tag:theconversation.com,2011:/us/topics/son-48518/articlesson – The Conversation2023-09-21T10:18:45Ztag:theconversation.com,2011:article/2137662023-09-21T10:18:45Z2023-09-21T10:18:45ZComment écouter la nature ? Quand le vivant nous parle<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/549288/original/file-20230920-25-jymd2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C26%2C2500%2C1624&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les êtres humains peuvent repérer à l'oreille les variations du vivant, qu'il s'agisse du vent ou de la tombée de la nuit, comme le montre un nouveau programme de recherche.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/WtwSsqwYlA0">Khamkeo Vilaysing/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Sommes-nous sensibles à la différence entre une forêt tempérée et une prairie ? Percevons-nous finement les variations sonores associées aux changements saisonniers ou encore la différence entre l’aube et le milieu de la journée ? À quel point sommes-nous sensibles à la présence d’êtres vivants dans ces environnements, à leur variété ?</p>
<p>Toutes ces questions sont aujourd’hui abordées dans un <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-20-CE28-0011">programme de recherche alliant sciences cognitives et écologie</a>.</p>
<p>Bien que l’étude des « paysages sonores » ait débuté il y a de cela près d’un demi-siècle avec les travaux de <a href="https://www.abebooks.fr/9780394409665/Tuning-World-Schafer-R-Murray-0394409663/plp">R. Murray Schafer</a> en 1977 et <a href="https://www.sfu.ca/%7Etruax/handbook2.html">Barry Truax</a> en 1978, nos connaissances restent encore fragmentaires quant à la manière dont l’être humain, avec ses oreilles et son système auditif, perçoit les scènes acoustiques complexes produites par des environnements dits <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/interception/interception-du-dimanche-05-fevrier-2023-5845593">« naturels »</a>, à savoir des environnements marginalement affectés par l’activité humaine.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Pour suivre au plus près les questions environnementales, retrouvez chaque jeudi notre newsletter thématique « Ici la Terre ». <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-environnement-150/">Abonnez-vous dès aujourd’hui</a>.</em></p>
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<h2>L’écologie des paysages sonores</h2>
<p>L’écologie des paysages sonores ou écoacoustique, un champ scientifique inspiré par les travaux pionniers de <a href="https://www.researchgate.net/publication/260037729_Bioacoustics_Habitat_Ambience_Ecological_Balance">Bernie Krause</a> (1987), est aujourd’hui en <a href="https://academic.oup.com/bioscience/article/61/3/203/238162">plein essor</a>. Cette discipline <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s12304-015-9248-x">utilisant les paysages sonores</a> à différentes échelles spatiales et temporelles afin d’explorer la complexité écologique bénéficie de l’apparition d’enregistreurs passifs autonomes à bas coût (voir figure 1).</p>
<p>Ces derniers permettent aux écologues et éthologues d’enregistrer des bases de données acoustiques massives et de qualité sans interférer avec l’environnement.</p>
<p>L’écoacoustique bénéficie également du développement récent de techniques de traitement de signal élaborées, dont l’efficacité est démultipliée par les méthodes modernes d’apprentissage machine.</p>
<p>La mise en place de collaborations entre écoacousticiens et spécialistes de l’audition humaine ouvre ainsi la possibilité de mieux comprendre comment nous – humains – percevons auditivement les environnements naturels, leur composition, les processus écologiques à l’œuvre ainsi que leurs variations, qu’elles soient d’origine naturelle ou induites par l’activité humaine.</p>
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<figcaption><span class="caption">Conférence TED, Bernie Krause : « The voice of the natural world ».</span></figcaption>
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<h2>Quatre habitats distincts en Californie</h2>
<p>Les premiers résultats de ce programme de recherche interdisciplinaire viennent d’être récemment <a href="https://pubs.aip.org/asa/jasa/article-abstract/147/5/3260/993983/Characterizing-amplitude-and-frequency-modulation?redirectedFrom=fulltext">publiés</a> dans diverses revues notamment <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fevo.2022.894232/full"><em>Frontiers</em></a> ou le <a href="https://pubs.aip.org/asa/jasa/article/153/5/2706/2888160/Auditory-discrimination-of-natural-soundscapes"><em>Journal of Acoustical Society of America</em></a>.</p>
<p>Ce programme débute par une <a href="https://pubs.aip.org/asa/jasa/article-abstract/147/5/3260/993983/Characterizing-amplitude-and-frequency-modulation?redirectedFrom=fulltext">étude « pilote »</a> visant à caractériser l’information acoustique véhiculée par des paysages sonores enregistrés dans une réserve de biosphère de Californie (voir figure 2).</p>
<p>Il s’agit ici de quatre habitats distincts d’un même biome terrestre tempéré, c’est-à-dire une région vaste et homogène du point de vue climatique.</p>
<p>Les données sonores, collectées et analysées par <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10980-011-9639-6">Bernie Krause et ses collègues</a> correspondent à des enregistrements de haute qualité réalisés à quatre saisons (printemps, été, automne, hiver), quatre périodes de la journée (aube, milieu de la journée, soirée, nuit) au sein de quatre sites : une forêt, une clairière, un maquis et une prairie.</p>
<p>Ces nombreux échantillons sonores sont ensuite transmis à un modèle informatique de système auditif humain simulant les grandes étapes de traitement de l’information sonore dans l’oreille interne, le tronc cérébral et le cortex auditif d’un être humain. La figure 3 présente la sortie moyenne de ce modèle auditif.</p>
<p>Ces représentations montrent comment la puissance de modulation des sons se distribue en fonction de la fréquence audio (en ordonnée) et la cadence temporelle (en abscisse) du signal, ce pour chaque condition expérimentale. La figure 3 montre la sortie du modèle auditif pour chaque habitat, moyennée à travers les périodes de la journée et saisons.</p>
<p>Ces images illustrent donc l’information acoustique spectrale et temporelle disponible pour un être humain. Malgré la forte variabilité acoustique des paysages sonores, ces représentations diffèrent fortement entre habitats, et suggèrent que nous devrions être tout à fait capables de discriminer ces paysages sonores et leurs variations. Pour tester plus avant cette hypothèse, nous avons transmis les sorties de ce modèle auditif à des algorithmes de classification (des programmes d’apprentissage machine). Les résultats des simulations sont très clairs : les performances de classification (quel est l’habitat, le moment de journée, la saison ?) sont largement supérieures à la performance due au hasard.</p>
<h2>Entendre l’habitat, la saison et le moment de la journée</h2>
<p>Ces premiers résultats fournissent des prédictions que l’on peut ensuite tester chez l’humain. Une deuxième étude, <a href="https://pubs.aip.org/asa/jasa/article/153/5/2706/2888160/Auditory-discrimination-of-natural-soundscapes">comportementale cette fois</a>, reprend cette même base d’échantillons sonores et l’organise afin de mesurer les capacités de discrimination auditive de ces sons en fonction de l’habitat, de la saison et de la période de la journée chez des personnes entendantes adultes.</p>
<p>Le nombre de mois d’exposition à des paysages sonores naturels de ces participants – tous urbains au moment des expériences – a été parallèlement estimé grâce à un questionnaire. Ces expériences de discrimination sont réalisées à l’aide d’un protocole de discrimination « en choix forcé » visant à limiter l’influence de biais non sensoriels, par exemple une préférence personnelle pour un habitat.</p>
<p>Lors de chaque essai de la procédure expérimentale, trois sons distincts (dont un provient, par exemple, d’une clairière et les deux autres d’une forêt) sont présentés aux oreilles des participants dans un ordre aléatoire et ces derniers doivent déterminer lequel de ces sons est différent des deux autres.</p>
<p>Les résultats comportementaux présentés en figure 4 sont conformes aux prédictions du modèle : nous sommes capables de discriminer l’habitat, la saison et la période de la journée bien au-dessus du hasard. Qui plus est, ces capacités ne varient que très peu entre personnes testées, et – plus surprenant – ces capacités ne sont pas corrélées à la durée d’exposition préalable à des paysages sonores naturels. Les performances humaines sont toutefois inférieures à celles du modèle, suggérant une forme de sous-optimalité chez l’humain qu’il conviendra d’étudier.</p>
<h2>Écouter le vivant, l’eau, le vent ou la pluie</h2>
<p>Ces premiers résultats illustrent des capacités auditives élémentaires sous-tendant l’écoute des environnements naturels.</p>
<p>D’autres travaux similaires portant sur la nature des informations acoustiques utilisées par l’être humain pour détecter la présence d’êtres vivants et déterminer leur variété (la richesse en espèces) sont en cours grâce aux programmes de recherche de F. Apoux, E. Grinfeder, N. Miller-Viacava et R. McWalter au sein de notre groupe.</p>
<p>Ces études sont motivées par les résultats antérieurs d’autres équipes suggérant que les sources sonores biologiques se distinguent acoustiquement des sources géophysiques <a href="https://pubs.aip.org/asa/jasa/article-abstract/114/6/3394/544398/Modulation-spectra-of-natural-sounds-and?redirectedFrom=fulltext">comme l’eau, le vent ou la pluie</a>, et que notre système auditif réaliserait un <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-019-43126-5">traitement prioritaire</a> des sons <a href="https://pubs.aip.org/asa/jasa/article/127/3/EL105/605919/Why-are-natural-sounds-detected-faster-than-pips">d’origine biologique</a>.</p>
<h2>Des effets psychologiques, sensoriels et émotionnels</h2>
<p>Des <a href="https://unhabitat.org/world-cities-report-2022-envisaging-the-future-of-cities">millions de personnes vivent en zone rurale</a> et de nombreux citadins investissent du temps et des ressources pour s’exposer régulièrement à ces paysages naturels au sein d’espaces verts ou de parcs nationaux. Pour toutes ces personnes, l’accès à ces espaces <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11252-016-0581-x">biodiverses</a> <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2021.570563/full">pourrait contribuer à leur bien-être et à la qualité de vie</a> comme le montrent de <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2013097118">nombreux travaux</a>.</p>
<p>Par ailleurs, les paysages sonores naturels se transforment progressivement et profondément sous <a href="https://www.cell.com/trends/ecology-evolution/fulltext/S0169-5347(19)30226-5 ?_returnURL=https %3A %2F %2Flinkinghub.elsevier.com %2Fretrieve %2Fpii %2FS0169534719302265 %3Fshowall %3Dtrue">l’effet des activités humaines</a>.</p>
<p>Tout laisse à penser que nous sommes sensibles à ces transformations et que cela ne sera pas sans effets psychologiques, sensoriels et émotionnels. Pris ensemble, ces données incitent à mieux comprendre les mécanismes auditifs engagés dans ces interactions fondamentales entre notre organisme et les processus écologiques à l’œuvre au sein des environnements naturels.</p>
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<p><em>Le programme de recherche <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-20-CE28-0011">Perception audiitive des paysages sonores naturels: Entendre la bioversité – HEARBIODIV</a> financé par l'Agence nationale de la recherche (ANR) est porté par l’École normale supérieure (Christian Lorenzi), le Muséum national d’histoire naturelle (Jérome Sueur), Bernie Krause (Wild Sanctuary) et Régis Férrière (IRL CNRS iGlobes).</em></p>
<p><em>L’Agence nationale de la recherche (ANR) finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p>
<p><em>Cet article est par ailleurs rédigé dans le cadre de la 1<sup>ere</sup> Biennale sur la nature et le vivant, coorganisé par L’ENS-PSL, le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) et l’École des Arts Décoratifs. Retrouvez <a href="https://www.ens.psl.eu/actualites/nous-le-vivant">ici</a> le programme de cet événement qui a lieu le 23 septembre.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213766/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian Lorenzi a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR): ANR-20-CE28-0011 Hearing Biodiversity. </span></em></p>Premiers résultats d’un nouveau programme de recherche en sciences cognitives dédié à l’étude de nos capacités de perception des paysages sonores naturels.Christian Lorenzi, Professeur en psychologie expérimentale, École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2037482023-04-13T08:30:15Z2023-04-13T08:30:15ZLa géophonie, à l’écoute des sons de la Terre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/520638/original/file-20230412-22-13hdjo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Entendez-vous le doux clapotis des gouttes de pluie ? </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/qCA6EULMskk">Luca Bravo/Unsplash</a></span></figcaption></figure><p><em>Chercheur en éco-acoustique, Jérôme Sueur part dans son dernier ouvrage <a href="https://www.actes-sud.fr/catalogue/nature-et-environnement/histoire-naturelle-du-silence">« Histoire naturelle du silence », paru le 5 avril 2023 aux éditions Actes Sud</a>, à la recherche de cet espace sonore plein et divers que constitue le silence. Dans le court extrait que nous vous proposons de découvrir ci-dessous, l’auteur s’intéresse plus particulièrement à la « géophonie », qui désigne les sons de la Terre.</em></p>
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<p>La géophonie rassemble les sons issus des quatre éléments d’Empédocle : la terre, l’eau, le feu et le vent. Les textes de John Muir, pionnier de l’écologie du XIX<sup>e</sup> siècle qui évolue dans un univers souvent minéral de haute montagne nord-américaine, illustrent l’importance de ces sons dans la construction des paysages naturels : crissements et fracas des chutes de pierres, chansons et mélodies des cours d’eau, sifflements et <a href="https://www.jose-corti.fr/titres/celebrations-de-la-nature.html">bruissements du vent dans les séquoias et pins géants</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/leco-acoustique-ecouter-la-nature-pour-mieux-la-preserver-129376">L’éco-acoustique, écouter la nature pour mieux la préserver</a>
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<p>Les sons de la Terre sont probablement les plus ancrés dans l’histoire de la vie même si nous ne les percevons pas tous. Il en va ainsi de vibrations telluriques que seuls les sismomètres mettent en évidence. La Terre est parcourue en permanence d’ondes faibles mais régulières. Tout d’abord, des oscillations libres sont observées toutes les deux à huit minutes, probablement liées à des mouvements des océans de très basses fréquences.</p>
<p>À ces oscillations s’ajoute une pulsation régulière enregistrée toutes les vingt-six secondes et qui se propage à travers la Terre à une vitesse de plus de 3 kilomètres par seconde. L’origine géographique de cet autre son tellurique a été localisée dans le golfe de Guinée, proche de l’île de São Tomé, et son origine mécanique serait la conséquence du choc de vagues de l’océan Atlantique sur la croûte terrestre.</p>
<p>Enfin, la Terre est parcourue de microséismes qui sont eux aussi liés aux océans, mais cette fois-ci aux vagues de houle régulières ou issues de tempêtes dont les fréquences sont de l’ordre de quelques dizaines de millihertz. Ainsi, les mouvements des océans, qu’ils soient lents et globaux ou rapides et locaux, génèrent un bouquet d’ondes sismiques qui font vibrer notre planète en permanence et la rendent intrinsèquement sonore.</p>
<p>Les séismes terrestres et sous-marins génèrent des ondes qui sont à l’évidence perceptibles par tous. De nombreuses observations rapportent des comportements de stress ou de fuite de poissons, d’amphibiens, de reptiles, d’oiseaux et de mammifères qui précèdent les catastrophes, c’est-à-dire avant que les murs tremblent ou que les vagues s’abattent sur les plages. Ces animaux seraient ainsi capables de percevoir des signes géophysiques précurseurs, les ondes dites primaires (P) qui voyagent longitudinalement et plus rapidement que les ondes secondaires (S) dont le mouvement de cisaillement détruit plus.</p>
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<img alt="Un iceberg" src="https://images.theconversation.com/files/520641/original/file-20230412-26-d6rig7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/520641/original/file-20230412-26-d6rig7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/520641/original/file-20230412-26-d6rig7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/520641/original/file-20230412-26-d6rig7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/520641/original/file-20230412-26-d6rig7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/520641/original/file-20230412-26-d6rig7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/520641/original/file-20230412-26-d6rig7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Quand l’iceberg fait entendre sont craquement.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/Tno1Zd3T6yY">Annie Spratt/Unsplash</a></span>
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<p>Moins dramatiques, les éléments aquatiques des paysages naturels produisent des sons tout à fait audibles par la plupart des animaux : le ressac de la mer, les remous d’une rivière ou d’un torrent, le fracas d’une cascade, la fonte de la neige, le mouvement d’un glacier, la fracture d’un iceberg. L’eau par son mouvement ou ses changements d’état vibre et fait vibrer autour d’elle. Tous ces sons participent aux signatures acoustiques de paysages et peuvent servir de repères sonores pour les déplacements ou la recherche d’un point d’eau.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/a-lecoute-du-chant-des-glaciers-qui-fondent-196816">À l’écoute du chant des glaciers qui fondent</a>
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<p>Les phénomènes météorologiques génèrent aussi de nombreux sons. La neige qui tombe doucement du ciel ou des arbres à la grande fonte crée des sons doux et le tapis neigeux a une influence sur les paysages sonores, absorbant les autres sons. La pluie, tombant parfois sous la forme d’un orage tonitruant, est une composante importante des paysages sonores, surtout en forêt tropicale : le choc de l’eau sur la végétation produit un tel brouhaha qu’il devient impossible de parler. </p>
<p>La pluie qui martèle le sol a un effet connu chez certains animaux : elle fait notamment émerger les vers de terre et sortir les grenouilles enfouies dans le sable. Des chauves-souris (<em>Micronycteris microtis, Molossus molossus</em>) attendent que le son de la pluie cesse avant de sortir de leurs refuges pour aller chasser et la chouette hulotte (<em>Strix aluco</em>) est perturbée par le son de la pluie, chantant moins les nuits pluvieuses que les nuits sèches.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/520640/original/file-20230412-18-sob2r9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Couverture de l’ouvrage « Histoire naturelle du silence »" src="https://images.theconversation.com/files/520640/original/file-20230412-18-sob2r9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/520640/original/file-20230412-18-sob2r9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1133&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/520640/original/file-20230412-18-sob2r9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1133&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/520640/original/file-20230412-18-sob2r9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1133&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/520640/original/file-20230412-18-sob2r9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1423&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/520640/original/file-20230412-18-sob2r9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1423&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/520640/original/file-20230412-18-sob2r9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1423&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Paru le 5 avril 2023.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.actes-sud.fr/catalogue/nature-et-environnement/histoire-naturelle-du-silence">Actes Sud</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Le vent est une autre force sonore des environnements naturels. Le vent n’est rien acoustiquement s’il ne rencontre pas des obstacles. Ce sont les corps végétaux et animaux qui le révèlent. Les troncs, les tiges, les branches et les feuilles penchent, bougent, vibrent avec le vent et leurs mouvements se font sonores. Ils deviennent les instruments et les interprètes du vent. Les corps, les nôtres, les leurs, créent des courants d’air, des vortex qui deviennent sonores. Le vent gêne la communication sonore. Ainsi les adultes de manchot empereur (<em>Aptenodytes patagonicus</em>) doivent plus souvent <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rspb.1999.0824">répéter leur cri de retrouvaille après une excursion en mer</a> quand le vent souffle sur la banquise.</p>
<p>[…]</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203748/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Sueur ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La géophonie rassemble les sons issus des quatre éléments d’Empédocle : la terre, l’eau, le feu et le vent.Jérôme Sueur, Maître de conférences, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2006262023-03-17T14:12:35Z2023-03-17T14:12:35ZLes serpents peuvent entendre nos cris, selon une nouvelle étude<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/512090/original/file-20230223-644-axvk6k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=20%2C10%2C3335%2C2218&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Bien que la vue et le goût soient les principaux sens par lesquels les serpents perçoivent leur environnement, notre étude permet de constater que l’ouïe joue un rôle important dans le répertoire sensoriel des serpents.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Christina Zdenek)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les spécialistes savent depuis longtemps que les serpents peuvent ressentir les vibrations sonores dans le sol – ce qu’on appelle détection « tactile » –, mais nous nous sommes demandé s’ils peuvent également entendre les vibrations sonores aériennes, et surtout, comment ils réagissent aux sons.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-serpents-ont-un-clitoris-196641">Les serpents ont un clitoris</a>
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<p>Dans un <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0281285">nouvel article</a> publié dans PLOS One, nous arrivons à la conclusion que les serpents utilisent l’ouïe pour interpréter le monde, et nous réfutons le mythe selon lequel les serpents sont sourds aux sons aériens.</p>
<p>Notre étude, qui a porté sur 19 serpents de sept espèces, révèle que les serpents ont une ouïe aérienne, mais que les espèces ne réagissent pas toutes de la même manière aux sons.</p>
<h2>Comment les serpents réagissent-ils aux sons aériens et terrestres ?</h2>
<p>Bien que la vue et le goût soient les principaux sens par lesquels les serpents perçoivent leur environnement, notre étude permet de constater que l’ouïe joue un rôle important dans le répertoire sensoriel des serpents.</p>
<p>D’un point de vue évolutif, c’est tout à fait logique. Les serpents sont menacés par des prédateurs, notamment les varans, les chats, les chiens et d’autres serpents. L’ouïe sert à éviter les attaques ou les blessures (par exemple, en se faisant piétiner).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/510230/original/file-20230215-26-xn6zpb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un taipan côtier se trouve au centre d’une grande grille noire et blanche sur le sol" src="https://images.theconversation.com/files/510230/original/file-20230215-26-xn6zpb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510230/original/file-20230215-26-xn6zpb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510230/original/file-20230215-26-xn6zpb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510230/original/file-20230215-26-xn6zpb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510230/original/file-20230215-26-xn6zpb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510230/original/file-20230215-26-xn6zpb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510230/original/file-20230215-26-xn6zpb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le taïpan côtier était l’une des espèces étudiées dans le cadre de notre recherche.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Christina Zdenek)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour nos expériences, nous avons collaboré avec la <a href="https://www.qut.edu.au/about/our-university/organisational-structure/faculty-of-creative-industries,-education-and-social-justice-old/school-of-creative-practice"><em>School of Creative Practice</em></a> de l’Université de technologie du Queensland pour aménager une salle insonorisée et tester les serpents un par un.</p>
<p>En utilisant le silence comme condition témoin, nous avons fait jouer un son parmi trois, chacun couvrant une gamme de fréquences : 1-150Hz, 150-300Hz et 300-450Hz. À titre de comparaison, la voix humaine varie généralement entre 100 et 250 Hz, et les oiseaux gazouillent à environ 8 000 Hz.</p>
<p>Dans une <a href="https://journals.biologists.com/jeb/article/205/19/3087/9027/Response-of-western-diamondback-rattlesnakes">étude précédente</a>, des chercheurs ont suspendu des crotales diamantins de l’Ouest (<em>Crotalus atrox</em>) dans un panier en maille d’acier et ont observé leurs comportements en réaction à des fréquences sonores situées entre 200 et 400 Hz. Dans une <a href="https://journals.biologists.com/jeb/article/222/14/jeb198184/20779/Underwater-hearing-in-sea-snakes-Hydrophiinae">autre étude</a>, on a implanté par chirurgie des électrodes dans le cerveau de serpents sous anesthésie partielle afin de détecter des potentiels électriques en réponse à des sons allant jusqu’à 600 Hz.</p>
<p>Notre recherche est la première à étudier comment plusieurs espèces de serpents réagissent aux sons dans un espace où ils peuvent se déplacer librement. Nous avons également utilisé un accéléromètre pour déterminer si les sons produisaient des vibrations au sol. Cela nous a permis de confirmer que les serpents ne ressentaient pas seulement les vibrations du sol et enregistraient bel et bien les sons aériens.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/510261/original/file-20230215-24-7w43c2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/510261/original/file-20230215-24-7w43c2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510261/original/file-20230215-24-7w43c2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510261/original/file-20230215-24-7w43c2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510261/original/file-20230215-24-7w43c2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510261/original/file-20230215-24-7w43c2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510261/original/file-20230215-24-7w43c2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510261/original/file-20230215-24-7w43c2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Un taïpan côtier près d’une ferme de canne à sucre dans le Queensland.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Chris Hay), Fourni par l’auteure</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les serpents se rapprochent-ils ou s’éloignent-ils des sons ?</h2>
<p>La plupart des serpents ont manifesté des comportements très différents dans les essais avec son par rapport aux moments de silence.</p>
<p>Le python de Ramsay (<em>Aspidites ramsayi</em>) – un serpent non venimeux que l’on trouve dans toute la zone aride du centre de l’Australie – s’est mis à bouger davantage en réponse au son et s’en est même approché. Il a présenté un comportement intéressant appelé « périscopique », qui consiste à lever le tiers avant de son corps d’une manière qui évoque la curiosité.</p>
<p>En revanche, trois autres espèces – Acanthophis (vipère de la mort), Oxyuranus (taïpan) et Pseudonaja (serpent brun) – ont plutôt eu tendance à s’éloigner du son, signe d’un possible comportement d’évitement.</p>
<p>Les vipères de la mort sont des prédateurs en embuscade. Elles attendent que leur proie vienne à elles en utilisant le <a href="https://besjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1365-2435.2008.01466.x">leurre sur leur queue</a> (qu’elles agitent pour faire penser à un ver), et elles ne peuvent se déplacer rapidement. Il est donc logique qu’elles s’éloignent du son. Pour survivre, elles doivent éviter de se faire piétiner par de grands vertébrés comme les kangourous, les wombats ou les humains.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/510263/original/file-20230215-3672-ie0u3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510263/original/file-20230215-3672-ie0u3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510263/original/file-20230215-3672-ie0u3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510263/original/file-20230215-3672-ie0u3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510263/original/file-20230215-3672-ie0u3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510263/original/file-20230215-3672-ie0u3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510263/original/file-20230215-3672-ie0u3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une vipère de la mort (<em>Acanthophis antarcticus</em>) en position d’embuscade au Mount Glorious, dans le Queensland.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Christina N. Zdenek), Fourni par l’auteure</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les serpents bruns et les taïpans chassent activement et poursuivent leurs proies le jour. Cela signifie qu’ils risquent d’être victimes de prédateurs diurnes tels que les rapaces. Lors de nos expériences, ces deux serpents semblaient avoir les sens aiguisés. Les taïpans, en particulier, avaient tendance à manifester une attitude défensive et méfiante en réponse à un son.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/CY26uRzqsS4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les taïpans côtiers ont eu des réactions méfiantes en réponse aux sons.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Les serpents nous entendent-ils ?</h2>
<p>Notre étude réfute le mythe selon lequel les serpents sont sourds. Ils peuvent entendre, mais pas aussi bien que vous et moi. Les serpents ne distinguent que les basses fréquences, soit moins de 600 Hz environ, alors que la plupart des humains entendent un <a href="https://hypertextbook.com/facts/2003/ChrisDAmbrose.shtml">spectre beaucoup plus large</a>. Les serpents perçoivent probablement des versions étouffées de ce que nous entendons.</p>
<p>Alors, les serpents peuvent-ils nous entendre ? La fréquence de la voix humaine se situe entre 100 et 250Hz. Les sons utilisés au cours de notre étude comprenaient ces fréquences et étaient diffusés à une distance de 1,2 m des serpents à 85 décibels. C’est à peu près le volume d’une voix forte.</p>
<p>Les serpents ont réagi à ces sons, et plusieurs ont eu une forte réponse. On peut donc dire que les serpents peuvent percevoir la voix des gens qui parlent fort ou qui crient. Cela ne signifie pas qu’ils n’entendent pas quelqu’un qui parle (une conversation normale est d’environ 60 décibels) – nous n’avons tout simplement pas fait de tests à ce niveau sonore.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200626/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christina N. Zdenek reçoit des fonds du Conseil australien de la recherche et travaille pour l'Australian Reptile Academy.</span></em></p>Les spécialistes savent depuis longtemps que les serpents peuvent ressentir les vibrations sonores dans le sol. Or, une nouvelle étude démontre qu’ils peuvent également percevoir les sons aériens.Christina N. Zdenek, Post-doctoral Research Fellow, Venom Evolution Lab, The University of QueenslandLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2011212023-03-08T19:06:12Z2023-03-08T19:06:12ZEffets du bruit des éoliennes sur la santé : mythe ou réalité ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/513771/original/file-20230306-24-qm1nt2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C16%2C5455%2C2563&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/maison-en-beton-blanc-entouree-d-arbres-414911/">Pexels.com</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le bruit représente un problème majeur pour la santé publique. Il constitue selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) le <a href="https://cdn.theconversation.com/static_files/files/2547/9789289002295-eng.pdf">deuxième facteur de risque environnemental en Europe en termes de morbidité</a>, derrière la pollution de l’air.</p>
<p>Ainsi, en Europe occidentale plus d’un million d’années de vie vécues avec de l’incapacité sont comptabilisées chaque année <a href="https://cdn.theconversation.com/static_files/files/2547/9789289002295-eng.pdf">à cause du bruit des transports</a>, dont les effets avérés avec suffisamment d’éléments de preuve sont les perturbations du sommeil, la gêne, les <a href="https://www.euro.who.int/__data/assets/pdf_file/0008/383921/noise-guidelines-eng.pdf#page=31">risques cardiovasculaires accrus, et les difficultés d’apprentissage</a>.</p>
