre histoire commune qui doit commander la sauvegarde de ces instituts, mais bien le signe que nous souhaitons continuer de construire l’avenir ensemble. »</p>
</blockquote>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1710315751008346510"}"></div></p>
<p>Le monde politique et les médias allemands <a href="https://www.trtdeutsch.com/news-europa/emporung-uber-schliessung-von-goethe-instituten-in-frankreich-15262623">n’ont pas été en reste</a>.</p>
<p>Dès le 5 octobre, Armin Laschet – ancien ministre-président du Land de Rhénanie-Westphalie du Nord –, Volker Ulllrich et Andreas Jung, tous deux députés au Bundestag, tous trois du parti chrétien-démocrate (CDU, aujourd’hui dans l’opposition à Berlin), ont sur la radio <em>Deutschlandfunk</em> lancé un appel au chancelier Scholz pour qu’il revienne sur ces fermetures. Anke Rehlinger (SPD), dans ses fonctions de représentante plénipotentiaire de la République fédérale d’Allemagne pour les relations culturelles entre la France et l’Allemagne, a vivement critiqué la fermeture d’Instituts Goethe en France tandis que le secrétaire général allemand de l’Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ), Tobias Bütow, estimait que ces fermetures « étaient contraires aux valeurs défendues par le traité de l’Élysée ».</p>
<p>Les grands journaux allemands se sont fait l’écho des protestations en France, l’article le plus retentissant étant celui de la <em>Süddeutsche Zeitung</em> (SZ) du 5 octobre 2023, sous la plume de Nils Minkmar, intitulé <a href="https://www.sueddeutsche.de/kultur/goethe-institute-baerbock-frankreich-1.6272995?reduced=true">« Fuck you, Goethe »</a>, dans lequel l’auteur estime que ces fermetures en Europe représentent « une catastrophe stratégique en matière de politique culturelle » et que l’on a besoin de plus et non pas de moins d’Instituts Goethe dans le monde.</p>
<p>La <em>SZ</em> <a href="https://www.sueddeutsche.de/kultur/goethe-institute-schliessung-annalena-baerbock-1.6278376?reduced=true">enfonce le clou quelques jours plus tard</a> pour dénoncer ce qu’elle appelle « le mépris et l’ignorance crasse » de la ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock envers la culture, à un moment où les relations franco-allemandes sont au plus bas.</p>
<h2>Quelles solutions possibles ?</h2>
<p>L’affaire a été abordée lors du <a href="https://de.ambafrance.org/Seminaire-franco-allemand-a-Hambourg-20585">séminaire franco-allemand de Hambourg</a>, le 10 octobre dernier, par le chancelier allemand et le président français. Olaf Scholz a habilement repris les arguments avancés par la présidente du Goethe-Institut, Carola Lentz, affirmant que cette transformation du réseau culturel allemand était orientée vers l’avenir et ne compromettait nullement l’amitié franco-allemande. Emmanuel Macron, pour sa part, a fait remarquer que la France, elle, ne fermait pas d’instituts culturels français en Allemagne.</p>
<p>Qu’en est-il au juste ? Il y aurait plus de vingt centres culturels français, mais leurs budgets sont, au total, inférieurs à celui de l’ensemble des Instituts Goethe aujourd’hui en France. La France compte en fait, en Allemagne, 13 instituts culturels de plein exercice (Berlin, Brème, Dresde, Düsseldorf, Francfort/Main, Hambourg, Cologne, Leipzig, Mayence, Munich, Saxe-Anhalt, Stuttgart, Thuringe) et 12 autres qui sont des centres culturels franco-allemands (Aix-la-Chapelle, Bonn, Erlangen, Essen, Fribourg, Hanovre, Karlsruhe, Kiel, Mannheim, Rostock, Sarrebruck et Tübingen). Ce sont ces centres franco-allemands qui méritent de retenir l’attention.</p>
<p>Le foisonnement des centres culturels français en Allemagne est le résultat de la politique culturelle qu’y a menée la France, principalement <a href="https://www.cairn.info/l-allemagne-occupee-1945-1949%E2%80%939782870273678-page-201.htm">dans sa zone d’occupation après la Seconde Guerre mondiale</a>, puis après l’unification de l’Allemagne en 1990.</p>
<p>Quand la France a repensé sa politique culturelle quelques années plus tard et cherché, dans un souci d’économies, à fermer un nombre non négligeable de ses centres culturels, les collectivités territoriales allemandes sont intervenues pour les sauvegarder. Ce fut le cas, notamment, à Essen, Erlangen, Fribourg et Tübingen.</p>
<p>L’exemple de Karlsruhe est particulièrement intéressant. Le <a href="https://ccfa-ka.de/fr/">Centre culturel franco-allemand de Karlsruhe</a> (CCFA) est administré par une fondation présidée par le maire de Karlsruhe en charge des affaires culturelles de la ville. Le Conseiller culturel de l’ambassade de France à Berlin fait partie du conseil de la fondation, tout comme le Consul général de France de Stuttgart et la directrice du centre culturel, actuellement Marlène Rigler. Un représentant du ministère pour la Culture, la Jeunesse et le Sport du Land de Bade-Wurtemberg y siège également. Ouvert en 1952, le centre de Karslruhe doit sa survie en 2001 à un <a href="https://stadtlexikon.karlsruhe.de/index.php/De:Lexikon:ins-0862">accord entre la France, la municipalité de Karlsruhe et du Land de Bade-Wurtemberg.</a> Le côté allemand a su faire les démarches et mobiliser les moyens nécessaires pour préserver un acquis jugé essentiel de la relation franco-allemande.</p>
<p>Pourquoi la même chose ne serait-elle pas possible aujourd’hui en France pour sauvegarder les Instituts Goethe menacés de fermeture par une décision comptable et non pas stratégique de leur direction centrale ? Pour y parvenir, cela implique que l’Allemagne ne considère pas sa politique culturelle extérieure comme son affaire exclusive et qu’en France régions et municipalités surmontent l’idée que ce serait l’affaire de la seule Allemagne et pas la leur aussi, et inaugurent sur le modèle pratiqué en Allemagne une <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/22/fermeture-de-trois-instituts-goethe-la-politique-culturelle-des-etats-n-est-pas-une-simple-question-de-souverainete-nationale_6195897_3232.html">nouvelle forme de coopération culturelle franco-allemande</a>.</p>
<p>D’autant que La France et l’Allemagne se sont déclarées prêtes en 2019 à pratiquer de nouvelles formes de coopération culturelle. Le 2<sup>e</sup> des <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/allemagne/relations-bilaterales/le-traite-d-aix-la-chapelle-sur-la-cooperation-et-l-integration-franco/">15 projets prioritaires identifiés par le Traité d’Aix-la-Chapelle</a> prévoit la création d’instituts culturels franco-allemands intégrés à Rio de Janeiro, Palerme, Erbil et Bichkek, ainsi que la co-localisation de cinq instituts français et allemands à Cordoba, Atlanta, Glasgow, Minsk et Ramallah. Il est précisé que le premier Institut culturel franco-allemand, « Kultur Ensemble », a ouvert ses portes à Palerme en juin 2021. Pourquoi pas à Bordeaux, Lille et Strasbourg, pourquoi pas également une coopération semblable en Italie et aux Pays-Bas ? Plutôt que de fermer, il suffirait de rouvrir les dossiers pour entamer des négociations avec les partenaires français, italiens ou néerlandais.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216849/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Vaillant ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors que la pratique de l’allemand recule en France, l’Allemagne vient d’annoncer la fermeture de plusieurs Instituts Goethe, chargés de diffuser la culture allemande dans le monde.Jérôme Vaillant, Professeur émérite de civilisation allemande, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2142962023-11-02T21:01:38Z2023-11-02T21:01:38ZFootball : le modèle de la Saudi Pro League peut-il s’imposer ?<p>Le pari est peut-être déjà gagnant. Karim Benzema au cœur de l’actualité <a href="https://www.sport.fr/football/spl-karim-benzema-ny-arrive-pas-avec-al-ittihad-1089662.shtm">sportive</a> et <a href="https://www.sudouest.fr/politique/guerre-israel-hamas-karim-benzema-au-coeur-d-un-match-nul-entre-gerald-darmanin-et-jean-luc-melenchon-17233600.php">politique</a>, des <a href="https://www.middleeastmonitor.com/20231023-saudi-football-club-deletes-tweet-expressing-solidarity-with-gaza/">polémiques sur un soutien à la Palestine</a> mais aussi des <a href="https://www.agbi.com/analysis/saudi-football-sells-tv-rights-in-hope-of-net-profit/">contrats de diffusion</a> signés dans des dizaines de pays (dont Canal+ en France et le service de streaming sportif DAZN au Royaume-Uni)… le championnat de football saoudien, la Saudi Pro League (SPL), s’est clairement imposé dans l’actualité ces derniers mois. S’il est encore tôt pour évoquer le succès sportif de la compétition, la réussite médiatique semble déjà au rendez-vous.</p>
<p>À l’ère de la géopolitique du sport, le Moyen-Orient en est devenu le champion. Nation majeure sur le plan économique, culturel et géographique de la région, l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/arabie-saoudite-23722">Arabie saoudite</a> demeurait cependant en <a href="https://www.routledge.com/The-Geopolitical-Economy-of-Sport-Power-Politics-Money-and-the-State/Chadwick-Widdop-Goldman/p/book/9781032390598">retrait</a> eu égard à son influence. Le royaume a commencé à rattraper son retard. Le succès retentissant de son voisin et rival qatarien à l’occasion de la Coupe du monde 2022 semble en effet avoir incité le prince héritier Mohammed Ben Salmane <a href="https://theconversation.com/apres-le-qatar-larabie-saoudite-joue-la-carte-du-soft-power-par-le-sport-201513">à investir plus en profondeur le terrain du sport</a>.</p>
<p>Avec la SPL mais aussi le <a href="https://www.lemonde.fr/sport/article/2021/10/07/football-un-fonds-saoudien-rachete-le-club-anglais-de-newcastle_6097525_3242.html">rachat du club anglais de Newcastle</a> ou encore l’investissement dans les <a href="https://www.lequipe.fr/Golf/Actualites/Le-pga-tour-et-le-liv-fusionnent/1401103">compétitions de golf au plus haut niveau</a>, la géopolitique du sport saoudien est entrée depuis quelques mois dans une phase d’accélération. Le mardi 31 octobre, une nouvelle étape a été franchie lorsque le président de la FIFA, Gianni Infantino, a annoncé que l’Arabie saoudite organiserait le Mondial de football en 2034.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1719413104474243189"}"></div></p>
<p>Au-delà de sa dimension géopolitique, les footballeurs arrivés en SPL cet été marquent un changement dans l’organisation du sport professionnel. Au début de l’été 2023, le Public Investment Fund (PIF), <a href="https://www.vision2030.gov.sa/en/vision-2030/overview/">bras armé du plan de développement du pays intitulé « Vision 2030 »</a>, avait en effet investi pour obtenir 75 % des droits de propriété des quatre clibs les plus populaires et titrés du pays, Al-Nassr, Al-Hilal, Al-Ahli et Al-Ittihad (champion en titre).</p>
<h2>Recrutement 5 étoiles</h2>
<p>Avec ces fonds, les clubs ont animé le marché des transferts cet été en recrutant massivement des joueurs connus et reconnus, avec le Portugais Cristiano Ronaldo (arrivé dès l'hiver précédent), le Français Karim Benzema et le Brésilien Neymar en têtes d’affiche. En conséquence, la valeur totale des joueurs du championnat a presque triplé en un an, passant de 350 à 1200 millions d’euros.</p>
<p><iframe id="JL3ML" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/JL3ML/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Contrairement aux précédents championnats qualifiés d’« exotiques » ayant lourdement investi par le passé, le championnat saoudien marque par ses choix stratégiques et réfléchis. Si le <a href="https://www.sportspromedia.com/news/saudi-pro-league-pif-al-nassr-hilal-ittihad-ahli-takeover-privatisation-aramco-neom/?zephr_sso_ott=XVXWho">PIF annonce que les clubs rachetés agiront de manière autonome</a>, la stratégie sportive menée semble en effet on ne peut plus centralisée.</p>
<h2>Pas que Ronaldo et Neymar</h2>
<p>La Chine, pays qu’il est pourtant difficile de battre sur le sujet de la planification et de la centralisation de la gouvernance, <a href="https://www.nytimes.com/2023/03/29/sports/soccer/china-soccer.html">s’était heurtée à ce manque de synergie</a> n’ayant pas permis à la Chinese Super League de prendre de l’ampleur espérée sur le long terme. À l’âge d’or des investissements de l’empire du Milieu, chaque équipe essayait tour à tour de faire son coup d’éclat. Ce constat peut être étendu au championnat américain de football, la MLS (Major League Soccer), autre compétition qui a été affublée du sobriquet d’<a href="https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Guide-des-destinations-exotiques-de-transfert-tome-2/707922">« exotique »</a>.</p>
<p>Cet été, les clubs saoudiens mentionnés précédemment ont, eux, tous mis en place une stratégie avec le dessein d’avoir un produit marketing international, dans laquelle le niveau sportif n’est pas le seul déterminant des choix de recrutement.</p>
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<p>La SPL a ainsi mené à bien son projet de récupérer l’ensemble des meilleurs joueurs musulmans en activité (le Français Karim Benzema, l’Algérien Riyad Mahrez et le Sénégalais Sadio Mané, liste à laquelle aurait presque pu être ajouté Mohamed Salah, dont le <a href="https://www.africatopsports.com/2023/09/04/mohamed-salah-liverpool-rejette-une-offre-incroyable-dal-ittihad/">transfert a finalement échoué</a>). La religion islamique devient là un <a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/edit/10.4324/9781315745480-17/islamic-sport-marketing-sport-marketing-muslim-countries-communities-guillaume-bodet-mahfoud-amara?context=ubx&refId=8feff6ac-c925-4490-a6c5-f1bd07de4ea6">outil marketing</a> pour faire rayonner le championnat dans tout le monde arabe.</p>
<p><iframe id="hraa1" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/hraa1/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les recruteurs se sont en parallèle portés vers des joueurs avec de très grosses communautés internationales comme le Portugais Cristiano Ronaldo et le Brésilien Neymar (respectivement 605 et 215 millions d’abonnés sur Instagram) ainsi que sur des joueurs majeurs de deux grands pays africains, le Sénégal (Kalidou Koulibaly, Sadio Mané, Édouard Mendy) et la Côte d’Ivoire (Franck Kessié et Seko Fofana).</p>
<p>Cette stratégie de communauté comprend également le recrutement de joueurs internationaux de grandes équipes européennes et sud-américaines (le Français N’Golo Kanté, l’Espagnol Aymeric Laporte, le Croate Marcelo Brozovic, le Serbe Sergej Milinkovic-Savic ou encore le Brésilien Fabinho). Le dernier profil concentre lui des joueurs jeunes avec une très grosse côte et promis à un avenir radieux (le Français Allan Saint-Maximin, l’Espagnol Gabri Veiga et le Portugais Diogo Jota).</p>
<h2>Distorsion de concurrence</h2>
<p>Avec ces choix sportifs et stratégiques, l’Arabie saoudite dévoile une bascule marketing du sport professionnel, d’un spectacle à un média « global » qui cherche à faire parler de lui au travers d’une intrigue reprise par d’autres supports, médias traditionnels ou réseaux sociaux. C’est le modèle qu’a par exemple suivi le youtubeur Squeezie début octobre : en ralliant différentes communautés en ligne, il a réuni <a href="https://www.francetvinfo.fr/sports/24h-du-mans/gp-explorer-l-interet-ne-porte-pas-sur-le-niveau-sportif-mais-sur-l-intrigue-decrypte-un-chercheur-a-propos-du-succes-de-la-course-creee-par-squeezie_6043037.html">1,3 million de viewers sur la plate-forme de streaming Twitch</a> pour suivre la course automobile qu’il avait organisée. Avec un modèle similaire, les décideurs saoudiens veulent mettre en place une réelle alternative à l’existant avec une offre nouvelle, la SPL en étant l’un des fers de lance.</p>
<p>Marqué par les effets de la numérisation, le secteur du sport professionnel observe en effet un virage stratégique avec ce projet. La guerre <a href="https://hbr.org/2014/06/how-to-succeed-in-business-by-bundling-and-unbundling">du regroupement et dégroupement</a> de contenu a mis fin à beaucoup d’initiatives dans le divertissement avec la mort de Mixer ou HBO Max. Ce même phénomène a été érigé comme un <a href="https://hbr.org/2014/06/how-to-succeed-in-business-by-bundling-and-unbundling">frein à la consommation de spectacles sportifs par les fans</a>. Le projet saoudien s’inspire de ce secteur et de ces funestes échecs pour atteindre sa stratégie médiatique, économique et géopolitique – avec l’atout de ne pas avoir à prendre en considération la rentabilité directe.</p>
<p>Le championnat saoudien peut-il ainsi espérer se construire une place plus solide que les autres championnats « exotiques » dans le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/football-20898">football</a> mondial ? S’il est difficile de répondre pour l’instant à cette question, on peut d’ores et déjà lister un certain nombre d’atouts. Première certitude, la SPL change l’équilibre du marché du football professionnel. Il est rare de voir émerger des stratégies de fortes croissances externes dans le secteur du sport professionnel. Le championnat saoudien a fait passer le message qu’il avait les moyens de ses ambitions et que même les plus puissants Européens avaient besoin d’argent.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/apres-le-qatar-larabie-saoudite-joue-la-carte-du-soft-power-par-le-sport-201513">Après le Qatar, l’Arabie saoudite joue la carte du « soft power » par le sport</a>
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<p>Deuxième constat, <a href="https://theconversation.com/us/topics/european-super-league-103233">l’échec du projet de Super Ligue européenne</a> en 2021 a laissé une porte ouverte pour une compétition footballistique d’un genre nouveau qui viendrait concurrencer le football européen. Or, les investissements du Moyen-Orient exercent une distorsion du marché et de la concurrence en Europe. Les récents achats onéreux par des clubs qatariens d'Abdou Diallo, Marco Verratti et Julian Draxler, joueurs du PSG propriété du Qatar, interrogent sur des <a href="https://www.eurosport.fr/football/transfers/2022-2023/mercato-transferts-de-verratti-draxler-et-diallo-l-uefa-surveillerait-les-transferts-du-psg-vers-le-_sto9803126/story.shtml">possibles nouvelles pratiques économico-géopolitiques</a>. Les instances du football européen, l’UEFA, examineraient d’ailleurs actuellement ces transferts pour s’assurer qu’ils respectent les règles de fair-play financier. </p>
<p>Enfin, dans le cadre de nos recherches, nous avons identifié que le projet de PIF était marqué par une modification profonde de l’offre, de la structure et de l’organisation, ce que nous qualifions d’<a href="https://easm2023.com/wordpress/wp-content/uploads/2023/09/EASM-Belfast-2023-Conference-Abstracts.pdf">« effets institutionnels »</a>.</p>
<p>Le projet saoudien présent donc de nombreux atouts. Dépourvue d’un enjeu de rentabilité économique, la pérennité de la SPL dépendra dès lors de sa capacité à renouveler ses joueurs internationaux, mais aussi à adopter au mieux les codes du divertissement aujourd’hui attendus par les consommateurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214296/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Baptiste Brossillon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Hit de l’été et tourbillon médiatique, le championnat saoudien de football vient proposer un nouveau modèle économique pour le sport professionnel – au-delà des buzz relayés mondialement.Baptiste Brossillon, Doctorant en économie et management du sport, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2150262023-10-18T17:02:40Z2023-10-18T17:02:40ZLes séries télévisées, des armes culturelles géopolitiques ?<p><em>Elles battent sans cesse de nouveaux records d’audience, elles attirent des stars qui auparavant ne se consacraient qu’au cinéma, elles alimentent les conversations en famille, entre collègues et entre amis… et cela, partout sur la planète. Les séries télévisées, dont un grand nombre sont désormais traduites en de multiples langues et diffusées sur tous les continents, ont un impact réel sur les représentations que nous nous faisons du monde, et reflètent et même façonnent à leur manière la très complexe réalité géopolitique.</em></p>
<p><em>Nous vous proposons ici quelques extraits de l’introduction d’un récent ouvrage co-signé par Virginie Martin, professeure de sciences politiques et de sociologie à Kedge Business School, et Anne-Laure Melquiond, docteure en études cinématographiques, <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807357990-j-assure-en-geopolitique-grace-aux-series">« J’assure en géopolitique grâce aux séries »</a>, qui vient de paraître aux éditions De Boeck, ainsi que des passages consacrés à certaines des quinze séries analysées dans le livre, dont « Fauda », que la tragique actualité du Proche-Orient invite aujourd’hui à voir ou à revoir.</em></p>
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<p>Le phénomène des séries a pris un tournant particulier avec l’apparition récemment des plates-formes comme Netflix, Disney +, Amazon ou Apple, qui diffusent sur l’ensemble de la planète des séries qu’elles produisent elles-mêmes. Cette concentration dans la diffusion, voire dans la production, a des effets d’impact puissants et participe à modifier en retour la géopolitique du pays concerné.</p>
<p>Si le monde des séries intéresse la géopolitique, c’est à un double niveau : d’une part, comme inspiration et, d’autre part, comme vecteur politique. Les fictions sérielles sont d’abord des témoins de l’actualité et de l’histoire en marche : elles s’inscrivent dans leur monde et évoquent fréquemment les rapports de force géopolitiques. Mais au-delà de refléter ces réalités, elles en sont elles-mêmes des actrices. Chaque pays joue avec sa production sérielle afin de créer sa propre image, sa propre histoire, son propre <em>storytelling</em> pour l’utiliser comme arme de <em>soft power</em>, notion <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_1991_num_41_1_394547">développée par Joseph Nye</a> dans les années 1990.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quand-les-series-historiques-turques-epousent-la-vision-du-pouvoir-168398">Quand les séries historiques turques épousent la vision du pouvoir</a>
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<p>Pour influencer le monde, cette « puissance douce » – par opposition au <em>hard power</em> de la « vraie » guerre avec armes et drones – compte sur le fait de séduire ou d’attirer certaines catégories de population, idéalement le plus largement possible, à travers notamment la culture populaire des séries, utilisée comme arme massive d’influence. Le « monde en séries » révèle de manière puissante le pouvoir des objets culturels sur nos sociétés. Les séries participent à une tentative d’hégémonie culturelle comme l’avait théorisé Antonio Gramsci, penseur communiste italien au début du XX<sup>e</sup> siècle, dans ses <a href="https://www.cairn.info/cahiers-de-prison--9782072901492.htm"><em>Cahiers de prison</em></a>.</p>
<p>C’est ce qui se joue à pleine puissance avec les plates-formes, armes de domination et d’appropriation culturelle.</p>
<p>Dans cette guerre idéologique, des pays sortent du lot pour la qualité et la performance de leurs séries, par exemple Israël avec des productions comme « Hatufim » ou « Fauda ».</p>
<p>Comme l’a largement montré Virginie Martin dans <a href="https://www.humensciences.com/livre/Le-charme-discret-des-series/85"><em>Le Charme discret des séries</em></a>, depuis une dizaine d’années les séries télévisées israéliennes sont devenues un puissant instrument de <em>soft power</em> car, au-delà du simple divertissement, elles diffusent subtilement des discours contribuant à positiver et embellir l’image du pays à l’étranger. L’Inde n’est pas en reste avec des séries télévisées comme « Delhi Crime », « Le Seigneur de Bombay », « Leila » ou « Bombay Begums ».</p>
<p>Déjà par son industrie cinématographique prolifique, Bollywood a souvent été perçu comme un vecteur du <em>soft power</em> de l’Inde. Les pays scandinaves eux-mêmes maîtrisent cet art du <em>soft power</em>, valorisant leur culture et leur vision politique du monde et des sociétés, avec des séries comme « Occupied » ou « Borgen » qui permettent par exemple de faire connaître et de diffuser leurs initiatives environnementales.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-serie-occupied-une-dystopie-europeenne-117067">La série « Occupied », une dystopie européenne ?</a>
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<p>Les relations Sud-Sud sont aussi parfois très fortement présentes : le Sénégal, par exemple, consomme des séries brésiliennes, ou le Maroc diffuse les séries indiennes, séries qui ne sont que très rarement doublées en anglais.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/cinema-et-series-au-senegal-la-portee-politique-dun-divertissement-tres-populaire-161464">Cinéma et séries au Sénégal : la portée politique d’un divertissement très populaire</a>
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<p>Ce « monde en séries » révèle plus que jamais un théâtre multipolaire, voire apolaire. Notre environnement est devenu extrêmement complexe depuis la chute du mur de Berlin en 1989 et l’explosion du digital rebat les cartes dans la possibilité pour une ou deux puissances de maîtriser à elles – seules la planète. C’est aussi cette complexité que racontent ces fictions et qui montre combien la série est un outil de géopolitique au sens strict.</p>
<h2>Le conflit au Proche-Orient avec « Fauda »</h2>
<p>Fauda met en scène un face-à-face qui s’inscrit dans le conflit israélo – palestinien. Aucun camp n’est valorisé : un commandant du Hamas peut être montré avec des sentiments alors qu’un soldat israélien peut se comporter comme une brute. Mais l’unité d’infiltrés se bat contre un nouvel ennemi à chaque saison, le Hamas, l’État islamique, le Hezbollah… La série montre que, même si tout le monde veut la paix, on ne cherche pas la paix, on cherche à gérer le conflit.</p>
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<p>La question de la langue est fondamentale dans la série, comme le prouve déjà son titre : Fauda (qui signifie « chaos » en arabe). C’est donc une série israélienne qui porte un titre arabe. On entend d’ailleurs ce mot prononcé par les membres de l’unité lorsqu’ils sont en grande difficulté en territoire occupé, démasqués par les Palestiniens et qu’ils n’arrivent plus à se sortir du bourbier.</p>
<p>De fait, on parle principalement arabe dans la série, puisqu’elle se déroule au sein d’une unité arabophone de l’armée israélienne. Tous les membres de cette unité sont issus de pays arabes, parlent l’arabe et peuvent se fondre dans la masse : « Un Israélien de Tel-Aviv qui arrive à un café à Naplouse est repéré en exactement 45 secondes. Eux, ils savent demander un café avec l’accent de Naplouse et ils savent se fondre dans la population et c’est toute la spécificité de cette guerre souterraine que mène Israël contre des réseaux palestiniens », explique Pierre Haski lors d’une conférence dans le cadre de Série Mania en janvier 2023.</p>
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<p>Inversement, dans la série, des Palestiniens apprennent l’hébreu pour eux aussi s’infiltrer en Israël. Dans la première saison, l’épouse du frère de la Panthère, qui s’est fait tuer le jour de son mariage, cherche à se venger des assassins de son mari. Elle apprend quelques mots d’hébreu pour pouvoir commander un coca sans se faire repérer dans un café branché de Tel-Aviv où elle va faire exploser une bombe. Elle arrive dans le bar, complètement bouleversée par ce qu’elle va faire. La serveuse, ignorant tout de ses intentions, se méprend et pense qu’elle a été victime d’une agression sexuelle (on est à Tel-Aviv, ville israélienne très ouverte, très occidentale). La femme va faire exploser la bombe, et la serveuse mourra également. Toutes deux sont victimes d’un conflit qui les dépasse.</p>
<p>Dans la série, la maîtrise de la langue de « l’ennemi » (comme le dit, dans la deuxième saison, un membre de l’État islamique qui apprend l’hébreu à l’université pour s’infiltrer) est un enjeu central, tout comme la bonne connaissance des us et coutumes. Un soldat israélien infiltré dans une prison israélienne et qui se fait passer pour un prisonnier palestinien du Hamas dans le but de faire parler un détenu l’apprendra à ses dépens. Il se fait démasquer parce qu’il exprime à son codétenu son souhait de manger de l’akkoub quand il sortira de prison. Or, l’akkoub est un plat qui ne se mange pas à Gaza, d’où il prétend venir (S02 E08).</p>
<p>Si la langue est un enjeu dans la série, c’est parce qu’elle l’est dans la réalité puisque l’arabe et l’hébreu étaient les deux langues officielles du pays.</p>
<h2>L’Inde, un supergéant tout en paradoxes avec « Bombay Begums »</h2>
<p>Dans « Bombay Begums », Ayesha, une jeune provinciale nouvellement arrivée à Bombay se fait agresser sexuellement par son patron. Après un moment d’hésitation, elle décide de le dénoncer sur un forum, qui ressemble à s’y méprendre à MeToo :</p>
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<p>« J’ai 23 ans. C’est le directeur adjoint de ma banque. Il m’a agressée. Il me touchait, me caressait, m’embrassait. Je ne pouvais rien faire. J’étais sans défense. Je me sens si mal. J’ai honte de l’avoir laissé faire. Il a fait comme si de rien n’était. C’est normal ? »</p>
</blockquote>
<p>Dans un premier temps, la banque couvre son directeur général adjoint qui remercie ses collègues :</p>
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<p>« Merci d’avoir géré aussi bien cette histoire débile. Depuis MeToo, le monde est devenu fou. »</p>
</blockquote>
<p>Finalement, la PDG, elle-même victime d’agression sexuelle lorsqu’elle était plus jeune, va dénoncer son bras droit, qui sera arrêté. Cette affaire renvoie évidemment au mouvement MeToo (mentionné à maintes reprises dans la série), arrivé en Inde une année après avoir ébranlé Hollywood.</p>
<p>Tout comme le mouvement américain, c’est dans le milieu du cinéma indien que démarre le trouble avec l’accusation de l’actrice Tanushree Dutta contre l’acteur Nana Patekar. Après les premières plaintes déposées à Bollywood, de nombreuses femmes ont publié leurs histoires de harcèlement et d’agression sexuelle mettant en cause des hommes puissants dans leurs domaines. Le mouvement a enregistré en octobre 2018 une première victoire importante avec la démission d’un ministre du gouvernement Modi, ancien rédacteur en chef du journal <em>The Asian Age</em>, M. J. Akbar, alors accusé par une vingtaine de femmes. Plusieurs journalistes ont aussi dû quitter leur poste, notamment le rédacteur politique du <em>Hindustan Times</em>, Prashant Jha.</p>
<h2>Économie et consommation avec « Mad Men »</h2>
<p>Le générique de <em>Mad Men</em> est iconique, ce sont 38 secondes où tout est résumé : un homme, Don Draper, tombe d’un building, des façades sont couvertes de publicités, et Don continue de tomber pour finir sur son canapé de bureau, une cigarette à la main.</p>
