tag:theconversation.com,2011:/us/topics/surconsommation-51774/articlessurconsommation – The Conversation2024-02-02T15:38:58Ztag:theconversation.com,2011:article/2225472024-02-02T15:38:58Z2024-02-02T15:38:58ZStationnement des SUV : nos voitures sont-elles devenues obèses ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/572892/original/file-20240201-19-5af8iy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=73%2C0%2C1900%2C1039&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les SUV sont encombrants à bien des égards.</span> <span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Ce dimanche 4 février, les Parisiens sont amenés à voter <a href="https://www.paris.fr/pages/plus-ou-moins-de-suv-les-parisiens-et-parisiennes-sont-invites-a-voter-le-4-fevrier-25381">« Pour ou contre la création d’un tarif spécifique pour le stationnement des voitures individuelles lourdes, encombrantes et polluantes »</a>. Si la proposition est adoptée, le tarif sera triplé pour ce type de voitures, qui correspond aux « véhicules thermiques ou hybrides rechargeables de 1,6 tonne ou plus » et aux « véhicules électriques de 2 tonnes ou plus ».</p>
<p>Mais en fait seuls les véhicules des visiteurs sont visés et non ceux des résidents de la Capitale. N’étant pas directement concernée par la mesure (faute d'avoir une voiture), il est très probable qu’une majorité de Parisiens se prononcera pour mais que la participation sera faible, <a href="https://www.paris.fr/pages/plus-ou-moins-de-suv-les-parisiens-et-parisiennes-sont-invites-a-voter-le-4-fevrier-25381">comme lors de la précédente votation sur les trottinettes électriques</a>.</p>
<p>Chacun tirera du scrutin les conclusions qu’il voudra, selon que l’on considère les résultats ou le taux de participation. Une certitude toutefois : les véhicules encombrants sont bel et bien là. Pour le meilleur… et surtout pour le pire ? Tour d’horizon.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/automobile-lessor-du-suv-un-choix-avant-tout-politique-149781">Automobile : l’essor du SUV, un choix avant tout politique</a>
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<h2>Des voitures de plus en plus lourdes</h2>
<p>Dans les années 1960, les voitures pesaient en France en moyenne 800 kg. Puis elles ont progressivement pris 450 kg de plus pour atteindre 1 250 kg ces dernières années <a href="https://www.cairn.info/revue-transports-urbains-2022-1-page-9.htm">malgré les efforts déployés pour réduire leur masse</a>.</p>
<p>Cette dérive s’explique par de nombreux facteurs : montée en gamme des véhicules, normes de sécurité renforcées, design plus affirmé, habitabilité accrue, nouveaux équipements de confort, diésélisation puis électrification du parc ou encore nouvelles normes Euro de dépollution.</p>
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<p>Or, tout alourdissement du véhicule entraîne un cercle vicieux, car il faut alors renforcer la motorisation, la chaîne de traction, les freins, les pneus et la sécurité active et passive. On a ainsi pu montrer que 100 kg d’équipements supplémentaires <a href="https://www.cairn.info/revue-transports-urbains-2022-1-page-9.htm">conduisent à alourdir le véhicule de 200 kg !</a></p>
<p><iframe id="S5hg7" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/S5hg7/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Un encombrement croissant</h2>
<p>Les dimensions des voitures ont, elles aussi, tendance à croître : entre les années 1960 et la fin des années 2010, toujours selon <em>L’Argus</em>, leur longueur a augmenté de 4 %, leur hauteur de 6 % et leur largeur de 15 %, passant de 1,55 m à 1,78 m.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/572913/original/file-20240201-27-tgaxh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/572913/original/file-20240201-27-tgaxh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/572913/original/file-20240201-27-tgaxh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/572913/original/file-20240201-27-tgaxh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/572913/original/file-20240201-27-tgaxh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/572913/original/file-20240201-27-tgaxh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/572913/original/file-20240201-27-tgaxh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un véhicule SUV mal garé en Californie, en 2007.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Malingering/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>Résultat, les plus gros véhicules n’entrent plus dans les garages ou les boxes un peu anciens et se retrouvent contraints de stationner dans la rue en rentrant même difficilement dans les cases dessinées au sol.</p>
<p>Jadis, on pouvait presque toujours voir au-dessus des voitures quand on était à pied ou à vélo. C’est nettement moins le cas aujourd’hui : l’horizon se referme, barré par des toits de tôle.</p>
<h2>Un danger pour autrui</h2>
<p>La sécurité routière dépend essentiellement de l’<a href="https://www.adilca.com/ENERGIE_CINETIQUE.pdf">énergie cinétique des véhicules</a>, c’est-à-dire de leur masse et de leur vitesse. Lors d’un choc, un véhicule léger et lent « ne fait pas le poids » contre un engin lourd et rapide.</p>
<p>Une <a href="https://www.vias.be/publications/Hoe%20verplaatsen%20we%20ons%20het%20veiligst/Comment%20se%20d%C3%A9placer%20de%20la%20mani%C3%A8re%20la%20plus%20s%C3%BBre.pdf">étude récente</a> a montré que « lorsque la masse d’un véhicule augmente de 300 kg, le risque de perdre la vie chez les occupants de voiture diminue de moitié, tandis que ce même risque augmente de respectivement 77 % pour les opposants en voiture les [personnes qui sont dans la voiture percutée par la voiture lourde] et de 28 % pour les usagers vulnérables [piétons et cyclistes] ». Comprendre : les occupants d’un SUV sont mieux protégés… au détriment des autres usagers de la route, autres automobilistes, piétons et cyclistes confondus.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/est-on-vraiment-plus-en-securite-dans-une-grosse-voiture-187454">Est-on vraiment plus en sécurité dans une grosse voiture ?</a>
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<h2>Des voitures électriques plus voraces en matières premières</h2>
<p>Oui, mais la voiture électrique permet d’éviter des émissions de gaz à effet de serre, vous dira-t-on. Aujourd’hui, la plupart des gens sont sensibilisés à l’empreinte carbone de leur véhicule – soit les émissions de gaz à effet de serre produites <a href="https://theconversation.com/et-si-lecologie-cetait-plutot-de-rouler-avec-nos-vieilles-voitures-214495">tout au long de son cycle de vie</a>.</p>
<p>De la même façon, il existe aussi une <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/lempreinte-matieres-un-indicateur-revelant-notre-consommation-reelle-de-matieres-premieres">empreinte matières</a>, soit toutes les ressources naturelles (énergies fossiles, minerais métalliques et non métalliques, biomasse) consommées tout au long de la chaîne de production d’une voiture, dans les mines, la métallurgie, la fabrication, le transport ou le recyclage.</p>
<p>Par rapport à la voiture thermique, la voiture électrique divise l’empreinte carbone par <a href="https://www.cairn.info/revue-transports-urbains-2022-1-page-15.htm">deux ou trois en fonction des hypothèses retenues</a>, mais elle multiplie par deux l’empreinte matières et par six les <a href="https://theconversation.com/loi-europeenne-sur-les-metaux-critiques-moins-de-dependance-mais-des-questions-en-suspens-218631">matériaux critiques</a> nécessaires, à cause des <a href="https://www.iea.org/reports/the-role-of-critical-minerals-in-clean-energy-transitions">plus grandes difficultés pour extraire et raffiner</a> ces matériaux.</p>
<p>Plus précisément, l’empreinte matières d’une voiture thermique de 1,3 t est d’environ 13 t, soit dix fois plus. Celle d’une voiture électrique de 1,5 t (poids de la Zoé) est <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0959652618333420">d’environ 30 t, soit 20 fois plus</a>, alors qu’une voiture ne transporte en moyenne que 110 kg de personnes et de charges.</p>
<p>Eh oui, avec les voitures électriques actuelles, pour transporter 1 kg, il faut 270 kg de matières : un fantastique gâchis ! C’est pourquoi, pour préserver les ressources de la planète, il sera indispensable de privilégier à l’avenir les véhicules électriques les plus légers possibles, notamment les <a href="https://www.mdpi.com/2032-6653/13/10/183">LEV (light electric vehicles)</a>, appelés aussi en France les <a href="https://www.cairn.info/revue-transports-urbains-2022-1.htm">« véhicules intermédiaires »</a>, d’ailleurs <a href="https://xd.ademe.fr/">promus par l’Ademe</a> et <a href="https://invd.fr/">par certaines associations</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/malus-poids-emissions-de-co-interessons-nous-enfin-aux-vehicules-intermediaires-148650">Malus poids, émissions de CO₂ : intéressons-nous enfin aux véhicules intermédiaires !</a>
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<h2>L’occasion manquée des véhicules consommant deux litres au 100 km</h2>
<p>Dans le cadre des Investissements d’avenir, le programme « Véhicule 2 l/100 km » lancé par le gouvernement en 2012, avait permis à Renault et à PSA de sortir des démonstrateurs prouvant que c’était <a href="https://www.renaultgroup.com/news-onair/actualites/renault-presente-eolab-le-prototype-au-1l100-km/">parfaitement possible</a>.</p>
<p>Ces véhicules étaient légers et aérodynamiques, mais aussi forcément moins équipés, peu puissants, et donc plutôt lents et avec de faibles capacités d’accélération. Des qualités bien peu séduisantes pour beaucoup d’automobilistes et à l’opposé de celles jusqu’ici mises en avant par les constructeurs : vitesse, vivacité, confort.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/R3fuOdJZyUw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Eolab, le prototype de Renault conçu pour ne consommer que 1 litre/100 km.</span></figcaption>
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<p>Mais las : ces derniers ont préféré développer une offre de SUV censée mieux répondre à la demande, aux antipodes des bonnes intentions de 2012. À tel point que la <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/automobile/lagence-internationale-de-lenergie-appelle-a-sevir-contre-les-suv-2072086">part des SUV dans les ventes de voitures neuves s’approche aujourd’hui des 50 %</a>.</p>
<p>De nombreux organismes et ONG (comme l’<a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/automobile/lagence-internationale-de-lenergie-appelle-a-sevir-contre-les-suv-2072086">Agence internationale de l’énergie</a>, l’<a href="https://presse.ademe.fr/wp-content/uploads/2019/06/Communiqu%C3%A9-de-presse-Car-labelling-2019.pdf">Ademe</a> ou <a href="https://www.greenpeace.fr/lindustrie-automobile-moteur-du-dereglement-climatique/">Greenpeace</a> ont souligné l’absurdité de cette dérive puisque les SUV sont tout à la fois plus polluants, plus émetteurs de gaz à effet de serre, plus dangereux et plus chers que des berlines. Ainsi, le prix des voitures neuves s’envole et, avec un décalage de quelques années, celui des voitures d’occasion, rendant la voiture de moins en moins accessible aux revenus les plus modestes.</p>
<h2>Les constructeurs automobiles façonnent encore les imaginaires</h2>
<p>Leurs marges étant bien plus confortables, les constructeurs automobiles ont intérêt à pousser les consommateurs à acheter des véhicules toujours plus gros et plus équipés. Il n’est en effet <a href="https://www.caradisiac.com/plus-gourmands-moins-performants-et-plus-chers-que-les-berlines-a-quoi-servent-les-suv-182746.htm">pas plus coûteux de construire un SUV plutôt qu’une berline</a>, mais les consommateurs l’ignorent et sont prêts à payer plus cher un véhicule plus imposant, perçu comme plus sécurisant et plus confortable.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/572911/original/file-20240201-29-l44ld0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/572911/original/file-20240201-29-l44ld0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/572911/original/file-20240201-29-l44ld0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/572911/original/file-20240201-29-l44ld0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/572911/original/file-20240201-29-l44ld0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/572911/original/file-20240201-29-l44ld0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/572911/original/file-20240201-29-l44ld0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Fausse campagne publicitaire pour BMW en janvier 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Merny Wernz/Twitter</span></span>
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<p>Loin de se contenter de répondre à une demande, comme ils le prétendent, les constructeurs y veillent et façonnent les imaginaires à coup d’investissements publicitaires massifs utilisant des stéréotypes éculés, comme l’ont fort bien montré le <a href="https://www.wwf.fr/sengager-ensemble/relayer-campagnes/stop-suv">WWF</a> puis la <a href="https://www.jean-jaures.org/publication/la-suv-ification-du-marche-automobile-des-strategies-industrielles-aux-imaginaires-de-consommation/">fondation Jean Jaurès</a>. La grosse voiture, ce serait la liberté, la distinction, l’aventure, la sécurité, la famille et même le respect de l’environnement ! Cette publicité envahissante représente <a href="https://www.wwf.fr/vous-informer/actualites/lobsession-de-la-publicite-pour-les-suv">environ 10 % du coût total d’un SUV</a>.</p>
<p>De plus en plus conscients du problème, les pouvoirs publics ont ajouté au malus CO<sub>2</sub> un malus au poids appliqué aux véhicules neufs essence ou diesel de plus de 1,8 t au 1<sup>er</sup> janvier 2022, ce seuil ayant été abaissé à 1,6 t au 1<sup>er</sup> janvier 2024. L’initiative est louable, mais le seuil reste très élevé et ne s’applique pas aux véhicules électriques. France Stratégie – l’organisme d’expertise du gouvernement – a donc proposé <a href="https://www.strategie.gouv.fr/publications/voiture-electrique-cout">d’étendre le malus au poids à ces véhicules</a>.</p>
<p>À vrai dire, si l’on prenait toute la mesure du problème, il faudrait élargir le bonus-malus à l’ensemble de la mobilité individuelle, y compris aux véhicules intermédiaires et même au vélo et à la marche (pour ces deux modes, les recettes du malus pourraient servir à améliorer les aménagements nécessaires à leur développement) en retenant un malus poids commençant à une tonne. <a href="https://theconversation.com/malus-poids-emissions-de-co-interessons-nous-enfin-aux-vehicules-intermediaires-148650">Ce que nous proposions déjà il y a quatre ans !</a></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222547/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Héran ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au cours des dernières décennies, nos voitures sont devenues de plus en plus lourdes et larges et posent désormais des problèmes de stationnement, notamment à Paris. Un autre futur était pourtant possible.Frédéric Héran, Économiste et urbaniste, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2200532024-01-30T16:09:36Z2024-01-30T16:09:36ZUn business model qui encouragerait à consommer moins de vêtements est-il possible ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/566257/original/file-20231218-25-259us1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=19%2C14%2C3176%2C2112&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une étude portant sur l'économie circulaire dans le secteur du prêt-à-porter a mis en évidence quatre business model sobres.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/un-porte-vetements-et-de-chaussures-dans-un-magasin-JGtPrdnMgQc">Hugo Clément / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>La dernière campagne publicitaire de l’Ademe qui mettait en <a href="https://theconversation.com/sobriete-versus-surconsommation-pourquoi-les-devendeurs-de-lademe-sont-polemiques-218728">avant la figure du « dévendeur »</a> marque publiquement la promotion de la sobriété dans la consommation aux heures de grande écoute. Une nouvelle fois, le terme s’installe dans l’espace public et suscite le débat, comme l’a montré la <a href="https://theconversation.com/sobriete-versus-surconsommation-pourquoi-les-devendeurs-de-lademe-sont-polemiques-218728">diversité des réactions</a> associées à cette campagne.</p>
<p>Faut-il s’émouvoir d’un appel à acheter moins de produits neufs, alors que la production sans limites dans un monde limité reste le modèle majoritaire ? Si la sobriété suscite des objections et donne lieu à de nombreux malentendus – comme son assimilation à la croissance négative ou au retour à la bougie – elle permet aussi de promouvoir un modèle différent dans lequel les flux d’énergie et de matière prendraient en compte les limites planétaires, et de cesser de penser <a href="https://arachnid.biosci.utexas.edu/courses/thoc/readings/boulding_spaceshipearth.pdf">« l’économie de l’infini dans un monde fini »</a>.</p>
<p>Elle offre une alternative aux tentatives de découplage entre croissance et ressources, qui tardent à se matérialiser, ainsi et qu’à la tentation du <a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-science-s-comme-solutionnisme-170732">solutionnisme</a> technologique.</p>
<p>Nos récentes recherches menées dans le cadre d’une étude financée par l’Ademe sur les business models circulaires dans l’univers de la mode ont permis d’identifier et d’explorer les contours de modèles « sobres ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sobriete-et-si-on-sinspirait-de-ceux-et-celles-qui-la-pratiquent-au-quotidien-198428">Sobriété : Et si on s’inspirait de ceux et celles qui la pratiquent au quotidien ?</a>
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<h2>La sobriété, aussi une question d’offre</h2>
<p>Dans un <a href="https://hal.science/hal-04214053">article de 2015</a>, nous notions déjà que la sobriété s’entend comme une logique de tempérance, de suffisance voire de frugalité qui nécessite une négociation à la baisse de sa consommation – souvent difficile et peu linéaire – afin de tenir compte des capacités matérielles finies de la planète.</p>
<p><em>[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</em></p>
<p>De fait, les restrictions à s’imposer peuvent être très exigeantes. À titre d’exemple, une <a href="https://takethejump.org/">étude</a> explique que pour maintenir le réchauffement climatique à 1,5 °C, il faudrait se contenter de trois vêtements neufs par habitant et par an. Alors qu’en moyenne, chaque Français (enfants compris) en <a href="https://www.kantar.com/fr/inspirations/consommateurs-acheteurs-et-distributeurs/2022-10-ans-de-fashion">a acheté 34 en 2019</a>, soit 11 fois plus !</p>
<p>Comment faire quand le consommateur est constamment sollicité et que le « dévendeur » n’existe qu’à la télévision ? Sujet arrimé à des <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-comment-consommer-avec-sobriete-169574">actions individuelles</a>, la sobriété a jusqu’ici été étudiée comme un problème de demande et non d’offre. Il est rarement évoqué dans le cadre de l’activité des entreprises où il demeure au mieux contre-intuitif, au pire tabou.</p>
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<img alt="Panneaux promotionnels dans un magasin de vêtements" src="https://images.theconversation.com/files/566261/original/file-20231218-15-mfrtog.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566261/original/file-20231218-15-mfrtog.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566261/original/file-20231218-15-mfrtog.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566261/original/file-20231218-15-mfrtog.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566261/original/file-20231218-15-mfrtog.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566261/original/file-20231218-15-mfrtog.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566261/original/file-20231218-15-mfrtog.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">83 % des Français et Françaises estiment que nous consommons trop.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/panneau-de-reduction-de-50-cE8cwN2A2-c">Artem Beliaikin/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sobriete-faciliter-les-changements-de-comportements-une-methode-aux-effets-pervers-202227">Sobriété : « faciliter » les changements de comportements, une méthode aux effets pervers</a>
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<h2>Vers l’essor d’un entrepreneuriat sobre ?</h2>
<p>La notion de sobriété dans le monde de l’entrepreneuriat émerge pourtant timidement, incarnée par le plaidoyer pour une économie de la sobriété (<a href="https://www.impactfrance.eco/">Mouvement impact France</a>). Elle est revendiquée par des entrepreneurs innovants qui s’interrogent sur la finalité de leur entreprise lorsque les grands équilibres naturels sont menacés par les activités humaines.</p>
<p>Ils convergent vers le fait que face aux multiples défis environnementaux et sociaux engendrés par l’économie de l’abondance, la contribution des business models traditionnels au bien-être social et leur capacité à préserver les écosystèmes biologiques posent question. En alternative, ils proposent des business models soutenables.</p>
<p>Adossés à l’économie circulaire, ces modèles s’inscrivent dans un système de boucles de matériaux réparatrices ou fermées et s’appuient sur deux mots-clés : durabilité et circularité.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/leconomie-circulaire-cette-notion-en-perpetuelle-evolution-178068">« L’économie circulaire », cette notion en perpétuelle évolution</a>
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<h2>Réutiliser et recycler… plus que limiter la consommation</h2>
<p>Faisant référence à la taxonomie des « R » (qui ne se limite pas seulement aux trois les plus classiques – réduire, réutiliser et <a href="https://theconversation.com/industrie-de-la-mode-les-effets-tres-limites-du-recyclage-des-textiles-145363">recycler</a> – et qui dans certaines versions, monte jusqu’à dix, ces modèles circulaires ont la particularité de se centrer sur l’offre, optimisant souvent un niveau de vente et occultant les niveaux de consommation excessive qui y sont associés.</p>
<p>Il se trouve que le <a href="https://swissrecycle.ch/fr/actuel/detail/les-10-re-de-leconomie-circulaire-de-refuser-a-recuperer">premier des 10 RE</a>, qui correspond à « refuser » – dans le sens de limiter en volume la fabrication et la consommation – est quasiment absent des démarches d’économie circulaire. Il se distingue du R « réduire », centré sur l’écoefficacité de la production et une diminution des intrants matières et énergétiques.</p>
<p>Dans le cadre de notre étude sur la mode, nous avons mené à l’issue de la collecte de données une analyse descriptive croisée qui nous a permis d’identifier 4 catégories de business models sobres :</p>
<ul>
<li><p>le modèle activiste,</p></li>
<li><p>le modèle du produire moins,</p></li>
<li><p>le modèle écosystémique territorial</p></li>
<li><p>et le modèle DIY-DIT (<em>do it yourself, do it together</em>).</p></li>
</ul>
<p>Nos travaux révèlent qu’ils participent à éveiller, favoriser et soutenir une sobriété dans la consommation de vêtements.</p>
<h2>Le business model sobre activiste</h2>
<p>Ce premier modèle, le plus complet, intègre à la fois les notions de décroissance et d’encouragement à la sobriété en jouant sur la production et la consommation.</p>
<p>Trois critères clés le caractérisent : un discours constant sur une éducation au moins consommer auprès des consommateurs, une forte longévité des produits et un activisme social et environnemental intense de la marque et de ses fondateurs.</p>
<p>Leur proposition de valeur repose à la fois sur l’offre en se focalisant sur la durabilité de leurs produits mais également sur la demande en jouant le rôle de héraut, de messager de l’environnement, en informant continuellement sur l’impact des modes de production et de consommation sur l’état de la planète.</p>
<p>Il se démarque des autres business models soutenables en valorisant le renoncement à l’achat. La marque de vêtements Loom, qui enjoint <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/11/17/face-a-la-pollution-de-l-industrie-textile-il-faut-acheter-le-moins-de-vetements-possible_6150371_3232.html">aux citoyens de moins consommer</a>, incarne bien ce modèle.</p>
<h2>Le business model sobre du produire moins</h2>
<p>Le second modèle est davantage orienté vers la production agile : si la question de la surconsommation n’est pas appréhendée de front, le temps de mise en production ou la visibilité apportée à la fabrication relativisent la consommation impulsive et favorisent la réflexion.</p>
<p>Il fait référence à certains principes de l’industrie 4.0, notamment la production à la commande, à la demande ou une production réactive. L’objectif est d’encourager le zéro stock.</p>
<p>La sobriété consiste à remettre en question les codes et le modèle fast-fashion de l’industrie textile en inversant les flux afin de réduire drastiquement le gaspillage vestimentaire, tant en amont qu’en aval. La devise des trois tricoteurs situés à Roubaix illustre bien ce business model du produire moins : « ne pas surproduire, ne pas surstocker, valoriser la production locale et inciter à une consommation réfléchie ».</p>
<h2>Le business model écosystémique territorial</h2>
<p>Ce troisième business sobre s’inscrit dans une démarche écosystémique. La valeur générée ne résulte pas d’une seule organisation mais est créée <a href="https://www.cairn.info/revue-d-economie-regionale-et-urbaine-2017-5-page-905.htm">par des acteurs en interaction</a>. Il est ancré dans un environnement local et s’hybride avec des projets territoriaux qui ont un sens similaire, en renforçant « le patrimoine immatériel territorial ».</p>
<p>Dans le textile, ces modèles s’inscrivent souvent dans une logique de reconstruction de filière comme celle du lin, du chanvre ou de la laine. La sobriété de ces modèles provient aussi de l’offre limitée de matières premières sur le territoire, de la collaboration tout au long de la chaîne de valeur et de la garantie d’une gouvernance démocratique.</p>
<p>Un autre aspect qui revient est l’idée du circuit court et de reconnecter le consommateur au produit, par exemple en explicitant les étapes de la fabrication (par exemple celle d’un pull).</p>
<p>Ce modèle prône une durabilité affective, d’usage et d’attachement territorial. C’est le cas de Laines paysannes, qui fait la promotion d’un patrimoine culturel local et d’une sobriété liée à l’offre limitée de matières premières sur leur territoire.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/7wjlBC5wwg4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le dévendeur et le smartphone. Source : Ademe, novembre 2023.</span></figcaption>
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<h2>Le business model sobre « do it yourself »</h2>
<p>Le dernier modèle se centre sur le transfert de compétences et la possibilité donnée aux consommateurs de fabriquer ou de réparer eux-mêmes leurs vêtements. Cela fait écho aux pratiques de consommation créative et d’<em>upcycling</em> (ou <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-surcyclage-214741">surcyclage</a>) qui répondent à des logiques économiques mais aussi culturelles.</p>
<p>Elles contribuent à l’émergence d’un nouvel art fondé sur l’esthétisme et l’unicité d’un produit. L’ensemble de ces business models DIY-DIT a pour principal objectif de doter les consommateurs des compétences pour revaloriser leurs propres vêtements en allongeant leur durée de vie par de la réparation, de l’embellissement et/ou de la transformation.</p>
<p>Comme le business model écosystémique, il permet de tisser ou de retisser des liens entre l’individu et le vêtement et d’accroître son attachement émotionnel. Il contribue également à revisiter la figure du consommateur en lui offrant une fonction de créateur, réparateur et passeur de valeur sans le cantonner à son rôle d’acheteur en bout de chaîne, propre à l’économie linéaire.</p>
<h2>Moins de biens, de vitesse et de distance</h2>
<p>Cette tentative de catégorisation permet de mettre en lumière le premier R de l’économie circulaire, refuser :</p>
<ul>
<li><p>en consommant moins et en décryptant les pièges de la surconsommation (appel à la mesure)</p></li>
<li><p>en questionnant la relation du consommateur vis-à-vis du produit et donc son attachement émotionnel par un rapprochement production/consommation</p></li>
<li><p>en offrant de nouvelles compétences aux usagers afin de faire soi-même et de prendre de la distance par rapport au modèle imposé</p></li>
</ul>
<p>Ces modèles interrogent le moins de biens, le moins de vitesse et le moins de distance en opposition avec les attributs de la <em>fast fashion</em> incarnés par la vitesse d’acquisition de nouveaux vêtements, le principe du vêtement « kleenex », l’accumulation et la recherche du prix le plus bas.</p>
<p>Ces business models existent déjà, souvent portés par des marques engagées et des entrepreneurs qui le sont tout autant. La question suivante sera de comprendre comment ils peuvent aider à redessiner la consommation de vêtements.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220053/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Robert est co-fondatrice de Tex&Care, la chaire interdisciplinaire universitaire de la mode circulaire (IAE Lille-ENSAIT). La chaire Tex&Care est une chaire de la Fondation de l'Université de Lille. Les recherches sur les modèles de la mode circulaire ont été financées par l’Ademe et la région Hauts de France dans le cadre du projet Rezomodeco.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>est co-fondatrice de Tex&Care, la chaire interdisciplinaire universitaire de la mode circulaire (IAE Lille-ENSAIT).
La chaire Tex&Care est une chaire de la Fondation de l'Université de Lille.