<p>Si les impacts sanitaires du bruit des transports ont été abondamment étudiés, il n’en va cependant pas de même pour d’autres sources de bruit environnemental. C’est notamment le cas des parcs éoliens, qui connaissent un développement important en France et dans de nombreux autres pays. Avec l’impact sur le paysage, les nuisances sonores des éoliennes sont l’un des arguments le plus souvent mis en avant par les opposants à ces installations.</p>
<p>Néanmoins, les informations véhiculées dans la sphère publique, en particulier sur Internet, concernant la réalité des impacts de ce type de bruit et de ses effets apparaissent souvent en décalage par rapport aux connaissances qui font consensus dans la communauté scientifique. Mais quelles sont-elles ?</p>
<h2>Le bruit éolien : un bruit spécifique</h2>
<p>Comparativement à de nombreuses autres sources de bruit environnemental, d’origine humaine ou naturelle, les niveaux de bruit générés par un parc éolien sont très modérés. À l’extérieur du logement d’un riverain, ils dépassent rarement <a href="https://doi.org/10.3390/ijerph19010023">40 dBA</a>, soit l’équivalent <a href="https://sstie.ineris.fr/consultation_document/20477">du niveau de bruit dans un bureau calme</a>.</p>
<p>À titre de comparaison, le niveau de bruit des transports en façade du logement d’un riverain peut aller au-delà de 70 dBA (niveau sonore seuil d’un <a href="https://www.bruit.fr/bruit-des-transports/bruit-routier">Point Noir Bruit</a> routier le jour).</p>
<p>En dépit de ces niveaux très modérés, les riverains expriment parfois une gêne due au bruit des éoliennes. Plusieurs raisons peuvent l’expliquer.</p>
<p>Rappelons tout d’abord que l’échelle des décibels est une échelle logarithmique, ce qui signifie que 3 décibels supplémentaires équivalent à un doublement de l’énergie sonore, et que 10 décibels supplémentaires multiplient celle-ci par 10. Cependant, si la gêne due au bruit augmente avec le niveau d’exposition sonore, son évolution ne suit généralement pas de loi simple et dépend de chaque source de bruit et de ses caractéristiques (bruit permanent, bruit impulsionnel, bruit grave/aigu, etc.).</p>
<p>Dans le cas du bruit généré par les éoliennes, les parcs éoliens sont situés dans des environnements essentiellement ruraux. Le bruit de fond local relativement bas de ces sites peut donc favoriser la perception du bruit émis.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Photos d’éoliennes" src="https://images.theconversation.com/files/514186/original/file-20230308-16-jbgl2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514186/original/file-20230308-16-jbgl2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514186/original/file-20230308-16-jbgl2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514186/original/file-20230308-16-jbgl2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514186/original/file-20230308-16-jbgl2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514186/original/file-20230308-16-jbgl2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514186/original/file-20230308-16-jbgl2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les éoliennes sont généralement situées dans des zones rurales.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/JRUVbgJJTBM">Thomas Reaubourg/Unsplash</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La gêne rapportée pourrait aussi en partie résulter des caractéristiques particulières du signal sonore généré par les éoliennes. Il s’agit en effet d’un bruit continu, pouvant parfois présenter des tonalités marquées (bruit mécanique dans la nacelle, état de surface dégradé des pales). Ces dernières sont cependant généralement le signe d’un dysfonctionnement de l’éolienne, qui peut être corrigé.</p>
<p>Lorsque les pales des éoliennes sont en fonctionnement, des phénomènes de « modulation d’amplitude » peuvent aussi se produire et être à l’origine d’une gêne. Ces modulations se traduisent par des fluctuations du niveau sonore au cours du temps (de l’ordre de la seconde), dont l’origine n’est pas encore clairement établie. Plusieurs pistes d’explication sont avancées et font l’objet de recherches.</p>
<p>Elles pourraient provenir par exemple de phénomènes de décrochage de l’écoulement de l’air autour des pales, de conditions météorologiques particulières influençant la propagation sonore, d’une directivité sonore spécifique des sources de bruit au niveau des pales en mouvement, ou encore d’interactions entre le son provenant de ces dernières et le sol.</p>
<p>Enfin, le bruit éolien comporte également des composantes basses fréquences (20-200 Hz, audibles) ou infrasonores (fréquences inférieures à 20 Hz, généralement considérées comme inaudibles) qui se propagent sur des distances plus importantes que des sons de fréquences supérieures. Bien que prédominants dans le spectre éolien, les infrasons générés par un parc éolien restent cependant <a href="https://www.anses.fr/fr/content/exposition-aux-basses-fr%C3%A9quences-et-infrasons-des-parcs-%C3%A9oliens-renforcer-l%E2%80%99information-des">très en deçà des seuils de perception humains connus</a>.</p>
<p>Si l’existence de ces divers phénomènes est bien connue, les scientifiques s’interrogent actuellement sur la façon de les modéliser et de les intégrer dans les méthodes de prévision du bruit existantes.</p>
<p>Ainsi, pour progresser vers une meilleure connaissance des phénomènes physiques et mieux maîtriser le bruit émis par les éoliennes, le <a href="https://www.anr-pibe.com">projet de recherche PIBE a été mis en place</a>. Il se déploie selon <a href="https://www.anr-pibe.com/projet/organisation">trois axes</a> : caractériser et modéliser les phénomènes de modulation d’amplitude, estimer la variabilité des niveaux sonores (en évaluant notamment l’influence de la micrométéorologie locale sur l’émission sonore au niveau des pales et sur la propagation du son), et concevoir des systèmes pour minimiser le bruit produit par les pales.</p>
<h2>Un nombre limité de personnes exposées au bruit éolien</h2>
<p>Afin d’évaluer les enjeux de santé publique que représente l’exposition aux émissions sonores des éoliennes, deux paramètres doivent être pris en compte : le nombre de personnes concernées, et la sévérité de l’effet du bruit des éoliennes sur la santé s’ils sont démontrés.</p>
<p>Une étude récente de l’exposition de la population de France métropolitaine au bruit éolien indique que <a href="https://doi.org/10.3390/ijerph19010023">plus de 80 % de la population exposée</a> l’est à des niveaux <a href="https://doi.org/10.1684/ers.2022.1675">inférieurs à 40 dBA</a>.</p>
<p>En 2017, année de référence de l’étude, la part de la population de France métropolitaine exposée au-delà de cette valeur variait de 0,08 % (conditions nocturnes) à 0,18 % (conditions diurnes), en fonction des conditions de propagation.</p>
<p>À titre de comparaison, pour cette même année, la part de population de France métropolitaine exposée à plus de 40 dBA en condition nocturne était de <a href="https://www.eea.europa.eu/data-and-maps/data/data-on-noise-exposure-8">15 % pour le bruit routier, 7 % pour le bruit ferroviaire et de 0,7 % pour le bruit aérien</a>.</p>
<h2>Des effets sur la santé non démontrés</h2>
<p>Des articles récents synthétisant les connaissances actuelles font état d’une <a href="https://doi.org/10.3390/ijerph18179133">absence de preuves d’effets du bruit éolien sur la santé humaine</a>, hormis en ce qui concerne la <a href="https://www.who.int/europe/publications/i/item/9789289053563">gêne</a>.</p>
<p>La plupart des études disponibles ont trouvé une association positive significative entre les niveaux de bruit émis par les éoliennes et le pourcentage de personnes très gênées. En outre, à niveau sonore équivalent, le bruit engendré par les éoliennes peut être perçu comme plus gênant que celui provenant d’autres sources de bruit (de transports notamment), en raison de certaines caractéristiques acoustiques du signal sonore décrites précédemment, notamment l’existence possible d’une modulation de l’amplitude du signal.</p>
<p>Cependant, les seules propriétés acoustiques du bruit émis par les éoliennes n’expliquent pas l’intégralité de la gêne. En effet, celle-ci peut également dépendre <a href="https://www.anses.fr/fr/content/exposition-aux-basses-fr%C3%A9quences-et-infrasons-des-parcs-%C3%A9oliens-renforcer-l%E2%80%99information-des">d’autres facteurs non acoustiques</a> comme la visibilité du parc éolien, l’attitude des personnes exposées envers celui-ci, ou un lien d’intérêt particulier qu’entretiendrait un riverain avec le parc (intérêt pécuniaire par exemple).</p>
<p>Très peu d’études ont examiné les effets du bruit éolien sur les perturbations du sommeil, les maladies cardiovasculaires, les systèmes métaboliques ou endocriniens, la cognition ou la santé mentale. L’OMS souligne donc que les preuves concernant les effets du bruit éolien sur la santé sont soit inexistantes, soit de faible qualité.</p>
<p>Les émissions de bruit basses fréquences ou infrasonores provenant des éoliennes sont souvent évoquées comme source potentielle de risque sur la santé humaine ou animale.</p>
<p>Cependant, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), <a href="https://www.anses.fr/fr/content/exposition-aux-basses-fr%C3%A9quences-et-infrasons-des-parcs-%C3%A9oliens-renforcer-l%E2%80%99information-des">dans un avis de 2017</a>, ainsi que des <a href="https://doi.org/10.3390/ijerph18179133">travaux internationaux</a> plus récents concluent à l’absence d’argument scientifique suffisant en faveur de l’existence d’effets sanitaires liés à ces émissions et au manque d’études sur le sujet.</p>
<p>Cet avis indique toutefois que de réelles situations de mal-être peuvent être rapportées par des riverains, mais que leur imputabilité au bruit des éoliennes est complexe et reste très souvent difficile à établir.</p>
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<p>Si certaines théories relayées par des opposants (« Syndrome éolien » et « Vibro Acoustic Disease ») ont été jugées peu crédibles par cet avis, d’autres mécanismes d’effets restent à explorer, comme ceux qui pourraient concerner le système cochléo-vestibulaire et être à l’origine d’effets physiopathologiques. Situé dans l’oreille interne, ce système sensoriel contribue à la sensation de mouvement et à l’équilibre. On sait qu’il a une <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/AP2013SA0115Ra.pdf#page=11">sensibilité particulière aux basses fréquences et aux infrasons</a>.</p>
<p>Toutefois, si certains effets cellulaires ont été observés sur des animaux de laboratoire via des sons purs et intenses (mais n’équivalant pas forcément à un son de très basse fréquence chez l’être humain), <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/AP2013SA0115Ra.pdf#page=12">leur existence reste à démontrer dans le cas humain et pour des expositions sonores similaires à celles des éoliennes</a> (sons complexes, de moindre intensité sonore, mais de durée prolongée).</p>
<p>De tels effets pourraient apporter une explication à la gêne exprimée, qui serait parfois plus sévère que ne le laisseraient prévoir les estimations et mesures du champ acoustique, ou les connaissances établies concernant la sensibilité aux infrasons ou sons basses fréquences.</p>
<h2>Comprendre les effets sur la santé du bruit des éoliennes, notamment des infrasons</h2>
<p>Afin de pallier le manque actuel de connaissances, l’Organisation mondiale de la santé et, en France, l’Anses, ont recommandé la mise en œuvre d’études épidémiologiques portant sur un nombre important d’individus, utilisant des mesures objectives de l’état de santé des participants, et mesurant l’exposition au bruit des éoliennes de manière objective et standardisée pour un large éventail de niveaux sonores et de fréquences (en incluant les sons de basse fréquence et les infrasons).</p>
<p><a href="https://ribeolh.univ-gustave-eiffel.fr/">Le projet de recherche français « RIBEolH »</a> (Recherche des Impacts du Bruit EOLien sur l’Humain : son, perception, santé) a été mis en place pour répondre à ce besoin. En cours de réalisation, il a plusieurs objectifs :</p>
<ul>
<li><p>Évaluer les effets sur la santé du bruit audible, des sons de basse fréquence ou des infrasons, émis par les éoliennes, et de mieux comprendre la gêne exprimée par certains riverains ;</p></li>
<li><p>Identifier les mécanismes auditifs associés à la perception des infrasons et des sons de basse fréquence émis par les éoliennes ;</p></li>
<li><p>Mieux connaître les effets des infrasons sur l’oreille interne ou le système nerveux central humains.</p></li>
</ul>
<p>Pour y parvenir, le projet s’appuie sur deux volets complémentaires : une étude épidémiologique menée auprès de 1200 riverains de parcs éoliens en France et une étude psychoacoustique et physiologique.</p>
<p>Cette seconde étude consistera en la réalisation en laboratoire de mesures psychoacoustiques et physiologiques dans un environnement maîtrisé à l’aide de sons d’éoliennes mesurés ou synthétisés par un modèle physique pour différentes conditions de fonctionnement de ces éoliennes. Elle permettra de déterminer les paramètres qui ont un rôle important dans les effets du bruit émis par les éoliennes sur la sensation auditive et la gêne.</p>
<h2>Évaluer les conséquences du bruit des éoliennes sur le sommeil</h2>
<p>Un autre projet, appelé « EOLSOMnie » est destiné à mieux comprendre les effets du bruit des éoliennes sur le sommeil. Il consiste à mener une étude spécifique portant sur le sommeil auprès d’un sous-échantillon d’une centaine de participants à l’étude épidémiologique incluse dans le projet RIBEolH.</p>
<p>L’objectif est d’évaluer les effets du bruit audible émis par les éoliennes sur les paramètres individuels de sommeil et de déterminer si les sons de basse fréquence et les infrasons produits par les éoliennes modifient la physiologie du sommeil.</p>
<p>Les résultats de ces deux projets permettront d’alimenter de futurs travaux qui pourraient porter sur la préconisation de seuils de bruit applicables dans le cadre du développement éolien, et pour lequel les connaissances font actuellement défaut.</p>
<p>Mieux connaître les impacts du bruit émis par les éoliennes permettra de mieux les maîtriser, et de fournir un meilleur accompagnement du développement de l’énergie éolienne dans le respect de tous. Une étape importante pour pouvoir développer dans les meilleures conditions cette énergie renouvelable, dans le cadre de l’indispensable transition énergétique en cours.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201121/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne-Sophie Evrard a reçu des financements de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>David Ecotière a reçu des financements de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES)
</span></em></p>Le développement des parcs éoliens au cours des dernières années s’est accompagné d’un débat au sujet des potentielles nuisances sonores causées par ces installations. Que sait-on à ce sujet ?Anne-Sophie Evrard, Chargée de recherche en épidémiologie, Université Gustave EiffelDavid Ecotière, Chercheur en acoustique environnementale - Directeur adjoint de l’Unité Mixte de Recherche en Acoustique Environnementale (UMRAE), CeremaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1972892023-01-30T19:04:27Z2023-01-30T19:04:27ZComment nous associons un son à une forme : découvrez « l’effet bouba-kiki »<p>Supposons que je vous montre deux objets, l’un rond et l’autre pointu. Lequel, selon vous, s’appelle « bouba » et lequel « kiki » ? Votre réponse est généralement immédiate : le rond, c’est « bouba », et le pointu, c’est « kiki », bien sûr. Depuis <a href="https://de.wikipedia.org/wiki/Wolfgang_K%C3%B6hler_(Psychologe)">sa découverte il y a un siècle</a>, cet « effet bouba-kiki » pourrait paraître anecdotique. Bien au contraire, ce phénomène révèle en réalité plusieurs paradoxes intrigants, par rapport à ce que l’on sait du langage et de notre perception du monde.</p>
<p>Le premier paradoxe, c’est qu’il suggère que pour certains mots, il existe un lien entre les sons qu’ils contiennent et leur signification. Alors que, pour la plupart des mots des langues du monde, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ferdinand_de_Saussure#Arbitraire_du_signe">il n’y en a pas</a>.</p>
<p>Le deuxième paradoxe, c’est que bien qu’il appartienne au langage, cet effet est universel : on le retrouve à travers un grand nombre de <a href="https://doi.org/10.1016/j.cognition.2012.09.007">langues et de cultures différentes</a>.</p>
<p>Enfin, mes travaux chez le bébé suggèrent un troisième paradoxe : bien qu’universel, l’effet bouba-kiki ne semble <a href="https://doi.org/10.1111/desc.12659">pas être présent à la naissance</a>. Il ne serait pas codé génétiquement (ce qui pourrait expliquer son universalité), mais plutôt appris.</p>
<p>Comment donc peut-on apprendre que « bouba » est rond et « kiki » pointu ? Quelles que soient les langues et les cultures dont on dispose ?</p>
<h2>Les paradoxes résolus</h2>
<p>Nous avons récemment résolu ces trois paradoxes d’un coup, en démontrant que l’effet bouba-kiki ne viendrait pas du langage, mais de la <a href="https://doi.org/10.1038/s41598-022-23623-w">physique des objets</a>. Nous avons tout d’abord montré que, quand on y regarde de plus près, le mot « bouba », jugé rond, est en fait composé de sons plus graves et plus continus que « kiki », jugé pointu. Ensuite, on a montré que, justement, lorsqu’ils roulent sur le sol, les objets ronds produisent des sons plus graves et continus que les objets pointus. Ce serait donc en intégrant ces propriétés physiques des objets au langage que, pour l’humain, « bouba » est devenu universellement rond, à travers les langues et les cultures.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/507120/original/file-20230130-18-40pll8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/507120/original/file-20230130-18-40pll8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/507120/original/file-20230130-18-40pll8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/507120/original/file-20230130-18-40pll8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/507120/original/file-20230130-18-40pll8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/507120/original/file-20230130-18-40pll8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/507120/original/file-20230130-18-40pll8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/507120/original/file-20230130-18-40pll8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« Bouba » est rond et « kiki » pointu car l’humain a intégré son environnement physique dans le langage.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Pour analyser les stimuli de parole, on s’est d’abord tourné vers la phonétique, un champ de la linguistique. À l’aide d’un modèle reproduisant ce qu’entend l’oreille humaine et ce que perçoit notre cerveau, nous avons pu montrer que les sons de parole comme « bouba » ou « malouma », contiennent des sons plus continus et plus graves que « kiki » ou « takété », qui sont davantage discontinus et aigus.</p>
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<p>Quand on parle de continuité, on fait référence au fait que le son s’arrête ou pas. Ça, on l’entend assez bien : « bouba » et « malouma » sont plus doux à l’oreille (et donc continus) que « kiki » et takété » qui sont secs et saccadés.</p>
<p>Passons à l’aspect grave ou aigu du son de « bouba » ou « kiki » : là c’est plus difficile à entendre. Ce qu’on entend bien en général, c’est l’aspect grave ou aigu <em>principal</em> du son : il vient notamment de la vibration des cordes vocales pour la parole : notre voix est plus ou moins grave ou aiguë, on a chacun notre propre « fréquence fondamentale ».</p>
<p>Ce que l’oreille entend aussi ce sont les modulations graves-aiguës de notre voix en fonction des sons de parole que l’on prononce. Nos cordes vocales vibrent et le son est ensuite modulé en fonction de la forme de notre bouche et la position de notre langue quand on parle. Ça s’appelle la « fréquence spectrale » du son. Et c’est cet aspect grave-aigu précis, qui est différent entre « bouba » et « kiki », à travers une même voix.</p>
<h2>Un nouveau modèle</h2>
<p>Le <a href="http://www.ee.columbia.edu/%7Edpwe/resources/matlab/gammatonegram">modèle</a> que nous avons utilisé simule tout d’abord comment les sons de parole sont traités par l’oreille humaine. Ensuite, pour chaque son de parole, comme « kiki », notre modèle extrait deux indices qui simulent certains traitements effectués par notre cerveau. Le premier indice grave-aigu correspond dans notre modèle à l’équilibre entre les basses et les hautes fréquences (spectrales) de chaque son.</p>
<p>Le deuxième indice « calculé » par notre cerveau est l’indice de continuité, qui correspond mathématiquement à la différence d’intensité entre le son le plus fort et celui le plus faible de chaque stimulus. Enfin, ce modèle combine ces deux indices pour prédire à quel point chaque son de parole devrait être perçu comme plutôt rond ou plutôt pointu. On a ensuite comparé ces « scores de rondeur » issus du modèle avec ceux effectués par près de 400 adultes (parlant différentes langues) pour plus de 1000 sons de parole. Le modèle a obtenu des scores très proches des jugements humains, ce qui valide que ce sont bien ces deux indices (grave-aigu et continuité) qui sont à l’origine de l’effet bouba-kiki.</p>
<h2>Comment la physique des objets fait que « bouba » est rond et « kiki » pointu ?</h2>
<p>Nous nous sommes ensuite tournés vers le champ de la physique des objets et des mathématiques pour cette fois-ci analyser les caractéristiques des sons produits par des objets du quotidien. Nous avons mis en évidence que les sons produits par des objets ronds, lorsqu’ils roulent sur le sol, comme les sons de parole pour « bouba » ou « malouma », ont systématiquement un son plus continu et une fréquence spectrale grave que les sons produits par des objets pointus, de même taille. Pour la continuité, ça s’entend assez bien : une balle ronde et lisse qui roule va voir tendance à produire un son continu « whooooouuuuuu » alors qu’une balle avec des pics a plus tendance à produire un son discontinu « tak tak tak tak ».</p>
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<figcaption><span class="caption">Une balle ronde produit un son continu/YopMatYop.</span></figcaption>
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<figcaption><span class="caption">Une balle avec des pics produit un son discontinu/YopMatYop.</span></figcaption>
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<p>Pour le grave-aigu, ça s’entend moins facilement, mais on a pu démontrer mathématiquement une relation entre la forme d’un objet et la fréquence spectrale du son produit par cet objet. Plus précisément, on a pu mettre en évidence qu’à taille équivalente, c’est le périmètre d’une forme (le chemin pour contourner la forme) qui détermine la fréquence spectrale du son produit par cet objet : plus le chemin est court, plus le son pouvant être produit par cette forme est grave, et inversement. Or, entre une forme ronde et une forme pointue de taille équivalente, le périmètre d’une forme pointue est toujours plus grand.</p>
<p>C’est parce que l’humain a intégré ces propriétés physiques des objets dans le langage que « bouba » est devenu universellement rond. Cette découverte est importante, car elle montre que le langage des humains n’est pas « hermétique » à son milieu. Au contraire, il semble que notre langage est perméable à son environnement, et notamment aux caractéristiques des objets de notre quotidien.</p>
<p>Par ailleurs ces résultats ont aussi des conséquences importantes pour l’acquisition du langage chez l’enfant. En effet, cela montre que le langage ne serait pas appris indépendamment du reste des apprentissages, mais en constante interaction avec d’autres acquisitions. En d’autres termes, ces résultats suggèrent que la <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Na%C3%AFve_physics">sensibilité à certaines propriétés physiques des objets</a>, qui se développe dans les premières années de vie des enfants, viendrait interagir avec l’apprentissage de leur langue maternelle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197289/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mathilde FORT a reçu des financements de la Fondation de France, de l'Agence nationale de la Recherche. Elle travaille en tant que Maîtresse de Conférences au Laboratoire de Psychologie et NeuroCognition de l'Université Grenoble Alpes (CNRS UMR 5105), ainsi qu'au Centre de Neurosciences de Lyon (CNRS UMR 5292) à 'lUniversité Lyon 1.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-Luc Schwartz ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un phénomène universel où l’on associe le nom et la forme d’un objet, « l’effet bouba-kiki » n’est pas lié à la langue, mais plutôt à la physique des objets.Mathilde Fort, Maitresse de Conférences en Psycholinguistique et en Psychologie du Développement, Université Grenoble Alpes (UGA)Jean-Luc Schwartz, Directeur de Recherches au CNRS, en Traitement de la parole et Modélisation Cognitive, Institut polytechnique de Grenoble (Grenoble INP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1974362023-01-15T12:47:42Z2023-01-15T12:47:42ZComment les sons de la ville sont devenus de la « musique urbaine » dans le Japon des années 1920<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/504059/original/file-20230111-24-7muuq1.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C924%2C591&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Osaka au début du 20e siècle. </span> <span class="attribution"><span class="source">MeijiShowa | Alamy</span></span></figcaption></figure><p>Des distributeurs de billets, des ascenseurs et des escalators qui parlent. Des jingles dans les grands magasins, les gares, les supermarchés et les galeries marchandes. Des avertissements par haut-parleurs sur les dangers du bus ou du train, superposés aux sirènes, aux klaxons des voitures, à la circulation et aux piétons. « Pour une culture qui accorde une grande importance au calme », a écrit un jour le <a href="https://www.japantimes.co.jp/life/2014/10/10/lifestyle/making-noise-keeping-decibels/">journaliste américain Daniel Krieger</a>, « le Japon peut parfois être très bruyant ».</p>
<p>Le militant antibruit japonais Yoshimichi Nakajima parle des gens qui <a href="https://www.japantimes.co.jp/life/2014/10/10/lifestyle/making-noise-keeping-decibels/">« marinent dans le bruit »</a>. Il affirme que la passivité et l’ignorance sont au cœur de la relation de son pays avec la pollution sonore. Les Japonais ne font pas attention au bruit, dit-il, ils le remarquent à peine.</p>
<p>Si la <a href="https://theconversation.com/our-centuries-long-quest-for-a-quiet-place-94614">pollution sonore</a> est un problème contemporain, la manière de la mesurer, de la contrôler et même de la définir fait depuis longtemps l’objet d’un débat au Japon. Mes <a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/oa-edit/10.4324/9781003143772-8/hell-modern-sound-martyn-david-smith">recherches montrent</a> que c’était particulièrement évident dans les débats au sujet du langage utilisé pour discuter du paysage sonore urbain dans les années 1920 et 1930.</p>
<h2>Un paysage sonore en mutation</h2>
<p>À partir des années 1860, alors que le gouvernement japonais importait des technologies de l’Ouest pour créer un État-nation moderne, la vie dans les villes japonaises s’est rapidement mécanisée, façonnée par les transports et l’industrie. Ce processus a également transformé le <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC9223413/">paysage sonore</a>.</p>
<p>En septembre 1902, un « M. A, victime » a écrit au <em>Japan Times</em> pour se plaindre de la quantité excessive de sifflements de bateaux à vapeur et de cloches d’usines sur et autour de la rivière Sumida à Tokyo. Le bruit causé par les projets de génie civil empiète de plus en plus sur la vie quotidienne, car les urbanistes repensent les grandes villes, posent des fondations en béton, construisent des métros et imaginent de nouveaux paysages urbains.</p>
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<p>Dans les rues des villes, les pousse-pousse, les chariots tirés par des chevaux et des bœufs, les charrettes et les piétons sont désormais en concurrence avec les bicyclettes, les tramways, les trains, les voitures et les motos. À Osaka – qui, dans les années 1920, était la sixième plus grande métropole du monde – le nombre de voitures, camions et motos a explosé, passant de 39 en 1915 à 6 886 en 1935.</p>
<p>Dans les médias, les commentateurs se déchaînent. L’édition du 2 février 1929 du journal <em>Osaka Asahi</em> décrit cet environnement comme « un enfer de sons modernes » qui donne naissance à « la maladie de la civilisation ». Et l’édition du 9 octobre 1931 de l’<em>Osaka Mainichi</em> qualifiait le bruit de la ville de « barbarie de la civilisation ».</p>
<p>Les universitaires, eux, adoptent un point de vue plus nuancé. Dans des revues telles que <em>Urban Problems</em>, des ingénieurs, des architectes et des acousticiens discutent de l’urgente nécessité d’une définition commune du bruit urbain comme préalable à toute recherche de solution.</p>
<h2>Définir le bruit urbain</h2>
<p>Le système d’écriture japonais utilise des alphabets phonétiques (hiragana et katakana) et des caractères chinois (kanji).</p>
<p>Si différents caractères chinois peuvent souvent avoir la même prononciation, les deux caractères pris séparément ont des significations différentes. Par exemple, le kanji utilisé pour « ondes sonores » est 音響, prononcé <em>onkyou</em> ; c’est un composé de 音 (<em>on</em>, « son ») et 響 (<em>kyou</em>, « écho ou réverbération »).</p>
<p>Dans les discussions du début du XX<sup>e</sup> siècle sur le problème du bruit dans les médias grand public, les composés 騒音 et 噪音, tous deux prononcés <em>souon</em>, étaient utilisés de manière interchangeable pour impliquer le « bruit ».</p>
<p>Pour les spécialistes, cependant, le problème pour parvenir à une définition commune du bruit urbain était que ces deux composés désignaient des choses légèrement différentes. Pour les physiciens, 噪音 désigne des ondes sonores compliquées qui se répètent rarement et peuvent changer de volume et de moment. Il est donc utilisé pour distinguer les sons indésirables et les interférences auditives des ondes sonores mélodieuses dont le volume et le rythme sont relativement constants – de la musique, en d’autres termes, ou en japonais, 音楽, prononcé <em>ongaku</em>.</p>
<p>Mais comme l’a fait remarquer le physicien Kohata Shigekazu dans <em>Urban Problems</em> en septembre 1930, cet usage a effectivement relégué au rang de « bruits » indésirables de nombreux sons courants de la vie urbaine quotidienne et du monde naturel. En raison de leurs fréquences diverses, qui changent constamment, toutes sortes de sons organiques et aléatoires pourraient être qualifiés de 噪音 : ceux du vent et de l’eau, des pas, ou les bruits des gens qui se promènent.</p>
<p>Pour tenter de résoudre ce dilemme, l’architecte Satou Takeo a proposé dans le même journal que le premier kanji <em>souon</em> – 騒音 – soit utilisé pour désigner tout bruit ayant un effet désagréable dans la vie quotidienne. Son raisonnement était que le premier caractère de ce composé – 騒, <em>sou</em> – implique « tapageur ou turbulent » : pris dans son ensemble, le composé signifie littéralement « son turbulent ». Aujourd’hui, 騒音 fait effectivement référence au bruit qui entrave la paix et la tranquillité, interfère avec la transmission de sons organisés tels que la musique ou la conversation, ou porte atteinte à l’audition ou à la santé.</p>
<p>Ces débats savants se sont poursuivis, attirant de plus en plus d’experts. En 1933, l’architecte Kinichi Hirose espérait régler la question en proposant <em>kensouon</em> (喧噪音), qui ajoutait le symbole de « tapageur, bruyant, bagarreur » (喧, <em>yakamashii</em>) à ce premier composé. Le point de vue de Hirose était que le problème de la pollution sonore était l’environnement sonore engendré par les machines modernes : les sons discordants des transports, du génie civil et des techniques de construction. C’est le « bruit de la ville » (都市喧噪音, <em>toshi kensouon</em>).</p>
<p>En revanche, les sons que Hirose considérait comme faisant partie intégrante de l’attrait esthétique de la vie urbaine – bruits de pas, chants, radios qui hurlent et commerçants qui crient dans la rue – doivent être compris comme de la « musique urbaine » (都市音楽, <em>toshi ongaku</em>).</p>
<h2>Un débat mondial</h2>
<p>Des débats similaires étaient en cours dans le monde nouvellement industrialisé. L’historien James G Mansell <a href="https://academic.oup.com/illinois-scholarship-online/book/23567">a montré</a> comment, au Royaume-Uni, les gens considéraient au début du 20e siècle que leur pays était entré dans « l’âge du bruit ». Dans ce contexte, les préjugés de classe ont influencé la définition du bruit urbain. A travers cette expression, on visait les marchands ambulants et les colporteurs.</p>
<p>Aux États-Unis, l’historien Raymond Smilor <a href="https://www.jstor.org/stable/40641255?searchText=Raymond+Smilor&searchUri=%2Faction%2FdoBasicSearch%3FQuery%3DRaymond%2BSmilor&ab_segments=0%2Fbasic_search_gsv2%2Fcontrol&refreqid=fastly--default%3A30ab7046e8032ef3b5e80ef58a47e820&seq=1#metadata_info_tab_contents">raconte</a> dans un article de 1977 intitulé « Cacophony at 34th and 6th » que des gens de toutes les classes sociales se sont regroupés pour faire campagne contre le bruit parce que « le bruit est un problème qui touche tout le monde intimement ».</p>
