tag:theconversation.com,2011:/us/topics/traditions-54135/articlestraditions – The Conversation2023-12-12T18:47:56Ztag:theconversation.com,2011:article/2172232023-12-12T18:47:56Z2023-12-12T18:47:56ZLa vannerie, ou l’art de puiser de l’eau dans le désert sans métal ni plastique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/558044/original/file-20231107-17-l80lty.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C241%2C2159%2C2834&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Au ksar de Tamtert dans la vallée de la Saoura, dans le Sahara algérien, en 1990.</span> <span class="attribution"><span class="source">Tatiana Benfoughal</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Ce seau de puits a été photographié dans le Sahara algérien, dans la vallée de la Saoura. Oui, oui, il n’y a pas d’erreur, cette vannerie en fibres végétales est un <a href="https://sciencepress.mnhn.fr/fr/collections/natures-en-societes/les-palmes-du-savoir-faire">seau pour puiser de l’eau, connu dans les oasis du Sahara maghrébin sous le nom de « gnina »</a>.</p>
<p>De contenance moyenne d’une vingtaine de litres, les seaux tressés sont utilisés dans les puits dits puits à « balancier ». De profondeur maximum de 10 mètres, ces puits sont creusés là où la nappe phréatique est proche de la surface du sol, notamment au fond des vallées des oueds ou d’anciennes étendues lacustres (si la nappe est plus profonde, jusqu’à 20 ou 30 mètres, on optera pour des puits à poulie à traction animale, en utilisant alors un récipient en peau ou en caoutchouc).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/563905/original/file-20231206-21-e8vfgy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/563905/original/file-20231206-21-e8vfgy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/563905/original/file-20231206-21-e8vfgy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=901&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/563905/original/file-20231206-21-e8vfgy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=901&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/563905/original/file-20231206-21-e8vfgy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=901&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/563905/original/file-20231206-21-e8vfgy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1132&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/563905/original/file-20231206-21-e8vfgy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1132&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/563905/original/file-20231206-21-e8vfgy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1132&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les vanneries de seaux de puits sont réalisées par des femmes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Tatiana Benfoughal</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>L’eau puisée dans les puits à balancier sert à arroser de petites palmeraies de quelques dizaines de palmiers et surtout les plans de cultures sous-jacents de blé, d’orge, de sorgho ou de millet, ainsi que des légumes de première nécessité. Il s’agit d’un <a href="https://ulysse.univ-lorraine.fr/discovery/fulldisplay?docid=alma991000009339705596&context=L&vid=33UDL_INST:UDL">travail épuisant</a> car il demande un effort physique assez considérable pour abaisser la perche. Un homme ne peut dépasser le rythme de quelques seaux par minute et pas plus de trois heures d’affilée.</p>
<p>Dès la deuxième moitié du XX<sup>e</sup> siècle, avec l’arrivée dans les oasis des équipements hydrauliques modernes – motopompes, forages profonds, barrages – et l’agrandissement des parcelles de palmeraies à cultiver, les puits à balancier avec leurs seaux en vannerie sont de moins en moins utilisés et seulement pour les usages domestiques.</p>
<h2>Vous avec dit « étanche » ?</h2>
<p>L’étanchéité de ce seau est due à la fois aux fibres végétales et à la technique de tressage utilisées. C’est du palmier dattier (<em>Phoenix dactylifera L.</em>), plante reine dans les oasis du Sahara, du Proche et du Moyen-Orient, que l’on tire les matières pour réaliser les seaux de puits. Comme pour le tressage de l’ensemble des vanneries sont utilisés des folioles (petites feuilles fixées de part et d’autre de la palme), la hampe (branche qui tient le régime de dattes) et le fibrillum (bourre qui recouvre le stipe).</p>
<p>La technique de tressage est le « spiralé cousu » : le montant (tiges de hampe défibrée) forme l’âme de la vannerie en s’enroulant en spirale, et le brin (folioles) est un élément mobile et souple qui entoure le montant par des enroulements successifs et fixe les spires entre elles. Le fibrillum sert à tresser les cordes de suspension.</p>
<p>Cette technique, pratiquée <a href="https://www.cairn.info/les-objets-ont-ils-un-genre--9782200277130-page-207.htm">uniquement par les femmes, est utilisée pour fabriquer l’ensemble des vanneries dites « domestiques »</a> – plats, corbeilles, paniers, bols, seaux, couscoussières, etc. Les hommes, eux, sont spécialisés en technique du « tissée » utilisée pour les tressages des couffins, bissacs ou chapeaux indispensables pour le travail dans les palmeraies.</p>
<p>Quand le seau, au tressage toujours très serré, se remplit d’eau et que les fibres végétales gonflent, il devient encore plus étanche. Il est possible aussi, pour atteindre le niveau optimum d’étanchéité, de l’enduire de <a href="https://sciencepress.mnhn.fr/fr/collections/natures-en-societes/les-palmes-du-savoir-faire">goudron végétal</a> obtenu par distillation de morceaux de branches d’arbres (genévrier, sapin ou genêt). Ce goudron couvre la surface du seau (comme celle des bols pour boire), comme une sorte de résine épaisse et collante de couleur sombre qui, même après avoir durci, donne à l’eau un fort goût spécifique et bien apprécié. De plus, selon les croyances locales, le goudron protégerait l’eau de toute « souillure maléfique ».</p>
<p>Malgré l’ouverture des régions sahariennes vers le monde « moderne », malgré l’arrivée sur les marchés locaux des produits industriels et l’introduction de la matière plastique dans le tressage, la fabrication des seaux de puits comme d’autres vanneries se perpétue encore dans les oasis sahariennes. Les vanneries continuent à être utilisées dans leurs nombreuses fonctions quotidiennes, comme dans le contexte rituel, incarnant ainsi une tradition aussi valorisée que l’innovation.</p>
<p>Restant globalement une activité domestique, et même si le nombre d’hommes et de femmes qui pratiquent l’activité vannière a considérablement diminué aujourd’hui, le savoir-faire continue à se transmettre dans le cadre familial.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217223/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Tatiana Benfoughal ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La vannerie accompagne les oasiens depuis des millénaires. Ce qui peut paraître surprenant, c’est qu’elle permet de réaliser des seaux… étanches.Tatiana Benfoughal, Attachée honoraire au Museum National d'Histoire Naturelle, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2197592023-12-12T18:47:20Z2023-12-12T18:47:20ZPorte-bébés, écharpes… les bienfaits d’une pratique ancestrale<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/565211/original/file-20231123-25-7b6rd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C8256%2C6192&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le portage est bénéfique pour le bien-être des bébés. Mais il convient de prévenir les lombalgies et pressions sur le périnée en cas de portage prolongé.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/es/image-photo/young-mother-her-baby-carrier-sling-623706020">Lolostock/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Lorsque j’ai eu mon premier enfant, un <a href="https://theconversation.com/fr/topics/bebes-47729">bébé</a> des plus typiques, donc très exigeant, je cherchais un moyen de l’apaiser tout en me laissant une certaine liberté pour effectuer les tâches du quotidien. C’est ainsi que j’ai découvert le portage.</p>
<p>À la base, il s’agissait d’un long tissu tout simple que l’on attachait en faisant des nœuds impossibles et qui permettait de porter le petit endormi, durant des heures, pendant que sa mère ou son père faisait les courses ou la cuisine, prenait un café, partait en excursion… C’était une merveille.</p>
<p>Dans notre cas, nous avons eu recours à différents systèmes : des bretelles, des écharpes, des sacs à dos ergonomiques, etc. Chaque dispositif avait ses avantages et ses inconvénients. Si certains étaient plus faciles à utiliser, d’autres se révélaient moins maniables mais plus chauds. À l’époque, ils étaient tous vendus comme des alternatives à la parentalité naturelle, un peu dans le sillage de la philosophie <em>hippie</em>, et les gens regardaient ça dans la rue comme une curiosité.</p>
<p>Petit à petit, ces méthodes se sont popularisées et aujourd’hui, plus personne ne trouve étrange de voir un papa ou une maman porter son bébé dans la rue.</p>
<h2>Un retour à nos origines</h2>
<p>Mais cette mode récente n’est rien d’autre qu’un retour aux sources. Déjà <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0163638320300886?via%3Dihub">pendant la préhistoire</a>, les bébés survivaient aux déplacements incessants des peuples nomades, en restant accrochés à leur mère.</p>
<p>Et sans remonter aussi loin dans le temps, nos grands-mères prenaient un foulard, l’attachaient autour de leur corps et portaient le bébé au dos ou sur les hanches alors qu’elles allaient travailler aux champs ou qu’elles s’occupaient du reste de la fratrie.</p>
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<a href="https://theconversation.com/prevention-de-la-mort-subite-du-nourrisson-80-des-photos-sur-les-paquets-de-couches-font-fi-des-recommandations-216777">Prévention de la mort subite du nourrisson : 80 % des photos sur les paquets de couches font fi des recommandations</a>
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<p>Le landau est une invention relativement moderne. Il a été inventé en 1733 par l’architecte et paysagiste anglais <a href="https://mcclungmuseum.utk.edu/object-of-the-month/baby-carriage/">William Kent</a> qui s’est inspiré de la structure d’une charrette tirée par des chevaux. Ses premiers utilisateurs furent les nobles de l’époque puis il est devenu populaire dans les familles de la classe moyenne bien avant le XX<sup>e</sup> siècle. Le succès fut tel qu’on ne pouvait plus voir une mère ou un père sans qu’elle, ou il, promène son enfant en landau.</p>
<h2>Avantages du portage par rapport à la poussette</h2>
<p>Cependant, bien que ce type de véhicule puisse offrir un certain confort lors des déplacements, de nombreux <a href="https://juniperpublishers.com/ajpn/AJPN.MS.ID.555876.php">effets positifs</a> du portage sont perdus quand on préfère recourir à un landau ou une poussette. Premier atout du portage : il encourage le contact physique entre le parent et l’enfant, ce qui favorise l’allaitement si c’est la mère qui porte.</p>
<p>Autre avantage, la position de l’enfant réduit le risque de plagiocéphalie, une déformation du crâne qui survient lorsque l’enfant reste longtemps allongé sans changer de position. L’<a href="https://journals.lww.com/jpojournal/fulltext/2003/07000/car_seats_infant_carriers_and_swings__their_role.10.aspx">utilisation prolongée de la poussette</a> pourrait favoriser le développement de ce problème.</p>
<p><em>(Les plagiocéphalies ou déformations crâniennes positionnelles sont une source d’inquiétude pour les parents. En France, la Haute autorité de santé se veut rassurante : ces déformations du crâne sont bénignes et disparaissent naturellement vers l’âge de deux ans. Retrouvez <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/p_3160772/fr/prevenir-la-plagiocephalie-sans-augmenter-le-risque-de-mort-inattendue-du-nourrisson">ses recommandations</a> éditées en concertation avec le Conseil national professionnel de pédiatrie, ndlr)</em>.</p>
<p>De plus, lorsqu’un bébé est porté, il doit s’adapter aux mouvements de la personne qui s’occupe de lui afin de maintenir une position stable. <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1891/1078-4535.22.1.17?url_ver=Z39.88-2003&rfr_id=ori:rid:crossref.org&rfr_dat=cr_pub%20%200pubmed">Cela contribue</a> à développer les muscles centraux (abdominaux, lombaires, pelviens, fessiers et spinaux profonds) à la fois du bébé et de la personne qui le porte.</p>
<p>Une autre <a href="https://publications.aap.org/pediatrics/article-abstract/77/5/641/53932/Increased-Carrying-Reduces-Infant-Crying-A?redirectedFrom=PDF?autologincheck=redirected">étude</a> a montré que le fait de tenir le bébé dans les bras, comme c’est le cas dans le portage, réduit les pleurs et favorise chez le petit un sentiment de sécurité et de confiance.</p>
<p>Et pour les situations qui nécessitent des soins particuliers, comme la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/1919818/">prise en charge des bébés prématurés</a>, le portage facilite le contact avec la personne qui s’occupe de l’enfant. Ainsi, les nouveau-nés peuvent prendre du poids plus rapidement, ce qui améliore leur santé.</p>
<h2>Une parentalité plus confortable et plus heureuse</h2>
<p>Mais le bébé n’est pas le seul à bénéficier du portage. Il a été démontré que cela réduit le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0884217515311448?via%3Dihub">risque de dépression post-partum</a> chez la mère et renforce le <a href="https://srcd.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1467-8624.1990.tb02888.x?sid=nlm%3Apubmed">lien</a> avec le père ou les autres personnes qui s’occupent du nouveau-né.</p>
<p>Cette pratique améliore également l’organisation de la famille, puisqu’elle permet de s’occuper des frères et sœurs, tout en portant bébé. Sans oublier la liberté qu’elle accorde pour faire de l’exercice et mener des activités du quotidien sans être séparé du bébé.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/561283/original/file-20231123-17-bib777.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/561283/original/file-20231123-17-bib777.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/561283/original/file-20231123-17-bib777.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/561283/original/file-20231123-17-bib777.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/561283/original/file-20231123-17-bib777.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/561283/original/file-20231123-17-bib777.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/561283/original/file-20231123-17-bib777.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/561283/original/file-20231123-17-bib777.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/es/image-photo/father-two-toddlers-washing-dishes-1080411476">Ground Picture/Shutterstock</a></span>
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<h2>Lombalgies et problèmes de plancher pelvien</h2>
<p>Bien que ce système présente, comme nous l’avons vu, de nombreux avantages, il convient de prendre également en considération quelques inconvénients potentiels. Ainsi, le portage prolongé peut provoquer des douleurs lombaires, surtout en position <a href="https://www.jptrs.org/journal/view.html?doi=10.14474/ptrs.2020.9.1.36">frontale</a>, car nos mouvements sont <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0966636220301636?via%3Dihub">modifiés</a>. On doit s’adapter à cette charge nouvelle à la fois en marchant, aussi quand on se penche vers le sol pour ramasser des objets, ce qui est très fréquent lorsqu’on porte des bébés.</p>
<p>Le plancher pelvien peut également souffrir. La position frontale — quand le bébé est devant — augmente la pression sur cette zone du corps, qui peut <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00192-014-2593-5#Tab2">être affectée</a> chez les mères qui souffrent de certains problèmes après l’accouchement.</p>
<p>Compte tenu de tout ce qu’il peut nous apporter en tant que parents, nous devrions envisager d’« entraîner notre corps » à porter en toute sécurité et à faire profiter notre enfant de tous les bénéfices qu’il peut retirer du fait d’être porté si près de nous.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/antoine-pourquoi-ce-sont-les-femmes-qui-font-les-enfants-et-pas-les-hommes-188925">Antoine : « Pourquoi ce sont les femmes qui font les enfants et pas les hommes ? »</a>
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<img src="https://counter.theconversation.com/content/219759/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ana Vanessa Bataller Cervero ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Porter un bébé comme le faisaient nos ancêtres, avec une écharpe ou un autre système, encourage le contact physique avec lui et permet d’effectuer diverses tâches pendant qu’il dort en toute sécurité.Ana Vanessa Bataller Cervero, Profesor en Biomecánica de la Actividad Física y del Deporte, Universidad San JorgeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2163182023-10-29T18:11:53Z2023-10-29T18:11:53ZComment « La Catrina » mexicaine est devenue le symbole du jour des morts<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/555625/original/file-20231005-24-skza08.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=191%2C191%2C5051%2C3450&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une jeune fille déguisée en "catrina" participe au défilé à Mexico pour célébrer le jour des morts.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/girl-dressed-as-catrina-walks-while-taking-part-in-the-news-photo/617638204?adppopup=true">Yuri Cortez/AFP via Getty Images</a></span></figcaption></figure><p>Le 13 avril 1944, la police essayait de contenir une foule de plusieurs milliers de personnes sur les marches de <a href="https://www.artic.edu/about-us/mission-and-history/history">l’Art Institute de Chicago</a>.</p>
<p>L’attroupement n’avait rien à voir avec la participation des États-Unis à la Seconde Guerre mondiale, aux conflits sociaux ou à la <a href="https://www.history.com/this-day-in-history/fdr-seizes-control-of-montgomery-ward">décision controversée du président Franklin D. Roosevelt de prendre le contrôle</a> des industries locales de Chicago.</p>
<p>En réalité, il s’agissait de visiteurs impatients de visiter le musée. Car tout le monde voulait profiter de la première américaine d’une exposition intitulée « Posada : Printmaker to the Mexican People » (« Posada : graveur du peuple mexicain »).</p>
<p>L’exposition présentait les gravures de <a href="https://www.posada-art-foundation.com/about-posada">José Guadalupe Posada</a>, un graveur mexicain décédé en 1913. L’exposition présentait ses <em>calaveras</em> (crânes), des illustrations satiriques de crânes et de squelettes réalisées à l’occasion de la fête des Morts et imprimées sur des journaux bon marché imprimés sur une feuille volante, les <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Broadside_(printing)">« broadsides » (bordées)</a>.</p>
<p>Une des ces calaveras attirait plus l’attention que les autres.</p>
<p>Connue sous le nom de La Catrina, il s’agissait d’un squelette criard arborant un large sourire et un chapeau à plumes surdimensionné. Une grande reproduction d’elle était <a href="https://www.artic.edu/exhibitions/8528/gallery-of-art-interpretation-who-is-posada">accrochée au mur du musée</a>. Le public l’avait vue dans les documents promotionnels du musée. Elle avait même fait la couverture du <a href="https://www.artic.edu/exhibitions/8526/the-art-of-jose-guadalupe-posada-lent-by-the-department-of-fine-arts-of-mexico">catalogue de l’exposition</a>. Au Mexique, elle était pratiquement inconnue, mais l’exposition américaine a fait d’elle une sensation internationale.</p>
<p>Aujourd’hui, La Catrina est la création la plus reconnaissable de Posada. Elle est l’icône du <a href="https://www.nationalgeographic.com/culture/article/top-ten-day-of-dead-mexico">Jour des morts</a>, la fête annuelle mexicaine en l’honneur des défunts qui a lieu chaque année les 1<sup>er</sup> et 2 novembre. Son visage est reproduit à l’infini pendant la fête, à tel point qu’elle est devenue le totem national officieux du Mexique, après la <a href="https://theconversation.com/warrior-servant-mother-unifier-the-virgin-mary-has-played-many-roles-through-the-centuries-165596">Vierge de Guadalupe</a>.</p>
<p>Si certains pensent qu’il en a toujours été ainsi, La Catrina est en réalité une icône transculturelle dont le prestige et la popularité sont à la fois le fruit d’une invention et d’un accident.</p>
<h2>Une vie obscure</h2>
<p>Lorsque Posada l’a gravée pour la première fois en <a href="https://www.posada-art-foundation.com/posada-lacatrina">1912</a>, elle ne s’appelait même pas La Catrina.</p>
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<img alt="Couverture de programme couleur pêche représentant un squelette coiffé d’un chapeau somptueux" src="https://images.theconversation.com/files/552387/original/file-20231005-19-nq4t90.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/552387/original/file-20231005-19-nq4t90.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=802&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/552387/original/file-20231005-19-nq4t90.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=802&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/552387/original/file-20231005-19-nq4t90.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=802&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/552387/original/file-20231005-19-nq4t90.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/552387/original/file-20231005-19-nq4t90.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/552387/original/file-20231005-19-nq4t90.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La couverture du catalogue de « Posada », une exposition organisée en 1944 à l’Art Institute of Chicago, présente celle qui allait être connue sous le nom de La Catrina ». zoomable=</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.artic.edu/exhibitions/8526/the-art-of-jose-guadalupe-posada-lent-by-the-department-of-fine-arts-of-mexico">The Art Institute of Chicago</a></span>
