tag:theconversation.com,2011:/us/topics/soudan-37138/articlesSoudan – The Conversation2023-12-11T20:42:21Ztag:theconversation.com,2011:article/2190482023-12-11T20:42:21Z2023-12-11T20:42:21ZSoudan et Soudan du Sud : contexte historique des conflits actuels<p>Entre 1820 et 1822, <a href="https://books.openedition.org/africae/2892">l’Égypte a conquis l’actuel Soudan</a>. Plus tard, ce sont les Britanniques qui se sont emparés de ce territoire et y ont établi un gouvernement essentiellement militaire.</p>
<p>La double colonisation a entraîné de nouveaux problèmes dans la région. Les deux nations colonisatrices, l’Égypte et le Royaume-Uni, ont imposé un ensemble hétérogène de valeurs culturelles. Le nord a subi une plus forte influence islamique en raison de sa proximité avec l’Égypte, tandis que le sud a désormais une plus grande proximité avec la langue et les traditions britanniques, ainsi qu’avec la religion chrétienne.</p>
<p>Le Royaume-Uni a reconnu l’indépendance du Soudan en 1956. Depuis, l’histoire du Soudan a été mouvementée, traversée par des guerres civiles et des conflits ethniques et religieux liés à l’histoire du pays. La confrontation entre le gouvernement musulman et les factions chrétiennes et animistes <a href="https://www.jstor.org/stable/24886039">opposées à la charia</a> a conduit à de fréquents coups d’État.</p>
<h2>L’indépendance du Soudan du Sud</h2>
<p>La première guerre civile s’est déroulée de 1955 à 1972 sur fond de divergences fondamentales entre le nord et le sud, ce dernier cherchant à faire reconnaître son autonomie par le gouvernement de Khartoum, idéologiquement proche de l’Union soviétique. Le conflit a duré près de seize ans et s’est terminé par l’accord d’Addis-Abeba en 1972, qui a donné au Soudan du Sud certaines garanties d’autonomie en tant que région.</p>
<p>En 1983, la deuxième guerre civile soudanaise a éclaté, prolongeant le conflit précédent en raison du non-respect des accords susmentionnés et aboutissant à l’absence totale d’autonomie pour le Soudan du Sud, à rebours total de ce qui avait été convenu.</p>
<p>Cette deuxième guerre a pris fin en 2005 avec la reconnaissance de l’autonomie complète du Soudan du Sud. Le 9 juillet 2011, le Soudan a été divisé en deux États à la suite d’un référendum organisé en janvier de la même année. La République du Soudan et la République du Soudan du Sud ont été créées. Cependant, cette décision <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2950868">n’a pas apporté la paix</a> sur le territoire.</p>
<h2>Des gouvernements et des alliances instables</h2>
<p>Le territoire du nord, connu sous le nom de Soudan, se trouve dans une situation critique depuis la partition. Les tensions se sont accrues ces dernières années. En 2019, le dictateur Omar al-Bachir a été destitué après 30 ans de règne à la suite d’un coup d’État visant à instaurer une démocratie.</p>
<p>De 2019 et jusqu’en 2021, le Soudan <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/politique-africaine/le-soudan-dans-l-impasse-depuis-le-coup-d-etat-d-octobre-2021_5079706.html">a été dirigé par une alliance très instable</a> dans laquelle le gouvernement civil était supervisé par le général Abdel al-Burhan, chef des forces armées soudanaises. Cependant, en octobre 2021, un autre coup d’État a été mené par l’armée. C’est la révolution dite « de la trompe d’éléphant », au cours de laquelle Abdel al-Burhan a dissous le Conseil souverain soudanais, l’organe suprême de gouvernement, et s’est autoproclamé chef de l’État soudanais pour une période indéterminée.</p>
<p><a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/politique-africaine/le-soudan-dans-l-impasse-depuis-le-coup-d-etat-d-octobre-2021_5079706.html">Mais la paix et la stabilité n’ont pas été au rendez-vous</a>. En avril 2023, deux chefs militaires se sont opposés pour occuper le pouvoir : le chef de l’État, le général al-Burhan, et un de ses anciens amis, le général Mohamed Hamdan Daglo, qui avait été son adjoint et qui dirigeait une force paramilitaire : les Forces de soutien rapide. Leur prétention à défendre les Soudanais n’était qu’un prétexte pour s’emparer de la totalité du pouvoir politique qu’ils confisquaient à la société depuis des années.</p>
<p>Le 7 novembre 2023, à la suite de pourparlers de paix en Arabie saoudite, les parties au conflit ont conclu un <a href="https://www.swissinfo.ch/spa/sud%C3%A1n-rebeli%C3%B3n_onu-celebra-acuerdo-en-sud%C3%A1n-pero-advierte-a-beligerantes-que-las-promesas-deben-cumplirse/48960710">accord</a> dans le but de protéger les civils. Il s’agit également d’assurer l’entrée de l’aide humanitaire pour les <a href="https://www.lepoint.fr/afrique/soudan-apres-six-mois-de-guerre-ou-en-est-l-aide-humanitaire-01-11-2023-2541603_3826.php">25 millions de Soudanais dans le besoin</a>.</p>
<h2>La résistance de la société soudanaise</h2>
<p>Au milieu de ces tirs croisés entre militaires, malgré les accords, les pertes civiles augmentent de façon exponentielle. Cependant, même cette violence déchaînée et les bombardements aveugles de zones résidentielles n’ont pas réussi à écraser la résistance civile. Cette résistance s’organise du mieux qu’elle peut pour coordonner la solidarité et s’opposer à la guerre.</p>
<p>Après sept mois de combats entre l’armée et les Forces de soutien rapide (RSF), les violences se sont intensifiées, en particulier au Darfour, dans l’ouest du pays. Le massacre, à la mi-novembre, de quelque <a href="https://news.un.org/es/story/2023/11/1525767">800 personnes, pour la plupart issues d’une minorité ethnique</a> – le groupe ethnique Masalit – par les Forces de soutien rapide a déclenché l’ire de la communauté internationale.</p>
<p>En outre, la violence s’est propagée au-delà du Darfour. L’organisation prévient que la guerre pourrait prolonger la <a href="https://unric.org/es/crisis-en-sudan-necesitamos-apoyo-no-esperanza/">crise humanitaire actuelle</a> si les accords du 7 novembre ne sont pas respectés.</p>
<h2>Ce qui se passe dans la République du Soudan du Sud</h2>
<p>D’autre part, le Soudan du Sud est une urgence oubliée. La séparation des territoires a entraîné une série de rivalités tribales qui ont conduit à une <a href="https://scholar.google.es/scholar?hl=es&as_sdt=0%2C5&q=guerra+civil+sudan+sud+south+sudan">guerre civile</a> qui a débuté le 14 décembre 2013. Ensuite, le Mouvement populaire de libération du Soudan (une faction dissidente de l’Armée populaire de libération du Soudan, principale branche armée ayant lutté pour l’indépendance du Soudan du Sud) a tenté un coup d’État. Cela a provoqué une confrontation entre les forces gouvernementales et les opposants de Salva Kiir, dirigeant du Mouvement de libération du Soudan du Sud, qui a finalement gagné et est devenu président de la république.</p>
<p>Après de nombreux combats, en septembre 2018, Kiir a fini par signer un accord de paix avec le principal chef rebelle, Riek Machar, qui a officiellement mis fin à une guerre civile de cinq ans et a permis à Machar de devenir premier vice-président, sans que cela ne mette toutefois fin au conflit.</p>
<p>La raison de la persistance du problème était le pouvoir excessif du président sur l’ensemble du territoire. Kiir n’a pas respecté son engagement de décentraliser le pays et a sabordé l’autonomie prévue pour les régions, ce qui a fait perdurer le problème.</p>
<p>En effet, les groupes de rebelles de l’Alliance des mouvements d’opposition n’ont pas signé les accords de paix. Les tentatives de pacification ont donc échoué. À ce jour, le conflit a provoqué le <a href="https://icrc.org/es/donde-trabajamos/africa/sudan-del-sur/refugiados">déplacement de deux millions de personnes</a>, qui vivent désormais dans des abris de fortune sous les arbres ou en plein air, parfois dans des endroits isolés et difficiles d’accès même pour l’aide humanitaire, et la migration vers l’Éthiopie, le Soudan et l’Ouganda de deux autres millions de personnes.</p>
<h2>Un désastre économique et social</h2>
<p>Le conflit a plongé le Soudan du Sud dans un désastre économique et social : les prix des denrées alimentaires de base et des moyens de subsistance ont grimpé en flèche, <a href="https://www.accioncontraelhambre.org/es/conflicto-sudan-sur">portant le coût de la vie à des niveaux extraordinairement élevés</a>, ainsi que des pénuries alimentaires de toutes sortes.</p>
<p>À cela s’ajoutent des conflits ethniques dans un pays qui compte plus de 200 ethnies et dont la principale ressource est le pétrole. <a href="https://www.ieee.es/Galerias/fichero/docs_analisis/2023/DIEEEA31_2023_IGNFUE_SudanSur.pdf">La répartition des ressources a provoqué des tensions entre les différentes communautés ethniques</a>. Ces tensions ont été exacerbées par la volonté des dirigeants politiques de contrôler les revenus de la richesse pétrolière, ce qui a aggravé la crise inter-ethnique.</p>
<p>Le manque d’aide à l’État le plus jeune du monde risque de faire perdurer une <a href="https://www.ohchr.org/es/press-releases/2022/12/south-sudan-un-human-rights-chief-urges-end-violence-upper-nile-state">catastrophe humanitaire,</a> qui semble éloignée des projecteurs des médias.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219048/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alfredo A. Rodríguez Gómez no recibe salario, ni ejerce labores de consultoría, ni posee acciones, ni recibe financiación de ninguna compañía u organización que pueda obtener beneficio de este artículo, y ha declarado carecer de vínculos relevantes más allá del cargo académico citado.</span></em></p>Le Soudan et le Soudan du Sud sont deux pays en proie à la guerre, avec un impact catastrophique sur la population.Alfredo A. Rodríguez Gómez, Profesor. Director del Máster en Estudios de Seguridad Internacional de la UNIR, UNIR - Universidad Internacional de La Rioja Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2115552023-08-22T20:47:49Z2023-08-22T20:47:49ZLe Tchad à l’épreuve d’un nouvel afflux de réfugiés soudanais<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/543016/original/file-20230816-23-o65x9h.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1014%2C768&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Cette famille récemment arrivée d’El-Geneina, capitale du Darfour occidental, est accueillie dans un camp de réfugiés à Adré, ville de l’est du Tchad. Photo prise le 24&nbsp;juin 2023.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Abdel Hakim Tahir</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Depuis le 15 avril 2023, au Soudan, de <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20230816-guerre-au-soudan-comment-au-5e-mois-la-situation-est-devenue-d%C3%A9sastreuse-et-l-aide-internationale-insuffisante">violents affrontements</a> opposent les forces de l’armée régulière, dirigées par le chef de la junte, le général Abdel-Fattah Al-Burhan, aux Forces de Soutien Rapide (FSR), anciennes milices paramilitaires arabes Janjawids (ou Janjaouids) commandées par le général Mahamat Hamdan Dagalo, alias Hemetti (parfois orthographié <a href="https://theconversation.com/conflit-au-soudan-hemedti-le-seigneur-de-guerre-qui-a-cree-une-force-paramilitaire-plus-puissante-que-letat-204057">Hemedti</a>).</p>
<p>Ces <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2012-2-page-387.htm">Janjawids</a> ont été mis sur pied dès février 2003 sous forme de mouvement contre-insurrectionnel de tribus arabes nomades lors de la <a href="https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2006-4-page-357.htm">terrible crise ethno-foncière du Darfour</a> qui les a opposées aux populations africaines de la région.</p>
<p>Les FSR ayant fait du Darfour leur base arrière, les forces de l’armée régulière ont entrepris d’y armer les communautés noires. En effet, au Darfour, les FSR terrorisent les populations noires locales ; celles-ci sont à leur tour armées par Khartoum pour affronter les FSR. Ce contexte incite de nombreux habitants du Darfour à fuir vers le Tchad voisin.</p>
<p>Or il y a vingt ans, des dizaines, voire des centaines de milliers de réfugiés avaient déjà rejoint le Tchad ; ces gens s’y trouvent encore à ce jour. L’afflux actuel de migrants propulse cette longue crise quasi oubliée dans une nouvelle catastrophe, alors que les besoins des « anciens réfugiés » restent loin d’être couverts. L’épuisement des maigres ressources locales aggrave la vulnérabilité quotidienne de la communauté hôte et accroît le risque d’embrasement de ce conflit.</p>
<h2>Le Tchad, première victime du conflit soudanais</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/543076/original/file-20230816-23-1nqlbg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/543076/original/file-20230816-23-1nqlbg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/543076/original/file-20230816-23-1nqlbg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=901&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/543076/original/file-20230816-23-1nqlbg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=901&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/543076/original/file-20230816-23-1nqlbg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=901&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/543076/original/file-20230816-23-1nqlbg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1132&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/543076/original/file-20230816-23-1nqlbg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1132&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/543076/original/file-20230816-23-1nqlbg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1132&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les régions administratives du Tchad. Cliquer pour zoomer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span></span>
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<p>Partageant avec le Soudan une frontière de 1 360 km, le Tchad connaît une <a href="https://reliefweb.int/report/chad/lafflux-des-refugies-soudanais-provoque-une-crise-humanitaire-au-tchad">exacerbation de la crise humanitaire</a> dans l’Est du pays, où douze camps de réfugiés sont installés depuis 2003. Les provinces de Sila, du Ouaddai et de Wadi Fira voient quotidiennement arriver des milliers de personnes. Les conséquences de cette crise sont d’ordre sécuritaire, économique, environnemental et politique.</p>
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<p>Sur le plan sécuritaire, le Tchad doit sécuriser sa longue frontière avec le Soudan. En matière économique, les échanges commerciaux se sont estompés, <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20230508-tout-vient-du-soudan-les-prix-grimpent-en-fl%C3%A8che-%C3%A0-l-est-du-tchad-%C3%A0-cause-du-conflit">entrainant une flambée des prix</a>, ce qui accélère l’extrême fragilité des communautés hôtes. L’environnement subit des pressions, à l’instar du bois de chauffe, qui reste la seule source d’énergie disponible. Et sur le plan politique, le Tchad, en <a href="https://theconversation.com/afrique-des-transitions-democratiques-aux-transitions-militaires-197467">transition politique</a>, redoute un potentiel transfert du conflit soudanais sur son territoire. Dans les principales villes de l’Est du Tchad, beaucoup de familles, déjà en grande précarité, accueillent des proches venus du Soudan.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/543017/original/file-20230816-23-7rtxgm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/543017/original/file-20230816-23-7rtxgm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/543017/original/file-20230816-23-7rtxgm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/543017/original/file-20230816-23-7rtxgm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/543017/original/file-20230816-23-7rtxgm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/543017/original/file-20230816-23-7rtxgm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/543017/original/file-20230816-23-7rtxgm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le 17 juin 2023, au lycée Issakha Haroun d’Adré, lieu d’accueil spontané de réfugiés, de jeunes membres d’une famille font de l’ombre avec un pagne pour protéger les plus âgés, majoritairement des femmes avec bébés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Abdel Hakim Tahir</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Une crise tchado-soudanaise plus sévère que celle de 2003</h2>
<p>Par rapport à 2003, la crise actuelle a des répercussions économiques inattendues sur le Tchad. La première crise n’avait pas empêché les échanges commerciaux entre les deux pays, l’Est du Tchad dépendant beaucoup du Soudan en termes d’approvisionnement en produits de première nécessité. La livre soudanaise y est privilégiée dans les transactions commerciales.</p>
<p>En revanche, la crise de 2023 menace de rompre la chaîne d’approvisionnement à partir du Soudan. En 2003, la <a href="https://www.hrw.org/report/2006/01/19/sudan-imperatives-immediate-change/african-union-mission-sudan">mission d’interposition de l’Union africaine (AMIS)</a> avait été déployée, atténuant la crise avant l’arrivée de la <a href="https://peacekeeping.un.org/fr/mission/minuad">MINUAD</a> (opération hybride Union africaine – Nations unies au Darfour), dont le mandat s’est achevé le 31 décembre 2020, laissant ainsi le champ libre à toutes les parties guerrières. Depuis, les forces mixtes tchado-soudanaises se vouent à sécuriser la frontière commune, négligeant la protection des civils à l’intérieur du territoire soudanais. L’absence d’une autorité interne forte et d’une force d’interposition laisse présager un afflux colossal de réfugiés sur le sol tchadien.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/543029/original/file-20230816-19-doyywg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/543029/original/file-20230816-19-doyywg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/543029/original/file-20230816-19-doyywg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/543029/original/file-20230816-19-doyywg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/543029/original/file-20230816-19-doyywg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/543029/original/file-20230816-19-doyywg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/543029/original/file-20230816-19-doyywg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Distribution de produits alimentaires au quartier Massalit d’Adré par la Commission Nationale d’Accueil et de Réintégration des Réfugiés et Rapatriés) (CNARR) et l’ONG Planète Urgence, le 22 juin 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Abdel Hakim Tahir</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>En six semaines de conflit, en date du 19 juin 2023, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (HCR) avait dénombré 115 980 personnes déplacées, majoritairement des femmes et des enfants. À cette date, le nombre de réfugiés estimés par l’organisation <a href="https://www.ohchr.org/fr/statements/2023/06/sudan-high-commissioner-calls-end-sea-suffering">dépassait les 150 000</a>. La porosité de la frontière complique la tâche des différents acteurs de l’humanitaire, confrontés aux difficultés liées à la saison des pluies, qui risquent d’épuiser les moyens de subsistance des populations.</p>
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<p>Dans ce contexte, le danger de famine au sein de cette population, déjà très fortement affectée par la malnutrition infantile aiguë, nécessite une mobilisation accrue de tous les acteurs. Des milliers de Soudanais, de Tchadiens revenant du Soudan et d’autres migrants continuent de traverser la frontière. Tous les ingrédients d’une <a href="https://www.voaafrique.com/a/au-darfour-l-histoire-se-r%C3%A9p%C3%A8te-et-avec-elle-les-crimes-de-guerre-/7158173.html">nouvelle catastrophe humanitaire</a> semblent réunis.</p>
<h2>La communauté internationale en retrait du conflit</h2>
<p>Face à cette tragédie, la communauté internationale adopte une <a href="https://www.unicef.fr/article/soudan-la-communaute-internationale-na-plus-dexcuse/">attitude questionnable de spectatrice</a>, traduisant une négligence habituelle qui tranche radicalement avec le vif engouement manifesté pour la guerre en Ukraine. Les Nations unies se limitent à des condamnations et des mises en missions d’envoyés spéciaux. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/543733/original/file-20230821-27-sc92en.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/543733/original/file-20230821-27-sc92en.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/543733/original/file-20230821-27-sc92en.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/543733/original/file-20230821-27-sc92en.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/543733/original/file-20230821-27-sc92en.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/543733/original/file-20230821-27-sc92en.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/543733/original/file-20230821-27-sc92en.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des personnes vulnérables et des blessés en attente de la distribution des kits contenant des produits non alimentaires (NFI) et des rations alimentaires dans le quartier Massalit d’Adré, le 22 juin 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Abdel Hakim Tahir</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Se cantonnant dans une diplomatie passive, l’Union africaine (UA) est déclassée sur le terrain par <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20230717-guerre-au-soudan-vers-une-reprise-des-pourparlers-en-arabie-saoudite">l’Arabie saoudite</a>, mieux écoutée par les belligérants du fait de sa capacité d’accompagnement matériel et financier, ainsi que de ses liens multiples avec les belligérants d’ordre culturel, de formation militaire, etc.</p>
<p>Par ailleurs, l’UA adopte des démarches peu lisibles, à l’instar de la <a href="https://www.jeuneafrique.com/1454403/politique/une-mediation-de-paix-africaine-arrive-a-kiev/">mission de médiation</a> qu’elle a conduite le 15 juin 2023 entre la Russie et l’Ukraine alors que des Africains étaient massacrés au Soudan.</p>
<h2>L’urgente nécessité d’une aide humanitaire</h2>
<p>Le défi majeur pour mettre en place une aide humanitaire efficace est de mobiliser la communauté internationale autour de la crise. Pour rappel, le Tchad accueille déjà plus de 400 000 réfugiés soudanais ; or leurs besoins ne sont pas financés à hauteur de ce qu’ils devraient être, loin de là. Seuls 20 % des financements attendus pour le Tchad en 2022 dans le <a href="https://reliefweb.int/report/chad/tchad-plan-de-r-ponse-humanitaire-2022-mars-2022">Plan de Réponse Humanitaire</a> mis en œuvre par l’ONU avaient été mobilisés. Les principaux défis humanitaires s’articulent autour de trois points : la mobilisation, la protection et la coordination. </p>
<p>En termes de mobilisation, un engagement financier des donateurs est très attendu. Sur le plan de la protection, il convient, d’une part, de mettre à l’abri des violences les personnes ayant franchi la frontière et d’installer des abris d’urgence pour héberger les réfugiés qui se trouvent en pleine nature, vulnérables face aux intempéries ; d’autre part, de protéger les acteurs humanitaires. Enfin, il est nécessaire de mettre en place un système de coordination entre les divers acteurs présents sur le terrain (organisations humanitaires, organisations internationales, autorités centrales et régionales du Tchad, etc.) pour leur permettre d’optimiser leurs actions.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/543046/original/file-20230816-21-u3r3bh.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/543046/original/file-20230816-21-u3r3bh.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/543046/original/file-20230816-21-u3r3bh.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/543046/original/file-20230816-21-u3r3bh.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/543046/original/file-20230816-21-u3r3bh.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/543046/original/file-20230816-21-u3r3bh.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/543046/original/file-20230816-21-u3r3bh.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un groupe d’enfants réfugiés jouant entre les abris de fortune dans le quartier Massalit d’Adré, site d’accueil spontané, le 24 juin 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Abdel Hakim Tahir</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Quatre hypothèses</h2>
<p>Quatre hypothèses se dégagent aujourd’hui : 1) la poursuite de la confrontation actuelle, ce qui impliquera une accélération des diverses exactions ; 2) une victoire des forces armées soudanaises, qui se traduirait par un repli des FSR sur le Darfour, dont les forces de Burhan, avant tout préoccupées par la sécurisation de Khartoum et de ses environs, leur abandonneraient le contrôle ; 3) une situation où les FSR prendraient le dessus – les Darfouris ne pourraient alors aucunement compter sur la protection du nouveau gouvernement central ; 4) La quatrième hypothèse, moins dramatique pour ces populations, repose sur une éventuelle intervention de la communauté internationale, option qui semble pour l’heure lointaine malgré la récente <a href="https://presidence.td/cooperation-la-sga-des-nations-unies-recue-par-le-chef-de-letat/">venue au Tchad de la secrétaire adjointe de l’ONU</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/543038/original/file-20230816-22-j4h51j.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/543038/original/file-20230816-22-j4h51j.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/543038/original/file-20230816-22-j4h51j.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/543038/original/file-20230816-22-j4h51j.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/543038/original/file-20230816-22-j4h51j.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/543038/original/file-20230816-22-j4h51j.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/543038/original/file-20230816-22-j4h51j.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Jeune fille blessée au cours des combats, prise en charge à l’hôpital d’Adré et amputée de la jambe, rapportant les scènes de la violence subie, le 9 juillet 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Abdel Hakim Tahir</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les <a href="https://www.voaafrique.com/a/au-darfour-l-histoire-se-r%C3%A9p%C3%A8te-et-avec-elle-les-crimes-de-guerre-/7158173.html">crimes de masse</a> commis dans le cadre du conflit sont d’une telle ampleur que la Cour pénale internationale a pu, à juste titre, <a href="https://www.france24.com/fr/afrique/20230713-soudan-la-cour-p%C3%A9nale-internationale-ouvre-une-nouvelle-enqu%C3%AAte-pour-crimes-de-guerre">se saisir du dossier</a>. Sur le plan sécuritaire, un cessez-le-feu suivi du déploiement d’une force d’interposition avec mandat doit être imposé par l’ONU.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/543045/original/file-20230816-19-hy87ze.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/543045/original/file-20230816-19-hy87ze.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/543045/original/file-20230816-19-hy87ze.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/543045/original/file-20230816-19-hy87ze.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/543045/original/file-20230816-19-hy87ze.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/543045/original/file-20230816-19-hy87ze.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/543045/original/file-20230816-19-hy87ze.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Afflux autour des camions du Programme alimentaire Mondial (PAM) transportant des vivres à Ambilia le 24 juin 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Abdel Hakim Tahir</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Sur le plan logistique, les différents mécanismes d’urgence doivent être rapidement mis en action afin de mobiliser les fonds nécessaires pour garantir l’assistance humanitaire. Sur le plan judiciaire, et à l’instar de l’actuelle initiative de la CPI, les juridictions pénales internationales doivent se saisir de la question face aux violations des conventions du droit international humanitaire (Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux internationaux - <a href="https://www.irmct.org/fr/le-mecanisme-en-bref#:%7E:text=Le%20M%C3%A9canisme%20international%20appel%C3%A9%20%C3%A0,ex%E2%80%91Yougoslavie%20(TPIY).">MTPI</a>-,juridictionshybrides,mécanismesd’enquêtepré-juridictionnels).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/543044/original/file-20230816-23-hgy6z1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/543044/original/file-20230816-23-hgy6z1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/543044/original/file-20230816-23-hgy6z1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/543044/original/file-20230816-23-hgy6z1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/543044/original/file-20230816-23-hgy6z1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/543044/original/file-20230816-23-hgy6z1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/543044/original/file-20230816-23-hgy6z1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Réfugiés initialement installés à Adré, relocalisés dans un nouveau camp, à Ourang, à 30 km au sud-ouest d’Adré, et accueillis dans des hangars communautaires de transit, 10 juillet 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Abdel Hakim Tahir</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Enfin, sur le plan politique, un agenda de sortie de crise doit être assorti d’une mise sous embargo préalable du Soudan en ce qui concerne la circulation des armes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211555/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Des dizaines de milliers de Soudanais fuient la guerre civile vers le Tchad, où résident déjà des centaines de milliers de réfugiés soudanais ayant fui le Darfour au cours des 20 dernières années.Pierre Kamdem, Professeur des universités en Géographie, Université de PoitiersAbdel Hakim Tahir Arim, Doctorant en géographie à l'Unité de Recherche RURALITES, Université de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2044892023-05-03T20:48:28Z2023-05-03T20:48:28ZSoudan : la transition démocratique en péril<p><a href="https://information.tv5monde.com/info/l-onu-redoute-un-exode-massif-du-soudan-ou-les-combats-font-rage-497016">Les affrontements entre factions armées au Soudan</a> depuis le 15 avril ont entraîné la mort de centaines de personnes, la destruction massive d’infrastructures civiles et le dérèglement complet de la vie quotidienne dans la capitale Khartoum et les autres zones de combats, notamment au <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/geopolitique/geopolitique-du-mardi-02-mai-2023-6150320">Darfour</a>. Des <a href="https://information.tv5monde.com/info/soudan-au-dela-des-frontieres-la-menace-d-une-crise-migratoire-regionale-496881">vagues de réfugiés</a> cherchent à rejoindre des zones plus sûres à la campagne ou à se mettre à l’abri dans les pays voisins.</p>
