tag:theconversation.com,2011:/us/topics/suede-29747/articlesSuède – The Conversation2024-01-07T15:34:43Ztag:theconversation.com,2011:article/2200782024-01-07T15:34:43Z2024-01-07T15:34:43ZEn Suède, la multiplication des autodafés du Coran met à l’épreuve le pari multiculturel<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/567329/original/file-20231225-19-xykc6z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C313%2C2160%2C1807&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’activiste et politicien dano-suédois Rasmus Paludan pendant un autodafé du Coran devant l’ambassade de Turquie à Stockholm le 21&nbsp;janvier 2023.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Rasmus_Paludan#/media/Fichier:Rasmus_Paludan_burning_the_Koran_2023-01-21_(2).jpg">Tobias Hellsten/ToHell.Wikipedia </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p>Entre l’enlisement de la guerre en Ukraine et les effets de l’embrasement de la bande de Gaza, l’année 2023 a été caractérisée, partout en Europe, par une dégradation du climat sécuritaire et par de brusques recompositions du cadre des relations diplomatiques. En Suède, des tensions sans précédent ont marqué l’actualité, assorties d’inquiétudes palpables et, hélas, justifiées, relatives à la sécurité des ressortissants suédois à l’étranger.</p>
<p>Cet été, à <a href="https://edition.cnn.com/2023/06/28/europe/sweden-quran-protest-intl/index.html">Ankara</a>, à <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1342756/coran-brule-en-suede-manifestation-devant-la-mosquee-al-amine-a-beyrouth.html">Beyrouth</a> et à <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1342773/pakistan-des-milliers-de-personnes-protestent-contre-lautodafe-dun-coran-en-suede.html">Islamabad</a>, des manifestants ont mis le feu au drapeau suédois ; en <a href="https://www.france24.com/fr/moyen-orient/20230720-des-partisans-de-moqtada-al-sadr-ont-incendi%C3%A9-l-ambassade-de-su%C3%A8de-%C3%A0-bagdad">Irak</a> et au <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/liban-un-cocktail-molotov-lance-contre-l-ambassade-de-suede-20230810">Liban</a>, les désordres ont été suivis de violences contre les ambassades du pays.</p>
<p><a href="https://www.tf1info.fr/international/direct-belgique-deux-personnes-decedees-dans-une-fusillade-a-bruxelles-2273181.html">Le 17 octobre, à Bruxelles</a>, un islamiste se revendiquant de l’État islamique a abattu deux supporters de l’équipe suédoise de football venus assister au match Belgique-Suède. Cet attentat a confirmé le bien-fondé des craintes de Stockholm. Depuis l’été, le gouvernement avait en effet recommandé à ses ressortissants de se montrer très précautionneux lorsqu’ils se trouvent à l’étranger : un choc pour un pays identifié depuis des décennies à des politiques migratoires généreuses et au souci du dialogue interculturel.</p>
<h2>Provocations anti-islam et menaces d’attentats</h2>
<p>Cette flambée d’hostilité tient à une cause : les autodafés du Coran, d’abord <a href="https://www.euronews.com/2019/04/25/denmark-s-quran-burning-politician-gathering-support-for-election-candidacy">organisés au Danemark</a> depuis la fin des années 2010, et qui ont désormais la Suède pour théâtre habituel.</p>
<p>L’initiateur de cette modalité de provocation anti-islamique est un citoyen dano-suédois, <a href="https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2019/05/31/rasmus-paludan-le-visage-danois-de-l-extreme-xenophobie_5469724_4500055.html">Rasmus Paludan</a>, avocat de profession, aujourd’hui âgé de 41 ans. Leader du parti danois « Ligne dure » (<em>Hart Stram</em>), Paludan a émergé il y a quelques années comme un pourfendeur de « l’islamisation des sociétés européennes » et du brassage des cultures. Sa formation a récolté 1,8 % des suffrages aux élections législatives danoises de 2019. Après que son parti s’est vu exclu de la vie politique du pays pour avoir manipulé les listes de signatures nécessaires pour déposer des candidatures, Paludan s’est tourné vers la Suède, où les <a href="https://information.tv5monde.com/international/suede-la-question-de-limmigration-au-coeur-des-legislatives-29998">enjeux liés à l’immigration se trouvent</a> au cœur des débats de société depuis une dizaine d’années. </p>
<p>Son premier exploit, en 2020, a eu pour cadre Rosengården, un quartier de Malmö dont près de 90 % des habitants sont d’origine étrangère, épicentre des <a href="https://www.bbc.com/news/world-europe-39047455">révoltes urbaines des années 2015-2017</a>. L’action incendiaire de Paludan a entraîné une <a href="https://www.nst.com.my/world/world/2020/08/620385/riot-sweden-amidst-quran-burning-rally">recrudescence des violences</a>, ce qui lui a valu un arrêté d’interdiction de séjour sur le sol suédois. Sa condition de binational lui a toutefois permis de contourner la décision de justice et de concentrer son activité sur la Suède, où il a fait des émules, dont un réfugié irakien, <a href="https://www.lefigaro.fr/international/qui-est-salwan-momika-le-bruleur-de-coran-a-l-origine-d-une-crise-diplomatique-entre-la-suede-et-le-monde-musulman-20230721">Salwan Momika</a>.</p>
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<p>Les autodafés se sont vite multipliés, même si Paludan et Momika (qui s’est spécialisé dans la diffusion en direct des autodafés sur la plate-forme TikTok) restent les protagonistes les plus médiatisés de cette forme de contre-liturgie. Les sites où ils se déroulent sont choisis pour exacerber les tensions entre autochtones et immigrés : lieux de culte dédiés à l’islam, quartiers à haute concentration d’étrangers, ambassades de pays musulmans…</p>
<p>Au printemps 2022, Paludan s’est engagé dans une « tournée électorale » (d’après ses propres mots) à travers la Suède : une série de profanations dûment autorisées, qui ont occasionné d’une part des échauffourées violentes dans plusieurs villes, et d’autre part une dégradation de l’image du pays au Moyen-Orient. Une énième provocation, aux abords de l’ambassade de Turquie en janvier 2023, a suscité des réactions particulièrement virulentes d’Ankara, au point de compromettre le premier point de l’agenda de politique étrangère du gouvernement : l’adhésion à l’OTAN.</p>
<p>En effet, le <a href="https://www.letemps.ch/monde/adhesion-de-la-suede-a-l-otan-un-coran-brule-a-stockholm-seme-la-zizanie">Parlement turc a réagi en demandant le rejet de la demande de la Suède</a>, formalisée sept mois auparavant (rappelons qu’un pays ne peut pas rejoindre l’Alliance atlantique si l’un des pays membres s’y oppose ; la Turquie, qui a intégré l’OTAN en 1952, peut donc bloquer à elle seule l’entrée de la Suède). Pendant quelques jours, l’Institut suédois (agence officielle de diplomatie culturelle) comptabilisera 350 000 interventions <em>par heure</em> sur les médias sociaux en turc, dénonçant l’affront à la foi musulmane effectué par Paludan sans que les autorités suédoises n’interviennent. La plainte contre Paludan déposée auprès de la police par un citoyen suédois sera classée sans suite.</p>
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<p>Pour autant, les provocateurs ne cessent pas leurs actions. En juin, à l’ouverture des festivités de <a href="https://www.lepoint.fr/societe/qu-est-ce-que-l-aid-el-kebir-la-grande-fete-musulmane-28-06-2023-2526640_23.php">l’<em>Aid al-Adha</em></a>, un autodafé sous protection policière est organisé par Momika devant la grande mosquée de Stockholm. Il déclenchera un déluge de protestations, la Ligue des États arabes et l’Organisation de coopération islamique s’insurgeant contre l’intolérable… tolérance de la justice suédoise. Au Pakistan, en Iran et en Irak, où l’auteur d’un tel geste encourrait la peine de mort, des milliers d’individus manifestent pour exiger le boycott de la Suède, voire la vengeance à l’égard du pays.</p>
<p>Du fait de ces menaces, l’agence suédoise de contre-espionnage (SÄPO) a décidé au mois d’août de relever au niveau 4 (sur 5) le seuil d’alerte contre les attaques terroristes visant le pays : un retour au climat de 2016, lorsque la guerre en Syrie avait provoqué un bond historique du nombre des réfugiés en Suède, doublée de l’aggravation des tensions dans les banlieues. Et en octobre, nous l’avons dit, <a href="https://www.touteleurope.eu/societe/attentat-a-bruxelles-deux-suedois-tues-le-suspect-abattu-la-france-renforce-sa-securite/">deux Suédois mouraient à Bruxelles</a> sous les balles d’un homme qui les avait visés expressément du fait de leur nationalité.</p>
<h2>Des causes endogènes, et une nouvelle fracture du spectre politique</h2>
<p>Bien que l’activisme anti-islam, y compris dans la forme de la profanation du Coran, soit le fait d’acteurs transnationaux, c’est en Suède qu’il se manifeste de la manière la plus voyante. Les tensions interethniques qui secouent le pays depuis la crise migratoire des années 2015-2016 et la prolifération des <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/un-monde-d-avance/guerre-des-gangs-en-suede-des-victimes-toujours-plus-jeunes_6054725.html">règlements de comptes entre gangs</a>, ont participé à créer un terrain favorable. Selon le gouvernement, la Russie aurait également <a href="https://www.theguardian.com/world/2023/jul/26/russia-using-disinformation-to-imply-sweden-supported-quran-burnings">fait jouer ses réseaux</a> pour attiser les conflits entre Suédois installés de longue date et nouveaux arrivants, afin de déstabiliser ce pays qui a pris le parti de l’Ukraine depuis le début de la guerre en février 2022 et a mis fin à deux siècles de neutralité pour rejoindre l’OTAN.</p>
<p>La polémique sur l’islam s’inscrit surtout dans une période marquée par un tournant en matière de politique intérieure : la percée, en septembre 2022, du Parti populiste des <a href="https://politiqueinternationale.com/revue/n178/article/lessor-des-democrates-de-suede-ou-la-fin-de-lexception-suedoise">« Démocrates de Suède »</a> (SD), qui fait de la lutte contre l’immigration – sur la base du postulat de la guerre des civilisations – l’axe de son discours. Depuis l’installation de l’exécutif dirigé par le libéral-conservateur Ulf Kristersson, les SD lui assurent une majorité par leur appui externe, tout en s’efforçant d’insuffler dans l’action du gouvernement leurs thèmes de prédilection. Leur dernière proposition en date est la <a href="https://www.courrierinternational.com/article/polemique-l-extreme-droite-suedoise-en-guerre-contre-les-mosquees">démolition de nombre des mosquées existant dans le pays</a>.</p>
<p>La généralisation des autodafés n’a fait qu’exacerber la préoccupation du monde islamique face à la banalisation de ce type d’agissements ; mais la cible de la colère des représentants des communautés musulmanes est avant tout l’indifférence des autorités, qui détonne avec le cas de la France – mais aussi de voisins scandinaves, tels que la Finlande – où de tels projets sont <a href="https://www.20minutes.fr/france/704393-20110411-france-il-brule-urine-coran-trois-mois-sursis-requis">immédiatement jugulés</a>. Comment expliquer la posture passive des responsables suédois face à ce phénomène, à l’heure où la situation en matière politique de sécurité apparaît (d’après le <a href="https://europeanconservative.com/articles/news/swedish-pm-delivers-a-grim-christmas-speech/">discours de Noël 2022 du premier ministre Kristersson</a>) comme « la pire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale » ?</p>
<h2>Les raisons culturelles de l’inaction des autorités</h2>
<p>La cause technique le plus souvent invoquée pour expliquer la généralisation des autodafés en Suède est l’absence d’un arsenal juridique qui les interdit. Le blasphème et la diffamation de la religion ont été rayés des textes de loi il y a plus de 50 ans. C’est donc autour de l’enjeu de la possibilité formelle d’enrayer cette provocation, plutôt que sur ses causes, ou son bien-fondé, que la discussion s’est cristallisée.</p>
<p>À ce jour, les tribunaux ont rechigné à mobiliser deux articles pertinents du code pénal qui répriment, respectivement, « les comportements vexatoires » et « l’incitation à la haine raciale ». Le premier exige que l’impact choquant du geste soit avéré – et non seulement probable – alors que dans le second cas de figure, l’interprétation qui prévaut chez les magistrats est que l’injure à l’égard d’un culte n’est pas assimilable à la discrimination d’un groupe ethnique.</p>
<p>La pratique, et plus généralement une approche antinormative de la liberté d’expression, découragent finalement l’activation de ces dispositifs légaux. C’est pourquoi les cours administratives d’appel ont été amenées à annuler des interdictions policières prononcées contre les actions de Paludan ou de Momika.</p>
<p>Face à une indignation qui fédère <a href="https://www.europe1.fr/international/coran-brule-le-president-turc-erdogan-fustige-la-suede-4191624">Erdogan</a>, <a href="https://www.aa.com.tr/fr/monde/poutine-le-non-respect-du-coran-est-un-crime-r%C3%A9prim%C3%A9-par-la-l%C3%A9gislation-russe-/2933734">Poutine</a> et <a href="https://www.euractiv.fr/section/international/news/un-coran-brule-au-coeur-du-blocage-hongrois-pour-laccession-de-la-suede-a-lotan/">Orban</a>, mais aussi le <a href="https://www.letemps.ch/monde/le-conseil-des-droits-de-l-homme-condamne-les-autodafes-du-coran">Conseil des droits de l’homme de l’ONU</a>, l’opposition sociale-démocrate semble pencher vers un réajustement de l’arsenal juridique, alors que les déclarations des partis au gouvernement oscillent entre la critique des autodafés et le refus de « céder aux diktats étrangers ».</p>
<p>Il convient de rappeler que si le principe de la liberté d’expression représente depuis le XVIII<sup>e</sup> siècle un pilier de l’identité nationale, une législation souvent poussée par des urgences politiques en a restreint la portée. Depuis 1933, par exemple, le port de vêtements révélant une appartenance politique est interdit aux citoyens suédois. En 1996, un homme ayant arboré, lors de la fête nationale, un drapeau suédois orné de figures mythologiques et du mot <em>Valhalla</em> avait ainsi été condamné en justice. En 2014, les collages de l’artiste Dan Park – mettant en scène la pendaison de trois individus de couleur, identifiés par leur nom, comme après un lynchage – <a href="https://hyperallergic.com/154676/sentenced-swedish-artist-dan-park-incited-against-an-ethnic-group/">lui valurent</a> une lourde amende, six mois de prison et la destruction de ses œuvres.</p>
<p>La réticence à modifier la loi s’explique aujourd’hui par le rejet de l’idée que la sphère du sacré puisse être l’objet de tutelles ou d’interdits <em>ad hoc</em>. S’attaquer à un « symbole » – a statué le parquet dans le cas de l’autodafé organisé devant l’ambassade turque – n’est jamais illégal, pour autant que la manifestation n’a pas pour cible des croyants en chair et en os. Cette position est au cœur de l’exception suédoise, par rapport à la France, au Royaume-Uni ou au Danemark – capable de défendre farouchement le droit au blasphème lors de l’épisode des caricatures de Mahomet (2005), mais qui vient d’adopter, le 7 décembre, une <a href="https://fr.euronews.com/2023/12/08/le-danemark-interdit-de-bruler-le-cora">loi</a> qui pénalise le « traitement inapproprié » (incendie ou profanation) de textes religieux dans l’espace public.</p>
<p>Dans un spectre politique polarisé, la querelle a contribué à raidir les positions. Si les SD y ont vu l’occasion de s’ériger en défenseurs d’une vertu nationale – la tolérance, étendue aux expressions extrêmes du droit de réunion – le gouvernement se livre à un équilibrisme périlleux : dénoncer l’instrumentalisation du thème de l’islamophobie par des puissances étrangères souvent fort peu démocratiques et tolérantes par ailleurs, tout en se dissociant d’une manifestation du rejet de l’Autre aussi repoussante.</p>
<p>Une enquête publique a été lancée en août pour examiner le pour et le contre de la révision des normes sur la liberté d’expression : elle rendra ses conclusions le 1<sup>er</sup> juillet 2024. En s’appuyant sur des dispositifs consensuels bien rodés, l’establishment tâche de sortir d’une impasse qui place la Suède dans une position excentrée – et inconfortable – par rapport à la manière dont la majorité des pays occidentaux conçoivent l’équilibre entre droit d’expression des individus et sensibilité des communautés de foi.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220078/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Piero S. Colla ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En Suède, des activistes très hostiles à l’islam brûlent des Corans en public, ce qui vaut au pays des critiques véhémentes venues des pays musulmans mais aussi des menaces terroristes très réelles.Piero S. Colla, Chargé de cours à l’université de Strasbourg, laboratoire « Mondes germaniques et nord-européens », Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2016092023-03-29T18:19:45Z2023-03-29T18:19:45ZComment les ports de la mer Baltique s’adaptent à la nouvelle donne géopolitique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/517027/original/file-20230322-26-ttsgm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=22%2C0%2C4970%2C3330&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un porte-conteneurs quitte le port de Baltiïsk (Russie) pour entrer dans la mer Baltique, le 28&nbsp;novembre 2020. Hormis la Russie, les huit autres États riverains de cette mer sont soit déjà membres de l’OTAN, soit le seront bientôt (Suède et Finlande).
</span> <span class="attribution"><span class="source">Fedor Konoplin.Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Depuis la fin de la guerre froide, la mer Baltique, bordée par neuf pays (Allemagne, Danemark, Suède, Finlande, Pologne, Estonie, Lettonie, Lituanie et Russie) est redevenue un espace d’échanges et d’interrelations. Si elle demeure à l’écart des grandes routes maritimes qui desservent les ports ouest-européens, le dynamisme y est tout de même de mise : les taux de croissance du trafic maritime depuis le milieu des années 1990 y sont parmi les plus élevés au monde.</p>
<p>Les dynamiques portuaires et l’évolution du trafic maritime sont révélatrices des changements géo-éco-politiques à l’œuvre. Au moment où la Finlande et la Suède s’apprêtent à rejoindre l’OTAN, dans un contexte marqué notamment par de <a href="https://www.lexpress.fr/monde/europe/guerre-en-ukraine-tout-comprendre-aux-tensions-autour-de-l-enclave-russe-de-kaliningrad_2175707.html">fortes tensions autour de l’enclave russe de Kaliningrad</a> et les <a href="https://theconversation.com/la-lituanie-fer-de-lance-de-lue-et-de-lotan-face-a-la-russie-199491">rapports exécrables entre Moscou et les pays baltes</a> du fait de la guerre en Ukraine, il est utile de braquer le projecteur sur cette zone.</p>
<h2>Une croissance soutenue mais soumise à des soubresauts (géo)politiques</h2>
<p>Le système portuaire baltique se caractérise par des disparités entre les rives, voire entre les ports eux-mêmes.</p>
<p>Sur la rive orientale, les ports étaient spécialisés en fonction de leur situation sur le territoire soviétique comme Ventspils pour le pétrole ou Riga pour le faible trafic conteneurisé d’alors. Suite au démantèlement de l’URSS, la Russie, acteur régional majeur, a connu une importante perte de capacité portuaire, à laquelle elle a dû remédier en se tournant vers les ports des pays voisins, notamment le port estonien de Tallinn. Ainsi, son voisinage a d’abord été une opportunité sur laquelle se sont appuyés les ports de la région pour se développer.</p>
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<p>De fait, même si à partir du début des années 2000, la Russie a commencé à prôner l’évitement des ports non russes, les flux de marchandises sont restés fluides et massifs (en 2010, le transit de marchandises de la CEI représentait encore près de 80 % des trafics portuaires lettons ou estoniens) jusqu’au milieu des années 2010, quand ils ont commencé à se réduire du fait de la dégradation des relations russo-occidentales consécutive à l’annexion de la Crimée et à l’appui russe aux séparatistes du Donbass.</p>
<p>Le trafic global en mer Baltique a ainsi doublé de 1997 à 2019 (Figure 1), avec une croissance plus soutenue sur la rive orientale, plutôt équitablement partagée entre tous les ports, aussi bien baltes que russes.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/514706/original/file-20230310-20-lct3dl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/514706/original/file-20230310-20-lct3dl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514706/original/file-20230310-20-lct3dl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514706/original/file-20230310-20-lct3dl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514706/original/file-20230310-20-lct3dl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514706/original/file-20230310-20-lct3dl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=607&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514706/original/file-20230310-20-lct3dl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=607&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514706/original/file-20230310-20-lct3dl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=607&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Figure 1 : Évolution du trafic des ports baltiques de 1990 à 2019. Cliquer pour zoomer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">A. Serry</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Dans le milieu des années 2000, la Russie a renforcé sa stratégie d’autosuffisance portuaire en développant ses propres capacités et en abandonnant partiellement certains oléoducs acheminant ses hydrocarbures jusqu’aux ports baltes. Les conséquences de cette politique ont d’abord été réduites et largement localisées, notamment <a href="https://www.cairn.info/revue-le-courrier-des-pays-de-l-est-2005-2-page-40.htm">sur le port letton de Ventspils</a>, autrefois spécialisé dans l’exportation d’hydrocarbures. Par la suite, la situation s’est détériorée, les sanctions économiques adoptées en 2014 à l’encontre de la Russie renforçant la concurrence interportuaire dans la région pour capter les trafics.</p>
<p>La stagnation de la demande russe et les sanctions économiques ont remis en cause la croissance partagée des trafics, au détriment notamment des ports de la Baltique orientale, fragilisés par leur hyper-dépendance à l’égard de l’économie russe. La décision de Moscou de cesser en 2018 l’exportation de ses produits pétroliers via les ports des pays baltes a radicalement changé la donne, les énergies fossiles demeurant essentielles dans la matrice des trafics importés et exportés par la quasi-totalité des ports du pourtour maritime régional.</p>
<h2>Sanctions, recul des trafics et concurrence portuaire</h2>
<p>Les événements récents ont replacé au centre de l’échiquier géostratégique les mers riveraines de la Russie, avec en exergue les approvisionnements énergétiques, qui empruntent autant la mer Baltique que les mers Noire ou d’Azov.</p>
<p>Comme l’illustrent les <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/09/27/les-gazoducs-nord-stream-touches-par-des-fuites-inexpliquees-soupcons-de-sabotage_6143382_3244.html">incidents autour du gazoduc sous-marin <em>Nordstream</em></a>, outil russe destiné à permettre à Moscou de s’émanciper des ports baltiques, la logistique du gaz naturel liquéfié (GNL) en Europe demeure largement tributaire des connexions aux réseaux de gazoducs.</p>
<p>Pour les états baltiques, la nécessité d’une diversification des approvisionnements énergétiques par voie maritime a généré un intérêt accru pour les installations dédiées au GNL. Depuis l’annexion de la Crimée en 2014, certains États ont su réduire les interdépendances. Par exemple, un premier terminal de GNL, baptisé <a href="https://www.energystream-wavestone.com/2014/12/gnl-la-lituanie-emprunte-la-voie-maritime-pour-conquerir-son-independance-energetique/"><em>Indépendance</em></a>, est devenu opérationnel dès fin 2014 à Klaipėda, ce qui permit à la <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/la-lituanie-s-interdit-d-importer-du-gaz-russe-20220628">Lituanie de devenir le premier pays européen à cesser d’importer du gaz russe</a> le 1<sup>er</sup> avril 2022.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/514707/original/file-20230310-1750-i5k8dp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514707/original/file-20230310-1750-i5k8dp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514707/original/file-20230310-1750-i5k8dp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514707/original/file-20230310-1750-i5k8dp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514707/original/file-20230310-1750-i5k8dp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514707/original/file-20230310-1750-i5k8dp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514707/original/file-20230310-1750-i5k8dp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le terminal GNL « Indépendance » à Klaipeda.</span>
<span class="attribution"><span class="source">A. Serry, 2018</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Au-delà du seul secteur énergétique, c’est bien l’ensemble de la structure des trafics et sa géographie qui sont remis en cause dans l’espace maritime et portuaire de la Baltique.</p>
<p>Ainsi, les ports de la Baltique orientale servent de <a href="https://www.cairn.info/revue-d-etudes-comparatives-est-ouest1-2015-4-page-229.htm">plates-formes de distribution d’engrais</a> vers le marché mondial. Or, ces flux historiques sont liés à la présence d’importants producteurs d’engrais azotés utilisant le gaz naturel russe comme matière première dans l’ouest de la Russie et en Biélorussie.</p>
<p>Avec près de la moitié du total manutentionné, un port domine les flux d’engrais dans la région : c’est celui de Klaipeda, où cette seule commodité représente jusqu’à 32 % du trafic du port lituanien depuis le début des années 2000. À partir de 2021, la <a href="https://theconversation.com/le-soutien-total-de-la-lituanie-a-la-revolution-bielorusse-147002">condamnation par les autorités lituaniennes des agissements antidémocratiques du pouvoir biélorusse</a> est venue remettre en cause ce fonctionnement puisque les engrais sont touchés par les sanctions. Désormais, plus une seule tonne ne transite par les ports baltes et le seul port de Klaipeda a vu son trafic reculer de plus de 20 % en 2022.</p>
<p>Autre secteur encore plus volatil et stratégique, la desserte conteneurisée des ports baltiques a profondément évolué dans la région depuis février 2022 et l’entrée en guerre russe sur le sol ukrainien. Certaines compagnies maritimes ont choisi de ne plus escaler dans les ports russes. D’autres vont encore plus loin. À la mi-2022, <em>A.P. Moller-Maersk</em> <a href="https://www.maersk.com/news/articles/2022/09/13/maersk-completes-divestment-of-shares-in-global-ports">s’est retiré de <em>Global Ports Investments PLC (GPI)</em></a>, premier opérateur de terminaux à conteneurs sur le marché russe, via un échange d’actions sans contrepartie financière.</p>
<h2>Un avenir incertain</h2>
<p>L’inquiétude des acteurs ainsi que des signaux concrets comme l’encombrement des terminaux par des marchandises touchées par les sanctions ou de nombreux conteneurs vides sont révélateurs de la conjoncture compliquée. Toutefois, celle-ci profite ponctuellement à certains ports.</p>
<p>Le trafic de pétrole dans les ports russes a bondi d’une quinzaine de pourcents en 2022. Certains acteurs (occidentaux) semblent avoir fait des réserves d’hydrocarbures russes, notamment du gasoil, avant de ne plus pouvoir en acheter.</p>
<p>Les ports lettons ont pour le moment compensé leur perte de trafic par d’indispensables importations de charbon pour pallier la rupture des approvisionnements russes. Pour les conteneurs, à l’exception des ports russes, le trafic dans la région a progressé en 2022 : 24,6 % à Tallinn et 60,7 % à Klaipeda, ce dernier port ayant été inclus par les armateurs dans des lignes maritimes supplémentaires, contribuant à la croissance des volumes de manutention de conteneurs, en particulier du transbordement.</p>
<p>Néanmoins, sur un temps plus long, les ports baltiques apparaissent déstabilisés par les considérations géopolitiques, comme l’illustre l’évolution des trafics des ports de la région entre 2013 et 2022 (cf. Figure 2).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/514709/original/file-20230310-14-4okcq0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/514709/original/file-20230310-14-4okcq0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514709/original/file-20230310-14-4okcq0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514709/original/file-20230310-14-4okcq0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514709/original/file-20230310-14-4okcq0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514709/original/file-20230310-14-4okcq0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=491&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514709/original/file-20230310-14-4okcq0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=491&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514709/original/file-20230310-14-4okcq0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=491&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Figure 2 : Évolution des trafics portuaires des principaux ports baltiques de 2013 à 2022. Cliquer pour zoomer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">A. Serry</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>À terme, les ports les mieux intégrés dans les réseaux maritimes (conteneurisés), mais aussi les plus diversifiés en termes de marchandises et d’arrière-pays (l’arrière-pays ou hinterland est l’aire d’attraction et de desserte continentale d’un port ou en termes économiques son aire de marché continentale), sont ceux qui devraient le mieux s’en sortir ; c’est le cas de Gdańsk en Pologne, Klaipėda en Lituanie ou des ports finlandais.</p>
<p>Les crises successives affectant les ports baltiques sont-elles en train de modifier leur rôle ? La majorité des ports de la façade orientale perdent leur vocation d’interface avec l’espace post-soviétique en faveur d’un rapprochement entre les deux rives baltiques via leur insertion dans des réseaux structurés autour des pôles majeurs du transport maritime mondial.</p>
<p>Il apparaît clairement que la façade orientale de la Baltique pâtit des événements en Biélorussie et en Ukraine alors qu’à l’ouest, les ports s’en sortent mieux. Cependant, ce développement demeure fragile car largement exposé aux incertitudes géopolitiques internationales, aux décisions unilatérales du Kremlin et aux tensions énergétiques globales qui impactent directement les flux maritimes.</p>
<p>Consolider une stratégie « médiane », pérenniser leurs trafics, participer à assurer la sécurité des États sans compromettre le voisinage régional et continental, tel semble être désormais l’enjeu majeur qui concerne quasiment tous les ports baltiques.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été co-écrit avec Yann Alix, <a href="https://www.sefacil.com/">Fondation SEFACIL</a></em>_</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201609/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les bouleversements géostratégiques en cours ont un impact direct sur la mer Baltique, important espace d’échanges entre la Russie et l’Europe.Arnaud Serry, Maitre de conférences en géographie, Université Le Havre NormandieBrigitte Daudet, Professeur de développement économique et territorial, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1974662023-01-17T17:49:56Z2023-01-17T17:49:56ZSuède et Italie : la droite radicale au gouvernement<p>Des <a href="https://theconversation.com/etats-unis-la-democratie-en-sursis-196524">États-Unis</a> à la France, en passant par les laboratoires revendiqués de la « démocratie illibérale » que sont la <a href="https://confrontations.org/admin/le-tournant-illiberal-de-la-hongrie-et-de-la-pologne/">Pologne et la Hongrie</a>, la portée transnationale de la montée en puissance des partis radicaux-populistes de droite dans les pays occidentaux est indiscutable.</p>
<p>Depuis une quinzaine d’années, les politologues tâchent d’en capturer le dénominateur commun en multipliant les concepts (<a href="https://www.lapresse.ca/international/europe/201712/18/01-5147616-lonu-sinquiete-dun-courant-ethno-nationaliste-en-europe.php">« ethno-nationalisme »</a>, <a href="https://www.cairn.info/les-grandes-idees-politiques--9782361064488-page-109.htm">« national-populisme »</a>, <a href="https://www.populismstudies.org/Vocabulary/welfare-chauvinism/">« welfare-chauvinism »</a>) et en tentant de mettre en évidence ce que tous ces mouvements ont en partage.</p>
<p>Le succès quasi simultané des Démocrates de Suède (SD) et des <em>Fratelli d’Italia</em> (FdI) aux législatives tenues dans les deux pays les 11 et 25 septembre 2022 est un test probant de cet effet d’entraînement à l’échelle de l’Europe. Et cela, d’autant plus que ces résultats détonent par rapport aux traditions politiques des deux pays après 1945.</p>
<p>Totalisant 20,5 % des suffrages aux <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/09/12/elections-legislatives-en-suede-l-extreme-droite-a-son-plus-haut-dans-des-resultats-partiels-tres-serres_6141178_3210.html">élections législatives</a>, les SD sont devenus le deuxième parti de Suède et ont été intégrés à la nouvelle majorité, aux côtés de trois formations de centre-droit. Forts de leurs 26 %, les FdI se sont imposés comme le premier parti italien et leur présidente, Giorgia Meloni, a accédé au poste de premier ministre.</p>
<p>Quelles analogies peut-on déceler entre les trajectoires que ces deux <em>outsiders</em> ont connues dans le champ politique, de l’ostracisme des débuts aux responsabilités de gouvernement d’aujourd’hui ?</p>
<h2>Désenchantement et désagrégation du cadre politique : deux conditions similaires</h2>
<p>Apparentées par un engagement commun, au Parlement européen, au sein du <a href="https://www.ecrgroup.eu/">groupe des Conservateurs et Réformistes</a> (ECR), ainsi que dans le parti du même nom, dont Meloni est la présidente, les deux formations n’ont toutes deux longtemps existé, politiquement parlant, qu’en tant que forces d’opposition. Annoncée par une progression ascendante d’une dizaine d’années, leur percée s’explique par l’accumulation de facteurs qui ont, en <a href="https://politiqueinternationale.com/revue/n161/article/suede-la-montee-en-puissance-de-lextreme-droite">Suède</a> comme en <a href="https://www.20minutes.fr/monde/1010181-20120925-scandale-lazio-accroit-discredit-hommes-politiques-italie">Italie</a>, contribué à discréditer les classes dirigeantes.</p>
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<p>La concomitance de trois crises (démographique, budgétaire et sociale) a créé les circonstances idéales pour nourrir l’argument de campagne de la droite radicale : un patriotisme à la fois victimaire et revanchard. À l’échelle de l’UE, <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMAnalyse/3127">Suède</a> et <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/litalie-sinquiete-de-lafflux-de-migrants-a-ses-frontieres-1314314">Italie</a> se trouvent exposées de manière particulièrement aiguë aux aléas des flux migratoires. L’aggravation du phénomène est intervenue sur fond d’une instabilité chronique de la gouvernance politique, marquée par le brouillage des frontières idéologiques. La droite radicale y a trouvé l’occasion d’étayer sa crédibilité, en capitalisant sur sa capacité à incarner la seule opposition se réclamant, de manière cohérente et univoque, de l’intérêt national.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les élections législatives en Suède aboutissent à l’arrivée au pouvoir des SD.</span></figcaption>
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<p>En Italie, les dix dernières années ont été marquées par <a href="https://theconversation.com/la-politique-italienne-est-elle-vraiment-atteinte-dinstabilite-chronique-187812">l’alternance</a> entre des gouvernements d’union dirigés par des technocrates, et des coalitions dirigées par des personnalités externes au Parlement (Matteo Renzi de 2014 à 2016, puis Giuseppe Conte, de 2018 à 2021). De l’ancien commissaire UE Mario Monti (2011-2013) à l’ex-président de la BCE Mario Draghi (2021-2022), en passant par l’ancien ministre des Affaires étrangères Paolo Gentiloni (2016-2018), l’ascendant des premiers ministres a souvent été le seul recours face au blocage induit par la conflictualité des factions internes aux partis – sur fond d’attaques spéculatives, puis d’urgences sanitaires qui imposaient des choix impopulaires et des gages de fiabilité face à Bruxelles.</p>
<p>En Suède, depuis 2014, le monopole idéologique de la social-démocratie, autant que l’alternative incarnée par la droite néolibérale, ont été <a href="https://information.tv5monde.com/info/legislatives-en-suede-vers-la-fin-du-modele-social-democrate-258992">ébranlés</a> par l’impossibilité de chacun des deux blocs à réunir une majorité parlementaire. Le pays a été exposé à d’exténuantes <a href="https://www.touteleurope.eu/vie-politique-des-etats-membres/suede-le-parlement-renverse-le-gouvernement-une-premiere-dans-l-histoire-du-royaume/">vacances du pouvoir</a>, suivies de coalitions transversales à géométrie variable : accords rendus précaires par la divergence des positions sur des dossiers tels que le nucléaire, l’engagement dans les enjeux climatiques, la réponse à l’insécurité.</p>
<h2>Un nationalisme décomplexé</h2>
<p>Les grandes coalitions, au profil flou, qui ont régi les deux pays, ont impliqué une rupture avec des mœurs politiques bien ancrées, ce qui a nourri la désagrégation des grands partis de centre-gauche et centre-droit. En attestent, en Italie, le <a href="https://www.contretemps.eu/italie-dans-une-democratie-moribonde-cest-lextreme-droite-qui-lemporte/">déclin très rapide de Forza Italia et du Parti démocrate</a>, ainsi que l’émergence d’un <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2018/03/05/qu-est-ce-que-le-mouvement-5-etoiles_5266001_3214.html">sentiment antitechnocratique</a>, hostile à toute forme d’expertise. Le rôle de cette dernière durant la crise de la Covid-19 ne pouvait qu’accentuer la polarisation, qui a fini par favoriser le message manichéen martelé par les partis de droite radicale : la réinstauration de la souveraineté nationale, et l’appel viscéral aux valeurs-refuges dans lesquelles elle se reflète.</p>
<p>Le handicap à surmonter, pour ces partis, était le stigmate de l’« extrémisme » lié à leurs racines idéologiques anti-démocratiques : les DS comme les FdI sont parvenus, ces dernières années, à convertir ce stigmate en une sorte de label d’engagement « patriotique ». Ce nationalisme décomplexé se manifeste, en Italie comme en Suède, par un euroscepticisme tempéré (la proposition de sortir de l’euro ou de renégocier les traités, dans le cas de Meloni, a été discrètement évacuée depuis les résultats du Brexit) et par la focalisation sur la lutte contre l’immigration. Celle-ci est présentée comme la solution à la plupart des problèmes du pays, de l’insécurité au financement de la sécurité sociale.</p>
<p>Le penchant des deux partis pour une politique isolationniste n’exclut pas des convergences embarrassantes. Autant <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/italie-5-choses-a-savoir-sur-giorgia-meloni-la-candidate-dextreme-droite-qui-pourrait-arriver-au-pouvoir-1782899">Meloni</a> qu’<a href="https://www.aa.com.tr/en/europe/right-wing-swedish-democrats-slammed-as-security-risk-by-ruling-party/2675442">Åkesson</a> n’ont pas manqué de signifier, en tout cas jusqu’à l’invasion de l’Ukraine en février 2022, leur sympathie à l’égard de Vladimir Poutine et de son modèle de leadership.</p>
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<p>Autre analogie : le fort élément de personnalisation présent dans les deux formations. SD et FdI ont littéralement grandi avec leurs leaders actuels. Jimmie Åkesson (43 ans aujourd’hui) a pris la tête du parti à 27 ans, et Meloni a participé, en 2012, à 35 ans, au divorce de la droite postfasciste de l’expérience éphémère du <a href="https://www.lefigaro.fr/international/2009/03/28/01003-20090328ARTFIG00206-berlusconi-fonde-le-parti-unique-de-la-droite-italienne-.php">parti unique du centre-droit</a> voulu par Silvio Berlusconi, et s’est emparée de FdI deux ans plus tard.</p>
<p>Les deux leaders monopolisent le temps de parole dévolu à leurs partis respectifs dans les médias : leurs discours, qui empruntent volontiers le canal des médias sociaux, sont souvent axés (à l’instar de <a href="https://www.lefigaro.fr/vox/monde/giorgina-meloni-par-elle-meme-les-extraits-de-sa-biographie-20221209">l’autobiographie de Meloni</a>, sortie en 2021) sur les vicissitudes familiales et sur les émotions du leader.</p>
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<figcaption><span class="caption">Italie : qui est Giorgia Meloni ? TV5 Monde, 23 septembre 2022.</span></figcaption>
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<p>Le succès de la quête de dé-diabolisation des deux partis doit beaucoup à cette métamorphose « pop ». L’héritage antidémocratique dont ils sont issus les avait cantonnés au-delà d’un cordon sanitaire qui interdisait toute alliance (un cordon jusqu’à récemment plus hermétique dans le cas de la Suède, FdI étant formée en grande partie d’ex-alliés du mouvement de Berlusconi).</p>
<p>Fondé en 1988, SD est issu de la fusion d’une constellation de groupuscules anti-immigrés, avec une composante raciste et négationniste affichée. L’empreinte de cet héritage, en dépit de l’effort de l’actuel leadership pour s’en démarquer, demeure visible, et s’est exprimée, encore en 2022, par des dérapages plus qu’embarrassants. Le cas d’une <a href="https://www.i24news.tv/fr/actu/international/europe/1665996513-une-responsable-des-democrates-suedois-suspendue-apres-un-message-controverse-sur-anne-frank">responsable du parti proférant sur Instagram des insultes</a> contre la mémoire d’Anne Frank est loin d’être isolé.</p>
<p>Dans le cas des FdI, on a plutôt affaire à une réaffirmation identitaire qu’à une continuité directe : le <a href="https://www.tf1info.fr/international/elections-legislatives-en-italie-la-flamme-ce-sulfureux-symbole-d-extreme-droite-choisi-par-fratelli-d-italia-de-giorgia-meloni-2233219.html.">parti exprimant au sens littéral le « retour de flamme » du MSI</a>, parti historique de la droite radicale, en rupture à la fois contre la dissociation explicite vis-à-vis du fascisme, prônée par son ancien secrétaire Gianfranco Fini, et contre la dissolution dans le projet plébiscitaire de Berlusconi.</p>
<h2>Une politique de l’histoire – ou de la nostalgie ?</h2>