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<p>Un détail est important à relever dans les dessins préparatoires du générique de la série <em>Mad Men</em> : Don Draper chute donc d’un building (ce qui n’est pas sans rappeler l’image du « Falling Man » du 11 Septembre). Mais, au départ, l’idée était que le héros s’écrase au sol pour voler en éclats comme du verre. Cette animation finale a été modifiée, car elle rappelait trop l’ima – gerie liée aux attentats du 11 septembre 2001.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/de-limportance-des-generiques-de-series-170824">De l’importance des génériques de séries</a>
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<p>Finalement, Don Draper tombe, mais il atterrit sur son canapé, un verre de whisky à la main et une cigarette entre les doigts, une Lucky Strike.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/555627/original/file-20231024-27-sp2m39.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/555627/original/file-20231024-27-sp2m39.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/555627/original/file-20231024-27-sp2m39.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=932&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/555627/original/file-20231024-27-sp2m39.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=932&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/555627/original/file-20231024-27-sp2m39.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=932&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/555627/original/file-20231024-27-sp2m39.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1171&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/555627/original/file-20231024-27-sp2m39.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1171&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/555627/original/file-20231024-27-sp2m39.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1171&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Cet extrait est tiré de « Les Russes veulent-ils la guerre ? », qui vient de paraître aux Éditions du Cerf.</span>
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<h2>L’Europe et ses marges avec « Serviteur du Peuple »</h2>
<p>Arte a remis au goût du jour une fiction ukrainienne absolument incroyable. L’histoire d’un acteur-clown, du nom de Volodymyr Zelensky, qui est le protagoniste de la série « Serviteur du Peuple ». L’acteur Zelensky joue le rôle d’un professeur d’histoire qui, notamment encouragé pas ses élèves, finira président de l’Ukraine ; une fiction devenue littéralement réalité. À la fin de la diffusion de la série, l’acteur-clown Zelensky va effectivement devenir le président de l’Ukraine que l’on connaît, l’homme aux tee-shirts kaki vu sur Instagram, qui défend son pays contre la Russie de Poutine.</p>
<p>En somme, nous retrouvons une histoire qui nous emmène aux confins de la raison démocratique, peut-être au sommet du génie de la communication politique, ou plutôt du super-marketing politique. Nous avons ici une histoire folle qui donne corps et réalité à une pure fiction sérielle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215026/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Virginie Martin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>De l’israélienne « Fauda » à l’ukrainienne « Serviteur du Peuple », les séries télévisées reflètent l’état du monde… et peuvent même, dans une certaine mesure, l’influencer.Virginie Martin, Docteure sciences politiques, HDR sciences de gestion, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2130552023-09-14T17:32:10Z2023-09-14T17:32:10ZGéopolitique de la Coupe du monde de rugby 2023<p>Depuis la semaine dernière et pour encore plusieurs semaines, le visage de la France sera ovale : du 8 septembre au 28 octobre, la Coupe du monde de rugby à XV sera la vitrine du pays, avec ses 20 sélections en compétition, ses 48 matchs retransmis par 42 télévisions étrangères et ses 30 sponsors internationaux.</p>
<p>L’événement est d’ores et déjà devenu un enjeu de politique intérieure : Emmanuel Macron, présent à la cérémonie d’ouverture et cible de <a href="https://www.huffingtonpost.fr/politique/article/coupe-du-monde-de-rugby-apres-les-sifflets-contre-emmanuel-macron-chacun-son-interpretation_222844.html">sifflets</a>, a placé le succès du XV de France <a href="https://www.leparisien.fr/sports/rugby/coupe-du-monde/coupe-du-monde-de-rugby-vous-etes-la-plus-grande-equipe-lance-emmanuel-macron-au-xv-de-france-04-09-2023-7TBSNHO57NA5ZBHSV3LBAF4YWQ.php">sous le signe de l’exemplarité française</a>.</p>
<p>Quel impact international cette dixième Coupe du monde peut-elle avoir pour le pays organisateur, pour les États représentés et, plus largement, pour un sport qui cherche à élargir son empreinte internationale ?</p>
<h2>De la désoccidentalisation du monde à la provincialisation du rugby ?</h2>
<p>Moins mondialisé que les Jeux olympiques et moins universellement populaire que le football, le rugby à XV a-t-il une influence sociale dépassant le milieu des supporters ? Si la géopolitique <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/mav/39/BONIFACE/55359">du football</a> et des <a href="https://www.france24.com/fr/%C3%A9missions/focus/20230726-jeux-olympiques-le-cio-%C3%A0-l-%C3%A9preuve-de-la-g%C3%A9opolitique">Jeux olympiques</a> est désormais bien documentée et bien connue, celle du rugby est plus embryonnaire.</p>
<p>La faute au « provincialisme » d’une discipline quasi inexistante dans de nombreux pays du monde, à commencer par la Chine et l’Inde, et très secondaire aux États-Unis ?</p>
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<p>Les racines britanniques du rugby le condamnent-elles à n’avoir, pour ses compétitions internationales, qu’un rayonnement limité au <em>Commonwealth</em> et à quelques zones anglophiles ou francophiles d’Amérique latine ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1697488804465029554"}"></div></p>
<p>Son <a href="https://webetab.ac-bordeaux.fr/Primaire/64/EPS64/pedagogie/proposition/rugby/INTERDISCIP/origines%20rugby.pdf">histoire</a>, qui remonte à la première moitié du XIX<sup>e</sup> siècle, est celle de l’amateurisme (contrairement au rugby à XIII créé en 1895 et professionnalisé très tôt, ce qui permet à ce jeu de compter parmi les <a href="https://www.paris2024.org/fr/sport/rugby/">sports officiels des Jeux olympiques entre 1900 et 1924)</a>.</p>
<p>Il n’y reviendra, sous la forme de rugby à VII, <a href="https://olympics.com/fr/infos/le-rugby-fait-son-retour-sur-la-grande-scene-olympique-a-rio">qu’en 2016 à Rio</a>, après avoir été privé de cette visibilité mondiale pendant plusieurs décennies. En la matière, le tournoi de référence oppose les quatre nations britanniques dès 1882 (avant le retour des premiers JO), devenu Tournoi des cinq nations en 1910 (incorporation de la France), puis Tournoi des six nations avec l’Italie en 2000. Alors que les Coupes du monde de football et les JO rythment la politique du XX<sup>e</sup> siècle, la première Coupe du monde de rugby n’apparaît qu’en 1987. Le rugby s’est donc précocement institutionnalisé au niveau européen, mais tardivement constitué au niveau mondial. Et sa visiblité internationale en a évidemment pâti.</p>
<p>La portée géopolitique de la Coupe du monde restera-t-elle limitée au statut de sport régional du Commonwealth et de l’Europe ? Ne nous hâtons pas de conclure. Examinons le potentiel non sportif de cette compétition pour la France et pour les États de la petite « planète rugby ».</p>
<h2>Répétition générale pour les Jeux olympiques de Paris 2024</h2>
<p>Le premier enjeu international tient au <em>nation branding</em> (ou amélioration de l’image de marque du pays) que le pays hôte, la France, sera en mesure de réaliser par et pour cette compétition.</p>
<p>L’événement intervient dans un contexte où l’image de la France est sérieusement écornée sur la scène mondiale. Sans remonter à la médiatisation teintée de <em>Schadenfreude</em> du mouvement des Gilets jaunes ou des questions de laïcité en interne et des critiques de la diplomatie française en externe, le pays, ses institutions et sa population ont été principalement traités par les médias internationaux sous l’angle des crises durant toute l’année 2023.</p>
<p>La succession de coups d’État en Afrique – présentés à tort ou à raison <a href="https://www.lefigaro.fr/vox/monde/stephen-smith-la-france-en-afrique-pourquoi-tant-de-haine-20230123">comme des revers pour Paris</a> ; le retentissement international des <a href="https://theconversation.com/comment-la-mort-de-nahel-m-enflamme-une-republique-deja-sur-des-braises-208894">émeutes de juin et juillet 2023 consécutives à la mort de Nahel Merzouk</a> ; la couverture donnée aux manifestations contre la réforme des retraites de janvier à mai ; etc. Tous ces éléments ont brouillé, terni et même écorné le rayonnement du pays, aux yeux de ses adversaires comme de ses partenaires. Malgré le retour des investissements étrangers en France, favorisé par le <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/choose-france">programme « Choose France »</a> et la <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/social/malgre-la-panne-de-croissance-le-chomage-continue-de-baisser-1965469">baisse du chômage</a>, l’image internationale de la France peut être, au moins partiellement, redressée à l’occasion de cette compétition.</p>
<p>48 matches ne font pas une politique d’influence et un événement sportif ne peut pas tenir lieu de diplomatie. Mais le premier objectif des institutions, des entreprises et des associations françaises qui contribuent à la compétition sera d’en tirer parti pour améliorer l’image de la France.</p>
<p>Plusieurs défis sont à relever pour que, fin octobre, la France puisse s’assurer qu’accueillir la Coupe du monde aura été bénéfique à son prestige international. En priorité, les organisateurs et les services de sécurité doivent rétablir leur réputation en matière de sûreté, de maintien de l’ordre, de gestion des foules et de protection des personnes. Longtemps, les forces de l’ordre françaises ont joui d’une réputation de grand savoir-faire dans le domaine. Or, la <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/ligue-des-champions-la-polemique-enfle-sur-lorganisation-de-la-finale-1409956">finale de la Ligue des champions le 28 mai 2022</a> a ébranlé cette réputation : les incidents graves survenus aux alentours du Stade de France ont suscité <a href="https://www.publicsenat.fr/actualites/politique/securite-de-la-coupe-du-monde-de-rugby-gerald-darmanin-tire-les-enseignements-du-fiasco-du-stade-de-france">bien des questionnements</a> sur les capacités françaises dans ce domaine.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1535249960391757826"}"></div></p>
<p>La réussite de l’événement en termes de sécurité conditionnera l’idée que les 600 000 visiteurs attendus se feront du pays. Surtout, elle déterminera à l’avance la <a href="https://www.france24.com/fr/sports/20230903-la-coupe-du-monde-de-rugby-%C3%A0-xv-un-ballon-d-essai-avant-les-jeux-olympiques">capacité du pays à faire des Jeux Olympiques Paris d’été Paris 2024 une réussite</a> en termes de rayonnement et d’influence.</p>
<p>Le défi est national, mais les implications sont internationales : la dixième Coupe du monde de rugby permettra-t-elle au pays de couper court au <em>French bashing</em>, de tourner la page des manifestations et des émeutes, de faire un peu oublier les slogans anti-France scandés à Bamako, Ouagadougou ou Bangui ? En somme, peut-elle lancer une tendance, en vue de l’été 2024, où le dynamisme de la France se manifestera dans ses événements sportifs mondiaux ?</p>
<p>Depuis longtemps, la capacité à organiser avec succès des événements sportifs médiatisés à l’échelle mondiale est un attribut de puissance. Dans la période récente, le Qatar a consacré son rôle international, malgré les polémiques, par <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-jt/france-2/20-heures/coupe-du-monde-2022-quel-bilan-pour-le-qatar-apres-la-competition_5552139.html">l’organisation réussie de la Coupe du monde de football en 2022</a>. Dans cet événement comme pour les autres aspects du <em>soft power</em> français, la réussite de la compétition en termes d’organisation et de médiatisation est une condition de son attractivité et de son influence. Il en va pour la France aujourd’hui comme pour tous les pays qui désirent organiser cette compétition.</p>
<h2>Provincialisme de la planète rugby et universalité occidentale</h2>
<p>L’autre enjeu géopolitique de cette Coupe du monde concerne la mondialisation du sport. Moins universel que le football et moins mondialisé que les Jeux olympiques, le rugby professionnel est un sport encore très occidental et peu féminisé.</p>
<p>Les 132 fédérations nationales membres du <a href="https://www.world.rugby/organisation/about-us/overview">World Rugby</a> – l’instance internationale de la discipline – ne doivent pas faire illusion : l’empreinte internationale du rugby à XV est secondaire par rapport à celle de la Coupe du Monde FIFA et des Jeux olympiques d’été. Pour ne prendre qu’un seul indicateur de l’impact mondial de ces compétitions : la finale de la dernière Coupe du monde de football a réuni <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/coupe-du-monde/coupe-du-monde-la-finale-france-argentine-a-battu-un-record-d-audience-a-travers-le-monde-aa69bfe4-97c0-11ed-b3d5-273349710fc9">1,5 milliard de téléspectateurs</a> alors que la finale de la Coupe du monde de rugby de 2019 n’avait attiré que <a href="https://www.world.rugby/news/564996?lang=fr">44,9 millions de personnes</a>.</p>
<p>Les différentiels sont encore plus importants en termes de pratiquants à travers le monde (dans les 10 millions pour le rugby, environ 270 millions pour le football). Quant au <a href="https://www.women.rugby/news/836825/global-rugby-participation-increasing-ahead-of-rugby-world-cup-2023">rugby féminin</a>, il est beaucoup moins développé que son homologue masculin. Enfin, la planète rugby n’est pas unifiée comme celle du football, régie par des règles uniformes : le XV voisine avec le XIII et le VII, certes moins populaires mais représentant toutefois une concurrence non négligeable.</p>
<p>En somme, le rugby fait pâle figure auprès du football, mais aussi d’autres sports comme l’athlétisme qui ont réussi leur internationalisation et, en grande partie, leur <a href="https://theconversation.com/fr/topics/coupe-du-monde-feminine-2023-141703">féminisation</a>.</p>
<p>La secondarité du rugby et de sa Coupe du monde résulte-t-elle de ses origines européennes, au cœur des empires coloniaux du XIX<sup>e</sup> siècle ? La <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2023-2-page-31.htm">désoccidentalisation du monde</a> annonce-t-elle une stagnation du rugby comme discipline et phénomène social ? Les limites à l’universalité du rugby sont-elles de même ordre que les déboires de l’universel revendiqué par l’Occident ? Rien ne s’apparente ici à un destin : le football comme l’athlétisme ont été créés et codifiés au Royaume-Uni et en Europe occidentale, et sont devenus pleinement universels. De plus, le rugby a gagné des rivages inattendus, hors du Commonwealth et de la vieille Europe – au Japon, en Géorgie, en Roumanie ou encore au Portugal.</p>
<p>Le rayonnement de la discipline comme celui des pays qui la pratiquent peuvent bénéficier de plusieurs atouts. D’une part, ce sport est encore protégé de l’instrumentalisation de plusieurs grandes puissances : les États-Unis, la Russie, la Chine, l’Inde, le Brésil et l’Allemagne ont des fédérations. Mais leur désintérêt pour le rugby à XV fait que la Coupe du monde n’est pas encore un champ d’affrontement entre elles. Pour le moment, le rugby n’offre pas de confrontations emblématiques comme les matchs de football <a href="https://www.lemonde.fr/football/article/2022/11/29/coupe-du-monde-2022-iran-etats-unis-l-illusion-d-une-diplomatie-du-football_6152078_1616938.html">États-Unis-Iran</a>.</p>
<p>Cela ouvre des possibilités de visibilité internationale pour des pays qui passent d’ordinaire au second plan : les îles du Pacifique (Fidji, Samoa, Tonga) peuvent y briller et faire passer leurs messages nécessaires sur le changement climatique ; les États d’Europe orientale (Roumanie, Géorgie) peuvent y trouver un motif de fierté nationale souvent maltraitée ; le Japon peut y cultiver son ancrage dans l’univers européen par-delà les distances ; le rugby féminin peut y trouver l’occasion de s’affirmer, certes encore à la remorque de la version masculine de la discipline. En l’espèce, la féminisation du sport est non seulement pour lui un relais de croissance mais aussi un gage de sa modernité. Réciproquement, la cause des femmes peut être elle aussi servie par une féminisation de ce sport par trop virilisé, même si le <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/rugby/mondial-de-rugby-feminin-pourquoi-le-haka-est-il-different-chez-les-femmes-et-chez-les-hommes-3a757ac0-4ba3-11ed-87fe-e4a9e39ff44f"><em>haka</em> néo-zélandais est pratiqué tant chez les femmes que chez les hommes</a>.</p>
<p>Rien ne condamne le rugby à un destin international à l’image provinciale et machiste qu’aiment à caricaturer ses détracteurs. La Coupe du monde qui se déroule actuellement présente de véritables enjeux pour le prestige du pays organisateur comme pour la capacité du sport à s’universaliser encore davantage.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213055/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cyrille Bret ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La compétition permettra-t-elle à la France d’améliorer son image, et le rugby peut-il à cette occasion séduire les nombreux pays pour lesquels il reste encore un sport largement méconnu ?Cyrille Bret, Géopoliticien, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2040712023-05-31T16:20:57Z2023-05-31T16:20:57ZComprendre l’essor de la diplomatie scientifique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/529310/original/file-20230531-27-5nd0xx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=307%2C9%2C2619%2C2235&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><span class="source">Double Brain</span></span></figcaption></figure><p>La complexité croissante des défis environnementaux (dérèglement climatique, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/transition-ecologique-66536">transition écologique</a>), sanitaires (pandémie inédite) et des changements sociétaux induits par l’évolution de technologies disruptives (<a href="https://theconversation.com/fr/topics/intelligence-artificielle-ia-22176">intelligence artificielle</a>, réalité augmentée) implique toujours plus la sphère scientifique dans la gouvernance internationale, en fournissant de l’expertise basée sur des preuves scientifiques pour instruire les décisions de politiques publiques.</p>
<p>L’idée de développer une « diplomatie scientifique » a ainsi fait son chemin. <a href="https://royalsociety.org/topics-policy/publications/2010/new-frontiers-science-diplomacy/">Une définition</a> consensuelle de ce concept émerge en 2010 à la Conférence de la <a href="https://royalsociety.org/">Royal Society</a> britannique et de <a href="https://www.aaas.org/sites/default/files/New_Frontiers.pdf">l’American Association for the Advancement of Science</a> (AAAS). Elle met en avant le principe de coopération internationale : « La diplomatie scientifique est l’utilisation des interactions scientifiques entre les États pour résoudre les problèmes communs auxquels l’humanité est confrontée et pour établir des partenariats internationaux constructifs, fondés sur la connaissance. »</p>
<p>Cette définition, très large, donne lieu à deux acceptions de ce concept.</p>
<h2>Deux idées de la diplomatie scientifique</h2>
<p>La première de ces deux visions se construit dans un <a href="https://www.cairn.info/revue-raisons-politiques-2014-2-page-9.htm">« nationalisme méthodologique »</a>. De ce point de vue, la diplomatie scientifique est, pour chaque État, avant tout une projection de son « soft power », un élément qui participe à promouvoir l’intérêt national et un moyen de favoriser la participation de sa communauté scientifique aux <a href="https://journals.openedition.org/philosophiascientiae/2064">coopérations transnationales</a>.</p>
<p>Lorsqu’un pays utilise la diplomatie scientifique en mettant en avant ses propres avancées scientifiques, il considère la coopération scientifique internationale comme un moyen de renforcer son pouvoir d’attractivité et de promouvoir ses intérêts nationaux tout en contribuant au progrès scientifique mondial. Cela lui confère une influence accrue sur la scène internationale et renforce sa réputation de leader technologique.</p>
<p>La seconde acception de la notion de diplomatie scientifique conçoit la science et la recherche comme <a href="https://www.sciencediplomacy.org/sites/default/files/global_science_diplomacy_for_multilateralism_2.0_0.pdf">« nouveaux acteurs de la gouvernance globale »</a>. Cette vision a donné lieu à la création de différents <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52021JC0003">partenariats</a> entre les gouvernements, le secteur privé, la société civile, le monde universitaire et la communauté scientifique. Tous ces partenariats sont essentiels pour un multilatéralisme inclusif et fonctionnel. Ainsi, dans le contexte de la crise sanitaire du Covid-19, les États ont démontré une volonté de coopérer par-delà les frontières nationales malgré certaines tendances isolationnistes.</p>
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<p>Il est important de considérer que ces deux visions peuvent coexister et être mises en pratique en même temps, mais la reconnaissance du rôle croissant de la science dans la gouvernance mondiale, émerge comme un nouveau paradigme considéré comme une évolution plus récente de la diplomatie scientifique.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-pandemie-de-covid-19-eclairee-par-lhistoire-de-la-cooperation-sanitaire-internationale-137461">La pandémie de Covid-19 éclairée par l’histoire de la coopération sanitaire internationale</a>
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<p>Le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/covax-92564">mécanisme COVAX</a> en est une illustration. Ce système, <a href="https://www.who.int/fr/initiatives/act-accelerator/covax">qui vise à accélérer la mise au point et la fabrication de vaccins contre le Covid-19</a> et d’assurer un accès juste et équitable à ces vaccins à l’échelle mondiale, atteste de la pertinence de la mutualisation des ressources pour faire face aux crises.</p>
<h2>Les initiatives internationales de diplomatie scientifique</h2>
<p>Entre 2018 et 2021, l’Union européenne, dans le cadre d’<a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/horizon-2020-le-programme-de-l-union-europeenne-pour-la-recherche-et-l-innovation-46458">Horizon 2020</a> (programme européen pour la recherche et le développement), met en place et finance une stratégie pour une diplomatie scientifique régionale avec le projet <a href="https://www.insscide.eu/about/about-us/">InsSciDE</a>, premier consortium interdisciplinaire européen. Il engage des réseaux de diplomates et de scientifiques, des experts en stratégie et des décideurs politiques pour mettre la diplomatie scientifique au premier plan et mieux l’utiliser. Le second projet européen <a href="https://www.s4d4c.eu/about/">S4D4C</a> déploie la diplomatie scientifique dans un cadre transnational. En effet, les défis globaux requièrent des actions collaboratives entre les gouvernements, par-delà des frontières nationales et des <a href="https://www.s4d4c.eu/time-for-a-new-era-of-science-diplomacy">intérêts étatiques</a>.</p>
<p>Par ailleurs, afin de soutenir les dynamiques développées au sein de ces projets, la <a href="https://www.science-diplomacy.eu/about/eu-science-diplomacy-alliance/">EU Science Diplomacy Alliance</a>, dont fait partie la représentation de <a href="https://www.auf.org/europe-ouest/">l’Agence universitaire de la Francophonie en Europe occidentale</a>, a été créée en 2021.</p>
<p>Plusieurs plates-formes comme le <a href="https://gesda.global/how-it-all-started/">GESDA</a> (<em>Geneva Science and Diplomacy Anticipator</em>) ou le <a href="https://gspi.ch/">GSPI</a> (<em>Geneva Sciences Policy Interface</em>) ont été mises en place à partir de 2018 à Genève, et relayées par l’organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN). Le GSPI contribue à la construction d’une synergie entre les multiples acteurs menant des travaux et appels à projets sur l’interface entre la science et la diplomatie. Dans ce cadre sont mises en place des formations à destination des professionnels de la politique et autres parties prenantes désireuses de contribuer à l’élaboration de politiques éclairées par la science.</p>
<p>En 2021, <a href="https://ufmsecretariat.org/fr/">l’Union pour la Méditerranée</a> (UpM) a développé des actions placées sous le signe de la diplomatie scientifique pour faire face aux problèmes tels que la pénurie d’eau, les inondations, la fonte des glaciers, la salinisation et l’érosion côtière. Ces actions permettent d’aligner les agendas scientifiques et diplomatiques et favorisent des partenariats entre les <a href="https://ufmsecretariat.org/wp-content/uploads/2021/12/Report_Science_Innovation_Diplomacy_Mediterranean_ALTA.pdf">rives sud-est et nord.</a> et entre les <a href="https://auforg.sharepoint.com/:w:/r/sites/fichiers/_layouts/15/Doc.aspx?sourcedoc=%7B26CAD922-96BC-48A6-BBDF-3483FD3471F2%7D&file=Compte-rendu%20UFM-Science%20Diplomacy%20Conference.docx&action=default&mobileredirect=true">Suds de cette région</a>. En juillet 2021, l’UpM a adopté un <a href="https://ufmsecretariat.org/mediterraneanpavilion/?event=science-diplomacy-and-climate-change-the-mediterranean-as-a-global-testbed">nouvel agenda</a> pour la coopération en matière de recherche et d’innovation dans la région, mettant l’accent sur les énergies renouvelables, la santé et le <a href="https://www.researchgate.net/publication/352153770_Challenges_in_strategies_for_socioeconomic_democratization_Assessing_solidarity_economy_policies_in_Barcelona">changement climatique</a>.</p>
<p>Autre initiative notable, pendant l’été 2022, l’American Association for the Advancement of Science (AAAS) et The World Academy of Sciences (TWAS), (deux associations qui ont notamment pour objectif de promouvoir la science, de défendre la liberté académique et d’encourager la responsabilité scientifique) ont proposé une <a href="https://twas.org/opportunity/aaas-twas-course-science-diplomacy">formation professionnelle en diplomatie scientifique</a> destinée aux scientifiques, décideurs politiques et diplomates. Les parties prenantes ont pu explorer les principales questions de politique internationale contemporaines liées à la science, à la technologie, à l’environnement et à la santé, et élaborer un socle de compétences visant à aider les participants à mener par la suite des carrières à l’intersection de la science et de la diplomatie.</p>
<p>Les rapports du Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat – <a href="https://www.unep.org/fr/resources/rapport/sixieme-rapport-devaluation-du-giec-changement-climatique-2022">GIEC</a> sont des exemples éminents de la production scientifique au cœur des négociations internationales. Le dernier rapport du GIEC fait le point sur l’état des connaissances, à partir de l’évaluation critique des éléments issus des publications scientifiques, et plaide pour des politiques publiques associées à l’investissement dans la recherche et le développement. Le rapport souligne, sur la base de preuves scientifiques (<em>evidence-based policy</em>), les risques associés au changement climatique.</p>
<h2>Perspectives d’une diplomatie scientifique pour l’espace francophone</h2>
<p>Dans le même temps, on observe une sous-représentation des pratiques de diplomatie scientifique au sein de la francophonie.</p>
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<p>Organisée, promue et diffusée, la diplomatie scientifique peut pourtant être le fer de lance du réseau francophone. Les pays membres de la Francophonie entretiennent des liens privilégiés susceptibles de <a href="https://www.francophonie.org/sites/default/files/2020-02/passeport_2020.pdf">favoriser la coopération politique, éducative, économique et culturelle</a>.</p>
<p>Divers outils, initiatives et réseaux sont dédiés à l’encouragement de ces pratiques au sein de la francophonie. <a href="https://ingsa.org/ingsa-news/franco-secretariat-2022/">Un réseau francophone</a> a été mis en place au sein de l’International Network for Governmental Science Advice (INGSA), afin de soutenir la formation en conseil scientifique, de documenter et encourager les pratiques y relatives, et de <a href="https://ingsa.org/divisions/francophonie/fr/">favoriser les maillages entre les différents milieux</a>.</p>
<p>Initié par l’Agence universitaire de la Francophonie, le <a href="https://www.auf.org/nouvelles/actualites/le-manifeste-pour-une-diplomatie-scientifique-francophone-est-disponible/">« Manifeste pour une Diplomatie scientifique francophone »</a> a été signé en octobre 2022, lors de la Conférence ministérielle francophone des ministres en charge de l’enseignement supérieur et de la recherche. Cette déclaration insiste sur le développement d’actions autour de la formation, de la production, de la valorisation et de la circulation des savoirs au service d’une gouvernance multilatérale – façon, pour la Francophonie, de contribuer à l’élaboration de réponses aux défis globaux.</p>
<p>En conclusion, la diplomatie scientifique est devenue essentielle pour la formulation de politiques fondées sur des preuves scientifiques et le partage de connaissances pour relever les défis mondiaux cruciaux. Les initiatives concrètes de diplomatie scientifique démontrent la pertinence des interactions scientifiques entre les États pour faire face aux crises et promouvoir des politiques éclairées par la science. Au sein de la francophonie, des réseaux et initiatives se développent pour encourager la diplomatie scientifique, ou elle émerge comme un concept visant à placer la science au cœur des décisions politiques dans une gouvernance multilatérale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204071/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La gestion de crises impliquant une connaissance toujours plus précise des enjeux scientifiques, la diplomatie s’est dernièrement mise à accorder davantage d’importance aux experts.Marielle Payaud, Professeur des Universités, Agence Universitaire de la Francophonie (AUF)Olfa Zéribi, Professeur des Universités, Directrice Régionale Europe Occidentale, Agence Universitaire de la Francophonie (AUF)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2015132023-03-16T22:05:17Z2023-03-16T22:05:17ZAprès le Qatar, l’Arabie saoudite joue la carte du « soft power » par le sport<p>Les <a href="https://www.bbc.co.uk/sport/boxing/64734184">puristes de la boxe</a> douteront peut-être de la valeur sportive d’un combat entre une star de la télé-réalité et un ancien YouTuber. Mais la valeur commerciale de l’événement, organisé en février 2023 et qui a fait l’objet d’une publicité massive, était, elle, évidente tant pour les concurrents (Tommy Fury et Jake Paul se sont partagé plus de <a href="https://www.bbc.co.uk/sport/boxing/64734184">13 millions de dollars américains</a>, soit plus de 12,3 millions d’euros) que pour le pays qui l’a organisé, l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/arabie-saoudite-23722">Arabie saoudite</a>.</p>