<p>Cette crise s’inscrit dans le contexte plus large de la révolution démocratique qui a cours au Soudan depuis plusieurs années. Les <a href="https://www.lepoint.fr/afrique/soudan-les-comites-de-resistance-ne-lachent-rien-face-aux-militaires-13-04-2023-2516154_3826.php">comités de résistance</a> y ont joué un rôle fondamental, et sont les seuls à aider aujourd’hui les nombreuses victimes civiles.</p>
<h2>Les racines de la révolution soudanaise</h2>
<p>Le mouvement démocratique actuel est né dans les années 2010, en opposition à la dictature militaire islamiste du général Omar el-Béchir (1989-2019).</p>
<p>D’abord <a href="https://www.liberation.fr/planete/2002/09/03/le-soudan-oblige-des-etats-unis_414256/">voué aux gémonies par l’Occident</a> à cause de ses liens avec des islamistes comme <a href="https://www.cairn.info/al-qaida-par-l-image--9782130586692-page-111.htm">Oussama Ben Laden, qu’il a accueilli au Soudan</a> dans la première moitié des années 1990, et pour sa responsabilité dans ce que certains appellent un génocide (plus de 300 000 morts) au <a href="https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2007-3-page-81.htm">Darfour</a>, le régime d’el-Béchir finit par regagner sa confiance partielle en acceptant la <a href="https://www.cairn.info/les-conflits-dans-le-monde--9782200611613-page-221.htm">sécession du Sud-Soudan</a>, devenu indépendant en 2011, et en rompant avec l’islamisme radical.</p>
<hr>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/soudan-soudan-du-sud-tchad-guerres-sans-fin-guerriers-sans-frein-71237">Soudan, Soudan du Sud, Tchad : guerres sans fin, guerriers sans frein</a>
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<p>Pour accéder aux financements des institutions financières internationales, le régime met en œuvre les réformes structurelles exigées telles que <a href="https://www.la-croix.com/Economie/Au-Soudan-fin-subventions-fait-flamber-prix-2021-07-13-1201166165">l’abolition des subventions</a> et la privatisation d’une partie des services publics.</p>
<p>La société paie le prix fort pour ces réformes, qui ne bénéficient qu’à une petite élite affairiste et militaire bien connectée au régime et à ses soutiens étrangers, notamment dans les pays du Golfe. La commercialisation de l’agriculture entraîne l’épuisement des terres et la contamination des sols et des eaux, et accélère l’exode rural. Khartoum passe de 2,5 millions d’habitants en 1991 à 6,3 millions en 2023. Du fait du démantèlement et de la privatisation des services publics, les nouveaux habitants des villes tissent des réseaux d’entraide avec la population urbaine paupérisée. C’est l’origine des comités de résistance.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Le <a href="https://theconversation.com/revolutions-arabes-an-x-des-societes-a-jamais-transformees-161029">« printemps arabe »</a> qui mobilise les populations contre leurs gouvernants affecte aussi le Soudan. Tout au long des années 2010, des révoltes ont sporadiquement lieu, y compris des mouvements de protestation généraux en <a href="https://www.crisisgroup.org/africa/horn-africa/sudan/sudan-riots-reforms-and-divided-regime">septembre 2013</a> et <a href="https://www.crisisgroup.org/africa/horn-africa/sudan/sudan-protests-why-its-governments-interests-respond-restraint">novembre 2016</a>. Elles sont motivées par les politiques d’austérité du gouvernement, notamment l’arrêt des subventions à la population pour l’achat de pain, d’essence et d’autres denrées.</p>
<p><a href="https://www.la-croix.com/Monde/Afrique/Omar-El-Bechir-trente-ans-regne-sanglant-2019-04-11-1201015061">La répression brutale par les forces de l’ordre</a>, qui livrent aussi des guerres contre les mouvements autonomistes dans plusieurs provinces du Soudan, évite la <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-africaine-2020-2-page-5.htm">fin du régime</a>. Mais la jeunesse et les autres populations défavorisées du pays prennent conscience qu’elles partagent une même lutte et un même objectif : un Soudan plus démocratique, où les ressources seraient réparties plus équitablement et où chacun, femme ou homme, <a href="https://www.cairn.info/soudan-dans-tous-ses-etats--9782811125936-page-259.htm">d’origine arabe ou autre</a> (les 30 % de Soudanais non arabes souffrent historiquement de discrimination), aurait les mêmes chances dans la vie.</p>
<p><a href="https://www.crisisgroup.org/africa/horn-africa/sudan/b143-improving-prospects-peaceful-transition-sudan">La révolte de décembre 2018</a> commence de la même manière. Mais, cette fois-ci, les manifestants persévèrent malgré la répression habituelle. Une ambiance joyeuse de printemps règne dans les sit-in organisés par les comités de résistance des différents quartiers de Khartoum et du pays entier. Dans le foisonnement culturel et la pratique de nouvelles formes de solidarité, une <a href="https://robertk.space/2022/04/the-sudanese-revolution/">nouvelle identité collective soudanaise semble prendre forme</a>.</p>
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<h2>Le rejet de la représentation en politique</h2>
<p>En avril 2019, les forces armées <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Afrique/Au-Soudan-larmee-provoque-chute-dOmar-El-Bechir-2019-04-11-1201015060">écartent el-Béchir</a> et promettent une transition démocratique afin de rétablir l’ordre. Mais la répression sanglante contre les manifestants, qui n’acceptent pas l’autorité militaire, finit par mobiliser la communauté internationale.</p>
<p>En août 2019, les Forces de la Liberté et du Changement, un mouvement établi le 1<sup>er</sup> janvier 2019 pour rassembler tous les groupes et partis d’opposition soudanais, <a href="https://www.vox.com/2019/7/5/20683001/sudan-power-sharing-agreement-sovereign-council-protests">se mettent d’accord avec les militaires</a> pour former un gouvernement de transition civil dirigé par l’ex-haut fonctionnaire de l’ONU Abdalla Hamdok.</p>
<p>En octobre 2021, l’armée, craignant de perdre son autonomie et redoutant la tenue d’élections prévues pour 2022, dissout le gouvernement civil et <a href="https://theconversation.com/afrique-des-transitions-democratiques-aux-transitions-militaires-197467">reprend le pouvoir</a>. Ce n’est pas seulement dans la politique que les forces armées soudanaises jouent un rôle prépondérant. Grâce aux réformes néolibérales et à la mise sous tutelle de la clique religieuse affairiste réunie autour d’el-Béchir, <a href="https://www.aljazeera.com/news/2022/6/29/sudan-economy-dominated-by-military-interests-report">elles contrôlent maintenant une grande partie de l’économie</a>.</p>
<p>De nombreuses analyses existent du violent conflit qui oppose depuis le 15 avril dernier les Forces de Soutien Rapide (FSR) menées par le général Mohamed Hamdan Dagalo dit <a href="https://theconversation.com/conflit-au-soudan-hemedti-le-seigneur-de-guerre-qui-a-cree-une-force-paramilitaire-plus-puissante-que-letat-204057">« Hemedti »</a> à l’armée soudanaise dirigée par <a href="https://information.tv5monde.com/afrique/soudan-qui-est-abdel-fattah-al-burhan-le-leader-de-la-junte-au-pouvoir-khartoum-429997">Abdel-Fattah al-Burhan</a>. Mais qu’en est-il du mouvement démocratique ? Les Forces de la Liberté et du Changement semblent émiettées ; la légitimité représentative des quelques personnes qui, en leur nom, ont signé les <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1320671/accord-au-soudan-signe-despoir-ou-lache-soulagement-.html">accords du 5 décembre 2022</a> avec la junte militaire est très contestée.</p>
<p>La révolution soudanaise partage avec le <a href="https://www.courrierinternational.com/une/la-une-du-jour-au-liban-le-gout-amer-du-troisieme-anniversaire-de-la-thaoura">Mouvement du 17 octobre au Liban</a> et le <a href="https://www.rfi.fr/fr/moyen-orient/20221002-des-milliers-d-irakiens-comm%C3%A9morent-le-soul%C3%A8vement-anti-pouvoir-de-2019">mouvement Tishreen en Irak</a>, par exemple, un rejet de la représentation politique. Seuls les <a href="https://blogs.mediapart.fr/sudfa/blog/051121/soudan-les-comites-de-resistance-une-revolution-par-la-base">comités de résistance</a> qui ont émergé dans tout le pays pour coordonner l’aide, la solidarité et les actions de protestation conservent une pleine légitimité populaire.</p>
<p>Étant donné le retrait du gouvernement de l’espace public – sauf en tant que forces de l’ordre –, les comités de résistance organisent aussi l’accès à l’éducation et la santé, l’aide alimentaire et même les infrastructures. Mais ils refusent de nommer des représentants ou de participer à la politique « verticale ». Cela complique leur inclusion dans des processus chapeautés par les Nations unies ou l’Union africaine même si, de l’avis général, les <a href="https://www.aljazeera.com/news/2023/4/22/sudan-resistance-activists-mobilise-as-crisis-escalates">comités de résistance incarnent le mouvement démocratique</a>.</p>
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<img alt="Un nouveau centre culturel à Omdourman, restauré par des membres du comité de résistance local" src="https://images.theconversation.com/files/523004/original/file-20230426-375-tbcw5e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523004/original/file-20230426-375-tbcw5e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=299&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523004/original/file-20230426-375-tbcw5e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=299&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523004/original/file-20230426-375-tbcw5e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=299&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523004/original/file-20230426-375-tbcw5e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523004/original/file-20230426-375-tbcw5e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523004/original/file-20230426-375-tbcw5e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un nouveau centre culturel à Omdourman, restauré par des membres du comité de résistance local.</span>
<span class="attribution"><span class="source">R. Kluijver</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Vers un nouvel engagement démocratique de la communauté internationale ?</h2>
<p>Dans un <a href="https://twitter.com/Ayman_makarem/status/1648160825394311169/photo/1">communiqué récent</a>, les comités de résistance de l’État de Khartoum ont exigé la fin des combats. Ils ont demandé aux membres des comités locaux de fournir de l’aide médicale et alimentaire à la population et de recueillir des informations sur les combats et la situation dans les quartiers pour éviter les « fake news ». De même que toutes les forces civiles soudanaises, ils <a href="https://www.lepoint.fr/afrique/soudan-les-comites-de-resistance-ne-lachent-rien-face-aux-militaires-13-04-2023-2516154_3826.php">rejettent la participation des militaires à la transition politique</a>, demandant la dissolution des FSR et le retour des forces armées dans leurs casernes.</p>
<p>Cela montre que l’infrastructure démocratique de la révolution soudanaise fonctionne encore. Mais les forces civiles du Soudan ont perdu l’espoir. Qui mettra fin aux combats entre les factions militaires ? Comment éviter que le Soudan ne se désintègre en régions gouvernées par des hommes armés, comme la Libye ? Seule une intervention musclée de la communauté internationale en paraît capable.</p>
<p>Mais celle-ci a accepté que les militaires soudanais et les puissances régionales jouent un rôle prépondérant. Or l’Égypte, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, inquiets de l’impact de la révolution soudanaise sur leurs affaires intérieures, <a href="https://pomeps.org/the-great-game-of-the-uae-and-saudi-arabia-in-sudan">ont systématiquement soutenu les généraux soudanais</a> contre les forces démocratiques. Dans les combats actuels, les puissances régionales choisissent toutes leur camp, ce qui risque de prolonger le conflit.</p>
<p>Si l’Europe et les États-Unis se soucient du Soudan, ils devraient reconnaître que leurs efforts de médiation ont échoué et <a href="https://www.aljazeera.com/news/2023/4/19/can-the-international-community-stop-the-fighting-in-sudan">cesser de voir les militaires soudanais comme des interlocuteurs légitimes</a>. Ils pourraient prendre des mesures pour isoler et sanctionner les factions armées engagées dans le conflit actuel, <a href="https://www.atlanticcouncil.org/blogs/africasource/to-stop-the-fighting-in-sudan-take-away-the-generals-money/">confisquer leurs avoirs à l’étranger</a> et les rendre au peuple soudanais. Et, dans le même temps, un dialogue devrait être établi avec les comités de résistance et les autres forces démocratiques soudanaises pour piloter une véritable transition démocratique qui ne serait prise en otage ni par les pays voisins ni par les militaires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204489/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Robert Kluijver ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Quatre ans après la chute du dictateur el-Béchir, le Soudan est déchiré par un conflit violent entre militaires. Ce conflit ne pourra être réglé qu’avec la participation des forces démocratiques.Robert Kluijver, Docteur associé au Centre de Recherches Internationales CERI, Sciences Po/CNRS, spécialiste de la Corne d'Afrique., Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1974672023-01-23T18:47:09Z2023-01-23T18:47:09ZAfrique : des transitions démocratiques aux transitions militaires<p>Depuis 2020, une étonnante épidémie de putschs (cinq en deux ans) a frappé la zone comprise entre les 10<sup>e</sup> et le 20<sup>e</sup> parallèles nord, qui va du Soudan à la Guinée. De Khartoum à Conakry, des militaires ont pris le pouvoir entre 2020 et 2022 et entendent y rester. Le Niger est le dernier exemple en date, cette fois en 2023, pour ce qui devenue la « bande des juntes ».</p>
<p>Analyse d’une tendance qui, malgré les promesses des putschistes, n’annonce nullement l’avènement – ou la restauration – de la démocratie dans les pays concernés.</p>
<h2>Putschs de guerre, putschs de paix et putsch consenti</h2>
<p>Commençons par un bref rappel des événements.</p>
<ul>
<li><p>Au Mali, le 18 août 2020, le colonel Assimi Goïta <a href="https://www.lepoint.fr/monde/mali-calme-a-bamako-au-lendemain-du-coup-d-etat-contre-le-president-keita-19-08-2020-2388288_24.php">a renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta</a>, au pouvoir depuis 2013. En mai 2021, le colonel <a href="https://www.leparisien.fr/international/mali-le-colonel-goita-declare-president-apres-deux-coups-detat-en-neuf-mois-29-05-2021-VCPRSWZLKVCN7DGDVJV3GPRQGQ.php">Assimi Goïta a démis et remplacé le président de la transition, Bah N’Daw</a>.</p></li>
<li><p>Au Tchad, le 21 avril 2021, le général Mahamat Déby a succédé <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/04/21/les-principaux-partis-d-opposition-tchadiens-denoncent-un-coup-d-etat-institutionnel_6077555_3212.html">avec l’appui d’un Conseil militaire de transition (CMT)</a> à <a href="https://theconversation.com/idriss-deby-et-la-france-la-diplomatie-en-treillis-159602">son père</a> tué en pleine opération militaire.</p></li>
<li><p>En Guinée, le 5 septembre 2021, le <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Tentative-coup-dEtat-Guinee-2021-09-05-1201173837">colonel Doumbouya a renversé le président Alpha Condé</a> réélu depuis 2010.</p></li>
<li><p>Au Soudan, le 25 octobre 2021, le <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20211025-soudan-l-ombre-d-un-coup-d-%C3%A9tat-plusieurs-responsables-de-l-ex%C3%A9cutif-arr%C3%AAt%C3%A9s">général Abdel Fatah al-Burhane a fait un putsch</a> au sein de la transition ouverte par la chute du régime d’el-Béchir en 2019 en mettant fin au gouvernement civilo-militaire et en arrêtant le premier ministre Hamdok, en poste depuis 2019.</p></li>
<li><p>Au Burkina Faso, le 24 janvier 2022, le <a href="https://www.bbc.com/afrique/region-60111871">colonel Damiba a renversé le président Roch Marc Christian Kaboré</a> élu depuis 2015. En octobre 2022, le <a href="https://www.bbc.com/afrique/region-63098369">capitaine Ibrahim Traoré a démis et remplacé le lieutenant-colonel Damiba</a>.</p></li>
</ul>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/OtajMw6n8oI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Bien que tous ces pays aient une longue histoire de pouvoirs militaires, il faut distinguer, dans cette succession de coups de force, les « putschs de guerre », les « putschs de paix » et le putsch consenti tchadien. Les premiers (Mali et Burkina Faso) sont motivés par la défaite progressive face aux groupes djihadistes et le mécontentement consécutif des militaires vis-à-vis du pouvoir civil. </p>
<p>Les noms que se sont donnés les putschistes au Burkina Faso (Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration, MPSR) et au Mali (Comité national pour le salut du peuple, CNSP) illustrent leur motivation : prendre les rênes de la guerre pour sauver le pays face à ses ennemis.</p>
<p>Parmi ces cinq coups d’État, le Tchad est un cas particulier car il peut être qualifié de <a href="https://information.tv5monde.com/afrique/tchad-un-coup-d-etat-institutionnel-denonce-par-les-principaux-partis-d-opposition-405600">putsch consenti</a>. En effet, il n’y a pas eu de renversement du pouvoir, mais une succession familiale anticonstitutionnelle dans laquelle l’oligarchie militaire a joué un rôle-clé. </p>
<p>Après le décès inattendu du président Déby, le président de l’Assemblée nationale Haroun Kabadi a renoncé à être président par intérim comme le prévoyait la Constitution, au profit d’un des fils de Déby et d’un groupe de généraux (Conseil militaire de transition, CMT). Dans la mesure où les protestations ont été minoritaires et <a href="https://www.amnesty.fr/presse/tchad.-les-morts-causees-par-la-violente-repression">vite réprimées</a>, la succession militaro-dynastique a été consentie par la majorité de la classe politique, y compris des figures historiques de l’opposition.</p>
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<p>Quant aux « putschistes de paix » (Guinée, Soudan), ils ont – de même qu’au Tchad – pris le pouvoir pour préserver des intérêts, avant tout ceux de l’armée. Au Soudan, la transition prenait une direction dangereuse pour l’oligarchie militaire, le comité de démantèlement du régime d’Omar el-Béchir commençant à s’intéresser de près à son <a href="https://www.africaintelligence.fr/afrique-est-et-corne/2022/07/25/dans-les-meandres-du-complexe-militaro-industriel-soudanais,109800929-ge0">empire économique</a>. Le putsch a donc mis un coup d’arrêt à la « débachirisation » du pays et s’est traduit par le retour aux affaires de plusieurs fidèles d’el-Béchir. </p>
<p>Au Tchad, le demi-putsch visait la conservation du pouvoir par le groupe militaro-clanique qui soutenait Idriss Déby. En Guinée, si le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) a justifié son putsch par la nécessité de <a href="https://presidence.gov.gn/wp-content/uploads/2022/06/DISCOURS-PRG-nouvel-an-2022.pdf">« fonder une nation et de bâtir un État »</a>, il représente aussi et surtout des intérêts particuliers à l’intérieur des forces de sécurité. Dans ces trois pays, des mesures salariales en faveur des forces de sécurité ont d’ailleurs rapidement été ordonnées par les nouveaux dirigeants.</p>
<h2>Gagner du temps, s’installer au pouvoir</h2>
<p>Ces juntes ne sont pas uniformes. En revanche, elles ont toutes la même stratégie pour résister à un retour rapide à l’ordre constitutionnel, qui est une demande à la fois interne (partis politiques, organisations de la société civile) et externe (Cédéao, Union africaine, UE, ONU, etc.).</p>
<p>Les juntes font des concessions cosmétiques et gagnent du temps en retardant l’application du <a href="https://www.wathi.org/gestion-des-coups-detat-et-transitions-politiques-en-afrique-la-consencratie-comme-alternative-aux-modeles-politiques-dhommes-forts-les-etapes-dune-transition-politique-pour-la-mise-en-place-dune-consencratie">schéma habituel de retour à l’ordre constitutionnel</a>. Élaboré au fil des nombreuses transitions en Afrique (Tchad 1993-1997, République démocratique du Congo 2003-2006, Centrafrique 2014-2016, etc.), ce schéma prévoit l’inéligibilité des dirigeants des gouvernements de transition et trois étapes politiques :</p>
<ul>
<li><p>Un dialogue national. Il permet généralement de créer un consensus sur les principes de la future Constitution et de l’organisation des élections.</p></li>
<li><p>Une nouvelle Constitution. Elle est généralement validée par un référendum.</p></li>
<li><p>Des élections présidentielle et législatives. La mise en place d’un gouvernement et d’un Parlement élus au suffrage universel clôture la transition.</p></li>
</ul>
<p>Pour l’heure, seules les autorités maliennes, tchadiennes et guinéennes ont franchi la première étape. Encore ont-elles mis un an pour organiser un dialogue national qui a été en partie boycotté et qui a abouti, au Tchad, à une <a href="https://www.jeuneafrique.com/1387229/politique/tchad-pourquoi-les-manifestations-du-20-octobre-ont-tourne-au-drame/">répression violente</a>.</p>
<p>Au Soudan, la tentative d’organiser un dialogue entre militaires et civils a échoué au printemps 2022 pour <a href="https://www.voaafrique.com/a/soudan-militaires-et-civils-signent-un-accord-de-sortie-de-crise/6862549.html">réussir en décembre</a>. Dans tous les pays, les putschistes ont refusé l’idée d’une transition courte (entre six et dix-huit mois selon les pays) voulue par la Cédéao et l’UA. La <a href="https://www.bbc.com/afrique/region-59855410">perspective d’élections en 2022 s’est donc rapidement éloignée</a> et, après de longues négociations, les pouvoirs putschistes ont fini par accepter une transition en deux ans.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/democratie-ruecratie-theocratie-la-spirale-africaine-178961">Démocratie, « ruecratie », théocratie : la spirale africaine ?</a>
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<p>Théoriquement, toutes ces transitions militaires devraient donc s’achever par des élections en 2024. Si cette date est respectée, seul le Burkina Faso aura connu une transition de deux ans, et les autres putschistes seront restés au pouvoir trois ou quatre ans avant l’échéance électorale. Ils auront donc réussi à imposer des transitions longues, décrocher quelques années de pouvoir et, pour certains d’entre eux (Tchad, Mali, Soudan), refuser le principe de l’inéligibilité des dirigeants des juntes aux prochaines échéances électorales. Dans ces trois pays, l’installation des putschistes aux commandes du pays pendant plusieurs années et la possibilité de se présenter aux élections ne laissent guère de doutes sur leur intention de conserver le pouvoir après la transition.</p>
<p>En outre, quelques concessions secondaires des juntes permettent d’atténuer les pressions internes et externes. En supprimant le CMT à la fin 2022, Mahamat Deby a donné la fausse impression d’une démilitarisation de la transition et, avec l’accord de décembre 2022, le général Abdel Fatah al-Burhane rend possible le retour à un gouvernement civilo-militaire de transition au Soudan en 2023.</p>
<h2>Transitions de tous les dangers</h2>
<p>Même si les juntes promettent toutes le retour à l’ordre constitutionnel, le chemin de la transition est semé d’embûches.</p>
<p>Les élections sont hypothéquées au Mali et au Burkina Faso par la situation sécuritaire. Tant qu’une majeure partie du territoire national restera inaccessible aux forces armées et aux fonctionnaires, organiser des élections et mener une campagne électorale sera irréaliste. Le Soudan, où les conflits se multiplient dans un climat politique confus, peut aussi être forcé de reporter les élections <a href="https://acleddata.com/10-conflicts-to-worry-about-in-2022/sudan/">pour des raisons d’insécurité</a>.</p>
<p>Par ailleurs, outre l’assaut de rébellions agressives, deux menaces planent sur ces transitions militaires : le putsch dans le putsch (comme ceux qui ont eu lieu au Mali en mai 2021 et au Burkina Faso en octobre 2022), et la contestation populaire.</p>