<p>Avec des accents différents, la réappropriation de l’histoire (teintée de révisionnisme) est le fer de lance de la stratégie des deux partis. En 2016, la radicalisation du projet des FdI fut marquée par le reproche, adressé au premier ministre Renzi, d’avoir choisi le jour anniversaire de la fondation du Royaume d’Italie (17 mars 1861) pour « brader » les intérêts du pays lors d’un Conseil européen consacré aux migrants.</p>
<p>FdI entretient une relation compliquée avec la commémoration du 25 avril (date de <a href="https://lepetitjournal.com/milan/actualites/le-25-avril-pourquoi-le-fete-t-en-italie-228956">l’insurrection contre le nazi-fascisme en 1945</a>) ; après sa victoire aux élections, le parti a réitéré la proposition de reconnaître le 17 mars comme fête nationale, pour sceller la solidarité retrouvée entre tous les Italiens. Ses premières mesures au gouvernement ont été symboliques : insertion de renvois aux termes « souveraineté », « Made in Italy » et « natalité » dans les appellations des ministères, criminalisation des « rave parties »… – une stratégie qui cache les impasses au niveau de la gestion de la question migratoire (à peine occultées derrière les polémiques avec l’UE) et les urgences économiques, à commencer par l’application du <a href="https://commission.europa.eu/business-economy-euro/economic-recovery/recovery-and-resilience-facility/italys-recovery-and-resilience-plan_fr.">plan de relance européen</a>, rendue compliquée par les tensions entre partis partenaires et entre intérêts régionaux. Le détour par le virtuel offre un recours facile : il convoque une image d’Épinal, y compris au niveau de la politique familiale. Une société sous cloche, arborant face à la mondialisation la fierté pour sa culture et ses productions traditionnelles.</p>
<p>Le point de rencontre entre FdI et SD pourrait bien se résumer à un usage judicieux de l’arme de la nostalgie. Autant dans sa théorie que dans son discours, le parti d’Åkesson a peaufiné une alchimie qui n’est pas sans rappeler l’argumentaire des populistes <a href="https://www.lepoint.fr/elections-europeennes/thierry-baudet-la-nouvelle-figure-du-populisme-neerlandais-28-05-2019-2315449_2095.php">néerlandais</a> et <a href="https://www.liberation.fr/planete/2019/06/04/au-danemark-la-victoire-ideologique-de-l-extreme-droite_1731603/">danois</a> : elle combine un vieil arsenal xénophobe avec l’éloge du bilan du « modèle suédois », en associant ses mots-clés (« solidarité », « sécurité », « État-providence ») aux vertus d’un entre-soi mis à mal par la mondialisation.</p>
<p>Le slogan de campagne de 2022 (« La Suède doit redevenir <em>un bon pays</em> ») rappelle un adage plus percutant (« Rendez-nous la Suède ! ») utilisé il y a quelques années. La phrase était plaquée sur une photo rappelant une affiche touristique, qui mettait en scène la course insouciante d’un groupe d’enfants blonds dans un pré. Dans un contexte anxiogène (le pays a connu la plus forte augmentation en Europe des délits occasionnés par des règlements de comptes <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/la-suede-face-a-la-violence-meurtriere-des-gangs-1787105">entre gangs criminels</a>), le message a été d’autant plus porteur que la totalité du spectre politique se range désormais derrière l’éloge de la « suédicité » (<em>svenskhet</em>). En Suède comme en Italie, la course des partis de droite radicale vers une nouvelle hégémonie culturelle n’a pas encore atteint son but : mais tous ses ingrédients sont bel et bien réunis.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197466/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Piero S. Colla ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les partis d’extrême droite « Démocrates de Suède », qui participe au gouvernement à Stockholm, et « Frères d’Italie », qui dirige celui de Rome, ont bien des points en commun.Piero S. Colla, Chargé de cours à l’université de Strasbourg, laboratoire « Mondes germaniques et nord-européens », Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1891792022-08-26T13:41:43Z2022-08-26T13:41:43ZCovid-19 : la surmortalité en Suède durant la pandémie a été parmi les plus faibles d’Europe<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/481200/original/file-20220825-17-gbap46.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=34%2C0%2C3844%2C2554&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des gens sont attablés dans un café de Stockholm, lei 8 avril 2020. Le gouvernement suédois a fait le choix d'imposer peu de mesures restrictives afin de lutter contre la Covid-19.</span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Andres Kudacki, File)</span></span></figcaption></figure><p>Alors que la plupart des pays du monde ont fermé leurs frontières au début de la pandémie de Covid-19, la <a href="https://theconversation.com/sweden-under-fire-for-relaxed-coronavirus-approach-heres-the-science-behind-it-134926">Suède est restée accessible</a>.</p>
<p>L’approche du gouvernement a été controversée, certains la qualifiant d’ <a href="https://bristoluniversitypress.co.uk/the-swedish-experiment">« expérience suédoise »</a>. Mais près de deux ans et demi après le début de la pandémie, que pouvons-nous dire aujourd’hui des résultats de cette « expérience » ?</p>
<p>Tout d’abord, rappelons en quoi consistait la stratégie de la Suède. Le pays s’en est largement tenu à son <a href="https://www.folkhalsomyndigheten.se/contentassets/b6cce03c4d0e4e7ca3c9841bd96e6b3a/pandemiberedskap-hur-vi-forbereder-oss-19074-1.pdf">plan de lutte contre la pandémie</a>, élaboré à l’origine pour être utilisé en cas de pandémie de grippe. Au lieu d’un confinement, l’objectif était de parvenir à une distanciation sociale par le biais de recommandations de la santé publique.</p>
<p>Les Suédois ont été encouragés à travailler à domicile dans la mesure du possible et à <a href="https://www.folkhalsomyndigheten.se/nyheter-och-press/nyhetsarkiv/2020/mars/tank-over-om-resan-verkligen-ar-nodvandig/">limiter leurs déplacements</a> à l’intérieur du pays. En outre, il a été demandé aux personnes <a href="https://www.folkhalsomyndigheten.se/nyheter-och-press/nyhetsarkiv/2020/mars/personer-over-70-bor-begransa-sociala-kontakter-tills-vidare/">âgées de 70 ans ou plus</a> de restreindre leurs contacts sociaux, et à celles présentant des <a href="https://www.folkhalsomyndigheten.se/nyheter-och-press/nyhetsarkiv/2020/mars/ny-fas-kraver-nya-insatser-mot-Covid-19/">symptômes de Covid-19</a> de s’isoler. L’objectif était de protéger les personnes âgées et les autres groupes à haut risque tout en ralentissant la propagation du virus afin de ne pas surcharger le système de santé.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-suede-est-tres-relax-face-au-coronavirus-voici-la-science-derriere-cette-decision-135018">La Suède est très relax face au coronavirus. Voici la science derrière cette décision</a>
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<h2>Un marathon, et non pas un sprint</h2>
<p>Lorsque le nombre de cas a augmenté, certaines restrictions ont été imposées. À la fin mars 2020, on a imposé une <a href="https://www.regeringen.se/artiklar/2020/03/forbud-mot-allmanna-sammankomster-eller-offentliga-tillstallningar-med-fler-an-50-deltagare/">limite de 50 personnes</a> pour les événements publics, et de <a href="https://www.regeringen.se/pressmeddelanden/2020/11/max-atta-personer-vid-allmanna-sammankomster-och-offentliga-tillstallningar/">8 personnes</a> en novembre 2020. Les visites dans les maisons de retraite <a href="https://www.regeringen.se/pressmeddelanden/2020/03/nationellt-besoksforbud-pa-aldreboenden/">ont été interdites</a> et les <a href="https://www.folkhalsomyndigheten.se/nyheter-och-press/nyhetsarkiv/2020/mars/larosaten-och-gymnasieskolor-uppmanas-nu-att-bedriva-distansundervisning/">établissements de niveau secondaire supérieur ont été fermés</a>. Les écoles primaires sont toutefois restées ouvertes tout au long de la pandémie.</p>
<p>Le port du masque n’était pas obligatoire pour le grand public pendant la première vague, et seulement dans <a href="https://sverigesradio.se/artikel/7639458">certaines situations</a> plus tard dans la pandémie.</p>
<p>Au printemps 2020, le taux de décès liés à la Covid-19 rapporté en Suède figurait parmi les <a href="https://www.aftonbladet.se/nyheter/a/8mgXb2/sverige-har-nu-hogst-dodlighet-i-varlden-i-Covid-19">plus élevés au monde</a>. Les pays voisins qui ont mis en place des mesures de confinement rapide, comme la Norvège et le Danemark, s’en sortaient beaucoup mieux, et la Suède a été <a href="https://time.com/5899432/sweden-coronovirus-disaster/">durement critiquée</a> pour son approche laxiste.</p>
<p>Mais les défenseurs de la stratégie suédoise affirmaient qu’elle serait payante à long terme, soutenant que les mesures radicales n’étaient pas durables et que la pandémie était un <a href="https://www.bbc.com/news/world-europe-53498133">marathon</a>, et non un sprint.</p>
<h2>Alors, l’approche de la Suède a-t-elle fonctionné ?</h2>
<p>Considérons la surmortalité comme l’un des principaux exemples. Cette mesure se base sur le nombre total de décès et le compare aux niveaux d’avant la pandémie, en tenant compte de sa portée plus large et des déclarations erronées relatives aux décès dus à la Covid.</p>
<p>Bien que la Suède ait été durement touchée par la première vague, la <a href="https://www.thelancet.com/article/S0140-6736(21)02796-3/fulltext">surmortalité</a> totale au cours des deux premières années de la pandémie a été en fait parmi les <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Excess_mortality_-_statistics">plus basses</a> en <a href="https://www.who.int/data/stories/global-excess-deaths-associated-with-Covid-19-january-2020-december-2021">Europe</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/immunite-collective-contrairement-aux-pays-confines-la-suede-serait-pres-dy-arriver-137192">Immunité collective : contrairement aux pays confinés, la Suède serait près d’y arriver</a>
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<p>En date de cette semaine, la Suède a enregistré 19 682 décès de la Covid-19, pour une population de 10,35 millions d’habitants (en guise d’exemple, le Québec a enregistré 16 222 décès sur une population de 8,4 millions d’habitants).</p>
<p>La décision de garder les écoles primaires ouvertes a également été fructueuse. L’incidence de la Covid aiguë sévère chez les enfants <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMc2026670">est demeurée faible</a>, et une étude récente a montré que les enfants suédois n’ont pas subi les conséquences de la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0883035522000891">perte d’apprentissage</a> observée dans de nombreux autres pays.</p>
<p>Dans cette optique, la stratégie suédoise est passée du statut de <a href="https://time.com/5899432/sweden-coronovirus-disaster/">« désastre »</a> et de <a href="https://www.nytimes.com/2020/07/07/business/sweden-economy-coronavirus.html">« mise en garde »</a> à celui de <a href="https://washingtonmonthly.com/2022/04/19/what-sweden-got-right-about-Covid/">« succès scandinave »</a>. Mais pour tirer des conclusions pertinentes, il est essentiel de creuser un peu plus la façon dont les Suédois ont navigué à travers la pandémie.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Des gens déambulent dans une rue commerçante" src="https://images.theconversation.com/files/478736/original/file-20220811-12-czgmpl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/478736/original/file-20220811-12-czgmpl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/478736/original/file-20220811-12-czgmpl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/478736/original/file-20220811-12-czgmpl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/478736/original/file-20220811-12-czgmpl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/478736/original/file-20220811-12-czgmpl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/478736/original/file-20220811-12-czgmpl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des promeneurs à Malmö, en Suède. Le pays a été largement critiqué pour son approche concernant la Covid-19.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/sweden-june-7-2020-people-take-1751901830">Dan_Manila/Shutterstock</a></span>
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<p>Notamment, toute perception selon laquelle les Suédois ont poursuivi leur vie quotidienne pendant la pandémie comme si rien n’avait changé est fausse.</p>
<p>Dans un relevé effectué par l’Agence suédoise de santé publique au printemps 2020, <a href="https://www.folkhalsomyndigheten.se/nyheter-och-press/nyhetsarkiv/2020/juni/stor-majoritet-har-anpassat-sitt-beteende-under-pandemin/">plus de 80 %</a> des Suédois ont déclaré avoir adapté leur comportement, par exemple en pratiquant la distanciation sociale, en évitant les foules et les transports publics, et en travaillant à domicile. Les données mobiles agrégées ont confirmé que les Suédois ont réduit leurs déplacements et leur mobilité <a href="https://www.svd.se/a/6zlE8O/svenskar-forsiktigast-i-norden-under-pandemin">pendant la pandémie</a>.</p>
<p>Bien qu’ils n’étaient pas obligés de prendre des mesures contre la propagation du virus, ils l’ont tout de même fait. Cette approche volontaire n’aurait peut-être pas fonctionné partout, mais la Suède a toujours eu une grande confiance dans les autorités, et les gens <a href="https://www.thelocal.se/20160608/why-most-swedes-get-their-children-vaccinated/">ont tendance à se conformer</a> aux recommandations de la santé publique.</p>
<p>Il est également difficile de comparer les résultats de la Suède à ceux de pays non scandinaves dont les conditions sociales et démographiques sont très différentes.</p>
<h2>Forces et faiblesses</h2>
<p>Malgré les avantages que représente une absence de confinement, la réponse suédoise n’a pas été sans faille. Fin 2020, la Commission Corona, un comité indépendant nommé par le gouvernement pour évaluer la réponse suédoise à la pandémie, <a href="https://www.government.se/4af26a/contentassets/2b394e1186714875bf29991b4552b374/summary-of-sou-2020_80-elderly-care-during-the-pandemic.pdf">a constaté</a> que le gouvernement et l’Agence de santé publique avaient largement échoué dans leur volonté de protéger les personnes âgées.</p>
<p>À cette époque, près de 90 % des personnes décédées en raison de la Covid-19 en Suède avaient 70 ans ou plus. La moitié de ces personnes vivaient dans une maison de soins, et un peu moins du tiers bénéficiaient de services d’aide à domicile.</p>
<p>En effet, de nombreux problèmes relatifs aux soins aux personnes âgées en Suède sont clairement ressortis pendant la pandémie. Des lacunes structurelles telles que des effectifs insuffisants ont laissé les maisons de retraite <a href="https://www.reuters.com/article/health-coronavirus-sweden-commission-idUSKBN28P1PP">non préparées et mal équipées</a> pour faire face à la situation.</p>
<p>Dans son rapport final sur la réponse à la pandémie, la Commission Corona a conclu que des mesures plus sévères auraient dû être prises <a href="https://sverigesradio.se/artikel/corona-commission-swedens-Covid-response-was-flawed-but-allowed-freedoms">dès le début de la pandémie</a>, comme la mise en quarantaine des personnes revenant des zones à haut risque et une interdiction temporaire d’entrée en Suède.</p>
<p>La commission a toutefois déclaré que la stratégie visant à éviter tout confinement était fondamentalement raisonnable, et que l’État ne devrait jamais interférer avec les droits et libertés de ses citoyens plus qu’il n’est absolument nécessaire. La commission a également soutenu la décision de maintenir les écoles primaires ouvertes.</p>
<p>En comparaison, la Commission Corona en Norvège, l’un des rares pays d’Europe où la surmortalité est inférieure à celle de la Suède, a conclu que, bien que la gestion de la pandémie en Norvège ait été généralement bonne, les enfants ont été <a href="https://www.regjeringen.no/contentassets/d0b61f6e1d1b40d1bb92ff9d9b60793d/no/pdfs/nou202220220005000dddpdfs.pdf">durement touchés</a> par les confinements, et les autorités ne les ont pas protégés de manière adéquate.</p>
<p>La stratégie de la Suède visait à réduire la propagation du virus, mais aussi à prendre en compte d’autres aspects de la santé publique et à protéger la liberté et les droits fondamentaux. Si l’approche suédoise reste controversée, la plupart des pays adoptent aujourd’hui des mesures semblables face à la pandémie persistante.</p>
<p>Avec le recul, il semble un peu injuste que le pays, qui a suivi son plan adopté avant la pandémie, soit celui accusé d’avoir mené une expérience sur sa population. La Suède devrait sans doute être plutôt considérée comme la population de référence, alors que l’expérience se déroulait dans les autres pays du monde.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189179/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>De 2018 à 2021, Emma Frans a occupé un rôle d'ambassadrice de la démocratie dans le cadre de The Committee for a Strong Democracy in Sweden. Ce rôle a été nommé par le gouvernement en place d'octobre 2014 à janvier 2019.
</span></em></p>Bien que la Suède ait été durement touchée par la première vague, la surmortalité totale du pays au cours des deux premières années de la pandémie a été parmi les plus faibles d’Europe.Emma Frans, Senior research specialist, C8 Department of Medical Epidemiology and Biostatistics, Karolinska InstitutetLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1831472022-05-16T19:47:55Z2022-05-16T19:47:55ZCandidature de la Finlande et de la Suède à l’OTAN : rester neutre n’est plus possible en Europe<p>Un nouveau Rubicon vient d’être franchi en Europe, sous le choc de la guerre en Ukraine : dimanche 15 mai, le Royaume de Suède et la République de Finlande ont officiellement <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/05/15/la-finlande-officialise-sa-candidature-historique-a-l-otan-la-suede-prete-a-suivre_6126228_3210.html">déposé leur candidature</a> pour devenir membres de plein droit de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN).</p>
<p>Ce développement dissipe-t-il seulement un artifice diplomatique, puisque ces deux États étaient déjà partis au <a href="https://www.nato.int/cps/fr/natohq/topics_50349.htm">Partenariat pour la Paix de l’OTAN</a> depuis 1994 et participaient, à ce titre, à de nombreuses activités militaires et diplomatiques de l’Alliance ? Ou bien s’agit-il d’une étape supplémentaire dans la polarisation stratégique du continent ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/guerre-en-ukraine-de-leurope-en-miettes-a-leurope-en-blocs-179392">Guerre en Ukraine : de l’Europe en miettes à l’Europe en blocs ?</a>
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<p>Ce qui est sûr, c’est que cette double candidature change la donne pour les deux États nordiques et pour la Fédération de Russie. Au-delà, elle manifeste aussi l’accélération de la recomposition stratégique à l’œuvre dans tout l’hémisphère nord. La principale victime de ces adhésions sera sans conteste l’autonomie stratégique européenne hors de l’OTAN.</p>
<h2>La fin d’un hiver stratégique de deux siècles pour la Suède</h2>
<p>Vues de Paris, Bruxelles ou Berlin, les postures stratégiques des deux États nordiques peuvent paraître similaires : historiquement attachées à leurs neutralités respectives, ces deux sociétés ont vécu le début de l’invasion de l’Ukraine, il y a un peu moins de trois mois, comme un « wake-up call » stratégique. Toutefois, leurs candidatures officielles à l’OTAN constituent deux ruptures sensiblement différentes pour l’une et pour l’autre.</p>
<p>Pour le Royaume de Suède, la neutralité est <a href="https://cqegheiulaval.com/neutralite-et-non-alliance-entre-tradition-et-evolution-dans-la-politique-etrangere-suedoise/">très ancienne</a>, délibérément choisie, et concourt à son prestige international. Voulue en 1812 par l’ancien maréchal d’Empire <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/bernadotte-charles-xiv/">Jean-Baptiste Bernadotte</a> devenu roi de Suède et de Norvège sous le nom de Charles XIV (1818-1844), elle était destinée à éviter au Royaume d’être enrôlé d’un côté ou de l’autre dans les guerres napoléoniennes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1525888059891404801"}"></div></p>
<p>Ancienne <a href="https://www.herodote.net/Une_grande_puissance_europeenne_1560_1720_-synthese-2434.php">grande puissance au XVIIᵉ siècle</a>, la Suède avait une tradition militaire affirmée, une volonté de domination régionale maintes fois revendiquée et des litiges avec plusieurs États de l’espace baltique et est européen. La neutralité en temps de guerre (et son corollaire, la non-participation aux alliances militaires en temps de paix) a permis à la Suède de réaliser une <a href="https://www.persee.fr/doc/rnord_0035-2624_1979_num_61_240_3570">révolution industrielle</a> puis un développement économique remarquable durant deux siècles, à l’abri des conflits européens puis mondiaux. De sorte que le pacifisme, d’abord vécu en déclin, est devenu une image de marque de la Suède.</p>
<p>Présenter sa candidature aujourd’hui à l’OTAN est, pour la Suède, une <a href="https://www.cairn.info/revue-defense-nationale-2022-5-page-27.html">césure stratégique</a> : ses efforts de réarmement – notamment de <a href="https://www.letelegramme.fr/monde/gotland-face-au-reveil-russe-la-suede-remilitarise-une-ile-de-la-baltique-17-04-2019-12261853.php">l’île de Gotland</a>, au milieu de la Baltique – trouvent aujourd’hui un aboutissement inattendu. Désormais, la Suède pourrait redevenir partie à un conflit armé au sein de l’OTAN. Le célèbre <a href="https://www.nato.int/cps/en/natohq/topics_110496.htm">article 5 du Traité de l’Atlantique Nord</a> prévoit en effet une assistance automatique en cas d’agression d’un autre membre de l’Alliance. Même si une attaque de la Russie contre la Suède est encore improbable aujourd’hui, les points de friction sont importants en Baltique – <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/revue-de-presse-internationale/a-la-poursuite-d-octobre-rouge-en-mer-baltique-2143444">où les sous-marins russes opèrent</a> – et <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/un-monde-d-avance/otan-derriere-l-adhesion-de-la-finlande-et-de-la-suede-le-grand-enjeu-de-l-arctique_5106337.html">dans l’espace arctique</a>. La glace sereine de la neutralité suédoise est aujourd’hui rompue.</p>
<h2>Adieu la finlandisation</h2>
<p>Pour la Finlande, les enjeux sont bien différents.</p>
<p>Ancien <a href="https://mjp.univ-perp.fr/constit/fin1809.htm">territoire de l’empire tsariste</a> durant le XIX<sup>e</sup> siècle, cet État n’a acquis sont <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/finlande/2-la-conquete-de-l-independance/">indépendance</a> qu’à la faveur de la Révolution russe de 1917. Et les relations avec l’URSS ont été particulièrement tumultueuses.</p>
<p>En effet, après les <a href="https://www.secondeguerre.net/articles/evenements/es/39/ev_russofinlandais.html">guerres d’hiver (1939-1940)</a> puis de <a href="https://ehne.fr/fr/encyclopedie/th%C3%A9matiques/guerres-traces-m%C3%A9moires/fronts-de-guerre/la-%C2%AB%C2%A0guerre-de-continuation%C2%A0%C2%BB-sovi%C3%A9to-finlandaise-25-juin-1941-19-septembre-1944">continuation (1941-1945)</a> avec l’URSS, le jeune État finlandais a perdu tout à la fois un territoire économiquement et culturellement essentiel, la <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2005/03/04/la-carelie-annexee-par-staline-hante-les-relations-entre-la-finlande-et-la-russie_400318_3214.html">Carélie</a>, et la possibilité de mener une politique étrangère autonome.</p>
<p>En Finlande, la neutralité est subie, et résulte d’une défaite contre le grand voisin. Elle est en outre vécue comme une humiliation prolongée par de nombreux Finlandais pour lesquels la « finlandisation » est tout sauf une fierté nationale. Le contraste avec la Suède, qui a choisi la neutralité comme condition de sa réussite économique et qui l’a tourné en signe de prestige, est patent. En lançant un <a href="https://www.lefigaro.fr/international/le-parlement-finlandais-entame-le-debat-sur-l-adhesion-a-l-otan-20220419">débat rapide et dense</a> sur son réalignement stratégique, la Finlande a véritablement brisé un tabou. En effet, le pays partage avec la Fédération de Russie 1 300 km de frontières. Il est particulièrement vulnérable aux incursions aériennes, navales et même terrestres de la part de la Russie. À Helsinki, le dilemme était donc presque existentiel : soit maintenir cette <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/02/02/crise-ukrainienne-l-hypothese-de-la-finlandisation-ou-la-neutralite-obligee_6111937_3232.html">« finlandisation »</a> imposée par l’URSS dans l’espoir d’une certaine sécurité face à une puissance militaire active à ses portes, soit bénéficier de l’assurance-vie de l’article 5… au risque de provoquer la Russie.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/p0BDandGGUw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Ukraine : la Finlande demande l’adhésion à l’OTAN et rompt avec sa neutralité militaire (France 24, 16 mai 2022).</span></figcaption>
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<p>Le risque stratégique pris par la Finlande souligne le tournant pris par les relations internationales en Europe depuis trois mois : membre de l’UE depuis 1995, cette république nordique considère que les garanties de sécurité données par la solidarité européenne sont insuffisantes face à la Russie ; elle affirme également sur la scène européenne la fin du gel de son positionnement stratégique car elle efface ainsi la « finlandisation » que plusieurs mouvements finlandais <a href="https://www.europeanleadershipnetwork.org/commentary/the-nato-divide-in-finnish-politics/">considèrent depuis longtemps</a> comme une marque de minorité politique ; elle annonce, enfin, que le rapprochement avec les États-Unis sera désormais le cap de sa politique étrangère.</p>
<p>Par-delà les différences significatives entre Suède et Finlande, leurs candidatures respectives à l’OTAN marquent, pour la région baltique, l’entrée dans une période de tensions croissantes, de réarmement accéléré et d’instabilité. En effet, cette candidature clarifie ou radicalise la donne stratégique baltique en faisant disparaître une zone tampon marquée par une neutralité en <a href="http://oap.unige.ch/journals/connexe/article/view/343">partenariat libre avec l’OTAN</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1516371195981094912"}"></div></p>
<p>Bientôt, les côtes baltiques seront très majoritairement celles de l’OTAN, car l’Allemagne, la Pologne et les trois États baltes sont déjà parties au Traité de l’Atlantique Nord. Bientôt, les deux États accentueront leurs efforts de <a href="https://fr.euronews.com/2022/03/11/la-guerre-en-ukraine-pousse-la-suede-et-la-finlande-a-renforcer-leur-defense">réarmement significatif</a>, que leurs finances publiques et leurs appareils industriels leur permettent. Bientôt, des troupes de l’OTAN pourront être déployées sur ces territoires au contact de zones stratégiques pour les forces armées russes.</p>
<p>Toutes ces évolutions changeront la politique intérieure en Suède et en Finlande. Mais, en outre, cela radicalisera assurément la position russe dans la région.</p>
<h2>Un nouveau revers pour la Russie</h2>
<p>La force de la <a href="https://www.lemonde.fr/international/live/2022/05/16/guerre-en-ukraine-en-direct-les-candidatures-de-la-suede-et-de-la-finlande-a-l-otan-sont-une-grave-erreur-selon-la-russie_6126266_3210.html">réaction russe</a> aux candidatures suédoise et finlandaise donne la mesure du choc que les autorités de Moscou ressentent ou prétendent ressentir. Depuis une semaine, avant même la déclaration officielle de candidature, les déclarations russes ont pris un tour menaçant et ont abouti à la <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/la-finlande-veut-integrer-l-otan-moscou-voit-rouge-et-coupe-ses-livraisons-d-electricite-917845.html">suspension des livraisons d’hydrocarbures à la Finlande</a>. La rupture stratégique est en effet importante pour Moscou du fait de ces deux candidatures, tout particulièrement la finlandaise.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1525829635321348102"}"></div></p>
<p>Depuis la Seconde Guerre mondiale, les deux États nordiques étaient considérés comme peu menaçants par Moscou, en raison de leur neutralité. En conséquence, de simples « tests » de souveraineté – des violations des espaces aériens ou maritimes – suffisaient pour maintenir la pression à peu de frais et préserver ainsi un équilibre stratégique en somme favorable à la Russie. Désormais, la Russie va sans doute <a href="https://www.la-croix.com/Monde/OTAN-Moscou-promet-sadapter-cas-dadhesions-suedoise-finlandaise-2022-05-13-1201215006">renforcer son dispositif militaire</a> dans un espace très vaste, fortement armé et où elle ne dispose que de deux leviers d’action : les bases militaires de Saint-Pétersbourg et l’enclave de Kaliningrad, située entre la Lituanie et la Pologne. Pour la Russie, inquiète de ses frontières occidentales et méridionales, c’en est fini du « confort » militaire au nord.</p>
<p>Les conséquences pourraient être très lourdes pour le budget fédéral, déjà <a href="https://theconversation.com/guerre-en-ukraine-leconomie-russe-est-a-la-peine-182687">grevé</a> par les dépenses militaires et les sanctions européennes, et pour l’état des forces armées russes, aujourd’hui <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/03/17/isabelle-facon-l-armee-russe-une-puissance-militaire-fantasmee-a-l-epreuve_6117836_3232.html">critiqué</a> à l’intérieur et à l’extérieur de la Russie. La Russie risque l’épuisement budgétaire et militaire à brève échéance, surtout si la <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/05/15/l-otan-souhaite-une-procedure-acceleree-pour-l-adhesion-de-la-suede-et-la-finlande_6126244_3210.html">procédure accélérée d’adhésion</a> est adoptée par l’OTAN.</p>
<p>À plus long terme, la posture stratégique de Moscou sera fortement modifiée. Tout d’abord, la Russie se considérera comme directement assiégée et comme menacée dans tous les espaces nordiques : mer Baltique mais aussi Atlantique Nord et Arctique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1517943567263670272"}"></div></p>
<p>Elle risque donc d’accentuer ses initiatives agressives dans la zone sous toutes les formes – navale, cyber, aérienne, économique. Hors de la zone, elle tentera de lutter contre l’effet domino de ces candidatures à l’OTAN. Car l’établissement de zones tampons était l’un de ses objectifs stratégiques. Aujourd’hui, si les candidatures nordiques sont acceptées et prospèrent, elles pourraient bien être imitées par bien d’autres États qui chercheront la protection de l’Alliance : la <a href="https://www.nato.int/cps/fr/natohq/topics_38988.htm">Géorgie</a>, la <a href="https://fr.euronews.com/2022/03/08/natalia-gavrilita-la-moldavie-veut-rejoindre-l-ue-mais-pas-l-otan">Moldavie</a> et bien sûr l’<a href="https://www.irsem.fr/publications-de-l-irsem/breves-strategiques/breve-strategique-n-32-2022-otan-ukraine-quelle-perspective-d-adhesion.html">Ukraine</a> ne pourront pas ne pas réévaluer leurs candidatures respectives à l’aune de ce précédent.</p>
<p>Ces candidatures constituent assurément un revers pour les stratèges russes. Depuis deux décennies, au sein du Conseil OTAN-UE et depuis 2014 contre lui, la Russie a pour cap principal en Europe de rendre impossibles de nouveaux élargissements de l’Alliance atlantique, après son extension en 1999 et 2004 aux anciennes démocraties populaires (Pologne, Hongrie, Slovaquie, Tchéquie) et aux anciennes Républiques socialistes soviétiques baltes). En déclenchant l’opération militaire contre l’Ukraine, la Russie a obtenu un <a href="https://www.channelnewsasia.com/world/russia-ukraine-invasion-pushed-finland-sweden-nato-2682571">effet en retour</a> (backlash) strictement contraire à ses objectifs cardinaux. Le revers est aujourd’hui patent.</p>
<h2>Résurrection de l’OTAN et requiem pour l’autonomie stratégique européenne ?</h2>
<p>Ces candidatures nationales auront des effets continentaux, à brève et plus longue échéance.</p>
<p>En effet, ces deux États ont, par le fait même du dépôt de leurs candidatures, manifesté le peu d’assurance qu’ils plaçaient dans l’assistance mutuelle entre États membres de l’Union européenne prévue par <a href="https://www.cairn.info/revue-defense-nationale-2016-3-page-68.htm">l’article 42</a> du Traité sur l’Union européenne (TUE). Pour eux, la guerre en Ukraine montre que seule l’assistance mutuelle de l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord apporte une réelle assurance vie militaire.</p>
<p>Les candidatures nordiques sont, en creux, un signe si ce n’est de défiance, du moins de scepticisme envers les efforts consentis par les Européens dans le domaine de la sécurité collective. On le voit dans le domaine médiatique : ce sont les États membres de l’OTAN, mais hors Union européenne, qui sont les plus actifs au sein de l’Alliance suite à ces candidatures. La <a href="https://www.ouest-france.fr/monde/turquie/la-turquie-prete-a-discuter-avec-la-finlande-et-la-suede-de-leur-candidature-a-l-otan-75e0442a-d3ab-11ec-80ba-493b1bbfdada">Turquie</a> et le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/05/12/le-royaume-uni-signe-un-accord-de-defense-avec-la-suede-et-la-finlande_6125703_3210.html">Royaume-Uni</a> se sont immédiatement prononcés sur le sujet. Leur but est de retrouver un rôle en Europe que leurs relations difficiles avec l’Union européenne leur refusaient.</p>
<h2>Un effet domino ?</h2>
<p>La réorientation stratégique des deux États nordiques servira également de précédent à l’intérieur de l’UE pour tous les États qui sont attachés historiquement à une forme de neutralité comme l’Autriche, l’Irlande, Chypre et Malte. Ces quatre États membres sont eux aussi membres du Partenariat pour la Paix de l’OTAN. Chacun a une tradition de non-engagement dans les alliances et les conflits armés qui s’explique soit par la taille, soit par la position dans l’espace européen, soit par un passé colonial. Dans une Europe où les zones tampons disparaissent, où les blocs se reconstituent et où la neutralité devient synonyme de vulnérabilité, des évolutions rapides sont à prévoir.</p>
<p>Pour les États nordiques comme pour la Russie, pour l’Alliance comme pour l’UE et pour tous les États qui observaient une certaine distance à l’égard de l’OTAN, ces candidatures marquent un tournant significatif. Que la non-appartenance à l’OTAN soit choisie (Autriche, Irlande, etc.) ou subie (Ukraine, Géorgie, Moldavie), désormais, seule l’adhésion à l’Alliance apparaît comme une garantie de sécurité. À brève échéance, tous les États de l’espace européen au sens large seront sommés de prendre parti : c’est, en Europe, la fin des neutralités, l’extinction des zones tampons et la disparition des postures ambiguës ou équilibrées. Les blocs militaires sont en voie de constitution rapide et la conséquence en est que l’Europe sera désormais traversée par une ligne de front durable.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie les 23 et 24 septembre 2022 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183147/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cyrille Bret ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Après 75 ans de neutralité pour l’une et plus de 200 ans pour l’autre, la Finlande et la Suède ont décidé de rejoindre l’OTAN. Cette décision aura de vastes conséquences pour le continent européen.Cyrille Bret, Géopoliticien, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1773802022-03-14T18:59:53Z2022-03-14T18:59:53ZL’irrésistible montée de l’ethno-nationalisme dans la politique suédoise<p>Les élections législatives du 11 septembre 2022 marqueront l’agenda politique de l’année en Suède. La consultation va clôturer une législature placée sous le signe de l’instabilité. Il y a quatre ans, le <a href="https://politiqueinternationale.com/revue/n161/article/suede-la-montee-en-puissance-de-lextreme-droite">score record</a> (17,53 % des suffrages) obtenu par la formation populiste des « Démocrates de Suède » (DS) avait abouti à <a href="https://www.liberation.fr/planete/2018/09/10/apres-les-elections-legislatives-une-suede-ingouvernable_1677668/">l’éclatement du champ politique</a>. Pour faire barrage aux DS, les partis d’inspiration socialiste et libérale-conservatrice se sont vus obligés de bricoler des accords à géométrie variable, qui ont exaspéré les tensions internes.</p>
<p>Le retrait du soutien du « Parti de gauche » (ex-communistes) a entraîné en juin 2021 la <a href="https://www.lexpress.fr/actualites/1/monde/crise-politique-en-suede-le-premier-ministre-lofven-choisit-de-demissionner_2153802.html">chute du gouvernement de Stefan Löfvén</a>, suivie du retrait de la vie politique de cet ancien dirigeant syndical, qui se trouvait à la tête du SAP (le Parti ouvrier social-démocrate de Suède) depuis douze ans. Ce n’est qu’au terme de la rupture avec ses précédents alliés – les Verts et le Parti centriste – que le SAP a réussi, en novembre 2021, à mettre en place un gouvernement de minorité, sous la direction (pour la première fois dans l’histoire) d’une femme, <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/11/29/magdalena-andersson-repasse-devant-le-parlement-suedois-pour-devenir-premiere-ministre_6103977_3210.html">Magdalena Andersson</a>.</p>
<p>Le contexte pré-électoral est donc marqué par la fragmentation du paysage politique, traversé par des enjeux clivants : de la <a href="https://www.euronews.com/2022/01/12/sweden-to-help-households-as-electricity-prices-soar-over-266">crise énergétique</a> à la politique de défense (où l’adhésion à l’OTAN est désormais agitée comme une <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/pour-la-premiere-fois-une-majorite-de-suedois-pour-l-adhesion-a-l-otan-selon-un-sondage-20220304">option concrète</a>, du fait de l’intervention russe en Ukraine), jusqu’à la lutte contre les <a href="https://www.ouest-france.fr/europe/suede/en-suede-le-gouvernement-impuissant-face-a-la-violence-des-gangs-mafieux-33e89cd2-ea4c-11eb-9fbf-539ca25afae8">bandes organisées</a> qui ensanglantent la chronique.</p>
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<p>Initiateurs de la motion de censure de l’été 2021, les DS ont trouvé dans les négociations pour la formation d’une nouvelle coalition l’occasion de briser l’ostracisme des autres partis à leur égard. Les libéraux-conservateurs du parti des « Modérés » les ont associés à l’élaboration d’un projet de budget de l’État, que le Parlement a entériné contre la proposition du gouvernement : possible prélude d’une coalition à venir qui, pour la première fois, inclurait l’extrême droite.</p>
<h2>Une percée tardive</h2>
<p>Il y a encore une dizaine d’années, la scène politique était marquée par la plus grande stabilité : <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-de-politique-comparee-2006-3-page-469.htm">cinq des partis</a> représentés au <em>Riksdag</em> étaient les héritiers de formations existant dans les années 1920 et 1930. En décalage avec les pays voisins, la crise de l’État-providence a été surmontée, dans la seconde moitié des années 1990, sans offrir de passage aux forces antisystème, qui, depuis 2002, ont accédé aux responsabilités de gouvernement en <a href="https://fr.euronews.com/2015/05/27/finlande-un-vrais-finlandais-eurosceptique-nomme-chef-de-la-diplomatie">Finlande</a>, en <a href="https://www.lejournalinternational.fr/Norvege-le-Parti-du-progres-au-gouvernement_a1346.html">Norvège</a> et au <a href="https://www.liberation.fr/planete/2019/06/04/au-danemark-la-victoire-ideologique-de-l-extreme-droite_1731603/">Danemark</a>, où le Parti populaire a souvent été associé aux majorités gouvernementales.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/elections-europeennes-six-pays-vus-par-six-experts-117345">Elections européennes : six pays vus par six experts</a>
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<p>Autant la <a href="https://www.ifrap.org/emploi-et-politiques-sociales/suede-un-modele-de-reduction-de-la-depense-sociale">réduction drastique des dépenses publiques</a> que la <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2018/11/05/l-ouverture-a-la-concurrence-du-reseau-ferroviaire-suedois">libéralisation des services publics</a> et l’intégration dans l’UE (à laquelle le pays a adhéré en 1995) ont été gérées par le SAP, en alternance avec le centre droit, aux affaires de 2006 à 2014. Les deux blocs se disputaient l’héritage d’une tradition politique inclusive et pragmatique, qui favorisait des convergences sur des options stratégiques : recentrage dans un sens individualiste du système de protection sociale, rapprochement avec l’OTAN, poursuite de l’activisme humanitaire du pays.</p>
<p>Après la crise de 2008, la relance du « modèle » s’est appuyée sur un ethos civique que partagent les deux blocs : l’éloge de la responsabilité individuelle et une confiance sociale diffuse, confirmée par les <a href="https://www.journaldunet.com/management/ressources-humaines/1178805-taux-de-syndicalisation-europe-selon-randstad/">taux de syndicalisation</a> et de participation active aux réseaux associatifs.</p>
<p>Jusqu’aux années 2010, chaque crise politico-démographique – y compris l’afflux massif de réfugiés lors des <a href="https://www.cairn.info/revue-migrations-societe-2015-2-page-93.ht">conflits ethniques dans les Balkans</a> – avait confirmé que l’électeur suédois était rétif à céder aux chimères xénophobes. Une exposition aux vagues migratoires supérieure à la plupart des États européens (11,3 % de nés à l’étranger en 2000, montés à 20 % en 2021) était allée de pair avec l’absence de rentes électorales liées à une quelconque forme de nationalisme culturel.</p>
<p>En parallèle, l’accès massif de prestataires privés aux domaines précédemment réservés aux services publics a augmenté la possibilité pour les minorités culturelles d’affirmer leur différence, à travers la <a href="https://journals.openedition.org/ries/9142">prolifération des écoles confessionnelles</a>. À gauche comme à droite, l’idée d’invisibiliser les signes de l’identité religieuse était perçue comme une intromission abusive dans la sphère privée.</p>
<h2>La montée des Démocrates de Suède</h2>
