tag:theconversation.com,2011:/us/topics/textile-habillement-26481/articles
textile-habillement – The Conversation
2024-01-30T16:09:36Z
tag:theconversation.com,2011:article/220053
2024-01-30T16:09:36Z
2024-01-30T16:09:36Z
Un business model qui encouragerait à consommer moins de vêtements est-il possible ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/566257/original/file-20231218-25-259us1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=19%2C14%2C3176%2C2112&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une étude portant sur l'économie circulaire dans le secteur du prêt-à-porter a mis en évidence quatre business model sobres.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/un-porte-vetements-et-de-chaussures-dans-un-magasin-JGtPrdnMgQc">Hugo Clément / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>La dernière campagne publicitaire de l’Ademe qui mettait en <a href="https://theconversation.com/sobriete-versus-surconsommation-pourquoi-les-devendeurs-de-lademe-sont-polemiques-218728">avant la figure du « dévendeur »</a> marque publiquement la promotion de la sobriété dans la consommation aux heures de grande écoute. Une nouvelle fois, le terme s’installe dans l’espace public et suscite le débat, comme l’a montré la <a href="https://theconversation.com/sobriete-versus-surconsommation-pourquoi-les-devendeurs-de-lademe-sont-polemiques-218728">diversité des réactions</a> associées à cette campagne.</p>
<p>Faut-il s’émouvoir d’un appel à acheter moins de produits neufs, alors que la production sans limites dans un monde limité reste le modèle majoritaire ? Si la sobriété suscite des objections et donne lieu à de nombreux malentendus – comme son assimilation à la croissance négative ou au retour à la bougie – elle permet aussi de promouvoir un modèle différent dans lequel les flux d’énergie et de matière prendraient en compte les limites planétaires, et de cesser de penser <a href="https://arachnid.biosci.utexas.edu/courses/thoc/readings/boulding_spaceshipearth.pdf">« l’économie de l’infini dans un monde fini »</a>.</p>
<p>Elle offre une alternative aux tentatives de découplage entre croissance et ressources, qui tardent à se matérialiser, ainsi et qu’à la tentation du <a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-science-s-comme-solutionnisme-170732">solutionnisme</a> technologique.</p>
<p>Nos récentes recherches menées dans le cadre d’une étude financée par l’Ademe sur les business models circulaires dans l’univers de la mode ont permis d’identifier et d’explorer les contours de modèles « sobres ».</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sobriete-et-si-on-sinspirait-de-ceux-et-celles-qui-la-pratiquent-au-quotidien-198428">Sobriété : Et si on s’inspirait de ceux et celles qui la pratiquent au quotidien ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>La sobriété, aussi une question d’offre</h2>
<p>Dans un <a href="https://hal.science/hal-04214053">article de 2015</a>, nous notions déjà que la sobriété s’entend comme une logique de tempérance, de suffisance voire de frugalité qui nécessite une négociation à la baisse de sa consommation – souvent difficile et peu linéaire – afin de tenir compte des capacités matérielles finies de la planète.</p>
<p><em>[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</em></p>
<p>De fait, les restrictions à s’imposer peuvent être très exigeantes. À titre d’exemple, une <a href="https://takethejump.org/">étude</a> explique que pour maintenir le réchauffement climatique à 1,5 °C, il faudrait se contenter de trois vêtements neufs par habitant et par an. Alors qu’en moyenne, chaque Français (enfants compris) en <a href="https://www.kantar.com/fr/inspirations/consommateurs-acheteurs-et-distributeurs/2022-10-ans-de-fashion">a acheté 34 en 2019</a>, soit 11 fois plus !</p>
<p>Comment faire quand le consommateur est constamment sollicité et que le « dévendeur » n’existe qu’à la télévision ? Sujet arrimé à des <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-comment-consommer-avec-sobriete-169574">actions individuelles</a>, la sobriété a jusqu’ici été étudiée comme un problème de demande et non d’offre. Il est rarement évoqué dans le cadre de l’activité des entreprises où il demeure au mieux contre-intuitif, au pire tabou.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Panneaux promotionnels dans un magasin de vêtements" src="https://images.theconversation.com/files/566261/original/file-20231218-15-mfrtog.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566261/original/file-20231218-15-mfrtog.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566261/original/file-20231218-15-mfrtog.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566261/original/file-20231218-15-mfrtog.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566261/original/file-20231218-15-mfrtog.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566261/original/file-20231218-15-mfrtog.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566261/original/file-20231218-15-mfrtog.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">83 % des Français et Françaises estiment que nous consommons trop.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/panneau-de-reduction-de-50-cE8cwN2A2-c">Artem Beliaikin/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sobriete-faciliter-les-changements-de-comportements-une-methode-aux-effets-pervers-202227">Sobriété : « faciliter » les changements de comportements, une méthode aux effets pervers</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Vers l’essor d’un entrepreneuriat sobre ?</h2>
<p>La notion de sobriété dans le monde de l’entrepreneuriat émerge pourtant timidement, incarnée par le plaidoyer pour une économie de la sobriété (<a href="https://www.impactfrance.eco/">Mouvement impact France</a>). Elle est revendiquée par des entrepreneurs innovants qui s’interrogent sur la finalité de leur entreprise lorsque les grands équilibres naturels sont menacés par les activités humaines.</p>
<p>Ils convergent vers le fait que face aux multiples défis environnementaux et sociaux engendrés par l’économie de l’abondance, la contribution des business models traditionnels au bien-être social et leur capacité à préserver les écosystèmes biologiques posent question. En alternative, ils proposent des business models soutenables.</p>
<p>Adossés à l’économie circulaire, ces modèles s’inscrivent dans un système de boucles de matériaux réparatrices ou fermées et s’appuient sur deux mots-clés : durabilité et circularité.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/leconomie-circulaire-cette-notion-en-perpetuelle-evolution-178068">« L’économie circulaire », cette notion en perpétuelle évolution</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Réutiliser et recycler… plus que limiter la consommation</h2>
<p>Faisant référence à la taxonomie des « R » (qui ne se limite pas seulement aux trois les plus classiques – réduire, réutiliser et <a href="https://theconversation.com/industrie-de-la-mode-les-effets-tres-limites-du-recyclage-des-textiles-145363">recycler</a> – et qui dans certaines versions, monte jusqu’à dix, ces modèles circulaires ont la particularité de se centrer sur l’offre, optimisant souvent un niveau de vente et occultant les niveaux de consommation excessive qui y sont associés.</p>
<p>Il se trouve que le <a href="https://swissrecycle.ch/fr/actuel/detail/les-10-re-de-leconomie-circulaire-de-refuser-a-recuperer">premier des 10 RE</a>, qui correspond à « refuser » – dans le sens de limiter en volume la fabrication et la consommation – est quasiment absent des démarches d’économie circulaire. Il se distingue du R « réduire », centré sur l’écoefficacité de la production et une diminution des intrants matières et énergétiques.</p>
<p>Dans le cadre de notre étude sur la mode, nous avons mené à l’issue de la collecte de données une analyse descriptive croisée qui nous a permis d’identifier 4 catégories de business models sobres :</p>
<ul>
<li><p>le modèle activiste,</p></li>
<li><p>le modèle du produire moins,</p></li>
<li><p>le modèle écosystémique territorial</p></li>
<li><p>et le modèle DIY-DIT (<em>do it yourself, do it together</em>).</p></li>
</ul>
<p>Nos travaux révèlent qu’ils participent à éveiller, favoriser et soutenir une sobriété dans la consommation de vêtements.</p>
<h2>Le business model sobre activiste</h2>
<p>Ce premier modèle, le plus complet, intègre à la fois les notions de décroissance et d’encouragement à la sobriété en jouant sur la production et la consommation.</p>
<p>Trois critères clés le caractérisent : un discours constant sur une éducation au moins consommer auprès des consommateurs, une forte longévité des produits et un activisme social et environnemental intense de la marque et de ses fondateurs.</p>
<p>Leur proposition de valeur repose à la fois sur l’offre en se focalisant sur la durabilité de leurs produits mais également sur la demande en jouant le rôle de héraut, de messager de l’environnement, en informant continuellement sur l’impact des modes de production et de consommation sur l’état de la planète.</p>
<p>Il se démarque des autres business models soutenables en valorisant le renoncement à l’achat. La marque de vêtements Loom, qui enjoint <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/11/17/face-a-la-pollution-de-l-industrie-textile-il-faut-acheter-le-moins-de-vetements-possible_6150371_3232.html">aux citoyens de moins consommer</a>, incarne bien ce modèle.</p>
<h2>Le business model sobre du produire moins</h2>
<p>Le second modèle est davantage orienté vers la production agile : si la question de la surconsommation n’est pas appréhendée de front, le temps de mise en production ou la visibilité apportée à la fabrication relativisent la consommation impulsive et favorisent la réflexion.</p>
<p>Il fait référence à certains principes de l’industrie 4.0, notamment la production à la commande, à la demande ou une production réactive. L’objectif est d’encourager le zéro stock.</p>
<p>La sobriété consiste à remettre en question les codes et le modèle fast-fashion de l’industrie textile en inversant les flux afin de réduire drastiquement le gaspillage vestimentaire, tant en amont qu’en aval. La devise des trois tricoteurs situés à Roubaix illustre bien ce business model du produire moins : « ne pas surproduire, ne pas surstocker, valoriser la production locale et inciter à une consommation réfléchie ».</p>
<h2>Le business model écosystémique territorial</h2>
<p>Ce troisième business sobre s’inscrit dans une démarche écosystémique. La valeur générée ne résulte pas d’une seule organisation mais est créée <a href="https://www.cairn.info/revue-d-economie-regionale-et-urbaine-2017-5-page-905.htm">par des acteurs en interaction</a>. Il est ancré dans un environnement local et s’hybride avec des projets territoriaux qui ont un sens similaire, en renforçant « le patrimoine immatériel territorial ».</p>
<p>Dans le textile, ces modèles s’inscrivent souvent dans une logique de reconstruction de filière comme celle du lin, du chanvre ou de la laine. La sobriété de ces modèles provient aussi de l’offre limitée de matières premières sur le territoire, de la collaboration tout au long de la chaîne de valeur et de la garantie d’une gouvernance démocratique.</p>
<p>Un autre aspect qui revient est l’idée du circuit court et de reconnecter le consommateur au produit, par exemple en explicitant les étapes de la fabrication (par exemple celle d’un pull).</p>
<p>Ce modèle prône une durabilité affective, d’usage et d’attachement territorial. C’est le cas de Laines paysannes, qui fait la promotion d’un patrimoine culturel local et d’une sobriété liée à l’offre limitée de matières premières sur leur territoire.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/7wjlBC5wwg4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le dévendeur et le smartphone. Source : Ademe, novembre 2023.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Le business model sobre « do it yourself »</h2>
<p>Le dernier modèle se centre sur le transfert de compétences et la possibilité donnée aux consommateurs de fabriquer ou de réparer eux-mêmes leurs vêtements. Cela fait écho aux pratiques de consommation créative et d’<em>upcycling</em> (ou <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-surcyclage-214741">surcyclage</a>) qui répondent à des logiques économiques mais aussi culturelles.</p>
<p>Elles contribuent à l’émergence d’un nouvel art fondé sur l’esthétisme et l’unicité d’un produit. L’ensemble de ces business models DIY-DIT a pour principal objectif de doter les consommateurs des compétences pour revaloriser leurs propres vêtements en allongeant leur durée de vie par de la réparation, de l’embellissement et/ou de la transformation.</p>
<p>Comme le business model écosystémique, il permet de tisser ou de retisser des liens entre l’individu et le vêtement et d’accroître son attachement émotionnel. Il contribue également à revisiter la figure du consommateur en lui offrant une fonction de créateur, réparateur et passeur de valeur sans le cantonner à son rôle d’acheteur en bout de chaîne, propre à l’économie linéaire.</p>
<h2>Moins de biens, de vitesse et de distance</h2>
<p>Cette tentative de catégorisation permet de mettre en lumière le premier R de l’économie circulaire, refuser :</p>
<ul>
<li><p>en consommant moins et en décryptant les pièges de la surconsommation (appel à la mesure)</p></li>
<li><p>en questionnant la relation du consommateur vis-à-vis du produit et donc son attachement émotionnel par un rapprochement production/consommation</p></li>
<li><p>en offrant de nouvelles compétences aux usagers afin de faire soi-même et de prendre de la distance par rapport au modèle imposé</p></li>
</ul>
<p>Ces modèles interrogent le moins de biens, le moins de vitesse et le moins de distance en opposition avec les attributs de la <em>fast fashion</em> incarnés par la vitesse d’acquisition de nouveaux vêtements, le principe du vêtement « kleenex », l’accumulation et la recherche du prix le plus bas.</p>
<p>Ces business models existent déjà, souvent portés par des marques engagées et des entrepreneurs qui le sont tout autant. La question suivante sera de comprendre comment ils peuvent aider à redessiner la consommation de vêtements.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220053/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Robert est co-fondatrice de Tex&Care, la chaire interdisciplinaire universitaire de la mode circulaire (IAE Lille-ENSAIT). La chaire Tex&Care est une chaire de la Fondation de l'Université de Lille. Les recherches sur les modèles de la mode circulaire ont été financées par l’Ademe et la région Hauts de France dans le cadre du projet Rezomodeco.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>est co-fondatrice de Tex&Care, la chaire interdisciplinaire universitaire de la mode circulaire (IAE Lille-ENSAIT).
La chaire Tex&Care est une chaire de la Fondation de l'Université de Lille.
Les recherches sur les modèles de la mode circulaire ont été financées par l’Ademe et la région Hauts de France dans le cadre du projet Rezomodeco.</span></em></p>
La sobriété appliquée à l'industrie textile, c'est aussi refuser les achats inutiles. Dans le secteur du prêt-à-porter, des alternatives existent et s'appuient sur les principes de l'économie circulaire.
Isabelle Robert, Maître de conférences en sciences de gestion et co-fondatrice de la chaire Tex & Care, chaire universitaire de la mode circulaire, Université de Lille
Maud Herbert, Professeur des Universités, co-fondatrice de la chaire Tex&Care, Université de Lille
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/220927
2024-01-15T16:46:38Z
2024-01-15T16:46:38Z
Laver son linge à la main rejette autant de microfibres que le lavage en machine
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568708/original/file-20231023-17-xkvoz3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=91%2C68%2C1074%2C781&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La plupart des habitants de la planète lavent leurs vêtements à la main.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/photos/woman-washing-river-female-water-3447847/">elJad/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p><a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0233332">13 000 tonnes de microfibres</a> issues des machines à laver, soit l’équivalent de deux camions poubelles par jour, sont rejetées chaque année dans les milieux marins européens. Des chiffres aux <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0269749119340552">conséquences dévastatrices</a> pour les animaux et les environnements aquatiques.</p>
<p>De quoi attiser la colère des groupes de défense de l’environnement au <a href="https://bills.parliament.uk/bills/3077">Royaume-Uni</a>, dans l’<a href="https://www.forbes.com/sites/jamiehailstone/2023/04/21/eu-urged-to-mandate-microplastic-filters-in-new-washing-machines/">UE</a> et en <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/toronto/filters-on-laundry-machines-lead-to-significant-cut-in-microfibre-pollution-ontario-study-finds-1.6241689">Amérique du Nord</a>. Ces derniers font campagne pour rendre obligatoire l’installation de filtres capturant les microfibres dans toutes les nouvelles machines à laver.</p>
<p>Mais la pollution par les microfibres ne se limite pas au lavage en machine. Notre <a href="https://doi.org/10.1016/j.jclepro.2023.139391">nouvelle étude</a> montre que les vêtements lavés à la main peuvent disperser autant de microfibres que le linge lavé en machine.</p>
<p>C’est un problème de taille à l’heure où plus de la moitié de la population mondiale <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959652623035497">n’a pas d’accès régulier à une machine à laver</a> et lave donc son linge « hors réseau », à la main par exemple. Or le lavage du linge à la main implique souvent beaucoup de frottement et d’abrasion, qui éliminent les fibres. Et les eaux usées du lavage à la main peuvent souvent s’écouler directement dans les rivières ou ruisseler sur le béton et la pierre, au risque de contourner les installations de traitement des eaux usées même lorsque de telles installations existent.</p>
<p>Pour résoudre le problème de la pollution par les microfibres, il ne suffit donc pas d’installer des filtres sur les machines à laver, il faut modifier la façon dont les textiles sont conçus, fabriqués et commercialisés à l’échelle mondiale.</p>
<h2>Les fibres rejetées lors du lavage à la main</h2>
<p>La recherche scientifique sur les pertes de fibres textiles néglige souvent les personnes qui lavent leurs vêtements à la main, l’accent étant mis principalement sur les fibres éliminées au cours du lavage en machine conventionnel. Bien que les scientifiques des pays où de nombreuses personnes lavent leurs vêtements à la main <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fevo.2023.1020919/full">aient observé</a> que ces méthodes entraînent aussi une perte de fibres, ils ont rarement reçu le soutien nécessaire pour mesurer ou comparer la quantité de fibres perdues.</p>
<p>Nos recherches ont été menées avec des collègues de l’Université d’État d’Isabela aux Philippines, de l’Université de Wollongong en Australie et de sept autres universités du Royaume-Uni. Nous avons organisé un atelier et observé les pratiques de lavage à la main dans la vallée du fleuve Cagayan, dans le nord des Philippines. Nous avons ensuite reproduit en laboratoire ces gestes pratiqués par les communautés locales.</p>
<p><em>[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</em></p>
<p>Nos expériences ont permis de mesurer la part de fibres rejetées en lavant des pantalons 100 % polyester achetés dans un grand magasin britannique, à la fois pour des modèles prélavés et pour des modèles neufs. Ces pantalons ressemblaient beaucoup aux vêtements en polyester que nous avons retrouvés sur les étals des marchés philippins ainsi qu’aux vêtements dont nous avons observé le lavage à la main dans le pays.</p>
<p>Nous avons constaté que le lavage à la main de ces pantalons à l’aide d’une brosse à récurer en plastique entraînait des niveaux de perte de fibres compris entre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959652623035497">6 499 et 64 500</a> fibres individuelles par vêtement. Ces niveaux sont comparables à ceux rapportés pour le lavage en machine. Il apparaît dès lors que le lavage à la main n’est pas nécessairement plus doux pour les textiles que le lavage en machine.</p>
<h2>Mesurer la perte de fibres textiles</h2>
<p>Les personnes qui lavent leurs vêtements à la main utilisent différentes techniques, en fonction des textiles et de l’usage des vêtements. Les vêtements couverts de poussière ou de boue, comme ceux portés pour les travaux agricoles, peuvent par exemple nécessiter un lavage particulièrement vigoureux.</p>
<p>Nos recherches n’ont pas permis de recréer toutes les méthodes de lavage à la main. Nous n’avons pas non plus pu étudier l’impact de toutes les variations possibles en matière de confection textile sur la perte de fibres, comme la méthode de coloration, le type de teinture, la structure spécifique du tricot ou du tissage ou encore les finitions mécaniques ou chimiques.</p>
<p>Parmi les variables que nous avons étudiées, nos résultats montrent que c’est la structure des textiles qui avait l’effet le plus prononcé sur la perte de fibres, davantage que le type de fibre en lui-même. Le type de fibre n’a pas d’influence significative sur la perte de fibres. Les textiles tissés perdent moins de fibres que les textiles tricotés.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1620346289681481730"}"></div></p>
<p>Les textiles synthétiques ne sont donc pas les seuls à perdre des fibres problématiques. Les textiles à base de plantes comme le coton et les textiles à base d’animaux comme la laine perdent des fibres en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959652623035497">quantités similaires</a> aux fibres plastiques. <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fmars.2022.991650/full">Certaines recherches</a> suggèrent même que les fibres à base de cellulose telles que le coton peuvent avoir des conséquences comparables, voire plus graves, sur les organismes qui les ingèrent que les microfibres synthétiques.</p>
<p>Bien qu’elles soient souvent présentées comme « biodégradables », les fibres de coton <a href="https://www.britannica.com/technology/mercerization">subissent des modifications</a> qui altèrent la structure de la cellulose dont elles sont composées pour être utilisées dans l’industrie textile. La plupart des cotons subissent également des <a href="https://oecotextiles.blog/2012/12/05/what-does-mercerized-cotton-mean/">teintures chimiques</a> et d’autres traitements de finition.</p>
<p>Par conséquent, les fibres textiles de coton ne se dégradent pas facilement dans un environnement naturel. Et toute dégradation effective libérera probablement les produits chimiques utilisés au cours de la production des textiles, quelle que soit la méthode de lavage utilisée.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/textiles-toxiques-pour-lenvironnement-et-la-sante-les-designers-ont-un-role-a-jouer-214322">Textiles toxiques pour l'environnement et la santé : les designers ont un rôle à jouer</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Les microfibres, un problème à résoudre</h2>
<p>Le problème de la perte de fibres textiles est bien plus vaste qu’il n’y paraît. Prenons par exemple le commerce mondial de vêtements de seconde main, d’une valeur d’environ <a href="https://oec.world/en/profile/hs/used-clothing">cinq milliards de dollars américains (environ 4,6 milliards d’euros) par an</a>. Même lorsque les étiquettes d’entretien et les <em>designers</em> recommandent le lavage en machine, le recours à des filtres ainsi que le traitement des eaux usées, l’exportation des vêtements de seconde main dans d’autres zones du globe va éloigner ces textiles de ces infrastructures établies.</p>
<p>Or, les personnes que nous avons observées en train de laver des vêtements à la main ont besoin de vêtements de travail peu coûteux et solides, que ce commerce de vêtements usagés leur fournit. Cela signifie que pour résoudre le problème de la perte de fibres textiles, il faut repenser complètement non seulement la façon dont nous lavons nos vêtements, mais aussi la façon dont les vêtements sont fabriqués.</p>
<p>Car le problème fondamental ne réside pas dans le commerce des vêtements de seconde main, mais dans la conception des textiles eux-mêmes. Pour progresser dans la résolution du problème des microfibres, il nous faut concevoir des tissus qui perdent moins de fibres au lavage. Une autre approche consiste à développer de <a href="https://www.scientificamerican.com/article/the-environments-new-clothes-biodegradable-textiles-grown-from-live-organisms/">nouvelles fibres véritablement biodégradables</a> qui se décomposeront naturellement dans l’environnement.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="A secondhand clothing store" src="https://images.theconversation.com/files/555259/original/file-20231023-19-alhu6j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/555259/original/file-20231023-19-alhu6j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/555259/original/file-20231023-19-alhu6j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/555259/original/file-20231023-19-alhu6j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/555259/original/file-20231023-19-alhu6j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/555259/original/file-20231023-19-alhu6j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/555259/original/file-20231023-19-alhu6j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un magasin de vêtements de seconde main aux Philippines.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/dumaguete-philippines-9-september-2017-cheap-713736202">Davdeka/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En attendant, ceux qui se targuent d’éviter les tissus synthétiques devraient reconnaître que le problème des microfibres <a href="https://wires.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/wat2.1490">s’étend bien au-delà des produits que nous portons</a>. Le marketing textile ne devrait pas faire de greenwashing en confondant « naturel » et « biodégradable ». Et les filtres des machines à laver ne suffiront pas à résoudre le problème de la perte de microfibres.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=158&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=158&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=158&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=198&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=198&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=198&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Créé en 2007 pour aider à accélérer et à partager les recherches scientifiques sur des enjeux sociaux majeurs, le Fonds d’Axa pour la recherche soutient près de 700 projets dans le monde mené par des chercheurs issus de 38 pays. Pour en savoir plus, visiter le site ou bien suivre sur Twitter <a href="https://twitter.com/AXAResearchFund">@AXAResearchFund</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220927/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Deirdre McKay est financée par la British Academy, le Leverhulme Trust et l'UKRI via le Conseil de recherche en arts et sciences humaines et le Fonds de recherche sur les défis mondiaux.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Kelly Sheridan est financée par l'UKRI (NERC / AHRC / Innovate UK) par le biais de son financement Circular Fashion and Textiles Network Plus. Outre l'université de Northumbria, elle travaille également pour le Consortium des microfibres.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Thomas Stanton bénéficie d'un financement de l'AXA Research Fund et de l'UKRI (NERC / AHRC / Innovate UK) par le biais de leur financement Circular Fashion and Textiles Network Plus.</span></em></p>
Éviter les vêtements synthétiques ou rendre obligatoires les filtres à microfibres pour les machines à laver ne résoudra pas le problème de la pollution par les microfibres.
Deirdre McKay, Professor of Sustainable Development, Keele University
Kelly Sheridan, Associate Professor in Forensic Science, Northumbria University, Newcastle
Thomas Stanton, Axa Research Fund Fellow, Loughborough University
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/218870
2023-12-04T16:56:10Z
2023-12-04T16:56:10Z
Recyclage textile : l’étroite voie de la réindustrialisation
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/562520/original/file-20231129-15-blhb53.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=35%2C1%2C1126%2C792&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'enjeu du recyclage contraint les entreprises du secteur textile à manager la sobriété
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/mpcaphotos/40889723483">Flickr/MPCA Photos</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les images spectaculaires de décharges de friperie au Ghana posent la question de la pertinence de collecter dans les pays riches nos vêtements usagés pour les expédier en Afrique. Certains pays, comme <a href="https://www.rfi.fr/fr/podcasts/aujourd-hui-l-%C3%A9conomie/20230928-l-ouganda-repart-en-guerre-contre-les-importations-de-fripes">l’Ouganda</a> et le <a href="https://www.rts.ch/play/tv/12h45/video/le-rwanda-a-interdit-en-2019-limportation-dobjets-en-plastique-a-usage-unique--le-pays-est-ainsi-devenu-lune-des-terres-les-plus-propres-dafrique-">Rwanda</a>, ont d’ailleurs interdit leur importation.</p>
<p>Dans le cas de l’interdiction d’un médicament, on tient compte de la différence entre coûts et bénéfices. Or, pour ce qui est de la friperie, l’exportation reste essentielle à l’économie circulaire du textile en Afrique. Les vêtements usagés font en effet vivre une partie de la population et fournissent de l’habillement pour les plus démunis.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/8jVEFdX1zdc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le Ghana, poubelle des textiles du monde (RTBF Info, 2021).</span></figcaption>
</figure>
<p>Dans une <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/04/l-economie-circulaire-doit-s-imposer-comme-le-modele-de-reference-du-secteur-de-l-habillement_6198175_3232.html">tribune</a> intitulée « L’économie circulaire doit s’imposer comme le modèle de référence du secteur de l’habillement » publiée dans Le Monde le 4 novembre dernier, Maud Hardy, responsable de l’éco-organisme français Refashion, plaide ainsi pour un encadrement réglementaire des exportations.</p>
<p>Avant d’en arriver là, il faudrait s’assurer que la <a href="https://www.economie.gouv.fr/facileco/adam-smith">« main invisible du marché »</a> ne peut le réguler de façon satisfaisante et, dans la négative, comment une intervention attentive et bienveillante des pouvoirs publics pourrait contribuer à son meilleur fonctionnement. Auquel cas, l’autrice préconise une co-construction des outils de contrôle avec les différents acteurs, dans un cadre européen. Une méthode qui peut réussir.</p>
<h2>Une industrie française autrefois active</h2>
<p>Par ailleurs, l’autrice envisage deux autres voies possibles pour faire baisser les quantités de vêtements exportés :</p>
<ul>
<li><p>que l’industrie développe des procédés pour leur recyclage en France,</p></li>
<li><p>que les consommateurs français se montrent plus sobres dans leurs achats.</p></li>
</ul>
<p>Sans traiter spécifiquement du secteur textile, ces questions ont été abordées lors de <a href="https://culture.cnam.fr/avril/les-entreprises-a-l-epreuve-de-la-sobriete-enjeux-et-conditions-de-mise-en-uvre--1395268.kjsp">colloques</a> qui se sont tenus au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et ont donné lieu à des dossiers parus dans la revue <em>Entreprise et société</em> intitulés « Pour une histoire managériale de la désindustrialisation » et « Les entreprises à l’épreuve de la sobriété : enjeux et conditions de mise en œuvre ». Il en ressort notamment que ces pistes restent délicates à concrétiser.</p>
<p>Une voie pour faire baisser les quantités de textile exporté passe par le redévelopper une industrie du recyclage en France. <a href="https://www.castres-mazamet.fr/le-textile-castres-danne-veaute-nos-jours">Castres</a> et <a href="https://www.edimip.com/catalogue/ouvrages/essais/cinq-si%C3%A8cles-de-travail-de-la-laine/">Mazamet</a> (Tarn) accueillaient, encore dans les années 1980, une importante industrie d’effilochage, de cardage et de tissage des chiffons de laine qui rivalisait avec celle de l’Italie et de l’Inde. Ces activités ont pour ainsi dire disparu, en raison notamment des mesures prises par les autorités, qui n’acceptent aujourd’hui que les produits en laine vierge dans les commandes publiques.</p>
<p>On aimerait croire au succès des efforts du gouvernement actuel pour relocaliser, comme le souhaite par exemple le <a href="https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2022/01/rapport_cnam_hcp_deride_2022-1.pdf">rapport</a> pour le Haut Commissariat au Plan de <a href="https://theconversation.com/profiles/laurent-cappelletti-423838">Laurent Cappelletti</a>, professeur au CNAM. Cependant, la route paraît étroite…</p>
<h2>Un problème de rentabilité</h2>
<p>L’industrie de la récupération textile n’a cessé d’innover et de développer de nouveaux débouchés pour le chiffon, notamment comme matériau pour l’isolation. L’Institut Textile de France (fusionné aujourd’hui dans un Institut français du textile et de l’habillement) avait ainsi lancé des recherches afin de créer de nouveaux débouchés pour les textiles usagés. Faute de perspective rentable, aucune ne se concrétisa par des applications industrielles.</p>
<p>Cependant, dans le textile, plus qu’ailleurs, l’expression « vingt fois sur le métier se remettre à l’ouvrage » est à l’honneur. Les efforts de recherche doivent donc être poursuivis, d’autant qu’<a href="https://theconversation.com/recyclage-les-entreprises-sociales-et-solidaires-face-a-un-marche-de-plus-en-plus-concurrentiel-217205">il existe des pistes</a> prometteuses. Par exemple : l’automatisation du tri (qui reste aujourd’hui effectué manuellement) ou encore la mise au point de nouveaux produits, à l’instar de la Métisse, une gamme d’isolation thermique et acoustique pour le bâtiment fabriquée à partir de vêtements en coton par Le Relais (principale entreprise de collecte et de tri de vêtements en France).</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/recyclage-les-entreprises-sociales-et-solidaires-face-a-un-marche-de-plus-en-plus-concurrentiel-217205">Recyclage : les entreprises sociales et solidaires face à un marché de plus en plus concurrentiel</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Pour réduire la quantité des déchets textiles, dans le cadre de la récente <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/loi-anti-gaspillage-economie-circulaire">loi anti-gaspillage</a>, Refashion va en outre mettre un dispositif en place à partir du 1<sup>er</sup> janvier 2024 pour inciter les Français à rapiécer, raccommoder leurs vêtements plutôt que de les jeter.</p>
<h2>Un pas vers la sobriété</h2>
<p>Il reste à vaincre les réticences des retoucheurs et autres artisans qui, pour faire bénéficier leurs clients d’une remise, auront à se charger d’une <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/11/07/grace-a-l-inflation-les-cordonniers-et-les-retoucheurs-retrouvent-leurs-lettres-de-noblesse_6198753_3234.html">nouvelle tâche administrative</a>. Refashion lance d’ailleurs une campagne de communication à ce sujet. Si cette mesure peut paraître modeste, on aurait tort de ne pas la prendre au sérieux. Outre son intérêt écologique direct, elle participera à éduquer les consommateurs à moins jeter. Un pas vers la sobriété, dans l’esprit du <a href="https://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/la-part-du-colibri/">« colibri »</a> cher au philosophe Pierre Rhabi qui insistait sur la nécessité de ces petites initiatives…</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1721826238312960484"}"></div></p>
<p>Maud Hardy dans sa tribune préconise ainsi un allongement de la durée de vie des vêtements que les fabricants de textile produisent. Lors d’un colloque qui s’est tenu au CNAM en avril dernier, des dirigeants d’entreprise, des scientifiques, des hauts fonctionnaires et autres parties prenantes ont réfléchi sur « les entreprises à l’épreuve de la sobriété ». Celles du textile n’ont pas été spécialement visées (des invitations avaient été lancées mais ont été déclinées) mais ce secteur très polluant_ _est particulièrement concerné.</p>
<p>Antoine Frérot, le président-directeur général de Veolia, a rappelé que « le bon management est un management sobre en ressources humaines ou environnementales ». Pourquoi les dirigeants des entreprises textiles, dits les « metteurs sur le marché » dans le jargon du recyclage, qui financent Refashion, ne partageraient-ils pas cette philosophie ?</p>
<h2>Les contradictions du consommateur</h2>
<p>Une autre piste a été présentée par une équipe de chercheurs qui montrent que manager la sobriété à partir du système comptable classique invisibilise de nombreux éléments de l’organisation et proposent une méthode pour répondre à la question des coûts cachés.</p>
<p>La directrice de Refashion dans son article du <em>Monde</em> lance un appel à la responsabilité des citoyens afin qu’ils se convertissent à une consommation plus sobre. S’agit-il d’un vœu pieux ? <a href="https://theconversation.com/profiles/valerie-guillard-867672">Valérie Guillard</a>, professeur en marketing à l’université Paris-Dauphine, dans une des tables rondes qui se sont tenues lors du colloque sur « Les entreprises à l’épreuve de la sobriété », a pointé la difficulté voire l’impossibilité de concilier le souhait des consommateurs, qui désirent des biens respectueux de l’environnement et de l’humain, à faire leurs achats de manière conforme à leur conscience, mais… pas cher.</p>
<p>Autant de questions qui renvoient à « La sobriété et ses contradictions », ce qui sera le thème du débat entre le philosophe, André Comte-Sponville, et l’ancien Commissaire au Plan, Jean-Baptiste de Foucauld, qu’organisent au CNAM, le 23 janvier prochain, le <em>think tank</em> <a href="https://pactecivique.fr/">« Pacte civique »</a> et le Laboratoire interdisciplinaire de recherches en sciences de l’action (Lirsa).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218870/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Henri Zimnovitch est membre du think tank Pacte civique</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jérôme Méric ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les enjeux de réglementation ou encore de rentabilité freinent le développement de procédés industriels qui permettraient de relancer une filière française autrefois active.