<p>Si l’organisation de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/coupe-du-monde-qatar-2022-130239">Coupe du monde de football</a> par le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/qatar-39492">Qatar</a> a attiré l’attention du monde entier en 2022, son voisin, <a href="https://www.donneesmondiales.com/comparaison-pays.php?country1=QAT&country2=SAU">au PIB quatre à cinq fois supérieur</a>, lui fait aujourd’hui concurrence avec des projets sportifs toujours plus ambitieux. On s’attend désormais à ce que le royaume se porte <a href="https://www.politico.eu/article/qatar-fifa-world-cup-the-secret-saudi-plan-to-buy-the-cup/">candidat pour co-organiser la Coupe du monde de football 2030</a>. D’ici là, il cherche déjà par tous les moyens à accroître sa présence dans le sport international.</p>
<p>Jusqu’à présent, ce plan a plutôt bien réussi. Dans le domaine du football, l’Arabie saoudite a récemment été choisie pour accueillir la <a href="https://www.eurosport.com/football/club-world-cup/2022/saudi-arabia-unanimously-chosen-to-host-december-s-fifa-club-world-cup-new-32-team-format-to-start-i_sto9393600/story.shtml">Coupe du monde des clubs</a> cette année, et elle organisera la <a href="https://gulfbusiness.com/saudi-arabia-hosting-rights-of-asian-cup-2027/">Coupe d’Asie en 2027</a>. L’autorité touristique du pays aurait également signé un accord pour <a href="https://www.theguardian.com/football/2023/jan/31/womens-world-cup-football-sponsored-visit-saudi-arabia">parrainer la Coupe du monde féminine</a> qui se déroulera dans quelques semaines en Australie.</p>
<p>L’Arabie saoudite s’est aussi offert, via son <a href="https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1080/09692290.2022.2069143">fonds souverain</a>, le club anglais de <a href="https://www.bbc.co.uk/sport/football/58826899">Newcastle</a>, et se montre très intéressée par <a href="https://www.bbc.co.uk/sport/football/63748350">Manchester United et Liverpool</a>. Sans oublier que l’un des plus célèbres footballeurs du monde, le Portugais Cristiano Ronaldo, joue désormais pour le club saoudien d’Al-Nassr, où il gagnerait environ <a href="https://metro.co.uk/2023/01/01/cristiano-ronaldo-salary-how-much-will-he-earn-at-al-nassr-18021490/">560 000 euros… par jour</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Arrivée de Cristiano Ronaldo dans son nouveau club, Al-Nassr, en janvier 2023 (RMC Sport).</span></figcaption>
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<p>En dehors des terrains de football, des rumeurs ont fait état d’une offre de <a href="https://www.middleeastmonitor.com/20230124-saudi-arabia-20bn-takeover-bid-for-f1-rejected/">rachat des droits commerciaux de la Formule 1</a> soutenue par l’Arabie saoudite, qui accueillera pour la troisième fois un Grand Prix le 19 mars prochain, ainsi que d’un intérêt pour le <a href="https://hypebeast.com/2023/1/wwe-saudi-arabia-public-investment-fund-sale-rumor-info">catch</a>, le <a href="https://www.france24.com/en/live-news/20230203-saudi-arabia-captures-cycling-in-sports-charm-offensive">cyclisme</a> et le <a href="https://www.golfmonthly.com/news/saudi-golf-league-everything-we-know-so-far">golf</a>. Le royaume accueillera également, en 2029, les Jeux asiatiques… <a href="https://www.liberation.fr/international/moyen-orient/des-jeux-dhiver-en-plein-desert-larabie-saoudite-obtient-les-jeux-asiatiques-de-2029-20221004_I4JH66SYZ5E2HDXNDSFGZRWQDE/">d’hiver</a>, pour lesquels un énorme complexe doit encore sortir de terre dans le nord-ouest du pays.</p>
<h2>Instrument politique</h2>
<p>L’ampleur des investissements de l’Arabie saoudite, pour un montant total estimé à environ <a href="https://www.theguardian.com/world/2021/mar/28/saudi-arabia-has-spent-at-least-15bn-on-sportswashing-report-reveals">1,5 milliard de dollars américains</a>, n’est donc plus à démontrer. Mais il convient de rappeler que ces dépenses ne sont pas motivées par la vanité ou la générosité. Ils relèvent d’une stratégie soigneusement élaborée pour répondre aux défis économiques, politiques et sociaux urgents du royaume.</p>
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<p>Le dirigeant de facto de l’Arabie saoudite, le <a href="https://www.france24.com/fr/moyen-orient/20220927-le-prince-h%C3%A9ritier-d-arabie-saoudite-mohammed-ben-salmane-nomm%C3%A9-premier-ministre">prince héritier Mohammed Ben Salman</a> (communément appelé « MBS »), comprend la valeur du sport utilisé comme un instrument politique pour assurer l’avenir à long terme de l’État du Golfe. Car si l’Arabie saoudite dispose de vastes richesses (son fonds de richesse détient des actifs d’une valeur de plus de <a href="https://www.arabnews.com/node/2062391/business-economy">600 milliards de dollars américains</a>), une grande partie de ses revenus provient du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/petrole-21362">pétrole</a> et du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/gaz-71069">gaz</a>. Alors que le monde se dirige vers un abandon progressif des combustibles à base de carbone, l’économie saoudienne se retrouve surspécialisée et <a href="https://agsiw.org/wp-content/uploads/2019/03/Al-Sarihi_Climate-Change_ONLINE.pdf">exposée à ce risque</a>.</p>
<p>Investir dans le sport constitue donc un moyen d’atténuer cette vulnérabilité et de <a href="http://rgi-documents.s3.amazonaws.com/8a13c2ce72e0225a58d0f9e9fb42f7363ba664ff.pdf">diversifier son économie</a>. Mais c’est l’ampleur des dépenses nationales consacrées au sport qui <a href="https://www.reuters.com/article/us-saudi-qiddiya-ceo-idUSKBN1HZ0WF">distingue l’Arabie saoudite de ses concurrents</a>, comme en témoigne la construction de <a href="https://www.reuters.com/article/us-saudi-qiddiya-ceo-idUSKBN1HZ0WF">Qiddiya</a>, un mégaprojet mêlant sport et divertissement conçu pour attirer les investissements et les touristes étrangers.</p>
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<figcaption><span class="caption">Présentation du projet de divertissement à Qiddiya (Fonds d’investissement public saoudien, en anglais).</span></figcaption>
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<p>Le processus de transformation saoudien est également politique. Le gouvernement reste vigilant face à l’éventualité d’événements similaires à ceux qui se sont déroulés lors des « printemps arabes » et qui ont conduit à des <a href="https://theconversation.com/arab-spring-after-a-decade-of-conflict-the-same-old-problems-remain-154314">manifestations populaires en 2010 et 2011</a>. Près de 70 % de sa population a <a href="https://gulfbusiness.com/two-thirds-of-saudi-arabias-population-is-under-the-age-of-35/">moins de 35 ans</a> et les craintes de <a href="https://arabcenterdc.org/resource/has-saudi-arabia-become-a-monarchy-of-fear/">troubles sociaux sont tangibles</a>.</p>
<p>À travers la promotion du sport, du divertissement et des loisirs, MBS et son administration cherchent ainsi à répondre aux intérêts et aux <a href="https://www.latimes.com/world-nation/story/2022-12-25/saudi-social-transformation-entertainment-political-crackdown">demandes des jeunes consommateurs d’Arabie saoudite</a> pour éviter toute protestation.</p>
<p>Mais en devenant propriétaire de Newcastle United et en prenant une <a href="https://news.sky.com/story/saudi-state-fund-buys-mclaren-stake-in-550m-deal-12356905">participation dans l’écurie de Formule 1 britannique McLaren</a>, l’Arabie saoudite cherche également à obtenir une légitimité internationale, à projeter son <a href="https://theconversation.com/fr/topics/soft-power-36628">« soft power »</a> et à nouer des relations diplomatiques.</p>
<h2>Les conservateurs préoccupés</h2>
<p>La santé publique constitue un autre problème en Arabie saoudite : <a href="https://www.brookings.edu/blog/future-development/2022/12/15/countdown-to-2030-addressing-the-stubborn-obesity-challenge-in-saudi-arabia/">l’obésité, le diabète et les maladies cardiaques sont en hausse</a>. Comme c’est le cas dans de nombreux autres pays, le sport est donc aussi utilisé comme instrument politique pour encourager la population à un mode de vie plus sain.</p>
<p>Or, cette politique n’est évidemment pas exempte de critiques. Au niveau national, les membres les plus conservateurs de la population restent préoccupés par les changements qui ont été impulsés, comme le <a href="https://theconversation.com/why-muslim-women-choose-to-wear-headscarves-while-participating-in-sports-176441">fait d’autoriser les femmes à y participer</a>. D’autres assurent que l’influence considérable de l’État sur l’activité économique étouffe la créativité, <a href="https://www.chathamhouse.org/2021/04/saudi-support-smes-must-focus-innovation">l’esprit d’entreprise et la croissance globale</a>.</p>
<p>À l’échelle internationale, l’Arabie saoudite est régulièrement accusée de se soustraire par le sport aux préoccupations en matière de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/droits-de-lhomme-20351">droits de l’homme</a>. Ce « sportwashing » pourrait ainsi constituer une tentative de détourner l’attention des exécutions régulières, de la <a href="https://www.bbc.co.uk/news/world-middle-east-29319423">guerre au Yémen</a> et du <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/affaires-sensibles/affaires-sensibles-du-vendredi-23-septembre-2022-4629916">meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi</a> en 2018. D’autres affirment que, malgré la transformation supposée du pays, les droits des femmes et des jeunes filles restent bafoués et que la <a href="https://www.deccanherald.com/opinion/panorama/in-salman-s-saudi-even-a-hint-of-dissent-can-land-you-in-prison-1193615.html">répression des dissidents</a> se poursuit.</p>
<p>Au sein du royaume, pourtant, l’enthousiasme est considérable quant au statut émergent du pays en tant que superpuissance sportive, et il semble peu probable que MBS s’écarte de la voie qu’il a tracée. Grâce au pouvoir d’achat considérable du pays, l’Arabie saoudite deviendra sans doute bientôt l’un des plus grands acteurs du sport international, et fera peut-être taire, par ce biais, les nombreux détracteurs du royaume. C’est en tous cas le but recherché.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201513/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Simon Chadwick ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Football, sports mécaniques et même jeux d’hiver… Le royaume investit avec des moyens encore plus importants que ceux de son voisin, récent organisateur de la Coupe du monde.Simon Chadwick, Professor of Sport and Geopolitical Economy, SKEMA Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1969062023-01-11T17:38:35Z2023-01-11T17:38:35ZLa Chine en Bosnie-Herzégovine : une présence de plus en plus marquée dans un État fragilisé<p>La récente recrudescence des tensions dans plusieurs États des Balkans occidentaux, en particulier en <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2022-4-page-51.htm">Bosnie-Herzégovine</a>, au <a href="https://www.rfi.fr/fr/europe/20221223-%C3%A0-la-une-fortes-tensions-dans-le-nord-du-kosovo">Kosovo</a> et au <a href="https://www.aa.com.tr/en/europe/thousands-in-montenegro-clash-with-police-over-political-tension/2762549">Monténégro</a>, fait ressurgir le spectre d’une nouvelle guerre intercommunautaire dans la région.</p>
<p>Outre ces tensions, un nouvel acteur, en l’occurrence la Chine, <a href="https://ecfr.eu/paris/publication/cartographie-de-linfluence-croissante-de-la-chine-dans-les-balkans-occidentaux/">s’immisce dans l’arrière-cour de l’Union européenne</a>, et cette présence modifie sensiblement la configuration politique des Balkans occidentaux. Tentative de décryptage en trois questions, avec la Bosnie-Herzégovine comme cas d’étude.</p>
<h2>Quels intérêts la Chine poursuit-elle en Bosnie-Herzégovine ?</h2>
<p>De prime abord, la présence de la Chine dans ce pays de 3,5 millions d’habitants à la structure politique pour le moins atypique peut surprendre.</p>
<p>La Bosnie est <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/176">devenue indépendance en 1992</a>, à la suite de la dissolution de la Yougoslavie. À cette époque, les populations musulmanes, en grande majorité bosniaques, y subissent un nettoyage ethnique de grande ampleur et <a href="https://www.britannica.com/event/Bosnian-War/War-crimes-and-trials">plus de 100 000 personnes</a>, militaires et civils confondus, perdent la vie. En 1995, la communauté internationale parvient à finaliser les <a href="https://www.axl.cefan.ulaval.ca/europe/bosnie-herz-4dayton.htm">Accords de Dayton</a>, mettant ainsi fin à trois ans de guerre intercommunautaire sur le territoire concerné.</p>
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<p>Composée de trois groupes ethniques principaux (48 % de Bosniaques, 14 % de Croates et 37 % de Serbes), la Bosnie-Herzégovine se voit alors divisée, d’un point de vue politique, en deux entités fédérées de taille semblable : la Fédération croato-bosniaque et la Republika Srpska. Peu d’interactions subsistent entre les deux entités et les projets communs sont rares dans un pays au pouvoir central faible et, pour l’essentiel, délégué aux entités fédérées. Seul un <a href="https://blogs.letemps.ch/leon-de-perrot/2022/07/28/bosnie-herzegovine-le-haut-representant-a-t-il-fait-son-temps/">Haut Représentant de la communauté internationale</a>, rôle endossé actuellement par l’allemand Christian Schmidt, veille à l’application des accords conclus entre elles.</p>
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<p>Tout au long des négociations qui ont mené à la création de l’État de Bosnie-Herzégovine, la Chine est restée en retrait, <a href="https://www.cairn.info/la-politique-internationale-de-la-chine--9782724611571-page-31.htm">adoptant une position de « profil bas » sur la scène internationale</a> à la suite de la violente répression des manifestations de la place Tian’anmen. Ce n’est d’ailleurs qu’en 2012, avec le lancement officiel du <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Asie-et-Oceanie/16-1-amis-europeens-Chine-conclave-Dubrovnik-2019-04-10-1201014702">Format 16+1</a> – une initiative du ministère chinois des Affaires étrangères visant à promouvoir les relations commerciales et d’investissement entre la Chine et 16 États d’Europe centrale et orientale – que la Chine témoigne pour la première fois de son intérêt pour la Bosnie-Herzégovine.</p>
<p>Deux explications majeures à cet intérêt soudain et aujourd’hui grandissant peuvent être avancées : d’une part, la Bosnie-Herzégovine s’inscrit dans l’immense projet des <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2015-3-page-135.htm">Nouvelles Routes de la Soie</a> destinées à relier l’Asie aux continents africain et européen ; d’autre part, elle se situe aux portes du marché commun européen et est <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/enlargement/bosnia-herzegovina/#:%7E:text">candidate à l’Union européenne</a>, même si son adhésion n'est pas une perspective discernable à court ou à moyen terme.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-chine-et-les-balkans-occidentaux-un-ancrage-a-la-peripherie-de-lue-137039">La Chine et les Balkans occidentaux : un ancrage à la périphérie de l’UE</a>
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<h2>La Chine reçoit-elle le soutien des autorités locales ?</h2>
<p>Étant donné que la Bosnie-Herzégovine demeure <a href="https://www.latribune.fr/actualites/economie/international/20120406trib000692338/la-bosnie-minee-par-la-pauvrete-et-l-instabilite-politique.html">l’un des pays les plus pauvres d’Europe</a>, tous les investissements, y compris en provenance de la Chine, y sont les bienvenus.</p>
<p>À ce jour, la Republika Srpska semble en être la principale région récipiendaire, la Fédération croato-bosniaque se retrouvant <a href="https://sarajevotimes.com/how-china-politically-humiliates-and-economically-robs-bih/">reléguée au second plan par les autorités chinoises</a>. Plusieurs exemples l’illustrent. L’entreprise publique chinoise « Chine State Construction Engineering Corporation » a <a href="https://journals.openedition.org/belgeo/18991">récemment obtenu</a> un marché organisé par « Autoputevi Republike Srpske », la société routière contrôlée par les autorités locales de l’entité. Il s’agit d’un contrat de plus de 335 millions d’euros qui devrait, d’ici à 2030, déboucher sur la mise en service d’un <a href="https://www.globalconstructionreview.com/chinas-cscec-to-build-335m-motorway-in-bosnia-and-herzegovina/">segment autoroutier de 33 km reliant le territoire de la RS à celui de la Serbie</a> et symboliquement appelé « l’autoroute du 9 janvier » (date de la création de la Republika Srpska en 1992).</p>
<p>Par ailleurs, la construction de la <a href="https://ejatlas.org/conflict/thermal-power-plant-stanari/?translate=fr">centrale thermique de Stanari</a>, financée par la Chine, revêt une importance stratégique pour la Republika Srpska. Capable de produire jusqu’à 300 mégawatts et estimée à 530 millions d’euros, cette installation est issue du programme « China Energy Engineering Corporation », dirigé par un consortium d’entreprises publiques chinoises en collaboration avec le ministère de l’Économie, de l’Énergie et de l’Exploitation minière de la Republika Srpska.</p>
<p>Au niveau culturel, la ville de Banja Luka, centre administratif de la Republika Srpska, accueille <a href="https://sarajevotimes.com/confucius-institute-opened-banja-luka/">l’Institut Confucius</a> le plus important de la Bosnie-Herzégovine. Des cours de mandarin y sont dispensés en visioconférence et les professeurs de l’université locale effectuent des missions régulières dans les universités de Pékin.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/503851/original/file-20230110-24-xgqbc9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503851/original/file-20230110-24-xgqbc9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503851/original/file-20230110-24-xgqbc9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503851/original/file-20230110-24-xgqbc9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503851/original/file-20230110-24-xgqbc9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503851/original/file-20230110-24-xgqbc9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503851/original/file-20230110-24-xgqbc9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Milorad Dodik était présent lors de l’ouverture de l’Institut Confucius de Banja Luka, le 21 janvier 2018.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://ba.china-embassy.gov.cn/eng/sgxx_5/sghd/201807/t20180716_2451423.htm">Site de l’ambassade de Chine en Bosnie-Herzégovine</a></span>
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<p>Enfin, la « Radio Televizija Republike Srpske » (radio-télévision locale) diffuse également un <a href="https://cepa.org/comprehensive-reports/chinese-influence-in-bosnia-and-herzegovina/">certain nombre d’émissions qui promeuvent la culture chinoise</a>.</p>
<h2>La présence chinoise influence-t-elle la vie politique de Bosnie-Herzégovine ?</h2>
<p>La <a href="https://www.blue-europe.eu/fr/fr-analysis/analyse-courtes/linfluence-non-commerciale-des-chinois-dans-les-balkans-2/">relation privilégiée</a> que la Chine entretient avec la Republika Srpska aux dépens de la Fédération croato-bosniaque renforce les tensions entre les communautés des deux entités fédérées.</p>
<p>Inéluctablement, ces tensions se répercutent sur la politique locale comme en témoignent les protestations des dirigeants bosniaques – dont la majorité est musulmane – face à l’abstention de la Chine lors du vote de la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies reconsidérant les crimes commis à l’égard de la population musulmane de Srebrenica <a href="https://cepa.org/comprehensive-reports/chinese-influence-in-bosnia-and-herzegovina/">comme étant un génocide</a>.</p>
<p>En outre, en favorisant le développement de la Republika Srpska, la Chine soutient implicitement les velléités séparatistes de son gouvernement dirigé par le nationaliste <a href="https://www.euractiv.fr/section/elections/news/le-separatiste-milorad-dodik-confirme-comme-nouveau-president-de-la-moitie-serbe-de-la-bosnie/">Milorad Dodik</a>. En effet, en entretenant un déséquilibre économique, politique et culturel au sein de la Bosnie-Herzégovine, la Chine permet à Dodik et à son parti de laisser penser qu’une autonomie plus grande, voire une indépendance complète de la Republika Srpska, ne pourrait être que bénéfice pour sa population.</p>
<p>Dans ce contexte de tensions intenses, les <a href="https://www.lepoint.fr/monde/bosnie-herzegovine-les-democrates-ont-ete-trahis-12-11-2022-2497517_24.php#11">élections présidentielles et législatives du mois d’octobre dernier</a> revêtaient une importance capitale pour le futur de la Bosnie-Herzégovine. Les résultats confirment d’ailleurs les divisions intercommunautaires du pays.</p>
<p>En effet, si les majorités bosniaque et croate ont toutes deux élu des membres du Parti Social-Démocrate (parti progressiste, socialiste et pro-européen), Milorad Dodik, le dirigeant pro-serbe et critique à l’égard de l’Union européenne, <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/bosnie-la-victoire-de-milorad-dodik-confirmee-par-la-commission-electorale-20221027">sort renforcé</a> de cette séquence électorale.</p>
<p>En outre, la deuxième participation de suite des représentants chinois aux célébrations organisées le 9 janvier en l’honneur de la création de la Republika Srpska (9 janvier 1992) irrite fortement les représentants de la Fédération croato-bosniaque. Jugée discriminatoire à l’égard des autres groupes ethniques de Bosnie-Herzégovine par la <a href="https://www.refworld.org/pdfid/3dea26eb4.pdf">Cour constitutionnelle</a>, cette fête vise à renforcer le sentiment patriotique de la population locale et illustre à elle seule les <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/17449057.2022.2072560">tensions intercommunautaires qui déchirent le pays</a>.</p>
<h2>Et la perspective européenne ?</h2>
<p>L’Union européenne peut-elle contribuer à rouvrir le dialogue entre les communautés ? Bien que les retraits relatifs des puissances traditionnelles (Union européenne et États-Unis) semblent laisser le champ libre aux nouvelles puissances (Chine, Russie et Turquie) dans les Balkans occidentaux, la toute récente décision des dirigeants européens d’octroyer à la Bosnie-Herzégovine le statut de pays candidat à l’adhésion à l’UE relance un processus qui stagne depuis plusieurs années.</p>
<p>Conditionnée à une série de réformes, en particulier en ce qui concerne la centralisation du pouvoir et la coopération entre entités, l’adhésion doit améliorer le fonctionnement d’un État fragilisé. Néanmoins, les tensions existantes et l’influence croissante d’acteurs externes, en particulier de la Chine, promettent un chemin long et sinueux vers plus de stabilité en Bosnie-Herzégovine. Sans aucune garantie de réussite.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196906/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Robert Dopchie a reçu des financements d'une bourse de doctorant de l'Université de Liège dans le cadre de ses recherche. </span></em></p>En Bosnie, la Chine mise avant tout sur Milorad Dodik, le leader de l’entité serbe du pays, la Republika Srpska.Robert Dopchie, Sciences Politiques, Relations Internationales, Politique Européenne, Balkans Occidentaux, Université de LiègeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1952272022-11-27T15:59:43Z2022-11-27T15:59:43ZCoupe du monde au Qatar : quand les sponsors se mettent à la géopolitique<p>Après douze ans de préparation de la Coupe du monde de football la plus <a href="https://theconversation.com/coupe-du-monde-au-qatar-shell-danone-ou-nike-les-questions-que-soulevent-les-boycotts-191815">controversée</a> de l’histoire, la star de la K-Pop, le chanteur de BTS Jung Kook a finalement donné le coup d’envoi du tournoi, dimanche 20 novembre, dans une <a href="https://www.bbc.com/pidgin/articles/c3g50n22gego">interprétation survoltée</a> de son nouveau single <em>Left and Right</em>.</p>
<p>Pour certains supporters ou observateurs, ce « show » a probablement marqué un retour à la normale : après des années d’agitation, place au <a href="https://theconversation.com/fr/topics/football-20898">football</a> ! Mais sous cet air, apparemment inoffensif, de musique pop, couvent en réalité de féroces batailles géopolitiques.</p>
<p>Jung Kook n’est pas seulement un beau et jeune chanteur à la popularité mondiale. Ses camarades du groupe BTS et lui sont sous <a href="https://dohanews.co/k-pops-bts-world-cup-sponsorships-are-as-much-politics-as-they-are-business/">contrat avec le groupe automobile sud-coréen Hyundai-Kia</a>, lui-même sponsor de la Fédération internationale de football (FIFA), qui a largement mis en avant la K-Pop dans le cadre de cet accord.</p>
<p>Ce n’est ni une simple coïncidence, ni même une simple décision commerciale. Depuis des années, le gouvernement sud-coréen poursuit en effet une <a href="https://www.e-ir.info/2022/09/18/is-south-korea-the-new-quintessential-soft-power/">stratégie</a> visant à construire et à projeter son « <a href="https://theconversation.com/fr/topics/soft-power-36628">soft power</a> » (« puissance douce »). Non seulement par la K-Pop et les voitures, mais aussi par des <a href="https://carnegieendowment.org/2020/12/15/how-south-korean-pop-culture-can-be-source-of-soft-power-pub-83411">films oscarisés comme <em>Parasite</em></a>, et des séries Netflix comme <em>Squid Game</em>.</p>
<h2>Des signaux envoyés au monde</h2>
<p>La Corée du Sud n’est pas un cas isolé. Les autres <a href="https://theconversation.com/fr/topics/sponsors-97800">sponsors</a> de la FIFA ne sont plus depuis longtemps de simples vendeurs de hamburgers et de sodas occidentaux. Certes, les géants américains Coca-Cola ou McDonald’s figurent en bonne place parmi les partenaires de l’événement, mais les organisateurs ont aussi pu compter pour cette édition sur le <a href="https://asia.nikkei.com/Business/Business-Spotlight/Why-Asia-Inc.-is-rushing-to-sponsor-the-Qatar-World-Cup">soutien de marques qataries ou chinoises</a> : la compagnie aérienne Qatar Airways, <a href="https://www.forbes.com/sites/michaellore/2022/10/20/qatar-airways-ready-to-shine-at-2022-world-cup-as-official-airline-of-fifa/">propriété de l’État</a>, ou encore des sociétés d’électronique comme les chinoises Hisense et Vivo.</p>
<p>Aujourd’hui, les principaux sponsors de la FIFA sont donc susceptibles d’être de grandes entreprises originaires de pays désireux de profiter de la portée mondiale du ballon rond. Qatar Airways, basée à Doha, vend bien sûr des billets d’avion, mais la compagnie joue également un rôle central dans les tentatives du gouvernement qatari de faire de l’aéroport international de Hamad un <a href="https://edition.cnn.com/travel/article/hamad-international-airport-qatar/index.html">centre de transit aérien mondial majeur</a>.</p>
<p>Dans le même temps, Qatar Airways constitue un <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/15377857.2020.1723781">instrument de « soft power »</a>, comme nous le relevions dans un article de recherche récent, qui transmet au public mondial des signaux sur l’identité du Qatar : ses valeurs et ce qu’il aspire à être. Au cours de la dernière décennie, en effet, elle a remporté sept fois le prix de la <a href="https://www.airactu.info/classement-2022-qatar-airways-remporte-le-prix-compagnie-aerienne-de-lannee-de-skytrax-pour-la-septieme-fois/">« meilleure compagnie aérienne de l’année »</a>. Comme l’illustrent ses huit nouveaux stades flambants neufs ou le Paris Saint-Germain, propriété du Qatar, voici une nation déterminée à <a href="https://medium.com/@simonchadwick_15086/brand-qatars-quest-to-become-the-best-faces-turbulence-as-world-cup-gets-underway-4fd1b4e6fcb4">raconter au monde une histoire particulière sur elle-même</a>.</p>
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<p>Quant à la Chine, bien que ses progrès sportifs et industriels aient quelque peu marqué le pas pendant la pandémie, elle se présente à la Coupe du monde avec une importante écurie de quatre sponsors (Wanda et Mengniu en plus des deux précédemment cités). Ici, le gouvernement chinois ne veut pas seulement <a href="https://theconversation.com/euro-2020-a-football-tournament-where-the-big-players-come-from-china-and-the-us-162622">étendre l’influence de la Chine</a> dans le monde, mais aussi se positionner pour organiser un prochain Mondial de football.</p>
<h2>Marketing d’embuscade</h2>
<p>En marge des principaux sponsors de l’événement, il y a souvent eu, historiquement, un groupe d’aspirants au tournoi qui se livrent à un <a href="https://dial.uclouvain.be/memoire/ucl/en/object/thesis%3A29295">« marketing d’embuscade »</a>. Il s’agit là d’essayer de tromper les consommateurs en leur faisant croire que leurs marques sont associées à la Coupe du monde alors qu’elles ne le sont pas et n’ont rien versé à l’organisateur (un contrat sur quatre ans avec la FIFA coûte environ <a href="https://www.sportbusiness.com/2022/04/fifa-seeks-massive-increase-from-sponsors-on-the-back-of-fifa-launch/">100 millions de dollars</a>).</p>
<p>Parmi les « embuscades » célèbres, on se souvient notamment des campagnes provocatrices de Bavaria Beer lors des <a href="https://www.theguardian.com/media/2006/jun/19/marketingandpr.worldcup2006">Coupes du monde 2006 en Allemagne</a> et <a href="http://news.bbc.co.uk/2/hi/8743881.stm">2010 en Afrique du Sud</a>. La marque hollandaise avait notamment équipé les supporters de Pays-Bas (et notamment des supportrices légèrement vêtues) de tenues oranges affichant le nom de la marque, qui étaient ensuite filmés dans les stades. Ce coup de publicité, qui a conduit à des arrestations et des menaces de poursuite judiciaire, avait attiré l’attention du monde entier, si bien que Bavaria avait davantage fait parler d’elle que de la bière officielle de la FIFA, sa concurrente Budweiser.</p>
<p>Aujourd’hui, même la pratique du marketing d’embuscade semble s’être géopolitisée. Les autorités de Dubaï ont ainsi tenté de détourner l’attention portée sur le Qatar avec leurs campagnes <a href="https://www.youtube.com/watch?v=FCjq3FOoB3A">Dubai x Benzema</a> et Dubai x Salah. L’émirat voisin organisera également la <a href="https://www.timeoutdubai.com/news/dubai-super-cup-liverpool-arsenal-ac-milan">Dubai Super Cup</a> entre des cadors du foot européen comme Liverpool, l’AC Milan et l’Olympique Lyonnais, du 8 au 11 décembre. En même temps que la Coupe du monde chez le rival qatari…</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/FCjq3FOoB3A?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Karim Benzema X Dubai (Visit Dubai, novembre 2022).</span></figcaption>