<p>Issus de la fusion, en 1988, d’une <a href="https://unherd.com/2020/02/how-the-sweden-democrats-came-in-from-the-cold/">constellation de groupuscules suprématistes blancs</a>, les DS ont longtemps représenté la seule alternative, marginale et sulfureuse, à ce consensus. Après une progression constante, ils franchissent le seuil de représentation parlementaire lors des <a href="https://www.lepoint.fr/monde/suede-l-extreme-droite-entre-au-parlement-apres-les-legislatives-20-09-2010-1238456_24.php">législatives de 2010</a>, avec 5,7 % des suffrages. Quatre ans plus tard, ils constituent déjà le <a href="https://www.la-croix.com/Actualite/Europe/Legislatives-en-Suede-une-percee-historique-de-l-extreme-droite-2014-09-15-1206355">troisième parti du pays</a> en termes de voix (13 %), jusqu’au record de 17,53 % en 2018.</p>
<p>Cette percée ne s’explique pas par une surenchère xénophobe, mais par une entreprise de dédiabolisation que le leader du parti <a href="https://www.francetvinfo.fr/elections/les-populismes-en-europe-4-9-en-suede-jimmie-akesson-le-gendre-ideal_3249691.html">Jimmy Åkesson</a> a poursuivie depuis son élection en 2005. En désavouant l’aile extrême du parti, cet ex-militant du mouvement de jeunesse des « Modérés » a multiplié les gestes symboliques visant à briser l’association avec la nébuleuse raciste des fondateurs.</p>
<p>La flamme ardente, emblème du néofascisme européen, a cédé la place à une anémone azur ; le parti s’est doté d’un code de conduite interdisant toute déclaration raciste, alors que ses plates-formes électorales ont intégré des mots d’ordre issus du répertoire de la gauche : démocratie locale, défense des acquis sociaux, respect des droits des femmes et des minorités sexuelles.</p>
<p>Le résultat est un message hybride, difficile à classer sur l’axe gauche-droite, où le monopole d’une rhétorique nationaliste côtoie la fidélité professée aux traditions démocratiques du pays : jusqu’à la récupération du terme fétiche, dans la rhétorique du parti, du mot <em>folkhem</em> – qui recouvre dans le vocabulaire politique suédois la notion d’un État protecteur et bienveillant.</p>
<p>Cette posture va de pair avec l’ambivalence envers l’héritage des années 1950 et 1960 : le souvenir du <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-internationaux-de-sociologie-2005-2-page-289.htmInternational">« modèle » suédois</a> célébré comme un Âge d’or de justice sociale, alors que son architecte, le Parti social-démocrate, est pointé du doigt comme le responsable de sa ruine.</p>
<p>Ce sentiment régressif, toutefois, s’articule avec deux marques de continuité avec la tradition idéologique du parti : l’identification de la société du bien-être à un entre-soi mono-culturel, et la dénonciation de l’internationalisme mis en œuvre par Olof Palme (premier ministre social-démocrate de 1969 à son assassinat en 1986), prélude de l’ouverture à une immigration sans freins et de la consécration, en 1975, d’une conception pluriculturelle de la citoyenneté suédoise.</p>
<p>L’ouverture à l’altérité aurait en somme marqué la fin du rêve de la <em>folkhem</em>, voire le début d’un cauchemar que la propagande du parti entretient avec complaisance : dans les clips des élections de 2010 on apercevait une femme âgée, se traînant péniblement vers le guichet où l’attend sa retraite, et devancée dans la course par une horde de femmes couvertes d’une burka.</p>
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<p>La thèse est transparente : si elle ne s’arrête pas aux frontières culturelles d’une communauté de mœurs, toute idée de progrès et d’égalité est vouée à l’échec. Cet argument capitalise un mécontentement transversal à l’égard du démantèlement de l’État-providence, avec ses effets démoralisants sur l’égo national : la fin d’une primauté. Alors que sa base sociale (salariés syndiqués et retraités) se détourne du SAP, les DS se profilent comme les héritiers du « modèle » d’une société apaisée et responsable.</p>
<h2>L’identité suédoise comme fondement idéologique</h2>
<p>La redéfinition des frontières de la citoyenneté a occupé le débat idéologique dans le mouvement tout au long du leadership charismatique d’Åkesson. La formule de la « suédicité ouverte » (<em>öppen svenskhet</em>) se présente comme une alternative autant à l’universalisme social-démocrate qu’au racialisme suprématiste d’antan.</p>
<p>« Être suédois » ne serait donc pas lié exclusivement à l’origine ethnique, mais un mélange entre un acte de volonté et un <em>habitus</em> : cela consisterait à « se reconnaître <em>et à être reconnu par les autres</em> en tant que Suédois ». Une définition exigeante : en 2014, le secrétaire des DS suscita un tollé en déclarant que des citoyens à part entière (comme les Juifs ou les Samis) <a href="https://www.timesofisrael.com/swedish-far-right-leader-jews-are-not-true-swedes/">devaient être considérés étrangers à la communauté nationale</a>, puisqu’ils « ne se définissent pas comme Suédois ».</p>
<p>La consécration des DS comme le parti de la <em>svenskhet</em> est passée au banc d’essai à l’automne 2015, lors d’une crise inédite. La Suède avait fait face à un afflux de réfugiés (163 000 demandeurs d’asile) supérieur à toute expérience antérieure dans un pays de l’OCDE au prorata des habitants. Les difficultés liées à l’impact social de l’accueil, du logement et de la montée de l’insécurité ont amené le gouvernement à rétablir les contrôles aux frontières, puis à s’engager dans des <a href="https://www.lefigaro.fr/international/2016/01/28/01003-20160128ARTFIG00164-suede-de-la-terre-promise-des-migrants-a-leur-expulsion.php">expulsions</a> qui corroboraient la thèse de l’impossibilité de maintenir des niveaux adéquats de protection et de sécurité face à une pression démographique élevée. Et de banaliser les formes de catégorisation entretenues par le parti.</p>
<p>L’hybridation des argumentaires est favorisée par le fait que le lexique qui domine la propagande des DS (« communauté », « loyauté sociale », « sécurité »…) est investi de connotations positives dans la sémantique inspirée, quasi religieuse, qui caractérise le « modèle » suédois de citoyenneté du troisième millénaire.</p>
<h2>Des questions chères aux Démocrates de Suède au cœur des débats nationaux</h2>
<p>À l’été 2016, un débat national s’est engagé autour de la définition et de la défense des « valeurs suédoises », tous les chefs de parti adhérant, avec des inflexions différentes, à ce lexique. D’après une vaste enquête réalisée en 2018, environ deux tiers des électeurs des partis établis considéraient l’adhésion à des « valeurs suédoises » comme un critère essentiel de la citoyenneté.</p>
<p>En ouvrant la campagne électorale, la première ministre Magdalena Andersson a d’ailleurs présenté son projet d’avenir en ces termes : « Une Suède qui ressemble le plus possible <em>à la Suède</em> ». Les acquis de l’État-providence apparaissent ainsi comme un élément du patrimoine culturel à sauvegarder. Contre toute menace interne ou externe.</p>
<p>L’ancienneté du consensus autour d’une conception ethnoculturelle de la démocratie complique l’articulation d’un contre-discours vis-à-vis de l’idéal assimilationniste agité par les DS, d’autant que ceux-ci partagent avec leurs adversaires une réticence à attacher à cette notion un contenu précis, donc falsifiable. « Tous ceux qui nous entendent parler de “culture suédoise” et de “suédicité” comprennent ce que nous entendons » – suggérait le secrétaire du parti dans une interview…</p>
<p>Dans cet habillage rhétorique, les valeurs « suédoises » traduisent moins une idéologie que la familiarité avec une qualité de vie : l’État social réduit à sa dimension psychologique que la précarisation du travail et la criminalité rampante mettraient en péril. C’est pourquoi les outils de communication des DS, du journal du parti à Twitter, consacrent une large place aux faits divers les plus atroces ; l’élément de nouveauté étant que cette communication trouve une validation indirecte dans la parole d’autres acteurs sociaux.</p>
<p>La lisière idéologique qui avait empêché les thèses des DS d’accaparer le débat public est en train de céder : de plus en plus souvent, des sources statistiques officielles confortent, par exemple, l’existence d’un lien entre insécurité et altérité culturelle. Ainsi, en 2021, les rapports de l’agence d’État pour la prévention du crime recensent les typologies de délits identifiés comme « nouveaux », étrangers à la culture nationale : <a href="https://bra.se/bra-in-english/home/publications/archive/publications/2021-05-26-gun-homicide-in-sweden-and-other-european-countries.html">règlements de comptes entre bandes</a>, vols avec violence <a href="https://bra.se/download/18.161d181f17db3c8d91d2c59/1643380664947/2021_19_Youth_robberies.pdf">entre adolescents</a>…</p>
<p>L’un de ces <a href="https://bra.se/bra-in-english/home/publications/archive/publications/2021-08-25-registered-offending-among-persons-of-native-and-non-native-background.html">rapports</a>, établi avec la collaboration de deux universités, analyse la relation entre des crimes comme le viol et l’origine ethnique des suspects ; afin de mesurer le niveau de « prédisposition » culturelle par rapport à certains actes délictueux, le profil des délinquants est tracé non seulement à partir de la nationalité ou du lieu de naissance, mais aussi des origines ethniques des parents.</p>
<p>Les enquêtes <a href="http://www.europeanmigrationlaw.eu/documents/EuroBarometer-IntegrationOfMigrantsintheEU.pdf#page=65">Eurostat</a> relèvent, depuis quelques années, que la Suède compte parmi les pays d’Europe où le public est le plus porté à considérer l’intégration des migrants comme un échec. Tout laisse pressentir que c’est autour de la question de ce qui est véritablement « suédois » (et ce qui ne l’est pas) que l’issue de la campagne de 2022 va se jouer, encore plus que par le passé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177380/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Piero Colla a reçu des bourses de recherche par des fondations sans buts lucratifs italiennes dans les années 1990</span></em></p>En 2018, les Démocrates de Suèdes ont confirmé leur statut de troisième force politique du pays. Analyse de ce mouvement qui fait la part belle à la défense de la « suédicité ».Piero S. Colla, Chargé de cours à l’université de Strasbourg, laboratoire « Mondes germaniques et nord-européens », Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1704082021-10-26T18:27:38Z2021-10-26T18:27:38ZLes prix Nobel de la paix controversés, signe d’une réforme nécessaire ?<p>Le prix Nobel de la paix 2021 a été décerné à deux journalistes, le Russe Dmitri Mouratov et la Philippine Maria Ressa, récompensés pour « leur combat courageux pour la liberté d’expression ». Une surprise, car ces deux militants étaient assez peu connus du grand public. On peut saluer le fait que ces deux lauréats, courageux militants pour la liberté d’expression dans des pays où celle-ci n’est pas garantie, sont tous deux issus de pays non occidentaux. En effet, longtemps, le prix a récompensé essentiellement des Européens et des Nord-Américains.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-fermeture-de-la-nova-a-gazeta-dernier-clou-dans-le-cercueil-de-la-liberte-dexpression-en-russie-170029">La fermeture de la Novaïa Gazeta, dernier clou dans le cercueil de la liberté d’expression en Russie</a>
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<p>Créé en 1901, le prix Nobel de la paix, selon le testament manuscrit d’Alfred Nobel, exposé au musée Nobel de Stockholm depuis 2015, récompense chaque année « la <a href="https://www.vie-publique.fr/eclairage/271285-le-prix-nobel-de-la-paix">personnalité ou la communauté ayant le plus ou le mieux contribué au rapprochement des peuples</a>, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes, à la réunion et à la propagation des progrès pour la paix ». La liberté d’expression est parmi les causes les plus fréquemment récompensées par le Nobel depuis les années 1970, avec par exemple en 1975 le dissident soviétique Andrei Sakharov et en 1977 l’ONG Amnesty International.</p>
<p>Alfred Nobel aurait, selon l’écrivain autrichien Stefan Zweig dans ses mémoires <em>Le monde d’hier</em>, créé ce prix pour compenser les conséquences néfastes de son invention de la dynamite, brevetée en 1866._</p>
<p>Ainsi, des hommes et des femmes ayant oeuvré à la paix mondiale, milité pour les droits humains, ou agi pour l’aide humanitaire et la liberté dans le monde, sont récompensés par cette prestigieuse distinction. Ils sont choisis par un comité nommé par le parlement norvégien.</p>
<p>Au fil du temps, des grandes personnalités pacifistes et humanistes ont été distinguées, comme <a href="https://www.croix-rouge.fr/Actualite/henry-dunant-1219">Henry Dunant</a>, le fondateur de la Croix-Rouge, en 1901, la femme pacifiste autrichienne <a href="https://histoireparlesfemmes.com/2013/11/11/bertha-von-suttner-premiere-prix-nobel-de-la-paix/">Bertha von Suttner</a> en 1905, le chirurgien missionnaire français <a href="http://museeskaysersberg.e-monsite.com/pages/musees/musee-du-docteur-schweitzer/qui-est-albert-schweitzer.html">Albert Schweitzer</a> en 1952, le Suédois <a href="https://www.un.org/fr/memorial/hammarskjold50.shtml">Dag Hammarskjöld</a>, Secrétaire général de l’ONU, en 1961, le militant américain des droits civiques <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/l-ephemeride/10-decembre-1964-martin-luther-king-recoit-le-prix-nobel-de-la-paix_1770603.html">Martin Luther King</a> en 1964, la religieuse humanitaire d’origine albanaise <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A8re_Teresa">Mère Teresa</a> en 1979, ou encore, plus récemment, le militant des droits de l’homme chinois <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/chine/qui-etait-liu-xiaobo-dissident-chinois-et-nobel-de-la-paix-mort-apres-huit-ans-de-detention_2281971.html">Liu Xiaobo</a> en 2010.</p>
<h2>Critiques et polémiques</h2>
<p>Plusieurs critiques ont été formulées à l’encontre de ce prix.</p>
<p>Tout d’abord, il a été longtemps donné qu’à des Occidentaux, et bien davantage à des hommes qu’à des femmes. Cependant, avec 18 femmes lauréates, le Nobel de la Paix est le Nobel qui totalise le plus de récipiendaires féminines. Parmi ces rares femmes, on peut citer par exemple en 1992 la militante autochtone guatémaltèque Rigoberta Menchu, récompensée pour ses efforts en faveur « de <a href="https://clubquetzal.org/decouvrir-le-club-quetzal/rigoberta-menchu-sa-vie-son-oeuvre/">la justice sociale et de la réconciliation ethnoculturelle</a> basée sur le respect pour les droits des peuples autochtones ».</p>
<p>On a pu aussi relever d’injustifiables absences, comme Gandhi. Icône de la lutte pacifiste et non violente pour <a href="https://www.herodote.net/15_ao%C3%BBt_1947-evenement-19470815.php">l’indépendance de l’Inde</a>, il n’a jamais reçu le prix. Toutefois, assassiné en 1948, il est possible qu’il l’aurait obtenu s’il avait vécu plus longtemps.</p>
<p>Surtout, plusieurs prix Nobel de la Paix ont été <a href="https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-monde/20121012.RUE3108/retour-sur-cinq-prix-nobel-de-la-paix-controverses.html">controversés</a>. Ainsi, le président américain <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/theodore-roosevelt-ou-la-naissance-de-l-empire-americain_2131747.html">Theodore Roosevelt</a> l’a reçu en 1906, pour saluer ses efforts en faveur de la fin de la guerre russo-japonaise de 1904-1905, alors qu’il était un militariste convaincu, adepte de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Doctrine_du_Big_Stick">doctrine du « Big Stick »</a>, c’est-à-dire de la pression exercée par la menace militaire.</p>
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<figcaption><span class="caption">Theodore Roosevelt, la présidence au pas de charge (1901–1909), France Inter, 2 novembre 2020.</span></figcaption>
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<p>Il n’a d’ailleurs pas hésité à tancer son successeur le Démocrate <a href="https://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Thomas_Woodrow_Wilson/149909">Woodrow Wilson</a> pour avoir ébauché le projet de <a href="https://www.un.org/fr/about-us/history-of-the-un/predecessor#:%7E:text=Pr%C3%A9curseur%20de%20l%E2%80%99Organisation%20des,la%20paix%20et%20la%20s%C3%A9curit%C3%A9%20%C2%BB.">« Société des Nations »</a>, futur temple du multilatéralisme et du pacifisme, et préfiguration de l’ONU, durant son discours d’acceptation du prix en 1910. Theodore Roosevelt était en effet hostile au multilatéralisme.</p>
<h2>1973, le scandale Kissinger : le prix Nobel de la Paix décerné à un criminel de guerre ?</h2>
<p>En 1973, c’est un autre Américain, le secrétaire d’État <a href="https://www.liberation.fr/culture/livres/henry-kissinger-diplomate-de-fer-20211021_FJOAPM4PFZB6FLS4LBKLZPOTXA/">Henry Kissinger</a>, qui est lauréat du prix. C’est sans doute le cas le plus choquant et scandaleux, étant donné sa responsabilité dans l’<a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2001/05/ABRAMOVICI/1729">« opération Condor »</a>, campagne secrète d’assassinats de leaders démocrates et de coups d’État militaires conduite sous l’égide de la CIA dans plusieurs pays d’Amérique latine (Chili, Argentine, Bolivie, Paraguay, Uruguay notamment) pendant la guerre froide et en particulier dans les années 1970.</p>
<p>Kissinger est ainsi l’un des maîtres d’œuvre du <a href="https://www.rfi.fr/fr/am%C3%A9riques/20210911-au-chili-le-11-septembre-marque-le-coup-d-%C3%A9tat-militaire-de-pinochet-en-1973">coup d’État du 11 septembre 1973</a> au Chili, qui a vu le renversement – et la mort – du président socialiste Salvador Allende et la prise de pouvoir par le général Pinochet qui a instauré alors une sanglante dictature d’extrême droite qui a duré jusqu’en 1990.</p>
<p>Kissinger est aussi responsable de <a href="https://www.cairn.info/revue-relations-internationales-2018-3-page-63.htm">bombardements meurtriers au Cambodge</a> pendant la guerre du Vietnam. C’est donc un véritable scandale qu’il ait été récompensé par le prix Nobel de la Paix, car selon certains il est bien plutôt un <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2001/10/WARDE/7946">« criminel de guerre »</a>, responsable de <a href="https://www.letemps.ch/opinions/henry-kissinger-juge-crimes-contre-lhumanite">« crimes contre l’humanité »</a>. D’ailleurs, le diplomate nord-vietnamien Le Duc Tho, récompensé la même année pour avoir été l’un des négociateurs des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Accords_de_paix_de_Paris">accords de paix de Paris</a> mettant fin à la guerre du Vietnam, a refusé sa part du prix, par mesure de protestation.</p>
<p>En 1991, la femme d’État birmane Aung San Suu Kyi, militante de l’opposition <a href="https://ras-nsa.ca/fr/publication/la-non-violence-comme-strategie-de-resistance-au-myanmar/">non violente</a> à la dictature militaire de son pays, devient à son tour lauréate du prix Nobel de la paix. Or, plus tard, alors qu’elle est <em>de facto</em> chef du gouvernement, de 2016 à 2021, la presse va lui reprocher son inaction et son absence de condamnation des discriminations et des <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/09/09/deux-ex-soldats-birmans-avouent-des-crimes-contre-les-rohingya_6051476_3210.html">massacres commis par l’armée birmane à l’encontre des Rohingyas</a>, minorité musulmane persécutée de Birmanie.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/en-birmanie-la-junte-militaire-renoue-avec-ses-vieux-demons-154430">En Birmanie, la junte militaire renoue avec ses vieux démons</a>
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<p>Ces massacres sont même <a href="https://news.un.org/fr/story/2019/09/1051712">qualifiés de « génocide » par l’ONU</a>. <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-58828791">Des appels ont alors été lancés pour qu’elle soit privée de son prix</a>, mais les règles régissant les prix Nobel ne permettent pas une telle démarche.</p>
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<figcaption><span class="caption">Nobel de la Paix : à quel prix ? France 24, 10 décembre 2019.</span></figcaption>
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<h2>1994, polémique autour du choix de Yasser Arafat</h2>
<p>Trois ans plus tard, en 1994, le prix Nobel de la paix a été attribué conjointement aux deux hommes politiques israéliens <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-moyen-orient/shimon-peres-ancien-president-israelien-et-dernier-pere-fondateur-d-israel_1834965.html">Shimon Peres</a> et <a href="https://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Yitzhak_Rabin/140127">Yitzhak Rabin</a> et à l’homme politique palestinien <a href="https://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Muhammad_Abd-al_Rauf_Arafat_dit_Yasser_Arafat/105896">Yasser Arafat</a>, fondateur de <a href="https://www.lesclesdumoyenorient.com/Organisation-de-Liberation-de-la-Palestine-OLP.html">l’Organisation pour la libération de la Palestine</a> (OLP), pour leur rôle à tous les trois dans la signature des <a href="https://www.amnesty.fr/focus/accords-oslo">accords d’Oslo</a>, étape importante en direction d’une paix dans le conflit israélo-palestinien. Plusieurs observateurs ont critiqué le choix d’Arafat, le considérant comme un terroriste en raison de l’action violente menée par l’OLP. <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/K %C3 %A5re_Kristiansen">Kare Kristiansen</a>, homme politique norvégien, membre du comité Nobel a ainsi <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-58828791">démissionné en signe de protestation</a>.</p>
<p>En 2004, la militante kényane Wangari Mathai, aujourd’hui décédée, est devenue la première femme africaine à recevoir un prix Nobel. Or, <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-58828791">elle a ensuite été critiquée pour ses propos sur les origines du VIH</a>. En effet, elle a laissé entendre que le virus du VIH aurait été créé artificiellement comme une arme biologique, conçue pour détruire les Noirs, ce qui n’est en aucune manière étayé scientifiquement.</p>
<h2>2009, Barack Obama : un prix Nobel pour rien ?</h2>
<p>En 2009, c’est Barack Obama qui se voit attribuer la précieuse distinction. Il a lui-même été très surpris, comme il le confie dans le premier tome de <a href="https://www.fayard.fr/documents-temoignages/une-terre-promise-9782213706122">son autobiographie</a>, étant alors au pouvoir depuis moins d’un an. Il a même cru à une blague au début. En réalité, le comité Nobel a, en choisissant de distinguer Obama, eu l’intention de récompenser <a href="https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2009/10/09/barack-obama-prix-nobel-de-la-paix_1251573_3222.html">« le nouveau climat dans la politique internationale »</a> créé par l’arrivée d’Obama au pouvoir, et sa « vision pour un monde sans arme nucléaire ».</p>
<p>Cette attribution a suscité des critiques, car Obama représentait les États-Unis, qui étaient alors en guerre à la fois en Afghanistan et en Irak, et qui maintenaient le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/09/11/les-20-ans-du-11-septembre-guantanamo-l-impasse-du-non-droit_6094265_3210.html">camp de Guantanamo</a> en service, dans lequel des prisonniers étaient <a href="https://www.amnesty.org/fr/latest/press-release/2021/01/usa-report-human-rights-violations-guantanamo/">torturés et incarcérés sans jugement et sans avocat dans des conditions indignes des droits humains</a>, comme l’ont dénoncé de nombreuses ONG et notamment Amnesty International.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1204305549900296193"}"></div></p>
<p>En 2011, le Prix Nobel de la Paix a été décerné à <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/ellen-johnson-sirleaf/">Ellen Johnson Sirleaf</a>, Présidente du <a href="https://www.larousse.fr/encyclopedie/pays/Liberia/129821">Liberia</a> (ainsi qu’à deux autres personnalités). Dans son pays, ce prix a divisé la population.</p>
<p>Selon certains, cette récompense serait <a href="http://www.slateafrique.com/52395/ellen-johnson-sirleaf-Liberia-nobel">« inacceptable et non méritée »</a> car cette femme politique aurait « commis de la violence dans ce pays » et aurait été corrompue, offrant à ses enfants des postes très lucratifs.</p>
<p>Confirmant ces soupçons, la <a href="https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/Commission_V %C3 %A9rit %C3 %A9_et_R %C3 %A9conciliation/185922">Commission vérité et réconciliation</a>, responsable de faire la lumière sur la guerre civile libérienne, a recommandé qu’il soit interdit à Ellen Johnson Sirleaf d’exercer tout mandat politique pendant trente ans en raison du rôle négatif qu’elle a joué dans ce conflit.</p>
<p>Enfin, en 2019, le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a été distingué à son tour par le prix Nobel de la Paix, pour saluer ses efforts en vue de résoudre le conflit frontalier de longue date avec l’Érythrée voisine.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/tigre-tombeau-de-lethiopie-151082">Tigré : tombeau de l’Éthiopie ?</a>
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<p>Pourtant, peu après, la communauté internationale a critiqué le déploiement de troupes par Abiy Ahmed dans la région du Tigré, dans le nord de l’Éthiopie, qui a engendré des combats qui ont provoqué des milliers de morts et ont été <a href="https://news.un.org/fr/story/2021/10/1106172">dépeints par l’ONU comme une terrible dévastation, ayant de plus entraîné une famine</a> et une situation humanitaire catastrophique pour les habitants.</p>
<h2>Un prix impossible ?</h2>
<p>À l’aune de tous ces cas, il apparaît que le prix Nobel de la Paix est l’un des prix les plus controversés depuis sa création en 1901. Mais en cela, il est bien à l’image des relations internationales.</p>
<p>Il reflète le fait que chaque acteur des relations internationales comporte plusieurs facettes, et a parfois à son actif à la fois des actions très louables et des actions répréhensibles.</p>
<p>Cela dit, au vu de l’évident scandale qu’a constitué l’attribution du Prix à Henry Kissinger – aujourd’hui âgé de 98 ans –, ainsi que des autres attributions controversées, il apparaît souhaitable que le comité Nobel adopte une disposition permettant de retirer la récompense <em>a posteriori</em>, afin de corriger les erreurs les plus notables et de lui permettre de conserver une certaine légitimité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/170408/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chloé Maurel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Kissinger, Abyi Ahmed, Obama, Aung San Suu Kyi, Theodore Roosevelt… La liste des Nobel de la paix polémiques est longue, bien plus que pour tout autre prix. Peut-être est-il temps de le réformer ?Chloé Maurel, SIRICE (Université Paris 1/Paris IV), Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1599362021-05-06T18:23:50Z2021-05-06T18:23:50ZDes terrains d’aventure pour redessiner la place des enfants en ville<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/397854/original/file-20210429-20-rvyy47.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C6%2C1019%2C760&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Terrain d'aventures, à Montreuil (93), en octobre 2020.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Terrain_Aventures_-_Montreuil_(FR93)_-_2020-10-26_-_2.jpg">Chabe01/Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Inventés il y a presque un siècle au Danemark, les terrains d’aventure sont des espaces d’activités libres destinés aux enfants, qui leur permettent de se réapproprier l’espace public. Depuis quelques années, les projets de création autour de ce concept se multiplient en France. Comment analyser ce regain d’intérêt ? Ces terrains constituent-ils des champs d’expérimentation et d’éducation d’un nouveau genre ?</p>
<p>Leur histoire commence au début des années 1930, sous l’impulsion de <a href="https://www.jstor.org/stable/43324289?seq=1">Carl Theodor Sørensen</a> (1893-1979). Cet architecte paysagiste danois réfléchit à une nouvelle forme d’espace, où les enfants pourraient laisser libre cours à leur esprit d’invention, tenter de nouvelles expériences, et où l’empreinte des adultes serait minimale. Son objectif est de leur permettre d’imaginer et de construire leur univers propre.</p>
<p>En 1943, le premier terrain d’aventure voit le jour à <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Emdrup_Junk_Playground">Emdrup, dans la banlieue de Copenhague</a>. Mais c’est en Angleterre que le mouvement prend de l’ampleur, dans un pays où le terrain d’aventure va se définir en opposition au square, cette aire de jeux citadine normalisée.</p>
<p>Dans les années 1950, tout s’accélère sur le continent européen (Danemark, Suède, Suisse, Allemagne, France). Face à une densification urbaine croissante, les terrains d’aventure fleurissent au pied des immeubles en construction.</p>
<h2>Utopies éducatives</h2>
<p>Les initiatives se concrétisent après mai 1968 sur la base d’utopies éducatives et politiques. Les terrains vagues des banlieues se convertissent en espaces de jeux et de découvertes. Le phénomène se retrouve ensuite aux États-Unis à <a href="https://www.cityofberkeley.info/adventureplayground/">Berkeley</a>, à partir de 1979 et au <a href="https://metropolisjapan.com/adventure-playgrounds/">Japon</a>.</p>
<p>En France, les projets se développent comme de nouveaux espaces de luttes écologistes. Le terrain d’aventure devient le lieu de <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3331081w.r=Terrain%20d%27aventure?rk=21459;2">pratiques éducatives antiautoritaires</a>, de nouvelles formes collectives de vie et d’appropriation des terrains vagues urbains. Dans un <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1976/10/18/terrains-d-aventure-le-manque-de-confiance_3122425_1819218.html">article du <em>Monde</em></a> signé Katie Breen et publié en 1976, Dominique d’Allaines-Margot relate ainsi son expérience d’animatrice dans la cité nouvelle de Bouffémont dans le Val-d’Oise :</p>
<blockquote>
<p>« Le terrain d’aventure propose à l’enfant un rôle, une attitude tout à fait différents de ce qu’on lui impose d’habitude. À l’école, on lui demande de réciter ses leçons. À la maison, il faut qu’il soit sage… Au jardin public, les structures de jeu sont faites pour grimper, pour sauter, et elles suscitent toujours certains gestes. Sur le terrain d’aventure, on dit à l’enfant : « Tout est permis. Mais on n’attend de lui rien de bien précis ».</p>
</blockquote>
<p>Les terrains d’aventure des années 1970 et 1980 sont des espaces d’éducation populaire, comme celui de <a href="https://patrimonia.nantes.fr/home/decouvrir/themes-et-quartiers/terrains-daventure-bellevue.html">Bellevue</a>, à Nantes, ou de la Meinau, dans la banlieue strasbourgeoise, où les enfants réalisent eux-mêmes les jeux grâce aux matériaux de récupération et aux outils qui sont mis à leur disposition par des éducateurs qui les guident et les accompagnent.</p>
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<figcaption><span class="caption">Reportage sur le terrain de jeu pour les enfants du quartier de la Meinau (INA Styles, 1975).</span></figcaption>
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<p>Précaires et soumises à la pression immobilière, la plupart des expériences peinent à se pérenniser. Mais l’idée poursuit son chemin, avec des espaces de liberté comme le <a href="http://lespetitspierrots.blogspot.com/">terrain d’aventure des Petits Pierrots</a>, créé en 1988 dans le XX<sup>e</sup> arrondissement de Paris. On compte aujourd’hui approximativement plus de 1000 terrains d’aventure dans le monde.</p>
<h2>Une nouvelle ère</h2>
<p>Depuis quelques années, les initiatives se développent de nouveau en France, en phase avec le récent contexte de revégétalisation des espaces urbains. Les projets essaiment en Île-de-France (Villiers-le-Bel, Rambouillet, Bagnolet), dans les Pays de la Loire (Nantes, Cholet, Angers, Saint-Nazaire, Orvault) mais aussi à Reims, Bordeaux, Marseille et, à l’été 2021, <a href="https://www.cemea-occitanie.org/les-actions-des-cemea-occitanie/education-animation/terrain-d-aventure">à Montpellier</a>.</p>
<p>Souvent initiés et soutenus par les CEMEA (centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active), tous ces terrains d’aventure perpétuent cette histoire et ces luttes d’espaces communs au sein de la ville avec aujourd’hui des objectifs précis : repenser la place de l’enfant dans la ville, et favoriser son autonomie.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/397866/original/file-20210429-19-18zbz1f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/397866/original/file-20210429-19-18zbz1f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/397866/original/file-20210429-19-18zbz1f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/397866/original/file-20210429-19-18zbz1f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/397866/original/file-20210429-19-18zbz1f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/397866/original/file-20210429-19-18zbz1f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/397866/original/file-20210429-19-18zbz1f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Terrain d’aventures des Halles (Paris).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/marsupilami92/32558835353/in/photolist-RB7xqe-VAQkeG-WBTrJ3-6dNN62-2dvWsZF-4JQFDk-8tEfVA-2dXHcHx-4DW6Mf-4DRQrH-4DW6H3-9eXoJD-2jq1WE7-fCbopE-CtXxyU-orEwUw-orEeq4-orEev4-orEeyG-orEexD-orEeEd-orEJEK-orEetm-fGMscR-oRY1uD-5GmVzi-pNLqH4-pwmviL-ampdP5-6eToFk-pwgfU4-pNUDF9-pwiYib-pNKZnV-pNvVUX-pwjCTs-pNxyBH-pNR64G-pwqg2m-pNxE18-oRXMUP-pwkDLr-pNAJuT-oRWK1W-oRZmcy-pLJDyb-oRYXUN-tD2pWa-pwjL3Y-pwokQ3">Patrick Janicek/Fickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Créer un lieu pour les enfants, conçu par eux, est une vision novatrice de l’éducation et de l’espace urbain. Les projets d’éducation populaire ne permettent-ils pas ainsi de repenser les liens entre les habitants et les politiques urbaines ?</p>
<p>Le terrain d’aventure est devenu un objet de recherche avec le <a href="https://tapla.hypotheses.org/">réseau Tapla</a> (Terrains d’aventure du passé/pour l’avenir), initié par Baptiste Besse-Patin, Aurélien Ramos, Gilles Raveneau et Clothilde Roullier comme un réseau international, pluridisciplinaire et ouvert qui étudie l’héritage des terrains d’aventure et leurs perspectives.</p>
<h2>Activités libres</h2>
<p>Des <a href="https://www.mdpi.com/1660-4601/18/8/4334">travaux récents</a> montrent l’importance des activités libres dans le développement des enfants. Celles-ci favorisent une éducation intégrale, prenant en compte les différentes facettes de la personnalité de chacun : intellectuelle, manuelle, corporelle et affective.</p>
<p>Plutôt que de proposer des activités cadrées, les terrains d’aventures favorisent cette approche, en misant sur les besoins et les envies des enfants, de leur curiosité pour construire, bâtir, jardiner, s’occuper des animaux ou simplement observer leur environnement.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/nature-a-lecole-le-temps-est-il-venu-de-faire-classe-en-plein-air-141309">Nature à l’école : le temps est-il venu de faire classe en plein air ?</a>
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<p>Il n’y a pas de volonté initiale d’apprentissages formels et cette liberté implique la prise de risque. Le terrain d’aventure est ainsi propice à la découverte de l’autonomie. Mieux se connaitre, mieux comprendre les autres et la nécessité d’être avec les autres, sont des éléments de construction de cette autonomie individuelle et collective.</p>
<p>Évaluer les risques que l’on prend est primordial à l’apprentissage, au développement et à la santé des enfants. Sur ces terrains, ils vont éprouver leurs propres limites, coopérer, échanger, partager, s’engager.</p>
<p>Pour pérenniser ces expériences et participer à leur essaimage, il faudrait envisager une charte des terrains d’aventure. Cela permettrait non seulement de mieux définir leurs intentions sociales et pédagogiques – différentes de celles de <a href="https://www.franceculture.fr/architecture/laire-de-jeu-entre-phenomene-social-et-artistique">l’aire de jeux</a> – mais aussi d’établir les convergences et les différences des projets.</p>
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<p><em>Cet article a été écrit en collaboration avec l’équipe des CEMEA Occitanie.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159936/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>C’est dans les années 1930 que l’idée du terrain d’aventure pour enfants a émergé, en opposition avec l’aire de jeux classique. Une nouvelle vague d’initiatives fleurit aujourd’hui.Sylvain Wagnon, Professeur des universités en sciences de l'éducation, Faculté d'éducation, Université de MontpellierDelphine Patry, Docteure en sciences de l’éducation, ATER à l'Université de Caen-Normandie, membre associée au CIRNEF, Université de Caen NormandieMathieu Depoil, Doctorant en Science de l'éducation au Liderf - Université de Montpellier, Université Paul Valéry – Montpellier IIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1523412020-12-23T20:39:01Z2020-12-23T20:39:01ZLa Suède et le Japon payent le prix de leur gestion de la Covid<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/376370/original/file-20201222-15-1hhsckv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C0%2C4566%2C3544&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le port du masque n'a jamais été rendu obligatoire en Suède. Ici, Stockholm, le 20 novembre 2020.</span> <span class="attribution"><span class="source">Fredrik Sandberg/EPA</span></span></figcaption></figure><p>L’un des aspects les plus frappants dans la pandémie de Covid-19, c’est la différence radicale des stratégies mises en place d’un pays à l’autre. Un tel contraste n’était pas surprenant au début de l’année, quand nous en savions très peu sur le virus. Aujourd’hui, quand des dizaines de milliers d’articles scientifiques ont été rédigés et quand nous disposons de nombreux exemples de bonnes pratiques, on s’attendrait à davantage de convergence.</p>
<p>Pourtant, certains pays résistent encore aux stratégies plébiscitées par la plupart des États de la planète, comme les confinements, et s’obstinent dans leur voie… avec plus ou moins de succès.</p>
<p>Parmi ces réfractaires aux méthodes généralement utilisées, on trouve la Suède et le Japon, qui ont opté pour une approche différente de celle de leurs voisins, et qui ont attribué leur succès initial aux avantages présumés de leurs spécificités nationales. Les deux pays semblent aujourd’hui payer le prix de cette stratégie.</p>
<h2>Pays sans confinement</h2>
<p>Les modèles japonais comme suédois s’appuient notamment sur le concept <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-020-02596-8">d’exceptionnalisme national</a>. J’entends par là un consensus général selon lequel la population d’un pays se distingue non seulement du reste du monde, mais lui est aussi, d’une certaine manière, supérieure.</p>
<p>Les <a href="https://www.thelocal.se/20201119/does-swedens-constitution-really-prevent-tough-covid-measures">dirigeants</a> de ces deux <a href="https://www.irishtimes.com/news/world/asia-pacific/japan-to-declare-state-of-emergency-but-avoid-coronavirus-lockdown-1.4221995">pays</a> ont souligné que leur Constitution empêchait de restreindre les libertés individuelles, notamment par le biais de mesures de confinement ou des amendes. Ces deux gouvernements ont préféré se baser sur le volontariat, la responsabilité individuelle et, surtout, le caractère exceptionnel de leurs citoyens.</p>
<p>La Suède n’a ainsi pas ordonné la fermeture de ses bars, restaurants et salles de sport durant la pandémie, pas plus qu’elle n’a imposé le port du masque dans les espaces publics. D’ailleurs, le discours officiel maintient que les <a href="https://www.ft.com/content/3148de6c-3b33-42d3-8cf6-d0e4263cea82">masques sont susceptibles d’accélérer la propagation</a> de la maladie. Ce point de vue était partagé par de <a href="https://www.nytimes.com/2020/04/09/world/europe/virus-mask-wearing.html">nombreux pays européens</a> au début de la pandémie, mais la plupart ont rapidement privilégié le port du masque obligatoire dans les lieux publics.</p>
<p>À l’instar de la Suède, le Japon a choisi l’option sans <a href="https://www.ft.com/content/37b11aee-1250-4e0d-acda-9270d057659b">confinement</a> et refusé d’imposer des restrictions strictes, même si le pays a fermé ses frontières il y a quelques mois. Cependant, contrairement à la Suède, tous les Japonais ou presque portent d’eux-mêmes un masque, et le gouvernement se livre à une véritable traque des cas-contacts.</p>
<p>En juillet, le Japon a lancé une campagne de tourisme intérieur, <a href="https://gogonihon.com/fr/blog/campagne-go-to-travel-au-japon-6-endroits-a-ne-pas-manquer/#:%7E:text=Qu%E2%80%99est%2Dce%20que%20la,%C3%A0%20promouvoir%20les%20entreprises%20locales"><em>Go to Travel</em></a>, afin d’encourager sa population à consommer et, ce faisant, de redynamiser l’économie. On craint désormais que cette initiative, qui a vu le gouvernement subventionner les déplacements touristiques intérieurs, <a href="https://www.theguardian.com/world/2020/dec/10/japan-covid-cases-reach-daily-record-as-third-wave-hits">soit à l’origine de la troisième vague dans le pays</a>.</p>
<h2>Mindo et nihonjinron au Japon</h2>
<p>L’exceptionnalisme japonais ne faisait aucun doute dans la rhétorique employée pour expliquer la gestion relativement réussie des deux premières vagues. En avril, Shinzō Abe, alors premier ministre, s’était empressé de se féliciter du succès de ce <a href="https://thediplomat.com/2020/04/covid-19-strategy-the-japan-model/">modèle</a>, qui découlait d’une efficacité « <a href="https://www.ft.com/content/c78baffc-79b8-4da4-97f1-8c7caaad25cf">typiquement japonaise</a> ».</p>
<p>Le vice-premier ministre, Taro Asō, s’est montré plus explicitement nationaliste, en avançant comme explication que le <a href="http://www.asahi.com/ajw/articles/13432875"><em>mindo</em></a> du Japon était plus élevé qu’ailleurs. Ce terme, que l’on pourrait traduire par « normes du peuple », est associé à l’ère impériale du Japon, quand les Japonais se plaçaient au sommet d’une hiérarchie des civilisations asiatiques. Cela rappelle la notion d’exceptionnalisme japonais, le <a href="https://www.japantimes.co.jp/culture/2001/06/24/books/book-reviews/japans-endless-search-for-identity/"><em>nihonjinron</em></a>, qui vise à justifier l’unicité du Japon. Chaque pays est unique, affirme ce genre littéraire, mais le Japon l’est encore plus… et aussi légèrement supérieur aux autres.</p>
<p>Le quotidien nationaliste de droite <em>Sakei Shimbun</em> s’est même référé aux principes du shinto, ainsi qu’à <a href="https://japan-forward.com/japans-time-honored-teachings-help-stem-the-spread-of-covid-19/">« l’expérience et la sagesse de nos ancêtres »</a> pour expliquer le succès du pays.</p>