Les recherches sur les modèles de la mode circulaire ont été financées par l’Ademe et la région Hauts de France dans le cadre du projet Rezomodeco.</span></em></p>La sobriété appliquée à l'industrie textile, c'est aussi refuser les achats inutiles. Dans le secteur du prêt-à-porter, des alternatives existent et s'appuient sur les principes de l'économie circulaire.Isabelle Robert, Maître de conférences en sciences de gestion et co-fondatrice de la chaire Tex & Care, chaire universitaire de la mode circulaire, Université de LilleMaud Herbert, Professeur des Universités, co-fondatrice de la chaire Tex&Care, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2187282023-12-03T16:26:22Z2023-12-03T16:26:22ZSobriété versus surconsommation : pourquoi les « dévendeurs » de l’Ademe sont polémiques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/562389/original/file-20231129-25-g5ahqc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C8%2C5973%2C3979&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">83% des Français et Françaises estiment que nous consommons trop.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/segno-di-sconto-del-50-cE8cwN2A2-c">Artem Beliaikin / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le contraste est parfait. D’un côté, une campagne publicitaire de l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (<a href="https://www.ademe.fr">Ademe</a>) qui nous incite à être <a href="https://theconversation.com/la-sobriete-au-dela-du-progres-technique-et-des-changements-de-comportement-individuels-185019">sobre</a> et nous poser des questions avant d’acheter du neuf. De l’autre, le <a href="https://theconversation.com/black-friday-la-resistance-sorganise-autour-du-consommer-moins-et-mieux-127533"><em>Black Friday</em></a> et des fêtes de Noël qui approchent, quintessences d’une injonction commerciale résumable en un mot : « consommez ! » Décryptage de la polémique autour des spots publicitaires anti-marketing de l’Ademe, qui, en réinterprétant l’interaction marchande comme moment d’instruction écologique, agacent les commerçants.</p>
<p>Les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=WA_3wLzMm9o">quatre spots de l’Ademe</a> mettent en scène un « dévendeur » qui incite des clients à ne pas acheter un vêtement, à louer une ponceuse au lieu d’en acheter une, à acquérir un smartphone d’occasion, et à faire réparer une machine à laver. Certains acteurs, comme France Nature Environnement, ont <a href="https://fne.asso.fr/communique-presse/black-friday-bravo-a-l-ademe-pour-ses-pubs">« salué »</a> l’initiative de l’Ademe.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/p8GWyfWOibY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>D’autres, comme les associations de commerçants et organisations patronales, sont vite montés au créneau. Selon elles, les spots : « stigmatisent » les commerçants ; s’en prennent au commerce de proximité et auraient mieux fait de critiquer les plates-formes ; inciterait les gens à <a href="https://www.alliancecommerce.org/lalliance-du-commerce-denonce-une-campagne-inacceptable-de-la-part-de-lademe/">« ne rien acheter »</a>. L’Alliance du commerce, l’Union des industries textiles et l’Union française des industries mode et habillement ont même mis en demeure l’Ademe pour retirer les spots. Dans un contexte post-Covid et de faillite de plusieurs enseignes, la subsistance des commerces est devenu un enjeu important.</p>
<p>Selon le dernier baromètre <a href="https://librairie.ademe.fr/changement-climatique-et-energie/6630-barometre-sobrietes-et-modes-de-vie.html">« Sobriétés et Modes de Vie »</a>, sorti en novembre 2023, 83 % des Français et Françaises estiment que nous consommons trop. Les spots publicitaires de l’Ademe, diffusés du 14 novembre au 4 décembre sur les chaînes de télévision, peuvent donc toucher une fraction significative de la population.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ffcffHWD61g?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Le ministre de la transition Christophe Béchu a tenu à dédramatiser l’affaire en disant que les spots ne représentent que <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/11/23/publicite-de-l-ademe-le-gouvernement-reconnait-une-maladresse-mais-aucun-des-spots-ne-sera-retire_6201932_3234.html">« 0,2 % du temps d’antenne publicitaire »</a>. Toutefois, si des spots prônant la sobriété ne sont visibles que pendant une petite fraction du temps d’antenne, se pose la question de leur efficacité.</p>
<h2>Consommer moins, un message vendeur</h2>
<p><a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/JFMM-12-2014-0087/full/html">Des recherches en marketing</a> ont montré que la publicité anti-consommation peut être « utilisée efficacement pour sensibiliser les consommateurs à leurs habitudes d’achat de vêtements et réduire l’encombrement de la culture de consommation ». <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00913367.2016.1214649">D’autres chercheurs</a> ont étudié de façon expérimentale le « green demarketing », la stratégie par laquelle une marque <a href="https://theconversation.com/la-deconsommation-est-elle-un-luxe-139571">encourage les consommateurs à acheter moins</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Le green demarketing n’attire pas seulement les consommateurs écologiques les plus endurcis […] mais, dans des conditions favorables, les appels au green demarketing peuvent trouver un écho auprès d’un public plus général et peuvent être plus universels que ce que l’on pensait jusqu’à présent. »</p>
</blockquote>
<p>Il est donc probable que les spots de l’Ademe rencontrent une réception positive du public. D’autant plus que, via leurs prises de position, les acteurs du commerce ont considérablement alimenté le buzz autour des spots.</p>
<h2>Une profanation du capitalisme par une institution publique</h2>
<p>Pour bien saisir la controverse, il faut comprendre un élément essentiel : pour les commerçants, les spots sont un acte de profanation de principes sacralisés, la croissance et le libéralisme économique. Les spots de l’Ademe n’incitent pas seulement le public à réfléchir, ils portent cette réflexion sur le terrain de l’interaction et de la transaction marchande. La sobriété n’est pas représentée comme un enjeu confiné à la sphère domestique et privée, mais comme un enjeu qui se discute et se négocie en public. Les spots de l’Ademe montrent la sobriété en action : à travers des corps, des gestes, des mots, des émotions, des sourires, des surprises, des conseils.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/WA_3wLzMm9o?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Les spots de l’Ademe réinterprètent donc radicalement l’interaction marchande. Au lieu de nourrir le flux de biens marchands entre producteurs et consommateurs, les spots visent un ralentissent et une écologisation de ces flux. Au lieu d’une certitude de type « notre produit est nécessaire, achetez-le », ils posent une question : de quoi avez-vous vraiment besoin ? Au lieu de montrer les protagonistes traditionnels d’une interaction marchande – un client et un vendeur – ils représentent de nouveaux acteurs, un consommateur-citoyen face à la sobriété personnifiée : le dévendeur. Celui-ci n’est pas un nouveau type de vendeur, mais une sorte de patron ou « père de famille » qui instruit le consommateur-citoyen. Forcément, ce dernier se retrouve dans une posture un peu naïve et infantilisée, du fait qu’on lui apprenne à mieux consommer.</p>
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<p>Réinterprétant l’interaction marchande comme un moment d’instruction écologique et civique, les spots de l’Ademe sont vus par certains comme une moquerie du commerce. La polémique fait apparaître des tensions fondamentales entre sobriété et consommation et, au sein d’un même gouvernement, entre le ministre de la transition et le ministre de l’Économie. Le blasphème d’« anti-marketing » sur la place du marché ne passe pas chez ce dernier. Pourtant, dans le passé, <a href="https://theconversation.com/les-marques-veulent-vous-inciter-a-consommer-moins-et-mieux-et-ce-nest-pas-sans-risque-199642">certaines marques ont décidé elles-mêmes d’adopter une telle stratégie</a>.</p>
<h2>« Anti-marketing » : un phénomène nouveau ?</h2>
<p>Un exemple d’anti-marketing abondamment discuté dans le monde académique est la campagne publicitaire de la marque Patagonia <a href="https://eu.patagonia.com/fr/fr/stories/dont-buy-this-jacket-black-friday-and-the-new-york-times/story-18615.html">« Don’t buy this jacket »</a> (« N’achetez pas cette veste »). Cette campagne, lancée le jour du <em>Black Friday</em> en 2011, expliquait :</p>
<blockquote>
<p>« Nous voulons faire le contraire de toutes les autres entreprises aujourd’hui. Nous vous demandons d’acheter moins et de réfléchir avant de dépenser un centime pour cette veste ou toute autre chose. […] N’achetez pas ce dont vous n’avez pas besoin. Réfléchissez à deux fois avant d’acheter quoi que ce soit. »</p>
</blockquote>
<p>D’autres marques, comme Globetrotter, Fjällräven, ou Burton Snowboard, ont suivi et attiré le regard académique sur ce type de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2352550922000057">« sufficiency-oriented marketing »</a> (commercialisation axée sur la suffisance).</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/reel/CxhtXGfIhmF","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<p>Certaines entreprises proposant des produits de consommation quotidienne ont également adopté une approche tendant vers la sobriété. La boulangerie états-unienne Panera communique sur le fait qu’elle fait don de ses restes de pain après la fermeture de ses magasins pour réduire le gaspillage alimentaire. <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-030-02662-2_13">« Baked before sunrise, donated after sunset »</a> (cuit avant l’aube, donné après le coucher du soleil) dit leur slogan. On retrouve le même principe de lutte contre le gaspillage alimentaire chez la boulangerie Demain (Paris) qui récupère les invendus dans une vingtaine de boulangeries pour les vendre le lendemain à prix bradés.</p>
<p>Mais alors, pourquoi une telle levée de boucliers face à la campagne de l’Ademe ? Comparés à ces exemples d’anti-marketing et de <em>sufficiency-oriented marketing</em>, les spots de l’Ademe réalisent un décalage important : ils généralisent ce type de marketing à tout objet marchand. En même temps, vu que les spots ont été commandités par une institution politique, l’Ademe, le message ne s’adresse pas seulement aux consommateurs, mais, plus globalement, à tout citoyen. C’est cette double montée en généralité qui explique l’irritation des commerçants. C’est aussi ce qui réjouit les tenants d’une mise à l’agenda politique plus conséquente de la sobriété. Peut-on vendre la sobriété ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218728/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Morgan Meyer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Avec sa campagne publicitaire encourageant la réduction de la consommation, l’Ademe propose une vision radicale de l’interaction marchande en tant qu’organisme public.Morgan Meyer, Directeur de recherche CNRS, sociologue, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1996422023-03-16T12:48:26Z2023-03-16T12:48:26ZLes marques veulent vous inciter à consommer moins et mieux… et ce n’est pas sans risque<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/512252/original/file-20230224-1668-tp0oxv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=62%2C0%2C7000%2C4652&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une boutique s'affichant éco-responsable. Plusieurs marques incitent leurs clients à consommer mieux - et moins. Leur démarche est-elle crédible avec leur objectif ultime, soit de vendre leurs produits? </span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Chaque année, les Canadiens jettent plus de <a href="https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/services/gestion-reduction-dechets/reduire-dechets-plastique/besoin-agir.html">trois millions de tonnes de déchets</a> de plastique, dont seuls 9 % sont recyclés. Face à ce constat, tant les autorités publiques, les organismes environnementaux que les entreprises essaient de développer des modèles d’affaires plus circulaires et à modifier la façon dont nous produisons, consommons et éliminons nos déchets. </p>
<p>Pour lutter contre le gaspillage et favoriser une économie circulaire, le Québec souhaite l’adoption de la Stratégie pancanadienne visant l’atteinte de <a href="https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/nouvelles/2020/10/le-canada-fait-un-pas-de-plus-vers-lobjectif-de-zero-dechet-de-plastique-dici-2030.html">l’objectif zéro-déchet de plastique d’ici 2030</a>. Le mouvement est mondial : en France, le ministère de la Transition écologique et solidaire, ainsi que des organismes nationaux, ont mis en place des mesures de sensibilisation au gaspillage et à la surconsommation afin d’inciter à une démarche de « sobriété ».</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/JNIKVDJzaak?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La campagne française de communication « Réduire, Réutiliser, Recycler : ensemble continuons à changer nos habitudes ! » dont le but est d’inciter à une démarche de sobriété.</span></figcaption>
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<p>Alors que ce <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/chroniques/2021-11-25/consommer-moins-consommer-mieux.php">mouvement gagne en popularité</a>, il est légitime de se demander en quoi consiste cette approche de sobriété chez des marques autrement omniprésentes, et comment elles peuvent se positionner ainsi dans une société de surconsommation.</p>
<p>À l’<a href="https://ocresponsable.com">Observatoire de la consommation responsable</a> (OCR), et dans son Laboratoire FCI, le <a href="https://greenuxlab.uqam.ca">GreenUXlab</a> de l’ESG UQAM, nous effectuons différentes recherches sur les tendances de consommation cohérentes avec ces mouvements de sobriété. Nous avons analysé les réactions des consommateurs face à la sobriété des marques. </p>
<h2>Moins, mais mieux</h2>
<p>La sobriété en tant que démarche individuelle consiste à <a href="https://www.theses.fr/s189052">passer d’une consommation instinctive à une consommation plus réfléchie privilégiant la satisfaction des besoins nécessaires et la limitation des achats superflus</a>. Généralement, la sobriété renvoie au « moins, mais mieux », en reliant consommation, bien-être, santé, environnement et qualité de vie. Elle nécessite une <a href="https://www.cairn.info/revue-regards-croises-sur-l-economie-2020-1-page-153.htm">redéfinition de notre rapport à la consommation</a> et remet en cause la satisfaction systématique des désirs immédiats. </p>
<p>Les enquêtes menées par l’OCR au Québec (<a href="https://ocresponsable.com/wp-content/uploads/2022/11/BCR2022.pdf">Baromètre de la consommation responsable, depuis 2010</a>) révèlent un désir croissant pour une consommation plus responsable et une aspiration à repenser nos modèles économiques. Preuve en est, « consommer responsable » consiste avant tout pour les Québécois à optimiser leur consommation : 64,5 % souhaitent éviter le gaspillage, les déchets, les emballages et 63,1 % à optimiser la durée de vie des produits (réparation, réutilisation, seconde main).</p>
<p>Plus de la moitié (57,3 %) disent avoir réduit au cours du dernier mois leur consommation, soit une augmentation de 9,2 points par rapport à 2021. Et 59,4 % déclarent avoir réduit les quantités de produits qu’ils achètent, et plus de 79,8 % ont diminué leurs achats impulsifs.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/509293/original/file-20230209-26-1323gs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/509293/original/file-20230209-26-1323gs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=346&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/509293/original/file-20230209-26-1323gs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=346&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/509293/original/file-20230209-26-1323gs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=346&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/509293/original/file-20230209-26-1323gs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=435&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/509293/original/file-20230209-26-1323gs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=435&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/509293/original/file-20230209-26-1323gs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=435&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les pratiques de déconsommation en action. Baromètre de la consommation responsable (OCR, 2022).</span>
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</figure>
<h2>Des consommateurs parfois sceptiques</h2>
<p>La sobriété, dont les bases théoriques s’appuient sur le « démarketing », consiste pour les marques à <a href="https://www.researchgate.net/profile/Yohan-Bernard/publication/351870386_CAN_FOR-PROFIT_ORGANIZATIONS_PROMOTE_DECONSUMPTION_THE_ROLE_OF_CONGRUENCE_BETWEEN_CORPORATE_COMMUNICATION_AND_BRAND_ADVERTISING/links/60ae1b0e92851c168e40f6e5/CAN-FOR-PROFIT-ORGANIZATIONS-PROMOTE-DECONSUMPTION-THE-ROLE-OF-CONGRUENCE-BETWEEN-CORPORATE-COMMUNICATION-AND-BRAND-ADVERTISING.pdf">promouvoir une modération de la consommation des produits qu’elles-mêmes commercialisent</a>. De nombreuses marques tentent ainsi de réduire leur impact sur l’environnement. C’est le cas par exemple de la marque Attitude, avec OCEANLY, une <a href="https://ca-fr.attitudeliving.com/blogs/mode-de-vie/attitude-lance-soins-peau-solide-sans-plastique">ligne de soin de la peau qui propose des emballages innovants complètement recyclables et biodégradables</a>. Ces produits offrent aux consommateurs une alternative aux cosmétiques habituels, <a href="https://www.ellecanada.com/beauty/skincare/beauty-industry-plastic-pollution">responsables à chaque année de 120 milliards d’emballages</a>, en grande partie non recyclés. </p>
<p>Cependant, ce choix pourrait s’avérer risqué. Les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0969698916303642">consommateurs sont sceptiques à l’égard des entreprises et remettent en question leurs motivations</a>. Pour réussir, une démarche de sobriété doit émerger d’une réflexion profonde d’une marque et doit être ancrée dans toutes les décisions de l’entreprise. </p>
<p>Certaines marques y arrivent. Patagonia incarne cette vision dans son ADN et met de l’avant un message de sensibilisation face à ses choix de consommation et leurs impacts sur la nature. En 2011, la marque devient une référence du démarketing en décourageant l’achat de ses produits à l’occasion du Vendredi noir. Ce faisant, elle promeut une consommation plus responsable et minimaliste.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/509294/original/file-20230209-16-1a1x4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/509294/original/file-20230209-16-1a1x4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/509294/original/file-20230209-16-1a1x4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/509294/original/file-20230209-16-1a1x4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/509294/original/file-20230209-16-1a1x4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/509294/original/file-20230209-16-1a1x4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/509294/original/file-20230209-16-1a1x4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Campagne de démarketing de Patagonia en 2011.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(New York Times)</span></span>
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<p>Nombre de marques éprouvent toutefois des difficultés à faire accepter ce positionnement, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0148296323000528?ref=pdf_download&fr=RR-2&rr=79a862d95faca20e">considérant la dualité entre ce message de réduction et l’essence mercantile inhérente aux entreprises</a>. En effet, la sobriété force le marketing à promouvoir des pratiques contre nature qui favorisent des consommations plus minimalistes <a href="https://www.scienceshumaines.com/vices-et-vertus-de-la-societe-de-consommation_fr_26918.html">dans un contexte où la surconsommation est inhérente à plusieurs modes de vie</a>.</p>
<p>La sobriété demeure une démarche prometteuse et se doit d’être étudiée davantage. Ainsi, nous avons examiné la cohérence, pour le consommateur, entre l’image de marque de différentes entreprises (responsables, non responsables) et le ton utilisé dans leur communication (optimiste, pessimiste).</p>
<h2>Un attachement et une intention d’achat plus forte</h2>
<p>Les consommateurs considèrent les marques ayant fait le choix de la sobriété comme <a href="https://prophet.com/2020/01/the-four-principles-of-brand-relevance/">pertinentes</a>. Elles réussissent non seulement à satisfaire les besoins utilitaires des consommateurs, <a href="https://www.researchgate.net/profile/Cindy-Grappe/publication/347453181_Why_Does_This_Brand_Speak_to_Me_Conceptualization_Scale_Development_and_Validation_of_Brand_Relevance/links/60662b4f458515614d2b6ccb/Why-Does-This-Brand-Speak-to-Me-Conceptualization-Scale-Development-and-Validation-of-Brand-Relevance.pdf">mais aussi à répondre aux enjeux écologiques qui les touchent particulièrement</a>.</p>
<p>La stratégie de sobriété devient ainsi un outil de différentiation pour les marques, garantit leur pérennité sur le marché et les distingue de leurs concurrents.</p>
<p>Selon nos résultats, les marques responsables qui s’orientent vers la sobriété sont perçues comme plus cohérentes dans leur message d’écoresponsabilité et moins hypocrites. Leur positionnement favorise un attachement plus fort et une intention d’achat plus importante à leur marque. Considérant que <a href="https://myscp.onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1207/s15327663jcp1501_10">l’attachement émotionnel est la base vers des relations durables</a>, cet impact n’est pas négligeable. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/510656/original/file-20230216-18-mg1hvx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510656/original/file-20230216-18-mg1hvx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=602&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510656/original/file-20230216-18-mg1hvx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=602&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510656/original/file-20230216-18-mg1hvx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=602&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510656/original/file-20230216-18-mg1hvx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=756&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510656/original/file-20230216-18-mg1hvx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=756&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510656/original/file-20230216-18-mg1hvx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=756&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La campagne « Re-Uniqlo » en faveur du zéro déchet s’affiche dans une boutique australienne, en février 2023. Elle prône la récupération d’anciens produits des consommateurs pour le recyclage des fibres, la réparation et la réutilisation des vêtements usagés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Van Research Media)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais ceci n’est pas le cas de toutes les marques, notamment celles qui ont opté pour une stratégie marketing moins responsable dans le passé et qui tentent aujourd’hui de se repositionner vers la sobriété.</p>
<p>Notre expérimentation menée auprès de 700 personnes met en lumière l’importance pour ces marques de communiquer efficacement leur nouveau positionnement pour ne pas être associées à de l’écoblanchiment. Une communication basée sur l’émotion pourrait faire la différence. </p>
<h2>Stimuler l’optimisme reste la stratégie clé pour attirer les clients</h2>
<p>Repositionner une marque dans un nouveau marché exige une réflexion en amont sur la manière de le communiquer efficacement. <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-018-05977-w.pdf">Le ton du message adopté joue ainsi un rôle déterminant</a>. </p>
<p>Selon les recherches, les <a href="https://www.scielo.br/j/rmj/a/FMKZns5sBcsjYS7Y7kSmgVL/?format=html&lang=en">émotions motivent les individus à changer leur perception et leur intention de consommer de manière plus responsable</a>. </p>
<p>Le ton optimiste renvoie à l’émotion positive et au sentiment de confiance face à l’issue d’une situation. Par exemple, une marque peut mettre de l’avant ses efforts pour protéger l’environnement de manière positive en utilisant des messages orientés vers la possibilité d’un futur plus favorable. L’entreprise <a href="https://www.instagram.com/mynicleaning/">myni</a>, qui offre des produits corporels et nettoyants sans plastique, adopte un ton optimiste en communiquant les aspects ludiques des produits et leur effet positif sur la planète, avec des messages engageants. </p>
<p>Nos recherches montrent ainsi que le ton optimiste motive l’individu à consommer davantage auprès des marques qui font le choix de la sobriété, et ce, peu importe leurs pratiques et actions marketing passées. </p>
<p>L’utilisation des émotions positives dans la communication peut donc motiver les individus à changer leur perception négative vis-à-vis de la marque et lui offrir une nouvelle chance pour agir en faveur de l’environnement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199642/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Amélie Guèvremont a reçu des financements de Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Fabien Durif a reçu des financements du CRSH Savoir en lien avec cette thématique.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Kolli Inès ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Plusieurs marques prônent la consommation responsable auprès de leurs clients. Cette stratégie de sobriété, perçue positivement par les consommateurs, devient un outil de différentiation.Kolli Inès, Docteur en Marketing, chercheure à l'Observatoire de la consommation responsable, Université du Québec à Montréal (UQAM), Université du Québec à Montréal (UQAM)Amélie Guèvremont, Professeur agrégée, Marketing, chercheure à l'Observatoire de la consommation responsable, Université du Québec à Montréal (UQAM)Fabien Durif, Professeur titulaire, directeur de l'Observatoire de la consommation responsable (OCR) et du Laboratoire FCI GreenUXlab, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1905822022-09-19T18:44:13Z2022-09-19T18:44:13ZChauffage, les plus aisés sont aussi ceux qui réalisent le moins d’économies d’énergie<p>Canicule, feux de forêt, guerre en Ukraine… Après un été 2022 marqué par une actualité énergétique intense, il est temps de s’interroger sur la conduite à tenir pour faire face au changement climatique. À ce sujet, le <a href="https://wir2022.wid.world/www-site/uploads/2021/12/Summary_WorldInequalityReport2022_French.pdf">Laboratoire sur les inégalités mondiales</a> souligne que :</p>
<blockquote>
<p>« 10 % des plus fortunés sont responsables de 48 % de toutes les émissions de gaz à effet de serre mondiales, tandis que les 50 % les plus pauvres ne sont responsables que de 12 % au total. »</p>
</blockquote>
<p>Face à ce constat et à l’hiver qui se rapproche, on peut donc s’interroger sur les comportements de consommation des ménages les plus aisés, alors qu'une polémique a déjà éclaté ces dernières semaines au sujet de <a href="https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2022/08/24/jets-prives-les-stars-rattrapees-au-vol_6138895_4500055.html">l’utilisation des jets privés</a>.</p>
<h2>Entre 8 % et 10 % en plus</h2>
<p>Si on se base sur une abondante littérature en économie, on a tendance à trouver une relation positive entre le niveau de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/revenus-27531">revenu</a> et la consommation d’énergie. Cette relation positive peut être associée à plusieurs phénomènes, qui va d’une augmentation de la température de confort en hiver à l’achat de nouveaux équipements consommateurs d’électricité.</p>
<p>Par exemple, des études ont montré qu’une préférence déclarée pour le confort thermique pouvait se traduire par une hausse de la consommation d’énergie entre <a href="https://ideas.repec.org/a/eee/enepol/v125y2019icp277-285.html">8 %</a> et <a href="https://www.researchgate.net/publication/323657256_Energy_Consumption_in_the_French_Residential_Sector_How_Much_do_Individual_Preferences_Matter">10 %</a> selon les différentes estimations. Le niveau de revenu pourrait ainsi être perçu comme un indicateur pour évaluer un <a href="https://ideas.repec.org/a/eee/enepol/v107y2017icp82-95.html">niveau spécifique de confort</a> et de taux d’équipement.</p>
<p>[<em>Plus de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>De plus, les ménages les plus aisés, qui vivent souvent dans des maisons individuelles récentes et qui peuvent ajuster leur température de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/chauffage-31312">chauffage</a>, ont tendance à consommer plus que ce que leur diagnostic de performance énergétique indique, comme nous l’avons relevé dans un <a href="https://ideas.repec.org/a/eee/enepol/v156y2021ics0301421521003505.html">article</a> de recherche publié en 2021.</p>
<p>En approfondissant cette relation entre niveau de revenu et poids de la consommation énergétique (en se basant sur des données françaises récentes récoltées dans le cadre du <a href="https://www.irege.univ-smb.fr/pepsi-3/">projet de recherche PEPSI</a>), nous obtenons que ceux qui déclarent préférer le confort thermique plutôt que de réaliser des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/chauffage-31312">économies d’énergie</a> gagnent 7 965 euros de plus par an que la moyenne des ménages. </p>
<h2>Taux d’équipement en hausse</h2>
<p>Si on regarde plus en détail, le lien entre la température moyenne de chauffage en hiver dans les pièces à vivre et le niveau de revenu (Figure 1), on constate que les ménages qui se chauffent en dessous de 19 °C gagnent relativement moins que les ménages qui peuvent maintenir une température adéquate.</p>
<p>Il en va de même pour ceux qui se chauffent à plus de 25 °C, mais ces derniers sont parfois dans l’incapacité de pouvoir ajuster leur température (en général, les ménages qui ne sont pas en mesure de pouvoir régler leur température de chauffage vivent dans des logements plus anciens et gagnent 4016 euros de moins par an).</p>
<p>En outre, parmi les ménages qui se chauffent à moins de 19 °C en hiver, ils sont plus des trois quarts à déclarer se restreindre.</p>
<p><iframe id="HJo9p" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/HJo9p/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Par ailleurs, si on considère que les ménages vivant dans les logements dotés de la meilleure étiquette énergétique (et qui ont donc moins besoin d’énergie pour se chauffer), notés A, ont un revenu moyen supérieur de 13 000 euros par rapport à ceux qui vivent dans des logements notés G, on remarque également que les ménages les plus aisés dépensent nettement plus en facture d’électricité et de chauffage, ce qui semble réaffirmer une préférence avérée pour le confort thermique et l’utilisation d’appareils électroménagers (Figure 2).</p>
<p><iframe id="RMN65" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/RMN65/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Après « le deuxième été le plus chaud observé en France depuis au moins 1900 avec un écart de +2,3 °C par rapport à la moyenne 1991-2020 » en 2022 selon Météo France, on peut donc s’interroger sur l’évolution des dépenses d’électricité des ménages français dans les années à venir.</p>
<p>En effet, d’une façon générale, le <a href="https://presse.ademe.fr/2021/06/la-climatisation-vers-une-utilisation-raisonnee-pour-limiter-limpact-sur-lenvironnement.html">taux d’équipement des ménages en système de rafraichissement augmente</a> depuis 2020. Ce sont particulièrement les ménages propriétaires (75 % des détenteurs de système de refroidissement en 2020), souvent chef d’entreprise, indépendant ou cadre et résidants en maison individuelle qui entretiennent cette hausse (60 %).</p>
<p>Cette tendance risque désormais de s’accentuer si l’on veut pouvoir assurer le confort thermique et le bien-être de chacun. Il va donc être plus que nécessaire de trouver des solutions pérennes pour assurer le confort thermique d’hiver et d’été en veillant à ne pas creuser les inégalités.</p>
<p>Si les innovations technologiques permettront probablement de limiter le poids des consommations sur le climat, une solution consiste également à poursuivre les efforts dans l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments tout en veillant à informer les ménages les plus aisés du poids de leur consommation sur le climat.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190582/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dorothée Charlier est membre de l'IREGE (IAE - USMB) et de la Solar Academy. </span></em></p>Selon un projet de recherche, ceux qui déclarent préférer le confort thermique plutôt que de réaliser des économies d’énergie gagnent 7 965 euros de plus par an que la moyenne des ménages.Dorothée Charlier, Maîtresse de conférences en économie de l’énergie et de l’environnement, IAE Savoie Mont BlancLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1905992022-09-15T18:12:21Z2022-09-15T18:12:21ZLa « fin de l’abondance », une chance pour renouer avec notre humanité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/484492/original/file-20220914-15-iojezt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C7%2C1192%2C833&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Depuis l’effondrement du mur de Berlin, le monde a vécu dans la conviction qu’il n’y avait pas d’alternative au «&nbsp;technologisme&nbsp;» de notre temps.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/christopherdombres/23265152514">Flickr/Christopher Dombres</a></span></figcaption></figure><p>Lors du conseil des ministres du 24 août dernier, le président de la République Emanuel Macron a évoqué « la fin de l’abondance », « la fin de l’évidence » et <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/macron-prepare-les-esprits-a-la-fin-de-l-abondance-et-de-l-insouciance-928491.html">« la fin de l’insouciance »</a>. Ces propos ont suscité de <a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/emmanuel-macron/la-fin-de-l-abondance-la-formule-du-president-macron-ne-passe-pas-pour-l-opposition_5325610.html">vives indignations</a>, bien évidemment en particulier de la part de ceux qui représentent les parties de la population les plus démunies.</p>
<p>Il y a en effet de quoi éprouver un sentiment de scandale voire de naïveté à une telle annonce : qui vit de nos jours dans l’abondance, dans l’insouciance, dans l’évidence, à part les classes sociales les plus riches, de <a href="https://theconversation.com/portrait-s-de-france-s-alerte-sur-laggravation-des-inegalites-francaises-175539">plus en plus riches</a>, et de moins en moins nombreuses (dans un contexte où disparaissent les classes moyennes) ?</p>
<p>Le propos du chef de l’État n’est cependant pas dénué de sens. Mais c’est au terme d’« évidence » plutôt qu’à ceux d’« abondance » et d’« insouciance » qu’il faut s’arrêter pour y réfléchir à deux fois.</p>
<h2>« There is no alternative »</h2>
<p>Depuis l’effondrement du mur de Berlin, le monde a en effet vécu dans la conviction de plus en plus dominante qu’il n’y avait pas d’alternative au <a href="https://theconversation.com/fr/topics/liberalisme-22579">libéralisme</a>, au <a href="https://theconversation.com/fr/topics/capitalisme-23342">capitalisme</a>, au « technologisme » de notre temps. Et l’arrière-plan fondamental de cette présupposition est que nous – les humains – allions mettre sous contrôle la nature – humaine et non humaine. Et la mise sous contrôle, disons du monde entier, allait garantir notre sécurité et notre paix civiles.</p>
<p>Nous pourrions enfin jouir de tout dans l’insouciance et une abondance généralisée. Cela avait été annoncé par l’usage incantatoire qu’avait fait en son temps la première ministre britannique Margaret Thatcher de l’acronyme « TINA » : « il n’y a pas d’alternative » (« There Is No Alternative »). Un seul monde est viable, le monde libre du capitalisme libéral adossé aux sciences et aux technologies.</p>
<p>Or, nous n’avons pas fini de croire à ce monde-là. Malgré la crise du Covid-19, l’on ne cesse d’entendre que nous allons revenir à la « normale » – c’est-à-dire au monde d’« avant ». Au monde d’avant le Covid. Laquelle pandémie a été la seule à même de nous faire un peu lever le nez du guidon ou sortir la tête de dessous la terre.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-retour-a-la-normale-une-notion-denuee-de-sens-138309">Le retour « à la normale », une notion dénuée de sens</a>
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<p>Jusque-là, depuis 1989, le monde entier faisait l’autruche, malgré les crises gravissimes dont il était affecté. Les attentats du 11-Septembre et leurs suites, la crise financière de 2008, la catastrophe de Fukushima, et j’en passe. Non pas qu’une partie toujours insupportablement importante de la population mondiale ne souffrît pas de faim, de précarité, d’exil et de violences. Mais l’on continuait de faire « comme si » on allait mettre un terme à tout cela, en mettant tout sous contrôle et maîtriser.</p>
<p>Il a fallu les confinements pour que l’on se réveille de la torpeur post-guerre froide, mais nous persistons à rêver que le monde d’« avant » revienne sur scène, comme si de rien n’avait été.</p>
<p>Confronté à un <a href="https://theconversation.com/fr/environnement">été catastrophique sur le plan climatique</a>, sur le fond de la guerre plus du tout froide imposée par la Russie à l’Ukraine, avec en arrière-plan la crise du Covid qui menace et menacera de reprendre à chaque changement de saison, le président <a href="https://theconversation.com/fr/topics/emmanuel-macron-30514">Emmanuel Macron</a> a sans doute raison d’attirer notre attention sur la fin peut-être pas de l’abondance, mais en tout cas de l’insouciance et des évidences.</p>
<p>Le monde n’est plus « évident ». Il ne se « dévide » plus comme si de rien n’était. Nous ne le tenons pas sous contrôle. Quoi qu’on en ait, notre paix et notre sécurité civiles ne sont pas garanties. On ne peut plus, on ne peut en rien les tenir pour acquises.</p>
<h2>Pourquoi vouloir la 5G ?</h2>
<p>Cela a-t-il cependant jamais été le cas ? Les guerres et les crises se sont-elles vraiment arrêtées depuis l’effondrement du mur de Berlin ? Avons-nous lucidement vécu les quelques décennies passées ? Fascinés par les nouvelles technologies et les potentiels gigantesques qu’elles laissent imaginer, obnubilés par les start-up, frénétiquement accrochés au profit et à la surconsommation, souhaitant oublier que la mort est toujours le lot de notre <a href="https://theconversation.com/fr/topics/humanite-46876">humanité</a> mortelle et potentiellement malade, avons-nous vraiment cultivé notre conscience du monde où nous vivons ? Il faut sans doute reconnaître que non.</p>
<p>Nous avons voulu faire comme si nous pouvions vivre dans l’insouciance, dans l’abondance, dans les évidences de notre monde. Y compris les classes sociales les plus démunies, dont le but principal est toujours, si l’on en croit les analyses les plus averties de la vie sociale et politique comme le sont celle d’un Alexis de Tocqueville, de se hausser au niveau de possessions, de richesse, d’abondance, des classes sociales les plus nanties. La pauvreté est toujours relative, au sens où manquer de ce dont les autres jouissent augmente significativement le sentiment de dénuement.</p>
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<p>Les affirmations de notre président ont quelque chose d’indéniable : l’évidence, ou les évidences, sur le fond desquelles nous vivions ou voulions vivre ne sont plus de mise. Il nous faut tout remettre sur le métier. Il nous faut interroger ce que nous voulons, pourquoi nous le voulons, comment nous le voulons.</p>
<p>Par exemple – et c’est symptomatique – faut-il vraiment vouloir un nouvel iPhone, la 5G, de nouveaux logiciels, qui ont pour condition de leur mise en œuvre la fabrication de nouveaux ordinateurs, téléphones, tablettes, etc, rendant les précédents caducs, et conduisant à l’épuisement des ressources comme les métaux rares ? Nous devons bien évidemment nous demander de manière générale vers quoi et pourquoi nous courons. C’est ça la mise en question des évidences, de l’insouciance, de l’abondance.</p>
<p>Pour bien l’entendre, il faut interpréter le propos d’Emmanuel Macron sur le plan fondamentalement humain de notre capacité à interroger le réel et à nous mettre en question. Or, nous savons toutes et tous interroger le réel et nous-mêmes. Nous savons toutes et tous faire un pas de côté. On pourrait dire que c’est même le propre de ce qui fait notre commune humanité. Voyons en quoi et à quoi cela nous engage au quotidien.</p>
<h2>Mis en demeure</h2>
<p>Depuis que nous nous sommes mis debout, nous humains, sommes faits à la fois d’une capacité et d’un désir de contrôle de notre monde à proportion de ce que la verticalisation a rendu possible : une vue au loin, une maîtrise de notre environnement, la prévention contre les prédateurs, l’identification de nos proies, etc. De l’autre côté, la position debout nous rend significativement plus vulnérables à la chute que lorsque nous vivions à quatre pattes.</p>
<p>La dynamique de la marche le signale clairement : marcher c’est commencer par tomber en avançant le pied, et rattraper le déséquilibre en reposant le pied au sol. La marche n’est pas seulement une image utile. Elle est à la fois une métaphore et la réalité de nos vies lorsque nous vivons des vies véritablement humaines. Se tenir debout sur un sol stable symbolise parfaitement le fait d’être posé sur des évidences que nous n’interrogeons pas.</p>
<p>Insouciance et abondance.</p>
<p>Elles sont ce que l’on tient pour acquis, à partir de quoi nous pouvons nous élancer vers des tas d’autres choses – à partir de quoi nous levons le pied pour aller « ailleurs ». Le problème est que nous avons une sérieuse tendance à rester immobiles sur le sol stable sur lequel nous sommes posés, dans nos « zones de confort ». Tous les humains, président ou pas.</p>
<p>Depuis 1989, notre sol stable était symbolisable par l’acronyme « TINA ». Aucun autre monde n’était possible ni même imaginable. Voilà qu’au travers de crises aussi radicales et graves que celle du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/Covid-19-82467">Covid-19</a>, du climat, et des guerres, nous sommes mis en demeure de nous mettre à marcher. À lever le pied de nos évidences.</p>
<h2>Du monde à l’« immonde »</h2>
<p>Nous l’avons suggéré plus haut : l’abondance (relative), l’insouciance et les évidences tiennent du même registre. Être posé sur des évidences que l’on n’interroge jamais, c’est à proprement parler de l’insouciance. C’est n’avoir en vue que de jouir de l’abondance qui nous est accessible, quelle que soit la classe sociale à laquelle on appartient. Alors que notre humanité est faite d’une tension constitutive entre évidence – se tenir debout immobile sur un sol solide et stable – et mise en question – ou élan vers autre chose toujours d’abord inconnu. Marcher, c’est d’abord prendre le risque de tomber dans l’inconnu.</p>
<p>Si elle est entière, notre humanité est faite à la fois d’évidences, de désirs d’abondance et d’insouciance, et de mises en question du réel, de pauvreté, de « souci ». Et vouloir n’être que l’un – qu’évidences, abondance (encore une fois, toujours strictement relative) insouciance – ou n’être que dans l’autre – n’être que dans le doute, la pauvreté, le souci – nous déshumanise ou nous rend fou.</p>
<p>Nous étions en train de nous déshumaniser depuis « TINA ». Il ne s’agit en aucun cas de se réjouir de la situation dramatique actuelle. Mais si cette situation est propre à nous faire sortir nos têtes de sous la terre, c’est une chance pour notre humanité. Se tenir immobile debout sur un sol solide dont on ne démord jamais tient de la plus grande bêtise voire de la plus profonde brutalité.</p>
<p>Comme le dit le dicton, « il n’y a que les c… qui ne changent jamais d’avis ». Gardons cependant clairement à l’esprit que si le monde n’est que mise en doute, qu’interrogations, que soucis, que pauvreté ou manque, ce n’est plus un « monde ». Cela devient, comme le dit si clairement le mot, « immonde ». C’est le chaos et c’est invivable.</p>
<h2>Courage</h2>
<p>Comment faire alors ? Comment vivre dans une crise permanente ? Cela revient à ne faire que tomber, à ne plus avoir de sol. C’est à proprement parler invivable.</p>
<p>La bonne nouvelle est que tant qu’on n’est pas mort, on a toujours un sol. Le sol minimum que nous ne voyons pas parce que nous sommes posés dessus, le plus souvent exclusivement poussés par nos envies et nos désirs, est la vie même. Infinie richesse si l’on y prend garde. Car la vie est toujours faite d’un minimum d’évidences, de choses que l’on tient pour acquises, et qui restent possibles.</p>