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<p>Dubaï n’est pas le seul à essayer de nous faire oublier le Qatar en diffusant des messages concurrents aux supporters et aux consommateurs. Dans la bière, c’est cette fois-ci la multinationale de la bière et chaîne de brasseries <a href="https://theconversation.com/brewdog-succes-dune-biere-artisanale-et-amertumes-manageriales-190851">BrewDog</a> qui tentent de s’ingérer dans les affaires de la FIFA avec une campagne <a href="https://www.thedrum.com/news/2022/11/07/brewdog-unveils-anti-sponsorship-qatar-world-cup">« anti-Coupe du monde »</a>.</p>
<p>Sur une série de panneaux publicitaires provocateurs, BrewDog fait référence à l’autocratie, aux violations des droits de l’homme et à la corruption du Qatar, pour interpeller les buveurs de bière sensibles à l’organisation contestée de l’événement par cet émirat.</p>
<h2>Buts géopolitiques</h2>
<p>Si l’objectif final reste le même pour BrewDog – faire des bénéfices en vendant de la bière – l’entreprise contribue néanmoins à la transformation de la publicité et du sponsoring, qui passent du simple domaine marketing à la scène géopolitique.</p>
<p>De la même façon, l’équipementier sportif Hummel a décidé de <a href="https://www.reuters.com/lifestyle/sports/hummel-stance-qatar-human-rights-is-strategic-decision-say-industry-experts-2022-09-29/">masquer son nom et ses logos</a>, ainsi que l’insigne de l’association danoise de football, de son équipement. Le tout pour protester contre le traitement réservé aux travailleurs migrants au Qatar et contre le déni des droits des communautés LGBTQ+ dans ce pays.</p>
<p>Dans la déclaration de mission de l’entreprise, Hummel souligne son engagement en faveur de la « danoisité », c’est-à-dire des valeurs d’un pays qui a fermement condamné le Qatar. Lorsque l’équipe nationale danoise entrera sur le terrain, elle portera donc des maillots qui remettent directement en question les normes et les valeurs dominantes du Qatar, traditionnellement conservateur.</p>
<p>Il ne fait aucun doute que le football, ses sponsors et le marketing qui les accompagne ne servent plus seulement à s’amuser. Il y a désormais des buts géopolitiques à marquer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195227/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Simon Chadwick ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Parmi les principaux sponsors du Mondial 2022 figurent de grandes entreprises originaires du Qatar ou de Chine, deux États qui font du football un instrument de « soft power ».Simon Chadwick, Professor of Sport and Geopolitical Economy, SKEMA Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1927942022-11-18T11:47:38Z2022-11-18T11:47:38ZLa Coupe du monde, une simple étape de l’ambitieux plan de développement du Qatar<p>Pour la Coupe du monde de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/football-20898">football</a> qui s’est ouverte ce 20 novembre, le Qatar aura dépensé 200 milliards de dollars. Pour le pays, l’enjeu est de taille : au-delà de l’aspect sportif, l’événement, controversé notamment en raison des <a href="https://www.amnesty.org/fr/location/middle-east-and-north-africa/qatar/report-qatar">milliers de travailleurs migrants décédés</a> sur les chantiers des stades, vise à projeter un « <a href="https://theconversation.com/fr/topics/soft-power-36628">soft power</a> » (« puissance douce ») et à changer les perceptions internationales.</p>
<p>Le Mondial s’inscrit en effet dans une stratégie de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/developpement-20143">développement</a> économique plus large du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/qatar-39492">Qatar</a> qui vise à renforcer sa place dans les échanges internationaux. En 2013, trois ans après l’attribution de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/coupe-du-monde-120635">Coupe du monde</a> à l’émirat, l’accession au pouvoir de l’émir Cheikh Tamim Ben Hamad Al Thani a accéléré ce processus de transformation économique et sociétale de l’État qui reste néanmoins soucieux de concilier le développement du pays et le respect des traditions.</p>
<p>La <a href="https://www.gco.gov.qa/en/about-qatar/national-vision2030/">« Vision nationale 2030 »</a>, qui redéfinit les contours d’une économie post-<a href="https://theconversation.com/fr/topics/hydrocarbures-88741">hydrocarbure</a> à moyen terme, prévoit ainsi des investissements dans les nouvelles technologies, un virage philosophique vers l’économie de la connaissance et la création de « smart cities » (« villes intelligentes ») dans lesquelles des systèmes de transports intelligents joueront un rôle majeur.</p>
<h2>Ultra-dépendance aux hydrocarbures</h2>
<p>Or, le gouvernement du Qatar considère la participation d’investisseurs privés étrangers comme une partie intégrante de sa politique économique, notamment en matière de projets d’infrastructures, qui constituent la pierre angulaire de la « Vision nationale 2030 ». En 2020, le gouvernement du Qatar a d’ailleurs promulgué une loi encadrant les partenariats public-privé (PPP) pour tous les secteurs de l’économie, ce qui a envoyé un signal fort à toutes les entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) à l’échelle mondiale, notamment aux entreprises américaines <a href="https://www.trade.gov/market-intelligence/qatar-introduces-public-private-partnership-law">particulièrement convoitées</a>.</p>
<p>Les installations de la Coupe du monde de football 2022, construites pour la plupart grâce à des contrats de PPP, ne constituent donc qu’une étape dans le vaste projet de développement de l’émirat qui voit dans ces investissements public-privé une opportunité de moderniser le pays et de bénéficier d’infrastructures à la pointe du progrès (nouvelles routes, tunnels, écoles, télécoms, centrales à énergie solaire, hôpitaux, hôtels, etc.). Plus de 850 entreprises américaines, 700 entreprises du Royaume-Uni et 330 entreprises allemandes opèrent ainsi actuellement au Qatar.</p>
<p>L’émirat tire aujourd’hui l’essentiel de ses richesses du pétrole et du gaz naturel, qui représentent plus de 70 % des recettes totales de l’État, plus de 60 % du produit intérieur brut et environ 85 % des recettes d’exportation. Deuxième producteur d’hydrocarbures de la péninsule arabique en tonnes équivalent pétrole, le Qatar dispose des troisièmes plus importantes réserves mondiales de gaz naturel, principalement localisées sur le champ offshore North Field. Avec un PIB de <a href="https://donnees.banquemondiale.org/indicator/NY.GDP.PCAP.PP.KD?locations=QA">85 000 dollars par habitant</a> en 2020 (105 000 en 2011), le pays présente le quatrième plus important ratio au monde en parité de pouvoir d’achat.</p>
<p>Les citoyens qatariens jouissent donc d’un haut niveau de vie, d’autant plus qu’ils ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu. En outre, le <a href="https://www.objectif-import-export.fr/fr/marches-internationaux/fiche-pays/qatar/presentation-fiscalite">taux d’impôt sur les sociétés est de 10 %</a>, à l’exception des sociétés détenues à 100 % par des ressortissants qatariens et des ressortissants des pays du Conseil de coopération du Golfe (Arabie saoudite, Oman, Koweït, Bahreïn, Émirats arabes unis et le Qatar) qui en sont exemptées. Les employeurs n’ont pas d’obligation de verser des cotisations à la Sécurité sociale pour la main-d’œuvre étrangère qu’ils emploient, mais contribuent à hauteur de 10 % à un fonds de pension pour les travailleurs qatariens.</p>
<p>Pour préparer l’après-pétrole et préserver cette richesse, le Qatar, pays grand comme la région Île-de-France et peuplé de 2,9 millions d’habitants (<a href="https://www.populationdata.net/pays/qatar/">dont 330 000 Qataris seulement</a>), a donc décidé de s’ouvrir aux échanges mondiaux. Membre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) depuis le 13 janvier 1996, l’émirat a vu son excédent commercial doubler en 2021 pour s’établir à <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2022/09/29/le-commerce-exterieur-du-qatar-en-2021">59,2 milliards de dollars US</a>, représentant un tiers du PIB, soit un niveau record depuis 2014. Les exportations sont principalement dirigées vers l’Asie (74 % des exportations en 2021) : les cinq premiers clients du Qatar sont la Chine, le Japon, l’Inde, la Corée du Sud. L’Union européenne a représenté quant à elle 9,0 % des exportations qatariennes.</p>
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<p>Quant aux principaux fournisseurs du Qatar, qui importe l’intégralité de ses matières premières hors hydrocarbures et <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/4c661a98-901c-4461-b900-e61fd483d148/files/31161321-a851-4fde-b9d4-8971aee9fd28">90 % de sa consommation alimentaire</a>, on retrouve les États-Unis (16 %), la Chine (15 %) et le Royaume-Uni (7,3 %). La France constitue le 10<sup>e</sup> fournisseur du Qatar et son 17<sup>e</sup> client.</p>
<p>L’insertion dans l’économie mondiale passe également par les investissements de l’émirat à l’étranger. Dans ce domaine, la passion du Qatar pour le sport imprègne fortement sa stratégie. Celle-ci passe notamment par Oryx Qatar Sports Investments (Oryx QSi), une société à participation fondée en 2005 et contrôlée par l’émir Al Thani, richissime passionné de football et propriétaire du Paris Saint-Germain Football Club. Il s’agit d’une filiale de la <a href="https://www.qia.qa">Qatar Investment Authority</a> (QIA) qui <a href="https://politicstoday.org/qatar-lng-real-estate-foreign-direct-investments-expand-globally/">alimente le fond Sovereign Wealth Fund</a>. Depuis dix ans, QSi a multiplié ses prises de participations dans le monde du sport : Prix de l’Arc de Triomphe, la chaîne de télévision BeIn Sports, les clubs du PSG, du FC Barcelone, d’Al Gharafa SC et de Paris Handball, entre autres.</p>
<h2>Au-delà du sport…</h2>
<p>Selon le Cercle économique franco-qatari Qadran, la France est la <a href="http://www.qadran.fr/en/eventpictures/qadran-hec-study-vitality-and-diversification-of-the-partnership-between-qatar-france/">deuxième destination</a> en termes d’investissements qatariens en Europe. Quelque 42 entreprises qatariennes établies en France opèrent notamment en « délégation » du fond souverain administré par la QIA, et leur champ d’activité dépasse largement le sport.</p>
<p>La stratégie visant à diversifier les avoirs qatariens en France passe par exemple par des participations minoritaires au capital de grandes entreprises françaises telles qu’Airbus, Vinci, Veolia, Total, AccorHotels ou encore du Groupe Lagardère. Par ailleurs, l’émirat a investi dans des établissements comme le Lido, 35 000 mètres carrés sur les Champs-Élysées, dont la galerie commerciale Élysée 26, ou encore des hôtels de grand standing tels que l’hôtel d’Évreux sur la place Vendôme (230 millions d’euros), le somptueux hôtel Lambert sur l’île Saint-Louis à Paris et le Carlton de Cannes. Il faut garder à l’esprit que, depuis 2008, les Qatariens bénéficient en France d’un régime fiscal particulier et sont exonérés de taxe sur les plus-values immobilières. Au bilan, les investissements du Qatar dans les hôtels de luxe auraient d’ailleurs généré près de 13 000 emplois sur les 71 900 générés dans l’Hexagone.</p>
<p>La France n’est bien entendu pas le seul pays à accueillir les investissements qataris. Selon Bloomberg, la QIA a par exemple effectué des investissements considérables dans l’immobilier des grandes villes occidentales considérées comme stratégiques. À Londres, la QIA a <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2015/01/29/eco-a-londres-le-qatar-rachete-le-quartier-d-affaires-canary-wharf_4565951_3234.html">racheté le quartier des affaires de Canary Wharf</a> (au terme d’une âpre bataille boursière) qui représente le symbole du trading européen. Durant la crise financière de 2008, la QIA avait en outre acquis des parts dans les banques Barclays et le Credit Suisse en plus d’entrer au capital des constructeurs allemands Porsche et Volkswagen.</p>
<p>Le caractère prestigieux de certaines acquisitions ne doit cependant pas faire oublier l’essentiel : les investissements du Qatar s’inscrivent dans un vaste plan d’investissement global à long terme visant à établir sa légitimité et à assoir sa crédibilité financière internationale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192794/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurence Frank ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’émirat, qui tire l’essentiel de ses richesses du pétrole et du gaz naturel, a enclenché un plan de transformation qui repose notamment sur une insertion renforcée dans les échanges mondiaux.Laurence Frank, Maître de conférences en management, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1931562022-10-24T17:15:37Z2022-10-24T17:15:37ZCoupe du monde 2022 : le contre-la-montre du Qatar pour gagner la bataille des mentalités<p>Cet hiver, le Danemark jouera la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/coupe-du-monde-120635">Coupe du monde</a> de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/football-20898">football</a> au <a href="https://theconversation.com/fr/topics/qatar-39492">Qatar</a> avec des maillots particuliers : le nom et le logo de son sponsor, Hummel, <a href="https://www.20minutes.fr/sport/4002908-20220929-coupe-monde-2022-hummel-presente-maillots-danemark-protestation-contre-qatar">seront masqués</a>. L’une des trois tenues de l’équipe nationale sera même entièrement noire, la « couleur du deuil » précise l’équipementier.</p>
<p>La marque a justifié ce design inhabituel en faisant directement référence aux milliers de <a href="https://www.theguardian.com/global-development/2021/feb/23/revealed-migrant-worker-deaths-qatar-fifa-world-cup-2022">décès de travailleurs migrants du bâtiment au Qatar</a>, ainsi qu’au bilan pour le moins contesté de l’émirat en matière de <a href="https://bleacherreport.com/articles/1854355-qatar-accused-of-human-rights-violations-in-preparation-for-2022-world-cup">droits de l’homme</a>. « Nous ne souhaitons pas être visibles pendant un tournoi qui a coûté la vie à des milliers de personnes », explique un post de l’équipementier diffusé sur les réseaux sociaux.</p>
<p>Ce dernier précise : « Nous soutiendrons l’équipe nationale danoise jusqu’au bout, mais ce n’est pas la même chose que de soutenir le Qatar en tant que pays hôte ».</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/CjDEvi3KxVm/ ?utm_source=ig_embed\u0026ig_rid=d59b6226-a03b-42c2-b03\u003csup\u003ee\u003c/sup\u003e-f97590ff9c7c\"/\u003e\u003c/p\u003e\n\n\u003cp\u003eLa critique de Hummel n’est pas la première que connaît le Qatar et, le tournoi approchant, ce ne sera pas la dernière. L’ancienne star de Manchester United, \u003ca href=","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<h2>Changement de tactique</h2>
<p>Mais la <a href="https://www.qatar-tribune.com/article/22356/front/we-dispute-hummels-claim-on-world-cup-sc">réponse du Qatar</a> à la communication de Hummel semble démontrer un changement de tactique. Par le passé, les Qataris ont souvent été lents à réagir à de telles critiques. Pourtant, quelques heures après que Hummel a fait part de ses préoccupations, l’organisation responsable de l’événement publiait une ferme déclaration.</p>
<p>Le comité organisateur de l’événement a affirmé que le Qatar avait mis en œuvre d’importantes réformes du marché du travail, et que tous les autres pays, y compris le Danemark, feraient mieux de se concentrer sur le respect des droits de l’homme chez eux.</p>
<p>Une réponse aussi acerbe mérite d’être soulignée, car elle semble marquer une évolution dans la nature, le ton et la vitesse des communications émanant du Qatar. Les officiels se sont manifestement préparés à une période intense de surveillance et d’activisme pour ce qui sera l’une des Coupes du monde les plus controversées de l’histoire du football.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/coupe-du-monde-au-qatar-shell-danone-ou-nike-les-questions-que-soulevent-les-boycotts-191815">Coupe du monde au Qatar, Shell, Danone ou Nike : les questions que soulèvent les boycotts</a>
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<p>Ils ont également anticipé <a href="https://www.sportico.com/business/tech/2022/qatar-world-cup-security-spending-cyber-threats-1234690532/">l’éventualité d’une perturbation de l’événement</a>. Des policiers marocains ont été recrutés alors que des équipements de surveillance américains, des drones turcs et des frégates italiennes ont été achetés. Reste à savoir comment ces ressources seront déployées, et si elles sont liées à l’annonce récente de <a href="https://talksport.com/football/983856/world-cup-2022-fans-qatar-alcohol-stadiums-cost/">l’autorisation de vente d’alcool</a>, pendant 19 heures par jour.</p>
<p>En matière de logistique également, le Qatar s’est exercé. Il a accueilli plusieurs événements très médiatisés et à forte affluence pour mesurer son niveau de préparation, notamment deux événements de la Fifa : la Coupe du monde des clubs en 2019 et la Coupe arabe des nations en 2021. Les deux tournois se sont déroulés sans incident majeur. Mais un récent <a href="https://www.middleeasteye.net/news/qatar-world-cup-test-event-widespread-issues">événement-test au Lusail Iconic Stadium</a> (qui doit accueillir la finale du Mondial, le 18 décembre) a été moins encourageant : des pénuries d’eau, une climatisation défectueuse et la nécessité de marcher pendant une heure jusqu’au stade sous une chaleur de 35 °C sont venues perturber la fête.</p>
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<p>Rien qui ne soit insurmontable avant le match d’ouverture de novembre entre le Qatar et l’Équateur, le dimanche 20 novembre prochain. Mais il y a peu de marge d’erreur dans l’organisation d’événements sportifs de cette nature. En mars, le Grand Prix de Formule 1 en Arabie saoudite a failli être annulé après une <a href="https://www.theguardian.com/sport/2022/mar/25/saudi-arabian-grand-prix-at-risk-of-cancellation-after-houthi-missile-attack">attaque de drones des Houthis</a>, mouvement rebelle en guerre contre le pouvoir yéménite soutenu par Riyad, tandis qu’en mai, le Stade de France à Saint-Denis a connu de <a href="https://theconversation.com/incidents-aux-abords-du-stade-de-france-des-problemes-de-gestion-anciens-184202">graves problèmes de gestion des foules</a> lors de la finale de la Ligue des Champions.</p>
<h2>Énorme pari</h2>
<p>L’afflux de visiteurs sera d’ailleurs un défi majeur. On estime à <a href="https://www.latimes.com/sports/newsletter/2022-07-05/soccer-newsletter-qatar-soccer">plus de 1,2 million</a> le nombre de personnes qui se rendront au Qatar entre novembre et décembre.</p>
<p>Pour un pays de 3 millions d’habitants, c’est considérable. Cela mettra à l’épreuve les infrastructures essentielles, comme les routes, les transports publics, l’approvisionnement en eau et la <a href="https://www.deccanherald.com/international/doha-in-race-to-fix-its-drainage-before-fifa-world-cup-2022-1052677.html">capacité d’évacuation des eaux usées</a>. Certains travailleurs immigrés ont déjà reçu l’ordre de quitter le Qatar et de <a href="https://www.reuters.com/lifestyle/sports/qatari-government-workers-work-home-during-world-cup-2022-10-06/">ne revenir qu’une fois le tournoi terminé</a>. Les fonctionnaires ont été priés de travailler à domicile pendant la Coupe du monde, et les écoles, collèges et universités seront fermés.</p>
<p>Craignant les embouteillages, le gouvernement qatari interrompra la circulation dans Doha le vendredi (souvent le jour le plus chargé de la semaine) et teste actuellement <a href="https://thepeninsulaqatar.com/article/25/04/2022/qatar-receives-final-batch-of-electric-buses-to-ferry-fans-for-world-cup">700 bus électriques</a> aux couleurs de la Coupe du monde en prévision d’éventuels problèmes de transports. Comme je l’ai découvert lors d’une visite en septembre, à quelques semaines du coup d’envoi, d’importantes sections des rues de Doha sont d’ailleurs encore inaccessibles car le pays cherche à moderniser son système d’eau et d’égouts jusqu’au bout.</p>
<p>Au cours de ce voyage, j’ai été frappé par l’ampleur du développement des infrastructures qui a eu lieu depuis ma dernière visite au Qatar, avant la pandémie. La ville semblait beaucoup plus calme qu’auparavant, ce qui, selon un chauffeur de taxi, s’explique par le fait que les habitants ont reçu l’ordre de quitter le pays ou de rester à l’écart de la capitale pendant les derniers préparatifs.</p>
<p>À certains endroits, les routes n’étaient toujours pas terminées, pas plus que plusieurs zones où les supporters sont censés se rassembler. Parmi les travailleurs migrants avec lesquels j’ai discuté, certains évoquaient les longues heures de travail et les bas salaires. Toutefois, ils m’ont presque tous parlé de leur enthousiasme au sujet du tournoi, eux comme d’autres.</p>
<p>Le fait que beaucoup d’entre eux ne pourront pas s’offrir de billets pour les matchs ne préoccupe pas les autorités qataries. Les douze années de préparation de cette Coupe du monde ont été consacrées à la <a href="https://www.iris-france.org/160117-small-nation-big-games-qatar-gets-ready-for-2022/">construction d’une nation</a>, à la projection d’un <a href="https://www.scmp.com/sport/other-sport/article/2123791/soft-power-sponsorships-how-qatar-uses-sport-promote-positive">« soft power) »</a> et au changement des perceptions internationales. Alors que les derniers préparatifs sont en cours, le gouvernement de Doha ne tardera plus à juger si son énorme pari a été payant.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193156/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Simon Chadwick a récemment été invité à parler de la Coupe du monde lors d'un événement organisé par le Gulf Studies Institute de l'Université du Qatar. Les frais de voyage et de séjour étaient pris en charge par l'université. Aucun autre paiement n'a été reçu.</span></em></p>Le pays hôte du Mondial de football, qui débute le 20 novembre, a changé de stratégie face aux critiques et met tout en œuvre pour qu’aucun incident ne vienne émailler l’événement.Simon Chadwick, Professor of Sport and Geopolitical Economy, SKEMA Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1822452022-05-08T16:59:46Z2022-05-08T16:59:46ZL’Eurovision Song Contest, un laboratoire politique continental ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/461841/original/file-20220508-21-yqtu8f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C12%2C961%2C666&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Kalush Orchestra, candidat de l'Ukraine au concours Eurovision de la chanson 2022, se produit devant des réfugiés juifs ukrainiens lors d'un spectacle dans un hôtel de Jérusalem, le 5 avril 2022.</span> <span class="attribution"><span class="source">AFP</span></span></figcaption></figure><p>Les élections présidentielles françaises sont à peine terminées et voilà que deux nouvelles échéances pointent le bout de leurs urnes. La première concerne les législatives, annoncées désormais par certains candidats malheureux comme un troisième tour, évidemment décisif, en vue du renouvellement des représentants des citoyens. Et l’évènement d’être d’ores et déjà autant relayé que les campagnes d’avril… </p>
<p>La seconde échéance est internationale : l’Eurovision Song Contest, anciennement Concours Eurovision de la Chanson, dont la 66ᵉ édition aura lieu cette année à Turin. La finale rassemblera médiatiquement environ 200 millions d’êtres humains. Elle reste pourtant reléguée aux faits divers de la dernière page culturelle de la partie congrue de la presse grand public.</p>
<h2>Votes en stock</h2>
<p>Certes, il pourrait sembler indécent surtout en ce moment de crises en escadrille de mettre en regard d’une part de vraies élections politiques (aux programmatiques enjeux sociétaux, économiques, écologiques où même les droits et les devoirs de chacun se voient mis en concurrence), et d’autre part le <a href="https://www.ebu.ch/fr/about/history">plus vieux télé-crochet de l’ère radio-télévisuelle</a> (pour lequel on vote au mieux par fanatisme, mélomanie, ou pur plaisir de la moquerie). Néanmoins, on est en droit aussi de se demander pourquoi une retrouvaille d’une telle ampleur reste boudée par les grands titres et son public de lecteurs et auditeurs. L’ESC est en effet une caisse de résonance des <a href="https://www.franceculture.fr/conferences/factory/radio-thesards/qui-profite-l-eurovision">enjeux internationaux majeurs</a> : conflits latents ou en cours, modernité culturelle et puissance économique des sociétés, image des communautés issues des différentes diasporas au sein des pays du bloc européen occidental, représentativité des communautés LGBTQIA+ dans des pays plutôt hésitants sur la question, pour ne citer que quelques-uns des thèmes qui ont accaparé ces dernières années la littérature d’Eurovision.</p>
<p>Mais alors, pourquoi ne s’y intéresse-t-on pas ? Certains diront que l’ESC n’est qu’un pur divertissement et que la politique n’a rien à voir là-dedans, sanctionnant ainsi son inadéquation journalistique. Ne s’émeut-on pas pourtant lorsque l’équipe de football des États-Unis affronte celle de l’Iran aux Championnats du monde de Football, ou quand la Grèce dame le pion aux Allemands à l’Euro, ou encore lorsque les drapeaux ukrainiens flottent au-dessus des podiums des Jeux Olympiques d’hiver chinois, <a href="https://www.france24.com/fr/sports/20220313-jeux-paralympiques-malgr%C3%A9-la-guerre-l-ukraine-brille-%C3%A0-p%C3%A9kin">organisés sur neige artificielle en pleine période de désastre écologique</a> ? De fait, l’Union européenne de radiotélévision – conceptrice et organisatrice de l’ESC – a été la première grande institution internationale à se positionner sur la brûlante question du conflit russo-ukrainien et <a href="https://www.ebu.ch/fr/news/2022/03/statement-on-russian-members">sur le traitement à réserver aux délégations russes</a>. Si la primeur ne fait pas le monopole, on peut tout de même remarquer, du moins en France, une différence de considération flagrante : d’un côté une institution populaire diffusée en mondovision, constamment ignorée, de l’autre n’importe quelle compétition de sport – tenez, les fléchettes par exemple ! – qui, malgré tout le respect qui lui reviendrait, est diffusée et commentée sur des chaînes dédiées.</p>
<h2>Un laboratoire sociopolitique insoupçonné</h2>
<p>L’ESC pourrait constituer un lieu d’expérimentation idéal pour repenser le vivre ensemble dans un monde globalisé. À l’heure où revient sur le devant de la scène la question de la gouvernance exécutive de l’Europe communautaire (déjà unifiée par la monnaie, son parlement et ses divers conseils, et <a href="https://information.tv5monde.com/info/union-europeenne-la-necessaire-creation-d-une-force-militaire-commune-en-discussion-423231">dont on dit qu’elle ferait bien d’être militarisée)</a>, on peut déceler dans l’ESC des manières innovantes d’appréhender les modalités d’expression et de sélection de représentants à l’échelle continentale.</p>
<p>Prenons par exemple le vote du concours au sens large : il nous invite à relire nos affinités électives. Nous pourrions comparer la finale de l’ESC à une élection à proprement parler, élection qui rassemble une bonne quarantaine de nations. Sans revenir sur l’histoire haletante des modalités de vote du concours, qui ont beaucoup changé au cours des décennies, précisons seulement qu’aujourd’hui que le scrutin est équilibré en tant qu’il est pondéré par deux types d’électeurs : le gagnant est en effet désigné à 50 % par la somme des notations conjointes de jurys nationaux et à 50 % par un savant calcul issu exclusivement des préférences du public international du programme.</p>
<p>Et si cette modalité était appliquée à une élection politique, par exemple européenne ? On pourrait ainsi élire de la sorte une Présidente de l’Union ? Ou à l’inverse, le Président français, en offrant 50 % de la puissance du vote aux pays voisins et frontaliers directs ? Ou simplement appliquer cet équilibre moitié-moitié à notre contrée, en constituant un jury présélectionné. Cette option serait probablement interprétée comme un retour en arrière, car on voit bien que les discussions actuelles autour de la proportionnalité – notamment lors des législatives – penchent plutôt en faveur d’une correspondance stricte entre les préférences exprimées et les représentants sélectionnés.</p>
<h2>Vent nouveau</h2>
<p>Finalement, c’est en amont du concours que l’on peut flairer un souffle réformateur. Peut-on imaginer que le vote qui aura lieu samedi 14 mai 2022 a en réalité été précédé d’une multitude de tours de chauffe à l’échelle nationale ?</p>
<p>En effet, les clubs OGAE (Organisation générale des amateurs de l’Eurovision) de chacun des pays membres de l’UER qui participent au concours réalisent chaque année au printemps leurs <em>previews</em>. Il s’agit d’une sorte de répétition générale du décompte fatidique de la finale, où chaque Eurofan, tel un juré haut placé, jauge ses préférences à l’aune des réalités artistiques et de la dynamique de groupe. C’est un peu comme si, avant le premier tour de la présidentielle, et dans chaque région française, on demandait à des personnes engagées politiquement, dans un parti ou juste localement, de se prêter à un jeu d’autorévélation.</p>
<p>Ainsi, imaginez qu’on propose, au hasard, à un fervent révolutionnaire de se mettre dans la peau d’un conservateur invétéré, ou à un écologiste chevronné dans celle d’un progressiste saint-simonien, le temps d’une journée. Leur mission déguisée ? Écouter l’ensemble des programmes des candidats à l’élection et, en fonction de leur nouvelle et provisoire identité politique, leur donner une note, une voix, avant de dépouiller l’ensemble des avis et d’en discuter autour d’un verre de l’amitié. Voilà donc ce que font les Eurofans aguerris dans chaque pays eurovisionnesque ce qui, en plus de donner du grain à moudre aux bookmakers qui font leur blé sur l’issue de l’ESC, les entraîne à penser comme l’autre, à aimer comme son voisin et, finalement, à l’écouter.</p>
<h2>Du pouvoir des réseaux sociaux</h2>