<p>Dans le cas du Japon, l’exceptionnalisme serait néanmoins à part : puisque le pays doit son succès au caractère unique de sa culture et de sa propreté proverbiale, le modèle japonais ne fonctionnerait pas ailleurs. Toutefois, exceptionnalisme et orgueil vont souvent de pair et la <a href="https://www.theguardian.com/world/2020/dec/16/honeymoon-over-for-yoshihide-suga-japan-pm-covid-third-wave">troisième vague</a> qui enfle aujourd’hui sous la gouvernance du nouveau premier ministre, Yoshihide Suga, s’avère plus meurtrière que les deux premières.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/375525/original/file-20201216-23-15sfbu9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/375525/original/file-20201216-23-15sfbu9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/375525/original/file-20201216-23-15sfbu9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/375525/original/file-20201216-23-15sfbu9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/375525/original/file-20201216-23-15sfbu9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/375525/original/file-20201216-23-15sfbu9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=430&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/375525/original/file-20201216-23-15sfbu9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=430&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/375525/original/file-20201216-23-15sfbu9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=430&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le Japon s’en est mieux tiré que certains pays, mais subit à présent une troisième vague.</span>
<span class="attribution"><span class="source">OurWorldInData</span></span>
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<h2>Folkvett en Suède</h2>
<p>Au lieu d’appliquer la moindre restriction, le premier ministre suédois, Stevan Lofven, a appelé la population à se fier à son <a href="https://www.thelocal.se/20200327/sweden-the-coronavirus-is-unknown-territory-for-most-of-us-no-matter-where-were-from"><em>folkvett</em></a>, un état d’esprit qui combine savoir-vivre, moralité et bon sens supposément inné des Suédois respectables, afin de suivre les recommandations sur la base du volontariat.</p>
<p>De son côté, Anders Tegnell, épidémiologiste du gouvernement et architecte de la stratégie nationale, a qualifié les mesures de confinement des pays voisins de « <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2020-06-24/sweden-s-epidemiologist-says-world-went-mad-imposing-lockdowns">folie</a> » « <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-020-01098-x">ridicule</a> ».</p>
<p>Johan Giesecke, son mentor et proche confident, qui est également conseiller auprès des autorités sanitaires suédoises, s’est montré <a href="https://www.di.se/nyheter/giesecke-alla-andra-lander-gor-fel/">tout aussi véhément</a> : « La Suède a raison » et « tous les autres pays se trompent ». <a href="https://www.dn.se/nyheter/sverige/anders-tegnell-sannolikt-inget-vaccin-i-ar/">L’un</a> et <a href="https://www.svt.se/nyheter/inte-varre-an-en-svar-influensasasong">l’autre</a> ont déclaré que la Covid-19 n’était pas plus dangereuse qu’une grippe saisonnière et les autorités sanitaires ont affirmé (à tort) en <a href="https://www.expressen.se/tv/nyheter/coronaviruset/tegnell-kan-bli-flockimmunitet-i-stockholm-i-maj/">avril</a>, en <a href="https://www.di.se/nyheter/professor-flockimmunitet-kan-ha-natts-i-stockholm-i-juni/">mai</a> et en <a href="https://www.svt.se/nyheter/lokalt/stockholm/stockholm-kan-narma-sig-flockimmunitet">juillet</a> que Stockholm approchait de l’immunité collective.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/375518/original/file-20201216-15-k2h17e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/375518/original/file-20201216-15-k2h17e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/375518/original/file-20201216-15-k2h17e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/375518/original/file-20201216-15-k2h17e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/375518/original/file-20201216-15-k2h17e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/375518/original/file-20201216-15-k2h17e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/375518/original/file-20201216-15-k2h17e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/375518/original/file-20201216-15-k2h17e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La stratégie de l’immunité collective n’a pas porté ses fruits en Suède.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://ourworldindata.org/coronavirus">OurWorldInData</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Les médias locaux s’en sont fait l’écho, rappelant aux Suédois qu’ils pouvaient être « <a href="https://www.aftonbladet.se/nyheter/kolumnister/a/rARgpA/var-stolt--du-bor-i-sverige">fiers de vivre en Suède</a> », et non sous les directives draconiennes et populistes en application dans le reste de l’Europe. Contester cette approche revenait à douter de la science et de la raison elles-mêmes.</p>
<p>Suite à la <a href="https://www.dn.se/debatt/folkhalsomyndigheten-har-misslyckats-nu-maste-politikerna-gripa-in/">publication d’un article</a> où vingt-deux éminents scientifiques évoquaient les dangers de la stratégie suédoise, la presse a tourné les auteurs en dérision. Chroniqueurs et critiques, comme <a href="https://www.svd.se/orovackande-manga-forskare-visar-bristande-omdome">Ida Östenberg</a>, <a href="https://www.expressen.se/kultur/victor-malm/coronahaveristerna-ar-en-skam-for-sverige/">Victor Malm</a> et <a href="https://www.expressen.se/blogg/schulman/2020/04/ett-intellektuellt-haveri/">Alex Schulman</a> ont lancé des attaques personnelles dans lesquelles M. Schulman remettait même en cause la santé mentale des signataires. Même la plus célèbre et la plus fiable des professionnels de la communication scientifique, <a href="https://www.aftonbladet.se/nyheter/a/opb2Wg/agnes-wold-domer-ut-de-22-forskarna">Agnes Wold</a>, a questionné leurs motivations.</p>
<p>Alors que les décès repartaient à la hausse en juin et que le reste de l’Europe (et le Japon) avait repris le contrôle de l’épidémie, seuls les Démocrates (un parti d’extrême droite) osaient <a href="https://www.dn.se/debatt/tegnell-maste-ta-ansvar-for-misstagen-och-avga/">critiquer</a> Anders Tegnell et les autorités sanitaires suédoises.</p>
<p>Fin juillet, le nombre de décès quotidiens en Suède est enfin redescendu sous la barre des dix. La réaction n’a pas tant été un soupir de soulagement qu’une autocongratulation collective : la stratégie suédoise était la bonne, on <a href="https://www.dn.se/sverige/utlandska-medier-svanger-i-bevakningen-om-den-svenska-strategin/">l’encensait d’ailleurs à l’étranger</a>. De fait, il semblait alors que la moindre couverture médiatique internationale complimentant la gestion de crise suédoise méritait d’être relayée, comme l’article élogieux du tabloïd britannique <em>The Sun</em>, <a href="https://www.aftonbladet.se/nyheter/a/Ln0ep1/brittiska-medier-hyllar-tegnell-nationalhjalte-som-raddat-sverige">largement</a> <a href="https://www.aftonbladet.se/nyheter/a/Ln0ep1/brittiska-medier-hyllar-tegnell-nationalhjalte-som-raddat-sverige">diffusé</a> par des médias suédois <a href="https://www.expressen.se/nyheter/vandningen-om-sverige-hyllas-for-coronastrategin/">complaisants</a>.</p>
<p>D’où le paradoxe de l’exceptionnalisme suédois, basé sur le <em>folkvett</em> inhérent de la population, alors que le pays a fait l’article de la « stratégie suédoise » comme modèle scientifique dont tous les autres États finiraient par s’inspirer.</p>
<h2>Inertie exceptionnaliste</h2>
<p>La Suède comme le Japon rencontrent à présent un problème d’inertie exceptionnaliste. D’autres pays ont changé rapidement de tactique, s’adaptant à l’évolution de la pandémie et aux études scientifiques à même de l’expliquer. Alors que la troisième vague menace de submerger le Japon, le gouvernement n’a pas renoncé à sa campagne <em>Go to Travel</em>, ne concédant qu’une <a href="https://www.japantimes.co.jp/news/2020/12/14/national/suga-go-to-travel-coronavirus/">suspension</a> du 28 décembre 2020 au 11 janvier 2021.</p>
<p>Pendant ce temps, les bars, restaurants et salles de sport restent ouverts en Suède, alors que le nombre de décès quotidiens continue d’augmenter, même si un <a href="https://www.dn.se/sverige/dn-ipsos-andra-vagen-sanker-fortroendet-for-tegnell/">récent sondage</a> publié par le journal <em>Dagens Nyheter</em> montre que la cote de popularité de M. Tegnell n’a jamais été aussi basse.</p>
<p>La problématique de la Covid-19 ne se résume bien sûr pas à l’exceptionnalisme national et, pour l’heure, le Japon a bien mieux réussi à contrôler l’épidémie que la Suède et bon nombre d’autres pays.</p>
<p>Toutefois, ces deux exemples suggèrent qu’associer la réussite (et, par extension, l’échec) d’une politique de santé publique à une invocation des spécificités nationales n’est pas sans danger. Il devient alors difficile d’apprendre des autres et le changement de cap, même face à des preuves accablantes, devient plus douloureux, voire impossible.</p>
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<p><em>Traduit de l’anglais par Mathilde Montier pour <a href="http://www.fastforword.fr">Fast ForWord</a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152341/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Paul O'Shea ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ces pays, qui ont attribué leurs succès initiaux en matière de lutte contre la pandémie à leurs spécificités nationales, affichent désormais un nombre record de contaminations et de décès.Paul O'Shea, Senior Lecturer, Centre for East and South-East Asian Studies, Lund UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1476272020-10-07T14:41:04Z2020-10-07T14:41:04ZCoronavirus : les seuils d’une immunité collective efficace pourraient être plus bas que prévu – voici pourquoi<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/362197/original/file-20201007-20-1s2be3r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=196%2C131%2C5193%2C3497&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'âge et le degré de sociabilité influencent le moment où une population atteint l’immunité collective.
</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Les modèles de base de la Covid-19 suggèrent que l’immunité collective est atteinte lorsque 60 % des personnes sont immunisées. En effet, dans une population où tout le monde est sensible au coronavirus, on estime qu’une personne infectée en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1473309920301444">infecte à son tour en moyenne 2,5 de plus</a>. Or, si 60 % de ces 2,5 personnes sont immunisées, une seule nouvelle infection peut avoir lieu et la flambée ne peut donc pas se développer.</p>
<p>Ce modèle est cependant simpliste. Il suppose que tous les membres de la population se mélangent de la même façon et au même degré. Ce n’est pas réaliste. <a href="https://science.sciencemag.org/content/sci/369/6505/846.full.pdf">Dans notre recherche</a>, nous avons essayé de refléter une partie de la diversité des comportements observés dans les populations humaines afin de montrer l’effet qu’ils pourraient avoir sur l’immunité collective.</p>
<p>Nous avons examiné deux facteurs qui influencent le degré de mixité des gens. Le premier est la sociabilité.</p>
<p>Les personnes les plus actives socialement sont plus susceptibles d’être infectées au début d’une épidémie. Cela signifie qu’avec le temps, l’immunité acquise naturellement tend à se concentrer chez ceux qui ont beaucoup de liens sociaux, tandis que la susceptibilité à la maladie — et la capacité de la propager — tend à être surreprésentée chez les personnes qui ont moins de liens.</p>
<p>Comme nous l’avons démontré, cela peut avoir un impact sur le moment où le seuil d’immunité collective est atteint. Nous avons créé un modèle dans lequel 25 % des personnes socialisent deux fois moins que la moyenne, 50 % se socialisent dans la moyenne, et les 25 % restants socialisent deux fois plus que la moyenne. Lorsque ces différents groupes se mélangent à leurs rythmes respectifs, le modèle prédit que le seuil d’immunité collective sera considérablement plus bas : 46,3 % au lieu de 60 %.</p>
<p>Si l’on prend en considération d’autres facteurs de différenciation, le moment où l’immunité collective est atteinte par une infection naturelle diminue encore davantage. C’est dans cette optique que nous avons examiné l’effet de l’âge sur la mixité sociale.</p>
<p>Durant notre vie, nous ne socialisons pas de la même manière à 20 ans, 50 ans ou 80 ans ; dans une population, la socialisation suit certaines tendances. Pour modéliser grossièrement ce phénomène, nous avons divisé la population en six groupes d’âge, puis nous avons estimé le nombre de contacts entre eux en utilisant les <a href="https://academic.oup.com/aje/article/164/10/936/162511">données d’une étude précédente</a> sur les contacts sociaux.</p>
<p>Nous avons constaté que si l’on tient compte des tendances de socialisation par groupe d’âge et selon différents niveaux de sociabilité, cela abaissait un peu plus le seuil d’immunité collective, à 43 %.</p>
<h2>Qu’est-ce que cela signifie ?</h2>
<p>Le premier élément important à souligner est que nos estimations doivent être interprétées uniquement comme une démonstration de la manière dont les différences de comportement peuvent affecter l’immunité collective. Ces chiffres ne sont pas des valeurs absolues, et ils ne constituent pas les meilleures estimations. Les niveaux d’activité et de contact entre les groupes d’âge que nous avons utilisés dans le modèle sont simplement là en guise d’illustration.</p>
<p>La deuxième chose à noter est que nous n’avons pris en compte que deux types de variations dans la population. Des modèles plus réalistes seraient plus complexes, incluant de nombreux autres facteurs. Par exemple, la taille des ménages, l’environnement scolaire et professionnel et la vie en milieu urbain ou rural sont autant de facteurs qui créent des taux moins ou plus élevés de contacts personnels. L’infection et l’immunité seront ainsi plus concentrées chez les personnes très actives et connectées.</p>
<p>Enfin, pour notre modèle, nous avons supposé que l’immunité ne diminue pas avec le temps et qu’elle offre une protection à 100 %. <a href="https://www.bbc.co.uk/news/health-52446965">Ni l’un ni l’autre de ces éléments ne sont nécessairement vrai</a> (des cas de réinfection ont en effet été signalés en Europe).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/reinfection-au-coronavirus-ce-que-cela-signifie-et-pourquoi-vous-ne-devriez-pas-paniquer-145132">Réinfection au coronavirus : ce que cela signifie, et pourquoi vous ne devriez pas paniquer</a>
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<p>Mais ce que notre travail semble suggérer, c’est que la plupart des formes de variation au sein d’une population diminuent le point auquel l’immunité collective est atteinte par une infection naturelle. Cela signifie qu’elle pourrait être atteinte à un coût humain moins élevé que prévu. Dans les pays ou les régions qui ont déjà été fortement touchés par le virus, l’immunité collective pourrait déjà être proche. Dans de tels endroits, pour arrêter la propagation de la maladie, il suffirait donc d’amener les gens <a href="https://www.washingtonpost.com/outlook/2020/08/27/herd-immunity-coronavirus-community/">à respecter des restrictions relativement légères</a> en matière de comportement social.</p>
<p>Quelques bémols cependant : même si le seuil pour atteindre l’immunité collective par une infection naturelle est moins élevé que l’on croyait, de nombreuses personnes devront avoir été infectées. Bien qu’inférieur à ce que l’on pensait au départ, le coût humain serait encore très élevé. <a href="https://theconversation.com/coronavirus-is-manaus-brazil-the-first-city-to-reach-herd-immunity-146860">La ville de Manaus, au Brésil, est peut-être la première au monde à avoir atteint l’immunité collective</a>, mais une personne sur 350 infectée par le virus y est morte, ce qui représente environ 2 500 décès au total.</p>
<p>Les variations au sein de la population diminuent généralement le niveau global d’immunité nécessaire. Ainsi, chez les personnes les plus actives, la fraction qui doit être infectée pour atteindre l’immunité collective sera supérieure à 60 %.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147627/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pieter Trapman reçoit une subvention de Vetenskapsrådet (le Conseil de recherche suédois) no 2016-04566.</span></em></p>Les gens n’interagissent pas tous de la même manière en société – ni dans la manière dont ils propagent les maladies. Au niveau de la population, cela fait une différence.Pieter Trapman, Senior Lecturer in Mathematics, Stockholm UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1400172020-06-07T18:27:56Z2020-06-07T18:27:56ZLutte contre le Covid-19 : les limites des comparaisons internationales<p>Pour évaluer la qualité de la réponse à la pandémie de Covid-19, il est tentant de comparer les situations d’un pays à l’autre. Mais cette approche peut mener à des erreurs d’interprétation.</p>
<p>Depuis le début de la pandémie de Covid-19, de nombreuses statistiques comparatives entre pays ont été publiées et analysées. On en tire des interprétations portant sur l’état du système hospitalier, l’efficacité des politiques mises en œuvre, la plus ou moins grande réactivité des gouvernements, les caractéristiques comportementales des populations touchées par l’épidémie, etc.</p>
<p>Nous allons montrer ici que ces comparaisons ne sont pas toujours pertinentes. Pour maintenir le suspense, nous ne donnerons pas immédiatement le nom du pays concerné : nous l’appellerons « l’entité », et nous le comparerons à la France. En route.</p>
<h2>Deux à quatre fois moins de décès que la France</h2>
<p>L’entité géographique en question se situe en Europe et compte un peu plus de 19 millions d’habitants. Soit davantage que les Pays-Bas, deux fois plus que la Suède ou l’Autriche, et entre trois et quatre fois plus que le Danemark ou la Norvège.</p>
<p>Au 22 avril, soit une à deux semaines après le pic des hospitalisations, des réanimations et des décès dans notre pays, le nombre de cas confirmés était de 81 pour 100 000 habitants. À la même date, on dénombrait alors 184 cas confirmés pour 100 000 habitants en France métropolitaine.</p>
<p>Le taux des hospitalisations en cours dans l’entité était à cette période de 14,9 pour 100 000 habitants, contre 45,8 pour 100 000 habitants en France métropolitaine. Celui des réanimations s’établissait respectivement à 2,9 et 8,0 tandis que le cumul des décès à l’hôpital était respectivement de 5,6 et 20,3 pour 100 000 habitants.</p>
<p>L’entité dont il est question a donc fait deux à quatre fois mieux que la France, dans tous les domaines. Si l’on compare avec des pays souvent cités en exemple, comme l’Allemagne ou la Suède, le bilan au 15 mai dernier en termes de mortalité s’établissait à 42,3 décès pour 100 000 habitants en France, 35,8 en Suède et 9,5 en Allemagne. Pour notre entité, ce taux était alors d’environ 12 pour 100 000. Un chiffre à peine supérieur donc à celui de l’Allemagne, et nettement en dessous de celui de la Suède.</p>
<h2>Comparaison n’est pas raison</h2>
<p>Faut-il invoquer, pour expliquer la bonne performance de notre entité par rapport à la France, une meilleure structure hospitalière, une moindre réduction des dépenses hospitalières au cours des dernières décennies ? Une gouvernance politique plus efficace ? Une attitude plus disciplinée des habitants ?</p>
<p>Non. Sur tous ces plans, la situation est en réalité très comparable entre notre entité et la France. Et pour cause : l’entité mystère se situe en France !</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/339889/original/file-20200604-31187-1565qd4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/339889/original/file-20200604-31187-1565qd4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/339889/original/file-20200604-31187-1565qd4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=455&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/339889/original/file-20200604-31187-1565qd4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=455&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/339889/original/file-20200604-31187-1565qd4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=455&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/339889/original/file-20200604-31187-1565qd4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=572&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/339889/original/file-20200604-31187-1565qd4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=572&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/339889/original/file-20200604-31187-1565qd4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=572&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Covid-19 : Taux d’hospitalisations en cours au 22-04-2020 en France, par région.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Santé publique France</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<span class="caption">Covid 19 : Taux de réanimations en cours au 22-04-2020 en France, par région.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Santé publique France</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Elle est constituée de l’ensemble de quatre régions, Bretagne, Pays de la Loire, Nouvelle-Aquitaine et Occitanie, dont on sait qu’elles ont été beaucoup moins affectées par le virus que le reste du pays, comme le révèlent les deux cartes ci-contre.</p>
<p>Soulignons ici que les données de mortalité disponibles dans les régions françaises restent limitées aux cas constatés dans les hôpitaux et non en Ehpad, comme c’était aussi le cas pour la France entière jusqu’au 30 avril.</p>
<p>Pour estimer le taux de mortalité global dans notre entité géographique mystère, nous avons appliqué au taux « France entière » le rapport des mortalités hospitalières obtenu le 22 avril entre les 4 régions et la France entière. Nos données proviennent de Santé publique France, des ARS des quatre régions, et du site <a href="http://www.coronavirus-statistiques.com/">Open Stats Coronavirus</a>.</p>
<h2>De l’importance de l’information</h2>
<p>On peut déduire de cet exemple que les comparaisons géographiques basées sur les frontières nationales ne sont pas toujours pertinentes, et surtout que les comparaisons interétatiques oublient un élément essentiel : la variabilité du taux initial de contaminations, qui est en partie aléatoire. Or un faible nombre de cas initiaux, ou leur étalement dans le temps, permet de réagir plus efficacement, en traitant toutes les chaînes de contamination. Ce qui devient impossible à partir d’un certain seuil de diffusion.</p>
<p>Cela met aussi en évidence l’avantage d’une bonne information. Il est plus facile de réagir lorsqu’on ne fait pas partie des premières régions contaminées, et que l’on peut tirer des enseignements de ce qui arrive à nos voisins. À condition – bien sûr – de réagir rapidement à cette information, et de disposer des outils nécessaires : tests, protections…</p>
<p>Reprenons les exemples de l’Allemagne et de la Suède, souvent cités comme modèles. Outre-Rhin, l’épidémie a démarré environ une semaine après son début en France, tandis que la Suède était touchée avec deux semaines de décalage par rapport à notre pays, lequel avait lui-même suivi l’Italie d’une dizaine de jours. L’Allemagne et la Suède ont donc bénéficié de davantage de temps pour réagir.</p>
<p>Certes, le délai n’est qu’un facteur parmi d’autres qui devraient sûrement aussi être pris en compte. On pense notamment à l’existence de grandes étendues urbaines, ou à celle de flux touristiques importants.</p>
<p>Certains événements « malchanceux » peuvent aussi accélérer les choses. C’est par exemple le cas désormais célèbre de la réunion évangélique qui s’est tenue fin février à Mulhouse. On sait aujourd’hui que ce type de rassemblement <a href="https://theconversation.com/covid-19-nouveaux-clusters-diffusion-par-aerosol-deuxieme-vague-ce-quon-sait-ce-quon-ignore-139601">favorise la contamination de ceux qui y assistent</a>. Partis d’Alsace, les participants ont ensuite répandu le coronavirus dans diverses régions. Sans cette manifestation, l’histoire de l’épidémie en France aurait peut-être été différente…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/140017/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Henri Leridon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour évaluer la qualité de la réponse à la pandémie de Covid-19, il est tentant de comparer les situations d’un pays à l’autre. Mais cette approche peut mener à des erreurs d’interprétation.Henri Leridon, Chercheur émérite, Institut National d'Études Démographiques (INED)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1371922020-04-24T20:35:40Z2020-04-24T20:35:40ZImmunité collective : contrairement aux pays confinés, la Suède serait près d’y arriver<p>De nombreux pays dans le monde sont maintenant confrontés à la délicate question de savoir quand et comment assouplir les mesures de confinement adoptées en raison de la pandémie de coronavirus.</p>
<p>En l’absence de vaccin, il y aura probablement de nouvelles vagues de l’épidémie, à moins qu’une assez grande proportion de personnes ait été infectée pour atteindre l’immunité collective (en supposant que celles qui ont contracté le virus conservent une protection suffisante et que le virus ne mute pas en une souche distincte) ; on estime cette proportion minimale à environ 60 %.</p>
<p>Malheureusement, les conseillers en santé publique des pays occidentaux considèrent que <a href="https://www.dailymail.co.uk/news/article-8204167/How-people-REALLY-infected-coronavirus.html">seul un faible pourcentage de la population</a> a été infecté jusqu’ici. (Au Québec, le directeur national de la santé publique, Horacio Arruda, estime qu’entre <a href="https://www.tvanouvelles.ca/2020/04/23/plaidoyer-pour-limmunite-collective">5 % et 10 % des Québécois ont été contaminés par le coronavirus</a>, un pourcentage probablement plus élevé dans les régions plus affectées comme Montréal et Laval).</p>
<p>Mais est-ce bien le cas ? Tel le « canari dans la mine de charbon », la Suède, qui encourage la distanciation sociale, mais sans confinement, pourrait guider le monde. Les autorités de ce pays affirment que la Suède atteindra bientôt l’immunité collective.</p>
<p>À première vue, la situation de ce pays ne semble pas reluisante. Le 22 avril, son taux de mortalité de la Covid-19 <a href="https://coronavirus.jhu.edu/data/mortality">était au dixième rang mondial</a>, avec 17,3 décès pour 100 000 habitants. En comparaison, ses voisins, le Danemark, la Norvège et la Finlande, se classaient respectivement aux 17<sup>e</sup>, 22<sup>e</sup> et 31<sup>e</sup> rangs mondiaux, avec 6,4, 3,4 et 2,6 décès pour 100 000 habitants.</p>
<p>Protéger une population contre une maladie au moyen de mesures de confinement énergiques, c’est un peu comme protéger une forêt située sur la trajectoire d’un incendie : à moins de déployer des efforts continus de lutte contre l’incendie, la forêt finira par brûler. Le suivi des contacts, le dépistage, la quarantaine et le confinement permettent de minimiser la contagion et de réduire considérablement les décès prématurés dus à la Covid-19.</p>
<p>Toutefois, à moins que les personnes qui ne sont pas infectées demeurent protégées en attendant des interventions pharmacologiques efficaces (moyens prophylactiques, comme les vaccins, et thérapeutiques), le nombre final de décès pourrait être le même dans les pays qui ont opté pour le confinement que dans ceux qui ont adopté des stratégies plus libérales.</p>
<p>On ignore dans quelle mesure la Suède se rapproche de l’immunité collective, puisqu’on n’a pas encore entrepris de tests aléatoires de séroprévalence à l’échelle nationale, même si c’est prévu. Il s’agit de détecter à la fois la présence de virus (pendant l’infection) et d’anticorps (après l’infection). Néanmoins, l’agence nationale de santé publique, la Folkhälsomyndigheten, et l’armée suédoise ont prélevé des échantillons sur 738 habitants de Stockholm entre le 26 mars et le 3 avril et ont constaté que 2,5 % d’entre eux <a href="https://www.folkhalsomyndigheten.se/contentassets/7bd5627f82a84590bc2992784234b88b/forekomsten-covid-19-region-stockholm-26-mars3-april-2020.pdf">avaient été infectés</a> par le SRAS-CoV-2.</p>
<p>On a également réalisé des modèles mathématiques pour estimer la propagation communautaire du SRAS-CoV-2. Selon des analyses menées par un groupe britannique de premier plan, on évalue que 3,1 % de la population suédoise était infectée au 28 mars. Cela marque un contraste avec les proportions beaucoup plus élevées que <a href="https://staff.math.su.se/tom.britton/">Tom Britton</a>, un éminent universitaire suédois travaillant avec la Folkhälsomyndigheten, a estimées pour Stockholm. Selon lui, jusqu’à la <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.04.15.20066050v1.full.pdf">moitié de la population de la capitale sera infectée</a> d’ici début mai – et le reste du pays pourrait suivre rapidement.</p>
<p>Comment peut-on obtenir des chiffres aussi différents ? Comme le souligne Tom Britton, de nombreuses hypothèses des modèles, notamment le taux de létalité (la proportion des personnes infectées qui en meurent), sont incertaines. C’est parce qu’on a axé le dépistage sur les cas suffisamment graves pour nécessiter une hospitalisation ou sur les professionnels de la santé. Mais on ne connaît pas le nombre de personnes qui ne présentent que des symptômes légers ou qui sont asymptomatiques, qu’on doit estimer par simulation.</p>
<p>Comme la propagation communautaire du SRAS-CoV-2 est l’un des principaux éléments inconnus, on s’intéresse à la façon dont elle peut être mesurée plutôt que simplement simulée.</p>
<h2>La voie à suivre</h2>
<p>Au Royaume-Uni et aux États-Unis, <a href="https://covid.joinzoe.com/">l’application Covid Symptom Tracker</a> a fourni aux autorités de santé publique des données précieuses sur les symptômes et facteurs de risque qui donnent des alertes précoces sur les endroits où le Covid-19 est susceptible de frapper, ainsi que sur la propagation globale du virus. L’application est en cours de lancement en Suède.</p>
<p>La combinaison de données autodéclarées et de tests de séroprévalence directement évalués à l’échelle nationale est probablement un moyen très efficace de suivre la propagation du SRAS-CoV-2. C’est en Islande qu’on a déployé les efforts les plus énergiques pour y parvenir.</p>
<p>Selon un rapport récent, de <a href="https://eu.usatoday.com/story/news/world/2020/04/10/coronavirus-covid-19-small-nations-iceland-big-data/2959797001/">0,6 à 0,8 % de la population était infectée</a> au 4 avril, ce chiffre restant constant pendant la période de dépistage de 20 jours – ce qui est compatible avec une stratégie de suppression efficace.</p>
<p>Ces résultats correspondent à un taux de létalité d’environ 0,36 % (soit environ quatre décès pour 1 000 personnes infectées). Ce chiffre est remarquablement proche du taux de létalité de 0,37 % signalé récemment par une <a href="https://www.land.nrw/sites/default/files/asset/document/zwischenergebnis_covid19_case_study_gangelt_0.pdf?fbclid=IwAR2Ul47uWQOgf5SK6n1Cewmu4UKRSN7JdAIYhBX9irdAB6ZZy8klHYKdv80">étude de séroprévalence à Gangelt, en Allemagne</a>, et <a href="https://thl.fi/en/web/thlfi-en/-/number-of-people-with-coronavirus-infections-may-be-dozens-of-times-higher-than-the-number-of-confirmed-cases?redirect=%2Fen%2Fweb%2Finfectious-diseases%2Fwhat-s-new%2Fcoronavirus-covid-19-latest-updates">correspond aux études menées en Finlande</a>. Il est bien inférieur au taux de létalité officiel <a href="https://www.dailymail.co.uk/news/article-8244533/What-REAL-death-rate-COVID-19-Data-LA-suggests-kill-0-18-patients.html">d’environ 13 %</a> au Royaume-Uni, en Italie et en France, qui est reconnu comme étant une surestimation substantielle en raison du dépistage très restrictif effectué dans la plupart des pays.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/329881/original/file-20200422-47799-e41098.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/329881/original/file-20200422-47799-e41098.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/329881/original/file-20200422-47799-e41098.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/329881/original/file-20200422-47799-e41098.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/329881/original/file-20200422-47799-e41098.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/329881/original/file-20200422-47799-e41098.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/329881/original/file-20200422-47799-e41098.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">On ne connaît pas le taux d’infection à Londres.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/london-uk-october-21st-2018-random-1218721432">Tania Volosianko/Shutterstock</a></span>
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<p>En supposant un taux de létalité d’environ 0,36 % et en le combinant avec les décès confirmés par la Covid-19 en Suède (2 021 au 23 avril), on peut formuler une estimation grossière du nombre total de personnes infectées à la mi-avril – ce qui ne remplace en aucun cas la modélisation des experts et le dépistage. Néanmoins, cela équivaut à 561 389 infections dans tout le pays (environ 5,5 % de la population totale).</p>
<p>Étant donné que <a href="https://www.folkhalsomyndigheten.se/smittskydd-beredskap/utbrott/aktuella-utbrott/covid-19/bekraftade-fall-i-sverige/?fbclid=IwAR3XEo2n5NM1c6RLdcpKucJKuloBr5vWSjDRjZGQUPYoTazfGJ-vU9rFSrY">plus de la moitié des décès</a> sont survenus à Stockholm (1 128 au 23 avril), mais que seulement 10 % de la population y vit, environ un tiers de la population de la capitale suédoise pourrait avoir été infecté à la mi-avril. Ce chiffre est compatible avec les estimations présentées par la Folkhälsomyndigheten pour le début du mois de mai pour Stockholm.</p>
<p>Cependant, de nombreux décès dus à la Covid-19 passent inaperçus, ce qui signifie que le nombre de décès pourrait être beaucoup plus élevé. Par rebond, le nombre total d’infections est probablement plus élevé que celui estimé avec l’équation du taux de létalité. Dans certains pays, les décès de la Covid-19 peuvent être <a href="https://www.dailymail.co.uk/news/article-8227035/NHS-doctors-told-DONT-need-list-Covid-19-death-certificates-coronavirus-patients.html">signalés comme étant des décès par pneumonie</a>. Et les décès qui surviennent à la maison ou dans les centres de soins, où on fait moins de dépistage, <a href="https://uk.reuters.com/article/us-health-coronavirus-belgium-carehomes/belgium-records-half-of-coronavirus-deaths-in-nursing-homes-idUKKCN21X1VU">ne sont généralement pas inclus</a> dans les comptes officiels – ou sont ajoutés beaucoup plus tard.</p>
<p>Il y a également des données qui semblent montrer que le virus a commencé à se propager beaucoup plus tôt qu’on ne le pensait au départ. Cela signifie qu’il y a des milliers de décès dus à la Covid-19 qu’on aurait imputés à d’autres maladies (comme la pneumonie). Aux États-Unis, par exemple, l’autopsie d’un patient décédé le 6 février a confirmé que le virus avait atteint le pays <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-020-00154-w">près d’un mois plus tôt que ce qu’on croyait</a>. On a découvert des preuves similaires en Italie.</p>
<p>D’autre part, une recherche publiée dans <em>The Lancet</em> laisse voir que le nombre réel de décès dus à la Covid-19 en Chine <a href="https://www.theguardian.com/world/2020/apr/23/china-coronavirus-cases-might-have-been-four-times-official-figure-says-study">aurait été quatre fois plus élevé</a> si la définition d’un cas de Covid-19 utilisée par la suite avait été appliquée dès le départ.</p>
<p>Ces chiffres sont particulièrement importants quand on essaie d’estimer le nombre de personnes qui ont été infectées en se basant sur le nombre de personnes décédées. Il est impossible de connaître le nombre exact de personnes infectées par la Covid-19 – en Suède comme dans la plupart des pays. Mais si les simulations réalisées en Suède sont correctes, et que la plupart des gens obtiennent une immunité post-infection, les infections et les décès à Stockholm devraient diminuer considérablement dans les semaines à venir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/137192/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Paul W Franks reçoit des fonds de recherche de Boehringer Ingelheim, Eli Lilly, Janssen, Novo Nordisk A/S, Sanofi Aventis et Servier, a reçu des honoraires de consultation d'Eli Lilly, Novo Nordisk et Zoe Global Ltd et dispose de d'actions dans Zoe Global Ltd. Zoe Global Ltd, qui est la société à l'origine de l'application COVID Symptom Tracker.</span></em></p>Les autorités suédoises affirment que le pays se rapproche rapidement de l'immunité collective.Paul W Franks, Professor of Genetic Epidemiology, Lund UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1350182020-03-30T19:46:50Z2020-03-30T19:46:50ZLa Suède est très relax face au coronavirus. Voici la science derrière cette décision<p>Un nombre croissant de médecins et de scientifiques suédois <a href="https://www.theguardian.com/world/2020/mar/23/swedish-pm-warned-russian-roulette-covid-19-strategy-herd-immunity?CMP=Share_AndroidApp_Gmail">tirent la sonnette d’alarme</a> à propos de l’approche de leur gouvernement concernant le Covid-19. Contrairement à ses voisins nordiques, la Suède a adopté une stratégie relativement détendue, partant apparemment du principe qu’une réaction excessive est plus dommageable qu’une réaction insuffisante.</p>
<p>Bien que le gouvernement interdise maintenant les <a href="https://www.aftonbladet.se/nyheter/a/3Jgxj9/senaste-nytt-om-coronaviruset">rassemblements de plus de 50 personnes</a>, cette directive exclut des lieux comme les écoles, les restaurants et les centres d’entraînement qui restent ouverts. Et ce, malgré le fait que 3 046 personnes ont été testées positives. Bien que la Norvège ait le plus grand nombre de cas confirmés (3 066) en Scandinavie, le nombre de décès par le Covid-19 en Suède est de loin le plus élevé (92), par rapport à la Norvège (15) et au Danemark (41).</p>
<p>Les gens prennent maintenant position. Certains affirment que critiquer publiquement les autorités ne sert qu’à saper la confiance du public à un moment où l’unité est nécessaire. D’autres sont convaincus que la Suède s’achemine vers une catastrophe et que la direction doit impérativement changer.</p>
<p>La vérité est que de toutes ces opinions, aucune ne découle de l’expérience directe d’une pandémie mondiale. Personne ne sait avec certitude ce qui nous attend.</p>
<p>En cas d’épidémie, les modèles de prévision <a href="https://theconversation.com/how-to-model-a-pandemic-134187">aident à orienter le choix des interventions</a>. Ils évaluent les impacts sociaux et économiques probables et estiment les besoins des hôpitaux lorsque la demande sera à son maximum. Tous les modèles de prévision nécessitent des données d’entrée, idéalement dérivées de l’expérience passée dans des scénarios comparables. Et nous savons que la qualité de ces données d’entrée sur le Covid-19 est médiocre.</p>
<p>La plupart des modèles de prévision actuels pour le coronavirus utilisent des données recueillies en Chine et en Italie ainsi que d'épidémies qui ont eu lieu avec d’autres maladies infectieuses telles que le virus Ebola, la grippe et d’autres coronavirus (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Syndrome_respiratoire_aigu_s%C3%A9v%C3%A8re_li%C3%A9_au_coronavirus">SRAS</a> et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/coronavirus_du_syndrome_respiratoire_du_Moyen-Orient">MERS</a>). Mais les données démographiques et les modèles d’interactions sociales diffèrent d’un pays à l’autre. La Suède a une faible population et une seule véritable zone métropolitaine. Idéalement, nous aurions besoin de données suédoises sur la propagation communautaire du Covid-19, mais cela nécessite des programmes de dépistage qui n’existent pas actuellement.</p>
<p>Le peu de données fiables sur le coronavirus en Suède concerne les admissions à l’hôpital et les décès. Ces dernières peuvent être utilisées pour obtenir une estimation de la transmission communautaire, fournissant approximativement combien de décès surviennent parmi les personnes infectées. Mais avec un décalage de deux semaines entre le diagnostic et le décès, il s’agit d’un instrument peu fiable pour guider la prise de décision.</p>
<p>En Suède, les autorités de la santé publique <a href="https://www.folkhalsomyndigheten.se/contentassets/1887947af0524fd8b2c6fa71e0332a87/skattning-av-vardplatsbehov-folkhalsomyndigheten.pdf?fbclid=IwAR3Dij1B7jGicxFmRtw7EODymicfo_54W0DoFz6n3Dh7ax9MSte9wnorVF4">ont publié des simulations</a> pour guider les « besoins de pointe ». C’est dans cette mesure que les hôpitaux devront renforcer leur capacité à traiter un nombre élevé de patients très atteints du Covid-19 qui auront probablement besoin de soins spécialisés dans les semaines à venir. D’après ces simulations, il est clair que le gouvernement suédois prévoit <a href="https://doi.org/10.25561/77482">beaucoup moins d’hospitalisations par tranche de 100 000 habitants</a> que dans d’autres pays, dont la Norvège, le Danemark et le Royaume-Uni.</p>
<p>Le nombre correspondant de décès en Suède prévu dans les simulations du Royaume-Uni est beaucoup plus élevé que celles du gouvernement suédois. Il semble que les autorités suédoises estiment qu’il y a beaucoup de personnes infectées sans symptômes et que, parmi celles qui se présentent dans les différents services cliniques, une sur cinq seulement devra être hospitalisée. À ce stade, il est difficile de savoir combien de personnes sont asymptomatiques, car il n’existe pas de dépistage structuré en Suède et aucun test d’anticorps pour vérifier qui a réellement contracté le Covid-19 et s’en est remis.</p>
<p>Mais il serait néanmoins dévastateur de sous-estimer les besoins des services hospitaliers.</p>
<h2>Une propagation inégale</h2>