Jérôme Méric, Rédacteur en chef de la revue Entreprise et société, professeur spécialisé en contrôle de gestion et en gestion financière, IAE de Poitiers
Henri Zimnovitch, professeur de sciences de gestion, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/218377
2023-11-23T17:52:05Z
2023-11-23T17:52:05Z
NFT : êtes-vous prêt à acheter un vêtement virtuel ?
<p>En août 2020, le magazine américain <em>Vogue</em> titrait en couverture <a href="https://www.vogue.com/article/tribute-virtual-clothes-digital-fashion">« Seriez-vous prêt à dépenser de l’argent pour des vêtements virtuels ? »</a> en référence à une robe numérique vendue 699 dollars, portable uniquement en ligne. Trois ans plus tard, le constat est brutal : <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/plus-de-95-des-nft-ne-valent-plus-rien-de-l-effet-de-mode-a-la-decadence-6207660">95 % des NFT, les « jetons numériques » qui certifie l’authenticité d’un actif virtuel, ne valent plus rien</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1709060218078876045"}"></div></p>
<p>La mode serait-elle en train de passer ? Le marché des NFT a été multiplié par 130 entre début 2020 et début 2021. Au-delà des vêtements virtuels, des « tokens » d’authentification ont été ajoutés à des morceaux de musique exclusifs, <a href="https://opensea.io/assets/ethereum/0x495f947276749ce646f68ac8c248420045cb7b5e/73915159672205439806165659676294116767432804025715086206809379148247781605377">aux tatouages d’une joueuse de tennis</a>, à des <a href="https://www.numerama.com/tech/1011532-le-nft-du-premier-tweet-va-de-pire-en-pire-lenchere-la-plus-haute-est-de-23.html">tweets</a> ou même à la vidéo YouTube d’un enfant qui mord le doigt de son frère (vendue sous forme de NFT aux enchères en 2021 pour la somme de… 760 000 dollars).</p>
<p>Or, sur ce marché, de nombreuses <a href="https://theconversation.com/fr/topics/arnaque-en-ligne-139482">arnaques</a> attendent également les acheteurs : des <a href="https://fr.fashionnetwork.com/news/Usa-un-artiste-condamne-pour-des-nft-de-sacs-hermes-crees-sans-autorisation,1484579.html">NFT de sacs Hermès sont créés sans autorisation</a> et des <a href="https://www.lepoint.fr/societe/finance-par-des-nft-le-film-plush-promu-par-kev-adams-vire-au-fiasco-25-04-2023-2517623_23.php">projets sont</a> abandonnés une fois les fonds levés. En outre, des pratiques frauduleuses s’observent, telles que le <a href="https://www.capital.fr/crypto/squiggles-une-arnaque-aux-nft-a-7-millions-de-dollars-decryptee-par-la-societe-bubblemaps-1485122">« wash trading »</a>, qui désigne le comportement d’un investisseur qui vend et achète un NFT entre différents portefeuilles qu’il détient pour gonfler le prix et attirer des acheteurs.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1396890212547055617"}"></div></p>
<p>Il faut dire que, sur ce marché, la <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/services-conseils/nft-dart-82-des-acheteurs-sont-motives-par-largent-pas-par-loeuvre-1403012">spéculation bat son plein</a>, les ventes s’envolent et retombent aussi rapidement. Le premier tweet de l’histoire, vendu en NFT pour près de 3 millions de dollars en 2021, n’en valait… <a href="https://www.lavoixdunord.fr/1196030/article/2022-06-21/le-nft-du-premier-tweet-de-l-histoire-achete-2-9-millions-de-dollars-ne-vaut">plus que 23</a> quelques mois après.</p>
<p>Dans ce contexte, les marques, <a href="https://theconversation.com/industrie-du-luxe-des-premiers-pas-reussis-dans-le-monde-des-nfts-216224">surtout de luxe</a>, persistent néanmoins dans les projets NFT. Au-delà de l’intérêt financier, les vêtements virtuels mêlant art, mode et technologie redéfinissent en particulier la possession. À défaut de valeur monétaire <a href="https://theconversation.com/fr/topics/speculation-27900">spéculative</a>, ces types de NFT continuent à séduire pour leurs valeurs hédoniques et sociales, comme le montrent nos récentes <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/cb.2270?af=R">recherches</a>.</p>
<h2>Une robe vendue 9500 dollars</h2>
<p>Boostés par la période pandémique, lorsqu’il était impossible d’arborer des tenues, les vêtements virtuels en NFT font fureur depuis. Ils s’affichent sur les profils Instagram, X et Facebook. <a href="https://www.thefabricant.com/">The Fabricant</a> par exemple est une maison de mode virtuelle qui crée des vêtements plutôt haut de gamme, à l’image de la robe Iridescence <a href="https://www.numero.com/fr/mode/mode-virtuelle-cyber-fashion-vetement-virtuel-the-fabicant-iridescence-dress-encheres-9500-dollars-puma">vendue 9 500 dollars</a>. Mais des marques plus traditionnelles s’y sont mises, à l’image de l’équipementier sportif Nike, qui aurait déjà engendré plus de <a href="https://fr.fashionnetwork.com/news/Nft-nike-en-pointe-grace-a-sa-filiale-rtfkt,1432661.html">185 millions de dollars de revenus</a> grâce aux NFT.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1562150953591062529"}"></div></p>
<p>Les marques de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/luxe-34482">luxe</a> se lancent également, attirées par l’unicité, la rareté, l’authentification et la personnalisation qu’apportent les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/jetons-non-fongibles-nft-116655">NFT</a>. La marque Gucci a même lancé une paire de baskets virtuelles pour un dollar ou encore un sac numérique qui se vendait en 2021 beaucoup plus cher que la <a href="https://www.journalduluxe.fr/fr/mode/ce-sac-gucci-se-vend-plus-cher-dans-sa-version-virtuelle-que-dans-sa-version-physique">version physique</a>.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/industrie-du-luxe-des-premiers-pas-reussis-dans-le-monde-des-nfts-216224">Industrie du luxe : des premiers pas réussis dans le monde des NFTs ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Notre dernier travail de <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/cb.2270?af=R">recherche</a> identifie le plaisir, la curiosité et l’interaction sociale parmi les <a href="https://ieeexplore.ieee.org/document/9739372">trois motivations</a> d’achat des consommateurs de vêtements virtuels. L’achat de vêtement virtuel se montre aux autres sur les réseaux sociaux : c’est bien un achat qui est pensé en vue d’interagir avec les pairs.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>L’engouement des vêtements virtuels s’inscrit donc dans une vision expérientielle où le consommateur souhaite profiter du bien, en le portant et en interagissant avec d’autres consommateurs qui ont également franchi le pas de l’achat. La temporalité est l’immédiateté : le consommateur veut vivre l’expérience et n’entre pas dans une logique de stockage pour revendre dès que les cours auront grimpé.</p>
<h2>Des NFT Zara</h2>
<p>Toutefois, si l’achat de vêtements de luxe dans la réalité apporte un statut social, il est intéressant de noter que ce n’est pas le cas pour les vêtements virtuels de marques de luxe. Que la marque soit de luxe ou non, la curiosité, le plaisir et l’interaction sociale priment. Le vêtement virtuel apparait d’abord comme un <a href="https://academic.oup.com/jcr/article-abstract/15/2/139/1841428">soi étendu dans le monde virtuel</a> pour affirmer son appartenance à une communauté.</p>
<p>C’est pourquoi le succès des vêtements NFT s’étend désormais à des marques moins prestigieuses. Une enseigne comme Zara a lancé une collection dans le métavers fin 2021. Quel que soit le niveau de gamme, la clé du succès dans le vêtement virtuel réside dans un usage non spéculatif, axé sur le divertissement, le social ainsi que sur le côté communautaire et artistique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1468233609387593730"}"></div></p>
<p>Les NFT artistiques peuvent ainsi être liés à un univers virtuel ou accompagner des produits physiques, comme les magnums Dom Pérignon désignés en collaboration avec la chanteuse Lady Gaga ou la voiture de course aux couleurs du whisky Kinahan dessinée par l’artiste Morisseta. L’avenir des NFT repose en effet sans doute sur ces territoires qui mêlent réel et virtuel, jeu et communauté, art et exclusivité, avec des acheteurs cherchant à les consommer plutôt que de les considérer comme des investissements spéculatifs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218377/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Dans un contexte de moindre engouement pour les NFT, les marques de luxe continuent de proposer des biens numériques qui séduisent les consommateurs pour d’autres raisons que la spéculation.
Insaf Khelladi, Professeur Associé en Marketing, Pôle Léonard de Vinci
Catherine Lejealle, Sociologue, spécialiste du digital. Enseignante-chercheuse, ISC Paris Business School
Saeedeh Rezaee Vessal, Associate Professor In Marketing, Pôle Léonard de Vinci
Sylvaine Castellano, Directrice de la recherche, EM Normandie
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/217205
2023-11-16T17:13:57Z
2023-11-16T17:13:57Z
Recyclage : les entreprises sociales et solidaires face à un marché de plus en plus concurrentiel
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/559607/original/file-20231115-17-ve3vu8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=148%2C0%2C838%2C528&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La structure le Relais collecte aujourd'hui moins de vêtements : les consommateurs les revendent de plus en plus sur des plates-formes comme Vinted.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Conteneur_Relais_Avenue_Cond%C3%A9_St_Maur_Foss%C3%A9s_2.jpg">Wikimedia commons/Chabe01</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dans les années 1990, au Québec et en France, naissaient les entreprises de l’Économie sociale et solidaire (ESS), <a href="https://www.mois-ess.org/">mises à l’honneur en ce mois de novembre</a>, spécialisées dans le recyclage. Les ressourceries québécoises, dans le cadre de l’Alliance recherche universités collectivités en Économie sociale (ARUC-ES), cherchaient déjà à détourner les déchets de l’enfouissement ou de l’incinération, en développant des circuits de collecte, de revalorisation et de réemploi.</p>
<p>Au même moment, en France, des associations de solidarités internationales, collectant des encombrants et des équipements courants à destination des populations précaires en Afrique de l’Ouest et en Europe de l’Est, prenaient la forme d’« entreprise sociale d’insertion par l’économique », comme nous l’avions observé dans nos <a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2013-7-page-154.htm">travaux</a>. Via les régions de Picardie et des Hauts-de-France, la France a ensuite élargi son modèle de collecte-revalorisation-réemploi solidaire en 2000 avec ses premières ressourceries en milieu urbain et périurbain.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1723997097467265398"}"></div></p>
<p>Selon les chiffres publiés en 2023 par l’Observatoire national des ressourceries et recycleries (2023), on dénombrait en 2021 <a href="https://ressourceries.info/?ObservatoireAnnuelDesRessourceriesEtRecycl&vue=consulter&action=voir_fiche&id_fiche=ObservatoireAnnuelDesRessourceriesEtRecycl&message=modif_ok">158 structures</a> exerçant ce type d’activité. Depuis plus de 20 ans, ces organisations de l’ESS collectent, réemploient et valorisent les déchets qui proviennent soit des dépôts des particuliers (textiles, livres, vaisselles, bibelots, jouets, équipements de puériculture, meubles, etc.) soit des déchetteries.</p>
<p>En d’autres termes, comme le soulignait le sociologue Baptiste Montsaingeon dans son ouvrage <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/homo-detritus-baptiste-monsaingeon/9782021352603"><em>Homo detritus</em></a> (Éditions du Seuil, 2017) :</p>
<blockquote>
<p>« Après avoir enfoui les déchets, la pratique est devenue celle de leur réduction mais surtout de leur recyclage et de leur réutilisation. Avec l’économie circulaire, l’idéal d’un monde sans déchets, sans rebut, a créé un certain marché de la vertu écologique ».</p>
</blockquote>
<p>Or, ce contexte a incité des sociétés commerciales, hors du champ de l’ESS, à se saisir de cette opportunité de marché générée par l’essor de « business écologique ».</p>
<h2>La concurrence de Vinted</h2>
<p>Vinted en constitue à ce jour sans doute le meilleur exemple. Cette entreprise a été créée en Lituanie en 2008, sur un projet de marché de l’occasion du textile. Depuis, la plate-forme d’achat-vente de vêtements a bâti son succès en permettant au consommateur de faire des économies ou de gagner quelques euros tout en réalisant un « geste écolo », en l’occurrence la <a href="https://theconversation.com/le-vide-dressing-en-ligne-un-travail-volontaire-131814">réutilisation d’une pièce destinée au rebut</a>. L’entreprise Nord Sud Export a développé, de son côté, un commerce international de vêtements d’occasion hommes-femmes-enfants en quittant l’Europe où elle a été créée en 1985, pour <a href="https://www.europages.fr/NORD-SUD-EXPORT-FZC/00000005359365-001.html">rejoindre en 2003 les Émirats arabes unis</a>. Eurotex Discount, basée à Nantes, s’est également spécialisée dans la collecte et le recyclage de textiles en se déclarant <a href="https://www.europages.fr/EUROTEX-DISCOUNT/00000005357770-001.html">« grossiste en friperie »</a>.</p>
<p>En conséquence, ce type de stratégies participe à l’appauvrissement des acteurs de l’ESS déjà présents sur ce marché. Un certain nombre de ressourceries n’ont ainsi pas survécu à cette dynamique, à l’image de la Ressourcerie de l’Île en agglomération nantaise <a href="https://www.20minutes.fr/nantes/4026895-20230308-nantes-triste-fin-ressourcerie-ile-30-salaries-liquidation-judiciaire">placée en liquidation judiciaire en mars 2023</a> après 13 ans d’activité. Une entreprise comme Le Relais, dont les boîtes de collecte de vêtements, linge et chaussures sont présentes dans de nombreuses villes françaises, pâtit également d’une <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/haut-rhin/face-a-la-baisse-des-dons-de-vetements-cette-entreprise-solidaire-lance-l-alerte-notre-modele-economique-et-social-est-en-danger-2783662.html">baisse du nombre de pièces recueillies</a>, que les consommateurs préfèrent désormais revendre.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1633429408538058752"}"></div></p>
<p>Or, ces entreprises sociales portent des postes d’insertion par l’activité économique au service des personnes et du territoire. Mais, la perte d’activités de collecte, de tri, de revalorisation par le nettoyage ou <a href="https://www.cci.fr/actualites/lupcycling-cest-quoi">upcycling</a>, ou encore de réemploi via la filière de production d’isolant, peut <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/haut-rhin/face-a-la-baisse-des-dons-de-vetements-cette-entreprise-solidaire-lance-l-alerte-notre-modele-economique-et-social-est-en-danger-2783662.html">rapidement les mettre en difficulté</a> sociales et financières. Pourtant, ces entreprises de l’ESS ont été des innovatrices socioécologiques en défrichant une opportunité d’affaires devenue rentable que d’autres s’approprient sous objectif de profitabilité.</p>
<h2>Des entreprises pionnières de l’innovation</h2>
<p>Le Relais agit par exemple depuis 30 ans pour l’insertion de personnes en situation d’exclusion du marché du travail, en créant des emplois durables dans l’activité textile-linge de maison-chaussures : collecte, tri, réparation et valorisation. Pour ce faire, ce réseau a créé les premières entreprises à but socioéconomique (EBS). Le Relais, aujourd’hui membre d’Emmaüs France et de l’Inter réseaux de la fibre solidaire (IRFS), défend les valeurs de solidarité et de générosité défendues par l’abbé Pierre et l’ESS.</p>
<p>Ces entreprises d’ESS, qu’il convient de soutenir au service des personnes, des citoyens et des territoires dans le cadre du développement durable et de leur capacité d’innovation de rupture (projet, expérimentations, défrichage), doivent donc continuer à innover face à des sociétés commerciales qui interviennent désormais <em>via</em> l’économie circulaire sous processus d’innovations incrémentales.</p>
<p>C’est par exemple ce que nous montre le cas d’Envie autonomie, un réseau de magasins de matériel médical reconditionné. Lauréat du « French’Impact » en 2018, elle se transforme en Société commerciale d’intérêt collectif nationale (SCIC.N). Envie autonomie de manière à développer la collecte, la revalorisation des <a href="https://www.ouest-france.fr/normandie/alencon-61000/alencon-depuis-2020-envie-autonomie-remet-a-neuf-du-materiel-medical-et-le-revend-moitie-prix-dc33b008-0f6f-11ee-abf6-2faefa8435a8">matériels et équipements médicaux inutilisés</a> afin de les remettre à disposition à prix solidaire, et ce en respectant des conformités réglementaires. Une autre manière d’envisager un modèle d’économie écologique : l’ESS au service du développement durable !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217205/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pascal Glémain ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Dans le secteur textile, les consommateurs préfèrent de plus en plus revendre leurs vêtements sur des plates-formes comme Vinted que de les donner à des organismes qui les collectent.
Pascal Glémain, Maître de Conférences (hors classe)-HDR en Sciences de Gestion-Management, spécialiste de l'ESS et du Management de la Soutenabilité, Université Rennes 2
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/214322
2023-10-11T17:13:52Z
2023-10-11T17:13:52Z
Textiles toxiques pour l'environnement et la santé : les designers ont un rôle à jouer
<p>On entend souvent parler de la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=rwp0Bx0awoE">pollution de l’industrie textile</a>. Mais <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30278363/">son impact sur la santé humaine</a> est moins abordé. </p>
<p>Pourtant, les composés pétrochimiques utilisés dans la fabrication de nos vêtements ont des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=onD5UOP5z_c">effets nocifs sur les travailleurs</a>, les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=IxVq_38BoPE">communautés environnantes</a> et les <a href="http://www.cec.org/files/documents/publications/11777-furthering-understanding-migration-chemicals-from-consumer-products-fr.pdf">consommateurs</a>. </p>
<p>Cette problématique a une <a href="https://www.greenpeace.org/static/planet4-international-stateless/2012/11/317d2d47-toxicthreads01.pdf">incidence mondiale</a>, mais son évaluation est complexe. Pourquoi ? En raison de notre faible exposition quotidienne à un <a href="https://www.leslibraires.ca/livres/perturbateurs-endocriniens-la-menace-invisible-marine-jobert-9782283028179.html">« cocktail » composé d’une panoplie de substances synthétiques peu étudiées</a> dont il est difficile de distinguer les causes à effets. D’autant plus que la toxicité de ces substances peut s’amplifier par interaction ou dégradation, comme c’est le cas des <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/substances-chimiques/initiative-groupes-substances/azoiques-aromatiques-base-benzidine.html">colorants azoïques</a>, utilisés comme teinture textile, qui sont omniprésents et persistants dans l’environnement. </p>
<p>À travers ma recherche en design textile durable, j’explore la façon dont le design peut contribuer à rendre l’industrie textile plus respectueuse de l’environnement, en mettant l’accent sur la sensibilisation écologique des designers, des preneurs de décisions et du grand public. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/551518/original/file-20231002-15-cu6ppt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="teintures textiles" src="https://images.theconversation.com/files/551518/original/file-20231002-15-cu6ppt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/551518/original/file-20231002-15-cu6ppt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=221&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/551518/original/file-20231002-15-cu6ppt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=221&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/551518/original/file-20231002-15-cu6ppt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=221&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/551518/original/file-20231002-15-cu6ppt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=277&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/551518/original/file-20231002-15-cu6ppt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=277&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/551518/original/file-20231002-15-cu6ppt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=277&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Teintures réalisées à partir de déchets agroalimentaires et inspirées des Pantone.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Vanessa Mardirossian)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une réflexion qui ne date pas d’hier</h2>
<p>Dès les années 1960, le designer <a href="https://papanek.org/archivelibrary/victor-papanek/">Victor Papanek</a> est le premier à soulever les <a href="https://www.lespressesdureel.com/ouvrage.php?id=8623">enjeux environnementaux liés à la conception</a> de produits industriels. </p>
<p>C’est aussi l’époque où émerge la conscience écologique, initiée par la biologiste <a href="https://www.leslibraires.ca/livres/printemps-silencieux-rachel-carson-9782918490005.html">Rachel Carson</a>, qui sensibilise la population à l’impact de l’activité humaine sur l’environnement. </p>
<p>Puis, dans les années 1990, l’avènement de la <a href="https://www.mcgill.ca/newsroom/fr/article/la-chimie-verte-mise-en-contexte">chimie verte</a> a favorisé la collaboration entre le design et la biologie pour développer des <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1278402">textiles écologiques</a>. Ces derniers visaient à améliorer la gestion des déchets et à préserver la pureté de l’eau en suivant les <a href="https://mcdonough.com/wp-content/uploads/2013/03/Hannover-Principles-1992.pdf">principes de Hanovre</a>, qui cherchent à harmoniser l’interdépendance entre l’activité humaine et le monde naturel en éliminant les intrants toxiques à la source. </p>
<h2>Une approche inspirée du vivant pour accélérer la transition écologique textile</h2>
<p>L’humanité s’est toujours inspirée des formes de la nature pour créer. </p>
<p>Dans cette optique, à la fin du XX<sup>e</sup> siècle, la biologiste <a href="https://biomimicry.org/janine-benyus/">Janine Benyus</a> nous invite à observer les <a href="https://biomimicry.org">modes opératoires du vivant</a> pour repenser nos méthodes de fabrication en s’inspirant du <a href="https://www.ruedelechiquier.net/essais/376-biomimetisme-25-ans.html">biomimétisme</a>. </p>
<p>Pourrions-nous par exemple produire des teintures à température ambiante et sans molécules toxiques ? Cette démarche amène à considérer une réflexion commune entre le design, les sciences et l’ingénierie. </p>
<p>Cette vision multidisciplinaire du design où l’écologie, la médecine et la politique prennent part à l’acte de conception afin de mieux répondre aux besoins de la société était déjà prônée par Papanek dès 1969. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/551520/original/file-20231002-30-2h1680.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="schéma" src="https://images.theconversation.com/files/551520/original/file-20231002-30-2h1680.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/551520/original/file-20231002-30-2h1680.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/551520/original/file-20231002-30-2h1680.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/551520/original/file-20231002-30-2h1680.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/551520/original/file-20231002-30-2h1680.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/551520/original/file-20231002-30-2h1680.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/551520/original/file-20231002-30-2h1680.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Concept du « design minimal », de Victor Papanek.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Schéma tiré des travaux de Victor Papanek)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Développer une pensée écosystémique du design à travers une éducation écologique</h2>
<p>Dès 1990, le pédagogue <a href="https://blogs.ubc.ca/lled3662017/files/2017/08/Orr_Environmental-Literacy-Ecoliteracy.pdf">David Orr</a> introduit le concept d’écolittératie pour combler une lacune majeure dans l’éducation traditionnelle, qui est centrée sur l’humain et qui ignore son interconnexion avec la nature. Orr préconise une éducation environnementale pour développer un lien d’appartenance avec son milieu de vie et établir des modèles de production favorisant la résilience des écosystèmes. </p>
<p>Dans les années 2000, la chercheuse en design de mode <a href="https://katefletcher.com">Kate Fletcher</a> soutient le développement de cette littératie écologique afin d’amener les parties prenantes du secteur (designers, consommateurs, industriels) à comprendre l’implicite interconnexion des systèmes industriels et vivants, qui montre que la mode entretient une relation vitale avec la nature. </p>
<p>Puis, en 2018, la chercheuse en conception durable <a href="https://www.bloomsbury.com/ca/design-ecology-politics-9781350258778/">Joanna Boehnert</a> souligne que la littératie écologique favorise non seulement le développement de nouvelles façons de produire plus durables, mais permet aussi d’élargir notre vision sociale, politique, et économique afin d’aborder de façon systémique les défis transdisciplinaires de la durabilité. </p>
<p>C’est ce que soutient aussi le biologiste <a href="https://www.pikaia.fr/equipe/emmanuel-delannoy/">Emmanuel Delannoy</a> dans son modèle de <a href="https://www.apesa.fr/permaeconomie/">permaéconomie</a>, qui nous amène à reconsidérer notre relation au vivant afin d’établir une symbiose entre l’économie et la biosphère.</p>
<h2>Un patrimoine coloré à redécouvrir, transmettre et sublimer</h2>
<p>Mon projet de <a href="https://hexagram.ca/fr/qu-est-ce-que-la-recherche-creation/">recherche-création</a> propose une réflexion critique sur la teinture textile. </p>
<p>Ce champ d’investigation m’amène à explorer la coloration au-delà de son esthétique afin de soulever des questionnements d’ordre écologique, économique et pédagogique. </p>
<p>Alors que l’aspect <em>glamour</em> de la mode occulte les problématiques sanitaires et socio-environnementales de l’industrie textile, j’oriente ma réflexion vers une compréhension plus globale de la teinture qui comprend ses origines, ses modes de fabrication et ses interactions avec le vivant. </p>
<p>J’explore le développement de teintures non toxiques, en étudiant d’une part, la littérature sur les <a href="https://www.belin-editeur.com/le-monde-des-teintures-naturelles">colorants naturels depuis la préhistoire</a>. De l’autre, en rencontrant des experts du domaine comme l’historienne <a href="https://www.cnrs.fr/sites/default/files/download-file/CardonD.pdf">Dominique Cardon</a> ou l’artisane textile écolettrée <a href="https://fibershed.org/staff-board/">Rebecca Burgess</a>, fondatrice du concept <a href="https://fibershed.org">Fibershed</a>, qui vise à produire un vêtement biodégradable dans un espace géographique restreint. </p>
<p>J’étudie aussi des pratiques de terrain, dont celle du Laboratoire Textile de l’<a href="https://www.luma.org/fr/arles/nous-connaitre/les-projets/atelier-luma.html">Atelier Luma</a> qui travaille à l’intersection de l’écologie, du textile et du développement économique régional. </p>
<p>Enfin, je m’intéresse aux <a href="https://www.arts.ac.uk/subjects/textiles-and-materials/postgraduate?collection=ual-courses-meta-prod&query=!nullquery&start_rank=1&sort=relevance&f.Subject-test%7Csubject=Textiles%20and%20materials&f.Course%20level%7Clevel=Postgraduate">formations en design qui proposent une approche art-science</a> où l’<a href="https://wildproject.org/livres/vers-lecologie-profonde">écologie profonde</a> est intégrée au processus de conception. </p>
<h2>Symbiose entre la nature et l’industrie textile</h2>
<p>Dans <a href="https://speculativelifebiolab.com/2022/04/03/cooking-and-culturing-colour-part-iv/">le laboratoire de recherche où je travaille</a>, j’expérimente le croisement de recettes tinctoriales (teintures textiles à base de plantes) traditionnelles et prospectives. </p>
<p>Inspirée par le concept d’<a href="https://doi.org/10.1038/scientificamerican0989-144">écologie industrielle</a>, précurseur de l’économie circulaire, qui valorise les rebuts d’une industrie comme ressources pour une autre, j’utilise des <a href="https://www.lapresse.ca/societe/mode-et-beaute/2021-03-30/quand-les-dechets-se-melent-de-la-mode.php">déchets agroalimentaires comme source colorante</a>, que je combine à l’utilisation de <a href="https://hexagram.ca/fr/demo2-vanessa-mardirossian-the-culture-of-color-an-ecoliteracy-of-textile-design-2/">bactéries productrices de pigment</a> pour élargir la palette de couleurs. </p>
<p>Ainsi, les tannins issus de divers rebuts peuvent être valorisés dans des recettes de teintures. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/551537/original/file-20231002-25-qtiisx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="bouts de tissu colorés" src="https://images.theconversation.com/files/551537/original/file-20231002-25-qtiisx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/551537/original/file-20231002-25-qtiisx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/551537/original/file-20231002-25-qtiisx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/551537/original/file-20231002-25-qtiisx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/551537/original/file-20231002-25-qtiisx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/551537/original/file-20231002-25-qtiisx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/551537/original/file-20231002-25-qtiisx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Tissu teint à partir de déchets et de bactéries.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Vanessa Mardirossian)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais colorer un textile n’est que la partie visible de l’iceberg. Car toute une préparation de la fibre se passe en amont pour assurer la résistance de la couleur à la lumière et au lavage. C’est ce qu’on appelle le « mordançage ». Que la fibre soit animale ou végétale, les mordants utilisés seront différents, mais doivent rester bénéfiques à l’environnement pour pouvoir y être rejetés. </p>
<p>Cette expertise acquise de façon itérative entre la théorie, le prototypage et l’analyse de résultats contribue à l’écolittératie textile. Doublée d’une connaissance en biologie, cette dernière permet d’appréhender les interactions délétères entre le monde matériel et vivant. </p>
<p>La synthèse des concepts d’écolittératie et de biomimétisme m’amène à réfléchir à une macro-vision de l’écosystème industriel de la mode et à envisager le concept d’« écolittératie textile » comme un moyen de déployer un réseau de collaborations intersectorielles entre le design, la santé, l’éducation et l’industrie. </p>
<p>Ma recherche vise ainsi à montrer que la <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.2752/175693810X12774625387594">matérialité textile doit s’harmoniser de manière symbiotique avec les écosystèmes naturels</a> afin que les deux parties bénéficient de leur interaction.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214322/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vanessa Mardirossian est membre de l'Acfas, d'Hexagram et des laboratoires de recherche: Textiles & Materiality et Critical Practices in Material and Materiality de l'Université Concordia. Elle a reçu des financements du Conseil de recherches en Sciences Humaines du Canada (CRSH), de l'Université Concordia et de l'Université du Québec à Montréal.</span></em></p>
La fabrication des vêtements, lors de leur production, leur utilisation et leur fin de vie, a un impact sur notre santé. Mais une meilleure connaissance écologique pourrait renverser la vapeur.