<p>Les gens ne se contentaient pas de plaider pour le calme, écrivait Smilor. Ils étaient aux prises avec les complexités et les incertitudes de ce qu’il appelait une société entièrement « nouvelle et déroutante ».</p>
<p>Celle-ci, à son tour, a donné naissance à une <a href="http://pzacad.pitzer.edu/%7Emma/teaching/MS115/readings/thompson.pdf">nouvelle économie</a>. Alors que les acousticiens développaient l’insonorisation, la science moderne de l’acoustique était présentée comme capable d’apporter des solutions au problème du bruit.</p>
<p>Même si cela s’est avéré vain – les villes sont devenues de plus en plus bruyantes – on peut observer au Japon, dans les années 1920 et 1930, une ruée similaire vers l’éradication du bruit de la part d’experts, de scientifiques, de conglomérats, de commerçants et de l’État lui-même. Pour certains, cependant, les sons des villes n’avaient rien d’une cacophonie. Ils ont simplement donné naissance à une musique d’un genre nouveau : la symphonie urbaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197436/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Martyn Smith ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au début du 20e siècle, l’avènement des sons de la modernité avait de quoi dérouter. Pour certains, ce n’était que de la pollution sonore ; pour d’autres, une nouvelle forme d’art.Martyn Smith, Lecturer in Japanese Studies, University of SheffieldLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1914442022-09-27T20:00:08Z2022-09-27T20:00:08ZPourquoi entend-on le bruit de l’océan en collant un coquillage à son oreille ?<p>Cet été, mes enfants et moi avons ramassé beaucoup de coquillages et nous adorons les coller à notre oreille pour nous rappeler le son de la mer.</p>
<p>Pourtant, ils ne produisent pas de bruit par eux-mêmes, alors que se passe-t-il ?</p>
<h2>Les coquillages sont des « attrapeurs » de bruits</h2>
<p>Chaque coquillage a une forme unique. Les coquillages creux et courbés peuvent « attraper » certains des sons qui nous entourent. C’est à ce moment-là que le son entre dans l’ouverture du coquillage.</p>
<p>Une fois dans la coquille, ces sons rebondissent. Ainsi, les sons deviennent légèrement plus forts (ils sont amplifiés) avant de quitter la coquille.</p>
<p>Les sons que les coquillages captent ont tendance à être ce que les scientifiques appellent des sons de basse fréquence : des sons plus profonds, qui grondent.</p>
<p>Le son de l’océan est également un son de basse fréquence. C’est pourquoi il ressemble aux sons captés par un coquillage.</p>
<h2>Qu’est-ce que j’entends ?</h2>
<p>Le son que tu entends lorsque tu poses un coquillage contre ton oreille est en fait une partie du bruit de fond qui t’entoure, qui est juste un peu amplifié par le coquillage.</p>
<p>Ainsi, si tu es près de l’océan, le coquillage capte les sons de l’océan. Si tu es loin de l’océan, le coquillage capte d’autres sons profonds, comme le vent ou le réfrigérateur.</p>
<p>Il y a presque toujours une sorte de bruit de fond autour de nous que le coquillage peut capter, même quand c’est très calme.</p>
<p>Lorsque le coquillage augmente le son, cela signifie que tu peux l’entendre par-dessus les autres bruits de fond qui t’entourent.</p>
<h2>Ce n’est pas qu’une histoire de coquillages</h2>
<p>Les sons sont souvent amplifiés dans la nature. Ça ne marche pas seulement avec les coquillages.</p>
<p>En fait, nos propres oreilles sont façonnées pour amplifier certains sons.</p>
<p>Si tu colles une tasse vide à ton oreille,tu entendras peut-être un son semblable à celui de la mer. Mais il y a quelque chose de spécial à tenir un coquillage dans sa main, en sachant qu’il vient de la plage. Parfois, le coquillage a même l’odeur de la plage.</p>
<p>Même si ce n’est pas vraiment le son de la mer que tu entends, si tu fermes les yeux et écoutes attentivement, tu auras presque l’impression d’être de retour au bord de l’eau.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.dianerottner.com/">Diane Rottner</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p><em>Si toi aussi tu as une question, demande à tes parents d’envoyer un mail à : <a href="mailto:tcjunior@theconversation.fr">tcjunior@theconversation.fr</a>. Nous trouverons un·e scientifique pour te répondre</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191444/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chris Brennan-Jones ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment fonctionne cette drôle et poétique expérience ?Chris Brennan-Jones, Head of Ear Health, Telethon Kids Institute, Curtin UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1855222022-06-30T16:58:13Z2022-06-30T16:58:13ZQuand Bill Fontana redonne vie aux cloches de Notre-Dame<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/471865/original/file-20220630-18-4k0ff9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C0%2C914%2C479&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un capteur posé sur une des cloches de Notre-Dame, dans le cadre de l'installation de Centre Pompidou. </span> <span class="attribution"><span class="source">Bill Fontana</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Sur la terrasse du 5e étage du Centre Pompidou, <a href="http://www.resoundings.org/">l’artiste Bill Fontana</a> nous fait entendre en « live » les vibrations permanentes des cloches de Notre Dame alors qu’elles sont totalement inaudibles pour l’oreille. C’est là une magnifique et <a href="https://manifeste.ircam.fr/agenda/silent-echoes-notre-dame/detail/">impressionnante installation sonore</a> produite dans le cadre du festival Manifeste 2022 de l’IRCAM (Institut de recherche et coordination acoustique/musique). Ce son inhabituel des cloches (muettes depuis l’incendie) nous fait retrouver Notre Dame de Paris.</p>
<p>En 2016, dans un article intitulé : <a href="https://www.echosciences-grenoble.fr/articles/good-vibrations-1-3-bill-fontana-l-artiste-qui-sculpte-le-bruit-du-monde">« Bill Fontana, l’artiste qui sculpte le bruit du monde »</a>, j’écrivais en physicien combien le travail de sculpteur sonore de Bill Fontana m’intéressait : « Tout vibre autour de nous, mais le plus souvent on ne perçoit pas cette vibration du monde. On peut pourtant passer sa vie à jouer avec ces vibrations et les rendre perceptibles. C’est ce que fait l’artiste Bill Fontana depuis 45 ans, par exemple en enregistrant le son des cloches de la Basilique Saint-Denis causé seulement par les bruits du marché sur la place en contrebas. »</p>
<h2>La technologie pour entendre du bruit</h2>
<p>Bill Fontana <a href="https://www.resoundings.org/">a passé sa vie</a> à coller des accéléromètres sur un grand nombre de monuments, de cloches, de gongs, de ponts… dans le monde entier pour donner à entendre leurs vibrations mécaniques induites par le bruit ambiant.</p>
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<p>Car tout bouge autour de nous. Si ces vibrations sont normalement inaudibles et ignorées, elles sont bien présentes et bien connues des scientifiques et des ingénieurs. Ces bruits peuvent s’insinuer dans la mesure d’un signal et sont donc la plupart du temps une nuisance… Des micro-accéléromètres sensibles à ces vibrations sont issus de la micro/nanoélectronique à la fin du XX<sup>e</sup> siècle. Ils sont maintenant partout sur Terre, et notamment dans chaque smartphone. Vous pouvez ainsi jouer comme Bill Fontana à enregistrer ce bruit du monde. Pour voir ce bruit, vous pouvez utiliser l’application des professeurs de physique <a href="https://phyphox.org/">PhyPhox</a> qui vous permet de manipuler tous les capteurs du smartphone. Les physiciens à l’origine de PhyPhox tracent des courbes et ne transforment pas ces bruits mécaniques pour nourrir notre perception. C’est ce qu’ont fait Bill Fontana et l’IRCAM pour donner à entendre ici le son permanent des cloches de Notre Dame.</p>
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<h2>Les vibrations du monde décrites par la physique</h2>
<p>Quand j’ai découvert, il y a quelques jours, que Bill Fontana <a href="https://www.ircam.fr/agenda/silent-echoes-notre-dame/detail">avait installé <em>Silent Echoes</em></a>, nom de son œuvre en mouvement depuis des années, entre le Centre Pompidou et Notre-Dame, je n’ai d’abord manifesté qu’un intérêt poli. Après les cloches de la Basilique Saint-Denis, le Millenium Bridge à Londres, des cloches dans des temples au Japon, etc. on peut bien sûr continuer, mais pourquoi faire, est-on tenté de dire ? On a compris le propos. J’avais adoré, mais j’étais passé à autre chose.</p>
<p>Mon approche du travail de Bill Fontana est d’abord celle d’un physicien spécialiste des vibrations thermiques des micro/nanostructures. Cela parait très loin des cloches de Notre Dame. Et pourtant pour tous les physiciens, tous les mécaniciens, finalement tous ceux, chercheurs de l’IRCAM compris, pour lesquels cette phrase « étude de la réponse en fréquence d’un système linéaire soumis en entrée à un bruit large bande » a une signification claire, c’est finalement la même chose.</p>
<p>Dans nombre de situations, les physiciens travaillent d’ailleurs d’arrache-pied pour sinon supprimer, au moins isoler leurs expériences des bruits que donnent à entendre Bill Fontana. Un de ces plus beaux systèmes, protégé comme on ne l’a jamais vu de toutes les vibrations mécaniques extérieures d’où qu’elles viennent, est <a href="http://public.virgo-gw.eu/language/fr/">l’observatoire européen Virgo</a> pour la détection des ondes gravitationnelles. Le physicien <a href="https://www.youtube.com/watch?v=SW2-2oDjMrA">Alain Brillet, médaille d’or du CNRS en 2017</a>, passe beaucoup de temps dans ces conférences sur l’instrument au cœur de Virgo, à expliquer comment ses miroirs sont un des systèmes les plus isolés sur Terre.</p>
<p>Ainsi j’avais été d’abord fasciné par cette mise en œuvre artistique des micro-accéléromètres aujourd’hui dans notre quotidien, mais issus d’une technologie d’un niveau inouï. Probablement le cœur de ma lecture de son œuvre il y a quelques années. La terrasse du Centre Pompidou avec cette nouvelle installation allait me rappeler qu’une œuvre d’art intéressante est multiple, et peut se renouveler complètement dans les yeux de son regardeur. Un vrai choc.</p>
<h2>Mea Culpa</h2>
<p>En fait je n’avais l’expérience du travail de Bill Fontana qu’à travers ses vidéos, ses textes, aussi par le travail d’étudiants que j’avais encadrés sur des projets « Learning by doing » très inspirés par ses créations comme <a href="https://www.echosciences-grenoble.fr/articles/good-vibrations-2-3-l-approche-tech-free">« Good vibrations : The Jelly Vibration, projet No Tech ! »</a>.</p>
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<p>Je n’avais donc jamais été présent à l’une de ses œuvres « en live », corps et esprit rassemblés. Résultat, malgré la canicule en ce mois de juin 2022, je suis resté deux heures sur la terrasse du Centre Pompidou face à Notre-Dame à écouter cette vibration permanente des cloches donnée à entendre là pour la première fois. Tout d’abord, et même si je ne suis pas capable d’en apprécier toutes les subtilités, j’ai admiré le travail de sonorisation de l’espace de la terrasse avec ces haut-parleurs qui la ceinturent, et même en plein air, plongent les spectateurs au cœur du son. Il est là partout enveloppant, hypnotique, changeant, mais permanent. « La mer, la mer, toujours recommencée ! » a écrit Paul Valéry. Vrai aussi pour la vibration des cloches de Notre Dame. Elles vibrent ainsi depuis qu’elles existent, et vibreront tant qu’elles existeront, en réponse aux bruits de Paris.</p>
<h2>Une foule de souvenirs</h2>
<p>Comme tout le monde, je ne suis pas entré dans Notre Dame depuis l’incendie, et ma prochaine visite risque d’attendre un peu. L’après-midi du 15 avril 2019, avec des chercheurs, des enseignants et des étudiants, j’étais face à Notre Dame en feu, dans le Marais, sur le toit du Centre de Recherches Interdisciplinaires de l’Université Paris Cité, sidéré et figé comme tous, effondré quand la flèche est tombée. Et puis, trois ans plus tard, je suis sur cette terrasse du Centre Pompidou, Notre Dame est là, en face. Paris et ses bruits sont partout. Le son des cloches sort des haut-parleurs autour de moi, et m’installent au cœur de la cathédrale qui a survécu malgré l’ampleur des destructions.</p>
<p><a href="https://youtu.be/E9jW0hYDD4U">C’est un son</a> que je n’ai jamais entendu, mais c’est évidemment celui des cloches. Il est là. Toujours là. Et il fait revenir ces moments qui vous constituent. À cet instant-là, vous n’y pouvez rien. Dans <em>Corto Maltese</em>, Hugo Pratt fait dire à un soldat écossais : </p>
<blockquote>
<p>« Ils m’ont toujours fait de la peine ceux qui écoutent une cornemuse… sans être écossais. » </p>
</blockquote>
<p>Vous êtes débordé : Notre Dame, Victor Hugo, les images de la Libération de Paris, et ce moment épouvantable, mais ensemble sur ce toit au printemps 2019. Le 3 mars 2022, en pensant à l’Ukraine martyrisée et pour la paix en Europe, le bourdon de Notre Dame a sonné, se joignant à d’autres cloches partout sur le continent. Après l’incendie, il a fallu manipuler le battant à la main.</p>
<p>Bien sûr, j’ai aussi utilisé mon smartphone. L’application PhyPhox m’a permis d’enregistrer le son des haut-parleurs et de calculer des dizaines de spectres audio. Pour construire toute ma présence dans cette œuvre, j’avais besoin de m’ancrer en cherchant à identifier les fréquences de résonance des différentes cloches, c’est-à-dire leurs notes. Très belles courbes. Chacun approche une œuvre artistique comme il le souhaite… ou comme il est ! L’artiste Bill Fontana a réussi à me retourner et j’en ai été très heureux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185522/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Joël Chevrier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Bill Fontana a passé sa vie à coller des accéléromètres sur un grand nombre de monuments, dans le monde entier, pour donner à entendre leurs vibrations mécaniques induites par le bruit ambiant.Joël Chevrier, Professeur de physique, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1805372022-05-27T13:27:24Z2022-05-27T13:27:24ZL’océan n’est pas un monde silencieux<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/462574/original/file-20220511-15-s0w533.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C1%2C988%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'aspect sonore du milieu marin a souvent été sous-estimé, principalement parce qu'il n'est pas audible par l'oreille humaine.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Pendant longtemps, les grands explorateurs de la mer ont utilisé leur regard pour dévoiler les secrets du milieu marin, sous-estimant son aspect sonore. En effet, l’océan a été longtemps considéré comme une planète privée de toute sonorité.</p>
<hr>
<p>
<em>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-coraux-nous-parlent-et-ils-nous-en-disent-beaucoup-sur-eux-129866">Les coraux nous parlent, et ils nous en disent beaucoup sur eux</a>
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</em>
</p>
<hr>
<p>Cette croyance naît lorsque le commandant Jacques-Yves Cousteau et ses compagnons réalisent l’un des plus remarquables longs métrages sur l’environnement marin, intitulé « Le Monde du silence ». En effet, les plongeurs ont souvent l’impression d’aller à la rencontre d’un univers calme et assourdi, où les principaux moyens de communication entre les animaux sont déterminés à travers l’image et la chimie. Or, aujourd’hui, de nombreuses études soulignent l’importance du facteur sonore pour une multitude d’espèces marines. Notamment, les cétacés sont reconnus par le grand public pour être d’excellents orateurs des océans, pouvant communiquer à plus de 2 000 km de distance.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/_OGECa4jFME?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bande-annonce du documentaire sur la vie et l’œuvre de l’explorateur Jacques-Yves Cousteau.</span></figcaption>
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<p>Alors, est-ce possible que même les plus petits animaux habitant le fond de la mer, qui jouent un rôle fondamental dans le maintien des équilibres des écosystèmes, puissent communiquer entre eux à travers le son ?</p>
<p>Je tenterai de répondre à cette question dans le cadre de mes études doctorales à l’UQAR. L’objectif de notre équipe de recherche sera de déterminer si la pollution sonore a des effets importants sur le comportement et la communication des animaux marins.</p>
<h2>Le son est essentiel à la vie des animaux marins</h2>
<p>Des <a href="https://doi.org/10.1080/09524622.2022.2070542">études récentes</a> démontrent que le paysage sonore et les sons émis par les animaux eux-mêmes jouent un rôle important dans la régulation de différents aspects de la vie des invertébrés (animaux dépourvus de squelette interne) marins. Dès leur plus jeune âge, les minuscules larves flottantes de moules, pétoncles et huîtres semblent influencées par le bruit présent dans l’environnement qui les entoure. Contre toute attente, il semblerait en effet que ces larves soient attirées par les bruits ! Ainsi, on constate par exemple que les larves d’huîtres sont plus susceptibles de s’installer dans un environnement exposé au son produit <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0079337">par leurs congénères</a>. Cela représenterait pour elles un excellent indice d’un lieu propice à la vie.</p>
<p>Le son demeure également un aspect fondamental pour la survie des animaux à l’âge adulte. Et aussi pour leur reproduction ! Certaines espèces de mollusques pourraient en effet percevoir le paysage acoustique qui les entoure afin de synchroniser leur fraie saisonnière, et ainsi <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0185353">accroître les chances de fécondation</a>. Chez les crustacés, des études suggèrent que les individus mâles de homard européen produisent des sons bourdonnants <a href="https://doi.org/10.1242/jeb.211276">lors de rencontres compétitives</a>. Ce son est produit grâce aux vibrations de la carapace et est caractérisé par de très basses fréquences (100 Hz), qui sont censées repousser les compétiteurs. Cette stratégie de communication est adoptée par différentes espèces marines et terrestres afin d’annoncer leur présence à leurs adversaires. Ainsi, l’objectif des protagonistes est d’éviter tant que possible les affrontements physiques qui pourraient se révéler très coûteux et dommageables pour les deux parties.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/462575/original/file-20220511-26-o5ytpo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="homard dans la mer sur un fond rocheux" src="https://images.theconversation.com/files/462575/original/file-20220511-26-o5ytpo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/462575/original/file-20220511-26-o5ytpo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/462575/original/file-20220511-26-o5ytpo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/462575/original/file-20220511-26-o5ytpo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/462575/original/file-20220511-26-o5ytpo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/462575/original/file-20220511-26-o5ytpo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/462575/original/file-20220511-26-o5ytpo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les homards émettent des sons bourdonnants afin d’éviter les affrontements physiques avec des compétiteurs potentiels.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Les sons peuvent être aussi utilisés par les invertébrés marins pour communiquer à leurs congénères la présence d’un danger, comme <a href="https://doi.org/10.1111/j.1095-8312.2010.01443.x">l’arrivée d’un prédateur</a>. Il est alors possible que le claquement des valves d’un pétoncle en fuite, ou alors le battement rythmique contre le fond de la coquille d’une limace de mer, représentent un signal d’avertissement pour les autres individus de la population. Aussi, les attaques de poulpe sembleraient provoquer une réponse défensive de la part de la langouste, qui tenterait de décourager l’agresseur en <a href="https://doi.org/10.3354/meps08957">émettant des bruits intimidants</a>.</p>
<h2>La pollution sonore des océans : un enjeu de taille</h2>
<p>L’eau représente un excellent milieu pour la propagation sonore, <a href="https://doi.org/10.1016/j.ijnaoe.2020.07.008">bien meilleur que l’air</a>. C’est pour cette raison qu’il est réaliste de penser qu’une grande majorité d’animaux marins obéissent aux signaux sonores. Jusqu’à présent, ce phénomène a été largement négligé, en grande partie parce que la sonorité des océans reste inaudible à nos oreilles. Or, il serait possible pour « l’oreille » d’un crabe de percevoir les fonds marins comme une longue succession de sons et de bruits différents.</p>
<p>De nombreuses questions demeurent encore sans réponse pour le moment, mais les progrès technologiques de l’ère moderne nous permettent de contourner de nombreuses contraintes en nous faisant découvrir d’autres merveilles que l’océan gardait encore secrètes.</p>
<p>Une chose reste certaine : récemment, les activités humaines ont introduit dans le milieu marin une série de nuisances sonores auxquelles les organismes doivent s’adapter. La construction de nouvelles infrastructures et le transport de marchandises sont des sources de pollution toujours plus courantes dans nos mers. Autour du Grand Nord, l’ouverture de nouvelles routes commerciales à la suite de la <a href="https://doi.org/10.1016/j.marpolbul.2017.08.002">fonte des glaces marines</a> créera de nouveaux paysages acoustiques dont les effets sur la faune locale restent à vérifier.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/462576/original/file-20220511-14-jmmkm2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="navire de marchandise sur une mer glacée" src="https://images.theconversation.com/files/462576/original/file-20220511-14-jmmkm2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/462576/original/file-20220511-14-jmmkm2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/462576/original/file-20220511-14-jmmkm2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/462576/original/file-20220511-14-jmmkm2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/462576/original/file-20220511-14-jmmkm2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/462576/original/file-20220511-14-jmmkm2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/462576/original/file-20220511-14-jmmkm2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le transport de marchandises représente une source de pollution sonore pour la faune marine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Aujourd’hui les scientifiques ont déjà démontré que la dégradation sonore du milieu naturel peut avoir des répercussions imposantes sur la physiologie et le comportement animal. On observe que de nombreuses espèces sont extrêmement sensibles au bruit anthropique (d’origine humaine), car celui-ci couvre des fréquences facilement perceptibles par les invertébrés marins.</p>
<p>Sachant que le recours au son dans l’environnement marin est largement plus répandu que ce que l’on pensait dans le passé, il est essentiel de définir attentivement les conséquences d’une augmentation de la pollution sonore dans nos océans.</p>
<p>Ainsi, la gestion devra être adaptée pour limiter la propagation de bruits nuisibles à la vie, permettant aux nombreux habitants des océans de retrouver leur environnement sonore habituel.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180537/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thomas Uboldi a reçu des financements de l'Institut France Quebec Maritime (IFQM) pour la réalisation de son project doctoral. </span></em></p>L’océan est souvent considéré comme un univers silencieux. Or, aujourd’hui, de nombreuses études soulignent l’importance du paysage sonore pour une multitude d’espèces marines, petites et grandes.Thomas Uboldi, Phd candidate in Oceanography, Université du Québec à Rimouski (UQAR)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1740982022-01-12T20:35:31Z2022-01-12T20:35:31ZUn violon africain ? Une nouvelle étude détermine quels bois locaux pourraient servir à sa fabrication<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/439197/original/file-20220103-37443-iumct6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C4%2C914%2C548&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les deux violons conçus par les chercheurs.</span> <span class="attribution"><span class="source">Martina Meincken</span></span></figcaption></figure><p>Les bois de résonance sont des essences qui possèdent certaines caractéristiques recherchées les rendant propres à la fabrication d’instruments de musique, comme les bois ou les instruments à cordes – par exemple une flûte ou un violon. Tout bon bois de résonance doit être coupé radialement, ce qui signifie que les lignes formées par les anneaux de croissance du bois sont parfaitement parallèles à la surface. Il doit avoir un grain régulier, être dépourvu de défauts et ne pas se rétracter ni gonfler notablement en cas de changements climatiques.</p>
<p>Dans le monde entier, les violons sont le plus souvent fabriqués à partir de <a href="https://caseytrees.org/2019/07/tonewoods/">bois de résonance d’épicéa ou d’érable</a>, des arbres qui poussent dans l’hémisphère nord. Et si les bois africains endémiques de l’hémisphère sud étaient utilisés pour créer un violon africain ? Nous <a href="https://sajs.co.za/article/view/11175">avons entrepris</a> de tester les différents bois du continent et avons trouvé quatre espèces qui pourraient faire l’affaire, et même très bien fonctionner. Nous avons donc créé deux violons complets à partir de ces bois pour en tester la sonorité.</p>
<h2>Quel est le bon bois pour un violon ?</h2>
<p>La caisse de résonance fait partie du corps du violon. Elle est faite de bois qui doivent résonner en amplifiant l’oscillation – la vibration – des instruments à cordes. La caisse doit être légère mais suffisamment rigide pour supporter la tension des cordes et doit bien propager le son dans le sens du grain du bois. Si la densité du bois n’est pas régulière, les ondes sonores risquent de se disperser. Cela devrait faire des essences de bois (sub)tropicales de bonnes candidates à la fabrication de caisses de résonance, étant donné que l’absence de saisons de croissance bien marquées rend les cernes (anneaux) du bois presque invisibles et ses variations de densité minimales.</p>
<p>Cependant, les violons de haute qualité sont fabriqués à partir des mêmes essences de bois dans le monde entier : l’épicéa pour la table d’harmonie (partie supérieure de la caisse) et l’érable pour le fond (partie inférieure de la caisse). Alors que les fabricants de guitares semblent davantage oser se servir d’essences différentes, les fabricants de violons ont tendance à n’utiliser que ces espèces traditionnelles. Le bois de haute qualité provient généralement de régions au climat froid comme le Canada ou les Alpes, où les arbres poussent plus lentement, ce qui donne au bois une structure uniforme avec moins de variations de densité.</p>
<p>La table d’harmonie sur le devant du violon doit bien transmettre le son, tandis que le fond à l’arrière doit avoir un module d’élasticité élevé pour soutenir la table d’harmonie tout en permettant au son de bien se propager. Les deux parties doivent avoir une densité relativement faible pour éviter un poids excessif qui rendrait l’instrument difficile à manier pour le musicien.</p>
<p>Compte tenu de toutes ces caractéristiques, notre équipe de recherche a <a href="https://sajs.co.za/article/view/11175">analysé les propriétés</a> de plusieurs bois du sud de l’Afrique afin d’identifier de possibles alternatives pour la fabrication de violons. Nous avons finalement établi que le <a href="http://pza.sanbi.org/podocarpus-latifolius">bois jaune</a> du (<em>Podocarpus latifolius</em>), un conifère, et le <a href="https://knysnawoodworkers.co.za/articles/characteristics-of-our-indigenous-trees/blackwood-acacia-melanoxylon/">mimosa à bois noir</a>, (<em>Acacia melanoxylon</em> qui n’est pas à proprement parler endémique mais s’est implanté dans les forêts naturelles du sud-ouest de l’Afrique du Sud depuis le début des années 1900) feraient de bonnes tables d’harmonie. Endémique d’Afrique de l’Ouest, le <a href="https://pfaf.org/user/Plant.aspx?LatinName=Entandrophragma+cylindricum">sapelli</a> (<em>Entandrophragma cylindricum</em>) et l’<a href="http://pza.sanbi.org/olinia-ventosa"><em>Olinia ventosa</em></a> d’Afrique du Sud seraient mieux adaptés à la fabrication de fonds.</p>
<h2>Tester le violon africain</h2>
<p>Hannes Jacobs est un luthier professionnel de Prétoria en Afrique du Sud. Un luthier est une personne qui fabrique des instruments à cordes. Il a accepté de créer un violon grandeur nature à partir de podocarpus latifolius et de sapelli. Nous voulions nous assurer que la qualité de l’instrument serait comparable à celle de ceux du commerce.</p>
<p>La qualité du son de cet instrument, appelé « violon africain » a ensuite été comparée à celle d’un violon fabriqué à partir de bois traditionnels par le même luthier, avec les mêmes techniques. Un même musicien a ensuite joué des deux instruments avec le même archet.</p>
<p>La qualité du son des deux violons a été déterminée en enregistrant les spectres de fréquences audibles – ou plages audibles – de chaque note pour analyser les différents partiels discernables. Les partiels sont des tons musicaux qui font partie de la série harmonique au-dessus d’une note fondamentale. Une bonne qualité de son nécessite en général de nombreuses harmoniques dans les hautes fréquences.</p>
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<figcaption><span class="caption">Ecoutez ici le son des violons en bois africains.</span></figcaption>
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<p>Plusieurs musiciens ont joué de ce violon africain en diverses occasions, et tous <a href="https://sajs.co.za/article/view/11175">s’accordent à dire</a> qu’il a un son très différent de la plupart des autres violons. De l’avis général, il produit un son très <a href="https://www.youtube.com/watch?v=tKvrhbI04wk">plein et puissant</a> avec un solide registre dans les graves, qui se projette bien dans l’espace.</p>
<p>Les fréquences de résonance du violon africain sont nettement différentes de celles d’un violon traditionnel occidental. Il a des harmoniques plus fortes dans les basses fréquences, ce qui produit un son plein qui porte bien. Il offre aussi davantage de partiels dans les hautes fréquences. Pour les fréquences supérieures à 3kHz, le violon africain montre clairement des amplitudes plus importantes, ce qui lui donne un son plutôt strident, tandis que les amplitudes plus faibles du violon traditionnel donnent un son plus doux. Le violon africain est donc sans doute mieux adapté à la musique moderne ou jazz.</p>
<p>Les propriétés physiques du bois utilisé pour fabriquer le violon africain semblaient suggérer qu’il réverbèrerait moins bien le son dans les hautes fréquences que l’épicéa. Contrairement à cette hypothèse, le violon africain montre des pics de résonance plus larges dans les hautes fréquences que le violon traditionnel. Les pics de résonance sont visibles sur les fréquences pour lesquelles la table d’harmonie oscille le plus et ils composent les notes que l’on entend. Plus il y a de fréquences de résonance audibles, plus le son est plein.</p>
<h2>Pour résumer</h2>
<p>Les résultats de notre étude montrent qu’il est clairement possible d’utiliser des essences africaines comme bois de résonance pour violons. Elles peuvent produire un instrument au son magnifique, bien qu’un peu différent.</p>
<p>Le violon africain a un son nettement plus puissant dans les basses fréquences, qui porte très bien dans l’espace. Il montre aussi plus d’harmoniques à des amplitudes plus importantes dans les hautes fréquences, ce qui lui donne un son plus strident que celui du violon traditionnel. Le bois jaune podocarpus latifolius et le sapelli peuvent donc être utilisés pour fabriquer des instruments à cordes au son puissant.</p>
<hr>
<p><em>Traduit de l’anglais par Iris Le Guinio pour <a href="http://www.fastforword.fr">Fast ForWord</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174098/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Martina Meincken ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Certains bois africains sont clairement adaptés à la fabrication de violons. On en tire des instruments au son magnifique, bien qu’un peu différent de celui du violon occidental.Martina Meincken, Associate professor, Stellenbosch UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1672012021-09-19T18:41:57Z2021-09-19T18:41:57ZArt contemporain : Tarek Atoui, passeur de vibrations<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/421324/original/file-20210915-18-w8ujqp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C3%2C1118%2C744&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">The Wave, 2019. Oeuvre de Tarek Atoui, galerie Chantal Crousel. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.crousel.com/artiste/tarek-atoui-R90LMW/">Galerie Chantal Crousel</a></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.crousel.com/en/artist/tarek-atoui-R90LMW/">Tarek Atoui</a> a exposé, jusqu’au 6 septembre 2021, son œuvre <a href="https://www.pinaultcollection.com/fr/boursedecommerce/tarek-atoui">« The Ground »</a> à la Bourse du Commerce, le centre d’art contemporain créé par François Pinault. Il l’avait déjà présentée à la Biennale d’Art contemporain de Venise en 2019.</p>
<p>On pourra revoir ses œuvres à la galerie parisienne <a href="https://www.crousel.com/en/artist/tarek-atoui-R90LMW/">Chantal Crousel</a> en 2021.</p>