<p>Comme dans de nombreux autres pays, la propagation de le Covid-19 est assez inégale en Suède. La plupart des cas ont été diagnostiqués et traités dans la <a href="https://www.expressen.se/nyheter/flera-nya-dodsfall-i-sverige-i-dag-/">grande région de Stockholm</a>, et dernièrement aussi dans le comté de Jämtland, au nord du pays, une destination très prisée des skieurs. En revanche, certaines autres zones géographiques sont relativement épargnées, du moins pour le moment. Dans la troisième plus grande ville de Suède, Malmö, seuls quelques malades ont été hospitalisés au moment de la rédaction du présent rapport.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/323595/original/file-20200327-146683-1dpoxe1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/323595/original/file-20200327-146683-1dpoxe1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/323595/original/file-20200327-146683-1dpoxe1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/323595/original/file-20200327-146683-1dpoxe1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/323595/original/file-20200327-146683-1dpoxe1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/323595/original/file-20200327-146683-1dpoxe1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/323595/original/file-20200327-146683-1dpoxe1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le coronavirus va s’aggraver en Suède.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Lightspring/Shutterstock</span></span>
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<p>Il ne fait aucun doute que l’épidémie va se propager, mais la rapidité de cette propagation fait l’objet d’opinions divergentes. Les autorités nationales de santé publique sont également <a href="https://www.folkhalsomyndigheten.se/the-public-health-agency-of-sweden/">sceptiques quant à la nécessité d’un verrouillage</a> du pays, mais des <a href="https://www.aftonbladet.se/nyheter/a/LAOM2q/uppgifter-diskuterar-isolering-av-stockholm">discussions sont en cours</a> pour mettre en place une telle intervention dans la région de la capitale.</p>
<p>Plusieurs arguments viennent soutenir la stratégie suédoise. Parmi ceux-ci figure la nécessité de maintenir les écoles ouvertes afin de permettre aux parents qui occupent des postes clés dans les secteurs des soins de santé, des transports et de l’approvisionnement alimentaire de rester au travail.</p>
<p>Malgré la propagation rapide d’autres maladies infectieuses chez les enfants, les complications de le Covid-19 <a href="https://www.theguardian.com/world/2020/mar/23/can-kids-catch-coronavirus-what-we-know-about-covid-19-and-children">sont relativement rares</a> chez les enfants. Un confinement à long terme est également susceptible d’avoir des implications économiques majeures qui, à l’avenir, pourraient nuire aux soins de santé en raison du manque de ressources. Cela pourrait éventuellement <a href="https://theconversation.com/coronavirus-why-lockdown-may-cost-young-lives-over-time-134580">causer encore plus de décès et de souffrances</a> que la pandémie ne le fera à court terme.</p>
<h2>Immunité collective</h2>
<p>Les meilleures estimations du taux de létalité de le Covid-19 – la proportion des personnes infectées qui meurent – sont actuellement de <a href="http://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.03.09.20033357v1">0,5-1,0 %</a>. En comparaison, la grippe espagnole de 1918-1919 avait un taux de 3 % dans certaines régions du nord de la Suède. Il y a un siècle, la Suède se remettait de la Première Guerre mondiale, même si le pays est resté neutre.</p>
<p>Les systèmes de transport et de communication internes étaient moins développés que dans de nombreux autres pays à l’époque, ce qui a contribué à ralentir la propagation de l’épidémie. À court terme, cela a été perçu comme une bonne chose. Mais parce que l’immunité collective – par laquelle suffisamment de personnes ont été infectées pour devenir immunisées contre le virus – n’avait pas été atteinte au départ, il y a eu <a href="https://www.jstor.org/stable/44446153?seq=1#metadata_info_tab_contents">au moins deux autres épidémies</a> du virus de la grippe espagnole en un an. La deuxième vague d’infections a eu un taux de mortalité plus élevé que la première.</p>
<p>En tirant la leçon de cette expérience, de nombreuses personnes en Suède sont maintenant optimistes quant à la possibilité d’obtenir une immunité collective. Par rapport à la grippe espagnole, le Covid-19 est moins grave, de nombreuses personnes infectées étant considérées comme asymptomatiques. Bien que cela contribue à une propagation plus rapide, <a href="https://www.technologyreview.com/s/615375/what-is-herd-immunity-and-can-it-stop-the-coronavirus/">cela signifie également que le seuil d’immunité collective est d’environ 60 %</a>. Cela peut être réalisé rapidement dans les pays qui n’ont pas de stratégies d’atténuation ou de suppression intensives.</p>
<p>Cela peut également réduire le risque de nouvelles vagues de l’épidémie. Ainsi, lorsque nous examinerons les leçons tirées de la pandémie de Covid-19 à l’avenir, il est probable que l’on examinera attentivement le succès ou l’échec de l’approche initiale relativement détendue de la Suède. Elle tient compte non seulement des pertes en vies humaines dues à la pandémie, mais aussi des conséquences sociales et économiques négatives à plus long terme et des décès qu’elles pourraient provoquer.</p>
<p>Ainsi, compte tenu de la propagation inégale et relativement modeste du virus en Suède à l’heure actuelle, sa stratégie initiale pourrait ne pas se révéler imprudente. Mais la Suède devra sans doute imposer des restrictions plus strictes en fonction de la manière dont le virus se propage, en particulier dans les zones métropolitaines ou lorsque le système de santé sera soumis à de trop fortes pressions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135018/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Paul W Franks reçoit des fonds de recherche de Boehringer Ingelheim, Eli Lilly, Janssen, Novo Nordisk A/S, Sanofi Aventis et Servier et a reçu des honoraires de consultation de Eli Lilly, Novo Nordisk et Zoe Global Ltd et a des options d'achat d'actions dans Zoe Global Ltd.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Peter M Nilsson ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La Suède a adopté une stratégie relativement détendue face au Covid-19, partant du principe qu'une réaction excessive est plus dommageable qu'une réaction insuffisante.Paul W Franks, Professor of Genetic Epidemiology, Lund UniversityPeter M Nilsson, Professor of Internal Medicine - Epidemiology, Lund UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1287362020-01-28T17:31:39Z2020-01-28T17:31:39ZEn Laponie, les conséquences paradoxales du tourisme sur le peuple Sami<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/312255/original/file-20200128-81341-ehi8re.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C7%2C5114%2C3274&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les codes traditionnels de la culture sami sont récupérés par les acteurs (non samis) du tourisme pour vendre des objets sous couvert d’« authenticité ».</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/collection-saami-dolls-dressed-traditional-lapland-747594760">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Comptant parmi les derniers peuples aborigènes du Grand Nord, les Samis sont établis en Norvège, en Suède, en Finlande et dans le nord-ouest de la Russie. Ce groupe vit pour la majorité sur le cercle polaire arctique. Il compterait autour de 100 000 personnes réparties entre la Finlande, la Norvège, la Suède et la Russie. Uni par la langue finno-ougrienne et doté d’une culture propre, ce peuple fort d’une histoire de 10 000 ans est engagé depuis les années 1970 dans un fort processus de (ré)acquisition de sa conscience identitaire et de recherche de légitimité.</p>
<p>Dans le contexte finlandais, les Samis ont été progressivement privés de leur droit exclusif de l’usage de leur terre tout au long du processus de colonisation à partir <a href="https://www.veli-pekkalehtola.fi/UserFiles/files/ArcticAnthropology%20Lehtola%281%29.pdf">du XVIIIᵉ siècle et ce, jusqu’à nos jours</a>.</p>
<p>La Finlande <a href="https://arctic-council.org/index.php/en/our-work/arctic-peoples">abrite approximativement 10 000 Samis</a>, divisés en trois groupes : les Samis du Nord, les Samis d’Inari et les Samis de Skolt.</p>
<p>Les touristes du monde entier viennent visiter la région de Laponie finlandaise pour y admirer les attractions géoclimatiques locales, les aurores boréales ou le soleil de minuit, ou incités par le goût de l’aventure. Un afflux qui n’est pas sans conséquence sur la culture sami.</p>
<h2>Père Noël, Husky et aurores boréales</h2>
<p>En Laponie finlandaise, le tourisme tourne principalement autour des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/15022250600562154">conditions atmosphériques dites « extrêmes »</a>. Longues journées ensoleillées en été, longues nuits en hiver, aurores boréales, froid… Les activités de divertissement sportif y sont nombreuses, de la randonnée au ski en passant par la pêche et la chasse. Sans parler des attractions animalières, comme les rennes ou les fermes de husky, et du célèbre village du père Noël, à Rovaniemi.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/312256/original/file-20200128-81362-oo860u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/312256/original/file-20200128-81362-oo860u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/312256/original/file-20200128-81362-oo860u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/312256/original/file-20200128-81362-oo860u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/312256/original/file-20200128-81362-oo860u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/312256/original/file-20200128-81362-oo860u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/312256/original/file-20200128-81362-oo860u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Renne en Laponie finlandaise.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/rovaniemi-finland-march-3-2017-man-611630744">Shutterstock</a></span>
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</figure>
<p>Dans ce riche panorama, l’intérêt culturel qui entoure les Samis est devenu secondaire, un secteur de soutien plus que l’attraction principale. À la fin de la guerre froide, la reconstruction des routes de Laponie, détruites par l’armée allemande pendant la Seconde Guerre mondiale, a ouvert la voie au tourisme dans la région.</p>
<p>Certes, les symboles de ce peuple demeurent visibles. Il est très courant de croiser dans la région des tentes samis ou des boutiques d’artisanat. Mais les objets, qui sont souvent produits ailleurs, sont vendus aux touristes par des non-Samis, qui les présentent comme des objets authentiques.</p>
<h2>Une folklorisation de la culture sami</h2>
<p>De la même manière, des attractions culturelles existent dans la région : le musée Siida à Inari, la <a href="http://www.nationalparks.fi/skoltsamiheritagehouse">maison patrimoniale sami de Skolt</a> à Sevettijärvi ou le festival Ijahis idja de musique sami, qui est organisé <a href="http://www.ijahisidja.fi/en/updates.php">à Inari depuis 2004</a>.</p>
<p>Les Samis de Finlande, de Scandinavie et de Russie y participent mais cette organisation attire également les <a href="https://biblio.co.uk/book/tourism-indigenous-peoples-issues-implications-butler/d/1177227030">touristes nationaux et internationaux</a>. Cette quête d’authenticité culturelle factice a atteint une telle dimension commerciale que le bâtiment du Parlement sami à Inari, ce lieu sensible acquis au terme d’un processus très difficile, est aujourd’hui loué pour des congrès, des conférences, des réunions et des événements commerciaux.</p>
<p>Le développement du tourisme dans la région a donc un double effet. Il fait revivre des traditions culturelles en phase de disparition pour cause de modernisation et d’assimilation. Parfois, dans une <a href="http://psi424.cankaya.edu.tr/uploads/files/Hobsbawm_and_Ranger_eds_The_Invention_of_Tradition.pdf">démarche de l’invention de tradition</a>, mais il folklorise et uniformise aussi les objets et comportements culturels, surtout au bénéfice des <a href="http://www.diva-portal.org/smash/record.jsf?pid=diva2%3A1263860&dswid=4957">non-Samis de la région</a>.</p>
<h2>Le tourisme, une arme à double tranchant</h2>
<p>Les touristes veulent voir des couleurs, des figures et des tentes samis lorsqu’ils viennent en Laponie. Les Samis entrent par conséquent dans leur jeu, en utilisant leurs symboles traditionnels pour accroître l’attrait de leur région, comme c’est le cas à Rovaniemi, Sydokkola, Ivalo, Inari et Sevettijärvi.</p>
<p>Bien entendu, cette instrumentalisation des symboles n’est pas le fruit d’une quelconque naïveté, elle répond à la loi du marché. Cela permet néanmoins aux Samis de faire perdurer certaines traditions et objets qu’ils ne fabriqueraient plus autrement.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/312257/original/file-20200128-81357-u1mz68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/312257/original/file-20200128-81357-u1mz68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/312257/original/file-20200128-81357-u1mz68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/312257/original/file-20200128-81357-u1mz68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/312257/original/file-20200128-81357-u1mz68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/312257/original/file-20200128-81357-u1mz68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/312257/original/file-20200128-81357-u1mz68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Boutique de souvenirs vendant des objets « samis ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/rovaniemi-finland-march-2-2017-couple-1106023499">Shutterstock</a></span>
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<p>En revanche, si les Samis vendent leurs produits culturels, ils n’approuvent pas que d’autres utilisent leurs ressources culturelles (tels que les costumes, les chapeaux ou les yoiks). Cette recherche de légitimité et d’exclusivité se traduit par une tension interne à la région, où les Samis n’ont toujours pas de droits exclusifs territoriaux.</p>
<p>Jean Malaurie, qui a parcouru toute sa vie le Groënland, a souvent exprimé ce paradoxe. D’un côté, il regrettait la contamination de la culture inuit par le contact avec les Qallunaat (hommes blancs) ; de l’autre, il reconnaissait que ce rapprochement facilitait les <a href="https://www.abebooks.fr/rechercher-livre/titre/les-derniers-rois-de-thule/">conditions de vie difficiles des Inuits</a>. Cette tension se pose encore aujourd’hui. Qu’attendent les Samis du tourisme ? Des retombées financières ? Ou peut-être une reconnaissance, voire du respect ?</p>
<h2>Revendications foncières</h2>
<p>Quoi qu’il en soit, la culture sami n’est pas le principal motif de tourisme en Laponie finlandaise. Par conséquent, les avantages ou les dommages du tourisme sur la culture sami doivent être considérés comme collatéraux. Que se passerait-il si un jour Père Noel mourait ? En d’autres termes, quels pourraient être les effets de l’absence ou de la baisse drastique du tourisme dans la région, sur la culture sami ?</p>
<p>Changement climatique, industrialisation incontrôlée, construction du chemin de fer pourraient changer à l’avenir les valeurs de l’attraction de la Laponie.</p>
<p>Dans tous les cas, les droits fonciers revendiqués – dont ils ont progressivement été privés depuis plus de deux siècles – par les Samis finlandais semblent indispensables pour assurer une vie culturelle riche et pérenne, où les comportements et les objets sont non seulement authentiques, mais aussi des exemples pour d’autres cultures sur la façon de traiter avec la nature, dans un contexte <a href="https://www.arcticcentre.org/loader.aspx?id=75ede629-b6d5-4426-91b7-6bfbf4948c05">où ces expériences deviennent vitales</a>.</p>
<p>Rappelons que contrairement à la Norvège, la Finlande n’a toujours pas ratifié la Convention no 169 d’ILO <a href="https://www.idunn.no/ntmr/2012/02/why_not_commit_-_norway_sweden_and_finland_and_the_ilo_">sur les droits des peuples autochtones</a>.</p>
<p>Le tourisme dont profitent les Samis étant une ressource conjoncturelle et secondaire, ces derniers revendiquent davantage des droits fonciers pour garantir la perpétuation de la culture indigène spécifique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/128736/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eda Ayaydin a reçu des financements de l'Institut des hautes études de défenses nationale et de la Région Ile de France.</span></em></p>Tout en soumettant sa culture à la loi du marché, le tourisme permet à ce peuple autochtone de faire perdurer des traditions en voie de disparition.Eda Ayaydin, Doctorante en sciences politiques, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1279282019-12-09T19:42:35Z2019-12-09T19:42:35ZL’inimaginable croissance du sapin de Noël<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/303974/original/file-20191127-112526-klwxsp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=37%2C13%2C961%2C652&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vous n'êtes pas sûr de payer votre sapin au juste prix ? L'équation d'Hotelling modifiée par Faustmann peut vous aider !</span> <span class="attribution"><span class="source">Aleksandra Suzi / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Qui aurait pu hier se douter de l’avenir commercial quasi-planétaire du sapin de Noël ? Ni Martin Luther qui l’éclaira de chandelles pour célébrer la naissance de Jésus ni même, beaucoup plus tard, le Prince Albert qui décora l’arbre de Noël du Château de Windsor. Comment imaginer à ces époques reculées qu’il serait un jour cultivé au Danemark pour l’exportation, transporté par hélicoptère en Oregon et fabriqué en plastique par la Chine ? Faisons un tour joyeux de cette manifestation symptomatique de la croissance de l’économie de marché et du commerce international. Vous pourrez alors mieux choisir entre sapin naturel et artificiel, entre consommation locale et globale.</p>
<h2>« O Tannenbaum »</h2>
<p>La légende veut que Martin Luther, se promenant en forêt la veille de Noël, ait entre-aperçu les étoiles briller à travers les branches d’un sapin. Il coupa un jeune arbre, le ramena à la maison, y posa des bougies et conta à son fils qu’il lui rappelait Jésus quittant les astres pour <a href="https://www.whychristmas.com/customs/trees.shtml">rejoindre la terre des hommes</a>. Depuis, dit-on, le sapin du Moyen Age autour duquel les villageois dansaient quitta les places publiques pour gagner l’intimité des foyers allemands, puis des autres pays protestants. Il arriva en Grande-Bretagne au milieu du XIX<sup>e</sup> siècle. Il y devint populaire grâce au Prince Albert, l’époux saxon de la reine Victoria, la presse <em>people</em> de l’époque suivant déjà les faits et gestes de la famille royale.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/303954/original/file-20191127-112517-fz3g2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/303954/original/file-20191127-112517-fz3g2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/303954/original/file-20191127-112517-fz3g2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=766&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/303954/original/file-20191127-112517-fz3g2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=766&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/303954/original/file-20191127-112517-fz3g2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=766&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/303954/original/file-20191127-112517-fz3g2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=963&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/303954/original/file-20191127-112517-fz3g2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=963&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/303954/original/file-20191127-112517-fz3g2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=963&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La reine Victoria, le Prince Albert et leurs enfants admirent le sapin de Noël royal, décembre 1848.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.webstermuseum.org/christmas.php">Wikimedia</a></span>
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<p>Mais cette origine anticatholique du sapin de Noël <em>at home</em> se mélange à bien d’autres. C’est comme le père Noël, une invention qui réunit caractères archaïsants et croyances de toutes sortes et dont les autorités ecclésiastiques se sont aujourd’hui accommodées. Sachez tout de même qu’en 1951 encore, un (faux) père Noël a été pendu sur le parvis de la cathédrale de Dijon, fait divers dont s’est emparé Claude Lévi-Strauss dans un <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/le-pere-noel-supplicie-claude-levi-strauss/9782021335279">petit texte</a> d’une intelligence pétillante et profonde.</p>
<p>Que vous le considériez comme un <a href="https://www.contrepoints.org/2017/12/28/192471-capitalisme-et-sapin-de-noel">totem non confessionnel de la fête du solstice</a> d’hiver ou comme un symbole de la Nativité, il y a des chances que vous achetiez encore un sapin cette année. Il brille la nuit de Noël en France dans près d’un <a href="https://www.tns-sofres.com/publications/les-achats-de-sapins-de-noel-en-2018">foyer sur quatre</a>.</p>
<h2>Nordmann danois pour le suédois Ikea</h2>
<p>Votre sapin proviendra-t-il du royaume du Danemark ? Pourquoi de ce pays ? Parce qu’il y est cultivé à grande échelle et que le Danemark est le <a href="https://www.caminteresse.fr/questions/dou-viennent-les-sapins-de-noel/">premier exportateur européen</a>. Parenthèse avant d’aller plus loin : l’arbre de Noël n’est plus aujourd’hui prélevé en forêt, il est devenu agricole. Si jamais une telle inquiétude vous avait traversé l’esprit, ne craignez pas d’appauvrir la forêt en achetant un sapin naturel.</p>
<p>C’est bien d’ailleurs parce qu’il n’est pas forestier que le sapin de Noël ne vient pas de Norvège ou de Suède, pays aux vastes ressources ligneuses et aux grandes industries du bois. En plus, à cause des conditions climatiques, il y pousserait moins vite et <a href="https://www.thelocal.dk/20161223/how-danish-christmas-trees-became-big-business">gèlerait souvent sur pied</a>.</p>
<p>Deux chiffres : le Danemark produit une dizaine de millions de sapins de Noël chaque année pour une consommation intérieure <a href="http://www.terradaily.com/reports/Danish_Christmas_Tree_Shortage_Threatens_Prices_Across_Europe_999.html">dix fois moindre</a>. Leur culture s’est révélée attractive dans les années 1990 avec l’entrée du Royaume dans l’Union européenne et son système de subventions agricoles.</p>
<p>Les cultivateurs danois ont aussi pris très tôt le virage du sapin de Nordmann (<em>Abies nordmanniana</em>). Vous savez, celui qui une fois coupé garde longtemps ses aiguilles mais n’embaume pas la pièce d’une délicate odeur de miel et de résine contrairement à l’épicéa (<em>Picea abies</em>). Plus cher, il a cependant conquis le cœur des Français. En l’occurrence plutôt des Françaises car si les femmes consacrent 45 minutes quotidiennes au ménage, les <a href="http://delitsdopinion.com/wp-content/uploads/2016/05/r%C3%A9partition-2.jpg">hommes sont à 15</a>. Pratiquement absent des foyers modernes des années 1960, le Nordmann a progressivement imposé ses cônes dressés et son feuillage à revers argenté.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/303959/original/file-20191127-112539-1gulhyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/303959/original/file-20191127-112539-1gulhyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/303959/original/file-20191127-112539-1gulhyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/303959/original/file-20191127-112539-1gulhyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/303959/original/file-20191127-112539-1gulhyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/303959/original/file-20191127-112539-1gulhyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/303959/original/file-20191127-112539-1gulhyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/303959/original/file-20191127-112539-1gulhyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Extrait de l’étude Kantar pour Val’hor et France AgriMer « les achats de sapins de Noël en 2018 ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.tns-sofres.com/sites/default/files/2019.04.04-achats-sapins-de-noel.pdf">TNS Sofres</a></span>
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<p>Si vous achetez votre sapin chez Ikea, il sera danois. Le distributeur suédois est le <a href="http://www.eisenia.coop/actualites/sapin-de-noel/">plus grand acheteur et vendeur</a> mondial d’arbres de Noël.</p>
<p>Il en a fait un produit d’appel. Vous le paierez 24,99 euros en caisse avec vos autres achats, y compris les babioles plus ou moins volumineuses et dispendieuses que vous n’envisagiez absolument pas d’acquérir mais qui se retrouvent tout de même au fond de votre chariot. Un bon de 20 euros vous sera remis, à dépenser lors de votre prochaine visite d’ici février prochain. N’espérez cependant pas faire une bonne affaire avec votre sapin au prix imbattable de 4,99 euros. En retournant en magasin pour toucher votre bon vous repartirez encore une fois avec vos babioles superfétatoires plus ou moins volumineuses et dispendieuses. En plus si vous allez chez Ikea en <a href="https://www.lebonbon.fr/paris/news/pourquoi-ikea-est-un-piege-a-couple/">couple</a> cela ne vous rapprochera pas. Il n’existe pas d’études économétriques sur le nombre de disputes et de ruptures causées par Ikea mais même sans chiffres je me permets de vous suggérer de vous y rendre sans votre conjoint·e.</p>
<h2>Hauteur et prix du sapin</h2>
<p>L’avantage tout de même d’Ikea est de proposer une seule taille de sapin, un mètre quarante. Pas d’hésitation entre l’achat d’un arbre de Noël plus petit mais moins cher ou plus cher mais plus grand. D’autant que la relation théorique entre prix et taille du sapin de Noël passe par des calculs hyper compliqués. Si je vous dis qu’elle obéit à la règle d’Hotelling modifiée Faustmann cela ne vous dira rien. Je vous livre alors quelques explications.</p>
<p>Harold Hotelling, grand économiste-statisticien américain, a établi que le prix d’une ressource naturelle devrait augmenter au rythme du taux d’intérêt. L’intuition est que son propriétaire arbitre entre exploiter maintenant ou exploiter demain. Si le prix de demain est inférieur à ce que lui rapporterait le produit de sa vente placée à la banque, il préférera évidemment vendre aujourd’hui. La différence de prix entre un Nordmann de 10 ans avec ses 20 cm de plus et un Nordmann de 9 ans dépend donc du taux d’intérêt.</p>
<p>Martin Faustmann, un forestier allemand, entre en jeu car les arbres, une fois coupés peuvent être replantés, ce qui n’est évidemment pas le cas du charbon ou du pétrole qu’Hotelling avait plutôt en tête. Si le cultivateur de sapin de Noël vend ses Nordmann à 10 ans et non à 9 ans, il perd l’année de croissance des nouveaux plants qu’il aurait semés sur la parcelle récoltée. Si vous voulez en savoir plus et aimez les équations, reportez-vous à <a href="https://www.jstor.org/stable/1245083?seq=1#metadata_info_tab_contents">l’article</a> « A Hotelling-Faustmann Explanation of the Structure of Christmas Tree » de l’<em>American Journal of Agricultural Economics</em>. Les économistes académiques américains sont formidables car ils ont publié sur tous les sujets.</p>
<h2>L’Oregon et les camions mexicains</h2>
<p>Restons aux États-Unis. Cela ne vous étonnera pas que le plus grand producteur et consommateur de sapins de Noël de la planète les cultive de façon industrielle. <a href="https://www.noblemountain.com">Noble Mountain Tree Farm</a>, par exemple, élève le sapin noble (<em>Abies procera</em>), le Douglas vert (<em>Pseudotsuga menziesii</em>) et autres pin sylvestre (<em>Pinus sylvestris</em>) sur près de 2 000 hectares. Une fois coupés, ils sont enlevés par hélicoptère et embarqués en camion ou en container réfrigérés pour les livrer partout dans le reste des États-Unis, en Amérique centrale et même beaucoup plus loin, à Doha, Singapour et Saïgon.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/303961/original/file-20191127-112489-1sojapb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/303961/original/file-20191127-112489-1sojapb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/303961/original/file-20191127-112489-1sojapb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=897&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/303961/original/file-20191127-112489-1sojapb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=897&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/303961/original/file-20191127-112489-1sojapb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=897&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/303961/original/file-20191127-112489-1sojapb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1127&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/303961/original/file-20191127-112489-1sojapb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1127&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/303961/original/file-20191127-112489-1sojapb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1127&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Hélitreuillage des sapins dans des camions de transport dans l’Oregon.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.noblemountain.com/logistics.htm">Noble Mountain Tree Farm</a></span>
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</figure>
<p>En revanche, vous n’auriez pas imaginé un instant que le sapin de Noël cultivé dans l’Oregon puisse être l’otage d’un conflit commercial entre le Mexique et les États-Unis. Une <a href="http://www2.southeastern.edu/orgs/econjournal/index_files/JIGES%20JUNE%202011%20NAFTA%20and%20the%20U.S.-Mexican%20Trucking%20Dispute.pdf">longue dispute</a> sur l’accès des camions mexicains au réseau routier fédéral en est à l’origine.</p>
<p>L’accord de libre-échange nord-américain prévoyait cette ouverture pour 2000. Pour des raisons plus ou moins convaincantes (véhicules moins sûrs, chauffeurs insuffisamment expérimentés, passage de drogue et de clandestins, etc.), les États-Unis ont traîné des pieds et le Mexique a fini par se lasser. En 2009, son gouvernement a imposé des surtaxes à l’importation pour plusieurs milliards de dollars sur près de 100 produits dont le sapin de Noël. Que vient faire là notre petit résineux ? La faute à deux membres du Congrès élus de l’Oregon qui se sont sans cesse <a href="https://www.oregonlive.com/business/2011/10/post_61.html">opposés à l’accès des camions mexicains</a>. Il y a une certaine logique au ciblage des mesures de rétorsion commerciales.</p>
<h2>Les fabrications chinoises</h2>
<p>On retrouve encore notre petit sapin pris dans les filets du conflit commercial entre les États-Unis de Donald Trump et la Chine de Xi Jinping. Plus précisément les guirlandes et autres articles de Noël. Pas le sapin lui-même direz-vous car la Chine n’en cultive pas ; et ce pour une bonne raison : Noël n’y est pas fêté et le symbole du Nouvel An chinois est un animal, pas un arbre, et la couleur de circonstance le rouge, non le vert (à propos, la prochaine année sera placée sous le signe du Rat et débutera le 5 février.) La Chine n’en produit pas moins pour l’exportation des sapins factices en plastique et toutes les décorations qui vont avec. Elle en est même de très très loin la premier fabricant mondial.</p>
<p>Dès la première salve du conflit, les États-Unis ont imposé une taxe de 10 % sur les importations de décorations de Noël. Rien en revanche sur les sapins en chlorure de polyvinyle ou en polyuréthane. Ne me demandez pas la logique de ce traitement différencié. Je ne la connais pas. Ne me demandez pas non plus pourquoi la surtaxe sur les articles de Noël a été retirée l’été dernier. Donald Trump se serait-il ému à l’idée que les petits enfants d’Amérique trouveraient un sapin moins abondamment décoré ?</p>
<p>La fabrique chinoise des accessoires de Noël est bien sûr assez éloignée des histoires racontées aux petits enfants. Ni elfes aux oreilles pointus ni lutins espiègles aidant le père Noël, mais des ouvriers travaillant à la chaîne et des machines découpant le PVC en millions d’aiguilles factices. La fabrication ne se situe pas non plus quelque part au-delà du cercle polaire. Elle se tient à 300 km de Shanghai. À Yiwu, précisément. Près d’un millier d’entreprises d’articles de Noël s’y côtoient. Elles réalisent à elles seules <a href="https://www.icontainers.com/us/2018/12/18/is-your-christmas-made-in-china/">60 % de la production mondiale</a> de sapins en plastique, guirlandes lumineuses, étoiles dorées, et autres personnages et boules de Noël. Pour un aperçu des chaînes de fabrication et des usines de cet atelier du monde de la Nativité, regardez la vidéo de <em>National Geographic</em>, <a href="https://video.nationalgeographic.com/video/i-didnt-know-that/00000144-0a29-d3cb-a96c-7b2db4c20000">« I did not know that : how Christmas trees are made »</a>. Plutôt quand vos jeunes enfants seront couchés. Maintenant vous saurez.</p>
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<h2>Sapin naturel vs sapin factice</h2>
<p>Aux États-Unis, le <em>fake christmas tree</em> se rapproche du volume des ventes du sapin naturel et continue de progresser. Son prix avantageux – une utilisation pour deux Noël suffit à le rendre moins coûteux – ne semble pas la principale raison de cette croissance. Sa baisse n’entraîne d’ailleurs qu’un <a href="https://academic.oup.com/ajae/article-abstract/75/3/730/48090?redirectedFrom=fulltext">très faible effet de report</a> sur l’achat de sapin naturel. C’est plus la commodité (pas d’aiguilles à balayer, pas de trajet chaque début décembre pour se le procurer) qui est à l’origine de son succès outre-Atlantique.</p>
<p>Sa part reste en revanche stable en France, autour de <a href="https://www.tns-sofres.com/publications/les-achats-de-sapins-de-noel-en-2018">20 % des sapins de Noël</a> achetés chaque année. Ce qui est une bonne nouvelle pour les producteurs nationaux car par ailleurs les importations du Danemark ou d’ailleurs ne représentent qu’un cinquième des volumes. Les Français semblent rester attachés au sapin en bois d’origine locale.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/303966/original/file-20191127-112489-1g77dbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/303966/original/file-20191127-112489-1g77dbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/303966/original/file-20191127-112489-1g77dbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/303966/original/file-20191127-112489-1g77dbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/303966/original/file-20191127-112489-1g77dbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/303966/original/file-20191127-112489-1g77dbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/303966/original/file-20191127-112489-1g77dbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/303966/original/file-20191127-112489-1g77dbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« Aux États-Unis, de plus en plus de fake Christmas trees ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Yeexin Richelle/Shutterstock</span></span>
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<p>Leur comportement est-il pour autant mieux respectueux de la planète ? Quel sapin est le plus vert ? Le naturel ou le factice ? A priori le sapin de Noël naturel puisqu’il capte du dioxyde de carbone en poussant grâce à la photosynthèse, alors que son rival en dégage car la chaîne qui va du pétrole plus du sel au PVC est très gourmande en énergie. Mais cet avantage peut basculer selon deux principaux paramètres : le nombre d’années de réutilisation et les distances de transport, et donc les émissions polluantes, pour acheminer les sapins au point de vente puis chez soi. Plus vous garderez longtemps votre sapin en plastique moins pèsera le fait qu’il vienne de Chine ou que vous l’ayez acheté loin de chez vous.</p>
<p>Inversement, plus les distances de transport de votre sapin naturel sont grandes, moins le bilan carbone sera favorable. En plus, ce match vert dépend également d’autres facteurs à l’instar du traitement de fin de vie (poubelle ou recyclage) et des dommages à l’environnement autres que les émissions de carbone (effets des produits phytosanitaires et biodiversité). Les analyses de cycle de vie réalisées sur nos deux sapins aboutissent ainsi à des résultats qui peuvent être différents selon les paramètres pris en considération et les valeurs retenues. Un point de bascule <a href="https://8nht63gnxqz2c2hp22a6qjv6-wpengine.netdna-ssl.com/wp-content/uploads/2018/11/ACTA_2018_LCA_Study.pdf">à 5 ans</a> ou <a href="https://ellipsos.ca/lca-christmas-tree-natural-vs-artificial/">à 20 ans</a> de réutilisation selon les sources, par exemple. Bref… difficile de s’y retrouver.</p>
<p>Mon conseil : optez pour le sapin naturel dès lors que vous ne le jetterez pas à la poubelle, mais le déposerez à un point de collecte ou dans une déchèterie près de chez vous. Si vous avez un doute achetez un <a href="https://franchementbien.fr/un-sapin-francais-label-rouge/">sapin Label rouge</a> il viendra de France ou un <a href="https://www.plantezcheznous.com/professionnel-jardin/france-sapin-bio-producteurs-sapins-noel-bio/">sapin bio</a>, plus vert encore.</p>
<p>Et puis, ne faites pas comme le petit sapin <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9683757m/f6.image">envieux et grincheux</a> du conte d’Andersen qui ne sait pas profiter des instants présents. Passez donc de joyeuses fêtes de Noël avec ou sans arbre décoré de guirlandes chinoises.</p>
<blockquote>
<p>« Dans la forêt croissait un joli petit Sapin… (si impatient de grandir qu ») il ne prenait point plaisir aux jeux de lumière du soleil, ni au chant et aux mouvements des oiseaux, ni aux nuages flottants qui passaient au-dessus de lui, roses le matin, rouges et pourpres le soir… »</p>
</blockquote>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/303968/original/file-20191127-112512-1jqsqgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/303968/original/file-20191127-112512-1jqsqgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/303968/original/file-20191127-112512-1jqsqgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=942&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/303968/original/file-20191127-112512-1jqsqgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=942&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/303968/original/file-20191127-112512-1jqsqgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=942&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/303968/original/file-20191127-112512-1jqsqgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1184&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/303968/original/file-20191127-112512-1jqsqgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1184&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/303968/original/file-20191127-112512-1jqsqgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1184&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Extrait du livre « Le sapin merveilleux et autres contes d’hiver et de printemps », d’après Hans Andersen.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9683757m/f6.image">Gallica.bnf.fr/Larousse (1910)</a></span>
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<hr>
<p><em>François Lévêque a récemment publié « Les habits neufs de la concurrence » aux Éditions Odile Jacob.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127928/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Lévêque ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’arbre qui brillera dans un foyer français sur quatre fin décembre n’est pourtant pas épargné par les turbulences de la mondialisation…François Lévêque, Professeur d’économie, Mines ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1195652019-10-09T18:51:57Z2019-10-09T18:51:57ZLa maison 100 % autonome existe (en Suède)<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/296248/original/file-20191009-3935-1yl9q8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=79%2C0%2C3905%2C2452&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’autoconsommation, qui consiste à consommer l’énergie que l’on produit, est de plus en plus répandue.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/download/success?u=http%3A%2F%2Fdownload.shutterstock.com%2Fgatekeeper%2FW3siZSI6MTU3MDY2MDE3NywiYyI6Il9waG90b19zZXNzaW9uX2lkIiwiZGMiOiJpZGxfNDQ0MDg4OTQ1IiwiayI6InBob3RvLzQ0NDA4ODk0NS9odWdlLmpwZyIsIm0iOjEsImQiOiJzaHV0dGVyc3RvY2stbWVkaWEifSwiRDlOV2xvM1ZTYU9jbUxXcFY1RjIwY1B3UStVIl0%2Fshutterstock_444088945.jpg&pi=33421636&m=444088945">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>2019 aura-t-elle été l’année de la libération pour l’autoconsommation ? C’est en tout cas l’hypothèse formulée dans son dernier hors-série par le <em>Journal du photovoltaïque</em>. Si l’installation de panneaux solaires s’est développée grâce à un tarif de revente attractif, nous atteignons aujourd’hui la parité réseau, c’est-à-dire la situation dans laquelle le prix de l’électricité renouvelable rejoint celui du réseau électrique national.</p>
<p>L’autoconsommation représente <a href="https://www.journal-photovoltaique.org/journal/journal-du-photovoltaique-hors-serie-autoconsommation/">déjà 90 % des nouvelles demandes</a> de raccordement des producteurs électriques de faibles puissances tandis que la loi qui encadre cette pratique <a href="https://www.greenunivers.com/2017/02/autoconsommation-delectricite-la-loi-du-24-fevrier-2017-complete-le-cadre-juridique-avis-dexpert-158308/">ne date que de 2017</a>.</p>
<p>Il semble donc que les producteurs individuels d’électricité préfèrent aujourd’hui consommer l’énergie plutôt que de la revendre. Pourtant le taux d’autoconsommation annuel ne dépasse que rarement 20 à 30 % à cause du décalage entre la production solaire et notre consommation d’électricité. C’est pourquoi l’<a href="https://www.ademe.fr/autoconsommation-photovoltaique-comment-produire-lelectricite-consommer-chez">Ademe</a> incite à conserver un contrat de revente afin d’écouler son surplus. L’agence considère également que le stockage, qui permet par exemple de consommer le soir la production de la journée, n’est pas économiquement rentable du fait du coût des batteries. Quant à l’autonomie, elle semble aujourd’hui impossible car elle nécessiterait des capacités de stockage gigantesque.</p>
<p>En Allemagne, pourtant, pays où la parité réseau a été atteinte en 2012, la moitié des nouvelles installations de petite et moyenne taille ont été installées avec une batterie. Les taux d’autoconsommation peuvent alors atteindre un maximum de 70 %. Le rêve d’une maison totalement autonome semble toutefois encore lointain. Comment imaginer un logement complètement déconnecté du réseau électrique, où tous les besoins énergétiques seraient couverts par des ressources renouvelables ?</p>
<h2>Le pari réussi de Hans Nilsson</h2>