<p>D’autres coups de force entre militaires sont envisageables car l’appareil sécuritaire des cinq juntes considérées est travaillé par des rivalités de groupes et de personnes que le marasme sécuritaire et économique ne fait qu’accentuer. Pour les putschistes, l’état de grâce a été de courte durée car leur base sociale est réduite, la situation socio-économique s’aggrave et, au Mali et au Burkina Faso, les juntes sont <a href="https://minusma.unmissions.org/sites/default/files/quaterly_note_july_-september_2022_finalsrsg.pdf">incapables de concrétiser leur promesse de retour de la sécurité</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/apres-le-mali-le-burkina-avis-de-tempete-pour-la-france-au-sahel-192535">Après le Mali, le Burkina : avis de tempête pour la France au Sahel</a>
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<p>L’acceptation populaire des juntes étant essentiellement fondée sur le discrédit des pouvoirs précédents et l’espoir d’une amélioration sécuritaire et socio-économique, le désenchantement peut aisément se transformer en mobilisations contestataires. Alors qu’en Guinée le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) interdit en août 2022 exprime le <a href="https://www.bbc.com/afrique/articles/ck7n1979rr3o">désenchantement vis-à-vis de la junte</a>, qu’au Soudan les comités de résistance ayant fait tomber le régime d’el-Béchir restent <a href="https://www.rfi.fr/fr/podcasts/20200214-soudan-importance-comit%C3%A9s-r%C3%A9sistance">mobilisés contre le pouvoir militaire</a> et qu’au Mali la junte est <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/05/31/au-mali-les-critiques-montent-contre-la-junte-et-sa-transition-indefinie_6128403_3212.html">ouvertement critiquée</a>, le gouvernement de transition tchadien a déjà été <a href="https://information.tv5monde.com/afrique/manifestation-du-20-octobre-reprimee-dans-le-sang-au-tchad-prison-ferme-pour-262-opposants">menacé par la rue</a> et <a href="https://www.rfi.fr/fr/en-bref/20230105-tchad-les-autorit%C3%A9s-affirment-avoir-d%C3%A9jou%C3%A9-une-tentative-de-coup-d-%C3%A9tat-en-d%C3%A9cembre">par des militaires mécontents</a>.</p>
<p>Enfin, si les juntes réussissent à se maintenir, elles organiseront des élections dans des scènes politiques nationales sinistrées. Dans ces cinq pays, la société civile est épuisée et affaiblie, la classe politique est discréditée, l’opposition est incapable de s’unir et peine à se renouveler, et le paysage politique est fragmenté à l’extrême (le Tchad, le Burkina Faso et la Guinée comptent chacun environ 200 partis). Les élections prévues en 2024 se joueront entre des forces politiques probablement divisées, à court de moyens et d’idées et face à des électeurs appauvris et mécontents.</p>
<p>Pour les putschistes qui sont au pouvoir et entendent y rester, ces scrutins constitueront l’occasion idéale d’être légitimés par les urnes – même en recourant à la fraude électorale. </p>
<p>Pour l'instant, la situation reste confuse au Niger, tandis que la Cedeao (Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest) a exigé un retour à l’ordre et que des manifestations ont eu lieu devant l'ambassade de France à Niamey. </p>
<p>Alors qu’en Afrique de l’Ouest, les transitions des années 1990 ont ouvert la voie vers la démocratie, les transitions militaires actuelles inaugurent une nouvelle période d’instabilité et risquent fort d’aboutir à des régimes pseudo-civils où les <a href="https://theconversation.com/afrique-de-louest-le-sombre-avenir-de-la-democratie-168900">militaires conserveront plus ou moins discrètement l’essentiel du pouvoir</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197467/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thierry Vircoulon est membre du Groupe de Recherche sur l'Eugénisme et le Racisme, Université Paris Cité, chercheur associé à l'Institut Français des Relations Internationales et expert pour la Global Initiative against Transnational Organized Crime basée à Genève. </span></em></p>Avant le Niger, cinq pays d'Afrique ont dernièrement connu des putschs militaires couronnés de succès. Dans aucun d'entre eux, le retour à l'ordre constitutionnel n'est garanti, loin de là.Thierry Vircoulon, Coordinateur de l'Observatoire pour l'Afrique centrale et australe de l'Institut Français des Relations Internationales, membre du Groupe de Recherche sur l'Eugénisme et le Racisme, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1719012021-12-02T15:16:11Z2021-12-02T15:16:11ZLa guerre en Éthiopie menace de déstabiliser toute la région<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/434547/original/file-20211129-13-12r89sp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=32%2C0%2C3576%2C2371&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des soldats éthiopiens sur une route près d'Adula, dans le nord du Tigré, le 8 mai 2021. Le conflit armé qui dure depuis un an menace d'embraser toute la région de la Corne de l'Afrique.</span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Ben Curtis, File) </span></span></figcaption></figure><p>La guerre civile, qui dure depuis un an en Éthiopie, <a href="https://www.lapresse.ca/international/afrique/2021-11-29/l-ethiopie-le-prochain-rwanda.php">s’est intensifiée d’un cran en novembre</a>, alors que le premier ministre Abiy Ahmed a annoncé son intention de <a href="https://www.washingtonpost.com/world/ethiopia-pm-says-he-will-lead-army-from-the-battlefront/2021/11/22/1a73341a-4bd1-11ec-a7b8-9ed28bf23929_story.html">rejoindre lui-même le front pour mater les insurgés tigréens</a>. Lauréat du prix Nobel de la paix en 2019, il a appelé les Éthiopiens à <a href="https://www.bbc.com/news/world-africa-59154984">« repousser et enterrer les terroristes du Front de Libération Populaire du Tigré »</a> (FLPT).</p>
<p>Le Canada, tout comme d’autres pays, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1842940/ottawa-exhorte-canadiens-quitter-ethiopie">a exhorté ses ressortissants à quitter l’Éthiopie</a>.</p>
<p>Ce conflit aurait jusqu’ici fait plusieurs milliers de morts et 2 millions de déplacés. Un demi-million de personnes seraient menacées par la <a href="https://news.un.org/en/story/2021/07/1095282">famine</a>, tandis que se multiplient les signes avant-coureurs d’une épuration ethnique.</p>
<p>Le conflit armé a éclaté en novembre 2020 lorsque le gouvernement éthiopien a envoyé l’armée fédérale au Tigré. Les autorités régionales y avaient alors organisé des élections initialement reportées par le pouvoir central. Depuis, le FLPT a repris le contrôle de la majeure partie du territoire et continue à avancer sur les autres régions du pays.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/434760/original/file-20211130-25-1wo3yp1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/434760/original/file-20211130-25-1wo3yp1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=453&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/434760/original/file-20211130-25-1wo3yp1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=453&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/434760/original/file-20211130-25-1wo3yp1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=453&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/434760/original/file-20211130-25-1wo3yp1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=569&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/434760/original/file-20211130-25-1wo3yp1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=569&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/434760/original/file-20211130-25-1wo3yp1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=569&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Carte de l’Éthiopie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Les Forces de Défense Tigréenne (FDT) — affiliées au FLPT — ont récemment enregistré d’importantes victoires militaires dans les provinces Amhara et Afar, au sud du Tigré. Elles se rapprochent donc inexorablement de la capitale, Addis-Abeba.</p>
<p>En tant que doctorant en science politique, je m’intéresse aux questions de sécurité dans la Corne de l’Afrique. Aujourd’hui, tous les observateurs se demandent si les forces tigréennes iront jusqu’aux portes de la capitale pour destituer Abiy Ahmed. Il convient donc d’examiner les risques que ce conflit dévastateur fait peser sur la région.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/434542/original/file-20211129-27-1qqwr0a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/434542/original/file-20211129-27-1qqwr0a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/434542/original/file-20211129-27-1qqwr0a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/434542/original/file-20211129-27-1qqwr0a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/434542/original/file-20211129-27-1qqwr0a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/434542/original/file-20211129-27-1qqwr0a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/434542/original/file-20211129-27-1qqwr0a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, prix Nobel de la paix 2019, a annoncé son intention de rejoindre lui-même le front pour mater les rebelles tigréens.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Mulugeta Ayene, File)</span></span>
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<h2>La question tigréenne</h2>
<p>Les Tigréens ne constituent que 6 à 7 % de la population. Ils sont pourtant arrivés au pouvoir en Éthiopie au début des années 1990. Ils y ont instauré une structure ethnofédéraliste censée laisser un certain degré d’autonomie aux différentes ethnies qui composent le pays.</p>
<p>Depuis son arrivée au poste de premier ministre en 2018, Abiy Ahmed s’oppose à ce cadre institutionnel. Il milite pour un pouvoir central fort et s’efforce de marginaliser les Tigréens.</p>
<p>Quand la guerre a éclaté il y a un an, les forces de défense nationale éthiopiennes sont d’abord parvenues à mettre en déroute celles des insurgés. Mais au cours du printemps dernier, les FDT ont repris le contrôle du Tigré, y compris de sa capitale Mekele.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/434541/original/file-20211129-58431-1t44gr6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/434541/original/file-20211129-58431-1t44gr6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/434541/original/file-20211129-58431-1t44gr6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/434541/original/file-20211129-58431-1t44gr6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/434541/original/file-20211129-58431-1t44gr6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/434541/original/file-20211129-58431-1t44gr6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/434541/original/file-20211129-58431-1t44gr6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des soldats éthopiens capturés par les forces du Tigré sont à Mekele, la capitale du Tigré, le 22 octobre 2021.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo)</span></span>
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<p>Assiégés depuis lors par les troupes progouvernementales, les FDT — confortées par leurs gains territoriaux au Tigré — ont décidé de poursuivre leur offensive plus au sud dans les régions Amhara et Afar. Elles essaient notamment de s’emparer du <a href="https://www.ft.com/content/bc0edfcf-9816-4451-a6c4-2ac7b8891646">corridor de Djibouti</a> par lequel transitent près de 95 % des importations et exportations éthiopiennes.</p>
<h2>Tensions avec le Soudan</h2>
<p>Déjà en décembre 2020, l’armée soudanaise a profité de la situation pour se rendre maître d’Al-Fashaga, un territoire frontalier fertile disputé depuis longtemps. Situé au nord-ouest du pays, les forces éthiopiennes y ont mené une <a href="https://www.crisisgroup.org/africa/horn-africa/ethiopia/b173-containing-volatile-sudan-ethiopia-border-dispute">riposte</a> au bilan meurtrier. Malgré les appels de la communauté internationale à la désescalade, la situation reste aujourd’hui très <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20211128-soudan-affrontements-meurtriers-entre-les-arm%C3%A9es-%C3%A9thiopienne-et-soudanaise?ref=tw_i">tendue</a>.</p>
<p>En août dernier, le Soudan a <a href="https://www.al-monitor.com/originals/2021/08/ethiopia-sudan-tension-rises-over-tigray-conflict">rappelé son ambassadeur</a> en poste à Addis-Abeba, la deuxième fois cette année.</p>
<p>Les autorités éthiopiennes se sont également plaintes de l’utilisation des camps de réfugiés tigréens comme bases-arrières par les insurgés. Ces derniers pourraient d’ailleurs contourner le siège des forces progouvernementales en reprenant le contrôle de la zone frontalière avec le Soudan. Dans ce cas, Addis-Abeba pourrait voir Khartoum comme un véritable <a href="https://www.crisisgroup.org/africa/horn-africa/ethiopia/dangerous-expansion-ethiopias-tigray-war">soutien à l’insurrection</a>, ce qui entamerait encore un peu plus leurs relations.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/434550/original/file-20211129-27-1kstwdm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/434550/original/file-20211129-27-1kstwdm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/434550/original/file-20211129-27-1kstwdm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/434550/original/file-20211129-27-1kstwdm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/434550/original/file-20211129-27-1kstwdm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/434550/original/file-20211129-27-1kstwdm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/434550/original/file-20211129-27-1kstwdm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des réfugiés du Tigré, qui ont fui le conflit en Éthiopie, attendent leur tour pour remplir leur cruche d’eau au camp de réfugiés d’Umm Rakouba à Qadarif, dans l’est du Soudan.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Nariman El-Mofty)</span></span>
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</figure>
<h2>Le Barrage de la Renaissance</h2>
<p>Il faut rappeler que la situation se dégrade sur fond de conflit au sujet de l’immense barrage éthiopien construit sur le Nil. Ce projet menace en effet la sécurité alimentaire du Soudan et de l’Égypte. Aucun de ces deux pays n’est parvenu à s’entendre avec le gouvernement éthiopien, dont la rhétorique nationaliste depuis le début du conflit au Tigré <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2021-06-22/civil-war-hardens-ethiopian-nile-dam-stance-sudan-minister-says">amenuise davantage les chances de compromis</a>. Le Caire et Khartoum n’excluent pas d’avoir recours à la force.</p>
<p>Le coup d’État militaire du 25 octobre au Soudan ne devrait pas changer la position des autorités sur ces enjeux. Elle pourrait d’ailleurs se durcir à mesure que le général Abdel Fattah Al-Burhan, l’homme fort du pays, s’efforce de <a href="https://foreignpolicy.com/2021/11/22/sudan-hamdok-coup-prime-minister/?tpcc=recirc_latest062921">consolider son pouvoir</a>.</p>
<h2>La paix conclue avec l’Érythrée menacée</h2>
<p>En cas de chute du régime, l’accord de paix de 2018 entre l’Éthiopie et l’Érythrée pourrait être remis en cause. Les Tigréens, aux commandes à Addis-Abeba de 1991 à 2018, ont longtemps combattu l’Érythrée, jusqu’à ce qu’ils soient écartés du pouvoir par Abiy Ahmed.</p>
<p>Très impliquées aux côtés des forces progouvernementales contre l’insurrection jusqu’à l’été dernier, les forces érythréennes se sont rendues coupables de <a href="https://www.hrw.org/news/2021/09/16/ethiopia-eritrean-refugees-targeted-tigray#">graves exactions</a>. Elles se sont néanmoins progressivement retirées plus au nord après que les FDT ont récupéré le contrôle de la quasi-intégralité du Tigré.</p>
<h2>Menace d’une instabilité accrue en Somalie</h2>
<p>La Somalie souffre déjà d’une situation politique et sécuritaire compliquée que la guerre en Éthiopie pourrait aggraver.</p>
<p>Pour faire face à l’insurrection tigréenne, Abiy Ahmed pourrait décider de <a href="https://www.crisisgroup.org/africa/horn-africa/somalia/b176-reforming-au-mission-somalia">rapatrier une partie du contingent éthiopien</a> de la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM). Cela aurait sans doute pour conséquence de rendre plus complexe la lutte contre le groupe terroriste Al-Shabaab qui contrôle une portion importante du pays.</p>
<p>Alors que l’armée nationale somalienne peine à se reconstruire, l’ONU a également rapporté que des milliers de soldats somaliens, entraînés en Érythrée, auraient <a href="https://www.aei.org/op-eds/eritrea-and-somalias-behavior-in-the-tigray-conflict-is-worse-than-first-reported/">combattu au Tigré</a>.</p>
<h2>Coopération sécuritaire moindre avec le Somaliland</h2>
<p>Considéré comme un partenaire fiable dans la lutte contre le terrorisme, le Somaliland (situé au nord-ouest de la Somalie) a longtemps joui d’un partenariat privilégié avec l’Éthiopie depuis son indépendance autoproclamée, mais non-reconnue en 1991.</p>
<p>Toutefois, la proximité d’Abiy Ahmed avec le pouvoir central somalien depuis 2018 a réduit le niveau de coopération avec le Somaliland. La guerre au Tigré l’a diminué davantage, notamment sur le plan sécuritaire.</p>
<p>Selon certaines <a href="https://somaliwire.org/">sources</a>, ce conflit aurait déjà eu pour conséquence d’amplifier le trafic d’armes transitant par cet État <em>de facto</em>. Une partie d’entre elles, destinée à alimenter la guerre, aurait été détournée au profit de groupes terroristes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/434540/original/file-20211129-17-6u1lvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/434540/original/file-20211129-17-6u1lvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/434540/original/file-20211129-17-6u1lvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/434540/original/file-20211129-17-6u1lvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/434540/original/file-20211129-17-6u1lvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=439&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/434540/original/file-20211129-17-6u1lvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=439&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/434540/original/file-20211129-17-6u1lvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=439&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dans cette image prise depuis un vidéo en octobre, on voit des résidents de Mekele, la capitale du Tigré, fuir en transportant un blessé, à la suite de raids aériens.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo)</span></span>
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</figure>
<h2>Impuissance de la « communauté internationale »</h2>
<p>Tandis que des exactions ont été commises de toutes parts, le gouvernement d’Abiy Ahmed semble particulièrement résolu à utiliser tous les moyens possibles pour « écraser » l’insurrection tigréenne, quitte à se rendre coupable de <a href="https://www.bbc.com/news/world-africa-57226551">génocide</a>.</p>
<p>Malgré les <a href="https://www.brookings.edu/blog/order-from-chaos/2021/10/01/the-exemplary-u-s-sanctions-regime-for-ethiopias-tigray-conflict-and-its-limitations/">sanctions économiques</a> et les tentatives de dialogue notamment initiées par Jeffrey Feltman, l’envoyé spécial américain pour la Corne de l’Afrique, le régime éthiopien reste déterminé.</p>
<p>Alors que la <a href="https://www.bbc.com/news/world-africa-59347230">répression contre les Tigréens</a> suspectés de liens avec l’insurrection semble s’intensifier, notamment à Addis-Abeba et dans la région Amhara, les efforts de la communauté internationale — y compris de l’Union africaine — semblent plus que jamais dans l’impasse.</p>
<p>On peut donc craindre un embrasement généralisé du pays. Une aggravation du conflit pourrait mener un nombre considérable d’Éthiopiens à fuir vers les pays voisins, déjà en proie à d’importantes difficultés économiques et politiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/171901/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Brendon Novel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors que les forces tigréennes sont aux portes d’Addis-Abeba, il y a des risques que la guerre civile en Éthiopie embrase toute la région.Brendon Novel, Candidat au doctorat en science politique, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1696732021-11-14T16:44:44Z2021-11-14T16:44:44ZIl y a 200 ans, l’émotion de la découverte de Méroé par Frédéric Cailliaud<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=279&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=279&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=279&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 1<sup>er</sup> au 11 octobre 2021 en métropole et du 5 au 15 novembre 2021 en outre-mer et à l’international), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème : « Eureka ! L’émotion de la découverte ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<hr>
<p>Les grandes découvertes scientifiques sont souvent riches d’émotions pour leurs inventeurs. L’égyptologie n’est pas en reste dans ce domaine. Chacun aura entendu parler de la légende selon laquelle, en septembre 1822, Jean-François Champollion aurait fait part de la clé de déchiffrement des hiéroglyphes à son frère en s’exclamant : <a href="https://gallica.bnf.fr/essentiels/evenement/hieroglyphes-dechiffres-champollion">« Je tiens mon affaire ! »</a>, puis se serait effondré de fatigue.</p>
<p>En revanche, rares sont ceux qui connaissent le parcours et les découvertes de Frédéric Cailliaud (1787-1869), alors qu’il s’agit de l’un des plus brillants explorateurs français, qui partit à la découverte de l’Égypte et de la Nubie entre 1815 et 1822. Une véritable aventure pour l’époque !</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/426040/original/file-20211012-27-qkio11.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/426040/original/file-20211012-27-qkio11.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/426040/original/file-20211012-27-qkio11.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=807&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/426040/original/file-20211012-27-qkio11.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=807&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/426040/original/file-20211012-27-qkio11.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=807&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/426040/original/file-20211012-27-qkio11.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1015&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/426040/original/file-20211012-27-qkio11.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1015&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/426040/original/file-20211012-27-qkio11.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1015&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Portrait de Frédéric Caillaud réalisé par André Dutertre en 1819.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Musée Dobrée de Nantes</span></span>
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<h2>Dans les pas de l’Expédition d’Égypte</h2>
<p>Il faut avant tout imaginer ce que représente une telle entreprise au début du XIX<sup>e</sup> siècle. Quelques années auparavant, l’<a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-la_fascination_de_l_egypte_du_reve_au_projet_ahmed_youssef-9782738466747-13702.html">Expédition d’Égypte (1798-1801)</a> menée par le général Bonaparte avait permis à 167 savants français de lever une partie du voile sur ce pays qui fascinait les Européens depuis longtemps, au point même que l’on avait soumis à Louis XIV un plan d’invasion des rives du Nil en 1670. </p>
<p>Leurs travaux, compilés dans la monumentale <a href="https://heritage.bnf.fr/bibliothequesorient/fr/la-description-de-legypte"><em>Description de l’Égypte</em></a>, permettaient de découvrir la civilisation égyptienne, sans en comprendre encore l’écriture, mais avec une véritable volonté de rigueur scientifique. Leur périple s’étant arrêté à l’île de Philæ, il restait encore tant de sites à découvrir, que ce soit dans les déserts ou plus au sud en direction de la Nubie. L’exploration de ces contrées n’en était qu’à ses débuts.</p>
<p>Arrivé en Égypte en 1815 après un périple européen, Frédéric Cailliaud fut dans un premier temps engagé par le consul de France Bernardino Drovetti parmi ses équipes de « fouilleurs » pour exhumer les antiquités pharaoniques. Sa formation de minéralogiste lui permit rapidement d’entrer au service du vice-roi d’Égypte Méhémet Ali Pacha et se voir confier pour mission de localiser d’anciennes mines d’émeraudes dans le désert oriental, en direction de la mer Rouge, exploitées dans l’Antiquité jusqu’à l’époque ptolémaïque. </p>
<p>Au terme d’une expédition minière qui avait sollicité d’importants moyens, les gisements furent retrouvés mais se révélèrent peu rentables. Dès lors, Cailliaud se lança dans l’exploration des oasis méconnues du désert occidental. En suivant les anciennes pistes, il parvint à mettre au jour plusieurs temples monumentaux dans l’Oasis de Kharga comme ceux de Douch ou d’Hibis.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/426041/original/file-20211012-23-1tbz9mn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/426041/original/file-20211012-23-1tbz9mn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/426041/original/file-20211012-23-1tbz9mn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=862&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/426041/original/file-20211012-23-1tbz9mn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=862&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/426041/original/file-20211012-23-1tbz9mn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=862&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/426041/original/file-20211012-23-1tbz9mn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1083&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/426041/original/file-20211012-23-1tbz9mn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1083&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/426041/original/file-20211012-23-1tbz9mn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1083&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Échantillons de minéraux recueillis par Frédéric Cailliaud au Gebel Zubarah à Sekket et sur l’île d’Éléphantine, <em>Voyage à l’Oasis de Thèbes</em> pl. IX.</span>
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<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/426042/original/file-20211012-23-h32ldw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/426042/original/file-20211012-23-h32ldw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/426042/original/file-20211012-23-h32ldw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/426042/original/file-20211012-23-h32ldw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/426042/original/file-20211012-23-h32ldw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/426042/original/file-20211012-23-h32ldw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/426042/original/file-20211012-23-h32ldw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/426042/original/file-20211012-23-h32ldw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le temple d’Hibis dans l’Oasis de Kharga.</span>
<span class="attribution"><span class="source">_Voyage à l’Oasis de Thèbes_, pl. XVIII</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une mission d’exploration en Nubie (1819-1822)</h2>
<p>De retour en France à la fin de l’année 1818 pour présenter ses découvertes, Cailliaud fut très vite remarqué par <a href="https://www.fayard.fr/histoire/jomard-le-dernier-egyptien-9782213615257">Edme François Jomard</a>, qui avait en charge la publication de la <em>Description de l’Égypte</em>. Ce dernier, voyant l’importance des découvertes qui venaient compléter celles de l’expédition française, lui proposa d’éditer son récit de voyage aux mines d’émeraudes et aux Oasis sous le titre : <em>Voyage à l’Oasis de Thèbes</em>. Personnage influent auprès du gouvernement de Louis XVIII, Jomard fit en sorte que Frédéric Caillaud puisse repartir, cette fois en mission officielle d’exploration, au-delà de l’île de Philae.</p>