<p>Tarek Atoui est d’abord un musicien, spécialiste de l’électroacoustique. Il explore, en artiste, les vibrations de la matière et les vibrations de l’air qui en résultent, c’est-à-dire les sons entendus. Avec « The Ground », il nous emmène ainsi au cœur de l’infinité des sons du monde inscrits dans la matière, dans le réel. Ces sons, surprises permanentes, sont créés par les contacts, les chocs, les frottements, dans les mouvements désordonnés de ses dispositifs.</p>
<h2>Une lutherie frugale</h2>
<p>J’ai découvert un peu par hasard ce laboratoire d’exploration du son produit par des vibrations mécaniques issues d’instruments improbables, comme une lutherie frugale, chaotique. Je ne peux pas approcher cette œuvre en musicien, mais en physicien, j’étais chez moi. Mais <a href="https://www.crousel.com/artiste/tarek-atoui-R90LMW/">« The Ground »</a> montre que nous pouvons tous partager les émotions créées par cette exploration des vibrations, par les surprises qu’elles génèrent, et par ce qu’elles nous révèlent de l’intimité imperceptible des bruissements permanents du monde autour de nous, mouvements qui vont en fait jusqu’à l’échelle atomique.</p>
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<h2>Quand Georges Charpak voulait entendre les potiers antiques</h2>
<p>Cette œuvre m’a rappelé qu’à la mort du prix Nobel de physique Georges Charpak, en 2010, Mathias Fink – physicien français spécialiste mondial de l’acoustique – a raconté en <a href="https://www.lejdd.fr/Societe/Sciences/Rien-n-effrayait-Georges-Charpak-224460-3252962">hommage</a> qu’il avait ce projet fou : rechercher si le stylet des potiers grecs, à l’époque de Périclès, avait, par transmission des vibrations mécaniques, « imprimé » des conversations.</p>
<p>Au XIX<sup>e</sup> siècle, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Phonographe">Thomas Edison</a> a bien enregistré et reproduit des sons avec une aiguille qui marquait puis lisait un cylindre de cire. Je me souviens de ce propos de Georges Charpak. Tout jeune physicien à Grenoble, j’avais eu un sourire goguenard tant cela me semblait aberrant. J’avais tort ! D’autant plus qu’un an auparavant, le prix Nobel avait récompensé des chercheurs d’IBM pour la visualisation des atomes sur une surface grâce au <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Microscope_%88_effet_tunnel">microscope à effet tunnel</a>. Ce nanopalpeur n’est finalement qu’une pointe sur une surface contrôlée à l’échelle atomique. Tout le monde pensait le microscope à effet tunnel impossible justement à cause des vibrations ambiantes dues aux bruits mécaniques omniprésents.</p>
<p>L’idée de Georges Charpak s’inscrit dans tout ce contexte. Il savait évidemment l’énormité de la difficulté, comme il savait qu’elle était égale à son intérêt. Quelle idée fascinante : écouter les potiers de Périclès ! Il suffit d’y penser pour que le regard se perde. Qu’importe si c’est infaisable, cette idée folle, seule, est un cadeau magnifique.</p>
<h2>Les vibrations mécaniques font sonner le monde</h2>
<p>C’est en musicien, et en luthier minimaliste que Tarek Atoui explore l’infinité des sons qui peuvent faire musique et envahir notre espace. Les sons que nous écoutons ne se réduisent pas à un monde de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%83chelle_chromatique">12 notes</a>, au solfège et aux instruments musicaux acoustiques ou électroacoustiques, aussi immensément riche et fécond ce monde de la musique soit-il. Avec « The Ground », on revient à l’essence du son, c’est-à-dire à des vibrations mécaniques de la matière couplées à celles de l’air transmises à nos oreilles après de multiples transformations. Tarek Atoui entre dans un espace surprenant et incontrôlable, sans repères immédiats. Cette œuvre ouvre une exploration équipée par la création d’instruments et de situations fragiles qui produisent des sons chaotiques, inattendus et surprenants. On imagine Tarek Atoui essayer encore et encore, dans un processus de découverte constant.</p>
<h2>Jouer jusqu’à l’inaudible, puis traiter et amplifier</h2>
<p>Je ne sais pas comment Georges Charpak imaginait, sinon de faire l’expérience, au moins de tenter quelque chose. Mais je suis sûr d’une chose : il y aurait eu un capteur, un traitement du signal et une amplification. Tarek Atoui est un musicien expert de l’électroacoustique. Il connaît et partage avec les physiciens cette chaîne instrument-capteur-signal-amplification. On le voit dans « The Ground » : les capteurs peuvent détecter des vibrations très faibles, et ensuite, l’amplificateur électronique vient donner de la puissance au signal, et ainsi monter le volume sonore. Cela permet de jouer même en deçà du seuil de la perception, de mettre en œuvre des vibrations faibles, subtiles, délicates mais a priori inaudibles.</p>
<p>En mesurant, grâce à des capteurs, la trace de la voix du potier, on aurait cherché la qualité de la mesure, la précision, gages de l’authenticité lors de l’écoute. Pour le musicien, la différence est là. Il n’a pas nécessairement cet objectif de rendu fidèle. Il suit sa démarche créatrice, et il est libre d’accueillir cette vibration pour ce qu’elle est ou de la transformer, pour en faire de la musique.</p>
<h2>Chercher l’inattendu dans l’incontrôlable</h2>
<p>Surtout, les dispositifs de « The Ground » reviennent aux fondamentaux des instruments de musique : le frottement et le contact, c’est-à-dire le choc, la percussion. En séparant, grâce à l’électroacoustique, nature du son et amplification, Tarek Atoui explore des vibrations mécaniques fugaces et parvient faire entendre à quel point choc et percussion ouvrent des espaces de création.</p>
<p>Tarek Atoui peut tout modifier à l’envie, pour accueillir sans fin les surprises d’un son toujours renouvelé, s’en remettant aux propriétés incontrôlables du contact et du frottement dans les mouvements. Un violoniste sait contrôler le frottement entre l’archet et la corde. Mettre au point le système touche-marteau-corde dans un piano qui permet le contrôle et la répétition de la frappe du marteau sur la corde est la grande histoire technique du piano. Dans les deux cas, des <a href="https://collectionsdumusee.philharmoniedeparis.fr/histoires-d-instruments-musee-de-la-musique.aspx">facteurs</a> de violon et de piano sont devenus célèbres tant contrôler les vibrations et le son, demande une intelligence, une connaissance, une précision et une rigueur inouïes.</p>
<p>Il faut célébrer <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%83rard">Sébastien Érard</a>, l’inventeur du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9canique_de_r%C3%A9p%C3%A9tition">double échappement</a> pour le piano.</p>
<p>Ces instruments demandent une attention et un soin maniaques. Cela ne signifie pas que, en s’en remettant aux surprises que génèrent ses dispositifs, Tarek Atoui tombe dans le laisser-aller. Le son écouté ne le permet pas. Ce qu’il fait reste difficile et exigeant parce qu’il choisit les matériaux, met en place les mouvements et construit les situations qui produisent de bonnes surprises, celles qu’il cherche. Il place ainsi un soin maniaque dans la capture, le traitement et l’amplification du signal. Jouer du contact et du frottement qui introduisent cet inattendu, cette singularité, lui permet d’être à l’affût de ce qui l’intéresse : le son que nous écoutons.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/167201/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Joël Chevrier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Tarke Atoui nous emmène au cœur de l’infinité des sons du monde inscrits dans la matière.Joël Chevrier, Professeur de physique, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1628712021-06-18T16:54:42Z2021-06-18T16:54:42ZFête de la musique : pourquoi la musique nous émeut-elle autant ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/406845/original/file-20210616-3808-bb6yxc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=18%2C45%2C1759%2C1385&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vassily Kandinsky, Plusieurs cercles, 1926.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Vassily_Kandinsky,_1926_-_Several_Circles,_Gugg_0910_25.jpg?uselang=fr">Wikipédia</a></span></figcaption></figure><p>La musique est l’art le plus abstrait et qui a le plus d’effets concrets : avec des sons, rien que des sons, il met les hommes en transe ou les fait marcher au pas, il nous fait danser ou pleurer d’émotion. Justement parce qu’il est l’art des sons. L’univers sonore est en effet d’emblée émotionnel, parce que la fonction naturelle des sons, pour l’être vivant, est une fonction d’alerte. Ils l’informent sur ce qui se passe, ils éveillent à chaque instant son système d’alarme biologique. Ces changements permanents de l’état du monde sont la source de toute émotion.</p>
<h2>Un univers qui se suffit à lui-même</h2>
<p>Tension de l’écoute, à laquelle succède la détente du retour au calme, à la régularité – ou au silence. Cette opposition de la tension face aux événements inattendus et de la détente face aux événements attendus ou familiers est au fondement de toute émotion musicale. À une différence près, essentielle. Quand on entend de la musique, on cesse d’entendre chaque son comme causé par sa cause naturelle (comme lorsqu’on est soudain averti d’un événement), on entend un unique processus sonore, comme si les sons étaient causés les uns par les autres. Ainsi, la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=-tJYN-eG1zk">série des chocs du train contre les rails</a> n’est plus entendue comme une suite d’avertissements (le train part), mais comme un unique rythme : ta-ta-<strong>tam</strong>, ta-ta-<strong>tam</strong>, etc. Les sons ont perdu leur valeur fonctionnelle, ils sont entendus pour eux-mêmes, ils acquièrent une valeur musicale. L’univers sonore se suffit dès lors à lui-même, il se passe des objets visibles ou même de paroles. (Une majorité de musiques composées dans le monde sont accompagnées de paroles, mais pour mettre en évidence la valeur émotionnelle propre à la musique et ne pas la confondre avec celle des paroles, on ne prendra que des exemples de musiques instrumentales).</p>
<p>Dans tout événement sonore, on peut distinguer l’événement lui-même (il advient, tam !) et sa qualité (il est grave ou aigu par exemple). Les deux aspects ont sur nous des effets distincts : plutôt physiques dans un cas (des effets « motionnels »), plutôt spirituels dans l’autre (des effets émotionnels).</p>
<p>La musique peut nous faire bouger si la suite des événements est régulière : une pulsation par exemple (pom-pom-pom), une mesure (pom-popom, pom-popom), ou un rythme (suite régulière de cellules irrégulières, tagada-tsoin-tsoin, tagada-tsoin-tsoin). On tapera du pied, on battra des mains, on s’agitera seul, on dansera même à deux si la mesure est marquée et permet à chacun d’anticiper les mouvements de l’autre.</p>
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<h2>Effets émotionnels qualifiés et non qualifiés</h2>
<p>Même si effets physiques et émotionnels sont souvent mêlés, les effets proprement émotionnels sont plutôt dus aux relations entre hauteurs des notes et à leurs effets mélodiques ou harmoniques. Il faut distinguer deux grands types d’émotions musicales : les émotions « qualifiées » (tristesse, gaîté, sérénité, inquiétude, colère, etc.) et les émotions « non qualifiées » (« cette musique m’émeut »).</p>
<p>Les premières ont été étudiées depuis longtemps par les psychologues. Ils ont mis en évidence les relations entre différents facteurs musicaux (tempo lent ou rapide, rythme régulier ou non, mode majeur, mineur ou autre, attaques, etc.) et différents climats émotionnels. On constate une assez bonne universalité transculturelle des émotions de base, déterminées par deux oppositions que sont l’affect (gai/ <a href="https://www.youtube.com/watch?v=9YN6278BuA8">triste</a>) et la dynamique (<a href="https://www.youtube.com/watch?v=arw2DfNPR3g">agité</a> / <a href="https://www.youtube.com/watch?v=fZrm9h3JRGs">calme</a>), ainsi que par leurs différentes combinaisons. Ainsi, le même plan-séquence de cinéma changera de sens selon le climat créé par la musique qui le soutient. On va jusqu’à prêter à la musique elle-même certains traits émotionnels : on dit par exemple qu’elle est gaie – ce qui paraît être un abus de langage (seul un être vivant peut être gai ou triste), mais s’explique aisément : elle se meut comme une personne gaie – par exemple grands bonds rapides, accords harmonieux, etc.</p>
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<p>Plus opaques à première vue sont les émotions musicales non qualifiées.</p>
<p>Éliminons d’abord l’émotion purement subjective, celle qu’une musique provoque chez tel ou tel parce que son écoute a été associée à telle expérience vécue. C’est simplement dû au travail associationniste de la mémoire (« Tu entends, ma chérie ? C’est notre chanson ! »)</p>
<p>L’émotion proprement esthétique, quant à elle, est celle qu’une musique nous provoque, parfois, lorsque nous nous contentons de l’écouter pour elle-même. Elle est suscitée en nous par ce que nous entendons en elle – par exemple par ce qu’on appelle, d’un terme trop vague, sa « beauté ». Souvent les deux types d’émotion, qualifiée et non qualifiée, se mêlent : on entend avec délectation qu’une musique belle est triste. C’est le délicieux plaisir des larmes.</p>
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<p>L’alchimie de l’émotion esthétique varie évidemment selon les musiques et selon les goûts ou les humeurs de chacun. Il y a cependant des constantes.</p>
<p>Il n’y a pas d’émotion musicale sans une attitude esthétique. Il faut être « tout écoute », « rien qu’écoute », si l’on peut dire. L’émotion peut alors naître de l’attention à l’expressivité de la ligne mélodique. On y entend parfois comme une voix qui parle, qui se confie, qui interroge, en somme qui exprimerait ses émotions personnelles (selon une théorie remontant à Rousseau). En musique classique, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=VHpttnhpCU8">c’est souvent la part de l’interprète</a>, de ses pauses ou accélérations insensibles, ses crescendo et decrescendo, ses accentuations, en somme sa manière de « phraser » comme un acteur « met le ton ». Mais des musiques peu « expressives » peuvent être <a href="https://www.youtube.com/watch?v=p-MaUNKAWZo">esthétiquement bouleversantes</a> : le plaisir d’une fugue naît de la compréhension auditive de l’entrelacs des mille causalités internes qui s’y s’entremêlent et, plus archaïque encore, de la reconnaissance d’un même motif qui revient, plus ou moins transformé, décalé, modulé, comme l’enfant que nous avons été reconnaissait avec émerveillement le retour d’un air familier.</p>
<p>Une musique est une série d’événements enchaînés que nous entendons comme telle. Il y en a donc de deux types. Celles qu’on peut dire « horlogères », qui tendent à la stabilité, à la reproduction d’elles-mêmes et dont le climat tend à minimiser les tensions internes pour n’avoir pas à les apaiser sans cesse. L’émotion qu’elles créent est celle que l’on éprouve lorsqu’on se sent en harmonie avec un monde dont on voudrait arrêter le cours pour pouvoir le contempler. C’est par exemple le climat de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=-wra4p4zARw">certains ragas</a> (où la permanence d’un bourdon exprime la permanence espérée), du chant grégorien, de certaines musiques électroniques « planantes », ou aujourd’hui de celle d’Arvo Pärt.</p>
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<h2>Créer des tensions internes pour mieux les apaiser</h2>
<p>Mais les émotions esthétiques ordinaires sont produites par des musiques qu’on peut nommer « thermodynamiques », parce qu’elles tendent au contraire à créer en permanence des tensions internes afin de les apaiser et d’alimenter ainsi leur propre mouvement. C’est le cas de la plupart des musiques occidentales ou africaines, qu’elles soient tonales ou modales, savantes ou populaires. Chaque partie du discours musical y est faite de tensions (harmoniques, mélodiques, rythmiques) menant à une détente (un accord parfait, une tonique, un temps fort, une répétition, etc.) La tension est la part inattendue de la musique qui s’apaise par le retour attendu à une assise ferme et rassurante. Chaque opposition tension-détente peut être insérée dans une autre opposition tension-détente, en sorte que l’on attend, dans les phrases ou les mouvements complexes, des apaisements sous-tendus localement par d’autres tensions. L’émotion musicale est faite de la perception de toutes ces tensions différées. Car une musique dont le déroulement serait totalement imprévisible nous demeurerait opaque : elle ne serait plus entendue que comme une suite chaotique de sons. Inversement, une musique prévisible ne nous cause aucune émotion : « Frère Jacques », cela nous a plu… il y a bien longtemps. Aujourd’hui, il ne s’y passe plus rien.</p>
<p>L’émotion est donc infiniment variable, mais obéit à une loi constante : une musique nous émeut d’autant plus que, dans son déroulement, chacun de ses événements nous semble le plus imprévu possible quand il advient et le plus rétrospectivement prévisible dès qu’il est advenu. Moins d’imprévu au présent signifie qu’on entend dans la musique quelque chose de mécanique, elle nous semble dénuée d’inventivité : l’émotion baisse. Moins de prévisibilité rétrospective signifie qu’on entend dans la musique moins de nécessité interne et que son déroulement nous semble moins clairement dû à ses causalités internes : l’émotion baisse. Mais selon la sensibilité de chacun, selon ses habitudes ou son éducation, on privilégiera le prévisible au présent, un peu plus mécanique, ou l’imprévisible au passé, un peu plus complexe.</p>
<p>C’est ainsi que nous retrouvons dans l’art des sons l’infinie variété des émotions que peuvent nous causer les événements réels, mais épurés de leur réalité, et transfigurés par la puissance de l’art.</p>
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<p><em>Francis Wolff est l’auteur de « Pourquoi la musique ? », Fayard 2015, Pluriel 2019</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162871/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Francis Wolff ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Nous retrouvons dans l’art des sons l’infinie variété des émotions que peuvent nous causer les événements réels, mais épurés de leur réalité, et transfigurés par la puissance de l’art.Francis Wolff, Professeur émérite de philosophie, École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1612912021-06-07T19:58:32Z2021-06-07T19:58:32ZDe décibel en décibel, comment le bruit gêne-t-il les enfants en classe ?<p>Les enfants constituent une tranche de la population dont la santé (mentale et physique) est <a href="https://ec.europa.eu/environment/integration/research/newsalert/pdf/health_of_vulnerable_people_exposed_to_noise_under_researched_47si4_en.pdf">vulnérable</a> à la présence de bruit de fond. Omniprésent, le bruit entraîne une augmentation de la réponse physiologique au stress, une légère augmentation de la pression sanguine, et de l’irritabilité, entre autres.</p>
<p>Dans de nombreux pays, les agences de régulation sanitaire en prennent progressivement conscience, et recommandent de <a href="https://www.euro.who.int/__data/assets/pdf_file/0008/136466/e94888.pdf">réduire le bruit</a> dans certains bâtiments sensibles, tels que les écoles.</p>
<p>Selon les organismes, les <a href="https://acousticstoday.org/wp-content/uploads/2018/09/Building-a-Sound-Future-for-Students-Considering-the-Acoustics-in-Occupied-Active-Classrooms-Laura-C.-Brill.pdf">recommandations</a> varient, mais se rejoignent sur deux chiffres. Le bruit de fond dans une classe inoccupée ne devrait pas dépasser 35 dB, ce qui correspond à l’intensité d’un chuchotement. Pendant des activités d’apprentissage, il ne devrait pas dépasser 50 dB, l’intensité d’une pluie dense.</p>
<p>Cependant, les mesures acoustiques indiquent une tout autre réalité. Les niveaux sonores dans les écoles sont constamment, et parfois largement, au-dessus des recommandations, avec des conséquences délétères pour le parcours scolaire des enfants.</p>
<h2>Mille et un bruits de fond</h2>
<p>Dans une école, les voix des enseignants et des enseignantes, la cloche de la récréation ou les discussions animées du réfectoire sont autant d’objets sonores qui émettent des ondes acoustiques qui se propagent dans l’air.</p>
<p>Tous ces sons arrivent ensemble, « mélangés » à l’oreille. Là, des cellules spécialisées transforment l’information acoustique en impulsions électriques. Ces impulsions remontent le long des voies auditives jusqu’au cortex, qui effectue le tri entre les sons pertinents et le bruit de fond. Ce phénomène est connu sous le terme <a href="http://recherche.ircam.fr/equipes/pcm/cheveign/pss/2002_hermes_v1ch5.pdf">d’analyse de la scène auditive</a>.</p>
<p>La capacité à percevoir la parole dans une salle de classe bruyante repose donc sur le bon fonctionnement des oreilles, certes, mais aussi sur la capacité cognitive à sélectionner le signal de parole pertinent, tout en ignorant le bruit de fond. Ce qui peut sembler anodin pour de jeunes adultes normo-entendants est en réalité beaucoup plus difficile pour les enfants.</p>
<p>Les voies auditives sont complètement fonctionnelles à partir de six mois après la naissance. Cependant, les capacités cognitives nécessaires pour une bonne perception de la parole dans le bruit continuent à se développer bien plus longtemps.</p>
<p>Les fonctions cognitives des enfants sont moins automatisées que celle des adultes, ce qui les rend plus sensibles aux perturbations. En particulier, les <a href="https://acousticstoday.org/wp-content/uploads/2019/03/Too-Young-for-the-Cocktail-Party-Lori-J.-Leibold.pdf">capacités attentionnelles</a> se développent lentement au fil de l’enfance et de l’adolescence. Elles permettent aux enfants de sélectionner le signal de parole cible, le suivre dans le temps, et ignorer les distracteurs.</p>
<h2>Distinguer le signal pertinent</h2>
<p>Certains bruits sont plus faciles à ignorer que d’autres. C’est le cas des bruits stationnaires : une ventilation, une cascade d’eau, un véhicule qui se déplace. De jeunes enfants de 5 ans ont besoin d’une différence d’intensité plus grande (5 dB au moins) que les adultes pour identifier avec la même acuité un signal de parole cible en présence d’un bruit stationnaire. Cette différence se réduit progressivement jusqu’à 11 ans, âge où la perception de la parole dans un bruit stationnaire semble mûre.</p>
<p>D’autres bruits de fond sont beaucoup plus difficiles à ignorer que le bruit stationnaire. C’est le cas du brouhaha constitué de locuteurs interférant qui bavardent entre eux, bien illustré dans un réfectoire d’école ou une salle de classe qui chahute.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1304347468222562305"}"></div></p>
<p>À intensité égale, un bruit de fond qui contient de la parole intelligible est toujours plus difficile à ignorer qu’un bruit stationnaire, même pour des adultes. C’est effet est bien illustré par la situation où, malgré nous, nous prêtons l'oreille à la conversation de nos voisins de table au restaurant. Le contenu de leur conversation attire automatiquement notre attention, et recrute nos ressources cognitives.</p>
<p>Il en va de même dans les salles de classe. Seulement, en présence de locuteurs interférents, les enfants restent souvent en difficulté pour comprendre le signal de parole pertinent et ignorer les bavardages concurrents, parfois même jusqu’à 16 ans.</p>
<h2>Difficultés d’apprentissage</h2>
<p>Pour apprendre à lire et à écrire, les enfants doivent intégrer la relation qui existe entre les lettres écrites et les sons qui leur correspondent. Dans des salles de classe trop bruyantes, l’intelligibilité des sons de parole est altérée par la présence du bruit de fond. Ceci peut compromettre l’acquisition de la correspondance entre les lettres et les sons de parole. Autrement dit, des niveaux de bruit de fond trop importants dans les écoles primaires entravent la bonne acquisition des compétences fondamentales.</p>
<p>De plus en plus de recherches sont menées sur les <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2013.00578/full">conséquences</a> du bruit de fond sur la réussite scolaire. Les résultats convergent pour indiquer un effet particulièrement délétère du bruit au moins jusqu’en fin de primaire, sur des tâches aussi variées que le calcul mental, la génération d’idées nouvelles, la compréhension de consignes orales ou écrites.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quels-sont-les-effets-du-bruit-des-avions-sur-notre-sante-148219">Quels sont les effets du bruit des avions sur notre santé ?</a>
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<p>Dans une <a href="https://asa.scitation.org/doi/full/10.1121/1.2812596">large étude</a> menée dans des écoles primaires en Angleterre, la relation apparaît clairement : la performance académique est inversement proportionnelle au niveau de bruit dans les salles de classe. Ainsi, plus les salles de classe sont bruyantes, moins bonne est la performance académique des enfants qui y sont scolarisés.</p>
<p>Les conséquences délétères du bruit se marquent particulièrement chez certains enfants. Ainsi, nous avons montré que les enfants dyslexiques sont <a href="https://pubs.asha.org/doi/abs/10.1044/2016_JSLHR-H-15-0076">plus sensibles encore</a> à la présence de bruit de fond que leurs pairs de même âge.</p>
<p>Par ailleurs, les enfants malentendants ont besoin d’un rapport signal bruit 10 dB plus favorable que leurs pairs de même âge pour obtenir percevoir la parole avec la même acuité. Ils ne bénéficient pas d’indices acoustiques qui pourtant améliorent la performance des enfants normo-entendants.</p>
<h2>Recherches en cours</h2>
<p>En résumé, les enfants ont besoin de conditions d’écoute plus favorables que les adultes pour décoder et comprendre l’information auditive avec la même acuité. Cependant, la réalité des salles de classe est loin d'offrir ces conditions. Au contraire, la plupart du temps, les enfants réalisent leurs apprentissages dans des environnements bruyants, ce qui affecte leur performance scolaire.</p>
<p>Des recherches sont en cours pour déterminer exactement les facteurs qui contribuent au bon développement de la perception de la parole dans le bruit. À l’avenir, des entraînements auditifs pourraient protéger les enfants des effets délétères du bruit de fond, en leur apprenant à se focaliser sur le signal de parole cible et/ou à ignorer le bruit de fond.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/mecanismes-de-lattention-les-comprendre-pour-mieux-apprendre-143661">Mécanismes de l’attention : les comprendre pour mieux apprendre</a>
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<p>Un défi majeur pour l’école de demain sera de limiter le bruit de fond dans les classes. Des solutions technologiques et acoustiques se développent, telles que la pose de double vitrage, l’utilisation de matériaux moins réverbérants, une meilleure direction du son dans les classes, ou l’utilisation d’un système FM pour les élèves les plus en difficulté. Ces différentes solutions montrent des bénéfices encourageants : diminution du stress, de l’irritabilité et de la distraction liée au bruit.</p>
<p>Au-delà du bien-être, une école moins bruyante aura un impact positif à long terme sur la réussite scolaire des enfants, particulièrement ceux qui rencontrent des difficultés auditives ou d’apprentissage.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161291/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Axelle Calcus ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Plus les salles de classe sont bruyantes, moins les performances académiques des enfants sont bonnes. Explications.Axelle Calcus, Assistant lecturer, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1463462021-02-21T17:22:07Z2021-02-21T17:22:07ZMaths au quotidien : pourquoi y a-t-il douze notes au piano ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/382502/original/file-20210204-18-v5tafo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=636%2C962%2C4539%2C2483&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Du Do au Do, il y a douze notes au piano.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/BhfE1IgcsA8">Jordan Whitfield, Unsplash </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les doigts du pianiste se promènent sur le clavier. Ses mains s’éloignent et se rejoignent. Les auditeurs se laissent envelopper par les sons du piano. Douze notes. Sept pour les touches blanches : Do, Ré, Mi, Fa, Sol, La, Si, et cinq pour les touches noires : Do#, Ré#, Fa#, Sol#, La#.</p>
<p>Pourquoi douze notes et pas quinze, ou neuf ? La guitare, la flûte, et le saxophone se jouent aussi sur ces douze notes, qui forment l’alphabet de la musique occidentale. </p>
<p>Les musiques issues d’autres cultures peuvent aussi souvent <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_%C3%A9chelles,_des_gammes_et_des_modes#Modes_et_musiques_du_monde">être décrites à l’aide de ces douze notes</a>. </p>
<p>Coïncidence ? Transmission culturelle ? Choix particulièrement agréable à l’oreille parmi les possibles ?</p>
<h2>Les notes du piano et le chant d’un duo</h2>
<p>Notre tympan oscille sous l’effet des mouvements de l’air. Ces oscillations sont en général chaotiques. Quand la pluie bat les fenêtres, quand un restaurant bruisse de ses conversations, notre tympan se déforme comme la voile d’un bateau sous les caprices du vent. Parfois en revanche, les oscillations se font régulières. La 49e touche d’un piano déclenche un mouvement d’air qui fait vibrer notre tympan exactement 440 fois par seconde autour de sa position d’équilibre. C’est le « La » du diapason, de fréquence 440 Hertz. Notre cerveau perçoit la régularité du battement, l’ordre et la cohérence dans les données qui lui parviennent. Le bruit devient alors note de musique à nos oreilles.</p>
<p>Un couple entonne un karaoké. La voix grave du chanteur émet un son à 220 Hertz. Sa compagne chante simultanément à 440 Hertz. La chanteuse fait vibrer notre tympan exactement deux fois plus vite que son compagnon. Les musiciens disent qu’elle chante une octave plus aiguë que son partenaire de duo. Une sensation de « consonance » et d’harmonie s’en dégage.</p>
<p>Le piano est conçu pour permettre une consonance similaire. Un appui simultané sur deux touches bien choisies émet un accord d’octave harmonieux correspondant à des fréquences doubles, tels deux chanteurs en duo. En pratique, les touches 1, 13, 25, 37, 49, 61, 73, 85 sont obtenues à partir du « La » du diapason en « ajoutant » et en « retirant » des octaves (c’est-à-dire en multipliant et en divisant la fréquence par 2 par rapport au « La » précédent, respectivement). On obtient toujours une note « La », mais dans différentes tessitures.</p>
<p>Le karaoké se poursuit avec un autre duo. Un problème pratique se pose. Le chanteur émet une note à la fréquence de 220 Hz, trop grave pour sa partenaire. Mais elle ne peut pas monter d’une octave à 440 Hz, car chanter une fréquence aussi aiguë lui est impossible. Instinctivement, elle produit alors une note à 330 Hz, une fois et demie la fréquence de son compagnon, on dit « une quinte plus aiguë » : encore un duo agréable à écouter.</p>
<p>On s’attendrait à retrouver cette fréquence de 330 Hz sur le piano, afin que le piano puisse reproduire l’agréable duo en appuyant simultanément sur deux touches – mais la touche la plus proche des 330 Hz de la chanteuse est la 44e touche du piano : un Mi qui émet une fréquence de 329,63 Hz. Le piano est moins consonant que le duo. D’où vient cette fréquence de 329,63 Hz ?</p>
<h2>Comment sont choisies les fréquences intermédiaires des autres touches ?</h2>
<p>Sur le piano, on a découpé l’octave qui s’étale entre les touches 37 (La) et 49 (La plus aigü) en 12 intervalles égaux. Entre une touche et la suivante, on multiplie la fréquence par environ 1,059 – de sorte qu’en répétant cette multiplication 12 fois, on monte exactement d’une octave entre les touches 37 et 49, passant de 220 a 440 Hertz. Au milieu se trouve la fréquence de 329,63 Hz.</p>
<p>La situation est en quelque sorte similaire à celle d’un vacancier qui part de la première ville (touche 37) vers sa destination finale (touche 49) en faisant douze étapes identiques (multiplication de la fréquence par 1,059 à chaque étape). Après la septième étape, il arrive touche 44 (fréquence 329,63 Hz). C’est proche de la ville étape qu’il souhaitait rejoindre (la quinte, 330 Hz), mais ce n’est pas exactement la ville étape.</p>
<p>Ce n’est pas surprenant ; si nous découpons un voyage en étapes d’égales longueurs et sauf coïncidence, les villes à visiter se situent sur la route en milieu de journée, plutôt que dans la ville étape où nous dormons le soir. La quinte de la chanteuse (330 Hz) est coincée entre la touche Mi du piano (329,63 Hz) et la touche Fa (349,23 Hz).</p>
<p>Le musicien insatisfait va évidemment essayer d’améliorer la justesse de son piano, et s’approcher au plus près de la justesse de la chanteuse. Une idée pour améliorer la consonance de la quinte est de changer le nombre d’étapes du parcours. Si une ville qu’on cherche à approcher est loin des points étapes quand on fait le chemin en douze jours, parcourir le chemin en 11 ou 13 jours permet peut-être d’approcher davantage la ville intermédiaire ?</p>
<h2>Découper l’octave</h2>
<p>Le problème mathématique sous-jacent est de déterminer le meilleur découpage possible de l’octave (combien d’étapes ?) pour passer au plus près de la quinte juste de la chanteuse en faisant des intervalles égaux. Les mathématiciens donnent le nom d’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Approximation_diophantienne">« approximation diophantienne »</a> à ce problème mathématique.</p>