Vanessa Mardirossian, PhD Candidate and educator in sustainable fashion, Concordia University
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/210211
2023-08-02T18:05:42Z
2023-08-02T18:05:42Z
Industrialiser l’Afrique : oui mais comment ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/538732/original/file-20230721-27-v0seqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C882%2C4989%2C3044&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En décembre 2020, Maurice dévoilait un plan d'expansion de la production industrielle de l'île et sa capitale Port-Louis.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’Afrique peut-elle encore <a href="https://theconversation.com/topics/industrialisation-72629">développer son industrie</a> ? Comment ? Celle-ci est aujourd’hui reléguée au plus bas niveau de la chaine des valeurs mondiale, quand l’économie des pays reste très dépendante des exportations de <a href="https://theconversation.com/topics/ressources-naturelles-45642">ressources naturelles</a>.</p>
<p>Les pays d’Afrique disposent d’un réel potentiel d’industrialisation, mais encore faut-il trouver le modèle approprié. Après l’indépendance de la plupart de ces pays dans les années 1960, certains d’entre eux ont tenté de s’<a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/industrialisation-par-substitution-aux-importations">industrialiser par substitution aux importations</a>. L’objectif : produire au sein de ses frontières les biens qui étaient jusque-là importés. En raison de la faiblesse des marchés intérieurs et de la maturité des appareils productifs à l’étranger, le succès n’a pas été au rendez-vous.</p>
<p>Les recettes libérales ont, elles, été appliquées à partir des années 1980. Les mesures des <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/ajustement-structurel#:%7E:text=Les%20programmes%20d%E2%80%99ajustement%20structurel,crit%C3%A8res%20de%20l%E2%80%99orthodoxie%20lib%C3%A9rale%2C">Programmes d’ajustement structurel</a>, imposés dans les années 1990 par le FMI comme préalable à l’octroi de nouveaux prêts, vont maintenir les économies africaines au plus bas. On parle même de « décennie perdue » pour le continent.</p>
<p>Depuis quelques années il faut aussi compter avec l’émergence des marchés asiatiques. Plusieurs <a href="https://doi.org/10.4236/jss.2019.77032">auteurs</a> au cours des années 2000 ont notamment analysé et tenté d’évaluer l’<a href="https://doi.org/10.4236/ti.2015.63015">impact de l’économie chinoise</a> sur les dynamiques industrielles et commerciales des pays africains. Leurs <a href="http://dx.doi.org/10.2139/ssrn.1112857">conclusions</a> convergeaient : l’Afrique s’exposait à un <a href="https://econpapers.repec.org/scripts/redir.pf?u=http%3A%2F%2Fwww.mitpressjournals.org%2Fdoi%2Fpdf%2F10.1162%2Frest.2009.11498;h=repec:tpr:restat:v:92:y:2010:i:1:p:166-173">risque croissant de désindustrialisation</a>.</p>
<p>Il est crucial pour les pays africains d’adopter une stratégie d’industrialisation en phase avec les défis internes – besoin de nourrir une population grandissante – et externes – respect des normes et principes environnementaux. Pour des économies qui peinent à se financer, identifier les secteurs d’investissements les plus pertinents s’avère plus important encore. C’est ce à quoi nous avons consacrés nos <a href="https://doi.org/10.7202/1072640ar">recherches</a>.</p>
<h2>Un avantage comparatif</h2>
<p>Depuis les travaux fondateurs de <a href="https://www.economie.gouv.fr/facileco/david-ricardo#:%7E:text=%C3%89conomiste%20anglais%2C%20David%20Ricardo%20publie,pas%20d%C3%A9termin%C3%A9%20par%20son%20utilit%C3%A9.">David Ricardo</a> en 1817, beaucoup d’études ont poursuivi la réflexion sur la place de chaque pays dans le commerce international. Ce que montrait l’économiste anglais est que le monde sort gagnant du fait que les pays se spécialisent dans les secteurs dans lesquels ils sont relativement plus efficaces que les autres nations.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>En prolongeant cette réflexion et en utilisant des modélisations qui en ont été tirées, nous montrons que, dans le <a href="https://theconversation.com/topics/textile-habillement-26481">secteur textile</a>, les pays à faible revenu possèdent un avantage relatif dans les produits d’entrée de gamme et un désavantage dans les segments de prix supérieurs. Les pays d’Afrique présentent également un avantage relatif dans le segment d’entrée de gamme du secteur des appareils électroménagers et électroniques.</p>
<p>Un atout des pays à faibles revenus d’Afrique est leur bas niveau de salaire. Contrairement aux autres industries, les stratégies de positionnement dans le secteur textile dépendent fortement des niveaux de salaires, en particulier pour les produits d’entrée de gamme. Nos résultats sont, sur ce point, cohérents avec ceux de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00036849500000024">Bruno Amable</a>, professeur à HEC Paris, et de son collègue Bart Verspagen qui montraient que la compétitivité n’est déterminée par des facteurs de prix que dans les secteurs à très faible technologie comme le textile.</p>
<p>Voilà pourquoi diriger les investissements en direction de pareilles industries paraît pertinent, la demande nationale et internationale nourrissant un effet de levier. Les produits à faible technicité sont en effet les plus accessibles pour des populations pauvres. C’est sur ce créneau que se situe la <a href="https://doi.org/10.7202/1072640ar">demande africaine</a>.</p>
<h2>Des opportunités à saisir ?</h2>
<p>Cependant, dans ce même secteur, les pays d’Afrique sont confrontés à la concurrence, qui demeure forte, de certains pays à revenu intermédiaire, en Asie et en Amérique latine. Pendant plusieurs décennies, la Chine a connu un <a href="https://doi.org/10.7202/1072640ar">croissance fulgurante</a> dans son commerce de produit d’entrée gamme.</p>
<p>Elle est cependant aujourd’hui confrontée à une augmentation des salaires. Elle a été annuellement de <a href="https://doi.org/10.4000/regulation.15040">2,4 % en moyenne dans les années 2000</a> et la <a href="https://donnees.banquemondiale.org/indicator/NY.ADJ.NNTY.PC.CD?locations=CN">hausse des revenus</a> s’est accentuée depuis. Compte tenu de l’<a href="https://econpapers.repec.org/RePEc:cii:cepidt:2010-23">épuisement de son modèle d’exportation</a> et de l’orientation prise vers le marché intérieur, la Chine semblait par ailleurs chercher à se positionner dans les produits haut de gamme. Entre 2012 et 2017, le pays s’est mis à peser moins lourd sur les produits à faible coût dans le commerce international.</p>
<p><iframe id="bCYcf" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/bCYcf/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La tendance s’est ensuite inversée, mais la dynamique a pu bénéficier à certains pays asiatiques comme le <a href="https://doi.org/10.4000/regulation.15040">Vietnam et le Bangladesh</a>. Ce fut peu le cas pour l’Afrique. Les seuls qui semblent en tirer profit aujourd’hui sont l’Éthiopie, le Rwanda, le Kenya et le Lesotho.</p>
<p>Le développement de ces produits en Afrique appelle ainsi la mise en place de politiques industrielles inspirées de celles qui ont favorisé le développement économique de plusieurs pays d’Asie. Certaines nations africaines telles que l’île Maurice, Madagascar, le Nigeria, l’Éthiopie et le Kenya ont ainsi développé, par exemple, des zones de libre-échange attractives pour les IDE et mis en place des politiques de promotion afin de stimuler les exportations. Le plan de <a href="https://unctad.org/fr/news/lile-maurice-devoile-un-plan-dexpansion-de-sa-production-industrielle">développement de l’industrie à Maurice</a>, qui a permis à l’île de réduire sa dépendance au commerce de la canne à sucre, en est une illustration.</p>
<p>En raison de la concurrence féroce des pays émergents et de ce qui semble être un retour de la Chine sur le créneau, l’émergence de l’industrie manufacturière africaine ne sera couronnée de succès que si les consommateurs locaux sont prêts à modifier leur comportement pour s’adapter à la nouvelle offre. Développer une industrie de transformation plutôt qu’une filière d’exportation de matières premières, c’est aussi tout un changement culturel à opérer pour le continent. Les gouvernements auraient intérêt à l’encourager en facilitant l’accès au financement, aux subventions et aux marchés publics.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210211/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
L’Afrique présente un avantage comparatif certain dans le secteur textile d’entrée de gamme, mais il lui faut composer avec la concurrence de pays d’Asie qui ont mieux saisi certaines opportunités.
Diadié Diaw, Maître de conférences en économie, Université Rennes 2
Albert Lessoua, Associate professor in economics, ESCE International Business School
Louis César Ndione, Maître de conférences en sciences de gestion, Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/210153
2023-07-25T17:53:47Z
2023-07-25T17:53:47Z
Shein : l’ascension (pas si) brillante de la nouvelle star de la fast-fashion
<p>Vous avez sans doute, au moins par vos enfants, entendu parler récemment de l’entreprise chinoise Shein (prononcez « chi-ine » car il s’agit d’une contraction de « she inside »), nouvelle superstar de la vente en ligne d’articles de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/mode-23119">mode</a> à bas prix. </p>
<p>Créée en 2012 par Chris Xu (Xu Yangtian en chinois), un <a href="https://www.theguardian.com/business/2022/jul/30/chris-xu-shein-mysterious-billionaire-founder-fast-fashion">Chinois né à Shandong</a> (côte est) et diplômé de l’université de Washington, l’enseigne s’est en effet spécialisée dans la mode à bas prix en ciblant la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/generation-z-46146">génération Z</a> (c’est-à-dire les personnes <a href="https://www.pewresearch.org/short-reads/2019/01/17/where-millennials-end-and-generation-z-begins/">nées entre 1997 et 2012</a>. En 2022, 10 ans après sa création, l’entreprise employait 10 000 personnes dans le monde et vendait dans <a href="https://us.shein.com/About-Us-a-117.html">plus de 150 pays</a>, avec des bureaux en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/chine-20235">Chine</a>, <a href="https://www.wired.com/story/fast-cheap-out-of-control-inside-rise-of-shein/">à Singapour et aux États-Unis</a>.</p>
<p>Shein, qui fait l’objet de nos récents <a href="https://econpapers.repec.org/paper/haljournl/hal-04135819.htm">travaux de recherche</a>, domine en effet le secteur des enseignes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/fast-fashion-106968">fast-fashion</a> avec notamment plus de 40 % du marché américain début 2023, contre 11 % en février 2020. Elle <a href="https://secondmeasure.com/datapoints/fast-fashion-market-share-us-consumer-spending-data-shein-hm-zara/">dépasse désormais ses concurrents Zara et H&M réunis</a>. En mai 2021, son application avait d’ailleurs <a href="https://www.lesechos.fr/weekend/mode-beaute/fast-fashion-shein-dans-la-gueule-du-look-1406615">pris la place d’Amazon en tant que première application de shopping</a> en nombre de téléchargements sur les portails Apple et Android.</p>
<p>Son modèle lui a notamment permis de bénéficier de la pandémie de Covid-19, qui a <a href="https://www.mckinsey.com/capabilities/mckinsey-digital/our-insights/the-new-digital-edge-rethinking-strategy-for-the-postpandemic-era">accéléré l’adoption des technologies numériques</a> et a bouleversé l’industrie de la mode. Au printemps 2020, lorsque les points de vente ont été contraints de fermer, les clients se sont en effet tournés vers les achats en ligne.</p>
<p>En conséquence, le chiffre d’affaires du groupe a bondi de 10 milliards de dollars en 2020 (une augmentation déjà fulgurante de <a href="https://mp.weixin.qq.com/s/h9s4yHmq18PrOc47WpEC6g">250 % par rapport à 2019</a> à <a href="https://www.statista.com/statistics/1317676/shein-estimated-gross-merchandise-value/">19,1 milliards de dollars en 2021</a>, ce qui représente une huitième augmentation consécutive en glissement annuel proche des 100 %. Cette performance est d’autant plus étonnante que, dans le même temps, ses concurrents en ligne les plus directs, Asos et Boohoo, ont respectivement vendu <a href="https://www.businessofbusiness.com/articles/rise-shein-100-billion-fast-fashion-scandals/">4,4 milliards de dollars et 2,5 milliards de dollars en 2020</a> tout en bénéficiant eux aussi des fermetures de magasins dans le monde entier.</p>
<p>Non cotée en bourse, Shein aurait levé entre <a href="https://www.wsj.com/articles/shein-valued-at-100-billion-in-funding-round-11649126740">1 et 2 milliards de dollars de fonds privés</a> en avril 2022, valorisant l’entreprise à pas moins de 100 milliards de dollars, soit, une nouvelle fois, plus que H&M et Zara combinés.</p>
<h2>Plus de 250 millions de followers</h2>
<p>Shein a construit son succès grâce à plusieurs éléments stratégiques. Tout d’abord, le détaillant chinois a réussi à mettre en place une chaîne d’approvisionnement (<em>supply chain</em>) impressionnante. L’entreprise dispose aujourd’hui d’un réseau de 6 000 fournisseurs, situés dans un rayon maximum d’une à deux heures de route du principal entrepôt, localisé à quelques dizaines de kilomètres de Hongkong à Foshan. <a href="https://stories.publiceye.ch/en/shein/">Des commandes y sont expédiées dans le monde entier</a> 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.</p>
<p>Cette force de frappe logistique a permis au détaillant de construire un modèle de <a href="https://www.marketplace.org/shows/marketplace/shein-fast-fashion/">« mode en temps réel »</a>. Certes, le système de production à la commande est assez courant dans de nombreux secteurs, en particulier dans celui de la fast-fashion. Ce qui est moins courant, en revanche, c’est de commander de très petits lots de produits. Par exemple, dans son centre de production en Espagne, le <a href="https://pandayoo.com/2021/02/18/an-incomplete-business-story-about-shein/">volume de production minimum de Zara serait de 500 pièces</a>.</p>
<p>Shein, de son côté, passe des commandes de 100 pièces ou moins, ce qui lui confère une plus grande souplesse. Le distributeur chinois s’appuie notamment pour cela sur des <a href="https://jingdaily.com/china-luxury-artificial-intelligence-shein">outils d’intelligence artificielle</a> (IA) qui recueillent et analysent en permanence des données relatives aux comportements de ses propres clients sur son site web, aux résultats de recherche en ligne ou encore aux messages sur les réseaux sociaux.</p>
<p>L’entreprise peut ainsi identifier en temps réel les combinaisons de couleurs, les motifs ou les tendances de prix les plus populaires. Toutes ces informations sont partagées avec les concepteurs et les prototypistes de l’entreprise, qui développent ensuite de nouveaux produits sur la base de ces tendances. Ces produits peuvent ensuite être commandés en petites quantités. Si les produits ont du succès, Shein commande des quantités plus importantes. Dans le cas contraire, le <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/mode-luxe/fast-fashion-a-canton-avec-les-petites-mains-de-shein-1393256">produit est arrêté</a>.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Cette organisation conduit ainsi à parler d’ultra fast-fashion, pour marquer la différence avec les entreprises traditionnelles de la fast-fashion.</p>
<p>Le succès de Shein ne s’explique pas uniquement par l’organisation et les performances de sa chaîne d’approvisionnement. L’entreprise est également une championne du marketing, qui a très tôt démontré sa compréhension du pouvoir des réseaux sociaux, où elle a construit la présence de sa marque et son succès. Selon la BBC, Shein franchissait ainsi la barre des <a href="https://www.bbc.com/news/business-59163278">250 millions followers sur l’ensemble de ses médias sociaux</a> fin 2021.</p>
<h2>« Tu ne peux pas finir Shein »</h2>
<p>Le géant chinois excelle notamment dans le mélange des médias et du divertissement, offrant une expérience ludique aux clients. Le tout est enrichi par du contenu généré par les utilisateurs et des commentaires, ce qui est très puissant pour attirer et retenir un public sur les réseaux sociaux. Dans ce qui est nommé « haul videos », par exemple, des clients déballent et testent les produits, les montrent et demandent de l’aide pour choisir ceux qu’ils garderont, tout en mettant l’accent sur le prix peu élevé de leurs articles. Il s’agit généralement d’adolescentes ou de jeunes d’une vingtaine d’années, qui constituent le principal groupe cible de Shein</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/e9tgNzr12qs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Un exemple de « haul video » dédiée aux produits Shein.</span></figcaption>
</figure>
<p>Ces contenus sont beaucoup plus puissants que les recommandations positives des magazines de mode ou des sites web, car les consommateurs ont de plus en plus tendance à se tourner les uns vers les autres pour savoir quoi porter. Rien que sur <a href="https://theconversation.com/fr/topics/tiktok-89289">TikTok</a>, le hashtag #sheinhaul compte pas moins de 7,3 milliards de vues, un chiffre gigantesque qu’augmenteraient largement les autres hashtags tels que #sheinkids, #sheincats, et #sheincosplay. Ces photos et vidéos engagent les spectateurs, leur donnant finalement envie de découvrir et d’acheter plus de produits sur le site du distributeur chinois.</p>
<p>Le site web de Shein reprend d’ailleurs la recette du succès de TikTok en proposant également ce même défilement sans fin <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2022/apr/18/ultra-fast-fashion-retail-sites-shein">pour afficher ses nouveaux modèles</a>. Cela a même fait dire qu’<a href="https://twitter.com/Channel4/status/1582386026479173632?s=20&t=kNI--VZpfQUvJFpBpTS9Qyg">« on ne peut pas finir Shein, tout comme on ne peut pas finir TikTok »</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1582386026479173632"}"></div></p>
<h2>Pas de jour de repos pour les ouvriers</h2>
<p>La croissance de Shein reste toutefois peu reluisante pour plusieurs raisons. Tout d’abord, son modèle entraîne des conséquences dommageables pour celles et ceux qui produisent les vêtements. Payés à la pièce, les ouvriers de l’industrie textile travaillent généralement de longues heures. Beaucoup sont des migrants venus d’autres provinces chinoises pour trouver un emploi ou obtenir de meilleurs salaires.</p>
<p>La plupart d’entre eux travaillent jusqu’à 74 heures par semaine, sans aucun jour de repos, et dans un cadre qui ne répond pas aux exigences de sécurité de base. Ces chiffres dépassent de loin les 44 heures maximum autorisées par la loi chinoise (même en incluant les 36 heures mensuelles supplémentaires pour lesquels les employés peuvent opter), qui accorde également au moins un jour de congé par semaine.</p>
<p>Interrogé sur ce point, Shein répond la plupart du temps par des généralités. La compagnie affirme par exemple, que « les partenaires fournisseurs doivent aménager les horaires de travail de manière raisonnable et <a href="https://www.reuters.com/business/retail-consumer/exclusive-chinese-retailer-shein-lacks-disclosures-made-false-statements-about-2021-08-06/">se conformer aux lois et réglementations locales</a> », ou encore « doivent fournir un environnement de travail sûr, hygiénique et sain, et prendre les mesures nécessaires pour prévenir les accidents et les blessures des employés résultant de leur travail ».</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/1Fh1FdahpsY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Exploitation, dangers, salaire de misère : la face cachée de Shein (Quotidien, avril 2023).</span></figcaption>
</figure>
<p>En outre, en tant que mastodonte de la fast-fashion, Shein contribue indéniablement à la dégradation de l’environnement. Tout d’abord, en raison de la production de vêtements elle-même, l’enseigne est évidemment concernée par les mêmes problèmes que l’ensemble de l’industrie. Pire encore, en vendant des vêtements à <a href="https://www.ft.com/content/ed0c9a35-7616-4b02-ac59-aac0ac154324">l’un des prix les plus bas du secteur</a>, Shein encourage ses clients à les considérer comme hautement jetables.</p>
<p>Notons également que l’utilisation de polyester par Shein reste l’une des plus élevées du secteur, avec <a href="https://www.bloomberg.com/graphics/2022-fashion-industry-environmental-impact">95,2 % de ses vêtements contenant de composants plastiques</a> contre 89,3 % pour PrettyLittleThing, 83,5 % pour Boohoo, ou même 64,7 % pour Asos. Cela laisse très peu de possibilités de recyclage des matériaux. Le chiffre n’inclut même pas la production de ses emballages plastiques.</p>
<p>D’autre part, le nombre incroyable de nouveaux designs ajoutés quotidiennement sur son site web augmente les niveaux de pollution causés par sa production et le renouvellement continuel de la gamme proposée aux clients. Enfin, parce que l’entreprise expédie dans plus de 150 pays, Shein contribue aux émissions de gaz à effet de serre en raison de ses volumes élevés de livraisons et de retours. La plupart de ces derniers finissent d’ailleurs dans des décharges parce que cela reste <a href="https://www.theguardian.com/fashion/2022/apr/10/shein-the-unacceptable-face-of-throwaway-fast-fashion">moins coûteux que de les remettre en circulation</a>).</p>
<h2>#Sheinstolemydesign</h2>
<p>Au fil des ans, Shein a également été accusé à maintes reprises de copier les créations d’autrui, qu’il s’agisse de créateurs indépendants ou de grandes entreprises. Des firmes de renom, telles que Levi’s et Dr Martens, ont ainsi poursuivi le site web chinois pour <a href="https://www.theguardian.com/news/audio/2022/apr/25/shein-rise-ultra-fast-fashion-today-in-focus">violation de marque</a>. Des procédures intentées par <a href="https://edition.cnn.com/2023/07/14/business/shein-rico-lawsuit/index.html">d’autres créateurs</a> comme Krista Perry et Larissa Martinez sont aujourd’hui en cours pour les mêmes raisons. Bien que courantes et difficiles à prouver dans l’industrie de la mode, ces copies prennent une nouvelle dimension lorsqu’une entreprise géante aussi réactive peut les produire en très petites quantités et dans un laps de temps très court.</p>
<p>Si les grandes multinationales peuvent poursuivre car elles disposent de ressources financières suffisantes pour s’attaquer à de tels cas de copie, les choses sont différentes pour les petits créateurs indépendants qui accusent Shein de s’approprier leur travail de manière illégitime. Les cas de ce type abondent sur les réseaux sociaux, où les créateurs placent côte à côte des photos de leurs propres produits et des copies de Shein. Sur TikTok, le hashtag <a href="https://www.tiktok.com/tag/sheinstolemydesign?lang=fr">#sheinstolemydesign</a> comptait ainsi plus de 17 millions de vues en juillet 2023. Utiliser les réseaux sociaux pour confronter publiquement l’entreprise semble en effet le meilleur moyen d’obtenir des réponses et des excuses de sa part, même si cela ne signifie pas nécessairement une compensation financière et <a href="https://www.theguardian.com/artanddesign/2022/mar/06/they-took-my-world-fashion-giant-shein-accused-of-art-theft">n’empêche pas Shein de recommencer</a>.</p>
<h2>Le succès de Shein peut-il être durable ?</h2>
<p>La croissance ultrarapide de Shein pourrait donc avoir semé les graines de problèmes futurs, dont certaines commencent déjà à germer. L’entreprise s’efforce de montrer qu’elle en est consciente et qu’elle a commencé à les traiter, voire à les anticiper.</p>
<p>Certes, début 2022, une enquête menée auprès de 7 000 adolescents américains a révélé que Shein était leur <a href="https://www.wired.com/story/fast-cheap-out-of-control-inside-rise-of-shein">deuxième application de commerce électronique préférée</a> – après Amazon. Cependant, un nombre croissant de personnes recherche des entreprises plus durables, authentiques et transparentes pour leurs achats, en se tournant vers des start-up de mode durable <a href="https://startupsavant.com/startups-to-watch/sustainable-clothing">comme Dropel ou Vividye</a>. Comme l’indiquait en 2022 la blogueuse de mode Ines Fressynet : </p>
<blockquote>
<p>« Shein avait réussi à me donner <a href="https://www.euronews.com/green/2022/04/05/welcome-to-the-dark-side-shein-is-the-biggest-rip-off-since-fast-fashion-was-born">l’illusion d’avoir trouvé le Graal du shopping en ligne</a> ».</p>
</blockquote>
<p>Il est important de souligner la dualité à laquelle la génération Z est confrontée avec Shein : une obsession pour le modèle de fast fashion d’un côté et l’aspiration à une consommation plus responsable de l’autre. D’ailleurs, de nouveaux concurrents encore moins chers que Shein ont déjà fait leur apparition, comme AllyLikes (une filiale d’Alibaba, géant chinois du commerce électronique qui cible les marchés européens) ou PinDuoDuo. La génération Z, principal moteur de la croissance de Shein, restera-t-elle séduite par les prix ou changera-t-elle d’avis ? De la réponse à cette question dépend l’avenir du groupe, mais aussi sans doute celui de toutes les entreprises qui misent sur une stratégie <a href="https://theconversation.com/fr/topics/low-cost-46331">low-cost</a> au détriment des impacts sociaux et environnementaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210153/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Le distributeur chinois de mode à bas prix en ligne a construit son succès grâce à une stratégie d’influence et à une logistique de pointe, mais aussi au mépris des enjeux sociaux et environnementaux.
Ghassan Paul Yacoub, Professor of Innovation, Strategy, and Entrepreneurship, IÉSEG School of Management
Loïc Plé, DIrecteur de la Pédagogie - Full Professor, IÉSEG School of Management
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/209551
2023-07-18T18:29:32Z
2023-07-18T18:29:32Z
Mode et dégâts environnementaux : comment aider les consommateurs à en prendre conscience ?
<p>La production de matières textiles, dont la première destination est l’industrie de la mode, n’a cessé d’augmenter depuis le début du siècle. Celle-ci est passée de près de 60 millions de tonnes par an en 2000 à près de 110 en 2020, avec des prévisions estimant les volumes à près de 130 millions de tonnes par an en 2025, près de 150 en 2030.</p>
<p>Cette croissance exponentielle est vivement préoccupante car la production des matières textiles a de multiples impacts : sur le climat avec une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959652621006107">contribution avérée au réchauffement climatique</a>, sur la biodiversité du fait de <a href="https://librairie.ademe.fr/consommer-autrement/1524-revers-de-mon-look-9791029710520.html">pratiques de déforestation, de surexploitation des sols et de pollution de l’air, des sols et de l’eau</a>, et sur le bien-être et la santé des personnes travaillant dans l’industrie, avec des risques relatifs à la salubrité et la sécurité sur le lieu de travail, la précarité de l’emploi voire des <a href="https://issuu.com/fashionrevolution/docs/fr_whitepaper_2020_digital_singlepages">cas avérés de non-respect du droit du travail</a>, des droits humains et de l’enfant.</p>
<p><iframe id="797NC" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/797NC/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Pour remédier à ces impacts liés à la production des matières textiles, certaines marques de l’industrie de la mode cherchent à respecter les principes du développement durable. Elles ont recours à des modes de production moins dommageables pour l’environnement, les animaux et les personnes.</p>
<p>Concrètement, ces engagements conduisent les marques à privilégier des matières textiles naturelles moins polluantes (coton biologique) et nécessitant moins d’eau (lin, chanvre), des matières textiles recyclées (<a href="https://theconversation.com/industrie-de-la-mode-les-effets-tres-limites-du-recyclage-des-textiles-145363">bien que leur production présente des limites</a>), des matières respectant le bien-être animal – par exemple, labélisées <em>responsible wool standard</em> (RWS) – ou encore des matières alternatives aux matières animales (par exemple le <a href="https://www.wedressfair.fr/matieres/cuir-d-ananas-pinatex">Piñatex</a> fabriqué à base d’ananas pour éviter l’usage du cuir).</p>
<p>De manière transversale, ces engagements conduisent aussi les marques à privilégier des matières produites en Europe ou à l’étranger en suivant des chartes éthiques. À titre d’exemple, la marque <a href="https://la-mode-a-l-envers.loom.fr/insectocalypse-now-pourquoi-on-passe-nos-vetements-au-coton-bio/">Loom propose majoritairement des vêtements en coton</a> mais aussi en lin ou en laine. Le coton et le lin sont certifiés <em>global organic textile standard</em> (GOTS), la laine est certifiée « mulesing-free » (c’est-à-dire sans la pratique chirurgicale qui consiste à retirer la peau située autour de la queue des moutons et qui <a href="https://www.thegoodgoods.fr/mode/le-probleme-du-mulesing-dans-la-laine/">relève de la maltraitance animale</a>). Le lin est cultivé en France, le coton en Inde, ces matières sont tissées en Italie et les vêtements sont confectionnés au Portugal.</p>
<h2>Entre manque de connaissance et culpabilité</h2>
<p>Du côté des consommateurs, un intérêt croissant pour ces marques et ces produits se traduit par des intentions d’achat. Par exemple, 64 % des Français se déclarent prêts à acheter des <a href="https://media.licdn.com/dms/document/media/C4E1FAQGqv6GDPGTPjA/feedshare-document-pdf-analyzed/0/1673530086273?e=1689206400&v=beta&t=dDqgXxYDMrBjZONYfem7yoxbvwuv4BDG4EtN_9A7_MA">vêtements contenant des fibres naturelles, recyclées ou labellisées</a>, et 65 % soulignent que l’engagement des marques en matière de développement durable <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/les-francais-et-la-mode-durable">constitue un critère important</a> de leurs achats de vêtements.</p>
<p><iframe id="K4Cj3" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/K4Cj3/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En parallèle cependant, il apparaît clairement que les consommateurs manquent de connaissances sur les matières textiles et leurs impacts, <a href="https://theconversation.com/la-transition-vers-une-mode-ethique-un-chemin-seme-dembuches-163905">voire n’en ont pas conscience</a>, bien qu’un certain nombre ressentent quoi qu’il en soit un sentiment négatif, <a href="https://theconversation.com/fast-fashion-porter-des-vetements-non-ethiques-fait-desormais-culpabiliser-le-consommateur-183052">voire de la culpabilité</a> en lien avec leurs achats de vêtements, particulièrement pour la <em>fast fashion</em>.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/fast-fashion-porter-des-vetements-non-ethiques-fait-desormais-culpabiliser-le-consommateur-183052">« Fast fashion » : porter des vêtements non éthiques fait désormais culpabiliser le consommateur</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Dans une récente <a href="https://www.researchgate.net/publication/370531488_Vers_une_prise_de_conscience_des_enjeux_ethiques_des_matieres_textiles_par_les_consommateurs_dans_le_cadre_de_la_transition_ecologique">recherche</a>, nous avons alors voulu comprendre comment peut s’opérer une prise de conscience des impacts des matières textiles sur le vivant. Grâce à 21 entretiens réalisés en France au domicile de consommateurs, en deux temps et à 6 mois d’intervalle, nous dégageons deux niveaux de conscience et expliquons comment les consommateurs peuvent passer de l’un à l’autre.</p>
<p>Au premier niveau, qualifié de <strong>conscience d’accès</strong>, ou de conscience <em>phénoménale</em>, le consommateur « sait » ce qu’est le coton : il connait les sensations associées à cette matière, il peut en parler, mais cela ne s’accompagne pas nécessairement d’une conceptualisation des impacts sur le vivant de cette matière.</p>
<p>Au second niveau, d’ordre supérieur, qualifié de <strong>conscience réflexive</strong>, le consommateur produit un jugement, souvent d’ordre moral, sur ses propres actes. Dans le cas des matières textiles, cela se traduit notamment par la prise en compte des enjeux éthiques associés aux matières, via deux dimensions :</p>
<ul>
<li><p>La durabilité du vêtement, autrement dit dans quelle mesure les matières textiles contribuent à « faire durer » le vêtement. C’est l’exemple d’une personne qui va acheter du coton parce qu’elle trouve que cette matière tient bien dans le temps.</p></li>
<li><p>Les impacts sur le vivant, autrement dit les conséquences de la production des matières textiles sur l’environnement, les animaux et les personnes. C’est l’exemple d’une personne qui va acheter du coton biologique parce qu’elle sait que cette matière nécessite moins de pesticides que du coton conventionnel, ou qui privilégie le lin sachant que cette matière nécessite moins d’irrigation que le coton.</p></li>
</ul>
<p>Pour passer du premier niveau au second, et du second niveau de la première dimension (durabilité du vêtement) à la seconde (impacts des matières textiles sur le vivant), certains évènements vont jouer un rôle clef.</p>
<h2>Le rôle clef des évènements suscitant la désadaptation</h2>
<p>Ces événements peuvent être une conversation avec un proche, <a href="https://www.nouveaumodelepodcast.com/">l’écoute d’un podcast</a>, la lecture d’un postexplicatif sur les réseaux sociaux, la lecture d’une étiquette de vêtement, l’expérience d’un vêtement qui se déforme au lavage, etc. Ils vont créer une désadaptation, un décalage par rapport au réel tel que celui-ci était jusqu’alors vécu.</p>
<p>Cette désadaptation, si elle s’accompagne ensuite d’une verbalisation pour autrui, permet la conceptualisation puis la réflexivité. Autrement dit, un évènement suscitant une désadaptation peut mener à une réflexion sur ce que cet évènement a révélé, mis en lumière pour le consommateur. Il en résulte des apprentissages qui sont le fruit du passage d’un niveau à l’autre.</p>
<p>Lorsque les matières deviennent des objets de réflexion suite à une désadaptation, certains consommateurs se rendent tout d’abord compte qu’ils n’avaient pas de connaissances sur les impacts des matières textiles sur le vivant, ou qu’ils avaient des connaissances erronées.</p>
<h2>Tous les consommateurs ne sont pas prêts</h2>
<p>De ce fait, certains vont chercher à se renseigner davantage : en regardant plus souvent les étiquettes, en faisant des recherches sur Internet, en interrogeant des vendeurs en magasin, en échangeant avec leurs proches, etc. Ceci pourra ensuite se traduire par des achats de vêtements contenant des matières jugées plus respectueuses de l’environnement, des personnes et des animaux, ou par l’identification de marques proposant des produits contenant ce type de matières, que les personnes rencontrées voudraient privilégier par le futur.</p>
<p>Cependant, tous les consommateurs ne souhaitent pas ou ne sont pas prêts à conceptualiser les impacts des matières textiles sur le vivant. Parmi les personnes que nous avons rencontrées, cela est dû à un désintérêt pour la catégorie vêtements, à un désintérêt pour l’environnement, le bien-être des personnes ou le bien-être animal, ou un sentiment d’impuissance quant aux impacts de la production des matières textiles sur le vivant.</p>
<h2>Une nécessaire verbalisation</h2>
<p>Cette recherche permet de formuler des recommandations destinées aux marques de mode qui souhaiteraient accompagner les consommateurs vers une plus grande conscience des impacts des matières textiles sur le vivant. Nous mettons à jour que l’information seule peut créer la désadaptation, mais ne suffit pas à la conceptualisation et donc à ce qu’une prise de conscience opère.</p>
<p>La verbalisation est nécessaire. En ce sens, les vendeurs ont un rôle clef à jouer en boutique, afin d’accompagner les consommateurs dans la compréhension des informations mises à leur disposition (étiquettes permettant d’identifier le type de matières textiles, labels, éléments de PLV mettant en avant les engagements de la marque pour réduire les impacts sur le vivant de ses vêtements du fait des matières les composant).</p>
<p>Enfin, afin de favoriser la prise de conscience en permettant la verbalisation pour autrui, des organisations comme <a href="https://theconversation.com/institutions/ademe-agence-de-la-transition-ecologique-2357">l’Ademe</a> (Agence de la transition écologique) ou <a href="https://refashion.fr/fr">Re_Fashion</a> (éco-organisme de la filière textile habillement, linge de maison et chaussures) pourraient organiser des ateliers avec des consommateurs pour échanger sur l’industrie de la mode et les sensibiliser à un « mieux consommer » les vêtements, nécessaire dans un contexte de <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-comment-consommer-avec-sobriete-169574">transition des modes de vie vers la sobriété</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209551/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Selon un travail de recherche, un évènement simple comme une conversation avec un proche ou la lecture d’un post sur les réseaux sociaux peut créer un déclic dans les habitudes d’achat de vêtements.