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<p>Dans l’estampe originale, elle est la Calavera Garbancera, un <a href="https://glasstire.com/2019/11/02/jose-guadalupe-posada-and-diego-rivera-fashion-catrina-from-sellout-to-national-icon-and-back-again/">titre utilisé</a> pour désigner les paysannes indigènes qui vendaient des haricots garbanzo (pois chiches) dans les marchés de rue.</p>
<p>Posada l’a dotée de vêtements voyants pour satiriser la façon dont les garbanceras tentaient de se faire passer pour des membres de la classe supérieure en se poudrant le visage et en portant des vêtements français à la mode. Ainsi, dès le début, La Catrina était transculturelle – une femme indigène rurale adoptant des coutumes européennes pour survivre dans la société urbaine et métisse du Mexique.</p>
<p>Comme les autres illustrations de Posada, <a href="https://www.jstor.org/stable/1360573">l’affiche de 1912</a> était vendue pour un penny à des hommes principalement pauvres et de la classe ouvrière de Mexico et des environs. Mais la Calavera Garbancera n’avait rien de particulier. Comme son créateur, elle est restée dans l’ombre pendant de nombreuses années.</p>
<p>Posada est mort <a href="https://www.amazon.com/Guadalupe-Mexican-Broadside-Institute-Chicago/dp/0300121377">fauché et inconnu</a>, mais ses illustrations <a href="https://www.unmpress.com/9780826319043/posadas-broadsheets/">lui ont survécu</a>. Son éditeur les a réutilisées pour d’autres affiches jusque dans les années 1920. La Calavera Garbancera a été recyclée en divers autres personnages, aucun n’étant particulièrement remarquable. Et personne ne savait vraiment qui fabriquait les affiches de calavera que l’on voyait dans la capitale tous les jours de la fête des Morts.</p>
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<img alt="Feuille imprimée comportant un texte et un dessin d’un squelette portant un grand chapeau sur papier vert" src="https://images.theconversation.com/files/555055/original/file-20231020-29-n6mh1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/555055/original/file-20231020-29-n6mh1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/555055/original/file-20231020-29-n6mh1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/555055/original/file-20231020-29-n6mh1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/555055/original/file-20231020-29-n6mh1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/555055/original/file-20231020-29-n6mh1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/555055/original/file-20231020-29-n6mh1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">‘Revolutionary Calavera,’ by José Guadalupe Posada, printed on a broadside ». zoomable=</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/revolutionary-calavera-c-1910-creator-josé-guadalupe-posada-news-photo/1447192444?adppopup=true">Heritage Art/Heritage Images via Getty Images</a></span>
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<p>Les choses changent au milieu des années 1920, lorsque l’œuvre de Posada attire l’attention de l’artiste français Jean Charlot, figure de proue de la <a href="https://books.google.com/books/about/The_Mexican_Mural_Renaissance_1920_1925.html?id=_g9ZAAAAMAAJ">Renaissance mexicaine</a>, cette explosion créative de peintures murales et d’œuvres d’art nationalistes qui s’est produite au lendemain de la révolution mexicaine.</p>
<p>Charlot était fasciné par les illustrations de calavera qu’il voyait dans la ville de Mexico, mais il ne savait pas qui les avait créées. Il a fini par retrouver l’éditeur de Posada et a commencé à faire des recherches sur le graveur. Charlot <a href="https://icaa.mfah.org/s/en/item/779806">publia des articles</a> sur Posada et présenta les calaveras de l’artiste à d’autres artistes et intellectuels de la Renaissance mexicaine. Parmi les plus importants, citons le peintre <a href="https://www.diegorivera.org/">Diego Rivera</a> et la critique <a href="https://www.nytimes.com/1956/06/18/archives/frances-toor-66-wrote-on-mexico-author-of-books-on-folkways-and-of.html">Frances Toor</a>.</p>
<h2>De La Garbancera à La Catrina</h2>
<p>Rivera, bien sûr, est sans doute le plus grand artiste de l’histoire du Mexique. <a href="https://theconversation.com/detroit-1932-when-diego-rivera-and-frida-kahlo-came-to-town-38884">Ses fresques murales épiques</a> restent célèbres dans le monde entier.</p>
<p>Frances Toor, quant à elle, était une modeste intellectuelle juive qui a fait carrière en écrivant sur la culture mexicaine. En 1925, elle a commencé à publier <a href="https://www.jstor.org/stable/43466157">Mexican Folkways</a>, un magazine bilingue populaire distribué au Mexique et aux États-Unis. Avec Diego Rivera comme éditeur artistique, elle a commencé à utiliser le magazine pour promouvoir Posada. Dans les numéros annuels d’octobre-novembre, Toor et Rivera ont présenté de grandes réimpressions des calaveras de Posada.</p>
<p>Cependant, la calavera Garbancera n’en fait jamais partie. Elle n’était pas assez importante pour être présentée.</p>
<p>En 1930, Toor et Rivera ont publié le <a href="https://philamuseum.org/collection/object/343276">premier livre</a> des gravures de Posada, qui s’est vendu dans tout le Mexique et aux États-Unis. Mais elle porte un nouveau nom : la Calavera Catrina. Pour des raisons inconnues, Toor et Rivera ont choisi cet adjectif honorifique, qui en fait une sorte de dandy au féminin. La calavera est à jamais La Catrina.</p>
<p>mais c’est avec l’exposition Posada à l’Art Institute of Chicago en 1944 qu’elle devient vraiment célèbre. L’exposition est le fruit d’une collaboration entre le musée et le gouvernement mexicain. Elle est financée et facilitée par une agence spéciale de propagande de la Maison Blanche qui a utilisé la <a href="https://www.academia.edu/29923182/Jos%C3%A9_Guadalupe_Posada_Art_Institute_of_Chicago_1944_pdf">diplomatie culturelle</a> pour renforcer la solidarité avec l’Amérique latine pendant la Seconde Guerre mondiale.</p>
<p>Cette promotion a permis à l’exposition Posada de tourner et de donner à La Catrina une plus grande visibilité. Elle a été vue et promue à New York, Philadelphie, Mexico et ailleurs au Mexique.</p>
<p>Le catalogue de l’exposition, avec la Catrina en couverture, a été vendu à chaque étape de la tournée. <a href="https://www.artic.edu/institutional-archives">Des exemplaires gratuits</a> ont également été distribués à d’éminents auteurs et artistes américains et mexicains. Ils ont commencé à écrire sur La Catrina et à la remodeler dans leurs œuvres d’art, la popularisant des deux côtés de la frontière.</p>
<h2>La Catrina s’internationalise</h2>
<p>En 1947, Diego Rivera a encore immortalisé La Catrina en la mettant au centre de l’une de ses plus célèbres peintures murales, <a href="https://www.diegorivera.org/dream-of-a-sunday-afternoon-in-alameda-park.jsp"><em>Rêve d’un dimanche après-midi dans le parc d’Alameda</em></a>.</p>
<p>Cette peinture murale dépeint l’histoire du Mexique, de la conquête espagnole à la révolution mexicaine. La Catrina se trouve au centre de cette histoire, Rivera l’ayant peinte tenant la main de Posada d’un côté et d’une version enfantine de lui-même de l’autre.</p>
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<img alt="Peinture d’un squelette élégamment vêtu tenant la main d’un garçon et d’un homme portant des chapeaux" src="https://images.theconversation.com/files/552394/original/file-20231005-27-ruxzoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/552394/original/file-20231005-27-ruxzoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/552394/original/file-20231005-27-ruxzoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/552394/original/file-20231005-27-ruxzoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/552394/original/file-20231005-27-ruxzoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/552394/original/file-20231005-27-ruxzoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/552394/original/file-20231005-27-ruxzoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Détail de la peinture murale de Diego Rivera « Rêve d’un dimanche après-midi dans le parc d’Alameda », qui se trouve au musée de la peinture murale de Diego Rivera à Mexico ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nicksherman/4080802657">Nick Sherman/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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</figure>
<p>La célébrité de Rivera – et la solennité retrouvée de La Catrina – a incité les artistes mexicains et mexicano-américains à l’intégrer dans leurs œuvres.</p>
<p>Les <a href="https://books.google.com/books/about/El_D%C3%ADa_de_Los_Muertos.html?id=BTNQAAAAMAAJ">artistes folkloriques</a> du Mexique ont commencé à en faire des jouets en céramique, des <a href="https://books.google.com/books/about/En_Calavera.html?id=3mJQAAAAMAAJ">figurines en papier mâché</a> et d’autres objets d’artisanat vendus à l’occasion de la fête des morts. Les Américains d’origine mexicaine ont utilisé La Catrina dans leurs fresques murales, leurs peintures et leurs affiches politiques dans le cadre du <a href="https://theconversation.com/how-chicana-women-artists-have-often-used-the-figure-of-the-virgin-of-guadalupe-for-political-messages-213720">Mouvement Chicano</a>, qui visait à défendre les droits civiques des Américains d’origine mexicaine dans les années 1960 et 1970.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="Costume extravagant comprenant une coiffe, un masque de crâne et une cape rouge et noire" src="https://images.theconversation.com/files/555067/original/file-20231020-19-y4bgms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/555067/original/file-20231020-19-y4bgms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=882&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/555067/original/file-20231020-19-y4bgms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=882&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/555067/original/file-20231020-19-y4bgms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=882&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/555067/original/file-20231020-19-y4bgms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1108&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/555067/original/file-20231020-19-y4bgms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1108&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/555067/original/file-20231020-19-y4bgms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1108&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Chaque année, Christina Sanchez, originaire de Los Angeles, s’habille en ‘Catrina Christina’ pour le Jour des Morts ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mars Sandoval</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>L’image de La Catrina est désormais utilisée pour vendre n’importe quoi, de <a href="https://tee-luv.com/products/victoria-beer-mexican-la-catrina-t-shirt-black">la bière</a> aux <a href="https://www.cnn.com/2020/11/01/us/day-of-the-dead-barbie-cultural-appropriation-trnd/index.html">poupées Barbie</a>. Vous pouvez commander des costumes de La Catrina dans les magasins <a href="https://www.walmart.com/c/kp/catrina-costume">Walmart</a> et <a href="https://www.spirithalloween.com/product/adult-la-catrina-day-of-the-dead-trumpet-dress-costume/175819.uts">Spirit Halloween</a>.</p>
<p>En fait, les défilés et concours de costumes de La Catrina sont une tradition relativement récente du Jour des Morts au Mexique et aux États-Unis.</p>
<p>Certaines personnes, comme <a href="https://shoutoutla.com/meet-christina-sanchez-catrina-christina/">« Catrina Christina »</a> à Los Angeles, revêtent un costume chaque année pour honorer les chers disparus du Día de los Muertos. D’autres se déguisent en Catrina pour augmenter leur <a href="https://www.uscannenbergmedia.com/2021/11/02/content-creators-use-their-platforms-to-celebrate-dia-de-los-muertos/">nombre de followers sur les réseaux sociaux</a>, ou se font passer pour elle pour gagner de l’argent.</p>
<p>Posada ne s’attendait probablement pas à ce que sa calavera devienne aussi célèbre. Il voulait simplement utiliser l’humour traditionnel pour se moquer des garbanceras vêtues de façon flamboyante qu’il voyait traîner sur la place centrale de Mexico.</p>
<p>Aujourd’hui, pendant le Día de los Muertos, cette même place centrale est remplie de centaines d’imitatrices de La Catrina qui, pour quelques dollars, posent pour des photos avec des touristes tout à fait prêts à payer pour une telle expérience culturelle « traditionnelle » avec une icône « authentique » du Jour des Morts.</p>
<p>Posada, quant à lui, est probablement en train de rire quelque part au pays des morts.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216318/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mathew Sandoval ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un obscur graveur mexicain du nom de José Guadalupe Posada a créé ce crâne satirique au début des années 1900 et l’a vendu pour un centime. Mais après sa mort, le crâne a pris une vie propre.Mathew Sandoval, Associate Teaching Professor in Culture & Performance, Arizona State UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2123962023-09-27T20:18:30Z2023-09-27T20:18:30ZRussie : l’homophobie d’État, élément central de la « guerre des valeurs » contre l’Occident<p>Le 30 septembre 2022, dans son <a href="http://www.en.kremlin.ru/events/president/transcripts/statements/69465">discours</a> annonçant <a href="https://theconversation.com/annexions-russes-en-ukraine-quand-la-force-tord-le-bras-au-droit-192125">l’annexion</a> des républiques ukrainiennes de Lougansk, Donetsk, Zaporijia et Kherson, Vladimir Poutine reprenait l’une de ses antiennes favorites en affirmant que l’Occident « menaçait l’existence de la Russie ».</p>
<p>Selon une rhétorique désormais bien ancrée dans la propagande du Kremlin, la guerre menée en Ukraine ne serait, en réalité, qu’un élément du conflit global opposant l’Occident à la Russie – un conflit portant avant tout sur les valeurs. L’un des aspects de cette confrontation sur lesquels Moscou insiste tout particulièrement est l’acceptation des sexualités LGBT+ en Occident et leur rejet catégorique en Russie.</p>
<p>La Douma d’État a adopté plusieurs lois, entrées en vigueur le <a href="https://www.reuters.com/world/europe/putin-signs-law-expanding-russias-rules-against-lgbt-propaganda-2022-12-05/">5 décembre</a>, interdisant la « propagande » des relations sexuelles dites « non traditionnelles » auprès de toutes les catégories de la population. Désormais, parler positivement d’homosexualité, ou adopter le moindre comportement jugé « homosexuel » dans l’espace public est <a href="https://www.consultant.ru/document/cons_doc_LAW_433218/6a73a7e61adc45fc3dd224c0e7194a1392c8b071/#dst100035https://rg.ru/documents/2022/12/08/fz479.html">passible de poursuites administratives</a>.</p>
<p>L’homosexualité en tant que telle n’est pas – encore ? – pénalisée en Russie ; mais, dans les faits, les nouvelles lois contraignent les personnes LGBT à devenir totalement invisibles.</p>
<h2>De la « protection des mineurs » à la « protection de l’ensemble de la société »</h2>
<p>La position de Poutine n’a pas toujours été aussi radicale. Ainsi, en <a href="http://kremlin.ru/events/president/transcripts/24026">2007</a>, il se déclarait respectueux des « libertés humaines dans toutes [leurs] manifestations », ajoutant que le principal problème en rapport avec les « minorités sexuelles » était démographique.</p>
<p>La situation actuelle est l’aboutissement d’un processus entamé fin 2010 avec l’adoption de la <a href="https://www.consultant.ru/document/cons_doc_LAW_108808/">loi 436-FZ</a> sur la protection de l’enfance contre « les informations nuisant à sa santé et son développement », au nombre desquelles étaient portées, entre autres, celles faisant la promotion <a href="https://www.consultant.ru/document/cons_doc_LAW_108808/">du suicide, des stupéfiants et de la « négation des valeurs familiales »</a> ».</p>
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<p>Après les <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2018/03/18/vote-en-russie-les-elections-de-2011-2012-l-epouvantail-du-pouvoir-russe_5272721_3214.html">mouvements de contestation des élections truquées à Moscou en 2011-2012</a> et le retour de Vladimir Poutine au Kremlin en 2012 pour son troisième mandat présidentiel, la législation se durcit dans plusieurs domaines pour limiter certains droits et libertés. L’Église orthodoxe russe et différents militants religieux soutiennent les premières pratiques répressives, comme dans <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2012/08/17/jugement-attendu-dans-l-affaire-des-pussy-riot_1746982_3214.html">l’affaire Pussy Riot en 2012</a>.</p>
<p>En 2013, une <a href="https://www.consultant.ru/document/cons_doc_LAW_148269/3d0cac60971a511280cbba229d9b6329c07731f7/#dst100009">nouvelle version de la loi 436-FZ</a> évoque la « propagande auprès des mineurs des relations sexuelles non traditionnelles », pour <a href="https://www.consultant.ru/document/cons_doc_LAW_433218/6a73a7e61adc45fc3dd224c0e7194a1392c8b071/#dst100035">s’élargir en 2022</a> à la « propagande et la diffusion […] d’informations représentant des relations […] sexuelles non traditionnelles ou susceptibles de susciter chez les mineurs le désir de changer de sexe ». Les <a href="https://rg.ru/documents/2022/12/08/fz479.html">lois du 5 décembre 2022</a> introduisent des amendements au Code des infractions administratives et régulent la production destinée tant aux mineurs qu’aux majeurs.</p>
<p>En outre, l'amendement à l’article 72 de la Constitution, introduit après les <a href="https://theconversation.com/russie-apres-la-constitution-eltsine-la-constitution-poutine-142597">amendements de 2020</a>, exclut la possibilité du mariage gay en Russie dans la mesure où l’État s’engage à protéger <a href="https://constitutionrf.ru/rzd-1/gl-3/st-72-krf">« l’institution du mariage en tant qu’union entre un homme et une femme »</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/t_kHfJeR6l0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Les effets de cette législation commencent à se faire sentir dans plusieurs domaines socio-culturels et, en particulier, dans la littérature, l’édition et la distribution cinématographique. Dans le contexte de la guerre en Ukraine, la pénalisation de la « propagande LGBT » est désormais incorporée au <a href="http://books.openedition.org/pressesmines/9023">dispositif plus vaste de censure militaire déployé en Russie</a>.</p>
<p>Contrairement à des infractions comme le « fait de jeter le discrédit sur l’armée » ou la « diffusion de fausses nouvelles » sur ce qui est appelé officiellement « l’opération militaire spéciale », la <a href="https://rg.ru/documents/2022/12/08/fz479.html">loi 479-FZ</a> ne prévoit pas pour ce nouveau délit de sanctions pénales, mais seulement des sanctions administratives. Toutefois, le montant des amendes, qui peuvent atteindre 50 000 euros, est assez dissuasif. Les formulations de la notion de « propagande LGBT » sont vagues, tant dans le texte de loi que dans les critères de définition des « contenus LGBT » dont la diffusion est interdite sur Internet <a href="http://publication.pravo.gov.ru/Document/View/0001202304170032?rangeSize=1&index=1">établis par l’agence gouvernementale Roskomnadzor</a>. Cela laisse aux organes de surveillance et à la justice une vaste marge de manœuvre pour interpréter les faits à leur guise.</p>
<p>Par ailleurs, en Tchétchénie, devenue depuis longtemps une république où le droit fédéral n’est reconnu que formellement, la situation des personnes LGBT+ est encore plus grave avec plusieurs cas de torture et d’exécution <a href="https://eng.kavkaz-uzel.eu/articles/51375/">qui ne suscitent aucune réaction des autorités fédérales</a>.</p>
<h2>L’impact sur le monde de la culture</h2>
<p>Les premiers cas d’application de la nouvelle loi ne se sont pas fait attendre. En juin 2023, le <a href="https://www.forbes.ru/forbeslife/491159-za-tri-mesaca-v-rossii-sostavili-33-protokola-za-propagandu-lgbt-ili-ee-demonstraciu">Roskomnadzor avait déjà ouvert 33 enquêtes administratives</a> visant les hébergeurs de films en streaming. Le montant total des amendes début septembre 2023 <a href="https://cinemaplex.ru/2023/09/04/novosti-onlajn-kinoteatrov-ivi-disney-i-shtrafy-roskomnadzora.html">excède 28 millions de roubles, soit environ 280 000 euros</a> à l’encontre de plusieurs plates-formes de streaming russes, condamnées pour avoir rendu accessibles aux internautes des films comportant une « représentation des relations LGBT » sans label 18+.</p>
<p>Parmi ces plates-formes, on retrouve des « salles de cinéma virtuelles » comme <a href="https://www.kinopoisk.ru/">Kinopoisk</a> ou <a href="https://premier.one">Premier</a>, qui appartiennent respectivement à Yandex et Gazprom Media, deux groupes sous le contrôle de l’État.</p>
<p>Pourquoi l’État inflige-t-il des amendes à des sociétés dont il est actionnaire majoritaire ? D’abord, parce qu’en tant qu’acteurs locaux, elles ne peuvent pas échapper aux sanctions (à la différence de plates-formes de streaming étrangères, auxquelles les Russes accèdent généralement via des VPN et sur lesquelles les autorités de Moscou n’ont pas de moyen de pression). Ensuite, parce que c’est une façon de montrer la marche à suivre aux autres producteurs et distributeurs de contenus.</p>
<p>Une censure de ce type touche également des salles de cinéma classiques. Les distributeurs ont déjà été amenés à couper des scènes montrant des « relations non traditionnelles » ou à labelliser « 16+ » des films pour enfants comme <a href="https://www.ouest-france.fr/cinema/walt-disney/russie-la-belle-et-la-bete-interdit-aux-jeunes-cause-d-un-moment-gay-4841136"><em>La Belle et la Bête</em></a> de Bill Condon, sorti en 2017. À l’avenir, les salles devront être plus attentives aux choix des films qu’elles projettent car, après avoir acquis la licence de distribution pour un film, elles peuvent se faire refuser l’autorisation de projection par le ministère de la Culture.</p>