<p>L’Eurovision manque peut-être de considération, mais les fans du concours sont eux remarquables dans leur propension à consolider leur identité de groupe. Comme un cas d’école, ils promeuvent et symbolisent à la fois le crédo qui les porte : « Celebrate Diversity »… ou « Building Bridges » c’est selon, comme le montre l’évolution des slogans des commerciaux d <a href="https://eurovisionworld.com/esc/eurovision-the-logic-of-logos">e la marque Eurovision qui a pris un tournant évident il y a une dizaine d’années</a>. Les réseaux sociaux reflètent à leur tour cette politisation de l’ouverture à l’autre, <a href="https://mobile.twitter.com/hashtag/EurofansAreBeautiful?src=hashtag_click">comme en témoigne le hashtag #EurofansAreBeautiful</a> qui s’est imposé cette année comme un espace de revendication clair de la validité autoproclamée de l’appréciation du concours, devenue à son tour un moyen d’affirmation de soi. C’est d’ailleurs un créneau similaire qu’ont pris certains médias autonomes – webradios, podcasts, revues en ligne. Aux côtés de sites spécialisés comme <a href="https://eurovision-quotidien.com/">eurovision-quotidien.com</a> figurent désormais des formats audio réguliers comme <a href="https://podcast.ausha.co/12-points">12points</a>, l’un des premiers podcasts francophones qui mêle tonalité caustique, précisions historiques et approche scientifique, en accord avec ce qu’est devenu fièrement le Concours Eurovision : une fête cosmique où le monde devient village, un exutoire bon enfant où railler son voisin n’est en réalité qu’un moyen de mieux apprécier ses différences, le tout en chantant.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182245/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphane Resche ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le concours, qui rassemblera à travers les médias 200 millions de personnes, mérite qu’on s’y intéresse de plus près.Stéphane Resche, PRAG (PhD) / Associate researcher, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1799092022-03-31T17:54:13Z2022-03-31T17:54:13ZLa nouvelle stratégie énergétique de la Chine en Afrique : enjeux et défis<p>Le huitième <a href="http://www.focac.org/fra/">Forum sur la coopération sino-africaine</a> (FOCAC), qui s’est tenu en novembre 2021 à Dakar, s’est conclu par l’annonce de l’ouverture d’une « nouvelle ère » de la coopération Chine-Afrique dans divers domaines, dont celui de l’énergie. Objectif annoncé : orienter cette coopération vers un développement « de qualité » associant soutenabilité financière et environnementale.</p>
<p>Aujourd’hui, la présence chinoise dans le domaine énergétique en Afrique est avant tout concentrée dans les énergies fossiles et hydrauliques. Quels pourraient être les contours d’une mutation vers des projets moins risqués et moins polluants ? Et quels sont les <a href="https://ferdi.fr/publications/la-nouvelle-strategie-energetique-de-la-chine-en-afrique-enjeux-et-defis">enjeux</a> d’une telle évolution pour les banques et investisseurs chinois ?</p>
<h2>Un engagement dans l’énergie hydraulique et fossile</h2>
<p>La ventilation des financements des banques dans le secteur de l’énergie sur la dernière décennie montre la <a href="https://www.oecd.org/publications/boosting-the-power-sector-in-sub-saharan-africa-9789264262706-en.htm">prédominance de l’hydroélectricité</a> (principale énergie renouvelable), suivie par les énergies fossiles (pétrole puis charbon) et les projets de transmission et de distribution (T&D) (Graphique 1). La forte présence de la <a href="https://africanclimatefoundation.org/wp-content/uploads/2021/11/800539-ACF-NRDC-Report.pdf">Chine dans le secteur de l’hydroélectricité</a> s’explique notamment par le fait que les entreprises et bailleurs chinois aient profité du vide laissé par les autres bailleurs étrangers au tournant des années 2000.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/455512/original/file-20220331-21-d72h0j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/455512/original/file-20220331-21-d72h0j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/455512/original/file-20220331-21-d72h0j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/455512/original/file-20220331-21-d72h0j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/455512/original/file-20220331-21-d72h0j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/455512/original/file-20220331-21-d72h0j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/455512/original/file-20220331-21-d72h0j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/455512/original/file-20220331-21-d72h0j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Graphique 1 : Répartition des financements des banques de développement chinoises en Afrique (43 Mds USD) sur 2010-2020. Cliquer pour zoomer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Calcul des auteurs à partir des bases de données CGEF de Boston University et CAL de l’institut John Hopkins</span></span>
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<p>La présence chinoise dans le pétrole et le gaz s’est développée dans les années 1990, avec la stratégie <a href="https://www.diplomaticourier.com/posts/china-s-going-out-strategy">« Going Out »</a>. Les deux objectifs poursuivis par celle-ci étaient l’apprentissage dans la conduite de projets d’énergie en Afrique pour les entreprises chinoises et la sécurité énergétique, le continent africain représentant 20 % des importations de gaz et de pétrole de la Chine. Cependant, la présence de l’Empire du Milieu s’est manifestée surtout en amont, au stade de l’extraction, faute d’expertise sur certaines composantes des centrales thermiques.</p>
<p>Depuis les années 2000, les incitations à l’investissement du secteur privé chinois dans les énergies se succèdent. L’ambition portée par les Nouvelles routes de la soie(Belt and Road Initiative – BRI) est d’inciter le secteur privé à investir dans la production des énergies renouvelables – en particulier solaires et éoliennes, dans lesquelles la Chine est le leader mondial.</p>
<p>Cependant, sur la dernière décennie, on constate que les investissements dans le domaine de l’énergie en Afrique sont restés peu diversifiés (Graphique 2). Ceux alloués aux projets pétroliers et gaziers des entreprises d’État chinoises dominant largement en volume et en nombre de projets.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/453930/original/file-20220323-27-1gyefz5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/453930/original/file-20220323-27-1gyefz5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/453930/original/file-20220323-27-1gyefz5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/453930/original/file-20220323-27-1gyefz5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/453930/original/file-20220323-27-1gyefz5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/453930/original/file-20220323-27-1gyefz5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/453930/original/file-20220323-27-1gyefz5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/453930/original/file-20220323-27-1gyefz5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Graphique 2 : Répartition des investissements chinois dans l’énergie en Afrique (32Mds) sur 2010-2020.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Calcul des auteurs à partir des bases de données CGEF de Boston University et CAL de l’institut John Hopkins</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Les financements des banques dirigés vers d’autres énergies renouvelables que l’hydraulique ne dépassent pas 3 % des volumes engagés. Les investissements des entreprises dans ces énergies renouvelables ne représentent aussi que 3 % de l’investissement total. Bien que la Chine soit numéro un sur la planète pour la production d’énergie solaire ou éolienne, il n’existe pas de consortium spécialisé dans le développement à l’étranger de projets de cette nature, et la RPC agit principalement en tant qu’équipementier (fourniture de <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/06/15/chine-il-n-est-pas-sain-que-la-production-mondiale-de-panneaux-solaires-ne-depende-a-ce-point-d-un-seul-pays_6084165_3232.html">panneaux photovoltaïques</a>).</p>
<h2>Des engagements chinois en baisse</h2>
<p>Les engagements pour des <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/11/28/la-chine-face-au-probleme-de-dettes-africaines-insoutenables_6103914_3212.html">prêts chinois en Afrique</a>, tous secteurs confondus, se réduisent. Les données disponibles de la Boston University ou celles de John Hopkins utilisées dans le graphique 3 <a href="https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/finances-quand-les-etats-africains-tentent-de-reduire-le-poids-de-leur-dette-vis-vis">attestent de cette diminution</a> depuis 2017.</p>
<p>Ce ralentissement s’explique par plusieurs facteurs : endettement croissant des pays africains, qui a limité leur capacité à emprunter pour financer de grands projets d’infrastructures ; ralentissement de la croissance domestique de la Chine, qui impose une évolution de sa projection à l’étranger ; <a href="https://ferdi.fr/publications/la-nouvelle-strategie-energetique-de-la-chine-en-afrique-enjeux-et-defis">changement de stratégie</a> énergétique et de mobilisation des instruments de financement de la Chine dans les différents secteurs énergétiques.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/453931/original/file-20220323-13-1r08jv1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/453931/original/file-20220323-13-1r08jv1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/453931/original/file-20220323-13-1r08jv1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/453931/original/file-20220323-13-1r08jv1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/453931/original/file-20220323-13-1r08jv1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/453931/original/file-20220323-13-1r08jv1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=347&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/453931/original/file-20220323-13-1r08jv1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=347&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/453931/original/file-20220323-13-1r08jv1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=347&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Graphique 3 : Evolution des financements chinois dans l’énergie en Afrique sur 2010-2020.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Calcul des auteurs à partir des bases de données CGEF de Boston University et CAL de l’institut John Hopkins</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>La fin du financement de projets d’envergure peu rentables ou polluants</h2>
<p>Récemment, la stratégie de projection chinoise a évolué et l’on distingue deux mutations qui sont déjà enclenchées en Afrique. Tout d’abord, une inflexion vers une politique de gestion des risques plus restrictive. Ensuite, la conscience croissante de <a href="https://ideas4development.org/chine-transition-ecologique/">l’importance de promouvoir le développement vert</a> et de relever les défis de la protection de l’environnement et du changement climatique.</p>
<p>En Afrique, cela se matérialise par un ralentissement des financements publics et l’abandon des projets d’envergure polluants aux profils de risques trop marqués. Ces décisions ont naturellement des implications majeures sur les contours de la coopération énergétique avec le continent.</p>
<p>La Chine a annoncé en septembre 2021 souhaiter se <a href="https://information.tv5monde.com/info/la-chine-relance-sa-production-de-charbon-malgre-ses-engagements-sur-le-climat-420186">désengager du charbon</a>. Le minerai est devenu moins rentable, indésirable politiquement, et l’Afrique n’est qu’un fournisseur secondaire.</p>
<p>Il reste cependant à définir les modalités de ce retrait. Les succès mitigés dans le secteur pétrolier sur la décennie écoulée (chute des cours) ont fait subir quelques déconvenues aux entreprises pétrolières nationales sur le continent. Ainsi, l’approvisionnement de la Chine en pétrole africain décroît (de 30 % des importations totales en 2008 à 18 % en 2018) – une tendance qui devrait se poursuivre avec la raréfaction des projets sur les années à venir.</p>
<p>En revanche, les enjeux stratégiques autour du gaz augmentent, dans un contexte où vingt pays occidentaux se sont engagés <a href="https://www.carenews.com/carenews-info/news/cop26-entre-promesses-et-engagements-que-faut-il-retenir">dans le cadre de la COP26</a> à ne plus financer de projets dans le domaine des énergies fossiles. La déclaration du FOCAC de Dakar soutenant des investissements et financements verts pour des projets gaziers l’illustre parfaitement.</p>
<p>La Chine pourrait combler le vide créé. Car l’Afrique dispose des plus importants gisements de gaz découverts sur la décennie, une donnée à mettre en parallèle avec les chiffres de la consommation chinoise de gaz, en augmentation constante.</p>
<h2>Mutations dans le secteur des énergies renouvelables</h2>
<p>La dernière décennie a vu le financement de grands projets hydrauliques risqués, généralement d’une capacité de plus de 50 MW. Le verdissement de la BRI pourrait amener à réduire leur dimensionnement. En effet, ces grands projets mettent du temps à se mettre en place, et l’appréhension de plus en plus forte des conséquences environnementales et sociales leur fait perdre de leur attrait.</p>
<p>Cependant, l’hydraulique d’envergure continuera d’être au cœur de la présence chinoise en Afrique. En attestent les prévisions de l’Agence internationale de l’énergie (IEA) qui anticipe que 70 % des capacités hydrauliques additionnelles sur la période 2021-2030 en Afrique devraient être le fait d’opérateurs chinois. L’enjeu dans ce secteur est donc de garantir des études environnementales et sociales préliminaires solides, et des mécanismes de transparence crédibles pour réduire le profil de risque de ces projets.</p>
<p>Les rares projets d’énergies renouvelables chinois sont portés par le secteur privé. La taille réduite des projets coïncide parfois avec celle des entreprises, tandis que leurs coûts de transaction sont rédhibitoires pour les larges entreprises d’État chinoises, qui privilégient les projets d’envergure hydrauliques.</p>
<p>Cependant, un rapprochement de terrain entre entreprises privées et entreprises d’État peut parfois être observé, et la multiplication des initiatives de verdissement de la BRI, l’application plus drastique des normes environnementales et sociales devrait aider les entreprises publiques et privées chinoises à mieux se projeter dans les secteurs des énergies renouvelables non hydrauliques.</p>
<h2>Impliquer davantage les banques commerciales et les entreprises privées chinoises</h2>
<p>Deux banques de politique stratégique dominent le secteur du financement, et six entreprises d’État celui de l’investissement. Sur les 43,4 Mds USD de financements énergétiques chinois recensés sur la décennie 2010-2020 en Afrique, la China Eximbank et la China Development Bank pèsent respectivement 60 % et 37 %. Les banques commerciales seules ont une part marginale (3 %, avec 3,3 Mds USD).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"788337557549428736"}"></div></p>
<p>Les entreprises d’État sont les autres acteurs économiques chinois majeurs, à la fois bénéficiaires des financements des banques comme contractants, mais aussi présentes dans l’investissement sur des projets d’envergure (30Mds USD depuis 2010). Le gouvernement table aussi sur la participation des entreprises privées comme investisseurs ou contractants, principalement pour les projets éoliens et solaires, mais les projets restent confidentiels jusqu’à présent (2Mds USD depuis 2010).</p>
<p>La plupart de ces prêts souverains suivent le modèle dit projet clé en main. Le contractant s’occupe de l’ensemble de l’ingénierie, du design jusqu’à l’installation, en passant par le choix des matériaux. Il s’adresse ensuite aux banques chinoises pour le financement, mais cela n’implique pas une présence de l’entreprise sur la phase d’opération.</p>
<p>Or ce modèle est en perte de vitesse pour deux raisons. Tout d’abord, parce que cette situation est vecteur d’aléas moraux, puisque les entreprises ont intérêt à « survendre » l’intérêt des projets, exploitant le <a href="https://static1.squarespace.com/static/5652847de4b033f56d2bdc29/t/6099cc5d267fb10016b82045/1620692064252/WP+47+-+ZHANG%2C+Hong+-+Chinese+Intl+Contractors%27+Market+Power+Africa.pdf">manque de visibilité des banques</a>. Ensuite, parce que ce système de prêts accordant peu d’importance à la viabilité des projets comprend généralement une clause contraignant les développeurs à souscrire une assurance coûteuse. Ces dernières sont taillées à larges montants de financement pour les énergies fossiles, car les primes d’assurance n’évoluent pas graduellement, mais pas pour les énergies renouvelables.</p>
<p>Ce qui est en jeu, c’est l’entrée dans un <a href="https://www2.deloitte.com/cn/en/pages/about-deloitte/articles/deloitte-perspective-v5-chapter2.html">« nouvel âge de l’internationalisation »</a> des entreprises d’État et des entreprises privées chinoises. Du statut de constructeurs, elles devraient évoluer vers celui de développeurs-investisseurs avec des capacités d’évaluations du risque et des impacts environnementaux et sociaux accrues, pour ne plus dépendre de garanties très coûteuses.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1398891919917215748"}"></div></p>
<p>La faible incitation du modèle existant à la création de capacités d’analyse, et les préférences pour les accords de gouvernement à gouvernement, ont limité leur capacité d’évaluation des risques, et donc de compétitivité sur ces projets. Pour monter en compétence, les acteurs chinois doivent s’ouvrir davantage à des co-financements extérieurs ou à des sources de financement multiples.</p>
<h2>Le verdissement de la BRI comme tremplin</h2>
<p>Avec la multiplication des <a href="https://www.afd.fr/fr/actualites/chine-les-nouvelles-routes-de-la-soie-sur-le-chemin-du-developpement-durable-0">initiatives de verdissement de la BRI</a>, les publications incitant au respect de normes environnementales et sociales plus strictes ont <a href="https://chinadialogue.net/en/business/rhetoric-meet-reality-how-to-green-the-belt-and-road-initiative/">essaimé</a>. Afin d’attirer des investisseurs et de développer les co-financements, ces mesures doivent maintenant être opérationnalisées.</p>
<p>Le verdissement de la BRI, mais surtout du mix énergétique et de la politique industrielle de la Chine, redéfinit la diplomatie des ressources menée par Pékin et devrait soutenir sa transition vers un modèle moins carboné. Ce tournant vers des <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2019-3-page-127.htm">« Nouvelles routes de la soie » plus durables</a>, qui suppose des évolutions importantes, pourrait ouvrir la voie à un dialogue et à une coopération renforcée entre les acteurs financiers chinois et leurs homologues dans le secteur de l’énergie.</p>
<p><em>Matthys Lambert et Achille Macé sont co-auteurs de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/179909/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Gourdon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Très présente dans le secteur énergétique en Afrique, la Chine peut-elle vraiment proposer au continent un modèle de développement durable ?Julien Gourdon, Economiste, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1800932022-03-30T18:13:29Z2022-03-30T18:13:29ZLa Russie pourra-t-elle créer un nouvel ordre mondial du sport ?<p>Dès le lendemain de l’annonce de l’<a href="https://www.rts.ch/sport/jo/beijing-2022/12909404-pekin-2022-paralympiques-les-russes-et-les-belarusses-finalement-exclus.html">exclusion de la Russie des Jeux paralympiques de Pékin</a>, le 5 mars 2022, les autorités russes réagissent et décident d’organiser une compétition sportive parallèle dans la ville de Khanty-Mansiïsk, en Sibérie occidentale : <a href="https://tass.com/sport/1420131">« Nous sommes ensemble : sport »</a>.</p>
<p>Le vice-premier ministre de la Fédération de Russie, Dmitri Chernychenko, charge le ministère des Sports et le ministère des Finances, ainsi que la mairie de Khanty-Mansiïsk, de mettre en œuvre au plus vite ces Jeux paralympiques alternatifs avec le concours de l’Arménie, du Tadjikistan, du Kazakhstan et de la Biélorussie, alliés du régime russe.</p>
<p>L’objectif, selon le ministre des Sports, Oleg Matytsine, est de montrer que la Russie est « une puissance sportive forte et autosuffisante ». Au sein de la population russe, une blague circule alors : « Pékin a préparé ses Jeux paralympiques en sept ans, Khanty-Mansiïsk a préparé les siens en sept jours ».</p>
<p>La compétition se déroule durant quatre jours, du 17 au 20 mars. Les athlètes russes la remportent au classement des médailles face aux quatre autres États participants. Dans la foulée, le vice-ministre des Sports, Odes Baisultanov, <a href="https://247newsagency.com/sports/89496.html">précise la vision russe</a> : « Nous devons développer un projet national, nous devons développer notre sport, y compris à travers les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, et Afrique du Sud) et l’Organisation de coopération de Shanghaï, afin que nous puissions organiser des compétitions internationales. »</p>
<p>S’il est passé relativement inaperçu en Occident, cet événement marque pourtant d’une pierre blanche le renouveau de la stratégie russe dite de <a href="https://www.cairn.info/revue-outre-terre2-2016-2-page-111.htm">la « forteresse assiégée »</a>. L’objectif est triple. Il s’agit d’autonomiser au maximum le sport russe afin de répondre aux sanctions occidentales ; de rétablir la confiance des athlètes russes en leur État ; et de créer un nouvel ordre mondial du sport en s’appuyant sur les pays alliés de la Russie.</p>
<h2>Un système sportif à terre en quête de solutions</h2>
<p>À l’échelle nationale, l’enjeu est plus important qu’il n’y paraît. En effet, le système politico-économico-sportif – la <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-la-sportokratura-sous-vladimir-poutine-une-geopolitique-du-sport-russe-160805">Sportokratura</a> – construit par Vladimir Poutine depuis 22 ans est mis à mal. Avec le concours des politiques, oligarques et athlètes russes de haut niveau, il avait pour ambition de faire de la Russie l’une des principales puissances sportives de la planète et un outil patriotique de contrôle social. Aujourd’hui, il est le symbole d’un pays devenu paria.</p>
<p>S’il est <a href="https://cepa.org/what-do-russians-think-about-putins-war/">difficile de savoir</a> à quel point la population russe soutient réellement ce que le Kremlin qualifie d’« opération militaire spéciale », certains signes montrent que les athlètes russes semblent tiraillés entre leur attachement au sport mondial « classique » et l’isolat russe qui pourrait potentiellement mettre un arrêt définitif à leur carrière.</p>
<p>En effet, les sportifs russes de haut niveau représentent un enjeu primordial pour le pouvoir. Habituellement rangés derrière le Kremlin, ils sont vus comme des outils de propagande destinés à valoriser le modèle russe dans le monde entier et à influencer l’opinion publique nationale. En d’autres termes, à l’instar des héros du sport de l’URSS, ils doivent supporter le régime quoi qu’il en coûte.</p>
<p>Or, dans la foulée de l’invasion russe en Ukraine, une dizaine d’entre eux ont élevé la voix sur les réseaux sociaux pour dénoncer la guerre (ou au moins, pour exprimer leur attachement à la paix), dont les célèbres tennismen <a href="https://www.eurosport.fr/tennis/crise-ukraine-russie-daniil-medvedev-demande-la-paix-dans-le-monde_sto8821069/story.shtml">Daniil Medvedev</a> et <a href="https://www.ladepeche.fr/2022/03/19/guerre-en-ukraine-tennis-andrei-rublev-se-sent-mal-pour-tout-le-monde-10180732.php">Andreï Rublev</a>, ou encore le footballeur international <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/football/equipe-russie/guerre-en-ukraine-l-international-russe-fedor-smolov-affiche-son-opposition-a-la-guerre-c684bc56-955f-11ec-9ce0-a8acd3395b1a">Fedor Smolov</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1499005606992166918"}"></div></p>
<p>Face à cette réaction en chaîne sans précédent à l’ère post-soviétique en Russie, le pouvoir a vite réagi. Pour le Kremlin, remporter la bataille de l’opinion publique passe par l’utilisation de ses athlètes.</p>
<p>Ainsi, vendredi 18 mars, de <a href="https://www.insidethegames.biz/articles/1120716/putin-holds-rally-at-luzhniki-stadium">nombreux médaillés olympiques</a> ont participé au meeting « Pour un monde sans nazisme ! Pour la Russie ! Pour le Président ! » dans le stade Loujniki de Moscou. Tout sauf un hasard, c’est le célèbre commentateur sportif Dmitri Gouberniev qui a été le Monsieur Loyal de cet événement tenu en présence de 100 000 spectateurs et <a href="https://www.euronews.com/2022/03/18/putin-broadcast-interrupted-at-flag-waving-rally-in-moscow">diffusé en quasi direct</a> à la télévision. Gouberniev n’hésita pas à déclarer à propos des sportifs russes : « Il existe ce genre de profession : défendre la patrie. » Un slogan issu d’un film patriotique soviétique de 1971, largement repris depuis par l’armée soviétique puis russe, et dont l’utilisation concernant les athlètes montre la dimension militaire qui a été attribuée au monde du sport sous Vladimir Poutine.</p>
<p>Enfin, la deuxième édition de la Coupe Pervy Kanal de patinage artistique a été avancée du 25 au 27 mars à Saransk pour coïncider avec les <a href="https://montpellier2022.com/">Championnats du monde 2022</a>, dont les Russes et Biélorusses ont été exclus. À nouveau, l’objectif était de réunir la population et les athlètes russes autour du drapeau pour éviter leur défection potentielle. Signe de l’importance de l’événement, la star <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/patinage-artistique/patinage-artistique-kamila-valieva-retrouve-la-competition-ce-week-end-en-russie-7df64712-aabc-11ec-8f65-86ac8778a6b3">Kamila Valieva</a> et la championne olympique de Pékin Anna Chtcherbakova étaient présentes pour envoyer un message fort à la fois à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Cette fois, l’organisation est uniquement russe, mais les prestations sont de niveau mondial.</p>
<h2>Quel nouvel ordre mondial du sport pour le pouvoir russe ?</h2>
<p>À l’échelle internationale, l’enjeu est différent. Coup sur coup, le <a href="https://www.lemonde.fr/sport/article/2022/02/28/le-cio-recommande-un-bannissement-des-russes-du-sport-mondial_6115573_3242.html">CIO</a>, l’<a href="https://foot11.com/news/ligue-europa-luefa-va-exclure-le-spartak-moscou-103935/">UEFA</a>, la <a href="https://www.espn.com/f1/story/_/id/33411099/formula-one-terminates-russian-grand-prix-contract">Formule 1</a> ou encore la <a href="https://www.france24.com/fr/sports/20220228-guerre-en-ukraine-la-fifa-exclut-la-russie-de-la-coupe-du-monde-de-football">FIFA</a> ont appelé à exclure la Russie du sport mondial.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sanctions-contre-la-russie-le-monde-du-sport-entre-dans-une-nouvelle-ere-178667">Sanctions contre la Russie : le monde du sport entre dans une nouvelle ère</a>
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<p>La Russie s’est retrouvée isolée comme rarement un pays l’avait été dans l’histoire du sport moderne. Seules l’Afrique du Sud (1970–1991) et la Yougoslavie (1992–1994) l’avaient été par le passé, et il ne s’agissait pour ainsi dire pas de puissances sportives majeures. En effet, la Russie fait figure de ténor en matière de <a href="https://www.europerussiedebats.org/le-sport-power-russe/">sport power</a>. Elle est influente diplomatiquement, économiquement et structurellement. Dès lors, les conséquences d’une telle séparation sont majeures.</p>
<p>Pour le moment, le Kremlin semble naviguer à vue. Son soft power sportif oscille entre deux voies : édifier un nouveau modèle ou chercher à conserver le contact avec les fédérations sportives internationales. Illustration de la double pensée poutinienne, Oleg Matytsine a déclaré en moins de 24 heures, entre le 23 et le 24 mars, qu’il fallait développer le programme « Nous sommes ensemble : sport » dans la durée… tout en maintenant un canal diplomatique afin de construire des passerelles avec le mouvement sportif mondial. Cette hésitation est l’illustration d’une Russie entre deux mondes, dont l’avenir se joue actuellement.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1507376132496236563"}"></div></p>
<p>Dans les paroles et dans les actes, l’option privilégiée par le pouvoir russe depuis le début de l’invasion semble être celle d’une nouvelle géopolitique du sport. Par l’intermédiaire des Jeux paralympiques russes parallèles à ceux de Pékin, les autorités souhaitaient montrer aux Occidentaux qu’ils pouvaient fonctionner sans eux grâce à leurs alliés, en l’occurrence l’Arménie, le Tadjikistan, le Kazakhstan et de la Biélorussie.</p>
<p>Mais les ambitions russes ne se limitent pas à ces quatre anciennes républiques soviétiques. Pour Matytsine, l’objectif est d’interpeller les autres pays membres de la CEI, ainsi que ceux des BRICS et de l’<a href="http://eng.sectsco.org/">Organisation de coopération de Shanghai</a> afin qu’ils soient parties prenantes de cette ambition. Ces trois organisations comptent plusieurs ténors du sport mondial, dont la Chine fait figure de fleuron. Si ce projet russe était couronné de succès, nous pourrions assister à la création d’un nouvel ordre mondial du sport destiné à concurrencer les institutions historiques du sport moderne telles que le CIO ou la FIFA.</p>
<p>Certaines rumeurs vont même plus loin. Ainsi, le milliardaire et homme d’affaires russe Roman Abramovitch, après avoir rompu avec le club londonien de Chelsea, <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/football/football-abramovitch-songerait-a-contrer-l-uefa-en-creant-sa-propre-ligue-continentale-d22cbbca-9d3f-11ec-bf35-9169ba44a485">songerait à créer prochainement une Ligue continentale de football</a>, qui inclurait les meilleures équipes de Russie, de Chine, de Serbie, d’Israël, de Bulgarie, de Biélorussie, de Finlande et du Kazakhstan. Rapportée par le portail Inc-news, cette information n’est pour le moment pas confirmée par le principal intéressé. Néanmoins, les autorités russes y sont favorables. </p>
<p>En effet, cette ligue participerait à la création d’un microcosme sportif eurasiatique qui confirmerait le pivot vers l’Est (<em>povorot na vostok</em>) entamé dans les années 2000 et accéléré depuis 2014 et l’annexion de la Crimée. Cette rhétorique russe n’est pas nouvelle. Elle remonte au <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/russie/vladimir-poutine/russie-ce-discours-de-vladimir-poutine-en-2007-qui-resonne-avec-la-crise-actuelle-en-ukraine_4968344.html">discours de Munich</a> dans lequel en février 2007 Vladimir Poutine dénonçait l’unilatéralisme américain et appelait de ses vœux l’avènement d’un monde « polycentrique ».</p>
<h2>Moscou a déjà essayé, sans grand succès</h2>
<p>Par le passé, l’URSS avait déjà essayé, avec un succès très relatif, de créer des microcosmes sportifs parallèles à celui ordonné par l’Occident, par l’intermédiaire des <a href="https://journals.openedition.org/chrhc/1582">Spartakiades</a> et de l’<a href="http://communismeetconflits.over-blog.com/2016/11/le-sport-rouge.html">Internationale rouge du sport</a> (IRS) sous Staline puis, des décennies plus tard, des <a href="https://look-travels.com/friendship-games-1984-quand-la-grande-bretagne-participait-aux-jeux-olympiques-du-rideau-de-fer/">Jeux de l’Amitié</a> pour pallier le boycott des JO de 1984 à Los Angeles.</p>