Edith de Lamballerie, Doctorante en sciences de gestion, Université Paris Dauphine – PSL
Valérie Guillard, Professeur des Universités (Sciences de Gestion), Université Paris Dauphine – PSL
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/207268
2023-07-06T17:18:08Z
2023-07-06T17:18:08Z
Surcycler des déchets textiles : une piste pour mieux isoler les bâtiments ?
<p>Actuellement, l’<a href="https://theconversation.com/fr/search?q=industrie+textile&sort=relevancy&language=fr&date=all&date_from=&date_to=">industrie textile</a> est le cinquième secteur d’activité le plus polluant au monde. Ce secteur consomme beaucoup d’énergie et d’eau, mais aussi des quantités considérables d’engrais et pesticides pour faire pousser les fibres, et de métaux lourds, phtalates, et colorants pour les transformer. On estime qu’il faut <a href="https://doi.org/10.5194/hess-15-1577-2011">entre 7 000 et 11 000 litres d’eau pour la fabrication d’un seul jean à base de coton</a>.</p>
<p>Parmi les <a href="https://earth.org/statistics-about-fast-fashion-waste/">92 mégatonnes de déchets textiles produits par an</a>, une grande partie est brûlée ou envoyée dans les décharges. Seulement <a href="https://emf.thirdlight.com/file/24/uiwtaHvud8YIG_uiSTauTlJH74/A%20New%20Textiles%20Economy%3A%20Redesigning%20fashion%E2%80%99s%20future.pdf#page=20">14 % de ces déchets sont réutilisés</a> (seconde main) ou recyclés en matériaux à faible valeur ajoutée (sous-cyclage) : rembourrages de matelas, panneaux d’isolation notamment, tandis que 1 % est transformé en nouvelles fibres textiles (recyclage).</p>
<p>Entre 2000 et 2014, le nombre moyen d’habits achetés par individu a doublé et la quantité de déchets a augmenté de 40 % en 30 ans, <a href="https://www.mckinsey.com/business-functions/sustainability/our-insights/style-thats-sustainable-anew-fast-fashion-formula">un phénomène accéléré par la « fast fashion »</a>, le phénomène de renouvellement très rapide des collections de vêtements peu coûteux.</p>
<p>Le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/recyclage-21060">recyclage</a> des textiles est indispensable à une transition vers des modèles économiques circulaires et plus durables mais il est aujourd’hui coûteux. Fabriquer des matériaux à haute valeur ajoutée (surcyclage) permettrait de compenser ces coûts et de favoriser le développement de la filière.</p>
<h2>Comment recycler les textiles ?</h2>
<p>Le recyclage des déchets textiles implique l’utilisation de procédés chimique, mécanique, organique ou mixte. L’élaboration de nouvelles fibres filées à partir de déchets textiles est possible pour les tissus d’origine végétale de type coton ou viscose, car ces textiles sont composés d’une seule matière. À savoir que la viscose, aussi appelée « fausse soie », est une fibre artificielle faite à partir de bois et présente une structure chimique finale similaire au coton.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/531967/original/file-20230614-21-ztbp5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/531967/original/file-20230614-21-ztbp5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/531967/original/file-20230614-21-ztbp5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/531967/original/file-20230614-21-ztbp5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/531967/original/file-20230614-21-ztbp5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/531967/original/file-20230614-21-ztbp5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/531967/original/file-20230614-21-ztbp5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/531967/original/file-20230614-21-ztbp5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Du déchet textile au matériau valorisable : monolithes (cylindres) et billes d’aérogels faits à partir de deux tissus 100 % viscose.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marion Négrier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au contraire, les textiles multicomposants sont très difficiles à recycler à cause des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0734242X18819277">propriétés physico-chimiques très variées des différentes fibres</a>. Par exemple, la plupart des fibres synthétiques telles que le polyester ou le polyamide peuvent être chauffées, fondues et mises en forme à haute température (autour de 200 °C), alors que cela est infaisable avec les polymères naturels tels que le coton ou la laine. On ne sait malheureusement pas séparer mécaniquement différents types de fibres actuellement à l’échelle industrielle.</p>
<p>Le développement de nouvelles approches de recyclage des déchets textiles est l’un des <a href="https://www.carnot-mines.eu/fr/carnot-mines-%C3%A0-la-recherche-de-solutions-op%C3%A9rationnelles-%C3%A0-la-question-du-recyclage-des-plastiques,https://www.theses.fr/s259058">principaux axes de recherche de différents projets scientifiques</a>, dont la création de nouveaux matériaux. En effet, aujourd’hui le peu de déchets textiles récupéré et voué à être retransformé suit soit une boucle de recyclage fermée – afin d’être de nouveau utilisé pour créer de nouveaux fils et tissus – soit une boucle ouverte, menant à la création de matériaux différents.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/industrie-de-la-mode-les-effets-tres-limites-du-recyclage-des-textiles-145363">Industrie de la mode : les effets (très) limités du recyclage des textiles</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Actuellement, les matériaux créés en « boucle ouverte » à partir de déchets textiles, comme les rembourrages de matelas, ont une faible valeur ajoutée par rapport à leur matière d’origine, le textile. Ce type de recyclage est donc caractérisé de « sous-cyclage » ou « downcycling ».</p>
<h2>Créer de nouveaux matériaux de haute valeur à partir de déchets</h2>
<p>Les déchets textiles ne font pour l’instant pas l’objet de valorisation par des procédés industriels de surcyclage ou « upcycling » en matériaux à haute valeur ajoutée. Ceux-ci pourraient permettre de contrer les coûts élevés des procédés de recyclage.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>De plus, l’utilisation de l’important gisement de déchets textiles permettrait de valoriser une ressource qui pour le moment est inexploitée, et de répondre à la demande croissante des industriels de remplacement des matières pétrosourcées par des biomatériaux (ici, la cellulose contenue dans les textiles).</p>
<p>C’est pourquoi ma thèse consiste en la transformation de déchets textiles à base de coton ou viscose en matériaux poreux de nouvelle génération et à haute valeur ajoutée, appelés « aérogels ».</p>
<h2>Les aérogels pour l’isolation des bâtiments</h2>
<p>Depuis plusieurs années, des aérogels à base de silice et de polymères pétrosourcés (non biosourcés donc) sont développés et utilisés à petite échelle en tant que « super isolants » thermiques pour le bâtiment – sachant que l’isolation est un des enjeux majeurs de la transition énergétique. Mais le coût élevé des matières premières et des procédés de fabrication impliquant des <a href="https://doi.org/10.1039/C3TA13172F">substances toxiques</a>, ainsi que les mauvaises propriétés mécaniques des aérogels de silice, <a href="https://doi.org/10.1007/s10971-016-4012-5">freinent leur développement à l’échelle industrielle</a>.</p>
<p>Les « bio-aérogels » élaborés à partir de sources naturelles comme la pectine (pépins de pomme et écorce d’agrumes), l’amidon (pomme de terre, riz et maïs) et la cellulose (bois) possèdent des propriétés similaires aux aérogels classiques en termes de porosité et densité. Mais ont l’avantage d’être entièrement composés de matières premières renouvelables, c’est-à-dire inépuisables, sont 100 % biodégradables et non toxiques.</p>
<p>Les bioaérogels 100 % textiles sont dix fois plus légers que l’eau et hautement poreux – le diamètre des pores est compris entre 20 et 100 nanomètres, ce qui les rend invisibles à l’œil nu. Ils contiennent plus de 90 % d’air, et, si on déplie virtuellement un gramme de matériau aérogel, alors sa surface correspond à deux terrains de tennis (environ 400 mètres carrés). Ils présentent également des <a href="https://doi.org/10.1039/D2SU00084A">propriétés similaires aux aérogels faits de cellulose pure standard</a> élaborée en laboratoire.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/531966/original/file-20230614-27-w4adxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="microscopie du matériau poreux" src="https://images.theconversation.com/files/531966/original/file-20230614-27-w4adxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/531966/original/file-20230614-27-w4adxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/531966/original/file-20230614-27-w4adxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/531966/original/file-20230614-27-w4adxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/531966/original/file-20230614-27-w4adxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/531966/original/file-20230614-27-w4adxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/531966/original/file-20230614-27-w4adxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La structure interne, très poreuse, de notre aérogel de cellulose. La photo couvre environ 25 micromètres en largeur.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marion Négrier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Leur porosité particulièrement élevée devrait permettre leur utilisation en tant que matériaux d’<a href="https://doi.org/10.3390/coatings8100345">isolation thermique</a> et <a href="https://doi.org/10.1002/adem.202201137">acoustique</a> dans le bâtiment et le secteur du transport.</p>
<p>Prenons, par exemple, la <a href="https://doi.org/10.1039/D2SU00084A">transformation en biomatériau d’une chemise 100 % viscose</a> provenant d’un gisement de post-consommation. Après effilochage du tissu, je dissous les fibres grâce à des solvants spécifiques, permettant l’obtention d’une solution de « viscose liquide ». Après avoir fait gélifier ce liquide sous la forme désirée (cylindres, billes, formes sur mesure par impression 3D), j’élimine le solvant et je sèche le gel dans des conditions spécifiques, me permettant d’obtenir un biomatériau sec poreux 100 % textile. Nos tests de conductivité thermique montrent que les aérogels obtenus isolent mieux que les panneaux d’isolation fabriqués en textile recyclés, mais il reste à faire des tests grandeur nature dans des bâtiments. On observe une conductivité thermique entre 0,030 et 0,036 W/mK pour les aérogels face à <a href="https://www.izi-by-edf-renov.fr/blog/isolation-textile-recycle">0.039–0,051 W/mK pour les isolants classiques en textile</a>, qui transmettent donc plus la chaleur.</p>
<p>Une variante de ce procédé permet également de <a href="https://pubs.rsc.org/en/content/articlelanding/2023/su/d2su00084a">recycler le textile multicomposé comme le polycoton (mélange polyester/coton)</a>, où le coton est sélectivement dissous et le polyester récupéré pour être recyclé séparément.</p>
<h2>Les autres applications des aérogels issus de déchets textiles</h2>
<p>La fine porosité des aérogels de cellulose permettrait aussi de fabriquer des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6403747/">filtres à air pouvant être utilisés dans les salles blanches</a> (industrie agroalimentaire, électronique) afin de piéger les particules et éviter les potentielles contaminations.</p>
<p>En plus de leur biocompatibilité, la taille des pores des aérogels de cellulose peut être modifiée et adaptée selon l’application (de quelques dizaines de nanomètres à quelques dizaines de microns), il est alors possible d’y inclure une substance active et de contrôler son relargage au cours du temps.</p>
<p>Ainsi, ces biomatériaux peuvent être utilisés en tant que <a href="https://doi.org/10.1007/s10570-021-03734-9">matrice contenant des médicaments</a> ou des engrais. Les aérogels de cellulose peuvent également servir à l’élaboration de dispositifs médicaux spécifiques en tant que <a href="http://bmrat.org/index.php/BMRAT/article/view/637">pansement antibactérien</a>, ou comme <a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/bm5003976">support tridimensionnel pour la culture cellulaire</a>.</p>
<p>Grâce à leurs propriétés physico-chimiques particulières, les aérogels de textile pourraient ainsi faire l’objet de multiples applications dans des secteurs variés.</p>
<hr>
<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/ProjetIA-18-EURE-0021">Biotechnology Building Bio-based Economy</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207268/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Le travail de thèse a été financé par l'Institut Carnot M.I.N.E.S. et a bénéficié d'une aide de l’État gérée par l'Agence Nationale de la Recherche au titre du programme d’Investissements d’Avenir portant la référence ANR-18-EURE-0021.</span></em></p>
Nous créons de nombreux déchets textiles, qui sont peu recyclés, et encore moins surcyclés. Une piste pour donner plus de valeur à ces fibres mises au rebut.
Marion Négrier, Post-doctorante en chimie des matériaux au CEMEF (Mines Paris - PSL), en collaboration avec le centre RAPSODEE (IMT Mines Albi) et avec le le Centre Thermodynamique des Procédés, Mines Paris - PSL
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/194776
2022-11-17T17:19:57Z
2022-11-17T17:19:57Z
L’Afrique profitera-t-elle de « l’après-Chine » dans les industries de main-d’œuvre ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/495669/original/file-20221116-14-87tls3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C35%2C1129%2C747&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 2050, la croissance démographique devrait impliquer la création de plus de 20&nbsp;millions de nouveaux emplois par an en Afrique.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/127716409@N05/24224772467">Rwanda Green Fund/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Ce dimanche 20 novembre marquera la <a href="https://www.un.org/fr/observances/africa-industrialization-day">journée mondiale de l’industrialisation de l’Afrique</a> célébrée annuellement par l’ensemble de la communauté internationale depuis son lancement par les Nations unies en 1989. Le sujet garde aujourd’hui toute sa pertinence tant le continent, et notamment l’Afrique subsaharienne, est resté jusqu’ici la périphérie de l’industrie mondiale.</p>
<p>Cependant, les évolutions structurelles récentes de cette dernière offrent à présent une opportunité historique de donner une impulsion à cette industrialisation africaine, comme nous le montrons dans l’étude <a href="https://www.afd.fr/fr/ressources/quelles-perspectives-dindustrialisation-tardive-pour-lafrique-subsaharienne">« Quelles perspectives d’industrialisation tardive pour l’Afrique subsaharienne »</a>, récemment publiée par l’Agence française de développement (AFD) – à condition toutefois d’être en mesure de la saisir.</p>
<p>L’étude s’intéresse plus particulièrement à l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/industrie-21143">industrie</a> légère, qui produit des biens de consommation et nécessite une utilisation limitée de capital. À ce titre, cette industrie légère a toujours été une activité à la recherche d’une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/main-doeuvre-77921">main-d’œuvre</a> abondante et de salaires bas, ce qui a provoqué un déplacement régulier à l’échelle mondiale de ses productions vers de nouveaux territoires plus attractifs et à y créer des emplois, souvent nombreux.</p>
<p>En règle générale, ces activités industrielles mobiles ont constitué la première étape du processus d’industrialisation des pays d’accueil, en particulier en Asie de l’Est. Dans cette perspective, la dernière étape marquante a été la constitution de l’« atelier du monde » chinois, dont les parts de marché ont atteint des niveaux impressionnants.</p>
<h2>« L’après-Chine » a commencé</h2>
<p>Après le Japon et les « dragons » asiatiques, la Chine a en effet atteint à son tour un sommet sur le marché mondial dans les industries de main-d’œuvre. Les salaires y ont progressé, les investissements se sont orientés vers des activités à plus forte valeur ajoutée, et les parts de marché de la Chine ont commencé à décliner dans l’industrie légère.</p>
<p>« L’après-Chine » a ainsi commencé dans ces activités intensives en travail et a déjà ouvert des marchés aux pays plus pauvres d’Asie. La filière habillement apparaît particulièrement concernée, ainsi que d’autres industries de main-d’œuvre comme les chaussures, le cuir, les meubles, etc.</p>
<p><iframe id="t9AGl" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/t9AGl/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En parallèle, du point de vue démographique, le XXI<sup>e</sup> siècle sera celui de l’Afrique. Alors que l’Asie a concentré les deux tiers de l’augmentation de la population active mondiale depuis 60 ans, dans les prochaines décennies, les nouveaux actifs seront principalement africains. En 2050, la population active de l’Afrique subsaharienne comptera 700 millions de personnes supplémentaires ; ce qui impliquera la création de plus de 20 millions de nouveaux emplois par an !</p>
<p><iframe id="G4aXA" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/G4aXA/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le recul de la Chine dans les industries de main-d’œuvre ouvre donc des opportunités à d’autres pays en développement. Toutefois, le nombre de bénéficiaires de cette ouverture reste, pour l’instant, limité. L’essentiel du potentiel généré par le déclin chinois dans ces branches est en effet actuellement capté par une demi-douzaine d’exportateurs asiatiques, comme le Bangladesh, le Vietnam ou encore le Cambodge.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Si, dans une première phase, les exportations de ces producteurs se substitueront en partie à celles de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/chine-20235">Chine</a>, ils restent néanmoins bien plus petits et leur capacité d’absorption est limitée. Ces pays atteindront également un seuil de saturation, marqué par des augmentations de salaire, l’érosion de leur compétitivité et de leurs parts de marché. Ne pouvant plus absorber tout le recul chinois, ils libèreront alors des opportunités pour une nouvelle génération d’exportateurs.</p>
<h2>30 millions d’emplois mobiles à l’horizon 2030</h2>
<p>Dans cette seconde phase, à la fin de la présente décennie, exportations et emplois se déplaceront vers une nouvelle génération de producteurs. Notre étude estime, dans un scénario moyen, que près de 16 millions d’emplois formels et autant d’emplois informels seront concernés à l’horizon 2030, la plupart dans les branches <a href="https://theconversation.com/fr/topics/textile-habillement-26481">textile-habillement-cuir</a>, soit plus de 30 millions d’emplois cumulés.</p>
<p>Or, à cet horizon, ni l’Asie de l’Est, ni le Bangladesh, ni l’Afrique du Nord et encore moins l’Amérique latine ne pourront se substituer aux fournisseurs actuels. Le changement technique et les perspectives d’automatisation ne remettront pas en cause l’intensité en main-d’œuvre dans la production de vêtements, de chaussures, ou d’articles en cuir.</p>
<p>Les transitions vers des économies bas carbone (relocalisation, taxe carbone) n’auront en outre qu’un impact marginal sur la localisation envisagée de ces activités à l’horizon 2030. Il n’y aura pas de relocalisation significative au Nord. L’intensité en main-d’œuvre de ces productions restera en effet élevée et ne permettra pas de produire massivement dans des pays à salaires élevés ou intermédiaires.</p>
<p>Les avantages comparatifs dans ces branches se situeront alors en Inde ou en Afrique subsaharienne. Or, si l’Inde s’est affirmée jusqu’ici comme un producteur important, avec plus de 50 millions d’emplois dans l’industrie de l’habillement, le pays reste un exportateur modeste dont la part dans les exportations mondiales stagne. Ses productions visent d’abord le marché intérieur et sa compétitivité internationale est faible.</p>
<p><iframe id="uG80B" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/uG80B/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Certes, ces nouvelles opportunités ne peuvent certainement pas transformer l’Afrique subsaharienne en géant industriel ni résoudre le défi de l’emploi sur le sous-continent. Cependant, elles ouvrent bien la possibilité d’un doublement de l’emploi industriel actuel.</p>
<p>De 10 à 30 millions d’emplois pourraient être créés dans ces industries d’exportation vers 2030 dans des pays africains. Mais lesquels ? À ce stade, le raisonnement à l’échelle du continent trouve ses limites. Si ces emplois mobiles prennent la direction de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/afrique-20142">Afrique</a> ce sera, au moins dans un premier temps, vers un petit groupe de pays, qui apparaîtront plus attractifs et plus compétitifs.</p>
<p>L’enjeu principal résidera dans la compétitivité « hors usine ». À ce niveau, la crédibilité des incitations et la qualité des infrastructures, c’est-à-dire les politiques publiques, devraient faire la différence.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie les 23 et 24 septembre 2022 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194776/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
La hausse des salaires et la réorientation des investissements ont conduit à un recul des parts de marché de la Chine. Une opportunité pour le développement économique du continent africain.
Marc Lautier, Professeur d'économie, Université Rennes 2
Jean-David Naudet, Conseiller au directeur exécutif Innovations, recherche et savoirs, Agence française de développement (AFD)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/193255
2022-11-02T19:36:39Z
2022-11-02T19:36:39Z
Quand réindustrialisation et coopétition vont de pair dans le monde des chaussures de sport
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/491674/original/file-20221025-21-io2e4y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C243%2C2284%2C1126&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Depuis septembre 2021, des chaussures de sport haut de gamme sont produites dans le village d’Ardoix, dans le nord de l’Ardèche.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Fvlamoen / Wikimédia Commons</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/enjeux/france-relance/dp-relocaliser-72-laureats.pdf">850 millions d’euros</a>, telle est la somme que le gouvernement français a pris la décision d’engager pour favoriser une relocalisation industrielle sur le territoire national. Priorité née de la crise Covid et des difficultés logistiques engendrées, elle a été encore réaffirmée par le président de la République à l’occasion du <a href="https://www.lesechos.fr/politique-societe/emmanuel-macron-president/exclusif-emmanuel-macron-il-faut-une-politique-massive-pour-reindustrialiser-leurope-1870009">Mondial de l’automobile</a>. Les deniers ont été utilisés à la suite d’appels à projets adressés à cinq secteurs considérés comme « critiques » : la santé, l’agroalimentaire, l’électronique, les intrants essentiels de l’industrie (chimie, matériaux, matières premières) et la 5G. 477 lauréats ont finalement été retenus.</p>
<p>Pour beaucoup cependant, à l’instar des économistes Elie Cohen et Pierre-André Buigues, auteurs récemment d’une <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/10/14/les-efforts-budgetaires-considerables-visant-a-reduire-les-couts-de-production-n-ont-pas-permis-une-reindustrialisation-de-la-france_6145838_3232.html">tribune</a> acide dans les colonnes du Monde, nous sommes loin du compte. Un des obstacles principaux reste celui des <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/electricite-le-gouvernement-cherche-les-parades-pour-eviter-un-effondrement-de-lindustrie-1869470">coûts de production</a>, encore très élevés en France par rapport à ceux des pays émergents, un obstacle face auquel l’inflation et les craintes de pénurie d’énergie n’aident pas.</p>
<h2>Coopération entre concurrents</h2>
<p>Au-delà des aides de l’État, nos travaux de recherche, menés au sein du <a href="http://www.coopetitionlab.com/">Coopetition Lab</a> et de la <a href="https://www.chairecooinnov.com/">Chaire Coo-innov</a>, indiquent qu’une stratégie semble assez efficace et sans doute à promouvoir : la coopération entre concurrents, que l’on appelle parfois <a href="https://theconversation.com/fr/topics/coopetition-62125">« coopétition »</a>. Non seulement elle permet de diminuer les coûts en les mettant en commun car des concurrents produisent souvent à partir d’infrastructures similaires ; mais encore, le partage des connaissances offre la possibilité de lancer des programmes ambitieux et favorise l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/innovation-21577">innovation</a>. Souvenons-nous sur ce dernier point comment les chercheurs de <a href="https://www.chairecooinnov.com/_files/ugd/e36b13_ddf8a7f7d8134616bc68a54bec576230.pdf">BioNtech et de Pfizer</a> se sont rapidement entendus et ont croisé leurs connaissances pour créer ensemble le premier vaccin efficace contre le Covid.</p>
<p>La coopétition est une stratégie dont l’intérêt pour les entreprises est de plus en plus reconnu. Elle apparaît comme pertinente tout autant pour les projets menés par les grandes entreprises dans les secteurs de haute technologie, comme le <a href="https://theconversation.com/la-coopetition-voie-incontournable-de-la-reussite-spatiale-francaise-et-europeenne-192043">projet Galileo</a>, ou le développement de <a href="https://theconversation.com/comment-ubisoft-leve-les-freins-a-la-coopetition-interne-grace-aux-knowledge-brokers-127942">jeux vidéo</a> chez Ubisoft, que pour les petites entreprises dans des secteurs traditionnels comme le <a href="https://theconversation.com/la-coopetition-dans-les-vins-dauvergne-pour-le-meilleur-et-pour-le-pire-191695">vin</a>.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>Un cas exemplaire de réussite de cette stratégie, autour d’un projet de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reindustrialisation-86098">réindustrialisation</a> de l’hexagone, est celui de Salomon, Babolat et Millet, trois grands noms du secteur des chaussures de sport. Tous les trois, dans l’objectif de relocaliser leur production en France, se sont entendus pour faire produire une partie de leurs chaussures par le même sous-traitant, Chamatex, dans une même usine, qu’ils ont financée ensemble quelque part au nord de l’Ardèche, dans un petit village de moins de 2000 habitants.</p>
<h2>Concurrencer l’Asie</h2>
<p>En 2020, Chamatex, fabricant de textiles chimiques lançait le projet Advanced Shoe Factory 4.0 (dit plus rapidement « ASF 4.0 »). Après un an de travaux et 10 millions d’euros d’investissement, l’usine de chaussures de sport est <a href="https://www.francebleu.fr/infos/economie-social/la-fabrication-de-chaussures-relocalisee-en-france-dans-l-usine-la-plus-moderne-au-monde-en-ardeche-1631832602">inaugurée</a>. Sa finalité ? Remettre la France au cœur de la production de chaussures et concurrencer l’Asie. Une partie des coûts d’investissements de l’usine a été supportée conjointement par trois entreprises clientes, à l’origine trois concurrents : Salomon, Babolat et Millet. Chacun a contribué à hauteur de 400 000 euros.</p>
<p>L’automatisation poussée de l’usine doit permettre d’obtenir une ligne de production flexible et de fabriquer plusieurs types de chaussures pour les trois marques concurrentes. Les chaussures de Babolat, Millet et Salomon qui seront produites par l’ASF 4.0 seront essentiellement constituées d’un tissu technique commun, le Matryx. Il enrobe de nouvelles chaussures plus légères, résistantes et dotées d’un maintien optimal et a été inventé initialement par Chamatex et Babolat. Millet et Salomon bénéficieront donc de la technologie mise au point par un concurrent.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/jdtOnN3p8xE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Un simple cadeau de la part de Babolat ? Sans la coopération avec la concurrence, l’usine n’aurait pas pu voir le jour, puisque sa rentabilité repose sur la production de grandes quantités qui permettent de bénéficier d’économies d’échelle et d’amortir les investissements.</p>
<p>La modernité de l’usine permet par ailleurs des temps de production plus courts. À la conquête du marché européen, les trois concurrents partenaires pourront aussi faire preuve de réactivité. La production au plus près des consommateurs permet enfin de minimiser les coûts de transport sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement et les coûts environnementaux liés à l’empreinte carbone.</p>
<h2>Contre-intuitif mais inspirant</h2>
<p>À terme, l’usine devrait permettre de relocaliser près de 50 emplois en France. L’idée des porteurs de ce projet est de répliquer ce modèle d’usine mais surtout ce modèle coopétititif à d’autres zones géographiques, afin de continuer à relocaliser la production de chaussures en France.</p>
<p>La coopétition peut, certes, sembler contre-intuitive : a priori, les entreprises préfèrent développer leurs projets seules. Et si elles n’ont pas en leur sein les compétences ou ressources nécessaires, elles vont rechercher des partenariats avec des non-concurrents. On ne fait équipe avec des concurrents bien souvent qu’en dernier recours.</p>
<p>Reste que ce cas exemplaire montre sans ambiguïté que la coopétition, en permettant la baisse des coûts, la flexibilité et le partage des innovations s’avère une stratégie pertinente pour permettre la relocalisation en France des activités industrielles. Le gouvernement français aurait donc pu être attentif au fait que, dans les réponses d’appel à projets pour la relocalisation, des entreprises concurrentes soumettent ensemble une réponse plutôt que séparément.</p>
<p>Encourager ce type de stratégie, comme c’est le cas au sein des pôles de compétitivité, pourrait d’ailleurs être une autre méthode que l’appel à projets utilisé. Au-delà des incitations gouvernementales, le projet Chamatex pourrait être une source d’inspiration forte pour l’ensemble des industriels français.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193255/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Le Roy a reçu des financements du Labex Entreprendre de l'Université de Montpellier</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Camille Bildstein a reçu des financements du LabEx Entreprendre</span></em></p>
La marque Babolat a partagé une innovation à des concurrents autour d’un projet d’usine en Ardèche qui devrait permettre de relocaliser près de 50 emplois en France.