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<p>Dans le domaine littéraire, le roman <em>Un été en cravate de pionnier</em>, d’Elena Malisova et Katerina Silvanova, fournit un <a href="https://theconversation.com/en-russie-la-litterature-pour-enfants-devient-une-arme-de-propagande-198550">premier exemple de l’impact des lois contre la « propagande LGBT »</a>. Paru en 2021, le livre relate une histoire d’amour entre un adolescent de 16 ans et son moniteur, âgé de 19 ans, dans le camp de pionniers où tous deux passent l’été 1986.</p>
<p>Dans la suite du roman, <em>Ce que tait la Mouette</em>, sortie à la fin de l’été 2022, le lecteur retrouve les protagonistes 20 ans plus tard. Publiés chez l’éditeur Popcorn Books, spécialisé dans la littérature dite <em>young adult</em> et les <a href="https://popcornbooks.me/about/">« sujets graves »</a> (« Nous publions des romans qui abordent des sujets “inconfortables” : des problèmes d’auto-identification, du racisme et du sexisme, du rapport au corps, etc. », est-il écrit dans sa présentation), les deux romans ont toutefois été labellisés « 18+ », conformément à la législation en vigueur au moment de leur parution.</p>
<p>À ce moment, cela signifiait que le livre était exclu des rayonnages jeunesse, sans nécessairement devoir être recouvert d’un film plastique (voir le chapitre de Bella Ostromooukhova, « “Poneys roses”, “valeurs traditionnelles” et “sujets difficiles” : la censure dans la littérature jeunesse russe, entre logiques politiques et commerciales », dans l’ouvrage collectif <a href="https://journals.openedition.org/lectures/52700">_L’invisibilisation de la censure. Contrôle des productions culturelles (Bélarus, France, Maroc, Russie)</a>, paru en France en 2020).</p>
<p>Les lois de décembre 2022 ont vocation à aller plus loin et à totalement interdire la publication de livres de ce type en Russie. Cependant, cette publication était déjà entravée auparavant (voir : Laure Thibonnier, Svetlana Maslinskaïa, Bella Ostromooukhova, « Dire ou ne pas dire les traumatismes historiques et l’homosexualité dans la littérature jeunesse contemporaine en Russie », à paraître dans le n° 52 de la revue <a href="https://journals.openedition.org/ilcea/">ILCEA</a>).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/548105/original/file-20230913-19-9cr31l.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/548105/original/file-20230913-19-9cr31l.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/548105/original/file-20230913-19-9cr31l.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=895&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/548105/original/file-20230913-19-9cr31l.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=895&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/548105/original/file-20230913-19-9cr31l.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=895&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/548105/original/file-20230913-19-9cr31l.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1125&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/548105/original/file-20230913-19-9cr31l.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1125&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/548105/original/file-20230913-19-9cr31l.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1125&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Couverture du livre « Un été en cravate de pionnier », paru chez Popcorn Books (cliquer pour zoomer). En bas à droite, la mention « 18+ ».</span>
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<p>En effet, alors que <em>Un été en cravate de pionnier</em> avait pris la tête des classements de ventes de livres, il avait été la cible de violentes réactions dans les médias et sur les réseaux sociaux dès le printemps 2022. Avant même la loi de décembre 2022, des messages haineux et appelant à la violence à l’endroit des auteures les ont contraintes à quitter la Russie, et le directeur de Popcorn Books a été déclaré <a href="https://www.lexpress.fr/monde/europe/russie-agent-de-l-etranger-ce-statut-de-plus-en-plus-utilise-pour-museler-les-opposants_2183599.html">agent de l’étranger</a>.</p>
<p>Le 28 décembre 2022, sur requête du député du parti Russie unie (le parti du pouvoir, ultra-majoritaire à la Douma) Alexandre Khinsteïn, une procédure a été entamée contre l’éditeur en vertu de la nouvelle loi. Début février 2023, Silvanova et Malisova ont été déclarées agents de l’étranger, et leur production ne peut donc plus être diffusée aux mineurs, selon une <a href="https://www.consultant.ru/document/cons_doc_LAW_433276/1c7b6da66b408e6b808426a6c17a2479e9a186f6/#dst100213">autre loi du 5 décembre 2022</a>.</p>
<h2>Censure et autocensure</h2>
<p>Toutes ces mesures répressives poussent les différents acteurs du processus culturel à s’infliger des formes d’autocensure et à limiter la diffusion de certaines œuvres. Par exemple, les librairies font l’inventaire de leurs stocks à la recherche d’ouvrages potentiellement exposés aux sanctions. La loi correspond aux convictions d’une partie non négligeable de l’opinion publique, tout en entretenant une homophobie qui, historiquement, en Russie et en URSS, <a href="https://journals.openedition.org/monderusse/12409">a toujours eu tendance à se renforcer quand le régime connaissait des phases de durcissement</a>. En effet, après avoir été légalisée en 1917, l’homosexualité a été criminalisée en 1933, en plein stalinisme, et n’a été dépénalisée qu’en 1993.</p>
<p>Le droit est également instrumentalisé par le Kremlin dans le cadre d’une stratégie plus large visant à consolider le pouvoir en <a href="https://hal.science/hal-03693701">désignant un « Autre » collectif menaçant la nation</a>. En effet, dans une situation où l’identité nationale en Russie <a href="https://theconversation.com/la-russie-une-nation-en-suspens-174141">demeure incertaine</a> sa représentation en opposition à un Autre occidental menaçant, entre autres, les « valeurs traditionnelles russes » permet au pouvoir de rassembler la nation autour des concepts conservateurs. Dans le même temps, cette confrontation à l’Autre donne un aspect légitime à un usage répressif du droit qui, en apparence, permettrait de protéger la « voie particulière » de la Russie, mais vise en réalité à restreindre les droits et libertés et à neutraliser les oppositions politiques, sources potentielles de « révolutions de couleur » menaçant la pérennité du régime autoritaire en place.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212396/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La propagande du Kremlin inscrit la guerre en Ukraine dans un conflit civilisationnel contre l’Occident dont le rapport aux personnes LGBT serait un élément central.Laure Thibonnier-Limpek, Enseignant-Chercheur à l'Institut des Langues et Cultures d'Europe, Amérique, Afrique, Asie et Australie (ILCEA4), membre du Centre d'Etudes Slaves Contemporaines, Université Grenoble Alpes (UGA)Valéry Kossov, Maître de conférences habilité à diriger des recherches en études russes, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2079432023-06-19T17:51:45Z2023-06-19T17:51:45ZEnfants dans la jungle colombienne : comment ils ont utilisé les savoirs autochtones<p><a href="https://www.liberation.fr/international/amerique/bouteille-de-soda-boite-a-musique-et-aucune-blessure-les-premiers-details-sur-la-survie-des-enfants-dans-la-jungle-colombienne-20230612_3OP6GCID4RFRHH6CZULBS7THEY/">La découverte et le sauvetage de quatre jeunes enfants indigènes</a>, 40 jours après que l’avion dans lequel ils voyageaient se soit écrasé dans la forêt tropicale colombienne, ont été qualifiés par la presse internationale de <a href="https://www.rfi.fr/fr/am%C3%A9riques/20230612-%C3%A0-la-une-miracle-dans-la-jungle-colombienne-quatre-enfants-perdus-retrouv%C3%A9s-vivants">« miracle dans la jungle »</a>. Toutefois, en tant qu’anthropologue <a href="https://www.academia.edu/100474974/Amazonian_visions_of_Visi%C3%B3n_Amazon%C3%ADa_Indigenous_Peoples_perspectives_on_a_forest_conservation_and_climate_programme_in_the_Colombian_Amazon">ayant mené des recherches ethnographiques sur le terrain</a> pendant plus d’un an parmi les Andoke de la région, je ne peux me contenter de qualifier cet événement de miraculeux. </p>
<p>En tout état de cause, il ne s’agit pas d’un miracle au sens classique du terme. Si ces enfants ont survécu plus d’un mois durant dans un environnement si hostile, c’est plutôt grâce à leur connaissance de la forêt et à leur capacité d’adaptation transmises de génération en génération par les populations indigènes. </p>
<h2>Des apprentissages fondamentaux dès le plus jeune âge</h2>
<p>Tout au long des opérations de recherche, j’étais en contact avec Raquel Andoque, une ancienne <em>maloquera</em> (propriétaire d’une maison longue cérémonielle) et sœur de l’arrière-grand-mère des enfants. Elle a exprimé à plusieurs reprises sa conviction inébranlable que les enfants seraient retrouvés vivants, insistant sur l’autonomie, l’intelligence et la résistance physique propres aux enfants de la région. </p>
<p>Avant même d’entrer à l’école primaire, les enfants de cette région accompagnent leurs parents et leurs aînés dans diverses activités telles que le jardinage, la pêche, la navigation sur les rivières, la chasse et la récolte de miel et de fruits sauvages. Les enfants acquièrent ainsi des compétences et des connaissances pratiques, comme celles dont ont fait preuve Lesly, Soleiny, Tien et Cristin au cours de leur périple de 40 jours. </p>
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<p>Les enfants indigènes apprennent généralement dès leur plus jeune âge à ouvrir des chemins dans une végétation dense et à distinguer les fruits comestibles de ceux qui ne le sont pas. Ils savent comment trouver de l’eau potable, construire des abris contre la pluie et poser des pièges à animaux. Ils peuvent identifier les empreintes et les odeurs des animaux et éviter les prédateurs tels que les jaguars et les serpents qui rôdent dans les bois.</p>
<p>Les enfants d’Amazonie n’ont généralement pas accès aux jouets et jeux industriels avec lesquels les enfants des villes grandissent. Ils deviennent donc d’habiles grimpeurs d’arbres et s’adonnent à des jeux qui leur apprennent à utiliser des outils d’adultes fabriqués à partir de matériaux naturels, tels que des rames ou des haches. Cela enrichit leur compréhension des activités physiques et les aide à apprendre quelles plantes servent à des fins spécifiques.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une jeune fille brandit un insecte tandis que sa famille travaille à côté" src="https://images.theconversation.com/files/532019/original/file-20230614-31-hrdd5z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532019/original/file-20230614-31-hrdd5z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532019/original/file-20230614-31-hrdd5z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532019/original/file-20230614-31-hrdd5z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532019/original/file-20230614-31-hrdd5z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532019/original/file-20230614-31-hrdd5z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532019/original/file-20230614-31-hrdd5z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une jeune fille indigène ramasse des larves comestibles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Eliran Arazi</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Des activités dont la plupart des enfants occidentaux seraient privés – manipulation, écorchage et dépeçage du gibier, par exemple – permettent de tirer des leçons de zoologie inestimables et favorisent sans doute la résilience émotionnelle. </p>
<h2>Compétences de survie</h2>
<p>Lorsqu’ils accompagnent leurs parents et leurs proches dans la jungle, les enfants autochtones apprennent à s’orienter dans la végétation dense d’une forêt en suivant l’emplacement du soleil dans le ciel. </p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/532012/original/file-20230614-29-ii5s0u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Carte de la région du Moyen Caqueta en Colombie" src="https://images.theconversation.com/files/532012/original/file-20230614-29-ii5s0u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532012/original/file-20230614-29-ii5s0u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=551&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532012/original/file-20230614-29-ii5s0u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=551&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532012/original/file-20230614-29-ii5s0u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=551&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532012/original/file-20230614-29-ii5s0u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=692&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532012/original/file-20230614-29-ii5s0u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=692&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532012/original/file-20230614-29-ii5s0u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=692&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte indiquant la région du Moyen Caqueta, d’où sont originaires les quatre enfants.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gadiel Levi</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Comme les grands fleuves de la plupart des régions de l’Amazonie coulent dans une direction opposée à celle du soleil, les individus peuvent s’orienter à partir de ces fleuves. </p>
<p>Les traces de pas et les objets laissés par les quatre enfants révèlent qu’ils se sont dirigés vers la rivière Apaporis, où ils espéraient sans doute être repérés. </p>
<p>Les enfants auraient également appris de leurs parents et de leurs aînés où trouver les plantes et les fleurs comestibles. Une méthode consiste par exemple en l’étude des relations entre les plantes, de sorte que là où se trouve un certain arbre, on peut trouver des champignons ou de petits animaux qui peuvent être piégés et mangés. </p>
<figure>
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<h2>Histoires, chansons et mythes</h2>
<p>Les savoirs contenus dans les <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-marche-de-l-histoire/amazonie-le-chamanisme-et-la-pensee-de-la-foret-1211432">récits mythiques transmis par les parents et les grands-parents</a> constituent une autre ressource inestimable pour naviguer dans la forêt. Ces histoires décrivent les animaux comme des êtres à part entière, se livrant à la séduction et à la malice, assurant la subsistance ou même sauvant la vie de leurs congénères. </p>
<p>Si ces épisodes peuvent sembler incompréhensibles pour un public non autochtone, ils résument en réalité les relations complexes entre ces innombrables habitants de la forêt qui ne sont pas des êtres humains. Le savoir autochtone se concentre sur les relations entre les hommes, les plantes et les animaux et sur la manière dont ils peuvent s’unir pour préserver l’environnement et prévenir les dommages écologiques irréversibles. </p>
<p>Ce patrimoine de connaissances s’est développé au cours de millénaires durant lesquels les peuples autochtones se sont non seulement adaptés à leurs territoires forestiers mais les ont aussi activement façonnés. Il s’agit d’un savoir que les populations autochtones locales apprennent dès leur plus jeune âge, de sorte qu’il devient pour elles une seconde nature. </p>
<h2>Prendre soin les uns des autres</h2>
<p>L’un des aspects de cette histoire « miraculeuse » qui a émerveillé les Occidentaux est la façon dont, après la mort de la mère des enfants, Lesly, âgée de 13 ans, a réussi à s’occuper de ses jeunes frères et sœurs, y compris Cristin, qui n’avait que 11 mois au moment où l’avion s’est écrasé.</p>
<p>Mais dans les familles indigènes, les sœurs aînées sont censées jouer le rôle de mères de substitution pour leurs jeunes parents dès leur plus jeune âge. Iris Andoke Macuna, une membre de la famille, m’a dit :</p>
<blockquote>
<p>« Pour certains Blancs [les personnes non indigènes], le fait que nous emmenions nos enfants travailler dans le jardin et que nous laissions les filles porter leurs frères et s’occuper d’eux n’est pas une bonne chose. Mais pour nous, c’est tout l’inverse : nos enfants sont indépendants, et c’est pourquoi Lesly a pu s’occuper de ses frères pendant tout ce temps. Cela l’a endurcie et elle a appris ce dont ses frères avaient besoin. » </p>
</blockquote>
<h2>Le côté spirituel</h2>
<p>Au cours de la disparition des enfants, les anciens et les chamans ont pratiqué des rituels basés sur des croyances traditionnelles qui impliquent des relations humaines avec des entités connues sous le nom de <em>dueños</em> (propriétaires) en espagnol et sous divers noms dans les langues indigènes (comme <em>i’bo ño̰e</em>, qui signifie « personnes de ces lieux » en andoquois). </p>
<p>Ces puissants propriétaires sont considérés comme les esprits protecteurs des plantes et des animaux qui vivent dans les forêts. Les enfants sont leur sont présentés lors de cérémonies d’attribution de noms, qui garantissent que ces esprits reconnaissent leur relation avec le territoire et leur droit d’y prospérer.</p>
<p>Pendant la recherche des enfants disparus, les anciens ont dialogué et négocié avec ces entités dans leurs maisons cérémonielles (<em>malocas</em>) dans tout le <a href="https://www.researchgate.net/figure/Middle-and-Lower-Caqueta-River-region-State-of-Amazonas-Colombia-Map-from_fig1_255580310">Caquetá moyen</a> et dans d’autres communautés indigènes qui considèrent que le site de l’accident fait partie de leur territoire ancestral. Raquel m’a expliqué :</p>
<blockquote>
<p>« Les chamans communiquent avec les sites sacrés. Ils offrent de la coca et du tabac aux esprits et disent : “Prends ça et rends-moi mes petits-enfants. Ils sont à moi, pas à toi”. »</p>
</blockquote>
<p>Ces croyances et pratiques ont une signification importante pour mes amis du Moyen Caqueta, qui croient fermement que la survie des enfants doit plus à ces processus spirituels qu’aux moyens technologiques employés par les équipes de secours de l’armée colombienne. </p>
<p>Il peut être difficile pour les non-autochtones d’adhérer à ces idées traditionnelles. Mais ces croyances auraient inculqué aux enfants la foi et la force émotionnelle indispensables pour persévérer dans la lutte pour la survie. Et elles auraient encouragé les autochtones qui les recherchaient à ne pas perdre espoir. </p>
<p>Les enfants savaient que leur destin n’était pas de mourir dans la forêt, et que leurs grands-parents et leurs chamans remueraient ciel et terre pour les ramener vivants à la maison.</p>
<p>Malheureusement, ce savoir traditionnel, qui a permis aux populations indigènes non seulement de survivre, mais aussi de prospérer en Amazonie depuis des millénaires, est menacé. L’empiètement croissant sur leurs terres par l’agro-industrie, l’exploitation minière et les activités illicites, ainsi que la négligence de l’État et ses interventions effectuées sans le consentement des populations ont rendu ces peuples vulnérables.</p>
<p>Cette situation met en péril les fondements mêmes de la vie où ces connaissances sont ancrées, les territoires qui leur servent de base, ainsi que les personnes elles-mêmes qui préservent, développent et transmettent ces connaissances.</p>
<p>Il est impératif de préserver ces connaissances inestimables et les compétences qui donnent vie aux miracles. Nous ne devons pas les laisser dépérir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207943/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eliran Arazi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les enfants indigènes assimilent dès leur plus jeune âge des techniques de survie dans la jungle amazonienne, un savoir transmis de génération en génération.Eliran Arazi, PhD researcher in Anthropology, Hebrew University of Jerusalem and the School for Advanced Studies in the Social Sciences (Paris)., Hebrew University of JerusalemLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2050762023-06-07T19:38:42Z2023-06-07T19:38:42ZCharmeurs de serpents à Marrakech : quand le spectacle met à mal les aspirations à un tourisme plus durable<p>La légende raconte qu’un jour, Sidi Mohamed Ben Aïssa traversait le désert avec 40 de ses disciples torturés par la faim. Les disciples se plaignirent au maître qui, dans un premier temps, ne répondit pas. Il finit par leur dire d’avaler tout ce qu’ils trouveraient, y compris vipères, scorpions et autres espèces venimeuses.</p>
<p>Des dizaines de serpents et de scorpions furent ainsi consommés et, par miracle, les hommes survécurent, tant la parole du maître était puissante. Depuis ce jour, les descendants de Ben Aïssa seraient immunisés contre les morsures de serpents, protégés par une baraka vieille de quatre siècles. On les appelle les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/A%C3%AFssawa">Aïssaoua</a>.</p>
<p>Les charmeurs de serpents, ou Aïssaoua, font partie intégrante de la culture marocaine, leur activité a été reconnue avec l’inscription de la place Jemaa El-Fna sur la liste Unesco représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité en 2008.</p>
<p>Pourtant, cette activité a un impact sur la biodiversité et engendre de la souffrance animale que la notion même de développement durable devrait nous inciter à prendre en compte.</p>
<h2>Serpents de Jemaa El-Fna et baraka</h2>
<p>Les serpents sont des animaux qui suscitent en Occident de nombreuses légendes, tout aussi rocambolesques les unes que les autres. Du serpent qui boit du lait aux vipères lâchées par hélicoptère, le serpent fait peur, le <a href="https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2004-3-page-427.htm">serpent inquiète</a>.</p>