<p>Ces choses que nous tenons pour acquises et qui restent possibles tiennent des apprentissages les plus archaïques que nous faisons dès l’enfance : celui d’une langue que l’on parle, celui de la manière de se vêtir, de parler, d’échanger avec les autres, de faire communauté. Notre appui fondamental, c’est tout ce que l’on a appris à faire depuis l’enfance.</p>
<p>Ce que nous avons appris à faire depuis l’enfance, qu’il faut sur certains plans, à certains moments, remettre en question, constitue tout autant le sol solide sur lequel nous sommes posés. Encore faut-il, pour vivre de manière pleinement humaine, sans cesse trier entre ce que nous pouvons – voire que nous devons – garder et qui restera sol solide – et ce qu’il faut quitter, abandonner, changer.</p>
<p>À ce compte, vivre en acceptant l’idée que c’est la fin de la (seule) évidence, de la (seule) abondance, de la (seule) insouciance, c’est sans cesse remettre sur le métier de séparer le grain de l’ivraie. L’ivraie est faite de ce qu’il faut quitter. Le grain, de ce qu’il faut garder. Plus, qu’il faut aider à germer.</p>
<p>Cela demande du courage, de la détermination, de la lucidité, d’une aide qui s’appelle éducation. Nous avions simplement oublié de le faire. Depuis trente ans. Il est temps de s’y remettre tous ensemble, dûment aidés par celles et ceux qui ont déjà appris à le faire, ou qui l’ont jamais oublié de le faire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190599/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Bibard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au-delà des polémiques, les propos d’Emmanuel Macron laissent entrevoir dans la crise climatique une opportunité de rompre avec les errances des systèmes qui prévalent depuis 30 ans.Laurent Bibard, Professeur en management, titulaire de la chaire Edgar Morin de la complexité, ESSEC Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1830522022-05-23T19:56:59Z2022-05-23T19:56:59Z« Fast fashion » : porter des vêtements non éthiques fait désormais culpabiliser le consommateur<p>Il est bien connu aujourd’hui que <a href="https://piochemag.fr/a-lire-le-dernier-essai-de-lhistorienne-audrey-millet-sattaque-a-la-face-sombre-de-lindustrie-de-la-mode/">l’impact de l’industrie de la mode sur l’environnement</a> est considérablement néfaste. Il a notamment été montré qu’il faut l’équivalent de <a href="https://www.linfodurable.fr/conso/7000-10-000-litres-deau-sont-necessaires-pour-fabriquer-un-jean-comment-arreter-les-frais">285 douches pour produire un jean</a>. En 2030, les émissions de gaz à effet de serre produit par l’industrie de la mode atteindront <a href="https://www.vogue.fr/mode/article/cop26-industrie-mode-objectifs-climat">2,7 milliards de tonnes</a>, soit l’équivalent de 230 millions de voitures roulant pendant un an.</p>
<p>Ces dernières décennies, la croissance de l’industrie de la mode, en mettant l’accent sur la rentabilité, a encouragé un <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/09593960903498300">désir accru de faibles coûts</a>, de flexibilité dans la conception et la qualité, et de rapidité de mise sur le marché au nom des détaillants, aggravant encore le problème.</p>
<p>La <em>fast fashion</em>, <a href="https://www.oxfamfrance.org/agir-oxfam/fast-fashion-et-slow-fashion-impacts-definitions/?gclid=Cj0KCQjw4PKTBhD8ARIsAHChzRJbJXpgAFdnhF-qPgrLp9WBfZHHR5_xVYlo2GUDhBAROzLh3jv52JMaAjVaEALw_wcB">mouvement reposant sur une surproduction et un renouvellement ultrarapide des collections</a> (jusqu’à <a href="https://www.theguardian.com/books/2014/mar/06/stitched-up-anti-capitalist-book-fashion-tansy-hoskins-review">50 collections différentes par an</a>, soit quasiment une collection différente par semaine) est ainsi souvent pointée du doigt quant à son impact environnemental et social. Cette <em>fast fashion</em> nécessite une baisse des coûts de production et une rapidité de production qui mène parfois à des drames. Le 23 avril 2013, au <a href="https://www.lexpress.fr/styles/mode/l-effondrement-du-rana-plaza-symbole-des-abus-de-la-fast-fashion_1899144.html">Rana Plaza à Bangladesh</a>, une usine de fabrication de vêtements, des vêtements portés par les occidentaux, s’est écroulée sur ses employés faisant 1134 morts et 2500 blessés.</p>
<h2>Des ventes en hausse de 40 % en 10 ans</h2>
<p>Face à la pollution produite par l’industrie de la mode, beaucoup de marques et d’initiatives se sont développées. Aujourd’hui, nous avons de plus en plus accès à une <a href="https://www.wedressfair.fr/blog/29-marques-ethiques-pour-un-dressing-responsable">mode plus propre, plus transparente, plus éthique</a>. Des mouvements de <a href="https://fr.fashionnetwork.com/news/Mode-durable-60-des-francais-se-disent-prets-a-boycotter-les-marques-non-equitables,1295445.html">contestation de consommateurs boycottant des marques</a> ou le <a href="https://theconversation.com/black-friday-la-resistance-sorganise-autour-du-consommer-moins-et-mieux-127533">Black Friday</a> naissent.</p>
<p>Les consommateurs montrent eux aussi une prise de conscience et un intérêt accru pour l’écologie la mode durable et responsable. Comme le souligne l’Ipsos dans un <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/les-francais-et-la-mode-durable">étude</a> de 2019, « près de deux Français sur trois (65 %) affirment aujourd’hui que l’engagement des marques et des entreprises en matière de développement durable constitue un critère de choix important au moment de leurs achats mode/habillement ».</p>
<p>Cependant, le comportement des consommateurs tarde à se concrétiser et le <a href="https://reset.eco/comment-sommes-nous-devenus-accros-a-la-fast-fashion/">besoin d’apparat et de changement de look</a> quotidien n’a pas disparu. Pour preuve, les ventes ont augmenté de <a href="https://www.gondola.be/fr/news/fast-fashion-la-vente-de-vetements-enregistre-une-hausse-de-40-en-dix-ans">40 % ces dix dernières années</a>. Un <a href="https://fr.fashionnetwork.com/news/Mode-durable-51-des-francais-ne-font-pas-confiance-aux-marques,1284821.html">manque de confiance dans les marques de mode</a>, un manque de compréhension de ce qu’est la mode durable ainsi qu’une <a href="https://fr.fashionnetwork.com/news/La-mode-durable-un-concept-insaisissable-pour-beaucoup-de-consommateurs,1306083.html">méfiance envers le greenwashing</a>, et également le prix et le <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/les-francais-et-la-mode-durable">manque d’informations sur les noms des marques de mode durable</a> freinent notamment l’engouement des consommateurs de mode durable.</p>
<p>Il est donc indispensable de développer de nouvelles approches pour encourager les individus à acheter et à porter une mode plus durable, tout en s’engageant concernant l’origine de leurs vêtements. Dans cette optique, un travail de recherche mené par notre équipe, <a href="https://www.ingentaconnect.com/content/intellect/sft/2022/00000001/00000001/art00004">récemment publié</a>, propose une nouvelle approche qui repose sur les émotions.</p>
<h2>Impact sur les émotions</h2>
<p>Nous avons demandé à trois groupes (39 personnes – 26 femmes, 13 hommes au total) de venir passer deux heures dans notre laboratoire : le premier groupe devait venir avec sa propre tenue vestimentaire ; le deuxième groupe devait porter un tee-shirt blanc uni et éthique, produit de manière respectueuse avec l’environnement ; et le troisième groupe devait porter un tee-shirt blanc uni et étiqueté comme non-éthique (<em>fast fashion</em>). Les tee-shirts fournis aux deuxième et troisième groupes étaient similaires, seule l’étiquette changeait.</p>
<p>Nous avons mesuré les émotions positives et négatives de chaque participant grâce à l’échelle <a href="https://novopsych.com.au/assessments/well-being/scale-of-positive-and-negative-experience-spane/">SPANE</a>. Ce questionnaire bref mesure les expériences positives et négatives des participants en leur demandant d’évaluer la fréquence à laquelle ils vivent divers états comme sur le plaisir physique, l’engagement, l’intérêt, la douleur, l’ennui, etc. Les émotions de chaque participant ont été évaluées juste avant l’expérience, puis au bout de deux heures de port du tee-shirt.</p>
<p>Nos résultats ont montré que les participants portant des vêtements durables avaient une augmentation des émotions positives par rapport aux participants portant des vêtements non durables.</p>
<p>De plus, les participants portant des vêtements non durables ont montré une baisse des émotions positives par rapport aux participants portant des vêtements durables. En effet, alors que la valeur médiane des émotions positives était similaire pour les trois groupes de participants (médiane d’environ 23) au début de l’expérience, le groupe portant le tee-shirt de mode durable a ensuite montré une augmentation des émotions positives (avec une médiane de 26) et les participants portant le tee-shirt de mode non-durable ont montré une baisse des émotions positives (avec une médiane de 20).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/464753/original/file-20220523-26-uoie1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/464753/original/file-20220523-26-uoie1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/464753/original/file-20220523-26-uoie1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/464753/original/file-20220523-26-uoie1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/464753/original/file-20220523-26-uoie1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/464753/original/file-20220523-26-uoie1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/464753/original/file-20220523-26-uoie1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Malgré la prise de conscience des enjeux de durabilité, le comportement des consommateurs tarde encore à se concrétiser.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/citation-source-d-inspiration-5126624/">Cparks/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Nos résultats ont également montré que les participants portant des vêtements durables observaient une baisse des sentiments négatifs par rapport aux participants portant des vêtements non durables. En effet, alors que la valeur médiane des émotions négatives était similaire pour les trois groupes de participants (médiane d’environ 14), le groupe portant le tee-shirt de mode durable a ensuite montré une baisse des émotions négatives (avec une médiane de 7).</p>
<p>Cette étude met donc en évidence l’existence d’une relation entre ce que nous portons et ce que nous ressentons, renforçant l’importance de connaître la source de nos vêtements. Les résultats, établissant un lien entre le port de vêtements durables ou non durables et des sentiments positifs et négatifs, renforcent le pouvoir et l’influence des vêtements sur les processus psychologiques, ce qui peut aider à encourager les gens à s’engager davantage avec la mode durable et connaître davantage l’origine de leurs vêtements.</p>
<p>Les résultats de cette étude pourraient être utilisés pour montrer aux consommateurs de mode que les impacts néfastes de l’achat de vêtements non durables s’étendent au-delà de la sphère environnementale et sociale, et incluent dont la sphère individuelle à travers les sentiments et les émotions. Cette recherche espère aider ainsi à étendre les découvertes actuelles et donner au sujet de la durabilité dans l’industrie de la mode l’attention dont il a besoin pour promouvoir et susciter le changement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183052/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurore Bardey ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À l’inverse, porter des pièces produites responsablement augmente les émotions positives, montre une expérience récente.Aurore Bardey, Associate Professor in Marketing, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1787262022-03-29T19:31:31Z2022-03-29T19:31:31ZDu luxe à la fast fashion : la gestion des invendus, casse-tête de l’industrie de la mode<p>Pour le secteur de la mode, l’heure du bilan est arrivée avec notamment la campagne des soldes de l’hiver 2022. Le moins que l’on puisse dire est qu’il est bien négatif. Ni les ventes privées ni la deuxième démarque <a href="https://www.europe1.fr/economie/quel-bilan-pour-les-soldes-dhiver-2022-4092219">n’ont vraiment attiré les consommateurs</a>.</p>
<p>La faute à l’inflation, l’augmentation du prix des énergies, la crainte du coronavirus et les mesures sanitaires. Ainsi, en janvier (habituellement le 2<sup>e</sup> mois d’activité le plus important), les marques d’habillement ont vu leur chiffre d’affaires en magasin <a href="https://www.alliancecommerce.org/baisse-de-24-du-chiffre-daffaires-en-magasin-par-rapport-a-2019-un-mois-de-janvier-tres-decevant-impacte-par-les-mesures-sanitaires/">chuter de 23,7 % par rapport à janvier 2019</a>.</p>
<p>Une situation que l’Alliance du commerce juge très préoccupante, car elle met en péril la santé financière des entreprises et leur plan de trésorerie. À la question légitime de la survie des entreprises de ce secteur vient s’ajouter l’enjeu de la gestion des invendus.</p>
<p>Une <a href="https://sdi-pme.fr/enquete-sdi-soldes-dhiver-2022-face-a-un-debut-de-saison-dans-le-rouge-vif-76-des-commercants-demandent-le-retablissement-de-laide-aux-stocks-invendus/">enquête</a> du Syndicat des indépendants et des TPE révèle qu’à la lumière des résultats catastrophiques des soldes d’hiver 2022, 76 % des commerçants (tous secteurs confondus) <a href="https://www.economie.gouv.fr/covid19-soutien-entreprises/nouvelle-aide-stocks">demandent le rétablissement de l’aide aux stocks invendus</a>.</p>
<p>En parallèle, la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/loi-anti-gaspillage-economie-circulaire-0">loi anti-gaspillage pour une économie circulaire</a>, promulguée en février 2020, est entrée en vigueur le 1<sup>er</sup> janvier 2022 : elle impose à l’industrie de la mode et du luxe, entre autres, de donner, réemployer, réutiliser ou recycler leurs invendus.</p>
<h2>Choc face à la destruction des invendus</h2>
<p>En effet, si la question du coût des stocks est cruciale chez les petits commerçants qui cherchent, pour des raisons évidentes de survie, à conserver leurs stocks, les géants du commerce ont toutefois recours à d’autres pratiques peu responsables, en particulier la destruction.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1413444346636951558"}"></div></p>
<p>Dans le secteur de la mode, deux entreprises sont souvent citées à l’évocation de cette pratique. Le géant H&M était ainsi accusé en 2017 <a href="https://www.20minutes.fr/monde/2161027-20171031-h-geant-suedois-brulerait-12-tonnes-vetements-an-loin-concept-mode-durable">d’avoir brûlé 12 tonnes de vêtements invendus</a> par an depuis 2013. L’entreprise de luxe Burberry a quant à elle été pointée du doigt pour avoir brûlé la même année <a href="https://www.leparisien.fr/economie/pourquoi-burberry-a-detruit-31-millions-d-euros-d-invendus-20-07-2018-7827933.php">l’équivalent de 31 millions d’euros d’invendus</a> (vêtements et cosmétiques).</p>
<p>Cette pratique a suscité l’émoi du grand public et pose un réel problème éthique. Du fait de gaspiller, d’une part, des produits ayant mobilisé des ressources naturelles. De détruire, de l’autre, des produits pour beaucoup issus de chaînes globales de valeurs connues pour leur contribution à des problématiques environnementales et sociales récurrentes.</p>
<h2>Un secteur aux pratiques déjà controversées</h2>
<p>La mode dite rapide (ou <em>fast fashion</em>) est déjà associée au gaspillage de ressources au regard du rythme effréné de renouvellement des collections, à de graves accidents dans les usines de confection dans les pays en développement (comme le cas du Rana Plaza au Bangladesh), mais aussi à l’utilisation de composants nocifs pour la santé des consommateurs et l’environnement. Avant d’être accusée de détruire ses invendus, H&M a par exemple fait l’objet de critiques concernant l’utilisation de produits chimiques et polluants dans ses vêtements.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1429015166864269315"}"></div></p>
<p>Le secteur du luxe ne fait pas mieux. <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/1477-8947.12211">Nos travaux</a> ont mis en particulier en avant l’enjeu du bien-être animal. La destruction de produits ayant mobilisé des matières premières animales rares ou provenant <a href="https://www.cairn.info/revue-decisions-marketing-2021-3-page-107.htm">d’animaux tués uniquement pour leur peau</a>, comme le crocodile, apparaît difficilement justifiable.</p>
<p>La gestion des invendus dans le secteur de la mode n’est pas une question nouvelle. Si certaines entreprises ont choisi de les brûler, d’autres ont décidé de vendre à perte leurs produits à des déstockeurs, à l’image de ce que fait Zara au Sénégal.</p>
<p>Quelques entreprises ont quant à elles fait don d’une partie de leurs invendus à des associations. Nous pouvons prendre l’exemple de <a href="https://www.lesechos.fr/pme-regions/actualite-pme/camaieu-donne-une-seconde-vie-a-ses-invendus-962378">l’enseigne Camaïeu</a> qui offre une partie de ses pièces à des associations telles que la Croix rouge ou Solidarité Femmes Accueil.</p>
<h2>L’invendu, bête noire du luxe</h2>
<p>Ces initiatives ne peuvent résoudre qu’en partie le problème des invendus et paraissent inadaptées au secteur du luxe. Solder ou faire don des pièces restantes revient, dans le cas des entreprises de ce secteur, à remettre en cause l’une de ses principales valeurs, à savoir l’exclusivité. Le recyclage pour sa part ne semble pas avoir les faveurs des consommateurs.</p>
<p><a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0148296313000350">Les travaux de recherche que nous avons menés</a> ont montré que l’intégration de cette pratique chez Hermès a été sanctionnée par les consommateurs, rétifs à l’usage de tissus recyclés dans les habits de luxe. Si les ventes privées peuvent constituer une solution pour écouler les stocks, il paraît décisif pour le secteur du luxe de revenir à l’un de ses fondamentaux, à savoir une production limitée.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1499685952796639236"}"></div></p>
<p><a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/mar.21546">L’une de nos études récentes</a> sur le sujet confirme l’importance du désir des consommateurs de luxe pour des produits uniques. Cultiver la rareté va non seulement permettre de renforcer le prestige du luxe, mais aussi d’éviter les invendus et de répondre à la problématique de durabilité en amont, c’est-à-dire au niveau de la production.</p>
<p>Les propos de l’un des enquêtés dans le cadre de <a href="https://www.cairn.info/revue-decisions-marketing-2016-3-page-97.htm">nos différentes investigations</a> vont dans ce sens :</p>
<blockquote>
<p>« Je dirais même que le luxe ne doit pas être démocratisé. Non pas que cela n’est pas bien qu’il soit accessible aux personnes qui ont des moyens limités, mais pour qu’il reste compatible avec le développement durable, le luxe doit garder une certaine inaccessibilité. »</p>
</blockquote>
<h2>Nouvelles technologies et gestion des invendus</h2>
<p>Dans le cas de la mode accessible, Zara a trouvé un modèle de gestion des stocks plutôt efficace. Grâce à la forte intégration et coordination entre deux fonctions essentielles de sa chaîne de valeur (la fonction confection et design et la fonction commerciale), l’entreprise parvient à coller aux tendances en étant au plus près des préférences des consommateurs, et donc à limiter les volumes invendus.</p>
<p>Cette forte coordination est rendue possible par une bonne infrastructure technologique (technologie <em>RFID</em>, le <em>cloud</em> et le <em>big data</em>). Ainsi, grâce à ses étiquettes intelligentes (RFID), Zara est l’une des rares marques du secteur de la mode qui a réussi en 2021 à vider le gros de ses stocks, cela <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/mode-luxe/comment-zara-a-debute-les-soldes-avec-des-stocks-limites-1330310">malgré les confinements</a>.</p>
<p>La question des invendus, accentuée par la crise du coronavirus, vient rappeler, si besoin est, la nécessité pour l’industrie de la mode de revoir son modèle de développement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178726/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La gestion des invendus devient incontournable pour l’industrie de la mode. Les enjeux et les solutions ne sont pas les mêmes dans le luxe que dans la « fast fashion ».Mohamed Akli Achabou, Professeur HDR de Stratégie, RSE et Éthique du Marketing d’Entreprise, IPAG Business SchoolSihem Dekhili, Professeure HDR en Sciences de Gestion (Marketing), Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1787242022-03-29T19:31:31Z2022-03-29T19:31:31ZVêtements invendus : pourquoi l’interdiction de leur destruction aura aussi des effets pervers<p>Depuis le 1<sup>er</sup> janvier 2022, la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/loi-anti-gaspillage-economie-circulaire">loi antigaspillage pour une économie circulaire</a> impose que les produits non alimentaires non vendus ne puissent plus être détruits. Les vêtements et les chaussures entrent ainsi dans le périmètre de cette loi.</p>
<p>Des pratiques de <a href="https://fashionunited.fr/actualite/mode/h-m-est-accuse-d-avoir-brule-12-tonnes-de-vetements-invendus-neufs-par-an/2017101813740">lacération ou d’incinération</a> avaient en effet été dénoncées par les associations (Emmaüs, Zero Waste…).</p>
<p>Cette avancée met donc fin à ces pratiques insensées à l’aune de l’urgence climatique. Elle n’est toutefois pas sans impact sur le secteur de la mode, du textile et de l’habillement. Et pourrait avoir des effets pervers sur l’objectif de long terme, à savoir réduire la production à la source.</p>
<h2>Invendus, les « stocks dormants »</h2>
<p>Par <a href="https://refashion.fr/pro/fr/que-faire-de-mes-invendus">invendu</a>, on désigne une production qui n’a pas pu faire l’objet d’une vente. Dans l’industrie textile, c’est une variable classique de gestion des stocks. La fabrication de vêtements ou les achats sont guidés par des logiques de répétition en volume d’une année à l’autre, amenant souvent à une inflation du nombre de pièces à vendre.</p>
<p>Les promotions et soldes correspondent depuis toujours à la meilleure technique d’écoulement des surplus de la saison en cours. In fine, tous les produits restants, les abîmés et ceux rendus par les clients, deviennent ce qu’on appelle les invendus de l’aval.</p>
<p>Les tissus comportant des défauts, ou les restes d’une commande en volume, constituent chez les producteurs les invendus de l’amont et encombrent les entrepôts. Tous portent le doux nom de « stocks dormants » en français, mais de « dead stocks » en anglais. De fait, ils représentent un coût comptable pour les entreprises.</p>
<p>Jusqu’à présent, certaines marques acceptaient de les laisser partir dans des réseaux secondaires (solderies, ventes d’usine, ventes privées), d’autres refusaient cette solution et choisissaient de les détruire. Depuis le mois de janvier, la dernière option n’est plus légalement possible.</p>
<h2>Les défis de la mode « circulaire »</h2>
<p>Cette nouvelle réglementation vise à optimiser la gestion des stocks et à encourager les réflexions autour de la réutilisation. De fait, les producteurs et distributeurs pensent désormais au réemploi et au recyclage de leurs invendus textiles dans une logique d’économie circulaire.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1499791059781664775"}"></div></p>
<p>L’économie circulaire <a href="https://www.ademe.fr/expertises/economie-circulaire">peut se définir</a> comme « un système économique d’échange et de production qui, à tous les stades du cycle de vie des produits (biens et services), vise à augmenter l’efficacité de l’utilisation des ressources et à diminuer l’impact sur l’environnement tout en développant le bien être des individus ».</p>
<p>Afin d’être opérationnelle, cette notion fait souvent référence aux actions recensées par différents verbes en « R ». Les plus connus du grand public sont les 3 « R » – réduire, réutiliser et recycler – mais la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921344917302835">littérature scientifique en distingue jusqu’à 9</a>. Ces derniers ne sont pas équivalents en matière d’impact environnemental et une hiérarchie s’impose entre les différents processus auxquels ils correspondent.</p>
<p>Suivant cette logique, l’économie circulaire doit se comprendre comme un processus visant d’abord à étendre la durée de vie initiale du produit en cherchant à préserver sa valeur intrinsèque au plus haut niveau d’utilité possible, et, dans un second temps, à accroître la circularité des matières et des composants.</p>
<h2>L’upcycling détourné de son but premier</h2>
<p>En imposant une gestion des invendus, les surplus de textile neuf en amont et aval passent directement au statut de déchets sans connaître une première vie dans un produit. Rendre obligatoire leur valorisation pousse les entreprises à privilégier les actions de réutilisation et à créer des débouchés pour les revendre.</p>
<p>Ces « nouvelles » sources viennent alimenter, mais aussi perturber, les modèles économiques circulaires fondés sur des produits réutilisés, comme le montre <a href="https://www.ensait.fr/projet-innovant-a-lensait-rezomodeco/">notre recherche en cours</a>. Elle met au jour l’évolution profonde de deux modèles historiques de la mode circulaire : l’upcycling et la seconde main.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1404943553026007040"}"></div></p>
<p>L’upcycling consiste à collecter des vêtements et textiles de seconde main pour les modifier et leur donner une valeur ajoutée (esthétique et d’usage). Il correspond à une logique d’extension de la durée de vie initiale d’un produit usagé et à la relance de sa circularité.</p>
<p>Actuellement, le marché de l’upcycling se recentre rapidement sur de la production à partir de tissus neufs « dormants » – fin de rouleaux, chutes de tissus chez les fabricants, vêtements invendus des enseignes, etc. Ainsi, les facteurs clés de succès de l’upcycling reposent désormais en priorité sur la quête de fournisseurs de tissus invendus et sur la fidélisation-captation de ce réseau de sourcing. Sourcing facilité par l’essor des plates-formes telles que Queen of Raux, Uptrade, My little Coupon, Nona Source du groupe LVMH où les acteurs enchérissent le prix des matières disponibles.</p>
<p>Cette focalisation sur la réutilisation des invendus remet en cause l’un des principes clés de l’économie circulaire : la maximisation du nombre de cycles consécutifs et la durée de chaque cycle incarné par le séquentiel suivant : utilisation première du produit, extension de la durée de vie par la réparation et la seconde main, upcycling et recyclage. En catégorisant un produit neuf en déchet à revaloriser, les acteurs entretiennent, voire peuvent spéculer, sur les invendus (alors qu’ils pourraient ajuster leur gestion et les réduire).</p>
<h2>La seconde main avec du neuf ?</h2>
<p>Les modèles économiques de la seconde main sont également affectés par l’arrivée des surplus de produits. En effet, les invendus textiles donnés ou vendus aux structures caritatives de l’économie sociale et solidaire (ESS), telles que Emmaüs, Secours Catholique, Oxfam ou la Croix rouge, posent de nombreuses questions.</p>
<p>Le développement d’un marché de la seconde main textile « tenu » par les consommateurs, accéléré par la création de plates-formes de vente type Vinted ou Vestiaire Collective a <a href="https://www.novethic.fr/actualite/environnement/economie-circulaire/isr-rse/maud-sarda-directrice-du-label-emma-s-la-seconde-main-des-grandes-marques-ne-repond-pas-a-la-transition-ecologique-et-sociale-150260.html">déjà détourné une partie des flux de textile</a> que les consommateurs donnaient historiquement aux structures de l’ESS. Ce premier phénomène engendre une baisse constatée de la qualité des dons des particuliers auprès de ces structures.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1301415022329987073"}"></div></p>
<p>Parallèlement, la loi sur les invendus risque d’accélérer le phénomène, déjà à l’œuvre, de dons des invendus auprès des structures de l’ESS. L’évolution de leur modèle passant de la vente de vêtements de seconde main à une augmentation de la vente de produits neufs invendus (qui ne pourront de fait pas être considérés de seconde main) profile une abondance de vêtements <em>fast fashion</em> neufs, difficiles à vendre.</p>
<h2>Objectif, réduire les invendus</h2>
<p>Si ces invendus n’ont pas été achetés par les consommateurs, pourquoi le seraient-ils dans ces réseaux ? Une vraie interrogation se pose sur la viabilité des modèles économiques de ces structures qui ont des objets sociaux et sociétaux forts.</p>
<p>L’arrivée de cette loi est salutaire dans la lutte contre le gaspillage mais elle ne peut occulter le travail de réflexion sur la réduction des invendus et les pratiques de gestion de ce secteur. Comme tout bon déchet, l’invendu le plus vertueux est celui qui n’est pas produit.</p>
<p>La montée en puissance de la lutte contre le gaspillage vestimentaire amont à travers la mode 4.0, la production à la demande, à la commande, la co-création avec les consommateurs, combinées à des modèles économiques circulaires qui traitent le déchet déjà utilisé et non le « déchet neuf », donnent l’espoir d’une mode diminuant les invendus sur l’ensemble de la chaîne de valeur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178724/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les recherches sur l’upcycling et la seconde main sont réalisées dans le cadre du projet Rezomodeco, financé par l’Ademe et la région Hauts de France.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Les travaux de la Chaire Tex&Care sont soutenus par la région Hauts-de-France et l'Ademe.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Les recherches sur les modèles de la mode circulaire sont financés par l’Ademe et la région Hauts de France dans le cadre du projet Rezomodeco.</span></em></p>L’interdiction de détruire les vêtements invendus tombe sous le sens. Mais la nouvelle gestion des invendus qu’elle implique pourrait perturber d’autres pratiques de la mode circulaire.Isabelle Robert, Maître de conférences en sciences de gestion et co-fondatrice de la chaire Tex & Care, chaire universitaire de la mode circulaire, Université de LilleAnthony Jaugeard, Coordinateur de Tex&Care, Chaire de la mode circulaire, Université de LilleMaud Herbert, Professeur des Universités, co-fondatrice de la chaire Tex&Care, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1786862022-03-08T19:29:30Z2022-03-08T19:29:30ZLuxe : les crises passent, les prix montent<p>En 2021, les grands groupes de luxe (LVMH, Kering, Hermès, Chanel, Richemont, etc.) ont non seulement enregistré des ventes en hausse significative partout dans le monde, mais aussi des marges opérationnelles historiques. Ainsi, les ventes de Kering ont atteint 17,6 milliards d’euros, soit une hausse de 11 % par rapport à leur niveau de 2019, et le résultat opérationnel du groupe est de 5 milliards d’euros, soit une <a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/kering-depasse-ses-resultats-d-avant-crise_AD-202202170132.html">marge opérationnelle de 28,4 %</a>.LVMH de son côté a vu ses ventes atteindre 64,2 milliards, soit une hausse de 20 % par rapport à 2019. Quant au résultat opérationnel, il a cru de 49 % à 17,151 milliards d’euros, soit <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/agroalimentaire-biens-de-consommation-luxe/lvmh-chiffre-d-affaires-benefices-marges-les-resultats-financiers-du-geant-du-luxe-donnent-le-tournis-902902.html">26,71 % de marge opérationnelle</a>, en hausse de 5 points par rapport à 2019. Mais cette marge n’est qu’une moyenne des plus de 70 marques de LVMH. Sachant que plusieurs d’entre elles sont moins rentables que les autres, on peut présumer que le vaisseau amiral, Louis Vuitton, mène le bal avec un niveau de marge opérationnelle frisant les 40 %.</p>
<p>On comprend que ces grands groupes du luxe mondial soient considérés comme des Gafas du luxe : leurs marques n’ont rien à envier aux marques de la Tech en termes de croissance et de rentabilité. En outre, portées par leur grande histoire, elles visent la pérennité dans le temps, ce qui est moins évident dans le monde des hautes technologies où l’obsolescence guette, portée par nouveaux entrants disruptifs.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1494227268528484355"}"></div></p>
<p>En même temps que leurs très bons résultats de 2021, la presse économique a relayé des annonces de <a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/industries/toujours-plus-cher-le-luxe-n-en-finit-plus-d-augmenter-ses-prix_AV-202202170267.html">hausses de prix</a> émanant des plus grandes marques du luxe : Gucci, Louis Vuitton, Chanel, Dior. Ces marques avaient pourtant déjà bien augmenté leurs prix pendant la pandémie afin de préserver leurs résultats financiers en 2020, l’année la plus dure pour ce secteur, notamment en raison du ralentissement drastique du tourisme et de la fermeture des magasins.</p>
<h2>D’une crise à l’autre</h2>
<p>Ayant déjà mené ces hausses de prix en janvier et février, avec des taux variables selon les continents, les grandes marques de luxe doivent maintenant faire face à la nouvelle crise liée à la guerre en Ukraine, entraînant un terrible drame humanitaire en plein milieu de l’Europe et son flot d’images insoutenables dans les médias et sur les réseaux sociaux. Les grands groupes du luxe ont annoncé fermer leurs magasins en Russie peu après l’invasion.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1500391653269512195"}"></div></p>
<p>L’impact de cette guerre sur ce secteur dépendra à présent de sa durée et gravité. Ce n’est pas tant le poids de la Russie dans les ventes de luxe qui est le problème (<a href="https://contactlab.com/fr/insights/marche-russe-de-luxe-tarde-sur-ecommerce/">estimé à 6 %</a>) que les effets de la guerre sur les chaînes d’approvisionnement donc sur les économies du monde occidental en premier lieu, puis les autres continents. La hausse répétée des prix de l’énergie, des matières premières sensibles, des transports, affectera le climat économique ressenti, faisant chuter les bourses dans le monde.</p>
<p>Or, sachant que l’achat d’un bien de luxe n’est jamais nécessaire et peut donc être retardé, rien n’est plus important pour le luxe que le niveau de confiance dans le futur ressenti dans son public.</p>
<p>En outre, si les bourses baissent, cela affectera la valeur des avoirs de la clientèle régulière du luxe, donc impactera négativement leur sentiment d’être riche, un facteur majeur qui conditionne leur propension à acheter. À l’inverse, dès que les premiers signes d’amélioration de l’économie se manifestent, ce sentiment s’inverse positivement et libère les cordons du désir d’achat. Le luxe reste une activité anticyclique.</p>
<h2>« Anti-lois du marketing »</h2>
<p>Si les crises et guerres poussent les prix à la hausse, il ne faut pas pour autant oublier que la dynamique des hausses de prix du luxe est consubstantielle au luxe. Le management d’une marque de luxe obéit en effet à des principes symétriques de ceux des marques de grande consommation : dans nos recherches menées avec Vincent Bastien, nous les avions d’ailleurs qualifiés dans nos recherches d’ <a href="https://www.editions-eyrolles.com/Livre/9782212554656/luxe-oblige">« anti-lois du marketing »</a>. Ainsi, la hausse systématique des prix <em>moyens</em> de la marque est l’un des piliers d’une stratégie de luxe.</p>
<p>Les bons résultats des marques de luxe traduisent également leur capacité à maintenir leur désirabilité via une inaccessibilité relative entretenue par la hausse systématique de leurs prix. Le président-directeur général du groupe LVMH, Bernard Arnault, ne cesse de le répéter, le luxe <a href="https://books.google.fr/books?id=TGMnDQAAQBAJ&pg=PA17&lpg=PA17&dq=Bernard+Arnault+luxe+vend+r%C3%AAve">« vend du rêve »</a>. La toute récente exposition ouverte en septembre 2021 au Brooklyn Museum à New York en l’honneur de Dior s’intitule <a href="https://www.vogue.fr/culture/article/exposition-christian-dior-designer-of-dreams-brooklyn-museum">« Christian Dior : designer of dreams »</a>. Ce n’est pas par hasard. Via une mise en scène culturelle, il s’agit en réalité de positionner le couturier et sa marque éponyme au firmament de la désirabilité aux États-Unis et au top de la pyramide du luxe personnel afin d’y rejoindre Chanel et Hermès.</p>
<p>En effet qu’est-ce qu’un rêve, si ce n’est une représentation idéale de ce que l’on désire ? Or les rêves ne sont pas donnés, ils ne sont pas bon marché. Un prix élevé, que ce soit de façon monétaire ou autre (liste d’attente, délais, etc.), est donc un marqueur du rêve, un constituant de la désirabilité, un préalable. Le désir a besoin d’un obstacle à sa réalisation pour être un rêve. Le client des marques de luxe l’a parfaitement intégré.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Q9BpF7XPANg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Exposition « Christian Dior : Designer of Dreams » à Brooklyn : le « making of » (Dior, septembre 2021).</span></figcaption>
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<p>Dans une <a href="https://ideas.repec.org/a/eee/jbrese/v132y2021icp301-313.html">recherche</a> de grande envergure menée dans six marchés contrastés du luxe (Chine, États-Unis,Japon, Brésil, France, Allemagne) auprès de 3217 clients réguliers du luxe, nous avons cherché, avec Pierre Valette-Florence, à identifier les motivations de ceux qui attendent du luxe d’être cher, voire très cher. Ce sont ces motivations-là auxquelles les marques de luxe doivent répondre pour pouvoir augmenter leurs prix sans cesse.</p>
<p>Pour les connaître, il ne faut pas utiliser des questions directes car les répondants veulent faire bonne figure et donnent alors des réponses socialement acceptables. C’est l’analyse statistique causale qui les révèle. La première motivation révélée par l’analyse statistique est que la marque « signale leur succès social », la deuxième est « que la marque les distingue », qu’elle ait en elle assez « d’exclusivité perçue ». De façon intéressante, la recherche d’une « meilleure qualité de produit » ne conduit pas à attendre que la marque soit encore plus chère. Car, pour eux le luxe ne doit pas être fait pour tout le monde même si l’inclusivité est l’attitude qu’il faut afficher aujourd’hui.</p>
<p>Le luxe vend également de la durée. Il n’a donc pas à discounter. La valeur est durable donc le prix qui est son expression directe ne peut varier à la baisse. L’industrie du luxe aime à parler d’elle-même comme étant une industrie culturelle, celle de l’excellence. Mais c’est aussi une stratégie financière très précise : le luxe excelle à développer des produits de rente. Ainsi, pas de luxe sans icônes : l’Oyster Perpetual de Rolex, le collier Alhambra de van Cleef & Arpels, etc. Même si le risque de tomber dans une dépendance à un seul produit existe, ces icônes jouent un rôle économique majeur : constituer une source de cash permanente à long terme.</p>
<h2>Les clients suivront</h2>
<p>C’est donc en répondant aux deux premières motivations que nous avons mis en évidence dans notre recherche, statut et exclusivité, que les marques de luxe peuvent augmenter leurs prix déjà élevés sans crainte de voir partir une partie de leurs clients ou alors les plus sensibles aux prix.</p>
<p>En outre, le niveau de richesse du monde ne cesse de croître. Nous ne parlons pas ici des <a href="https://information.tv5monde.com/info/classement-forbes-2021-les-milliardaires-ne-connaissent-pas-la-crise-403732">2 755 milliardaires</a> dénombrés par Forbes en 2021, mais de cette classe moyenne des pays émergents dans le monde entier qui fait le bonheur des marques de luxe. Dès lors que leur sentiment de richesse croît, ils s’autorisent ces excès, ces écarts (l’étymologie du mot luxe) qui font les plaisirs de la vie, vous élèvent sur un plan culturel et signalent votre progression sociale, ce qui est fondamental dans la culture des pays asiatiques. En Asie, arborer le luxe est un must, pas un luxe.</p>
<p>Tout le problème de l’industrie du luxe est donc qu’elle prospère sur l’inégalité sociale, sur l’indice de Gini, mais elle ne peut le dire ouvertement. En revanche, tout montre dans ses résultats financiers qu’elle ne l’oublie pas.</p>
<p>Les hausses de prix actuelles ou à venir peuvent donc toujours être justifiées par l’invocation de la hausse des matières premières, de la fabrication, du transport, mais l’essentiel des motivations de la hausse est ailleurs. Notre recherche sur les clients qui aiment le cher et suivront donc toute hausse des prix le rappelle. En outre, les remarquables marges opérationnelles du secteur du luxe tiennent au divorce depuis longtemps consommé entre ses coûts réels de fabrication et ses prix de vente.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178686/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Noël Kapferer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les clients, de plus en plus nombreux, restent animés par des motivations qui leur font accepter largement les hausses de prix régulières et les marges confortables des grandes marques.Jean-Noël Kapferer, Research associate, INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1657022021-08-11T20:08:46Z2021-08-11T20:08:46ZLes compléments alimentaires ne sont pas sans risque<p>Derrière la popularité des compléments alimentaires il y a, notamment, cette idée qu'ils ne peuvent nous faire que du bien… C’est oublier qu’il y a des dangers potentiels à multiplier les prises de vitamines et autres minéraux. Et les consommateurs n’en sont pas toujours bien avertis.</p>
<p>En effet, à la différence des médicaments, pour voir leur commercialisation autorisée les compléments alimentaires ne sont pas tenus de renseigner sur ce point de façon poussée l’organisme de régulation des médicaments d’Australie, le Therapeutic Goods Administration (TGA).<br>
(<em>ndlr : en France non plus, aucune autorisation de mise sur le marché spécifique n’est exigée, mais ils sont surveillés comme toute denrée alimentaire. Ils font l’objet d’une déclaration à la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/sante-et-environnement/denrees-alimentaires/article/complements-alimentaires">Les substances chimiques utilisées dans leur fabrication doivent également être sans danger</a>.</em>)</p>
<p>J’ai identifié six façons dont la prise de ces compléments désormais si fréquents pourrait s’avérer nocive. Ces résultats ont été publiés dans la revue spécialisée <a href="https://www.nps.org.au/australian-prescriber/articles/the-safety-of-commonly-used-vitamins-and-minerals">Australian Prescriber</a> .</p>
<h2>Que sont les compléments alimentaires ?</h2>
<p>Ces produits peuvent contenir des extraits de plantes, des vitamines, des minéraux, des acides aminés, des enzymes, des algues, etc. Ils sont destinés à compléter notre régime alimentaire, et <a href="https://www.fda.gov/consumers/consumer-updates/fda-101-dietary-supplements">non à procurer un quelconque effet thérapeutique</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1422386745769963526"}"></div></p>
<p>En Australie, les compléments alimentaires dominent largement l’industrie des médecines dites complémentaires, dont ils font partie. Les ventes de compléments alimentaires ont atteint 4,9 milliards de dollars australiens en 2017, soit un <a href="http://www.cmaustralia.org.au/resources/Documents/Australian%20Complementary%20Medicines%20Industry%20snapshot%202018_English.pdf">doublement en une décennie</a>. Une <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-018-35508-y">étude menée au niveau national en 2018</a> a montré que 63 % des gens y avait régulièrement recours. <br>
(<em>ndlr : même chose en France entre 2006 et 2015, comme l’ont montré les <a href="https://www.anses.fr/fr/content/les-compl%C3%A9ments-alimentaires-n%C3%A9cessit%C3%A9-dune-consommation-%C3%A9clair%C3%A9e">Études individuelles nationales des consommations alimentaires 2 et 3</a>. 29 % des adultes et 19 % des enfants en consomment. Ce marché pèse <a href="https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/bercy-infos-complements-alimentaires-au-quotidien">2 milliards d’Euros par an</a></em>.)</p>
<p>Les compléments alimentaires les plus utilisés sont ceux contenant vitamines et minéraux : vitamine D, vitamine C, vitamine A et calcium ou magnésium. D’après une étude publiée dans le journal Nature, ils sont utilisés par <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-018-35508-y">47 % des consommateurs</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/thinking-about-trying-collagen-supplements-for-your-skin-a-healthy-diet-is-better-value-for-money-152240">Thinking about trying collagen supplements for your skin? A healthy diet is better value for money</a>
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</em>
</p>
<hr>
<h2>Sur quoi faut-il être vigilant ?</h2>
<p>Beaucoup disent qu’ils n’ont jamais entendu parler de risques concernant les compléments alimentaires. Ce qui n’est pas surprenant, la communication à leur propos met principalement en avant les bénéfices que l’on peut tirer de leur consommation ; les risques potentiels sont peu mentionnés.</p>
<p>La notice d’information est souvent limitée et ne mentionne que rarement les risques d’effets secondaires.