<p>L’un des objectifs étant de réaliser une cartographie complète de l’Égypte et de la Nubie, un aspirant de marine, Pierre-Constant Letorzec, devait l’accompagner pour l’aider dans sa tâche et effectuer les relevés astronomiques. Après un séjour à l’Oasis de Siwa, marqué par la découverte du temple Amon où Alexandre le Grand se serait fait reconnaître fils du dieu par l’oracle, Cailliaud bénéficia d’un concours de circonstances qui allaient lui ouvrir les portes de la Nubie.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/431066/original/file-20211109-13-n43531.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/431066/original/file-20211109-13-n43531.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/431066/original/file-20211109-13-n43531.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/431066/original/file-20211109-13-n43531.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/431066/original/file-20211109-13-n43531.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/431066/original/file-20211109-13-n43531.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/431066/original/file-20211109-13-n43531.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/431066/original/file-20211109-13-n43531.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Passage de la cataracte du Nil.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Voyage à Méroé et au fleuve Blanc, vol. II, pl. XXXII</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En effet, ce territoire était depuis longtemps convoité par le vice-roi d’Égypte pour ses gisements aurifères. Il décida d’y envoyer son troisième fils Ismaël Pacha à la tête de son armée pour en faire la conquête. L’opportunité était inespérée pour le voyageur qui allait se joindre aux troupes égyptiennes, tout en bénéficiant d’une protection relative dans ces régions hostiles :</p>
<blockquote>
<p>« Une telle nouvelle éveilla toute ma curiosité ; elle excita en moi le désir de profiter de cette occasion pour tenter des découvertes ; je ne rêvais plus que d’Éthiopie et Méroé. »</p>
</blockquote>
<p>(Cette citation, de même que les suivantes de Frédéric Cailliaud, est issue de son livre <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k104932v.texteImage"><em>Voyage à Méroé</em></a>, publié à Paris en 1826.)</p>
<h2>Une course-poursuite sur les rives du Nil</h2>
<p>La Nubie n’avait alors été parcourue que par quelques voyageurs européens comme le Danois Frédérik <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/abs/10.1086/468528">Ludvig Norden</a> ou le Suisse <a href="https://www.worldcat.org/title/travels-in-nubia/oclc/192612">Jean-Louis Burckhardt</a>. Seuls quelques monuments antiques avaient été relevés comme le grand temple de Ramsès II à Abou Simbel. Partir à la recherche de Méroé, l’antique capitale du royaume de Koush, citée par de nombreux auteurs classiques comme Strabon, Hérodote, Diodore de Sicile ou Pline l’Ancien (voir : Mainterot Ph., « Les Ethiopiens et leurs cité fabuleuse dans les récits classiques », dans Baud M. (dir.), catalogue de l’exposition <a href="http://editions.louvre.fr/fr/les-ouvrages/catalogues-dexposition/sites-pays/meroe.html">« Méroé, un empire sur le Nil »</a>, Musée du Louvre, Paris, 2010), devenait progressivement l’obsession des explorateurs de l’époque, les entraînant dans une farouche compétition. La gloire de la découverte et la renommée scientifique appartiendrait au premier sur le site, il n’y avait pas de place pour le second.</p>
<p>Il est important de noter ici que Frédéric Cailliaud n’était pas le seul Européen à prendre part à cette expédition militaire. Plusieurs voyageurs de la suite d’Ismaël Pacha avaient clairement affiché leur volonté de découvrir l’antique cité. La course était lancée, avec son lot de mauvais coups :</p>
<blockquote>
<p>« Un médecin piémontais, au service d’Ismâyl Pacha, vint m’avertir qu’on cherchait à me faire perdre la faveur du prince. Un des objets de l’expédition étant la recherche ou l’exploitation des mines d’or que l’on disait exister au Fazoql, plusieurs médecins grecs, au service d’Ismâyl, et un voyageur italien, lui insinuèrent que j’avais une mission du gouvernement français pour faire des recherches de minéralogie ; que l’histoire offrait beaucoup d’exemples de nations qui, dans l’espoir de posséder des mines d’or, se hâtaient de porter la guerre dans les contrées les plus éloignées : ils parvinrent ainsi à persuader ce prince, et il décida que je ne suivrais point l’expédition. Le but de mes détracteurs était de faire ce voyage seuls, ou de m’occasionner assez de retard pour qu’ils pussent arriver avant moi sur le théâtre des antiquités. »</p>
</blockquote>
<p>Malgré ces difficultés, la présence de Cailliaud parmi l’expédition fut confortée par une lettre du vice-roi en personne. Il dut toutefois retourner au Caire pour obtenir le document, lui faisant perdre ainsi un temps précieux sur ses concurrents. Remontant le cours du Nil en compagnie de Letorzec, en bateau puis à dos de dromadaire, Frédéric Cailliaud identifia de nombreux sites d’époque pharaonique en Nubie, témoignant de l’emprise des pharaons égyptiens sur ce territoire au fil des siècles, comme les temples de Sédeinga, Soleb, Sésébi. Il rattrapa l’armée au niveau du Gebel Barkal, non loin de la nécropole pyramidale de Nouri. Les voyageurs européens de l’expédition pensaient y avoir découvert l’antique Méroé avant lui :</p>
<blockquote>
<p>« Des Grecs et d’autres Européens, courtisans du prince, auxquels j’étais redevable des fatigues et des frais du voyage de cinq cents lieues que je venais de faire en pure perte, accoururent d’un air empressé me complimenter sur mon heureux retour ; tous m’offraient leurs bons offices auprès du prince et cherchaient à faire paraître une satisfaction qu’ils étaient loin de ressentir. Au reste, ils croyaient bien être arrivés à leurs fins ; ces ruines de Barkal, dans leur opinion, étaient incontestablement celles de l’antique Méroé cherchées si longtemps et si vainement jusqu’à eux. Il était impossible que je ne lusse pas leur triomphe dans leurs yeux ; mais ce triomphe était-il bien réel ? »</p>
</blockquote>
<h2>La découverte tant attendue</h2>
<p>Ayant réussi à obtenir une autorisation de partir au-devant de l’armée pour explorer la région, Cailliaud et son compagnon n’avaient pas cessé de croire en leur chance de parvenir à la véritable Méroé, estimant que le Gebel Barkal ne pouvait être l’antique cité tant convoitée. Pour plus de sécurité, ils avaient endossé le costume turc et changé d’identité : ils avaient pris les pseudonymes respectifs de Mourad Effendi et Abdallah el-Fakyr. De plus, l’aide d’un guide local s’avéra nécessaire et ce dernier leur indiqua qu’il connaissait des ruines à quelques jours de marche…</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/431071/original/file-20211109-23-10ng28c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/431071/original/file-20211109-23-10ng28c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/431071/original/file-20211109-23-10ng28c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/431071/original/file-20211109-23-10ng28c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/431071/original/file-20211109-23-10ng28c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/431071/original/file-20211109-23-10ng28c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/431071/original/file-20211109-23-10ng28c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/431071/original/file-20211109-23-10ng28c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La nécropole royale de Méroé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Voyage à Méroé et au fleuve Blanc, vol. I, pl. XXXVI</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À l’aube du 25 avril 1821, Frédéric Cailliaud put ainsi contempler la fameuse nécropole pyramidale de Méroé. Son récit témoigne clairement de cette émotion de la découverte qui le submerge :</p>
<blockquote>
<p>« Mon guide me prévint bientôt que nous allions voir les “tarâbyls”. Qu’on se peigne la joie que j’éprouvai en découvrant les sommets d’une foule de pyramides, dont les rayons du soleil, peu élevé encore sur l’horizon, doraient majestueusement les cimes ! Jamais, non jamais, jour plus heureux n’avait lui pour moi ! Combien j’allais être vengé des intrigues de cet autre voyageur qui m’avait suscité tant d’entraves, et qui, demeuré dans la province des Chaykyé, dissertait en ce moment à perte de vue pour démontrer que Méroé était au Mont Barkal ! Je pressai mon dromadaire ; j’aurais voulu qu’il franchît avec la rapidité du trait les trois lieues qui me séparaient encore des ruines de l’antique capitale de l’Éthiopie. </p>
<p>Enfin, j’y arrivai : mon premier soin fut de gravir sur une éminence, pour embrasser d’un coup d’œil l’ensemble des pyramides. J’y restai immobile de plaisir et d’admiration à la vue de ce spectacle imposant. J’allai ensuite monter sur le plus élevé de ces monuments. Là, voulant payer un faible tribut d’hommage au géographe illustre dont le génie avait guidé mes pas, je gravai sur la pierre le nom de d’Anville. Promenant de nouveau mes regards autour de moi, je découvris dans l’ouest un second groupe de pyramides, et, à peu de distance du fleuve, un vaste espace couvert de ruines et de décombres, annonçant assez l’emplacement d’une ville antique. »</p>
</blockquote>
<p>Suivirent plusieurs jours d’étude minutieuse du site avec des plans, des relevés iconographiques, une cartographie du site qui sont encore aujourd’hui des sources précieuses pour les archéologues.</p>
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<figcaption><span class="caption">Découverte du site de Méroé (TV5 Monde, 5 novembre 2018).</span></figcaption>
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<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/431075/original/file-20211109-17-1hof3zd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/431075/original/file-20211109-17-1hof3zd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/431075/original/file-20211109-17-1hof3zd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/431075/original/file-20211109-17-1hof3zd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/431075/original/file-20211109-17-1hof3zd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/431075/original/file-20211109-17-1hof3zd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/431075/original/file-20211109-17-1hof3zd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/431075/original/file-20211109-17-1hof3zd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Étude des pyramides de Méroé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Voyage à Méroé et au fleuve Blanc, vol. I, pl. XLIII</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>La découverte de Méroé fera la gloire de Cailliaud à son retour en France en 1822. Le récit de son aventure sera publié au frais du gouvernement sous le titre <em>Voyage à Méroé et au fleuve Blanc</em>. Louis XVIII le nommera chevalier de la Légion d’Honneur sur la proposition de Chateaubriand, mais Cailliaud délaissera progressivement l’égyptologie naissante au profit de l’Histoire naturelle. Il entamera une seconde carrière tout aussi riche en découvertes, mais ceci est une autre histoire…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/169673/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Mainterot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En 1821, l’explorateur français Frédéric Cailliaud participe à une expédition organisée en Nubie par le vice-roi d’Égypte et découvre une nécropole légendaire…Philippe Mainterot, Maître de conférences en Histoire de l'Art et Archéologie de l'Antiquité, Université de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1705802021-11-01T18:30:34Z2021-11-01T18:30:34ZPourquoi parle-t-on si peu de l’Éthiopie en France ?<p>« Éthiopie : trois enfants tués lors des <a href="https://www.france24.com/fr/afrique/20211022-%C3%A9thiopie-quatri%C3%A8me-jour-de-frappes-a%C3%A9riennes-sur-mekele-la-capitale-du-tigr%C3%A9">frappes sur la capitale du Tigré</a> », voici le bandeau diffusé, ce 20 octobre 2021, par la chaîne d’informations en continu France 24… Pour de nombreux observateurs de la situation en Éthiopie, ce bandeau qui défile brièvement sous nos yeux est perturbant.</p>
<p>Certes, il nous informe de l’évolution d’une guerre très peu couverte médiatiquement, mais, pensons-nous, que nous donnent à voir, en produisant ces images sans commentaire, la télévision française et les grands médias et à qui peuvent-elles être utiles pour comprendre la nature d’un tel conflit en train d’évoluer ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ethiopie-pourquoi-larmee-est-en-echec-face-aux-rebelles-du-tigre-166705">Éthiopie : pourquoi l’armée est en échec face aux rebelles du Tigré</a>
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<p>« Trois enfants tués lors des frappes sur la capitale du Tigré » ? Les téléspectateurs savent-ils que ce bombardement <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/10/14/nouvelle-offensive-de-l-armee-federale-dans-le-nord-de-l-ethiopie_6098342_3212.html">est une attaque du pouvoir central</a>, après un an de guerre ?</p>
<p>Savent-ils qu’une « opération de rétablissement de l’ordre constitutionnel », qui devait durer un mois, <a href="https://theconversation.com/tigre-tombeau-de-lethiopie-151082">s’est intensifiée de jour en jour</a> jusqu’à s’étendre dans tout le pays, un an plus tard ?</p>
<p>Se rendent-ils compte que la situation humanitaire est <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/cauchemar-humanitaire-en-ethiopie-la-famine-menace-de-mort-30-000-enfants-au-tigre_2152706.html">dramatique</a>, que le Tigré est coupé du monde et qu’au moins 400 000 personnes ont <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/ethiopie/ethiopie-plus-de-400-000-personnes-en-situation-de-famine-dans-la-region-du-tigre-selon-l-onu_4688635.html">« franchi le seuil de la famine »</a> selon l’Organisation des Nations unies, et que près de <a href="https://news.un.org/fr/story/2021/09/1103932">1,7 million de déplacés</a> sont répartis dans le pays, 60 000 réfugiés le sont au Soudan, que la famine pourrait bientôt toucher plus d’un million de personnes ?</p>
<p>Non, personne ne s’en doute ni ne se l’imagine car cette guerre est très peu connue des Français.</p>
<h2>Le brouillard de la guerre</h2>
<p>Comme pour tout conflit, le brouillard de la guerre rend confuse la situation, la couverture médiatique étant impossible ou réduite à de courtes annonces, et on ne peut ici que saluer les journalistes locaux et les <a href="https://twitter.com/noehochet">correspondants</a> de guerre qui prennent des risques certains pour faire leur métier et nous tenir un tant soit peu informés.</p>
<p>Dans ces circonstances et conditions peu favorables, la situation est difficilement compréhensible pour le grand public. Chaque partie impliquée dans cette guerre tente de manipuler les opinions et les médiateurs étrangers. Il est difficile, dès lors, de faire la part des choses entre la <a href="https://mediamanipulation.org/case-studies/dueling-information-campaigns-war-over-narrative-tigray">propagande institutionnalisée</a> et la vérité des faits.</p>
<p>Par ailleurs, nous ne connaissons pas l’état des forces de l’armée nationale depuis que de nombreux officiers <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/11/08/en-ethiopie-le-chef-de-l-armee-limoge-en-pleine-escalade-militaire-dans-la-region-du-tigre_6058991_3212.html">ont été limogés</a> et que le gouvernement multiplie les mensonges et les revirements sur ses actions.</p>
<p>Nous n’avons également que peu d’informations sur les moyens dont disposent les rebelles des <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/06/29/ethiopie-l-avancee-decisive-des-rebelles-marque-un-tournant-dans-la-guerre-au-tigre_6086174_3212.html">Forces de défense tigréennes</a> (TDF), structurées autour de l’ancien parti du <a href="https://www.liberation.fr/international/afrique/quest-ce-que-le-tplf-le-mouvement-qui-tient-tete-a-addis-abeba-au-tigre-20210701_TLBNN7EJTVHYPAMEAMXPBUQRXI/">Front populaire de libération du Tigré</a> (FPLT), qui est resté au cœur du pouvoir pendant pas moins de 27 ans…</p>
<p>À la fin de l’année 2021, les bombardements succèdent aux <a href="https://www.lexpress.fr/actualites/1/monde/ethiopie-apres-le-massacre-de-chenna-un-village-vide-ou-regne-l-odeur-de-la-mort_2158460.html">massacres</a>, aux <a href="https://www.jeuneafrique.com/1115642/politique/ethiopie-les-tigreens-font-ils-lobjet-dun-profilage-ethnique/">profilages ethniques</a>, aux <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/03/25/au-tigre-une-equipe-de-msf-temoin-d-executions-de-civils-par-des-soldats-ethiopiens_6074398_3212.html">exécutions</a>, aux <a href="https://www.france24.com/fr/afrique/20210811-%C3%A9thiopie-des-centaines-de-viols-esclavage-sexuel-et-mutilations-au-tigr%C3%A9">viols</a>…</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/MbFUQYkBrX4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Éthiopie : l’ONU suspend ses vols vers le Tigré après une nouvelle frappe aérienne, France 24, 23 octobre 2021.</span></figcaption>
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<h2>Des acteurs et des causes multiples</h2>
<p>Les acteurs de ce chaos sont multiples : des <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20201221-%C3%A9thiopie-que-sait-on-des-fannos-les-miliciens-amhara">milices Amhara</a> se sont alliées aux forces loyalistes et sont <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/04/17/pour-la-premiere-fois-l-erythree-reconnait-sa-participation-dans-la-guerre-en-ethiopie_6077126_3212.html">soutenues par les troupes de l’Érythrée</a> voisine, face aux rebelles tigréens. Sans accès au terrain, il est difficile de rendre compte des événements et le régime s’est bien gardé d’ouvrir son territoire à des regards qui pourraient se montrer trop curieux.</p>
<p>Comme tous les conflits, <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/09/10/en-ethiopie-la-guerre-au-tigre-n-en-finit-pas-de-s-etendre_6094208_3212.html">ses racines sont multiples</a> : historiques, économiques, politiques, institutionnelles, et toutes plus ou moins liées à la structuration de l’État éthiopien. Et comme de nombreux conflits récents, celui-ci s’est cristallisé autour des identités. Mais il serait réducteur de ne mobiliser que les grilles de lecture qui sont celles de la <a href="https://www.persee.fr/doc/pop_0032-4663_2004_num_59_6_7523">guerre ethnique</a>, des luttes ataviques et des rivalités historiques, pour expliquer ce qui se passe en Éthiopie.</p>
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<figcaption><span class="caption">Combats en Éthiopie : l’origine des tensions dans la région du Tigré (France 24, 13 novembre 2020).</span></figcaption>
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<p>Un élément de poids dans cette apathie internationale est la paralysie du Conseil de sécurité de l’ONU qui rend toute réponse internationale inenvisageable, faible ou peu efficiente.</p>
<p>Les réactions au problème font face à une farouche opposition, aux relents nationalistes, du leader d’un pays qui rappelle n’avoir jamais été colonisé et ne compte pas fléchir devant les pressions extérieures, qualifiées tout simplement <a href="https://www.france24.com/fr/vid%C3%A9o/20211001-l-ethiopie-va-expulser-sept-responsables-d-agences-de-l-onu-accus%C3%A9s-d-ing%C3%A9rence">d’ingérence de la part pays étrangers</a>.</p>
<p>La France, quant à elle, a <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20210813-la-france-suspend-un-accord-de-coop%C3%A9ration-militaire-avec-l-%C3%A9thiopie">suspendu sa coopération militaire</a>, alors même que l’Éthiopie était le fleuron des <a href="https://www.mediapart.fr/journal/international/210121/en-ethiopie-la-france-partagee-entre-business-et-defense-des-droits-humains?onglet=full">partenaires avec lesquels le président Macron voulait travailler</a> pour « normaliser » sa politique africaine.</p>
<p>Sa réponse a tardé, certes, car, comme beaucoup (et l’auteure de cet article en fait partie), le président français s’est laissé séduire par ce jeune premier ministre éthiopien, <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20180826-ethiopie-abiy-ahmed-elections-justes-libres-2020-nouveau-souffle-democratie">arrivé au pouvoir en 2018</a>, qui se présentait comme disruptif, proposant une toute nouvelle vision pour son pays qui soit au-dessus des partis traditionnels (il a <a href="https://www.lepoint.fr/afrique/ethiopie-contre-le-communautarisme-vive-le-parti-de-la-prosperite-28-12-2019-2355023_3826.php">dissous la coalition au pouvoir</a> afin de créer un autre parti).</p>
<p>Ses discours, aux accents <a href="https://www.jeuneafrique.com/mag/739900/politique/abiy-ahmed-lhomme-qui-va-changer-lethiopie/">parfois messianiques</a>, alors, se voulaient avant tout rassembleurs et lui ont permis d’obtenir des soutiens partout, dans une dynamique sans précédent dans le pays mais presque totalement évanouie aujourd’hui.</p>
<p>Sur le plan régional, un <a href="https://theconversation.com/ethiopie-erythree-la-proclamation-inattendue-dune-paix-importee-103853">processus d’apaisement des relations avec l’Érythrée voisine</a>, dont la longue frontière commune avec la région éthiopienne du Tigré a été au cœur d’une <a href="http://www.irenees.net/bdf_fiche-auteur-1_fr.html">guerre frontalière entre 1998 et 2000</a>, a permis de mettre fin à <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/11/PRUNIER/59209">deux décennies de guerre froide</a>, entre les deux pays.</p>
<p>L’aboutissement de ce processus a valu au premier ministre éthiopien <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/peace/2019/abiy/lecture/">l’obtention du prix Nobel de la paix</a>, en 2019. Mais le « prix Nobel » a, depuis, revêtu son uniforme de combattant…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-prix-nobel-de-la-paix-controverses-signe-dune-reforme-necessaire-170408">Les prix Nobel de la paix controversés, signe d’une réforme nécessaire ?</a>
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<h2>Les morts invisibles</h2>
<p>L’Éthiopie est aujourd’hui un des « trous noirs » de l’information en matière de conflits internationaux, mais elle n’est pas pour autant inexistante pour qui veut bien s’informer. Alors pourquoi ce désintérêt, en France, pour ce conflit ?</p>
<p>On pourra avancer la <a href="https://larevuedesmedias.ina.fr/la-loi-du-nombre-de-morts-kilometre-nest-pas-automatique">loi du « mort kilométrique »</a>, qui veut qu’on accorde son attention à un drame en fonction de la distance qui nous sépare de lui… Cette loi subjective opère énormément.</p>
<p>Le phénomène se trouve doublement accentué par l’absence d’images, qui permet de mettre les morts « dans le monde » à une distance qui ne soit pas dérangeante. Le contexte post-Covid et préélectoral fait également qu’à ce refoulement « naturel » s’ajoute le fait que les téléspectateurs semblent peu intéressés par les drames extraterritoriaux.</p>
<p>Chacun semble porter sa propre croix et faire face à son lot personnel de difficultés en tous genres qui sont assez peu comparées ou mises en lumière à côté de celles des « autres » au loin…</p>
<p>Le sous-traitement du continent africain dans les médias est sûrement aussi à mettre en cause directe avec l’indifférence généralisée. <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/14616700220129991">Des études</a> concernant les principaux médias (journaux et télévision) occidentaux (États-Unis, Royaume-Uni, France) ont montré que l’Afrique représentait environ 6 à 9 % du volume total des informations internationales.</p>
<p>Même si une moyenne de 15-20 % des informations est consacrée à des événements internationaux, cela signifie qu’au mieux, moins de 2 % de la couverture médiatique occidentale concerne le continent africain. Cela, on peut l’imaginer, ne laisse guère de place pour parler d’une guerre au terrain très difficile d’accès…</p>
<p>On peut également déplorer une représentation caricaturale du continent africain, perçu comme un continent qui est, a été, et est encore aujourd’hui celui des carnages et des ténèbres, auxquels on a pris l’habitude de ne plus accorder d’attention particulière. Les « cadavres n’ont pas le même poids selon leur origine », constate amèrement le <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782072955952-cadavres-noirs-gerard-prunier/">chercheur Gérard Prunier</a>, dans son dernier opus.</p>
<p>La Corne de l’Afrique est, de plus, aujourd’hui globalement absente de l’imaginaire collectif des Français. La <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/1382">famine des années 1980</a> a marqué les esprits. A-t-on oublié la période du <a href="https://www.nouvelobs.com/magazine/20140123.OBS3513/le-miracle-ethiopien.html">« miracle éthiopien »</a> qui lui a fait suite, celle, pas si lointaine, où l’Éthiopie affichait des taux de croissance à deux chiffres ?</p>
<p>Au cœur du dispositif des <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/routes-de-la-soie">nouvelles routes de la Soie</a> lancé par la Chine, l’Éthiopie était à ce moment devenue le territoire où les entreprises européennes et même chinoises se délocalisaient afin de bénéficier d’une main-d’œuvre moins coûteuse.</p>
<p>Se rend-on bien compte que l’émergence éthiopienne bénéficiait alors à toute la région, et donc que sa chute actuelle est tout aussi inquiétante pour ses voisins ?</p>
<h2>Les remords à venir</h2>
<p>L’Éthiopie était une <a href="https://academic.oup.com/ia/article/94/5/1059/5092073">puissance régionale</a> qui se voyait jouer un rôle global, forte de sa légitimité d’État non colonisé accueillant le siège de <a href="https://au.int/fr/appercu">l’Union africaine</a> dans sa capitale. L’Éthiopie pouvait même se targuer d’être le <a href="https://www.la-croix.com/Monde/casques-bleus-soldats-%C5%93uvrent-paix-2018-01-19-1200907298">plus important contributeur</a> en Casques bleus du monde ! Aujourd’hui, l’ancienne légende tremble, et c’est tout un continent qui retient son souffle…</p>
<p>Comment, dans ces conditions, amorcer une prise de conscience du conflit ? Lorsque le terrain sera de nouveau accessible aux chercheurs, aux journalistes et aux enquêteurs des institutions internationales, combien de cas de nettoyages ethniques découvrira-t-on ? Combien de <a href="https://www.lapresse.ca/international/afrique/2021-08-02/guerre-civile-en-ethiopie/une-riviere-charrie-des-corps-aux-mains-liees-disent-des-soudanais.php">corps dans les rivières qui mènent au Soudan</a> devra-t-on encore « comptabiliser » ?</p>
<p>Enquêtera-t-on pour des <a href="https://www.amnesty.org/en/location/africa/east-africa-the-horn-and-great-lakes/ethiopia/">crimes de guerre, des crimes contre l’humanité</a> et un nouveau <a href="https://theconversation.com/genocide-in-ethiopia-why-answering-the-question-will-be-a-challenge-160872">génocide</a> ?</p>
<p>Quelle culpabilité portera-t-on pour ne pas avoir cherché à se renseigner plus tôt ni s’être informés ? Combien de remords aurons-nous d’avoir préféré, sans même nous poser la question, détourner le regard, plutôt que d’affronter la réalité ?</p>
<p>« Trois enfants morts », c’est une tragédie, mais derrière ces drames-là, il s’en cache bien plus, auxquels nous ne pensons même pas. Qui ne vient pas nous effleurer, car nous les ignorons et ne cherchons pas à les connaître.</p>