<p>Sa présence sur le caducée, symbole de la santé, ne parvient pas à nous faire oublier qu’il est celui qui a convaincu Ève de croquer la pomme.</p>
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<p>Pas étonnant que sur la place Jemaa El-Fna, les Aïssaoua capables de dompter cet animal fascinent. Le charmeur va poser le serpent au sol, et par de nombreuses provocations stressantes, va déclencher le comportement de défense du reptile, plongeant les visiteurs dans un émerveillement empreint de peur et d’exotisme, que le lieu, avec le son des flûtes, mais aussi ses odeurs et son ambiance, contribue à véhiculer.</p>
<p>Les visiteurs ont ainsi la sensation de vivre une expérience unique qui, malgré sa fugacité, participe à la notoriété de cet espace. Le charmeur doit démontrer son pouvoir ; c’est la magie, « la baraka », qui lui permet ses interactions avec le serpent. Le discours diffusé auprès des touristes a pour but de conforter le visiteur dans ces représentations négatives et insidieuses de l’animal, contribuant dans un même temps à renforcer la magie du spectacle.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/526836/original/file-20230517-21-2062yt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/526836/original/file-20230517-21-2062yt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/526836/original/file-20230517-21-2062yt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/526836/original/file-20230517-21-2062yt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/526836/original/file-20230517-21-2062yt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/526836/original/file-20230517-21-2062yt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/526836/original/file-20230517-21-2062yt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une vipère vient de mettre bas dans la caisse du charmeur, mais la moitié des jeunes sont morts.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Abdellah Bouazza</span></span>
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<h2>Le cobra ne danse pas</h2>
<p>Les charmeurs exhibent plusieurs espèces de serpents, notamment la vipère heurtante (<em>Bitis arietans</em>), la couleuvre de Montpellier du Sahara (<em>Malpolon monspessulanus saharatlanticus</em>) et le cobra d’Afrique du Nord ou cobra noir du Maroc (<em>Naja haje legionis</em>).</p>
<p>Le cobra est difficile à trouver dans la nature, mais il constitue l’espèce la plus recherchée par les charmeurs. Il se rencontre principalement dans le Sahara atlantique et parfois dans certaines oasis au sud du Haut Atlas.</p>
<p>À l’instar des autres serpents, le cobra ne possède pas d’oreille externe, ainsi il ne « danse » pas au son de la flûte des Aïssaoua. Il adopte plutôt une position de défense en « coiffant » sa tête et suit du regard les charmeurs, qui donnent ainsi l’illusion que le serpent bouge au son de l’instrument.</p>
<p>Cette attitude charismatique donne la sensation d’une provocation, au cœur du spectacle.</p>
<h2>Sécurité du touriste, souffrance du serpent</h2>
<p>Les serpents utilisés dans les spectacles des charmeurs de la place Jemaa El-Fna sont capturés directement dans la nature, notamment dans les habitats désertiques du Bas Draâ (Tan Tan-Guelmim). Vipères et cobras sont ensuite manipulés et bloqués au cou pour leur ouvrir la gueule et leur arracher les crochets.</p>
<p>Cette opération, réalisée sans précaution d’hygiène ni anesthésie, est censée garantir la sécurité des touristes et des charmeurs. Les serpents sont ensuite maintenus dans des caisses en bois, en attendant d’être vendus aux charmeurs de Marrakech qui à aucun moment ne se déplacent eux-mêmes sur le terrain.</p>
<p>Déshydratés, sans accès à de la nourriture ni à une température favorable pour se thermoréguler, certains meurent d’une infection due à l’opération, d’autres du fait des conditions de vie stressantes associées à une nourriture inadaptée et imposée de force, comme nous avons pu l’observer sur le terrain.</p>
<h2>Le spectacle à quel prix ?</h2>
<p>Le spectacle n’a en effet de sens que par la position de défense de l’animal, position qu’il est contraint de maintenir des heures durant pour répondre aux provocations du charmeur ; un processus qui, lentement, épuise l’animal.</p>
<p>Jugée cruelle, cette pratique a <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/biodiversite/video-les-charmeurs-de-serpents-entre-fascination-et-polemique_4097339.html">été interdite en Inde en 1972</a>, tandis qu’elle demeure encore utorisée au Maroc. Le développement touristique de la place Jemaa El-Fna a beau avoir induit des modifications, les charmeurs font malgré tout partie des activités qui suscitent le <a href="http://www.hesperis-tamuda.com/3/data/2010/4-Ouidad%20Tebbaa.pdf">plus d’attrait pour de nombreux touristes</a></p>
<p>Inconsciemment, ces derniers participent donc sans le savoir à la souffrance et à la disparition d’espèces sauvages, nous conduisant à nous poser la question suivante : la sauvegarde du patrimoine culturel est-elle toujours compatible avec les enjeux de développement durable qu’il sous-entend ?</p>
<hr>
<p><em><a href="https://www.linkedin.com/in/thomas-lahlafi-112a71117/?originalSubdomain=fr">Thomas Lahlafi</a>, naturaliste indépendant, et Salima SALHI (doctorante à l'Université d’Angers) ont contribué à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205076/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jannot Laura a reçu des financements de SFR Confluence Angers </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Abdellah Bouazza ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Cette pratique qui fascine les touristes sur la place Jemaa El-Fna à Marrakech inflige de nombreuses souffrances aux serpents.Laura Jannot, Doctorante en géographie du tourisme, Université d'AngersAbdellah Bouazza, PhD in Herpetology and Conservation BiologyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1862422022-07-01T14:27:50Z2022-07-01T14:27:50ZLe Palio de Sienne, bien plus que du folklore italien<p>Un trait distinctif de nos sociétés modernes est la présence de rivalités bien ancrées entre groupes opposés. Dans des contextes aussi divers que la France, le Royaume-Uni ou les États-Unis, un antagonisme profond entre des partis ou des entreprises rivales monte les dirigeants les uns contre les autres, entrave la coopération et peut déclencher des affrontements. Le risque d’escalade des conflits reste ainsi une menace permanente pour nos communautés, avec des effets néfastes considérables sur les résultats économiques et le bien-être des populations.</p>
<p>Dans des contextes caractérisés par des rivalités profondément ressenties, existe-t-il des facteurs susceptibles de modérer le risque d’escalade des conflits ? Pour répondre à cette question, nous nous sommes tournés dans nos <a href="https://pubsonline.informs.org/doi/abs/10.1287/orsc.2019.1283">recherches</a> vers la ville de Sienne, dans la région italienne de la Toscane, pour étudier le système social construit autour du Palio, la course de chevaux mondialement réputée dont l’origine remonte au XIII<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Le <a href="https://www.ilpalio.org/">Palio</a> a lieu chaque année le 2 juillet et le 16 août, attirant des milliers de touristes. L’année 2022 marque son grand retour après trois ans d’interruption en raison de la pandémie de Covid-19. Chaque course consiste à faire trois tours de la principale <em>piazza</em> (place) de la ville et implique dix de ses dix-sept <em>contrade</em> (quartiers). Le Palio représente bien plus qu’une course de chevaux : c’est le cœur galopant d’un système social qui régit la vie de la ville tout au long de l’année.</p>
<h2>Il fait bon vivre à Sienne</h2>
<p>Le Palio constitue un terrain idéal pour étudier la régulation des conflits liés aux rivalités et aux alliances entre les quartiers de la ville. La rivalité désigne une relation antagoniste stable et enracinée entre deux <em>contrade</em>, transmise à travers les générations par des images, des couleurs, des récits et des histoires. La course et la rivalité sont des sujets de discussion omniprésents dans la ville. Chaque quartier fait tout son possible pour gagner la course ou, au moins, pour empêcher le rival de la gagner.</p>
<p>Cependant, à notre grande surprise, et contrairement à ce que l’on observe en politique et dans les affaires, ces rivalités n’ont pas été préjudiciables aux résultats économiques ou sociaux de la ville. En utilisant des sources d’archives, nous n’avons recensé que 81 accidents ou épisodes de confrontation violente entre des <em>contrade</em> rivales en près de trois siècles, la plupart étant des escarmouches mineures sans blessures ou avec des blessures légères.</p>
<p>Pendant des siècles, Sienne a pu prospérer grâce à son système social. La ville toscane a en effet longtemps été un centre financier, abritant la troisième banque d’Italie (et la plus ancienne du monde encore en activité, la Banca Monte dei Paschi di Siena). Elle s’est classée parmi les <a href="https://lab24.ilsole24ore.com/qualita-della-vita/siena">meilleurs endroits où vivre en Italie</a> selon le journal <em>Il Sole 24 Ore</em>, sur la base d’une combinaison d’indicateurs sociaux et économiques. Elle a atteint l’excellence en matière de sport, son <a href="https://www.eurosport.it/basket/serie-a-basket/2014-2015/le-squadre-piu-forti-di-sempre-la-montepaschi-siena-di-simone-pianigiani_sto6137226/story.shtml">équipe de basket-ball</a> ayant remporté le championnat national entre 2006 et 2013, et un club de football réputé ayant été promu en Serie A, la première division italienne, en 2010.</p>
<h2>Système siennois</h2>
<p>Comment les habitants de Sienne pouvaient-ils minimiser la menace d’une escalade des conflits et faire en sorte que leur communauté prospère, voire profite de la rivalité ? Dans une étude archivistique des déterminants de l’escalade des conflits sur et en dehors de la piste de course depuis 1743, nous avons identifié certains facteurs qui ont conduit à l’escalade ou à la désescalade des conflits.</p>
<p>D’une part, comme prévu, l’existence de rivalités profondément ressenties peut déclencher une escalade des conflits. Les alliances sont également des facteurs importants de conflit, car elles représentent des canaux par lesquels la rivalité se diffuse et induit la confrontation entre des coalitions opposées.</p>
<p>D’autre part, nous avons constaté que les relations personnelles qui transcendent les factions opposées constituent un puissant vecteur de désescalade des conflits. Par exemple, lorsque des jockeys professionnels – acteurs clés du système siennois – passent d’une <em>contrada</em> à une autre, ils entretiennent des relations personnelles étroites avec les membres de leur ancien camp. Le capitaine de l’ancien employeur fait connaissance avec la famille du jockey et des habitants du quartier maintiennent des liens personnels solides. Ces relations permettent un équilibre global du système en réduisant la possibilité d’une escalade du conflit entre les camps rivaux lorsque des changements se produisent.</p>
<h2>Une forme de conflit régulé</h2>
<p>Plus généralement, nos recherches montrent que les liens personnels qui transcendent les camps, tels que les mariages, les amitiés et les expériences scolaires ou professionnelles communes, bien que peu fréquents, renforcent le sentiment d’appartenance à une communauté partagée, dont le bien-être passe avant les intérêts d’un seul groupe.</p>
<p>Conformément à la vision de l’anthropologue américaine Sydel Silverman, le Palio est une « <a href="https://www.jstor.org/stable/643774">forme de conflit régulé</a> structuré comme un jeu ». Pendant l’été, la rivalité gagne le centre de la scène, et peut s’intensifier à l’intérieur des limites implicites définies par les contacts personnels. Mais tout au long de l’année, la coopération entre les quartiers sur des questions cruciales, renforcée par les liens personnels qui unissent les individus entre eux, peut faire prospérer le système.</p>
<p>Un exemple de cette coopération fructueuse a notamment été observé pendant la crise du Covid. Le Palio a été reporté de deux ans, avec un impact significatif sur les revenus et le moral de la ville. Pourtant, les contrade ont trouvé le moyen de garder vivant l’esprit de la ville et le système social sous-jacent, même dans les jours les plus sombres de la pandémie. Les <a href="https://www.independent.co.uk/news/world/europe/coronavirus-italy-siena-song-canto-della-verbena-video-lockdown-a9399176.html">collaborations entre quartiers rivaux se sont multipliés</a> au cours de cette période, allant des soins de santé et aux aides aux différentes communautés. Ces épisodes montrent que la rivalité peut faire partie d’un système social, mais que la polarisation peut également être régulée et surmontée face à de grands défis.</p>
<h2>Les leçons du Palio</h2>
<p>Les leçons de la ville de Sienne peuvent-elles s’appliquer ailleurs ? Dans le domaine de la politique et des affaires, l’antagonisme est sans aucun doute une menace. Les alliances peuvent également être un vecteur d’escalade des conflits : pensez à la confrontation entre les <a href="https://theconversation.com/gouvernement-limpossible-compromis-185879">grandes coalitions au sein du parlement français</a> ou à la concurrence entre les écosystèmes <a href="https://theconversation.com/fr/topics/boeing-67782">Boeing</a> et <a href="https://theconversation.com/fr/topics/airbus-35468">Airbus</a> dans l’aéronautique. Dans un tel contexte, des liens interpersonnels peuvent être créés et exploités pour freiner l’essor de conflits potentiels.</p>
<p>Les consultants ou les employés qui passent d’une entreprise à l’autre peuvent ainsi faire en sorte que la confrontation des entreprises ne nuise pas à la frontière de la productivité dans ce secteur. IBM et Apple sont historiquement des entreprises concurrentes, mais les douze années d’expérience professionnelle de Tim Cook chez IBM ont atténué les tensions entre les firmes au point que le <a href="https://www.lesechos.fr/2014/07/sainte-alliance-apple-ibm-pour-attaquer-le-marche-des-entreprises-306789">PDG d’Apple a conclu une alliance avec IBM</a> en 2014.</p>
<p>En politique, des individus appartenant à des coalitions opposées, liés par des amitiés communes ou venant des mêmes régions, peuvent être les meilleurs champions susceptibles de surmonter l’impasse d’un parlement sans majorité claire. Par exemple, de nombreux députés de la majorité ont des expériences antérieures de travail avec d’autres partis, que ce soit au sein du Parti socialiste ou des Républicains. En outre, plusieurs membres de différents partis ont fréquenté la même école française ou ont envoyé leurs enfants dans les mêmes écoles. Ces contacts personnels seront fondamentaux pour réduire les conflits et faire avancer les choses au cours des cinq prochaines années.</p>
<p>Il est également essentiel de créer un calendrier avec des espaces pour la confrontation et des espaces qui permettent la coopération dans la recherche du bien commun. À Sienne, le calendrier du Palio fixe l’heure de ces phases. Ces espaces peuvent-ils être créés dans des communautés plus larges ? Les récents événements de la politique américaine ont montré que des <a href="https://theconversation.com/first-bipartisan-gun-control-bill-in-a-generation-signed-into-law-3-essential-reads-on-what-it-means-185822">initiatives bipartisanes sur la réglementation des armes à feu</a> pouvaient avoir lieu même dans un contexte de polarisation extrême lorsque les nations sont confrontées à de graves défis. Nos communautés et nos partis doivent faire de la place dans le calendrier institutionnel pour des initiatives similaires, indépendamment des événements extérieurs.</p>
<p>La rivalité reste une menace, mais c’est aussi une opportunité qui motive les individus et <a href="https://news.cision.com/bjorn-borg/r/research-study-shows-that-rivalry-can-both-drive-performance-and-compassion-,c2181216">favorise les performances</a>, comme le montrent des recherches menées récemment à l’Université de New York. Il est donc crucial de trouver des moyens de contrôler le côté obscur de l’antagonisme et de tirer parti de la rivalité pour le bien commun. Les citoyens de Sienne nous montrent ici la voie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186242/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La traditionnelle course de chevaux, qui revient ce 2 juillet après trois d’interruption, a constitué au fil du temps un facteur d’apaisement des rivalités entre les quartiers de la ville toscane.Elisa Operti, Professeur associé en management, ESSEC Shemuel Lampronti, Assistant Professor of Strategic Management , Warwick Business School, University of WarwickStoyan V. Sgourev, Professor of Management, ESSEC Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1767512022-02-24T18:54:37Z2022-02-24T18:54:37ZAu Moyen Âge, les champignons avaient très mauvaise réputation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/448314/original/file-20220224-33175-vepelb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption"></span> </figcaption></figure><p>A l’époque médiévale, les champignons poussent en grande quantité dans les forêts et dans les champs ; paradoxalement ils sont très peu présents dans les ouvrages encyclopédiques. Quelques articles leur sont consacrés, classés parmi les herbes, surtout pour insister sur leur dangerosité. Il est bien fait allusion à quelques espèces comestibles, comme le bolet ou la truffe, mais très rapidement. Le règne fongique semble être rejeté d’un seul bloc par la mentalité médiévale. Pourquoi le champignon médiéval a-t-il une si mauvaise réputation ?</p>
<h2>Une suspicion héritée de l’Antiquité</h2>
<p>Le savoir médiéval s’appuie sur les sources antiques. Pline l’Ancien, avec sa somme encyclopédique <em>Historia naturalis</em>, fait autorité pour la description de la nature. Quand il aborde les champignons, c’est surtout pour insister sur leur nocivité (livre XXII, chapitre 47) : il prend pour exemple l’empoisonnement de l’empereur Claude par son épouse Agrippine à l’aide d’un <a href="http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concordances/pline_hist_nat_22/lecture/23.htm">bolet vénéneux</a>. Pline reconnaît cependant que tous les champignons ne sont pas dangereux mais il ne voit pas l’intérêt de consommer un <a href="http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concordances/pline_hist_nat_22/lecture/24.htm">aliment aussi suspect</a>. L’encyclopédisme médiéval hérite donc d’une forte suspicion vis-à-vis des champignons.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/448340/original/file-20220224-13-nq00ap.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/448340/original/file-20220224-13-nq00ap.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=360&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/448340/original/file-20220224-13-nq00ap.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=360&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/448340/original/file-20220224-13-nq00ap.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=360&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/448340/original/file-20220224-13-nq00ap.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=453&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/448340/original/file-20220224-13-nq00ap.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=453&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/448340/original/file-20220224-13-nq00ap.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=453&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Jehan de Cuba, <em>Le Jardin de Santé</em> translaté du latin, édition Philippe le Noir, 1539.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bibliothèque nationale de France, département Réserve des livres rares</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un axe ciel-terre</h2>
<p>La religion chrétienne, qui influence tous les domaines de la pensée médiévale, va encore alourdir le lourd passif du champignon. L’ensemble des créatures sont classées selon un ordre hiérarchique, organisé autour de l’axe ciel-terre : plus les créatures sont proches du ciel, donc symboliquement du domaine divin, plus elles sont valorisées ; à l’inverse, plus les créatures sont proches de la terre, plus elles sont perçues comme négatives. </p>
<p>Par conséquent les champignons, qui poussent au ras du sol, se retrouvent au plus bas de cette hiérarchie – c’est encore pire pour la truffe, qui pousse directement dans la terre. Les champignons émaneraient directement de la terre : Hildegarde de Bingen, dans son encyclopédie <em>Physice</em>, développe une pharmacopée en partie <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00608791/document">validée par la postérité</a>. Dans son Livre I, sur les plantes, elle consacre un long article aux champignons, qu’elle compare à l’écume et à la sueur de la terre (<a href="http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/it/jxf.htm">CLXXII, <em>De fungis</em></a>).</p>
<p>Cette <a href="http://expositions.bnf.fr/gastro/arret_sur/imaginaire/index.htm">échelle des êtres</a> est utilisée pour régir l’alimentation des nobles, qui ne doivent pas consommer ce qui pousse trop près de la terre : ces aliments sont considérés comme indignes de leur rang social. Dans le <a href="http://expositions.bnf.fr/gastro/recettes/hely.htm"><em>Mesnagier de Paris</em></a>, ouvrage d’intendance domestique du XV<sup>e</sup> siècle, une seule recette mentionne des champignons, et il s’agit d’un pâté (Livre II, chapitre V).</p>
<p>Cette classification symbolique échappe bien sûr à la grande majorité de la population : les paysans consommaient les champignons, source alimentaire abondante et gratuite, comme les fruits et les baies qu’ils trouvaient dans les bois.</p>
<h2>La théorie des humeurs</h2>