(<em>ndlr : en France, l’étiquetage est tenu d’apporter <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/sante-et-environnement/denrees-alimentaires/article/complements-alimentaires">certaines informations</a>. Il existe également un dispositif où peuvent être déclarés les effets indésirables observés, <a href="https://www.vidal.fr/infos-pratiques/nutrivigilance-definition-et-modalites-de-declaration-id15147.html">nutriviligance</a>.</em>)</p>
<p>Il existe pourtant des <a href="https://www.nccih.nih.gov/health/vitamins-and-minerals">nuisances</a> <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/proceedings-of-the-nutrition-society/article/one-is-okay-more-is-better-pharmacological-aspects-and-safe-limits-of-nutritional-supplements/01840971F2C3DEC4E11DA59333A5058D">bien connues</a> causées par les <a href="https://academic.oup.com/ajcn/article-abstract/49/2/358/4732772">ingrédients</a> entrant dans la composition des compléments alimentaires. C’est un fait bien établi en pharmacologie, surtout quand ces ingrédients sont consommés à haute dose.</p>
<p>Pour ces raisons, en Australie, la prise à haute dose de certaines vitamines et minéraux est régulée et ne peut être reçue que par un pharmacien ou sur prescription médicale. (_Ndlr : en France, des <a href="https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/dgccrf/securite/produits_alimentaires/Complement_alimentaire/CA_Internet_RS_Nutriments.pdf">recommandations sanitaires</a> sont également disponibles, et indiquent les doses journalières maximales recommandées.)</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1339239439638249473"}"></div></p>
<p>Si les effets secondaires sont les risques potentiels qui viennent en premier à l’esprit, les compléments alimentaires peuvent avoir d’autres conséquences. J’en ai <a href="https://www.nps.org.au/australian-prescriber/articles/the-safety-of-commonly-used-vitamins-and-minerals">identifié six</a>, de différentes natures :</p>
<ul>
<li><p><strong>Les effets secondaires indésirables,</strong> qui peuvent découler d’un usage bref comme sur le long terme. Une dose trop importante est souvent en cause, mais pas toujours. Certains compléments sont déconseillés en cas d’allergie, de grossesse, lors de l’allaitement, etc.</p></li>
<li><p><strong>Les interactions médicamenteuses :</strong> les mélanges avec certains traitements peuvent entraîner une toxicité ou diminuer l’efficacité de ces derniers.</p></li>
<li><p><strong>Le coût :</strong> multiplier les compléments n’est pas anodin.</p></li>
<li><p><strong>Le retard de prescription :</strong> les compléments ne sont pas des médicaments. Mais il arrive que leur prise soit considérée comme suffisante face à un problème de santé, retardant ainsi la consultation médicale et la mise en place d’un traitement effectif.</p></li>
<li><p><strong>La fraude et de faux espoirs :</strong> certains compléments peuvent afficher des promesses frauduleuses.</p></li>
<li><p><strong>Les mélanges inappropriés :</strong> à multiplier les médicaments et les compléments alimentaires, on multiplie les risques d’erreur : surdosage accidentel, effets secondaires inopinés, etc.</p></li>
</ul>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1422031780085866497"}"></div></p>
<h2>Toujours surveiller les doses journalières</h2>
<p>Beaucoup de compléments sont pris de façon tout à fait sûre, à des fins médicales. Lors d’une grossesse, les femmes peuvent par exemple se voir prescrire de l’acide folique ou de l’iode. Ils contribuent à traiter des carences en vitamines et minéraux, fer, etc.</p>
<p>La clef d’un usage sûr est la dose. Les doses maximales pour obtenir une bonne efficacité sont connues, mais peuvent ne pas être suivies en cas d’automédication… surtout si les produits ont été achetés sur Internet. Les consommateurs peuvent alors ne pas s’arrêter aux doses considérées comme sûres, se trouver avec des indications peu fiables… ou faire comme bon leur semble.</p>
<p>C’est ainsi que beaucoup négligent le risque de surdosage pour un nutriment donné, principalement la vitamine B6 ou la vitamine A, qui peut se produire si on multiplie les compléments.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/new-vitamin-supplement-study-finds-they-may-do-more-harm-than-good-97246">New vitamin supplement study finds they may do more harm than good</a>
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<p>Quand on cherche à évaluer le bénéfice ou le risque potentiel d’un complément alimentaire, il est important de ne pas se limiter à son ingrédient le plus connu ou principal : il faut déterminer quels sont tous ses composés, à quelle dose ils sont présents afin d’éviter des surdoses si l’on prend d’autres compléments où ils seraient également présents, etc. Les professionnels de santé peuvent assister tout un chacun, expliquer pourquoi il importe de respecter tel ou tel dosage pour des raisons de risques et d’efficacité optimale.<br>
(_Ndlr : En France, pharmaciens et médecins sont capables d’indiquer si la prise de compléments est <a href="https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02951190/document._">déconseillée du fait de l’état de santé de la personne, par exemple en cas d’insuffisance rénale ou hépatique, de risque d’interaction médicamenteuse, etc.</a></p>
<p>Il convient parfois d’aller plus loin que les seules informations indiquées par les fabriquants, qui devraient rendre leurs informations plus accessibles. Si répandus qu’ils le soient désormais, les compléments alimentaires n’ont rien d’anodins.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/165702/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Geraldine Moses ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le marché des compléments alimentaires explose, notamment sur Internet. Or les informations et avertissements ne sont pas toujours suffisants, ce qui n'est pas sans danger pour le consommateur.Geraldine Moses, Adjunct Associate Professor, School of Pharmacy, The University of QueenslandLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1615432021-06-21T13:50:03Z2021-06-21T13:50:03ZQuatre pistes pour réinventer le tourisme post-pandémie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/404087/original/file-20210602-15-178ghem.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C1%2C985%2C747&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Geishas photographiées par des touristes à Kyoto (Japon). </span> <span class="attribution"><span class="source">(The Asahi Shimbun/Getty)</span></span></figcaption></figure><p>Bien avant la crise sanitaire générée par la Covid-19, la situation du tourisme de masse, notamment dans certaines villes d’art comme Florence ou Venise, était hors contrôle.</p>
<p>L’activité touristique était tellement déréglée que les habitants de certains quartiers prisés — par exemple celui de la Boqueria à <a href="https://roadsandkingdoms.com/2018/the-battle-for-the-boqueria/">Barcelone</a> ou du district Gion à <a href="https://www.cnn.com/travel/article/kyoto-gion-photo-ban-intl-hnk/index.html">Kyoto</a>, connu pour la présence des geishas — donnaient le sentiment d’être dans une sorte de <a href="https://www.cairn.info/revue-esprit-2016-7-page-86.htm">« safari humain »</a>.</p>
<p>Un excès dans la « consommation touristique » était déjà reconnu avant la pandémie par les gestionnaires en tourisme et subie par les communautés hôtes, le tout se traduisant par une <a href="https://journals.openedition.org/teoros/6942">« boulimie de voyages sous l’emprise d’une voracité d’apparence »</a>.</p>
<p>À l’aube de la prochaine saison touristique, l’enjeu véritable, tant touristique que moral, n’est pas de se questionner sur la possibilité de voyager. Il s’agit plutôt de savoir si l'on continuera à voyager comme on le faisait avant l’éclosion de la pandémie.</p>
<p>Si le contenu du voyage reste bien le même, c’est la manière de faire du tourisme qui pourrait changer. Saurons-nous adopter une façon de voyager qui soit plus responsable, écologique et humaine, tant pour le bien de la planète que pour les êtres humains qui l’habitent ? Dans la mesure où nous sommes toutes et tous des touristes lorsqu’on voyage, personne n’est exemptée de cette réflexion.</p>
<p>Doctorant en ethnologie et patrimoine à l’Université Laval, je mène des recherches sur le tourisme culturel et de masse, sur l’avenir du tourisme, ainsi que sur la diète méditerranéenne et les patrimoines immatériel et alimentaire de l’Unesco.</p>
<h2>L’hibernation du tourisme</h2>
<p>La Covid-19 a modifié et pourrait continuer de modifier les comportements humains. Mais en ce qui concerne les « comportements touristiques », l’industrie vit en ce moment une forme d’hibernation, notamment dans les villes, en raison de la fermeture d’hôtels et de restaurants.</p>
<p>Parallèlement, on assiste à la saturation progressive des espaces naturels, par exemple en <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1730859/tourisme-sauvage-camping-tourisme-gaspesie-rencontre-elus-maires">Gaspésie</a>, où l’on assiste à un afflux de touristes attirés par les paysages balnéaires. Le maire de Gaspé a dit craindre que certains visiteurs campent où ils trouvent de l’espace, nuisant à l’environnement et dérangeant les habitants. Ce phénomène n’a rien de paradoxal, au contraire, il montre que la horde de touristes n’a pas disparu, mais s’est plutôt déplacée.</p>
<p>Au cours de 2020, plusieurs destinations ont souffert de l’absence de touristes. Cette « défaillance touristique » se voyait dans les titres des quotidiens : <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/le-reportage-de-la-redaction/le-reportage-de-la-redaction-emission-du-jeudi-28-janvier-2021?ct=t(La_revue_de_presse_Tourisme_Digital_59_COPY_01)">« Covid-19 : Venise se meurt »</a>, <a href="https://www.equinoxmagazine.fr/2021/02/03/tourisme-lespagne/?ct=t(La_revue_de_presse_Tourisme_Digital_59_COPY_01)">« Tourisme : l’Espagne revient au niveau de 1969 »</a>, <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/05/18/desertee-la-ville-suisse-de-lucerne-nostalgique-des-hordes-de-touristes-chinois_6080519_3210.html">« Désertée, la ville suisse de Lucerne nostalgique des hordes de touristes chinois »</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/tourisme-en-temps-de-pandemie-les-villes-delaissees-au-profit-de-la-nature-160912">Tourisme en temps de pandémie : les villes délaissées au profit de la nature</a>
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<p>Le sentiment de nostalgie éprouvé par les destinations où un tourisme de <em>hit and run</em> régnait semble paradoxal. Il s’agit là d’un type de tourisme particulièrement visible dans les villes considérées comme une destination de « journée » ou qui sont des arrêts sur les itinéraires de croisière. Dans le cas de <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/05/18/desertee-la-ville-suisse-de-lucerne-nostalgique-des-hordes-de-touristes-chinois_6080519_3210.html">Lucerne</a>, en Suisse, les recettes touristiques allaient surtout dans les poches des commerçants de montres de luxe du centre-ville, populaires auprès des nombreux touristes chinois.</p>
<p>Au-delà de tout effet économique quantifiable, le tourisme n’est pas une activité exemptée des problématiques sociales. Bien que <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/JTF-04-2017-0011/full/html">l’activité touristique soit plus félicitée que critiquée</a>, il est impératif de se questionner quant à la possibilité d’un changement de paradigme dans ces pratiques afin de les réinventer. Nous proposons ici quatre pistes pour réinventer le tourisme de demain.</p>
<h2>1. Le tourisme régénératif</h2>
<p>Dans certaines régions du monde, on a remarqué pendant la pandémie que la nature avait repris ses droits. La faune est retournée en <a href="https://lepetitjournal.com/bangkok/avec-le-covid-19-la-nature-sauvage-revit-lanimal-domestique-souffre-280556">Thaïlande</a> dans des lieux autrefois envahis par les touristes et la flore s’est régénérée grâce à leur absence. Ainsi, pour sauver la planète, devrions-nous arrêter de voyager ou, à tout le moins, voyager de façon à favoriser la régénération progressive des lieux (urbains, ruraux et naturels) ? </p>
<p>Les promoteurs de destinations devraient annoncer, conscientiser et faire respecter la capacité d’accueil d’une destination. Les touristes, de leur côté, devraient s’informer par rapport à ces limites et voyager en conséquence.</p>
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<img alt="Affiche annonçant le parc Mont Wright à l'entrée du site." src="https://images.theconversation.com/files/407462/original/file-20210621-30-1dygna8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/407462/original/file-20210621-30-1dygna8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/407462/original/file-20210621-30-1dygna8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/407462/original/file-20210621-30-1dygna8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/407462/original/file-20210621-30-1dygna8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/407462/original/file-20210621-30-1dygna8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/407462/original/file-20210621-30-1dygna8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La grande popularité du parc du Mont Wright, à Stoneham-et-Tewkesbury, au Québec, a conduit la municipalité à limiter l’accès aux sentiers afin de protéger l’environnement.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Page Facebook du Parc du Mont Wright)</span></span>
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<p>Comme le sociologue français <a href="https://ecosociete.org/livres/manuel-de-l-antitourisme">Rodolphe Christin</a> le propose, il vaudrait mieux partir moins souvent, plus longtemps et plus lentement, par exemple en s’offrant des vacances plus près de chez soi. Apprendre à devenir des « voyageurs du quotidien » permettrait, lors d’un voyage vers des destinations lointaines, d’appliquer la fameuse maxime de Jost Krippendorf, un des pères fondateurs du tourisme durable, <a href="https://www.persee.fr/doc/chris_0753-2776_1988_num_18_1_1227">« Ce sont vos vacances, c’est leur quotidien »</a>, prônant le respect que les visiteurs devraient avoir du lieu visité et des individus rencontrés lors d’un voyage.</p>
<h2>2. Le tourisme (en) durable</h2>
<p>Durabilité est désormais un terme galvaudé, qui a perdu de son sens. Dans son acception, durable signifie «qui dure dans le temps». Mais quel est le caractère durable du tourisme ? Comment s’assurer de la durabilité de ses pratiques ? </p>
<p>La durabilité d’un système pourrait se mesurer par <a href="https://www.lesaffaires.com/strategie-d-entreprise/management/dix-lecons-sur-la-durabilite/537869">sa capacité de reproduire ses caractères essentiels</a>, pensons à la nature. Il s’agirait de limiter les externalités négatives et de considérer tout effet qu’a un système, dont le touristique, sur les autres.</p>
<p>L’arrêt du tourisme, forcé par la Covid-19, représente une opportunité de revoir ce concept. Si rien ne semble arrêter la machine touristique, à l’exception d’une pandémie, un adoucissement de ses excès et de sa <a href="https://theconversation.com/le-tourisme-de-masse-est-il-soluble-dans-le-tourisme-durable-102860">densité</a> pourrait être une des solutions pour atténuer ses effets potentiellement néfastes.</p>
<p>Un exemple est celui du <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1311774/stoneham-limite-lacces-au-mont-wright-pour-preserver-sa-beaute">parc du Mont Wright</a> à Stoneham-et-Tewkesbury, dans la région de Québec. La grande popularité de ce site naturel a conduit la municipalité à limiter l’accès aux sentiers à 225 randonneurs en même temps afin de protéger l’environnement.</p>
<h2>3. Le tourisme analogique</h2>
<p>Comme dans nos habitudes de consommation relationnelles (des exemples sont représentés par les échanges continus sur les réseaux sociaux ou par l’instantanéité des messages), nous avons projeté nos habitudes de consommation dans la sphère touristique (visite rapide d’une destination et impact majeur sur les communautés hôtes).</p>
<p>Et si nous retournions aux <a href="https://www.donpaolozambaldi.it/2019/03/consumismo-relazionale-non-amiamo-piu-le-persone-le-usiamo/">« relations analogiques »</a>, celles à développer comme c’était le cas dans la technique de la photographie argentique ? Un tourisme ana-logique (du préfixe grec ἀνα — signifiant égal), donc un tourisme de « rapport égal » se développerait par la suite. Nous apprendrions de nouveau à profiter du moins, mais du meilleur (des voyages moins nombreux, mais plus longs et contemplatifs), bref d’un « retour aux sources » du voyage. La valeur de la découverte d’un lieu et de ses habitants serait <a href="https://theconversation.com/pourquoi-il-est-temps-de-reinventer-le-tourisme-138447">au cœur du voyage</a>.</p>
<p>Car la vraie différence entre le numérique et l’analogique est le temps : dans le monde analogique, tout a besoin de temps pour se développer, tandis que le numérique donne tout immédiatement.</p>
<h2>4. L'éducation au tourisme</h2>
<p>Qu’elles soient économiques, pandémiques ou environnementales, les crises ont le potentiel de nous ramener aux valeurs essentielles. Les <a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/AMJ.2006.20785498">changements radicaux</a> sont souvent rendus possibles grâce à un choc externe et la Covid-19 est une véritable secousse.</p>
<p>Nous avons l’occasion de construire une nouvelle normalité post-Covid et de réinventer le tourisme pour recadrer ses pratiques et apporter un changement systémique.</p>
<p>Ce que je propose est une approche pédagogique du tourisme à travers l’enseignement du tourisme dans les écoles (du primaire au secondaire) afin de « former » les visiteurs de demain et les conscientiser à des pratiques touristiques régénératrices, durables et analogiques. Ce n’est pas la seule solution, mais elle peut en être une et représenter un timide début.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161543/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marco Romagnoli a reçu une bourse d'études supérieures du Canada Vanier (2019-2022) pour ses recherches doctorales.