<p>Quelques lignes de calcul que j’épargne au lecteur montrent que l’approximation musicale de la quinte lors de ce découpage s’incarne mathématiquement en l’approximation du nombre log(3/2)/log(2)=0,584962… par une fraction.</p>
<p>Il existe des nombres, dits <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Nombre_irrationnel#Antiquit%C3%A9_grecque">irrationnels</a>, qui ne sont pas des fractions, connus des Grecs environ 5 siècles avant notre ère. Le nombre irrationnel le plus connu est π = 3,14159… Le nombre qui nous intéresse est log(3/2)/log(2) = 0,584962… Il est proche de la fraction 3/5 = 0,6 ou de la fraction 58/100 = 0,58, mais tout comme π, ce n’est pas une fraction exacte. Musicalement, cela implique que la quinte du piano ne peut pas être aussi juste que celle de la chanteuse, indépendamment du nombre de notes choisi pour découper l’octave.</p>
<p>À défaut de pouvoir concevoir un instrument exactement juste, essayons de le rendre le plus agréable possible à nos oreilles. Mathématiquement, nous devons choisir des fractions approximant au mieux log(3/2)/log(2). Il existe une théorie, dite <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fraction_continue">« théorie des fractions continues »</a>, qui donne les « bonnes » approximations d’un nombre irrationnel. Par exemple π = 3,1415927… n’est pas une fraction, mais peut s’approximer par 22/7 = 3,142857… ou par 355/113 = 3,1415929… Dans notre cas, log(3/2)/log(2) = 0,584962… peut s’approximer en 3/5 = 0,6, en 7/12=0,58333… en 31/53 = 0,584905… ou avec des dénominateurs plus grands.</p>
<p>Concrètement, il nous faut choisir une approximation parmi celles proposées.</p>
<ul>
<li><p>Si on choisissait 3/5 = 0,6, on couperait l’octave en 5 et la quinte approchée s’obtiendrait en se déplaçant de 3 touches sur le piano. Wikipedia dit que <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Syst%C3%A8me_pentatonique">certaines gammes précolombiennes utilisaient ce système</a>,</p></li>
<li><p>si on choisit 7/12 = 0,58333… – comme c’est le cas sur les pianos de nos jours, on divise l’octave en 12 et la quinte approchée s’obtient en se déplaçant de 7 touches, blanches et noires incluses,</p></li>
<li><p>si on choisissait 31/53 = 0,584905… la quinte serait plus juste, mais un piano avec 53 notes par octave serait particulièrement difficile à jouer !</p></li>
<li><p>si on choisissait une autre approximation, soit la quinte serait plus fausse, soit il y aurait beaucoup plus de 12 touches par octave.</p></li>
</ul>
<p>En résumé, les octaves et les quintes sont des données assez universelles liées au chant et aux consonances naturelles pour nos oreilles. Le découpage de l’octave en 12 intervalles est mathématiquement optimal : il permet une quinte la plus juste possible, dans un format compact, et dans un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Gamme_temp%C3%A9r%C3%A9e">tempérament égal</a> (avec des intervalles égaux). En d’autres termes, si on souhaite un nombre de touches pas trop grand et humainement gérable, des intervalles égaux, et une quinte presque juste, alors le choix de douze notes s’impose naturellement.</p>
<p>Une blague potache dit que Dieu a inventé les équations de la physique en se pliant aux mathématiques. La musique subit-elle aussi le joug des mathématiques ? Les musiciens et les chanteurs font-ils des mathématiques sans le savoir ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146346/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Evain ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Qu’est-ce qui sonne « bien » à nos oreilles, et pourquoi ?Laurent Evain, Maitre de conférences, Université d'AngersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1253482021-01-18T19:55:05Z2021-01-18T19:55:05ZPourquoi la musique nous fait-elle vibrer ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/379308/original/file-20210118-23-cs7hv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C371%2C3994%2C3922&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La musique peut nous donner la chair de poule. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/personne-jouant-de-l-instrument-a-cordes-2228466/">Pexels</a></span></figcaption></figure><p>Tantôt relaxante, tantôt revigorante, on accorde à la musique beaucoup de vertus. Une analyse physiologique de notre perception de la musique est utile pour y voir plus clair et comprendre les disparités entre individus. Avoir la chair de poule, le rythme dans la peau, ou l’oreille fine : dès qu’il s’agit de musique et d’émotions, de vibrations, de rythmes, ou de fréquences, les opinions divergent et voici pourquoi.</p>
<h2>Chair de poule</h2>
<p>Le quatrième mouvement du requiem de Mozart (Tuba Mirum) a la propriété de créer des piloérections, selon le terme scientifique désignant la chair de poule. Le morceau, d’une durée de 3 minutes, démarre avec un trombone ténor, instrument capable d'atteindre 80Hz dans les graves, qui se transforme subitement en une voix chantée très haut perchée. Ce changement inopiné de modulation de fréquence et le <em>subito forte</em> – augmentation soudaine du volume sonore – <a href="https://www.researchgate.net/publication/249979721_Listening_To_Music_As_A_ReCreative_Process_Physiological_Psychological_And_Psychoacoustical_Correlates_Of_Chills_And_Strong_Emotions">peuvent donner la chair de poule</a>.</p>
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<p>Les auditeurs sont plus ou moins sensibles et sujets à ces sensations, et les tests menés avec ce requiem font état d’une à cinq piloérections par minute pour certains, et de zéro effet chair de poule pour d’autres. Il a même été mesuré que les personnes en mal d’aventure et de sensations fortes avaient plutôt tendance à moins avoir la chair de poule.</p>
<p>Si vous ne disposez pas d’un abonnement à l’opéra, vous pouvez tenter ce test à la maison, à condition d’utiliser un matériel adéquat. La plupart des amplis du marché ne descendent pas plus bas que 20 Hertz, d’où le récent succès auprès de mélomanes de marques offrant un spectre acoustique plus large. La compression des fichiers musicaux est aussi à surveiller de près – seuls les formats haute définition peuvent prétendre rivaliser avec les vinyles ou un concert live.</p>
<h2>Avoir le rythme dans la peau</h2>
<p>Certains ont vraiment la musique dans la peau. En plus de récepteurs auditifs situés dans l’oreille interne, notre corps est plus ou moins couvert de récepteurs sensibles aux vibrations. Les corpuscules de Pacini par exemple, situés dans le derme et l’hypoderme, perçoivent les vibrations aux alentours de 250 Hertz – l’équivalent d’un do central au piano (alias « le do de la serrure », car en face de la serrure du piano) ou <a href="https://www.youtube.com/watch?v=ijl7hcoTLF0">du ronronnement d’un moteur V8</a>. Les corpuscules de Meissner sont quant à eux sensibles aux vibrations très basses – entre 10 et 50 Hertz (Marieb, 2015). Maintenant vous savez qu’ écouter un morceau comme Rammstein <em>Du hast</em> avec des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=W3q8Od5qJio">fréquences comprises entre 50 et 250 Hertz</a> et un peu comme une <a href="https://www.springer.com/gp/book/9783642120923">visite chez le masseur</a>…</p>
<p>Les plus accros aux vibrations sont même allés jusqu’à retourner leur iPhone 6 à Apple, car il ne vibrait pas suffisamment fort – la marque a rectifié le tir depuis. Ils n’hésitent pas non plus <a href="https://www.springer.com/gp/book/9783319715551">à télécharger des ronronnements de moteur pour leur Tesla</a>.</p>
<p>Au même titre que les perroquets, les éléphants d’Asie, où les lions de mer californiens, l’être humain à la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4026735/#:%7E:text=More%20specifically%2C%20we%20propose%20that,hypothesis%20leads%20to%20testable%20predictions.">capacité à battre la mesure</a> car il anticipe de manière précise le battement suivant. Nous avons tous une horloge interne – avec un battement par seconde pour les chevaux et cinq battements par seconde pour les rats – <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29496017/">mais son tempo varie entre individus</a>.</p>
<p>Nous avons tous tendance toutefois à préférer un tempo proche de notre horloge interne. Le tempo préféré moyen est aux alentours de <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fnsys.2014.00057/full">133 battements par minute, plus ou moins 30 %</a>. Il semblerait que percevoir clairement son propre pouls aiderait à garder le rythme. Les amateurs d’arts martiaux savent combien le rythme est propre à chaque individu. En aïkido par exemple, contrer l’autre va passer par l’analyse de son rythme, puis des rythmes concordants, discordants, et contrariants que l’on peut adopter. Les musiciens le savent bien aussi, tout le monde n’a pas un métronome dans la tête. Les goûts musicaux prennent en compte le tempo et la régularité du rythme – certains morceaux de Bach ou de jazz vont ainsi irriter les auditeurs sensibles aux rythmes discordants.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/9zO_v3HP7Wc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>Avoir l’ouïe fine</h2>
<p>Le son est une vibration ; le nombre de vibrations par seconde d’un son est appelé fréquence et s’exprime en Hertz (Hz) : un bébé qui pleure peut atteindre une fréquence aussi élevée que 6 kHz, une Harley-Davidson une fréquence aussi basse que 50 Hertz, et une montre de luxe de 1 à 8 Hz en fonction du mécanisme et de la finition. Le son peut-être mesuré en termes d’intensité et exprimé en décibels (dB) : une voiture traditionnelle va émettre autour de 45 dB et une Harley-Davidson peut atteindre les 80 dB. Certains signaux comme les ultra-sons ne peuvent pas être entendus par l’oreille humaine, même si des disparités fascinantes ont été mesurées entre individus.</p>
<p>Les cellules ciliées qui tapissent notre oreille interne transforment les signaux sonores – et donc la musique – en influx électrique. Mais voilà, en fonction de leur nombre et de leur répartition par type de fréquence, notre oreille sera plus ou moins fine. Les individus qui amplifient moins les basses ont tendance à mettre les basses à fond. Ceux qui entendent toutes les fréquences plus fort que la voix, peuvent avoir besoin de s’isoler pour entendre pleinement. Et enfin ceux qui ont la chance ou la malchance d’avoir une oreille très fine, vous percevoir tous les bruits même lointains, et sont plus susceptibles d’être irrités par les aigus.</p>
<p>Baleines, éléphants, rhinocéros et tigres peuvent produire des sons en – dessous de 20 Hz : ces infrasons peuvent traverser les murs, les forêts touffues, et même les montagnes. Un tigre qui rugit aux alentours de 18 Hz va même paralyser sa proie (American Institute of Physics, 2000). C’est pourquoi les ultrasons sont maintenant utilisés comme armes soniques. Détendu·e·s, nous émettons des vibrations entre 1 et 7 Hz, et même en dormant, nous émettons des vibrations et des ondes via notre cerveau. Notre voix chantée est toutefois moins sophistiquée que celle des chevaux, qui émettent simultanément deux fréquences – l’une traduisant la valence de leur propos (à savoir si l’intention est négative ou positive), et l’autre véhiculant l’intensité de l’émotion. À bon entendeur, un cheval mécontent <a href="https://books.google.fr/books?id=jqlVDwAAQBAJ&pg=PA8&lpg=PA8&dq=prigg+2015+horse">va hennir plus longuement dans les aigus</a>.</p>
<p>La musique n’a pas fini de nous faire vibrer, mais elle agit sur nous tous d’une manière différente, jouant sur notre perception des vibrations, notre amplification des fréquences, et notre sens du rythme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/125348/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Diana Derval ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Vibrations, fréquence, rythme : la musique agit sur d’une manière différente pour chacun.Diana Derval, Chair of DervalResearch, Author, and Lecturer in Neurosciences, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1521112021-01-03T16:10:06Z2021-01-03T16:10:06ZVotre état de santé… dans votre voix<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/376836/original/file-20201231-23-h1drxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=126%2C0%2C6363%2C3493&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Notre voix contient des informations sur notre humeur, mais aussi sur notre santé.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-illustration/speaking-person-spectrogram-3d-illustration-1428070835">peterschreiber.media / shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Avez-vous déjà senti lors d’un appel téléphonique avec un·e ami·e que celui-ci ne va pas bien ? </p>
<p>Uniquement à partir de sa voix, vous avez réussi à deviner son état de santé. </p>
<p>Sur quels indices votre cerveau s’est-il basé pour émettre une telle conclusion ?</p>
<h2>L’audition humaine, un outil bien rodé</h2>
<p>Mauvaise estime de soi, fatigue, ou troubles du sommeil, il suffit d’écouter les plaintes de ses ami·e·s – c’est-à-dire le contenu de ce qu’ils disent – pour savoir qu’ils ne vont pas bien. Mais même quand la réponse est un petit « ça va, ça va », vous arrivez malgré tout à percer à jour leur mal-être : ce que la personne dit n’est pas le seul indice que votre cerveau exploite pour analyser l’état de santé de votre interlocuteur.</p>
<p>En effet, des maladies telles que la <a href="https://institutducerveau-icm.org/fr/depression/">dépression</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Maladie_de_Parkinson">Parkinson</a>, ou <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Maladie_d%27Alzheimer">Alzheimer</a> ont un impact sur le fonctionnement neurologique des patients qui en sont affectés, et peuvent modifier la façon dont ils parlent. Ainsi, en plus du contenu, le « contenant » du discours d’un individu – sa voix – recèle des <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/psychological-medicine/article/abs/machine-learning-in-mental-health-a-scoping-review-of-methods-and-applications/0B70B1C827B3A4604C1C01026049F7D9">informations sur son état de santé</a>. Que la personne parle dans sa barbe, articule moins, parle plus lentement ou encore allonge les voyelles, votre cerveau analyse à votre insu de nombreux paramètres vocaux, principalement divisés en deux catégories.</p>
<p>D’une part, des paramètres acoustiques, mesurant la qualité de la voix, comme la fréquence, l’énergie, la nasalité ou l’amplitude de la voix. Est-ce que la voix est aiguë, grave, forte, douce ? La voix fait-elle de grandes variations ou est-elle monotone ?</p>
<p>D’autre part, des paramètres que l’on appelle <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Prosodie">« prosodiques »</a>, tels que la durée des voyelles, la vitesse d’élocution, la longueur des pauses. Ces marqueurs de la qualité du phrasé permettent de rendre compte du rythme de la parole, de la prononciation et de l’articulation du locuteur. Les voyelles sont-elles allongées ? Certaines syllabes sont-elles altérées ?</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/376134/original/file-20201221-15-eb6vs7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/376134/original/file-20201221-15-eb6vs7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/376134/original/file-20201221-15-eb6vs7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=537&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/376134/original/file-20201221-15-eb6vs7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=537&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/376134/original/file-20201221-15-eb6vs7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=537&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/376134/original/file-20201221-15-eb6vs7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=675&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/376134/original/file-20201221-15-eb6vs7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=675&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/376134/original/file-20201221-15-eb6vs7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=675&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les paramètres extraits de la voix permettent d’inférer des connaissances sur l’état de santé de l’interlocuteur.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Vincent Martin</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Toutes ces informations sont des marqueurs vocaux qui sont utilisés pour estimer de très nombreuses informations sur votre interlocuteur, de manière indirecte – on parle d’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Inf%C3%A9rence">« inférence »</a>.</p>
<h2>Estimation automatique de pathologies dans la voix</h2>
<p>De même qu’elle peut <a href="https://theconversation.com/une-intelligence-artificielle-pour-mieux-analyser-les-appels-au-samu-145143">analyser le contenu de la voix d’une personne pour rédiger une fiche de SAMU</a>, des algorithmes d’intelligence artificielle peuvent, en calculant et interprétant les marqueurs vocaux décrits précédemment, <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/psychological-medicine/article/abs/machine-learning-in-mental-health-a-scoping-review-of-methods-and-applications/0B70B1C827B3A4604C1C01026049F7D9">identifier tout un panel de pathologies affectant la personne dont on a enregistré la voix</a>.</p>
<p>Ces systèmes d’IA ont tous en commun le fait qu’ils sont basés sur un <a href="https://theconversation.com/comment-motiver-une-ia-148869">apprentissage supervisé par renforcement</a> : ces systèmes nécessitent une base de données annotée manuellement par des spécialistes, à partir de laquelle ils ajustent les poids relatifs donnés à chaque indice vocal, et prennent une décision.</p>
<p>Dans notre cas d’étude de la voix, si <a href="https://www.researchgate.net/publication/343939349_How_are_you_Estimation_of_anxiety_sleep_quality_and_mood_using_computational_voice_analysis">quelques systèmes essayant d’estimer la gravité des symptômes</a> commencent à voir le jour, la majorité des systèmes actuels ont pour but de classifier les échantillons dans des catégories – généralement « sujet pathologique » ou « sujet sain ».</p>
<p>Les systèmes d’apprentissage existant dans le domaine du traitement du signal vocal sont principalement divisés en deux catégories, chacune ayant ses avantages et ses inconvénients.</p>
<p>L’approche la plus ancienne, mais toujours la plus utilisée, consiste à extraire les marqueurs de manière automatique, mais explicite (par exemple la moyenne de la fréquence de la voix), puis d’entraîner un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Classifieur_lin%C3%A9aire">« classifieur »</a> sur ceux-ci. Les marqueurs utilisés par le système sont alors parfaitement connus et on peut identifier les mécanismes de la voix qui permettent la détection de la maladie.</p>
<p>Des approches plus récentes et plus innovantes utilisent l’apprentissage profond (<em>deep learning</em>), ce qui permet d’atteindre de bonnes performances de classification entre les sujets sains et les patients malades. C’est le cas par exemple du système le plus avancé en détection de la dépression, qui atteint un <a href="https://www.mdpi.com/1099-4300/22/6/688/htm">score de classification de 74,0 %</a>. Pour extraire les marqueurs vocaux et les classifier, ce système étudie également le contenu fréquentiel des échantillons audio, mais il utilise pour ce faire des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9seau_neuronal_convolutif">« couches de neurones convolutifs »</a>. Si cette méthode donne de très bons résultats, son principal inconvénient réside dans le manque d’interprétabilité des paramètres extraits : quels indices vocaux le système a-t-il écoutés pour deviner si la personne est dépressive ?</p>
<h2>Diagnostic précoce de maladies neurodégénératives</h2>
<p>Utiliser de tels systèmes pour détecter des signes de pathologies dans la voix présente deux défis principaux.</p>
<p>Tout d’abord, le diagnostic le plus précoce possible de maladies neurodégénératives. Pour ces maladies, Alzeihmer ou Parkinson par exemple, le retard de diagnostic complique la prise en charge des patients. La voix, du fait qu’elle soit altérée avec la maladie, et par sa facilité d’acquisition et son faible coût logistique (il suffit d’un microphone pour enregistrer les patients), est un marqueur très prometteur pour le diagnostic de leurs formes précoces. Par exemple, en 2011 une équipe de l’université de Prague a étudié la voix de patients atteints d’une forme précoce de Parkinson et a réussi à atteindre un <a href="https://www.researchgate.net/publication/289293471_Acoustic_analysis_of_voice_and_speech_characteristics_in_early_untreated_Parkinson%E2%80%99s_disease">score de 85,02 % de classification correcte</a> grâce à différents marqueurs vocaux : le « rapport bruit sur harmoniques », qui mesure la « pureté » de la voix, le nombre de baisses d’intensité par seconde, un marqueur qui quantifie la justesse de l’articulation, et enfin l’écart-type de la fréquence fondamentale de la voix. Ainsi, par rapport à leurs homologues sains, les patients atteints de la maladie de Parkinson étudiés dans cette étude avaient une voix moins nette, plus bruitée, qui baissait souvent en intensité, avec une articulation diminuée et une fréquence fondamentale qui variait moins.</p>
<h2>Suivi de patients à domicile</h2>
<p>Une autre application prometteuse est celle des médecins virtuels. Ayant notamment fait leurs preuves dans le <a href="https://www.sudouest.fr/2020/12/04/kanopee-une-appli-pour-sortir-de-la-fatigue-8156099-10142.php">suivi du sommeil et de la fatigue lors des confinements</a> avec <a href="https://play.google.com/store/apps/details?id=com.sanpsy.kanopee&hl=en_US&gl=US">Kanopée</a>, ces assistants permettent de proposer des conseils personnalisés à l’utilisateur, basés sur les informations que celui-ci remplit régulièrement. Une collaboration entre une équipe du <a href="https://www.labri.fr/">Laboratoire bordelais de recherche en informatique</a> et le <a href="https://www.bordeaux-neurocampus.fr/qui-sommes-nous/les-6-unites-de-recherche/sanpsy/">laboratoire SANPSY</a> du CHU de Bordeaux travaille ainsi à y intégrer une IA pour analyser la voix et estimer la somnolence des utilisateurs d’un médecin virtuel. Cette approche permet de suivre la somnolence de l’utilisateur dans son milieu de vie habituel, inaccessible au médecin, et de mesurer l’efficacité des conseils donnés par l’application.</p>
<p>Cette collaboration a déjà permis la mise au point d’un système de détection de la somnolence atteignant un <a href="https://www.researchgate.net/publication/336871836_Sleepiness_detection_on_read_speech_using_simple_features">score de classification de 76,4 %</a> en se basant sur 22 marqueurs vocaux, divisés en cinq catégories. Les personnes somnolentes ont ainsi tendance à allonger les voyelles, qui ont une fréquence et une énergie qui varient moins, avec des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Formant">« formants »</a> déformés et une voix moins pure.</p>
<h2>Pourquoi ça n’existe pas déjà ?</h2>
<p>Pourquoi ces systèmes ne sont-ils pas encore utilisés dans la pratique clinique ?</p>
<p>Différences de langues dans les bases de données, différences de mesures des pathologies ou encore différences de populations, les obstacles sont nombreux à l’unification des résultats obtenus par chaque équipe séparément.</p>
<p>Par ailleurs, très peu d’études se sont penchées sur les cas de plusieurs pathologies simultanées. Par exemple, une personne dépressive peut aussi être dyslexique ou avoir un rhume. Dans ce cas, les deux maladies s’expriment dans la voix, et les connaissances actuelles ne sont pas suffisantes pour les spécifier de manière exclusive. Des études complémentaires sont donc nécessaires pour compléter les modèles, et petit à petit aboutir à un système « universel ».</p>
<p>En outre, la fiabilité des systèmes doit être d’autant plus grande qu’un mauvais diagnostic d’une IA pourrait avoir de grandes conséquences sur la prise en charge d’un·e patient·e. Même si certaines maladies sont détectées de manière crédible par des IA, la fiabilité de ces systèmes doit être vérifiée et revérifiée de multiples fois. Comme le rappelle le physicien et philosophe des sciences <a href="https://www.youtube.com/watch?v=LOLhjRdK1Pg">Étienne Klein</a>, la recherche est un processus qui nécessite du temps.</p>
<p>Un autre frein aux prochaines avancées dans le domaine de l’IA vocale pourrait bien sûr être éthique : si les obstacles précisés précédemment ne permettent pas encore leur déploiement – bien que cela soit un sujet de recherche actif en plein essor – la question du respect de la vie privée des usagers d’appareils connectés utilisant la voix se pose. Si l’estimation de la santé d’une personne grâce à sa voix permet une meilleure prise en charge médicale, que penser de la même estimation par des entreprises privées, évaluant ou commercialisant les mêmes informations, potentiellement à l’insu de leurs usagers ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152111/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Martin a reçu des financements du Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation.</span></em></p>Aperçu de recherches récentes sur l’utilisation de la voix des patients pour estimer des pathologies, poser des diagnostics précoces, ou suivre des patients à domicile, grâce à des algorithmes d’IA.Vincent Martin, Docteur en informatique, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1494812020-11-08T17:30:46Z2020-11-08T17:30:46ZQuel est le rapport entre des vers de terre sur un haut-parleur et une interface homme-machine ? Bienvenue chez les Ig Nobels<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/367492/original/file-20201104-21-1cm9n0g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C2%2C920%2C601&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La recherche fait parfois des liens étonnants.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Cette année, mon collègue <a href="https://www.swinburne.edu.au/science-engineering-technology/staff/profile/index.php?id=apototskyy">Andrey Pototsky</a> et moi-même avons reçu le prix Ig Nobel de physique pour nos <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-020-65295-4">travaux expérimentaux</a> impliquant des vers de terre vivants en vibration.</p>
<p>Les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Prix_Ig-Nobel">prix Ig Nobel</a> sont décernés chaque année pour récompenser des chercheurs dont les travaux ne sont pas seulement stimulants, mais aussi drôles ou inhabituels.</p>
<p>Notre travail <a href="https://www.leparisien.fr/societe/ig-nobel-bisous-lombrics-crocos-et-sourcils-au-menu-des-etudes-les-plus-dejantees-de-l-annee-21-09-2020-8388681.php">fait sourire</a>, mais aussi réfléchir. À première vue, il s’agit de deux chercheurs observant des vers de terre qui se tortillent sur un haut-parleur – mais pourquoi des chercheurs en physique et en mathématiques appliquées font-ils des choses pareilles ?</p>
<p>Et bien, c’est parce que nous explorons le potentiel d’une nouvelle approche pour interfacer cerveau et machines, grâce à des ondes sonores un peu spéciales. Venez, je vous emmène au laboratoire.</p>
<h2>Qu’avons-nous fait ?</h2>
<p>Tout d’abord, nous avons mis des vers de terre dans de l’alcool pour détendre leurs muscles. Ensuite, nous les avons fait vibrer sur un haut-parleur et avons utilisé une lumière laser pour observer les ondulations à la surface de chaque ver.</p>
<p>Ces ondes sont <a href="https://www.youtube.com/watch?v=QCiTD_9lE_0">bien connues dans les liquides</a> sous le nom d’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Instabilit%C3%A9_de_Faraday">« instabilités de Faraday »</a>. Dans la nature, les grenouilles peuvent en créer à la surface de l’eau pour <a href="https://fyfluiddynamics.com/2020/06/toad-singing/">attirer des congénères</a>, et on peut également les observer sur une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=OLUZMXuCAxY">goutte de liquide soumise à des vibrations</a>, lorsque les vibrations deviennent suffisamment intenses pour rendre la surface du liquide instable.</p>
<p>Comme les vers de terre sont principalement constitués d’eau, on s’attendait à ce qu’un ver sous sédatif vibre de la même manière qu’une goutte d’eau.</p>
<p>Lorsque nous avons allumé le haut-parleur, le ver s’est déplacé en entier de haut en bas. Mais lorsque nous avons augmenté le volume pour dépasser le « niveau d’instabilité de Faraday », des ondes de Faraday sont apparues à la surface des vers – comme nous nous y attendions.</p>
<p>Il est important de noter que même si ces ondulations non linéaires sont « instables », cela ne signifie pas qu’elles se comportent de manière totalement chaotique. En fait, les ondes de Faraday peuvent, après de nombreux essais et erreurs, être « programmées » pour se comporter d’une certaine manière.</p>
<h2>Mais pourquoi faire vibrer des vers de terre ?</h2>
<p>La réponse est à chercher du côté des neurosciences. En effet, on sait déjà que les neurones communiquent grâce à des <a href="https://www.pourlascience.fr/sd/physique/la-propagation-de-linflux-nerveux-4025.php">impulsions nerveuses électrochimiques</a>, c’est-à-dire impliquant des mouvements d’ions se déplaçant le long des fibres nerveuses, dites <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Axone">« axones »</a>. Des recherches antérieures ont <a href="https://www.pnas.org/content/102/28/9790">émis l’hypothèse</a> que ces influx nerveux ne se déplacent pas seulement sous forme de signaux électrochimiques, mais aussi sous forme d’ondes sonores. Nous pensons également que c’est le cas.</p>
<p>En effet, les vibrations sonores peuvent se déplacer à travers la peau, les os et les tissus humains sans causer de dommages. C’est ainsi que l’on procède à l’<a href="https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/ultrasons-biomedicaux">imagerie médicale par ultrasons</a>. L’oreille humaine <a href="http://www.cochlea.org/entendre/champ-auditif-humain">entend</a> des fréquences comprises entre 20 Hz (fréquence la plus grave) et 20 000 Hz (fréquence la plus aiguë). Par rapport à l’audition humaine, nous qualifions d’ultrasons tout ce qui est au-delà de 20 000 Hz. Mais les propriétés physiques des ondes que l’on perçoit et celles qui sont inaudibles sont très similaires.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quand-les-ultrasons-soignent-83376">Quand les ultrasons soignent</a>
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<p>Plus précisément, les ondes sonores peuvent former des <a href="https://science.sciencemag.org/content/276/5318/1520">« solitons »</a>. Les solitons sont des ondes qui se déplacent sur de longues distances et se croisent sans se déformer. Par exemple, de l’eau dans un canal peut se déplacer sous forme de solitons, comme le montre cette vidéo.</p>
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<figcaption><span class="caption">Un « soliton » se propage dans un canal rempli d’eau.</span></figcaption>
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<p>Les chercheurs savent que les solitons et les instabilités de Faraday possèdent des <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Oscillon">points communs </a> : les deux apparaissent quand certaines « conditions de résonance » sont satisfaites – c’est pourquoi nous pensons que sous les bonnes conditions expérimentales, nous pouvons générer des solitons dans des vers de terre en vibration.</p>
<p>Mais il est très difficile de détecter les solitons dans les nerfs humains, parce que notre système nerveux est très complexe (et pour des raisons et protocoles éthiques, bien sûr). Les vers de terre sont un <a href="https://physics.aps.org/articles/v7/s105">modèle efficace </a> : leurs fibres nerveuses sont grosses et assez simples et elles s’étendent le long du vers. Ceci permet d’accéder aux influx nerveux en faisant vibrer le vers entier.</p>
<h2>Les vibrations des ultrasons peuvent-elles transmettre des signaux nerveux ?</h2>
<p>Si des recherches futures confirment que certaines impulsions nerveuses se déplacent effectivement à travers les fibres nerveuses sous forme de solitons sonores, notre découverte des ondes de Faraday dans les vers de terre en vibration deviendra beaucoup plus importante.</p>
<p>En effet, cela pourrait indiquer la possibilité de produire et de modifier les impulsions nerveuses dans les tissus du cerveau, en propageant des ondes ultrasonores à différentes fréquences qui pourraient peut-être déclencher des ondes de Faraday au niveau des neurones. Nous pensons que celles-ci pourraient alors interagir avec les impulsions nerveuses « naturelles » du cerveau.</p>
<p>Si les impulsions nerveuses voyagent effectivement dans le cerveau sous forme de solitons, elles conserveraient leur forme tout au long du processus, ce qui garantirait que le signal transmis reste cohérent jusqu’à ce qu’il soit traité par le cerveau.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/367698/original/file-20201105-13-11a232h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/367698/original/file-20201105-13-11a232h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/367698/original/file-20201105-13-11a232h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=269&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/367698/original/file-20201105-13-11a232h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=269&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/367698/original/file-20201105-13-11a232h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=269&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/367698/original/file-20201105-13-11a232h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=337&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/367698/original/file-20201105-13-11a232h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=337&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/367698/original/file-20201105-13-11a232h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=337&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des vibrations peuvent être créées à l’aide d’un smartphone par exemple. Nous pensons que les ondes de Faraday provoquées par ces vibrations pourraient alors interagir avec les impulsions nerveuses de type « soliton », et faire l’interface entre cerveau et machine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ivan Maksymov</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Le potentiel des interfaces cerveau-machine</h2>