<p><a href="https://www.liberation.fr/checknews/mitterrand-a-t-il-declare-a-propos-du-rwanda-que-dans-ces-pays-la-un-genocide-cest-pas-trop-important-20210511_OYT7FG6DL5AVXJN3EMTLOMH3OE/">« Dans ces pays-là, un génocide, au fond, ce n’est pas très important »</a>, ce sont là les propos attribués un jour à François Mitterrand, et plus que jamais, ils font frémir…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/170580/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sonia Le Gouriellec ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors que l’Éthiopie s’enlise dans un conflit meurtrier et va au-devant d’une crise humanitaire catastrophique, on parle peu du pays dans les médias français. Une situation habituelle mais tragique.Sonia Le Gouriellec, Maître de conférence à l'Université catholique de Lille, Institut catholique de Lille (ICL)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1697882021-10-24T15:27:57Z2021-10-24T15:27:57ZUn premier vaccin pour relancer la lutte contre le paludisme<p><em>L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé une mesure historique : elle a <a href="https://www.who.int/fr/news/item/06-10-2021-who-recommends-groundbreaking-malaria-vaccine-for-children-at-risk">recommandé</a> l’utilisation à grande échelle du premier vaccin contre le paludisme (ou malaria), RTS,S. Cette recommandation se fonde sur les résultats d’un <a href="https://theconversation.com/malawi-is-testing-a-new-malaria-vaccine-but-its-still-early-days-116007">programme pilote</a> en cours au Malawi, au Ghana et au Kenya. Le paludisme est un énorme défi sanitaire mondial, environ 409 000 personnes en sont mortes rien qu’en 2019. La région africaine de l’OMS supporte une part importante de la charge du paludisme – avec <a href="https://reliefweb.int/report/world/message-who-regional-director-africa-dr-matshidiso-moeti-world-malaria-day-2021#:%7E:text=En%202019%2C%20l%E2%80%99OMS%20Afrique,%25%20et%20morts%20par%2060%25.">94 %</a> de tous les cas et décès dus au paludisme. Les enfants de moins de cinq ans sont les plus vulnérables. Ina Skosana a demandé à l’entomologiste médical Eunice Anyango Owino d’expliquer cette évolution et sa signification.</em></p>
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<h2>Il a fallu 30 ans pour créer ce vaccin : pourquoi ?</h2>
<p>La raison principale est que les parasites du <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/maladies/maladies-infectieuses/article/paludisme">paludisme</a>, du genre <em>Plasmodium</em> (<em>falciparum</em>, etc.), a un développement très complexe. Il passe en effet par <a href="https://theconversation.com/why-does-malaria-recur-how-pieces-of-the-puzzle-are-slowly-being-filled-in-108833">différents stades</a>, certains apparaissant chez le moustique (qui le transmet) et d’autres chez l’homme. Les scientifiques ont donc dû adopter diverses approches.</p>
<p><a href="https://www.inserm.fr/dossier/paludisme/">Chez l’homme, il y a deux phases</a>. Ce sont les suivants :</p>
<ul>
<li><p>Le stade pré-érythrocytaire (sans symptôme). Il s’agit de la période pendant laquelle le parasite, reçu suite à une piqûre de moustique, entre dans la circulation sanguine et gagne le foie. Il y pénètre et va s’y multiplier, après quoi il est à nouveau libéré dans le sang.</p></li>
<li><p>Le stade sanguin. Il correspond à la séquence où les nombreux parasites libérés par le foie entrent dans des globules rouges (cellules sanguines chargées notamment du transport de l’oxygène) et s’y multiplient. Les globules sont détruits en masse, ce qui provoque des symptômes associés à cette maladie, libérant à leur tour de nouveaux parasites, qui vont pouvoir envahir d’autres cellules, etc.</p></li>
</ul>
<p>Un vaccin efficace contre le premier stade (stade pré-érythrocytaire) serait capable de susciter une réponse immunitaire empêchant l’infection des cellules hépatiques ou entraînerait la destruction des cellules hépatiques infectées. Le vaccin RTS,S, qui cible le parasite <em>P. falciparum</em>, responsable des formes les plus graves, est de ce type.</p>
<p>Un vaccin efficace pour le deuxième stade (stade sanguin) aurait, lui, trois modes d’action possible : susciter des réponses immunitaires empêchant l’infection des globules rouges ; diminuer le nombre de parasites dans le sang ; réduire la gravité de la maladie en permettant à l’organisme de développer une immunité naturelle avec un faible risque de tomber malade.</p>
<p>Une dernière option consisterait à bloquer la transmission : les personnes vaccinées généreraient des anticorps qui seraient capables de bloquer la maturation des parasites chez les moustiques porteurs de la maladie qui viendraient les piquer pour se nourrir.</p>
<p>Un autre facteur qui a contribué à ce retard est que les scientifiques travaillant sur les <a href="https://theconversation.com/un-nouveau-vaccin-savere-tres-efficace-contre-le-paludisme-et-la-pandemie-nous-a-montre-quon-pourrait-le-deployer-rapidement-159766">vaccins possibles contre le paludisme</a> ont longtemps eu du mal à comprendre les réponses immunitaires spécifiques associées à la protection contre le parasite.</p>
<p>Cela est en partie dû au fait que les parasites responsables du paludisme – <em>Plasmodium falciparum</em> pour le plus connu – affichent une telle variété d’éléments capables de provoquer une réaction immunitaire à leur surface (antigènes) que cela les aide à échapper nos défenses et rend les vaccins basés sur quelques antigènes spécifiques moins efficaces.</p>
<h2>Que sait-on de ce vaccin ?</h2>
<p>Le vaccin RTS,S (nom commercial <a href="https://www.ema.europa.eu/en/opinion-medicine-use-outside-EU/human/mosquirix">Mosquirx</a>) est administré en quatre doses aux enfants âgés de 5 à 17 mois ; les trois premières doses sont administrées tous les mois, la quatrième, une dose de rappel, est administrée entre 15 et 18 mois.</p>
<p>L’<a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa2026330">efficacité</a> est d’environ 40 % contre le développement du paludisme et de 30 % contre les formes sévères.</p>
<p>Chaque maladie – et vaccin – possède un mode d’action qui lui est spécifique. L’OMS a fixé un niveau d’efficacité à atteindre de 50 % et plus pour la plupart des vaccins, et les plus efficaces dépassent un niveau de protection de 75 % ; les vaccins contre le Covid-19 basés sur la technologie de l’ARN messager de Pfizer et Moderna offrent un niveau de protection de 90 %. (<em>Il s’agit donc d’un des vaccins recommandés par l’OMS à l’efficacité la plus faible… Mais du fait de la difficulté de développer des traitements (et des résistances qui apparaissent), il a un intérêt fort pour les pays les plus touchés par le paludisme. ndlr</em>)</p>
<h2>Quelles sont les prochaines étapes ?</h2>
<p>Tout d’abord, l’OMS et les fabricants du vaccin, GlaxoSmithKline, vont inciter les pays, en particulier ceux où le paludisme est très répandu, à adopter le vaccin dans le cadre de leurs stratégies nationales de lutte contre le paludisme.</p>
<p>Ils demanderont également à ces pays de mettre des fonds de côté.</p>
<p>Ils participeront également à la collecte de fonds auprès de la communauté mondiale de la santé ou travailleront avec des partenaires, pour un déploiement plus large du vaccin.</p>
<p>Il devrait y avoir un accès équitable et à long terme au vaccin. Le vaccin doit également être rentable.</p>
<p>L’espoir est aussi que cette annonce de l’OMS relance la course à la recherche de vaccins encore plus efficaces contre le paludisme. Les <a href="https://www.ox.ac.uk/news/2021-05-07-promising-malaria-vaccine-enters-final-stage-clinical-testing-west-africa">rapports</a> actuels de l’Institut Jenner de l’Université d’Oxford suggèrent qu’un vaccin contre le paludisme atteignant l’objectif de 75 % fixé par l’OMS est à l’essai au Burkina Faso.</p>
<h2>Quel intérêt dans la lutte contre le paludisme en Afrique ?</h2>
<p>Ce vaccin est un outil supplémentaire dans la boite à outils de la lutte et de contrôle du paludisme.</p>
<p>Certes, il ne fournit pas une protection complète. Mais il sera introduit dans un ensemble d’autres outils visant à réduire les infections et à diminuer le nombre de décès. Les autres mesures comprennent notamment les moustiquaires et les pulvérisations d’insecticides à l’intérieur.</p>
<p>Il possède également un grand potentiel dans les zones très touchées en Afrique sub-saharienne, notamment s’il est utilisé en combinaison avec des méthodes de prévention du paludisme préexistantes. Par exemple, une <a href="https://www.lshtm.ac.uk/newsevents/news/2021/severe-malaria-among-young-african-children-dramatically-reduced-through">étude de la London School of Tropical Medicine</a> a fait état d’une <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa2026330">réduction de 70 %</a> des hospitalisations et des décès chez les enfants ayant reçu le vaccin RTS,S (Mosquirx) et des médicaments antipaludiques.</p>
<p>La lutte contre le paludisme a récemment stagné dans certains pays africains, et des pays comme le Soudan et l’Érythrée ont même connu une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6466923/">recrudescence significative</a>.</p>
<p>Ce vaccin, même imparfait, va donner un nouvel élan à ce combat sanitaire majeur. Et il offre la promesse de le remettre sur de bons rails.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/169788/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eunice Anyango Owino a reçu des financements du National Research Fund (NRF), Kenya. </span></em></p>Il n’est pas parfait, mais un premier vaccin contre le paludisme vient d’être recommandé par l’OMS. RTS,S est un espoir. De quoi relancer la lutte contre un parasite dur à combattre et à traiter.Eunice Anyango Owino, Medical Entomologist at the School of Biological Sciences, University of NairobiLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1691772021-10-07T18:13:43Z2021-10-07T18:13:43ZGrande muraille verte au Sahel : les défis de la prochaine décennie<p>Longtemps considérée comme un programme de plantation d’arbres, l’initiative de la Grande muraille verte (GMV) a évolué vers un <a href="https://theconversation.com/la-grande-muraille-verte-vecteur-de-developpement-durable-au-sahel-154195">programme de développement rural</a>. Cette nouvelle vision promeut la gestion durable des écosystèmes et aspire à développer une mosaïque de systèmes d’utilisation durable des terres et de productions agropastorales diversifiées.</p>
<p>La création de l’initiative de la Grande muraille verte a été envisagée pour la première fois en 2005 lors de septième session de la conférence des chefs d’État et des gouvernements membres de la communauté des États sahélo-sahariens. Le 17 juin 2010, les 11 États de la région du Sahel (Sénégal, la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Nigéria, le Tchad, le Soudan, l’Érythrée, l’Éthiopie et Djibouti), situés au sud du Sahara, ont créé l’Agence panafricaine de la GMV pour coordonner la mise en œuvre de l’initiative et appuyer la mobilisation des ressources.</p>
<p>Il ne s’agit plus uniquement de lutter contre la désertification, mais également de contribuer à l’agenda de l’accord de Paris, aux enjeux de l’<a href="https://www.iucncongress2020.org/fr/programme/post-2020-global-biodiversity-framework">agenda post-2020 de la Convention sur la diversité biologique</a>, et plus largement aux objectifs de développement durable (de lutte contre la pauvreté, d’insécurité alimentaire et nutritionnelle, d’emploi, d’équité, de justice…) dans les pays du Sahel.</p>
<p>Le dernier <a href="https://www.unccd.int/news-events/unccd-launch-great-green-wall-status-report">rapport d’évaluation</a> sur l’état d’avancement de la GMV (septembre 2020) a néanmoins souligné le faible avancement de cette initiative (seuls 18 % des objectifs initiaux auraient été remplis) : parmi les raisons, l’insuffisance de coordination entre l’ensemble des parties prenantes, à toutes les échelles (locales, nationales, régionales et internationales).</p>
<p>Atteindre les objectifs 2030 de la GMV, à savoir restaurer 100 Mha de terres dégradées, séquestrer 250 Mt de carbone et créer 10 millions d’emplois verts, ne sera possible qu’à condition de relever de nombreux défis, pour ne pas conclure à nouveau, dans dix ans, à un bilan mitigé.</p>
<h2>Adapter les solutions à la diversité des territoires</h2>
<p>Lors de l’ouverture du Congrès mondial de la nature à Marseille (septembre 2021), le Président Macron, après son annonce en janvier 2021 du lancement de l’accélérateur de la Grande muraille verte, qui vise à faciliter la coordination et la collaboration des donateurs et parties prenantes impliqués dans l’initiative, a rappelé le soutien de la France à la GMV en déclarant notamment : « il est important que les acteurs sur le terrain puissent avoir des projets et que l’on puisse les accompagner ».</p>
<p>La lutte contre la dégradation des terres à l’échelle de la Grande muraille verte implique nécessairement de s’appuyer sur des actions qui ciblent les populations locales, en tenant compte du fait qu’elles tirent des ressources naturelles qu’elles gèrent des produits pour leur propre consommation ou pour les vendre.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1364827434516951043"}"></div></p>
<p>De Dakar à Djibouti, les contextes climatiques, pédologiques, les pratiques et les techniques de gestion durable des terres (agroforesterie, agroécologie, agro-pastoralismes, etc.) ainsi que les règles foncières sont diverses et multiformes. L’adage selon lequel « il n’existe pas de solution qui puisse s’appliquer partout » doit guider la définition des solutions à apporter aux populations des territoires.</p>
<p>Au Sénégal, la mise en <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/a-la-une/image-a-la-une/image-a-la-une-jardins-feminins-sahel">œuvre de jardins polyvalents villageois</a> (Widou-Thiengoly) est un exemple de solution adaptée aux conditions du milieu et aux besoins des populations.</p>
<h2>Faire participer tous les acteurs</h2>
<p>Les pays de la GMV se caractérisent aussi par une diversité de contextes culturels et d’acteurs, qu’ils soient gestionnaires de terres (agriculteurs, pasteurs…), administrateurs publics ou locaux, issus de la société civile ou du secteur privé. Il convient donc de créer les conditions favorables à la coopération de tous.</p>
<p>Il en va de leur confiance quant à la pertinence des actions à déployer sur les territoires, ainsi que de la viabilité sur le moyen et long terme de ces opérations. Cette collaboration est également un gage pour éviter les conflits d’usage des ressources naturelles (sol, eau, biodiversité), et pour une meilleure reconnaissance de la place de tous (jeunes, femmes).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1311156614934732800"}"></div></p>
<p>La mise en place de processus consultatifs multiacteurs est donc une étape primordiale pour la création de ces conditions. Ces processus doivent, à l’échelle des territoires, à la fois intégrer une évaluation systématique du potentiel des ressources en terres et en eau, une analyse des pressions qu’elles subissent et des pratiques de gestion durable à mettre en place, mais aussi une analyse des tendances en matière de gouvernance, de sécurité foncière et d’accès aux ressources.</p>
<p>Les filières, agricoles ou non (artisanat…), doivent aussi être considérées avec un appui des institutions scientifiques africaines et internationales pour renforcer les chaînes de valeur existantes, comme les filières de valorisation des aliments traditionnels et des produits locaux (pulpe de Baobab, moringa…) de <a href="http://www.anp.ne/article/sahel-delices-un-exemple-de-reussite-dans-la-transformation-des-produits-locaux-du-niger">Sahel Délices</a> pour développer des produits intéressants sur un plan nutritionnel et agroécologique.</p>
<p>Avec la pleine participation des collectivités territoriales et autorités des différents services de l’État en charge du plan et de l’aménagement du territoire, ces processus doivent conduire à la définition de plan d’aménagement durable de l’espace.</p>
<p>Le projet <a href="https://www.agriculture.bf/jcms/fra_101079/fr/beog-puuto-batir-les-champs-du-futur-par-la-recuperation-des-terres-degradees">« Beog Puuto »</a> développé au Burkina Faso par SOS Sahel dans le cadre GMV est un exemple de type de projet co-construit. Impliquant des ONG burkinabées et des structures de l’administration publique burkinabé et visant à apporter une réponse durable à la dégradation des terres et à l’insécurité alimentaire et nutritionnelle, il a dès sa conception mis les acteurs locaux au centre de l’action et comme acteurs du changement.</p>
<h2>Diffuser les bonnes pratiques</h2>
<p>Les pays et institutions techniques de la GMV ont pu accumuler des acquis importants en matière de connaissance et de maîtrise des techniques de conservation des eaux et des sols (les demi-lunes, le zaï, les cordons pierreux…).</p>
<p>Celles-ci sont décrites et commentées dans de nombreux rapports et initiatives d’envergure telles que <a href="http://www.fao.org/land-water/land/sustainable-land-management/terrafrica/en/">TerrAfrica</a>, programme multiacteurs de lutte contre la désertification et dans la base de données du réseau international <a href="https://www.wocat.net/en/">WOCAT</a> qui documente et assure la dissémination des techniques de gestion durable des terres (la base de données <a href="https://www.wocat.net/en/">WOCAT</a>.</p>
<p>Malgré cela, ces solutions restent encore méconnues ou peu utilisées dans les zones reculées des territoires sahéliens, peu en contact avec les structures administratives ou peu impliquées dans des projets de développement.</p>
<p>Il apparaît donc nécessaire de prioriser ces acteurs (coopératives paysannes, comités locaux de développement, organisations de la société civile, etc.), de vulgariser ces pratiques et leurs intérêts sous différents formats (numérique, vidéos, application mobile, etc.).</p>
<h2>Suivre et évaluer les progrès sur le terrain</h2>
<p>L’un des défis à relever et mis en exergue dans le rapport d’évaluation sur l’état d’avancement de la GMV, est de mettre en place un système de suivi et d’évaluation spécifique aux ambitions de la GMV. C’est l’une des <a href="https://www.greatgreenwall.org/resources2">activités</a> de l’accélérateur de la GMV.</p>
<p>Un tel travail, ancré dans les territoires et mobilise tous les acteurs (société civile, recherche, bailleurs) dans une démarche participative et de sciences citoyennes, constituera très probablement la pierre angulaire du succès de l’accélérateur de la GMV.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/J2aub5itMfE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Conclusion du Forum d’investissement de la Grande muraille verte, One Planet Summit (Élysée, 11 janvier 2021).</span></figcaption>
</figure>
<p>La recherche a un rôle tout particulier à jouer dans la définition de ce cadre de redevabilité. Il ne s’agit pas bien sûr de documenter uniquement les impacts sur le stock de carbone des territoires de la GMV, la surface de terres restaurées, la biodiversité. Il est également indispensable d’évaluer ces impacts en matière de bien-être des populations pour que les territoires GMV soient pour elles des <a href="https://www.oxfam.org/en/research/safe-and-just-space-humanity">« espaces sûrs et justes »</a>.</p>
<p>Au Sénégal et Burkina Faso, le projet <a href="https://avaclim.org/">Avaclim</a>, construit par les ONG et la recherche, vise à produire des indicateurs multidimensionnels des impacts de l’agroécologie. La recherche développe par ailleurs des outils satellitaires d’observation de la terre qui fournissent des données en temps réel et sont de formidables alliés dans le suivi des actions de la GMV (comme <a href="https://ids.equipex-geosud.fr/web/guest">Geosud</a>) et les activités autour du <a href="https://www.airbus.com/public-affairs/brussels/our-topics/space/new-space.html">New Space</a>…)</p>
<p>De grands défis nous attendent donc encore mais la multiplicité des expertises mobilisables laisse espérer qu’un succès est possible. Il nous semble également essentiel que la Grande muraille verte soit intégrée au plus haut niveau dans les stratégies politiques de chacun des pays concernés et intégrés à des programmes de recherche et d’innovation tels que <a href="https://www.vivafrik.com/2018/03/10/le-programme-parfao-au-service-de-lagro-ecologie-a16176.html">Parfao</a>.</p>
<hr>
<p><em>Maxime Thibon (United Nations Convention to Combat Desertification, Executive Direction and Management Unit) est co-auteur de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/169177/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Luc Chotte ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Vingt ans après son lancement, le bilan de ce projet de lutte contre la désertification au Sahel est décevant. Retour sur les défis à relever pour qu’il poursuive plus efficacement ses objectifs.Jean-Luc Chotte, Directeur de recherche, président du Comité scientifique français de la désertification, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1583182021-04-08T18:31:00Z2021-04-08T18:31:00ZDes milliards d’arbres cartographiés dans le désert grâce à des satellites et des supercalculateurs<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/393151/original/file-20210401-23-1ypgfe8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C3%2C1182%2C794&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’informatique moderne permet de traiter les grandes quantités de données des satellites d’imagerie à haute résolution. Repérer les arbres et arbustes isolés dans des zones arides et semi-arides permet mieux évaluer et comprendre l’évolution du couvert végétal.</span> <span class="attribution"><span class="source">Martin Brandt</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Les zones arides et semi-arides sont à l’étude depuis longtemps, pour savoir si leur couvert végétal régresse. En effet, la théorie selon laquelle le Sahara s’étendait et la végétation ligneuse reculait a été émise pour la première fois dans les années 1930. Puis, la <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/11/12/au-sahel-le-climat-durablement-perturbe-depuis-la-grande-secheresse_5382513_3212.html">« grande sécheresse »</a> des années 1970 au Sahel a mis l’accent sur la désertification causée par la surexploitation et par le changement climatique. Au cours des dernières décennies, c’est l’impact potentiel du changement climatique sur la végétation qui a été la principale préoccupation – et l’effet rétroactif de la végétation sur le climat, lié au rôle de la végétation dans le cycle global du carbone.</p>
<p>Pour mieux comprendre l’état du couvert végétal et son évolution dans des zones arides et semi-arides, nous avons récemment cartographié des milliards d’arbres et d’arbustes individuels en Afrique de l’Ouest. Un défi relevé en associant images satellites haute résolution et techniques d’apprentissage machine (<em>machine learning</em>), grâce à des supercalculateurs.</p>
<h2>Trouver un arbuste dans le désert – depuis l’espace</h2>
<p>Depuis les années 1970, la végétation dans les zones semi-arides du monde entier est cartographiée grâce à des données satellites. Les images disponibles sont soit de « hautes » résolutions spatiales (avec les satellites de la NASA, <a href="https://landsat.gsfc.nasa.gov/multispectral-scanner-system">Landsat MSS</a> et <a href="https://www.usgs.gov/centers/eros/science/usgs-eros-archive-landsat-archives-landsat-4-5-thematic-mapper-tm-level-1-data">TM</a>, et de l’ESA, <a href="https://earth.esa.int/eogateway/missions/spot">Spot</a> et <a href="https://sentinels.copernicus.eu/web/sentinel/home">Sentinel</a>), soit de « moyennes ou basses » résolutions spatiales (satellites <a href="https://earth.esa.int/eogateway/missions/noaa">NOAA AVHRR</a> et <a href="https://modis.gsfc.nasa.gov/about/">MODIS</a>).</p>
<p>Pour analyser avec précision le couvert végétal à l’échelle continentale ou mondiale, il faut utiliser les images de la plus haute résolution disponible, avec une résolution d’un mètre ou moins. Jusqu’à présent, les coûts d’acquisition et d’analyse de ces données étaient prohibitifs et la plupart des études se sont appuyées sur des données de moyenne ou faible résolution, qui ne permettent pas d’identifier des arbres individuels. Ces études ne donnent donc que des estimations du couvert végétal agrégé et de la productivité, mélangeant de plus végétations herbacées et ligneuses.</p>
<p>Une nouvelle étude <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-020-2824-5">publiée dans <em>Nature</em></a> en octobre 2020, couvrant une grande partie de la zone semi-aride des Sahara, Sahel et Soudan en Afrique de l’Ouest, surmonte ces limites. En combinant une immense quantité de données satellites haute résolution, des capacités de calcul avancées au sein d’un supercalculateur, des techniques d’apprentissage automatique et de nombreuses données de terrain recueillies au fil des décennies, nous avons pu identifier des arbres et des arbustes individuels dont la surface de la couronne est supérieure à 3 m<sup>2</sup> avec une grande précision. Le résultat est une base de données comprenant 1,8 milliard d’arbres dans la région étudiée, disponible pour tous les intéressés.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/391659/original/file-20210325-21-1nbg76x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/391659/original/file-20210325-21-1nbg76x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=556&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/391659/original/file-20210325-21-1nbg76x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=556&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/391659/original/file-20210325-21-1nbg76x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=556&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/391659/original/file-20210325-21-1nbg76x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=699&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/391659/original/file-20210325-21-1nbg76x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=699&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/391659/original/file-20210325-21-1nbg76x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=699&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Supercalculateur, apprentissage automatique, données satellitaires et évaluations sur le terrain permettent de cartographier des milliards d’arbres individuels en Afrique occidentale.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Martin Brandt</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Actuellement, ce travail est étendu pour couvrir la ceinture semi-aride au sud du Sahara à travers le continent africain jusqu’à la mer Rouge. Le nombre d’arbres cartographiés à ce jour est de 13 milliards, et la méthodologie est en cours d’amélioration. La couverture géographique devrait être élargie, d’abord au reste des zones semi-arides d’Afrique, puis à d’autres continents.</p>
<p>Pour couvrir l’ensemble de la zone sahélienne de l’Afrique, de l’Atlantique à la mer Rouge, nous avons utilisé environ 100 000 images satellites, soit un volume total de données de plusieurs centaines de téraoctets. Grâce aux superordinateurs de la NASA et de Blue Waters (Université d’Illinois à Urbana-Champaign), les images ont été assemblées pour créer une mosaïque continue. Les arbres ont ensuite été identifiés à l’aide de l’<a href="https://theconversation.com/intelligence-artificielle-les-defis-de-lapprentissage-profond-111522">apprentissage profond</a>, une technique d’intelligence artificielle dans laquelle l’ordinateur est entraîné à reconnaître des arbres individuels. Au cours de son entraînement, des dizaines de milliers d’arbres ont été « montrés » à l’ordinateur par un opérateur, qui a utilisé ses connaissances du terrain en combinaison avec ses compétences en matière d’interprétation d’images. Ensuite, les résultats de l’identification par la machine ont été vérifiés. Dans l’ensemble, la précision s’est avérée être fortement corrélée aux mesures sur le terrain.</p>