Il mène des recherches sur le tourisme culturel et de masse, sur l'avenir du tourisme, ainsi que sur la diète méditerranéenne et les patrimoines immatériel et alimentaire de l'UNESCO. </span></em></p>À l’aube d’une prochaine saison touristique, continuerons-nous à voyager comme avant la pandémie ? En étant tous des touristes lorsqu’on voyage, personne n’est exemptée de cette réflexion.Marco Romagnoli, Doctorant en ethnologie et patrimoine, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1630282021-06-20T17:00:19Z2021-06-20T17:00:19ZQuand Cristiano Ronaldo interroge notre surconsommation de sucre…<p>Le 14 juin 2021, au cours d’une <a href="https://www.liberation.fr/sports/football/cotation-en-bourse-cristiano-ronaldo-prefere-leau-coca-cola-boit-la-tasse-20210616_LTEB7IJWL5G6BLFT7WRCGQHT2A/">conférence de presse</a> en amont d’un match de l’Euro de football, la star portugaise Cristiano Ronaldo écarte ostensiblement les deux bouteilles de soda du partenaire officiel de la compétition Coca-Cola. Il brandit une bouteille d’eau avant de déclarer dans sa langue maternelle : « agua » ! La scène devient très vite virale. Aux dires de certains, même si les causes du phénomène prêtent à débat, la conséquence en bourse pour Coca-Cola ne se fait pas attendre : le <a href="https://www.google.com/finance/quote/KO:NYSE?sa=X&ved=2ahUKEwjq2PXko5_xAhVV8OAKHXreCpYQ_AUoAXoECAEQAw&window=5D">cours de l’action</a> passe de 56,18 dollars le 11 juin à 54,67 dollars au plus bas le 16 juin. La firme perd près de 4 milliards de dollars de capitalisation boursière.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1404714143270289410"}"></div></p>
<p>Outre l’aspect financier, le geste de Ronaldo semble inviter à questionner la surconsommation de boissons sucrées. Celle-ci explose dans le monde entier, au point qu’elle représente aujourd’hui <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/jhn.12338">13 % à 25 % de l’apport énergétique</a> quotidien des adultes. C’est plus du double du maximum de 5 % à 10 % recommandé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).</p>
<p>En raison de ses propriétés addictives, la consommation excessive de sucre peut entraîner des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/jhn.12338">symptômes similaires</a> à ceux associés aux addictions de type alcool et tabac. Cependant, contrairement à ces derniers, elle ne fait pas l’objet d’une réglementation. Or, son omniprésence dans l’environnement alimentaire et les informations nutritionnelles obscures <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0195666319301989?via%3Dihub">rendent difficile une autorégulation</a> des individus à ce sujet.</p>
<p>Comprendre le rapport des consommateurs à l’information nutritionnelle et la façon dont celle-ci influence une décision d’achat a fait l’objet de différents travaux de recherche qui ont vocation à soutenir des politiques publiques de prévention. Des systèmes mettant en avant l’équivalent en nombre de morceaux de sucre des produits pourraient notamment s’avérer particulièrement efficaces.</p>
<h2>Sensations gustatives et mémoire</h2>
<p>Pour ce qui concerne spécifiquement les boissons sucrées, gazeuses ou non, un <a href="https://www.quechoisir.org/actualite-boissons-sucrees-des-bonbons-liquides-n4237/">comparatif</a> de 53 produits réalisé par Que Choisir montre qu’en moyenne un verre 25 cl équivaut à 4,5 morceaux de sucre. Le Coca-cola, soda préféré des Français, contient, lui, <a href="https://fr.coca-cola.ca/faqs/faq-sur-les-ingredients/quelle-est-la-quantite-de-sucre-contenue-dans-une-canette-de-coca-cola">34 g de sucre</a> dans une canette de taille standard de 335 ml.</p>
<p>Malgré le lobbying très puissant de l’industrie agroalimentaire, certains pays, comme la France en 2018, ont adopté une <a href="https://www.service-public.fr/professionnels-entreprises/vosdroits/F32101">« taxe soda »</a> qui s’applique aux aliments en fonction de la proportion de sucre ajouté. Cette mesure a encouragé les fabricants à revoir leurs recettes et à réduire la quantité de sucre dans les boissons afin d’amoindrir l’impact financier imposé par cette taxe.</p>
<p>L’action semble néanmoins aussi devoir se diriger en direction des consommateurs afin de les inciter à modifier leurs comportements. Il s’agirait de mener une sorte de « démarketing » des boissons sucrées, à l’instar de ce qui se fait pour la lutte anti-tabac.</p>
<iframe title="Les différentes réglementations conduisent à des teneurs en sucre différentes dans les boissons selon les pays." aria-label="Graphique à barres groupées" id="datawrapper-chart-0BMiB" src="https://datawrapper.dwcdn.net/0BMiB/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width : 0 ; min-width : 100 % !important ; border : none ;" height="400" width="100%"></iframe>
<p>À cette fin, outre la taxation et la réglementation de la vente de boissons sucrées dans les magasins et les écoles, la mise en place d’actions d’éducation et de soutien pour réduire la consommation de sucre paraît nécessaire. Des solutions existent et peuvent notamment s’inspirer des travaux sur l’étiquetage nutritionnel.</p>
<p>Les informations nutritionnelles sont, de fait, généralement peu visibles, présentées au dos des emballages sous la forme d’un tableau souvent difficile à interpréter. Lorsqu’ils décident de consommer ou non un produit alimentaire, la plupart des consommateurs <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0195666307003066?via%3Dihub">ne les lisent d’ailleurs pas</a>. Ils imaginent plutôt les <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2013.00838/full">sensations gustatives</a> que les aliments vont leur procurer ou se fient à leur <a href="https://www.annualreviews.org/doi/abs/10.1146/annurev.psych.59.103006.093639">mémoire</a>. Une image du produit ou de ses ingrédients suscite en effet des <a href="https://www.jstor.org/stable/1251707?seq=1#metadata_info_tab_contents">représentations mentales multisensorielles</a> automatiques.</p>
<h2>En équivalents morceaux de sucre</h2>
<p>De nombreux pays ont alors commencé à utiliser une nouvelle méthode, avec des éléments apposés sur le devant des emballages condensant l’information, la rendant ainsi plus visible et compréhensible.</p>
<p>Différents formats d’étiquetage existent, combinant généralement du texte, des images et des couleurs. Cela peut aller d’un smiley ou d’étoiles à un système plus complexe associant un code couleur (vert, orange, rouge) à chaque composant nutritionnel de l’aliment (par exemple, les graisses, les glucides/sucres et le sel). Des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0195666307003066?via%3Dihub">travaux</a> montrent que les consommateurs évaluent plus rapidement les formats simplifiés et recommandent d’utiliser ce type d’étiquetage nutritionnel dans un contexte d’achat tel qu’un supermarché.</p>
<p>Reste que, même dans ces cas, les informations demeurent souvent abstraites. Des chercheurs montrent ainsi que les consommateurs ont par exemple beaucoup de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0950329319300849?via%3Dihub">mal à convertir</a> une quantité de sucre exprimée en grammes en son équivalent en calories ou en morceaux de sucre.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/407195/original/file-20210618-18-1jk49ew.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/407195/original/file-20210618-18-1jk49ew.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/407195/original/file-20210618-18-1jk49ew.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=356&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/407195/original/file-20210618-18-1jk49ew.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=356&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/407195/original/file-20210618-18-1jk49ew.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=356&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/407195/original/file-20210618-18-1jk49ew.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/407195/original/file-20210618-18-1jk49ew.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/407195/original/file-20210618-18-1jk49ew.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des chercheurs montrent que la condition A est la plus efficace pour réduire l’attrait de la boisson.</span>
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</figure>
<p><a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0195666314003924?via%3Dihub">Des articles</a> expliquent ainsi que la présentation simultanée d’une bouteille de boisson gazeuse (60 cl) et des morceaux de sucre correspondant à la quantité de sucre contenue dans la boisson (26 morceaux de sucre) diminue significativement l’attractivité perçue et l’intention d’achat. Nos travaux, actuellement en révision pour publication dans une revue scientifique, aboutissent à des conclusions similaires.</p>
<p>De manière surprenante, les recherches dans ce domaine restent toutefois peu nombreuses. Or, ces différentes expériences ont vocation à soutenir des politiques publiques. Hors des murs des laboratoires, le Chili, 3<sup>e</sup> pays sur le podium mondial du surpoids et de l’obésité, en apposant un logo noir sur les emballages et en interdisant la publicité pour les sodas auprès des enfants, a pu <a href="https://www.rtbf.be/info/monde/detail_comment-la-consommation-de-sodas-a-chute-de-25-au-chili-grace-a-une-nouvelle-legislation?id=10434763">réduire de près de 25 %</a> la consommation de ces produits en 18 mois.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163028/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La récente conférence de presse du footballeur portugais, devenue virale sur les réseaux, est l’occasion de revenir sur des travaux envisageant des mesures de prévention face à cet enjeu sanitaire.Laurie Balbo, Professeure Associée en Marketing _ Directrice du Programme MSc in Marketing Management, Grenoble École de Management (GEM)Marie-Claire Wilhelm, Maître de conférences Grenoble IAE, CERAG, UGA / CoResponsable de la Chaire Mi2S, Grenoble IAE Graduate School of ManagementStéphanie Verfay, Maître de conférences, Laboratoire COACTIS, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1617122021-06-14T17:40:44Z2021-06-14T17:40:44ZPourquoi la génération Z adore les friperies<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/406131/original/file-20210614-64042-rk41mt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C0%2C961%2C646&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La série Stranger Things surfe sur l'appétit des adolescents pour les vêtements vintage. </span> </figcaption></figure><p>La seconde main a le vent en poupe. Aux États-Unis, le marché explose avec 24 milliards de dollars (21,2 milliards d’euros) en 2018, et devrait attendre <a href="https://www.thredup.com/resale/">51 milliards de dollars (45 milliards d’euros) en 2024</a>.</p>
<p>En France, en 2018, pour la première fois, le business de la seconde main a atteint le milliard d’euros de chiffre d’affaires. Selon l’institut français de la mode, en 2019, 40 % des Français ont acheté un article de seconde main, alors que ce chiffre <a href="https://fr.fashionnetwork.com/news/Quatrefrancais-sur-dix-sont-des-convertis-a-la-secondemain,1142798.html">était de 30 % en 2018</a>.</p>
<p>Cet engouement est nourri par l’essor des plates-formes digitales qui fluidifient les échanges, offrant aux vendeurs un accès direct à leurs clients et permettant à des particuliers d’acheter et de vendre à d’autres particuliers. À titre d’exemple, Vinted, le leader sur le marché, gagne 23 000 nouveaux utilisateurs par jour en France, <a href="https://www.lsa-conso.fr/vinted-le-roi-de-la-seconde-main-au-volume-d-affaires-d-1-3-milliard-d-euros,330371">pour un total de 10 millions</a> d’inscrits.</p>
<h2>Les adolescents, premiers consommateurs de seconde main</h2>
<p>Parmi les différentes catégories d’âge, ce sont surtout les adolescents (13-18 ans), la Génération Z, qui sont les plus grands consommateurs de seconde main. D’après l’étude américaine Piper Sandler menée auprès de 7000 adolescents (âge moyen 16 ans) aux États-Unis, 47 % d’entre eux <a href="https://www.ladepeche.fr/2021/04/12/la-seconde-main-une-evidencepour-la-gen-z-americaine-9483430.php">ont acheté d’occasion et 55 % ont vendu d’occasion</a>.</p>
<p>Si la pratique d’achat d’occasion peut s’observer tout au long du cycle de vie d’un individu, les recherches qualitatives que j’ai menées sur la cible des adolescents montrent que la pratique d’achat d’occasion, <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/cb.1460">comme d’ailleurs les autres types de rapport au marché</a> (l’achat groupé, l’achat pour deux en passant par l’échange, le partage de vêtements) semble investie d’une fonction et d’une importance particulière pendant l’adolescence : elle est fréquente, elle touche plus fortement les filles que les garçons, et elle semble circonscrite dans le temps. Cette forme de consommation commence généralement dans les premières années du collège et diminue lors de l’entrée dans le supérieur. Il suffit d’observer le nombre important d’adolescentes qui s’adonnent dans les friperies et les boutiques vintage parisiennes – Guerrisol, Mamie, Free’p’Star, Kiliwatch ou encore Noir Kennedy, devenues des lieux de culte pour le vintage teenage.</p>
<p>Mais que signifie la pratique d’achat/vente d’occasion de vêtements qui semble marquer la vie des adolescents ? Les jeunes, à travers ces pratiques, cherchent-ils à sortir du jeu économique de la fast-fashion, pour marquer leur unicité et bricoler leur identité ? Ou bien à recréer un autre marché, en développant leur propre boutique en ligne, par exemple sur Depop, pour vendre leurs objets aux quatre coins du monde sans quitter leur chambre ? Quelles sont leurs motivations ?</p>
<p>On peut d’abord penser que les adolescents s’adonnent à la pratique d’achats de vêtements d’occasion pour des motivations d’ordre économiques (se procurer des vêtements différents à faible coût). Cette motivation est incontestable, mais elle est loin d’épuiser le sujet. D’autres motivations, environnementales, symboliques ou identitaires sous-tendent les achats de seconde main à l’adolescence.</p>
<h2>Une certaine recherche d’unicité</h2>
<p>Il existe une règle tacite chez les adolescents, consistant à ne jamais être vu deux fois dans la même tenue, surtout si celle-ci a été immortalisée en ligne. Pour contourner ce problème, les filles, plus particulièrement, échangent des vêtements avec leurs ami·e·s et/ou achètent en friperie pour trouver des pièces uniques, vintage, qui ne sont plus commercialisées.</p>
<p>Le vêtement de fripe traduit le déjà-vécu (le vêtement usé) et celui du jamais vu (le vêtement unique), renvoyant à un même enjeu : le vêtement contribue à la construction identitaire de l’adolescent, en quête de singularité, qui cherche à s’émanciper de la tutelle parentale, pour <a href="https://www.researchgate.net/publication/280770603_The_role_of_gender_on_the_frequency_of_shopping_with_friends_during_adolescence_Between_the_need_for_individuation_and_the_need_for_assimilation">construire sa propre identité</a></p>
<p>Face à l’uniformisation de la mode, le marché de la fripe est un moyen de se démarquer et d’affirmer son identité et ses valeurs. Parmi les différentes activités des adolescents favorisant l’approbation progressive d’une vie sociale autonome (sortir avec des amis, écouter de la musique…), le shopping dans les friperies constitue le point d’ancrage permettant d’interagir avec son groupe de pairs, de créer de nouveaux liens sociaux et de se forger une identité sociale.</p>
<p>Plus encore que les circuits de distribution traditionnels, les points de vente du circuit de la seconde main procurent un moment d’échange plus détendu et convivial, en permettant de fouiller, de dénicher des objets indisponibles sur le marché du neuf et de se laisser surprendre. Dans les friperies, les jeunes consommateurs se lancent comme dans une chasse au trésor à la recherche du produit rare et à bon prix. <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0022435910000618">Guiot et Roux (2010)</a> définissent d’ailleurs cette chasse au trésor comme « un intermédiaire entre le besoin d’unicité, le plaisir nostalgique et l’intention d’achat de vêtements vintage ».</p>
<p>Au-delà du point de vente physique, les plates-formes de vêtements d’occasion en ligne, telles que Depop, sont des lieux d’aspiration pour les jeunes utilisateurs, en quête d’identité, puisqu’on y voit émerger de nouvelles tendances de la mode. Depop a même renversé le rapport de force : si auparavant les tendances venaient des rédacteurs de mode pour influencer les consommateurs, aujourd’hui, ce sont les utilisateurs de la plate-forme qui définissent les tendances, avant même l’industrie de la mode – qui parfois les récupère.</p>
<h2>En quête de sens</h2>
<p>Les adolescents de la génération Z, connus aussi sous le terme de <a href="https://www.dalkia.fr/fr/e-mag-efficacite-energetique/les-sustainable-natives-portrait-generation-climat">« ecological natives »</a> sont plus conscients et concernés que jamais par l’environnement. Et pourtant, quand il s’agit de mode – l’une des industries les plus polluantes de la planète – ces adolescents se trouvent souvent « coincés » dans un paradoxe.</p>
<p>D’un côté, les jeunes ont connu l’avènement de marques de fast-fashion et l’apogée des réseaux sociaux. D’un autre côté, la crise sanitaire liée au Covid-19 a suscité des prises de conscience et accéléré le désir de changer de modes de consommation, <a href="https://www.latribune.fr/supplement/comment-les-modes-de-consommation-ont-evolues-depuis-la-crise-sanitaire-covid-19-848256.html">impactant l’industrie de la mode</a>.</p>
<p>Les jeunes ont adopté le principe de la seconde main <a href="https://www.laprovence.com/article/papier/6188367/la-seconde-main-bouscule-les-modes-de-consommation.html">deux fois plus vite que les autres catégories d’âge en 2020</a>. Les marques, connues pour leur surproduction, n’ont d’autres choix que de s’adapter en proposant une stratégie plus éco-responsable. C’est ainsi que le groupe suédois H&M a investi dans Sellpy, une plate-forme de produits de seconde main en ligne, avec sa marque & Other Stories. Ou encore, les Galeries Lafayette ont mis en ligne la plate-forme Le Good Dressing, un site de vente de vêtements d’occasion dont la particularité est que l’échange entre les consommateurs se fait sur le point de vente.</p>
<h2>En quête de créativité et d’autonomie</h2>
<p>Face à l’essor des nouvelles technologies de l’information et de la communication, les jeunes apparaissent aujourd’hui comme de « nouveaux consommateurs » évoluant dans une société digitale et interactive, s’appropriant de plus en plus les nouvelles technologies à des fins ludiques, informatives et interactives. Ils ont développé des aptitudes particulières : ils sont connectés, bricoleurs, « makers » et co-créateurs. </p>
<p>Les plates-formes de seconde main, telles que Depop, encouragent les jeunes utilisateurs à développer leur esprit entrepreneurial, en créant leur propre boutique en ligne destiné à vendre leurs propres objets aux quatre coins du monde sans quitter leur chambre. <a href="https://www.courrierinternational.com/article/ces-ados-qui-ont-tout-compris-au-business-de-la-vente-en-ligne">La mission de Detop</a> est de donner à ces jeunes utilisateurs (54 % des utilisateurs ont entre 14 et 24 ans) le pouvoir de perturber le secteur de la mode, de leur offrir la possibilité de vendre leurs propres articles, ce qui leur donne non seulement une seconde vie, et en leur permettre de gagner de l’argent afin de devenir des travailleurs indépendants.</p>
<p>À l’adolescence, le marché de la seconde main n’est pas un moyen de nier le marché, mais plutôt un moyen d’inventer une autre forme de lien plus collaboratif avec la communauté. En d’autres termes, la seconde main est le lieu <a href="https://www.fayard.fr/pauvert/mots-de-passe-9782720213984">« où toutes les modalités de la valeur confluent »</a>. Parmi les différentes sources de valeur (utilitaire, hédonique, sociale), la valeur d’ordre social est co-construite par la communauté d’adolescents en interaction sur les plates-formes de seconde main. Cette valeur de lien semble échapper aux objets (les vêtements) pour se rapprocher de la communauté. </p>
<p>Ces jeunes qui utilisent les plates-formes de seconde main, pour revendre leurs propres vêtements contribuent à la mise en œuvre d’une nouvelle définition du marché : l’adolescent échappe au marché de la fast-fashion et à ses contraintes économiques et adopte des formes de consommation plus collaboratives, avec sa communauté en ligne, pour se construire et affirmer son identité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161712/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elodie Gentina ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Parmi les différentes catégories d’âge, ce sont surtout les adolescents (13-18 ans) qui sont les plus grands consommateurs de seconde main.Elodie Gentina, Associate professor, marketing, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1559952021-03-28T16:38:03Z2021-03-28T16:38:03ZMarketing : une approche et des outils qui peuvent se mettre au service du développement durable<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/386181/original/file-20210224-23-1nhsl1v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4920%2C3260&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le marketing a souvent été accusé d’avoir favorisé la surconsommation et le gaspillage des ressources.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/5r5554u-mHo">Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Pour promouvoir sa toute dernière voiture à hydrogène, la Mirai, aux États-Unis, le constructeur automobile Toyota a osé le slogan « Plus vous conduisez, plus vous purifiez l’air ». Cela pourrait être considéré par certains comme exagéré, mensonger ou trompeur… quand d’autres diraient « c’est du marketing ! ».</p>
<p>Pourquoi les dérives opportunistes de certains marketeurs, observées sur le terrain, sont-elles souvent mises sur le dos du marketing ? Pourquoi le marketing est-il remis en cause et attaqué dans ses fondements à chaque dérapage d’une organisation ?</p>
<h2>Des liens étroits avec le développement durable</h2>
<p>Le marketing est vu comme un domaine centré sur le court terme, qui a pour « obsession » de vendre plus et de la façon la plus rentable possible. Ainsi, il a été accusé d’avoir favorisé la surconsommation et le gaspillage des ressources en se centrant sur les désirs éphémères des consommateurs.</p>
<p>Pour certains, le marketing influence négativement la santé des individus et aide à propager des stéréotypes dégradants, via les produits promotionnés et les idées véhiculées dans les publicités. De telles accusations créent un fossé entre le marketing et le développement durable ! Ce dernier étant associé au principe de la responsabilité vis-à-vis de la nature et de l’Homme, de l’altruisme et du bien commun.</p>
<p>Le marketing devrait donc aujourd’hui, plus que jamais, rendre des comptes et prouver « sa bonne foi ». Il devrait mener des actions crédibles permettant d’accroître la légitimité des entreprises autour du concept du développement durable et de clarifier leur « raison d’être ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1296568421707128832"}"></div></p>
<p>L’ouvrage collectif <em>Le marketing au service du développement durable, repenser les modèles de consommation</em> (Éditions ISTE-Wiley), que nous avons dirigé, est venu répondre à un tel besoin : dépasser le clivage marketing/développement durable. Grâce à la contribution de 40 chercheurs spécialistes de la consommation responsable, cet ouvrage démontre tout l’intérêt de s’appuyer sur les outils et cadres d’analyse du marketing pour servir le développement durable.</p>
<p>Le marketing est incontestablement le domaine qui est le plus en capacité de développer des marchés, et de questionner l’adéquation entre l’offre et la demande. À partir de nos recherches, notons ici trois illustrations montrant que le marketing peut jouer un rôle clé dans la mouvance du développement durable.</p>
<h2>Un outil de compréhension des freins écologiques</h2>
<p>Le marketing, de par son intérêt pour l’étude du comportement du consommateur, apporte une véritable compréhension des sources de valorisation d’une consommation écologique, mais offre également une analyse des sources de réticence des individus, y compris les freins les plus profonds.</p>
<p>Dans le domaine du gaspillage alimentaire par exemple, les enquêtes conduites montrent que les différentes étapes de la consommation dans le foyer peuvent être génératrices de gaspillage, notamment la façon de faire et de ranger les courses (achats non prévus, réfrigérateurs et placards mal organisés, etc.) ainsi que le moment des repas (nombre et goûts des convives, etc.).</p>
<p>Dans le contexte d’une consommation hors domicile, la responsabilité du consommateur reste à relativiser car les déterminants du gaspillage relèvent moins d’un défaut de sensibilité du consommateur que de paramètres liés à l’organisation et à l’offre de restauration (l’exemple du manque d’adaptation des portions servies).</p>
<p>Pour limiter le gaspillage des produits et des emballages, une nouvelle offre, celle du vrac, a vu le jour. Cependant, ce marché reste encore timide. Les analyses menées révèlent cinq freins principaux à la consommation en vrac :</p>
<ul>
<li><p>l’accessibilité de l’offre,</p></li>
<li><p>la praticité et l’organisation logistique,</p></li>
<li><p>le prix des produits,</p></li>
<li><p>l’hygiène et la qualité perçue,</p></li>
<li><p>le manque d’informations sur les produits.</p></li>
</ul>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/386183/original/file-20210224-19-1iwmieq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/386183/original/file-20210224-19-1iwmieq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/386183/original/file-20210224-19-1iwmieq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/386183/original/file-20210224-19-1iwmieq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/386183/original/file-20210224-19-1iwmieq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/386183/original/file-20210224-19-1iwmieq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/386183/original/file-20210224-19-1iwmieq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Malgré son impact écologique positif, le marché du vrac n’a pas encore connu de boom.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/shop-assistant-filling-reusable-bag-dried-1283914543">Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans un autre domaine, celui du luxe, nos enquêtes ont indiqué que la réticence des consommateurs envers les produits de luxe écologiques est expliquée surtout par une contradiction entre l’univers du développement durable (partage, altruisme, rationalité, etc.) et celui du luxe (exclusivité, égocentrisme, impulsivité, etc.).</p>
<p>De plus, les consommateurs ont une appréciation négative de la qualité des produits de luxe écologiques, ce qui va dans le sens de l’hypothèse de l’heuristique à somme nulle : la présence d’un attribut durable peut être perçue comme synonyme d’une performance qui a été faite au détriment d’autres attributs du produit.</p>
<h2>Une contribution à l’instauration d’offres écologiques</h2>
<p>Le produit est le centre d’attention du marketing, et représente en même temps l’objet qui a tant alimenté les débats autour du développement durable : quel est son coût environnemental et social ? N’y a-t-il pas de coûts cachés ? Répond-il toujours à un besoin chez le consommateur ?</p>
<p>Le marketing apparaît en mesure de lutter contre l’obsolescence programmée en aidant par exemple à concevoir des produits ayant un cycle de vie allongé, et de contribuer à construire un capital-marque durable. De plus, un nouveau marketing de produits enrichi de l’innovation technologique est en train de se développer. Le big data et l’intelligence artificielle offrent aux marketeurs des possibilités précieuses d’extension de la durée de vie des produits.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/386185/original/file-20210224-23-zsl2rv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/386185/original/file-20210224-23-zsl2rv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/386185/original/file-20210224-23-zsl2rv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/386185/original/file-20210224-23-zsl2rv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/386185/original/file-20210224-23-zsl2rv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/386185/original/file-20210224-23-zsl2rv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/386185/original/file-20210224-23-zsl2rv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le marketing peut permettre de lutter contre l’obsolescence programmée.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/close-macro-shot-electronic-factory-machine-1335730826">Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Un tel enjeu présente un intérêt particulier pour les offres ancrées dans l’économie circulaire et l’économie de la fonctionnalité : produits à usage partagé, loués, d’occasion… dont l’allongement de la durée de vie influence positivement le chiffre d’affaires au-delà de l’impact environnemental positif.</p>
<p>Cependant, il est important de considérer l’attribut écologique comme un élément parmi d’autres de l’offre, selon l’approche <em>Green Bundle</em>. Il est aberrant de penser que le consommateur serait attiré par le seul avantage écologique. Si l’on souhaite diffuser la consommation écologique le plus largement et impliquer aussi les personnes les moins sensibles à l’enjeu du développement durable, les marques ne devraient pas perdre de vue l’ensemble des bénéfices égocentrés (santé, praticité, confort, etc.) qui sont aussi importants pour la cible.</p>
<p>À travers les possibilités de segmentation qu’il offre, le marketing permet de prendre en compte l’hétérogénéité des individus et leurs attentes différentes vis-à-vis des offres écologiques. C’est ainsi que les produits responsables occuperont peu à peu le « cœur du marché », et ne seront plus envisagés comme une offre « à la marge » !</p>
<h2>Une promotion des nouvelles pratiques</h2>
<p>Un autre domaine clé du marketing est la communication : identifier les thèmes sur lesquels il y a un intérêt à communiquer, la tonalité avec laquelle il faudrait diffuser le message ainsi que le canal de communication.</p>
<p>Au vu des doutes des consommateurs quant à la sincérité des engagements environnementaux et sociaux des marques, le marketing est en mesure d’offrir une grille des déterminants de l’efficacité d’une communication responsable : communiquer par la preuve, faire recours à des cautions extérieures, s’inscrire dans la durée…</p>
<p>Sur des sujets complexes comme celui du changement climatique, les enquêtes menées laissent penser qu’il faudrait repenser la stratégie de communication de façon à redonner confiance en la capacité individuelle et collective à agir de manière efficace. Les visions alarmistes pouvant avoir des effets dévastateurs sur l’engagement des individus.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/386175/original/file-20210224-19-10hlatl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/386175/original/file-20210224-19-10hlatl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/386175/original/file-20210224-19-10hlatl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=795&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/386175/original/file-20210224-19-10hlatl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=795&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/386175/original/file-20210224-19-10hlatl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=795&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/386175/original/file-20210224-19-10hlatl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=999&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/386175/original/file-20210224-19-10hlatl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=999&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/386175/original/file-20210224-19-10hlatl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=999&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Publicité de type greenbashing du constructeur automobile Honda.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Honda</span></span>
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<p>Toujours dans le but de communiquer efficacement autour de leurs engagements et éviter d’être taxées de <em>greenwashing</em>, des marques automobiles comme Volkswagen et Honda ont opté pour un nouveau type de communication, appelé <em>greenbashing</em> qui diffère des publicités environnementales classiques par le ton d’ironie et de provocation utilisé pour critiquer l’écologie.</p>
<p>Or, nos enquêtes ont révélé qu’il s’agit d’un choix de communication peu pertinent : la provocation impacte défavorablement l’attitude envers la publicité, la crédibilité perçue de l’annonce et la perception de l’image écologique de l’émetteur.</p>
<p>Enfin, le marketing peut être utile dans le cadre de l’application des régulations environnementales. Sur le modèle du marketing mix ou du mix de communication, les analyses ont permis de mettre en évidence un mix régulatoire ou un plan de régulation pro-environnemental reposant sur cinq leviers : la coercition, l’incitation, la taxation, la sensibilisation et le <em>nudge</em>.</p>
<p>Le marketing et le développement durable peuvent s’entremêler pour servir un but commun, celui du renforcement des comportements écologiques. L’interrelation entre ces deux concepts ne peut pas ignorer les transformations sociétales et technologiques qui caractérisent notre époque, avec par exemple le recours aux blockchains qui peuvent garantir la véracité des informations autour des produits écologiques !</p>
<p>Ce sont, sans doute, ces évolutions qui permettront une plus large diffusion d’un marketing responsable dans nos sociétés.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/391095/original/file-20210323-20-k8ymmu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/391095/original/file-20210323-20-k8ymmu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=910&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/391095/original/file-20210323-20-k8ymmu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=910&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/391095/original/file-20210323-20-k8ymmu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=910&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/391095/original/file-20210323-20-k8ymmu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1144&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/391095/original/file-20210323-20-k8ymmu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1144&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/391095/original/file-20210323-20-k8ymmu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1144&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cette contribution s’appuie sur les travaux du <a href="https://www.istegroup.com/fr/produit/le-marketing-au-service-du-developpement-durable/">livre</a> « Le marketing au service du développement durable, repenser les modèles de consommation » (Éditions ISTE-Wiley)</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/155995/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sihem Dekhili ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La promotion de nouvelles pratiques plus responsables apparaît comme un levier pour dépasser le clivage entre deux domaines généralement perçus comme antinomiques.Sihem Dekhili, Professeure en Sciences de Gestion (Marketing), Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1512282020-12-03T20:10:50Z2020-12-03T20:10:50ZPour les marques internationales, le « Singles’ Day » chinois détrône le « Black Friday »<p>Vous connaissez certainement le « Black Friday » mais avez-vous déjà entendu parler du « jour des célibataires » en Chine, ou « Singles’ Day », dont l’édition 2020 s’est clôturée sur un chiffre d’affaires record de <a href="https://www.lsa-conso.fr/decouvrez-tous-les-chiffres-du-double-11-d-alibaba-qui-bat-des-records,364643">74,1 milliards de dollars</a> pour le géant du e-commerce Alibaba, soit une hausse des ventes de 93 % comparé à 2019 ?</p>
<p>À l’origine, il s’agissait d’une anti-Saint-Valentin célébrée dans l’empire du Milieu, l’occasion de s’offrir des cadeaux à soi-même, raison pour laquelle l’opération avait lieu aux dates symboliques du 11 novembre (le 11/11) ou double 11.</p>
<p>Initiée par Alibaba, l’opération commerciale permettait de se faire plaisir en bénéficiant d’offres promotionnelles. En 2009, première année de lancement, l’opération se déroulait sur 24 heures et comptait 27 marques offrant des réductions jusqu’à 50 % et une livraison gratuite. En un peu plus de 10 ans, cet événement est devenu « LE » festival du shopping mondial dans toute sa splendeur. L’édition 2020 a compté près de 250 000 marques et environ 800 millions de clients selon Jiang Fan, le président de Tmall.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/372482/original/file-20201202-13-l6zn1t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/372482/original/file-20201202-13-l6zn1t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/372482/original/file-20201202-13-l6zn1t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=312&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/372482/original/file-20201202-13-l6zn1t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=312&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/372482/original/file-20201202-13-l6zn1t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=312&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/372482/original/file-20201202-13-l6zn1t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=392&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/372482/original/file-20201202-13-l6zn1t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=392&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/372482/original/file-20201202-13-l6zn1t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=392&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évolutions comparées des revenus générés par Amazon lors de l’opération commerciale des « Prime days » et par Alibaba à l’occasion du « Singles’ Day ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.practicalecommerce.com/alibabas-2020-singles-day-breaks-record-attracts-luxury-brands">Practical e-commerce</a></span>
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<p>Le record de ventes générées s’explique d’une part par une ouverture des pré-commandes le 21 octobre et deux fenêtres de ventes l’une début novembre, l’autre le 11 novembre et d’autre part, par la présence massive de grands groupes affectés par la fermeture de magasins en Europe ou aux États-Unis.</p>