<p>De nombreuses tentatives ont été faites pour relier le cerveau humain aux ordinateurs. Un nombre croissant d’entreprises de haute technologie, dont <a href="https://neuralink.com/">l’implant Neuralink d’Elon Musk</a>, prévoient d’implanter des électrodes à aiguilles dans le cerveau humain pour établir un contact électrique.</p>
<p>Cela permettrait la transmission de connaissances – par exemple une langue étrangère – d’un ordinateur directement au cerveau d’une personne en quelques minutes seulement. Bien sûr, nous sommes encore loin de savoir comment faire quelque chose d’aussi complexe.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/zatL4uFRpC0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La transmission quasi instantanée de connaissances programmées au cerveau humain était un thème du film de science-fiction « The Matrix » de 1999.</span></figcaption>
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<p>Toutefois, cette approche électrique est <a href="https://www.theverge.com/2019/7/16/20697123/elon-musk-neuralink-brain-reading-thread-robot">très invasive</a> et présente des risques sanitaires importants, tels que l’inflammation du tissu cérébral ou les lésions cérébrales.</p>
<p>Nous pensons que nos résultats, dans l’attente de recherches plus approfondies, pourraient contribuer à créer un lien plus sûr et solide entre le cerveau humain et les ordinateurs – un lien qui fonctionne sans électrodes, et potentiellement avec un débit élevé.</p>
<h2>Que se passe-t-il maintenant ?</h2>
<p>À l’heure actuelle, nous ne prétendons pas avoir de solides preuves scientifiques que les ondes de Faraday peuvent interagir avec les impulsions nerveuses naturelles des vers de terre. Nos modèles suggèrent par contre qu’il devrait y avoir une forte interaction entre les deux ondes lorsque la fréquence des oscillations des ondes de Faraday coïncide avec la fréquence des impulsions nerveuses – si celles-ci se propagent bien sous forme de solitons.</p>
<p>Aucun modèle actuel ne peut prédire exactement quelles fréquences sont nécessaires pour permettre cette interaction. Il faudrait procéder à de très nombreux essais et erreurs pour le découvrir éventuellement.</p>
<p>Jusqu’à présent, nous avons <a href="https://www.researchgate.net/publication/344313500_Faraday_waves_in_earthworms_non-invasive_tests_of_the_soliton_model_of_nerve_impulses_In_Proc_12th_Australasian_Workshop_on_Computational_Neuroscience_and_Neural_Engineering_12_2019">présenté</a> nos idées à plusieurs <a href="http://neuroeng.org.au/wordpress/">communautés</a> de <a href="https://health.adelaide.edu.au/our-research/neuroimmunopharmacology-laboratory">chercheurs</a> en neurobiologie et, dans l’ensemble, nous avons reçu des réactions positives. Nous espérons que notre travail pourra peut-être être utile à des entreprises <em>high-tech</em>, ainsi qu’à nos collègues qui étudient des questions similaires.</p>
<p>Mais pour l’instant, nous continuons à étudier des vers sur des haut-parleurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149481/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ivan Maksymov a reçu des financements de l'Australian Research Council. </span></em></p>Ivan Maksymov et ses collègues ont reçu un IgNobel pour les recherches sur les ondes ultrasonores et leur potentiel pour interfacer cerveaux et ordinateurs de façon non invasive.Ivan Maksymov, Australian Research Council Future Fellow (Senior Lecturer), Swinburne University of TechnologyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1467032020-10-08T17:51:51Z2020-10-08T17:51:51ZBD « Sciences en bulles » : Les poissons à l'épreuve du bruit<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/362475/original/file-20201008-22-cadk3b.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C0%2C821%2C471&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour les poissons aussi, le paysage sonore évolue.</span> <span class="attribution"><span class="source">Peb&Fox/Syndicat national de l’édition</span></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/349128/original/file-20200723-35-4r1lck.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/349128/original/file-20200723-35-4r1lck.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=243&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/349128/original/file-20200723-35-4r1lck.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=243&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/349128/original/file-20200723-35-4r1lck.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=243&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/349128/original/file-20200723-35-4r1lck.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=305&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/349128/original/file-20200723-35-4r1lck.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=305&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/349128/original/file-20200723-35-4r1lck.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=305&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet extrait de la BD « Sciences en bulles » est publié dans le cadre de la Fête de la science (du 2 au 12 octobre 2020 en métropole et du 6 au 16 novembre en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème : « Quelle relation entre l’Homme et la Nature ? ». Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<hr>
<p>La pollution sonore, en perpétuelle augmentation avec la croissance de la population aux alentours des cours d’eau, menace de plus en plus les communautés aquatiques. Elle est très inquiétante car elle a des conséquences néfastes sur les espèces sensibles aux basses fréquences (émis par les bateaux notamment) comme les poissons et les invertébrés. Elle entraîne des changements comportementaux comme une augmentation des réponses anti-prédateurs qui peut jouer également sur l’alimentation (par exemple, les espèces vont passer plus de temps à se défendre, ou à être distraites par le bruit, et peuvent rater ou quitter des zones riches en ressources).</p>
<p>La pollution sonore est de plus en plus présente en eau douce, avec les commerces fluviaux et les activités nautiques, et pourrait favoriser l’expansion des espèces invasives qui sont l’une des causes majeures du déclin de la biodiversité en eau douce. Ces espèces invasives sont introduites volontairement (pour la diversité génétique, l’ornement ou la pisciculture) ou involontairement (via les transports de marchandises en bateau) et s’adaptent très rapidement, pouvant nuire aux espèces natives (naturellement présentes dans nos cours d’eau français).</p>
<p>C’est là que j’interviens. Je souhaite comprendre comment les espèces invasives et natives vont répondre au bruit anthropogénique et savoir si les espèces invasives seront plus dangereuses car peut-être tolérantes à la pollution sonore. Pour les étudier, j’observe et analyse leur comportement durant l’alimentation et je suis notamment attentive aux différences de comportement comme une modification de leur mobilité, de leur capacité à attaquer leurs proies ou leurs interactions sociales. Durant cette première année de thèse, je me suis concentrée sur des observations à l’échelle de l’individu. Il s’agit d’expériences réalisées en laboratoire où j’ai reproduit des conditions de vie qui se rapprochent le plus de leur environnement naturel (même si c’est impossible à reproduire exactement) et où j’ai observé individu par individu leur manière de s’alimenter avec du bruit anthropogénique.</p>
<p>Pourquoi avoir choisi ce sujet ?</p>
<p>Je n’ai pas fait d’écologie théorique durant mes études, mais j’ai acquis des compétences en éthologie (comportement animal), physiologie animale et génétique. Au fil du temps, j’ai développé de réelles inquiétudes concernant notre environnement et notamment sur les conséquences des activités anthropogéniques sur l’environnement. C’est pourquoi j’ai voulu relever le défi de faire une thèse en écologie.</p>
<p>De plus, peu d’études se concentrent sur les espèces en eau douce et aucune sur la pollution sonore. L’eau douce héberge plus de 100 000 espèces et sa biodiversité est en déclin dans depuis des années. J’aimerais, grâce à ma thèse, mettre en avant cette problématique afin qu’elle trouve sa place dans les débats de société.</p>
<p>Mes journées de travail sont très variables. Certaines périodes sont consacrées à la bibliographie : j’ai le nez plongé dans des articles et revues scientifiques toute la journée. Ou bien je prépare mes futures expériences à réaliser au laboratoire et cela me demande plus de temps et de concertations avec les animaliers pour l’aspect éthique animale dans mon expérimentation. Ou bien encore je suis en pleine expérience ou j’analyse les résultats des expériences. Je donne également des travaux dirigés à l’Université afin d’acquérir une première approche d’enseignant-chercheur.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/362472/original/file-20201008-20-1gc5e11.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/362472/original/file-20201008-20-1gc5e11.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=601&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/362472/original/file-20201008-20-1gc5e11.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=601&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/362472/original/file-20201008-20-1gc5e11.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=601&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/362472/original/file-20201008-20-1gc5e11.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=755&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/362472/original/file-20201008-20-1gc5e11.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=755&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/362472/original/file-20201008-20-1gc5e11.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=755&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/362474/original/file-20201008-22-l464uw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/362474/original/file-20201008-22-l464uw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=568&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/362474/original/file-20201008-22-l464uw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=568&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/362474/original/file-20201008-22-l464uw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=568&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/362474/original/file-20201008-22-l464uw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=713&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/362474/original/file-20201008-22-l464uw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=713&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/362474/original/file-20201008-22-l464uw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=713&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/146703/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emilie Rojas ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La pollution sonore est de plus en plus présente en eau douce. Comment les espèces natives et invasives y réagissent-elles ?Emilie Rojas, Doctorante en Neuro-éthologie, Université Jean Monnet, Saint-ÉtienneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1470602020-09-30T17:32:02Z2020-09-30T17:32:02ZBonnes feuilles : « La quantique autrement »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/360301/original/file-20200928-16-ndl5o2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C11%2C3780%2C1635&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Que vient faire Beethoven dans un article sur la physique quantique ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://hebergement.universite-paris-saclay.fr/supraconductivite/projet/la_quantique_autrement/">Eve Barlier</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p><em>La physique quantique est une des révolutions du XX<sup>e</sup> siècle, mais elle semble souvent difficile à appréhender sans formalisme mathématique.</em></p>
<p><em>Julien Bobroff, professeur de physique à l’Université Paris-Saclay, est aussi chercheur sur la vulgarisation scientifique et les pédagogies innovantes. Il propose dans son livre <a href="https://editions.flammarion.com/Catalogue/hors-collection/sciences/la-quantique-autrement">« La quantique autrement »</a> sorti aux Éditions Flammarion de parler de physique quantique, un peu différemment, avec moins de mathématiques et plus d’exemples ludiques.</em></p>
<hr>
<p>En 1801, Beethoven écrivait à un ami cher :</p>
<blockquote>
<p>« Depuis presque deux ans, j’évite toute société, car je ne peux pas dire aux gens : “Je suis sourd.” Si j’avais n’importe quel autre métier, cela serait encore possible ; mais dans le mien, c’est une situation terrible… »</p>
</blockquote>
<p>Pourtant, 15 ans plus tard, le musicien composait sa neuvième symphonie. Par quel miracle était‐il parvenu, alors qu’il était complètement sourd, à créer une de ses œuvres les plus célébrées ? En fait, le génie allemand avait un secret. Quand il composait ses morceaux au piano, il serrait entre ses dents une petite tige en bois appuyée sur l’instrument. En enfonçant les touches du clavier, les vibrations émises se propageaient depuis la caisse du piano jusqu’à sa mâchoire le long de la tige, puis de sa mâchoire jusqu’aux os du crâne, pour enfin atteindre son oreille interne qui fonctionnait encore un peu. Il parvenait alors à distinguer les notes. Bref, il pouvait entendre la musique à travers ses dents.</p>
<h2>Une histoire d’ondes</h2>
<p>Pour le comprendre, revenons au piano à queue qu’affectionnait Beethoven. Remarquez sa forme en demi-cloche. Ce n’est pas juste pour une raison esthétique. Quand une touche y est enfoncée, elle enclenche un petit marteau qui tape sur une corde. Plus cette corde est longue, plus le son est grave. Continuons : une octave plus bas et la longueur de la corde aura doublé. Voilà pourquoi le côté long du piano à queue correspond aux notes graves, le côté court aux aigus. En réalité, la tension et le matériau des cordes sont également modifiés entre notes basses et aiguës, afin que le piano ne fasse pas… 10 mètres de long !</p>
<p>Que verrions‐nous si nous filmions avec une caméra ultrarapide l’une de ces cordes ? Eh bien, elle semblerait osciller en faisant du sur‐place, un peu comme une corde à sauter fixe aux deux extrémités, mais tantôt en haut, tantôt en bas en son centre. C’est cet aller‐retour incessant qui fait vibrer l’air autour et produit le son qui parvient à nos oreilles. Tous les instruments à corde, comme la guitare ou le violon, fonctionnent sur le même principe. L’onde vibrante est chaque fois coincée aux deux extrémités fixes. Elle est contrainte à onduler entre ces deux bords. Elle exhibe alors toujours les mêmes types de profil : une bosse, deux, trois, quatre, en tout cas toujours un nombre entier de bosses régulièrement réparties sur la longueur de la corde. Le mécanisme est presque identique dans les instruments à vent, où c’est le tuyau dans lequel on souffle qui contraint l’onde. En fermant les trous du tube avec ses doigts, on agit sur la forme autorisée et sur la note produite.</p>
<p>Les instruments de musique nous délivrent en passant une leçon importante. Dès qu’une onde se développe entre des parois, dans un tube ou dans une boîte, une sélection naturelle s’opère. L’onde n’adopte que certaines formes, celles qui s’ajustent exactement à la taille de la boîte.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360309/original/file-20200928-18-11hequt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360309/original/file-20200928-18-11hequt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=262&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360309/original/file-20200928-18-11hequt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=262&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360309/original/file-20200928-18-11hequt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=262&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360309/original/file-20200928-18-11hequt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=330&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360309/original/file-20200928-18-11hequt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=330&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360309/original/file-20200928-18-11hequt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=330&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Illustration extraite de <em>La Quantique Autrement</em>.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://hebergement.universite-paris-saclay.fr/supraconductivite/projet/la_quantique_autrement/">Eve Barlier</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
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<p>Les pionniers de la quantique se sont très tôt inspirés de cette idée pour l’appliquer au monde de l’atome. Peut‐être d’autant plus vite que, pour la plupart, ils étaient d’excellents musiciens, Albert Einstein et Louis de Broglie remarquables violonistes, Max Planck et Max Born pianistes éclairés. Victor Weisskopf, un des plus brillants étudiants de Bohr, dira même plus tard : « Deux choses rendent la vie digne d’être vécue : Mozart et la mécanique quantique. »</p>
<h2>La prison à électrons</h2>
<p>Tout objet quantique, un électron ou un atome par exemple, se comporte comme une onde tant qu’il n’est pas mesuré. Ainsi, pour reproduire le principe du piano, il suffit de coincer l’une de ces particules dans une petite boîte ou entre deux parois, et le tour est joué ! Nul besoin d’air pour transmettre le son, puisque la particule est elle‐même une onde.</p>
<p>Plutôt que de faire des calculs sophistiqués pour prévoir comment se comporterait une telle boîte à particule, il vaut mieux la fabriquer et l’observer en action. C’est ce qu’accomplit l’équipe de Wilson Ho de l’Université de Californie en 2002. Ils utilisèrent alors un microscope à effet tunnel, l’outil idéal pour concevoir une « nanoboîte » puisqu’il permet de manipuler et de déplacer les atomes un par un. Entendu, je vous livre la recette !</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360310/original/file-20200928-14-1fs1vrq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360310/original/file-20200928-14-1fs1vrq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=263&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360310/original/file-20200928-14-1fs1vrq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=263&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360310/original/file-20200928-14-1fs1vrq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=263&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360310/original/file-20200928-14-1fs1vrq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=330&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360310/original/file-20200928-14-1fs1vrq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=330&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360310/original/file-20200928-14-1fs1vrq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=330&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Illustration extraite de <em>La Quantique Autrement</em>.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://hebergement.universite-paris-saclay.fr/supraconductivite/projet/la_quantique_autrement/">Eve Barlier</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>D’abord, les chercheurs évaporent un peu d’or au‐dessus d’une surface de nickel parfaitement plate. Les atomes d’or s’y déposent un peu au hasard, comme des gouttes de pluie. Puis ils repèrent où ces atomes se trouvent précisément, grâce au microscope. Ils approchent alors la pointe du microscope de l’un d’entre eux, qu’ils parviennent à soulever grâce à une tension électrique. Ils le déplacent et le reposent juste à côté d’un autre atome d’or. L’opération est répétée avec un troisième, un quatrième, un cinquième… Ils alignent ainsi vingt atomes d’or, parfaitement contigus. Tout cela doit se dérouler à extrêmement basse température, afin d’assurer une parfaite stabilité de l’ensemble, et sous ultravide pour se prémunir de toute poussière parasite. La petite rangée d’atomes qu’ils viennent de construire constitue une boîte quantique parfaite : vingt atomes de long, un atome de large. Mais où sont les ondes qui vont la peupler ? En fait, elles y sont déjà ! Dans tout métal, chaque atome libère un électron qui est susceptible de se déplacer librement et de conduire le courant. Ici aussi, et même s’il s’agit du métal le plus fin du monde, une vingtaine d’électrons peuvent désormais se déplacer librement. Grâce à la quantique, chacun d’entre eux se comporte comme une onde. Toutefois, il lui est impossible de s’échapper de la boîte. Chaque électron est telle une petite vague, enfermée dans la prison la plus étroite au monde. Les physiciens mesurent alors tout simplement la vitesse de cet électron captif et de ses congénères.</p>
<p>Le résultat ? Il aurait stupéfié Newton : certes les vitesses et les énergies mesurées suivent bien les lois de la mécanique, mais… il manque des valeurs ! Malgré les milliers de mesures effectuées, les physiciens ne trouvent chaque fois qu’une dizaine de valeurs, toujours les mêmes. Pour comprendre l’étrangeté du phénomène, imaginez un radar sur l’autoroute qui aurait flashé, un mois durant, plus de cent mille véhicules. Mais ses mesures révéleraient que les voitures circulaient toutes toujours soit à 27 km/h, soit à 42 km/h, soit à 78 km/h, jamais aucune autre valeur ! Pour le moins déroutant… Soulignons qu’il ne faut pas imaginer les électrons comme des voitures, plutôt comme des ondes coincées sur une corde de guitare. Ils ne peuvent prendre que certaines formes, et donc certaines vitesses. C’est la quantification.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360311/original/file-20200928-20-1yjx4rg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360311/original/file-20200928-20-1yjx4rg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=262&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360311/original/file-20200928-20-1yjx4rg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=262&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360311/original/file-20200928-20-1yjx4rg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=262&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360311/original/file-20200928-20-1yjx4rg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=330&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360311/original/file-20200928-20-1yjx4rg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=330&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360311/original/file-20200928-20-1yjx4rg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=330&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Illustration extraite de <em>La Quantique Autrement</em>.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://hebergement.universite-paris-saclay.fr/supraconductivite/projet/la_quantique_autrement/">Eve Barlier</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Les formes adoptées par les électrons ressemblent d’ailleurs à s’y méprendre à celles d’un instrument à corde. Leur fonction d’onde exhibe soit une bosse, soit deux bosses, soit trois bosses… Celle-ci fait du sur-place, incapable d’avancer ou de reculer, piégée entre les parois. L’équation de Schrödinger vise à calculer précisément cette allure si l’on connaît la taille de la boîte. Petit bonus, le calcul fournit aussi l’énergie de la particule. Cette énergie, ce serait comme la note de musique associée à l’électron. Plus il y a de bosses, plus la note est aiguë, plus l’énergie est élevée.</p>
<h2>Des notes quantiques imprévisibles</h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360492/original/file-20200929-22-1rn6sg9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360492/original/file-20200929-22-1rn6sg9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=829&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360492/original/file-20200929-22-1rn6sg9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=829&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360492/original/file-20200929-22-1rn6sg9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=829&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360492/original/file-20200929-22-1rn6sg9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1042&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360492/original/file-20200929-22-1rn6sg9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1042&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360492/original/file-20200929-22-1rn6sg9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1042&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’ouvrage est paru aux éditions Flammarion.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Éditions Flammarion</span></span>
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<p>Une particule quantique coincée dans une boîte est donc « quantifiée ». Elle ne peut adopter que des énergies aux valeurs précises et distinctes, par exemple 1, 4, 9… Comme si elle ne jouait que certaines notes. Si on essaye de faire passer la particule d’une énergie à une autre en l’excitant avec de la lumière ou de l’électricité, cela se fera brutalement, comme le piano qui passe d’un mi à un fa sans intermédiaire possible. Les physiciens représentent d’ailleurs souvent les énergies de la particule sous la forme d’une partition de musique. La quantification met donc en scène un univers discontinu fait de paliers bien séparés, avec possibilité de sauter de l’un à l’autre, mais interdiction absolue de se retrouver entre deux paliers.</p>
<hr>
<p><em>Les illustrations et d’autres informations autour du livre sont disponibles <a href="http://hebergement.universite-paris-saclay.fr/supraconductivite/projet/la_quantique_autrement/">sur le site de l’auteur</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147060/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Bobroff est professeur à l'Université Paris-Sud et anime l'équipe "La Physique Autrement" au Laboratoire de Physique des Solides. Il reçoit à ce titre des financements publics de l'Université Paris-Saclay et de sa Fondation, du CNRS et de l'ANR.</span></em></p>Pourquoi la physique quantique s’appelle-t-elle ainsi ?Julien Bobroff, Physicien, Professeur des Universités, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1362862020-07-06T20:21:45Z2020-07-06T20:21:45ZVoir la musique, entendre la lumière ou sentir les tremblements de terre : découvrez les exosens<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/345784/original/file-20200706-29-meo1v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=66%2C0%2C7389%2C4922&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Et si nous pouvions voir la musique ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/JAHdPHMoaEA">Spencer Imbrock / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Aujourd’hui, de plus en plus de technologies destinées à augmenter l’humain par l’ajout de nouveaux sens commencent à faire leur apparition sur le marché. Par exemple, la société <a href="https://www.cyborgnest.net/">Cyborg Nest</a> propose un boîtier à installer sur la poitrine permettant à son hôte de sentir le Nord. Et bientôt c’est tout un catalogue de sens qui pourrait être proposé à la vente.</p>
<p>Ces sens que l’on ajoute à son corps et son esprit et qui viennent changer la manière dont on perçoit le monde sont appelés <em>exosens</em>. Ils peuvent être attachés à l’enveloppe extérieure du corps sous forme de boîtiers sensoriels, attachés à des organes internes du corps comme des antennes liées au cerveau, ou bien être implantés dans le corps comme des micropuces. Par l’hybridation qu’ils imposent entre le corps et la technologie, ces technologies font de leurs utilisateurs de nouveaux cyborgs.</p>
<p>Êtes-vous prêt à passer le cap ? Comment choisir ce nouveau sens ? Quel impact pourrait-il avoir sur la vie quotidienne ? <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/hbe2.174">Nous revenons</a> sur ces questions au travers de l’étude de trois cas d’utilisation d’exosens.</p>
<h2>Quels exosens aujourd’hui ?</h2>
<p>Neil Harbisson est doté de ce qu’il appelle un « eyeborg », une antenne reliée à son cerveau. Composé d’une petite caméra et d’une puce, le dispositif transforme les ondes lumineuses en fréquences sonores, lui permettant d’entendre les couleurs.</p>
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<figcaption><span class="caption">Neil Harbisson, le cyborg qui entend les couleurs (Arte, 2016).</span></figcaption>
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<p>La chorégraphe <a href="https://www.liberation.fr/planete/2020/03/27/sixieme-sens-lunaire_1783346">Moon Ribas</a> peut ressentir les tremblements de terre en temps réel grâce à un capteur connecté à un sismographe en ligne et implanté dans ses pieds.</p>
<p>La société Cyborg Nest, propose à la vente le <a href="https://www.lemonde.fr/festival/article/2017/07/24/liviu-babitz-et-son-implant-qui-indique-le-nord_5164327_4415198.html">boîtier North Sense</a>, un dispositif sensoriel autonome qui se fixe sur la poitrine avec quelques piercings. Le boîtier émet une vibration à chaque fois que le porteur fait face au Nord. Liviu Babitz, PDG et fondateur de la société a été le premier être équipé de ce dispositif.</p>
<p>Chacune de ces personnes est équipée d’un dispositif autonome qui lui permet de percevoir une nouvelle sensation de manière naturelle. Bien que l’adaptation à ce dispositif ne soit pas sans difficulté, les nouvelles informations perçues deviennent à terme des sensations comprises sans réel effort.</p>
<h2>Mais qu’est-ce que ça change ?</h2>
<p>Lorsqu’on change sa manière d’appréhender le monde, on change aussi son rapport à l’autre. L’acquisition d’un exosens révolutionne la manière pour un individu d’appréhender le monde, de le comprendre, de s’en souvenir. Par exemple les <a href="https://qz.com/1424235/these-real-life-cyborgs-are-changing-their-brains-by-enhancing-their-bodies">utilisateurs du boîtier North Sens</a> mentionnent une relation à la mémoire complètement différente depuis qu’ils ont leur boîtier : en plus d’être connectés à des odeurs et des couleurs, leurs souvenirs sont dorénavant liés à l’orientation du lieu où ils se sont déroulés. Tous évoquent également une sensation de connexion avec le champ magnétique terrestre. Avoir un exosens, un sens artificiel et produit de la technologie, pourrait permettre de se rapprocher de la nature. Pour <a href="https://www.straitstimes.com/lifestyle/arts/walking-earthquake-detector">Moon Ribas</a>, sentir les tremblements de terre c’est sentir les battements de la terre. C’est le rapport au monde qui en est bouleversé, et à notre humanité.</p>
<p>Ce monde et notre identité sont aussi définis par le rapport que nous avons aux autres. Un exosens peut aussi permettre de se sentir plus en lien avec ceux qui sont à distance et dont on sait qu’ils sont au nord, ou potentiellement affectés par un tremblement de terre. Pour <a href="https://www.itweb.co.za/content/lwrKx73J9xbvmg1o">Neil Harbisson</a>, l’exosens permet littéralement de recevoir des images d’utilisateurs choisis sur chaque continent, de sorte à entendre les couleurs d’horizons lointains. D’autres exosens comme l’implant pour capter les mouvements autour de soi envisagé par Moon Ribas pourraient permettre de caler ses mouvements sur ceux des personnes autour de nous de manière plus fluide, dans une nouvelle forme de communication sans interaction. Mais alors comment comprendre ceux qui sont autour de soi, lorsqu’ils n’ont pas accès aux mêmes sensations ? Comment partager son sens du beau lorsqu’il provient de la musicalité des couleurs que personne d’autre n’entend ? Avec un exosens, est-ce que je me reconnecte aux autres ou est-ce que je ne développe que mon sens du soi comme différent des autres ?</p>
<h2>Utiliser un exosens pour poursuivre le développement de sa personnalité</h2>
<p>Pour Moon Ribas comme Neil Harbisson, le choix de leur exosens fait suite à un long développement du soi. Neil Harbisson a eu une éducation musicale qui lui a appris que les couleurs avaient une fréquence musicale particulière. Cette éducation couplée au fait qu’il ne puisse pas voir les couleurs l’ont amené à penser son exosens. Lorsque son amie Moon Ribas a envisagé un exosens, elle l’a fait en pensant à un sens lié au mouvement, dans la continuité de son développement de danseuse et chorégraphe. L’exosens fait sens et est une expansion de la manière de voir le monde développé par ses utilisateurs. Dans le cadre d’une activité commerciale, ce lien peut-être plus lâche. Avant de s’engager, il convient donc de prendre le temps de considérer ce qui pour chacun fait le soi.</p>
<p>La décision du sens à s’ajouter et de la forme que l’artefact technologique va prendre est discutée sous la perspective d’un retour à la nature. Il s’agit tant de considérer les formes naturelles d’antennes pour Neil Harbisson que de considérer des sens que les humains ont eus mais n’ont plus avec le North Sense. Paradoxalement, ce retour à la nature déclaré dénature les utilisateurs d’exosense qui avouent ne plus se sentir totalement humains, mais être humains autrement.</p>