<p>Plus récemment, en 2008, la création de la <a href="https://en.khl.ru/">Kontinental Hockey League (KHL)</a> à l’initiative de Moscou avait pour objectif éminemment géopolitique de refaire planer l’ombre russe sur l’espace post-soviétique et même au-delà. En effet, la KHL visait à réunir les meilleures équipes de hockey sur glace de l’ex-URSS, des anciens pays du Pacte de Varsovie, de Scandinavie et même d’Asie centrale et de Chine. Le vainqueur remporte la Coupe Gagarine, en référence à la conquête spatiale soviétique. Si la Croatie, la Lettonie l’Ukraine, la République tchèque, la Finlande ou encore la Chine ont intégré la compétition au fil des années, la guerre en Ukraine qui se déroule depuis 2014 a peu à peu incité les clubs étrangers la quitter. Il ne reste aujourd’hui que les clubs du Red Star Kunlun (Pékin), de Barys (Noursoultan) et du Dinamo Minsk (Minsk) à participer au championnat, pour 19 clubs russes.</p>
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<p>Cette volonté d’expansion asymétrique de la part du Kremlin reflète le déséquilibre qui existe entre les ambitions russes et la réalité géopolitique d’un pays qui ne peut compter que sur quelques alliés. En outre, la puissance des institutions sportives internationales est telle qu’il apparaît illusoire de pouvoir les concurrencer sur leur terrain. Un pays comme la Chine, par exemple, devrait, pour entrer dans le nouveau système souhaité par Moscou, renoncer à une stratégie sportive qui court jusqu’en 2049, avec pour objectif final d’accueillir et de remporter une Coupe du monde de football afin de fêter le centenaire de l’instauration de la RPC. Risquerait-elle de se faire bannir de la FIFA pour satisfaire Vladimir Poutine ? C’est peu probable.</p>
<p>À la croisée des chemins, le sport russe semble plus que jamais naviguer à vue. Pour exister, il cherche des solutions géopolitiques. La résurrection du mythe du nouvel ordre mondial du sport s’apparente pour le moment à une ambition fantasmée, alors que les conséquences de la guerre en Ukraine sur les athlètes russes sont déjà bien réelles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180093/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lukas Aubin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Exclue des principales compétitions sportives mondiales, la Russie ambitionne désormais de créer un microcosme sportiivo-géopolitique parallèle. La tâche s’annonce difficile.Lukas Aubin, Docteur en Études slaves contemporaines : spécialiste de la géopolitique de la Russie et du sport, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1790192022-03-14T19:13:25Z2022-03-14T19:13:25ZEntre la langue ukrainienne et le russe, une lutte ancienne<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/451394/original/file-20220310-17-scxfmm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C1%2C910%2C614&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une femme tient une pancarte avec les mots « la langue est une arme » écrits en ukrainien lors d'une manifestation en 2020 contre un projet de loi visant à élargir l'utilisation du russe dans l'enseignement public ukrainien.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/demonstrator-holds-a-placard-the-language-is-a-weapon-news-photo/1227662693?adppopup=true">Evgen Kotenko/ Ukrinform/Future Publishing via Getty Images</a></span></figcaption></figure><p>Quel est le rapport entre l’invasion russe de l’Ukraine et la langue ?</p>
<p>D’après Vladimir Poutine, la politique conduite par les autorités de Kiev promouvant l’utilisation de la langue ukrainienne sont une <a href="https://www.nytimes.com/2022/02/19/world/europe/putin-ukraine-genocide.html">preuve du « génocide » qui viserait les Russes ethniques</a> dans l’est russophone, et justifie donc en partie l’invasion. </p>
<p>Cette propagande mise à part, un autre élément lie la guerre à la langue : le pouvoir. Bien avant que les premiers coups de feu soient tirés, une lutte de pouvoir s’est jouée dans la région autour des questions linguistiques et, plus précisément, autour de cette interrogation : l’ukrainien est-il ou non une langue à part entière ?</p>
<p>Ni les linguistes professionnels ni les Ukrainiens n’hésitent à considérer l’ukrainien comme une langue distincte – elle est probablement aussi différente du russe que l’espagnol l’est du portugais. Pourtant, les nationalistes russes ont longtemps cherché à la classer comme un dialecte du russe.</p>
<h2>Le statut de langue de pouvoir de la Russie</h2>
<p>Il s’avère que classer une variété linguistique donnée comme « une langue » est moins évident qu’on pourrait le croire, et les interprétations populaires de « langue » par rapport à « dialecte » sont généralement fondées sur des critères politiques plutôt que linguistiques. Comme le sociolinguiste Max Weinreich l’a succinctement <a href="https://www.theatlantic.com/international/archive/2016/01/difference-between-language-dialect/424704/">formulé</a>, « une langue est un dialecte avec une armée et une marine ».</p>
<p><a href="https://www.ethnologue.com/language/rus">Le russe</a>, la langue de Tolstoï et de Dostoïevski, est l’une des rares langues de pouvoir dans le monde. Aux côtés de langues telles que le mandarin, l’espagnol et l’anglais, le russe est profondément lié à la politique, aux affaires et à la culture populaire mondiales.</p>
<p>Sur les <a href="https://www.worldatlas.com/articles/russian-speaking-countries.html">260 millions de locuteurs du russe</a>, environ 40 % – soit 103 millions – le parlent en tant que deuxième langue, signe que les gens trouvent un intérêt à l’apprendre. C’est une <em>lingua franca</em> en Asie centrale et dans le Caucase, et elle est largement parlée dans les pays baltes. En Ukraine – le plus grand voisin européen de la Russie –, le russe est utilisé par environ un tiers de la population, soit quelque 13 millions de personnes. Le « nombre de locuteurs » n’est cependant pas la caractéristique déterminante d’une langue puissante. Le <a href="https://www.ethnologue.com/language/ben">bengali</a>, par exemple, compte 265 millions de locuteurs, soit plus que le russe, mais la plupart des gens ne se bousculent pas pour l’apprendre.</p>
<p>Le russe, en revanche, est unique parmi les langues slaves en ce sens qu’il est enseigné dans les plus <a href="https://slavic.fas.harvard.edu/pages/russian-language-program">prestigieuses universités</a> d’Europe, d’Asie et des États-Unis. Avec tous ces locuteurs, toute cette influence et toute cette production culturelle, le statut de langue de pouvoir du russe semble aller de soi.</p>
<p>Or ce n'est pas le cas.</p>
<p>Les langues de pouvoir ne tirent pas leur statut de quelque chose d’inhérent au système linguistique, <a href="https://www.wiley.com/en-us/Languages+In+The+World%3A+How+History%2C+Culture%2C+and+Politics+Shape+Language+-p-9781118531280">mais plutôt des arrangements historiques du pouvoir</a> qui donnent à leurs locuteurs – et à leur culture – un statut et une valeur perçus.</p>
<p>Le russe a acquis des locuteurs – et éliminé d’autres langues – au cours de sa remarquable <a href="https://carnegieendowment.org/2019/02/20/russia-s-global-ambitions-in-perspective-pub-78067">histoire d’expansionnisme</a> : les Moscovites, habitants du Grand Duché de Moscou qui a précédé l’Empire russe, se sont déplacés vers l’est et le nord, s’emparant de Kazan et de la Sibérie au cours du XVI<sup>e</sup> siècle. À la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, les Russes avaient conquis l’Asie centrale, jusqu’à la frontière de la Chine. Après la Seconde Guerre mondiale, l’Union soviétique a étendu sa sphère d’influence à l’Europe de l’Est.</p>
<p>L’Ukraine a fait partie de l’Union soviétique en 1922. Elle a obtenu son indépendance en 1991, lorsque l’Union soviétique a éclaté.</p>
<p>Bien que personne ne sache avec certitude quel est son projet ultime, <a href="https://www.nytimes.com/2022/03/03/world/europe/putin-macron-call.html">il semble que Poutine cherche</a> à faire en sorte que tout ou partie de l’Ukraine fasse à nouveau partie de la Russie.</p>
<h2>Deux brindilles sur la même branche linguistique</h2>
<p>Si le russe est une « langue de pouvoir », qu’en est-il de l’ukrainien ?</p>
<p>Si l’on en croit certains nationalistes russes, l’ukrainien n’est pas du tout une langue. <a href="https://doi.org/10.1080/00085006.2007.11092432">En 1863</a>, le ministre russe de l’Intérieur Piotr Valouev <a href="https://www.atlanticcouncil.org/blogs/ukrainealert/disarming-putins-history-weapon/">a déclaré</a> qu’« une langue ukrainienne distincte (“petit russe”) n’a jamais existé, n’existe pas et n’existera pas ». Selon une <a href="https://www.bostonglobe.com/ideas/2014/03/15/the-long-war-over-ukrainian-language/HXlLbK9wVnhwGShNVPKIUP/story.html">autre citation</a> – attribuée au tsar Nicolas II –, « il n’y a pas de langue ukrainienne, seulement des paysans illettrés qui parlent le petit russe. »</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/450223/original/file-20220306-21-jinyy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450223/original/file-20220306-21-jinyy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450223/original/file-20220306-21-jinyy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450223/original/file-20220306-21-jinyy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450223/original/file-20220306-21-jinyy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=553&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450223/original/file-20220306-21-jinyy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=553&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450223/original/file-20220306-21-jinyy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=553&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le tsar Nicolas II niait l’existence de la langue ukrainienne.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/nicholas-ii-the-last-tsar-of-russia-circa-1917-news-photo/51081510?adppopup=true">Hulton Archive/AFP</a></span>
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<p>Mais d’un point de vue historique, l’ukrainien et le russe <a href="https://theconversation.com/ukrainian-and-russian-how-similar-are-the-two-languages-178456">sont apparus comme des langues distinctes</a> à partir d’une langue source commune parlée vers 500 après J.-C., que les linguistes appellent <a href="https://www.britannica.com/topic/Proto-Slavic-language">« protoslave »</a>.</p>
<p>Les langues slaves partagent plus que des similitudes linguistiques grammaticales et phonologiques. Elles ont également une patrie commune, et cette patrie était très probablement l’<a href="https://www.britannica.com/topic/Slavic-languages">Ukraine occidentale</a>.</p>
<p>Pour des raisons dont les linguistes, les archéologues et d’autres spécialistes débattent encore, les locuteurs du protoslave se sont dispersés à partir de leur patrie, se déplaçant vers le nord, l’ouest et le sud.</p>
<p>Au fur et à mesure de leurs déplacements, le protoslave a donné naissance aux variétés linguistiques qui sont devenues les langues slaves contemporaines, dont le polonais, le serbe, le russe et l’ukrainien. Au IX<sup>e</sup> siècle, certains Slaves restés près de chez eux se sont rapprochés des Rus – un groupe composé de Slaves eux-mêmes ou de Scandinaves assimilés – et ont créé la première fédération slave orientale notable, connue sous le nom de <a href="https://www.worldhistory.org/Kievan_Rus/">Rus de Kiev</a>, située, comme son nom l’indique, à Kiev. La Rus de Kiev peut être considérée comme le prédécesseur des nations ukrainiennes, biélorusses et russes modernes.</p>
<h2>Résister au russe</h2>
<p>La langue étant devenue un élément clé de l’identité nationale, il n’est pas étonnant que le fait de requalifier l’ukrainien en dialecte du russe fasse partie intégrante de la campagne discursive de Poutine, tout comme ce fut le cas pour le tsar Nicolas II il y a 200 ans. Il s’avère qu’une partie du pouvoir réside dans la capacité à encadrer le discours, et le titre de l’essai de Poutine, <a href="http://en.kremlin.ru/events/president/news/66181"><em>Sur l’unité historique des Russes et des Ukrainiens</em></a>, qu’il a publié en juillet 2021, ne laisse guère de doute quant à sa position. Si tout ce qui est ukrainien – y compris la langue – est simplement un dérivé de tout ce qui est russe, l’invasion ressemble moins à un acte d’agression qu’à une réintégration.</p>
<p>Les Ukrainiens, bien sûr, se hérissent devant cette caractérisation, non pas parce qu’on ne parle pas russe en Ukraine – Volodymyr Zelenskyy est lui-même russophone – mais parce que pour beaucoup, l’identité ukrainienne implique le bilinguisme. De nombreux Ukrainiens parlent à la fois l’ukrainien et le russe et les mélangent même sous une forme que les gens appellent <a href="https://www.wilsoncenter.org/event/surzhyk-the-sociopolitical-significance-ukrainian-russian-mixed-language">« sourjik »</a> – la version slave orientale du <a href="https://www.npr.org/2012/08/10/158570815/puedes-believe-it-spanglish-gets-in-el-dictionary">« Spanglish »</a>.</p>
<p>Dans la vie publique ukrainienne, les craintes concernant la primauté du russe ou de l’ukrainien ont déjà conduit à des conflits. En 2020, <a href="https://foreignbrief.com/daily-news/ukrainian-policymakers-to-debate-controversial-language-law/">il y a eu de vifs débats et des protestations</a> à propos d’un projet de loi qui aurait abrogé une disposition exigeant que 80 % de la scolarité se fasse en ukrainien. <a href="https://www.nytimes.com/2012/05/26/world/europe/ukraine-parliament-debate-over-language-escalates-into-a-brawl.html">Une bagarre (physique) a eu lieu</a> en 2012 au Parlement ukrainien à propos d’un projet de loi qui aurait fait du russe une langue officielle, aux côtés de l’ukrainien, dans certaines parties du pays.</p>
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<img alt="Des hommes en costume s’attaquent les uns aux autres" src="https://images.theconversation.com/files/450225/original/file-20220306-21-fiqosl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450225/original/file-20220306-21-fiqosl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450225/original/file-20220306-21-fiqosl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450225/original/file-20220306-21-fiqosl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450225/original/file-20220306-21-fiqosl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450225/original/file-20220306-21-fiqosl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450225/original/file-20220306-21-fiqosl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une rixe éclate au Parlement ukrainien en mai 2012 à propos d’un projet de loi qui aurait adopté le russe comme langue officielle dans certaines parties du pays.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://newsroom.ap.org/detail/UkrainePolitics/48a39756a8ed43f2bbe5e9977e5e355c/photo?Query=ukrainian%20parliament%20fight%202012&mediaType=photo&sortBy=arrivaldatetime:desc&dateRange=Anytime&totalCount=33&currentItemNo=32">Maks Levin/AP</a></span>
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<p>Plus récemment, des <a href="https://www.washingtonpost.com/world/2022/02/08/ukraine-russia-language-putin/">rapports montrent</a> que dans l’est de l’Ukraine, certains Ukrainiens russophones abandonnent le russe pour éviter d’utiliser « la langue de l’occupant ».</p>
<p>Bien sûr, des locuteurs du monde entier abandonnent régulièrement leur langue maternelle au profit d’une autre langue, mais cela se fait généralement de manière progressive, généralement en faveur des langues de pouvoir. Sauf dans des circonstances extrêmement contraignantes – un envahisseur extérieur ou la soumission forcée par un groupe dominant –, il est plutôt inhabituel que des locuteurs abandonnent leur langue maternelle du jour au lendemain.</p>
<p>Au Salvador, les locuteurs des langues indigènes <a href="https://www.britannica.com/story/why-do-languages-die">lenca et cacapoera</a> l’ont fait dans les années 1930 pour éviter d’être tués par les troupes hispanophones salvadoriennes. Mais en Ukraine, certains locuteurs n’adoptent pas la langue de l’envahisseur, ils l’abandonnent.</p>
<p>L’attaque de Poutine va presque certainement accélérer cette tendance. Si le statut du russe en tant que langue de pouvoir n’était probablement pas affecté, il pourrait commencer à perdre des locuteurs. Et avec toute l’attention portée à l’Ukraine, peut-être le monde en viendra-t-il à l’apprécier comme la patrie slave où les gens semblent préférer parler ukrainien – et non russe.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/179019/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Phillip M. Carter ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour les nationalistes russes, la langue ukrainienne est classée comme un dérivé de la langue russe, et l’invasion ressemble moins à un acte d’agression qu’à une réintégration.Phillip M. Carter, Associate Professor of Linguistics, Florida International UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1789132022-03-13T17:39:07Z2022-03-13T17:39:07ZLa Russafrique : combien de votes ?<p>Le 2 mars, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté une <a href="https://news.un.org/fr/story/2022/03/1115472">résolution</a> déplorant l’agression commise par la Russie contre l’Ukraine et exigeant que Moscou retire immédiatement ses troupes du territoire ukrainien.</p>
<p>Cette résolution a été <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/03/03/resolution-a-l-onu-contre-la-guerre-en-ukraine-qui-a-vote-pour-ou-contre-et-qui-s-est-abstenu_6115936_4355770.html">adoptée à une très large majorité</a> : 141 pays ont voté en sa faveur et seulement 5 pays contre – la Corée du Nord, la Syrie, l’Érythrée, la Biélorussie et bien évidemment la Russie. Mais plus que les « pour » et les « contre », ce sont les abstentions qui retiennent l’attention. 34 pays se sont abstenus, dont 16 pays africains.</p>
<p>Pour être complet, ce décompte doit aussi inclure les pays qui ont opté pour la stratégie de la chaise vide en ne participant pas au vote, ce qui constitue une abstention cachée. Ces derniers sont au nombre de 13 ; parmi eux, 8 pays africains. En additionnant l’abstention assumée et l’abstention cachée, 24 pays africains sur 54 ont préféré ne pas condamner la Russie, soit près de la moitié du continent.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/450912/original/file-20220309-13-1sg8rwu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450912/original/file-20220309-13-1sg8rwu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=615&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450912/original/file-20220309-13-1sg8rwu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=615&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450912/original/file-20220309-13-1sg8rwu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=615&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450912/original/file-20220309-13-1sg8rwu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=772&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450912/original/file-20220309-13-1sg8rwu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=772&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450912/original/file-20220309-13-1sg8rwu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=772&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Votes des pays africains sur la résolution exigeant la fin immédiate de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.</span>
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<p>Face à ce conflit inédit qui menace la paix mondiale, la moitié de l’Afrique diplomatique est abstentionniste. Comment interpréter ce choix ?</p>
<h2>Anciens et nouveaux leviers d’influence</h2>
<p>Une première lecture attribue cette attitude à la forte influence que la Russie exerce aujourd’hui en Afrique, même si l’Union européenne demeure le premier bailleur et le premier partenaire commercial du continent. Cette influence est le résultat cumulé de l’héritage de l’histoire et de la nouvelle politique africaine de Moscou.</p>
<p>Le vote de certains pays africains est une réminiscence des vieilles loyautés de l’époque de la guerre froide et de la décolonisation. Le souvenir du soutien soviétique à la décolonisation, l’alignement pro-soviétique de certains pays africains (Angola, Algérie, Éthiopie, etc.) et l’avènement au pouvoir d’anciens mouvements de libération soutenus par l’URSS (Mozambique, Namibie, Afrique du Sud, Zimbabwe) font partie de l’héritage historique des relations russo-africaines.</p>
<p>Cependant, cet héritage historique compte sans doute moins que la réactivation récente de la <a href="https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/kalika_russie_afrique_2019.pdf">politique africaine de la Russie</a>. Alors que la diplomatie russe avait oublié l’Afrique depuis la fin de l’URSS, la <a href="https://theconversation.com/lukraine-barometre-de-letat-de-la-relation-russo-americaine-70809">crise ukrainienne de 2014</a> et les premières sanctions occidentales lui ont fait retrouver la mémoire. À partir de ce moment charnière, les autorités russes ont mené une stratégie de réimplantation agressive grâce à leurs deux principaux atouts : les ventes d’armes et la fourniture de prestations de sécurité.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/EcZYm-2201c?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>En effet, les échanges économiques de l’Afrique avec la Russie sont limités (environ 20 milliards de dollars en 2019) par rapport aux autres puissances (Chine : 210 milliards ; Europe : 225 milliards). Cependant, ils sont concentrés sur quelques secteurs stratégiques : l’alimentation, les ressources naturelles et les armes.</p>
<p>Premier exportateur mondial, la Russie a mené une diplomatie du blé, notamment en direction des pays d’Afrique du Nord, très dépendants au niveau alimentaire. L’Égypte achète les trois quarts de ses importations à la Russie et, en froid avec Paris, <a href="https://www.rfi.fr/fr/emission/20181012-attiree-le-ble-russe-algerie-pourrait-detourner-ble-francais">Alger s’est tourné vers le blé russe</a>. Ses autres clients sont principalement le Nigeria, la Tanzanie, le Kenya, l’Afrique du Sud et le Soudan, dont <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20220303-la-junte-soudanaise-dans-les-bras-de-moscou">l’un des dirigeants était à Moscou</a> pour finaliser une livraison de blé au moment de l’invasion de l’Ukraine.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1501851579518963712"}"></div></p>
<p>Les grandes sociétés publiques russes du secteur extractif (Rosneft, Lukoil, Alrosa, Rusal, Gazprom, Nordgold, etc.) <a href="https://www.lepoint.fr/economie/mines-nikolai-zelensky-l-afrique-a-une-place-centrale-dans-notre-strategie-17-02-2017-2105586_28.php">ont investi en Afrique</a> mais elles ne sont ni dominantes ni irremplaçables.</p>
<p>En revanche, la Russie est un acteur important du marché africain de la sécurité. De 2016 à 2020, elle a fourni <a href="https://sipri.org/sites/default/files/2021-03/fs_2103_at_2020.pdf">30 % des armes acquises</a> par les pays d’Afrique subsaharienne ; depuis 2017, elle a signé des accords de coopération militaire avec 20 pays d’Afrique subsaharienne, contre seulement sept de 2010 à 2017 ; et elle a peut-être trouvé avec le Soudan un pays hôte pour une <a href="https://www.areion24.news/2021/03/29/russie-soudan-malgre-la-chute-domar-el-bechir-lidylle-continue/">base militaire au bord de la mer Rouge</a>.</p>
<p>Cet activisme sécuritaire est encore renforcé par sa diplomatie du mercenariat incarnée par le <a href="https://www.jeuneafrique.com/1312730/politique/russie-afrique-les-mercenaires-de-wagner-sont-ils-vraiment-efficaces/">désormais célèbre groupe Wagner</a> présent en Libye, au Soudan, au Mozambique, en Centrafrique et au Mali.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le Groupe Wagner en Ukraine et au Mali – Leçon de géopolitique – Le Dessous des cartes | Arte, 26 janv. 2022.</span></figcaption>
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<p>La présence de Wagner permet à Moscou d’élargir <a href="https://www.ifri.org/fr/publications/notes-de-lifri/russieneivisions/societes-militaires-privees-russes-afrique">à moindre coût son espace stratégique</a>. Le groupe fournit aux pouvoirs africains affaiblis un package « mercenaires/propagande numérique » et démarche tous azimuts sur le continent. Son patron <a href="https://www.liberation.fr/international/moyen-orient/le-groupe-wagner-bottes-secretes-de-poutine-a-letranger-20220218_ZKA4RFPLKZDN3NWOC6GQQYEGL4/">Evgueni Prigogine</a> a, par exemple, <a href="https://information.tv5monde.com/afrique/burkina-faso-le-russe-prigojine-chef-presume-du-groupe-wagner-salue-une-ere-de">personnellement courtisé les putschistes burkinabé</a> en saluant leur coup d’État en janvier et en le comparant à une décolonisation.</p>
<p>Cette forte présence dans la sécurité d’État garantit au Kremlin un accès privilégié aux cercles du pouvoir, voire lui permet de les vassaliser quand ils sont très faibles <a href="https://www.crisisgroup.org/africa/central-africa/central-african-republic/russias-influence-central-african-republic">comme en Centrafrique</a>.</p>
<h2>Affinités politiques</h2>
<p>La forte abstention africaine reflète aussi le <a href="https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/vers_un_retour_de_lautoritarisme_en_afrique.pdf">vent d’autoritarisme qui souffle en Afrique</a> depuis dix ans. Après la décennie de la démocratisation (1990-2000), le continent subit un reflux autoritaire, avec comme conséquence l’éloignement des puissances démocratiques et le rapprochement des puissances autoritaires.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1500124249398280192"}"></div></p>
<p>Silencieuse à ses débuts, cette mécanique géopolitique s’est accentuée au fur et à mesure des troisièmes mandats truqués, des nouvelles guerres civiles et des putschs. Ces dérives autoritaires ont généralement été accompagnées par des condamnations diplomatiques occidentales, voire des sanctions critiquées pour leur sélectivité. Ainsi, au début de cette année, les États-Unis ont sanctionné les gouvernements de l’Éthiopie (pour violations des droits de l’homme), du Mali et de la Guinée (pour leurs coups de force militaires) en <a href="https://www.aa.com.tr/fr/monde/washington-exclut-l-%C3%A9thiopie-le-mali-et-la-guin%C3%A9e-de-l-agoa/2463279">les excluant de l’accord commercial African Growth and Opportunity Act (AGOA)</a>, mais ils restent <a href="https://arabcenterdc.org/resource/agreements-and-tensions-in-us-egyptian-relations/">accommodants avec le régime militaire égyptien</a>.</p>
<p>Ces dernières années, plusieurs bras de fer diplomatiques ont opposé l’Union européenne à des régimes autoritaires africains (Burundi, Madagascar, Zimbabwe, Tanzanie, Bénin, Centrafrique, etc.). De manière révélatrice, la pire dictature du continent africain (l’Érythrée) a voté contre la résolution dénonçant l’agression russe et les récents régimes putschistes condamnés par les Occidentaux (Mali, Guinée, Burkina Faso) ont tous opté pour l’abstention assumée ou cachée.</p>
<p>Au XXI siècle, le regain d’autoritarisme en Afrique joue en faveur du club autocratique dont les présidents russe et chinois se disputent discrètement la présidence. Le jeu des affinités de régimes n’est toutefois pas systématique : des dictatures comme le Tchad et le Rwanda ont voté pour la résolution tandis que les deux pays africains où la démocratie semble la mieux enracinée (le Sénégal et l’Afrique du Sud) se sont abstenus.</p>
<h2>Retour simultané de la géopolitique bipolaire et du non-alignement</h2>
<p>La préférence de l’Afrique pour l’abstention est aussi le fait de sa multi-dépendance dans une géopolitique de nouveau bipolaire. Dans un contexte international de multipolarité dérégulée, la politique de diversification des partenariats menée par de nombreux pays en développement semblait être une stratégie gagnante.</p>
<p>Elle était censée leur permettre de maximiser les opportunités de coopération sur le marché international de l’aide et de regagner des marges de manœuvre politiques en faisant jouer la concurrence entre leurs partenaires. En effet, alors qu’elle est essentiellement perçue <a href="http://www.ledmaroc.ma/pages/numeros_parus/37-9.pdf">sous l’angle économique</a>, la diversification des partenariats <a href="https://www.letemps.ch/opinions/lafrique-pauvre-courtisee-puissances-mondiales">est aussi éminemment sécuritaire et politique</a>. En témoigne la multiplication des présences militaires étrangères et des sommets où un pays invite tout le continent africain.</p>
<p>Ainsi la politique étrangère de certains pays africains est devenue un jeu d’équilibre complexe. La République démocratique du Congo d’Étienne Tshisekedi est politiquement très proche des États-Unis mais dépend économiquement surtout de la Chine. L’Égypte du maréchal al-Sissi a des partenariats sécuritaires étroits avec des pays occidentaux mais achète des armes et du blé russes et <a href="https://new.sfen.org/rgn/russie-construira-premiere-centrale-nucleaire-egyptienne/">compte sur Rosatom</a> pour construire sa première centrale nucléaire.</p>
<p>Le passage rapide de la multipolarité dérégulée à la repolarisation du monde en deux camps expose désormais les tenants de la diversification des partenariats à des <a href="https://lexpress.mg/05/03/2022/sergiusz-wolski-la-position-quun-pays-adopte-est-soigneusement-notee/">pressions multiples</a> et contradictoires qui peuvent les acculer à des choix délicats. Dans certains pays particulièrement fragiles, la survie du régime <a href="https://www.africaintelligence.fr/afrique-est-et-australe_politique/2022/03/07/entre-moscou-et-washington-burhan-et-hemeti-jouent-les-equilibristes,109737998-art">dépend de ses alliances extérieures</a>.</p>
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<p>Pour échapper à ce dilemme stratégique, le <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/index/sujet/mouvementdesnonalignes#:%7E:text=Fond%C3%A9%20en%201961%20lors%20de,effective%20des%20pays%20du%20Sud">non-alignement</a> inventé en 1955 fait son retour en 2021 comme une option prudente et rassurante. Le Mouvement des Non-Alignés né de la conférence de Bandung en 1955 réunissait les États qui ne voulaient s’affilier ni au bloc de l’Est ni au bloc de l’Ouest. Il existe toujours (sa dernière réunion a eu lieu en <a href="https://www.aa.com.tr/fr/politique/la-serbie-accueille-le-sommet-du-mouvement-des-non-align%C3%A9s/2388294">Serbie en 2021</a>) et les États africains constituent toujours la majorité de ses membres.</p>
<p>Le non-alignement, dont l’abstention au vote de l’Assemblée générale de l’ONU est l’expression, évite de prendre parti dans ce conflit entre grandes puissances et permet de naviguer dans les eaux tumultueuses de la nouvelle guerre froide. L’avenir dira si cette stratégie diplomatique permettra de ne pas trop déplaire ou de déplaire à tout le monde, notamment si le conflit s’embrase.</p>