Frédéric Le Roy, Professeur de Management Stratégique - Université de Montpellier et Montpellier Business School, Université de Montpellier
Camille Bildstein, Ingénieure d'étude, Université de Montpellier
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/188613
2022-08-15T20:26:07Z
2022-08-15T20:26:07Z
Issey Miyake, inventeur d’une mode conceptuelle et grand public
<p>Le créateur <a href="https://www.theguardian.com/fashion/2022/aug/09/issey-miyake-famed-japanese-fashion-designer-dies-aged-84">Issey Miyake</a>, décédé à l’âge de 84 ans, laisse une trace indélébile dans le monde de la mode. Il était célèbre pour ses vêtements qui s’adaptent au corps en mouvement, pensés de façon conceptuelle, mais tout à fait adaptés à la vie quotidienne. Ses vêtements étaient souvent basés sur des formes géométriques simples réalisées dans des tissus finement plissés qui donnaient naissance à des silhouettes nouvelles et inattendues.</p>
<p>Dans le monde de la mode, Miyake s’est démarqué à plusieurs égards. C’est un créateur non occidental qui a fondé sa propre entreprise de mode multiculturelle prospère à l’échelle internationale, et a su proposer une mode qui dépasse les conventions en matière de silhouettes, de styles ou de type de tissus à privilégier.</p>
<p>La prochaine génération de créateurs de mode a beaucoup à apprendre de l’œuvre de Miyake, de sa réinvention des traditions vestimentaires japonaises à son audace dans l’adoption de nouvelles technologies textiles et de nouvelles silhouettes. Ce qui est peut-être le plus pertinent pour le public moderne, c’est sa vision inclusive, son objectif de « créer pour le plus grand nombre ». Il l’a démontré non seulement par la conception et la coupe de ses vêtements, mais aussi par les modèles qu’il a choisi d’inclure dans ses défilés et ses campagnes.</p>
<h2>Une vision égalitaire</h2>
<p>Né à Hiroshima, au Japon, en 1938, Miyake avait sept ans lorsque sa ville natale a été détruite par la bombe atomique qui a marqué la fin de la Seconde Guerre mondiale en Asie. Peu de temps après, il a été gravement blessé à la jambe et a perdu sa mère à cause des radiations, des événements qui l’ont incité à « penser à des choses qui peuvent être créées, et non détruites ».</p>
<p>[<em>Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Miyake étudie ensuite le graphisme à l’université d’art Tama de Tokyo avant d’entrer à l’école de la Chambre Syndicale de la Couture à Paris en 1965. Il a assisté aux manifestations révolutionnaires de mai 1968 à Paris, qui ont abouti à une amélioration des droits des travailleurs et à d’importants changements sociaux. Cela a conduit Miyake à remettre en question le statu quo et l’a inspiré pour penser la mode de manière plus égalitaire et radicale.</p>
<p>En 1970, il crée le Miyake Design Studio. Sa première gamme est basée sur le concept qu’il appelle « A Piece of Cloth », qui est une façon de concevoir en tenant compte de la qualité bidimensionnelle du tissu et en minimisant les déchets. Pour l’exposition universelle Expo ’70 à Osaka, il a conçoit une gamme de vêtements modulaires pouvant être assemblés en une variété de tenues choisies par celle ou celui qui les porte, appelée à juste titre « mode constructible ».</p>
<p>Miyake était fasciné par l’interaction entre les vêtements et le corps, explorant ce que la mode pouvait être. Cela transparaît dans ses nombreuses innovations, notamment dans la manière dont il a mêlé son héritage japonais à ses expériences européennes et nord-américaines. Il a développé sa vision de la mode contemporaine en combinant le confort des styles occidentaux avec les textiles et les silhouettes de l’Orient, en explorant les tatouages de gangsters japonais comme motifs textiles, le <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Sashiko">matelassage sashiko</a> pour les manteaux et les formes géométriques inspirées du kimono pour les robes mouchoirs.</p>
<h2>Rompre avec les conventions</h2>
<p>Aux côtés des designers Rei Kawakubo et Yohji Yamamoto, Miyake appartient à un groupe de créateurs japonais qui ont établi la pertinence d’une perspective de la mode en dehors des récits euroaméricains dominants. Lorsque j’ai étudié l’histoire de la mode dans les années 2000, c’était comme si elle n’existait qu’à Londres, Paris, Milan et New York, mais cette « nouvelle vague » de créateurs japonais a ouvert la voie à d’autres créateurs internationaux.</p>
<p>Tout au long des années 1980, Miyake continue à expérimenter, exposant son travail dans des musées et des galeries. Il explore davantage les matériaux, par exemple les plastrons moulés, les corsages en bambou et en rotin qui ressemblent à des sculptures, tout en utilisant toujours la mode comme un outil d’étude du corps. En 1981, il crée Plantation, une gamme pionnière non genrée, conçue pour être portée par des personnes de tous âges et de toutes morphologies, dans un tissu naturel facile à entretenir. La collection a été reprise et rebaptisée Issey Miyake Permanente en 1985.</p>
<p>Sa marque Pleats Please a été créée en 1988. Il s’agit d’une gamme de vêtements fabriqués à partir d’une nouvelle technologie de plissage du tissu. Les plis présentent un avantage fonctionnel, car ils créent de l’élasticité dans le vêtement, ce qui permet de varier les tailles. Il s’agit d’un autre développement ludique dans son art de repousser les frontières.</p>
<p>En 1999, il présente la gamme A-POC, un retour à son concept original A Piece of Cloth. Cette gamme présente de longs tubes de tissu tricoté qui peuvent être coupés par le porteur à la longueur désirée, une approche visant à minimiser les déchets. Ce style sobre est devenu iconique et ces vêtements sont portés à la fois par des hommes et des femmes de tous âges, représentant une manifestation parfaite de la vision de Miyake pour des vêtements qui offrent le meilleur des deux mondes (occident et orient). Ce sont des objets uniques mais parfaitement fonctionnels et adaptés à la vie de tous les jours.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ce-que-karl-lagerfeld-a-apporte-au-luxe-daujourdhui-et-de-demain-112091">Ce que Karl Lagerfeld a apporté au luxe d’aujourd’hui et de demain</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Miyake a également apporté cet esprit d’expérimentation et de dépassement des limites à ses défilés. Son spectacle radical « Issey Miyake and Twelve Black Girls », donné au Seibu Theatre de Tokyo et au Gymnase municipal d’Osaka, en est la meilleure illustration. Ce spectacle, qui a été à l’affiche plus d’un mois, mettait en avant douze mannequins noirs, dont Grace Jones, d’une manière totalement inédite.</p>
<p>Dans son autobiographie, Jones souligne combien Miyake l’a soutenue lorsqu’elle était une jeune mannequin à Paris. Un épisode représentatif de son attitude avant-gardiste et de sa mentalité inclusive à une époque où il était inhabituel de présenter des créations exclusivement sur des mannequins de couleur.</p>
<p>Qu’il s’agisse de réinventer les formes des vêtements, d’utiliser la technologie pour plisser des tissus innovants, de réduire les déchets de tissu ou de concevoir des pièces non genrées, sa vision était toujours moderne et adaptée à la vie de tous les jours. Issey Miyake a été un véritable pionnier et sa vision novatrice nous manquera cruellement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/188613/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Noorin Khamisani ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Le designer japonais pionnier laisse derrière lui un héritage de création de mode innovante.
Noorin Khamisani, Lecturer in Fashion and Textile Design, University of Portsmouth
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/184012
2022-05-31T18:56:24Z
2022-05-31T18:56:24Z
Économie circulaire : comment transformer les modèles économiques existants ?
<p>Les modèles économiques (ou business models) traditionnels, tenant pour référence le triptyque productiviste (exploitation, fabrication, mise au rebut), considèrent la nature comme étant prodigue d’une quantité infinie de ressources. Autrement dit, nos systèmes économiques sont conçus comme de vastes circuits ouverts qui n’ont de cesse de siphonner les ressources naturelles pour les transformer en produits qui, en bout de chaîne, sont entièrement ou en partie détruits.</p>
<p>Contrairement aux modèles économiques linéaires, les modèles circulaires se fondent sur un système à circuit fermé, qui vise à utiliser et transformer les matières circulant déjà dans l’économie, plutôt que d’en retirer à la nature. Ainsi, ces modèles circulaires présentent une empreinte environnementale plus faible sur deux plans : ils évitent l’exploitation des ressources naturelles et revalorisent les ressources qui pourraient être considérées comme des déchets.</p>
<p>La croissance exponentielle de la consommation mondiale, associée aux ruptures de chaîne d’approvisionnement dues à la crise sanitaire, aux bouleversements climatiques, réglementaires ou des marchés, a rendu plus évident l’impératif de faire évoluer nos pratiques commerciales vers les principes de l’économie circulaire en circuit fermé. Or, les stratégies commerciales qui valorisent des solutions et innovations systémiques circulaires peuvent permettre une plus grande efficacité d’utilisation des ressources et des économies annuelles estimées à <a href="https://ellenmacarthurfoundation.org/towards-the-circular-economy-vol-3-accelerating-the-scale-up-across-global">mille milliards de dollars d’ici 2025</a>, selon les chiffres de la fondation Ellen MacArthur lancée par la navigatrice britannique.</p>
<h2>Source d’opportunités</h2>
<p>La restructuration systématique de nos modèles d’entreprise pourrait donc faire diminuer très largement la pression que subissent les écosystèmes naturels. Repenser la création de valeur afin d’éviter l’extraction de matières premières vierges lorsque des substituts déjà en circulation existent, ainsi qu’une refonte de relations au sein de la chaîne d’approvisionnement pour éviter le gaspillage, apparaissent comme deux moyens fondamentalement différents de produire et de consommer des biens et des services.</p>
<p>Dans mon dernier article de recherche publié dans le <a href="https://www.elgaronline.com/view/edcoll/9781800373082/9781800373082.00024.xml"><em>Research Handbook on Innovation for a Circular Economy</em></a>, je propose un cadre d’orientation modulable pour piloter le développement de nouveaux modèles économiques qui nécessite de refondre en profondeur chacun de ses blocs constitutifs : les produits, les chaînes d’approvisionnement et les parcours clients. C’est déjà aujourd’hui le principe, par exemple, de la <a href="https://ellenmacarthurfoundation.org/circular-examples/hm-group">feuille de route du groupe de textile-habillement H&M pour parvenir à un « écosystème circulaire »</a>, développée en partenariat avec la Fondation Ellen MacArthur.</p>
<p>Certains des changements attendus impliquent la reconception de produits durables, permettant ainsi d’utiliser des matériaux recyclés ou réutilisés, de créer une logistique renversée, des réseaux de collaboration répliqués dans les chaînes d’approvisionnement existantes et d’élaborer des parcours clients qui valorisent les produits circulaires.</p>
<p>Avec cette refonte en trois blocs, les entreprises peuvent modifier, ajouter, créer ou transformer différentes dimensions dans le cadre modulable proposé, afin de repenser méthodiquement leurs processus au fur et à mesure de la mise en œuvre des applications circulaires. Par exemple, les diverses initiatives de la marque de vêtements Patagonia, qui s’est lancée <a href="https://eu.patagonia.com/fr/en/stories/our-quest-for-circularity/story-96496.html">à la recherche de la circularité depuis deux décennies</a>, visent à redéfinir en priorité ses produits de sorte que l’entreprise puisse récupérer et utiliser tous ses déchets.</p>
<h2>Des acteurs de premier plan d’ici 10 ans</h2>
<p>Malgré leur avantage concurrentiel durable certain, les modèles circulaires ne s’implantent cependant encore que dans des marchés de niche, ce qui signifie qu’ils bénéficient d’une part de marché plus faible par rapport aux modèles d’extraction traditionnels. En moyenne, les modèles économiques circulaires représentent environ <a href="https://www.oecd.org/environment/waste/policy-highlights-business-models-for-the-circular-economy.pdf">15 % de la production dans</a> tous les secteurs. Néanmoins, les avancées technologiques, les changements générationnels, les risques commerciaux, ou encore la nouvelle réglementation supranationale au niveau de l’Union européenne augurent l’accélération de cette proportion.</p>
<p>Le <a href="https://ec.europa.eu/environment/strategy/circular-economy-action-plan_en">plan d’action pour l’économie circulaire de l’UE</a> adopté en 2020 dans le cadre du Pacte Vert européen introduit notamment des mesures comptant sur la participation des consommateurs, des entreprises et des citoyens selon un calendrier servant de prérequis pour devenir le premier continent climatiquement neutre d’ici à 2050.</p>
<p>Malgré leurs promesses, les modèles économiques circulaires doivent en effet encore relever un défi de taille : briser les barrières culturelles et commerciales. Une <a href="https://circulareconomy.europa.eu/platform/sites/default/files/171106_white_paper_breaking_the_barriers_to_the_circular_economy_white_paper_vweb-14021.pdf">étude réalisée par Deloitte et l’université d’Utrecht</a> a révélé que, malgré le battage médiatique et une appétence évidente pour les transformations du marché circulaire, tant les consommateurs que les entreprises rejettent les concessions qui doivent être faites à l’heure actuelle.</p>
<p>D’une part, les consommateurs sont partiellement inconscients des enjeux ou peu disposés à changer leurs habitudes de consommation, surtout lorsqu’ils sont pressés ou ont un budget limité. D’autre part, les entreprises doivent arbitrer entre satisfaire les intérêts des actionnaires, supporter les investissements initiaux élevés dans la transformation des processus, développer de nouveaux partenariats et de nouvelles voies d’accès au marché et former leurs collaborateurs aux processus circulaires. En outre, les matériaux circulaires (réutilisés, recyclés, upcyclés, biosourcés) restent toujours plus chers que les matériaux traditionnels (par exemple, les plastiques à base de pétrole).</p>
<p>Heureusement, le cumul de pression sociétale, d’intérêt politique et d’influence des investisseurs dessine une voie qui a peu de chances d’aboutir si elle suit un modèle d’économie linéaire. Selon un récent article publié par le <a href="https://www.weforum.org/agenda/2022/01/5-circular-economy-business-models-competitive-advantage/">Forum économique mondial</a>, les entreprises nées dans la circularité seront des acteurs de premier plan dès 2030, précisément en raison de leurs modèles fondés sur des principes circulaires qui leur confèrent un avantage certain. La marque de produits d’hygiène avec moins de conditionnement <a href="https://unbottled.co/pages/formulation-ingredients">Unbottled</a> en France et son homologue <a href="https://weare.lush.com/fr/la-vie-selon-lush/nos-valeurs/economie-circulaire/">Lush</a> au Royaume-Uni en sont deux excellents exemples. Hormis les causes éthiques et environnementales qu’elles défendent, ces entreprises circulaires dès leur création proposent toutes deux plus de la moitié de leurs produits sans emballage. Bien qu’aucun modèle d’entreprise ne soit encore véritablement circulaire, la transformation semble donc avancer à grands pas.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184012/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Maria Figueroa-Armijos ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Un travail de recherche préconise d’opérer le changement autour de la refonte de trois blocs : les produits, les chaînes d’approvisionnement et les parcours clients.
Maria Figueroa-Armijos, Associate Professor of Entrepreneurship, EDHEC Business School
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/183052
2022-05-23T19:56:59Z
2022-05-23T19:56:59Z
« Fast fashion » : porter des vêtements non éthiques fait désormais culpabiliser le consommateur
<p>Il est bien connu aujourd’hui que <a href="https://piochemag.fr/a-lire-le-dernier-essai-de-lhistorienne-audrey-millet-sattaque-a-la-face-sombre-de-lindustrie-de-la-mode/">l’impact de l’industrie de la mode sur l’environnement</a> est considérablement néfaste. Il a notamment été montré qu’il faut l’équivalent de <a href="https://www.linfodurable.fr/conso/7000-10-000-litres-deau-sont-necessaires-pour-fabriquer-un-jean-comment-arreter-les-frais">285 douches pour produire un jean</a>. En 2030, les émissions de gaz à effet de serre produit par l’industrie de la mode atteindront <a href="https://www.vogue.fr/mode/article/cop26-industrie-mode-objectifs-climat">2,7 milliards de tonnes</a>, soit l’équivalent de 230 millions de voitures roulant pendant un an.</p>
<p>Ces dernières décennies, la croissance de l’industrie de la mode, en mettant l’accent sur la rentabilité, a encouragé un <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/09593960903498300">désir accru de faibles coûts</a>, de flexibilité dans la conception et la qualité, et de rapidité de mise sur le marché au nom des détaillants, aggravant encore le problème.</p>
<p>La <em>fast fashion</em>, <a href="https://www.oxfamfrance.org/agir-oxfam/fast-fashion-et-slow-fashion-impacts-definitions/?gclid=Cj0KCQjw4PKTBhD8ARIsAHChzRJbJXpgAFdnhF-qPgrLp9WBfZHHR5_xVYlo2GUDhBAROzLh3jv52JMaAjVaEALw_wcB">mouvement reposant sur une surproduction et un renouvellement ultrarapide des collections</a> (jusqu’à <a href="https://www.theguardian.com/books/2014/mar/06/stitched-up-anti-capitalist-book-fashion-tansy-hoskins-review">50 collections différentes par an</a>, soit quasiment une collection différente par semaine) est ainsi souvent pointée du doigt quant à son impact environnemental et social. Cette <em>fast fashion</em> nécessite une baisse des coûts de production et une rapidité de production qui mène parfois à des drames. Le 23 avril 2013, au <a href="https://www.lexpress.fr/styles/mode/l-effondrement-du-rana-plaza-symbole-des-abus-de-la-fast-fashion_1899144.html">Rana Plaza à Bangladesh</a>, une usine de fabrication de vêtements, des vêtements portés par les occidentaux, s’est écroulée sur ses employés faisant 1134 morts et 2500 blessés.</p>
<h2>Des ventes en hausse de 40 % en 10 ans</h2>
<p>Face à la pollution produite par l’industrie de la mode, beaucoup de marques et d’initiatives se sont développées. Aujourd’hui, nous avons de plus en plus accès à une <a href="https://www.wedressfair.fr/blog/29-marques-ethiques-pour-un-dressing-responsable">mode plus propre, plus transparente, plus éthique</a>. Des mouvements de <a href="https://fr.fashionnetwork.com/news/Mode-durable-60-des-francais-se-disent-prets-a-boycotter-les-marques-non-equitables,1295445.html">contestation de consommateurs boycottant des marques</a> ou le <a href="https://theconversation.com/black-friday-la-resistance-sorganise-autour-du-consommer-moins-et-mieux-127533">Black Friday</a> naissent.</p>
<p>Les consommateurs montrent eux aussi une prise de conscience et un intérêt accru pour l’écologie la mode durable et responsable. Comme le souligne l’Ipsos dans un <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/les-francais-et-la-mode-durable">étude</a> de 2019, « près de deux Français sur trois (65 %) affirment aujourd’hui que l’engagement des marques et des entreprises en matière de développement durable constitue un critère de choix important au moment de leurs achats mode/habillement ».</p>
<p>Cependant, le comportement des consommateurs tarde à se concrétiser et le <a href="https://reset.eco/comment-sommes-nous-devenus-accros-a-la-fast-fashion/">besoin d’apparat et de changement de look</a> quotidien n’a pas disparu. Pour preuve, les ventes ont augmenté de <a href="https://www.gondola.be/fr/news/fast-fashion-la-vente-de-vetements-enregistre-une-hausse-de-40-en-dix-ans">40 % ces dix dernières années</a>. Un <a href="https://fr.fashionnetwork.com/news/Mode-durable-51-des-francais-ne-font-pas-confiance-aux-marques,1284821.html">manque de confiance dans les marques de mode</a>, un manque de compréhension de ce qu’est la mode durable ainsi qu’une <a href="https://fr.fashionnetwork.com/news/La-mode-durable-un-concept-insaisissable-pour-beaucoup-de-consommateurs,1306083.html">méfiance envers le greenwashing</a>, et également le prix et le <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/les-francais-et-la-mode-durable">manque d’informations sur les noms des marques de mode durable</a> freinent notamment l’engouement des consommateurs de mode durable.</p>
<p>Il est donc indispensable de développer de nouvelles approches pour encourager les individus à acheter et à porter une mode plus durable, tout en s’engageant concernant l’origine de leurs vêtements. Dans cette optique, un travail de recherche mené par notre équipe, <a href="https://www.ingentaconnect.com/content/intellect/sft/2022/00000001/00000001/art00004">récemment publié</a>, propose une nouvelle approche qui repose sur les émotions.</p>
<h2>Impact sur les émotions</h2>
<p>Nous avons demandé à trois groupes (39 personnes – 26 femmes, 13 hommes au total) de venir passer deux heures dans notre laboratoire : le premier groupe devait venir avec sa propre tenue vestimentaire ; le deuxième groupe devait porter un tee-shirt blanc uni et éthique, produit de manière respectueuse avec l’environnement ; et le troisième groupe devait porter un tee-shirt blanc uni et étiqueté comme non-éthique (<em>fast fashion</em>). Les tee-shirts fournis aux deuxième et troisième groupes étaient similaires, seule l’étiquette changeait.</p>
<p>Nous avons mesuré les émotions positives et négatives de chaque participant grâce à l’échelle <a href="https://novopsych.com.au/assessments/well-being/scale-of-positive-and-negative-experience-spane/">SPANE</a>. Ce questionnaire bref mesure les expériences positives et négatives des participants en leur demandant d’évaluer la fréquence à laquelle ils vivent divers états comme sur le plaisir physique, l’engagement, l’intérêt, la douleur, l’ennui, etc. Les émotions de chaque participant ont été évaluées juste avant l’expérience, puis au bout de deux heures de port du tee-shirt.</p>
<p>Nos résultats ont montré que les participants portant des vêtements durables avaient une augmentation des émotions positives par rapport aux participants portant des vêtements non durables.</p>
<p>De plus, les participants portant des vêtements non durables ont montré une baisse des émotions positives par rapport aux participants portant des vêtements durables. En effet, alors que la valeur médiane des émotions positives était similaire pour les trois groupes de participants (médiane d’environ 23) au début de l’expérience, le groupe portant le tee-shirt de mode durable a ensuite montré une augmentation des émotions positives (avec une médiane de 26) et les participants portant le tee-shirt de mode non-durable ont montré une baisse des émotions positives (avec une médiane de 20).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/464753/original/file-20220523-26-uoie1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/464753/original/file-20220523-26-uoie1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/464753/original/file-20220523-26-uoie1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/464753/original/file-20220523-26-uoie1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/464753/original/file-20220523-26-uoie1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/464753/original/file-20220523-26-uoie1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/464753/original/file-20220523-26-uoie1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Malgré la prise de conscience des enjeux de durabilité, le comportement des consommateurs tarde encore à se concrétiser.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/citation-source-d-inspiration-5126624/">Cparks/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Nos résultats ont également montré que les participants portant des vêtements durables observaient une baisse des sentiments négatifs par rapport aux participants portant des vêtements non durables. En effet, alors que la valeur médiane des émotions négatives était similaire pour les trois groupes de participants (médiane d’environ 14), le groupe portant le tee-shirt de mode durable a ensuite montré une baisse des émotions négatives (avec une médiane de 7).</p>
<p>Cette étude met donc en évidence l’existence d’une relation entre ce que nous portons et ce que nous ressentons, renforçant l’importance de connaître la source de nos vêtements. Les résultats, établissant un lien entre le port de vêtements durables ou non durables et des sentiments positifs et négatifs, renforcent le pouvoir et l’influence des vêtements sur les processus psychologiques, ce qui peut aider à encourager les gens à s’engager davantage avec la mode durable et connaître davantage l’origine de leurs vêtements.</p>
<p>Les résultats de cette étude pourraient être utilisés pour montrer aux consommateurs de mode que les impacts néfastes de l’achat de vêtements non durables s’étendent au-delà de la sphère environnementale et sociale, et incluent dont la sphère individuelle à travers les sentiments et les émotions. Cette recherche espère aider ainsi à étendre les découvertes actuelles et donner au sujet de la durabilité dans l’industrie de la mode l’attention dont il a besoin pour promouvoir et susciter le changement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183052/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurore Bardey ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
À l’inverse, porter des pièces produites responsablement augmente les émotions positives, montre une expérience récente.
Aurore Bardey, Associate Professor in Marketing, Burgundy School of Business
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/180376
2022-04-11T21:04:19Z
2022-04-11T21:04:19Z
Le « tout-digital », garant d’une plus grande durabilité dans l’industrie de la mode ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/456125/original/file-20220404-9425-nhio4s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C2%2C757%2C502&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le défilé Dolce&Gabbana – Crédit photo : Decentraland via Fashion Network
</span> <span class="attribution"><span class="source">Decentraland</span></span></figcaption></figure><p>L’industrie de l’habillement est l’un des plus gros pollueurs au monde. Selon <a href="https://www.unep.org/news-and-stories/press-release/un-alliance-sustainable-fashion-addresses-damage-fast-fashion">divers rapports</a>, elle est à l’origine de 10 % des émissions mondiales de carbone ; 20 % des eaux usées mondiales proviennent de la teinture des textiles. La culture du coton représente près de 25 % de l’utilisation d’insecticides et plus de 10 % des pesticides. Du côté commercial, le tableau n’est guère plus reluisant avec des <a href="https://ellenmacarthurfoundation.org/a-new-textiles-economy">habitudes de consommation</a> clairement non durables. Entre 2000 et 2015, les ventes de vêtements ont doublé pour atteindre 200 milliards de produits par an, le nombre moyen de fois où un article est porté ayant diminué, de manière générale, de près de 40 %.</p>
<p>Il est inconcevable de penser que l’industrie de l’habillement puisse ainsi continuer à produire en masse des vêtements bon marché souvent fabriqués dans des conditions de travail douteuses. Conscientes du nombre croissant de consommateurs éco-responsables, plusieurs marques tentent d’adopter une « attitude verte », certaines optent pour la facilité, le <a href="https://theconversation.com/ces-arbres-qui-cachent-des-forets-de-greenwashing-105744">« greenwashing »</a>, quand d’autres sont plus sérieuses dans leurs efforts environnementaux, bien que relativement limités.</p>
<h2>L’intelligence artificielle, outil de régulation ?</h2>
<p>Pour s’engager vers plus de durabilité, l’industrie s’oriente notamment vers la transformation numérique, en comptant, entre autres, sur les progrès de l’<a href="https://www.routledge.com/Artificial-Intelligence-Business-and-Civilization-Our-Fate-Made-in-Machines/Kaplan/p/book/9781032155319">intelligence artificielle</a> et son application dans la mode (éphémère). L’intelligence artificielle et l’analyse avancée des données, par exemple, permettent d’<a href="https://www.capgemini.com/research/building-the-retail-superstar-how-unleashing-ai-across-functions-offers-a-multi-billion-dollar-opportunity/">optimiser la gestion de la chaîne d’approvisionnement</a> et d’améliorer considérablement les prévisions des chiffres de vente, des tendances de la mode et du comportement des clients. L’industrie de l’habillement lutte depuis longtemps contre la distorsion des stocks, les surstocks fréquents entraînant une surproduction, une forte consommation d’énergie et des déchets incommensurables, en bref : une empreinte carbone élevée. L’intelligence artificielle peut contribuer à pallier ces pratiques.</p>
<p>Une autre possibilité pour réduire les émissions implique l’utilisation d’assistants pilotés par l’intelligence artificielle, capables de suggérer des articles aux clients en fonction de leurs mensurations, de leur historique d’achats et de leur style personnel. De tels systèmes augmentent la satisfaction des clients quant aux articles sélectionnés et réduisent le nombre de retours. Le grand gagnant dans un tel scénario serait le secteur en ligne, puisque <a href="https://towardsdatascience.com/artificial-intelligence-is-restyling-the-fashion-industry-c2ce29acae0d">jusqu’à 40 %</a> des achats en ligne sont finalement retournés, ce qui entraîne une forte empreinte carbone. La plupart du temps, ces articles ne sont pas revendus et finissent par être détruits.</p>
<p>L’intelligence artificielle peut également personnaliser la mode à grande échelle, c’est-à-dire appliquer le concept de <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1540-5885.2006.00190.x">personnalisation de masse</a>. En effet, l’achat d’articles de mode personnalisés augmente la <a href="https://ideas.repec.org/a/eee/jbrese/v65y2012i10p1516-1522.html">valeur émotionnelle</a> d’un produit, ce qui incite les clients à conserver ces articles plus longtemps et à les porter plus souvent. Imaginez, par exemple, que vous ayez personnalisé et acheté le même pull que vos amis, en y ayant apporté une touche personnelle – et significative. Un tel pull aura sans aucun doute une valeur émotionnelle élevée pour le groupe d’amis en question. Ils le porteront plus souvent et le garderont plus longtemps. Néanmoins, une telle approche s’aligne difficilement sur le modèle économique de la fast fashion, qui encourage la surconsommation et les cycles de vie courts des produits. Seul un changement radical du modèle économique pourrait permettre le succès d’une telle démarche.</p>
<h2>Demain, des vêtements numériques</h2>
<p>Il ne s’agit là que d’une poignée d’exemples de la manière dont l’IA peut aider la mode à s’engager vers un avenir plus écologique. Il existe également une autre alternative, plus futuriste : remplacer complètement les vêtements physiques par des vêtements numériques. En effet, de plus en plus de consommateurs achètent leurs nouveaux vêtements (principalement) pour les porter et surtout les <a href="https://qz.com/quartzy/1354651/shoppers-are-buying-clothes-just-for-the-instagram-pic-and-then-return-them/">montrer sur les réseaux sociaux</a>. Pour les influenceurs et les influenceuses mode d’Instagram, par exemple, il est inimaginable de porter les mêmes vêtements sur plusieurs photos. Semblable aux <a href="https://fr.fashionnetwork.com/news/Les-cabines-d-essayage-virtuelles-fits-me-arrivent-en-france,318754.html">cabines d’essayage virtuelles</a>, d’autres clients pourraient s’amuser à tester comment porter, assortir et combiner leurs différents vêtements (virtuels).</p>
<p>Pour être à la mode sur les réseaux sociaux, il n’est pourtant plus nécessaire d’acheter de vrais vêtements : des entreprises telles que <a href="https://dressx.com/">Dress-X</a> vendent des articles de mode entièrement numériques, dont elles vous habilleront en fonction de votre photo préférée. Le processus est infaillible : téléchargez une photo de vous, achetez le vêtement souhaité et le prestataire de services vous renvoie votre image portant (virtuellement) la nouvelle casquette, le nouveau pull ou le nouveau sac sélectionné. Vous n’avez pas besoin de physiquement acheter l’article en question ; tout est numérique. C’est certes plus durable, mais pas forcément moins coûteux : les prix vont d’environ 30-50 euros pour une robe, un pull ou une paire de chaussures stylés à plusieurs milliers d’euros pour un costume haute couture (virtuel).</p>
<p>Pour vous immerger davantage encore dans le monde virtuel, pensez au <a href="https://theconversation.com/facebook-et-son-metavers-le-cauchemar-devient-il-realite-172455">« métavers »</a>, ce monde virtuels tridimensionnel que l’on peut intégrer sous la forme d’avatars via des casques de réalité virtuelle et augmentée. Ces fameux avatars, qui représentent notamment votre « vous virtuel », voudront eux aussi être à la mode ; il leur faudra donc leur constituer une garde-robe (numérique). Si Mark Zuckerberg parle de son métavers au futur, ses prédécesseurs, à l’instar de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0007681309000895">Second Life</a>, existent depuis près de 20 ans. Les recherches montrent que ses utilisateurs vivent ces mondes sociaux virtuels comme une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/14241270903047008">extension de leur vie réelle</a> et, il y a dix ans déjà, ils concevaient, vendaient et achetaient des <a href="https://www.jstor.org/stable/26893831">vêtements numériques</a>. Si les prédictions deviennent réalité, le métavers fera bientôt <a href="https://thechoice.escp.eu/tl-dr/play-hard-work-hard-the-metaverse-is-not-just-a-game/">partie intégrante de notre vie</a> ; nous y travaillerons et y socialiserons, le tout sous la forme d’avatars incroyablement authentiques qui imiteront nos expressions faciales et nos mouvements corporels… et porteront des vêtements numériques. Bien entendu, l’utilisateur aura le choix entre un avatar lui ressemblant parfaitement ou véhiculant une tout autre image de lui-même – selon la situation souhaitée et le contexte. Cet environnement constituera un marché de la mode (presque) entièrement nouveau à développer.</p>
<p>Une preuve supplémentaire de cette éventualité nous vient du monde des défilés de mode lui-même. Juste après la dernière semaine de la mode de Milan (la vraie), plusieurs marques de vêtements de renom se sont associées pour créer un autre type de défilé : la <a href="https://www.voguebusiness.com/technology/metaverse-fashion-week-the-hits-and-misses">Metaverse Fashion Week</a>. Organisée par et sur le monde virtuel <a href="https://decentraland.org/">Decentraland</a>, celle-ci a présenté la plus grande semaine de la mode entièrement numérique au monde. Durant les quatre jours de défilés virtuels, on a pu y admirer les collections de Dolce & Gabbana, Etro, Tommy Hilfiger, entre autres. Le défilé virtuel était entouré d’une zone commerciale haut de gamme inspirée de l’Avenue Montaigne à Paris, où les consommateurs pouvaient acheter directement les produits (numériques) souhaités auprès des marques susmentionnées.</p>
<p>Cependant, les mondes virtuels ne sont pas sans défaut. En effet, ils sont consommateurs d’énergie et, à ce titre, pollueurs – même si leur empreinte carbone n’est pas, au moins pour l’instant, comparable à celle de la fast fashion. Ce qu’on peut toutefois <a href="https://theconversation.com/facebook-et-son-metavers-le-cauchemar-devient-il-realite-172455">questionner</a> est ce que signifie vivre dans le métavers pour la société… Une vie où l’on reste cloîtré chez soi et où l’on passe le plus clair de son temps dans un environnement virtuel est-elle vraiment souhaitable ?</p>
<p>Dans le scénario fictif du métavers qu’il exploite dans son best-seller de 1992 <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/le-samourai-virtuel-a-t-il-inspire-le-metaverse-de-zuckerberg-esperons-que-non_fr_6182b385e4b0c8666bd6dfac"><em>Le Samouraï virtuel</em></a>, Neal Stephenson décrit un univers où les mondes virtuels deviennent si populaires et attrayants que certaines personnes décident d’y rester continuellement connectées et passent leur vie réelle dans des unités de stockage, entourées uniquement de l’équipement technique nécessaire leur permettant d’accéder au monde virtuel.</p>
<p>Comme souvent, la solution se trouve probablement dans un juste milieu : une évolution vers une mode lente (physique) plus durable, s’éloignant des cycles de vie courts des produits et de la surconsommation de vêtements bon marché et de mauvaise qualité, combinée à des vêtements entièrement numériques portés lors des apparitions sur les réseaux sociaux et les visites (occasionnelles) du (futur) métavers.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180376/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Andreas Kaplan ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
L’industrie de la mode a déjà compris l’intérêt de l’intelligence artificielle pour s’engager vers une plus grande durabilité. Et si, demain, nous achetions des vêtements numériques ?