<p>Les champignons souffrent également d’une mauvaise réputation au regard de la théorie médicale qui prévaut depuis Hippocrate : la <a href="http://expositions.bnf.fr/gastro/arret_sur/medecine/texte.htm">théorie des humeurs</a>. Selon cette théorie, le corps humain serait parcouru par quatre fluides, [quatre humeurs dont l’équilibre permet de rester en bonne santé]. Ces humeurs sont composées de quatre qualités, qui vont par paire : chaud, froid, sec et humide.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/448345/original/file-20220224-25-1bbmpjn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/448345/original/file-20220224-25-1bbmpjn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=808&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/448345/original/file-20220224-25-1bbmpjn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=808&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/448345/original/file-20220224-25-1bbmpjn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=808&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/448345/original/file-20220224-25-1bbmpjn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1015&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/448345/original/file-20220224-25-1bbmpjn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1015&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/448345/original/file-20220224-25-1bbmpjn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1015&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Approche alchimique des quatre humeurs en relation avec les quatre éléments et les signes zodiacaux. Illustration dans Quinta Essentia par Leonhart Thurneisser zum Thurn, 1574.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Quinta_Essentia_(Thurneisse)_illustration_Alchemic_approach_to_four_humors_in_relation_to_the_four_elements_and_zodiacal_signs.jpg">Wikimedia</a></span>
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<p>Ces qualités se retrouvent dans les espèces végétales, selon des degrés d’intensité qui vont de 1 à 4. Dans cette classification, le champignon est froid et humide au 3<sup>e</sup> degré (au 4<sup>e</sup> degré dans certains textes). Voici ce qu’en dit <em>Le grant herbier En francoys</em>, au XVI<sup>e</sup> siècle :</p>
<blockquote>
<p>« Ilz sont frois et moites au tiers degré. Et ce est monstré par la violence qu’ilz ont et moiteur aussi. Il en est de deux manieres car les ungz sont mortelz et font mourir ceulx qui les menguent, les autres ne le sont pas. »</p>
</blockquote>
<p>Les champignons sont classés en deux groupes : les mortels et les autres, mais les seconds sont indigestes et rendent malades.</p>
<p>Une seule espèce semble vraiment bénéfique : l’agaric (l’amadou, classé comme chaud et sec), qui pousse sur le tronc des arbres, et donc loin du sol. Dans les articles qui lui sont consacrés, l’agaric est doté de vertus médicinales, notamment hémostatiques. L’agaric n’est pas mentionné dans les articles sur les champignons, comme pour ne pas le dévaloriser.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/448343/original/file-20220224-23-1fzf09u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/448343/original/file-20220224-23-1fzf09u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=623&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/448343/original/file-20220224-23-1fzf09u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=623&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/448343/original/file-20220224-23-1fzf09u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=623&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/448343/original/file-20220224-23-1fzf09u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=783&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/448343/original/file-20220224-23-1fzf09u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=783&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/448343/original/file-20220224-23-1fzf09u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=783&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le grant herbier En francoys, imprimé à Paris par Jacques Nyverd, XVIᵉ s..</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bibliothèque nationale de France, département Réserve des livres rares, RES FOL-TE142-22 (B), folio Lr (détail)</span></span>
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<h2>Les herbiers médiévaux</h2>
<p>Les champignons sont <a href="http://dfsm.elan-numerique.fr/entry/display/5515">présentés globalement</a> comme si c’était une espèce aux caractéristiques uniques et homogènes. Cette absence de distinction entre les champignons se retrouve au niveau de l’iconographie : dans ces herbiers, la gravure représente toujours quelques champignons type bolet, avec pied et chapeau. Tout se passe comme si l’encyclopédiste médiéval ne s’intéressait pas du tout au champignon : il ne cherche pas à distinguer les différentes variétés, ni dans les textes ni dans les illustrations. Le règne fongique, trop lié à la terre, ne semblait pas digne d’intérêt, d’autant plus que les textes insistent sur sa dangerosité.</p>
<p>Premier livre d’histoire naturelle à être imprimé, <em>Le Jardin de Santé</em> de Jehan de Cuba est une somme encyclopédique ; la première partie, consacrée <em>aux herbes et autres choses à usage médicinal</em>, propose seulement trois articles sur les champignons : l’un sur les champignons en général (<em>fungus</em>), l’autre sur l’agaric (<em>agaricus</em>), le dernier sur la truffe (<em>tubera</em>). Le Moyen Âge, qui utilise l’étymologie plus ou moins fantaisiste comme clé de compréhension du monde, voit dans ce mot latin <em>fungus</em> une indication du caractère mortel des champignons : <em>fungi</em> viendrait de <em>defuncti</em>, qui signifie « défunts ».</p>
<p><em>Le Jardin de Santé</em> énumère les maux engendrés par l’ingestion des champignons vénéneux :</p>
<blockquote>
<p>« D’iceulx sont espèces mauvaises et mortiferes. Et ay veu homme qui a souffert par iceulx anxieté et angoisse de l’alainer et coartation et sincope, c’est-à-dire pasmoison et aussi douleur froide. […] Certes a celluy qui mangue champignons luy advient passion, colique et suffocation. »</p>
</blockquote>
<p>Les textes conseillent de faire cuire les champignons, du moins les comestibles, pour en faciliter la digestion. En cas d’ingestion de champignon vénéneux, il faut prendre un antidote – <em>Le Grand Herbier</em>, monument botanique de la fin du Moyen Âge, donne plusieurs recettes à base d’herbes et d’épices.</p>
<p>Avec ce rapide parcours dans l’univers des champignons médiévaux (champ de recherche qui reste encore à défricher), il apparaît que la médecine traditionnelle occidentale n’utilise pas les champignons, considérés comme toxiques (à l’exception de l’agaric).</p>
<p>Cette aversion se retrouve dans la gastronomie médiévale. La mauvaise réputation du champignon tient, nous l’avons vu, à des éléments culturels. En effet, la médecine traditionnelle orientale, et notamment chinoise, valorise au contraire les champignons dans sa pharmacopée (mycothérapie).</p>
<p>C’est bien ici la culture qui impose le rapport à la nature. Ce rapport des peuples aux champignons a été étudié par l’ethnologie, plus exactement par l’ethnomycologie dont <a href="https://journals.openedition.org/lettre-cdf/222">Claude Levi-Strauss</a> rappelle les fondements : les peuples se classent en deux catégories dans leur rapport aux champignons, les mycophobes et les mycophiles. Les mycophobes n’éprouvent au mieux aucun intérêt pour les champignons, et vont jusqu’à les détester ; les mycophiles les intègrent tout naturellement dans leur univers culturel et culinaire. Tout semble montrer que le Moyen Âge occidental a été mycophobe dans ses ouvrages encyclopédiques jusqu’à la Renaissance, où le changement des mentalités permit de redécouvrir le champignon, ce mal-aimé des forêts.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176751/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie Gontero-Lauze ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Entre nature et culture, quelques pistes pour expliquer pourquoi le champignon était si mal aimé au Moyen Âge.Valérie Gontero-Lauze, Maître de conférences en langue et littérature du Moyen Age, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1733542021-12-18T15:37:36Z2021-12-18T15:37:36ZPourquoi les repas de famille nous attirent-ils autant qu’ils nous effraient ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/437816/original/file-20211215-25-1cc7h01.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C5%2C668%2C568&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">A l'abri du besoin, Norman Rockwell, entre 1941 et 1945.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.nrm.org/2011/11/place-settings/freedom-from-want_3_5/">Musée Norman Rockwell</a></span></figcaption></figure><p>L’histoire du cinéma, de la peinture, de la littérature, fourmille de scènes de table. On songe au <em>Repas de noce</em> de Brueghel l’Ancien, aux innombrables « cènes » représentant le dernier repas du Christ, à ces tableaux emblématiques de la nation américaine que sont <em>The First Thanksgiving</em> de JLG Ferris, ou <em>Freedom from Want</em> de Norman Rockwell (« A l’abri du besoin »). Shakespeare nous invite au banquet de <em>La Mégère apprivoisée</em>, Fitzgerald nous convie aux fêtes de <em>Gatsby</em>, Virginia Woolf nous fait saliver sur un bœuf en daube dans <em>La Promenade au phare</em>.</p>
<p>Certains auteurs mettent la préparation du repas au cœur du récit, comme Karen Blixen avec <em>Le Festin de Babette</em>, immortalisé au cinéma. Nombreux sont les acteurs qui trouvèrent la consécration dans des films où Thanksgiving jouait un rôle majeur : Al Pacino dans <em>Parfum de femme</em>, Sandra Bullock dans <em>L’Éveil d’un champion</em>, Sigourney Weaver dans <em>La Tempête de glace</em>, Adam Sandler dans <em>Drôle de monde</em>. Notre mémoire collective est nourrie de scènes devenues mythiques, tirées de <em>Barry Lyndon</em> de Kubrick, du <em>Parrain</em> de Coppola, des <em>Incorruptibles</em> de Brian de Palma.</p>
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<p>Le repas partagé ne saurait se concevoir seulement comme l’occasion d’ingérer une source d’énergie. La table signifie toujours plus qu’elle-même ; c’est une figure : elle est métonymique d’un contexte (la richesse de l’hôte, une période de crise), métaphorique d’une attitude (le raffinement, la générosité, l’avarice), symbolique d’une situation (Noël, la nation, le mariage, la rencontre amoureuse).</p>
<p>Mais quelle est la nature exacte de cette trouble fascination que les artistes éprouvent pour le repas partagé ? Pourquoi ressentons-nous, nous-mêmes, une telle excitation à prendre part à un repas de famille, et à en voir une représentation ?</p>
<p>Un premier élément de réponse relève de l’évidence : si nous tenons tant à voir ou à vivre un tel spectacle, c’est que ce que nous mangeons, comment nous le mangeons, avec qui nous le mangeons, où et quand nous le mangeons, structure l’histoire même de l’humanité : les « arts de la table », si l’on peut dire, sont des opérateurs de sociabilité, qui nous rappellent que nous sommes cet animal qui prépare sa nourriture, qui la partage, et qui en parle. Or, l’union sacrée qui semble devoir émerger de ces moments privilégiés peut aussi être mise à mal.</p>
<h2>Un révélateur de dysfonctionnements</h2>
<p>Dans le film <em>Avalon</em>, de Barry Levinson, un repas de famille organisé pour Thanksgiving tourne au drame. Le père donne le coup d’envoi du découpage de la dinde quand son frère arrivé en retard s’écrie indigné : « You cut the turkey ! » (« Tu as découpé la dinde ! »). Dans <em>La Bûche</em> de Danièle Thompson, ou dans <em>Un Conte de Noël</em> d’Arnaud Desplechin, le repas de Noël est l’occasion de raviver les plaies, de faire sortir les fantômes des placards familiaux. Parmi les scènes culte de tels dysfonctionnements, on se souviendra de celle du gigot dans <em>Vincent, François, Paul et les autres</em> de Claude Sautet, de celle du ragoût dans <em>Que la bête meure</em> de Claude Chabrol, de celle du repas de notables dans <em>Coup de tête</em> de Jean‑Jacques Annaud.</p>
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<p>En vérité, il ne saurait y avoir de récit d’un repas collectif sans que le fantasme de l’unité familiale ou sociale ne menace de voler en éclats. Qu’un étranger s’invite, qu’un membre de la famille revienne d’une longue absence, que l’un des convives dise des horreurs, que quelque chose cloche dans une recette ou dans une attitude, qu’un invité ne mange pas, et tout l’ordonnancement symbolique de la fête en sera ébranlé.</p>
<p>Les repas collectifs sont hautement problématiques, dangereux, imprévisibles : caché au milieu des plats circule comme un <em>pharmakon</em>, une énergie agissant comme remède et poison tout à la fois.</p>
<p>D’où l’immense succès, marqué par les multiples adaptations théâtrales, du film <em>Festen</em> de Thomas Vinterberg, dans lequel cette précarité de l’harmonie familiale est placée au cœur même de la représentation, puisque le fils profite du repas de fête pour dénoncer la pédophilie du père. Le poison est le plus violent lorsque les tabous fondamentaux s’effondrent. C’est encore le cas dans <em>Les Incorruptibles</em>, où Al Capone (Robert de Niro) défonce le crâne de l’un des convives à coups de batte de base-ball, dans <em>Hannibal</em>, de Riddley Scott, où le maître de cérémonie (Anthony Hopkins) se délecte du cerveau de l’un des invités.</p>
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<p>Inceste, meurtre, cannibalisme, autant d’interdits majeurs, qui se retrouvent subitement dans l’assiette, visibles, étalés, offerts à la dégustation du spectateur, en une monstrueuse abrogation des lois fondamentales du lien social. Monstrueuse, parce que la transgression des tabous qui crève soudain l’écran coïncide avec le moment le plus symbolique de la vie des hommes : ce moment du partage de la bête sacrifiée (la dinde, par exemple) comme gage de l’alliance sacrée de la communauté.</p>
<h2>Rituel et sacrifice</h2>
<p>Quelques apports théoriques <a href="https://redaprenderycambiar.com.ar/derrida/frances/derrida_manger.htm">seraient utiles</a> à une analyse approfondie des scènes évoquées ci-dessus : <a href="http://palimpsestes.fr/textes_philo/levi_strauss/triangle_culinaire.pdf">Lévi-Strauss sur le « triangle culinaire »</a> (le cru, le cuit, le pourri), où s’affirme une parfaite homologie entre cuisine et langage ; la quatrième partie de <em>Totem et tabou</em>, où <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance/freud-et-la-religion-14-totem-et-tabou">Freud diagnostique la permanence de la structure sacrificielle</a>, comme souvenir inconscient et répétition symbolique de la mise à mort du père de la horde et de sa dévoration par les fils.</p>
<p>Le sacrifice rituel, dont le repas collectif garderait la trace, serait à interpréter comme une mise à mort non criminelle, où se liraient tout à la fois l’aveu du meurtre originel et son rachat.</p>
<p>On comprend dès lors que la représentation comme l’expérience du repas partagé sont surtout une opération sémiotique qui subordonne l’acte de manger à la mise en scène d’un événement : la table fera advenir soit l’harmonie soit la discorde. Il peut arriver que le rituel ne fonctionne pas : que les codes ne soient pas respectés (découper la dinde avant que tous ne soient arrivés, insulter l’hôte, l’assassiner), que le convive ne mange pas (l’anorexique), qu’un étranger se mette à table sans y avoir été invité (le parasite, le revenant), qu’un « trouble-fête » déballe son sac (le secret de famille).</p>
<h2>Quand l’art se met à table</h2>
<p>Sans écarter ces références bien connues, c’est un essai plus confidentiel que nous proposons de relire. Dans son étude sur « l’ivresse des Grecs », Florence Dupont rappelle que l’épopée grecque était chantée lors d’un banquet sacrificiel, d’un <em>symposium</em>, dont la fonction était, par la circulation conjointe des mots et des mets, de renouer la relation des hommes avec la Mémoire divine du monde. Telle aurait été la fonction de la littérature : faire advenir une parole sans auteur, diluée dans l’oralité circulant entre les hommes. Littérature vivante donc, mise en bouche sur un mode poétique, éphémère, proche du moment musical.</p>
<p>Ce type de littérature se distinguerait dès lors de ce que nous nommons aujourd’hui la « littérature », devenue une aventure solitaire et personnelle. Le <em>symposium</em> permettait l’éclatement du principe d’individuation ; la littérature moderne témoigne d’une culture identitaire. En faisant jouer le <em>symposium</em> grec contre la <em>cena</em> romaine, le banquet rituel contre la table gastronomique, Dupont analyse la dégradation culturelle qui aurait <a href="https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1996_num_51_5_410904_t1_1089_0000_001">marqué l’histoire des repas partagés tout autant que celle de la littérature</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/26WyDdbZzzI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>On peut penser que les représentations artistiques du repas partagé nous parlent au plus haut point précisément parce qu’elles mettent en scène ces origines du banquet. Un film comme <em>Un conte de Noël</em> montre bien comment les liens familiaux s’écartèlent entre don de soi inconditionnel et haines individuelles recuites. Les arts jouent sur cette tension qui les fait osciller entre des régimes qui favorisent soit le collectif soit l’individuel. Or, cette tension perceptible dans les représentations ne serait-elle aussi comme une mise en abyme de la relation tendue qui lie l’artiste à l’institution ? L’auteur (dramaturge, romancier, peintre, metteur en scène) est celui qui participe et ne participe pas au banquet, se conduisant lui-même comme un hôte parfait, mais aussi, et en même temps, soit comme un parasite (celui qui s’assoit à table sans y être invité), soit comme un spectre (celui qui sort des coulisses pour révéler ce que les convives n’ont jamais voulu savoir).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173354/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Regard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ce que nous mangeons, comment nous le mangeons, avec qui nous le mangeons, où et quand nous le mangeons… structure l’histoire même de l’humanité.Frédéric Regard, Professeur de littérature anglaise, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1653322021-08-05T17:34:09Z2021-08-05T17:34:09Z« Secrets de terrain » : Adeline et le village de Maître Feng<iframe src="https://embed.acast.com/60d195a7bd48f300133e720d/6107adae7c2a82001a79b9d5" frameborder="0" width="100%" height="190px"></iframe>
<p><iframe id="tc-infographic-593" class="tc-infographic" height="100" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/593/60623770d32fd45e2499f2207291a9821793cfa3/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>De Bruce Lee aux films hongkongais de kung-fu, nombreux sont celles et ceux qui ont grandi en rêvant de temples perdus au sommet d’une montagne chinoise ou de vénérables sages à la barbe immaculée et au coup de pied parfait.</p>
<p>Dans une Chine communiste post-Mao, on imagine que la religion a souvent été reléguée au folklore ou à la culture pop’. Pourtant il existe des lieux et des personnes qui tentent tant bien que mal de faire vivre des traditions ancestrales.</p>
<p>C’est ainsi que l’anthropologue Adeline Herrou fait la connaissance de Maître Feng. Un jour de printemps au tournant de l’année 2013, elle découvre ce que le moine taoïste est en train de bâtir.</p>
<p><strong>Pour aller plus loin :</strong></p>
<ul>
<li><p><a href="https://www.puf.com/content/Une_journ%C3%A9e_dans_une_vie_une_vie_dans_une_journ%C3%A9e"><em>Une journée dans une vie, une vie dans une journée</em></a>, direction Adeline Herrou, éditions PUF, 2018</p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/etre-moine-tao-ste-en-chine-aujourdhui-a-la-rencontre-de-maitre-feng-95196">« Être moine taoïste en Chine aujourd’hui, à la rencontre de maître Feng »</a>, Adeline Herrou, 2018</p></li>
<li><p><a href="https://www.lcdpu.fr/livre/?GCOI=27000100492230"><em>La « vie entre soi ». Les moines taoi͏̈stes aujourd’hui en Chine</em></a>, Adeline Herrou, éditions Société d’ethnologie, 2005</p></li>
</ul>
<p><strong>Références sonores et extraits musicaux</strong></p>
<ul>
<li><p>sauf mention contraire, tous les extraits sont issus des travaux de recherche d’Adeline Herrou ainsi que de son film documentaire, <a href="https://theconversation.com/etre-moine-tao-ste-en-chine-aujourdhui-a-la-rencontre-de-maitre-feng-95196"><em>Maitre Feng</em></a> (2018).</p></li>
<li><p>51 sec : extrait coup de pied de la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=AIJ0X2kqOLM">wu-tang-collection-master-of-death</a></p></li>
<li><p>7 min 43 extrait des <a href="https://archive.org/details/wudang-mountain-daoist-temple-chanting-morning-evening-liturgy">archives du temple de Wudang</a></p></li>
<li><p>9 min 45, extrait Kill Bill, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=3VtfqAym5sQ">Vol.2, The Legend of Pai Mei</a></p></li>
<li><p>10 min 21 extrait des <a href="https://archive.org/details/wudang-mountain-daoist-temple-chanting-morning-evening-liturgy">archives du temple de Wudang</a></p></li>
<li><p>Jingle : Boginoo duu : voix chantée, vièle à deux cordes [enregistrement sonore]/Hamayon, Roberte (collectrice), Mongolie, environs de Ulan Bator, population Khalkha, 1973. Remerciements : Roberte Hamayon.</p></li>
</ul>