<p>Dans un contexte international ultra-polarisé, le vote de la résolution contre l’invasion de l’Ukraine a été perçu comme un instantané des nouveaux rapports de force diplomatiques. Cependant, si le parti des abstentionnistes compte tant de membres en Afrique, il ne faut pas seulement y voir l’influence de Moscou et la baisse de popularité des Européens et des Américains mais aussi et surtout un réflexe de prudence et de sauvegarde de la part d’une Afrique multi-dépendante qui sait que « quand les éléphants se battent, ce sont les fourmis qui meurent ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178913/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thierry Vircoulon est chercheur associé à l'Institut Français des Relations Internationales et à Global Initiative against Transnational Organised Crime. </span></em></p>Les choix de vote (ou non) lors de la résolution à l’ONU condamnant l’agression russe contre l’Ukraine révèlent la position des différents pays africains vis-à-vis de la Russie.Thierry Vircoulon, Coordinateur de l'Observatoire pour l'Afrique centrale et australe de l'Institut Français des Relations Internationales, membre du Groupe de Recherche sur l'Eugénisme et le Racisme, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1715482022-02-15T17:24:36Z2022-02-15T17:24:36ZCe que les séries nous apprennent sur la diversité des profils en entreprise<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/446580/original/file-20220215-23-1c2zdq2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C20%2C1920%2C1417&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans la Quête mythique, la diversité des profils est caricaturée. </span> <span class="attribution"><span class="source">Apple TV</span></span></figcaption></figure><p>Depuis longtemps, les chercheurs en management s’intéressent aux <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/mi/2013-v17-mi0591/1015814ar.pdf">avantages</a> sociopolitiques, financiers et managériaux de la gestion de diversité (sexe, origine ethnique, orientation sexuelle) notamment dans les secteurs ou l’innovation est la clé. Plusieurs études ont montré que l’impact de la diversité sociodémographique peut varier en fonction du <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0018726705053424">secteur</a> concerné, mais aussi de sa capacité de changer la <a href="https://www.cairn.info/revue-rimhe-2016-1-page-68.htm">culture organisationnelle</a> et des mentalités en entreprise.</p>
<p>On ne peut pas sous-estimer le rôle potentiel de la pop culture et notamment de la stratégie des géants Apple TV et Netflix pour faire avancer le débat sur les défis de la diversité et de l’inclusion à travers des séries telles que <em>Ted Lasso</em>, <em>Schitt’s Creek</em>, ou bien <em>Orange is the new black</em>.</p>
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<a href="https://theconversation.com/repenser-le-recrutement-le-secret-de-team-jolokia-pour-construire-des-organisations-inclusives-111279">Repenser le recrutement : le secret de Team Jolokia pour construire des organisations inclusives</a>
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<p>Pleinement engagé dans la lutte contre les stéréotypes, Netflix a récemment <a href="https://www.lesnumeriques.com/vie-du-net/netflix-signe-un-cheque-de-100-millions-de-dollars-pour-favoriser-la-diversite-dans-ses-productions-n161031.html">annoncé</a> l’investissement de 100 millions d’euros pour promouvoir la diversité à la fois dans ses séries et dans les équipes de tournage. Ted Sarandos, codirecteur général de Netflix a ainsi <a href="https://www.cnbc.com/2021/02/26/netflix-will-spend-100-million-to-improve-diversity-on-film-following-equity-study.html">déclaré</a> :</p>
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<p>« Je pense que si les individus peuvent se connecter au contenu des séries, c’est […] qu’ils peuvent s’identifier à un personnage qui leur ressemble, ou qu’il reflète une expérience personnelle qu’ils ont aussi vécue. »</p>
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<h2>La Quête mythique</h2>
<p>La plate-forme de streaming Apple TV s’est lancée dans l’aventure des séries depuis 2019 et a sorti <a href="https://www.youtube.com/watch?v=2vAQafcBXAI"><em>La Quête Mythique</em></a> en février 2020.</p>
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<p>Cette série offre une représentation exacerbée de la diversité de genre, de la couleur de peau, de la nationalité et de l’orientation sexuelle des employés d’une boîte de jeux vidéo, sur un ton empreint d’humour et d’absurde. Mais ce qu’on ne voit pas au premier regard, ce sont les enjeux de recrutement qui sous-tendent cette diversité et les avantages compétitifs de la diversité dont les impacts positifs ont été prouvés dans l’industrie des jeux vidéo. Dans le monde imaginaire créé par le jeu vidéo, les joueurs peuvent s’identifier avec les personnages qui leur ressemblent.</p>
<p><a href="https://www.bing.com/search?q=Many+diversities+for+many+services%3A+Theorizing+diversity+(management)+in+service+companies&cvid=7cbb2ab5977f4ef6bcb4742885c28cde&aqs=edge.0.69i59l2j69i60j69i61j69i60.1014j0j4&FORM=ANAB01&PC=HCTS">Les chercheurs en management</a> cherchent à comprendre pourquoi la diversité est considérée comme une valeur positive dans les secteurs créatifs de la haute technologie et des services plus généralement, mais souvent difficile à mettre en place dans d’autres <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=924524">secteurs</a> notamment dans le <a href="https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1428">secteur secondaire</a>, à savoir dans les métiers de production.</p>
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<a href="https://theconversation.com/les-quatre-leviers-pour-rendre-lentreprise-plus-inclusive-139980">Les quatre leviers pour rendre l’entreprise plus inclusive</a>
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<h2>L’impact de la diversité dans le secteur créatif</h2>
<p><em>La Quête Mythique</em>, récemment nominé pour les <a href="https://www.emmys.com/shows/mythic-quest">« Emmy Awards »</a> est une illustration caricaturée de la valeur de <a href="https://www.advance-he.ac.uk/knowledge-hub/intersectional-approaches-equality-and-diversity">l’approche intersectionnelle</a> de la diversité visant à construire un meilleur produit, ici un jeu vidéo.</p>
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<a href="https://theconversation.com/quy-a-t-il-de-discriminant-dans-un-cv-les-enseignements-de-la-recherche-experimentale-151808">Qu’y a-t-il de discriminant dans un CV ? Les enseignements de la recherche expérimentale</a>
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<p>On découvre, entre autres, les aventures professionnelles et amoureuses de deux testeuses de jeux qui sont lesbiennes et de différentes origines ethniques. D’après des <a href="https://www.bing.com/search?q=Janssens%2C+M.%2C+%26+Zanoni%2C+P.+(2005).+Many+diversities+for+many+services %3A+Theorizing+diversity+(management)+in+service+companies.+Human+Relations %2C+58(3) %2C+311 %E2 %80 %93340.&cvid=6d89148a6e1743b3b11661bec6e94424&aqs=edge..69i57.279j0j4&pglt=43&FORM=ANAB01&PC=HCTS">études sectorielles</a>, ces deux employées dans le secteur dit <a href="https://dictionary.cambridge.org/dictionary/english/creative-industry">créatif</a> seraient recrutées surtout pour leur capacité à refléter la diversité des profils des utilisateurs en plus de leurs compétences. En comprenant mieux leurs besoins, il devient possible de les intégrer dans des jeux vidéo plus inclusifs. Cette représentation des sexes, origines et orientations sexuelles peut entraîner une plus grande diversité parmi les joueurs/consommateurs et avoir des effets positifs sur les bénéfices de la société de production.</p>
<h2>Un imaginaire plus riche et plus divers</h2>
<p>L’<a href="https://www.bing.com/search?q=IGDA+survey&cvid=6d95ff3c2cea44908d07eef900d0d862&aqs=edge..69i57l2j69i59l2j69i60l4j69i64.1474j0j1&pglt=43&FORM=ANNAB1&PC=HCTS">IGDA</a> (International Game Developers Association), un réseau mondial de personnes travaillant dans l’industrie des jeux vidéo, a publié les résultats de son enquête de satisfaction des développeurs de 2017 et a dévoilé que 61 % des développeurs de jeux s’identifient comme étant « blancs/caucasiens/européens », 74 % comme « hommes » et 81 % comme « hétérosexuels ».</p>
<p>Les personnes issues de groupes marginalisés en raison de leur genre, de leurs origines et de leur orientation sexuelle ne sont pas représentées de manière adéquate dans le contenu des jeux ou dans les studios de jeux produisant ce contenu, ce qui entraîne un <a href="https://books.google.ie/books/about/Cooperative_Gaming.html?id=si3tDwAAQBAJ&redir_esc=y">manque de diversité dans l’ensemble des jeux</a>. Bien sûr, un homme blanc et hétérosexuel peut tout à fait inventer un personnage de femme noire et queer, mais il est plus susceptible de créer un jeu inédit montrant une expérience réaliste lorsqu’il travaille dans une équipe ou il y a une ou justement des personnes qui connaissent cette expérience de l’intérieur.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/jeu-et-apprentissage-un-couple-indissociable-99646">Jeu et apprentissage, un couple indissociable</a>
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<p>La question fait débat, en particulier aux États-Unis, mais le lien entre la diversité des profils – dans une industrie créative comme le jeu vidéo – et une plus grande empathie envers les utilisateurs, entraînant la création de meilleurs produits et services, a été établi.</p>
<p>L’une des pratiques de gestion de diversité dans les pays anglo-saxons sont les questionnaires de recrutement anonymes qui visent à mesurer les différents critères de diversité en entreprise tels que le genre et l’origine. L’approche anglo-saxonne vise à promouvoir l’image d’une entreprise dans laquelle les employées peuvent s’exprimer ouvertement sur leur orientation sexuelle sur la base du volontariat, par exemple via les <a href="https://www.indeed.com/hire/c/info/what-is-an-affinity-group">groupes d’affinité</a>. Ce qui rend le secteur du jeu vidéo encore plus complexe, c’est qu’il est traditionnellement dominé par les hommes blancs <a href="https://www.bbc.co.uk/news/newsbeat-51364212">reste un problème important</a> notamment aux États-Unis. En France, les statistiques ethniques sont historiquement un sujet tabou et les <a href="https://www.lexpress.fr/emploi/conseils-emploi/les-quotas-ethniques-en-question_1492415.html">politiques RH</a> en faveur de la diversité sont principalement axées sur le handicap ou le genre.</p>
<p><em>La Quête Mythique</em> surligne la diversité, parfois jusqu’à la caricature des personnages. Poppy, développeuse principale du jeu vidéo, a du mal à s’imposer. David, le producteur exécutif et gay, ne cache pas ses problèmes émotionnels et son enfance particulièrement perturbée. A l’aide de l’humour et de l’absurdité, la série montre ce que le <a href="https://fortune.com/2021/03/16/video-game-industry-lacks-diversity/">secteur du jeu vidéo</a> n’est pas prêt, en réalité, à accueillir toute cette diversité – il s’agit bien d’une « quête mythique », pour l’instant.</p>
<h2>Favoriser la créativité</h2>
<p>Dans la série, l’équipe compte des informaticiens, un directeur artistique et un écrivain dont les opinions insolites permettent finalement de développer un meilleur jeu vidéo avec un élément de surprise. C’est une illustration des avantages d’une approche de la <a href="https://www.advance-he.ac.uk/knowledge-hub/intersectional-approaches-equality-and-diversity">diversité intersectionnelle</a> (âge, genre) qui est une source de <a href="https://hbr.org/2017/06/does-diversity-actually-increase-creativity">créativité</a>.</p>
<p>La question du <a href="https://www.erudit.org/en/journals/mi/2013-v17-mi0591/1015807ar/">rapport à l’autre</a> est souvent traitée en termes de vivre ensemble à la française ou sous l’angle de la coopération entre profils différents, mais la série attire notre attention sur le <a href="https://www.mckinsey.com/%7E/media/mckinsey/business%20functions/people%20and%20organizational%20performance/our%20insights/why%20diversity%20matters/diversity%20matters.pdf">pourquoi de la diversité</a>, sur l’importance de comprendre les enjeux et les finalités de la diversité des recrutements, au-delà des effets de mode.</p>
<h2>La culture de la sécurité</h2>
<p>En contraste avec le monde du jeu vidéo, les <a href="https://dauphine.psl.eu/formations/doctorat/soutenances/soutenance/ambivalence-des-reinterpretations-locales-du-management-de-la-diversite-au-sein-des-filiales-polonaises-de-quatre-entreprises-internationales-une-approche-multi-cas">résultats des études</a> menées dans le secteur de la production énergétique ne montrent pas d’intérêt de ce secteur pour la diversification de ses recrutements au nom de la créativité et de l’inclusion. Malgré la pénurie de candidats et les besoins de recrutement, la recherche de candidats issus jugée en général inappropriée.</p>
<p>La recherche montre que l’approche anglo-saxonne de favorisation de la diversité dans le recrutement au nom de la créativité peut être perçue négativement par les employés dans les secteurs ou la créativité n’est pas essentielle dans l’atteinte des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1046496496272003">objectifs organisationnels</a>.</p>
<p>Le principe d’inclusion (<a href="https://hbr.org/2021/05/how-to-measure-inclusion-in-the-workplace#:%7E:text=Employee%20feedback%20is%20also%20the,then%20asking%20the%20right%20questions.">How to Measure Inclusion in the Workplace</a> prévoit un meilleur équilibre entre le sentiment d’appartenance à un groupe et la possibilité de prendre des initiatives. Les employées sont encouragés développer de nouvelles postures managériales et à développer de nouvelles idées pour générer la performance organisationnelle. En d’autres termes, la culture de l’entreprise inclusive favorise le bien-être et la prise d’initiative.</p>
<p>Cette prise d’initiative peut être vue comme dangereuse au regard des standards de sécurité qui appelle à l’inverse le respect des routines et l’adoption des conduites prescrites. Le travail des employés opérationnels (ingénieurs, mécaniciens, électriciens) et le fonctionnement d’une centrale électrique peut être assuré grâce à l’accomplissement des tâches répétitives. La diversité culturelle, ethnique, de genre ou autre, vue comme une valeur ajoutée contribuant à l’innovation et à la créativité tout en permettant de créer des meilleurs produits et services peut être vue par les managers et les employées opérationnels comme un concept inutile pour le fonctionnement de l’organisation.</p>
<p><a href="https://www.researchgate.net/publication/356475175_The_ambivalence_of_Diversity_Management_local_reinterpretations_in_the_Polish_subsidiaries_of_four_international_companies_a_multi-case_study_approach_Aneta_Orlinska_Doctoral_thesis">Selon un manager compliance dans la centrale électrique</a> :</p>
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<p>« Je peux m’imaginer les départements de l’organisation où la diversité pourrait être mise en œuvre mais ici [site de production] il n’est pas possible de laisser les employés s’exprimer librement […] car ce n’est pas un environnement typiquement créatif […]. Je ne vois pas de possibilité pour la liberté sur le site de production. Il y a des règles et des procédures strictes. […] L’introduction de la liberté et de la créativité pourrait conduire à la catastrophe industrielle ».</p>
</blockquote>
<p>Le secteur d’activité, le type de métier et la culture organisationnelle (de sécurité ou de créativité) doivent être pris en compte si on souhaite établir une véritable politique de diversité et d’inclusion où le recrutement de profils divers est considéré comme une valeur ajoutée à l’organisation. De plus, les attitudes à l’égard de la diversité dépendent beaucoup de la nature de l’activité de l’employé et du secteur d’activité dans lequel il évolue.</p>
<p>La diversité est devenue un « buzzword » dans le monde de travail. Elle reste un défi majeur pour certains secteurs comme celui de la production où l’innovation n’est pas un indicateur clé de la performance organisationnelle et où la perspective d’inclusion ne semble pas prioritaire aux yeux des recruteurs. D’un côté, les séries américaines nous montrent les défis de la diversité dans le contexte anglo-saxon, de l’autre, les chercheurs en management soulignent l’importance de la <a href="https://www.abe.pl/pl/book/9781786355508/management-and-diversity">contextualisation</a> du management de la diversité et de l’inclusion.</p>
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<p><em>Ce texte est tiré de la <a href="https://dauphine.psl.eu/formations/doctorat/soutenances/soutenance/ambivalence-des-reinterpretations-locales-du-management-de-la-diversite-au-sein-des-filiales-polonaises-de-quatre-entreprises-internationales-une-approche-multi-cas">thèse de doctorat</a> en Sciences de Gestion défendue à l’Université Paris Dauphine le 04 décembre 2019 et il s’inspire de la série américaine _La Quête Mythique</em>._</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/171548/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aneta Hamza-Orlinska ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Quel rôle joue la pop culture dans la représentation de la diversité en entreprise ? Et que sait-on de son impact dans la vie réelle ?Aneta Hamza-Orlinska, Assistant Professor in Human Resource Management , EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1701292022-01-26T19:27:09Z2022-01-26T19:27:09ZComment la Chine a fait de l’art contemporain une arme de soft power<p>Si en Occident la perception principale que l’on peut avoir de la relation entre la Chine et l’art contemporain est la <a href="https://news.artnet.com/art-world/italy-anti-chinese-government-badiucao-show-2034812">manifeste défiance du régime de Pékin</a> envers un certain nombre d’artistes nationaux, le fait est qu’en moins de vingt ans, la Chine est (aussi) devenue un <a href="https://www.lesechos.fr/patrimoine/investissements-plaisir/le-grand-reveil-du-marche-de-lart-a-shanghai-1266718">géant du marché de l’art</a>.</p>
<p>Avant l’an 2000, il n’existait pas de véritable marché chinois pour l’art contemporain – à la différence de l’Europe et de l’Amérique du Nord, régions où la structuration du marché de l’art <a href="https://www.cairn.info/le-marche-de-l-art--9782130442042-page-5.htm">est ancienne</a>, avec l’essor dans le temps des places fortes que sont Paris, puis Londres et New York.</p>
<p>Aujourd’hui, l’Empire du Milieu a conquis une position de mastodonte du marché de l’art à l’échelle internationale. Si le même type d’essor est observé au cours de la période dans d’autres pays, en particulier les autres BRIC (Brésil, Russie, Inde), la <a href="https://www.letemps.ch/culture/marche-lart-fin-leldorado-asiatique-debut-reve-chinois">proportion reste incomparable</a> par rapport à la Chine.</p>
<h2>Une ascension spectaculaire</h2>
<p>L’évolution est impressionnante : en partant de rien et en s’appuyant sur des investissements colossaux, le marché de l’art chinois s’est développé à travers l’émergence de toute une série de structures sur le territoire national (maisons d’enchères, musées et foires d’art contemporain, etc.) afin de permettre le déploiement de ce marché à fort potentiel.</p>
<p>Cet élan, soutenu à la fois par l’État et le secteur privé, met en évidence la façon dont l’art contemporain peut être utilisé comme instrument de soft power, ici afin de <a href="https://www.revueconflits.com/art-chine-etats-unis-peinture-puissance/">diffuser la grandeur de la Chine à l’international</a>.</p>
<p>Les <a href="https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1080/10632921.2021.1921642?needAccess=true">chiffres</a> sont éloquents : de zéro en 2000, les musées d’art contemporain privés – développés par des entrepreneurs – sont passés à 88 en 2019 ; les musées publics à 42.</p>
<p>Plus précisément, la multiplication de ces musées publics et privés sur le territoire national est particulièrement évidente de 2006 à 2015. <a href="https://journals.openedition.org/gc/4405?lang=en">Nos recherches</a> montrent comment ces lieux, à travers les expositions qui y sont organisées, sont les vecteurs d’une évolution bien réelle des politiques culturelles – et donc les témoins d’investissements lourds dans le secteur culturel. Citons par exemple l’exposition <a href="http://www.artlinkart.com/en/space/exh_yr/f14csAr/07fdyzrm">Post Ink and After Ink</a> en 2015, au Today Art Museum (Beijing, China), ou celle que le musée d’art contemporain de Shanghai a consacrée à l’artiste japonaise Yayoi Kusama (<a href="http://www.artlinkart.com/en/space/exh_yr/713dyu/3c5dsxpr">A Dream I Dreamed</a>).</p>
<p>La diffusion fulgurante de l’art contemporain dans ces espaces illustre de manière concrète la façon dont les politiques de libéralisation économique et culturelle ont contribué à l’évolution du statut de pratiques artistiques d’avant-garde. D’abord informelles voire clandestines, elles se sont muées en pratiques institutionnelles soutenues par l’État et le secteur privé.</p>
<p>À partir de données recueillies sur une période allant de 1989 à 2019, et notamment grâce à l’analyse des réseaux sociaux depuis leur émergence, nous avons pu mettre en évidence le processus qui a vu l’art contemporain progressivement supplanter l’art officiel et finir par <a href="https://journals.openedition.org/gc/4405">obtenir une véritable reconnaissance à l’international</a>.</p>
<p>Depuis la fin des années 2000, ce sont surtout les foires d’art contemporain qui ont joué un rôle majeur dans l’aboutissement de ce processus et dans la mise en relation entre les différents acteurs de la scène artistique internationale (Art Beijing, CIGE, Sh Contemporary, Shanghai Art Fair).</p>
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<h2>La fin du statut underground de l’art contemporain</h2>
<p>La dichotomie entre art officiel et art contemporain en Chine continentale tend à s’atténuer au tournant du début du siècle.</p>
<p>D’une part, les politiques culturelles entérinent la transformation d’un « marché culturel » – simple espace où acheteurs et vendeurs se connectent – en une « industrie culturelle » – soit la création de toute une filière de production, de distribution de biens et services qui avant n’existait pas. Cela témoigne, aux yeux des autorités, de l’importance que <a href="https://www.businessfrance.fr/Contents/Item/Display/128077">prend ce secteur au sein de l’économie chinoise</a> en même temps que cela permet une compréhension progressive du rôle stratégique de l’économie culturelle dans le développement social et économique de l’État. Entre 2005 et 2008, des politiques culturelles favorables et une croissance économique rapide soutiennent l’expansion exceptionnelle des ventes aux enchères d’art contemporain. Il y a pendant cette période un alignement du marché de l’art chinois et des collections domestiques avec des marchés étrangers.</p>
<p>D’autre part, ayant <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/1018">adhéré à l’OMC en 2001</a>, la Chine se montre attentive à la préservation de la souveraineté culturelle de l’État face à la pression croissante de la mondialisation. La reconnaissance du soft power vise alors à <a href="https://www.cairn.info/revue-revue-d-etudes-comparatives-est-ouest1-2012-1-page-287.htm?contenu=article">renforcer l’attractivité culturelle de la nation</a>. Les autorités s’efforcent de faire de l’art contemporain chinois le fleuron de leurs échanges culturels internationaux. Dans ce contexte de mondialisation prégnante, la marchandisation de la scène artistique chinoise témoigne de l’ascendance qu’acquiert l’art contemporain dans le pays au regard de l’art officiel.</p>
<p>Les artistes contemporains, frappés depuis 1989 <a href="https://www.artpress.com/2003/05/16/chine-demain-pour-aujourdhui-artistes-chinois-1979-2003-de-la-marginalisation-a-la-reconnaissance-locale-et-internationale/">par l’interdiction d’exposer leurs œuvres dans les musées publics</a> apparaissent à partir de 2005 dans les biennales organisées par l’État et dans les expositions des musées d’art public ; c’en est alors fini de leur statut underground.</p>
<p>Ce changement d’attitude de la société chinoise face à la modernisation et la globalisation des marchés de l’art peut être considéré comme un ajustement de l’ancienne logique institutionnelle de la bureaucratie d’État opéré pour adapter la scène artistique nationale à son nouvel environnement et de permettre à la Chine de se connecter au reste du monde. Et donc, de trouver un nouveau vecteur efficace pour diffuser son influence.</p>
<h2>Musées publics, musées privés</h2>
<p>L’essor de l’art contemporain en Chine continentale, concomitant à celui des musées qui assurent sa structuration en réseau, est donc d’abord lié aux politiques culturelles qui contribuent à la légitimation de cet art.</p>
<p>Mais un autre facteur s’avère déterminant : le développement des collections privées par de jeunes entrepreneurs chinois en rapport <a href="https://www.artsy.net/article/artsy-editorial-12-collectors-shaping-the-chinese-art-world">avec l’ouverture de musées privés</a>. Ainsi les nouvelles conditions économiques et le boom de l’économie chinoise font apparaître de nouveaux moyens financiers et économiques pour investir dans différentes formes d’art, en particulier contemporain.</p>
<p>Ce phénomène peut avoir une double motivation : d’une part, les nouveaux collectionneurs privés d’art contemporain, principalement les plus jeunes, ont une forte <a href="https://www.widewalls.ch/magazine/young-art-collectors-china">propension à partager leurs goûts et à exprimer leur attitude en construisant des musées privés</a>.</p>
<p>De l’autre, l’établissement de musées privés leur permet de devenir des acteurs pertinents du système de l’art contemporain et d’influer sur son développement.</p>
<p>Par exemple, si l’on observe la période qui s’étend de 2006 à 2015, les musées privés apparaissent plus actifs que les publics en termes de nombre total d’expositions individuelles et collectives organisées.</p>
<p>En revanche, les musées privés sont moins engagés dans des événements artistiques importants, tels que des événements biennaux, triennaux et internationaux. En effet, ces événements sont souvent coordonnés par l’État, car ils sont considérés comme une forme importante d’échange culturel et artistique au niveau international.</p>
<p>Les musées publics ont donc le privilège d’accueillir <a href="http://www.guangzhouimagetriennial.org/en/">d’importants événements artistiques</a>. Les foires d’art créées en Chine reflètent d’une manière très fidèle les dynamiques du marché d’art contemporain. Différents modèles de foires ont été adoptés en Chine ; presque toutes connaissent une belle croissance dans le temps, avec un <a href="https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1080/10632921.2021.1921642?needAccess=true">bon positionnement dans le réseau international</a> à travers la participation de galeries à forte renommée.</p>
<p>Il y a fort à parier que cette nouvelle topographie du système de l’art contemporain se développe en intensité dans les années à venir. Pour la Chine, ce développement a des vertus doubles : il dynamise l’art du pays à l’international et il offre au pays un formidable levier de soft power.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/170129/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marilena Vecco ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La Chine est devenue le leader mondial du marché de l’art, en se concentrant sur l’art contemporain. Un revirement important pour le régime, qui a longtemps méprisé cette forme d’art.Marilena Vecco, Coordinatrice Axe de recherche Arts and Cultural Management, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1746322022-01-16T17:15:28Z2022-01-16T17:15:28Z2022, une année de sport très géopolitique<p>L’année sportive 2022 promet d’être spectaculaire, autant sur les terrains de jeu qu’en dehors. Plusieurs <a href="https://www.ledevoir.com/sports/658917/jeux-de-puissance">méga-événements sportifs</a> seront organisés, notamment les Jeux olympiques d’hiver et la Coupe du monde de la FIFA, qui se dérouleront respectivement en Chine et au Qatar.</p>
<p>En plus de ces événements se dérouleront également les compétitions annuelles, entre grands matchs, ligues nationales, championnats et tournois internationaux. En janvier déjà, le <a href="https://www.dakar.com/fr">rallye Paris-Dakar</a> est en cours en Arabie saoudite et la Coupe d’Afrique des Nations au Cameroun. En mars, la Ligue des Champions de l’UEFA reprend et en avril, le championnat du monde de Formule 1 redémarre.</p>
<p>Pourtant, le contexte dans lequel chacun de ces événements va se tenir est en train de changer, et ce depuis trois décennies. Le monde du sport, comme le monde en général, est très différent de ce qu’il était <a href="https://journals.openedition.org/chrhc/1569">au XXᵉ siècle</a>.</p>
<p>En 1999, la majorité des courses de Formule 1 se déroulaient en Europe ; en 2022, les Grands Prix européens seront en minorité, des pays comme l’<a href="https://f1experiences.com/fr/2022-azerbaijan-grand-prix">Azerbaïdjan</a> ayant commencé à accueillir des courses. De même, l’Arabie saoudite est devenue la patrie du rallye Paris-Dakar, résultat de l’engagement politique du gouvernement de Riyad en faveur d’<a href="https://www.francetvinfo.fr/sports/automobile/rallye-dakar/rallye-dakar-comment-l-arabie-saoudite-a-mis-le-turbo-pour-redorer-son-image-grace-au-sport_3761243.html">investissements à grande échelle</a> dans le sport.</p>
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<h2>Diplomatie des stades</h2>
<p>La Ligue des Champions de l’UEFA sera à nouveau parrainée par la société publique russe d’énergie Gazprom, comme c’est le cas depuis près de <a href="https://www.lepoint.fr/sport/pourquoi-gazprom-drague-le-sport-europeen-24-10-2012-1520508_26.php">dix ans</a>. Gazprom ne vend rien directement aux consommateurs, mais conclut des accords pour vendre du gaz aux pays. Ces derniers mois, alors que les prix de l’énergie en Europe ont considérablement augmenté, des inquiétudes ont été exprimées quant au fait que Gazprom contrôle les approvisionnements énergétiques à des fins politiques. Certains critiques, comme l’ancien président américain Donald Trump, ont même <a href="https://www.reuters.com/article/us-nato-summit-pipeline-idUSKBN1K10VI">fustigé</a> des pays comme l’Allemagne pour leur dépendance au gaz russe.</p>
<p>Au Cameroun, les quatre stades utilisés pendant la Coupe d’Afrique des Nations ont été construits par la Chine, illustration de la « diplomatie des stades » mise en place par l’Empire du Milieu. Ces stades ont été offerts au Cameroun par Pékin ou ont été financés par des prêts à taux réduit (c’est-à-dire des prêts accordés à des taux inférieurs à ceux du marché). La raison en est que le pays africain possède des ressources naturelles dont la Chine a besoin pour assurer sa subsistance et sa croissance économique continue.</p>