Andreas Kaplan, Rector, ESCP Business School
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/167006
2021-09-28T18:44:55Z
2021-09-28T18:44:55Z
Archéologie : à la rencontre des premières femmes d'affaires, en Mésopotamie
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/423556/original/file-20210928-16-1yq1v99.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C6%2C858%2C448&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Maison d’une famille de marchands assyriens à Kültepe (Turquie).
</span> <span class="attribution"><span class="source">Cécile Michel (2017). Mission archéologique de Kültepe</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>« Kulumaya t’apporte 9 étoffes, Iddin-Suen t’apporte 3 étoffes […] Pourquoi m’écris-tu à chaque fois : “ Les étoffes que tu m’envoies ne sont pas bonnes ? ” Qui donc vit dans ta maison et déprécie mes étoffes lorsqu’elles arrivent ? Pourtant, je fais de mon mieux pour fabriquer et t’envoyer régulièrement des étoffes afin qu’à chaque voyage, en retour, je dispose d’au moins 10 sicles (82,5 g) d’argent pour gérer ta maison. »</p>
</blockquote>
<p>Cette lettre, envoyée par Lamassî à son époux Pûshu-kên, a été découverte dans la maison de ce dernier lors des fouilles du site de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/K%C3%BCltepe">Kültepe</a> (non loin de Kayseri, Turquie), l’antique Kanesh, une ville prospère au XIX<sup>e</sup> siècle av. J.-C. C’est là en effet que des <a href="https://www.editionsducerf.fr/librairie/livre/728/correspondance-des-marchands-de-kanish-au-debut-du-iie-millenaire-avant-j-c">marchands originaires d’Assur</a>, sur le Tigre (Irak), ont établi le centre administratif de leur réseau de comptoirs commerciaux en Anatolie centrale. Ils apportaient avec eux de l’étain originaire de l’Est, et des étoffes importées de Babylonie (sud de l’Irak) ou tissées par leurs épouses et filles demeurées à Assur. Au retour, des caravanes plus petites rapportaient à Assur or et argent. Ces échanges commerciaux à longue distance étaient favorisés par des traités internationaux entre les autorités d’Assur et les souverains des cités-États anatoliennes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/423562/original/file-20210928-21-7x8vjp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/423562/original/file-20210928-21-7x8vjp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/423562/original/file-20210928-21-7x8vjp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/423562/original/file-20210928-21-7x8vjp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/423562/original/file-20210928-21-7x8vjp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=519&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/423562/original/file-20210928-21-7x8vjp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=519&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/423562/original/file-20210928-21-7x8vjp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=519&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Carte montrant la route suivie par les caravanes marchandes assyriennes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.lesbelleslettres.com/livre/4343-atlas-historique-du-proche-orient-ancien">Editions Les Belles Lettres</a></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/423563/original/file-20210928-2257-7f49w8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/423563/original/file-20210928-2257-7f49w8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/423563/original/file-20210928-2257-7f49w8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=663&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/423563/original/file-20210928-2257-7f49w8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=663&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/423563/original/file-20210928-2257-7f49w8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=663&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/423563/original/file-20210928-2257-7f49w8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=833&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/423563/original/file-20210928-2257-7f49w8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=833&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/423563/original/file-20210928-2257-7f49w8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=833&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Lettre de Lamassî.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://babylonian-collection.yale.edu/">Yale babylonian collection</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Écrite en caractères <a href="https://www.mshmondes.cnrs.fr/ecriture-cuneiforme-et-civilisation-mesopotamienne">cunéiformes sur de l’argile fraîche</a>, cette lettre est en langue assyrienne, l’un des principaux dialectes de l’akkadien alors parlé dans le nord de la Mésopotamie.</p>
<p>Avant de la confier à un messager ou à une caravane de marchands, Lamassî a laissé sécher au soleil sa tablette d’argile, puis l’a enfermée dans une enveloppe d’argile, sur laquelle elle a déroulé son <a href="https://archeologie.culture.fr/proche-orient/fr/a-propos/sceaux-cylindres-proche-orient-ancien">sceau-cylindre</a> et écrit le nom de son mari, destinataire du courrier. Près 23 000 tablettes cunéiformes similaires ont été exhumées à Kültepe ; elles ont été incluses en 2015 dans le <a href="http://www.unesco.org/new/fr/communication-and-information/memory-of-the-world/register/full-list-of-registered-heritage/registered-heritage-page-8/the-old-assyrian-merchant-archives-of-kueltepe/">Registre Mémoire du Monde de l’Unesco</a>.</p>
<blockquote>
<p>« Quant aux étoffes à propos desquelles tu m’as écrit ceci : “ Elles sont trop petites et de mauvaise qualité ! ”, n’était-ce pas selon ta propre requête que j’ai réduit leur taille ? Et aujourd’hui, tu m’écris à nouveau pour me dire : “ Ajoute dans chacune de tes étoffes ½ livre de laine. ” Je l’ai donc ajoutée ! »</p>
</blockquote>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/BhmOyly2cSQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<h2>Fileuses, tisseuses et femmes d’affaires</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/423564/original/file-20210928-16-1xs81ut.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/423564/original/file-20210928-16-1xs81ut.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=471&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/423564/original/file-20210928-16-1xs81ut.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=471&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/423564/original/file-20210928-16-1xs81ut.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=471&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/423564/original/file-20210928-16-1xs81ut.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=592&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/423564/original/file-20210928-16-1xs81ut.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=592&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/423564/original/file-20210928-16-1xs81ut.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=592&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Fragment d’enveloppe de lettre portant l’empreinte du sceau d’une femme,Tarisha.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://babylonian-collection.yale.edu/">Vanessa Tubiana-Brun, extrait du film documentaire _Ainsi parle Tarām-Kūbi_, CNRS, 2020</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Lamassî, ses filles et ses servantes filaient la laine et tissaient des étoffes non seulement pour vêtir les membres de la famille et les domestiques, mais aussi pour les vendre à un millier de kilomètres de chez elles, aux différentes cours anatoliennes, <a href="https://vimeo.com/558945596">dont les membres appréciaient leur savoir-faire</a>.</p>
<p>Elles recevaient des recommandations de leurs frères et époux, au fait de la demande sur place. En retour, elles obtenaient le prix de la vente de leurs étoffes en argent. Chaque année, la maisonnée de Lamassî envoyait ainsi plus d’une vingtaine de coupons de 4×4,5 m et 2,5kg en laine, et faisait en retour un bénéfice net de 1,5 à 2 kg d’argent, soit le prix d’une petite maison à Assur.</p>
<blockquote>
<p>« S’il te plaît, ne te mets pas en colère parce que je ne t’ai pas envoyé les étoffes que tu m’avais commandées. Notre petite fille a bien grandi et j’ai dû faire une paire d’étoffes épaisses pour la carriole. En plus, j’ai fabriqué des étoffes pour habiller les domestiques et les enfants, c’est pour cela que je n’ai pas réussi à t’envoyer les étoffes promises. Je t’enverrai dans un prochain convoi toutes les étoffes que j’arriverai à faire. »</p>
</blockquote>
<p>Pûshu-kên, dans les lettres à sa femme, <a href="http://images.math.cnrs.fr/Du-cote-des-lettres-Lettres-d-une-Assyrienne-a-son-mari-et-reponse-de-ce.html">faisait les comptes</a> de ce qu’il lui devait en échange de ses étoffes et lui envoyait les montants correspondants en argent.</p>
<blockquote>
<p>« Le prix de tes précédentes étoffes t’a été réglé. Concernant les 20 étoffes que tu as remises à Puzur-Assur : 1 étoffe a été versée pour la taxe d’importation, 2 étoffes ont été achetées selon la règle de la préemption, il reste donc 17 de tes étoffes […] Là-dessus, j’ai ajouté 3 étoffes pour Puzur-Assur. Je lui ai fait un paquet de 20 étoffes et je les ai mises à sa disposition. Pour les 11 étoffes qui se trouvent sur mon compte, Kulumaya t’apporte 1 ½ livre d’argent – taxe d’importation en sus, taxe de consignation réglée – sous mon sceau. […] On m’apportera depuis Burushattum le prix de l’étoffe épaisse de Shubultum, ainsi que les 7 sicles (57,7 g) d’argent provenant d’Ilî-bâni que le fils de Kusari a réglés, je réunirai l’argent et ce qu’il reste du prix de tes étoffes, puis je te les enverrai par Iddin-Suen. »</p>
</blockquote>
<p>Avec cet argent, Lamassî achetait à manger pour les membres de son foyer, de la laine pour sa production d’étoffes et investissait le reste de ses gains dans le commerce. Désireuse d’afficher sa réussite sociale, elle avait hâte d’agrandir sa maison.</p>
<blockquote>
<p>« Depuis que tu es parti, Shalim-ahum a déjà construit une maison par deux fois ! Nous-mêmes, quand donc pourrons-nous enfin faire de même ? »</p>
</blockquote>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/423567/original/file-20210928-28-1f8gmlx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/423567/original/file-20210928-28-1f8gmlx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/423567/original/file-20210928-28-1f8gmlx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=715&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/423567/original/file-20210928-28-1f8gmlx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=715&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/423567/original/file-20210928-28-1f8gmlx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=715&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/423567/original/file-20210928-28-1f8gmlx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=899&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/423567/original/file-20210928-28-1f8gmlx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=899&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/423567/original/file-20210928-28-1f8gmlx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=899&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Reconstitution d’un métier vertical à pesons à partir des pesons découverts à Kültepe.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cécile Michel, Mission archéologique de Kültepe</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En l’absence de son mari, comme nombre de ses voisines, Lamassî s’était retrouvée <a href="https://scilogs.fr/breves-mesopotamiennes/confinement-mesopotamie-destin-femmes/">à la tête de la maisonnée</a> et elle devait concilier les multiples tâches de cheffe de famille, femme au foyer, tisserande, et représentante des affaires de son mari à Assur vis-à-vis des collègues et des autorités.</p>
<h2>Conflits familiaux</h2>
<p>Lamassî et Pûshu-kên ont eu quatre garçons et deux filles, l’une d’elle s’est mariée, tandis que l’aînée, Ahaha, avait été consacrée au dieu Assur encore jeune, comme le suggère Lamassî dans l’une de ses lettres. Cette pratique, courante à Assur, était une manière, pour les marchands, de remercier le dieu pour la bonne marche de leurs affaires.</p>
<blockquote>
<p>« Tu sais comme le genre humain est pervers, chacun est prêt à dénoncer son voisin ! Montre-toi un homme d’honneur, viens et romps tes obligations. Place notre petite fille sous la protection du dieu Assur ! »</p>
</blockquote>
<p>Les <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00644209/document">femmes consacrées</a> ne faisaient pas partie du personnel du temple, mais vivaient en célibataires, consacrant leur temps à honorer les divinités, à la prière… et aux affaires commerciales et financières, comme une bonne partie de la population de la ville. Ahaha a vécu dans un premier temps avec sa mère, l’aidant dans ses tâches quotidiennes. Par la suite, demeurant seule dans une maison lui appartenant, elle a écrit de nombreuses lettres à ses frères, découvertes dans leurs maisons à Kanesh.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/423568/original/file-20210928-14-1e2eesx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/423568/original/file-20210928-14-1e2eesx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/423568/original/file-20210928-14-1e2eesx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/423568/original/file-20210928-14-1e2eesx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/423568/original/file-20210928-14-1e2eesx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/423568/original/file-20210928-14-1e2eesx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/423568/original/file-20210928-14-1e2eesx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Recto, verso et tranches d’une lettre de Lamassî conservée au Musée d’Art et d’Histoire de Genève.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>À la mort de Pûshu-kên, vers 1870 av. J.-C., Ahaha dû organiser le règlement de sa succession depuis Assur, et informa ses frères de la difficile situation financière de la famille. Le père avait laissé beaucoup de dettes, en particulier envers l’Hôtel de Ville où siégeaient les éponymes. Il fallut six ou sept années pour venir à bout de cette situation.</p>
<blockquote>
<p>« En ce qui concerne l’importante somme que nous devions à l’éponyme […] nous avons dû emprunter 8 livres d’or et [x] livres d’argent à intérêt chez un banquier […] et l’éponyme a été réglé de ses 5 livres d’argent […] Mais il reste 2 livres de taxe d’exportation qui n’ont pas été payées. Il y a en outre 8 livres d’argent pour l’autre éponyme et 2 livres d’argent ajoutées à la société en commandite de la maison de Shalim-ahum : tout cela est à ajouter à notre dette. Et pourtant, vous, de votre côté, vous n’avez cessé de retirer vos parts d’héritage et avec, vous avez réalisé plein d’argent ! […] ici les créanciers m’arrachent jusqu’à mes vêtements qui sont en lambeaux. Jusqu’à ce que vous payez ces dettes, personne ne devra toucher aux investissements et aux marchandises à crédit de notre père. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/423569/original/file-20210928-28-7wrlco.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/423569/original/file-20210928-28-7wrlco.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/423569/original/file-20210928-28-7wrlco.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=949&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/423569/original/file-20210928-28-7wrlco.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=949&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/423569/original/file-20210928-28-7wrlco.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=949&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/423569/original/file-20210928-28-7wrlco.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1193&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/423569/original/file-20210928-28-7wrlco.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1193&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/423569/original/file-20210928-28-7wrlco.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1193&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Copie d’une lettre d’Ahaha à ses frères conservée au British Museum.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ahaha gérait également ses propres affaires, ayant investi à plusieurs reprises de l’argent dans au moins deux partenariats commerciaux.</p>
<p>Il s’agissait de sociétés en commandite désignées par le « sac » dans lequel plusieurs investisseurs déposaient chacun en moyenne un kilo d’or, l’ensemble étant remis à un mandataire chargé de faire fructifier les capitaux par le biais du commerce sur le long terme. Chaque année, les actionnaires touchaient les dividendes, se partageant les deux tiers des profits, le dernier tiers revenant au mandataire.</p>
<blockquote>
<p>« J’ai investi 1,75 kg d’argent dans la société en commandite administrée par Puzur-Assur (l’associé de notre père). En outre, concernant les 5 kg d’argent, j’ai des témoins ici contre lui qui peuvent certifier qu’il me les doit. »</p>
</blockquote>
<p>Mais Buzâzu, l’un de ses frères qui avait également investi dans ce partenariat, avait fait main basse sur la part de sa sœur. Elle demanda à deux autres de ses frères de récupérer ses capitaux.</p>
<blockquote>
<p>« Concernant l’argent que j’ai investi dans la société en commandite administrée par Puzur-Assur, j’ai appris que Buzâzu a réuni ses propres investissements avec les miens et ne cesse de prélever des montants substantiels d’argent. Entrez en action, prenez soin de régler mon différend avec Buzâzu, et récupérez mes dividendes comme les autres investisseurs l’ont fait. »</p>
</blockquote>
<p>Lamassî et Ahaha, comme d’autres femmes d’Assur, contribuaient au commerce avec l’Anatolie par leur production textile, constituant ainsi un maillon important du commerce caravanier, et elles en tiraient des bénéfices. Au même titre que les hommes de leur famille, elles initiaient des contrats et savaient vraisemblablement <a href="https://www.persee.fr/doc/topoi_1764-0733_2009_act_10_1_2667">lire, écrire et compter</a> ; elles agissaient comme de vraies femmes d’affaires. Il leur arrivait même de prêter de l’argent contre intérêt à des hommes de leur famille. De par leurs activités, <a href="https://vimeo.com/429563635">ces femmes avaient acquis une certaine indépendance économique et sociale</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/423574/original/file-20210928-28-r5ktsk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/423574/original/file-20210928-28-r5ktsk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/423574/original/file-20210928-28-r5ktsk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/423574/original/file-20210928-28-r5ktsk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/423574/original/file-20210928-28-r5ktsk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=404&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/423574/original/file-20210928-28-r5ktsk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=404&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/423574/original/file-20210928-28-r5ktsk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=404&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Archive cunéiforme découverte dans la maison d’un marchand en 1994.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Archives de la mission archéologique de Kültepe.</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les tablettes cunéiformes de Kültepe représentent le plus ancien lot important d’archives privées dans l’histoire de l’humanité, ensemble dans lequel les <a href="https://cart.sbl-site.org/books/061539P">femmes occupent une place à part</a>. La <a href="https://journals.openedition.org/nda/3019">documentation unique dont on dispose pour retrace la vie et les activités des Assyriennes</a> s’explique en partie par la séparation géographique des époux entre Assur et l’Anatolie.</p>
<hr>
<p><em>Pour en savoir plus, voir l’ouvrage de Cécile Michel, <a href="https://cart.sbl-site.org/books/061539P">« Women of Assur and Kanesh. Texts from the archives of Assyrian merchants »</a> dans « Writings from the Ancient World » (SBL Press, 2020), et aussi le film documentaire <a href="http://passes-present.eu/fr/ainsi-parle-taram-kubi-correspondances-assyriennes-44370">« Ainsi parle Taram-Kubi. Correspondances assyriennes »</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/167006/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cécile Michel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
L’analyse des textes cunéiformes du Proche-Orient ancien, gravés dans des tablettes d’argile, révèle la vie quotidienne des Assyriennes qui fabriquaient et vendaient des étoffes, il y a 4000 ans.
Cécile Michel, Assyriologue, CNRS, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/154117
2021-02-01T19:40:42Z
2021-02-01T19:40:42Z
Mode : du cachemire abordable… oui, mais à quel prix ?
<p>Dans son rapport publié en 2019, la <a href="https://www.grandviewresearch.com/industry-analysis/cashmere-clothing-market">société d’études de marché et de conseil Grand View Research</a>, prévoyait que le marché mondial du cachemire pour le secteur de l’habillement, évalué à 2,66 milliards de dollars en 2018, progresserait d’environ 3,96 % par an entre 2019 et 2025.</p>
<p>Cet accroissement de la demande est lié d’une part aux propriétés intrinsèques de la laine de cachemire, produite à l’origine au XV<sup>e</sup> siècle dans la <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/cachemire-kashmir/">région du sous-continent indien</a>, que se partagent actuellement le Pakistan, l’Inde et la Chine : douceur, finesse, résistance, chaleur ; et d’autre part à l’augmentation de la classe moyenne dans de nombreux pays à la recherche de <a href="https://laluxedesclasses.wordpress.com/2016/12/05/luxe-definition/">« luxe accessible »</a>.</p>
<p>C’est ainsi que des enseignes comme Uniqlo, H&M ou Zara proposent désormais des articles en cachemire, certes de moins belle qualité mais à des prix abordables alors que les maisons italiennes, françaises ou écossaises telles Loro Piana, Bunello Cuccinelli, Éric Bompard ou encore Pringle proposent toujours des produits de luxe avec les plus belles qualités.</p>
<p>Cette démocratisation représente un tournant pour l’industrie du cachemire qui se retrouve désormais confrontée à des enjeux économiques, géopolitiques et écologiques. La crise liée à la Covid-19 a en outre frappé de plein fouet les éleveurs de chèvres et les usines de filage, entre annulation des commandes et interruptions des exportations, si bien que l’on peut désormais s’interroger sur une disparition du cachemire dans les prochaines années.</p>
<h2>La Covid fait chuter les prix</h2>
<p>Aujourd’hui, l’élevage des chèvres de cachemire provient essentiellement de la Chine (Chine du Nord), de la Mongolie, et dans une moindre mesure de l’Iran et de l’Afghanistan ; <a href="https://www.hircus.fr/blog/2015/11/11/origine-du-cachemire/">90 % de la production vient de Chine et de Mongolie</a>.</p>
<p>The Schneider Group, qui détaille les impacts et les interventions étatiques dans son <a href="https://www.gschneider.com/2020/10/05/cashmere-market-report-8/">analyse du marché du cachemire entre avril et septembre 2020</a>, souligne que la Mongolie a été le territoire le plus affecté. Avec la fermeture des frontières entraînant la disparition des clients chinois, les prix des fils de cachemire ont chuté de presque 50 %, dégringolant de 38 dollars le kilo en 2019 à 24-27 dollars le kilo en 2020. Selon leur rapport, le PIB de la Mongolie se serait contracté de 6,1 % suite à la chute des exportations.</p>
<p>Pour le pays, le marché du cachemire reste une activité stratégique (selon le rapport il concernerait 230 000 familles d’éleveurs). Le gouvernement mongol avait promis 38 dollars/kg pour le cachemire brut mais en l’absence de demande sur le marché international, ces prix n’ont pu être atteints. Le gouvernement a donc été contraint d’accorder des subventions aux éleveurs d’environ 7 dollars par chèvre.</p>
<p>Du côté de l’Iran, les négociants chinois, afghans et pakistanais ont voulu profiter de la faiblesse de la monnaie locale et ont recommencé leurs achats à partir de juillet. Néanmoins, afin de freiner l’exportation de cachemire vers la Chine, qui a de son côté accordé des prêts et consenti des baisses de taxes à ses usines de filature à l’arrêt, le gouvernement iranien a instauré des droits de douane bloquant d’importantes quantités achetées qui ne peuvent être livrées pour l’instant.</p>
<h2>Des poils moins longs</h2>
<p>Au-delà de la crise économique liée à la pandémie de Covid-19, le réchauffement climatique menace également cette industrie.</p>
<p>En effet, plus les températures sont basses, plus les poils de la sous-couche des pelages des chèvres à partir de laquelle ils sont extraits, hautement protecteurs contre le froid, sont longs et soyeux. C’est ce qu’explique le consultant spécialisé Robert R. Franck dans son <a href="https://www.elsevier.com/books/silk-mohair-cashmere-and-other-luxury-fibres/franck/978-1-85573-540-8">ouvrage</a> <em>Silk, Mohair, Cashmere and other luxury fibres</em>.</p>
<p>L’auteur indique en outre qu’un poil de cachemire a un diamètre d’environ 12,5 à 19 <a href="https://www.cnrtl.fr/lexicographie/micron">microns</a> (soit environ 1/5<sup>e</sup> du diamètre d’un cheveu d’homme) et qu’une chèvre peut fournir de 100 à 160g de duvet utilisable par an. Comme il faut de 4 à 6 chèvres pour pouvoir fabriquer un simple pull et environ <a href="https://www.britannica.com/topic/cashmere">30 à 40 chèvres pour un manteau</a>, cette matière première reste rare et les chèvres ne peuvent être élevées que dans des régions inhospitalières de montagne et de toundra.</p>
<p>La hausse des températures pèse donc lourdement sur la qualité et le niveau de production, car les poils deviennent moins longs et il en faut plus pour obtenir la quantité requise.</p>
<h2>Tempêtes de poussière en Chine</h2>
<p>Pour faire face à la hausse de la consommation et au changement climatique, les éleveurs croisent des races (hybridations), ce qui réduit la qualité de la laine mais permet d’en produire de plus grandes quantités. En parallèle, ils sont contraints d’augmenter la taille de leurs cheptels. Or, l’accroissement des troupeaux a un impact irréversible sur les sols.</p>
<p>Pour ne citer que quelques points indiqués par le <a href="https://www.nrdc.org/sites/default/files/CBD_FiberFacts_Cashmere.pdf">National Resources Defense Council</a>, les chèvres à cachemire consomment quotidiennement plus de 10 % de leur poids corporel en fourrage grossier. En mangeant de très près les racines, elles détruisent les plantes. Enfin, elles endommagent la couche arable et les racines des herbes avec leurs sabots. Il en résulte, par exemple, une désertification de la région de Mongolie intérieure, causant des problèmes de plus en plus graves, comme de fréquentes tempêtes de poussière en Chine.</p>
<p>Au-delà de l’impact sur les sols, l’augmentation de la taille des cheptels risque d’avoir de multiples effets négatifs : raréfaction de la nourriture pour le troupeau, absence de soins portés aux chèvres, mode de tonte mécanique privilégié plutôt que collecte des poils au peigne à la main, etc.</p>
<h2>Au consommateur de jouer</h2>
<p>Pour éviter une disparition de la filière, les entreprises utilisant la laine de cachemire loin des régions de production doivent donc apporter leur soutien et innover. Quelques initiatives sont déjà à relever, comme que celles de la start-up américaine <a href="https://naadam.co/pages/aboutus">NAADAM</a>, lancée en 2013 par deux amis d’université après un voyage dans le désert de Gobi. Leur modèle permet de supprimer les intermédiaires afin que les éleveurs puissent vendre directement aux transformateurs aux meilleurs prix.</p>
<p>Par ailleurs, les groupes de luxe acheteurs de fibres de cachemire comme <a href="https://www.lvmh.fr/les-maisons/mode-maroquinerie/loro-piana/">Loro Piana</a> se mobilisent également. Kering, de son côté, s’est ainsi associé dès 2014 à la Wildlife Conservation Society pour lancer son <a href="https://www.kering.com/fr/actualites/projet-cachemire-un-modele-durable-fonde-sur-la-qualite">South Gobi Project</a>. Objectif affiché : « Aider les éleveurs à réduire l’impact de la production de cachemire par l’adoption de nouveaux modèles plus responsables pour améliorer la qualité des fibres, la gestion des pâturages et la préservation de la biodiversité ».</p>
<p>Cependant, si ces actions restent isolées, elles ne suffiront pas. Des mesures plus importantes doivent être prises en amont ou en aval, à l’image de la décision de Stella McCartney de <a href="https://www.stellamccartney.com/experience/fr/sustainability/themes/materials-and-innovation/cashmere/">ne plus utiliser de cachemire vierge, mais du cachemire régénéré</a>.</p>
<p>La filière du cachemire apparaît aujourd’hui comme véritablement en danger, et sa démocratisation y aura fortement contribué. Les communautés mongoles restent notamment particulièrement vulnérables, et il est temps que le consommateur en prenne conscience s’il veut éviter un désastre humain, économique et écologique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/154117/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Chaboud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La démocratisation de cette fibre rare a notamment eu pour conséquences une dégradation de la qualité, une fragilisation économique des éleveurs et des impacts irréversibles sur les sols.