<p>Ainsi Apple, l’Oréal, Estée Lauder, Nike, Lancôme et Adidas ont chacun réalisé plus de <a href="https://jingdaily.com/china-singles-day-luxury-brands-record-sales-lvmh-prada/">150 millions de dollars de chiffre d’affaires</a>. Il est important de préciser que ce festival du shopping en Chine ne repose pas uniquement sur des remises de prix (ce qui est le cas pour les opérations commerciales de fin d’année aux États-Unis) mais propose une <a href="https://www.luxurysociety.com/en/articles/2020/11/how-can-luxury-brands-gain-ground-on-singles-day-without-discounting">multitude d’événements</a> avec par exemple la présence de stars comme Michael Jordan cette année, des concerts retransmis en direct devant des millions de clients potentiels et surtout des offres d’éditions limitées, ce qui attire les maisons de Luxe. Cartier aurait ainsi présenté un <a href="https://www.bbc.com/news/business-54876528">collier de 28 millions de dollars</a> lors d’un évènement retransmis en direct devant plus de 800 000 personnes. Enfin, un autre élément distinctif particulièrement attractif pour les groupes de luxe est la présence des “KOL” (Key Opinion Leaders) qui mettent en avant les produits des marques et deviennent de vrais prescripteurs.</p>
<h2>Une opportunité pour le luxe</h2>
<p>Certes, les produits technologiques ont toujours la cote mais on note que de plus en plus de marques de luxe sont représentées. En 2020, <a href="https://journalduluxe.fr/alibaba-global-shopping-festival-2020/">plus de 200 marques ont participé à l’événement via Luxury Pavilion</a>, la plate-forme d’Alibaba dédiée au luxe. Des marques françaises, italiennes, anglaises ou américaines telles Balenciaga, Cartier, Kenzo, Prada, Rimowa, Vacheron Constantin, Piaget, Burberry, Coach ou Michael Kors, pour ne citer que quelques exemples, ont ainsi eu la possibilité de séduire les jeunes consommateurs chinois qui réalisent désormais <a href="https://www.bloomberg.com/press-releases/2020-09-25/bcg-collaborates-with-tencent-marketing-insight-to-release-2020-bcg-x-tencent-digital-luxury-report">30 % de leurs achats de luxe en ligne</a>.</p>
<p>Les maisons américaines auraient cette année remporté la part du lion <a href="https://www.practicalecommerce.com/alibabas-2020-singles-day-breaks-record-attracts-luxury-brands">avec 5,4 milliards de chiffre d’affaires</a> avec deux marques de luxe accessible Coach et Michael Kors ayant franchi la barre des 100 millions de dollars de ventes sur Alibaba et JD.com.</p>
<p>Selon la dernière étude, BCG et Tencent Digital Luxury Report 2020, le marché chinois du luxe est celui qui est reparti le plus tôt et celui qui représente le plus grand potentiel de croissance avec une <a href="https://www.bloomberg.com/press-releases/2020-09-25/bcg-collaborates-with-tencent-marketing-insight-to-release-2020-bcg-x-tencent-digital-luxury-report">progression prévue de 20 à 30 %</a> dans un marché du luxe globalement affecté. Les grands acteurs à l’instar de Kering, LVMH, Richemont ne pouvaient donc pas faire l’impasse de leur présence.</p>
<p>Ils ont d’ailleurs vu leurs ventes augmenter de 150 % sur cette édition et le Singles’ Day sera peut-être le prochain rendez-vous à ne pas manquer. Il semblerait en effet que « Singles’ Day » soit en passe de détrôner le « Black Friday » en attirant de plus en plus de marques de tous pays et de tous secteurs y compris dans le luxe.</p>
<h2>Un « Black Friday » 2020 bien particulier</h2>
<p>Selon l’<a href="https://www.statista.com/topics/4341/us-thanksgiving-weekend-shopping/">étude</a> Thanksgiving week-end Shopping in the US (Statista), les Américains seraient 57 % à indiquer ne pas vouloir se rendre en magasin pour des raisons de sécurité en pleine crise sanitaire. Les sites de e-commerce, qui ont étalé leur période de promotion, devraient donc voir leurs ventes progresser cette fin d’année. Selon Statista, la hausse serait d’environ 35 % en 2020.</p>
<p>Cependant, en cumulant les opérations de Thanksgiving, Black Friday, Small Business Saturday et Cyber Monday, ces ventes en ligne devraient atteindre les 34 milliards de dollars cette année, deux fois moins qu’Alibaba lors du « Single’s Day » en Chine.</p>
<p>Le contexte sanitaire devrait encore peser davantage en Europe, où le “Black Friday” a fait son apparition il y a quelques années. Si les chiffres de 2019 avaient montré un <a href="https://www.globenewswire.com/news-release/2019/12/10/1958349/0/fr/INGENICO-GROUP-Semaine-du-Black-Friday-2019-Quel-bilan-pour-les-commer%C3%A7ants-europ%C3%A9ens.html">nouvel engouement</a> pour ce type d’opérations, notamment au Royaume-Uni, les tendances pour 2020 semblent moins optimistes.</p>
<p>D’après les dernières estimations de Statista, les principaux pays d’Europe auraient soit annulé leurs plans initiaux (environ 30 % des distributeurs au Royaume-Uni, Allemagne, Italie, Espagne ou France) soit réduit la voilure pour leur campagne 2020.</p>
<p>En France, à la suite de la demande du ministre de l’Économie Bruno Le Maire, la <a href="https://fr.fashionnetwork.com/news/Les-acteurs-du-commerce-valident-le-report-du-black-friday,1261282.html">fédération des commerces a accepté de décaler l’édition 2020 au 4 décembre 2020</a> en espérant que la proximité des fêtes de Noël incitera les clients à acheter.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1329362386285961216"}"></div></p>
<p>Même si une grande partie des achats est réalisée en ligne lors de ces opérations commerciales, les clients pourraient revenir en magasin. Reste néanmoins à voir si les Français se mobiliseront aussi bien pour des raisons de sécurité sanitaire que dans un souci de consommation responsable. En effet, en 2019, 43 % des Français se prononçaient en faveur de la suppression du “Black Friday”, préoccupés par des questions environnementales.</p>
<p>Peut-on dès lors expliquer les différences entre le « Black Friday » et le « Single’s Day » par des comportements d’achats spécifiques entre les États-Unis, l’Europe et l’empire du Milieu ? Dans les deux premiers cas, les clients semblent à la recherche de bonnes affaires dans un contexte économique et sanitaire difficile. Dans le second, l’appétit des consommateurs chinois laisse entendre que le shopping devient un réel divertissement.</p>
<p>Dans <em>Covid-19 et détresse psychologique : 2020, l’odyssée du confinement</em> du psychiatre Nicolas Franck, l’auteur indique que le stress peut faciliter des troubles mentaux plus ou moins graves selon les individus et entraîner certains types de comportements ou de consommation. Ainsi, il mentionne qu’une perte de liberté peut entraîner <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/psychologie/psychiatrie/covid-19-et-detresse-psychologique_9782738153807.php">l’impossibilité de réfréner un comportement</a>, par exemple des achats répétés.</p>
<p>Ne peut-on donc pas voir également une dimension psychologique dans les comportements d’achat qui ont suivi les périodes de confinement ? Alors qu’aux États-Unis et en Europe, la pandémie continue à frapper et que les confinements demeurent plus ou moins stricts, la Chine est sortie de cette phase et ses habitants célèbrent peut-être quelque part le retour à la vie normale ou à la vie tout court.</p>
<p>Comme le rappelait Shirley Li, professeur à Hongkong, dans une interview récente à la BBC, « une fois la peur de la mort écartée, les Chinois veulent <a href="https://www.bbc.com/news/business-54876528">vivre l’instant présent et se remettent à acheter</a> ». Raison de plus pour les marques internationales de se tourner encore davantage vers la Chine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/151228/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Chaboud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’édition 2020 de la fête des célibataires en Chine aura généré 74,1 milliards de dollars, plus que les anticipations pour les opérations de fin d’année aux États-Unis.Isabelle Chaboud, Professeur associé d’analyse financière, d’audit et de risk management - Directrice de Programme pour le MSc in Fashion Design & Luxury Management- Responsable de la spécialisation MBA "Brand & Luxury Management", Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1500002020-11-16T18:20:11Z2020-11-16T18:20:11ZLe mouvement anti-Amazon de retour avec la crise de la Covid-19<p>Depuis l’annonce du deuxième confinement et de la décision de fermeture des commerces jugés <a href="https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus/confinement">non essentiels</a>, nous assistons à une vague de contestations plaçant le géant du e-commerce Amazon dans le viseur des responsables politiques, des enseignes de distribution et des consommateurs. Amazon, en particulier, devient le responsable des maux de cette société fragilisée par la crise sanitaire de la Covid-19. Cela prend plusieurs formes allant de <a href="https://www.liberation.fr/debats/2020/03/23/pour-le-boycott-d-amazon-pour-un-soutien-massif-au-secteur-du-livre_1782744">l’appel à boycott</a> d’Amazon par des politiciens, des associations consuméristes et des enseignes de la grande distribution, jusqu’à la création d’un plugin <a href="https://amazonkiller.org/">« Amazon Killer »</a> recommandé aux consommateurs afin de chercher un livre sur Amazon et de l’acheter dans une librairie physique, ou de <a href="https://www.dismoi.io/sources/60/Amazon-Antidote/">« Amazon Antidote »</a> qui guide le consommateur vers d’autres sites proposant le même produit vendu par Amazon, à des prix plus bas.</p>
<p>L’ampleur de la tendance de boycott d’Amazon en France est jugée sans précédent. <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/confinement/la-psychose-francaise-sur-amazon-na-aucun-sens-denonce-cedric-o-secretaire-d-etat-au-numerique_4168369.html">Cédric O</a>, Secrétaire d’État chargé de la transition numérique, l’assimile à « une psychose française sur Amazon qui n’a pas beaucoup de sens ». Il précise que « Amazon, c’est 20 % du e-commerce en France », représentant le pourcentage le plus faible dans les pays de l’Union européenne. Pour cela, deux questions se posent : pourquoi s’attaque-t-on à Amazon en particulier, malgré le fait qu’il ne soit pas seul sur le marché du e-commerce français ? Et pourquoi ce mouvement anti-Amazon est-il propre à ce deuxième confinement ?</p>
<p>Pour répondre à ces questions, une étude qualitative, qui paraîtra en 2021, a été menée auprès de commerçants appartenant aux deux catégories : « commerces essentiels » et « commerces non essentiels » et de consultants en matière de RSE (responsabilité sociale des entreprises). Une étude ethnographique complémentaire a permis d’analyser une centaine de réactions clients à différentes publications écrites ou vidéo en relation avec l’appel au boycott d’Amazon. </p>
<p>Cela nous a permis d’identifier les facteurs explicatifs du mouvement de boycott d’Amazon lié au deuxième confinement, ainsi que les limites de ce mouvement.</p>
<h2>L’injustice cultivée par Amazon…</h2>
<p>Selon la théorie de la <a href="https://www.economie.gouv.fr/facileco/john-rawls">justice sociale</a> de Rawls (1971), l’homme juste est celui qui soutient les organisations justes. Or, Amazon incarne pour certaines personnes interviewées l’image du capitalisme sauvage caractérisé par un engraissement qui ne profite qu’à un très petit nombre de bénéficiaires. Ainsi, il a été pendant plusieurs années attaqué pour ses valeurs sociales et sociétales. Il a souvent fait l’objet de mouvements de contestation à l’égard de sa politique sociale caractérisée par des <a href="https://www.20minutes.fr/economie/2567555-20190719-entre-bonne-ambiance-epuisement-salaries-amazon-racontent-conditions-travail">conditions de travail</a> jugées inhumaines, par une politique salariale injuste, par la suppression de postes et la robotisation de ses entrepôts, etc.</p>
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<figcaption><span class="caption">Covid-19 : l’inquiétude des salariés d’Amazon.</span></figcaption>
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<p>De plus, Amazon a été pointé du doigt, à plusieurs reprises, à cause d’une <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/03/19/coronavirus-amazon-sous-pression-du-gouvernement-et-de-salaries_6033724_3234.html">mauvaise protection</a> de ses salariés lors de la première vague de la Covid-19, en refusant de fermer ses entrepôts malgré les nombreux cas atteints signalés. Ses salariés se sont retrouvés dépourvus de moyens de protection, seuls face à la pandémie, contribuant ainsi, injustement, à l’enrichissement du géant du e-commerce.</p>
<p>En France, on reproche à Amazon, l’opacité des informations au niveau de son chiffre d’affaires de la publicité en ligne, des places de marché et du cloud. Ces chiffres estimés à plus de 50 % du chiffre d’affaires total réalisé en France, ne sont pas taxés. Ainsi, Amazon ne contribue pas à l’économie française grâce aux <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/comment-amazon-embrouille-le-fisc-1264911">avantages fiscaux</a> dont il jouit, contrairement à d’autres géants du Web français tel que C-discount, dont les richesses générées profitent à l’économie française, et de manière indirecte aux Français. Amazon est perçu comme un opportuniste qui a énormément profité de la guerre contre la Covid-19, à travers la montée fulgurante de son chiffre d’affaires et de ses cours d’action en <a href="https://www.boursedirect.fr/fr/actualites/categorie/valeurs-us/amazon-au-plus-haut-a-wall-street-dope-par-le-coronavirus-boursier-f27ebaa516c8e09e7124a7d3e142a1e36c8eb44e">bourse</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1324026621003812864"}"></div></p>
<p>Les quelques <a href="https://siecledigital.fr/2020/11/02/amazon-boutique-produits-francais/">initiatives</a> du géant du e-commerce de mettre en avant les produits fabriqués en France et de soutenir les entreprises françaises sur son site Web, sont assimilées à de « la poudre de perlimpinpin ». Amazon est considéré, par certains, comme l’un des « riches de la guerre » avec tout ce que cela porte comme symboles négatifs d’opportunisme, d’égoïsme, d’individualisme et d’injustice.</p>
<p>Les attentes de solidarité avec les Français, d’assistance aux petits commerçants et d’aide aux salariés non remplies par Amazon lors de la première vague ont contribué à ternir son image et à faire de lui une cible privilégiée lors de cette deuxième vague de la Covid-19.</p>
<h2>L’injustice cultivée par les politiciens et relayée par les médias…</h2>
<p><a href="https://www.lci.fr/social/quel-est-le-poids-reel-d-amazon-dans-l-economie-francaise-2168838.html">L’appel</a> au boycott d’Amazon par madame Roselyne Bachelot, ministre de la Culture, a fait l’effet de « la seringue hypodermique » sur certains consommateurs qui ont placé le géant du e-commerce dans l’agenda de leurs sujets de discussion. Ce discours a d’autant plus été considéré comme faisant appel au sentiment de culpabilité du consommateur et à son sens de la justice, tel qu’évoqué par le philosophe américain John Rawls (1971).</p>
<p>Cela a été accentué par les <a href="https://www.procos.org/images/procos/presse/2020/CP/cp_commun_federations_impact_coronavirus.pdf">communiqués</a> des différentes fédérations du commerce, les publicités « solidaires » diffusées par certaines enseignes de distribution, ainsi que les discours politiques contradictoires au sujet d’Amazon. Or, au lieu d’aider à rétablir la justice sociale chez les Français, la médiatisation des différents discours politiques a davantage creusé le sentiment d’injustice sociale chez eux ; elle leur a donné l’impression qu’Amazon est plus fort que l’État français. Certains commerçants se lamentent en rappelant que : « lutter contre Amazon quand on fait partie du gouvernement doit se traduire par des lois et non pas par l’appel au boycott… ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1323174185770881024"}"></div></p>
<p>Par ailleurs, lors du deuxième confinement, l’interdiction d’ouvrir les commerces jugés non essentiels, y compris les <a href="https://www.rtl.fr/actu/economie-consommation/confinement-la-liste-des-rayons-qui-ferment-dans-les-grandes-surfaces-7800916062">rayons</a> concernés chez les supermarchés et les hypermarchés français, à l’exception des e-commerçants dont Amazon, a davantage éveillé le sentiment d’injustice sociale chez les consommateurs et les commerçants français. Cela a pris la forme de deux grandes polémiques.</p>
<p>La première polémique concerne la <a href="https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/10/30/reconfinement-les-librairies-n-echappent-pas-a-la-fermeture_6057888_3246.html">catégorisation</a> de ce qui est essentiel de ce qui ne l’est pas. La hiérarchie des biens retenue par le gouvernement ne reflète pas de manière juste et équitable celle des commerçants français qui trouvent que les biens culturels sont aussi importants que les biens alimentaires pour eux et pour leurs clients. Le président de <em>UFC que choisir</em> a d’ailleurs <a href="https://www.sudouest.fr/2020/11/02/covid-19-le-president-de-l-ufc-que-choisir-fustige-les-fermetures-de-certains-rayons-et-commerces-8032428-705.php">pointé du doigt</a> le mauvais choix du terme « biens essentiels », au lieu d’utiliser celui de « la capacité à réguler les flux, à assurer de la distanciation, etc. ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1326853490170277889"}"></div></p>
<p>La deuxième polémique concerne les inégalités dans les traitements constatées entre Amazon et tous les autres commerçants. En effet, malgré que la fermeture des commerces et des rayons « non essentiels » ne concerne pas les acteurs du e-commerce, dont ceux français, Amazon reste le plus grand bénéficiaire de cette décision avec la <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/ces-incroyables-profits-damazon-pendant-la-pandemie-1376861">hausse</a> encore plus importante de son chiffre d’affaires et la préservation des mêmes avantages fiscaux non permis aux petits commerçants et aux autres acteurs français de l’e-commerce. </p>
<p>Par ailleurs, fragilisés par le premier confinement, les commerces « non essentiels » risquent la cessation de leur activité suite à ce deuxième confinement décidé à une période critique de l’année (Black Friday et fêtes de Noël). De plus, <a href="https://www.service-public.fr/professionnels-entreprises/vosdroits/F35211">l’aide</a> promise par l’État a été jugée trop faible par certains, ce qui les a amenés à se battre pour survivre, à travers leurs différentes fédérations et associations, et à médiatiser leur combat. Cette deuxième polémique alimente donc l’hypothèse selon laquelle l’État n’a pas réussi à instaurer un système de concurrence loyale et juste entre les différentes formes de commerce, par les décisions et les politiques jugées injustes.</p>
<h2>Le consommateur pour rétablir la justice sociale ?</h2>
<p>L’isolement social vécu par les Français lors du premier confinement les a poussés à revoir leurs priorités et à se rendre compte de l’importance des relations humaines dans leur enrichissement personnel et dans l’atteinte de leur bien-être personnel. La proximité humaine avec les vendeurs en magasin, l’échange de bonnes pratiques et de conseils, ou de simples discussions autour de sujets divers et variés sont devenus de véritables avantages du magasin physique de proximité, contribuant ainsi à la construction d’un <a href="https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1980_num_31_1_2069">capital social</a>, au sens de Bourdieu (1979). Ainsi, prenant conscience du combat des commerces de proximité par l’effet de la médiatisation du sujet, les consommateurs se sont mêlés de l’affaire et ont tenté de s’inscrire dans un mouvement de solidarité afin de les sauver, en désignant « À qui le crime profite ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1325872030550519809"}"></div></p>
<p>Ce mouvement s’est manifesté par une campagne virale de boycott d’Amazon, à travers le partage des différents supports (textes, images, photos, vidéos) mis à leur disposition par les associations consuméristes, les enseignes de distribution et les groupements de librairies, dénonçant les pratiques déloyales et non éthiques d’Amazon.</p>
<h2>Les limites du mouvement anti-Amazon</h2>
<p>Malgré les tentatives citoyennes des consommateurs afin de restreindre Amazon et de réguler socialement le marché, la hausse des chiffres enregistrés par le géant américain de l’e-commerce, en France, dans la première semaine du reconfinement, remet en question la force de ce mouvement, pointant ainsi du doigt le double discours des consommateurs. Cette situation nous pousse à supposer l’existence d’un « Amazon paradox » selon lequel les consommateurs affichent des intentions et des positions susceptibles de différer de leurs comportements réels, et ce en fonction des bénéfices générés par Amazon à chacun parmi eux (choix, praticité, prix avantageux, rapidité de livraison…).</p>
<p>Le rôle de l’État demeure donc central à assurer l’égalité entre les différents acteurs du commerce et à rétablir, par conséquent, la justice sociale en instaurant les mêmes règles pour tous.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/150000/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hanene Oueslati ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La fermeture des commerces « non essentiels » met le feu aux poudres et ravive la polémique autour d’Amazon. Pourquoi le géant de l’e-commerce est-il dans le viseur, pour quels résultats ?Hanene Oueslati, Maître de conférences en Marketing, Université de Haute-Alsace (UHA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1497812020-11-12T21:54:48Z2020-11-12T21:54:48ZAutomobile : l’essor du SUV, un choix avant tout politique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/368347/original/file-20201109-18-3a9a08.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C8%2C977%2C607&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 2019, plus d’un véhicule neuf sur trois vendu dans l’Union européenne était un SUV. </span> <span class="attribution"><span class="source">AnyVidStudio / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’actualité automobile de la rentrée a été marquée en France par un imbroglio entre la ministre de l’Écologie Barbara Pompili et de l’Économie Bruno Le Maire. Le sujet : imposer aux véhicules lourds un malus. D’un côté, la <a href="https://www.conventioncitoyennepourleclimat.fr/">Convention citoyenne pour le climat</a> et de nombreux mouvements écologistes y voient un <a href="https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2020-10/20201005_Etude_L-impact-ecrasant-des-SUV-sur-le-budget-des-menages_WWF-France.pdf">moyen pour enrayer la « SUVisation »</a> du parc automobile français. De l’autre, les <a href="https://ccfa.fr/actualites/restaurer-la-confiance-un-imperatif-pour-les-acteurs-du-secteur-automobile/">industriels français, rejoints par trois syndicats de salariés</a>, craignent en cette période funeste une destruction de la production en France.</p>
<p>En effet, le SUV, ce véhicule aux airs de 4x4 arrivé dans les années 1990 en provenance du Japon, s’est propagé sur le marché européen à grande vitesse (graphique ci-dessous). En empiétant d’abord sur les monospaces (MPV) et les véhicules supérieurs (D), les voici qu’il rogne sur les parts de marché des véhicules plus compacts (A, B et C) qui régnaient en maîtres incontestés sur le marché européen.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/368318/original/file-20201109-16-1rbt3ed.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/368318/original/file-20201109-16-1rbt3ed.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/368318/original/file-20201109-16-1rbt3ed.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/368318/original/file-20201109-16-1rbt3ed.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/368318/original/file-20201109-16-1rbt3ed.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/368318/original/file-20201109-16-1rbt3ed.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/368318/original/file-20201109-16-1rbt3ed.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/368318/original/file-20201109-16-1rbt3ed.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Figure 1 : Nombre de voitures particulières neuves par segment dans l’Union européenne en millions d’unités et la part de marché en % des segments sur la période 2008-2019..</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.acea.be/">ACEA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais si le débat entre écologie et production est si prégnant en France, c’est que le SUV est le résultat d’une triple histoire : celle des réglementations européennes, de la demande et des logiques industrielles de la filière automobile française. <a href="http://gerpisa.org/node/6166">Il ne suffit pas en effet d’écarter le « chantage à l’emploi »</a>, il faut aussi le comprendre pour lui donner des solutions politiques.</p>
<h2>Une construction réglementaire</h2>
<p>Le SUV a pu bénéficier en Europe d’un terrain réglementaire favorable à son développement. Bien qu’embryonnaire sur le marché européen dans les années 2000, le SUV va sortir gagnant à la Pyrrhus des réglementations affectant la sécurité, les polluants et le CO<sub>2</sub>.</p>
<p>Concernant la sécurité, les textes vont largement contribuer à l’accroissement du poids des véhicules dès les années 2000. Notamment, certaines réglementations comme <a href="https://op.europa.eu/fr/publication-detail/-/publication/94ff03fe-2a9f-48e8-9854-f4321b9b39f4/language-fr">celle affectant les chocs piétons</a>, vont transformer le produit véhicule, en rehaussant les pare-chocs avant. Le SUV, haut sur patte, répond alors favorablement à ces nouvelles exigences, si bien qu’il devient quasiment impossible à première vue de distinguer certains « SUV » des véhicules « normaux ».</p>
<p>La réglementation concernant les polluants (NO<sub>x</sub>, particules…) va aussi contribuer à l’essor du SUV. D’une part, les véhicules pesant plus de 2 500 kg bénéficiaient d’une exception jusqu’aux normes Euro 4 (mises en œuvre en 2005), devant émettre des limites de polluants plus souples, au même niveau que les camionnettes, <a href="https://circabc.europa.eu/sd/a/66c4c6c2-2a53-43c5-aedd-0a21f0ae8bb7/euro-5-emission-limits-consultation-contributions_en.pdf">ce qui fera l’objet d’une première bataille politique entre constructeurs et environnementalistes</a> qui en sortiront victorieux.</p>
<p>D’autre part, ces normes de pollutions vont redevenir favorables aux SUV (diesel) avec les nouveaux cycles de tests en conditions réelles dès 2017. Pour répondre efficacement à ces nouvelles exigences, la seule technologie actuellement disponible est le <em>Selective catalytic reduction</em>, qui doit être couplé à un réservoir d’urée (ammoniac liquide). <a href="https://www.inderscience.com/info/inarticle.php?artid=92185">Or, seuls les véhicules les plus spacieux sont capables d’accueillir ce nouveau composant</a>.</p>
<p>Enfin, les <a href="http://www.theses.fr/2018BORD0348">objectifs CO₂ contribuent de manière contre-intuitive à la course au poids</a>. En 2019, après un <a href="https://www.rosalux.eu/en/article/1477.the-european-car-lobby.html">lobbying intense</a>, la solution « allemande » s’impose : les objectifs CO<sub>2</sub> de chaque constructeur (objectifs individuels) sont calculés selon le poids moyen des véhicules vendus. Plus le constructeur vend des véhicules lourds, moins son objectif CO<sub>2</sub> est contraignant, afin de rendre plus équitable les efforts de dépollution entre les constructeurs.</p>
<p>L’effet est immédiat : les gains de CO<sub>2</sub> liés à l’allègement des véhicules sont absorbés par un objectif CO<sub>2</sub> plus strict. Les constructeurs sont donc face à un <a href="https://www.economie.gouv.fr/facileco/john-nash">équilibre de Nash</a> peu souhaitable : la seule stratégie possible est l’alourdissement, et si possible, plus que ses concurrents.</p>
<p>Les années 2000 vont donc voir un essor incroyable des innovations concernant le bloc moteur. L’objectif est d’améliorer à tout prix le rendement de la motorisation. Des progrès considérables ont été réalisés : <em>downsizing</em>, électronique et électrification améliorent notamment la performance. On peut ainsi placer un moteur moins énergivore dans un véhicule plus lourd.</p>
<p>Vu ainsi, le malus au poids permettrait, s’il est bien calculé, d’enrayer cette course à l’alourdissement et ainsi pénaliser les grosses et puissantes berlines allemandes.</p>
<h2>Une construction économique</h2>
<p>Depuis la crise de 2008, le marché automobile européen semble condamné à être un marché de renouvellement. Face à la modération salariale, à l’Ouest, et une classe moyenne qui n’émerge pas, à l’Est, les constructeurs doivent viser les quelques ménages solvables.</p>
<p>Ces derniers sont généralement plus âgés, plus riches, et plus urbains. En Allemagne, les jeunes cadres voient dans la voiture de fonction un élément important du salaire. De l’autre côté du marché, les ménages périurbains et ruraux se tournent vers le marché de l’occasion, <a href="https://metropolitiques.eu/Le-budget-automobile-des-menages-depuis-les-annees-1980.html">préférant investir dans un gros véhicule plus fiable qui pourra donc être amorti plus longtemps</a>, dans un contexte de réduction des transports collectifs dans ces zones.</p>
<p>Une course s’engage vers la <em>premiumisation</em>. L’objectif est d’attirer cette demande exigeante en offrant des véhicules à plus forte valeur ajoutée pour le client, et donc pour le constructeur. Sur le marché des petits véhicules, la forte élasticité-prix de la demande contraint les constructeurs à réduire les coûts.</p>
<p>Dans ce contexte, le SUV va rapidement trouver une demande. Le design va tirer sur le haut de gamme. La conduite haute va être un argument de vente imparable pour les consommateurs plus âgés mais aussi pour les mères de famille, renforçant le contrôle et la sécurité au volant.</p>
<p>Enfin, le volume de coffre va attirer les ménages souhaitant un véhicule routier, remplaçant donc très rapidement les véhicules familiaux. La polyvalence de ce véhicule, renforcée par l’arrivée de gammes « SUV urbains » lui permet ainsi d’inonder le marché.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/368341/original/file-20201109-13-1313yho.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/368341/original/file-20201109-13-1313yho.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/368341/original/file-20201109-13-1313yho.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/368341/original/file-20201109-13-1313yho.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/368341/original/file-20201109-13-1313yho.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/368341/original/file-20201109-13-1313yho.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/368341/original/file-20201109-13-1313yho.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les SUV bénéficient de volumes de coffre importants, attirant les ménages au détriment des véhicules familiaux.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/lens-flare-young-man-picking-last-1122112787">Shutterstock</a></span>
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</figure>
<p>Mais si le SUV est un objet de tension, c’est bien du fait de l’inégale répartition de la demande. Il semble en effet contraire aux enjeux environnementaux et d’urbanisme de voir circuler ces véhicules lourds en ville, alors que les périurbains et ruraux sont poussés par la raréfaction des transports collectifs et la modération salariale d’acquérir un tel véhicule routier fiable.</p>
<p>La politique fiscale peut justement jouer ce rôle de corrections des dysfonctionnements du marché. Le malus au poids prendrait alors tout son sens : guider les consommateurs et les constructeurs vers la production de nouveaux produits, qui répondraient à des enjeux de politique publique, tout comme le bonus-malus sur le CO<sub>2</sub> a pu accompagner les efforts d’innovation des constructeurs.</p>
<h2>Le délaissement du site France</h2>
<p>Les industriels français expriment leurs angoisses face à ce malus au poids <a href="https://ccfa.fr/actualites/restaurer-la-confiance-un-imperatif-pour-les-acteurs-du-secteur-automobile/">qui affecterait 70 % de la production</a> française. Il faut voir dans cet argument le constat ironique de trois décennies de logiques industrielles doctrinales.</p>
<p>On assiste depuis les années 1990 à une mise en concurrence systématique des sites de production en France. Renault a été précoce, en <a href="https://journals.openedition.org/rei/7153">délocalisant – rapidement en semi-périphérie</a>, notamment en Roumanie. Les accords d’élargissement et de libre-échange offrent alors pour les constructeurs français une opportunité pour résoudre le <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/face-a-l-industrie-automobile-le-pouvoir-politique-doit-etre-plus-ferme-selon-bernard-jullien.N1004099">« problème social »</a>.</p>
<p>Depuis la fermeture du site d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) en 2013, une petite doctrine trotte dans la tête du patronat et du gouvernement : la France ne peut plus produire de petits véhicules, et se concentrera sur les véhicules « à forte valeur ajoutée ».</p>
<p>Le procédé de délocalisation est toujours le même : le constructeur commence la production d’un modèle « français » à l’étranger, tout d’abord au motif de répondre à un accroissement de volume. Puis, il transfère de plus en plus les volumes de production vers cette nouvelle usine, jusqu’à annoncer la fermeture de la ligne en France. Pour compenser, elle promet la production d’un véhicule « à forte valeur ajoutée ».</p>
<p>Les syndicats, inquiets pour l’emploi, voient pour la plupart d’un bon œil l’arrivée de ces nouveaux modèles dont les SUV. Or, un véhicule à forte valeur ajoutée, ce sont aussi des volumes de production en moins, d’autant plus quand ces modèles à forte valeur ajoutée se vendent très mal : Scénic, Espace et Talisman produits à Douai (Nord) sont ravagés par les Captur et Kadjar espagnols.</p>
<p>Lors de l’annonce du <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2020/05/26/plus-verte-et-plus-competitive-notre-plan-de-soutien-a-la-filiere-automobile">plan de sauvegarde l’automobile</a>, en mai 2020, le président Emmanuel Macron a réaffirmé vouloir localiser en France la production de modèles à forte valeur ajoutée, notamment électriques. Cette prise de position est surtout un moyen d’accompagner davantage le mouvement de délocalisation, plutôt que d’annoncer un renouveau stratégique. Ni la nouvelle génération de Captur, ni la Peugeot 2008 « SUV urbain » ne remplaceront la Clio et la 208, qui sont pourtant les deux modèles les plus vendus en France !</p>
<p>Sur le front de l’électrique, même constat. L’équation en termes de volume ne sera certainement pas résolue si les chaînes de production du site de Flins (Yvelines) produisent des Nissan Micra plutôt que des Clio. La Twingo électrique est assemblée en Slovénie, la 208 électrique en Slovaquie. La K-Zéro sera produite en Roumanie, alors que <a href="https://www.cgt-renault.com/les-differentes-technologies/c/0/i/43196724/un-vehicule-electrique-accessible-tous-produit-en-france">selon la CGT-Renault</a>, ce véhicule pourrait tout à fait être produit (et rentable) en France.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/368338/original/file-20201109-15-sqayv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/368338/original/file-20201109-15-sqayv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/368338/original/file-20201109-15-sqayv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/368338/original/file-20201109-15-sqayv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/368338/original/file-20201109-15-sqayv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/368338/original/file-20201109-15-sqayv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/368338/original/file-20201109-15-sqayv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/368338/original/file-20201109-15-sqayv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le site de Flins, situé dans les Yvelines, a été crée en 1952 et accueille l’une des plus anciennes usines Renault.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://flic.kr/p/RXGTzb">Département des Yvelines</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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</figure>
<p>Pourtant, dans l’automobile, l’organisation de la production ne répond pas à un simple <a href="https://www.liberation.fr/debats/2020/06/11/peut-on-faire-confiance-a-renault-et-psa_1790979">calcul coût-bénéfice</a>. L’exemple le plus problématique pour la doctrine française est Toyota France qui produit des Yaris, vendues à un prix tout à fait compétitif.</p>
<p>Si la France est si dépendante des véhicules à forte valeur ajoutée, ce n’est donc absolument pas une contrainte inéluctable guidée par de quelconques calculs économiquement rationnels, mais bien un choix politique qui s’auto-entretient.</p>
<p>Voilà ce que cache la cristallisation du débat autour du malus au poids : des décennies stratégies industrielles, réglementaires et politiques, que la politique industrielle pourrait corriger. On peut rejoindre le patronat et les trois syndicats de salariés sur le fait que pour l’industrie automobile, ce n’est pas le moment au vu de la fragilité de la reprise économique, mais il faudra bien commencer un jour.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149781/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Samuel Klebaner ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le soutien à la filière industrielle mais aussi les règlementations en matière de sécurité et d’environnement ont conduit les ventes de véhicules lourds à dépasser celles des modèles plus compacts.Samuel Klebaner, Maître de conférences en économie, Université Sorbonne Paris NordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1330092020-11-11T17:31:35Z2020-11-11T17:31:35ZMartin, Aston Martin<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/364708/original/file-20201021-23-1926jp7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C2%2C1588%2C1061&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">James Bond (Daniel Craig) au volant d'une Aston Martin dans 'Mourir peut attendre'.</span> </figcaption></figure><p>James Bond, personnage de romans de Ian Fleming est devenu héros de cinéma en 1962, dans une saga cinématographique qui pèse plus de 7 milliards de dollars depuis sa création.</p>
<p>En 26 longs-métrages, la saga James Bond a évolué, traversant les époques et répondant aux attentes des spectateurs. Les derniers films de la saga, avec l’introduction en 2006 de Daniel Craig dans le rôle-titre, marquent une rupture. Le personnage apparaît à la fois plus robuste et plus fragile – plus proche de la formule du personnage telle qu’esquissée dans le roman original ; la tonalité s’assombrit. L’action et l’espionnage subsistent quand la comédie s’efface au profit du drame. Les films présentent un archétype narratif différent en s’articulant désormais autour d’une intrigue, d’un fil rouge. Ainsi le personnage commence-t-il chaque film avec les stigmates (physiques et psychologiques) du précédent.</p>
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<span class="caption">Craig-Bond marque une rupture dans la saga.</span>
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<p>En 2006, lorsque Daniel Craig est choisi pour incarner James Bond, certains fans lancent un site Internet appelant au boycott de <em>Casino Royale</em>. Cependant, le mandat des quatre (et supputons cinq) films de Daniel Craig en tant que 007 s’assimile à… une mission accomplie tant au niveau commercial (<em>Casino Royale</em> et <em>Skyfall</em> sont parmi les plus gros succès d’une franchise) que critique (les cinq nominations aux Oscars de <em>Skyfall</em> ont presque doublé le total de nominations de la série entière et l’ère Daniel Craig comptabilise 3 oscars sur les 6 au total pour la saga).</p>