<p>Consultation publique en ligne sur le site du <a href="https://archives.crem-cnrs.fr/archives/items/CNRSMH_I_1973_008_002_17">CREM</a>. Provenance : Archives sonores CNRS/Musée de l’Homme gérées par le Centre de Recherche en Ethnomusicologie (LESC UMR 7186, CNRS/Université Paris Nanterre) avec le soutien du ministère de la Culture et de la Communication.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/408368/original/file-20210625-13-1qh3j0p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/408368/original/file-20210625-13-1qh3j0p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=197&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/408368/original/file-20210625-13-1qh3j0p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=197&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/408368/original/file-20210625-13-1qh3j0p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=197&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/408368/original/file-20210625-13-1qh3j0p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=248&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/408368/original/file-20210625-13-1qh3j0p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=248&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/408368/original/file-20210625-13-1qh3j0p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=248&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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</figcaption>
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<p><em>« Secrets de Terrain » est un podcast conçu et animé par Clea Chakraverty, réalisé et monté par Vanessa Tubiana-Brun (CNRS-Nanterre/MSH Mondes). Il est produit par The Conversation France et la revue d’anthropologie et de sciences sociales <a href="https://journals.openedition.org/terrain/"><em>Terrain</em></a>.</em></p>
<p><em>L’illustration « Secrets de Terrain » a été gracieusement accordée par le dessinateur <a href="https://www.adriafruitos.com/">Adrià Fruitos</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/165332/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Adeline Herrou découvre les conséquences insoupçonnées du travail du moine taoïste Maître Feng, un bâtisseur de temples dans une province reculée de la Chine.Adeline Herrou, Ethnologue, CNRS, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Clea Chakraverty, Cheffe de rubrique Politique + Société, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1629622021-07-08T17:52:10Z2021-07-08T17:52:10Z« Secrets de terrain » : Chloé et la vièle tibétaine<iframe src="https://embed.acast.com/60d195a7bd48f300133e720d/60d19bff1dc290001299eece" frameborder="0" width="100%" height="190px"></iframe>
<p><iframe id="tc-infographic-593" class="tc-infographic" height="100" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/593/60623770d32fd45e2499f2207291a9821793cfa3/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le 10 mars 1959, Lhamo Dhondup, plus connu sous le nom de <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/09/15/le-dernier-des-dalai-lamas_4487922_4355770.html">Tenzin Gyatso</a> ou sous son titre de Dalaï-Lama, quitte le Tibet envahi par la Chine.</p>
<p>Il trouve refuge dans le nord de l’Inde, à Dharamsala, suivi de quelque 80 000 Tibétains.</p>
<p>On compte aujourd’hui environ <a href="https://www.liberation.fr/planete/2017/11/29/le-monde-devrait-s-inquieter-des-atteintes-a-l-environnement-au-tibet_1612208/">6 millions de Tibétains</a> dans le monde. Si la majorité vit en République populaire de Chine, une diaspora de près de 150,000 personnes réside en Inde et au Népal mais aussi en Europe.</p>
<p>Pour cette diaspora, Dharamshala demeure la ville symbolique de l’exode et le Tibet, le pays perdu, celui des origines et de l’imaginaire. Au fil des années, le combat politique des Tibétains s’est aussi traduit par une reconquête identitaire et la valorisation d’un riche patrimoine culturel. La musique y tient une place majeure. Mais que valoriser ? Qu’est-ce qui est authentique ? Qu’est-ce qui ne l’est pas ?</p>
<p>C’est en enquêtant sur ces questions, mêlant identités et arts, que l’ethnologue Chloé Lukasiewicz se retrouve dans un bus pour le Tibet.</p>
<hr>
<p><em>Chloé Lukasiewicz effectue sa thèse sous la direction d’Anne de Sales et de Christine Guillebaud.</em></p>
<hr>
<p><strong>Pour aller plus loin</strong> :</p>
<ul>
<li><p><a href="https://journals.openedition.org/ethnomusicologie/3618">« Chanter loin du Pays des Neiges. Que sont devenues les musiques traditionnelles tibétaines à Dharamsala après soixante ans d’exil ? »</a>.</p></li>
<li><p>« Institutionalization of Traditional Tibetan Performing Arts in Exile : The Tibetan Institute of Performing Arts (TIPA) and the Tibetan Children’s Village (TCV), two complementary institutions in Dharamsala », dans <a href="https://tibet.net/tipa-to-host-international-conference-on-tibetan-performing-art-in-october-2019/">actes du colloque</a> 1st International Conference of Tibetan Performing Arts, Dharamsala, 28-30 octobre 2019).</p></li>
</ul>
<p><strong>Références sonores et crédits</strong></p>
<ul>
<li><p>Tous les enregistrements sont issus des travaux de terrain de Chloé Lukasiewicz sauf le premier enregistrement (bashey),
«<a href="https://www.youtube.com/watch?v=x4qB6mCW0Zw">Bashey འབའ་གཞས། Bawa songs</a>».</p></li>
<li><p>Jingle : Boginoo duu : voix chantée, vièle à deux cordes [enregistrement sonore]/Hamayon, Roberte (collectrice), Mongolie, environs de Ulan Bator, population Khalkha, 1973. Remerciements : Roberte Hamayon.</p></li>
<li><p>Consultation publique en ligne sur le site du <a href="https://archives.crem-cnrs.fr/archives/items/CNRSMH_I_1973_008_002_17">CREM</a>. Provenance : Archives sonores CNRS/Musée de l’Homme gérées par le Centre de Recherche en Ethnomusicologie (LESC UMR 7186, CNRS/Université Paris Nanterre) avec le soutien du ministère de la Culture et de la Communication.</p></li>
<li><p>L’illustration « Secrets de Terrain » a été gracieusement accordée par le dessinateur <a href="https://www.adriafruitos.com/">Adrià Fruitos</a>.</p></li>
</ul>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/408368/original/file-20210625-13-1qh3j0p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/408368/original/file-20210625-13-1qh3j0p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=197&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/408368/original/file-20210625-13-1qh3j0p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=197&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/408368/original/file-20210625-13-1qh3j0p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=197&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/408368/original/file-20210625-13-1qh3j0p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=248&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/408368/original/file-20210625-13-1qh3j0p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=248&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/408368/original/file-20210625-13-1qh3j0p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=248&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>« Secrets de Terrain » est un podcast conçu et animé par Clea Chakraverty, réalisé et monté par Vanessa Tubiana-Brun (CNRS-Nanterre/MSH Mondes). Il est produit par The Conversation France et la revue d’anthropologie et de sciences sociales <a href="https://journals.openedition.org/terrain/"><em>Terrain</em></a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162962/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chloé Lukasiewicz a reçu des financements de l'Université de Paris - Nanterre et du Centre de Recherche en Ethnomusicologie.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Clea Chakraverty ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au fil des années, le combat politique des Tibétains s’est traduit par une reconquête identitaire. La musique y tient une place majeure. Mais que valoriser ?Chloé Lukasiewicz, Doctorante, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresClea Chakraverty, Cheffe de rubrique Politique + Société, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1641022021-07-08T17:46:29Z2021-07-08T17:46:29ZRenommer un stade : opportunité économique, défi linguistique<p>Le 19 avril 2021, le football européen a été frappé par un séisme comme il n’en avait jamais connu auparavant, avec l’annonce de <a href="https://www.economist.com/britain/2021/04/22/boris-gives-the-european-super-league-the-boot">douze grands clubs européens</a> de leur sécession de la compétition reine du football en Europe, la Ligue des champions. Ceux-ci proposaient comme alternative une Super League européenne.</p>
<p>Les défenseurs du projet, en particulier Florentino Pérez et Andrea Agnelli, respectivement présidents du Real Madrid et de la Juventus de Turin, mettaient notamment en avant les profits que pouvait générer cette nouvelle compétition. Elle aurait été financée pour un montant de 3,25 milliards d’euros par la banque d’investissement américaine JP Morgan Chase, avec un retour sur investissement pour les clubs participants estimés <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/banque-assurances/super-league-la-banque-americaine-jp-morgan-prete-a-financer-le-foot-business-1308115">entre 200 et 300 millions d’euros</a>.</p>
<p>Le projet a toutefois été abandonné moins de deux jours plus tard, en raison de la réaction de deux acteurs majeurs : les <a href="https://www.lemonde.fr/sport/article/2021/05/02/football-des-supporteurs-envahissent-la-pelouse-du-stade-de-manchester-united-avant-le-match-contre-liverpool_6078851_3242.html">supporters</a> et les <a href="https://www.economist.com/britain/2021/04/22/boris-gives-the-european-super-league-the-boot">hommes politiques</a>. Des médias en venaient même à parler de « guerre », à l’instar d’<a href="https://elpais.com/deportes/2021-04-18/la-uefa-amenaza-con-sanciones-a-los-clubes-que-apoyen-la-superliga.html"><em>El Pais</em></a> en Espagne.</p>
<p>Reste que le football européen poursuit ainsi depuis 1995 et <a href="https://www.rtbf.be/info/regions/liege/detail_il-y-a-20-ans-l-arret-bosman-revolutionnait-le-football-professionnel-et-le-marche-des-transferts?id=9165082">l’arrêt Bosman</a>, source de l’emballement du marché des transferts, la voie de la <a href="https://doi.org/10.30950/jcer.v16i3.1089">mondialisation économique et financière</a>. L’écosystème et le modèle économique du football professionnel impliquent de générer de nouveaux revenus pour <a href="https://link.springer.com/book/10.1007/978-94-6265-120-3">faire face aux dépenses massives</a> des clubs en termes de masse salariale et de transfert.</p>
<p>Dans ce contexte, la pratique du <em>naming</em>, changer le nom des stades de foot pour y associer un sponsor, s’avère particulièrement intéressante. Outre un choix économique, nos <a href="http://www.theses.fr/2021UBFCH002">réflexions</a> invitent aussi à les considérer comme une décision linguistique aux implications sociales non négligeables. Elle mérite ainsi une réflexion particulière pour les entreprises désireuses de sponsoriser des enceintes.</p>
<h2>Acceptabilité des changements</h2>
<p>En Allemagne, douze stades ont été reconstruits, ou bien entièrement rénovés, pour la Coupe du monde 2006. Seuls trois d’entre eux n’avaient pas vendu à l’avance leurs <a href="https://www.sponsors.de/news/themen/arena-namensrechte">droits de dénomination</a> à des sponsors. Ce fut la même chose en France lorsqu’elle a accueilli le championnat d’Europe en 2016 : <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/sport/football/stades-euro-2016_1770347.html">quatre stades parmi les dix</a> construits ou rénovés ont vendu leurs droits de dénomination à des sponsors, à l’image de l’emblématique stade de Marseille devenu Orange Vélodrome. Tous les stades sélectionnés pour les <a href="https://www.kicker.de/in_diesen_stadien_wird_bei_der_em_2024_gespielt-701381/slideshow">championnats d’Europe de 2024</a>, qui se dérouleront en Allemagne, sont, eux, concernés.</p>
<iframe title="Principales enceintes sportives portant le nom d’un sponsor en France" aria-label="Carte" id="datawrapper-chart-FvQxY" src="https://datawrapper.dwcdn.net/FvQxY/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width : 0 ; min-width : 100 % !important ; border : none ;" height="655" width="100%"></iframe>
<p>Si la pratique résulte avant tout d’une décision économique, les noms retenus et leur utilisation dans la vie quotidienne disent quelque chose de la <a href="https://www.oxfordhandbooks.com/view/10.1093/oxfordhb/9780199656431.001.0001/oxfordhb-9780199656431-e-48">nature d’une société</a>. Les noms générés à partir d’une structure « internationale » telle que X + Arena, comme l’Allianz Arena de Munich en Allemagne, vise à toucher un public cosmopolite et consommateur.</p>
<p>Ils se distinguent de la structure française Stade + X comme « Stade de la Beaujoire » à Nantes, avec des noms renvoyant à un patrimoine historique. Ceux-ci renvoient davantage à un <a href="https://www.oxfordhandbooks.com/view/10.1093/oxfordhb/9780199656431.001.0001/oxfordhb-9780199656431-e-16">communautarisme traditionnel</a>.</p>
<p>Après changement, ces nouveaux noms finissent par se « fossiliser » et par se « figer ». Cela devient même le <a href="https://www.frank-timme.de/verlag/verlagsprogramm/buch/page/10/verlagsprogramm/bd-105-laurent-gautier-ed-figement-et-discours-specialises/backPID/forum-fuer-fachsprachen-forschung.html">principe premier de ces dénominations</a> qu’il faut envisager comme des « <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02966463">constructions</a> ».</p>
<p>En français, la forme [SPONSOR]+[STADE] ne semble pas poser de problème sur le plan du sens. Elle reste davantage questionnable au regard de l’acceptabilité de ces changements de nom par les locuteurs.</p>
<h2><em>Cosmopolitans</em> et <em>communitarians</em></h2>
<p>Celle-ci dépend largement des usagers, c’est-à-dire des supporters de foot eux-mêmes. Un <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0193723502261003?journalCode=jssa">papier de recherche</a> propose une typologie qui articule deux dimensions. Le premier axe, qui oppose tenant de la tradition et consommateur mesure l’investissement personnel de l’individu vis-à-vis de son club. Le deuxième met l’accent sur l’intensité de l’identification et de la solidarité avec son club.</p>
<p>Les traditionalistes locaux acharnés, que Richard Giulianotti, auteur de la typologie, appelle « supporters », développent une <a href="https://www.jstor.org/stable/10.3366/j.ctvxcrx4v">relation étroite avec leur stade</a> comme localité emblématique. Ils interprètent un re-naming comme une menace directe pour leur identité collective.</p>
<p>Nous avons pu <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/10126902211028147">affiner cette typologie</a> au moyen d’une enquête en ligne auprès de près de 3000 fans de toute l’Europe. Ceux-ci peuvent désormais être divisés en deux catégories principales : ceux qui sont favorables à la mondialisation, et que nous appelons « cosmopolitans », et ceux qui s’identifient plutôt à la communauté locale, que nous les appelons « communitarians ».</p>
<h2>Concilier tradition et nécessité financière</h2>
<p>Apparaît ainsi, au moins de façon latente, une tension au sein des supporters d’une même équipe. Les clubs et leurs sponsors utilisent alors une variété de stratégies pour résoudre ce conflit.</p>
<p><a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/02723638.2018.1446585">Des discours critiques</a> des supporters sur une possible dénomination de leur stade ont notamment été analysés par des confrères dans l’espace métropolitain du Grand Manchester (Manchester et neuf communes environnantes). Ils montrent que les conflits s’atténuent lorsque les membres de la communauté locale se trouvent inclus dans le processus de dénomination.</p>
<p>Les enquêtes directes auprès des groupes de supporters ont souvent produit leurs effets. C’est ainsi que les <a href="https://www.stadiumguide.com/vallecas">supporters du Rayo Vallecano</a>, club madrilène, ont redonné à leur stade son nom original « Estadio de Vallecas », alors qu’il avait pris le nom « Estadio Teresa Rivero » entre 2004 et 2011, en référence à la présidente du club.</p>
<p>Un autre cas très intéressant est celui du <a href="https://www.welt.de/regionales/hamburg/article192411315/Kuehne-kauft-Namensrechte-Der-HSV-spielt-auch-weiter-im-Volksparkstadion.html">stade de Hambourg</a>. Après avoir été rebaptisé plusieurs fois – « AOL Arena » (2001-2007), « HSH Nordbank Arena » (2007-2010), « Imtech Arena » (2010-2015) – le supporter et mécène Michael Kühne a acheté les droits de dénomination et a redonné au stade son nom d’origine – « Volksparkstadion ».</p>
<p>En France, le nouveau nom Orange Vélodrome montre que la tradition et la nécessité financière <a href="https://www.lefigaro.fr/le-scan-sport/buzz/2016/10/04/27002-20161004ARTFIG00072-naming-pourquoi-orange-a-choisi-le-velodrome.php">peuvent être combinées</a>, tant sur le plan linguistique qu’économique.</p>
<p>Le projet de recherche que nous menons actuellement vise ainsi à analyser les nouveaux noms de stades sur un plan linguistique pour identifier convergences et divergences selon les pays, le contexte économique et discursif des clubs, le tout en prenant en compte la réaction des supporters de chaque équipe.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/164102/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Matthieu Bach est membre de la SATT SAYENS. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Florian Koch, Javier Fernández-Cruz, Laurent Gautier et Matthieu Llorca ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Source de revenus pour les clubs, associer un sponsor au nom d’un stade ne reçoit pas toujours la bénédiction des supporters, partagés entre tenant de la tradition et défenseurs de la mondialisation.Laurent Gautier, Professeur des Universités en linguistique allemande et appliquée, Université de Bourgogne – UBFCFlorian Koch, Maitre de conférences, UFR Langues et communication, Université de Bourgogne – UBFCJavier Fernández-Cruz, Doctor en Lingüística, Departamento de Filología Inglesa Francesa y Alemana, Universidad de MálagaMatthieu Bach, Docteur en Etudes Germaniques, Université de Bourgogne – UBFCMatthieu Llorca, Maitre de conférences en économie, spécialiste des politiques économiques, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1633792021-07-05T18:12:55Z2021-07-05T18:12:55ZLa nécessaire préservation des savoirs météorologiques traditionnels en Afrique<p>Les sociétés africaines traditionnelles ont toujours considéré la nature comme un objet de communion et ont su trouver dans leurs traditions des explications aux changements observés dans leur environnement.</p>
<p>Ce patrimoine de savoirs se transmet de génération en génération sous formes diverses : chants, contes, mysticisme… Avec les pertes de repères dues aux changements environnementaux et le manque de supports écrits, une bonne partie de ces connaissances sont en train d’être perdues, d’où la nécessité de les préserver, notamment celles utilisées dans le secteur agricole.</p>
<h2>L’agriculture, un poids lourd économique soumis aux aléas météorologiques</h2>
<p>En Afrique subsaharienne, l’agriculture représente toujours un <a href="http://www.fao.org/3/bo092f/bo092f.pdf">secteur économique prépondérant</a> (15,6 % du PIB et 53 % des emplois, entre autres).</p>
<p>Les cultures qu’on y trouve (coton, maïs, mil, cacao, igname, mangue…) sont très diverses et dépendent beaucoup des conditions agroclimatiques. Cependant, elles possèdent des traits communs comme la forte dépendance à la variabilité pluviométrique : plus de 95 % des superficies cultivées sont en effet non irriguées.</p>
<p>Les activités agricoles (et non agricoles d’ailleurs) sont ainsi intimement liées aux pluies, à leur qualité, leur répartition, etc. Par exemple, l’imminence des premières pluies en début de saison pluvieuse demande une préparation des champs spécifique. En fin de saison, en revanche, lorsque les cultures sont en phase de dessiccation, l’arrivée d’une pluie importante invitera l’agriculteur à hâter sa récolte pour éviter des pertes par pourrissement et re-germination.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1286433427479126016"}"></div></p>
<p>Si la saison est attendue comme plutôt humide (ou sèche) par rapport à d’habitude, les exploitants vont également utiliser telle ou telle variété plus adaptée et adapter leurs achats d’engrais en fonction (les engrais azotés ayant une moindre efficacité en cas d’année plutôt sèche).</p>
<p>Il existe encore beaucoup d’exemples de ce type qui montrent qu’une grande partie de l’activité des agriculteurs en Afrique subsaharienne est régie par les événements météorologiques – comme c’est d’ailleurs le cas pour bon nombre d’agriculteurs dans le monde.</p>
<h2>L’observation et l’interprétation de phénomènes naturels</h2>
<p>Pour pouvoir anticiper ces phénomènes météorologiques, les agriculteurs ont développé depuis des générations des savoirs traditionnels qui se fondent généralement sur l’observation et l’interprétation de phénomènes naturels. Ils utilisent par exemple les changements phénologiques de certaines plantes, le comportement de certains animaux, la présence/position de corps célestes, ou encore l’observation de certains paramètres climatiques à un moment donné pour en prédire d’autres.</p>
<p>Ces connaissances, qui se transmettent de génération en génération par voie orale, permettent de prévoir aussi bien la pluie dans les prochains jours que les grandes tendances des mois à venir, ce qu’on appelle des prévisions saisonnières. Par exemple, les Afar en Éthiopie observent que la floraison de plusieurs <a href="https://doi.org/10.1186/s13570-019-0143-y">types d’acacias indique l’arrivée prochaine des pluies</a> ; des prévisions de ce type impliquant la floraison – ou l’apparition de fruits – pour des espèces locales se retrouvent d’ailleurs dans plusieurs régions africaines.</p>
<p>Le comportement de nombreux animaux est également scruté avec attention : dans le bassin arachidier sénégalais, le coassement des grenouilles après une pluie importante indique que la <a href="https://hal.inria.fr/EHESS-THESE/tel-00874724">pluie va continuer dans les jours à venir</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"979300881756717057"}"></div></p>