<h2>Des informations inattendues sur les arbres individuels</h2>
<p>Notre base de données d’arbres et d’arbustes contient des informations sur chaque arbre, sa localisation exacte (généralement avec une incertitude de quelques mètres), la taille de sa couronne, la date d’acquisition de l’image satellite sur laquelle il a été identifié, ainsi que des estimations de sa masse ligneuse au-dessus du sol et son contenu en carbone. À l’avenir, d’autres informations pourront être ajoutées, par exemple sa hauteur et sa <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ph%C3%A9nologie">phénologie</a>, c’est-à-dire ses événements périodiques comme la feuillaison.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/391660/original/file-20210325-21-rsnscr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/391660/original/file-20210325-21-rsnscr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/391660/original/file-20210325-21-rsnscr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/391660/original/file-20210325-21-rsnscr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/391660/original/file-20210325-21-rsnscr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/391660/original/file-20210325-21-rsnscr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/391660/original/file-20210325-21-rsnscr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les populations du Sahel semi-aride sauvegardent et promeuvent les arbres au sein des peuplements et des terres agricoles. La relation entre les humains et les arbres n’engendre pas toujours des pertes de couverture arborée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Martin Brandt</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Ce n’est que le début du projet de recherche, mais des implications importantes sont déjà évidentes. Dans l’étude ouest-africaine, nous avons trouvé beaucoup plus d’arbres que ce à quoi nous nous attendions. Alors que d’autres sources de données indiquent que les arbres sont quasiment absents du Sahara et de la zone nord-sahélienne, nous avons trouvé des centaines de millions d’arbres. Le stock de carbone associé à ces arbres serait plus grand et plus stable que les stocks de carbone dans la végétation herbacée. De plus, les arbres des terres agricoles sont généralement plus grands que ceux des savanes vierges, et la couverture arborée globale est élevée dans les zones peuplées ou exploitées. Cela montre qu’une forte densité de population humaine n’est pas toujours liée à une perte de couverture arborée, car les habitants du Sahel semi-aride protègent et encouragent les arbres dans les zones habitées et les terres agricoles.</p>
<h2>À quoi servira la base de données ?</h2>
<p>Cette base de données sert différents objectifs. Elle constitue une base de référence qui permettra d’étudier l’évolution temporelle de la végétation ligneuse à grande échelle, peut-être même aux échelles continentales ou mondiales.</p>
<p>Elle permettra aussi d’analyser les facteurs qui contrôlent la présence des arbres dans les zones arides, comme l’occupation humaine, les précipitations, les sols ou la géomorphologie. Ces informations alimenteront la modélisation des écosystèmes et du « système Terre », puisque les arbres jouent des rôles importants dans les interactions entre l’atmosphère et la surface terrestre, en contrôlant à la fois l’échange de carbone, l’évapotranspiration et la rugosité aérodynamique.</p>
<p>Enfin, les informations de la base de données pourraient être utilisées pour informer et soutenir les politiques environnementales aux niveaux national et international.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=158&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=158&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=158&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=198&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=198&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=198&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Créé en 2007 pour accélérer les connaissances scientifiques et leur partage, le Axa Research Fund a apporté son soutien à environ 650 projets dans le monde menés par des chercheurs de 55 pays. Pour en savoir plus, visitez le site <a href="https://www.axa-research.org/en">Axa Research Fund</a> ou suivez sur Twitter @AXAResearchFund.)</em></p>
<p><em>Article traduit par Elsa Couderc avec l’aide de DeepL</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/158318/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Martin Brandt a reçu des financements du AXA Postdoctoral Research Fund. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Kjeld Rasmussen ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des technologies de pointe permettent de construire une base de données ouverte de milliards d’arbres individuels, pour mieux comprendre la végétation en zone aride, loin des idées reçues.Martin Brandt, Assistant professor of geography, University of CopenhagenKjeld Rasmussen, Associate professor emeritus, University of CopenhagenLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1498582020-11-15T17:04:34Z2020-11-15T17:04:34ZPrix Nobel de la paix 2020 : le combat sans fin du Programme alimentaire mondial de l’ONU<p>Le président américain élu Joe Biden a promis, dès l’annonce de son élection, de faire revenir les États-Unis dans <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/etats-unis-accord-paris-climat-joe-biden_fr_5fa3ad79c5b69c36d952565c">l’Accord de Paris</a> sur le climat. C’est un signe positif pour le multilatéralisme, incarné par l’ONU et par ses accords et conventions universelles.</p>
<p>Un autre signe positif pour l’ONU est l’attribution en octobre 2020 du <a href="https://www.un.org/africarenewal/fr/a-la-une/le-prix-nobel-de-la-paix-attribu%C3%A9-au-programme-alimentaire-mondial">prix Nobel de la paix</a> au Programme alimentaire mondial, agence de l’ONU créée en 1961 afin de lutter contre la faim dans le monde. C’est la <a href="https://www.un.org/fr/sections/nobel-peace-prize/united-nations-and-nobel-peace-prize/index.html">12e fois</a> qu’une agence ou un dirigeant de l’ONU reçoit le prix Nobel, après notamment les Casques bleus en 1988, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) en 2005, ou encore le Groupe international d’experts sur le climat (GIEC) en 2007.</p>
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<figcaption><span class="caption">Prix Nobel de la paix : le Programme alimentaire mondial distingué.</span></figcaption>
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<p>Le PAM apporte chaque année de l’aide alimentaire à près de <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/10/09/en-distinguant-le-programme-alimentaire-mondial-le-comite-nobel-alerte-sur-l-urgence-de-la-faim-dans-le-monde_6055483_3244.html">100 millions</a> de personnes dans le monde, dans près de 80 pays. En 2019, il a fourni plus de <a href="https://onu-rome.delegfrance.org/Presentation-du-PAM">4 millions de tonnes</a> de produits alimentaires. Son plus important terrain d’action actuellement est le Yémen où, depuis le début de la guerre civile commencée en 2015, la famine menace les deux tiers des 30 millions d’habitants. Le PAM agit actuellement dans <a href="http://www.fao.org/3/na714fr/na714fr.pdf">18 pays</a> : outre le Yémen, ses terrains d’intervention majeurs sont aujourd’hui la République démocratique du Congo, le Mozambique, le nord du Nigéria, le Soudan du Sud et la Syrie, c’est-à-dire essentiellement des zones de conflits.</p>
<h2>De la création du PAM aux premières actions concrètes</h2>
<p>C’est il y a presque soixante ans, le 24 novembre 1961, qu’a été créé le PAM, <a href="https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1966_num_12_1_1890">initialement</a> pour une durée temporaire de trois ans, à l’instigation du président américain, le Républicain <a href="https://fr.wfp.org/histoire">Dwight Eisenhower</a>, qui avait prononcé un discours à l’Assemblée générale de l’ONU le 1<sup>er</sup> septembre 1960, préconisant la mise sur pied d’un « dispositif pour fournir de l’aide alimentaire par le canal de l’ONU ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1314593885750996997"}"></div></p>
<p>L’histoire du PAM a été retracée notamment par <a href="https://www.palgrave.com/gp/book/9780333676684">l’économiste américain John D. Shaw</a>, qui y a servi comme consultant. À l’époque de sa création, il s’agissait de renforcer l’action de la FAO (Organisation pour l’alimentation et l’agriculture, agence spécialisée de l’ONU créée en 1945) en répartissant les surplus alimentaires produits par les pays riches auprès des populations démunies des pays du Tiers monde. Depuis 1945, les États-Unis, grands producteurs de céréales, apportaient déjà une telle aide alimentaire de manière bilatérale à plusieurs pays du Sud, ce qui leur permettait d’étendre leur influence sur ces pays, ce qu’on appelle le « soft power ». « Le PAM est né de la volonté du gouvernement américain de soutenir son agriculture nationale en rachetant les surplus agricoles aux États-Unis et en les distribuant dans les pays en voie de développement », <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/10/09/qu-est-ce-que-le-pam-le-programme-alimentaire-mondial-de-l-onu-qui-vient-de-recevoir-le-nobel-de-la-paix_6055484_3244.html">explique</a> un fonctionnaire du PAM souhaitant rester anonyme.</p>
<p>Le PAM va effectuer sa première opération d’aide d’urgence à la suite du séisme de Buin Zahra en Iran en septembre 1962, qui laisse les populations iraniennes en détresse. Le PAM leur fournira 1 500 tonnes de blé. Puis, en 1963, il <a href="https://fr.wfp.org/histoire">aide 50 000 Nubiens</a> (habitants du sud de l’Égypte) à se réinstaller sur de nouvelles terres et à y faire des récoltes, après l’engloutissement de leurs villages suite à la création du barrage d’Assouan. En novembre 1963, le PAM développe un projet pilote de fourniture de repas scolaires à <a href="https://fr.wfp.org/histoire">5 000 écoliers du Togo</a>.</p>
<h2>Des actions d’urgence de grande ampleur</h2>
<p>Ayant démontré son utilité, le PAM devient en 1965 un programme permanent de l’ONU. Il va intervenir pour assister les populations lors des <a href="https://www.cairn.info/famines-et-politique--9782724608739-page-89.htm">grandes famines</a> de la seconde moitié du XX<sup>e</sup> siècle, comme au Biafra (1967-1970), au Sahel (1968-1972), en Éthiopie (années 1980), en Somalie (1991-1992), etc. En 1973, le PAM apporte une aide d’urgence par avion au <a href="https://fr.wfp.org/histoire">Sahel</a> : plus de 30 avions cargos, fournis par 12 pays différents, sont mobilisés pour l’occasion de 1973 à 1976.</p>
<p>En 1980, le PAM <a href="https://fr.wfp.org/histoire">aide 370 000 réfugiés cambodgiens</a> à fuir vers la Thaïlande pour échapper aux violences dans leur pays dominé alors par les khmers rouges, et pourvoit à leur alimentation. Tout au long des années 1980, sous la direction de l’Australien <a href="https://www.academia.edu/11928084/Widerstand_am_Ort_der_Macht_Zwei_UN_Exekutivchefs_als_Widerstandsk%C3%A4mpfer">James Ingram</a>, le PAM se concentre davantage sur l’assistance aux victimes de désastres naturels et aux personnes déplacées du fait de guerres et conflits internes. Ainsi, en 1983, le PAM livre 2 millions de tonnes <a href="https://fr.wfp.org/histoire">d’aide alimentaire aux Éthiopiens</a>, frappés par la pire famine dans le monde depuis un siècle.</p>
<p>En 1989, avec l’opération « Lifeline Sudan », le PAM, aidé par 40 ONG, affrète vingt avions cargo pour lancer des tonnes d’aide alimentaire sur le <a href="https://fr.wfp.org/histoire">Sud du Soudan</a>, touché par la guerre civile. C’est la plus grande opération aérienne d’aide alimentaire jamais réalisée. En 1992, le PAM fournit des rations aux centaines de milliers d’ex-Yougoslaves piégés dans leur pays par la guerre civile. Puis, en 1994, le PAM fournira de la nourriture aux réfugiés du génocide rwandais, installés dans les pays voisins du Rwanda. Et en septembre 1998, ce sont des millions de Bangladais qui sont secourus par le PAM suite aux dramatiques inondations qui ont touché le pays.</p>
<h2>Les États-Unis à la manœuvre</h2>
<p>Le PAM va être au fil du temps dominé – et financé – essentiellement par les États-Unis : depuis 1992, son dirigeant a toujours été un Américain. Cette année-là, c’est la fonctionnaire américaine Républicaine <a href="https://www.ru.nl/politicologie/io-bio-bob-reinalda/io-bio-biographical-dictionary-sgs-ios/">Catherine Bertini</a>, sur la recommandation du président Bush, qui est nommée à la tête du PAM. Première femme à diriger l’institution, elle opère des réformes managériales à l’intérieur du programme, et redéfinit la mission du PAM selon trois axes : 1) sauver des vies lors des crises d’urgence et des situations où il y a des réfugiés (« food for life »), 2) améliorer la nutrition et la qualité de vie dans les situations critiques (« food for growth ») et 3) donner des moyens d’action aux pauvres et les aider à avoir confiance en eux-mêmes (« food for work »). À son poste, elle doit gérer des situations humanitaires sensibles : en 2000, elle est nommée par le Secrétaire général de l’ONU Kofi Annan envoyée spéciale dans la Corne de l’Afrique, pour prévenir une famine liée à la sécheresse.</p>
<p>En 2002, le <a href="https://fr.wfp.org/histoire">PAM entre au Livre Guiness des Records</a> comme la plus grande agence humanitaire mondiale, avec 14 500 employés. Depuis cette date, il développe des partenariats avec des entreprises privées pour accroître ses ressources. En décembre 2004, il lance une <a href="https://fr.wfp.org/histoire">opération</a> d’assistance humanitaire massive aux 14 pays, essentiellement asiatiques, victimes du tsunami. En décembre 2010, il aide les 4,5 millions de victimes du tremblement de terre en <a href="https://fr.wfp.org/histoire">Haïti</a>. Enfin, depuis 2011, il aide les victimes de la guerre civile en Syrie, et depuis 2014 les 3 millions d’Africains de l’Ouest affectés par l’épidémie d’Ebola.</p>
<p>L’actuel secrétaire exécutif du PAM est depuis 2017 l’ancien gouverneur Républicain de la Caroline du Sud, le juriste David Beasley. Toutefois, sa gestion du personnel du PAM a <a href="https://foreignpolicy.com/2019/10/08/world-food-program-un-survey-finds-abuse-discrimination/">suscité des critiques</a>.</p>
<h2>Un effort pour valoriser les petits paysans et les marchés locaux</h2>
<p>En 2020, le besoin de financement du PAM, qui provient essentiellement de contributions volontaires des États membres, est fixé à <a href="https://onu-rome.delegfrance.org/Presentation-du-PAM">10,6 milliards de dollars</a>, en augmentation par rapport à 2019 (8,3 milliards de dollars). Il emploie aujourd’hui environ 12 000 personnes, dont plus de 90 % travaillent directement sur le terrain.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"975375283342790657"}"></div></p>
<p>Aujourd’hui, le PAM ne se borne pas à fournir de l’aide alimentaire, ce qui laisserait les populations réceptrices dans une situation de passivité : depuis 2008 et le lancement du programme <a href="https://www.wfp.org/purchase-for-progress">« Purchase for Progress »</a>, le PAM achète à des petits paysans leurs produits locaux, puis les distribue aux populations dans le besoin, ce qui permet de protéger les marchés locaux en évitant de les submerger par des produits extérieurs.</p>
<p>Ce dispositif vise à répondre aux critiques visant le PAM, qui font valoir que l’aide alimentaire serait en fait <a href="https://library.stanford.edu/sites/default/files/widget/file/zalite_wfp_unday2013_0.pdf">nuisible</a> aux pays pauvres, encourageant la corruption des dirigeants politiques chargés de la répartir, qui monnayeraient cette aide contre des voix aux élections et revendraient les stocks de nourriture au marché noir. Mais les critiques demeurent minoritaires et, au sein d’une ONU souvent dénoncée comme impuissante, le PAM reste considéré comme un <a href="https://www.rienner.com/title/The_World_Food_Programme_in_Global_Politics">programme efficace</a> par l’opinion mondiale.</p>
<h2>La crise de la Covid-19 et l’objectif faim zéro</h2>
<p>Actuellement, alors que plus de <a href="https://www.un.org/fr/sections/issues-depth/food/index.html">821 millions de personnes</a> dans le monde souffrent de faim chronique, la situation est en aggravation du fait de la pandémie de Covid-19, et <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/10/09/en-distinguant-le-programme-alimentaire-mondial-le-comite-nobel-alerte-sur-l-urgence-de-la-faim-dans-le-monde_6055483_3244.html">l’objectif faim zéro</a> que l’ONU s’est fíxé pour <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/10/09/en-distinguant-le-programme-alimentaire-mondial-le-comite-nobel-alerte-sur-l-urgence-de-la-faim-dans-le-monde_6055483_3244.html">2030</a> semble hors d’atteinte : la pandémie de Covid a eu pour effet de faire baisser drastiquement les dons d’aide alimentaire. Le PAM <a href="https://histoires.wfp.org/le-monde-doit-agir-et-d%C3%A8s-maintenant-pour-%C3%A9viter-une-pand%C3%A9mie-de-la-faim-caus%C3%A9e-par-le-covid-19-820e75df38c0">s’alarme</a> d’une possible « pandémie de la faim », qui s’ajouterait à la pandémie actuelle.</p>
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<figcaption><span class="caption">Covid-19 : « Nous sommes au bord d’une pandémie de faim », avertit l’ONU.</span></figcaption>
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<p>Cela montre bien l’imbrication étroite des problèmes sanitaires, alimentaires, et même géopolitiques. C’est pourquoi seule l’ONU, institution universelle, multilatérale, et agissant sur plusieurs domaines (la santé avec l’OMS, la culture et l’éducation avec l’Unesco, l’alimentation et l’agriculture avec la FAO, etc.), peut agir efficacement.</p>
<p>Il est donc nécessaire que les États membres lui fournissent les financements nécessaires et lui donnent les moyens d’agir. </p>
<hr>
<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie le 30 septembre et le 1er octobre 2021 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149858/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chloé Maurel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le prix Nobel de la Paix 2020 a été attribué au Programme alimentaire mondial. Retour sur près de 60 ans de lutte contre la faim par la plus grande agence d’aide alimentaire mondiale.Chloé Maurel, SIRICE (Université Paris 1/Paris IV), Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1195642019-06-27T14:28:52Z2019-06-27T14:28:52ZAl-Bachir et la CPI : cela vaut-il la peine de l’arrêter, si vous compromettez votre mission ?<p>Depuis plus d’une décennie, la Cour pénale internationale (CPI) tente sans succès de procéder à l’arrestation d’Omar al-Bachir, au Soudan. En avril, Al-Bachir <a href="https://www.lemonde.fr/international/video/2019/04/11/le-soudan-en-liesse-apres-la-destitution-d-omar-al-bachir_5448975_3210.html">a été destitué du pouvoir</a> et, en juin, il a comparu <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/06/17/au-soudan-le-president-dechu-omar-al-bachir-defere-au-parquet_5477275_3212.html">devant un tribunal soudanais</a> pour corruption</p>
<p>Suite à la chute d’Al-Bachir, la CPI a relancé son appel à son extradition. Mais c’est une situation dangereuse, car elle exige que la CPI coopère avec les hommes qui ont pris le pouvoir au Soudan et qui sont eux-mêmes profondément impliqués dans les actes mêmes dont Al-Bachir est accusé. Une telle coopération risque de nuire à la réputation de la CPI et de légitimer un régime criminel.</p>
<p>Il y a 10 ans, la <a href="https://www.icc-cpi.int/darfur/albashir">CPI a inculpé le président soudanais Omar Al-Béchir</a>, ainsi que quatre autres personnes, pour des accusations de <a href="https://www.hrw.org/report/2015/09/09/men-no-mercy/rapid-support-forces-attacks-against-civilians-darfur-sudan">génocide commis au Darfour</a>. Mais ni le Soudan – ni aucun autre État – ne voulait le livrer.</p>
<p>En 2014, la <a href="https://www.dw.com/en/icc-suspends-darfur-crime-investigations-over-lack-of-action/a-18126467">CPI a suspendu ses enquêtes au Darfour</a> parce que ni le Soudan ni le Conseil de sécurité de l’ONU ne coopéraient. C’est le Conseil de sécurité qui <a href="https://www.un.org/press/en/2005/sc8351.doc.htm">a déféré la situation au Darfour</a> à la Cour en 2005.</p>
<p>Bien que la CPI ait mis fin à ses enquêtes au Darfour, l’affaire contre Al-Bachir a continué de déclencher plusieurs imbroglios politiques pour la Cour. Les pressions exercées sur l’Afrique du Sud pour qu’elle arrête le président Al-Bachir en 2015 ont conduit à sa <a href="http://america.aljazeera.com/articles/2015/10/12/south-africa-threatens-to-withdraw-from-icc-alleging-anti-african-bias.html">quasi-sortie de la Cour</a>. La CPI a finalement décidé de <a href="https://www.icc-cpi.int/Pages/item.aspx?name=pr1320">ne pas sanctionner le refus de coopération</a> de l’Afrique du Sud.</p>
<p>Plus tôt cette année, la Chambre d’appel de la CPI a rendu sa dernière décision sur des questions de non-coopération concernant Al-Bachir, cette fois contre la <a href="https://www.icc-cpi.int/Pages/item.aspx?name=pr1452">Jordanie</a>. Encore une fois, la Cour a énoncé le droit de juger les souverains des États tout en décidant de ne pas sanctionner l’État qui ne coopère pas.</p>
<p>Ainsi, avant la chute du pouvoir d’Al-Bachir, son acte d’accusation s’était transformé en une situation perdant-perdant pour la Cour et ses partisans. D’une part, la situation à l’origine de l’acte d’accusation – le génocide au Darfour – se poursuit et <a href="https://www.amnesty.org/en/latest/news/2019/06/sudan-fresh-evidence-of-government-sponsored-crimes-in-darfur-shows-drawdown-of-peacekeepers-premature-and-reckless">n’est pas traitée par la Cour</a>. D’autre part, toute action que la CPI pourrait entreprendre contre Al-Bachir serait politiquement coûteuse et continuerait d’affaiblir une <a href="http://opiniojuris.org/wp-content/uploads/Lincolns-22-May_ForKevinJonHeller-2.pdf">institution déjà menacée</a>.</p>
<h2>De la poêle à frire au feu</h2>
<p>À la fin de l’année dernière, des manifestants ont commencé à se rassembler dans les villes du Soudan, appelant à la démission d’Al-Bachir. Certains ont été <a href="https://www.voanews.com/extremism-watch/sudans-crackdown-protest-stirs-concern">tués, d’autres battus et arrêtés</a>. Néanmoins, les autorités soudanaises ont également fait preuve de retenue et des histoires de soldats protégeant des manifestants contre les forces de sécurité ont fait la une de la <a href="https://www.bbc.com/news/av/world-africa-47860804/sudan-protest-some-soldiers-protect-demonstrators">presse internationale</a>.</p>
<p>En avril, après de nombreuses manifestations, Al-Bachir a été destitué du pouvoir par un conseil militaire.</p>
<p>Mais l’euphorie a été de courte durée. Au cours des deux mois qui ont suivi sa destitution, les manifestations se sont intensifiées, cherchant à faire <a href="https://af.reuters.com/article/topNews/idAFKCN1T10SJ-OZATP">pression sur le conseil militaire</a> qui l’a destitué pour qu’il renonce au pouvoir.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/281616/original/file-20190627-76734-use26m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/281616/original/file-20190627-76734-use26m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/281616/original/file-20190627-76734-use26m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/281616/original/file-20190627-76734-use26m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/281616/original/file-20190627-76734-use26m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/281616/original/file-20190627-76734-use26m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/281616/original/file-20190627-76734-use26m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le géneral Burhan en 2019.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Abdel_Fattah_al-Burhan#/media/File:P077j70q.jpg">Akshay888777/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce gouvernement intérimaire est théoriquement dirigé par le général de corps d’armée <a href="https://www.france24.com/en/20190603-sudans-burhan-relative-unknown-regional-player">Abdel Fattah al-Burhan</a>, une personnalité inconnue ayant une expérience des combats au Yémen et des liens avec la Force de soutien rapide, le groupe paramilitaire responsable des atrocités perpétrées au Darfour.</p>
<p>Mais, dit-on, le vrai pouvoir repose sur son commandant en second, <a href="https://www.theeastafrican.co.ke/news/africa/Sudan-s-Burhan-rises-from-obscurity-to-strongman/4552902-5144628-euasplz/index.html">Mohamed Hamdan Dagolo</a>, plus connu sous le nom de Hemeti et dont les forces contrôlent désormais Khartoum.</p>
<p>Il est accusé de nombreuses atrocités par les civils au Soudan.</p>
<p>Le 3 juin, les combattants de Hemeti ont tué plus de <a href="https://www.nytimes.com/2019/06/15/world/africa/sudan-leader-hemeti.html?module=inline">100 manifestants et violé et abusé sexuellement des dizaines de personnes</a>. Alaa Salah, la femme représentée sur la <a href="https://www.nytimes.com/2019/04/10/fashion/demonstration-clothing-women-sudan.html?module=inline">photo emblématique d’avril 2019</a> des manifestations pacifiques au Soudan, l’a confirmé au <a href="https://www.nytimes.com/2019/06/15/world/africa/sudan-leader-hemeti.html?module=inline"><em>New York Times</em></a>.</p>
<blockquote>
<p>« Pendant des années, Hemeti a tué et brûlé au Darfour. Aujourd’hui, le Darfour est arrivé à Khartoum. »</p>
</blockquote>
<p>Hemeti a contesté les chiffres mais pas le but de la violence, en <a href="https://www.bbc.com/news/world-africa-48535165">disant</a>,</p>
<blockquote>
<p>« Nous ne laisserons pas le chaos s’installer et nous ne reviendrons pas sur nos convictions. Il n’y a pas de retour en arrière. Nous devons imposer le respect du pays par la loi. »</p>
</blockquote>
<p>Pour le Soudan, pour l’instant, cela semble être le droit de l’armée et non l’État de droit.</p>
<h2>La question des poursuites</h2>
<p>En mai, les procureurs du Soudan ont annoncé qu’Al-Bachir serait jugé pour corruption, financement de la terreur et pour la mort de manifestants. Cela dissipait les craintes qu’une retraite confortable soit prévue pour lui.</p>
<p>Mais les atrocités commises au Darfour et ailleurs – en d’autres termes, les accusations portées par la CPI contre Al-Bachir et quatre autres personnes – sont manifestement absentes des crimes énumérés. Cela signifie que les poursuites locales ne porteront pas sur les violations du droit pénal international dont Al-Bachir est accusé.</p>
<p>Dans ce contexte, la <a href="https://www.icc-cpi.int/Pages/item.aspx?name=190619-stat-otp-UNSC-Darfur-Sudan">CPI a renouvelé ses appels</a> à l’arrestation d’Al-Bachir. S’adressant au Conseil de sécurité de l’ONU le 19 juin 2019, le procureur de la CPI <a href="https://www.icc-cpi.int/Pages/item.aspx?name=190619-stat-otp-UNSC-Darfur-Sudan">a exhorté</a> :</p>
<blockquote>
<p>« C’est le moment d’agir. Le moment est venu pour le peuple soudanais de choisir la loi plutôt que l’impunité et de veiller à ce que les suspects de la CPI dans la situation au Darfour soient enfin jugés par une cour de justice. »</p>
</blockquote>
<p>Elle demande la remise immédiate d’Al-Bashir et des quatre associés nommés dans le mandat d’arrêt de 2009.</p>
<p>Mais à ce stade, que signifieraient les poursuites engagées par la CPI contre Al-Bachir et ses quatre associés ?</p>
<p>Dans la situation actuelle, les propos du procureur sur la « lutte contre l’impunité » sonnent creux. En effet, coopérer avec le gouvernement soudanais pour juger Al-Bachir reviendrait à coopérer avec ceux qui sont eux-mêmes impliqués dans le génocide, voire à les légitimer. C’est un problème auquel la CPI a déjà été confrontée et face auquel <a href="https://theconversation.com/al-bashir-why-the-icc-is-between-a-rock-and-a-hard-place-115388">elle a déjà échoué</a>.</p>