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<p>L’organisation des Jeux olympiques d’hiver par la Chine est également importante, car elle a lieu dans un contexte de relations de plus en plus tendues avec l’Occident. Cette situation est due, par exemple, à des préoccupations concernant la <a href="https://www.geo.fr/geopolitique/comprendre-la-repression-des-ouighours-par-le-regime-chinois-207211">minorité ouïghoure</a> du Xinjiang, ainsi qu’à la façon dont la Chine a traité des questions telles que la mystérieuse <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/11/20/affaire-peng-shuai-ce-que-l-on-sait-de-la-disparition-de-la-joueuse-de-tennis-chinoise_6102954_3210.html">disparition</a> de la joueuse de tennis Peng Shuai. En effet, en réponse à cette dernière, la Women’s Tennis Association, basée en Floride, s’est <a href="https://theconversation.com/what-the-peng-shuai-saga-tells-us-about-beijings-grip-on-power-and-desire-to-crush-a-metoo-moment-172375">retirée de Chine</a>, ce qui a mis certains sponsors et athlètes dans une position délicate.</p>
<p>Le gouvernement de Pékin ne semble pas être particulièrement perturbé par ces préoccupations. Il s’agit plutôt pour la Chine d’affirmer sa crédibilité en tant qu’hôte de l’événement, en tant que membre important de l’industrie mondiale du sport et en tant que force économique et politique de plus en plus puissante.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-chine-premiere-puissance-sportive-de-demain-173551">La Chine, première puissance sportive de demain ?</a>
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<p>Le Qatar tient à adopter un ton plus conciliant avec le monde dans ses préparatifs en vue de l’organisation de la Coupe du monde de football de 2022, bien que l’importance du tournoi pour le pays ne soit pas moindre que celle des Jeux olympiques d’hiver pour la Chine. Le plus grand événement de football a servi de base à la construction d’une nation, à l’établissement d’une image de marque et à la projection d’une puissance douce, le petit État du Golfe cherchant à redorer <a href="https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2018-2-page-169.htm">son image et sa réputation</a> dans le monde.</p>
<p>Cela n’a pas été simple, car le Qatar fait toujours l’objet d’un <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/11/19/le-mondial-2022-au-qatar-c-est-un-petit-peu-de-sport-enormement-d-argent-et-des-violations-massives-des-droits-humains_6102649_3232.html">examen minutieux</a> de la part de l’Occident, qui s’inquiète des problèmes liés au marché du travail, à l’égalité et au traitement des groupes minoritaires.</p>
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<p>L’organisation par le Qatar de l’événement phare de la FIFA revêt une dimension géographique évidente, car cette toute petite nation cherche à asseoir sa légitimité et à se protéger dans une région sujette aux conflits. De même, le rôle de plus en plus important de Gazprom en tant que sponsor du sport reflète l’avantage géographique de la Russie, qui dispose d’énormes réserves de ressources naturelles.</p>
<p>Outre la géographie, la politique joue également un rôle au XXI<sup>e</sup> siècle, notamment par le biais du rôle accru que jouent les gouvernements et les États. Par exemple, l’Arabie saoudite dépense des milliards de dollars dans le sport, ce que le gouvernement de Riyad considère comme un moyen de promouvoir un programme de réformes nationales tout en donnant une image plus progressiste au reste du monde.</p>
<h2>Une économie géopolitique du sport</h2>
<p>Sur le plan économique, de nombreux pays considèrent désormais le sport comme un secteur industriel important, capable d’accroître le revenu national, de contribuer à la création d’emplois, de générer des recettes d’exportation et des impôts. Le gouvernement chinois cherche à mettre en place la plus grande économie sportive nationale du monde <a href="https://www.lemonde.fr/sport/article/2021/04/26/le-monde-du-sport-international-n-est-que-le-reflet-du-monde-reel-la-chine-se-positionne-pour-devenir-un-poids-lourd-de-la-geopolitique-du-sport_6078067_3242.html">d’ici 2025</a>, d’une valeur de 750 milliards de dollars. Par ailleurs, <a href="https://www.usine-digitale.fr/article/si-israel-ne-brille-pas-en-sport-la-start-up-nation-se-distingue-dans-la-sport-tech.N679604">Israël</a> veut s’imposer comme un centre mondial de la technologie sportive, tout comme la Corée du Sud veut faire de même dans l’industrie de <a href="https://www.erudit.org/en/journals/ritpu/1900-v1-n1-ritpu04609/1060000ar/abstract/">l’e-sport</a>.</p>
<p>La façon dont la géographie, la politique et l’économie interagissent les unes avec les autres rend nécessaire une nouvelle façon de concevoir le sport, que l’on peut appeler l’économie géopolitique du sport. Après trois décennies de profonds changements, dont la mondialisation et la numérisation, le sport n’est plus seulement une question de compétition sur le terrain de jeu.</p>
<p>Ces changements sont le résultat de l’évolution du pouvoir économique et politique mondial, les nations asiatiques, en particulier, exerçant désormais une influence croissante sur le sport. Dans le même temps, des pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni et la France comprennent que le sport peut apporter des <a href="https://www.cairn.info/revue-savoir-agir-2011-1-page-49.htm">avantages considérables à un pays</a>, comme la projection d’un « soft power » (puissance douce) et la mise en place de relations commerciales plus fortes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-ecouter-les-podcasts-de-the-conversation-157070">Comment écouter les podcasts de The Conversation ?</a>
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<p>L’économie géopolitique du sport soulève toutefois des problèmes majeurs. Par exemple, alors que le Qatar croit être engagé dans la construction d’une nation, les critiques soulignent les problèmes permanents du pays avec son <a href="https://www.francesoir.fr/societe-economie/coupe-du-monde-de-football-en-2022-carton-rouge-pour-la-kafala">système de kafala</a>. Dans le cas de l’Arabie saoudite, qui cherche à devenir un important hôte d’événements sportifs mondiaux, beaucoup accusent le pays de blanchir son image et sa réputation par le biais du <a href="https://www.rfi.fr/fr/emission/20200105-sport-washing-arabie-saoudite-seduire-image-dakar-rigoulet-roze">« sport washing »</a>.</p>
<p>Ainsi, lorsque les fans se préparent cette année à profiter de certains de leurs événements et compétitions préférés, il est bon de se rappeler que le sport reste un jeu important. Même si, de nos jours, il se joue de plus en plus en termes géographiques, politiques et économiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174632/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Simon Chadwick ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>JO d’hiver en Chine, Coupe du Monde de football au Qatar, Paris-Dakar en Arabie saoudite… La carte des méga-événements de l’année révèle l’émergence d’une nouvelle économie géopolitique du sport.Simon Chadwick, Global Professor of Sport | Director of Eurasian Sport, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1746332022-01-12T20:37:32Z2022-01-12T20:37:32ZBonnes feuilles : « Guerres d’influence. Les États à la conquête des esprits »<p><em>Dans le jeu des relations internationales, l’influence a, pour une large part, remplacé la puissance. Elle permet aux États de modifier le rapport de forces mondial, de contrôler des pays tiers ou d’y prospérer sans entrave. Pour ces raisons, les gouvernements investissent massivement pour augmenter leur influence et, spécialement, leur soft power. Ces stratégies parfois dénoncées, car vues comme relevant de l’ingérence ou de la propagande, sont devenues la norme géopolitique.</em></p>
<p><em>Frédéric Charillon, professeur de science politique à l’université Clermont Auvergne et à Sciences Po Paris, revient dans <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/histoire-et-geopolitique/geopolitique-et-strategie/guerres-d-influence_9782738155108.php">Guerres d’influence : Les États à la conquête des esprits</a>, qui vient de paraître aux éditions Odile Jacob, sur ces nouvelles règles des relations internationales. L’extrait présenté ici dresse le constat de la timidité de l’Union européenne dans ce nouveau jeu stratégique. Si l’UE souhaite désormais augmenter sa sphère d’influence, elle paie son « angélisme », au point de ne pas être conviée à une discussion entre les États-Unis et la Russie sur la sécurité européenne. Cette lecture permet de mieux comprendre la difficulté pour l’UE de parler d’une seule voix alors que certains de ses membres cherchent eux aussi à participer à la compétition internationale pour l’influence…</em></p>
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<h2>« L’Europe dans la guerre d’influence »</h2>
<p>Sommes-nous entrés dans une ère de confrontations nouvelles et permanentes, bien qu’imperceptibles au profane ? La crainte d’une invasion militaire « à l’ancienne », du côté de l’Europe occidentale, s’est en partie estompée. Les abris anti-nucléaires des années de guerre froide obsèdent moins les esprits. Mais l’atmosphère d’une concorde générale, dans un « brave nouveau monde » dont on espérait l’avènement au début des années 1990, a fait long feu. La compétition a repris ses droits, avec des joueurs différents et d’autres règles du jeu, plus feutrées.</p>
<p>Imagine-t-on ce qu’aurait provoqué, il y a encore vingt ou trente ans, l’annonce d’une immixtion russe dans les élections présidentielles américaines ? Ou dans un référendum crucial pour l’appartenance du Royaume-Uni à l’Europe ? La première situation a fait l’objet d’une <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/04/18/enquete-russe-le-rapport-mueller-va-etre-publie-dans-une-version-expurgee_5451908_3210.html">enquête officielle en 2019</a> dirigée par le procureur spécial américain Robert Mueller, la seconde d’un <a href="https://www.france24.com/fr/20200721-royaume-uni-brexit-ingerence-russe-rapport-deputes-britanniques-enquete">rapport parlementaire britannique</a>. Sans provoquer aucun séisme politique. Dans ce dernier rapport sur les interférences russes au Royaume-Uni, le comité « Renseignement et sécurité » du parlement de Londres qualifie même ce type de pratique de « nouvelle normalité ».</p>
<p>[…] L’influence s’est imposée dans les affaires mondiales comme dans notre quotidien politique et social. Elle mobilise des ressources croissantes de la part de nombreux acteurs. Elle a ses stratèges, ses agents, ses techniques, ses vecteurs. Elle a ses théâtres et circuits privilégiés, où l’on s’affronte pour obtenir des positions de pouvoir et atteindre des objectifs précis. On peut la dénoncer comme une manipulation inacceptable, pointer du doigt ses commanditaires et accuser de trahison ceux qui en acceptent le jeu. On peut aussi prendre acte du fait que cette compétition internationale pour les esprits est devenue pratique courante, comme le lobbying est devenu la norme au Congrès américain. Et s’y préparer, plutôt que de dénoncer ceux qui ont pris de l’avance.</p>
<h2>L’Europe démunie, ou le prix de l’angélisme</h2>
<p>L’Union européenne a souvent été critiquée pour son inefficacité stratégique. Et dans la nouvelle compétition internationale pour l’influence, sa situation apparaît inconfortable. L’Europe […] est devenue un théâtre davantage qu’un acteur : des stratégies extérieures s’y déploient, sans qu’il y soit opposé de riposte suffisante. Sa culture politique n’aime pas l’influence, assimilée à de la propagande depuis la Seconde Guerre mondiale. […]</p>
<h2>États membres à vendre</h2>
<p>[…] L’Union européenne, par l’ensemble politique et le marché qu’elle constitue (447 millions d’habitants sans le Royaume-Uni, 514 avec lui, en 2020) reste un enjeu. Pénétrer cet espace par l’un de ses maillons faibles, c’est accéder à un vaste champ d’opportunités. Empêcher cet ensemble de prendre des décisions contraires aux intérêts d’une puissance donnée, grâce à une action sur un ou plusieurs de ses éléments qui bloqueront toute majorité ou unanimité, c’est encore une aubaine à saisir.</p>
<p>Les études sur l’influence de l’Europe à l’extérieur sont rares. Celles qui portent sur le mécanisme inverse, venant de Chine, de Russie, des États-Unis, de Turquie ou d’ailleurs, sont nombreuses : <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/03/23/malgre-l-inquietude-de-bruxelles-l-italie-rejoint-les-nouvelles-routes-de-la-soie-de-pekin_5440367_3234.html">participation de l’Italie</a> aux routes de la soie chinoises, hésitations de l’Allemagne à critiquer Ankara ou sa propension à défendre le gazoduc russe <a href="https://www.nytimes.com/2021/12/28/world/europe/nord-stream-pipeline-germany-russia.html">Nord Stream 2</a>, participation de plusieurs pays d’Europe centrale à un groupe de travail dit <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/pekin-pousse-ses-pions-en-europe-centrale-et-tente-de-rassurer-lue-1009268">« 17+1 »</a> avec Pékin…</p>
<p>Le fonctionnement bruxellois, qui permet de faire valoir ses intérêts par l’intermédiaire de lobbies, facilite ces manœuvres. L’<a href="http://www.eu-cfa.com/en/lists/OZYHXH.html">association d’amitié UE-Chine au Parlement européen</a> en est un exemple. Elle était dirigée en 2019 par le conservateur tchèque Jan Zahradil (ancien vice-président de la Commission du commerce au Parlement européen), en tandem avec le Chinois Gai Lin comme Secrétaire général. Ses activités consistent à « promouvoir l’amitié »… et à défendre les intérêts chinois.</p>
<p>Au printemps 2020, Pékin a tenté, par des pressions sur plusieurs États, de bloquer la publication d’un rapport de l’Union européenne sur le manque de transparence chinois concernant l’épidémie de coronavirus et ses origines. La publication en a été retardée et expurgée. À plusieurs reprises, des États membres bénéficiant d’investissements chinois se sont opposés à des textes critiquant la Chine. En 2017, la Grèce a <a href="https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2017/06/21/droits-de-l-homme-quand-athenes-ne-s-oppose-pas-a-pekin_5148692_3216.html">bloqué</a> une déclaration de l’Union aux Nations unies sur la situation des droits de l’homme. La Russie également, par ses liens avec certains membres anciennement socialistes, ou grâce à la dépendance énergétique de plusieurs pays d’Europe centrale, trouve des alliés pour entraver certaines politiques.</p>
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<p>Face à de telles menées, l’Europe apparaît faible alors même qu’il en est attendu beaucoup. Des organisations non gouvernementales comme Human Rights Watch l’exhortent à se dresser contre la Chine sur les droits humains. On retrouve ici un phénomène qualifié dès 1993 par le politologue britannique Christopher Hill de « fossé entre les attentes et les capacités ». […]</p>
<h2>Quelques réussites : un soft power européen</h2>
<p>De l’autre côté de l’Atlantique, non sans acrimonie, on souligne [pourtant] les réussites européennes. « L’Europe a une politique étrangère d’influence : elle s’appelle la perspective d’adhésion. Elle a une politique de puissance : elle s’appelle le marché intérieur. Elle a une politique de défense : elle s’appelle l’OTAN. Elle a une stratégie : se consacrer à sa propre prospérité, et faire assurer sa sécurité par les États-Unis », [développe un diplomate bruxellois, souvent au contact de l’Allié américain]. En Turquie, ou au sud de la Méditerranée, on voit l’Europe comme une forteresse qui sait défendre ses intérêts. À Moscou, l’élargissement à l’est est resté comme la démonstration d’un expansionnisme habile. Des opérations civiles ou militaires, de police, de formation ou de conseil, d’observation, ont été conduites sous label européen. L’Europe a financé de nombreux projets, infrastructures (en Palestine) ou processus électoraux.</p>
<p>Pourquoi refuser alors de parler d’influence à propos d’un acteur – l’Union européenne – qui a réussi à absorber sans violence plus d’une dizaine de pays anciennement membres du Pacte de Varsovie, désormais convertis au capitalisme ? Un groupe auquel beaucoup de voisins ont voulu et veulent encore adhérer, au prix de réformes profondes et impopulaires ? Un ensemble qui, quelles que soient ses difficultés, symbolise toujours une prospérité enviable, de Tanger à Kiev, d’Alger à Tbilissi, de Minsk à Istanbul ? […]</p>
<p>On connaît les critiques. Un processus décisionnel trop complexe et des rendez-vous ratés, à commencer par les drames des Balkans ou du Moyen-Orient. Un objectif de politique étrangère qui demeure en réalité interne : l’Europe ne cherche pas à imposer la paix ni sa volonté dans le monde, mais à pacifier les relations entre ses États membres (qui en effet ne se font plus la guerre entre eux). Une incapacité à mettre ses réalisations en valeur, et à formuler une politique engagée. Les discours européens sont tièdes et sans surprise : on encourage la paix, on déplore la guerre, on salue un processus vertueux déjà engagé, sans désigner de responsables si le processus s’enraye. […] « Lorsque les États-Unis financent un abribus sur une route construite par l’Europe, des dizaines de panneaux rappellent que l’abri vient d’Amérique, aucun ne dit à qui l’on doit la route », ironisait un fonctionnaire dans les Balkans. Résumons cruellement : l’Europe manquerait d’influence parce qu’elle ne se fait pas respecter.</p>
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<span class="caption">Ce texte est issu de « Guerres d’influence », paru le 5 janvier 2022 aux éditions Odile Jacob.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Odile Jacob</span></span>
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<p>[…] Une « Europe végétarienne dans un monde de carnivores » ? L’expression est de Sigmar Gabriel, ancien ministre allemand des Affaires étrangères. Elle signe la fin d’une époque qui avait commencé avec la chute du Mur de Berlin, et pendant laquelle l’Europe avait entretenu l’espoir d’un monde post-tragique, dans lequel il n’était plus besoin de se prémunir des agressions extérieures. […] La suite fut brutale : révoltes arabes, ambitions russes, avènement des grandes stratégies d’influence. L’objectif européen de changer le monde par la seule diffusion de ses normes de bonne gouvernance devenait naïf.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174633/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Charillon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L'Europe cherche à faire valoir son influence dans le monde, mais elle est bien souvent l'objet d'influences extérieures, qu'elles soient économiques, politiques, stratégiques ou culturelles.Frédéric Charillon, professeur de science politique, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1740862022-01-05T11:22:15Z2022-01-05T11:22:15ZAide au développement : que fait la France ?<p>Depuis qu’elle existe, l’aide publique au développement (APD) française est caractérisée par deux dimensions : la solidarité (avec les pays récipiendaires) et l’intérêt (que la France elle-même trouve à son action). Les faits montrent que le plateau de la balance penche résolument <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-la_politique_francaise_de_cooperation_je_t_aide_moi_non_plus_philippe_marchesin-9782343221625-68421.html">vers la partie « intérêt » de ce diptyque</a>. Or, tous les grands textes consacrés à l’aide, dont l’un des meilleurs exemples est la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043898536/">loi sur le développement solidaire et la lutte contre les inégalités mondiales</a> promulguée le 4 août 2021, affirment que le premier objectif de cette politique publique est l’éradication de la pauvreté, ce qui devrait donc se traduire par une action résolument tournée vers la solidarité…</p>
<p>Cette contradiction traverse l’APD depuis qu’elle existe, à tel point qu’il conviendrait mieux de la qualifier de <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/laide-publique-developpement-lenvers-decor/00098975">« solidarité intéressée »</a>. Dès 1961, le général de Gaulle, volontiers présenté comme le « père de la coopération », <a href="https://books.google.fr/books?id=id5FEAAAQBAJ&pg=PT211&lpg=PT211&dq#v=onepage&q&f=false">déclare</a> :</p>
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<p>« Tous les pays sous-développés qui hier dépendaient de nous et qui sont aujourd’hui nos amis préférés demandent notre aide et notre concours. Mais cette aide et ce concours, pourquoi les donnerions-nous si cela n’en vaut pas la peine ? »</p>
</blockquote>
<p>Soixante ans plus tard, les sénateurs Hugues Saury (LR) et Rachid Temal (PS) <a href="https://www.senat.fr/rap/l20-532/l20-5321.pdf">constatent</a>, de manière quelque peu désabusée, que « seule une part très minoritaire de l’APD française, à savoir 18 % de l’aide pays programmable en 2018, bénéficie aux pays les moins avancés ». De fait, les <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/developpement/les-chiffres-de-l-aide-francaise/">données relatives à l’aide</a> montrent que celle-ci a tendance à se diriger, depuis plusieurs années, vers les plus riches des pays en développement.</p>
<p>À l’heure de la fin du quinquennat d’Emmanuel Macron, quel bilan dresser en matière d’aide ? Si l’actuel président a pu sembler, a priori, se démarquer de ses prédécesseurs, il chemine en réalité en grande partie dans leurs pas.</p>
<h2>Des annonces encourageantes</h2>
<p>Emmanuel Macron expose sa vision de l’Afrique et de l’aide au développement lors du <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2017/11/28/discours-demmanuel-macron-a-luniversite-de-ouagadougou">discours fondateur</a> prononcé le 28 novembre 2017 à Ouagadougou.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le discours d’Emmanuel Macron à Ouagadougou, le 28 novembre 2017.</span></figcaption>
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<p>Au sujet de l’APD, il déclare que la France sera « à la hauteur ». Outre la réitération de la promesse d’une augmentation conséquente de l’aide, qui doit passer à la fin de son mandat à 0,55 % du revenu national brut, soit 14,6 milliards d’euros contre 9,7 milliards d’euros en 2017, il rappelle à plusieurs reprises la nécessité que cet argent aille « sur le terrain » et soit adressé à « ceux qui en ont le plus besoin ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-france-dans-la-tourmente-au-sahel-152954">La France dans la tourmente au Sahel</a>
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<p>Concernant plus précisément la région du Sahel, aux prises avec de nombreux défis, le président français revient sur la création quelques mois plus tôt, en juillet 2017, de <a href="https://www.alliance-sahel.org/lalliance-sahel/">l’Alliance pour le Sahel</a> et souligne la spécificité de cette démarche dans la mesure où il s’agit pour la France d’« agréger l’aide multilatérale, l’aide d’autres puissances européennes pour être plus efficace ».</p>
<p>Enfin, il insiste sur sa volonté de s’adresser avant tout à la jeunesse africaine et précise qu’à cette fin d’autres l’aideront : « Ce sont les membres du <a href="https://www.cpafrique.fr/a-propos/">Conseil présidentiel pour l’Afrique</a>. Pour l’Afrique car ils seront un lien permanent avec vous. […] Et présidentiel car votre voix me sera restituée sans filtre, sans intermédiaire, sans concession. »</p>
<p>Ce Conseil, à l’origine fort de huit membres dont la plupart issus de la diaspora africaine, a pour objectif d’apporter au président un éclairage original et non institutionnel sur l’Afrique. Une partie importante de sa mission, outre la formulation de propositions d’action, est de transmettre directement au chef de l’État les perceptions et les attentes des sociétés du continent.</p>
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<p>Les bonnes intentions affichées dans la capitale burkinabè sont confirmées les années suivantes. Dans <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2018/08/27/discours-du-president-de-la-republique-a-la-conference-des-ambassadeurs">son discours</a> à la Conférence des ambassadeurs de 2018, Emmanuel Macron annonce un milliard d’euros de dons en autorisations d’engagement supplémentaires pour le budget 2019. Mais si l’augmentation des moyens financiers est nécessaire, elle n’est cependant pas suffisante.</p>
<p>Emmanuel Macron souhaite un changement de méthode. Dans le <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2019/08/27/discours-du-president-de-la-republique-a-la-conference-des-ambassadeurs-1">discours</a> à la Conférence des ambassadeurs de 2019, il affirme que la relation avec l’Afrique doit être envisagée dans le cadre d’un « nouveau partenariat. » Il propose de procéder à une « conversion de notre propre action, de la relation avec nos partenaires africains et de nos méthodes. »</p>
<p>Il s’agit plus précisément d’« agir et travailler différemment avec les Africains pour eux-mêmes, penser leur action avec eux et considérer que les actions les plus en pointe sont à faire avec les Africains en Afrique. » Bref, comme plusieurs décideurs de l’aide le préciseront les mois suivants, il ne s’agit plus de faire <em>pour</em> mais <em>avec</em> l’Afrique, ce qui est de bon augure dans l’optique d’une authentique politique de coopération.</p>
<h2>À l’épreuve des faits</h2>
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<p>« Je lui mettrais 18/20 en dissertation mais pas la moyenne en contrôle continu. […] Ses propos sont parfaits, mais son problème est celui de la mise en pratique. »</p>
</blockquote>
<p>C’est ainsi que le professeur Bertrand Badie <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/10/26/bertrand-badie-dans-tous-ses-etats_5374794_3232.html">évalue</a> l’action d’Emmanuel Macron au sujet du multilatéralisme ou de l’Europe. Nous pouvons étendre sa remarque à l’aide publique au développement.</p>
<p>Reprenons ses diverses annonces et passons-les au crible de l’action gouvernementale.</p>
<p>S’il est louable de vouloir augmenter l’APD, il convient de dissiper les malentendus. La question de l’aide au développement ne saurait être purement quantitative. Il suffit de noter que l’aide a dépassé les 1 % du PIB dans les années 1960… sans que cela ne se remarque particulièrement en matière de développement.</p>
<p>Plus précisément, accroître des montants qui ne prennent pas la bonne direction risque fort de ne rien changer au problème. L’exemple du milliard en autorisations d’engagement est ici particulièrement révélateur.</p>
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<figcaption><span class="caption">Pour la France, l’APD est avant tout une question de défense des intérêts nationaux.</span></figcaption>
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<p>Le <a href="https://www.senat.fr/rap/a19-142-4/a19-142-40.html">détail de l’allocation</a> de cette somme tempère quelque peu l’enthousiasme de départ : sur la totalité, l’éducation et la santé ne reçoivent respectivement que 200 et 100 millions. Il reste, qui plus est, à savoir ce qui, dans ces sommes, sera affecté à la francophonie ou aux équipements de prestige en matière de santé, et ce qui restera pour l’éducation de base et la santé primaire, les seules à faire réellement sens en matière de lutte contre la pauvreté.</p>
<p>Mais c’est surtout le calendrier d’utilisation de ce milliard qui pose le plus problème. Alors que la résolution des difficultés des pays les plus pauvres (on pense avant tout au Sahel) requiert l’urgence, les décaissements seront effectués <a href="https://www.senat.fr/rap/l18-147-34/l18-147-341.pdf#page=31">jusqu’en… 2031</a>, avec une moyenne d’une centaine de millions par an, ce qui tempère pour le moins l’effet d’annonce.</p>
<p>La volonté d’être plus proche du terrain et de ceux qui en ont le plus besoin laisse également à désirer. L’exemple de l’Alliance Sahel peut ici être évoqué. Des membres d’ONG travaillant sur place en donnent une appréciation beaucoup plus nuancée, comparant cette structure à une « coquille vide », dans la mesure où les projets estampillés Alliance Sahel <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-la_politique_francaise_de_cooperation_je_t_aide_moi_non_plus_philippe_marchesin-9782343221625-68421.html">existaient déjà</a>.</p>
<p>La remise en cause des bonnes intentions concerne aussi le Conseil présidentiel pour l’Afrique (CPA), dont le rôle, rappelons-le, est de transmettre directement au président les attentes des sociétés du continent, plus particulièrement des jeunes.</p>
<p>La question est de savoir de qui, précisément, les membres du Conseil risquent fort de se faire le relais. Pour répondre à cette interrogation, il convient de s’arrêter sur sa composition, qui fait la part belle au secteur privé, plus précisément au monde de l’entrepreneuriat.</p>
<p>Le chapeau <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/11/29/le-conseil-presidentiel-pour-l-afrique-outil-controverse-du-soft-power-d-emmanuel-macron_5390187_3212.html">d’un article de Laurence Caramel</a> consacré au CPA publié fin 2018 résume bien la situation :</p>
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<p>« Le chef de l’État s’appuie sur ce cercle hétéroclite pour capter les attentes des nouvelles élites économiques et culturelles du continent. »</p>
</blockquote>
<p>On peut donc s’interroger sur le fait que le CPA relaie les desiderata des sociétés dans leur pluralité.</p>
<p>Une dernière illustration renvoie au changement de méthode. Affirmer que l’aide se fera désormais non plus pour mais avec l’Afrique semble quelque peu contradictoire avec l’annonce du <a href="https://afrique.latribune.fr/politique/politique-publique/2021-02-16/expertise-france-la-reforme-de-l-aide-publique-au-developpement-se-heurte-a-la-crise-du-multilateralisme-877705.html">doublement du nombre d’experts</a> d’ici deux ans décidé lors du premier Conseil présidentiel du développement organisé le 17 décembre 2020. Contrairement au coopérant qui était censé, selon l’étymologie, « travailler avec », l’expert est, par définition, « celui qui a fait ses preuves, celui qui sait », ce qui exprime une relation hiérarchique, <a href="https://journals.openedition.org/apad/344">par définition inégalitaire</a>.</p>
<p>Par ailleurs, l’observation attentive <a href="https://www.expertisefrance.fr/nos-missions">d’Expertise France</a> (l’agence étatique française de conception et de mise en œuvre de projets internationaux de coopération technique), récemment rattachée à l’Agence française de développement, montre qu’elle s’inscrit avant tout dans le cadre de la diplomatie économique, laquelle est clairement synonyme d’influence de la France.</p>
<p>Au total, alors que le sujet de l’aide publique au développement sera sans doute évoqué lors de la campagne présidentielle par plusieurs candidats, il importera de suivre de près les engagements de celle ou celui qui gagnera l’élection.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174086/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Marchesin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La France est un acteur important de l’aide au développement, notamment en Afrique. Mais comment agit-elle et pourquoi ?Philippe Marchesin, Enseignant-chercheur en science politique, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.