<p>Alors que l’idée d’avoir de nouveaux sens peut séduire, notre courte présentation permet déjà d’entrevoir des dilemmes éthiques. L’exosens transforme ce qui est humain et nous met face aux limites de ce que nous considérons comme une identité humaine pour soi, et à travers soi pour les autres. L’exosens pose la question du monde commun que nous partageons et de la manière dont nous nous comprenons. Il pose aussi question du point de vue de son accès et de la performance d’un exosens commercial et de masse en comparaison d’un exosens fait sur mesure. Enfin, pouvons-nous physiquement et moralement accueillir plusieurs exosens ? La question se pose tant en terme de capacité que de droit. Réguler l’utilisation d’un exosens, est-ce poser une limite au développement de soi ? Et comment prouver avoir développé un sens de son identité suffisamment stable pour accueillir ce nouveau sens ?</p>
<p>Le débat sur les exosens est à évaluer dans le cadre du débat sur l’homme augmenté. Les plus forts opposants de ce projet d’augmentation fustigent ses potentielles dérives dont un éclatement de la société, un abandon de l’identité humaine, et un arrachement répugnant à la nature. Examiner les propos publics tenus par les utilisateurs d’exosens et fondateurs de la fondation cyborg que sont Moon Ribas et Neil Harbisson, c’est donc se confronter à une narrative également destinée à leurs adversaires. Face à ce projet de développement de l’humain, c’est à chacun et à nous tous de prendre position. Et vous, vous équiperiez-vous d’un exosens ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136286/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ce projet a été mené par le Dr Stéphanie Gauttier dans le cadre d'un projet européen (H2020- MSCA-IF-795536).</span></em></p>On peut aujourd’hui ajouter des sens aux cinq sens que notre corps connaît bien, ce qui change notre manière d’appréhender le monde et aussi notre personnalité.Stéphanie Gauttier, Professeur Assistant en Systèmes d'Information, Chaire Digital Organization & Society, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1358602020-05-17T18:08:57Z2020-05-17T18:08:57ZDécouverte : les manchots vocalisent sous l’eau<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/326069/original/file-20200407-36391-1bgdvda.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C22%2C917%2C512&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des manchots royaux en mer.</span> <span class="attribution"><span class="source">John Dickens</span></span></figcaption></figure><p>Comme tous les oiseaux marins, les manchots sont très bavards à terre lorsqu’ils viennent se reproduire. Ils utilisent des vocalisations <a href="http://202.91.10.51:8080/xmlui/bitstream/handle/123456789/365/Advances%20in%20the%20Study%20of%20Behavior%2C%20Volume%2031.pdf">pour se reconnaître</a> entre partenaires et entre parents et poussins.</p>
<p>En dehors de la saison de reproduction, les oiseaux marins passent la plus grande partie de leur vie en mer et sont adaptés à l’environnement marin dans lequel ils se nourrissent. Les manchots sont, de plus, uniques par leurs capacités de plongée exceptionnelles. Ils utilisent leurs ailes modifiées pour se propulser sous l’eau et effectuent des plongées jusqu’à 30 à 500 mètres en fonction des espèces, à la recherche de proies.</p>
<p>Nous avons cherché à savoir si les manchots étaient capables de produire des sons sous l’eau. Pour cela, notre unité de recherche sur les prédateurs marins <a href="https://mapru.mandela.ac.za">(MAPRU)</a> de l’université Nelson Mandela (Afrique du Sud) a attaché des caméras miniaturisées avec microphone intégré sur le dos de trois espèces de manchots : le manchot Royal, le manchot papou et le gorfou macaroni.</p>
<p>Notre étude présente la <a href="https://peerj.com/articles/8240/">première preuve</a> que les manchots émettent des sons sous l’eau lors de la chasse.</p>
<h2>Enregistrer les manchots en mer</h2>
<p>À cause des difficultés d’enregistrement, les vocalisations des manchots en mer sont encore très peu connues. Grâce aux avancées technologiques récentes et à la miniaturisation des caméras en particulier, de telles observations deviennent <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/ibi.12806">possibles</a>.</p>
<p>Nous avons <a href="https://peerj.com/articles/8240/">enregistré un total de 203 vocalisations</a> sous-marines chez les trois espèces de manchots étudiées, durant presque 5 heures d’enregistrement sous-marin (représentant 93 plongées).</p>
<p>Ces trois espèces ont été choisies car elles reflètent la diversité des stratégies d’alimentation des manchots en mer. Le manchot royal se nourrit principalement de poissons capturés à grande profondeur (<a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1890/0012-9658%281998%29079%5B1905%3AFSOKPA%5D2.0.CO%3B2">200 mètres</a>), alors que le gorfou macaroni se nourrit de krill dans les <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00300-010-0950-5">dix premiers mètres</a> de la colonne d’eau. Le manchot papou, quant à lui, est très généraliste, pouvant se nourrir de <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00227-017-3113-1">proies très variées</a> et à <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00227-016-3066-9">toutes les profondeurs</a>.</p>
<p>Les manchots ont été capturés dans leurs colonies de reproduction sur l’île Marion en sub-Antarctique au moment de leur départ en mer. Les caméras ont été récupérées au retour des individus à la colonie, après un voyage en mer.</p>
<p>Nos résultats montrent que toutes les vocalisations sous-marines étaient émises lors de plongées de nourrissage. La plupart d’entre elles (73 %) étaient émises durant la phase de fond des plongées, qui correspond à la phase de <a href="https://jeb.biologists.org/content/213/22/3874.short">prise alimentaire</a> (par opposition aux phases de descente et d’ascension).</p>
<p>Voici un extrait vidéo montrant une plongée de manchot royal, telle qu’enregistrée avec la caméra embarquée :</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/2qp_51XO4ao?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>La majorité des vocalisations était directement associée à un comportement de capture de proie : émises juste après une accélération (<a href="https://link.springer.com/article/10.1007%2Fs00227-005-0188-x">poursuite de proie</a>) ou émises juste avant une tentative de capture.</p>
<p>Ces vocalisations sous-marines ont été enregistrées chez les trois espèces de manchots étudiées. Ceci suggère qu’un tel comportement vocal pourrait exister chez d’autres espèces. Cependant, le fait que nous ayons observé des vocalisations en plus grande proportion lorsque les manchots se nourrissaient de poissons, et non de krill ou de mollusques, on peut penser que ce comportement pourrait être plus commun chez les manchots qui se nourrissent de poissons.</p>
<h2>Inattendu ?</h2>
<p>Jusqu’ici, l’existence de vocalisations sous-marines chez les manchots était totalement inconnue, bien que certains experts de notre <a href="https://www.cb.universite-paris-saclay.fr/">équipe de bioacoustique soupçonnaient leur existence</a>.</p>
<p>Nous savions déjà que les vocalisations émises en surface par les <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-017-07900-7">manchots papous</a> étaient associées au regroupement des individus. Les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/ibi.12806">manchots du Cap</a> sont aussi connus pour vocaliser en surface, principalement lors des phases de recherche de proies (potentiellement pour communiquer entre congénères) et lorsqu’ils <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/full/10.1098/rsos.170918">chassent en groupe</a> sur des bancs de poissons (potentiellement pour synchroniser leurs comportements de chasse).</p>
<p>D’autres prédateurs marins, tels les <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007%2F978-1-4612-1150-1_4">dauphins</a>, les <a href="https://tinyurl.com/rpbq4s5">otaries</a> et les <a href="https://bioone.org/journals/copeia/volume-105/issue-1/CE-16-407/First-Evidence-of-the-Pig-nosed-Turtle-Carettochelys-insculpta-Vocalizing/10.1643/CE-16-407.pdf">tortues marines</a> sont connus pour vocaliser sous l’eau. Pourquoi pas les manchots ?</p>
<h2>Une multitude de questions en suspens…</h2>
<p>Maintenant que nous savons que les manchots vocalisent sous l’eau, de nouvelles questions se posent. Par exemple, comment les manchots sont-ils capables de produire des sons sous l’eau, étant donné la pression en profondeur ? Pourquoi les manchots vocalisent sous l’eau ? Les différentes vocalisations que nous avons enregistrées servent-elles à échanger la même information ? Les manchots produisent-ils des sons dans des contextes différents ? Ces vocalisations sont-elles simplement le reflet de besoins physiologiques dus à la plongée en apnée, pour <a href="https://jeb.biologists.org/content/205/9/1189">ajuster la flottabilité</a> par exemple ? Peuvent-elles jouer un rôle dans les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/ibi.12806">interactions sociales</a> ? Peuvent-elles faire partie d’une technique de chasse et être utilisées pour <a href="https://afspubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1577/1548-8675%281992%29012%3C0667%3AROBHTH%3E2.3.CO%3B2">immobiliser des proies</a> ?</p>
<p>Des recherches futures permettront, nous l’espérons, d’apporter des éléments de réponse à ces questions afin de mieux comprendre les fascinants comportements des manchots en mer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135860/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une équipe de chercheurs a découvert que les manchots émettent des sons sous l’eau. Voici les détails de cette fascinante découverte.Andréa Thiebault, Postdoctoral fellow, Nelson Mandela UniversityIsabelle Charrier, Chercheuse CNRS en bioacoustique, Université Paris-SaclayPierre Pistorius, Professor, Nelson Mandela UniversityThierry Aubin, Senior Scientist, Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1340732020-03-24T19:19:12Z2020-03-24T19:19:12ZDans le silence du virus : quels effets sur les êtres vivants ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/321723/original/file-20200319-22606-1bq2zny.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C129%2C2270%2C1423&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un troglodyte mignon en pleine discussion. </span> <span class="attribution"><span class="source">Aurelien Audevard</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Le confinement de l’épidémie de Covid-19 réduit nos activités, notamment nos déplacements motorisés. Voitures, deux-roues, trains, bateaux et avions s’effacent de notre paysage pour un temps.</p>
<p>Ainsi <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/beaucoup-moins-de-bruit-en-ile-de-france-depuis-le-debut-du-confinement_3880759.html">s’amenuise</a> le <a href="http://www.acoucite.org/impact-covid-19-sur-lenvironnement-sonore/">bruit</a> de notre société agitée et revient le chant printanier des oiseaux amoureux. Il suffit d’ouvrir ses fenêtres pour s’apercevoir que le silence est revenu et que s’entend la nature.</p>
<p>Mais qu’est-ce que le silence ? Et quelle place tient-il dans la vie des animaux et dans les paysages naturels ? Que nous révèle aujourd’hui cette éclipse sonore ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1242066061937139713"}"></div></p>
<h2>La réalité acoustique du silence</h2>
<p>Le silence est multiple – à la fois individuel et intérieur, collectif et extérieur – et circonstanciel puisqu’il est social, familial, musical, professionnel, spirituel, radiophonique, électronique.</p>
<p>En acoustique, le silence correspond à l’absence de sons perceptibles par l’être humain. Le seuil de perception de notre oreille, quoique variable d’un individu à l’autre, est défini comme l’absence de variations autour d’une pression atmosphérique de 0,00002 Pascal ; le Pascal étant l’unité de mesure de la pression des gaz. Le niveau de pression acoustique au-delà de cette référence est mesuré en dB. Une valeur de 80 dB correspond à l’intensité sonore d’une rue à forte circulation.</p>
<p>Selon l’acoustique, le silence « vrai » se situe donc à 0 dB. Il est possible d’atteindre ce niveau dans une pièce totalement insonorisée, mais il est impossible de percevoir le silence absolu car il est immédiatement interrompu par notre corps, nos mouvements respiratoires, nos battements cardiaques.</p>
<p>La quête du silence absolu est ainsi perdue d’avance. Pour autant, le silence existe bien si l’on sort de cette définition strictement acoustique.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/JTEFKFiXSx4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Silence musical : la pièce 4’33’ » créée par le compositeur John Cage. (Joel Hochberg/Youtube).</span></figcaption>
</figure>
<h2>Le brouillage du bruit</h2>
<p>Pour définir le silence, on peut aussi aller voir du côté de son antimatière, le bruit.</p>
<p>Le bruit correspond à un son qui n’a pas de structure temporelle ou fréquentielle. C’est un phénomène désordonné, comme l’image neigeuse des anciens écrans de télévision. Le bruit est aussi un son qui ne porte pas d’information – il n’est pas intéressant. Un discours dans une langue inconnue de l’auditeur peut vite s’apparenter à du bruit.</p>
<p>Il peut également s’agir d’un son gênant qui perturbe la réception et la compréhension d’une information codée par un son intelligible – appelé « signal » ; le bruit est ainsi l’ennemi du signal. Si votre voisin parle en même temps que vous, il brouille votre signal. Le bruit, c’est aussi les autres.</p>
<p>Si nous détruisons le bruit et les signaux, nous avançons vers le silence. Il ne s’agit pas d’un silence absolu, mais d’une forme de flottement acoustique. Le silence n’est donc pas le néant – ce 0 dB défini par les acousticiens – mais plutôt une absence de bruit permettant d’atteindre un sentiment de tranquillité acoustique ; c’est notamment ce que l’on ressent dans les paysages sonores naturels.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/321991/original/file-20200320-22598-14hu09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/321991/original/file-20200320-22598-14hu09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/321991/original/file-20200320-22598-14hu09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/321991/original/file-20200320-22598-14hu09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/321991/original/file-20200320-22598-14hu09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/321991/original/file-20200320-22598-14hu09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/321991/original/file-20200320-22598-14hu09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La forêt hivernale du Risoux dans le Parc naturel du Haut-Jura.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Frédéric Sèbe/Université Jean‑Monnet Saint-Étienne pour ear.cnrs.fr</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><audio preload="metadata" controls="controls" data-duration="60" data-image="" data-title="Instant de silence naturel (forêt du Risoux, Haut-Jura 2018). Captation Frédéric Sèbe." data-size="1323850" data-source="Frédéric Sèbe/Université Jean‑Monnet Saint-Étienne pour ear.cnrs.fr" data-source-url="" data-license="" data-license-url="">
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<div class="audio-player-caption">
Instant de silence naturel (forêt du Risoux, Haut-Jura 2018). Captation Frédéric Sèbe.
<span class="attribution"><span class="source">Frédéric Sèbe/Université Jean‑Monnet Saint-Étienne pour ear.cnrs.fr</span><span class="download"><span>1,26 Mo</span> <a target="_blank" href="https://cdn.theconversation.com/audio/1911/zoom0012-lr-sel-frederic-sebe.mp3">(download)</a></span></span>
</div></p>
<h2>Et le virus tua le bruit</h2>
<p>Les paysages sonores peuvent être divisés en trois grandes catégories : la biophonie (ensemble des sons dus aux êtres vivants, à l’image du chant des oiseaux) ; la géophonie (ensemble des sons venant d’éléments naturels non vivants, comme le tonnerre ou la pluie) ; l’anthropophonie (ensemble des sons liés aux activités humaines).</p>
<p>Depuis quelques jours, la biophonie semble avoir pris le pas sur l’anthropophonie.</p>
<p>Le confinement lié au Covid-19 réduit le bruit de notre société, nous conduisant vers une forme de silence inattendu. L’immobilité fait décroître le bruit que nous générons avec nos moyens de transport : <a href="https://www.deplacementspros.com/transport/covid-19-news-transport-du-19-mars">réduction</a> du trafic routier, ferroviaire, aérien, et naval. C’est une situation acoustique totalement inédite que nous pouvons percevoir depuis nos fenêtres et balcons.</p>
<p>Que se passe-t-il au juste ?</p>
<p>Fondamentalement, pas grand-chose ! Une baisse du niveau du bruit ambiant, comme si l’équalizer était mieux réglé, ou que le souffle des enceintes avait disparu. Les sons de la nature réapparaissent, le <a href="https://www.wildproject.org/schafer-paysage-sonore">paysage sonore</a> passe d’une basse fidélité (<em>low-fi</em>) à une haute fidélité (<em>high-fi</em>).</p>
<p>En temps normal, le bruit de l’anthropophonie interfère avec le son des animaux, les obligeant à chanter plus fort, plus aigu, plus souvent, ou à décaler leur période de chant, réduire leur activité sonore, voire à <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0169534709002614">fuir</a>.</p>
<p>Le bruit est aussi source de stress, de fatigue, de dérèglements physiologiques, de perte de vigilance face aux prédateurs, de réduction des comportements <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/brv.12207">alimentaires</a>. Tous ces effets harassants peuvent influer sur la survie des individus et être visibles à l’échelle de tout un écosystème.</p>
<p>Il est donc raisonnable de penser qu’un cadre sonore calme, dépollué, puisse augmenter la survie des animaux chanteurs, faciliter leur reproduction, et conduise à des environnements naturels en meilleur état.</p>
<h2>Une expérience grandeur nature pour les éco-acousticiens</h2>
<p>Avec la crise du Covid-19, la diminution du trafic des transports offre des conditions uniques pour une expérience scientifique à grande échelle.</p>
<p>Supprimer en partie le bruit de tout un pays – choc exogène impensable pour un scientifique ! – permet de tester l’importance de l’anthropophonie sur le comportement et l’écologie animale ; et de mieux diagnostiquer la biodiversité en l’écoutant, activité essentielle de l’<a href="https://theconversation.com/leco-acoustique-ecouter-la-nature-pour-mieux-la-preserver-129376">éco-acoustique</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/leco-acoustique-ecouter-la-nature-pour-mieux-la-preserver-129376">L’éco-acoustique, écouter la nature pour mieux la préserver</a>
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</p>
<hr>
<p>Pendant toute cette période, des magnétophones installés depuis un an et demi dans le <a href="http://www.parc-haut-jura.fr/">Parc naturel régional du Haut-Jura</a> vont pouvoir, par exemple, enregistrer le paysage sonore d’une forêt de résineux et offrir la possibilité de comparer la structure et la dynamique acoustique d’un milieu naturel avant, pendant et après le <a href="http://ear.cnrs.fr">confinement</a>.</p>
<p>Citons aussi <a href="https://cutt.ly/jtlZ5bi">« Silent Cities »</a>, un projet collaboratif conduit par des chercheurs du CNRS et de l’IRD, qui s’est rapidement mis en place pour collecter des données sonores dans les villes confrontées à la pandémie.</p>
<h2>Cure silencieuse</h2>
<p>Quel pourrait être l’effet du changement sonore de l’épidémie pour nous, beaux parleurs et grands chanteurs ?</p>
<p>À peu près la même chose que pour les animaux : un processus de détoxication. Le passage du <em>low-fi</em> au <em>high-fi</em> nous permet de nous réapproprier l’espace sonore envahi par les machines ; de mieux percevoir et apprécier les sons de la nature.</p>
<p>Le bruit est facteur de gène auditive, de trouble du sommeil, de déconcentration, de changement d’humeur et de stress pouvant conduire à des effets chroniques comme la diminution de l’apprentissage, l’hypertension, ou un dérèglement <a href="https://www.bruitparif.fr/de-multiples-effets-negatifs-sur-la-sante/">hormonal</a>.</p>
<p>Ainsi, les paysages sonores calmes nous apportent un sentiment bénéfique de tranquillité et de <a href="https://www.eea.europa.eu/publications/quiet-areas-in-europe">repos</a>. Réduire le bruit, c’est donc assurément retrouver un contact sensoriel avec la nature, améliorer notre bien-être et protéger notre santé.</p>
<h2>Respiration ou apnée sonore</h2>
<p>Si le bruit est néfaste, que nous apprend ce nouveau silence ?</p>
<p>Chez les animaux, il peut indiquer l’absence de danger, notamment celui du prédateur rôdant. Lorsque l’individu est une proie, le silence est probablement réconfortant. Mais le silence des autres marque aussi l’absence de congénères, de contacts sociaux – notamment l’absence de parents pouvant offrir protection et ressources. Ainsi, les rats perçoivent l’immobilité d’un groupe et l’absence de sons due aux mouvements comme l’expression d’un <a href="https://doi.org/10.1016/j.cub.2012.06.015">danger</a>.</p>
<p>Depuis quelques jours, nous sommes devenus partiellement immobiles car un événement soudain est venu dérégler notre écosystème. Le silence du confinement pourrait donc être entendu comme l’absence de mouvement et générer une forme de peur individuelle. L’absence de biophonie, donc de nature, ne peut qu’accentuer ce mal-être : sortir aujourd’hui dans une rue minérale déserte est plus angoissant que de passer dans une rue arborée d’où sortent les notes flûtées d’oiseaux affairés.</p>
<p>Finalement, le silence du virus, qui semble presque rien, est en réalité majeur : il change notre quotidien et agit comme un signal provoquant réconfort ou angoisse. Selon notre vécu, nos besoins, nos expériences passées et notre confrontation à l’épidémie, nous pouvons vivre ce changement comme une respiration ou une apnée sonore. La nature, elle, libérée d’un stress multiple, apprécie certainement…</p>
<hr>
<p><em>Cet article est publié en collaboration avec les chercheurs de l’ISYEB (Institut de systématique, évolution, biodiversité, Muséum national d’histoire naturelle, Sorbonne Université).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/134073/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Sueur a reçu des financements du Parc naturel régional du Haut-Jura. </span></em></p>En mettant presque au point mort les transports, la pandémie nous a redonné un accès privilégié au silence et à ses multiples bénéfices.Jérôme Sueur, Maître de conférences, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1293762020-02-13T17:59:03Z2020-02-13T17:59:03ZL’éco-acoustique, écouter la nature pour mieux la préserver<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/314876/original/file-20200211-146708-cvihdn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quand la nature s’écoute. </span> <span class="attribution"><span class="source">EAR-CNRS</span></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>« Un grand oiseau noir, immobile, marquait le milieu du ciel, et de toutes parts, comme d’une mer de musique, montait la rumeur cuivrée des cigales. »</p>
</blockquote>
<p>Autour de nous, comme pour Marcel Pagnol qui évoque ici son entrée musicale en Provence, les animaux, les plantes, le vent, les rivières, le ressac produisent de longues partitions sonores. Ces compositions forment des paysages sonores naturels que les biologistes étudient depuis quelques années pour mieux comprendre et protéger la biodiversité.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/314758/original/file-20200211-146700-4iihwn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/314758/original/file-20200211-146700-4iihwn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/314758/original/file-20200211-146700-4iihwn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/314758/original/file-20200211-146700-4iihwn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/314758/original/file-20200211-146700-4iihwn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/314758/original/file-20200211-146700-4iihwn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/314758/original/file-20200211-146700-4iihwn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Paysage méditerranéen proche de Marseille.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sylvain Haupert/EAR-CNRS</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><audio preload="metadata" controls="controls" data-duration="46" data-image="" data-title="Paysage sonore méditerranéen avec trois espèces de cigales et le guêpier d’Europe." data-size="756003" data-source="Jérôme Sueur/EAR-CNRS" data-source-url="" data-license="CC BY-NC-ND" data-license-url="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">
<source src="https://cdn.theconversation.com/audio/1839/01-choeur-cigales.mp3" type="audio/mpeg">
</audio>
<div class="audio-player-caption">
Paysage sonore méditerranéen avec trois espèces de cigales et le guêpier d’Europe.
<span class="attribution"><span class="source">Jérôme Sueur/EAR-CNRS</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a><span class="download"><span>738 ko</span> <a target="_blank" href="https://cdn.theconversation.com/audio/1839/01-choeur-cigales.mp3">(download)</a></span></span>
</div></p>
<h2>Du soliste à l’orchestre</h2>
<p>Au cours de la Seconde Guerre mondiale, les sous-marins alliés <a href="https://video.nationalgeographic.com/video/worlds-deadliest/00000144-0a29-d3cb-a96c-7b2dbb190000">utilisèrent les crépitements de petits crustacés</a> – les crevettes pistolets – comme un bouclier sonore pour se cacher des <a href="https://reefs.com/blog/wp-content/uploads/2016/05/2016_DMPMATCH_HEADER_280x210.jpg">sonars ennemis</a>. Grâce à cette tactique militaire, les recherches en bioacoustique prirent un essor historique et l’on commença à s’intéresser au comportement sonore des animaux.</p>
<p>La bio-acoustique cherche depuis à <a href="https://www.babelio.com/livres/Fischetti-La-symphonie-animale--Comment-les-betes-utilisent/363704">comprendre le rôle</a> de ces sons pour la vie et la survie des animaux, qu’ils soient mouches, crapauds, éléphants ou baleines. Nous en savons aujourd’hui beaucoup sur les chants nuptiaux, les cris familiaux ou encore les batailles sonores que se livrent proies et prédateurs.</p>
<p>Mais, depuis quelques années, les scientifiques écoutent la nature d’une autre oreille. Au lieu d’enregistrer les animaux solistes, ils captent l’orchestre, c’est-à-dire tous les sons émergeant d’un paysage naturel – une forêt, une rivière, un océan. De ces entrelacs sonores, ils extraient des informations essentielles au suivi et à la protection de la biodiversité.</p>
<p>Cette nouvelle écoute scientifique constitue le cœur d’une jeune discipline : l’<a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s12304-015-9248-x">éco-acoustique</a>.</p>
<h2>Espions de la nature</h2>
<p>Que font au juste les éco-acousticiens ?</p>
<p>Hommes et femmes de terrain, ils installent discrètement des magnétophones automatiques dans des milieux où la biodiversité est particulièrement intéressante et souvent menacée : forêts, lacs, savanes, fonds marins, récifs coralliens, mais aussi plantations forestières, champs agricoles ou parcs urbains.</p>
<p>Ils programment leurs capteurs pour enregistrer à des heures précises ou suivant un calendrier régulier – une minute toutes les quinze minutes durant des semaines, des mois, voire des années, par exemple. Ces capteurs ne dérangent en rien la vie animale.</p>
<p>En véritables espions de la nature, les éco-acousticiens observent sans être vus ni entendus.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/314770/original/file-20200211-146674-gfs4zm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/314770/original/file-20200211-146674-gfs4zm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/314770/original/file-20200211-146674-gfs4zm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/314770/original/file-20200211-146674-gfs4zm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/314770/original/file-20200211-146674-gfs4zm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/314770/original/file-20200211-146674-gfs4zm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/314770/original/file-20200211-146674-gfs4zm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Magnétophone automatique captant l’évolution du paysage sonore.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Frédéric Sèbe/Université Saint-Étienne</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><audio preload="metadata" controls="controls" data-duration="60" data-image="" data-title="Chœur d’oiseaux dans la forêt du Risoux (Haut-Jura) à 7h15 en juin 2019." data-size="964983" data-source="EAR-CNRS" data-source-url="" data-license="CC BY-NC-ND" data-license-url="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">
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<div class="audio-player-caption">
Chœur d’oiseaux dans la forêt du Risoux (Haut-Jura) à 7h15 en juin 2019.
<span class="attribution"><span class="source">EAR-CNRS</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a><span class="download"><span>942 ko</span> <a target="_blank" href="https://cdn.theconversation.com/audio/1844/02-s4a03895-20190613-071500-mod.mp3">(download)</a></span></span>
</div></p>
<p>Revenus dans leurs laboratoires, les éco-acousticiens cherchent alors des informations parmi les centaines de milliers de fichiers audio obtenus grâce à leurs enregistreurs. Plusieurs solutions s’offrent alors à eux.</p>
<p>La première option consiste à rechercher le son d’une espèce déjà connue et importante pour la diversité locale : les loups en progression en Europe, les cachalots de passage en Méditerranée, les toucans amazoniens ou les crapauds bruns en déclin. La reconnaissance d’une seule espèce est relativement aisée.</p>
<p>Reconnaître automatiquement toutes les espèces qui forment un paysage sonore reste encore un défi d’identification automatique qui sera peut-être relevé un jour grâce aux <a href="https://besjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/2041-210X.13103">nombreux laboratoires</a> utilisant l’intelligence artificielle et des bibliothèques sonores de référence – comme <a href="https://www.xeno-canto.org">Xeno-Canto</a> ou la <a href="http://sonotheque.mnhn.fr">sonothèque</a> du <a href="https://www.mnhn.fr/">Muséum national d’histoire naturelle</a>.</p>
<p>La deuxième option consiste à classer automatiquement, sans les connaître a priori, les sons contenus dans un fichier audio. On estime ici le nombre de sons dans un paysage sans chercher à les identifier. L’algorithme dira, par exemple, que le fichier contient cinq sons distincts sans savoir s’ils sont dus à un ou plusieurs oiseaux, amphibiens ou insectes. Cette technique dite de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1470160X1830181X">« classification non supervisée »</a> progresse et devrait aider au suivi de milieux difficiles d’accès, comme la canopée ou les fonds marins.</p>
<p>La troisième possibilité caractérise un enregistrement par une seule valeur mathématique, un peu comme un indicateur économique essaie de résumer la santé financière d’un pays. Ces valeurs, ou indices acoustiques, cherchent essentiellement à mesurer la richesse ou complexité sonore d’un enregistrement.</p>
<p>Ces <a href="https://conbio.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/cobi.13119">indices</a>, créés il y a une petite dizaine d’année, sont maintenant très nombreux et utilisés partout dans le monde. Ils aident, par exemple, au suivi des récifs coralliens. Ces habitats marins abritent une diversité unique et fortement menacée dont une grande partie produit des sons : poissons et mammifères marins mais aussi oursins et crustacés – dont la fameuse crevette pistolet.</p>
<p>Installer un hydrophone (microphone immersible) permet de capter une partie de la vie acoustique des récifs et d’estimer à l’aide des indices acoustiques les variations écologiques <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1470160X19306193">entre plusieurs sites et au cours du temps</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/314772/original/file-20200211-146682-12x9q6i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/314772/original/file-20200211-146682-12x9q6i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/314772/original/file-20200211-146682-12x9q6i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/314772/original/file-20200211-146682-12x9q6i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/314772/original/file-20200211-146682-12x9q6i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/314772/original/file-20200211-146682-12x9q6i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/314772/original/file-20200211-146682-12x9q6i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Système d’enregistrement automatique placé sur le récif Aboré en Nouvelle-Calédonie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Simon Élise/Université de la Réunion</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><audio preload="metadata" controls="controls" data-duration="20" data-image="" data-title="Paysage sonore d’un récif de Nouvelle-Calédonie avec arthropodes et poissons." data-size="321036" data-source="Simon Élise/Université de la Réunion" data-source-url="" data-license="CC BY-NC-ND" data-license-url="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">
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<div class="audio-player-caption">
Paysage sonore d’un récif de Nouvelle-Calédonie avec arthropodes et poissons.