<p>En Suède, un pionnier s’est lancé dans ce projet fou. Ingénieur à la retraite, Hans Nilsson vit confortablement dans la banlieue de Göteborg dans une maison totalement autonome.</p>
<p>Couverte de panneaux solaires, sa maison fonctionne en totale autonomie, tant pour l’électricité que pour le chauffage, et ce depuis quatre années déjà – l’aventure ayant démarré en mars 2015. Réussir un tel exploit en Suède, le pays où les besoins énergétiques explosent en hiver, avec des températures qui descendent régulièrement sous les 0 °C et un ensoleillement rare, apparaît particulièrement remarquable.</p>
<p>Ce sont sans doute ces difficultés qui l’ont d’ailleurs motivé. Aujourd’hui, son concept vertueux de RE8760, pour <a href="https://nilssonenergy.com/products/">« Renewable Energy » pendant 8760 h</a>, c’est-à-dire toute l’année, est source d’inspiration pour de nombreux projets de construction.</p>
<p>Mais comment cette maison fonctionne-t-elle ?</p>
<h2>160 m<sup>2</sup> de panneaux solaires</h2>
<p>On pense en général que l’autoconsommation est impossible sur toute l’année. L’hiver, période où les besoins énergétiques sont les plus importants, coïncide justement avec une irradiation solaire minimale.</p>
<p>Monsieur Nilsson aime visiblement les défis, puisque la surface de sa maison avoisine les 500 m<sup>2</sup> ! Si cette taille pèse sur la consommation du bâtiment, elle constitue en contrepartie un atout qui permet l’installation d’une grande quantité de panneaux solaires : 140 m<sup>2</sup> sur la toiture et sur la façade en photovoltaïque pour la production d’électricité et 20 m<sup>2</sup> de panneaux solaires thermiques supplémentaires pour la production d’eau chaude.</p>
<p>Une telle surface paraît gigantesque pour une simple maison. Généralement, on parle d’installations de panneaux solaires sur 20 à 30 m<sup>2</sup>. Ici, pourtant, l’objectif n’est pas de revendre l’électricité produite au réseau local, mais bien de la consommer soi-même. Et la faible ressource solaire suédoise doit être compensée par une surface plus conséquente.</p>
<p>La production de son installation se chiffre environ à <a href="https://www.linkedin.com/pulse/true-pioneer-goes-off-grid-michael-jensen/">22 000 kWh d’électricité par an</a> : une quantité largement suffisante pour la maison de Mr Nilsson. Bien sûr, une grande partie de cette production se fait l’été, en pleine journée, au moment où les besoins sont les plus faibles. Et c’est là toute l’ingéniosité de Monsieur Nilsson : il parvient à stocker plus des deux tiers de sa production, ce qui lui suffit pour tenir l’hiver en Suède.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1129123339270799367"}"></div></p>
<h2>Un ingénieux système de stockage</h2>
<p>Il a mis pour cela en place un système complexe. Il s’appuie principalement sur l’électrolyse de l’eau – qui produit de l’hydrogène à partir du surplus d’électricité – et une pile à combustible – qui utilise l’hydrogène stocké pour produire de l’électricité. En soutien, le système comporte des batteries chimiques au plomb-silicium – un matériau plus lourd mais moins cher que le lithium – dont la capacité atteint les 144 kWh.</p>
<p>Au total, cette capacité électrochimique correspond à peu près à trois batteries de voitures électriques type Renault Zoé et permet une autonomie électrique de cinq jours environ. Dès que les batteries sont chargées, le surplus de production photovoltaïque estival permet le démarrage de l’électrolyse.</p>
<p>Bien sûr, comme pour toute transformation énergétique, celle-ci engendre des pertes. Seuls 60 % de l’énergie électrique sont finalement stockés sous forme d’hydrogène. Pendant les six mois les plus favorables de l’année, la maison de Mr Nilsson fonctionne donc uniquement avec les panneaux photovoltaïques et les batteries chimiques, et les stocks d’hydrogène ne font au cours de cette période que s’accumuler.</p>
<p>Un des défauts de l’hydrogène est d’être très volumineux. Une partie de l’électricité sert donc à compresser le gaz à 300 bar, ce qui a obligé Mr Nilsson à investir dans une grande capacité de stockage. Il produit annuellement plus de <a href="https://www.linkedin.com/pulse/true-pioneer-goes-off-grid-michael-jensen/">3 000 Nm³ d’hydrogène à partir des 15 000 kWh</a> de surplus électrique.</p>
<p>Pendant les six autres mois de l’année, une grande partie des besoins énergétiques de la maison sont couverts par l’énergie produite par une pile à hydrogène. Mr Nilsson a d’abord utilisé un prototype spécialement développé avec une <a href="https://www.powercell.se/en/technology/the-fuel-cell-explained/">entreprise suédoise</a>.</p>
<p>Dorénavant, ce genre d’installation se déploie sur le <a href="https://www.lemoniteur.fr/article/la-premiere-chaudiere-a-hydrogene-domestique-est-en-service-depuis-le-25-juin.2049290">marché de l’habitat domestique</a>. Une pile à hydrogène produit presque autant de chaleur que d’électricité. On pourrait y voir une perte de rendement, mais en l’occurrence, Mr Nilsson en profite pour faire de la cogénération à domicile, c’est-à-dire alimenter à la fois son système électrique et son système de chauffage.</p>
<h2>Pas exempt de critiques</h2>
<p>Comme dans beaucoup de maisons suédoises modernes, l’isolation est parfaite et le chauffage au sol est alimenté par une pompe à chaleur géothermique, qui puise les calories à plus de 180 mètres de profondeur. Elle ne fonctionne toutefois qu’au cours des périodes les plus sombres et les plus froides de l’année, lorsque la chaleur apportée par les panneaux solaires thermiques et la pile à hydrogène est insuffisante pour maintenir une température confortable dans la maison.</p>
<p>Finalement, Mr Nilsson ne transforme que 2 000 Nm<sup>3</sup> d’hydrogène en électricité, soit les 2/3 de sa production. Il envisage d’utiliser le reste pour alimenter une voiture à hydrogène. Mais lui et sa femme ont déjà deux petites voitures électriques, rechargées grâce au surplus de la maison. La voiture à hydrogène, dotée d’une meilleure autonomie, servira pour les longs trajets.</p>
<p>En simplifiant, on peut dire que la maison de Mr. Nilsson fonctionne l’été grâce au soleil le jour et aux batteries la nuit puis l’hiver grâce à l’hydrogène et à la pompe à chaleur.</p>
<p>Les visiteurs se pressent à sa porte, et il a même reçu le ministre de l’énergie suédois. Si la fascination domine, certaines critiques sont récurrentes : le rendement est insuffisant et les coûts trop élevés ! Ce à quoi l’ingénieur rétorque que celui d’un moteur à explosion n’est pas meilleur. Quant au prix, il répond que son système de stockage demeure bien moins cher qu’avec des batteries chimiques dont les capacités sont trop faibles. Mais il admet que son système complet pour l’électricité et le chauffage a coûté très cher – <a href="https://www.elinstallatoren.se/innehall/nyheter/2017/maj/skippar-elnatet--med-bransleceller-i-kallaren/">environ 100 000 euros</a>.</p>
<p>À ses yeux, son installation est certes inabordable pour la plupart des propriétaires, mais la commercialisation n’en est qu’à ses prémices. Il estime que les prix baisseront à mesure que les volumes augmenteront. Quant à sa facture énergétique, elle est désormais nulle…</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1174119200106975233"}"></div></p>
<h2>Une source d’inspiration ailleurs en Suède</h2>
<p>Hans Nilsson a démontré la faisabilité de son système, en n’utilisant que des techniques et des produits existants. Son objectif désormais ? Inspirer le plus de monde possible. Il a pour cela mesuré et enregistré toutes ses productions et consommations depuis le début de son aventure, avec l’aide d’une équipe de <a href="https://www.linkedin.com/pulse/true-pioneer-goes-off-grid-michael-jensen/">l’université de Luleå</a>.</p>
<p>Non loin de chez lui, la commune de <a href="https://www.betterenergy.com/news/off-grid-swedish-housing-block-powered-100-by-sun-and-hydrogen/">Vårgårda</a> a décidé de rendre autonome tout un quartier d’habitations comprenant 172 logements. Initialement, il s’agissait de rénover des habitations des années 1970 en les isolant pour améliorer leur efficacité énergétique. S’est ajoutée une importante subvention de la région pour installer des panneaux photovoltaïques. Constatant que les habitations allaient consommer une très faible quantité d’énergie, l’idée est venue de les rendre autonomes sur le principe de la maison de Mr. Nilsson.</p>
<p>Cette dernière a aussi inspiré le projet <a href="https://www.zerosun.se/">ZeroSun</a> dont le slogan est : si on peut le faire ici, on peut le faire n’importe où. Il s’agit de construire une maison standard autonome dans la région de Skellefteå au bord de la Laponie, là où les hivers sont particulièrement sombres et rigoureux.</p>
<p>L’exploit de l’ingénieur suédois a enfin soufflé l’idée à la commune de <a href="https://www.svt.se/nyheter/vetenskap/folj-med-till-varldens-forsta-sjalvforsorjande-vatgasmack">Mariestad</a> de la première station-service dont l’hydrogène est produit sur place à partir de panneaux photovoltaïques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119565/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Jolly ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En Suède, un ingénieur à la retraite a réussi a concevoir une maison totalement autonome, qui inspire de nombreux projets dans sa région.Antoine Jolly, Enseignant-chercheur en Physique, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1173452019-05-23T22:13:00Z2019-05-23T22:13:00ZElections européennes : six pays vus par six experts<p><em>Dimanche 26 mai, les Français voteront pour désigner leurs représentants aux élections parlementaires européennes. The Conversation France a demandé leur point de vue à des spécialistes originaires de six pays européens : la République tchèque, l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas et la Suède, ainsi que la Norvège, où vivent de nombreux citoyens de l’UE et qui fait partie de l’Espace économique européen. Ils se sont penchés sur la façon dont l’UE était perçue par les citoyens et résidents de leur pays, leurs préoccupations et les perspectives du scrutin.</em></p>
<hr>
<h2>La République tchèque : eurosceptique, mais pas pressée de s’en aller</h2>
<p><em>Vít Hloušek, Université Masaryk, Brno.</em></p>
<p>Très eurosceptique lors de son adhésion, en 2004, la République tchèque reste encore aujourd’hui critique vis-à-vis de l’Union européenne. D’après un sondage datant d’avril dernier, organisé par le Centre de recherche sur l’opinion publique tchèque, seulement <a href="https://cvvm.soc.cas.cz/en/press-releases/political/international-relations/4621-public-opinion-on-the-czech-republic-s-membership-in-the-european-union-april-2018">36 % des personnes interrogées se déclaraient satisfaites d’appartenir à l’UE</a>, 32 % <a href="http://ec.europa.eu/commfrontoffice/publicopinion/index.cfm/ResultDoc/download/DocumentKy/84930">ont « plutôt confiance » dans l’UE</a> et <a href="http://ec.europa.eu/commfrontoffice/publicopinion/index.cfm/Chart/getChart/chartType/gridChart/themeKy/9/groupKy/23/savFile/661">38 % des électeurs font confiance au Parlement européen</a>. Néanmoins, malgré ces doutes, 62 % des sondés estiment que leur pays doit rester dans l’UE.</p>
<p>Depuis longtemps, les <a href="https://shop.budrich-academic.de/produkt/europeanised-defiance-%c2%96-czech-euroscepticism-since-2004/?v=928568b84963">partis eurosceptiques</a> <a href="https://www.researchgate.net/publication/301637130_Narratives_of_European_Politics_in_the_Czech_Republic_A_Big_Gap_between_Politicians_and_Experts">dominent le débat</a>. À la Chambre basse du Parlement, le parti d’extrême droite Liberté et Démocratie directe occupe 11 % des sièges, les partis eurosceptiques modérés (parti démocratique civique, communistes, ANO) en contrôlent 59 % – ce qui laisse aux pro-UE seulement 30 %.</p>
<p>Autre spécificité, le <a href="https://www.kas.de/c/document_library/get_file?uuid=d3b13d4c-81ad-5926-f2eb-d41cbc81f95b&groupId=252038">taux d’abstention aux européennes est en général extrêmement élevé</a> : en 2014, seulement 18,2 % des inscrits se sont rendus aux urnes.</p>
<p>La campagne n’a commencé véritablement que trois semaines avant le 26 mai, date des élections. La principale thématique à l’ordre du jour est la réforme souhaitée de l’UE, en général présentée de façon très floue. Les programmes se sont rapprochés des sujets européens depuis 2004, mais les partis méconnaissent les enjeux réels du Parlement européen ou les ignorent.</p>
<p>Les débats se concentrent d’abord sur les problématiques nationales, ensuite sur celles de l’UE. En matière <a href="http://ec.europa.eu/commfrontoffice/publicopinion/index.cfm/ResultDoc/download/DocumentKy/84930">d’immigration et de terrorisme</a>, les eurosceptiques vont sûrement jouer sur les inquiétudes des électeurs. Jusqu’à présent, seuls les partis déjà installés à la Chambre des députés <a href="https://www.politico.eu/2019-european-elections/czech-republic/">semblaient avoir des chances de remporter des sièges</a> « là-bas », dans ce lieu lointain qu’est Bruxelles.</p>
<p><br></p>
<h2>L’Allemagne : cœur europhile de l’Europe qui bat plus lentement</h2>
<p><em>Kai Arzheimer, Université Johannes Gutenberg, Mayence.</em></p>
<p>En 2019, l’Allemagne reste l’un des phares des europhiles dans l’UE. Seule l’<a href="https://theconversation.com/germanys-afd-how-to-understand-the-rise-of-the-right-wing-populists-84541">Alternative pour l’Allemagne</a> (AfD), parti d’extrême droite radicale, peut être considéré comme eurosceptique. Et encore : son programme mentionne une série de tests que l’UE devrait rejeter avant que l’AfD ne puisse avancer sur la voie d’un « Dexit » (une sortie de l’Allemagne de l’UE). Les dirigeants du parti ont même changé d’avis sur l’appartenance de l’Allemagne dans l’Union, passant d’une opinion « négative » à « neutre » sur l’application semi-officielle des consignes de vote du gouvernement allemand – le <a href="http://wahl-o-mat.de/">Wahl-o-mat.de</a> – quelques jours après sa mise en ligne.</p>
<p>À l’autre extrémité du spectre politique, les Verts mènent, tambour battant, une campagne au soutien de l’UE dont les fers de lance sont deux éminents membres du Parlement : <a href="http://www.europarl.europa.eu/meps/fr/96734/SKA_KELLER/home">Ska Keller</a> et <a href="https://www.europarl.europa.eu/meps/fr/96730/SVEN_GIEGOLD/home">Sven Giegold</a>. Les campagnes des autres partis sont plus discrètes et reflètent leur idéologie générale. Chacun s’accorde à dire que l’UE est une bonne chose. Les partis martèlent leurs messages clés habituels, plaidant pour une meilleure redistribution des ressources, davantage de libéralisme ou, simplement, la même chose en mieux… Sans plus de précisions.</p>
<p>Pour encourager les électeurs à se rendre aux urnes, 10 des 16 Länder – les États fédérés allemands – organisent des élections locales le même jour que les européennes. À en juger par les affiches, les premières pourraient bien éclipser les secondes.</p>
<p>Si l’on fait confiance aux sondages, les résultats des élections européennes devraient refléter ceux des récents scrutins régionaux et le climat politique actuel : l’alliance CDU-CSU (droite démocrate-chrétienne) récolterait 30 % des voix, les Verts et le SPD (parti social-démocrate) devraient en obtenir de 15 à 20 % chacun, le FDP (parti libéral-démocrate) et <a href="https://en.die-linke.de/welcome/">Die Linke</a> (parti d’extrême gauche), 7 % chacun.</p>
<p>Le soutien à l’AfD reste stable, entre 10 et 14 %, depuis des mois. Dans le cas de l’Allemagne, les rumeurs d’une rébellion de grande ampleur contre l’UE menée par l’extrême droite ne semblent donc que des exagérations.</p>
<p><br></p>
<h2>L’Italie : État fondateur aujourd’hui fragmenté</h2>
<p><em>Gioacchino Garofoli, Université de l’Insubrie, Varèse.</em></p>
<p>En 1957, l’Italie fut l’un des <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Inner_Six">six membres fondateurs</a> de la Communauté économique européenne (CEE), future UE. A l’époque, le pays méditerranéen était plus europhile que d’autres : en 1998, 73 % d’Italiens avaient encore une opinion favorable de l’UE. Toutefois, la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2011/08/04/crise-de-la-dette-comment-l-italie-en-est-elle-arrivee-la_1556018_3234.html">crise économique de 2007-2008</a> a transformé la plupart des citoyens transalpins en eurosceptiques : en 2018, seuls 36 % des Italiens se déclaraient favorables à l’UE.</p>
<p>Les <a href="http://www.csroggi.org/xi-rapporto-dellosservatorio-europeo-sulla-sicurezza-da-demospi-e-fondazione-unipolis/">préoccupations majeures des Italiens</a> aujourd’hui sont l’immigration (66 %), le chômage des jeunes (60 %) et la situation économique du pays (57 %).</p>
<p>En février dernier, les deux principaux partis ou mouvements anti-européens, la Ligue (Lega) et le Mouvement 5 étoiles (M5S), ont gagné les élections législatives. Ces deux partis sont davantage souverainistes qu’europhobes. Quitter la zone euro ou l’Union ne fait pas ou plus partie de leurs programmes. <a href="https://www.cnbc.com/2019/02/26/italy-m5s-could-be-headed-for-political-disaster-after-regional-collapse.html">Le soutien au M5S s’est, par ailleurs, reduit</a>, déstabilisant le gouvernement. Sur l’autre bord, Nicola Zingaretti, nouveau chef élu du <a href="https://www.theguardian.com/world/2019/mar/03/italy-heads-to-the-polls-to-elect-new-leader-for-democratic-party">Parti démocrate</a> (centre-gauche), est plus europhile mais peine à rassembler à grande échelle.</p>
<p>En dehors des partis politiques, des mouvements sociaux et culturels cherchent à mobiliser les citoyens et à développer le concept d’une Europe sociale, plus fédérale et unie, qui réduirait les inégalités et garantirait les droits fondamentaux de chacun. Ces mobilisations à travers les réseaux – au niveau des villes, mais aussi des régions et à l’échelle européenne, devraient théoriquement combler le « déficit démocratique » perçu face à l’UE.</p>
<p><br></p>
<h2>Les Pays-Bas : l’irruption du populisme dans la majorité libérale</h2>
<p><em>Jacques Paulus Koenis, Université de Maastricht.</em></p>
<p>Les Pays-Bas subissent toujours les répercussions de l’ascension fulgurante de <a href="https://www.politico.eu/article/thierry-baudet-forum-for-democracy-netherlands-5-things-to-know-about-dutch-far-rights-new-figurehead/">Thierry Baudet et de son Forum pour la démocratie</a> (FvD), le dernier-né de la famille des partis populistes néerlandais. Le Forum a obtenu le plus grand nombre de voix aux élections provinciales du mois de mars, coiffant au poteau le Parti populaire pour la liberté et la démocratie (VVD) du <a href="https://www.government.nl/government/members-of-cabinet/mark-rutte">premier ministre Mark Rutte</a>.</p>
<p>Le FvD fait même de l’ombre au Parti pour la liberté (PVV), mouvement d’extrême droite de Geert Wilders, et obtiendra probablement un grand nombre des voix lors de ces élections européennes.</p>
<p>En dépit de l’issue du scrutin de mars, l’opinion publique est plus favorable à l’UE qu’il y a cinq ans, semblant vouloir s’en remettre davantage à Bruxelles pour trouver des solutions à des problématiques comme les flux migratoires internationaux, le changement climatique et le sentiment d’insécurité.</p>
<p>Il est frappant de constater que l’appel au « Nexit » (une sortie des Pays-Bas de l’UE) se fait entendre bien moins souvent aujourd’hui que lors des précédentes élections européennes. Même Thierry Baudet, populiste, n’en fait pas une priorité. Ce sont ses prises de position climato-sceptiques qui attirent davantage l’attention.</p>
<p>Des partis centristes comme le VVD et le CDA (Démocrates chrétiens) se montrent plus europhiles. Dans ses discours à l’étranger, le premier ministre Mark Rutte clame sa fierté d’être européen. Devant le Parlement néerlandais, en revanche, il affirme que les élections européennes n’ont que <a href="https://www.politico.eu/article/dutch-pm-mark-rutte-chides-white-wine-sipping-elites-for-us-president-donald-trump-bashing/">« peu d’intérêt »</a>, pour ne pas céder trop de terrain aux populistes.</p>
<p>Le VVD de M. Rutte devrait remporter la majorité des voix, suivi par le FvD de Thierry Baudet et par <a href="https://verkiezingen.groenlinks.nl/bas-eickhout">GroenLinks, le parti écologiste de Bas Eickhout</a> qui est, avec l’Allemande Ska Keller, l’une des <a href="https://www.politico.eu/article/manfred-weber-spitzenkandidat-system-unconcerned/"><em>Spitzenkandidaten</em></a> (tête de liste) des Verts européens.</p>
<p>Frans Timmermans, le candidat des sociaux-démocrates, n’obtiendra dans son pays que peu de suffrages, car le Parti travailliste est très affaibli. En revanche, il peut espérer récolter des voix en toute l’Europe, car il est le <em>Spitzenkandidat</em> du <a href="https://www.pes.eu/en/">Parti socialiste européen</a> (PES).</p>
<p><br></p>
<h2>Suède : Les jeunes pour l’environnement</h2>
<p><em>Anamaria Dutceac Segesten, Université de Lund.</em></p>
<p>La protection de l’environnement et la lutte contre le changement climatique sont au centre des préoccupations des électeurs suédois, selon les <a href="https://www.aftonbladet.se/nyheter/samhalle/a/8mPqj1/klimat-och-miljo-i-topp-infor-eu-valet">derniers sondages d’opinion</a>. Le sujet a été mis sur le devant de la scène par Greta Thunberg, une adolescente désormais connue dans le monde entier, mais aussi du fait des <a href="https://www.nytimes.com/2018/07/19/world/europe/heat-wave-sweden-fires.html">nombreux incendies de forêt</a> qui ont dévasté le pays l’an dernier.</p>
<p>L’intérêt pour l’environnement n’est pas récent en Suède. Lors des précédentes élections européennes, cette problématique figurait déjà parmi les cinq préoccupations principales des citoyens. <a href="https://www.kantarsifo.se/rapporter-undersokningar/valjarbarometern-eu">En seconde et troisième positions</a>, ces derniers souhaiteraient voir l’UE s’attaquer au problème des réfugiés et à la lutte contre le terrorisme et la criminalité.</p>
<p>Toujours d’après les derniers sondages, un tiers des électeurs suédois n’a pas encore choisi son camp. La participation devrait être plus importante (autour de 58 %) cette année qu’en 2014 (51 %), en partie à cause des inquiétudes relatives au climat. Un problème essentiel pour les plus jeunes, qui seront sûrement nombreux à voter. Selon un sondage de l’institut Novus, 66 % des 18-29 ans font confiance à l’UE, plus que l’ensemble de la population : 59 % d’après l’<a href="http://ec.europa.eu/commfrontoffice/publicopinionmobile/index.cfm/Survey/getSurveyDetail/surveyKy/2215">Eurobaromètre</a>).</p>
<p>Bien que les Verts soient les hérauts de la protection de l’environnement, leur parti semble en <a href="https://www.kantarsifo.se/rapporter-undersokningar/valjarbarometern-eu">perte de vitesse</a>, avec seulement 11 % d’intentions de vote (une baisse de 4 % par rapport au 2014). Toutefois, le prix de la « plus grosse perte d’électeurs » revient aux libéraux : ils glissent sous la barre des 4 %, avec seulement 3,6 % d’intentions de vote. Pour la première fois depuis 1999, ce parti europhile risque de n’obtenir aucun siège au Parlement européen.</p>
<p>À l’autre extrémité du spectre politique, les Démocrates de Suède, parti anti-immigration et eurosceptique, tablent sur 16,9 % d’intentions de vote, 7 % de plus qu’en 2014, où ils avaient obtenu deux sièges au Parlement européen.</p>
<p><br></p>
<h2>La Norvège : spectateurs « impactés » du scrutin</h2>
<p><em>John Erik Fossum, Université d’Oslo.</em></p>
<p>La Norvège n’est pas membre de l’Union européenne et n’élit donc pas de représentants au parlement. Néanmoins, deux facteurs font de ces élections un événement important pour le pays. Tout d’abord, <a href="https://www.ssb.no/en/befolkning/statistikker/innvbef">plus de 7 % de ses résidents sont citoyens de l’UE</a> et ont donc le droit de participer au scrutin. Deuxièmement, la Norvège fait partie de l’Espace économique européen : elle est donc concernée par 75 % des directives de l’UE.</p>
<p>Les principaux médias du pays font fréquemment référence à <a href="https://www.aftenposten.no/sok?query=macron+">certains des acteurs de premier plan de la scène politique européenne</a>, dont Emmanuel Macron, Angela Merkel et Annegret Kramp-Karrenbauer ou encore Viktor Orban. En revanche, en dehors de l’Allemand Manfred Weber, président du Parti populaire européen, quasiment aucun député européen ne bénéficie de la moindre attention en Norvège.</p>
<p>Finalement, le manque de représentation directe au Parlement influence l’engagement et la nature des débats autour des élections. Les partis politiques norvégiens ne bataillent pas dans un contexte électoral. Ce qui se reflète dans la couverture irrégulière des médias norvégiens, déconnectés par rapport au cycle des élections du Parlement.</p>
<p>L’absence de sondages d’opinion amplifie ce sentiment. Les Norvégiens ont le sentiment d’être tenus à l’écart de la campagne. Ils ne s’estiment donc pas en mesure d’envoyer des représentants à Bruxelles, et sont donc réduits au rôle de spectateurs des événements à venir, qui vont pourtant avoir un impact sur leur pays non négligeable.</p>
<hr>
<p><em>Les élections au Parlement européen se tiendront du 23 au 26 mai. Plus d’information est disponible sur le site <a href="https://europeelects.eu/ep2019">europeelects.eu/ep2019</a>.</em></p>
<p><em>Traduit de l’anglais par Iris Le Guinio pour <a href="http://www.fastforword.fr/">Fast ForWord</a>, Daniel Peyronel et Thomas Hofnung.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117345/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>John Erik Fossum reçoit un financement en tant que coordinateur du projet Eu3 H2020</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Vít Hloušek reçoit un financement de la Fondation tchèque pour la science.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anamaria Dutceac Segesten, Gioacchino Garofoli, Jacques Paulus Koenis et Kai Arzheimer ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Comment l'Union européenne est-elle perçue, de Rome à Oslo, en passant par Berlin, Amsterdam, Stockholm et Prague ? A l'occasion du renouvellement du Parlement européen, six experts répondent.Anamaria Dutceac Segesten, Senior Lecturer in European Studies, Lund UniversityGioacchino Garofoli, Professeur d’économie, Università degli Studi dell’InsubriaJacques Paulus Koenis, Professor of Social Philosophy, Maastricht UniversityJohn Erik Fossum, Professor, ARENA Centre for European Studies, University of OsloKai Arzheimer, Professor of Political Science, Johannes Gutenberg University of MainzVít Hloušek, Associate Professor of Political Science, Masaryk UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1166242019-05-07T11:41:05Z2019-05-07T11:41:05ZIkea et les géants de la distribution peuvent-ils sauver les centres-villes ?<p>Le géant de la distribution de meubles suédois, Ikea, est connu pour ses vastes magasins en libre-service à l’extérieur de la ville. Mais l’ouverture de son premier magasin dans le centre de Paris, le lundi 6 mai, est un nouvel indice de la transformation de son modèle d’affaires dans un contexte d’urbanisation croissante et d’exigences renforcées des consommateurs, qui veulent notamment pouvoir commander des meubles en ligne plutôt que de faire du trekking aux limites de la ville.</p>
<p>Cette réorientation stratégique vers les centres-villes a été amorcée en 2014, lorsque le plus grand détaillant de meubles du monde inaugurait un magasin au cœur d’Hambourg en Allemagne. Depuis, d’autres points de vente ont ouvert à Southampton et Birmingham au Royaume-Uni, ou encore plus récemment dans le quartier de Manhattan à New York. Au total, Ikea prévoit d’en <a href="https://www.cnbc.com/2018/12/03/ikea-moves-into-manhattan-with-its-first-city-center-store-in-2019.html">ouvrir 30 dans le monde</a> au cours des deux prochaines années.</p>
<h2>Forme de showroom</h2>
<p>Il s’agit d’un changement notable par rapport à ces méga-magasins des périphéries bien souvent situés à proximité des enseignes de la grande distribution. Il y a en effet quelque chose de profondément nouveau dans le concept d’Ikea de centre-ville qui vise à créer un <a href="http://www.le-furet-du-retail.com/2019/04/ikea-lance-un-studio-de-planification-d-habitat-urbain-a-manhattan.html">« studio de planification »</a> d’habitat urbain. Autrement dit, une forme de showroom. L’idée est de permettre à la clientèle d’obtenir des conseils personnalisés avant de commander des articles en livraison.</p>
<p>Indéniablement, ceci répond à un <a href="https://comarketing-news.fr/e-commerce-vs-magasins-les-francais-choisissent-le-commerce-hybride/">souhait croissant des consommateurs</a> d’acheter en ligne en ayant la possibilité de voir et tester au préalable le produit. De plus, comme les meubles sont des objets encombrants, les personnes qui ne peuvent pas transporter leurs achats vont se tourner de facto vers le service de livraison à domicile.</p>
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<figcaption><span class="caption">Ikea ouvre son premier magasin dans Paris (vidéo Les Échos).</span></figcaption>
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<p>Du fait des contraintes foncières en centre-ville, l’empreinte spatiale est beaucoup plus petite. Il ne s’agit donc pas de retrouver les stocks disponibles dans les magasins situés en périphérie des zones métropolitaines. Prise dans son ensemble, cette stratégie vise à rester compétitif dans une ère tumultueuse pour le commerce de détail, et à se mesurer à des géants du e-commerce comme Amazon et Wayfair, notamment sur le segment de la clientèle la plus jeune.</p>
<p>Dans une certaine mesure, le succès passé d’Ikea peut être attribué à l’accent mis sur l’accessibilité. L’entreprise a dominé le marché du meuble en vendant du bon design à des prix accessibles aux consommateurs à faible revenu et plus soucieux de leurs dépenses. L’accent mis sur les produits à emballage plat lui a également permis d’offrir des coûts de transport de meubles moins élevés, qu’il s’agisse d’un client qui déménage ses produits dans sa propre voiture ou qui paie pour les faire livrer. Or, les emplacements physiques situés en périphérie des grandes villes peuvent être difficiles d’accès pour de nombreuses personnes, surtout si elles ne possèdent pas de voiture. Ainsi, Ikea répond aussi à cette clientèle en installant des boutiques dans les centres-villes.</p>
<h2>Une bouée de sauvetage pour le petit commerce ?</h2>
<p>Surtout, alors que le commerce de centre-ville (y compris dans les métropoles françaises) souffre de la concurrence des grands magasins périphériques et du commerce en ligne, on peut considérer que l’arrivée de boutiques comme Ikea dans les artères commerçantes d’hyper centre-ville est une bonne nouvelle. Ces nouveaux espaces Ikea peuvent en effet attirer plus de chalands qui en profiteront pour faire le tour des autres <a href="https://theconversation.com/le-petit-commerce-est-mort-vive-le-commerce-de-proximite-66064">petits commerces</a>.</p>
<p>L’évolution des genres et des modes de vie au cours de ces 50 dernières années a modifié la relation que les habitants entretiennent avec les commerçants. L’étalement urbain a favorisé une redistribution des fonctions urbaines et un desserrement des activités économiques et de l’habitat. Mais, de plus en plus, les <a href="https://www.rtl.fr/actu/conso/va-t-on-vers-la-fin-de-la-grande-distribution-7797522882">grands magasins situés en périphérie sont délaissés</a>. Certains annoncent même leur mort et la fin d’un modèle qui a commencé avec les Trente Glorieuses.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"783192429260398592"}"></div></p>
<p>Par ailleurs, la motorisation a accentué les mobilités et l’organisation spatiale de la ville et des pratiques urbaines ont changé. La ville du piéton a mué en une ville de la voiture. Mais, de plus en plus, les habitants sont à la recherche d’une meilleure qualité de vie en centre-ville et souhaitent des mobilités plus douces, ce qui passe par <a href="https://theconversation.com/votre-ville-est-elle-marchable-71257">« une ville marchable »</a>.</p>
<p>La fin du tout voiture est-elle proche ? Faut-il en finir avec le <a href="https://theconversation.com/revitaliser-les-commerces-de-centre-ville-en-finir-avec-le-no-parking-no-business-73177"><em>no parking, no business</em></a> ? Probablement que oui ! Et c’est sans doute pour cette raison aussi qu’Ikea a décidé d’investir les centres-villes des grandes métropoles. Le géant suédois de l’habillement <a href="https://www.lesechos.fr/2011/11/hm-france-sinteresse-aux-villes-moyennes-402409">H&M commence à arriver dans des villes moyennes</a>. Ikea suivra-t-il, pour le plus grand bonheur des commerçants ? Walter Kadnar, le patron des activités en France, a en tout cas annoncé lors de l’inauguration du point de vente de la Madeleine que le distributeur suédois pourrait ouvrir prochainement des magasins <a href="https://investir.lesechos.fr/actions/actualites/ikea-va-investir-400-mlns-dans-le-centre-ville-en-france-en-3-ans-1846241.php">dans Lyon et dans Nice</a>…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/116624/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sebastien Bourdin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En ouvrant son premier magasin dans le centre de Paris, le géant suédois transforme son modèle d’affaire, ce qui peut être considéré comme une bonne nouvelle pour des centres-villes qui se meurent.Sebastien Bourdin, Enseignant-chercheur en géographie-économie, Laboratoire Métis, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1112782019-03-21T23:05:25Z2019-03-21T23:05:25ZLa politique migratoire en Suède : vers la fin d’un modèle ?<p>La société scandinave est dite cosmopolite et tolérante à bien des égards. La Suède, par son esprit humaniste et son architecture politique, attire de nombreux migrants à la recherche de sécurité. Toutefois, si ce pays a longtemps été vanté pour ses politiques d’accueil et d’hospitalité, les mesures de rigueur font l’objet d’une surenchère sous la pression de la montée de l’extrême droite.</p>
<h2>Les spécificités du modèle suédois</h2>
<p>L’exceptionnalité de la démocratie suédoise se perçoit à travers une politique du compromis et du consensus, ainsi que la recherche d’une stabilité institutionnelle. La crise économique dans les années 1990 y a toutefois remis en question la <a href="http://www.slate.fr/story/146724/limites-super-modele-suede">version « douce » du capitalisme</a> qui avait pour objectif d’accorder une grande importance à l’égalité sociale, reposant sur des impôts élevés pour financer un système d’aide sociale redistributif et universaliste.</p>
<p>Les mesures prises à la suite de cette crise ont permis au pays de rebondir assez rapidement, en parvenant à maintenir un niveau élevé de protection sociale pour ses citoyens, tout en garantissant le <a href="http://www.rfi.fr/europe/20171117-suede-modele-social-inspiration-france-macron-scandinavie">libre fonctionnement du marché et sa compétitivité</a>. L’État providence suédois est ainsi le fruit d’un contrat social reposant sur un dialogue tripartite entre l’État, les partenaires sociaux et les employeurs.</p>
<p>Les ingrédients de la recette suédoise reposent ainsi sur la puissance des syndicats et de la négociation collective, la présence d’entreprises rentables, un droit du travail fort mais souple, une politique de la famille égalitaire, mais aussi sur un esprit de justice sociale et d’ouverture.</p>
<h2>Une politique migratoire historiquement généreuse</h2>
<p>La Suède a historiquement eu une politique migratoire dite « généreuse » avec l’accueil de nombreux demandeurs d’asile et la mise en place de diverses mesures pour leur venir en aide.</p>
<p>Dès 1975, la politique d’assimilation est remplacée par une approche multiculturelle qui se veut plus respectueuse de l’identité de l’immigré. Ainsi, dans les années 1980, de nombreuses populations fuyant les conflits (Chili, Liban, ex-Yougoslavie, etc.) arrivent en Suède. Le pays est alors devenu un <a href="http://liu.diva-portal.org/smash/record.jsf?pid=diva2%3A646036&dswid=-4238">« centre de gravité »</a> pour de nombreuses communautés.</p>
<p>À la fin des années 1990, la question de l’immigration commence à devenir un sujet sensible. Un discours populiste et intolérant, jusque-là inaudible, devient légitime aux yeux d’une partie de la population dans un pays marqué par l’arrivée de nombreux réfugiés alors que le pays souffre d’une crise du logement et que le marché du travail y est stagnant. C’est à partir de cette période que les <a href="https://www.lesinrocks.com/2018/09/05/actualite/suede-comment-peut-expliquer-lexplosion-de-lextreme-droite-alors-que-leconomie-est-au-beau-fixe-111121616/">groupuscules d’extrême droite se développent en Suède</a>. Les choix des sociaux-démocrates ainsi que le modèle multiculturel qu’ils prônent sont peu à peu remis en question par une partie importante de l’opinion publique.</p>
<p>Toutefois, malgré le tournant de ses politiques d’intégration, la Suède cherche toujours à privilégier la cohésion sociale et la concertation. De plus, l’ouverture de l’espace Schengen – que la Suède rejoint en 2001 – contribue à une importante libéralisation des frontières entre l’État scandinave et des autres pays membres de l’Union européenne.</p>
<p>Entre 2014 et 2015, la Suède est ainsi, en proportion, le pays d’Europe qui a accueilli le plus grand nombre de <a href="https://read.oecd-ilibrary.org/social-issues-migration-health/working-together-skills-and-labour-market-integration-of-immigrants-and-their-children-in-sweden_9789264257382-en">demandeurs d’asile et de réfugiés par habitant jamais enregistré dans un pays de l’OCDE</a> – principalement du Moyen-Orient et d’Afrique. Aussi, avec 16 % de sa population née à l’étranger, la Suède possède l’une des plus grandes populations d’immigrants parmi les pays européens de l’OCDE. En 2015, selon l’<a href="https://www.migrationsverket.se/English/About-the-Migration-Agency/Statistics.html">Agence des migrations</a>, plus de 160 000 personnes ont demandé l’asile en Suède – soit deux fois plus qu’en 2014.</p>
<h2>La Suède, « superpuissance humanitaire »</h2>
<p>La politique d’asile constitue l’un des piliers des politiques migratoires de la Suède qui examine et accorde l’asile aux personnes reconnues comme réfugiés conformément aux <a href="https://www.ohchr.org/fr/professionalinterest/pages/statusofrefugees.aspx">Conventions sur les réfugiés</a> que le pays a signées. Avec la politique du regroupement familial, en 2014, plus de 40 000 personnes ont obtenu leur résidence en Suède.</p>
<p>Des opportunités de travail, l’octroi de bourses universitaires et la croissance économique des start-up, tout autant que l’apparition des « love refugees » (immigrés venus en Suède après être tombés amoureux d’un ou d’une résident·e suédois·e) favorisent également l’implantation de nombreux migrants en Suède.</p>
<iframe allowfullscreen="true" style="transition-duration:0;transition-property:no;margin:0 auto;position:relative;display:block;background-color:#000000;" frameborder="0" scrolling="no" width="100%" height="406" src="https://www.arte.tv/player/v3/index.php?json_url=https%3A%2F%2Fapi.arte.tv%2Fapi%2Fplayer%2Fv1%2Fconfig%2Ffr%2F088856-000-A%3FlifeCycle%3D1&lang=fr_FR&mute=0"></iframe>
<p>À cet égard, il convient de noter ici la <a href="https://www.arbetsformedlingen.se/Om-oss/Statistik-och-publikationer.html">baisse du taux de chômage en Suède</a> à 6,8 %, le taux le plus bas depuis fin 2008. Ainsi, même si le taux de chômage des personnes nées à l’étranger atteint, lui, <a href="http://www.slate.fr/story/166181/la-suede-accueilli-600000-refugies-et-son-economie-se-porte-bien">20 %</a>, les nouveaux migrants obtiennent aujourd’hui un emploi deux fois plus rapidement que ceux arrivés lors de la dernière décennie et contribuent au <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/les-histoires-du-monde/les-histoires-du-monde-10-octobre-2016">boom économique</a> de la Suède.</p>
<p>La Suède est ainsi qualifiée de <a href="http://geoposvea.hypotheses.org/535">« superpuissance humanitaire »</a>, selon les dires de l’ex-premier ministre conservateur Fredrik Reinfeldt. À titre d’exemple, les demandeurs d’asile ont la possibilité de demander une <a href="https://www.migrationsverket.se/Other-languages/Francais/Protection-et-asile-en-Suede.html">« indemnité journalière »</a> d’un montant de 71 couronnes suédoises par jour pour un adulte seul (soit environ 7,70 euros), ou de 24 couronnes suédoises par jour si la nourriture leur est fournie gratuitement (soit environ 2,50 euros).</p>
<p>La Suède offre également aux demandeurs d’asile un hébergement, géré soit par l’Agence des migrations soit par un acteur privé (hébergement gratuit si le demandeur d’asile n’a pas les ressources financières suffisantes). Dans l’attente de la décision concernant leur demande d’asile, des cours intensifs de langue suédoise sont également donnés aux nouveaux arrivants et ils peuvent bénéficier de soins médicaux et dentaires d’urgence, ainsi que de tout soin qui ne peut pas attendre.</p>
<h2>Le pays se crispe</h2>
<p>Si l’année 2015 est marquée en Suède par le slogan « Welcome Refugees », le tournant pris au même moment laisse peu augurer de la continuité du modèle dit scandinave (voir ci-dessous). Le premier ministre social-démocrate Stefan Löfven estime alors que le pays <a href="https://www.thelocal.se/20151109/weeklyasylum-claims-top-10000-in-sweden">« ne peut plus accueillir autant de demandeurs d’asile »</a> qu’auparavant, étant débordé par l’arrivée de 10 000 demandeurs d’asile par semaine à l’automne 2015 (selon les chiffres de la presse nationale).</p>
<p>Dans le contexte européen de cloisonnement des frontières, la Suède va multiplier les démarches visant à <a href="https://fr.euronews.com/2016/01/04/la-suede-retablit-le-controle-aux-frontieres-pour-limiter-l-afflux-de-refugies">limiter l’afflux de migrants</a>. Les frontières sont rétablies et des papiers d’identité sont systématiquement demandés entre le Danemark et la Suède. De plus, les permis de séjour permanents sont remplacés par des permis de résidence temporaires. Autre mesure phare de ce changement de politique migratoire : l’expulsion des migrants dont la demande d’asile a été rejetée par l’utilisation plus importante d’avions charters et non plus des vols commerciaux.</p>
<p>Le coup de frein migratoire instauré, marqué par des délais administratifs contraignants et des règles de plus en plus strictes, incite par ailleurs certains migrants à <a href="http://www.independent.co.uk/news/world/europe/refugee-crisis-asylum-seekers-sweden-applications-withdrawn-record-numbers-a7209231.html">emprunter le chemin en sens inverse</a> – un mouvement que le gouvernement suédois soutient par une subvention au retour.</p>