Isabelle Chaboud, Professeur associé d’analyse financière, d’audit et de risk management - Directrice de Programme pour le MSc in Fashion Design & Luxury Management- Responsable de la spécialisation MBA "Brand & Luxury Management", Grenoble École de Management (GEM)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/153656
2021-01-20T20:13:25Z
2021-01-20T20:13:25Z
Textile-habillement : les initiatives de la recherche pour relancer la filière française
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/379697/original/file-20210120-15-qcyve8.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C781%2C578&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">À Saint-Étienne, l’École des Mines s’intéresse à la valorisation des chutes de soie.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.carats-innovation.com/blog/super-cyclage-de-lisieres-et-chutes-de-tissage-de-soie">Carats innovation</a></span></figcaption></figure><p>À l’heure de la fashion week parisienne, la haute couture française se retrouve une nouvelle fois l’honneur dans le monde entier. L’industrie française du luxe continue en effet, année après année, à enregistrer les succès, avec une filière qui, en intégrant plus largement les cosmétiques, les parfums, le cuir ou encore la bijouterie-joaillerie, reste le principal secteur excédentaire de la France après l’aéronautique, cumulant un excédent commercial de <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2c7eaae5-7a97-4cbf-9d85-7ae9b05b36fd/files/7cba2edc-fd9a-430c-a92f-12514424b6cb">27 milliards d’euros en 2020</a>.</p>
<p>À l’inverse, la filière textile-habillement française connaît de grandes difficultés : elle représente même le troisième déficit sectoriel le plus important, hors énergie, pour un montant de 12,4 milliards d’euros.</p>
<h2>Garde-robe importée</h2>
<p>Comme nous le relevions dans un <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02074617/document">rapport</a> de recherche publié en 2018, il existe en effet de nombreux points faibles affectant l’ensemble des acteurs : fragilité et disparition de certains maillons de la chaîne de production (filatures, machines-outils, imprimeur,etc.), une pyramide des âges vieillissante au sein des entreprises industrielles (risque de disparition des savoir-faire), des capacités d’investissements réduites, une forte dépendance de certains acteurs vis-à-vis d’un nombre limité de donneurs d’ordres, des coûts de production importants liés à la forte part de main-d’œuvre dans les coûts des entreprises sous-traitantes, etc.</p>
<p>Par conséquent, la garde-robe des Français est aujourd’hui principalement importée, même si certaines marques françaises, parmi lesquelles le <a href="https://www.leslipfrancais.fr/">Slip Français</a>, <a href="https://www.1083.fr/">1083</a> et <a href="https://splice.paris/content/8-notre-mode">Splice</a>, font le pari de la réindustrialisation du prêt-à-porter en France en misant sur la qualité.</p>
<p>À ces problèmes économiques s’ajoute le défi environnemental pour l’une des industries qui comptent parmi les plus polluantes au monde. Selon l’<a href="https://www.ademe.fr/">Ademe</a>, le textile génère à elle seule 10 % du total des gaz à effets de serre et consomme 25 % des substances chimiques produites chaque année. En consommant plus de 79 milliards de mètres cubes d’eau à l’échelle mondiale, l’industrie du textile a un impact considérable sur les réserves en eau et son eutrophisation. Enfin, selon la <a href="https://www.ellenmacarthurfoundation.org/publications/a-new-textiles-economy-redesigning-fashions-future">fondation Ellen McArthur</a>, la gestion des déchets et l’absence de filière de recyclage constituent aussi un problème fondamental. Aujourd’hui, moins de 15 % des vêtements sont recyclés.</p>
<h2>Industrie 4.0</h2>
<p>Face à cet enjeu, l’industrie française de la mode et du luxe se doit de trouver de nouvelles réponses appropriées. Pour cela, elle peut s’appuyer sur la recherche scientifique qui explore aujourd’hui de nouvelles solutions originales à partir des technologies de l’industrie du futur, dite « Industrie 4.0 » : robotisation, fabrication additive, intelligence artificielle, réalité augmentée, blockchain, etc.</p>
<p>Par exemple, des chercheurs de MINES ParisTech s’intéressent aujourd’hui à <a href="http://www.carats-innovation.com/blo/l-intelligence-artificielle-pour-la-preservation-et-la-transmission-des">l’utilisation de l’intelligence artificielle</a> pour la préservation des savoir-faire. À partir de technologies de capture de mouvements et d’algorithmes d’intelligence artificielle, il devient possible de modéliser les gestes techniques des professionnels, d’analyser les différentes postures et de proposer de nouvelles modalités de transmission des savoirs, de façon originale et pertinente.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/KYOKz2ElpfU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Analyse ergonomique du geste dans la logistique (Institut Carnot M.I.N.E.S, Février 2020).</span></figcaption>
</figure>
<p>Toujours à MINES ParisTech, des chercheurs en sciences de matériaux explorent la possibilité d’utiliser des <a href="http://www.carats-innovation.com/blog/pre-etude-depots-sur-materiaux-fragiles-par-projection-thermique">technologies de projection thermique</a> pour inventer de nouveaux procédés pour la décoration de sacs en cuir et l’ennoblissement de tissus.</p>
<p>Des chercheurs de Centre Technique Industriel de la Plasturgie et des Composites explorent de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=nYmxDEnAbbI">nouveaux procédés de fabrication additive de polymères</a>. Ce projet de recherche a pour objectif de concevoir des prototypes haut de gamme en améliorant l’état de surface. Enfin, le Laboratoire d’automatique et de génie des procédés de l’Université de Lyon s’intéresse à la création de <a href="http://www.carats-innovation.com/blog/pre-etude-nano-cuir-cuir-augmente">cuir augmenté</a>. Pour les chercheurs, l’objectif est de permettre la fabrication d’un cuir possédant des caractéristiques améliorées tout en conservant son aspect et sa texture naturelle.</p>
<h2>Penser la réindustrialisation</h2>
<p>Les projets de recherche qui vise à améliorer l’impact environnemental de l’industrie de la mode sont aussi nombreux. Le Centre des Matériaux des Mines d’Alès développe un procédé original de <a href="http://www.carats-innovation.com/blog/algimel-des-mousses-polymeres-biosourcees">fabrication de mousses biosourcées à base de biopolymères d’origine marine</a>, permettant l’élaboration de matériaux très résistants et de faible densité.</p>
<p>Sur le volet environnemental, à Saint-Étienne, l’École des Mines s’intéresse à la <a href="http://www.carats-innovation.com/blog/super-cyclage-de-lisieres-et-chutes-de-tissage-de-soie">valorisation des chutes et lisières de soie</a>, générées par différentes étapes de fabrications de pièces de textile. Enfin, l’institut Carnot MICA étudie la possibilité de concevoir de <a href="http://www.carats-innovation.com/blog/pre-etude-delcoltex-complexe-textile-a-desassemblage-par-micro-ondes">nouvelles techniques d’assemblage</a> (collage, couture) pour faciliter les étapes de désassemblage afin d’améliorer le recyclage des produits.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/379699/original/file-20210120-15-1wibh2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/379699/original/file-20210120-15-1wibh2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/379699/original/file-20210120-15-1wibh2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/379699/original/file-20210120-15-1wibh2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/379699/original/file-20210120-15-1wibh2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/379699/original/file-20210120-15-1wibh2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/379699/original/file-20210120-15-1wibh2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/379699/original/file-20210120-15-1wibh2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Exemple de mousses polymères biosourcées mises au point dans le cadre d’un projet du Centre des Matériaux des Mines d’Alès.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.carats-innovation.com/blog/algimel-des-mousses-polymeres-biosourcees">Carats Innovation</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Notons toutefois que ces enjeux de recyclage, de procédés de fabrication écoresponsable, d’économie circulaire, d’analyse de cycle de vie restent des sujets qui gagneraient à être explorés davantage par la recherche scientifique en collaboration avec les acteurs.</p>
<p>Ces initiatives ne doivent toutefois pas faire perdre de vue que, d’un point de vue économique, le secteur doit éviter le piège de la relocalisation pour se focaliser sur une <a href="https://www.la-fabrique.fr/fr/publication/reindustrialiser-plutot-que-relocaliser/">stratégie plus globale de réindustrialisation</a> à même de reconquérir des avantages comparatifs. L’enjeu repose donc sur la modernisation de l’appareil productif pour diminuer les coûts de production tout en améliorant la qualité des biens conçus. C’est ainsi que la filière pourra limiter les points faibles à l’origine de ses difficultés de ces dernières années et devenir un secteur stratégique pour la France.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/153656/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benjamin Cabanes ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Des projets mobilisant l’intelligence artificielle ou la projection thermique cherchent à apporter des réponses aux défis économiques et environnementaux auxquels font aujourd’hui face les acteurs.
Benjamin Cabanes, Responsable Académique du Département Génie Industriel, École des Ponts ParisTech (ENPC)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/149112
2020-11-05T19:57:46Z
2020-11-05T19:57:46Z
Quand l’industrie textile marocaine revisite sa capacité à innover
<p>En tant que premier employeur industriel du pays avec 27 % des emplois, le secteur du textile-habillement est assez représentatif de l’économie marocaine. Il sert à ce titre de baromètre précurseur de changements significatifs dans certaines pratiques managériales au Maroc.</p>
<p>Il contribue à la création de 7 % de la valeur ajoutée industrielle nationale avec environ 500 entreprises qui assurent près de la moitié des exportations de l’industrie manufacturière marocaine, en dépit de leur taille, la plupart étant des petites et moyennes industries (PMI) avec un effectif inférieur à 50 salariés.</p>
<p>Ces entreprises, conscientes que leur survie dépend de leur capacité à se transformer en s’adaptant aux attentes des marchés internationaux, restent cependant confrontées à la difficile identification des besoins et des tendances des marchés donneurs d’ordres.</p>
<p>Le <a href="https://fr.hespress.com/171355-filiere-textile-etude-sur-les-voies-de-relance-post-crise.html">contexte de crise sanitaire</a> et économique qui a touché les principaux pays clients – notamment l’Espagne et la France qui représentent près de 60 % des exportations du secteur –, a compliqué la situation.</p>
<p>Afin de mieux comprendre les difficultés du secteur et comment les entreprises pouvaient les surmonter, nous avons mené une <a href="https://www.cairn.info/revue-innovations-2020-2-page-103.htm">récente étude</a> auprès de dirigeants de l’écosystème textile marocain. Un <a href="http://c2tm.ma/le-cluster/">« cluster des textiles techniques marocains »</a> (C2TM) a été constitué dès 2013 à la suite d’une réflexion conjointe d’institutions publiques et d’industriels du secteur.</p>
<p>En tant que pierre angulaire du vaste réseau des acteurs de l’écosystème textile-habillement, il a pris l’initiative d’une veille informationnelle conséquente sur les marchés étrangers afin de collecter les données nécessaires à l’orientation des productions. Il a ensuite organisé des réunions de restitution et de partage des connaissances afin que tous les acteurs concernés reçoivent des informations ciblées. Ce groupe a enfin accompagné l’ensemble des acteurs afin de faire émerger des pratiques managériales innovantes de collaboration adaptées à ce secteur industriel.</p>
<h2>Des freins toujours présents</h2>
<p>Ce groupe de réflexion nous a permis d’identifier les freins à l’innovation inhérents à la structure des entreprises. En effet, nos résultats montrent clairement que les PMI souffrent d’un manque de ressources, de compétences et d’interactions avec les donneurs d’ordre et les sous-traitants.</p>
<p>Concernant les ressources, les experts interviewés affirment que certaines matières premières n’existent pas sur le marché marocain ou sont en quantité insuffisante. De ce fait, les PMI doivent s’approvisionner à l’étranger, ce qui est compliqué dans les conditions actuelles. De plus, la recherche d’un retour sur investissement immédiat est également évoquée comme un frein majeur qui pénalise voire annule la propension à innover.</p>
<p>Une autre limite concerne les compétences, notamment le manque de personnel qualifié au niveau de la création et de la commercialisation qui constitue un frein fort à l’innovation. Cette insuffisance de compétences provient à la fois d’une formation défaillante et d’une sous-utilisation des compétences existantes spécifiques notamment au designer textile et au directeur export.</p>
<p>Enfin, concernant l’interaction entre donneurs d’ordres et sous-traitants, les experts soulignent le fort déséquilibre dans le rapport de force en défaveur des PMI sous-traitantes marocaines. En effet, leurs dirigeants expliquent que certaines entreprises recrutent des designers à l’extérieur du Maroc mais qu’au bilan, l’interaction reste difficile avec les donneurs d’ordres étrangers.</p>
<h2>L’émergence de leviers d’innovation</h2>
<p>Tout n’est cependant pas négatif. Notre enquête a permis de faire émerger quelques leviers d’innovation qu’il est possible de valoriser tels que la réorganisation des modèles économiques autour d’une collaboration renforcée des acteurs de l’écosystème textile et d’une nécessaire réflexion sur les futures politiques de marques issues du territoire marocain.</p>
<p>En ce qui concerne l’écosystème, le secteur textile s’est en effet engagé dans un processus d’amélioration de sa réponse aux marchés en réduisant de deux semaines les délais de livraison vers l’Europe (route + mer). Il s’agit là d’une réduction de moitié par rapport à un cycle normal d’expéditions. Cela a été rendu possible grâce aux fournisseurs locaux de matières premières qui se sont regroupés en plates-formes d’approvisionnements.</p>
<p>L’agilité du port « Tanger Med » est également largement à souligner car elle a permis au secteur textile marocain d’avoir un couloir dédié, un dédouanement en moins d’une heure, une ouverture aux compagnies maritimes dédiées uniquement au transport camion et à une augmentation de la capacité de rotation des navires dans le port au rythme de 6 à 8 correspondances par jour.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/366501/original/file-20201029-23-14t8oq0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/366501/original/file-20201029-23-14t8oq0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/366501/original/file-20201029-23-14t8oq0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/366501/original/file-20201029-23-14t8oq0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/366501/original/file-20201029-23-14t8oq0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/366501/original/file-20201029-23-14t8oq0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/366501/original/file-20201029-23-14t8oq0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’agilité du port de Tanger Med a permis d’augmenter la capacité de rotation des navires de 6 à 8 correspondances par jour..</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:4_Tanger_Med_040917.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il est à parier que cet ensemble d’opérations est amené à se développer à la lumière des bouleversements générés par la crise sanitaire en cours spécifique à la sélection des circuits courts par opposition aux circuits longs asiatiques et notamment chinois.</p>
<h2>Une stratégie de marque propre</h2>
<p>Beaucoup de PMI possèdent une expertise pointue en termes de production sur toute la chaîne de valeur, mais elles n’ont pas individuellement les compétences nécessaires à la création de marques génératrices de valeur ajoutée à l’échelle internationale.</p>
<p>À titre d’exemple, dans le secteur du denim, certaines PMI maîtrisent la totalité du processus intégrant des techniques sophistiquées telles que le vieillissement du tissu, la coloration et les coupes élaborées au profit de marques internationales. Néanmoins, elles ont ignoré jusqu’à présent le potentiel stratégique d’une politique de marque propre qui pourrait prétendre à une reconnaissance internationale.</p>
<p>Le pivot C2TM a par conséquent lancé des actions de communication afin de sensibiliser l’ensemble des PMI de l’écosystème à la force de frappe que peut représenter une politique de marque qui rechercherait des retours qualitatifs en termes d’attitude, de notoriété et d’image sur le moyen et long terme plutôt que des effets quantitatifs de ventes immédiates.</p>
<p>À ce jour, seuls quelques exemples de réussite portés par des dirigeants emblématiques dans le tissu industriel des textiles marocains peuvent être cités.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/tv/CF2IcIdpQfq/ ?utm_source=ig_web_copy_link","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<p>C’est le <a href="https://www.medias24.com/inauguration-de-l-adagio-casablanca-city-center-appart-hotel-du-groupe-richbond-4627.html">cas du groupe Richbond</a> qui fabriquait des banquettes traditionnelles de salon marocain et qui a fait le pari d’aborder le marché de l’équipement d’hôtels (en partenariat avec la chaîne Accor au Maroc) afin de leur fournir des matelas haut de gamme via la création d’une marque spécifique, <em>Bekendorff</em>, reflet de la technologie allemande associée à la fiabilité des produits et à un design sobre. C’est grâce à la mise en avant de la marque que ce groupe marocain est aujourd’hui un des leaders de ce secteur.</p>
<h2>Spécialisation intelligente</h2>
<p>Dans le champ de l’innovation dans le secteur du textile-habillement, les pivots dans les pays de sous-traitance pourraient notamment se concentrer sur l’objectif de construire une spécialisation intelligente afin de répondre aux stratégies des pays donneurs d’ordres.</p>
<p>La Confédération européenne de l’habillement et du textile <a href="https://www.modeintextile.fr/euratex-presente-strategie-lavenir-de-lindustrie-europeenne-textile-de-lhabillement/">Euratex</a>, vient par exemple de formuler le renouvellement attendu de sa stratégie de relance de l’ère post Covid-19 au travers d’initiatives phares portant entre autres sur les garanties d’approvisionnements, le recherche de textiles innovants et durables ainsi que de textiles techniques ou encore la promotion du plan Euro Med afin d’exploiter de nouvelles opportunités de marchés avec l’UE.</p>
<p>Il est très probable que l’une au moins de ces initiatives entre en cohérence avec les futures stratégies d’innovation collaborative des PMI marocaines.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149112/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
La collaboration des différents acteurs de l’écosystème permet de réorganiser les modèles économiques des petites entreprises dans une optique de spécialisation autour de leurs atouts.
Fatiha Naoui, Professeur associé, Excelia Business School, Excelia
Gwenaelle Oruezabala, Maitre de Conférences - Habilitée à Diriger des Recherches - en Management International, Université de Nantes
Nabil El Hilali, Professeur, chercheur, ESCA École de Management
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/145549
2020-10-15T20:05:12Z
2020-10-15T20:05:12Z
« Soft Mirror », ou la technologie à fleur de peau
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/356261/original/file-20200903-20-drqap4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Soft Mirror à Lille Capitale Mondiale du Design 2020 © photographie Quentin Chevrier </span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.quentinchevrier.com.">http://www.quentinchevrier.com.</a></span></figcaption></figure><p>Lille est cette année <a href="https://www.designiscapital.com/programme/categorie/expositions">Capitale Mondiale du Design</a>. La jeune créatrice Claire Eliot y expose son « Soft Mirror » : une peau couverte d’écailles, ou plutôt de pétales animés. Sur la photo, Claire Eliot fait face à l’œuvre, smartphone à la main. Ses gestes induisent les mouvements des pétales, font réagir le dispositif, en « miroir ».</p>
<p>Ce travail est le résultat d’une approche singulière mêlant art, design, artisanat, sciences et technologie. C’est un détournement clandestin de la technologie numérique volontairement avec les moyens du bord, et avec l’aide du textile qui habituellement habille les corps en mouvement. Il s’inscrit dans un mouvement artistique qui veut interroger l’être humain sur sa propre humanité dans un monde devenu digital.</p>
<figure>
<iframe src="https://player.vimeo.com/video/454294976" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Soft Mirror à Lille Capitale Mondiale du Design 2020 vidéo Quentin Chevrier http://www.quentinchevrier.com.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Un monde explicite et immédiat porté par un digital dur</h2>
<p>Notre monde numérique repose sur la rapidité, la précision, la performance, l’efficacité, jusqu’à la brutalité voire négation de l’autre. L’épisode du <a href="https://www.liberation.fr/futurs/2016/03/25/microsoft-muselle-son-robot-tay-devenu-nazi-en-24-heures_1441963">chatbot Tay</a>, une intelligence artificielle déployée en mars 2016 par Microsoft sur la plate-forme Twitter, l’illustre parfaitement : en quelques heures, elle a appris et adopté les codes les plus épouvantables de ce nouveau monde. Ce serait comique si ce n’était pas si terrible.</p>
<p>La technologie support de ces flux massifs et incontrôlés d’information se matérialise dans des objets rigides, parfaitement lisses, comme les smartphones, qui imposent leur forme et leur volume dans nos vies. En regard de nos corps souples et élastiques, au fonctionnement et aux formes extrêmement complexes, supports d’une multitude d’échanges et de communications très sophistiqués, c’est une intrusion insolite. Avec la crise sanitaire, le malaise est encore plus manifeste le digital avec des flots de visuels, sature la perception.</p>
<p>En réduisant ainsi la diversité de nos échanges à des selfies, des textos et des vidéos, la technologie supprime des éléments essentiels de la présence, liés notamment à la temporalité et aux distances qui ont structuré les vies humaines depuis toujours. Elle change notre façon d’être au monde, dresse un écran entre le réel et nous, entre nous aussi, et finalement enferme notre corps qui s’immobilise. Mais existe-t-il des alternatives ?</p>
<h2>« Soft Mirror », le textile source d’un digital mouvant et gentil</h2>
<p>Aujourd’hui, avec « Soft Mirror », Claire Eliot lève la main et nous signale avec délicatesse d’autres possibles à construire et à explorer. Elle rappelle que depuis des millénaires, nous sommes entourés de tissus et de textiles. Ces vêtements, ces tissus ne font pas écran. Au contraire, ils nous présentent les uns aux autres, enrichissent nos interactions – en particulier non verbales – lors de nos rencontres.</p>
<p>La mode est importante. Par ses créations, elle souligne, explore une évidence : notre monde est d’abord celui du textile, et cela conditionne nos existences. Avec des créations liées à toutes les voies de notre perception par les matières, les textures, les formes, les couleurs, les reflets, les froissements… le textile est une source inépuisable d’étonnement, d’admiration, de transmission voire d’indignation. Ses liens presque organiques avec les corps en mouvement, avec l’humanité donc, ne pourraient-ils dessiner un autre chemin pour une relation plus humaine, plus douce, avec cette technologie interactive ?</p>
<p>Face à un digital triomphant, ce « Soft Mirror » fragile, imparfait, hésitant n’est pas un outil de substitution, mais bien une œuvre manifeste. Ce que ce dispositif essaie de nous dire, c’est que le textile peut être notre allié, l’allié de notre corps en mouvement face à la technologie. Mais aussi quil peut s’imposer à la technologie et l’obliger à muter, à se métamorphoser.</p>
<h2>Des pétales à fleur de peau et des moteurs dessous</h2>
<p>Chaque pétale de « Soft Mirror » prend sa place sur un tissu tendu. Ce dernier (bio)mimique la peau d’un organisme vivant. Les muscles sont de petits moteurs électriques, faits de fils de cuivre bobinés à la main, et couplés à la force des aimants modernes. Ce type de moteur est le cœur du mouvement mécanique sur la base de l’énergie électrique, celle qui déjà se redéploie avec de nouvelles batteries pour nous transporter dans le monde de demain. Pour prendre place dans cet être de tissu, ils doivent redevenir élémentaires. Ce ne sont que des bobines et des aimants tenus ensemble par du tissu. On redécouvre alors qu’en se tenant ainsi au plus près des principes fondamentaux de l’électromagnétisme, ils sont au cœur de la technologie du mouvement. Ces moteurs sont bien comme des muscles, prêts à s’activer ensemble, et à créer par leur mouvement un dialogue, si des flux d’énergie et d’information leur parviennent.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/356258/original/file-20200903-22-arz9nj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/356258/original/file-20200903-22-arz9nj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/356258/original/file-20200903-22-arz9nj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/356258/original/file-20200903-22-arz9nj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/356258/original/file-20200903-22-arz9nj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/356258/original/file-20200903-22-arz9nj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/356258/original/file-20200903-22-arz9nj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/356258/original/file-20200903-22-arz9nj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Bobines, aimants et pétales textiles. Photographie Quentin Chevrier http://www.quentinchevrier.com.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>En rupture avec les technologies numériques ambiantes, « Soft Mirror » est volontairement fragile, lent, approximatif, même maladroit. Il intègre pourtant la technologie et l’intelligence artificielle de nos smartphones. Dans tous les systèmes intelligents, des électrons sont en mouvement, comme des messagers. Des courants électriques circulent, annoncent, commandent, relient et mettent en mouvement. Ces flux d’information sont générés grâce à l’intelligence installée dans « Soft Mirror » et le parcourent en tous sens, sous la peau qu’est le tissu tendu. Comme le souligne le spécialiste des neurosciences Daniel Wolpert, le mouvement est la raison pour laquelle tous les êtres vivants qui se déplacent ont un cerveau.</p>
<p>Alors, au gré des mouvements du smartphone de son interlocuteur, les pétales s’animent. Ce duo improbable, en miroir, se lie par les ondes électromagnétiques, la lumière wifi qu’ils échangent.</p>
<h2>Vers Soft Mirror 2.0 : le biomimétisme</h2>
<p>Ici, dans cette première version exposée de « Soft Mirror », une création-manifeste, tous les éléments durs de la technologie sont visibles. Laisser les moteurs apparents est délibéré, et on peut l’imaginer, temporaire. On peut alors chercher à imaginer la version suivante de Soft Mirror. Là, la technologie est cachée. Elle ne se manifeste plus que par les mouvements du tissu. Le digital est invisible mais sa présence est rendue évidente par ses effets. Le biomimétisme, ici l’observation des solutions issues de l’évolution qui mettent le vivant en mouvement, est une source d’inspiration puissante chez Claire Eliot. « Soft Mirror » peut alors devenir déformable comme les tissus vivants, continu dans ses mouvements, variable dans son occupation de l’espace, au-delà des concepts élémentaires de la mécanique pour décrire le mouvement comme les simples translations ou les rotations.</p>
<p>Détourner, reconstruire et finalement masquer la technologie permet aussi de l’approcher sous l’angle du biomimétisme par l’aléatoire et la singularité. Si les aimants, produits industriels, sont identiques, les bobines sont faites une à une, à la main. Les mouvements produits par chaque moteur sont donc tous différents. L’ensemble des pétales en mouvement manifestent ce hasard. Si Claire Eliot ne veut pas nier la possibilité d’une alliance heureuse entre textile et technologie ainsi que le suggère son travail pour l’école avec Marion Voillot, intitulé <a href="http://claireeliot.com/portfolio/learning-matter/">« Learning Matter »</a> (matière à apprendre), il reste que « Soft Mirror » assume au contraire d’installer une lecture basée sur une opposition, en fait une entrée en résistance.</p>
<h2>Et même un Soft Mirror 3.0 avec l’IA pour des rencontres (in)humaines</h2>
<p>Les générations à venir de Soft Mirror pourront s’appuyer sur la recherche du collectif <a href="https://www.themotionlab.net">MotionLab@CRI</a> Paris de l’Université de Paris dont fait partie Claire Eliot, en particulier sur le travail fait autour de l’enregistrement et de la reconnaissance des gestes par les smartphones. Ce travail se fonde sur les résultats du groupe de recherche de Frédéric Bevilacqua à l’IRCAM notamment dans le cadre de la thèse de Marion Voillot <a href="https://www.marionvoillot.com/como-education">avec le projet CoMo Education</a>. L’IRCAM a créé un logiciel qui peut apprendre les mouvements en temps réel, à partir de l’interaction avec l’interlocuteur. Ces logiciels – construits sur l’utilisation du machine learning, partie de l’intelligence artificielle (IA) pour traiter les données du mouvement issues des capteurs des smartphones – sont à l’origine d’applications en santé (rééducation), en sport et en éducation (apprentissage autonome et personnalisé de gestes).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/356259/original/file-20200903-22-ep7kjz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/356259/original/file-20200903-22-ep7kjz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/356259/original/file-20200903-22-ep7kjz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/356259/original/file-20200903-22-ep7kjz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/356259/original/file-20200903-22-ep7kjz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/356259/original/file-20200903-22-ep7kjz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/356259/original/file-20200903-22-ep7kjz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/356259/original/file-20200903-22-ep7kjz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Surface sensible. Photographie Quentin Chevrier http://www.quentinchevrier.com.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le potentiel de « Soft Mirror » dans la création des mouvements individuels et collectifs des pétales en réponse aux mouvements de l’interlocuteur va ainsi bien au-delà de ce qui est mobilisé aujourd’hui. Il montre déjà comment la technologie permet d’établir un lien quasi organique entre la main et les pétales. Alors l’espace de jeu est ouvert pour explorer comment créer le « Soft Mirror » qui pourra apprendre lors de chaque rencontre laquelle se transformera en un événement unique et singulier à l’image de la personne qui entre en interaction avec le dispositif.</p>
<p>« Soft Mirror » symbolise le médium intelligent qui manifeste, en un message minimal mais si fort, comme un geste de la main, la présence de celle ou de celui qui bouge, qui fait signe, au loin mais sans rien dire, sans rien montrer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/145549/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dans le cadre de son activité au CRI Paris, Université de Paris, Joël Chevrier collabore avec la designer Claire Eliot. </span></em></p>
Avec son « Soft Mirror », Claire Eliot démontre que le textile et le numérique peuvent s'allier pour redéfinir la relation entre homme et machine, vers la douceur et la fluidité.
Joël Chevrier, Professeur de physique, Université Grenoble Alpes (UGA)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/145363
2020-09-02T19:25:03Z
2020-09-02T19:25:03Z
Industrie de la mode : les effets (très) limités du recyclage des textiles
<p>Selon l’Agence de la transition écologique (Ademe), plus de 100 milliards de vêtements sont aujourd’hui vendus chaque année dans le monde et la production de l’industrie de la mode a doublé entre 2000 et 2014. Nous achetons aussi en moyenne <a href="https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/le-revers-de-mon-look.pdf">60 % de vêtements de plus qu’il y a 15 ans</a>.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/355721/original/file-20200901-20-k3jfa6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/355721/original/file-20200901-20-k3jfa6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/355721/original/file-20200901-20-k3jfa6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=813&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/355721/original/file-20200901-20-k3jfa6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=813&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/355721/original/file-20200901-20-k3jfa6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=813&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/355721/original/file-20200901-20-k3jfa6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1021&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/355721/original/file-20200901-20-k3jfa6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1021&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/355721/original/file-20200901-20-k3jfa6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1021&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La consommation de textile en quelques chiffres.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/le-revers-de-mon-look.pdf">« Le revers de mon look », Ademe (2019)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cet emballement de la production et de la consommation est problématique à plusieurs niveaux, notamment pour les industriels qui doivent gérer des stocks de vêtements qui ne trouvent pas d’acheteurs, ainsi que pour les consommateurs et les consommatrices qui ont dans leurs armoires des quantités de vêtements les envahissant et dont ils ne savent plus que faire.</p>
<p>Trois solutions en « R » sont alors envisageables : réutiliser (en donnant une nouvelle utilité au vêtement par le don, l’échange, la revente), réparer et recycler. Le recyclage des textiles est de plus en plus mis en avant dans le débat public, notamment en France avec la <a href="https://www.ecotlc.fr/ressources/Lessentiel%20Filiere%20TLC%20Mars2020.pdf">loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire</a>. La solution peut paraître <a href="https://www.researchgate.net/publication/303263301_The_Effect_of_Recycling_versus_Trashing_on_Consumption_Theory_and_Experimental_Evidence">séduisante car déculpabilisante</a>. Or, la réalité n’est pas si simple.</p>
<h2>Surproduction et surconsommation</h2>
<p>Prenons un exemple. En 2016, le quotidien britannique <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2016/apr/03/rana-plaza-campaign-handm-recycling">The Guardian</a> se penchait sur l’opération World Recycle Week de H&M pour laquelle la firme déclarait avoir récolté 1 000 tonnes de vêtements. Si l’on se base sur ces chiffres et l’état actuel des technologies de recyclage (sur lesquelles nous reviendrons), selon la journaliste, il faudrait 12 ans à H&M pour utiliser les vêtements récoltés.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"716416689517305856"}"></div></p>
<p>En revanche, les 1 000 tonnes collectées équivalent à peu près à la quantité de vêtements qu’une telle marque commercialise en 48 heures. En l’état des choses, c’est-à-dire au vu de la surproduction de l’industrie de la mode et du fait des limites technologiques, le recyclage des textiles ne saurait donc être la solution aux problèmes de surproduction et de surconsommation de l’industrie de la mode.</p>
<h2>Downcycling</h2>
<p>Au delà de la surproduction, la première limite conduisant à ce constat est le downcycling, ou sous-cyclage. Selon l’éco-organisme agréé d’État Eco TLC, chaque année en France 2,6 milliards d’articles de mode sont mis en vente, et l’équivalent de <a href="https://refashion.fr/citoyen/fr/je-recycle">38 % de cette quantité est collecté</a>. Sur les 239 000 tonnes collectées, 33,5 % sont transformés pour être recyclés, le reste est destiné à la réutilisation ou à l’élimination.</p>
<p>Le terme « recyclés » regroupe alors des réalités disparates : 10 % de ces textiles sont découpés pour faire des chiffons, les 23,4 % restants subissent un processus de recyclage afin d’entrer dans la composition d’une nouvelle matière.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/355587/original/file-20200831-16-i9z3po.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/355587/original/file-20200831-16-i9z3po.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/355587/original/file-20200831-16-i9z3po.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/355587/original/file-20200831-16-i9z3po.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/355587/original/file-20200831-16-i9z3po.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/355587/original/file-20200831-16-i9z3po.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/355587/original/file-20200831-16-i9z3po.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/355587/original/file-20200831-16-i9z3po.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://refashion.fr/citoyen/fr/je-recycle">EcoTLC (2020)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La technologie de recyclage dominante, le recyclage mécanique, permet très majoritairement de produire des fibres de longueur plus courte qui vont être de moins bonne qualité que les fibres vierges. En conséquence, les articles qui pourront être produits à l’aide du recyclage seront de moindre valeur que l’article initial, des vêtements deviendront par exemple des matériaux d’isolation ou des rembourrages de matelas.</p>
<p>Du fait de cette part majoritaire du downcycling, le textile recyclé ne représente aujourd’hui qu’environ <a href="https://www.ellenmacarthurfoundation.org/publications/a-new-textiles-economy-redesigning-fashions-future">1 % du flux</a> de matières textiles utilisées dans la production de vêtement.</p>
<p>Enfin, quand bien même une offre de vêtements en textile recyclé existe, la grande majorité des vêtements proposés n’est pas en 100 % textile recyclé car il est souvent nécessaire de combiner fibre recyclée et fibre vierge pour arriver aux standards qualitatifs du marché. C’est pour cette raison qu’il faudrait 12 ans à H&M pour « écouler » les 1 000 tonnes de vêtements récoltés.</p>
<h2>Recyclabilité et « mélanges monstrueux »</h2>
<p>La seconde raison est la question de la recyclabilité des vêtements. Le tri est souvent présenté comme la première étape du recyclage mais il faut pour que le tri soit possible que les industriels de la mode aient fait le choix de matériaux recyclables et d’une confection qui permette le recyclage. Le recyclage est donc aussi une problématique qui <a href="https://www.ruedelechiquier.net/essais/277-recyclage-le-grand-enfumage.html">incombe aux industriels</a>.</p>
<p>Pour qu’un vêtement soit facilement recyclable, il est nécessaire de prendre en compte un certain nombre de paramètres, notamment le choix du fil. Un textile composé de fibres d’une seule matière (exemple : fil 100 % coton, fil 100 % polyester) sera plus facilement recyclable que des textiles composés de fibres multimatières, que certains auteurs vont jusqu’à qualifier de « <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Alternatives/Manifesto-Alternatives/Cradle-to-cradle">mélanges monstrueux</a> » tant ils rendent le recyclage plus complexe.</p>
<p>Aujourd’hui, les mélanges coton-polyester entrent dans la composition d’environ un <a href="https://www.penguinrandomhouse.com/books/554229/fashionopolis-by-dana-thomas/">tiers des vêtements produits</a> et <a href="https://refashion.fr/citoyen/fr/le-fil-coton-polyester-recycl%C3%A9-arrive-sur-le-march%C3%A9">peu d’entreprises sont à même de les recycler</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/355722/original/file-20200901-14-1o7r4ma.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/355722/original/file-20200901-14-1o7r4ma.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/355722/original/file-20200901-14-1o7r4ma.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/355722/original/file-20200901-14-1o7r4ma.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/355722/original/file-20200901-14-1o7r4ma.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/355722/original/file-20200901-14-1o7r4ma.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/355722/original/file-20200901-14-1o7r4ma.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les mélanges coton-polyester, que l’on retrouve dans près d’un vêtement sur trois, sont particulièrement difficile à recycler.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixnio.com/fr/media/vetements-garbage-recyclage-mode-dechets">Bicanski/Pixnio</a>, <a class="license" href="http://artlibre.org/licence/lal/en">FAL</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ensuite, les choix de confection et d’embellissement peuvent aussi rendre le recyclage plus complexe ; les boutons, fermetures éclair et autres incrustations de strass devant être retirés pour que le textile soit recyclable.</p>
<h2>Idéalisation du recyclage</h2>
<p>Il faut en outre souligner que le recyclage reste un processus technologique que les consommateurs et les consommatrices peuvent avoir <a href="https://www.ruedelechiquier.net/essais/277-recyclage-le-grand-enfumage.html">tendance à idéaliser</a>.</p>
<p>En effet, le recyclage n’est pas neutre. Il s’agit d’un processus technologique qui consomme des ressources notamment énergétiques, qui peut aussi être polluant par le rejet d’émissions et le recours à des produits potentiellement dangereux pour la santé et néfastes pour l’environnement.</p>
<p>Ensuite les consommateurs et les consommatrices n’ont pas à l’esprit que seule une infime partie des acteurs de l’industrie peut prétendre au « recyclage en boucle fermée » et au « recyclage à l’infini », qui restent très difficilement atteignables au vu des volumes de l’industrie du textile et de la nature des articles produits. En l’état, l’écrasante majorité des technologies de recyclage <a href="https://www.researchgate.net/publication/279740555_Entropie_et_recyclageQuelques_exemples">ne permet pas de se passer d’apport de matières vierges</a> pour compenser à la fois la dégradation des matières dans le processus de recyclage et les pertes en matière inhérentes au processus.</p>
<p>Enfin, s’il est vrai que même les procédés de recyclage les plus gourmands en énergie et en ressources consomment malgré tout <a href="https://www.researchgate.net/publication/286774073_Sustainable_fashion_and_textiles_Design_journeys">moins que la production de nouveaux articles en matières vierges</a>, cela ne doit pas nous faire oublier pour autant qu’il existe des solutions qui consomment très peu et ont un impact bien moindre. Il s’agit des autres « R » qui accompagnent le recyclage : réutiliser et réparer, auxquels on peut aussi ajouter refuser et réduire.</p>
<p>Si l’industrie de la mode continue sa trajectoire, les ventes totales de vêtements pourraient atteindre 175 millions de tonnes en 2050, soit <a href="https://www.ellenmacarthurfoundation.org/publications/a-new-textiles-economy-redesigning-fashions-future">plus de trois fois le volume actuel</a>. Si cette tendance devait se vérifier, la question des déchets textiles deviendrait de plus en plus critique. Plutôt que de consommer toujours plus de vêtements dont une part croissante composée de matières recyclées nous pourrions, en tant que consommateurs et consommatrices, nous tourner vers les autres « R ».</p>
<p>Chercher en premier lieu à consommer les vêtements de <a href="https://theconversation.com/pourquoi-leconomie-circulaire-ne-doit-pas-remplacer-la-sobriete-119021">manière plus modérée</a>, privilégier la seconde main, échanger, donner, faire réparer, apprendre à réparer. Comme ont à cœur de le rappeler les activistes de Fashion Revolution, <a href="https://www.fashionrevolution.org/">« le vêtement le plus durable est celui qui se trouve déjà dans votre garde-robe »</a>.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été écrit sous la supervision de Valérie Guillard, professeure des Universités à l’Université Paris Dauphine</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/145363/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Edith de Lamballerie ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les bonnes intentions en matière de lutte anti-gaspillage se heurtent aux modèles de surproduction des fabricants mais aussi à l'idéalisation du recyclage chez les consommateurs.