<span class="attribution"><span class="source">Simon Élise/Université de la Réunion</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a><span class="download"><span>314 ko</span> <a target="_blank" href="https://cdn.theconversation.com/audio/1845/03-sequence8-passebas4k12db-simonelise.mp3">(download)</a></span></span>
</div></p>
<h2>Changements climatiques, changements acoustiques</h2>
<p>Les paysages sonores des récifs coralliens, comme ceux de nombreux autres sites naturels, sont en train d’être modifiés par les changements climatiques.</p>
<p>Le comportement sonore animal est en effet réglé en partie par la physiologie des appareils vocaux et auditifs. <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/full/10.1098/rspb.2014.0401">Des changements de température</a> peuvent affecter les émissions sonores les rendant, par exemple, plus rapides, plus intenses, plus aiguës. La sensibilité des oreilles et autres organes récepteurs peut être modifiée par la température. Ces changements influencent aussi la propagation des sons entre chanteur et auditeur.</p>
<p>Les changements climatiques induisent également des déplacements des populations, réorganisant les écosystèmes et les paysages en fonction de la latitude et de l’altitude. Le climat détermine en partie les rythmes de la nature, notamment l’alternance jour-nuit et les saisons. Les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0169534719302265">conséquences acoustiques</a> peuvent être donc importantes : gains, pertes, décalages et déphasages sonores.</p>
<p>Sous les hautes latitudes, un printemps précoce décalera d’autant le chœur des oiseaux et des nuits chaudes favoriseront les stridulations des insectes. Sous les tropiques, des changements des saisons des pluies impliquent aussi de forts changements acoustiques.</p>
<p>Les effets climatiques sur l’acoustique ne sont pas encore très bien connus car les éco-acousticiens manquent de données historiques, mais il est encore temps de faire des observations, c’est pourquoi des forêts – comme celle du massif du Risoux dans le Parc naturel régional du Haut-Jura et celle de la réserve des Nouragues en Guyane – seront enregistrées sur 15 ans.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/314773/original/file-20200211-146678-1iwn9xs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/314773/original/file-20200211-146678-1iwn9xs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/314773/original/file-20200211-146678-1iwn9xs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/314773/original/file-20200211-146678-1iwn9xs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/314773/original/file-20200211-146678-1iwn9xs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/314773/original/file-20200211-146678-1iwn9xs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/314773/original/file-20200211-146678-1iwn9xs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Dans la forêt tropicale amazonienne, la station de recherche du CNRS des Nouragues (Guyane française), une zone protégée acoustiquement.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nina Marchand/CNRS</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><audio preload="metadata" controls="controls" data-duration="60" data-image="" data-title="Paysage sonore de la réserve naturelle des Nouragues (Guyane française)." data-size="964983" data-source="EAR-CNRS" data-source-url="" data-license="CC BY-NC-ND" data-license-url="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">
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</audio>
<div class="audio-player-caption">
Paysage sonore de la réserve naturelle des Nouragues (Guyane française).
<span class="attribution"><span class="source">EAR-CNRS</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a><span class="download"><span>942 ko</span> <a target="_blank" href="https://cdn.theconversation.com/audio/1846/04-nouragues.mp3">(download)</a></span></span>
</div></p>
<h2>Le fracas ou le néant</h2>
<p>Mais le changement climatique n’est pas la seule menace : destructions, constructions, pollutions et exploitations sont autant de facteurs qui peuvent changer l’acoustique des environnements naturels avec deux alternatives extrêmes : le bruit ou le silence, le fracas ou le néant.</p>
<p>D’un côté, les activités humaines génèrent un bruit presque continu. Aux États-Unis, la plupart des <a href="https://science.sciencemag.org/content/356/6337/531">parcs nationaux</a> sont impactés par les bruits des machines humaines, notamment des transports. Dans la forêt du Risoux dans le Haut-Jura, trois quarts des enregistrements cumulés sur un an d’écoute automatique contiennent au moins un bruit d’avion, nous indiquent des relevés récents.</p>
<p>Dans les océans, le trafic naval a doublé entre 1950 et 2000 induisant un niveau de bruit <a href="https://www.nature.com/magazine-assets/d41586-019-01098-6/d41586-019-01098-6.pdf">deux fois plus intense</a> tous les dix ans. Ces bruits gênent les conversations animales et occupent une place trop importante dans les paysages sonores. La tranquillité que les humains recherchent dans les espaces naturels ne peut qu’être perturbée par la présence de ces bruits.</p>
<p>D’un autre côté, la perte de biodiversité actuelle induit une réduction des sons naturels. C’est ainsi que la nature peut s’enrouer, comme l’avait prédit <a href="https://www.pbslearningmedia.org/resource/amex29rc-soc-pesticide/american-experience-rachel-carson-pesticide-early-warnings/">Rachel Carson</a> dans son livre <em>Printemps silencieux</em> (1964) :</p>
<blockquote>
<p>« Le printemps avait perdu sa voix. Le matin, naguère vibrant dès l’aube du chœur de dizaines de chants d’oiseaux, aucun son n’était perceptible ; seul le silence régnait sur les champs, les bois et les marécages. »</p>
</blockquote>
<p>Entrer dans une forêt silencieuse est une expérience effrayante, la nature muette est une nature morte. Mais le silence dans la nature n’est peut-être pas celui que l’on croit : ce n’est pas forcément le zéro décibel – cette échelle qui mesure l’intensité sonore – mais tout simplement l’absence de sons d’origine humaine. Le silence dans la nature serait, comme l’a énoncé avec la plus grande justesse un enfant de classe élémentaire à l’occasion d’un atelier animé par la compagnie <a href="http://www.compagnie-decidela.fr/">De-ci de-là</a>, « un son qui ne fait pas de bruit »…</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/314777/original/file-20200211-146700-10f2l1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/314777/original/file-20200211-146700-10f2l1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/314777/original/file-20200211-146700-10f2l1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/314777/original/file-20200211-146700-10f2l1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/314777/original/file-20200211-146700-10f2l1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/314777/original/file-20200211-146700-10f2l1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/314777/original/file-20200211-146700-10f2l1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Forêt boréale de Russie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Simon Targowla/EAR-CNRS</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><audio preload="metadata" controls="controls" data-duration="60" data-image="" data-title="Paysage sonore silencieux, ou sans bruits, de la forêt boréale russe, à 3h00 du matin en juin 2018." data-size="960932" data-source="Simon Targowla/EAR-CNRS" data-source-url="https://www.ear.cnrs.fr" data-license="CC BY-NC-ND" data-license-url="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">
<source src="https://cdn.theconversation.com/audio/1847/05-fore-t-bore-ale-russe.mp3" type="audio/mpeg">
</audio>
<div class="audio-player-caption">
Paysage sonore silencieux, ou sans bruits, de la forêt boréale russe, à 3h00 du matin en juin 2018.
<span class="attribution"><a class="source" rel="nofollow" href="https://www.ear.cnrs.fr">Simon Targowla/EAR-CNRS</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a><span class="download"><span>938 ko</span> <a target="_blank" href="https://cdn.theconversation.com/audio/1847/05-fore-t-bore-ale-russe.mp3">(download)</a></span></span>
</div></p>
<hr>
<p><em>Cet article est publié en collaboration avec les chercheurs de l’ISYEB (Institut de systématique, évolution, biodiversité, Muséum national d’histoire naturelle, Sorbonne Université).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/129376/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Sueur a reçu des financements du Parc naturel régional du Haut-Jura. </span></em></p>En véritables espions de la nature, les éco-acousticiens observent sans être vus ni entendus.Jérôme Sueur, Maître de conférences, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1282662020-01-06T18:34:50Z2020-01-06T18:34:50ZSifflements, chants et gazouillis, mais que disent les oiseaux ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/307094/original/file-20191216-123992-5if2pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C0%2C991%2C679&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un roitelet à triple bandeau (Regulus ignicapilla). </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Regulus_ignicapilla_-Galicia,_Spain_-singing_in_a_conifer_tree-8_(1).jpg">Wikimédia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Les oiseaux utilisent différents types de vocalisations produites dans différents contextes : maintien du contact avec les congénères, alarme en présence d’un prédateur, défense du territoire, attraction d’un partenaire sexuel…</p>
<p>À l’instar de l’espèce humaine, plus de la moitié des espèces d’oiseaux sont capables d’imiter les sons produits par des congénères. Chez de nombreuses espèces, cette capacité dépasse même le cadre du répertoire vocal spécifique : il peut s’agir de sons produits par d’autres espèces, de sons de l’environnement, voire de mélodies musicales.</p>
<p>Jusqu’à quel point les vocalisations produites par les oiseaux peuvent-elles nous renseigner sur leurs capacités cognitives et leur état interne : à quoi pensent-ils ? que ressentent-ils ?</p>
<p>En 1974, le philosophe Thomas Nagel publie un article au titre suivant : <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Quel_effet_cela_fait-il_d%27%C3%AAtre_une_chauve-souris_%3F">« Quel effet cela fait-il d’être une chauve-souris ? »</a>. Selon lui, comme Jakob Von Uexküll qui l’a précédé dans cette réflexion avec la <a href="https://www.cairn.info/revue-philosophique-2009-4-page-419.htm">notion d’<em>Umwelt</em></a> (le monde propre de chaque espèce), nous n’avons aucun moyen de se mettre à la place d’un animal d’une autre espèce et de pouvoir ainsi appréhender son expérience de vie. Mais l’éthologiste possède néanmoins des outils pour étudier la communication chez les animaux et proposer des hypothèses vérifiables par l’expérimentation, à la fois en laboratoire mais aussi sur le terrain.</p>
<p>Avant de s’intéresser aux messages véhiculés par les vocalisations chez les oiseaux, il faut rappeler qu’il en existe près de 10 000 espèces différentes. Chaque espèce représente une histoire différente, bâtie au fil de centaines de milliers voire de millions d’années. Il faut donc prendre en considération les conditions socio-écologiques de chaque espèce et son histoire évolutive pour mieux appréhender ce que ses représentants communiquent vocalement.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/307101/original/file-20191216-124027-1x3j6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/307101/original/file-20191216-124027-1x3j6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/307101/original/file-20191216-124027-1x3j6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/307101/original/file-20191216-124027-1x3j6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/307101/original/file-20191216-124027-1x3j6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=482&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/307101/original/file-20191216-124027-1x3j6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=482&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/307101/original/file-20191216-124027-1x3j6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=482&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">10 000 espèces d’oiseaux sont répertoriées à ce jour.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Larousse_illustr%C3%A9_Aug%C3%A9_-_planche_-_oiseaux.jpg">Nouveau Larousse illustré, Claude Augé, planche oiseaux (1898)</a></span>
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<h2>Talents d’imitation</h2>
<p>Comme les humains, près de la moitié des espèces d’oiseaux sont capables d’imiter les sons de leur environnement social, principalement ceux produits par des individus conspécifiques. Ces espèces appartiennent à trois groupes taxonomiques différents : les psittacidés (perruches et perroquets), les trochilidés (colibris) et les oscines (environ les deux tiers des espèces de passereaux tels que le merle noir, le rossignol philomèle, le canari).</p>
<p>Parmi les vocalisations produites par les oiseaux par apprentissage, c’est le chant des oscines qui a fait l’objet du plus grand nombre d’études. Chez le diamant mandarin, on a découvert que seuls les mâles chantent et que le chant est appris pendant une période sensible de la vie précoce, comprise entre 25 et 90 jours environ après l’éclosion.</p>
<p>Chez d’autres espèces comme le canari, le chant peut changer au cours de la vie, d’une saison à une autre. Enfin, si pour certaines espèces, ces changements peuvent s’étaler sur plusieurs semaines voire sur plusieurs mois, certaines espèces sont capables de modifier quasi-instantanément leurs vocalisations pour imiter un modèle. Certaines espèces sont également capables d’imiter des sons de leur environnement sonore. L’apprentissage de mots humains par certaines espèces en est l’exemple le plus emblématique. C’est le cas chez de nombreuses espèces de psittacidés et de corvidés mais aussi chez certaines espèces d’oscines comme l’étourneau sansonnet.</p>
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<p>Au Siècle des Lumières, dans les milieux aristocratiques en France et dans d’autres pays européens, on entraînait ainsi des oscines (canaris, rossignols…) à imiter des mélodies musicales.</p>
<h2>Décoder les vocalisations</h2>
<p>Si des vocalisations ont été décrites chez toutes les espèces d’oiseaux recensées, certaines espèces ne vocalisent pas ou peu alors que d’autres ont un répertoire vocal riche de plusieurs types différents de vocalisations émises dans des contextes différents.</p>
<p>Cette description se trouve facilitée depuis la deuxième moitié du XX<sup>e</sup> siècle par la possibilité d’enregistrer et d’analyser les productions vocales des oiseaux, voire de les synthétiser avant de les diffuser. Cette procédure permet de tester la réaction des oiseaux à des stimuli naturels ou artificiels, et d’essayer ainsi de décoder le message véhiculé en identifiant les sons ou les paramètres acoustiques pertinents dans la transmission du message.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308612/original/file-20200106-123368-1vzmlq7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308612/original/file-20200106-123368-1vzmlq7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=213&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308612/original/file-20200106-123368-1vzmlq7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=213&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308612/original/file-20200106-123368-1vzmlq7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=213&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308612/original/file-20200106-123368-1vzmlq7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=267&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308612/original/file-20200106-123368-1vzmlq7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=267&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308612/original/file-20200106-123368-1vzmlq7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=267&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Sonagramme d’un chant de diamant mandarin. Le sonagramme est une représentation graphique d’un son, avec le temps en abscisse et la fréquence en ordonnée.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Le travail consiste dans un premier temps à décrire le répertoire vocal : classer les vocalisations en fonction de leur contexte d’émission et de leur sémantique, en utilisant parfois des onomatopées et/ou des mots humains pour faciliter leur identification.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/307096/original/file-20191216-124009-wjy4mg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/307096/original/file-20191216-124009-wjy4mg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/307096/original/file-20191216-124009-wjy4mg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/307096/original/file-20191216-124009-wjy4mg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/307096/original/file-20191216-124009-wjy4mg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/307096/original/file-20191216-124009-wjy4mg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/307096/original/file-20191216-124009-wjy4mg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Fleurs et oiseaux au fil des mois : neuvième mois (détail), Aibika, œillets, cotonnier et mésange. Œuvre de Sakai Hōitsu (1761-1828). Kakemono, peinture sur soie.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/dalbera/16080153950">Jean‑Pierre Dalbéra/Flickr</a></span>
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<p>En 1871, dans l’ouvrage qu’il consacre à l’évolution humaine et à la sélection sexuelle, Charles Darwin souligne déjà que « les sons émis par les oiseaux offrent, à plusieurs égards, l’analogie la plus proche du langage […] ». Comme pour le langage humain, les vocalisations produites par les oiseaux ont différentes fonctions qui ne sont pas mutuellement exclusives. Parmi les fonctions du langage définies par le linguiste Roman Jakobson en 1963, seule la fonction métalinguistique (la possibilité de parler du code lui-même à savoir le langage chez l’humain) n’est pas observée dans les autres communications animales. La fonction expressive fait référence aux motivations de l’émetteur et dépend aussi de ses caractéristiques intrinsèques, de ce que l’on résume comme l’état interne de l’animal : son état physiologique, ses émotions.</p>
<h2>L’influence des états émotionnels</h2>
<p>Si certaines vocalisations peuvent être émises dans des situations différentes (par exemple des cris de contact lors de la communication entre individus d’un groupe social, ou des cris d’alarme lors de la détection d’un prédateur), la structure acoustique de certains cris peut être modifiée en fonction de l’état émotif de l’émetteur. Par exemple, chez le diamant mandarin mâle, la structure spectrale du cri de contact produit en présence d’un congénère est différente de celle du cri produit lorsque l’émetteur est isolé et stressé. La diffusion de ces cris de contact produits par un individu stressé entraîne une augmentation de corticostérone, l’hormone du stress, chez les oiseaux testés, ce que l’on peut caractériser comme une contagion émotionnelle.</p>
<p>Toujours dans le registre des émotions, des développements récents en neurobiologie viennent alimenter les réflexions autour du plaisir. Chez les oscines, on considère que le chant qui est l’apanage des mâles chez de nombreuses espèces, est impliqué dans la sélection sexuelle. Ainsi, suivant l’espèce considérée, le chant servirait à défendre un territoire et/ou à attirer des partenaires sexuelles potentielles.</p>
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<p>Chez les femelles de bruant à gorge blanche, on a observé l’activation des circuits de récompense dans le cerveau des femelles lors de l’écoute des chants. L’activation de ces voies dopaminergiques est souvent associée au plaisir à partir des travaux réalisés chez l’humain. Plus encore, on a montré l’activation de ces circuits cérébraux lors de la production du chant chez les mâles de plusieurs espèces. Jusqu’à présent, cette dimension hédoniste du chant chez les oscines avait été occultée par d’autres aspects plus pragmatiques. Par exemple, il a été proposé que le chant, par sa durée ou sa composition sonore, puisse être un indicateur honnête des capacités reproductives ou cognitives de l’émetteur. Mais une analyse approfondie des travaux menés jusqu’à présent ne permet pas de valider ces hypothèses, en grande partie du fait d’une forte variabilité interspécifique.</p>
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<p>Dans certains cas, les vocalisations peuvent aussi avoir une fonction référentielle et renseigner sur des éléments de l’environnement, comme la présence de prédateurs. Chez la mésange japonaise, les oiseaux produisent des cris différents <a href="https://phys.org/news/2018-01-visualizing-danger-songbird.html">pour désigner différents types de prédateurs</a>.</p>
<p>Chez le toui à lunettes (psittacidé), les individus utilisent des cris distincts pour interpeller chaque individu du groupe. De nombreuses vocalisations ont aussi une <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fonction_phatique">fonction phatique</a> dans le maintien du contact, en particulier chez les espèces sociales. Enfin, d’autres fonctions que l’on retrouve chez l’humain posent question chez les animaux non humains et chez les oiseaux tout particulièrement : la fonction conative et la fonction poétique.</p>
<h2>Une source d’inspiration</h2>
<p>Concernant la fonction conative, c’est la question de l’intentionnalité des vocalisations chez les animaux non humains qui fait débat. Dans les exemples cités ci-dessus (cris de contact chez le diamant mandarin, cris d’alarme de la mésange japonaise), on pourrait interpréter ces cris comme une représentation de l’état interne de l’émetteur, sans volonté de sa part de modifier le comportement du ou des réceveur(s) potentiel(s) et par là même sans avoir forcément besoin de leur prêter des capacités cognitives, comme des attentes ou des intentions. </p>
<p>Pendant des années, l’intentionnalité était considérée comme une caractéristique intrinsèquement liée au langage chez l’humain. Ces dernières années, la liste de critères à remplir pour pouvoir parler d’intentionnalité dans le domaine des communications animales a été revue afin de permettre d’explorer ses <a href="https://core.ac.uk/download/pdf/84589281.pdf">aspects phylogénétiques</a>.</p>
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<p>Concernant la fonction poétique qui renvoie aussi à la notion d’esthétique, c’est le chant des oscines que l’on peut convoquer pour l’illustrer. Le chant de différentes espèces a inspiré de nombreux compositeurs célèbres comme Ludwig Van Beethoven ou Olivier Messiaen : on retrouve de la musicalité dans certaines de ces productions sonores avec des moments de tension et de relaxation. Le chant pourrait donc être aussi perçu comme une activité artistique, renvoyant à la dimension hédoniste de ce signal évoquée précédemment. </p>
<p>Si les travaux sur le chant des oscines ont jusqu’à présent mis en exergue les parallèles avec le langage chez l’humain, ils peuvent aussi potentiellement alimenter les réflexions autour de la musique, son évolution voire ses aspects phylogénétiques.</p>
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<p>Avec leurs vocalisations diverses et variées, les oiseaux occupent une place importante dans l’univers sonore de la planète et nous avons encore beaucoup à découvrir sur ce qu'ils nous en disent.</p>
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<p><em>Retrouvez aussi en ligne la conférence donnée par Sébastien Derégnaucourt, <a href="http://www.cite-sciences.fr/fr/au-programme/animations-spectacles/conferences/thema-langage-et-vous/un-animal-des-animots/">à la Cité des sciences du 16 janvier 2020</a>, sur le thème de la communication chez les oiseaux.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/128266/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sébastien Derégnaucourt ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les vocalisations produites par les oiseaux peuvent nous renseigner sur leur état et leurs capacités cognitives.Sébastien Derégnaucourt, Éthologiste, professeur des universités, directeur du laboratoire « Éthologie, cognition, développement », Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1178562019-06-18T20:50:18Z2019-06-18T20:50:18ZLe son dans l’expérience vidéoludique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/279910/original/file-20190617-118518-1y8cqr5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=28%2C0%2C1888%2C1276&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le son joue un rôle clé dans les jeux vidéo.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/photos/video-games-joy-stick-games-1557358/">Pexels</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est publié dans le cadre du Festival du jeu de l’oie organisé par l’Université Aix Marseille, qui se tient depuis le 9 mai et jusqu’au 22 juin 2019, et dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez le programme complet sur le <a href="https://festivaljeudeloie.fr/">site de l’événement</a>.</em></p>
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<p>Contrairement à son appellation, le jeu vidéo est loin d’être un objet uniquement visuel, en témoignent ses nombreuses relations avec la musique.</p>
<p>En témoigne la prolifération des jeux de rythme qui proposent au joueur d’incarner un musicien ou un danseur, par exemple Guitar Hero (Activision, 2005). Ces jeux donnent même aujourd’hui lieu à des compétitions internationales professionnelles, mélanges entre performance sportive et comédie musicale.</p>
<p>Les thèmes de ces jeux font majoritairement référence au patrimoine musical mondial au même titre qu’un David Bowie en 3D performant son propre concert virtuel dans le jeu The Nomad Soul (Quantic Dream, 1999). On trouve aussi des propositions relevant d’expérimentations artistiques comme la bande-son générative du jeu Spore (Maxis, 2008) composée par <a href="https://brian-eno.net">Brian Eno</a>. Le joueur assemble des éléments de corps (patte, mains, ventre…) pour inventer des créatures. Un son est associé à chacun de ces membres, ce qui génère une musique propre à chaque créature. De plus le rythme change en fonction du temps de jeu consécutif. Le joueur agit donc consciemment ou non sur sa propre expérience sonore. Enfin, tous ces sons vidéoludiques liés à l’enfance resurgissent comme des souvenirs nostalgiques dans le cadre par exemple des concerts de l’<a href="https://www.youtube.com/watch?v=kVLYAlprXEY">Orchestre des jeux vidéo</a> québécois ou de la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=jrw6eCKi0nY">mouvance Chiptune</a> qui utilise jouets/consoles et musiques de jeux comme matière sonore.</p>
<p>Pourtant, le son a longtemps été négligé dans les théories du jeu vidéo. On l’a d’abord approché comme un objet dans la généalogie du cinéma avec l’approche classiques des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Sciences_du_jeu"><em>game studies</em></a>. Aujourd’hui, c’est dans le champ des <em>play studies</em>, sciences de l’expérience du joueur, que l’on trouve de nouvelles manières d’aborder le son vidéoludique : dans le cadre de l’expérience vécue par le joueur. Mes recherches visent utiliser les jeux vidéo l’apprentissage artistique des arts sonores. Je fais partie de l’équipe de recherche <a href="http://locusonus.org/wiki/index.php?page=Home.fr">Locus Sonus</a> (ESAAix/CNRS-PRISM) pour travailler sur le développement d’un jeu en ligne dédié à l’expérimentation sonore : <a href="http://newatlantis.world/fr">New Atlantis</a>. Dans cet article, je vais m’appuyer sur les travaux de <a href="https://journals.openedition.org/communication/1845">Sébastien Genvo et Nicole Pignier</a> pour définir l’expérience vidéoludique avant de parler du rôle du son dans l’engagement du joueur et ces relations avec les images et le <em>gameplay</em> (maniabilité).</p>
<h2>Comment aborder l’expérience vidéoludique ?</h2>
<p>Avant de parler du rôle du son dans l’expérience qu’offrent les jeux vidéo, il faut définir ce que c’est de « jouer »… Pour jouer, il faut accepter, comme le dit <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-essais/Les-jeux-et-les-hommes">Roger Caillois</a>, de « faire comme si » : le joueur se met en action dans un espace entre le réel, avec ses règles et le fictif du jeu avec les siennes. Pour qualifier cet espace, le psychanalyste <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Connaissance-de-l-Inconscient/Jeu-et-realite">Donald Woods Winnicott</a> parle « d’air intermédiaire d’expérience », c’est-à-dire un espace extérieur au joueur mais qui n’appartient pas non plus au monde réel. C’est l’endroit du jeu. Comme le dit <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Philosophie_des_jeux_vid__o-9782707197672.html">Mathieu Triclot</a>, dans le cas des jeux vidéo, : « le jeu ne se situe ni au niveau de l’écran, ni au niveau du joueur » mais dans l’espace entre les deux.</p>
<p>Cette posture du « faire comme si » permet au joueur de se projeter dans l’univers virtuel. Sébastien Genvo et Nicole Pignier précisent cependant que dans le cas du jeu vidéo, le joueur ne cherche pas à être en fusion avec le monde virtuel mais à créer une continuité sensible, perceptive, entre le monde réel et celui du jeu. Ce lien dépend certes de la volonté du joueur « à faire comme si » mais il est aussi régi par le <em>gameplay</em>. En effet, l’univers fictif du jeu vidéo n’est pas donné en amont, avec un livret de règles par exemple. Le joueur découvre le monde du jeu, sa structure et ses règles, dans l’action ludique. C’est le <em>gameplay</em> qui lui permet de participer à la construction de sa propre expérience, de lui donner sens en homogénéisant le réel et la fiction : un geste sur la manette est égal à un mouvement dans le jeu.</p>
<p>Là où nous avons tendance à considérer que l’immersion dans le monde fictif est dépendante des capacités du système à reproduire des éléments du réel, pour créer un état de fusion avec le monde virtuel, Genvo et Pignier constatent que « les joueurs […] préfèrent, entre autres options, sacrifier la qualité́ des graphismes si cela leur permet d’être plus efficaces dans l’aire de jeu. ». On préféra jouer à un jeu moche, si le <em>gameplay</em> est bon. Le joueur est présent jeu vidéo tant qu’il y a continuité entre ses gestes dans le monde réel et ses actions dans le monde virtuel.</p>
<h2>L’engagement par le son</h2>
<p>Donc, quand je joue, j’actionne une interface ce qui provoque des évènements perceptifs, que je peux voir ou entendre, dans le monde du jeu. C’est la synchronisation entre les sons, les gestes et les images qui va intensifier ou atténuer l’expérience vécue par le joueur, qui va lui permettre d’ajuster sa présence dans jeu. Par ses gestes, le joueur « main-tient » son contrôle sur ce qu’il perçoit.</p>
<p>Le son sert à créer une continuité entre l’espace fictif du jeu et l’espace physique du joueur en le maintenant hagard, à l’affût. Il stimule le joueur en intensifiant son immersion, son engagement, nécessaire à l’acte ludique. Il incite le joueur à prendre « en manette », si je puis dire, son champ perceptif. Les sons acousmatiques, par exemple, dont on ne voit pas la source, vont mettre le joueur en mouvement. C’est un procédé que l’on trouve souvent dans les jeux d’horreur : le joueur entend les monstres sans les voir, ce qui va l’inciter à fuir ou à attaquer (exemple à 7m10 dans cette <a href="https://www.youtube.com/watch?v=uoRtRl4JnyA">vidéo de Dead Space</a>, Electronic Arts, 2008).</p>
<p>Le son aide aussi le joueur à rester en état de « faire comme si » en rendant le monde virtuel palpable, il donne corps aux éléments visuels et aux actions du joueur donnant ainsi lieu a des expériences presque synesthésiques. Le son prend part à l’apparition de figures visuo-sonore lors de sa synchronisation avec les images mais surtout les gestes. L’ensemble provoque une harmonie perceptive, entre le corps du joueur et les corps visuo-sonore, source d’un état <em>flow</em> et parfois même de transe, d’engagement dans le monde virtuel. Dans le jeu <a href="https://www.youtube.com/watch?v=bTncq3huW6I">Dark Echo</a> (RCA7, 2015), par exemple, le joueur est obligé de se déplacer, de faire du bruit pour appréhender l’espace où il se trouve. Chacun de ses gestes lui permet donc de percevoir les images, les sons du monde du jeu mais aussi de trouver les solutions aux énigmes. C’est une parfaite illustration de cette synchronisation et de son influence sur le joueur qui ne peut jamais être contemplatif, toujours en recherche de ce point de synchronisation, il est soumis à un impératif de déplacement.</p>
<h2>Un espace artistique, ludique et pédagogique</h2>
<p>Mon travail de recherche consiste maintenant à questionner la manière dont ces spécificités pourraient être utilisées dans le cadre de formation artistique aux arts du son. J’ai rejoint l’équipe de recherche Locus Sonus en octobre pour travailler sur le développement d’un jeu vidéo en ligne, multijoueur, dédié à l’expérimentation sonore. New Atlantis est un projet qui expérimente depuis environ dix ans les pratiques sonores dans les univers virtuels.</p>
<p>Nous entrons actuellement dans une nouvelle phase de développement pour en faire un outil aussi bien artistique que pédagogique. S’il est déjà utilisé par des artistes sonores (<a href="http://newatlantis.world/news">vous pouvez voir ici les actualités</a>), il servira pour la formation aux arts multimédia des étudiants en école supérieure d’art mais aussi pour la découverte des pratiques sonores auprès de publics divers (enfants ou adultes en atelier de création, en médiation aux arts sonores dans des espaces d’exposition…).</p>
<p>New Atlantis est présenté pendant la journée <a href="https://festivaljeudeloie.fr/au-programme-le-20-juin/">« Autour du jeu vidéo »</a> du Festival Jeu de l’Oie, le jeudi 20 juin, de 10h à 18h, dans l’espace Le Cube.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117856/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ludmila Postel a reçu des financements de la région PACA et l'Ecole supérieure d'Art d'Aix en Provence </span></em></p>Le jeu vidéo n’est pas qu’un objet visuel : le son et la musique y jouent un rôle fondamental.Ludmila Postel, Doctorante Pratique et théorie de la création artistique et littéraire - CNRS-PRISM, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.