<p>L’ère Daniel Craig a emmené le personnage de Fleming vers de nouveaux horizons. La sortie de <em>Mourir peut attendre</em>, programmée au printemps prochain, est l’occasion d’analyser le rôle de la marque Aston Martin et la manière dont elle participe à la construction du personnage dans sa nouvelle version. La marque légitime Daniel Craig en tant que James Bond, participe à la pérennité du personnage, et devient partie prenante du mythe 007.</p>
<h2>Bond-Craig gagne ses galons</h2>
<p>Pour la première fois en 1964 dans <em>Goldfinger</em> (Hamilton), James Bond conduit une Aston Martin – modèle DB5 – à l’instar de son alter ego littéraire (<em>Goldfinger</em>, Ian Fleming, 1959). La DB5 apparaît dans huit longs-métrages de la saga – <em>Goldfinger</em>, <em>Opération Tonnerre</em> (Young, 1965), <em>GoldenEye</em> (Campbell, 1995), <em>Demain ne meurt jamais</em> (Spottiswoode, 1997), <em>Casino Royale</em>, <em>Skyfall</em>, <em>Spectre</em> et <em>Mourir peut attendre</em> – ; elle est successivement conduite par Sean Connery, Pierce Brosnan et Daniel Craig. James Bond et son Aston Martin forment une alliance légendaire. James Bond n’est pas vraiment James Bond sans son Aston Martin, car James Bond sans son Aston Martin est un cow-boy sans son cheval.</p>
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<span class="caption">Sean Connery, <em>Goldfinger</em>, 1964.</span>
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<p>Dans le prologue de <em>Casino Royale</em>, l’agent britannique s’introduit dans une pièce réservée au personnel du casino : l’espace de télésurveillance. Bond visionne les images des caméras de l’hôtel à la recherche du visage de son ennemi. Celui-ci sort de sa voiture, une Aston Martin DB5. Ce James Bond débutant aperçoit la voiture via un écran interposé.</p>
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<span class="caption">L’apparition de l’Aston Martin DB5 dans <em>Casino Royale</em>.</span>
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<p>En plaçant le personnage dans la même situation que le spectateur de cinéma, le réalisateur distancie Daniel Craig du personnage de James Bond. Une mise en abyme habile pour signifier que l’acteur n’est pas encore « dans la place ». Néanmoins, l’agent identifie le véhicule, une « magnifique Aston Martin de 1964 » appartenant à Dimitrios, un terroriste lié au Chiffre. Plus tard, James Bond dispute une partie de poker avec son ennemi. Dans sa main, Dimitrios a un brelan de rois. Pour suivre Bond, il mise son Aston Martin DB5. James Bond suit et remporte la partie avec un brelan d’as. En sortant du Casino, il monte alors dans sa nouvelle voiture. Bond-Craig prend possession de son Aston Martin.</p>
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<p>Dans cette scène, la voiture ne fait pas partie de la panoplie fournie par le MI6. James Bond doit se battre pour gagner le droit d’être au volant de l’Aston Martin, la voiture mythique de son personnage. C’est un combat stratégique : lorsque Daniel Craig a été dévoilé comme étant le prochain acteur à porter le costume de Bond, les médias ont insisté sur son physique, bien plus athlétique que ses prédécesseurs. Nous aurions pu nous attendre à une scène d’action musclée, mais Martin Campbell conçoit au contraire une scène de tension psychologique. Ce contre-pied représente l’enjeu de la scène ; le nouveau Bond a gagné son Aston Martin au jeu et acquiert en même temps, une certaine légitimité. Daniel Craig gagne ses premiers galons de James Bond en remportant l’Aston Martin de Dimitrios. Un coup de poker pour la production : imposer un acteur très différent des standards et de l’imaginaire bondien, mais aussi pour le nouveau héros qui devient peu à peu le personnage.</p>
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<span class="caption">Bond-Craig pour la première fois au volant de l’Aston Martin DB5 dans <em>Casino Royale</em>.</span>
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<p>Si la scène de prologue dévoile la façon dont le protagoniste devient un Double-0. Dans l’esprit du spectateur, il n’est pas encore établi en tant que James Bond. Et en s’installant au volant de la DB5 d’Aston Martin, Daniel Craig gravit une marche symbolique vers son personnage. Ce placement de produit <a href="https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=39871">peut être qualifié de narratif</a>, car il constitue à lui seul un nœud dramatique majeur et lance l’intrigue. Il est également qualifiant, l’Aston Martin insérée représente un attribut primordial et fondamental à la construction identitaire de James Bond et de son univers codé.</p>
<h2>Aston Martin bat des records</h2>
<p>Pour preuve, plus tard dans sa mission, et ayant gagné la confiance de « M », le MI6 lui confie une nouvelle voiture : une Aston Martin DBS, dernière génération. Ce nouveau modèle de la marque est dévoilé dans le film. Et si le nouveau visage de Bond doit convaincre en se surpassant dans son rôle (et dans les revenus économiques qu’il doit engendrer), sa voiture semble en symbiose, car elle bat, elle aussi des records : l’Aston Martin DBS réalise sept tonneaux consécutifs à 120 km/h, record mondial du plus grand nombre de tonneaux (selon le Guiness Book). La voiture en sort pulvérisée, mais réussit l’exploit de protéger l’agent qui sort indemne de cette impressionnante cascade. Comme l’armure d’un chevalier des temps modernes, la voiture est inséparable de 007. La DBS intervient également dans la séquence d’ouverture de <em>Quantum Of Solace</em>. James Bond/Daniel Craig débute sa vengeance au volant de ce modèle puissant dans une course poursuite qui met en avant les performances de la voiture. L’agent interprété par Daniel Craig s’est lié à jamais à Aston Martin et continue son association, pour ne pas dire son partenariat, dans les opus suivants.</p>
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<span class="caption">Les quatre modèles d’Aston Martin dans le film <em>Mourir peut attendre</em> (sortie prévue en avril 2021).</span>
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<p>Prochainement en salle, <em>Mourir peut attendre</em> comporte quatre modèles d’Aston Martin : la mythique DB5, l’Aston Martin V8 (similaire à celle du film de 1987 <em>Tuer n’est pas jouer</em>), la DBS Supperleggera (pilotée par le nouvel agent féminin 00 Nomi) et la Valhalla (révolutionnaire à moteur central). Aston Martin renforce sa présence filmique et confirme ainsi sa filiation avec la saga Bond en exposant dans le film des « <a href="https://www.astonmartin.com/fr/our-world/no-time-to-die">Aston Martin emblématiques d’hier, d’aujourd’hui et de demain</a> ».</p>
<h2>De la rupture au retour à la tradition</h2>
<p>Si Bond-Craig conduit une Aston Martin, la mise en scène du produit est en rupture avec celle des films précédents : la voiture n’est qu’une voiture, elle n’est pour une fois pas assortie de gadgets innovants. Il faut attendre <em>Skyfall</em> pour que le responsable de la section « Q » du MI6 qui invente et fournit les célèbres gadgets à 007 soit de retour. <em>Skyfall</em> est le film des 50 ans de la franchise cinématographique. Il sonne comme un hommage à la saga : le film fait écho au passé tout en faisant table rase. <em>Skyfall</em> cristallise cette tension entre le retour aux fondamentaux et le changement d’époque. Néanmoins, <em>Skyfall</em> et les films suivants conservent les acquis des six années précédentes : esprit sérieux et tonalité sombre sans pour autant renier l’héritage de la saga. Le film marque le retour de certains des éléments traditionnels – tels que les placements de produits gadgets – qui avaient disparu des précédents films avec Daniel Craig.</p>
<p>Dans le film, « Q » prévient Bond – et les spectateurs : « Vous vous attendiez peut-être à un stylo explosif ? On ne fait plus trop ce genre de gadgets de nos jours… ». Pourtant, l’Aston Martin mise en scène dans <em>Skyfall</em> (re)dévoile tous ses atouts. Comme l’originale de <em>Goldfinger</em>, elle est équipée de gadgets : deux mitraillettes dans le pare-chocs avant, des vis crève-pneus dans les essieux arrière, un siège éjectable pour passager hostile, une plaque d’acier anti-balles qui se dresse derrière la lunette arrière et un dispositif qui disperse de l’huile glissante pour semer une voiture en cas de poursuite. Si le stylo n’explose plus, la voiture (re)devient une arme comme au temps des premiers James Bond.</p>
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<p>Dans la dernière partie du film, les hommes de Silva font littéralement exploser la légendaire voiture ce qui provoque la colère, presque irrationnelle, de 007. Cribler son Aston Martin revient à le toucher au plus profond de lui. L’Aston Martin à gadgets fera toujours partie de James Bond même si elle vole en éclat dans le film : une scène visuellement impressionnante pour célébrer les 50 ans de 007.</p>
<p>Dans le film suivant, <em>Spectre</em>, la DB5 n’est qu’une carcasse avant d’être remise à neuf dans l’atelier de « Q ». À la fin de l’histoire, Bond choisit de quitter le MI6 plutôt que Madeleine. Avant de tirer sa révérence avec son nouvel amour au bras, il récupère son Aston Martin de 1964, la « dernière chose » dont il a besoin. Et l’histoire entre Aston Martin et 007 n’est pas terminée car Bond-Craig et sa célèbre monture seront de nouveau de la partie dans <em>Mourir peur attendre</em>.</p>
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<span class="caption">L’explosion qui détruit la mythique Aston Martin DB5 dans <em>Skyfall</em>.</span>
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<h2>L’effet performatif du placement de produit</h2>
<p>La marque est inhérente à l’univers et au personnage de 007 et il est difficile de cerner si ce sont les films qui font la promotion d’Aston Martin ou si la marque sert à construire le film. Les deux entités se répondent, s’enchevêtrent et s’emboîtent dans une forme de symbiose sémantique. Le fan de James Bond a attendu trois films avant de retrouver un attribut essentiel à la saga : les produits truqués notamment l’Aston Martin-gadget-arme. Du point de vue du placement publicitaire, la présence du produit dans le film fonctionne comme un teaser : film après film, une attente se créée jusqu’au climax qui révèle l’indispensabilité et la suprématie du produit.</p>
<p>Plus encore, la sortie du prochain opus s’accompagne d’une annonce importante de la marque. Aston Martin décide, après une jachère de près de 55 ans, de reprendre la production de la DB5. Vingt-cinq unités produites et vendues chacune trois millions d’euros. Il ne s’agit pas d’une DB5 ordinaire, mais de la DB5 <em>de James Bond</em>. Créée en partenariat avec les producteurs des films, EON Productions, la voiture porte la dénomination de « DB5 Goldfinger Continuation » et dispose de certains gadgets utilisés dans les films : le générateur de fumigène, les supports de plaque d’immatriculation rotatifs, les butoirs de pare-chocs escamotables et le téléphone dans la porte conducteur.</p>
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<span class="caption">Aston Martin relance la fabrication de la DB5 de James Bond.</span>
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<p>Aston Martin a bâti une opération de storytelling sur plusieurs années en s’inscrivant au cœur de la saga cinématographique. La marque brouille ainsi la frontière entre la fiction et le réel, entre l’identité de l’acteur et celle du personnage (Comme dans le spot publicitaire <a href="http://www.culturepub.fr/videos/heineken-daniel-craig-vs-james-bond/">« Daniel Craig VS James Bond »</a>, produit par Heineken (États-Unis, 2020), entre la voiture fictive et celle vendue en concession.</p>
<p>La nouvelle « DB5 Goldfinger Continuation » donne l’illusion au consommateur d’être un super agent ou, à défaut, d’être un consom’acteur. Les films 007 ont besoin de la marque pour immortaliser le personnage bondien. La marque a besoin des films pour pérenniser son prestige et la fascination qu’elle inspire. James Bond et Aston Martin, ou comment un placement de produit façonne une alliance indéfectible.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/133009/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Delphine Le Nozach ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La sortie de « Mourir peut attendre », programmée au printemps prochain, est l’occasion d’analyser le rôle de la marque Aston Martin et la manière dont elle participe à la construction du personnage.Delphine Le Nozach, Maître de conférences en Sciences de l'information et de la communication, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1468882020-10-01T18:53:06Z2020-10-01T18:53:06ZLa Covid-19, un premier pas vers la paix économique ?<p>La crise sanitaire et économique liée à la Covid peut être vue comme un risque d’effondrement mondial, mais elle peut aussi être pensée comme le révélateur de notre interdépendance et le déclencheur d’une nouvelle façon de construire la vie en société et les relations entre les nations. </p>
<p>C’est notamment ce que laisse penser l’acceptation par les pays de l’Union européenne d’une <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/275295-ue-un-plan-de-relance-economique-de-750-milliards-deuros">dette commune</a> pour soutenir les plus fragiles. Il nous semble cependant que des progrès sont encore à faire en la matière, car les discours de soutien naissent encore trop souvent de la conscience des risques économiques encourus par les pays les plus forts s’ils ne soutiennent pas les plus faibles et pas nécessairement d’une intention humaniste.</p>
<p>Cette prise de conscience des interdépendances fait écho aux <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/ei/1984-v15-n2-ei3017/701670ar/">travaux de l’économiste Georges de Ménil</a> qui, dans son ouvrage sur l’interdépendance des politiques économiques des nations, évoquait en 1983 le fait qu’aucune nation, même parmi les plus puissantes, n’était en mesure de résoudre avec efficacité ses difficultés si elle agissait seule.</p>
<h2>Une utopie en action</h2>
<p>Aujourd’hui, les événements qui s’enchaînent nous montrent que les esprits s’ouvrent et qu’il nous faut agir pour pérenniser l’élan constructif et respectueux de la vie contenu dans cette période avant qu’une peur ou une finance incontrôlée ne réimposent leurs lois. Nous pouvons dire sans hésitation que jamais dans les années passées, il n’y avait eu autant d’efforts pour faire valoir la nécessité d’un agir ensemble.</p>
<p>Autrement dit, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/paix-economique-36749">paix économique</a> semble prendre son essor. Ce principe, sur lequel nous travaillons depuis 2008, n’est pas une théorie économique, c’est en effet un engagement, une utopie en action qui nous propose un nouvel horizon. La paix économique redonne le pouvoir d’agir et de créer ensemble, de reprendre part à la vie économique en rejetant l’obligation à l’hyperconsommation et à l’hypercompétition.</p>
<p>Prenons quelques exemples pour illustrer cette montée en puissance. D’abord, s’est engagé récemment en Rhône-Alpes un travail dont l’intention est de mobiliser différents acteurs – préfecture, département, offices des HLM, entreprises privées et centre de recherche – pour transformer les relations, renforcer le tissu social et co-construire un territoire de paix en projetant de nouvelles idéalités et en conduisant des transformations pragmatiques : des cultures managériales, aux transports en passant par le logement ou les relations entre administrations publiques et entreprises privées.</p>
<p>À une échelle plus large, le plus complexe à faire évoluer tant les frontières réelles des pays ou virtuelles de la concurrence sont puissantes, la prise de conscience de la nécessité d’actions communes semble également apparaître au plus haut niveau.</p>
<p>Ainsi, Jürgen Braunstetter, chef du département <em>supply chain</em> (chaînes de fournisseurs) du groupe de pneumatiques allemand Continental nous donne un exemple de la montée en puissance de la prise de conscience dans le monde économique, dans une <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/07/17/le-choc-subi-par-l-industrie-dans-la-crise-sanitaire-a-ete-un-revelateur-pour-l-allemagne_6046486_3210.html">interview</a> accordée au journal Le Monde en juillet dernier :</p>
<blockquote>
<p>« L’Italie du Nord est très performante dans la production de certaines pièces qui sont essentielles dans l’industrie automobile : les pièces de fonte, les faisceaux de câblage, l’électronique et les techniques de connexion… Pendant les premières semaines de l’épidémie, j’étais en contact permanent avec les responsables des chaînes d’approvisionnement au sein de la fédération automobile allemande (VDA). Nous étions d’accord sur le fait que les fournisseurs d’Italie du Nord devaient continuer à produire le plus longtemps possible… L’expérience nous a rendus modestes ».</p>
</blockquote>
<p>Bien sûr, il est probable que l’élan de ce regard nouveau a été guidé par la peur des conséquences pour le marché national de l’épidémie chez les fournisseurs étrangers, mais peut-être nous faut-il accepter qu’il n’y a en économie et en politique d’altruisme que dans un intérêt commun.</p>
<h2>Du jugement moral à la compréhension</h2>
<p>À cause de cette pandémie, « jamais encore la circulation des marchandises entre les pays de l’UE n’avait été autant perturbée. Jamais les industriels ne s’étaient à ce point rendus compte qu’ils dépendaient des frontières ouvertes et de la fluidité des chaînes de sous-traitance intraeuropéennes pour leur production », comme cela est très justement relevé dans l’article du Monde qui évoque Continental.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1284102320226291712"}"></div></p>
<p>Enfin, la conscience de cette interdépendance aura eu raison des résistances nationales à engager un emprunt commun européen, ce qui est une <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/07/21/un-emprunt-de-750-milliards-d-euros-et-une-solidarite-difficilement-forgee-les-europeens-s-accordent-sur-un-plan-de-relance-historique_6046802_3210.html">révolution dans l’Union</a>. Si l’on compare avec la gestion de la crise grecque il y a quelques années, l’expérience directe de tous les états européens face à la pandémie nous aura fait passer d’un jugement quasi moral sur un état défaillant, considéré comme « pécheur » à l’époque, à la compréhension de la nécessité d’une dette commune.</p>
<p>Si l’on reste à ce niveau macro, il convient de créer cette solidarité au-delà même de l’Union européenne, non plus en raison de la nécessité de protéger notre marché commun face à la concurrence, mais parce que ceux qui en ont les moyens, se doivent de soutenir les plus faibles pour juguler les pandémies à venir, ralentir le dérèglement climatique travailler au problème du manque d’eau et de la faim dans de très nombreux pays.</p>
<p>Pour l’ensemble de ces défis dans lesquels tous les acteurs sont de fait impliqués, nous le comprenons mieux aujourd’hui, la simple question des frontières et des chauvinismes économiques est devenue archaïque, obsolète et ridicule.</p>
<p>… Mais au-delà, pour avancer sur ce chemin périlleux faut-il encore repenser l’éducation de nos futurs leaders !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146888/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dominique Steiler ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La prise de conscience récente de la nécessité de préserver ses partenaires économiques aura notamment eu raison des résistances nationales à engager un emprunt commun européen.Dominique Steiler, Titualire de la chaire Mindfulness, Bien-être au travail et paix économique, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1437002020-09-28T18:19:11Z2020-09-28T18:19:11ZPublicité : prendre sa part dans la transition écologique<p>Depuis plusieurs années, la question de la publicité revient régulièrement dans le débat public. Comment concilier les impératifs écologiques et sociaux, qui impliquent de consommer moins et mieux, et l’existence de la publicité, qui permet d’orienter les choix des personnes, mais qui a également une fonction d’incitation à l’achat ?</p>
<p>En juin, la Convention citoyenne pour le climat dévoilait ses 150 propositions, parmi lesquelles apparaissait la <a href="https://propositions.conventioncitoyennepourleclimat.fr/objectif/reguler-la-publicite-pour-reduire-les-incitations-a-la-surconsommation/">régulation de la publicité</a>, dans l’objectif de « réduire les incitations à la surconsommation ».</p>
<p>Ce même mois de juin, trois rapports sur le sujet avaient été dévoilés : celui du SPIM <a href="https://sp-im.org">Big Corpo</a>, le <a href="https://app.luminpdf.com/viewer/5ee35dd432dd2e0012f40a18">rapport Libaert & Guibert</a> commandé par la ministre de l’Écologie et l’étude réalisée par <a href="https://www.greenpeace.fr/espace-presse/rapport-pour-une-loi-evin-climat-interdire-la-publicite-des-industries-fossiles/">l’ONG Greenpeace</a>.</p>
<p>Le groupe parlementaire Écologie-démocratie-solidarité présente de son côté une « proposition de loi pour faire de la publicité un levier au service de la transition écologique et de la sobriété et pour réduire les incitations à la surconsommation ». Enfin, l’Ademe et l’ARPP ont publié en septembre le <a href="https://presse.ademe.fr/2020/09/publication-du-10eme-bilan-publicite-et-environnement-realise-conjointement-par-lademe-et-larpp.html">bilan « Publicité et environnement »</a> qui met en lumière une forte hausse, pour la première fois depuis dix ans, du taux de non-conformité des publicités par rapport à la recommandation développement durable et donc un respect moindre des règles déontologiques, sur tous les supports.</p>
<p>Ces résultats sont significatifs et inquiétants. Ils révèlent une baisse de vigilance de l’ensemble des acteurs (annonceurs, agences-conseils, diffuseurs) lors de la conception et de la validation des publicités.</p>
<p>L’Ademe s’est intéressée depuis longtemps à la façon dont celles-ci façonnent nos modes de consommations, nos références et nos représentations sociales. Elle s’est ainsi questionnée sur la manière dont la publicité pourrait jouer un rôle positif dans la transition écologique et contribuer d’une part à freiner la surconsommation et réorienter nos choix vers des achats plus durables, d’autre part à proposer de nouveaux imaginaires collectifs plus soutenables.</p>
<p>Rappelons qu’en France, les dépenses publicitaires totales représentaient, en 2019, la somme de 34 milliards d’euros par an, soit une progression de 2 % par an depuis 2015. La part des dépenses en publicité digitale – portée par la publicité sur mobile – a augmenté de <a href="https://www.ademe.fr/etude-marche-publicitaire-France">7 points entre 2015 et 2019</a>, au détriment de l’ensemble des autres catégories pour atteindre près de 7 milliards d’euros.</p>
<h2>Les consommateurs désireux de changement</h2>
<p>La communication, en particulier publicitaire, dispose d’un très fort pouvoir d’influence sur la société : elle transmet des messages, des valeurs et des modèles culturels qui contribuent eux-mêmes à faire évoluer les imaginaires et les normes ou représentations qu’elle véhicule. En fonction de la promotion qu’elle fera ou non de modes de vie compatibles avec les limites de la planète, elle participera à modeler la société de demain. Le secteur serait donc un vecteur de poids pour valoriser de nouvelles mobilités, de nouvelles façons d’habiter, de s’équiper, de se nourrir, de vivre ensemble…</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1168316417743233024"}"></div></p>
<p>Elle a d’autant plus intérêt à saisir ce tournant que le rapport des Français à la consommation et à la publicité a très largement évolué, comme l’indiquent un certain nombre d’indicateurs récents. <a href="https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/ademe_le_mag_n129_faits-et-chiffres.pdf">Pour 63 % des Français interrogés</a>, le fait qu’une entreprise propose des produits durables renforce leur confiance en elle. Près de <a href="https://www.greenflex.com/communique-de-presse/barometre-consommation-responsable-2019-sortons-mythe-croissance-infinie/">9 Français sur 10</a> considèrent que les entreprises les incitent à la surconsommation et 78 % souhaiteraient disposer d’informations sur l’impact environnemental et social des biens qu’ils achètent.</p>
<p>Par conséquent, l’évolution des messages publicitaires et des représentations que ces derniers véhiculent répond à un double enjeu : au niveau sociétal, développer la capacité de la société à opérer, plus ou moins vite, une transition écologique à travers la mise en avant de pratiques et de produits à moindres impacts sociaux et environnementaux. Au niveau productif, inciter les annonceurs – et spécifiquement les entreprises en charge de l’offre – à faire évoluer leur lien avec les consommateurs en développant une nouvelle relation de confiance fondée notamment sur une offre de produits plus durables et une communication claire sur leurs impacts.</p>
<h2>Régulation et formation des professionnels</h2>
<p>En France, l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), avec qui travaille l’Ademe, est déjà chargée d’un contrôle avant diffusion des contenus publicitaires, dont résulte un avis favorable ou non : dans le cas de la télévision, il doit être obligatoirement suivi ; dans les autres cas, il reste à l’appréciation des annonceurs. Si ces derniers décident malgré tout de diffuser une publicité qui enfreint les règles déontologiques, ils s’exposent – à la suite du dépôt rapide d’une plainte – à un avis a posteriori d’une autre instance, le jury de déontologie publicitaire, qui sera communiqué et pourra nuire à leur image.</p>
<p>Cette autorégulation a toutefois des limites. L’évolution au 1<sup>er</sup> août 2020 des recommandations de l’ARPP témoigne d’une démarche de progrès, mais les précédentes recommandations étaient déjà riches et potentiellement très efficaces. La question majeure réside d’une part dans l’interprétation et la mise en œuvre des recommandations de cette instance, qui impliquent notamment une meilleure compréhension des enjeux environnementaux et climatiques auxquels nous faisons collectivement face. D’autre part, dans l’évolution et l’ouverture de la gouvernance de l’ARPP à la société civile et en particulier aux représentants des ONG.</p>
<p>Travailler sur les messages publicitaires afin de les faire évoluer vers des contenus plus en phase avec les objectifs écologiques et sociaux exige à la fois un encadrement clair des pratiques et une montée en compétences des professionnels de la publicité et du marketing, encore trop peu formés aux enjeux écologiques.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1221573870739755010"}"></div></p>
<h2>Améliorer l’information des consommateurs</h2>
<p>Le changement de paradigme évoqué précédemment nécessite de réguler et d’améliorer l’information du consommateur, en imposant par exemple l’affichage bien visible des informations environnementales (en particulier réglementaires, comme l’étiquette énergie ou le futur indice de réparabilité) dans les publicités tout support ou en contrôlant sévèrement les publicités manifestement trop « agressives » (promotion déraisonnable…), notamment en période de soldes (1 produit acheté, 2 offerts…).</p>
<p>L’affichage de l’impact carbone des mobilités dans le secteur des transports est également un point d’importance, en particulier en ce qui concerne le secteur aérien.</p>
<p>Il s’agit également de proposer des mécanismes de rééquilibrage de certaines représentations au profit de solutions plus en phase avec les objectifs nationaux et internationaux (Accord de Paris). Un exemple marquant est celui de la voiture, qui jouit d’une place dominante dans la publicité par rapport à d’autres modes de mobilités, plus douces, qui mériteraient d’être davantage promues. La création d’un fonds (formalisée dans le rapport Libaert/Guibert) abondé via une contribution sur les dépenses publicitaires et spécifiquement dédié à des pratiques et messages écoresponsables (qu’il reste bien sûr à définir) permettrait de répondre à cet enjeu central.</p>
<h2>Impliquer les annonceurs</h2>
<p>Les médias et annonceurs ont par ailleurs un rôle fondamental à jouer, quand bien même leur modèle économique repose sur les recettes de leur régie publicitaire.</p>
<p>Certaines se veulent proactives dans le choix des réclames, à l’instar de TF1 publicité qui, accompagnée de l’Ademe, a développé en 2020 une offre visant à proposer des espaces dédiés pour des publicités portant sur des produits à moindre impact sur l’environnement.</p>
<p>Dans l’offre proposée par TF1, les publicités pour ces produits seraient encadrées par des « écrans » spécifiques avec obligation d’intégrer visuellement l’information environnementale (différenciant donc le produit sur le volet environnemental).</p>
<h2>Evaluer et réduire l’impact de la publicité</h2>
<p>Au-delà des messages véhiculés par la publicité, cette dernière développe comme toute activité des impacts environnementaux. En particulier, la publicité numérique a explosé au cours des dernières années, à la fois sur Internet, mais également sur les panneaux numériques. Dans une étude à paraître, l’Ademe a calculé <a href="https://www.ademe.fr/modelisation-evaluation-environnementale-panneaux-publicitaires-numeriques">l’impact carbone annuel de telles installations</a>.</p>
<p>Un écran publicitaire LCD numérique de 2m<sup>2</sup> consomme 2 049 kWh/an, ce qui est proche de la consommation électrique moyenne d’un ménage français (hors chauffage) (2 350 kWh/an). Les 1 400 écrans parisiens, présents dans le métro et les gares, consomment autant d’électricité en un an que l’ensemble des écoles élémentaires d’un arrondissement moyen de Paris. Quant à leur fabrication, une seule de ces installations implique de mobiliser 8 tonnes de matériaux pour un panneau de 200 kg.</p>
<p>Le flux de papiers et notamment de prospectus non adressés s’est quant à lui maintenu. La loi antigaspillage adoptée le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000041553759/">10 février dernier</a> a certes durci le dispositif légal qui encadre la mention « STOP PUB » sur les boîtes aux lettres, mais il ne suffira pas à mettre fin aux nombreux prospectus distribués quotidiennement et non lus, entraînant des gaspillages inacceptables.</p>
<p>Il apparaît donc nécessaire d’améliorer la connaissance des impacts des pratiques publicitaires, volet complémentaire des messages délivrés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/143700/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Galio ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les impératifs écologiques et sociaux invitent à repenser le rôle de la publicité qui doit prendre toute sa place dans de nouveaux modèles de production et de consommation.Pierre Galio, Chef du service « Consommation et prévention », Ademe (Agence de la transition écologique)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1428812020-09-08T18:48:14Z2020-09-08T18:48:14ZQuatre idées reçues sur le gaspillage d’objets<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/356820/original/file-20200907-14-17bhv2s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=58%2C15%2C1805%2C1306&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le gaspillage commence souvent dès l’achat.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/85546319@N04/9164966607">Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Les Françaises et les Français rejettent unanimement le « gaspillage », qu’ils associent très largement <a href="https://www.ademe.fr/node/385168/interview-public-a-representations-erronees-gaspillage-objets">au gaspillage alimentaire</a>. Or le gaspillage concerne aussi les objets et les ressources utilisées pour leur fabrication. Par exemple, il a été estimé que <a href="https://www.adnfrance.org/wp-content/uploads/2016/07/rapport-etude-potentiel-dons-non-alimentaires-2014.pdf">630 millions d’euros de biens non-alimentaires invendus</a> sont détruits chaque année même s’ils sont encore en bon état. Et dans chacun de nos foyers, nous possédons en moyenne 2,5 tonnes de meubles et électroménager, dont <a href="https://theconversation.com/impact-de-notre-consommation-sur-lenvironnement-une-vaste-etude-fait-le-point-103931">l’impact environnemental</a> pourrait représenter près de 25 % des émissions de CO<sub>2</sub> de la population.</p>
<p>On n’a pas toujours <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-pas-facile-de-realiser-tout-ce-quon-gaspille-125576">conscience de tout ce que l’on détient et éventuellement gaspille</a>. En particulier, de nombreux objets inutilisés sont devenus plus visibles pendant la période de confinement pour celles et ceux qui en ont profité pour <a href="https://theconversation.com/trier-reemployer-reparer-entretenir-confines-quatre-conseils-pour-une-consommation-plus-sobre-136915">ranger et trier leurs possessions</a>. Le « monde d’après » le confinement pourrait-il être plus sobre ?</p>
<p>Les <a href="https://www.ademe.fr/node/385168/gaspillage-representations-pratiques">recherches en sciences sociales soutenues par l’Agence de la transition écologique (Ademe)</a> invitent à remettre en question les idées reçues sur le gaspillage d’objets, de façon à mieux l’éviter. Voici quatre idées passées à la loupe, extraites du <a href="https://www.ademe.fr/valorisation-recherches-sciences-sociales-gaspillage-non-alimentaire">rapport de synthèse</a> visant à valoriser les travaux des chercheurs sur ce sujet. Elles n’offrent qu’un aperçu des résultats présentés dans le document.</p>
<h2>Gaspiller, ce serait uniquement jeter</h2>
<p>Selon les personnes interrogées, le gaspillage se définit principalement par le fait de jeter un bien qui <a href="https://www.ademe.fr/prevenir-gaspillage-objets-prise-conscience">pourrait être utilisé</a>. Cela s’explique en partie par l’importance du gaspillage alimentaire dans les représentations : la nourriture non consommée est effectivement jetée, contrairement à des objets qui peuvent être inutilisés sans pour autant partir à la poubelle.</p>
<p>Le recyclage est alors souvent perçu comme une solution contre le gaspillage, dans le sens où cela permet de réemployer les matériaux et les ressources. Mais recycler un objet peu ou pas utilisé constitue aussi une forme de gaspillage, si l’on définit ce dernier par la <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/%28SICI%291099-0771%28199609%299%3A3%3C213%3A%3AAID-BDM230%3E3.0.CO%3B2-1">perte d’utilité</a> des objets, pour soi ou pour autrui. Ce gaspillage peut commencer dès l’acquisition des biens, notamment lorsqu’ils sont achetés en « cédant à la tentation », comme l’évoquent 35 % des <a href="https://www.ademe.fr/reduction-dechets-gaspillage-opinions-pratiques-francais-2019">personnes interrogées sur le sujet</a>. Et même si les pratiques des Français ne reflètent pas forcément leurs représentations, 74 % considèrent qu’acheter des produits sans en avoir besoin est une forme de gaspillage.</p>
<p>La possession d’objets qui finissent par être gaspillés s’explique non seulement par des achats sources de déception, parfois impulsifs, avec une utilité fantasmée ou encouragée par la publicité, mais aussi par des objets imposés, par exemple en héritage ou en cadeau. Que faire de ces objets s’ils ne correspondent pas à un besoin ou une pratique ?</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/44ARrP8yM-Y?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">120 secondes pour comprendre… le réemploi et la réutilisation. Source Ademe.</span></figcaption>
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<h2>Garder permettrait de ne pas gaspiller</h2>
<p>Alors que le sentiment de culpabilité rend difficile de les jeter, les objets sous-utilisés sont généralement accumulés parce qu’ils ne sont pas ou plus intégrés à des activités et des pratiques. C’est le cas des appareils de cuisine réservés à des occasions spéciales ou encore du matériel de bricolage pour des projets ponctuels ou même inachevés. Des changements dans les routines et les pratiques, comme un nouveau lieu de vie ou l’arrêt d’une activité sportive, rendent aussi les objets inadéquats.</p>
<p>Il est d’autant plus difficile de s’en séparer qu’ils sont associés à un imaginaire, source d’attachement. La notion d’« utilité future » ou d’utilité « hypothétique » explique que l’on garde ces objets, pour soi ou pour d’autres, sans avoir conscience de les gaspiller. Certains sont en attente d’être redécouverts, comme des vêtements que l’on pense remettre.</p>
<p>D’autres ne fonctionnent plus mais sont conservés dans l’idée de les réparer un jour (avec une représentation pourtant abstraite de leur utilité), à l’instar de <a href="https://www.ademe.fr/tiroirs-pleins-telephones-remplaces-consommateurs-objets-a-obsolescence-percue">téléphones</a> ou objets électroniques. Une partie est progressivement mise à distance et oubliée, notamment dans des placards peu accessibles, à la cave ou au grenier. Beaucoup deviennent véritablement obsolètes et donc inutilisables avec le temps.</p>
<p>Certes, garder évite de jeter. Mais les Français enquêtés tendent à oublier qu’un objet (ou ce qui le compose) peut être vendu ou donné à quelqu’un qui en aura un usage présent et futur supérieur, lui conférant une nouvelle vie. Les possibilités de remise en circulation des objets par des associations caritatives et des filières de réemploi sont souvent mal connues, ou difficiles d’accès (lieux de collecte ou horaires). Certains interrogés considèrent par ailleurs que le don ou le réemploi constitue du gaspillage, proche de l’acte de jeter, du fait de la <a href="https://www.ademe.fr/etude-pratiques-discours-representations-relatifs-gaspillage-gachis">distance sociale avec les futurs utilisateurs des objets</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1301885061046964225"}"></div></p>
<h2>Être antigaspi, une affaire de bobos ?</h2>
<p>Les recherches et enquêtes en sciences sociales indiquent par ailleurs, sans généraliser pour autant, que les individus engagés contre le gaspillage appartiennent le plus souvent aux classes supérieures, évoluant dans des milieux qui leur permettent de contrôler leurs pratiques et d’adopter une approche gestionnaire de leur consommation. L’« anti-gaspi » nécessite du temps et des compétences pour transformer, réutiliser, et faire recirculer les objets, plus accessibles aux milieux plutôt privilégiés avec un capital culturel conséquent. Néanmoins, les <a href="https://www.geo.fr/environnement/les-plus-concernes-par-lenvironnement-sont-aussi-ceux-qui-polluent-le-plus-selon-une-etude-195029">plus riches</a> sont aussi ceux qui consomment – et potentiellement gaspillent – le plus.</p>