<p>La question de l’immigration a, en outre, peu à peu investi le débat public national. La colère sociale apparue ces dernières années peut s’expliquer par divers facteurs. Le domaine de l’emploi, notamment, représente un défi majeur pour la Suède avec l’existence d’un écart important entre natifs et migrants. La répartition spatiale de la population immigrée dans certains quartiers – notamment la concentration des communautés issues de l’immigration dans certaines zones à Rosengard ou à Malmö par exemple – souligne l’existence d’une fracture sociale au sein du pays.</p>
<h2>Des mineurs et jeunes adultes en danger</h2>
<p>Ce tour de vis n’est pas sans conséquence. Une étude menée récemment par des chercheurs de l’Institut Karolinska a mis en exergue la hausse alarmante des <a href="https://www.thelocal.se/20180219/suicides-higher-among-refugee-youths-in-sweden">taux de suicide chez les mineurs et jeunes non accompagnés en Suède</a>. En 2017, parmi les jeunes âgés entre 10 et 21 ans, le taux de suicide était de 51,2 pour 100 000, alors qu’il était de 5,2 pour 100 000 parmi les Suédois de la même tranche d’âge.</p>
<p>Ces jeunes mineurs non accompagnés font face à une immense détresse pouvant s’expliquer par les expériences traumatiques vécues dans leur pays d’origine, tout autant que pendant leur parcours migratoire jusqu’en Suède.</p>
<p>En outre, le <a href="https://pulitzercenter.org/reporting/sweden-steps-deportation">pays ne reconnaît pas le statut de réfugié à de nombreux jeunes mineurs non accompagnés</a> en application de la définition suédoise et européenne en la matière. Refusant de prendre en considération le niveau élevé de dangerosité du pays d’origine, Stockholm ne s’interdit pas de recourir aux déportations pour ces mineurs devenus entre-temps adultes : dès l’âge de 18 ans, l’impératif d’avoir un membre de la famille dans le pays d’origine n’est en effet plus requis.</p>
<p>Autre fait alarmant : le syndrome <a href="https://www.wired.it/lifestyle/salute/2018/02/16/svezia-bambini-rifugiati-sindrome-da-rassegnazione/">« uppgivenhetssyndrom »</a> qui touche majoritairement des enfants de réfugiés dont le permis de séjour a été, ou risque d’être révoqué, par l’État suédois. Immobilité, incapacité de manger ou de boire, manque de réactivité et parfois même coma : tels sont les symptômes de cette maladie. En Suède, ces enfants de réfugiés doivent s’accommoder de nouvelles traditions, s’acclimater à un nouvel environnement sans pour autant avoir la possibilité de se projeter en raison de la menace de retourner là d’où ils viennent.</p>
<p>Les personnes âgées ne sont pas plus épargnées par ces mesures draconiennes prises par la Suède. Ainsi, une femme de 106 ans, ayant fui l’Afghanistan et surnommée la <a href="https://www.thelocal.se/20170818/sweden-rejects-worlds-oldest-refugees-asylum-application">« plus âgée des réfugiés au monde »</a>, s’est vu notifier une décision d’expulsion par les autorités suédoises. <a href="https://www.theguardian.com/world/2017/sep/04/sweden-rejects-asylum-claim-by-106-year-old-afghan-woman-bibihal-uzbeki">Le parcours migratoire de Bibihal Uzbeki</a> a pourtant été des plus périlleux : elle s’est d’abord réfugiée en Iran pour fuir les talibans, a traversé la Turquie et la Grèce, avant de se retrouver dans un camp de réfugiés en Croatie après 20 jours de marche et portée à tour de rôle par des membres de sa famille.</p>
<h2>Montée de l’extrême droite et fragmentation politique</h2>
<p>La Suède, qui a adopté des mesures de plus en plus draconiennes dans la gestion de l’immigration, censées répondre aux inquiétudes d’une partie de l’électorat, n’échappe pas à la montée de partis d’extrême droite.</p>
<p>Chaque année, le parti des Démocrates suédois <a href="http://www.scb.se/en/finding-statistics/statistics-by-subject-area/democracy/political-party-preferences/party-preference-survey-psu/pong/statistical-news/political-party-preferences-in-may-2017/">accroît son audience</a> : son score est passé de 12,9 % aux élections législatives de 2014 à 17,6 % lors de celles de 2018.</p>
<p>Si les élections législatives suédoises de septembre 2018 ne se sont pas traduites par la forte poussée nationaliste annoncée, elles ont néanmoins révélé l’ampleur de la fragmentation politique. Les partis traditionnels – sociaux-démocrates et modérés de centre-droit – s’affaissent. Le parti social-démocrate a obtenu un score de 28,4 % lors du dernier scrutin, <a href="https://www.nouvelobs.com/monde/20180909.OBS2051/suede-les-partis-moderes-reculent-l-extreme-droite-progresse.html">son plus mauvais chiffre depuis plus d’un siècle</a>. Aucune coalition n’ayant obtenu de majorité absolue, il a fallu des mois de négociations pour parvenir à former un nouveau gouvernement, le 18 janvier 2019, avec à sa tête le retour du premier ministre social-démocrate Löfven.</p>
<p>Cette nouvelle coalition gouvernementale – qui comprend les sociaux-démocrates et les Verts (comme en 2014), soutenue au Parlement par le Centre et les Libéraux (membres de l’opposition en 2014) – a, en réalité, été mise en place pour contrer la montée de l’extrême droite.</p>
<h2>Les mêmes défis que dans le reste de l’Europe</h2>
<p>Cette situation reflète la dynamique qui a cours à l’échelle européenne, la social-démocratie suédoise étant confrontée aux mêmes défis que ses voisins. Alors que la question migratoire n’a cessé de raviver les débats en Suède, les <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/09/07/en-suede-la-question-de-l-integration-des-refugies-au-c-ur-des-elections-legislatives_5351621_3234.html">indicateurs économiques sont au beau fixe</a> et en 2017, 80 % des nouveaux emplois créés en Suède ont été attribués à des travailleurs nés étrangers, notamment dans les secteurs public, tertiaire et de l’industrie, avec la création de nombreuses start-up marquant le tremplin de l’entreuprenariat migrant.</p>
<p>De nombreux politiques locaux se réfugient derrière les fameux mots de Michel Rocard (« Nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde »), oubliant de mentionner les <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/refugies-un-impact-economique-strictement-positif-selon-une-etude_2019157.html">avantages économiques</a> mais aussi socio-culturels que peuvent générer l’ouverture des frontières et l’accueil de populations migrantes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/111278/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fanny Christou est lauréate d'une bourse d'étude post-doctorale allouée par la Fondation Croix Française pour mener sa recherche post-doctorale. Elle est basée au Center for Middle Eastern Studies, Lund University, en Suède et réalise son terrain de recherche en Allemagne. </span></em></p>Sous la pression d’une extrême droite qui monte en puissance, les autorités de Stockholm ont peu à peu remis en cause la tradition d’accueil et d’hospitalité du pays.Fanny Christou, Docteur en Géographie - Spécialiste des Migrations Internationales, Lund UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1114462019-03-05T19:58:38Z2019-03-05T19:58:38ZÀ la recherche des derniers lieux sauvages de la planète<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/262218/original/file-20190305-48447-w3fp2f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C202%2C1200%2C761&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le lac de Grand-Lieu (Loire-Atlantique) vu du ciel. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Lac_de_Grand-Lieu#/media/File:Lake_Grand-Lieu_SPOT_1249.jpg">Cnes/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Rares sont les coins du monde encore laissés intacts par l’humain. Une étude récente a ainsi mis en lumière que seuls 23 % de la <a href="https://www.nature.com/articles/sdata2017187">surface terrestre</a> de la planète – en dehors de l’Antarctique – et <a href="https://www.cell.com/current-biology/fulltext/S0960-9822(18)30772-3?_returnURL=https%3A%2F%2Flinkinghub.elsevier.com%2Fretrieve%2Fpii%2FS0960982218307723%3Fshowall%3Dtrue">13 % de l’océan</a> peuvent aujourd’hui être considérés comme « sauvages » ; cela représente un déclin d’environ 10 % sur les vingt dernières années.</p>
<p>Et 70 % des espaces encore sauvages sont concentrés dans seulement cinq zones, comme l’ont montré des chercheurs américains et australiens en mettant au point une <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-018-07183-6">carte du monde</a> pour illustrer ce déclin (voir ci-dessous).</p>
<p>Pour ce faire, ils ont combiné plusieurs types de données : densité de population, lumière artificielle de nuit, types de végétation. Il y a cependant une limite à cette démarche : savoir où débute et où prend fin la nature sauvage n’est pas une mince affaire !</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/258003/original/file-20190208-174864-1esy7xu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/258003/original/file-20190208-174864-1esy7xu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/258003/original/file-20190208-174864-1esy7xu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=299&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/258003/original/file-20190208-174864-1esy7xu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=299&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/258003/original/file-20190208-174864-1esy7xu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=299&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/258003/original/file-20190208-174864-1esy7xu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=375&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/258003/original/file-20190208-174864-1esy7xu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=375&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/258003/original/file-20190208-174864-1esy7xu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=375&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Des chercheurs ont cherché à cartographier ce qu’il reste du monde sauvage. Leur carte est parue dans la revue <em>Nature</em> en octobre 2018.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.nature.com/articles/d41586-018-07183-6">Nature</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une question d’échelle</h2>
<p>Les données utilisées pour cartographier la nature sauvage sont souvent récoltées de différentes manières dans les différentes parties du monde. Certains jeux de données, par exemple, recensent toutes les routes, jusqu’aux moindres chemins forestiers ou fermiers, quand d’autres n’incluent que les principaux réseaux routiers.</p>
<p>Définir à quelle distance de ces routes on doit se situer pour considérer un espace comme sauvage peut aussi largement varier à l’échelle mondiale. Ainsi, tricoter toutes ces données dans une carte unique exige souvent des compromis – par exemple, exclure certains espaces sauvages en-dessous d’une taille minimum. Cela aura pour effet d’amoindrir la pertinence d’une telle représentation.</p>
<p>Si les cartes mondiales ont le mérite d’interpeller sur l’érosion des zones restées sauvages, seules des cartographies plus détaillées – aux échelles nationale et locale – peuvent véritablement nous permettre de comprendre et faire face aux menaces qui pèsent sur les derniers espaces sauvages.</p>
<p>La preuve en trois exemples concrets.</p>
<h2>En France</h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/259015/original/file-20190214-1721-1q7w2q2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/259015/original/file-20190214-1721-1q7w2q2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=346&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/259015/original/file-20190214-1721-1q7w2q2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=346&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/259015/original/file-20190214-1721-1q7w2q2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=346&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/259015/original/file-20190214-1721-1q7w2q2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/259015/original/file-20190214-1721-1q7w2q2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/259015/original/file-20190214-1721-1q7w2q2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Zones de naturalité sur un site d’étude en Loire-Atlantique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Steve Carver, Alexis Comber, Jonathan Carruthers-Jones, Adrien Guetté</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À l’image de l’Écosse, qui dispose probablement des cartographies d’espaces sauvages les plus précises au monde, nous avons récemment initié un travail similaire de grande ampleur en France, en partenariat avec le comité hexagonal de l’Union internationale pour la conservation de la nature (<a href="https://www.iucn.org/fr">UICN</a>).</p>
<p>En adaptant la méthodologie et les critères utilisés à l’échelle mondiale, il s’agit ici de mobiliser les données homogènes les plus précises dont nous disposons pour restituer localement tout un gradient spatial de « naturalité ».</p>
<p>À l’échelle mondiale, la France apparaît comme totalement dépourvue d’espaces sauvages. Mais lorsque l’on resserre l’emprise et que l’on affine l’échelle spatiale, on peut mettre en lumière tout un <em>continuum</em> de « naturalité ». Le travail préliminaire réalisé sur deux secteurs – en Loire-Atlantique et dans les Hautes-Pyrénées – illustre cette variabilité du « sauvage », même sur des espaces de taille restreinte.</p>
<p>On voit ainsi clairement, sur le site d’étude de Loire-Atlantique, des zones qui se distinguent par un niveau plus élevé de « naturalité », telles que le lac de Grand-Lieu, le marais de Brière ou encore le secteur de Notre-Dame-des-Landes. Ces zones à fort enjeu de conservation échappent pourtant aux cartographies européennes et mondiales.</p>
<p>On le voit, ce changement d’échelle et d’analyse apparaît fondamental pour une meilleure prise en compte de la protection de la nature dans les territoires.</p>
<h2>En Chine</h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/254524/original/file-20190118-100285-zi74m0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/254524/original/file-20190118-100285-zi74m0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/254524/original/file-20190118-100285-zi74m0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/254524/original/file-20190118-100285-zi74m0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/254524/original/file-20190118-100285-zi74m0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=534&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/254524/original/file-20190118-100285-zi74m0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=534&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/254524/original/file-20190118-100285-zi74m0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=534&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Étendues sauvages en Chine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">International Journal of Wilderness</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Sur le même modèle, nous nous sommes intéressés à la Chine en utilisant une cartographie à l’échelle nationale, afin de définir les contrées sauvages et aider à imaginer un nouveau réseau de parcs nationaux.</p>
<p>On peut nettement diviser le pays en deux, grâce à la ligne imaginaire dite « Heihe-Tengchong », qui lie Ai-hui dans le Nord-Est à Teng-Chong dans le Sud-Est. À l’est de cette ligne, le pays est densément peuplé et intensément cultivé. À l’ouest, la population humaine est plus éparse et les espaces demeurent très sauvages.</p>
<p>Les géographes chinois développent actuellement des méthodes pour faire face à cette polarité marquée dans la répartition des étendues sauvages du pays. Il leur faut identifier les petites poches d’écosystèmes sauvages encore présents au cœur des paysages fragmentés et développés de l’est.</p>
<h2>En Amazonie</h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/254543/original/file-20190118-100282-djqhfi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/254543/original/file-20190118-100282-djqhfi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=742&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/254543/original/file-20190118-100282-djqhfi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=742&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/254543/original/file-20190118-100282-djqhfi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=742&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/254543/original/file-20190118-100282-djqhfi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=933&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/254543/original/file-20190118-100282-djqhfi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=933&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/254543/original/file-20190118-100282-djqhfi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=933&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Déforestation autour des routes à Rondonia, au Brésil, 1984-2016.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Google Earth</span></span>
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<p>La cartographie nous montre particulièrement bien la façon dont les terres sauvages sont peu à peu grignotées pour satisfaire les besoins en nourriture, carburant, eau, bois et autres ressources ; une demande croissante à mesure que la population humaine augmente.</p>
<p>Les cartes montrent que cela se produit principalement via la construction de routes relative à l’exploitation du bois, du pétrole, du gaz ou des minerais. Les images de la fragmentation dont témoigne la forêt amazonienne fournissent un exemple parlant de la manière dont les routes, une fois construites, ouvrent le paysage à l’agriculture et autres interventions humaines sur l’environnement.</p>
<h2>Regarder de plus près</h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/254544/original/file-20190118-100261-4opd7y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/254544/original/file-20190118-100261-4opd7y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=625&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/254544/original/file-20190118-100261-4opd7y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=625&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/254544/original/file-20190118-100261-4opd7y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=625&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/254544/original/file-20190118-100261-4opd7y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=786&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/254544/original/file-20190118-100261-4opd7y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=786&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/254544/original/file-20190118-100261-4opd7y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=786&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Étendues sauvages en Europe.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://ec.europa.eu/environment/nature/natura2000/wilderness/pdf/Wilderness_register_indicator.pdf">Steve Carver</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Malgré les problèmes inhérents aux cartographies globales, il y a eu quelques tentatives prometteuses pour faire face à l’hétérogénéité des données transfrontalières.</p>
<p>Dans le cadre d’un projet visant à recenser les <a href="http://ec.europa.eu/environment/nature/natura2000/wilderness/pdf/Wilderness_register_indicator.pdf">zones sauvages au sein de l’Union européenne</a>, conduit il y a quelques années, un degré de « nature sauvage » a été cartographié de manière homogène à travers l’Europe.</p>
<p>Le résultat montre notamment qu’il est bien plus fréquent de trouver des espaces sauvages en hautes latitudes – trop froides et trop sèches pour l’agriculture et l’exploitation forestière – ou à haute altitude, où les terres sont trop rudes pour être travaillées. Il ne serait donc pas surprenant de constater des phénomènes similaires à l’échelle mondiale.</p>
<p>L’échelle de ce type de cartes affecte à la fois les formes que nous voyons et la manière dont nous comprenons la destruction des espaces sauvages. Cela influence ensuite la manière dont nous devrions répondre et gérer les menaces qui pèsent sur les derniers espaces sauvages.</p>
<p>Si les cartes globales attirent immanquablement l’œil, elles risquent de masquer les causes sous-jacentes et de n’avoir au final qu’un intérêt limité. Elles peuvent être très pertinentes pour pointer le problème général, mais elles restent un point de départ. Elles doivent donc nous inciter à aller plus loin pour comprendre les multiples pressions qui mènent à la disparition des espaces sauvages.</p>
<hr>
<p><em><a href="https://www.univ-nantes.fr/site-de-l-universite-de-nantes/m-adrien-guette-1164501.kjsp?RH=INSTITUTIONNEL">Adrien Guetté</a> (Université de Nantes) a participé à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/111446/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Zoomer sur les zones vulnérables nous aide à déterminer comment mieux protéger les étendues vierges de la planète.Steve Carver, Senior Lecturer in Geography, University of LeedsAdrien Guetté, chercheur postdoctorant, Université de NantesJonathan Carruthers-Jones, Marie Skłodowska Curie Doctoral Research Fellow, University of LeedsLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1099862019-01-20T19:47:55Z2019-01-20T19:47:55ZEt si la France repensait le congé paternité et offrait (enfin) plus d’égalité aux femmes ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/254388/original/file-20190117-32834-1vj4n4k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C135%2C5294%2C3399&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le congé paternité allongé est essentiel pour qu'hommes et femmes puissent répartir équitablement leur temps entre vie privée et professionnelle.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/621675">Pxhere</a></span></figcaption></figure><p>La France augmentera-t-elle la durée du congé paternité ? D’après les dernières données du <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/er1098.pdf">baromètre de la Direction de la recherche des études, de l’évaluation et des statistiques</a> (DREES) plus de <a href="https://www.nouvelobs.com/societe/20190117.OBS8679/63-des-18-24-ans-veulent-un-conge-de-paternite-plus-long.html">six Français sur dix de 18 à 24 ans</a> seraient favorables à l’allongement de ce congé, actuellement de onze jours et mis en place en <a href="https://fresques.ina.fr/jalons/fiche-media/InaEdu01174/l-instauration-du-conge-de-paternite-en-2002.html">janvier 2002</a>.</p>
<p>Si ce souhait devenait réalité, il pourrait améliorer de façon considérable la vie des femmes.</p>
<p>Dans la conception traditionnelle de la spécialisation, de la séparation et de la complémentarité des tâches entre les femmes et les hommes, les hommes se voient assigner les activités dites de production (participation rémunérée au marché du travail), alors que les femmes sont destinées aux tâches dites de reproduction (tâches domestiques et de soins aux personnes proches – que l’on nomme aussi le « care », exercées à titre gratuit).</p>
<p>Cette conception définit aujourd’hui encore des stéréotypes, des attentes, une organisation sociale (le temps, l’espace), des institutions qui façonnent les « rôles de genre » <a href="http://catalogue.sciencespo.fr/ark:/46513/sc0001177672">dévolus aux hommes et aux femmes</a>.</p>
<h2>Des femmes toujours cantonnées aux rôles de genres</h2>
<p>Les <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3353488">statistiques</a> témoignent de la difficulté de faire évoluer les rôles de genre. Si l’on constate, en France, un engagement croissant des femmes sur le marché du travail, les modalités de cet engagement diffèrent de celles des hommes (temps partiel, retraits plus fréquents, etc.).</p>
<p>Les modalités et le degré de participation différents des femmes et des hommes sur le marché du travail se traduisent par un revenu moins élevé pour les femmes, plus dépendantes que les hommes des revenus de leur conjoint et se répercutent, en cas de problème, sur le montant de leurs prestations sociales respectives.</p>
<p>En parallèle, l’implication des hommes dans la sphère familiale <a href="https://dial.uclouvain.be/pr/boreal/object/boreal:80918">évolue très lentement</a>, alors qu’on sait que ce facteur est déterminant pour favoriser la participation des femmes au marché du travail. C’est dans cette dynamique que s’ancrent profondément les inégalités de genre.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/rtpiEQVTC2U?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Femmes et hommes face aux tâches ménagères, INA, 2005.</span></figcaption>
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<h2>Transformer le cercle vicieux</h2>
<p>L’enjeu politique est donc de transformer ce cercle vicieux. Aux côtés de la fiscalité, de l’organisation du temps de travail, et des solutions d’accueil, la protection sociale est l’un des instruments efficaces de transformation des rôles de genre. La fonction de la protection sociale est en effet double : elle permet aux femmes et aux hommes de se retirer du marché du travail ou maintient leur revenu lorsqu’ils sont confrontés à certaines éventualités (maladie et soins de santé, chômage, vieillesse, arrivée d’un enfant, maternité). Elle peut aussi encourager, par différents moyens, leur réinsertion sur le marché du travail.</p>
<p>À partir de la Seconde Guerre mondiale, et pendant des décennies, la protection sociale française a été marquée par une <a href="https://www.persee.fr/doc/oss_1634-8176_2010_num_9_2_1408">ambition nataliste</a> et, par un jeu de gratifications sous forme d’augmentation des prestations, a encouragé les femmes à mettre au monde au moins trois enfants et à demeurer au foyer, ce qui a consolidé les inégalités de genre.</p>
<p>Dans les années 1990, <a href="https://www.persee.fr/doc/caf_1149-1590_1994_num_35_1_1621">des études ont montré</a> qu’encourager la participation des femmes au marché du travail comme le faisait la Suède favorisait mieux la natalité.</p>
<p>La France a alors mis en place une série de dispositifs pour encourager la participation des femmes au marché du travail (et a relevé son taux de natalité, avec cependant une chute importante au cours des trois dernières années) : subventions pour l’engagement de gardes d’enfants, augmentation des places de crèches, etc.</p>
<h2>Un « problème de femmes » ?</h2>
<p>La protection sociale, et la politique de conciliation de la vie familiale et professionnelle restent marquées par l’idée que cette question est un « problème de femme ».</p>
<p>Elles favorisent l’activité professionnelle des femmes en négligeant l’importance, pour réduire les <a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/blog/partage-du-conge-parental-un-imperatif-degalite/">inégalités de genre</a>, d’encourager la participation des hommes à la vie familiale.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/254382/original/file-20190117-32837-12v18rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/254382/original/file-20190117-32837-12v18rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/254382/original/file-20190117-32837-12v18rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/254382/original/file-20190117-32837-12v18rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/254382/original/file-20190117-32837-12v18rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/254382/original/file-20190117-32837-12v18rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/254382/original/file-20190117-32837-12v18rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La présence des pères auprès des nouveau-nés est indispensable.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/en/kids-father-cute-family-happy-2655508/">Balouriarajesh/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>On sait que la présence du père auprès de ses enfants nouveau-nés est essentielle pour mettre en place des habitudes de partage équitable des soins entre les parents des deux sexes. Toute mesure dans ce domaine devrait, comme en Suède, être adoptée en réfléchissant à son impact simultané sur le travail professionnel des femmes et l’engagement familial des hommes.</p>
<h2>Repenser le congé parental</h2>
<p>À côté de solutions d’accueil des enfants accessibles, la configuration des congés parentaux et de paternité apparaît à cet égard déterminante, et les <a href="https://www.persee.fr/issue/caf_2431-4501_2016_num_122_1">études</a> montrent que le comportement des pères est sensible à certains facteurs comme le montant de l’allocation, ou la possibilité de fractionner le congé ou de le prendre à temps partiel.</p>
<p>En France, par exemple, le congé parental d’éducation est indemnisé de manière forfaitaire et peu élevée. Or, au sein du ménage, le <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1281400">revenu d’un homme est en général plus élevé que celui d’une femme</a>, et la perte pour le ménage, dans ces conditions, serait trop importante si l’homme interrompait son activité.</p>
<p>En définitive, ce sont plutôt les femmes peu insérées ou qui disposent de salaires modestes qui y recourent. Il conviendrait de mettre en place une indemnisation proportionnelle au salaire, qui couvre une période plus longue qu’aujourd’hui, et de favoriser la prise de congés fractionnée et à temps partiel. La durée du congé de paternité, qui lui est bien indemnisé, pourrait être augmentée et le congé rendu obligatoire : beaucoup d’hommes <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1281361">qui souhaiteraient y recourir</a> en sont en effet dissuadés par leur entourage professionnel.</p>
<h2>Modèle suédois</h2>
<p>Le <a href="https://sweden.se/society/10-things-that-make-sweden-family-friendly">modèle suédois</a> de congé parental est favorable à l’égalité : chaque parent dispose de 480 jours par enfants à répartir entre les parents, sous réserve de 90 jours qui ne sont pas transférables d'un parent à l'autre.</p>
<p>La sécurité sociale – et non l’employeur – couvre 80 % du salaire pendant les 390 premiers jours et environ 18 euros par jour pendant les 90 jours qui suivent, en plus d’un large accès à des solutions d’accueil pendant la première année de l’enfant.</p>
<p>Il a inspiré un <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52017PC0253&from=EN">projet européen</a> de directive sur la conciliation entre vie privée et vie professionnelle destinée à favoriser un meilleur partage des responsabilités familiales entre les femmes et les hommes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/254385/original/file-20190117-32816-1uf1xg9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/254385/original/file-20190117-32816-1uf1xg9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/254385/original/file-20190117-32816-1uf1xg9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/254385/original/file-20190117-32816-1uf1xg9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/254385/original/file-20190117-32816-1uf1xg9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/254385/original/file-20190117-32816-1uf1xg9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/254385/original/file-20190117-32816-1uf1xg9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Petite école, Gothenburg, Suède, 2011.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/niklashellerstedt/5712062157">Niklas Hellerstedt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>La France opposée à plus d’ouverture</h2>
<p>Cependant, et notamment en raison de l’<a href="https://www.lesechos.fr/02/05/2018/lesechos.fr/0301627806371_directive-vie-privee-vie-professionnelle---les-syndicats-denoncent-l-opposition-de-la-france.htm">opposition de la France</a>, les vingt-huit ont réduit de 4 à 2 mois la durée minimale du congé non transférable à l’autre parent, ainsi que la durée minimale d’indemnisation (de 4 à 1,5 mois), et aucune référence à une indemnisation minimale n’a été retenue.</p>
<p>En l’état, ce projet tendra donc à renforcer la spécialisation des rôles masculins et féminins dans la famille et sur le marché du travail, plutôt qu’à assurer un meilleur partage des tâches.</p>
<p>De manière plus fondamentale, faire dépendre les droits à la sécurité sociale de la citoyenneté plutôt que du statut de travail permet d’éviter que les inégalités professionnelles se répercutent sur les allocations sociales.</p>
<p>Ce principe, au cœur des systèmes scandinaves de sécurité sociale, est un facteur important de leur réussite dans la réduction des inégalités de genre… À condition toutefois d’être mis en œuvre dans le cadre d’une politique globale de promotion de l’engagement des hommes dans la famille (en imposant, par exemple, des congés de paternité suffisamment longs) et des femmes sur le marché du travail (solutions d’accueil financièrement accessibles et de qualité, organisation du temps de travail favorable aux parents).</p>
<p>En définitive, la pertinence de genre d’une politique sociale peut s’évaluer à l’aune de sa capacité à permettre à chaque individu, homme ou femme, même isolé, de participer au marché du travail <em>et</em> d’assumer ses obligations familiales, tant dans leurs dimensions financières que temporelles.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/197451/original/file-20171203-5416-cd2l2x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/197451/original/file-20171203-5416-cd2l2x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=279&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/197451/original/file-20171203-5416-cd2l2x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=279&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/197451/original/file-20171203-5416-cd2l2x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=279&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/197451/original/file-20171203-5416-cd2l2x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=350&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/197451/original/file-20171203-5416-cd2l2x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=350&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/197451/original/file-20171203-5416-cd2l2x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=350&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Cet article a d’abord été publié sur le journal de RFIEA, <a href="http://fellows.rfiea.fr/dossier/devenir-parents-rester-inegaux/article/la-protection-sociale-comme-regime-de-genre">Fellows n°48</a>. Édition avec le concours d’Aurélie Louchart. Le réseau des quatre instituts d’études avancées a accueilli plus de 500 chercheurs du monde entier depuis 2007. Découvrez leurs productions sur le site <a href="http://fellows.rfiea.fr/">Fellows</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/109986/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pascale Vielle travaille pour l'Université de Louvain. Elle est collaboratrice scientifique de la Faculté de Droit de l'ULB. Elle bénéficie en 2018-2019 d'une résidence à l'Institut d'études avancées de Nantes.</span></em></p>Aux côtés de la fiscalité, de l’organisation du temps de travail, et des services d’accueil, la protection sociale est l’un des instruments efficaces de transformation des rôles de genre.Pascale Vielle, Professeure de droit social, Université de Louvain, IEA de Nantes, Réseau français des instituts d’études avancées (RFIEA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1077312018-12-02T20:40:58Z2018-12-02T20:40:58ZLe rachat de Ouibus par BlaBlaCar, ou le grand bouleversement dans l’offre de mobilité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/247520/original/file-20181127-76749-1xkeaxk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C180%2C4470%2C3309&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 2017, 7,1 millions de voyageurs ont eu recours aux services de bus longue distance, soit une hausse de 14,5 % par rapport à l’année précédente. </span> <span class="attribution"><span class="source">Fortgens Photography / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Depuis l’ouverture à la concurrence du marché des bus longue distance en <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000030978561&categorieLien=id">août 2015</a>, les opérateurs recherchent une taille critique pour devenir rentables. Dès la création de ce nouveau marché, la stratégie développée par les nouveaux entrants consistait à pratiquer des tarifs attractifs de manière à induire de la demande pour ce nouveau mode de transport souffrant d’un manque de reconnaissance en France. En 2017, <a href="http://www.arafer.fr/wp-content/uploads/2018/07/rapport-annuel-sur-le-transport-routier-de-voyageurs-et-gares-routieres.pdf">7,1 millions de voyageurs</a> ont eu recours aux services de bus longue distance, soit une hausse de 14,5 % par rapport à l’année précédente.</p>
<p>Dès l’ouverture de ce nouveau marché s’est manifestée une clientèle plutôt jeune, familiale ou encore retraitée, sensible au prix. L’évolution des habitudes de consommation joue également, avec l’exemple des « Millenials » qui privilégient l’<a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-188904-opinion-comment-les-Millennials-bousculent-les-codes-de-leconomie-collaborative-2222960.php">économie collaborative</a>. Plus récemment, pendant les mouvements de <a href="http://www.europe1.fr/economie/flixbus-ouibus-isilines-la-greve-a-la-sncf-profitent-aux-cars-macron-3695591">grève de la SCNF</a> du printemps 2018, ce nouveau mode de transport a pu séduire une clientèle plus professionnelle.</p>
<p>Du côté des opérateurs, un « club des cinq » s’est rapidement constitué après l’ouverture du marché des bus longue distance, avec comme acteurs principaux Ouibus (ancien IDBus), filiale de la SNCF, Flixbus, un opérateur allemand leader sur son marché national, Isilines-Eurolines, qui appartient au groupe français Transdev, Megabus, du groupe anglais Stagecoach et, enfin, Starshipper, qui rassemble des autocaristes indépendants principalement basés dans le sud-ouest de la France. Quelques mois plus tard, en juillet 2016, Flixbus et Ouibus annonçaient déjà le <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2016/06/30/autocar-le-rachat-de-megabus-par-flixbus-scelle-la-concentration-du-secteur_4961175_3234.html">rachat de Megabus et de Starshipper</a> respectivement. Ces acquisitions ont permis aux deux groupes de consolider leurs positions de marché et de pouvoir étendre géographiquement leurs dessertes.</p>
<h2>L’acquisition comme une stratégie d’entrée sur un nouveau marché</h2>
<p>Dans un marché encore en maturation (trois ans seulement), la politique tarifaire des opérateurs ne s’est pas encore totalement stabilisée (même si on avoisine les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0967070X16300750">5 centimes du km par passager</a>) et tend récemment à s’accroître en dehors même des rachats qui ont pu être effectués. En termes de positionnement tarifaire, les services des bus sont proches des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0967070X16300750">prix pratiqués par le covoiturage</a>, représentés par le leader BlaBlaCar, le récent <a href="https://theconversation.com/rachat-de-ouibus-lambitieux-pari-de-blablacar-107380">acquéreur de Ouibus</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1065838629573021696"}"></div></p>
<p>Un rapide coup d’œil à l’évolution récente des modes de transport ou des offres de mobilité montre que les consommateurs sont de plus en plus enclins à mettre en concurrence les différents modes ou à les utiliser de manière complémentaire pour assurer un déplacement « porte-à-porte ». L’avènement des technologies du numérique, de la programmation et du développement d’applications sur smartphones rendent dorénavant possibles ce type de combinaisons. Ce système tend, dans sa version ultime, au concept de <em>mobility as a service</em> (<a href="https://www.revuetec.com/revue/maas-mobility-as-a-service/">MaaS</a>). Il désigne l’intégration, sur une seule application, de la plupart des offres de mobilité en combinant transport public et mobilité à la demande, avec un système de facturation unique. Des expériences concluantes, en milieu urbain, ont été déjà menées en <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/0600164446138-la-vente-de-ouibus-symbole-de-la-revolution-des-transports-2222923.php">Europe du Nord</a> (Finlande et Suède notamment).</p>
<p>C’est dans cette voie-là que s’insère BlaBlaCar. Le 12 novembre dernier, le spécialiste du covoiturage a annoncé son intention <a href="https://theconversation.com/rachat-de-ouibus-lambitieux-pari-de-blablacar-107380">d’acquérir 100 % de Ouibus</a>. Le montant de la transaction n’a pas été révélé, mais une levée de fonds de 101 millions d’euros est nécessaire de la part du leader du covoiturage pour financer l’opération. L’objectif de l’acquisition est d’entrer sur un nouveau marché, avec un opérateur déjà visible, et de lui faire profiter de son développement international et de sa gestion de la data.</p>
<h2>Un rachat pour développer des synergies</h2>
<p>Des synergies vont être développées au sein du groupe fusionné. Tout d’abord, le passage complet à un business model de type plate-forme, à l’instar de Flixbus qui ne possède <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/autocars-macron-flixbus-sera-rentable-en-2018-avant-ouibus-631762.html">aucun bus en propre</a>, réduira sans aucun doute le coût d’exploitation des lignes de bus. Il s’agit de devenir un intermédiaire entre passagers et autocaristes indépendants reposant sur de la sous-traitance et des partenaires extérieurs.</p>
<p>Ensuite, une gestion encore plus flexible du réseau sera rendue possible. Déjà l’offre de lignes de bus pouvait facilement varier et sans coût important en fonction de la saison et d’événements spéciaux (ex. : saison de ski, Euro-2016). Dorénavant, l’offre pourrait varier de manière encore plus saisonnière qu’aujourd’hui, avec par exemple des lignes creuses en bus remplacées par du covoiturage du jour au lendemain.</p>
<p>Enfin, le groupe pourra proposer aux consommateurs une offre « train + covoiturage » grâce au partenariat créé avec la SNCF qui entre de façon minoritaire dans le capital de BlaBlaCar. À partir de l’été 2019, <a href="https://www.journaldugeek.com/2018/11/18/blablacar-sempare-volant-cars-ouibus/">oui.sncf, la plate-forme voyages de la SNCF, combinera train, autocar, puis à terme covoiturage</a>. La stratégie de la SNCF vise à faire de sa plate-forme « un véritable <a href="https://www.bfmtv.com/economie/blablacar-va-racheter-ouibus-la-filiale-d-autocars-de-la-sncf-1564839.html">assistant personnel</a> de mobilité », intégrant même des solutions de transport d’autres acteurs de la mobilité concurrents. Selon cette même logique d’intermodalité, un <a href="http://www.brefeco.com/actualite/logistique-transport/apres-blablacar-ouibus-signe-avec-hop-air-france">partenariat Ouibus et Hop</a> avait d’ailleurs été récemment conclu pour préacheminer par bus des passagers pour des lignes aériennes assurées par Hop ! Un package « bus + avion » sera alors proposé.</p>