<p>En termes de prévisions saisonnières, les températures lors de la saison sèche sont un indicateur souvent utilisé : des températures anormalement élevées pendant la période de fin février à début mai sont un indicateur d’une saison pluvieuse (quelques mois plus tard) <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/08941920252866774">pour les agriculteurs burkinabè de Bonam</a>.</p>
<p>Les prévisions sont ainsi très dépendantes du contexte local, où jouent d’autres facteurs comme les sols, l’orographie, la végétation. Enfin, les astres permettent également de se situer dans le calendrier cultural. Au Burkina Faso, la position de la Grande Ourse, qui ressemble à une houe de plantation, indique la bonne période pour semer le sorgho : elle commence quand la houe est orientée vers le sol en juin et se termine lorsqu’elle est positionnée comme appuyée au mur début août. Ces savoirs liés aux étoiles requièrent cependant une grande expérience et sont pour cette raison plutôt réservés aux anciens.</p>
<h2>Ces prévisions sont-elles fiables ?</h2>
<p>La question de la fiabilité de ces prévisions traditionnelles, difficiles à quantifier et donc à évaluer, se pose souvent quand elles sont analysées au travers du prisme des connaissances météorologiques scientifiques et la difficulté se trouve aussi sur leur quantification. Leurs usagers reconnaissent sans problème qu’une erreur est toujours possible.</p>
<p>En Tanzanie, 55,8 % des personnes interrogées jugent cependant les systèmes de prévision traditionnels comme fiables (<a href="https://ccafs.cgiar.org/resources/publications/integrating-indigenous-knowledge-scientific-seasonal-forecasts-climate">24,7 % les considèrent plutôt fiables et 15,6 % pas fiables</a>) alors que les agriculteurs du Nord du Ghana soulignent que leurs prévisions saisonnières sont de <a href="https://research.wur.nl/en/publications/best-of-both-worlds-co-producing-climate-services-that-integrate-">bien plus mauvaise qualité que celles sur quelques jours</a>. Au Zimbabwe, une <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/DPM-02-2014-0032/full/html">évaluation</a> des savoirs traditionnels a montré une précision de qualité, avec même plus de fiabilité au niveau local que les prévisions scientifiques.</p>
<p>Pourtant, plusieurs études soulignent que ces connaissances traditionnelles ont tendance à être de plus en plus remises en question localement. Les explications à ce phénomène varient : on invoque souvent le dérèglement climatique qui rend invalides les connaissances et les repères locaux, la <a href="https://doi.org/10.1186/s13570-019-0143-y">détérioration des écosystèmes qui fait disparaître les indicateurs</a> ou les rend caducs, ou bien encore les systèmes éducatifs changeants et le poids de plus en plus important de la culture occidentale, ce qui rend les connaissances traditionnelles <a href="https://journals.ametsoc.org/view/journals/apme/56/8/jamc-d-17-0012.1.xml">peu attirantes pour les nouvelles générations</a>.</p>
<h2>Combiner prévisions scientifiques et traditionnelles</h2>
<p>Dans ce contexte, on comprend que des prévisions scientifiques telles que véhiculées par les services météorologiques nationaux ont un rôle à jouer pour compléter la gamme d’outils à la disposition des agriculteurs africains.</p>
<p>Loin de les percevoir comme des prévisions se substituant à leurs connaissances traditionnelles, ceux-ci y voient plutôt, lorsque l’intégration est bien faite, une nouvelle source d’information qui pourrait enrichir leur panel d’indicateurs fondés sur la tradition. Ces indicateurs se fondent sur les variations de phénomènes naturels, liées à la variation du climat à échelle grande ou locale. Et la science moderne, à travers ses instruments, capte ces mêmes variations. Les deux peuvent bien être combinés si des études comparatives sont menées. Cette combinaison pourrait augmenter le taux d’adoption par les communautés et la confiance qu’elles portent aux stratégies d’adaptation y afférant.</p>
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<p>Ainsi, lorsque les prévisions saisonnières scientifiques sont accessibles aux agriculteurs, elles sont utilisées dans <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/wcc.586">74 % des cas, selon la moyenne établie par six études</a>. Mais dans la plupart des cas, les agriculteurs n’abandonnent pas leurs systèmes traditionnels car cela leur permet de tirer <a href="https://research.wur.nl/en/publications/best-of-both-worlds-co-producing-climate-services-that-integrate-">« le meilleur des deux mondes »</a>.</p>
<p>Comme le démontrent certaines études, la combinaison des deux systèmes de prévision en un seul permet d’obtenir in fine une prévision que 93 % des agriculteurs ghanéens sondés préfèrent aux prévisions traditionnelles ou scientifiques, prises isolément : le scepticisme de beaucoup de scientifiques par rapport à ces connaissances endogènes de nature orale, non quantitative et parfois mystique est finalement l’une des barrières majeures <a href="https://idl-bnc-idrc.dspacedirect.org/bitstream/handle/10625/46185/132676.pdf">à l’utilisation effective des prévisions traditionnelles</a>. C’est pourquoi il est fondamental, pour les projets cherchant à développer l’utilisation des prévisions scientifiques de ne plus opposer sciences et traditions et de commencer cette intégration en documentant les savoirs traditionnels, leurs modes d’apprentissage et leur rôle dans la société.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163379/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ousmane Ndiaye est Directeur de l’Exploitation de la Météorologie à de l’Agence Nationale de l’Aviation Civile et de la Météorologie (ANACIM) du Sénégal.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Philippe Roudier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Combiner les savoirs traditionnels de certaines sociétés d’Afrique subsahariennne avec la météorologie scientifique moderne peut être d’une grande utilité pour l’agriculture du continent.Philippe Roudier, Chargé de recherche agriculture, climat et sécurité alimentaire, Agence française de développement (AFD)Ousmane Ndiaye, Chercheur associé à l'International Research Institute for Climate and Society (IRI), Columbia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1542882021-02-01T19:42:36Z2021-02-01T19:42:36ZLes Moso, cette minorité chinoise qui fait la part belle aux femmes<p>Ce 2 février, dans une série intitulée <em>Terres de femmes</em>, la chaîne Arte diffusera à 15h35 un <a href="https://www.arte.tv/fr/videos/084691-002-A/terres-de-femmes/">documentaire</a> sur les Moso, aussi nommés Na. Dans les montagnes du Sichuan, Lizajui est l’un des derniers villages qui perpétuent leurs coutumes. Le film suit le quotidien de Naka, qui n’a que dix-huit ans. Deviendra-t-elle, suivant la tradition, la cheffe de sa lignée, <em>la dape</em> ou réalisera-t-elle son rêve de danser dans une troupe folklorique de la zone touristique qui se développe à quelques kilomètres de son village autrefois coupé du monde ?</p>
<p>Ce récit faussement anecdotique pose d’abord une question anthropologique. Cette minorité d’environ 30 000 individus – à laquelle Arte a déjà consacré un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=lrefyzPPAFk">documentaire</a> il y a quelques années – est peu connue du monde occidental. Divers auteurs des dynasties Yuan et Ming (du XIII<sup>e</sup> au XVII<sup>e</sup> siècles) s’étonnaient déjà de leurs coutumes, également mentionnées par Marco Polo. Elles ont été étudiées à partir du milieu du XX<sup>e</sup> siècle surtout par des anthropologues chinois, notamment le <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/social-anthropology/article/abs/society-without-fathers-or-husbands-the-na-of-china-by-cai-hua-translated-by-asti-hustvedt-2001-new-york-zone-books-505-pp-pb-3300-isbn-1-890-951-1129/D80C721BB877A00B759947CD0D1CD54B">professeur Cai Hua</a>, qui a fait ses études à Paris et enseigne maintenant à Pékin. Un récent <a href="https://www.lemonde.fr/livres/article/2019/10/11/les-societes-matriarcales-d-heide-goettner-abendroth-la-ou-le-pouvoir-est-aux-femmes_6015065_3260.html">ouvrage</a> de Heide Goettner Abendroth les signale également parmi les sociétés matriarcales existant encore dans le monde.</p>
<h2>Comprendre le système matrilinéaire des Moso</h2>
<p>Le terme <a href="https://www.cairn.info/les-grands-mythes--9782361064358-page-113.htm">matriarcal</a> est à vrai dire impropre pour définir la société Moso, dans la mesure où il serait le symétrique inverse du <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-de-psychologie-clinique-2011-2-page-103.htm">patriarcat</a>. Mieux vaudrait parler de société <a href="https://www.cairn.info/revue-le-divan-familial-2012-2-page-171.htm?contenu=resume">matristique</a>, un terme moins ambigu que celui de matriarcat. En effet, des sociétés où les femmes domineraient structurellement les hommes n’ont jamais existé. </p>
<p>En revanche, il en existe beaucoup dans lesquelles femmes et hommes se trouvent sur un pied relatif d’égalité : <a href="https://www.pointculture.be/magazine/articles/focus/les-minang-plus-grande-societe-matriarcale-du-monde/">Minangkabau</a> en Indonésie, <a href="https://information.tv5monde.com/terriennes/en-inde-chez-les-khasis-societe-matriarcale-les-hommes-reclament-l-egalite-210823">Khasi</a> en Inde, <a href="https://www.jstor.org/stable/j.ctv9hj9pb.26">Ainu</a> au Japon, <a href="https://www.cairn.info/anthropologie-et-psychanalyse--9782130523772-page-97.htm">Trobriandais</a> en Mélanésie, <a href="https://matricien.wordpress.com/geo-hist-matriarcat/amerique-sud/arawak/">Arawak</a> en Amérique du Sud ; <a href="https://www.actu-congo.com/origines-dune-societe-matriarcale-rdc/">Bantous</a> en Afrique centrale, <a href="https://muse.jhu.edu/article/362961">Iroquois</a> en Amérique du Nord, <a href="https://esmaparis1.com/2018/04/01/les-societes-matriarcales-en-afrique/">Akan</a> en Afrique de l’Ouest, <a href="https://azititou.wordpress.com/2012/10/19/les-femmes-touaregues/">Touaregs</a> en Afrique du Nord…</p>
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<p>Les Han sont l’ethnie dominante en Chine. Or, leur système est patriarcal, comme le nôtre jusqu’à une date récente. Dans un système matrilinéaire comme celui des Moso et des sociétés matristiques, le plus proche parent mâle d’un enfant est non pas le mari de sa mère ou son père biologique, mais son oncle maternel. C’est lui qui est le père social de l’enfant. À sa naissance, un enfant fait automatiquement partie du groupe de sa mère. Ceux qui ont le même ancêtre féminin résident sous le même toit à chaque génération. Le terme de famille ne recouvre donc pas les mêmes réalités et diffère donc de la « famille nucléaire ».</p>
<h2>Mariage et sexualité chez les Moso</h2>
<p>D’autre part, le mariage n’est pas le mode de relation matrimonial le plus répandu chez les Moso. Il y en a plusieurs, plus ou moins complexes. Mais le plus répandu est celui de la visite furtive (<em>nana sésé</em>). Après avoir recueilli son consentement (de nos jours souvent au cinéma), un homme se rend tard dans la nuit dans la chambre d’une femme et la quitte à l’aube pour regagner son domicile (une femme peut recevoir deux ou trois visiteurs par nuit). Ce n’est jamais la femme qui rend visite à l’homme. Chaque femme peut avoir plusieurs partenaires ; c’est également le cas de l’homme. Des deux côtés, la beauté physique et la jeunesse sont des critères de choix déterminants. Cette relation est strictement privée, uniquement sentimentale, amoureuse et/ou sexuelle. Elle peut durer une nuit ou plusieurs années. La rupture est facile : il suffit de le dire à son partenaire.</p>
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<figcaption><span class="caption">Free Love | National Geographic.</span></figcaption>
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<p>Cela n’a rien à voir avec la prostitution : il n’y a pas d’échange d’argent. D’autre part, chaque partenaire est soumis à une stricte obligation de discrétion : rien à voir non plus avec la débauche. Les observateurs extérieurs se sont régulièrement étonnés de l’absence de jalousie entre les différents partenaires.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"802824288457916416"}"></div></p>
<p>Pour les Moso, il faut obéir avant tout à ses sentiments et à son attirance. La notion d’un engagement à long terme est très difficile à admettre, car les sentiments et l’attirance changent. Le serment de fidélité est honteux : c’est un négoce, un échange qui n’est pas conforme aux coutumes. Aucune relation sexuelle ne peut mener les amants à se promettre le monopole de la sexualité. La sexualité n’implique aucune contrainte mutuelle. C’est donc aussi une autre conception de la moralité.</p>
<h2>Des pratiques culturelles réprimées</h2>
<p>Ces données anthropologiques ont donné lieu à des problèmes politiques : selon <a href="https://www.cairn.info/marco-polo--9782262039585-page-157.htm">Marco Polo</a>, déjà le grand Khan avait interdit ces coutumes qui lui semblaient immorales. Une fois arrivés au pouvoir, les communistes chinois s’efforcent de mettre fin à certaines coutumes très répandues en Chine et jugées barbares, comme les pieds bandés ou les mariages arrangés, ce qu’il est difficile de leur reprocher. Les premières mesures contre les coutumes des Moso commencent avec la <a href="https://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2016-4-page-138.htm">réforme agraire</a>, en 1956.</p>
<p>En 1958, lors du Grand bond en avant, le gouvernement local de la province du Yunnan* se prononce en faveur de la supériorité de la monogamie socialiste par rapport aux visites furtives. Les répressions s’intensifient avec la <a href="https://www.liberation.fr/planete/1996/05/16/il-y-a-trente-ans-la-revolution-culturelle-ces-trois-ans-de-violence-1966-1969-ont-laisse-une-cicatr_171490">Révolution culturelle</a> en 1966. Mao Zedong incite les Chinois à balayer les « Quatre vieilleries » : <a href="https://www.scienceshumaines.com/le-grand-desordre-chinois_fr_24291.html">anciennes coutumes</a>, anciennes habitudes, ancienne moralité et ancienne culture. Il lance des campagnes contre <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1974/06/15/i-pi-lin-pi-kong_2542083_1819218.html">Confucius</a>, aujourd’hui remis à l’honneur.</p>
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<p>La répression diminue à partir des années 1980. Mais, dans la pratique, les Moso ont toujours continué à observer les vieilles coutumes, avec plus ou moins d’intensité et de discrétion. Aujourd’hui, elles existent toujours bien qu’en diminution, même si la tentation est réelle pour les Moso de devenir une sorte d’<a href="https://www.erudit.org/en/journals/as/1900-v1-n1-as374/000232ar/">attraction touristique</a> : cela leur rapporte de l’argent. Environ 500 000 touristes chinois visitent les Moso chaque année et leur achètent les produits de leur artisanat.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/154288/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Norbert Rouland ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les Moso, ou Na, une minorité de quelque 30 000 individus résidant dans le sud-ouest de la Chine, fascine par un système social souvent qualifié de matriarcal.Norbert Rouland, Professeur de droit. Ancien membre de l'Institut universitaire de France (Chaire anthropologie juridique), professeur émérite, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1516202020-12-10T18:24:20Z2020-12-10T18:24:20ZEn Turquie, les inégalités homme-femme aggravées par la pandémie de Covid-19<p>La Turquie est l’un des pays les <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Covid-19-Turquie-contamination-record-enfin-devoilee-2020-12-01-1201127610">plus sévèrement touchés</a> par le SARS-CoV-2. Le pays n’a pas officiellement déclaré un état d’urgence mais a imposé à partir du 21 mars un couvre-feu total aux personnes âgées de plus de 65 ans et, ensuite, aux personnes de moins de 20 ans à partir du 3 avril. Par ailleurs, un confinement de 8 jours pour l’ensemble de la population a été mis en place du 16 au 26 mai. La Turquie a réglementé la circulation des personnes des deux groupes d’âge indiqués ci-dessus à certaines heures précises (par exemple, les personnes de plus de 65 ans n’avaient le droit de sortir que le dimanche entre midi et 18h).</p>
<p>Actuellement, le pays est sous <a href="https://www.france24.com/fr/vid%C3%A9o/20201204-pand%C3%A9mie-de-covid-19-en-turquie-couvre-feu-total-instaur%C3%A9-le-week-end-partiel-en-semaine">couvre-feu total</a> pendant les week-ends et entre 21h et 5h pendant la semaine. Le gouvernement a également ordonné la fermeture des écoles et crèches, ainsi que des bars, clubs et discothèques et restaurants. Les événements sportifs se déroulent à huis clos.</p>
<p>Comme partout dans le monde, l’économie et la société en Turquie ont donc été largement affectées par la pandémie. Plusieurs secteurs économiques ont été mis en difficulté. Le taux de chômage a augmenté. Et la vie des individus, en termes de bien-être, d’éducation et de socialisation, a été bouleversée. Cependant, les effets socio-économiques de cette pandémie n’ont pas été ressentis de la même manière selon le sexe, l’âge et la classe sociale des individus.</p>
<p>Une recherche à grande échelle avec une approche intersectionnelle sera nécessaire, à terme, pour mieux comprendre et analyser l’ampleur des problèmes causés par le contexte actuel. Néanmoins, de nombreuses études montrent déjà que non seulement les femmes ont subi davantage de pressions socio-économiques et familiales que les hommes, mais aussi qu’elles ont, en plus, été soumises à un stress quotidien et à une violence symbolique supplémentaires. Ce phénomène a concerné les femmes de toutes les classes sociales, même si celles appartenant aux classes défavorisées ont plus sévèrement été touchées économiquement et en termes d’emploi. En ce sens, les données que nous avons pu recueillir sur la Turquie concordent avec la tendance globale, selon laquelle la pandémie a augmenté d’une manière sensible la vulnérabilité des femmes dans plusieurs domaines.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1328027597045985281"}"></div></p>
<p>Les données utilisées dans cet article viennent de <a href="https://www.tr.undp.org/content/turkey/en/home/library/corporatereports/Covid-gender-survey-report.html">plusieurs</a> rapports du <a href="https://www.undp.org/content/undp/en/home/librarypage/womens-empowerment/gender-based-violence-and-covid-19.html">PNUD</a>, de <a href="https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/33622">l’ONU</a> ainsi que de ceux préparés par certaines universités et associations en Turquie. Pour apprendre davantage sur le vécu concret des femmes dans la vie quotidienne, j’ai réalisé des entretiens via Facebook Messenger et WhatsApp avec des femmes d’âges et de milieux différents. Bien entendu, l’analyse est plus indicative qu’exhaustive. Il s’agit d’une enquête exploratoire, et l’échantillon constitué n’est pas entièrement représentatif de la société turque ; mais elle permet d’avoir une idée des problèmes concrets affrontés pendant le confinement et la pandémie.</p>
<h2>La place des femmes dans le marché du travail pendant la pandémie</h2>
<p>L’une des caractéristiques du marché du travail en Turquie est la faiblesse de la proportion des femmes dans la population active. Bien que, selon le rapport de l’Institution nationale des statistiques (TÜIK) sur les conditions de vie et de revenu en 2017, les femmes représentaient 50,4 % de la population âgée de plus de 15 ans, leur taux de participation au marché du travail reste autour de 29,5 % (<a href="https://www.stgm.org.tr/e-kutuphane/covid-19-salgininin-kadinlarin-calisma-hane-yasami-uzerine-etkileri-politika-raporu">Bayar et.al, 2020</a>). Par ailleurs, le même rapport indique que 16 % des femmes souffrent de l’illettrisme et que leur revenu médian est inférieur de 30 % à celui des hommes. Enfin, on constate qu’en Turquie les femmes occupent essentiellement des emplois non qualifiés, précaires et avec des salaires bas, notamment dans le secteur de l’agriculture. La principale raison évoquée par les femmes pour ne pas – pouvoir – travailler est la charge des tâches ménagères et la nécessité de s’occuper des enfants et des membres âgés de la famille. Ces taux fluctuent néanmoins selon les régions et atteignent des <a href="https://web.tuik.gov.tr/tr/microdata-request-system/micro-data-list/">niveaux plus élevés dans les régions rurales</a>, loin des métropoles industrielles.</p>
<p>Les rapports sur la période pandémique démontrent que la majorité des femmes qui ne travaillent pas dépendent financièrement d’un homme (père ou mari etc.) qui se trouve lui-même souvent dans une situation précaire, travaillant dans des secteurs particulièrement affectés (tourisme, hôtellerie, restauration, service à la personne, agriculture) par la pandémie. Cette situation rend les femmes davantage vulnérables en termes de ressources et d’accès à des besoins vitaux, mais elle réduit également la possibilité pour elles d’accéder à un marché de travail qui est déjà déstabilisé par des licenciements massifs, notamment dans ces secteurs cités.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1291530178410295301"}"></div></p>
<p>De plus, la difficulté de travail ne semble pas avoir touché de la même manière toutes les femmes : on constate des disparités entre elles selon leur classe sociale. D’après une <a href="https://www.stgm.org.tr/e-kutuphane/covid-19-salgininin-kadinlarin-calisma-hane-yasami-uzerine-etkileri-politika-raporu">étude</a> de mai 2020, alors que les femmes diplômées occupant des emplois qualifiés affirment ne pas avoir été impactées par la pandémie au niveau professionnel, des femmes peu diplômées travaillant dans les services et commerces familiaux disent avoir perdu leur emploi ou craindre de le perdre à brève échéance.</p>