<p>En outre, le fait de concentrer ses ressources sur l’arrestation d’un Al-Bashir après sa chute du pouvoir au milieu des atrocités perpétrées par les autorités peut renforcer la <a href="https://justiceinconflict.org/2015/03/19/why-the-icc-wont-prosecute-museveni/">critique croissante</a> selon laquelle la CPI n’est pas objective et neutre, mais plutôt politique, poursuivant en priorité ceux qui ne sont pas forts. La récente décision de la CPI de ne pas aller de l’avant avec les enquêtes sur le comportement des États-Unis en <a href="https://www.icc-cpi.int/afghanistan">Afghanistan</a> a renforcé ce point de vue.</p>
<p>La CPI affirme qu’elle <a href="https://www.icc-cpi.int/morejustworld?fbclid=IwAR0ENGc_erY0ZYewsEmT-wfRp-ZR1AFVsL1ZD4oDRNAFxWsVo7gqKiaNXMs">« construit un monde plus juste »</a>. Mais les actions qui légitiment ou renforcent les régimes autoritaires ou criminels ne servent pas cet objectif.</p>
<p>À ce stade, la CPI doit se poser une question coût-bénéfice : l’avantage de juger un dictateur déchu dont l’avenir se dessine déjà derrière les barreaux d’une prison, aurait-il la priorité sur le risque de légitimer une autorité génocidaire dominante ? En d’autres termes, cela vaut-il la peine d’avoir votre homme, si vous compromettez votre mission ?</p>
<hr>
<p><em>Ce texte a été traduit par Franck Petit du site <a href="https://www.justiceinfo.net/fr">Justice-Info</a>, en collaboration avec The Conversation.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119564/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kerstin Carlson a reçu des financements du Fonds Dreyer pour ses recherches sur la justice criminelle internationale en Afrique.</span></em></p>La remise à la CPI de l’ancien dirigeant soudanais Omar al-Bashir pose la question d'une collaboration avec le régime actuel, dirigé par des officiers impliqués dans des génocides passés et meurtres récents de manifestants.Kerstin Bree Carlson, Associate Professor International Law, University of Southern DenmarkLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1141522019-03-31T19:11:14Z2019-03-31T19:11:14ZCentrafrique : quand l’objectif est la négociation et non la paix<p>Il aura fallu seulement moins d’un mois pour que l’<a href="http://www.rfi.fr/afrique/20190208-rfi-rca-accord-politique-signe-khartoum">accord de Khartoum signé le 6 février 2019</a> entre le gouvernement centrafricain et 14 groupes armés sous l’égide de l’Union africaine (UA) et de l’ONU soit désavoué. Cinq groupes armés parmi ses signataires (dont les trois plus puissants) ont dénoncé l’accord sitôt annoncé le nouveau gouvernement centrafricain.</p>
<p>La pomme de discorde était, en effet, la composition du nouveau gouvernement prévu par l’accord. Les quelques représentants de groupes armés cooptés dans le nouveau gouvernement n’étaient pas suffisants pour certains groupes armés qui réclamaient à la fois plus de ministères et des ministères plus stratégiques (Défense, Intérieur, etc.).</p>
<p>Outre les déclarations agressives habituelles, un petit groupe armé, le <a href="http://www.rfi.fr/afrique/20190304-rca-processus-paix-remis-cause-groupes-armes-fprc-fdpc-mlcj">Front démocratique pour le peuple de Centrafrique</a> (FDPC), a bloqué la principale route d’approvisionnement du pays, la route nationale 1, qui relie la capitale Bangui au Cameroun voisin. Pour débloquer la situation, l’UA a organisé une réunion à Addis Abeba entre le gouvernement et les parties signataires d’où vient de sortir un nouveau gouvernement (le second en un mois), au sein duquel les groupes armés sont un <a href="http://www.rfi.fr/afrique/20190322-rca-nouveau-gouvernement-centrafrique-miskine">peu mieux représentés</a>.</p>
<p>Négocié en pleine confrontation <a href="https://www.liberation.fr/planete/2019/02/22/soudan-omar-el-bechir-declare-l-etat-d-urgence-limoge-le-gouvernement_1711180">entre la rue et le régime de Omar al-Bachir</a>, l’accord de Khartoum comporte 39 articles qui vont de la « promotion de la justice sociale » au fait d’arrêter le recrutement des enfants soldats et la violence contre les femmes, en passant par la fiscalité et la décentralisation.</p>
<p>Compte tenu du fonctionnement du gouvernement centrafricain, il faudrait certainement une cinquantaine d’années pour accomplir tous les engagements d’un texte qui ressemble moins un accord de paix qu’à un programme de campagne électorale.</p>
<h2>Une longue série d’accords sans lendemain</h2>
<p>Si l’échec de l’accord de Khartoum n’a surpris personne en Centrafrique (et à l’étranger), c’est parce qu’il s’inscrit dans la longue série d’accords sans lendemain conclus depuis le début du conflit :</p>
<ul>
<li><p>Accord de Libreville sous l’égide de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), en janvier 2013, qui prévoyait le partage du pouvoir entre le président Bozizé et la Seleka, c’est-à-dire un nouveau gouvernement comme l’accord de Khartoum ;</p></li>
<li><p>Accord de Brazzaville sous l’égide du président de la République du Congo en 2014 ;</p></li>
<li><p>Accord de Nairobi sous l’égide du président du Kenya en 2015 ;</p></li>
<li><p>Accord de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) signé par les groupes armés dans le cadre du Forum de Bangui en 2015 ;</p></li>
<li><p>Accord de Rome parrainé par Sant’Egidio en 2017.</p></li>
</ul>
<p>L’accord de Libreville n’a pas été respecté et la Seleka a pris Bangui trois mois plus tard, en mars 2013. En 2014, les groupes armés de la Seleka ont désavoué l’accord de Brazzaville une semaine après l’avoir signé. L’année suivante, l’accord de Nairobi n’a pas été reconnu par le gouvernement de transition et les partenaires internationaux. Les groupes armés ont conditionné l’application de l’accord de DDR à un accord politique global. <a href="https://www.santegidio.org/pageID/30284/langID/fr/itemID/21492/Centrafrique--signature-%C3%A0-SantEgidio-dun-accord-pour-le-cessezlefeu-et-une-feuille-de-route-pour-la-paix.html">L’accord de Rome (2017)</a> n’a jamais été pris au sérieux car signé par des seconds couteaux et non par les seigneurs de guerre eux-mêmes.</p>
<p>L’UA appuyée par l’ONU, et plus discrètement par la Russie, a réuni les parties prenantes à Khartoum pour élaborer un énième accord de paix. Or les accords successifs signés depuis 2013 ont tous échoué pour la même raison : ils répètent avec une obstination paradoxale une méthode qui est l’inverse de ce qui est enseigné dans les cours de négociations.</p>
<h2>Les quatre erreurs de l’Union africaine</h2>
<p>Dans ce processus de négociations, l’UA a fait au moins quatre erreurs :</p>
<ul>
<li><p><strong>Elle n’a pas choisi un terrain neutre</strong> : en organisant les négociations entre le gouvernement et les groupes armés à Khartoum, l’UA a choisi un des pays impliqués dans le conflit centrafricain et a fait un cadeau diplomatique au régime de Béchir et à <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Afrique/Centrafrique-main-basse-Moscou-2018-10-03-1200973373">son allié, la Russie</a>. Qu’elle le fasse au moment où le peuple soudanais se révolte contre son président au pouvoir depuis 1989 n’est pas le moindre des paradoxes. La Seleka avait des liens avec le régime soudanais et plusieurs groupes armés entretiennent encore des relations opaques avec ce dernier. De plus, le gouvernement russe avait organisé, en 2018, deux réunions à Khartoum avec certains seigneurs de guerre et des représentants du gouvernement centrafricain en vue de résoudre le conflit.</p></li>
<li><p><strong>Elle n’a pas circonscrit l’agenda de la négociation</strong> : sous la conduite de l’Union africaine, pendant toute une année, les groupes armés ont élaboré une liste qui ne comptait pas moins d’une centaine de revendications. En réunissant quatorze groupes armés aux intérêts différents, elle a provoqué une surenchère de revendications.</p></li>
<li><p><strong>Elle a décerné un brevet de légitimité à tous les groupes armés</strong> : actuellement, parmi les acteurs du conflit centrafricain, on trouve des gangs de voleurs de bétail et de bandits de grand chemin (appelés localement les <em>zarguinas</em>), des brigands sociaux, des milices communautaires, des trafiquants de diamants, des soldats perdus et des professionnels de la rébellion. En associant l’ensemble de ces acteurs aux négociations sans faire le moindre tri, l’UA légitime tous les seigneurs de guerre et leur revendication pour obtenir un morceau du gâteau appelé Centrafrique.</p></li>
<li><p><strong>Elle a engagé des négociations en position de faiblesse</strong> : malgré la présence de 10 000 Casques bleus et l’appui militaire russe pour la formation et l’équipement de l’armée centrafricaine, les groupes armés ont toutes les cartes en main. Ils tiennent la majeure partie du territoire ; leurs multiples business – <a href="http://ipisresearch.be/publication/republique-centrafricaine-cartographie-du-conflit/">du trafic de diamants au commerce du bétail</a> –prospèrent et leurs voies d’approvisionnement ne sont pas perturbées.</p></li>
</ul>
<p>En dépit de leurs violences récurrentes contre les populations et du recrutement d’enfants soldats (c’est-à-dire de crimes de guerre), l’UA et l’ONU n’ont jamais envisagé de les exclure des discussions sur le DDR ou de la préparation des négociations de Khartoum. L’UPC (Unité pour la paix en Centrafrique), <a href="https://theconversation.com/face-a-la-crise-en-centrafrique-lonu-dans-le-deni-108719">qui a attaqué plusieurs camps de déplacés à la fin 2018</a>, s’est même fait prier pour aller à Khartoum.</p>
<p>En engageant les négociations alors que le rapport de force est en faveur des groupes armés, l’UA permet à ceux-ci de fixer le prix de la paix. Et après cinq accords, ce prix est connu car toujours le même : l’amnistie pour les crimes commis et une place dans le système de pouvoir aux niveaux national et local (décentralisation). Jugée insuffisante, cette place a été rehaussée après des négociations <a href="http://www.rfi.fr/afrique/20190324-rca-centrafrique-nouveau-gouvernement-deja-conteste-groupes-armes">pour sauver l’accord de Khartoum à Addis Abeba</a>.</p>
<p>Mais ces erreurs en sont-elles vraiment et la logique folle qui semble motiver ces négociations en série ne dissimule-t-elle pas des calculs politiques éloignés de la recherche de la paix ?</p>
<h2>Quand l’objectif est la négociation et non la paix</h2>
<p>Chacun a ses « bonnes » raisons de signer des accords voués à l’échec.</p>
<ul>
<li><p>Les sponsors de ces initiatives – présidents africains, organisations internationales mandatées pour résoudre les crises – sont à la recherche d’un « coup politique » bénéfique pour leur image de marque et leur réputation internationale, voire plus prosaïquement la carrière de certains. Dans le marasme international actuel, l’échec n’a qu’un faible coût réputationnel pour eux. <a href="https://theconversation.com/face-a-la-crise-en-centrafrique-lonu-dans-le-deni-108719">Le mantra onusien</a> selon lequel il n’y a que des solutions politiques aux conflits oublie volontairement que le rapport de force sur le terrain conditionne la négociation.</p></li>
<li><p>Les groupes armés retirent de leur disponibilité pour négocier un peu de reconnaissance de la part des acteurs internationaux, gagnent du temps et surtout de l’argent facile. Les négociations leur permettent de monnayer leur bonne volonté : leur présence à la table des négociations aurait coûté 2,5 millions de dollars <a href="https://sputniknews.com/africa/201901291071907401-car-government-armed-opposition-exchange-views-peace-talks-khartoum-source/">à la Russie qui a suivi de près les discussions</a>. Les négociations étant une occasion de se remplir les poches, les tensions sur la composition des délégations de négociateurs se comprennent mieux. Paradoxe intéressant : l’argent des négociations de paix versé aux groupes armés en février risque accessoirement de servir à leur réarmement, c’est-à-dire exactement l’inverse de sa finalité initiale.</p></li>
<li><p>Le gouvernement (ou plutôt le président tant le système politique est focalisé sur le chef de l’État) est probablement celui qui, en apparence, a le moins de raison de négocier car, à l’inverse des groupes armés, il est acculé au compromis. Le Président Touadéra a dû faire une plus grande place qu’il ne le souhaitait aux groupes armés dans son gouvernement, leur promettre à mots couverts l’amnistie et sacrifier son très impopulaire bras droit, le premier ministre Sarandji. Ce faisant, il avoue sa faiblesse à une opinion publique nationale hostile aux négociations à moins de deux ans d’une élection présidentielle qu’il a déjà commencé à préparer. La discrétion de la parole présidentielle sur le sujet et l’extrême prudence de la communication gouvernementale (l’accord n’a été rendu public qu’au dernier moment) reflètent cet embarras.</p></li>
<li><p>Du côté du Président, les raisons de négocier renvoient à la fois aux pressions « amicales » de certains partenaires internationaux et à la conviction que cet accord sera à l’image des précédents, un échec. Les concessions aux groupes armés, dont la limite est la Constitution quitte à l’interpréter un peu, sont aujourd’hui le prix temporaire à payer pour que la Russie et d’autres continuent à sécuriser son pouvoir jusqu’à la prochaine élection.</p></li>
</ul>
<p>Les accords de paix signés jusqu’à présent sont des échecs calculés dans le cadre d’un jeu d’acteurs sur une scène de conflit bloqué. Paradoxalement, le fait que le rapport de force soit en faveur des groupes armés fait de ces derniers à la fois les gagnants <em>maintenant</em> et les fossoyeurs <em>demain</em> de l’accord Khartoum. Dans le cadre de sa mise en œuvre, ils ont en effet tout intérêt à faire monter les enchères et à tester les limites de la patience des médiateurs internationaux et d’un gouvernement sans armée malgré les soutiens russe et européen.</p>
<p>La re-formation du gouvernement qui vient d’être négociée à Addis Abeba n’est que leur première exigence. Tant que le rapport de force ne changera pas, les accords sans lendemain se succéderont en Centrafrique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/114152/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thierry Vircoulon est analyste à l'Institut français des relations internationales (IFRI). </span></em></p>Les accords de paix en Centrafrique signés jusqu’à présent sont des échecs calculés dans le cadre d’un jeu d’acteurs sur une scène de conflit bloqué.Thierry Vircoulon, Enseignant en sécurité et conflit en Afrique, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/855772017-10-25T19:53:23Z2017-10-25T19:53:23ZL’Afrique est-elle rongée par les guerres ethniques ?<p>« L’ethnie tue ! » C’est du moins ce que laissent entendre de nombreuses analyses des guerres en Afrique.</p>
<p>Nous avons tous en tête, le génocide rwandais, qui opposait deux ethnies : les Hutus et les Tutsis. D’avril à juillet 1994, entre 500 000 et 1 million de Rwandais périrent (800 000 selon l’ONU). En France, très tôt, ce conflit a fait l’objet de controverses. Pour le rôle qu’aurait pu jouer la France, mais surtout sur l’interprétation des causes du génocide.</p>
<p><a href="https://www.jstor.org/stable/220036?seq=1#page_scan_tab_contents">La lecture ethnique</a> est très rapidement venue se confronter aux lectures plus complexes sur les causes sociologiques, politiques, historiques et régionales du génocide. Selon cette première lecture, les Tutsis et les Hutus seraient destinés à s’affronter, et les massacres seraient le résultat d’une opposition raciste héréditaire et pratiquement constitutive de l’ADN des Rwandais, et plus largement, des Africains, condamnés aux tueries et aux barbaries spontanées sans dimension politique ni instrumentalisation.</p>
<p>Cette lecture n’est pas réservée uniquement aux conflits africains, mais l’explication ethnique se trouve être plus répandue concernant cette région du monde. Ainsi, à la veille des élections présidentielles kenyanes prévues le 26 octobre, le pays semble plus divisé que jamais par les ressentiments ethniques.</p>
<h2>L’ethnie, une réalité et un vecteur</h2>
<p><a href="https://nyuscholars.nyu.edu/en/publications/what-is-ethnic-identity-and-does-it-matter">La littérature sur le lien entre ethnie et conflit</a> est très riche, et de nombreuses controverses ont opposé les analystes. Pour les uns, le continent africain serait « condamné » aux affrontements ethniques, et pour les autres, les ethnies n’existent pas et ne seraient que des groupes artificiels créés à des fins de manipulation ou de domination politique, notamment par le colonisateur.</p>
<p>Nous ne nions pas l’existence d’« ethnie », au sens d’une « identité » distincte d’un autre groupe. En revanche, il est aisé de démontrer que l’ethnie n’est pas une cause unique de conflit. Si tel était le cas, tous les groupes ethniques du monde seraient perpétuellement en conflit, alors que la plupart du temps, ils vivent paisiblement côte à côte. Donc, l’ethnie seule n’est pas une cause de conflit. Cela ne veut pas dire que les appartenances identitaires ne sont pas cruciales, dans la guerre. Elles peuvent même très certainement venir alimenter le conflit.</p>
<p>Pour <a href="http://eu.wiley.com/WileyCDA/WileyTitle/productCd-1509509046.html">Paul D. Williams</a>, les analystes doivent s’intéresser à l’« ethnie plus », c’est-à-dire chercher les causes additionnelles aux conflits. L’ethnie n’est qu’un <em>vecteur</em>. Ce qui apparaît à première vue comme des combats entre ethnies est bien souvent entièrement lié à des luttes entre les élites, pour la puissance politique ou matérielle. Ainsi, au Soudan du Sud, le conflit était au départ une opposition entre élites pour l’accès au pouvoir, avant de se cristalliser sur l’appartenance ethnique et une opposition entre Dinka et Nuer. Ce conflit est devenu effectivement un conflit semblant de nature ethnique, mais sa cause est bien plus complexe.</p>
<h2>Difficultés de gouvernance</h2>
<p>Parmi les causes des conflits, l’on retrouve ainsi les manipulations politiques, les crises politiques (assassinats politiques, entre autres), les crises économiques, comme l’accès aux ressources ou à la terre. Ainsi, en <a href="https://theconversation.com/ethiopie-le-prix-politique-du-developpement-a-marche-forcee-68041">Éthiopie</a>, la dimension ethnique est forte dans le conflit qui oppose les Oromos et les Amharas, au régime éthiopien, mais c’est une <a href="http://www.liberation.fr/planete/2016/08/19/ethiopie-la-colere-reprimee-a-huis-clos_1473535">erreur d’analyse</a> que de réduire ces tensions à une question ethnique. Les Oromo, les Amhara et les Tigréens représentent chacun des groupes très hétérogènes.</p>
<p>Les contestations qui ont conduit à l’instauration de l’état d’urgence, en 2016, et à la répression de l’opposition, trouvent leurs racines dans l’annonce par l’administration de la capitale Addis-Abeba d’intégrer plusieurs municipalités voisines à son plan d’extension urbaine, et donc d’empiéter sur la région Oromo. Les manifestants ne rejettent pas le fédéralisme ethnique en lui-même, mais le fait que le régime ne se soit jamais démocratisé, et que les retombées économiques ne bénéficient pas à tous.</p>
<p>On retrouve les mêmes difficultés de gouvernance dans d’autres pays d’Afrique. Les dirigeants considèrent l’État comme leur bien personnel et s’accaparent ainsi les ressources du pays. Le statut de président devient celui de « big man », inspiré par une stratégie d’accumulation financière, pour s’assurer une clientèle électorale dépendante. Le Kenya est un bon exemple de gouvernance dite néopatrimoniale, où l’ethnie constitue un mode de mobilisation commode pour les politiciens qui se disputent le pouvoir et les ressources attenantes à celui-ci.</p>
<h2>Le cas du Kenya</h2>
<p>Dans ce pays, les élections de 2007 ont conduit à la mort de 1 000 personnes et provoqué 350 000 déplacés. Les élections organisées le 8 août 2017 se sont déroulées dans un climat relativement serein. Néanmoins, la Cour suprême a décidé, le 1<sup>er</sup> septembre d’invalider les élections au regard des irrégularités de la Commission indépendante électorale. Si cette décision est une avancée démocratique notable, dans l’immédiat, la réorganisation des scrutins a <a href="https://theconversation.com/au-kenya-des-elections-sous-le-signe-des-institutions-fortes-et-des-hommes-forts-85785">radicalisé les différents camps et ethnicisé les discours</a>.</p>
<p>Les racines de l’amalgame patrimonial remontent à l’histoire du pays ; la colonisation britannique s’accompagnait en effet d’une ségrégation territoriale. L’accès à la propriété foncière était défini par l’appartenance communautaire. <a href="https://www.cairn.info/magazine-alternatives-internationales-2008-6-p-31.htm">Claire Médard</a> l’a démontré :</p>
<blockquote>
<p>« C’est bien l’existence d’inégalités matérielles et le fait que ceux qui en sont victimes les interprètent en termes ethniques alors qu’elles résultent d’un clientélisme politique, qui expliquent les violences récentes. »</p>
</blockquote>
<p>Au Kenya, les hommes politiques ont joué sur les réactions identitaires, mais ce sont des enjeux économiques et fonciers qui sont la véritable source des oppositions politiques.</p>
<h2>La question du rapport observateur-observé</h2>
<p>On le voit, l’approche uniquement ethnique exclue toute analyse des évènements ayant conduit au conflit, et les « dépolitise ». De quoi cette lecture est-elle le symptôme ? Comment expliquer qu’elle soit particulièrement répandue dans l’étude des conflits en Afrique ?</p>
<p>Il semblerait qu’au-delà des classifications identitaires, l’analyse dépend du <a href="https://www2.bc.edu/marian-simion/th406/readings/0420anderson.pdf">rapport entre l’observateur et l’observé</a>. La lecture exclusivement ethnique est, en partie, héritière des travaux sur l’anthropologie de la race, élaborée à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle. Cette littérature refuse de penser le racisme en Afrique comme une idéologie construite politiquement et socialement. L’étude de la <a href="https://theconversation.com/pourquoi-le-concept-dethnie-ne-nous-sert-plus-a-rien-64651">trajectoire du concept d’« ethnie »</a> est particulièrement éclairante.</p>
<p>Les Grecs opposaient les « ethnè » et la « polis ». Les sociétés, unies par la culture mais non organisées en cités-États, étaient des « ethnè ». L’ethnologie serait littéralement la science des sociétés qui sont « a-politiques » et qui, à ce titre, ne peuvent être des « sujets » de leur propre histoire. Cette définition « négative » se perpétue dans la tradition ecclésiastique, qui appelle « ethnè » les païens, par opposition aux chrétiens.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/190670/original/file-20171017-30422-1cgaty3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/190670/original/file-20171017-30422-1cgaty3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=763&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/190670/original/file-20171017-30422-1cgaty3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=763&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/190670/original/file-20171017-30422-1cgaty3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=763&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/190670/original/file-20171017-30422-1cgaty3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=959&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/190670/original/file-20171017-30422-1cgaty3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=959&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/190670/original/file-20171017-30422-1cgaty3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=959&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Arthur de Gobineau, théoricien des races.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Arthur_de_Gobineau.jpg">Inconnu/Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>C’est à partir du XIX<sup>e</sup> siècle que le critère racial est intégré. Il faut noter que cette période correspond à la domination européenne sur le reste du monde. Dans l’« Essai sur l’inégalité des races humaines » (1854), le comte de Gobineau utilise l’adjectif « ethnique » d’une façon ambiguë, le mot commençant à désigner par moment le mélange des races, et la dégénérescence qui en résulte. Si l’usage du terme « ethnie » s’est popularisé au détriment d’autres mots comme celui de « nation », c’est sans doute qu’il s’agissait de classer à part certaines sociétés, en leur déniant une qualité spécifique.</p>
<p>Cette qualité, dont l’absence les rendait dissemblables et inférieures aux sociétés européennes, c’est l’historicité ; et, en ce sens, les notions d’« ethnie » et de « tribu » sont liées aux autres distinctions par lesquelles s’opère le grand partage entre anthropologie et sociologie : société sans histoire-société à histoire, société préindustrielle-société industrielle, société sans écriture-société à écriture.</p>
<h2>Jeux de pouvoir</h2>
<p>Il convient de se méfier des explications simplistes et essentialistes où les conflits sont vus comme inhérents aux cultures africaines, déterminés uniquement <a href="https://la-plume-francophone.com/2007/02/11/les-identites-meurtrieres-damin-maalouf/">par les identités</a>. Pourtant, cette lecture continue d’être reprise et guide les commentaires sur les conflits en Afrique. Or, sur ce continent, comme partout ailleurs, l’ethnie n’est pas une réalité figée ou immuable, mais au contraire se trouve en <a href="http://www.persee.fr/doc/outre_0300-9513_1991_num_78_291_2886_t1_0270_0000_2">constante évolution</a>. Elle est le fruit d’un continuel processus d’hybridation et de sédimentation historique.</p>
<p>Il faut donc porter notre attention sur les jeux de pouvoir locaux, sur les relations internationales africaines, et sur l’intégration du continent au grand jeu mondial. La lecture exclusivement ethnique est extrêmement réductionniste, très spéculative et profondément fallacieuse. Les variables identitaires, plus que politiques, sont perçues comme suffisantes pour expliquer les mobilisations sociales.</p>
<hr>
<p><em>Ce texte est d’abord paru dans l’ouvrage <a href="https://www.youtube.com/watch?v=148b0hwStJc">« Notre monde est-il plus dangereux : 25 questions pour vous faire une opinion »</a>, éditions Armand Colin.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/85577/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sonia Le Gouriellec ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>« L’ethnie tue ! » C’est du moins ce que laissent entendre de nombreuses analyses des guerres en Afrique. Trop sommaire.Sonia Le Gouriellec, Chercheur à l'Institut de Recherche Stratégique de l'Ecole militaire (IRSEM), Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/849422017-10-09T19:19:51Z2017-10-09T19:19:51ZLe maintien de la paix, version ONU : radiographie d’une impuissance<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/189378/original/file-20171009-6947-ir08kp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C52%2C2044%2C1364&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un véhicule de la mission de maintien de la paix au Congo (Monusco), l'opération la plus importante de l'ONU dans le monde. </span> <span class="attribution"><span class="source">Thierry Vircoulon</span></span></figcaption></figure><p>En matière de maintien de la paix, les Nations unies sont maintenant au pied du mur. Lors de la réunion de l’Assemblée générale de l'ONU en septembre, l’administration américaine – son principal bailleur de fonds – a annoncé la réduction de sa contribution de 1,3 milliard et a défini une nouvelle politique par la voix du vice-président Mike Pence :</p>