<h2>La logique de consolidation étendue au ferroviaire</h2>
<p>D’un côté, le business model d’une plate-forme consistant à ne pas posséder les autocars rend l’entrée sur ce nouveau marché plus aisée. Il n’est pas nécessaire d’investir dans des infrastructures de réseau, ni dans des autocars. Les <em>sunk costs</em> (coûts irrécupérables), issus de la <a href="http://www.oeconomia.net/private/cours/concurrence/seance5.pdf">théorie des marchés contestables</a>, ne sont pas élevés. D’un autre côté, il ne faut pas sous-estimer les actifs intangibles nécessaires à la performance sur le marché, notamment la gestion du big data. Les investissements doivent se faire sur les algorithmes d’optimisation du <em>matching</em> (appariement) de la plate-forme et une gestion en temps réel de la demande et de l’offre (à titre d’exemple, Flixbus emploie 150 développeurs uniquement <a href="https://business.lesechos.fr/entrepreneurs/actu/0212038608649-flixbus-la-start-up-devenue-n-1-des-cars-macron-face-a-sncf-et-transdev-309303.php">pour analyser le marché allemand</a>). Les actifs spécifiques du secteur deviennent la puissance de traitement des données au service de la plate-forme et de l’utilisation client.</p>
<p>Une ombre au tableau apparaît néanmoins, la gestion et la localisation des gares routières au sein des villes. <a href="http://www.arafer.fr/wp-content/uploads/2017/08/Etude-th%C3%A9matique-r%C3%A8gles-acc%C3%A8s-gares-routi%C3%A8res.pdf">L’ARAFER a publié une étude à ce propos qui montre l’hétérogénéité des situations</a>, laissant bien souvent à la charge des consommateurs le « dernier kilomètre » jusqu’au domicile.</p>
<p>En cédant sa filiale <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/0600135719914-le-plan-de-blablacar-pour-redresser-ouibus-2221390.php">déficitaire</a> des bus, la SNCF recentre son offre sur le ferroviaire avec notamment sa stratégie low-cost qui rencontre un <a href="https://www.lopinion.fr/edition/economie/tgv-ouigo-succes-sncf-dans-low-cost-161744">vif succès</a> auprès des consommateurs. Le groupe prépare ainsi l’<a href="http://www.arafer.fr/actualites/ouverture-a-la-concurrence-ferroviaire-larafer-alimente-le-debat-et-reaffirme-le-role-essentiel-de-son-avis-conforme-sur-la-tarification-ferroviaire/">ouverture à la concurrence</a> des transports ferroviaires de voyageurs en France, prévue pour 2021 en ce qui concerne les lignes à grande vitesse, et en 2023 pour les services conventionnés.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/247511/original/file-20181127-76755-m8n019.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/247511/original/file-20181127-76755-m8n019.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/247511/original/file-20181127-76755-m8n019.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/247511/original/file-20181127-76755-m8n019.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/247511/original/file-20181127-76755-m8n019.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/247511/original/file-20181127-76755-m8n019.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/247511/original/file-20181127-76755-m8n019.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Flixtrain, la nouvelle marque de Flixbus.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cineberg/Shutterstock</span></span>
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<p>De manière intéressante, Flixbus est entré sur le marché allemand du ferroviaire en proposant <a href="https://www.railjournal.com/in_depth/flixtrain-shakes-up-german-long-distance-market">sa marque FlixTrain</a> suivant le même business model de plate-forme. L’intermodalité semble donc bien être la clé stratégique pour se faire une place dans un paysage en pleine consolidation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/107731/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’entrée du spécialiste du covoiturage sur le marché des bus longue distance marque une nouvelle étape dans la consolidation d’un secteur encore en maturation.Thierry Blayac, Professeur d'Economie, Centre d'Economie de l'Environnement de Montpellier (CEE-M), Université de MontpellierPatrice Bougette, Maître de conférences en sciences économiques, CNRS, GREDEG, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1049122018-11-04T19:44:43Z2018-11-04T19:44:43ZComment font les arbres pour se protéger des insectes ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/332785/original/file-20200505-83725-1g7m629.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1024%2C682&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une chenille de bombyx disparate (Lymantria dispar) sur une feuille de chêne. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://ccsearch.creativecommons.org/photos/2b34ecb0-32bc-4d87-8866-1a2b4153ed40">Andreas März/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p><a href="https://bit.ly/2JwMEYE">6 % environ</a>, c’est la part de surface de feuilles d’arbres consommée chaque année par les insectes herbivores, comme la chenille processionnaire du chêne ou le bombyx disparate. Cette proportion, déjà suffisante pour ralentir la croissance des arbres, pourrait bien augmenter avec le réchauffement climatique.</p>
<p>Face à ces dérèglements, les arbres mettent en œuvre des stratégies de régulation pour se défendre. Tandis que la <a href="http://www.fao.org/forestry/statistics/80938/fr/">demande en bois</a> ne cesse d’augmenter – que ce soit pour l’ameublement, le chauffage, la construction ou la production de carton et de papier –, il apparaît indispensable d’identifier la manière dont les arbres pourront faire face aux dégâts croissants que risquent de leur causer les insectes herbivores.</p>
<h2>Des défenses naturelles</h2>
<p>Dans leur constitution, les arbres sont déjà munis de solides défenses vis-à-vis des insectes herbivores. Leurs feuilles, par exemple, sont dotées de propriétés physiques et chimiques limitant la consommation des insectes : une cuticule épaisse rend ainsi la feuille difficile à déchirer et à digérer.</p>
<p>Sur le plan chimique, les feuilles renferment également une grande quantité de composés (des <a href="https://www7.inra.fr/opie-insectes/pdf/i168huignard.pdf">tanins</a> notamment), capables de nuire aux herbivores de diverses façons, en réduisant par exemple l’activité de leurs enzymes digestives ou, tout simplement, en les intoxiquant.</p>
<p>D’autres acteurs jouent un rôle primordial bien qu’indirect dans la stratégie de défense des arbres : par leur consommation d’herbivores, les prédateurs comme la mésange et les parasitoïdes comme les trichogrammes (dont les larves se nourrissent dans le corps d’un autre insecte, le mangeant de l’intérieur) diminuent aussi la pression herbivore sur les arbres.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/243246/original/file-20181031-76405-1k89oce.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C97%2C1050%2C597&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/243246/original/file-20181031-76405-1k89oce.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/243246/original/file-20181031-76405-1k89oce.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/243246/original/file-20181031-76405-1k89oce.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/243246/original/file-20181031-76405-1k89oce.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/243246/original/file-20181031-76405-1k89oce.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/243246/original/file-20181031-76405-1k89oce.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Certains prédateurs participent à la défense des arbres en attaquant les insectes herbivores.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/k1GmCGLmNGg">Vincent van Zalinge/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Impact des dérèglements climatiques</h2>
<p>Ces mécanismes de défense naturelle sont aujourd’hui perturbés par le réchauffement climatique, dont les effets affectent directement arbres, herbivores et prédateurs. Pour quelques degrés de plus, les feuilles poussent plus tôt dans l’année. Pour quelques degrés de trop, en été, la survie des arbres peut être menacée.</p>
<p>Chez les insectes, les hivers plus doux limiteront probablement la mortalité hivernale, au risque d’augmenter les pullulations, donc les dégâts massifs : les températures plus élevées accélèrent en effet le développement des insectes, à un rythme qui atteint parfois plusieurs générations par an.</p>
<p>Faute d’expérimentation facile, il s’avère compliqué d’anticiper précisément les conséquences du réchauffement climatique sur les dégâts causés par les insectes herbivores.</p>
<p>Dans le but de les comprendre, <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01607330">plusieurs études</a> ont été menées en laboratoire, dans des chambres de culture à la température contrôlée ; elles ont toutefois leurs limites. Elles simplifient à l’extrême la diversité des facteurs en jeu et ne peuvent pas rendre compte de l’ensemble des interactions entre les arbres, tous les herbivores et tous les prédateurs naturellement présents dans les écosystèmes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/243252/original/file-20181031-122177-188ko75.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/243252/original/file-20181031-122177-188ko75.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/243252/original/file-20181031-122177-188ko75.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/243252/original/file-20181031-122177-188ko75.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/243252/original/file-20181031-122177-188ko75.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/243252/original/file-20181031-122177-188ko75.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/243252/original/file-20181031-122177-188ko75.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Cette chenille herbivore, qui mange les feuilles des arbres, imite les serpents pour éloigner les prédateurs.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/drphotomoto/10847889563/in/photolist-hwAgCF-5BtzVz-gP2eUx-6iJMAd-cTkyXA-i1zENf-ei4zp5-pczdBj-s5huTW-goFGP1-7pJvcK-6qrtqY-a2oYC1-733kQz-wg1TGX-BxvLnz-6Envr8-eYmfsV-bFFzPH-c5WpEd-bumzAS-bsLG5L-6t4Hnw-dqnq9t-5FsSDA-7Uu4ep-4YJJ1t-avSqYJ-9Vfa9P-9pK7ZA-o6qRdn-5ouNZh-KcAKJm-uixTEL-w4a2ZU-wD4Gro-C22yWp-2HCFiU-fJsSmQ-bsLHsS-g2iZgE-e5LHU6-fbnc1K-nJj4Dz-7NWkB9-bFFyFD-bHifbp-bumzeC-8kmkeA-bsLBpJ">John Flannery/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Latitudes et défenses chimiques des feuilles</h2>
<p>Une autre approche consiste à caractériser les effets du climat actuel en réalisant des observations le long de grands axes géographiques, et de transposer dans le temps ce que l’on observe dans l’espace.</p>
<p>Prenons un exemple : dans l’hypothèse où le climat de la France serait demain celui de l’actuelle Espagne, on peut supposer que la régulation des dégâts d’insectes herbivores aujourd’hui à l’œuvre en Espagne sera la même, demain, en France.</p>
<p>En suivant ce raisonnement, de nombreux chercheurs ont étudié les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/geb.12347">dégâts d’insectes herbivores</a>, les <a href="https://besjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1365-2435.2010.01814.x">défenses des arbres</a>, ou encore <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/ece3.5862">l’activité des prédateurs</a>, le long de grands gradients latitudinaux, des régions tropicales vers les régions polaires en passant par les zones tempérées.</p>
<p>Dans une <a href="https://pdfs.semanticscholar.org/b5f6/cb03ab94b732aeef3b7832f4f9c897a00e56.pdf">étude publiée en 2018</a>, nous avons ainsi mis en relation les dégâts d’insectes herbivores sur le chêne pédonculé avec les défenses chimiques des feuilles le long d’un gradient allant du nord de l’Espagne au sud de la Suède.</p>
<p>Près de 60 % des feuilles présentaient des dégâts d’insectes en Espagne, contre 30 % en Suède, mettant ainsi en lumière une diminution des dégâts d’insectes du sud vers le nord de l’Europe. En parallèle, la majorité des défenses chimiques (notamment les tanins) étaient plus concentrées dans les feuilles au Nord qu’au Sud.</p>
<h2>Des chenilles en pâte à modeler</h2>
<p>En s’en tenant à cette étude, on est tenté de conclure que les arbres sont menacés par le réchauffement climatique parce qu’il leur ferait perdre leur capacité à produire des défenses chimiques ; et donc subir davantage de dégâts de la part des herbivores.</p>
<p>Une telle conclusion est néanmoins caricaturale. Et des <a href="https://ib.berkeley.edu/labs/fine/Site/publications_files/Limetal2015.pdf">travaux menés par des chercheurs</a> de l’université de New South Wales à Sidney ont montré que tous les cas de figure existent quant à la relation entre latitude et défenses des plantes contre les herbivores. Il n’y a donc pas lieu d’en tirer des généralités.</p>
<p>Une autre hypothèse apparaît alors. Si les défenses des plantes ne suffisent pas à expliquer l’effet du climat sur les dégâts d’insectes, les défenses indirectes jouent peut-être un rôle. Dans une <a href="https://bit.ly/2PB0JJK">étude pilotée à l’échelle mondiale</a>, des universitaires ont utilisé des chenilles en pâte à modeler pour mimer de véritables chenilles, afin de tromper les prédateurs. Ces derniers, naïfs, se sont jetés sur ces leurres, y imprimant des traces de becs, de dents ou de mandibules.</p>
<p>Or, l’expérience a montré que la quantité de fausses chenilles attaquées par les prédateurs augmentait quand on avançait des pôles vers l’équateur. Peut-on en conclure que le nombre de prédateurs augmente à mesure que le climat se réchauffe, assurant un meilleur contrôle des dégâts d’insectes herbivores ? Les auteurs de l’étude restent très prudents, mais la piste mérite d’être creusée.</p>
<h2>Anticiper les changements</h2>
<p>Dans ce contexte, nous avons lancé en 2018, avec une équipe de chercheurs d’Inrae Bordeaux et en collaboration avec des universitaires de toute l’Europe, un projet scientifique <a href="http://www.bordeaux-aquitaine.inra.fr/Toutes-les-actualites/Qui-a-mange-mes-chenilles-Appel-aux-ecoles-pour-un-projet-de-science-participative">comportant un volet participatif</a>.</p>
<p>Il s’agit d’étudier simultanément les effets du climat sur les défenses des chênes et sur l’activité des prédateurs, en exposant des chenilles en pâte à modeler dans les arbres. Des écoliers, collégiens et lycéens de six pays se sont joints à nous.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/243229/original/file-20181031-76411-9667vv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/243229/original/file-20181031-76411-9667vv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/243229/original/file-20181031-76411-9667vv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/243229/original/file-20181031-76411-9667vv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/243229/original/file-20181031-76411-9667vv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/243229/original/file-20181031-76411-9667vv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/243229/original/file-20181031-76411-9667vv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des chercheurs ont mis dans la nature de fausses chenilles pour attirer les prédateurs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bastien Castagneyrol</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Nous avons d’ores et déjà pu vérifier que les élèves, sous certaines conditions, <a href="https://theoryandpractice.citizenscienceassociation.org/articles/10.5334/cstp.267/">peuvent fournir du matériel biologique ou des données exploitables par les chercheurs</a>. Nous cherchons maintenant à faire parler ces données. Il s’agit notamment d’évaluer l’importance relative des différents mécanismes qui régulent les dégâts d’insectes sur les arbres, mais aussi d’étudier la manière dont les sciences citoyennes peuvent être utilisées à l’école dans les enseignements scientifiques.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/213123/original/file-20180404-189798-1dksj9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/213123/original/file-20180404-189798-1dksj9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=129&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/213123/original/file-20180404-189798-1dksj9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=129&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/213123/original/file-20180404-189798-1dksj9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=129&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/213123/original/file-20180404-189798-1dksj9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=163&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/213123/original/file-20180404-189798-1dksj9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=163&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/213123/original/file-20180404-189798-1dksj9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=163&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Le projet de recherche « Tree Bodyguards » dans lequel s’inscrit cette publication a bénéficié du soutien de la <a href="https://group.bnpparibas/decouvrez-le-groupe/fondation-bnp-paribas/environnement">Fondation BNP Paribas</a> dans le cadre du <a href="https://group.bnpparibas/tempsforts/climate-biodiversity-initiative">programme Climate and Biodiversity Initiative</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/104912/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bastien Castagneyrol a reçu des financements de la fondation BNP Paribas pour le projet Tree Bodyguards dans le cadre du programme Climate & Biodiversity Initiative.</span></em></p>Avec changement climatique, les arbres développent des stratégies pour adapter leurs systèmes de défense contre les insectes herbivores.Bastien Castagneyrol, Chercheur en écologie, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1033082018-09-19T19:30:41Z2018-09-19T19:30:41ZVu du Moyen Âge : Femme chrétienne, femme libérée ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/237085/original/file-20180919-143281-1cb4ryp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C1022%2C672&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les ruines de l'abbaye cistercienne d'Alvastra, fondée en juin 1143 en Suède.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/d/d1/Alvastra-ruins-Sweden.jpg/1024px-Alvastra-ruins-Sweden.jpg">Wikimédia </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La question de l’égalité des sexes et de la place des femmes dans la société est plus que jamais d’actualité, et malgré les avancées, des exemples viennent constamment rappeler le chemin qu’il reste encore à parcourir. Mais ces questions sont-elles propres à notre temps ? Les femmes ont-elles attendu le XX<sup>e</sup> siècle pour revendiquer une plus grande liberté ? En Scandinavie, le débat semble s’être posé dès la fin de l’époque viking, et à cette époque, les femmes trouvèrent <a href="https://boydellandbrewer.com/women-in-the-viking-age-pb.html">dans la foi chrétienne</a> un de leurs principaux soutiens.</p>
<h2>Les femmes, premières converties ?</h2>
<p>Au milieu du IX<sup>e</sup> siècle, le missionnaire franc Anschaire se rend à deux reprises sur le marché suédois de Birka pour y prêcher la foi chrétienne. Son disciple, qui l’accompagna peut-être lors de sa deuxième expédition et lui a consacré après sa mort une biographie idéalisée (ce qu’on appelle au Moyen Âge une « vie de saint »), raconte l’histoire d’une habitante de la ville appelée Frideburg : chrétienne, elle aurait toute sa vie durant subi la tête haute le mépris de ses païens de voisins. À sa mort, elle aurait finalement demandé à sa fille de léguer tous ses biens aux églises de la ville de Dorestad, un des plus grands marchés de l’époque, situé à l’embouchure du Rhin. De son époux, la légende ne dit mot.</p>
<p>Certes, rien ne prouve que Frideburg ait réellement existé ; mais pour être crédible, un hagiographe ne pouvait se permettre d’accumuler les détails farfelus. Or, le récit de la Vie d’Anschaire ne donne pas l’impression qu’une chrétienne vivant au milieu des païens ait été un spectacle inouï à cette époque.</p>
<p>Deux siècles plus tard, la christianisation patine encore en Suède. À cette époque, à Fröslunda non loin d’Uppsala, deux fils ont fait graver des runes à la mémoire de leurs parents : « Gisl et Ingemundr, de jeunes hommes de bien, on fait dresser ce monument à la mémoire de Halvdan, leur père, et d’Ödis, leur mère. Maintenant, que Dieu aide son âme ». Une nuance a sauté à la traduction : le personnel « son » (hennaR, voir l’anglais her) est féminin et ne renvoie qu’à la mère. Or ce détail nous dit beaucoup sur l’histoire de la famille : alors que le père s’était visiblement obstiné dans son paganisme jusqu’à sa mort, la mère s’était convertie et avait même transmis sa foi à ses enfants. En bons chrétiens, ceux-ci firent figurer une croix au centre de la pierre runique qu’ils firent dresser à la mémoire de leurs géniteurs.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/237087/original/file-20180919-158237-pyhuxt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/237087/original/file-20180919-158237-pyhuxt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=802&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/237087/original/file-20180919-158237-pyhuxt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=802&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/237087/original/file-20180919-158237-pyhuxt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=802&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/237087/original/file-20180919-158237-pyhuxt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1008&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/237087/original/file-20180919-158237-pyhuxt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1008&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/237087/original/file-20180919-158237-pyhuxt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1008&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La pierre de Fröslunda.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://sv.wikipedia.org/wiki/Upplands_runinskrifter_808#/media/File:Upplands_runinskrifter_808.jpg">Wikipédia/Uwezi</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces témoignages mettent des noms sur une tendance qui se dessine à mesure que les fouilles archéologiques avancent : à Birka, les tombes féminines sont les premières à témoigner sans doute possible d’une inhumation chrétienne. Les femmes sont les premières à renoncer aux armes et autres ustensiles qui ornaient habituellement les sépultures païennes ; et c’est autour de leur cou qu’apparaissent les premiers pendentifs en forme de croix – dont la simplicité tranche souvent avec la richesse des autres bijoux de l’époque.</p>
<h2>Pourquoi se convertir ?</h2>
<p>Comment comprendre que les <a href="http://uu.diva-portal.org/smash/record.jsf?pid=diva2%3A75683&dswid=-9471">femmes aient si souvent été les premières à franchir le pas</a> ?</p>
<p>Une explication s’appuie sur la mythologie scandinave. Réputée centrée sur la célébration des exploits guerriers (Odin, le Valhǫll, etc.), cette religion n’aurait offert aux femmes que des perspectives fort peu réjouissantes après la mort : c’est l’antre de Hel qui aurait attendu la grande majorité d’entre elles. Peut-être. Toutefois, la déesse Hel – qui a donné Hell : l’enfer en anglais – a été largement diabolisée par les auteurs chrétiens par lesquels les mythes des anciens Scandinaves nous ont été transmis : les témoignages plus anciens sont aussi plus ambigus et ne donnent pas l’impression que le sort promis aux païennes scandinaves après la mort ait été si peu enviable. En revanche, il n’est pas exclu que les idéaux chrétiens de tolérance et de merci – par opposition aux vertus guerrières – ou de chasteté et de célibat – par opposition à la fertilité – aient pu exercer une certaine attraction sur la gent féminine.</p>
<p>De plus, en Scandinavie comme dans les royaumes barbares de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge, les <a href="https://journals.openedition.org/medievales/1445">femmes</a> semblent avoir constitué des cibles privilégiées pour les évangélisateurs. En l’occurrence, plus sédentaires que leurs époux, elles ont pu prêter une oreille plus attentive aux prêches des missionnaires, qui disposaient souvent de plus de temps pour les convaincre. Cela pourrait d’ailleurs expliquer pourquoi les manifestations de rejet du christianisme, comme ces pendentifs en forme de marteau de Thor qui se diffusent dans toute la Scandinavie au X<sup>e</sup> siècle, sont elles aussi surreprésentées dans les tombes féminines.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/237162/original/file-20180919-158240-k8a9ca.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/237162/original/file-20180919-158240-k8a9ca.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/237162/original/file-20180919-158240-k8a9ca.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=731&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/237162/original/file-20180919-158240-k8a9ca.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=731&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/237162/original/file-20180919-158240-k8a9ca.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=731&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/237162/original/file-20180919-158240-k8a9ca.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=919&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/237162/original/file-20180919-158240-k8a9ca.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=919&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/237162/original/file-20180919-158240-k8a9ca.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=919&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Dessin d’un pendentif Mjölnir en argent plaqué or de l’âge viking (longueur 4,6 cm) trouvé à Bredsätra à Öland, Suède, aujourd’hui conservé au Musée suédois des Antiquités nationales.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Mj%C3%B6lnir">Wikipédia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Car la conversion est aussi un acte conscient par lequel un individu se choisit un destin – dans ce monde et dans l’au-delà. Souvent veuves, les femmes qui se convertissent choisissent de ne pas se remarier pour trouver dans la religion une autonomie nouvelle. De manière générale, la nouvelle foi met l’accent sur le consentement des époux. Alors certes, les mariages arrangés avaient encore de beaux jours devant eux ; mais au moins théoriquement, l’amour était désormais suffisant pour justifier un mariage non voulu par la famille, quitte à mettre des bâtons dans les roues aux stratégies matrimoniales du père.</p>
<p>À défaut, une femme pouvait aussi choisir d’entrer dans les ordres – et compter sur le soutien de l’Église pour faire accepter sa décision à ses proches. D’autres encore, certes exceptionnelles, firent le choix de suivre leur foi jusqu’au bout du monde, à l’image d’« Ingerun, fille de Hård », qui « fit graver ces runes à sa propre mémoire. Elle voulait partir à l’est et jusqu’à Iursala [Jérusalem] ».</p>
<p>Contre le groupe et la famille, le christianisme <a href="https://www.brepolsonline.net/doi/abs/10.1484/M.MWTC-EB.3.3624">met l’accent sur le salut individuel</a> : il enseigne aux femmes que chacun (et chacune !) est égal·e face à Dieu, et qu’une personne de bien peut avoir une influence sur son propre destin.</p>
<figure><img src="https://78.media.tumblr.com/a9947a3b9b95cba93f5bad9a6de7e23f/tumblr_mla479TSF91qb857so3_250.gif" width="450"><figcaption>Christianisation dans la série _Vikings_.</figcaption></figure>
<h2>La liberté n’a qu’un temps</h2>
<p>Dès le début, les choix de ces femmes constituent toutefois un enjeu économique : pour les familles, qui ne voient pas seulement s’évaporer des perspectives d’alliances matrimoniales, mais ont aussi toutes les raisons de craindre qu’une partie de l’héritage se retrouve à terme entre les mains de l’Église ; et pour les ecclésiastiques, qui peuvent au contraire se prendre à rêver de pieuses et généreuses donations. De fait, jusqu’à la fin du XIII<sup>e</sup> siècle, de nombreuses églises furent fondées par des femmes. Vers 1100, l’abbaye de Vreta, la plus ancienne de Suède, semble avoir été établie conjointement par le roi Inge et la reine Helena, laquelle aurait fait don aux religieux de vastes domaines dans les environs. Quarante ans plus tard, c’est à la demande de la reine Ulvhild qu’aurait été fondée l’abbaye cistercienne d’Alvastra.</p>
<p>Alors que le monachisme masculin n’est pas très vendeur dans la Suède du XII<sup>e</sup> siècle, les couvents féminins connaissent un dynamisme certain. Au point que le monastère de Vreta est transformé en couvent en 1162. Mais ce dynamisme est aussi un signe que les temps changent. Ces établissements de moniales ne sont plus seulement un choix de vie : ils s’insèrent dans des stratégies nouvelles, alors qu’il devient de bon ton, pour une famille aristocratique ou royale, d’y envoyer une ou certaines de ses filles. Le christianisme s’est institutionnalisé ; les cadres de l’Église se renforcent et se hiérarchisent en même temps que, lentement, un pouvoir royal voit le jour et s’affirme. Tout en rappelant l’égalité de tou·te·s les croyant·e·s face au salut, le « christianisme de gouvernement » redéfinit ses priorités – parmi lesquelles figure la famille et tout ce que cela implique. L’émancipation des femmes n’est plus d’actualité.</p>
<p>Ce schéma n’est pas propre à la Suède médiévale : dans la Méditerranée des premiers temps du christianisme ; dans l’Allemagne des années 1520 ; lors des missions africaines du XIX<sup>e</sup> siècle, les femmes ont été partie prenante du bouleversement des structures sociales qu’a causé l’introduction d’une nouvelle religion. Non pas que leur rôle fût toujours dominant dans ces évolutions ; mais elles y prirent une part active en figurant parmi les premières converties – quitte à bouleverser, pour quelques générations, les structures familiales en place.</p>
<hr>
<p><em>Retrouvez l’auteur de cet article sur le blog <a href="https://actuelmoyenage.wordpress.com/">Actuel Moyen Âge</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/103308/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Tobias Boestad ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En Scandinavie, dès la fin de l’époque viking, les femmes en quête d’indépendance trouvèrent dans la foi chrétienne un soutien.Tobias Boestad, Doctorant en histoire médiévale, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1033842018-09-17T22:35:57Z2018-09-17T22:35:57ZVote sur l’État de droit en Hongrie : une victoire symbolique pour Viktor Orbán<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/236670/original/file-20180917-158237-yppd75.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C9%2C2032%2C1339&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Viktor Orbán a mis au jour les divisions internes au sein du Parti populaire européen.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/eppofficial/9301232324/in/photolist-faVfjy-bmtwbG-Sq2bGm-98iMGb-eXmkEV-98fzi8-eXjbtt-eXmagT-dyx8xL-e4yaqA-xXZpK-xXZpW-4wbeM3-8CekRp-8afkWY-bzZ3t1-46JYbn-528Vgu-6M567V-5jVv5d-91BxbH-6M4XV4-4BgAzr-eX6idk-eXwCQf-eXxb7J-98mojy-ofhGfR-eXjZD5-nduipY-r9L2sL-SeS5YG-9sXrht-eX75JP-qaNAen-8aTspk-nW1VJ1-91EFjq-odrTEN-oddCND-91BxMB-obtqXb-91Bxm4-91EEL9-oddzfr-odrPJw-aSmfzp-odvHqp-SeS33m-nW1Xru">PPE/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>« Grande victoire pour Orbán : des messages de soutien à son action à travers l’Europe » : tels étaient les gros titres des journaux télévisés sur toutes les principales chaînes hongroises, au lendemain du vote du Parlement européen déclenchant le fameux article 7. On pouvait voir les pages de réseaux sociaux du Fidesz, son parti, inondées de messages de soutien à la politique d’Orbán, en provenance de partisans vivant aux quatre coins de l’Europe.</p>
<p>Le Parlement européen a approuvé, le 12 septembre 2018, par 448 contre 197 (avec 48 abstentions), le <a href="https://lemonde.fr/europe/article/2018/09/12/le-parlement-europeen-declenche-une-procedure-contre-la-hongrie_5354033_3214.html?">rapport de l’eurodéputée Sargentini</a> constatant des « risques graves » de violation des « valeurs » de l’Union, selon les termes des articles 2 et 7 du Traité sur l’Union européenne. C’est le début d’une longue procédure qui pourrait, comme dans le cas de la <a href="http://www.atlantico.fr/pepites/ue-declenche-procedure-inedite-contre-pologne-3259490.html">Pologne le 20 décembre dernier</a>, aboutir à l’adoption de sanctions (suspension des droits de vote) pour la Hongrie.</p>
<p>Les autorités hongroises ont dénoncé un chantage politique visant à punir la Hongrie pour ses positions opposées à l’accueil de réfugiés et de migrants. Les dirigeants des principaux partis européistes ont, eux, salué une victoire pour la construction européenne, pour l’Union dans son ensemble et pour la protection de ses valeurs.</p>
<p>Il est toutefois trop tôt pour crier victoire chez les européistes : le processus enclenché est à double tranchant et son impact final ne se décidera que dans les prochains mois. Pour que des sanctions soient adoptées, une très forte majorité de 80 % des États membres doit être réunie au Conseil ; et le statut du premier ministre hongrois peut entre-temps sortir renforcé de cette ordalie.</p>
<p>Si la victoire est donc douteuse, la clarification est, elle, évidente. La campagne pour les élections européennes du 26 mai 2019 vient de voir ses termes et ses lignes de clivage sensiblement clarifiées. Les européistes sauront-ils profiter de cette clarification pour renforcer leur message et devenir audibles auprès des opinions publiques ? Il en va de l’avenir de l’Europe.</p>
<h2>Crier victoire est prématuré</h2>
<p>Grâce à ce vote, les partisans de l’Union ont pu se compter : ils ont réussi à entamer la solidarité au sein du Parti populaire européen avec Viktor Orbán ; ils ont forcé le <a href="https://theconversation.com/autriche-le-retour-de-lextreme-droite-au-pouvoir-dans-un-silence-assourdissant-89287">Chancelier autrichien ÖVP Kurz</a> à se déclarer pour l’adoption du rapport ; ils ont montré que la procédure de l’article 7 n’est pas condamnée à rester lettre morte. Ils ont ainsi prouvé que les valeurs de l’Union européenne, proclamées par l’<a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/fr/TXT/?uri=CELEX%3A12012M%2FTXT">article 2 du Traité sur l’UE</a>, étaient à même de définir les lignes de clivages politiques.</p>
<p>Toutefois, le chemin est encore long et hypothétique avant que la Hongrie voie ses droits de vote suspendus et les subventions européennes stoppées. Bien pis, il est possible que les européistes aient remporté une victoire à la Pyrrhus. Au lendemain du vote, c’est toute l’Europe du groupe de Višegrad (V4) qui risque de se considérer comme mise à l’index.</p>
<p>La Pologne, <a href="https://www.ouest-france.fr/europe/pologne/contre-la-pologne-la-commission-lance-une-procedure-inedite-de-sanctions-5460464">déjà visée en décembre dernier par la procédure de l’article 7</a>, la Tchéquie et la Slovaquie ne peuvent que se solidariser avec la Hongrie au sein du V4. Et la coalition de gouvernement en Autriche ÖVP-FPÖ visée par l’article 7 en 1999 peut elle aussi, à terme, bloquer le processus. Mais surtout, ce revers au Parlement de Strasbourg consacre <em>a contrario</em> le <em>leadership</em> de la Hongrie en étendard d’un mouvement profond sur les échiquiers politiques nationaux qui dépasse le cadres de l’Europe centrale et orientale, comme en témoigne les convergences avec la Ligue de Salvini en Italie ou les Démocrates Suédois à Stockholm.</p>
<h2>La stratégie de rupture d’Orbán</h2>
<p>La victoire peut, en réalité, être celle de Viktor Orbán : sa stratégie de rupture est intentionnelle. Il a décidé de répondre au rapport en séance au Parlement. Il a décidé de personnaliser le vote. Il a présenté ces résultats comme une victoire du parti pro-immigration et pro-islam.</p>
<p>À Varsovie et à Rome, à Stockholm et à Athènes, la Hongrie peut maintenant fédérer tous ceux dénoncent les décisions de l’UE concernant la répartition obligatoire des réfugiés, tous ceux qui prétendent défendre l’identité de l’Europe contre l’islam et tous ceux qui promeuvent un retour des souverainetés nationales.</p>
<p>Ce vote peut être le point de départ d’un nouvel élan pour la construction européenne. Il peut aussi devenir l’événement fondateur d’un leadership orbanien dans les opinions publiques des États membres.</p>
<h2>Les élections européennes commencent</h2>
<p>Loin d’être un aboutissement, ce vote au Parlement est le point de départ d’une clarification de l’échiquier politique dans la perspective des élections européennes du 26 mai prochain.</p>
<p>Le scrutin du 12 septembre consacre des clivages latents, mais surtout les rend enfin visibles. En effet, 116 députés du PPE (sur 216) se sont déclarés favorables au rapport appelant à sanctionner Orbán. Jusqu’ici, la ligne de partage entre l’Europe d’Orban et l’Europe de Macron était floue : le PPE avait toujours maintenu son soutien au premier ministre hongrois.</p>
<p>Aujourd’hui, il est incontestable que cette ligne de partage en Europe passe au milieu du PPE entre, d’une part, les partisans d’une solidarité européenne forte et obligatoire, d’autre part, les avocats d’une Europe de la souveraineté des États. L’éclatement du PPE sur la question hongroise révèle une nouvelle bipartition de l’échiquier politique européen : d’un côté, les sociaux-démocrates (S&D), les libéraux (ADLE), les Verts (ALE) et, de l’autre, l’Europe des nations et des libertés que le parti d’Orbán, le Fidesz, a toujours refusé de rejoindre mais qui a voté contre le rapport Sargentini.</p>
<p>Le vote du 12 septembre clarifie également les thèmes de campagne. Après ce vote, les groupes parlementaires européens, les partis nationaux, les gouvernements nationaux et même les électeurs devront trancher. Pour ou contre l’accueil des migrants ? Et cette question a deux formulations possibles : soit une version hongroise qui considère que le défi migratoire est une question identitaire ; soit une version française qui considère que les migrations sont une question de solidarité européenne avant tout.</p>
<h2>Les termes du débat sont posés</h2>
<p>Le « cas hongrois » redessine la carte des partis européens et redéfinit les thèmes de débat.</p>
<p>Cette transformation du paysage et cette cristallisation du débat sont, pour une large part, à l’initiative d’Orbán lui-même. Les origines du rapport de l’eurodéputée remontent certes à l’automne dernier, mais le réel basculement politique, qui a rendu possible le ralliement d’une majorité des deux tiers au Parlement, ne correspond pas à une évolution de la situation en Hongrie ou à une prise de conscience européiste. Elle correspond bien plutôt à une évolution de la rhétorique extérieure d’Orbán et ses attaques publiques récentes, directes et explicites, à l’encontre de ses homologues notamment français, allemand, luxembourgeois.</p>
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<p>Le calendrier de cette évolution peut être rapproché de celui du budget européen. D’ici deux ans prendra fin le cycle de budget 2014-2020 de l’Union, qui consacrait des fonds important au développement régional et à la cohésion envers les « nouveaux adhérents » de 2004. Le Parlement européen se saisit des <a href="http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+WQ+E-2016-007203+0+DOC+XML+V0//FR">enquêtes de l’OLAF (Office européen de lutte antifraude)</a> sur les soupçons de détournement massifs et systématiques de cette manne européenne en Hongrie.</p>
<p>Il est tentant d’y voir une explication à l’attitude ambivalente d’Orbán envers l’Union : critique ouverte, mais n’appelant jamais à en sortir. Mais dans le cycle suivant, 2020–2027, ces fonds seront grandement réduits. C’est à cette lumière que les observateurs du système politique hongrois attendent et décodent les évolutions de l’attitude d’Orban envers l’Union. Le vote de l’article 7 sera-t-il l’occasion parfaite donnée aux gouvernements illibéraux pour commencer à évoquer l’idée d’une sortie de l’UE pour la Hongrie, voire plus largement pour Groupe de Visegrad, un « Visexit » ?</p>
<h2>L’enjeu : l’identité ou le projet ?</h2>
<p>S’agit-il d’un débat fondamental sur les « valeurs » de l’Union, comme le soutiennent les deux camps en présence ? Sans doute divergent-ils sur la teneur et l’étendue des principes juridiques de l’Union. C’est pour cela qu’ils ont des appréciations opposées sur leur situation en Hongrie.</p>
<p>Mais, ce qui est en jeu est tout autant un débat sur l’avenir de l’Europe. Viktor Orbán n’a pas le monopole de la préservation <a href="https://theconversation.com/pologne-hongrie-les-valeurs-de-lunion-europeenne-font-sa-force-77923">des valeurs européennes</a>. Les autres courants politiques sont tout autant dans la lignée des valeurs de notre continent. La libre-pensée, l’asile pour les persécutés, la pluralité confessionnelle, la coexistence pacifique des cultures, toutes ces valeurs entrent dans l’ADN de l’Europe au moins autant que les racines chrétiennes évidentes du continent.</p>
<p>Les forces politiques européistes sauront-elles formuler les débats de l’opinion publique européenne naissante dans leurs propres termes ou resteront-elles dans le cadre du débat défini par le camp d’Orban ? Il leur faudra faire cet effort pour que leur campagne soit audible et suscite l’adhésion.</p>
<p>Aujourd’hui, dans le cas hongrois, c’est le destin de l’Europe qui se joue : soit une mise en commun plus large des souverainetés nationales ; soit un retour à celle-ci. Les élections de mai prochain arbitreront entre la victoire parlementaire des européistes et la victoire symbolique d’Orbán.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/103384/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Après ce vote, les groupes parlementaires européens, les partis nationaux, les gouvernements et même les électeurs devront trancher : pour ou contre l’accueil des migrants ?Michaël Bret, Enseignant en économie, Sciences Po Cyrille Bret, Maître de conférences, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.