<p><a href="https://www.ademe.fr/valorisation-recherches-sciences-sociales-gaspillage-non-alimentaire">Certains travaux</a> révèlent aussi les capacités des classes populaires à s’engager dans des pratiques écologiques et plus particulièrement dans la réduction du gaspillage, par exemple en bricolant et réparant les objets, en s’appuyant sur des compétences issues de traditions familiales et un « ethos » ouvrier. L’anti-gaspillage permet certainement de faire des économies, mais il révèle aussi l’existence d’une « conscience écologique » au sein de cette partie de la population. Celle-ci n’est pas homogène, même si l’expérience récente du confinement tend à montrer qu’elle aspire à une « utopie sécuritaire » par opposition à <a href="https://lobsoco.com/les-perspectives-utopiques-des-francais-au-temps-du-covid-19/">l’attrait pour l’« utopie écologiste »</a> des classes supérieures.</p>
<p>Plus que la classe sociale, d’autres déterminants comme l’âge et le genre jouent dans les représentations du gaspillage et les pratiques associées. Par exemple, les 15-24 ans ont été davantage sensibilisés à ses conséquences, <a href="https://www.ademe.fr/etude-pratiques-discours-representations-relatifs-gaspillage-gachis">notamment en matière de vêtements et d’emballages</a>. Les femmes, qui sont largement sur-représentées <a href="https://www.ademe.fr/etude-reseaux-emergents-lutte-contre-gaspillage-passeurs-lutte-contre-gaspillage">parmi les militants et militantes anti-gaspi</a>, associent davantage le gaspillage aux objets du quotidien et aux pratiques domestiques (enfants, maison), dont la répartition genrée demeure inégale. Les hommes évoquent de leur côté les causes systémiques qui encouragent à la surconsommation, par exemple de téléphones portables.</p>
<h2>Le gaspillage, c’est la société de consommation</h2>
<p>De manière générale, les personnes interrogées tendent à croire que le gaspillage, « c’est les autres », qu’elles gâchent moins que la plupart des gens, ou bien que la société de consommation, les supermarchés, les industriels, sont seuls responsables. Par ailleurs, elles n’ont pas toujours conscience de leur propre gaspillage, notamment parce que le gâchis est principalement associé au fait de jeter à la poubelle, et pas forcément au fait d’acheter, stocker, ou accumuler des objets.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1187192646965649408"}"></div></p>
<p>Non seulement la société de consommation pousse à gaspiller, mais un sentiment d’impuissance fait aussi obstacle aux démarches positives de prévention. Pourtant, il existe de nombreuses façons d’agir, individuellement et collectivement. Sous l’impulsion d’associations et mouvements militants tels que <a href="https://www.zerowastefrance.org/">Zero Waste France</a>, de nombreuses filières de réparation et de réutilisation se sont développées ces dernières années, à l’instar des <a href="https://repaircafe.org/fr/">Repair Cafés</a> ou des <a href="https://www.ademe.fr/etude-reseaux-emergents-lutte-contre-gaspillage-passeurs-lutte-contre-gaspillage">ateliers couture</a>. Des milliers de citoyen·ne·s se sont même engagés dans un défi <a href="https://riendeneuf.org/">« Rien de neuf »</a>, consistant à ne rien acheter neuf pendant une année.</p>
<p>L’action publique a un rôle à jouer pour soutenir ces initiatives sur les territoires, leur apporter des ressources et infrastructures adaptées, et les généraliser en dehors de milieux militants. Et au-delà de l’engagement des citoyens, des évolutions réglementaires récentes responsabilisent aussi les industriels avec par exemple <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/loi-anti-gaspillage#e8">l’interdiction de détruire des produits invendus</a>, y compris non alimentaires.</p>
<p>À l’heure d’établir des plans de relance pour pallier les effets de la crise sanitaire, comment soutenir des modes de production et de consommation incitant moins au gaspillage de ressources ? Pour construire un « monde d’après » plus durable, l’engagement de militants « zéro déchet » ou même de « consommateurs responsables » ne sera pas suffisant.</p>
<p>Nous, citoyens et citoyennes, pouvoirs publics, mais aussi sphère économique devons repenser nos modèles de production et de consommation qui encouragent à acheter, stocker, accumuler, et finalement gaspiller. Pour les objets comme pour l’alimentation, nous pouvons développer des démarches « anti-gaspi » positives, en nous appuyant sur des <a href="https://longuevieauxobjets.gouv.fr/">solutions concrètes</a> et facilement accessibles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/142881/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
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</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marie Mourad ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Souvent associé à l’alimentaire, le gaspillage concerne aussi les objets. Pour mieux lutter contre, des recherches en sciences sociales ont décortiqué les idées reçues qui l’entourent.Marianne Bloquel, Direction Économie circulaire et déchets, service Consommation et prévention, Ademe (Agence de la transition écologique)Marie Mourad, Sociologue (Doctorat du Centre de Sociologie des Organisations), Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1399832020-06-23T20:50:04Z2020-06-23T20:50:04ZObjets connectés, un pari pas toujours gagnant pour les clients<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/342443/original/file-20200617-94078-dgpmrk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=179%2C29%2C4812%2C3293&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans le monde de l’Internet des objets, un produit a plus de valeur si ses fonctionnalités évoluent et s’enrichissent avec le temps.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://image.shutterstock.com/image-photo/on-office-man-using-his-600w-376467346.jpg">PopTika / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Alors que la PlayStation 5 vient <a href="https://www.tomsguide.fr/ps5-ce-que-lon-sait-de-la-prochaine-console-de-sony/">à peine d’être dévoilée</a>, il est probable que ses acheteurs devront, avant de pouvoir y jouer, s’armer de patience pour y faire toutes les mises à jour d’usage.</p>
<p>Même si par nature l’industrie du jeu vidéo se prête particulièrement à cette tendance, l’imbrication croissante des logiciels dans les produits physiques n’épargne a priori aucun secteur.</p>
<p>Notre vie quotidienne est ainsi de plus en plus imprégnée d’objets connectés, allant des <a href="https://theconversation.com/montres-connectees-lheure-de-la-revolution-na-pas-encore-sonne-113216">montres</a>, frigos, micro-ondes, voitures… jusqu’aux <a href="http://coolnews.fr/listes/les-10-objets-connectes-les-plus-improbables/52">plus improbables</a>, dont les <a href="https://www.frandroid.com/marques/xiaomi/635257_voici-les-toilettes-connectees-de-xiaomi">toilettes</a> ! Si ces produits apportent d’indéniables avantages, il est cependant important de s’interroger également sur les limites et les contraintes qui les accompagnent.</p>
<h2>Un marché en croissance et porteur de promesses</h2>
<p>Le marché des objets connectés grand public (communément qualifié d’Internet des objets – ou <a href="https://ieeexplore.ieee.org/abstract/document/5307747">IoT pour Internet of Things</a>) est évalué à <a href="https://www.statista.com/statistics/976313/global-iot-market-size/">248 milliards de dollars en 2020</a>, avec une estimation à 1 567 milliards à l’horizon 2025. Discutables, ces chiffres n’en révèlent pas moins une tendance lourde de connectivité des objets du quotidien.</p>
<p>En effet, outre des objets naturellement dépendants de logiciels (ordinateurs, smartphones, tablettes, liseuses numériques, etc.), tout bien matériel est aujourd’hui susceptible d’être connecté.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-objets-connectes-nouveaux-fetiches-du-monde-moderne-108311">Les objets connectés, nouveaux fétiches du monde moderne</a>
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<p>Côté entreprises, cela transforme profondément les <a href="https://hbr.org/2014/11/how-smart-connected-products-are-transforming-competition">dynamiques concurrentielles</a>. Côté consommateurs, nous vivons dans un monde dans lequel les fonctionnalités de produits aussi simples qu’un <a href="https://www.miroir-connecte.net/">miroir</a> ou un <a href="https://www.on-mag.fr/index.php/video-hd/news/18796-miliboo-lance-un-canape-connecte-et-immersif-notamment-dedie-aux-amateurs-de-home-cinema-et-de-jeux-video">canapé</a> peuvent évoluer et en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S109499681730035X">accroître la valeur d’usage</a> au fil du temps.</p>
<p>Cette connectivité, et l’évolutivité qui en résulte, génèrent de multiples avantages : programmation et automatisation (pour des volets, des luminaires, etc.) qui facilitent la vie, gains de temps, dépannage à distance, etc. Sans compter que ces perfectionnements progressifs sont supposés diminuer la fréquence de remplacement des produits et induire des gains écologiques substantiels.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/342439/original/file-20200617-94070-1lzvh4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/342439/original/file-20200617-94070-1lzvh4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/342439/original/file-20200617-94070-1lzvh4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/342439/original/file-20200617-94070-1lzvh4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/342439/original/file-20200617-94070-1lzvh4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/342439/original/file-20200617-94070-1lzvh4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/342439/original/file-20200617-94070-1lzvh4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La domotique consiste à centraliser le contrôle des différents systèmes de la maison (chauffage ou prises électriques par exemple) pour notamment permettre des gains d’énergie.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://image.shutterstock.com/image-photo/woman-using-smart-wall-home-600w-774151222.jpg">goodluz/Shutterstock</a></span>
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<p>Alors qu’il était auparavant nécessaire de racheter la nouvelle version d’un produit qui ne pouvait être mis à jour, le client peut maintenant bénéficier d’améliorations constantes – voir par exemple les casques intra-auriculaires sans fil de la marque Jabra dont la récente mise à jour en a enrichi <a href="https://www.theverge.com/21273578/jabra-elite-75t-customizable-controls-mysound-hearing-test-now-available">l’ergonomie et les fonctionnalités</a>.</p>
<h2>Le risque d’une expérience initiale dégradée</h2>
<p>Cependant, tout n’est pas rose au pays des produits connectés. Avant de bénéficier de ces améliorations futures, les clients doivent aussi être prêts à vivre tout d’abord une expérience de consommation dégradée. Ceci n’est pas un problème lorsque l’entreprise est transparente sur ce point et permet au consommateur de choisir en connaissance de cause.</p>
<p>Ainsi, certains achètent volontairement un produit dont la valeur d’usage n’est pas optimale, mais dont le fabricant promet qu’elle sera accrue au fur et à mesure. Cela est courant sur les plates-formes de financement participatif (ou crowdfunding) comme Kickstarter, Ulule ou KissKissBankBank, sur lesquelles les clients achètent des produits dont ils savent qu’ils seront mis à jour ensuite pour leur permettre d’en profiter pleinement.</p>
<p>Par exemple, les acheteurs du petit robot éducatif <a href="https://fr.ulule.com/winky-robot/">Winky</a>, dont le but est d’initier les enfants à la programmation, savaient en le commandant sur Ulule qu’ils recevraient une version non finalisée, laquelle serait ensuite dotée de modules complémentaires via des mises à jour de l’application.</p>
<p>Mais toutes les entreprises n’ont pas le même degré de transparence quant au niveau d’aboutissement initial de leur offre. Qu’il s’agisse d’une démarche volontaire ou que cela soit lié à des problèmes de développement imprévus, le résultat est finalement le même pour le client commandant un produit dont il ne peut que partiellement bénéficier.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/-6CaChEcRF4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Vidéo de la chaîne M6 présentant le robot éducatif et évolutif Winky.</span></figcaption>
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<p>Ainsi, les acquéreurs de la Volkswagen ID3 recevront en septembre 2020 un véhicule dont le système d’infotainment (infodivertissement) et d’affichage tête haute ne seront au mieux activés <a href="https://www.theverge.com/2020/6/11/21288572/volkswagen-id3-ev-delay-software-vw-herbert-diess">qu’à la fin de l’année</a> – ce qu’ils ignoraient à la commande.</p>
<h2>Attention aux mauvaises surprises ultérieures</h2>
<p>Ceci nous amène en outre à souligner la capacité qu’ont dorénavant les entreprises de limiter leurs produits après leur vente. En effet, certains peuvent être dégradés, voire devenir totalement inutilisables. Ils perdent alors tout ou partie de la valeur d’usage pour laquelle les clients ont payé. Ceci entraîne alors des phénomènes de <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/08876041011072546/full/html">codestruction de valeur</a> dommageables pour les clients. Pareils cas se sont multipliés ces dernières années.</p>
<p>C’est par exemple le cas de <a href="https://www.pocket-lint.com/fr-fr/maison-connectee/actualites/amazon/140903-qu-est-ce-que-amazon-echo-look-et-comment-cela-fonctionne-t-il">l’Echo Look</a>, une caméra à activation vocale doublée d’un haut-parleur commercialisée par Amazon mi-2017 au prix de 200 dollars. Couplé à une application et à un système d’intelligence artificielle alimenté par des spécialistes de la mode, cet appareil se voulait un assistant personnel donnant des conseils de style sur la base des photos ou vidéos prises par les utilisateurs.</p>
<p>Après l’avoir enrichi de <a href="https://www.theverge.com/2018/2/7/16984218/amazons-echo-look-collections-feature-curated-content-vogue-gq">nouvelles fonctionnalités</a> courant 2018, Amazon a cependant annoncé en mai que le <a href="https://www.amazon.com/gp/help/customer/display.html?ots=1&nodeId=201602230&tag=theverge02-20#GUID-1CDA0A16-3D5A-47C1-9DD8-FDEDB10381A3__SECTION_E5708F0A410A44289D9F719B97CC55A2">service s’arrêterait</a> le 24 juillet 2020. À cette date, l’appareil sera alors totalement inutilisable et bon à jeter, ce qui au passage ne joue pas en faveur de l’argument écologique évoqué plus haut (même si Amazon incite explicitement à les <a href="https://www.amazon.com/gp/help/customer/display.html?ots=1&nodeId=201602230&tag=theverge02-20#GUID-1CDA0A16-3D5A-47C1-9DD8-FDEDB10381A3__SECTION_E5708F0A410A44289D9F719B97CC55A2">recycler</a>).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1266670942597480448"}"></div></p>
<p>Au-delà du cas de l’arrêt du produit ou de son support, l’intégration logicielle donne aussi au producteur un niveau de contrôle supérieur sur les usages des clients. Ceci peut lui permettre de capter une part de valeur plus importante, voire même de la capter à plusieurs reprises – par exemple, dès que le produit change de propriétaire.</p>
<p>L’entreprise Tesla a, à cet égard, défrayé la chronique à de multiples reprises. En juin 2019, par exemple, ce constructeur de véhicules électriques a informé des clients ayant acheté une Model 3 Standard Range (mais livrée avec la configuration logicielle de la version Model 3 Standard Range Plus) d’une <a href="https://electrek.co/2019/06/07/tesla-downgrading-model-3-standard-range-software-offer-upgrade/">mise à jour vers la version de base</a> pour laquelle ils avaient payé.</p>
<p>Le véhicule perdrait alors 10 % de son autonomie, ainsi que de nombreux services tels que le streaming de musique embarqué, la navigation avec visualisation du trafic en direct ou encore les sièges chauffants. Après y avoir goûté sans les avoir demandées, les clients souhaitant conserver ces fonctionnalités devaient débourser pas moins de 4 500 dollars.</p>
<p>Quelques mois plus tard, c’est un <a href="https://jalopnik.com/tesla-remotely-removes-autopilot-features-from-customer-1841472617">client ayant acheté une Tesla d’occasion</a> lors d’une vente aux enchères qui eut la désagréable surprise de constater que le fabricant en avait retiré, sans aucune notification préalable, les options de pilote automatique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1227577546579075073"}"></div></p>
<p>À la suite d’un audit à distance de la voiture, le constructeur avait détecté que le propriétaire n’avait pas payé pour cette option, qu’il a donc retirée via une mise à jour (l’affaire, très médiatisée, s’est finie par une communication de Tesla indiquant qu’il s’agissait d’une erreur et la <a href="https://www.theverge.com/2020/2/13/21136699/tesla-autopilot-used-model-s-owner-restored-assistance-features">remise en fonction de l’autopilot</a>).</p>
<p>Le monde de connectivité dans lequel nous sommes rentrés est donc porteur de très nombreux avantages, mais ceux-ci ne doivent pas nous faire perdre notre esprit critique à leur égard ; tout comme il est important d’intégrer les <a href="https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/Publications/Vie-pratique/Fiches-pratiques/objets-connectes">risques de piratage</a> des objets connectés qui peuvent les accompagner et impliquent de prendre certaines précautions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/139983/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>S’ils nous facilitent grandement la vie, ces produits reposent souvent sur des modèles économiques susceptibles d’engendrer de mauvaises surprises lors de leur utilisation.Loïc Plé, DIrecteur de la Pédagogie - Associate Professor, IÉSEG School of ManagementDidier Calcei, Professeur associé en Innovation & Entrepreneuriat, South Champagne Business School (Y Schools) – UGEILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1395712020-05-31T16:54:55Z2020-05-31T16:54:55ZLa déconsommation est-elle un luxe ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/338189/original/file-20200528-51467-1g1uido.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C7360%2C4131&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">S'agit-il de consommer autrement ou bien de cesser toute consommation ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/group-people-shopping-concept-525001696">Rawpixel.com / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Pendant deux mois, la France a vécu en suspens avec une économie fortement à l’arrêt pour certains, faiblement à l’arrêt pour d’autres. Deux mois et certainement encore quelques semaines à venir où l’économie aura particulièrement était mise à mal et sans doute pour un bout de temps.</p>
<p>Notre structure sociale permet bien sûr d’éponger, en partie au moins, les blessures ; mais les séquelles, à n’en point douter, seront tenaces.</p>
<p>C’est dans ce contexte que « 200 artistes et scientifiques » fustigent le consumérisme et appellent dans les colonnes du Monde à « une transformation radicale. » Rapidement, cette invocation « non à un retour à la normal » et à une déconsommation, a suscité une série de réactions critiques, parfois d’oppositions ou de ruades particulièrement virulentes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/338166/original/file-20200528-51471-193twkw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/338166/original/file-20200528-51471-193twkw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=559&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/338166/original/file-20200528-51471-193twkw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=559&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/338166/original/file-20200528-51471-193twkw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=559&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/338166/original/file-20200528-51471-193twkw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=703&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/338166/original/file-20200528-51471-193twkw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=703&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/338166/original/file-20200528-51471-193twkw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=703&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Extrait des réactions sur le média social Twitter à la suite à la parution de la tribune « Non à un retour à la normale ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Twitter</span></span>
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<p>L’interprétation du message et des commentaires qu’il a entraînés ont certainement été influencés par un émetteur facilement suspecté d’une forme de malhonnêteté intellectuelle : des individus dont on présuppose l’aisance financière, pour certains ayant été les égéries de grandes marques, s’octroient le droit à prôner la déconsommation.</p>
<p>Mais au-delà de ce premier constat, quels sont les mécanismes de cette opposition, et pourquoi l’on peut en effet questionner la légitimité de cet appel à la déconsommation.</p>
<h2>De consommer mieux à déconsommer</h2>
<p>L’idée ou le principe d’une consommation moins vorace, plus raisonnée n’est pas nouvelle, depuis plus de 10 ans elle a, en partie, fait son chemin. La crise de 2008 l’avait amorcé. Le 26 mars 2009, <em>Le Monde</em> titrait déjà <a href="https://www.lemonde.fr/la-crise-financiere/article/2009/03/25/les-consommateurs-delaissent-le-superflu_1172381_1101386.html">« les consommateurs délaissent le superflu »</a>.</p>
<p>On a vu se développer de nouveaux comportements soutenus par le monde associatif pour éviter le gaspillage, apprendre à faire soi-même, à réparer, échanger des biens et des services.</p>
<p>Dans ce courant alternatif, on parle de consommer moins – préserver l’essentiel et supprimer le superflu – et de consommer mieux – consommer selon des valeurs environnementales, éthiques, etc.</p>
<p>Mais d’une consommation pondérée ou réfléchie, qui délaisserait le superflu, à une déconsommation, le glissement sémantique interpelle, et l’écart n’est pas négligeable.</p>
<p>Que signifie « déconsommer » ? En tout état de cause, le passage de « mieux » ou « moins » à « dé- » révèle un changement de paradigme. Tandis que le principe d’une consommation réfléchie tient plutôt à un certain pragmatisme afin de réduire le coût du panier moyen, ou afin d’<a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/11/29/valerie-guillard-imaginer-d-autres-plaisirs-que-la-consommation_6020963_3232.html">éviter le gaspillage</a>, la déconsommation revendiquée par les 200 artistes et scientifiques s’appuie plus volontiers sur une consommation pensée comme <a href="https://www.researchgate.net/publication/24098921_Liberatory_Postmodernism_and_the_Reenchantment_of_Consumption">fait social et culturel</a> qui s’inscrit dans une perspective postmoderne.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/338185/original/file-20200528-51467-11439ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/338185/original/file-20200528-51467-11439ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=761&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/338185/original/file-20200528-51467-11439ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=761&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/338185/original/file-20200528-51467-11439ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=761&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/338185/original/file-20200528-51467-11439ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=956&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/338185/original/file-20200528-51467-11439ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=956&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/338185/original/file-20200528-51467-11439ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=956&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Selon le philosophe Jean Baudrillard, penseur de la postmodernité, la consommation est surtout, pour chaque individu, le moyen de se différencier.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:WikipediaBaudrillard20040612-cropped.png">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Tandis que l’approche moderne visait à une compréhension du monde sur la base de fondamentaux rationnels (acheter une voiture répondait à une nécessité de se déplacer d’un point A à un point B pour aller travailler ou aller faire ses courses etc.), le tournant post-moderne a permis de reconnaître qu’un individu peut acheter une voiture non pour répondre au besoin de se déplacer d’un point A à un point B (il en possède déjà une) mais pour répondre à un désir identitaire (expression d’hédonisme ou identification sociale par exemple).</p>
<p>Cette opposition moderne versus post-moderne – matériel versus culturel – prend tout son sens dans la crise actuelle et dans ce glissement sémantique. Le préfixe latin « dé » s’emploie pour exprimer la cessation, la négation, la destruction de quelque chose.</p>
<p>Il n’est donc plus question d’un consommer autrement, mais bien de nier, détruire, cesser de consommer… ce qui au regard de nos sociétés, est tout simplement impossible. Déconsommer est donc un concept, placé au cœur d’une pensée strictement culturelle et symbolique de la consommation.</p>
<p>Interpréter la consommation au regard du seul fait culturel induit une interprétation idéologique, qui ne se fonde donc pas sur des faits mais sur des systèmes de croyances. Le débat peut alors perdurer <em>ad libitum</em>.</p>
<h2>Comprendre les enjeux de la déconsommation</h2>
<p>Penser la consommation, acte marchand par définition, comme un fait exclusivement social et culturel en dehors de toute matérialité, c’est nier la tangibilité de la crise, sa réalité bassement rationnelle certes, mais pour autant palpable.</p>
<p>Il n’est pas question de remettre en cause la dimension symbolique de la consommation, mais il est utile de rappeler parfois qu’elle est aussi primordialement matérielle. On peut acheter des vêtements pour se vêtir sans forcément rentrer dans des considérations de construction identitaire.</p>
<p>En d’autres termes, appeler à la déconsommation, c’est ne pas considérer la matérialité de la consommation, et cela revient, tout bonnement, à nier les difficultés quotidiennes et bien concrètes de ceux qui n’ont pas ou plus de superflu à délaisser.</p>
<p>Quel message la société peut-elle donner si elle demande de déconsommer alors qu’une partie de la population détient à peine les moyens d’acheter les produits de première nécessité ?</p>
<p>Alors sans revenir à une pure philosophie matérialiste fondée sur les théories marxistes, il s’agit bien aujourd’hui de repenser les évènements dans leurs pratiques et leurs imbrications et il semble relativement inadéquate, au moins pour un temps, de penser la consommation uniquement socialement en dehors de sa dimension matérielle.</p>
<h2>Vers une vision hybride de la consommation</h2>
<p>Les difficultés économiques à venir se profilent et il serait dommageable qu’elle se double d’une crise sociétale. Tandis que <em>Le Monde</em> donne voix à cette déconsommation, sur les réseaux sociaux des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=rqSLYZ4XqmQ">« gilets jaunes »</a> réclament un droit à la consommation et appellent à assiéger Paris.</p>
<p>Dans ce contexte, la question qui se posera très prochainement est celle d’une confrontation dans la perception et l’expérience de la crise. Comment concilier, une demande pressante, qui ne devrait que s’accentuer, de pouvoir simplement consommer à la revendication d’une déconsommation ?</p>
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<figcaption><span class="caption">Christophe Chalençon, figure du mouvement des « gilets jaunes », appellait à assiéger Paris le 11 mai pour renverser le gouvernement.</span></figcaption>
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<p>L’incompréhension de ces deux tenants de la résolution de la crise (consommer ou déconsommer) ne peut se résoudre sans avoir recours à une considération des enjeux dans leur dimension socio-culturelle mais aussi matérielle. Sans cette pensée hybride, il est probable qu’aucune solution ne soit perçue comme acceptable. La déconsommation sera assez naturellement élevée au rang d’un nouveau luxe que seuls certains nantis pourront s’offrir, tandis que les plus en difficulté seront assignés au rôle d’assistés.</p>
<p>Pour éviter cet écueil, il faut tout d’abord repenser la consommation à la fois comme un bien et un symbole, adopter une pensée hybride, non orthodoxe et débridée pour ouvrir les possibles.</p>
<p>Il serait prometteur de considérer que le bien produit (tangible) est aussi important que le lien au produit (intangible), et que l’un ne fonctionne pas sans l’autre. Il serait aussi certainement bienvenu d’interroger cette nouvelle consommation plus locale, plus éthique, plus respectueuse, mais qui s’érige en luxe, à des prix parfois deux fois plus chers que son alternative industrielle.</p>
<p>La société ne pourra pas déconsommer mais elle peut développer une consommation qui apporte des bienfaits aux hommes et à la nature (au sens large) si elle parvient à la reconsidérer comme un fait matériel, bien rationnel, et à investiguer de nouvelles réponses aux besoins existentiels.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/139571/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les appels à déconsommer reviennent à ne pas considérer la matérialité de la consommation, et à nier les difficultés tangibles de ceux qui ont du mal à y accéder.Valérie Zeitoun, Maitre de Conférences, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolGéraldine Michel, Professeur, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1371652020-05-05T20:02:51Z2020-05-05T20:02:51ZConsommation : comment réagissons-nous à la peur de la mort ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/331647/original/file-20200430-42923-tlo58c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C11%2C992%2C654&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les conséquences des crises se mesurent dans le bouleversement des comportements à l’échelle de sociétés entières. </span> <span class="attribution"><span class="source">Eldar Nurkovic / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’épidémie actuelle nous rappelle de façon brutale que nous sommes mortels. Depuis le début de la crise sanitaire, notre quotidien est en effet rythmé par l’annonce du nombre de décès, par la multiplication d’images de fosses communes, comme <a href="https://www.ladepeche.fr/2020/04/12/new-york-une-fosse-commune-dans-lile-des-morts,8843452.php">l’« île des morts » à New York</a>, et par la mort de personnalités et célébrités, comme Christophe ou Manu Dibango. Tous ces éléments réactivent chez nous la peur de notre propre mortalité.</p>
<p>Un large <a href="https://doi.org/10.1016/bs.aesp.2015.03.001">courant de recherche</a> en psychologie et comportement du consommateur s’intéresse, depuis plus de 35 ans, aux mécanismes et réponses liés à la peur de la mort. Comment la peur de notre propre mortalité affecte-t-elle nos perceptions et comportements ?</p>
<h2>Défendre notre vision du monde</h2>
<p>La crise sanitaire n’est pas un événement isolé qui seul serait en mesure de réactiver notre peur de la mort. Dès que nous lisons ou voyons des informations sur des attaques terroristes, des guerres ou des famines, dès que nous regardons un film ou une série TV où les meurtres sont légion, dès qu’une campagne anti-tabac ou pour le préservatif nous enjoint de penser aux conséquences néfastes de nos comportements, notre peur de la mort est réactivée.</p>
<p>Cette peur n’est pas toujours consciente mais elle est bien présente et elle est d’autant plus forte que nous comprenons, en tant qu’êtres humains, l’inévitabilité de notre mort. C’est cette fatalité qui explique les mécanismes de défense que nous mettons en place.</p>
<p>En particulier, face à notre mortalité, les individus développent une stratégie de recherche d’immortalité à travers la défense d’une vision du monde, ou paradigme culturel (cultural worldview). Ce paradigme culturel recouvre des valeurs partagées avec un groupe. Ce peut être par exemple une vision nationaliste, ethnique, politique ou religieuse que nous partageons avec d’autres personnes. En défendant ces valeurs partagées, nous devenons des défenseurs actifs d’un paradigme qui nous survivra (dans les livres d’histoire, dans la permanence des idées, etc.), et à travers lequel nous pourrons atteindre une immortalité symbolique.</p>
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<figcaption><span class="caption">Exemple de publicité anti-tabac qui réactive la peur de la mort (2010).</span></figcaption>
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<p>Ainsi, de nombreuses études ont démontré que la peur de la mort conduit les individus à préférer des produits nationaux au détriment des produits étrangers. En défendant notre culture, nous nous protégeons symboliquement de notre mortalité (l’immortalité recherchée peut être réelle dans le cas d’un paradigme religieux, avec la promesse d’une vie après la mort).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/331689/original/file-20200430-42908-13cl7x7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/331689/original/file-20200430-42908-13cl7x7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/331689/original/file-20200430-42908-13cl7x7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=275&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/331689/original/file-20200430-42908-13cl7x7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=275&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/331689/original/file-20200430-42908-13cl7x7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=275&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/331689/original/file-20200430-42908-13cl7x7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=346&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/331689/original/file-20200430-42908-13cl7x7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=346&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/331689/original/file-20200430-42908-13cl7x7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=346&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.fnac.com/">Capture d’écran</a></span>
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<p>Il est intéressant de noter que de nombreux commerces mettent aujourd’hui en avant l’importance de leur appartenance à la culture nationale, comme la Fnac dont le logo arbore désormais les couleurs du drapeau français et est accompagné de la mention « #ecommercefrance ».</p>
<p>Autrement dit : ceux qui n’appartiennent pas à notre groupe sont au contraire davantage rejetés, et la peur de la mort résulte en une volonté de <a href="https://psycnet.apa.org/buy/1990-01262-001">punir plus durement ceux qui transgressent nos valeurs ou codes culturels</a>, phénomène illustré notamment par les tentations de dénoncer ceux qui enfreignent les règles du confinement, qui peuvent <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/confinement-la-delation-represente-jusqu-a-70-des-appels-dans-certaines-grandes-agglomerations-selon-le-syndicat-alternative-police_3914689.html">représenter jusqu’à 70 % des appels reçus par la police</a>.</p>
<p>De façon plus générale, dans les sociétés occidentales où la consommation est souvent vue comme une valeur partagée essentielle, les individus ont tendance à acheter plus (a fortiori donc des produits nationaux) après chaque événement qui active collectivement la peur de la mort. On sait par exemple que les consommateurs américains ont fortement <a href="https://www.nytimes.com/2012/01/15/business/consumer-spending-as-an-american-virtue.html">augmenté leurs achats après le 11 septembre 2001</a>.</p>
<h2>Réduire l’anxiété face à la mort</h2>
<p>À une échelle plus individuelle, la peur de la mort accroît la recherche d’estime de soi. En effet, l’estime de soi joue comme un moyen d’être à la hauteur du paradigme culturel que nous défendons ; nous nous considérons digne du groupe avec lequel nous partageons nos valeurs. Par conséquent, la peur de la mort augmente l’estime de soi, ainsi que la défense de ceux qui partagent nos valeurs et la croyance que notre groupe va perdurer longtemps. Les deux mécanismes, défense d’un paradigme culturel et nostalgie, sont donc intimement liés.</p>
<p>De nombreuses recherches ont démontré que la nostalgie constitue <a href="https://doi.org/10.1037/a0024292">l’un des principaux facteurs</a> de défense de l’estime de soi. En effet, en ajoutant du sens à la vie, la nostalgie permet de lutter contre l’anxiété liée à notre mortalité.</p>
<p>Depuis le début de la crise sanitaire actuelle, de nombreux challenges qui s’appuient sur des ressorts nostalgiques connaissent un large succès sur les médias sociaux, notamment <a href="https://twitter.com/search?q=%23Throwbackchallenge&src=typed_query">#Throwbackchallenge</a> ou <a href="https://twitter.com/search?q=%23MeAt20&src=typed_query">#MeAt20</a>, qui enjoignent les internautes à poster des photos d’eux plus jeunes. Se tourner vers le passé, c’est ne pas regarder vers le futur, associé à la mort, et préférer se conforter dans une époque qui semble plus simple.</p>
<p>De la même façon, la peur de la mort diminue l’intérêt que les consommateurs portent <a href="https://doi.org/10.1016/j.jbusres.2019.06.031">envers les nouveaux produits</a>, et leur préfèrent des produits rétro, qui jouent sur la dimension nostalgique.</p>
<p>L’augmentation de l’estime de soi dans un contexte de peur de la mort se traduit également par des achats de produits expérientiels (vs purement matérialistes), ainsi que de produits pourvoyeurs de statut social, ce qui peut sans doute expliquer les <a href="https://theconversation.com/covid-19-une-crise-sans-precedent-qui-va-accelerer-les-mutations-du-luxe-136777">ventes records qu’Hermès</a> a enregistrées à Guangzhou en Chine à la réouverture des boutiques. Les mêmes mécanismes expliquent que la peur de la mort conduise à un désir accru de gloire personnelle mais aussi à un désir d’enfant (encore cette fameuse immortalité symbolique, par une extension de soi à travers la gloire ou la progéniture, comme rempart à notre anxiété).</p>
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<figcaption><span class="caption">Les acheteurs dépensent près de 2,7 millions de dollars lors de la réouverture du magasin Hermès de Guangzhou (<em>A Closer Look</em>, 15 avril 2020).</span></figcaption>
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<p>Les puissants mécanismes de défense que nous mettons en place lorsque nous sommes confrontés à la peur de la mort peuvent fortement affecter nos perceptions et nos comportements. Des crises globales qui activent la peur de la mort chez un très grand nombre de personnes, comme celle que nous vivons actuellement, ont donc des conséquences à l’échelle de sociétés entières, sur les habitudes de consommation comme sur les valeurs et les sentiments d’appartenance (politique, religieuse, etc.) des individus.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/137165/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benjamin Boeuf ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les mécanismes psychologiques qui se déclenchent face à l’anxiété se traduisent dans les actes par plus d’achats ou encore un moindre attrait pour les produits nouveaux.Benjamin Boeuf, Professeur associé en marketing, IESEG School of Management et LEM-CNRS 9221, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.