Edith de Lamballerie, Doctorante en sciences de gestion, Université Paris Dauphine – PSL
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/133848
2020-04-02T18:46:08Z
2020-04-02T18:46:08Z
Soutenir l’effort de guerre sanitaire peut-il s’improviser ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/324311/original/file-20200331-65503-1d85xnu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C39%2C726%2C458&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Situé dans la Loire, l'entreprise de textile Les Tissages de Charlieu a reconfiguré son appareil de production à 90% face à la crise sanitaire.</span> <span class="attribution"><span class="source">Vincent Poilet</span></span></figcaption></figure><p><em><strong>La crise sanitaire modifie profondément notre rapport à l’utilité. La plupart des fonctionnaires deviennent des héros de première ligne, tandis que la plupart des entreprises habituellement considérées comme créatrices de richesses se retrouvent désœuvrées et contraintes de demander des subsides d’État. Dans un élan citoyen, certaines, comme Les Tissages de Charlieu, situés dans la Loire, se joignent à « l’effort de guerre » et, avec enthousiasme, se dédient en totalité à la fabrication de ces fameux masques dont on manque tant. Une telle conversion peut-elle s’improviser devant la nécessité ou s’appuie-t-elle sur un ADN particulier ?</strong></em></p>
<hr>
<p>Dès l’annonce par le président de la République que nous entrions en <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/03/17/nous-sommes-en-guerre-face-au-coronavirus-emmanuel-macron-sonne-la-mobilisation-generale_6033338_823448.html">« guerre »</a> contre le coronavirus, Éric Boël, gérant de l’entreprise ligérienne des Tissages de Charlieu (LTC), lance la mobilisation générale pour produire des masques alternatifs. En un temps record, ses équipes mettent au point un masque à trois couches – deux couches tissées en coton et une couche intermédiaire en polyester – qui, de l’avis des experts, apporte un réel niveau de protection, même s’il n’égale pas les fameux masques FFP2.</p>
<p>Avantage supplémentaire, il est lavable, réutilisable et en partie recyclé. L’appareil de production est reconfiguré et 90 % du personnel s’implique pour produire au maximum des capacités, alors que d’autres entreprises sont obligées de fermer par manque de personnel.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/324310/original/file-20200331-65518-1n9bii7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/324310/original/file-20200331-65518-1n9bii7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/324310/original/file-20200331-65518-1n9bii7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/324310/original/file-20200331-65518-1n9bii7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/324310/original/file-20200331-65518-1n9bii7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/324310/original/file-20200331-65518-1n9bii7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/324310/original/file-20200331-65518-1n9bii7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Éric Boël, PDG des Tissages de Charlieu.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Vincent Poilet</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour Éric Boël, c’est parce que les membres de l’entreprise veulent contribuer à l’effort collectif qu’ils se mobilisent et qu’ils y trouvent du sens. Et les hôpitaux, Ehpad, usines agroalimentaires, pharmacies ne cessent d’appeler depuis que les médias annoncent que LTC va produire 200 000 masques par jour.</p>
<p>Certes, dans le meilleur des cas, les situations de guerre favorisent l’engagement, mais l’envie suffit-elle ? L’action collective ne requiert-elle pas un minimum d’organisation, de culture commune, d’ingéniosité partagée ?</p>
<p>En musique, l’improvisation se travaille à l’avance. Si tous les salariés se sont impliqués et ont démontré une agilité extraordinaire, c’est que l’entreprise s’habitue depuis longtemps à l’imprévu et a travaillé ses gammes, sa dextérité et, bien sûr, sa créativité.</p>
<h2>Une créativité exacerbée</h2>
<p>Dans le textile, la concurrence chinoise avait presque tout dévasté lorsqu’en 1996, Éric Boël, qui ne connaissait rien au secteur, reprend Les Tissages de Charlieu, dernier vestige d’une tradition locale remontant à 1540. Il voit tout de suite qu’il peut se fonder sur un savoir-faire ancestral qui fait toujours la fierté du lieu.</p>
<p>Pour relancer l’entreprise, il s’appuie sur trois idées, trois obsessions qui n’étaient pas encore à la mode : développer la créativité, favoriser l’autonomie du personnel et faire que chacun trouve du sens au projet.</p>
<p>La production consistait principalement en textiles tissés et jacquard destinés à l’habillement féminin, domaine très concurrentiel, mais dans lequel la France et l’Italie ont des atouts.</p>
<p>Éric Boël décide de miser sur la créativité à « haute fréquence » : alors qu’elle était prise en charge par une personne à mi-temps, la création est aujourd’hui assurée par une équipe de quinze stylistes à temps plein, qui conçoivent 800 nouveaux tissus par mois, lesquels se déclinent en cinq ou six coloris.</p>
<blockquote>
<p>« Pour ceux qui travaillent dans l’automobile, ces chiffres peuvent paraître effarants. Mais notre métier ressemble à celui des pâtissiers : avec des œufs, du sucre et de la farine, on peut inventer tous les jours de nouveaux desserts. De même, nous jouons avec les matières, les assemblages de fils, les dessins, les couleurs, pour créer chaque jour de nouveaux tissus. »</p>
</blockquote>
<h2>Autonomie et responsabilité à tous les étages</h2>
<p>Depuis 15 ans, l’équipe de création est autonome et interagit en toute liberté avec ses clients. Aucun objectif ne lui est assigné et elle ne fait l’objet d’aucun contrôle. L’entreprise n’a que dix clients et chacun fait travailler une ou deux créatrices à temps plein. Si, finalement, leur vrai patron est le client, elles doivent néanmoins garder des connexions étroites avec la fabrication pour être bien comprises et que tout se passe au mieux pour tout le monde.</p>
<p>Or, les trois quarts des créatrices habitent Paris, Lyon ou Saint-Étienne, et télétravaillent. Cela a demandé pour l’entreprise d’être innovante dans la création de liens entre tous ses membres.</p>
<p>Pour Éric Boël, qui ne cache pas son engagement chrétien, cela suppose que l’entreprise recherche l’épanouissement individuel de chacun, ce qui repose sur cinq conditions :</p>
<blockquote>
<p>« Chaque personne doit être autonome et responsable, reconnue, se sentir utile, trouver du sens à son travail et participer avec ses collègues à l’œuvre commune. Si ces conditions sont réunies, ce sera positif non seulement pour la dignité de la personne et pour son épanouissement personnel, mais pour la satisfaction du client et donc pour l’entreprise. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/324307/original/file-20200331-65518-wj76ko.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/324307/original/file-20200331-65518-wj76ko.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/324307/original/file-20200331-65518-wj76ko.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=903&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/324307/original/file-20200331-65518-wj76ko.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=903&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/324307/original/file-20200331-65518-wj76ko.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=903&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/324307/original/file-20200331-65518-wj76ko.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1135&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/324307/original/file-20200331-65518-wj76ko.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1135&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/324307/original/file-20200331-65518-wj76ko.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1135&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’autonomie est au cœur du projet de l’entreprise.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Vincent Poilet</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette autonomie et cette responsabilité ne sont pas seulement l’affaire de l’équipe créative, elles représentent un projet d’entreprise qui concerne tout le monde et qui a fait l’objet d’ateliers pendant plusieurs mois pour définir une vision partagée par tous.</p>
<p>Ce projet a abouti à un slogan, « Tissons ensemble de jolis liens » : les tisseurs de fils se définissent aussi (et peut-être même surtout) comme des tisseurs de liens humains. Chaque service a été invité à définir lui-même sa mission et son plan d’action. Chacun a ainsi progressivement pris conscience de ses liens avec le reste de l’entreprise.</p>
<p>En 20 ans, LTC est passée de 35 à 70 salariés, dont 12 % de personnes handicapées. Elle distribue 25 % du résultat sous forme d’intéressement. L’autonomie laissée aux salariés s’est aussi traduite par la création de trois start-up internes. L’une d’elles fabrique des étoles en coton bio qu’elle vend dans 450 boutiques réparties dans 23 pays et a embauché sept personnes.</p>
<h2>Agilité et quête de sens</h2>
<p>L’agilité et la quête de sens font aujourd’hui partie de très nombreuses déclarations d’entreprises, qui en restent souvent aux principes. Pour que LTC sache joindre le geste et la parole, il a fallu du temps, de la bienveillance, de la vigilance et, finalement, un engagement collectif :</p>
<blockquote>
<p>« Quand Zara nous commande 50 000 mètres de tissu avec des délais impossibles à tenir, on dit oui d’abord et on réfléchit après. Cela nous met parfois dans des situations terribles, mais nos équipes relèvent toujours les défis. »</p>
</blockquote>
<p>Pour que l’agilité, qui est une arme efficace face à la pression de la concurrence, prenne tout son sens, il faut un projet partagé qui insiste sur l’impact socioéconomique du travail. Avant cette crise sanitaire, LTC était une entreprise dans laquelle le personnel trouvait déjà du sens.</p>
<p>Répondre à l’appel du besoin de masques n’a pas été une manière de trouver enfin du sens, mais une nouvelle manière de l’exprimer. La créativité et l’agilité constituent les moyens pour relever le défi. Des moyens dont il vaut mieux s’être équipé à l’avance. C’est un enseignement à méditer pour la sortie de crise du Covid-19 et pour mieux se préparer à la suivante.</p>
<p>D’autres entreprises, en France et dans le monde, réorientent leur production et inventent des manières d’être utile, comme Dyson ou Tesla. Elles sont toutes reconnues pour leur créativité, leur agilité organisationnelle et leur engagement collectif tirés d’une envie partagée de changer le monde. Plusieurs industriels du textile et de la mode viennent maintenant les rejoindre en répondant aux demandes du gouvernement de fabriquer des masques.</p>
<hr>
<p><em>Pour en savoir plus : <a href="https://www.ecole.org/fr/seance/1238-tisser-des-fils-et-tisser-des-liens">Tisser des fils et tisser des liens</a>. Retrouvez toutes les initiatives de la série « Le Jardin des entreprenants » en cliquant <a href="https://theconversation.com/fr/topics/le-jardin-des-entreprenants-79569">ici</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/133848/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Berry est fondateur et animateur du Jardin des entreprenants</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christophe Deshayes ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
L’entreprise Les Tissages de Charlieu s’est transformée à la vitesse de l’éclair en fabricant de masques. La « guerre » mobilise, certes, mais la notion d’agilité figurait déjà dans son ADN.
Michel Berry, Fondateur de l'école de Paris du Management, Mines Paris
Christophe Deshayes, Chercheur en résidence, L'École de Paris du Management
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/130903
2020-02-04T19:54:42Z
2020-02-04T19:54:42Z
Planetary Boundaries : un outil pour limiter l'impact environnemental de l'industrie textile
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/312859/original/file-20200130-41481-j04sku.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les déchets textiles sont des polluants majeurs dans les pays d'Asie du Sud-Est comme le Bangladesh.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/textile-waste-major-polluter-southeast-asian-1203644071">Swapan Photography / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Beaucoup d’entreprises sont conscientes que leur survie à moyen voire long terme dépend des ressources naturelles que notre planète est susceptible de leur fournir. Un nombre croissant de rapports et d’études portant sur le développement durable des entreprises intègrent des expressions ou propose de grands titres tels que « réduire notre empreinte environnementale », « diminuer les émissions de CO<sub>2</sub> » ou encore « réduire de moitié notre consommation d’eau ».</p>
<p>Bien que ces déclarations puissent dénoter de véritables intentions, les actions concrètes qui permettent effectivement de poursuivre ces objectifs affichés restent toutefois à identifier, tant que les entreprises ne pourront pas connaître précisément leurs impacts en termes de pollution et de consommation de ressources naturelles au niveau régional, national et international.</p>
<h2>Processus interdépendants</h2>
<p>Dans ce but, il peut alors être pertinent de mobiliser le cadre d’analyse <a href="https://www.nature.com/articles/461472a">Planetary Boundaries</a> (« limites planétaires »), présenté en 2009 dans la revue « Nature ». Cet outil vise à fournir des mesures quantitatives sur le niveau d’acceptabilité de l’activité humaine par rapport aux ressources naturelles disponibles sur neuf facteurs biophysiques interconnectés influençant les écosystèmes terrestres :</p>
<ul>
<li><p>le changement climatique, avec l’augmentation des concentrations en dioxyde de carbone dans l’atmosphère ;</p></li>
<li><p>la diffusion d’aérosols dans l’atmosphère, liée à la pollution et au changement d’affectation des terres qui augmente le dégagement de poussière et de fumée ;</p></li>
<li><p>l’utilisation de l’eau douce, dont le cycle est fortement influencé par le changement climatique ;</p></li>
<li><p>les nouveaux polluants, c’est-à-dire les émissions de composés toxiques tels que les polluants organiques synthétiques, les matières radioactives, les nanomatériaux et les microplastiques ;</p></li>
<li><p>la transformation des écosystèmes terrestres tels que les forêts, les zones humides et d’autres espaces de végétation principalement convertis en terres agricoles ;</p></li>
<li><p>les flux biochimiques dont les cycles de l’azote et du phosphore ont été radicalement modifiés par l’homme du fait des processus industriels et agricoles ;</p></li>
<li><p>l’acidification des océans liée au CO<sub>2</sub> dissout ;</p></li>
<li><p>l’intégrité de la biosphère et la diversité biologique touchées par la disparition d’espèces végétales et animales due aux activités humaines ;</p></li>
<li><p>l’appauvrissement de l’ozone stratosphérique, conséquence de la concentration de substances chimiques entraînant un amincissement de cette couche protectrice.</p></li>
</ul>
<p>Ce cadre est à la fois novateur et ambitieux dans sa conception. Il propose une perspective systémique afin de mesurer les dommages environnementaux. La mesure des dommages environnementaux ne peut être traitée comme une question isolée, mais doit être considérée comme faisant partie d’un ensemble complexe de processus interdépendants.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/312835/original/file-20200130-41554-1kpnq5k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/312835/original/file-20200130-41554-1kpnq5k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/312835/original/file-20200130-41554-1kpnq5k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/312835/original/file-20200130-41554-1kpnq5k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/312835/original/file-20200130-41554-1kpnq5k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/312835/original/file-20200130-41554-1kpnq5k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/312835/original/file-20200130-41554-1kpnq5k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/312835/original/file-20200130-41554-1kpnq5k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Estimation de l’évolution des différentes variables de contrôle pour les neuf limites planétaires de 1950 à aujourd’hui.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://science.sciencemag.org/content/347/6223/1259855">Steffen et coll., 2015</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Solutions alternatives</h2>
<p>L’industrie textile est responsable d’un nombre important de dommages environnementaux. Sa chaîne logistique est divisée en quatre grandes étapes : la production des fibres, la fabrication, la distribution et la vente au détail, et enfin le recyclage et la mise au rebut.</p>
<p>La culture du coton utilise de grandes quantités d’eau, de pesticides et d’engrais, et les différents processus industriels et logistiques émettent énormément de gaz à effet de serre. Pour calculer la quantité d’eau qu’une entreprise peut utiliser ou retirer d’une source donnée sans mettre les écosystèmes en danger, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1877343513001498">deux méthodes doivent être combinées</a> : une approche ascendante basée sur une évaluation des besoins en débits environnementaux et une analyse descendante à l’échelle mondiale des liens entre les cycles hydrologiques et les autres écosystèmes dépendants.</p>
<p>La fabrication de vêtements et de textiles génère de grandes quantités d’eaux usées fortement polluées ainsi que des poussières contaminées. La présence de composés chimiques dangereux et de métaux lourds rend les effluents textiles très toxiques. L’application de composés chimiques de remplacement pour réduire la toxicité des effluents n’en est encore qu’à ses débuts et demeure une option coûteuse pour la plupart des entreprises dont la priorité est de réduire les coûts.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/3DdU7c66E9g?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Pourquoi s’habiller pollue la planète » (Le Monde, 13 décembre 2018).</span></figcaption>
</figure>
<p>L’industrie du vêtement et du textile doit aussi trouver des solutions alternatives aux perturbateurs endocriniens, aux fibres plastiques et aux produits chimiques perfluorés (les fameux PFC utilisés pour traiter le textile afin qu’il soit facile d’en éliminer les taches). Il existe suffisamment de preuves pour comprendre la toxicité et les dommages causés par l’utilisation de ces produits chimiques et des plastiques. Malheureusement, les chercheurs craignent que nous ayons déjà dépassé les limites acceptables pour la planète.</p>
<p>La phase de distribution est liée au type de marché auquel il est destiné : les marchandises sont achetées auprès de grossistes ou de sociétés commerciales ou livrées par la distribution directe. Bien que l’utilisation d’emballages plastiques soit une préoccupation environnementale majeure, la principale question est celle des émissions provenant des flux de transport.</p>
<p>Étant donné l’hétérogénéité spatiale des flux de biens qui forment les chaînes logistiques du textile, une évaluation du cycle de vie des émissions totales de CO<sub>2</sub> devient nécessaire. La concentration atmosphérique des émissions de CO<sub>2</sub> de 350 ppm (parties par million en volume) a déjà été dépassée. Les chaînes logistiques textiles dans leur ensemble devraient argumenter la manière dont elles entendent réduire leur contribution aux émissions de CO<sub>2</sub> et gaz à effet de serre.</p>
<h2>Les méthodes actuelles restent insuffisantes</h2>
<p>Les systèmes de reprise des produits et de recyclage jouent un rôle fondamental pour l’empreinte environnementale de l’industrie textile. À la fin de leur vie, les vêtements peuvent être recyclés, souvent par des structures mixant organisations à but non lucratif et privées fournissant des services de ramassage et de tri. Une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959652618305985">étude</a> confirme que la réutilisation et le recyclage des textiles pourraient réduire sensiblement l’impact environnemental par rapport à l’incinération et à la mise en décharge, la réutilisation étant même plus bénéfique pour l’environnement que le recyclage.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"720172183322886144"}"></div></p>
<p>Malgré ces impacts négatifs, les méthodes de contrôle actuelles dans l’industrie, telles que l’<a href="https://apparelcoalition.org/the-higg-index/">indice de Higg</a>, ne permettent toujours pas de mesurer quantitativement l’impact des organisations sur les écosystèmes terrestres. En outre, la nécessité d’une plus grande durabilité dans cette industrie est accrue par la hausse des niveaux de consommation.</p>
<p>L’application d’un cadre de lecture fondé sur les Planetary Boundaries fournirait les données nécessaires pour aider l’industrie textile à transformer ses pratiques commerciales et à stimuler des solutions novatrices. À titre d’exemple, une collaboration plus étroite entre designers et consommateurs pour personnaliser les vêtements afin d’augmenter leur durée d’utilisation pourrait constituer une opportunité intéressante.</p>
<p>En intégrant tous les facteurs qui ont un effet négatif sur l’environnement, le cadre d’analyse des Planetary Boundaries permet donc d’intégrer les préoccupations de durabilité à toutes les étapes de la chaîne logistique. L’intérêt majeur de cette approche est qu’elle donne aux acteurs de l’industrie une vue globale des limites acceptables de pollution et d’utilisation des ressources naturelles.</p>
<p>Actuellement, les organisations industrielles travaillent surtout avec des données relatives qui ne fournissent pas les informations nécessaires pour mesurer les seuils que la planète peut supporter. Au niveau des organisations, le cadre des Planetary Boundaries peut aider à faire des choix plus rationnels en matière de durabilité, définis par la valeur d’un ou plusieurs seuils. Au niveau des nations, il peut assister les décideurs pour mettre en cohérence les initiatives nationales et les défis environnementaux mondiaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130903/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Ce cadre d'analyse permet de mesurer le niveau d'acceptabilité de l'activité par rapport aux ressources naturelles disponibles. Il pourrait constituer un outil précieux pour la filière textile.
Eileen Murphy, Professeur en Management de la Supply Chain, ICN Business School
Nathalie Dagorn, Professeur associée, ICN Business School
Thierry Houé, Professeur associé, ICN Business School
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/128560
2019-12-11T19:54:33Z
2019-12-11T19:54:33Z
« Sneakers » : la grande envolée des prix à la revente
<p>Le « sneaker » (qui peut correspondre au terme « basket » en français) est un objet banal. Pourtant, se porter acquéreur de ce type de chaussure permet à certains d’y voir l’occasion de spéculer. Paris connaît ainsi les mêmes « raffles » endiablées qui ont pu avoir lieu à Tokyo, Los Angeles, et New York. Le principe de ces ventes exceptionnelles consiste à attirer les foules en leur proposant de participer à un tirage au sort ouvrant la possibilité d’acheter des sneakers, vendues en nombre limité.</p>
<p>Traditionnellement, les acheteurs procédaient pour leur besoin personnel, mais avec le succès des sneakers, ils ont changé de comportement. Par exemple, certains acheteurs conservent désormais les sneakers dans leur boîte d’origine pour les revendre.</p>
<p>Les marques des chaussures de sport développaient <a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2010-4-page-63.htm">encore en 2013</a> une stratégie qui surfait sur l’utilisation de représentations sociales afin d’améliorer la mesure de la légitimité et de la différenciation d’une marque. Cet enjeu a donc largement été dépassé ces dernières années, puisque certains consommateurs se sont emparés de ces produits pour les revendre sur des sites d’enchères en ligne. Pour autant, les marques profitent là aussi de ce phénomène qui participe à leur notoriété. Les principales marques du marché Nike et Adidas organisent en effet la rareté, et donc la valeur perçue, d’une partie de leur offre.</p>
<h2>Un demi-million pour des chaussures</h2>
<p>Notre première observation consiste à appréhender simplement que certains sneakers atteignent des cotes importantes, la Nike Mag a été fabriquée en 2016 et lancée sur le marché par loterie. Le prix de vente sur les sites spécialisés de revente atteint plus de <a href="https://stockx.com/nike-air-mag-back-to-the-future-bttf-2016?">28 000 dollars</a>, sachant qu’il n’y a que 89 exemplaires en circulation. Cela pourrait être une exception, or la Air Jordan 11 Retro-Jeter, dont le modèle d’origine a été lancée dans les années 1990 se négociait à 66 000 dollars récemment, tandis que la Nike Air Yeezy 2SP Red October est cotée à hauteur de 26 000 dollars.</p>
<p>Mais, il y a mieux encore en juin 2017, une paire de baskets portées par Michael Jordan en 1984 a atteint le prix de <a href="https://www.rds.ca/basketball/nba/une-paire-de-chaussures-portees-par-michael-jordan-adjugee-a-190-372-1.4541853">190 372 dollars</a> et, en juillet 2019, un acheteur canadien a dépensé <a href="https://www.boursorama.com/actualite-economique/actualites/une-des-premieres-paires-de-nike-vendue-437-500-dollars-un-record-fd957a80110768303f27666a2e1ca837">437 500 dollars</a> pour acquérir la Moon Shoe, une paire de chaussures de la marque Nike fabriquée en 1972. Ces ventes mythiques donnent un élan aux transactions de sneakers et provoquent pour certains individus des achats compulsifs.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1153968202403254272"}"></div></p>
<p>Il ne s’agit pas d’un épiphénomène dans la mesure où le marché mondial de transaction des sneakers est estimé par certains spécialistes à hauteur de 1 milliard de dollars, tandis que pour la chaussure de sport de type « classique » le marché global est évalué à près de <a href="https://www.bilan.ch/economie/les-baskets-bousculent-le-monde-du-luxe">100 milliards de dollars</a>. De plus, les consommateurs qui spéculent grâce aux plates-formes spécialisées et qui revendent leurs sneakers participent au développement d’un marché d’échange, que l’on peut qualifier de marché secondaire.</p>
<p>Mais quelle est la typologie de ce marché d’échange ? Un marché secondaire correspond au marché sur lequel les produits sont échangés en deuxième lieu. Il peut s’agir d’un marché d’occasion et, comme dans notre cas, d’un marché où un type de produit est échangé pour la deuxième fois selon une côte liée à la catégorie des acheteurs qui peuvent attacher une valeur particulière à ces produits.</p>
<h2>Effondrement « micro-communautaire » ?</h2>
<p>La vraie question est de comprendre si ce marché est efficient ou inefficient. L’hypothèse validée empiriquement par <a href="https://archive.org/details/calculdeschances00regn">l’économiste français Jules Régnault</a> en 1863, à savoir que les variations boursières sont aléatoires, théorie développée et complétée par l’Américain <a href="https://www.jstor.org/stable/2325486">Eugène Fama</a> en 1970 grâce à l’application des mathématiques probabilistes, factualise un marché efficient. Or les spéculateurs qui consciemment contribuent à la hausse des prix des sneakers, ne participent en rien au développement économique et conduisent des acheteurs que l’on peut qualifier de « joueurs » à subir un effet financier futur négatif.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/305823/original/file-20191209-90557-167vm5j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/305823/original/file-20191209-90557-167vm5j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/305823/original/file-20191209-90557-167vm5j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=201&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/305823/original/file-20191209-90557-167vm5j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=201&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/305823/original/file-20191209-90557-167vm5j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=201&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/305823/original/file-20191209-90557-167vm5j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=253&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/305823/original/file-20191209-90557-167vm5j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=253&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/305823/original/file-20191209-90557-167vm5j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=253&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les prix atteignent des sommets sur les plates-formes spécialisées.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.stadiumgoods.com/trophy-case">Stadiumgoods.com/Capture d’écran</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Indéniablement ces spéculateurs seront soumis à des risques de crises localisées sur le marché d’échanges sur lequel ils agissent. L’inefficience de ce marché secondaire, qui se matérialise au travers de plates-formes de revente, laisse entrevoir des risques financiers inéluctables et ce type d’anachronisme crée un risque que je qualifie de « micro-crise communautaire ».</p>
<p>Nous comprenons que l’attrait financier des sneakers conduit les individus qui veulent spéculer à participer activement au développement de ce marché secondaire qui utilise les plates-formes internationales comme vecteur de transaction. Ainsi, l’inflation du prix de ces sneakers est conduite par un mouvement spéculatif.</p>
<p>Or, la spéculation liée aux sneakers est aujourd’hui révélatrice d’un effet de mode qui, s’il venait à s’estomper, pourrait avoir une influence négative pour les participants actifs sur ce marché d’échanges. Ainsi le risque de « micro-crise communautaire » serait latent et localisé aux intervenants agissant sur ce marché secondaire. De plus, son effet serait dépendant du nombre de participants et du niveau de spéculation atteint sur le marché concerné.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/128560/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yves-Alain Ach ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les acheteurs adoptent parfois des comportements spéculatifs sur ce marché particulier – que les économistes qualifient d’inefficient.
Yves-Alain Ach, Docteur en Sciences de Gestion - Ph.D in management sciences - Professeur de Finance, EMLV, Pôle Léonard de Vinci
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.