<blockquote>
<p>« En bref, quand une mission sera couronnée de succès, nous y mettrons un terme. Si elle n’atteint pas les objectifs fixés, nous la remanierons. Et si une opération se solde par des échecs répétés, nous y mettrons un terme ».</p>
</blockquote>
<p>Avec un budget de 7,8 milliards et 15 missions <a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-crise-centrafricaine-dure-et-va-durer-78104">qui semblent sans fin</a>, l’ONU est mise en demeure de réduire le nombre de Casques bleus qui émargent à son budget, quelque 95 000 aujourd’hui.</p>
<p>Évidemment, vue d’Afrique, cette nouvelle approche peut sembler dangereuse et même contre-productive au moment où tous les signes précurseurs d’un nouveau conflit sont réunis en République démocratique du Congo (RDC) – le président Joseph Kabila espère rester au pouvoir en repoussant les élections d'une année à l'autre, <a href="http://www.rfi.fr/afrique/20170928-rdc-attaque-mai-mai-yakutumba-uvira-lac">ce qui conduit à la remobilisation des groupes armés la ville d'Uvira</a> –, où la Centrafrique se désagrège lentement mais sûrement et où les accords de paix pour régler les conflits malien et sud-soudanais ne sont toujours pas appliqués deux ans après leur signature.</p>
<p>Mais ce paradoxe n’est qu’apparent. En effet, dans les couloirs des Nations unies à New York, dans les chancelleries occidentales et sur le terrain en Afrique, personne ne croit que les Casques bleus vont <a href="https://theconversation.com/la-republique-democratique-du-congo-peut-elle-echapper-a-son-histoire-70468">empêcher un nouvel embrasement de la RDC</a>, désarmer les groupes armés en Centrafrique et imposer l’application des accords de paix au Mali et au Sud-Soudan. La raison en est simple : depuis plus de dix ans, les Nations unies sont à la résolution des conflits ce que l’homéopathie est au cancer.</p>
<h2>De la résolution de conflit à la stabilisation-enlisement</h2>
<p>Plus la machine onusienne de maintien de la paix se professionnalise avec un département dédié (le <a href="http://www.un.org/fr/peacekeeping/about/dpko/">Département des opérations de maintien de la paix, DOMP</a>, dirigé depuis 20 ans par un représentant français), plus les missions s’enlisent et perdent leur sens. En Afrique, les derniers succès du maintien de la paix remontent au début du siècle : Sierra Leone, Liberia, Burundi. De ce fait, les cadres du DOMP ont intériorisé l’idée que les missions de maintien de la paix ne sont plus déployées pour résoudre les conflits mais pour les « stabiliser ». Définie dans les couloirs du Conseil de sécurité par la protection des civils et le rétablissement de l’autorité de l’État, cette soi-disant stabilisation est, en réalité, synonyme d’enlisement sur le terrain.</p>
<p>Érigée en priorité numéro un des missions de maintien de la paix <a href="http://lemonde.fr/europe/article/2005/07/08/le-mea-maxima-culpa-de-kofi-annan-pour-le-massacre-de-srebrenica_671090_3214.html">après Srebrenica (en 1995) et le génocide rwandais (1994)</a>, la protection des civils reste un objectif illusoire – faute d’être partagé par les pays fournisseurs de Casques bleus. En 2014, le responsable de la Monusco en RDC a dû s’excuser publiquement de la <a href="http://www.rfi.fr/afrique/20140704-kivu-hrw-denonce-attitude-armee-monusco-lors-massacre">passivité des Casques bleus lors du massacre de Mutarule</a>. Au Sud-Soudan, un <a href="https://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/N1635591.pdf">rapport d'enquête de l'ONU</a> sur les violences de juillet 2016 à Juba a mis en évidence le refus des Casques bleus de répondre aux appels à l’aide. En Centrafrique, au moins une enquête interne est en cours sur le comportement des Casques bleus lors d’un massacre récent.</p>
<p>Malgré l’ampleur des violences contre les populations réfugiées à proximité ou dans les bases de l’ONU au Sud-Soudan, les 15 membres du Conseil de sécurité ne sont pas parvenus à un consensus lors du vote de la <a href="http://www.securitycouncilreport.org/atf/cf/%7B65BFCF9B-6D27-4E9C-8CD3-CF6E4FF96FF9%7D/s_res_2304.pdf">résolution créant une force de protection en 2016</a>. Alors que la protection des civils est vue comme une politique humaniste par une partie des membres du Conseil de sécurité, elle est perçue comme une dangereuse lubie antigouvernementale par l’autre partie (en particulier, la Russie et la Chine).</p>
<h2>Rétablir un État… qui n’existe pas</h2>
<p>La seconde priorité des missions « de stabilisation » – trois missions de maintien de la paix sont officiellement nommées ainsi en Afrique : Mali, Centrafrique et RDC – est le rétablissement de l’autorité de l’État. Cette formule à la résonance prétorienne veut simplement dire que les territoires du pays concerné doivent être administrés par les représentants de l’État et non par des groupes armés.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/189385/original/file-20171009-6967-1dpdw3u.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/189385/original/file-20171009-6967-1dpdw3u.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/189385/original/file-20171009-6967-1dpdw3u.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/189385/original/file-20171009-6967-1dpdw3u.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/189385/original/file-20171009-6967-1dpdw3u.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/189385/original/file-20171009-6967-1dpdw3u.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/189385/original/file-20171009-6967-1dpdw3u.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des Casques bleus bangladais de la Monusco, ici en Ituri (est de la RDC), en 2004. La population congolaise leur reproche leur passivité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Thierry Vircoulon</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Outre le fait qu’elle entretienne la confusion pratique entre État et gouvernement, cette formule escamote quelques réalités politico-historiques : le gouvernement central a-t-il jamais dirigé ces territoires ? En a-t-il seulement les moyens ? Est-il accepté par les populations ? Sinon, pourquoi ?</p>
<p>Les missions de stabilisation sont mandatées par le Conseil de sécurité pour rétablir une autorité de l’État dans des régions (l’Est congolais, le nord du Mali et de la Centrafrique) où cette absence d’autorité est le résultat d’une longue absence de légitimité. Des élections financées et organisées à la va-vite par la communauté internationale sont censées combler, en quelques semaines, <a href="https://theconversation.com/limpasse-du-contre-terrorisme-au-sahel-52171">ce déficit historique</a>. Les problèmes existentiels de ces pays qui durent depuis l’indépendance sont poliment ignorés dans l’enceinte onusienne, où le principe cardinal est la souveraineté des États, quel que soit leur degré d’existence réelle.</p>
<h2>Des missions par qui le scandale arrive</h2>
<p>En s’enlisant, les missions font plus partie du problème que de la solution. Leur gouvernance se révèle problématique. D’une part, elles deviennent des machines à scandales et perdent leur crédibilité. En zone de guerre, le temps contribue à l’enracinement des mauvaises habitudes et à la consolidation des intérêts, y compris de ceux des Casques bleus. À New York, les missions de maintien de la paix sont celles par qui le scandale arrive : information biaisée et dissimulée sur les crimes au Darfour (Minuad), refus de protéger les civils au Sud-Soudan (Minuss) et <a href="http://www.europe1.fr/international/abus-sexuels-une-coalition-dong-denonce-le-simulacre-denquete-de-lonu-en-centrafrique-3437318">trafics et abus sexuels en Centrafrique</a> et au Congo (Monusco et Minusca).</p>
<p>Une rapide recherche sur Internet montre que les missions de maintien de la paix défraient plus la chronique pour leurs abus sexuels que pour avoir rétabli la paix. À ce titre, la Monusco détient le record : sur un total de 2 000 accusations d’abus sexuels portées contre les Casques depuis 12 ans, 700 proviennent du Congo. Loin d’être inconnus des populations et du gouvernement, les dérapages des Casques bleus contribuent à leur discrédit local et offrent un intéressant levier de chantage. Comme le DOMP est la machine à scandales de l’ONU, on se demande pourquoi la diplomatie française y tient tant.</p>
<p>D’autre part, malgré les promesses qu’elles claironnent, les missions finissent par ne plus être un acteur de changement mais de conservation. Depuis 1999, les Nations unies ont dépensé 15 milliards de dollars dans une mission de maintien de la paix en RDC sans parvenir à neutraliser les groupes armés et à démocratiser le régime. Leur leadership penche presque toujours du côté du pouvoir en place et leur neutralité est vite compromise par de petits arrangements.</p>
<p>Au Mali, en RDC et en Centrafrique, les missions ont pour mandat d’appuyer les efforts de gouvernements dont elles taisent la corruption pour conserver leur bienveillance et éviter que ces gouvernements déclarent persona non grata le personnel de l’ONU. Ces missions fournissent à ces gouvernements une protection et une légitimité de façade dont ils usent et abusent contre leur population. En RDC, par exemple, la Monusco a fourni un soutien logistique et militaire à une armée qui s’illustre par ses <a href="https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/reflexions_sur_17_ans_de_presence_de_lonu_en_republique_democratique_du_congo_0.pdf">violations des droits de l'homme</a>. À la fin du mois de septembre, elle a une fois de plus servi <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2017-09-28/un-sends-troops-to-defend-eastern-congolese-city-after-clashes?utm_source=Media+Review+for+September+29%2C+2017&utm_campaign=English_DMR_09292017&utm_medium=e-mail">d'auxiliaire de l'armée congolaise contre les miliciens maï-maï à Uvira</a>.</p>
<p>Incapables de régler les conflits, les missions de maintien de la paix se contentent dorénavant de les accompagner dans la durée. Les membres du Conseil de sécurité n’ont ni le courage de voter le désengagement (à cause d’un précédent tragique : le génocide rwandais) ni le courage de leur accorder les moyens nécessaires et définir une vraie stratégie de résolution de conflit. Ce qu’on appelle pompeusement une « solution politique ». Pour éviter de faire des arbitrages difficiles, ils optent pour un consensus négatif (le ni… ni…) autour d’une « politique de paix » qu’ils savent pertinemment inefficace pour au moins trois raisons.</p>
<h2>Le triple secret de l’inefficacité des missions de maintien de la paix</h2>
<p><strong>1. L’impuissance militaire</strong></p>
<p>Les missions de maintien de la paix n’ont pas de force militaire. Les 95 000 Casques bleus ont toutes les apparences d’une armée (uniformes, armes, véhicules et hélicoptères de combat et maintenant des drones de surveillance), mais ils ne sont pas une armée. Il n’y a pas une chaîne de commandement mais au moins deux (le Force Commander de la mission et la capitale du pays contributeur de troupes), et surtout combattre (ou prendre le risque de combattre) est parfois totalement exclu de la mission.</p>
<p>Dans le cadre des négociations discrètes entre l’ONU et les pays contributeurs de troupes, certains d’entre eux négocient âprement le périmètre de leur mission et en excluent parfois l’usage de la force prévu pourtant par le chapitre VII de la charte des Nations unies. Le retrait des Casques bleus japonais de la Minuss et le <a href="https://www.theguardian.com/world/2017/jul/27/tomomi-inada-japanese-defence-minister-resign-south-sudan">scandale politique interne qui a suivi</a> correspondaient à ce type de restrictions d’emploi négociées secrètement.</p>
<p>Cette différence entre l’apparence et la réalité des Casques bleus est <a href="http://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_2005_num_70_1_1099_t1_0195_0000_2">au cœur de l'incompréhension</a> (et du ressentiment) entre l’ONU et les populations qui ne comprennent pas pourquoi des milliers d’hommes en uniformes déployés avec des moyens de combat ne combattent pas. Cette différence entre l’endroit et l’envers des Casques bleus relativise l’argument selon lequel le principal problème du maintien de la paix serait quantitatif, à savoir le manque de troupes. À quoi servirait-il d’augmenter troupes, matériel et budget si un accord secret interdit de s’en servir ?</p>
<p><strong>2. L’absence de stratégie</strong></p>
<p>Dans de nombreux cas, les missions de maintien de la paix n’ont tout simplement pas de stratégie de résolution du conflit. Elles jouent un rôle de substitut aux pressions politiques que les grands acteurs internationaux ne veulent pas faire sur leurs « pays-clients » et à l’absence de stratégie de résolution de conflit.</p>
<p>Le meilleur indice de cette absence est le mandat des missions. Tel que défini par le Conseil de sécurité, ce mandat n’est qu’un copié-collé de mandats précédents dans d’autres pays. Les mandats de la Minusca, la Monusco et la Minusma sont à 80 % les mêmes : programme de désarmement, démobilisation et réinsertion pour les groupes armés, réforme du secteur de la sécurité, justice transitionnelle, promotion des droits de l’homme, etc. Peu importe que les conflits, les acteurs et les pays soient différents, l’ONU promeut toujours le même modèle de paix (<em>peace template</em>), du Mali à la RDC.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/189423/original/file-20171009-6990-15b4stu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/189423/original/file-20171009-6990-15b4stu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/189423/original/file-20171009-6990-15b4stu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/189423/original/file-20171009-6990-15b4stu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/189423/original/file-20171009-6990-15b4stu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/189423/original/file-20171009-6990-15b4stu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/189423/original/file-20171009-6990-15b4stu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des Casques bleus pakistanais en Ituri, dans l'est du Congo (en 2004).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Thierry Vircoulon</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les mandats des missions ne contiennent pas une stratégie de résolution de conflit mais une liste standardisée de mesures qui ont déjà échoué ailleurs. Paradoxalement, les missions de maintien de la paix sont toujours en quête de leur théorie du changement. Cela est dû à deux facteurs : les intérêts bien compris de certains pays du Conseil de sécurité – en tant que fidèle allié du Maroc, la France a joué son rôle au Conseil de sécurité pour rendre la <a href="http://www.un.org/fr/peacekeeping/missions/minurso/">Minurso</a> (créée en 1991 et censée régler le problème du Sahara occidental) complètement ineffective – et l’absence d’imagination de la bureaucratie onusienne. Comme nous le confiait un de ses employés, « à l’ONU, on travaille beaucoup mais on ne fait pas grand-chose. »</p>
<p><strong>3. Une doctrine périmée</strong></p>
<p>Plusieurs pays (et non des moindres comme la Chine et la Russie) s’opposent à l’adaptation indispensable de la doctrine du maintien de la paix aux nouveaux conflits.</p>
<p>Formalisée en 2008 avec le <a href="http://www.zif-berlin.org/fileadmin/uploads/analyse/dokumente/UN_Capstone_Doctrine_ENG.pdf">rapport Capstone</a>, cette doctrine n’est plus en phase avec les conflits actuels. Les conflits du XXI<sup>e</sup> siècle ne sont plus le résultat de rivalité d’États dotés d’armées conventionnelles mais de menace terroriste (Mali, Somalie) ou de prédation conflictogène historique (RDC, Centrafrique). Dans ces contextes, tous les accords de paix sont signés de mauvaise foi et personne ne respecte le droit de la guerre.</p>
<p>Contrairement à une certaine interprétation, dans ces conflits du XXI<sup>e</sup> siècle la solution n’est pas « d’imposer la paix » mais de créer les conditions de sa négociation et de son respect. En Centrafrique, au Mali et au Sud-Soudan, il faut inverser le rapport de force sur le terrain et sanctionner ceux qui violent les accords de paix. Mais à l’ONU, il n’y a pas de consensus sur cette évolution vers la mal-nommée « imposition de la paix » qui mettrait en adéquation la doctrine et la réalité du terrain.</p>
<p>Faute d’un consensus entre les membres du Conseil de sécurité et les pays contributeurs de troupes, depuis plusieurs années les nombreuses recommandations des nombreux rapports <a href="http://peaceoperationsreview.org/wp-content/uploads/2015/08/HIPPO_Report_1_June_2015.pdf">sur la réforme du maintien de la paix</a> restent obstinément lettre morte. Sur le terrain, ce refus de l’imposition de la paix se traduit par le fait que, face aux violations des accords de paix et aux exactions contre les civils, la Minusca (en Centrafrique) en est réduite à avertir les groupes armés que leurs « actes constituent de graves violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme, qui pourraient constituer des crimes de guerre dont elles assumeront toutes les responsabilités pénales devant les juridictions nationales et internationales compétentes ».</p>
<h2>Après les États-Unis, à qui le tour ?</h2>
<p>Après la dernière Assemblée générale de l’ONU, tout indique que le consensus négatif – ni désengagement ni volontarisme politique – qui rend inefficaces les missions de maintien de la paix va durer. En Afrique, les missions de maintien de la paix vont continuer à faire un médiocre travail de gardiennage d’États qui n’existent plus ou existent à peine à force d’être systématiquement pillés depuis l’indépendance par une coalition d’élite locale et de profiteurs étrangers.</p>
<p>Confrontée à cette impasse, l’administration américaine en a tiré la conséquence qui s’imposait : se désengager financièrement. Elle risque de ne pas être la seule à choisir cette voie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/84942/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thierry Vircoulon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis plus de dix ans, les Nations unies sont à la résolution des conflits ce que l’homéopathie est au cancer.Thierry Vircoulon, Enseignant en sécurité et conflit en Afrique, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/712372017-04-03T21:06:20Z2017-04-03T21:06:20ZSoudan, Soudan du Sud, Tchad : guerres sans fin, guerriers sans frein<p>Des conflits ensanglantent différentes régions du Soudan presque sans interruption depuis l’indépendance du pays, il y a cinquante ans. Mais en réalité, le Darfour, le Kordofan du Sud, le Nil Bleu, les collines de la mer Rouge et le Soudan du Sud (indépendant depuis 2011 mais toujours en guerre) souffrent d’une seule et même guerre qui s’est installée dans la durée. Les communautés du Soudan et du Soudan du Sud, comme du Tchad voisin, fournissent des recrues en masse aux différentes forces en présence.</p>
<p>Les civils, à commencer par ceux qui occupent des fonctions traditionnellement militarisées, sont recyclés en soldats de métier, contribuant à rendre floue la distinction entre civils et militaires.</p>
<h2>60 ans d’indépendance, 49 ans de guerre</h2>
<p>En 2009, le Panel de l’Union africaine présidé par Thabo Mbeki requalifiait la crise du Darfour de « crise du Soudan au Darfour ». L’expression peut paraître alambiquée, et ses implications n’ont été que partiellement prises en compte par les acteurs internationaux, soucieux de ménager le régime de Khartoum qui se présente depuis longtemps comme un allié dans la lutte contre le terrorisme ainsi que, désormais, contre la migration. Mais, comme l’accord de paix « global » qui l’a précédée en 2005, elle remet en cause la conception que le pouvoir central a réussi à imposer, y compris à nombre de ses ennemis déclarés : à savoir les guerres qui se sont succédé dans les différentes « périphéries » du Soudan ne sont que des conflits locaux sans lien entre eux.</p>
<p>Ainsi Khartoum a réussi à isoler ces crises, bien que la revendication essentielle et commune des insurrections dans les différentes périphéries ne soit rien d’autre que la fin de la concentration du pouvoir et de la richesse, depuis l’indépendance du pays en 1956, dans les mains d’un cercle de plus en plus restreint. Les oscillations idéologiques – du marxisme à l’islamisme – de ce cercle sont moins importantes que le sens partagé d’appartenir au « centre » du Soudan, par opposition à ses « marges ». Si la crise du Darfour est bien une crise du Soudan, le pays, jusqu’en 2011 le plus vaste d’Afrique, apparaît bel et bien comme le théâtre d’un conflit national, aux enjeux nationaux, et qui dure depuis soixante ans presque sans interruption. L’une des guerres les plus anciennes et les plus meurtrières au monde.</p>
<p>On considère que la « première guerre civile » soudanaise, limitée au Sud-Soudan, commence en 1955, un an avant l’indépendance. Interrompu en 1972 par l’accord d’Addis Abeba, le conflit reprend dès 1983 : la « deuxième guerre civile » s’étend du sud au nord du Soudan (régions du Sud-Kordofan du Nil Bleu et de l’Est), et dure jusqu’à l’accord « global » de 2005. Les guillemets s’imposent ici car le seul véritable gain est la possibilité d’indépendance pour le Sud.</p>
<p>Lorsque cette dernière survient en 2011, la guerre reprend dans les régions du Sud-Kordofan et du Nil Bleu, grandes oubliées de l’accord, et continue au Darfour. Depuis que la violence a repris aussi au <a href="http://www.smallarmssurveysudan.org/fileadmin/docs/working-papers/HSBA-WP42-Unity-Dec-2016.pdf">Soudan du Sud</a>, la « troisième guerre civile » soudanaise couvre simultanément la quasi-totalité des périphéries de l’ancien Soudan, mais continue d’être traitée comme une série de conflits locaux.</p>
<p>En 60 ans, le Soudan aura donc connu 49 ans de guerre et 11 de paix.</p>
<h2>Traités comme des étrangers</h2>
<p>Son cas n’est pas unique : au Tchad voisin, la première insurrection apparaît à peine trois ans après l’indépendance en 1960 et n’a cessé, depuis, de se métastaser en d’innombrables mouvements dits « politico-militaires ». Le Front de libération nationale du Tchad (Frolinat) formé en 1966 à Nyala, au Darfour, est la matrice de tous ces mouvements jusqu’à aujourd’hui : le chef de la principale rébellion tchadienne qui tente aujourd’hui de se reconstituer en Libye y a fait ses classes depuis l’âge de 14 ans, en 1978, avant de passer par d’autres mouvements.</p>
<p>Cette pérennité des rébellions dans la région ne s’explique pas seulement par la légitimité de la cause mais aussi par la faiblesse ou l’absence des États. Dans le nord du Tchad, le massif du Tibesti, bastion rebelle par excellence, n’a connu, depuis l’indépendance, qu’une vingtaine d’années sous l’administration, plutôt légère, de l’État tchadien, contre trente au moins en partie sous le contrôle de diverses factions rebelles. En outre, au nord du Tchad et ailleurs dans la région, les communautés périphériques, séparées par des frontières artificielles, ne sentent pas pleinement citoyens d’États qui les négligent ou les traitent comme des étrangers.</p>
<h2>La paix, une parenthèse</h2>
<p>La guerre durant, elle devient la norme plutôt que l’exception. Les cessez-le-feu ou les accords de paix qui constituent les grandes dates de nos chronologies des conflits n’apparaissent, au mieux, que comme des parenthèses entre deux périodes de guerre, pendant lesquelles les parties en conflit se réarment. Depuis 1990, le Soudan a ainsi connu cinq accords de paix par an en moyenne, généralement mieux couverts par les médias internationaux que les batailles, mais qui passent pourtant souvent inaperçus sur le terrain.</p>
<p>Ainsi, comme d’autres communautés, les Nuer de l’ouest du Nil ont leur propre calendrier, chaque année étant connue par un événement marquant. Il s’agit, bien plus que d’événements politiques, de vols de bétail ou de famines dont les conséquences se font encore sentir des décennies après. Ainsi la « Nuer civil war » des années 1990 est l’un des événements clefs qui explique la renégociation permanente du partage du pouvoir à Juba depuis 2013, plus que l’accord de paix mort-né signé en 2015. Du reste, ces accords impliquent rarement un passage immédiat de la guerre à la paix, comme ont pu l’être les armistices occidentaux du XX<sup>e</sup> siècle.</p>
<h2>La guerre comme ascenseur social</h2>
<p>Quand la guerre dure, des générations entières ne connaissent qu’elle : elle devient une activité, un métier, une source de revenus (importants pour certains), un mode de vie et même une culture. Elle est aussi l’un des seuls moyens pour les plus pauvres de prendre « l’ascenseur social », dans des sociétés souvent très inégalitaires – renouvelant ainsi la licence qui permettait aux « soldats-esclaves » des royaumes sahéliens d’échapper à leur condition voire de devenir des chefs de guerre. Au Tchad, le passage par la rébellion semble incontournable pour prétendre accéder au pouvoir.</p>
<p>De gré ou de force, les civils participent en masse à ces guerres. Ceux ayant déjà des armes et de l’expérience – groupes d’âge participant traditionnellement à la protection du bétail ou des villages, voleurs de bétail et bandits de grand chemin – sont souvent les premiers recrutés <a href="https://www.foreignaffairs.com/articles/sudan/2015-07-31/cattle-camp-politics">par les groupes rebelles et les milices</a>. Règles et code d’honneur anciens font place à des volontés nouvelles de purification ou d’élimination des communautés vues comme ennemies. Chacun voyant l’autre comme un combattant plutôt que comme un civil, les tentatives occidentales pour distinguer clairement ces deux catégories ont peu de prise sur ces nouveaux guerriers.</p>
<h2>Les limites des programmes de réinsertion</h2>
<p>Il se trouve que nombre de ces mouvements armés et de ces guerriers ont déjà signé des accords de paix, et que ces accords prévoient systématiquement des programmes de DDR (Désarmement, démobilisation et réintégration) pour les combattants. Mais ces programmes ont très souvent échoué, parfois parce qu’ils n’ont pas été appliqués, parfois parce que les combattants eux-mêmes les rejettent. Même lorsque des combattants rebelles ont été intégrés dans des forces armées régulières, ils sont souvent restés marginalisés et impuissants à l’intérieur de ces forces, le commandement issu des élites traditionnelles restant réticent à partager son pouvoir et empêchant la constitution d’armées véritablement nationales.</p>
<p>Les anciens rebelles eux-mêmes sont aussi réticents à intégrer des forces qui sont amenées à combattre leurs frères d’armes restés en rébellion, et plus généralement à désarmer en échange d’emplois civils qui restent souvent inaccessibles : faute d’éducation, la plupart n’ont pour tout savoir-faire que la maîtrise des armes et des véhicules tout-terrain, ainsi que la connaissance de routes clandestines transfrontalières. Cela leur permet de se reconvertir dans des activités telles que la contrebande, le transport de migrants ou le trafic de drogue.</p>
<p>Dans tout le Sahel, la criminalisation des anciens combattants rebelles bénéficie surtout aux pouvoirs en place, qui, accusant leurs ennemis de n’être que des bandits, voire des terroristes, en profitent pour refuser de dialoguer avec eux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71237/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Tubiana ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>De multiples conflits ensanglantent plusieurs régions du Soudan presque sans interruption depuis l’indépendance. En réalité, il s’agit d’une seule et même guerre qui s’est installée dans la durée.Jérôme Tubiana, chercheur (Programme Small arms survey), Institut des hautes études internationales et de développement de GenèveLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.