<p>Ce constat est également lisible dans les entretiens que nous avons réalisés. Une femme diplômée Bac+5 (Zeynep, 42 ans, Istanbul), ayant lancé son e-commerce de produits cosmétiques il y a plusieurs années, dit ne pas avoir été directement affectée par la pandémie :</p>
<blockquote>
<p>« Je n’ai pas eu beaucoup de problèmes. Au contraire, nos commandes ont augmenté et nous nous sommes très vite adaptés à la situation. Le seul problème était au niveau de l’envoi des colis. »</p>
</blockquote>
<p>C’est tout le contraire pour une femme venant des classes populaires (Sultan, 37 ans, Ankara), vivant dans un habitat informel (<a href="https://journals.openedition.org/ejts/45"><em>gecekondu</em></a>) :</p>
<blockquote>
<p>« Moi, je n’ai pas pu travailler car je n’ai pas voulu risquer la vie de mon fils qui a une maladie chronique. Mon mari travaillait dehors. Du coup, pour qu’il n’amène pas le virus à la maison, je l’ai laissé chez nous et je suis partie au village chez mes parents avec mon fils pour le préserver. D’autres femmes de mon quartier – la <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02165194/document">Vallée de Dikmen</a> – ont aussi perdu leur travail car personne ne faisait plus appel à des femmes de ménage. »</p>
</blockquote>
<p>Au final, tous les travaux démontrent que les femmes et les hommes n’ont pas été touchés d’une manière égale par les pertes d’emploi et les réductions d’heures de travail rémunérées. <a href="https://eca.unwomen.org/en/digital-library/publications/2020/07/the-impact-of-covid19-on-womens-and-mens-lives-and-livelihoods">Pendant la pandémie</a>, 19 % des femmes ont perdu leur emploi contre 14 % des hommes et 53 % de la population ont été confrontés à une diminution des heures de travail rémunérées.</p>
<h2>Travail domestique et vie familiale</h2>
<p>La tendance globale démontre un peu partout que les femmes ont assumé davantage de responsabilités dans les tâches ménagères, l’organisation des activités et le soin des enfants. La Turquie s’inscrit dans cette tendance. D’après un <a href="https://eca.unwomen.org/en/digital-library/publications/2020/07/the-impact-of-covid19-on-womens-and-mens-lives-and-livelihoods">rapport publié par l’ONU</a> sur les Balkans et l’Asie centrale, 70 % des femmes en moyenne ont consacré plus de temps à au moins une activité de travail domestique non rémunéré, ce qui est nettement plus élevé que pour les hommes (59 %). En Turquie, ce ratio a même été de <a href="https://data.unwomen.org/publications/guidance-rapid-gender-assessment-surveys-impacts-covid-19">73 %</a>.</p>
<p>L’augmentation de la charge de travail domestique semble être un problème commun aux femmes de tous les milieux. Par exemple, une enseignante dans une université stambouliote (Mine, 42, Istanbul) explique que « dans la prise en charge des enfants, le partage n’a pas été égal. Pendant trois mois, c’est moi qui ai dû suivre tous les cours en ligne via Zoom de mon enfant. Durant le confinement, alors que mon mari a pu produire deux articles scientifiques, je n’ai même pas pu en commencer un seul. Avec le peu du temps qu’il me restait, je n’ai pu suivre que mes étudiants pour leur cours. »</p>
<p>Ces données montrent clairement que, pendant la pandémie, les femmes ayant une famille ont essayé de donner la priorité non seulement à leur propre santé, mais aussi à celle de leurs enfants. Elles ont accordé <a href="https://www.iha.com.tr/haber-kovid-19-pandemisi-bircok-yonu-ile-kadinlarin-sirtindaki-yuku-arttirdi-855078">plus d’attention</a> à l’hygiène à la maison et à la propreté des articles rapportés de l’extérieur. Zeynep souligne par exemple qu’elle passait « énormément de temps à nettoyer tout ce qui venait de l’extérieur. On n’a arrêté qu’il y a seulement un mois ». La mise en place de ces charges de travail supplémentaires dans la vie quotidienne suppose que les femmes ont dû parfois sacrifier leurs propres besoins. Arzu parle de la surcharge de travail à la maison :</p>
<blockquote>
<p>« Notre maison ressemblait à une station de la NASA. Les enfants, chacun dans leur chambre, faisaient leur cours devant Zoom et me sollicitaient sans cesse. Moi, par manque de place, je faisais mes réunions Zoom dans la cuisine tout en cuisinant ou en faisant la vaisselle. Pendant une réunion téléphonique, un client m’a même demandé de couper le robinet pour mieux m’entendre ! »</p>
</blockquote>
<p>Toutes ces femmes ont dû réduire leurs heures de travail professionnel au profit du temps consacré aux activités domestiques et à l’éducation des enfants qui restaient à la maison.</p>
<h2>Violence domestique et stress émotionnel</h2>
<p>La violence domestique et l’exploitation sexuelle, qui sont déjà des problèmes structurels dans tous les pays, augmentent lorsque les ménages sont soumis à des tensions accrues en raison d’un contexte sanitaire et financier détérioré ou de conditions de vie exiguës et confinées. Comme la « distanciation sociale et physique » est l’une des stratégies recommandées pour contenir le virus, l’isolement semble augmenter le risque de violence à l’égard des femmes puisqu’il peut être également utilisé pour isoler les victimes de leur famille et de leurs réseaux sociaux. De plus, l’augmentation pour les femmes de la charge des travaux domestiques divers est non visible et, de ce fait, souvent pas reconnue, que ce soit par l’entourage ou par la société. Ce manque de reconnaissance constitue, à notre sens, une autre forme de violence symbolique qui s’opère sur les femmes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1272910577309016066"}"></div></p>
<p>Des <a href="https://morcati.org.tr/izleme-raporlari/koronavirus-salgini-ve-kadina-yonelik-siddet-mor-cati-temmuz-agustos-2020-raporu/">rapports</a> rédigés par des organisations professionnelles et associatives en Turquie montrent qu’à partir du début du confinement et donc de l’isolement social, la violence à l’égard des femmes a sensiblement augmenté. Selon le communiqué de la <em>Plateforme pour Stopper les Féminicides</em>, pendant la période des mesures restrictives liées au coronavirus, le nombre de personnes ayant appelé les lignes d’urgence a augmenté de 55 % en avril et de 78 % en mai par rapport aux mois précédents en Turquie. La majorité des appels était liée à des violences sexuelles en <a href="http://kadincinayetlerinidurduracagiz.net/veriler/2913/2020-april-report-of-we-will-end-femicide-platform">avril</a> et à des violences psychologiques en <a href="http://kadincinayetlerinidurduracagiz.net/veriler/2917/2020-may-report-of-we-will-end-femicide-platform">mai</a>. Les auteurs de ces violences étaient, en grande partie, les conjoints. Par ailleurs, selon le <a href="https://www.klinikpsikiyatri.org/book/23-ek1.pdf">rapport de la Fédération des associations des femmes de Turquie</a>, en mars 2020, par rapport à l’année précédente, la violence psychologique a augmenté de 93 %, la violence physique de 80 % et la demande d’abri de 78 %.</p>
<p>En plus de ces violences constatées, de nombreuses femmes disent avoir ressenti un stress émotionnel accru lié à la gestion du ménage et aux mesures d’isolement mais aussi aux pressions exercées par leurs conjoints, proches ou entourages pendant la période de confinement et la grande vague épidémique. La division sexuée du travail social fait que les familles privilégient très souvent le travail de l’homme pour sécuriser les ressources économiques du ménage, en reléguant la femme au foyer afin qu’elle puisse sécuriser l’environnement social et sanitaire. Les propos de Sultan sont significatifs de ce point de vue :</p>
<p>« J’ai vécu constamment du stress à cause de mon mari qui travaillait à l’extérieur. J’avais très peur qu’il ramène le Covid à la maison et contamine notre fils Arda qui a une maladie chronique (fibrose kystique) et qui est dans le groupe à risque. Du coup, ni moi, ni lui n’avons pas pu sortir. Nous étions complètement isolés et ça nous a affecté tous les deux. Nous étions déprimés. »</p>
<p>D’autres femmes comme Deniz, Mine et Emel parlent du stress créé par le suivi scolaire de leurs enfants :</p>
<blockquote>
<p>« Moi, non seulement j’allais divorcer de mon mari mais avais envie de le tuer et l’enterrer dans le jardin (rires). Pendant l’adaptation au télétravail, il y avait énormément de boulot. Les enfants étaient infernaux et mon mari, sous prétexte qu’il avait du travail, s’enfermait dans son bureau et n’en sortait que pour demander ce qu’on avait à manger au repas. Il attendait que quelqu’un fasse les courses, cuisine et prépare la table. J’étais au bord de la folie. Je n’en pouvais plus. J’ai perdu du poids à cause du stress et du manque de sommeil. Je me suis couchée à 3 heures du matin pour me lever à 7 heures pendant des semaines. »</p>
</blockquote>
<h2>Des leçons à tirer</h2>
<p>Les femmes ont été les premières à être affectées par les effets du contexte pandémique. Elles ont été au premier plan pour gérer les conditions sanitaires imposées et les besoins quotidiens (hygiène, école, loisirs, etc.) de l’ensemble de leur famille et ont dû renoncer plus que les hommes à leurs propres préoccupations professionnelles et à leur bien-être personnel. La pandémie de Covid-19 a démontré encore une fois que les vieilles habitudes patriarcales persistent au sein des familles et que les sociétés contemporaines ont encore du chemin à faire sur la question de l’égalité homme-femme. Il convient d’en tirer les leçons et de désormais réfléchir à une réorganisation de la société plus juste pour les femmes en vue de situations similaires futures.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/151620/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gülçin Erdi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une enquête montre l’impact que la crise sanitaire et ses corollaires, à commencer par le confinement, ont eu sur la vie professionnelle et personnelle des femmes en Turquie.Gülçin Erdi, Chargée de recherches CItés, TERritoires, Environnement, Sociétés (CITERES), CNRS, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1514862020-12-04T18:02:08Z2020-12-04T18:02:08ZLa Saint-Nicolas est aussi une fête de la diversité linguistique et culturelle<p>À l’intérieur de l’Hexagone comme à l’intérieur des autres régions de la francophonie d’Europe (Belgique, Suisse), les journaux, radios, télévisions et autres médias de l’internet diffusent un français relativement standard et uniforme. Si bien que l’on pense parfois que la langue française ne permettrait pas de rendre justice à la diversité des traditions qui a caractérisé le pays pendant des siècles. Dans <a href="https://www.lerobert.com/dictionnaires/francais/culturel/comme-on-dit-chez-nous-le-grand-livre-du-francais-de-nos-regions-9782321014775.html"><em>Comme on dit chez nous, le grand livre du français de nos Régions</em></a> (octobre 2020, éditions Le Robert), nous avons commenté des centaines de cartes permettant de montrer qu’au 21e s., les français régionaux gardaient encore les traces de nos provinces aujourd’hui disparues.</p>
<p>En ce début de mois de décembre, qui initie la traditionnelle période des fêtes, nous avons eu une bonne occasion pour rappeler qu’en France, la Saint-Nicolas n’était célébrée que sur une partie du territoire, et qu’elle était même associée à des débats linguistiques dignes du match pain au chocolat vs chocolatine…</p>
<h2>Qui sont ces francophones qui célèbrent la Saint-Nicolas ?</h2>
<p>La Saint-Nicolas est une fête chrétienne, qui met en scène <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Nicolas_de_Myre">Nicolas de Myre</a> (qu’on appelle plus généralement saint Nicolas), et son méchant compagnon, le Père Fouettard (Zwarte Piet en néerlandais). Dans l’est de l’Europe, la Saint-Nicolas est surtout fêtée dans les pays à tradition orthodoxe (Chypre, Grèce, Russie, etc.) et dans les pays de tradition (partiellement) catholique se rattachant historiquement ou géographiquement à l’Empire germanique (Allemagne, Autriche, Belgique, Grand-Duché du Luxembourg, Pays-Bas, Suisse). En France, les régions où l’on célèbre la Saint-Nicolas les plus souvent mentionnées comprennent le Grand Est, les Hauts-de-France et l’ex-Franche-Comté.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pain-au-chocolat-vs-chocolatine-fight-85923">Pain au chocolat vs chocolatine… Fight !</a>
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<p>Les données collectées dans le cadre des enquêtes conduites <a href="https://francaisdenosregions.com/participez-a-lenquete/">dans le cadre du programme de recherche Français de nos Régions</a> nous ont permis d’établir précisément la vitalité et l’aire d’extension du phénomène dans la francophonie d’Europe.</p>
<p>La carte ci-dessous a été établie sur la base des réponses de plus de 11 500 internautes ayant déclaré avoir passé la plus grande partie de leur vie en Belgique, en France ou en Suisse ; et à qui l’on a présenté l’instruction suivante « Le 6 décembre de l’an, c’est la Saint-Nicolas. Faites-vous quelque chose de spécial (distribution de cadeaux ou friandises aux enfants, p. ex.) pour célébrer cet événement ? » </p>
<p>Nous avons calculé le pourcentage de réponses positives pour chaque arrondissement de Belgique, de France et de district en Suisse, et fait varier leur couleur en fonction de la valeur des pourcentages (plus la couleur est froide, plus le pourcentage de participants ayant indiqué célébrer la Saint-Nicolas est bas ; inversement, plus la couleur est chaude, plus le pourcentage de participants ayant déclaré fêter l’événement est important). Nous avons enfin utilisé la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Krigeage#:%7E:text=Le%20krigeage%20est%2C%20en%20g%C3%A9ostatistique,la%20mod%C3%A9lisation%20du%20variogramme%20exp%C3%A9rimental">méthode du krigeage</a> pour colorier la surface de la carte, de façon à obtenir une représentation lisse et continue du territoire.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/373066/original/file-20201204-21-17v3omn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/373066/original/file-20201204-21-17v3omn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/373066/original/file-20201204-21-17v3omn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/373066/original/file-20201204-21-17v3omn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/373066/original/file-20201204-21-17v3omn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/373066/original/file-20201204-21-17v3omn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/373066/original/file-20201204-21-17v3omn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pourcentage de francophones ayant déclaré fêter la Saint-Nicolas le 6 décembre, d’après les enquêtes Français de nos Régions (échelle : 0/100 %). Les symboles carrés donnent la position des centres urbains d’arrondissements en France et en Belgique, de districts en Suisse. Le Robert.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si les données de notre enquête valident en <a href="https://actu.fr/loisirs-culture/saint-nicolas-pourquoi-cette-fete-est-importante-lorraine-dans-lest-la-france_20094861.html">partie les descriptions disponibles ailleurs</a>, elles permettent de délimiter, avec une précision jamais atteinte jusque-là, l’aire d’extension de cette coutume, de même que sa vitalité à travers les régions francophones. On peut ainsi voir que les francophones d’Europe qui célèbrent la Saint-Nicolas sont tous établis sur un croissant nord-oriental dont les pointes vont de l’ancienne région Nord-Pas-de-Calais à la Suisse romande.</p>
<h2>Männela ou männele ?</h2>
<p>À la Saint-Nicolas et jusqu’à l’épiphanie, les boulangers en activité dans les régions où l’on fête Nicolas de Myre fabriquent de petites pâtisseries briochées en forme de petits bonshommes dans l’est (du Grand-Duché du Luxembourg à la Suisse romande, en passant par la Lorraine, l’Alsace et la Franche-Comté).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1324306240508469248"}"></div></p>
<p>Dans le nord de la francophonie d’Europe, de la Wallonie au Nord-Pas-de-Calais, ces petits pains prennent la forme de petits Jésus emmaillotés.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"795222135811751936"}"></div></p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/373021/original/file-20201204-17-1f0z34v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/373021/original/file-20201204-17-1f0z34v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/373021/original/file-20201204-17-1f0z34v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/373021/original/file-20201204-17-1f0z34v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/373021/original/file-20201204-17-1f0z34v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/373021/original/file-20201204-17-1f0z34v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/373021/original/file-20201204-17-1f0z34v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cougnou au sucre (à gauche) et cougnou aux pépites de chocolat (à droite). Mathieu Avanzi.</span>
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</figure>
<p>Ces viennoiseries, vendues natures, au sucre, aux raisins secs ou aux pépites de chocolat, changent non seulement de forme mais également de nom en fonction des régions où elles sont commercialisées.</p>
<p>D’ailleurs, chaque mois de décembre, les dénominations de ces petits pains déclenchent de petits séismes chez les utilisateurs des réseaux sociaux établis dans le grand nord-est de la France et la Wallonie…</p>
<p>Sur le plan de la géographie linguistique, il n’existe que des cartes locales donnant à voir la répartition locale des formes dans les parlers wallons encore parlés au début du 20e s. (<em>Atlas linguistique de la Wallonie</em>, t. 3, carte 70) ou dans le français régional de Belgique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1324999700022497280"}"></div></p>
<p>Les enquêtes que nous avons conduites nous ont permis de cartographier l’aire de chacune des dénominations relatives à ces viennoiseries, en tenant compte cette fois-ci de la totalité des régions francophones où l’on célèbre la Saint-Nicolas. En pratique, la carte ci-dessous a été réalisée à partir de deux enquêtes, chacune réunissant plus de 12 500 répondants. </p>
<p>Dans l’une et l’autre enquête, les questions portaient sur les dénominations du bonhomme ou de la brioche de Saint-Nicolas. Les internautes devaient indiquer s’ils connaissaient le référent, et, le cas échéant, dire quelle(s) étai(en)t la ou les variantes qu’ils utilisaient le plus communément pour le dénommer.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/373023/original/file-20201204-21-1w02umd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/373023/original/file-20201204-21-1w02umd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/373023/original/file-20201204-21-1w02umd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/373023/original/file-20201204-21-1w02umd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/373023/original/file-20201204-21-1w02umd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/373023/original/file-20201204-21-1w02umd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/373023/original/file-20201204-21-1w02umd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les dénominations de la « brioche » de Saint-Nicolas dans la francophonie d’Europe d’après les enquêtes Français de nos Régions.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Nous avons calculé le pourcentage de chacune des réponses reçues pour chaque arrondissement de Belgique, de France, du Grand-Duché du Luxembourg et de district en Suisse, et conservé la réponse qui avait obtenu le pourcentage le plus haut. Des méthodes d’interpolation ont ensuite été utilisées pour colorer la surface de la carte de façon uniforme. Lorsqu’il était clair qu’une variante était largement minoritaire par rapport à l’autre, nous avons représenté cette information au moyen d’un petit carré sur la carte. Au total, nous avons pu faire figurer sur la carte 16 variantes différentes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/373029/original/file-20201204-17-kbc3rw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/373029/original/file-20201204-17-kbc3rw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/373029/original/file-20201204-17-kbc3rw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/373029/original/file-20201204-17-kbc3rw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/373029/original/file-20201204-17-kbc3rw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/373029/original/file-20201204-17-kbc3rw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/373029/original/file-20201204-17-kbc3rw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une image glanée sur Facebook.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Page Facebook Humour chti</span></span>
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<p>Dans l’est de la France, la fracture la plus évidente sépare le Haut-Rhin (<em>männala</em>) de la région englobant le Bas-Rhin et la Moselle (<em>männele</em>) : à l’origine, c’est un même mot alsacien signifiant littéralement « petit homme » (où <em>Männ-</em> : « homme », <em>-le</em> : suffixe diminutif), dont la prononciation diffère. </p>
<p>Toujours au rayon des emprunts aux parlers germaniques, signalons la forme <em>grittibänz</em> sporadiquement utilisée dans les cantons de l’arc jurassien romand (où <em>Benz</em> est le diminutif du prénom « Benoît », naguère synonyme en suisse-alémanique du mot « homme » ; Gritte, « fourche » et p. ext. « jambes écartées » dans ces mêmes dialectes) ; ainsi que <em>boxemännchen</em>, employé dans le Grand-Duché du Luxembourg et emprunté au parler local sans avoir été adapté (où <em>box-</em> = « petit boîte », <em>-männ-</em> = « homme » et <em>-chen</em> = « joli, mignon », soit « petit bonhomme dans une boîte »). Quant au <em>folard</em> dunkerquois, c’est un emprunt au flamand <em>volaeren</em> qui signifie… crotte ! (D’ailleurs on trouve dans le coin des attestations de « pain à crotte » !)</p>
<p>Un certain nombre de variantes n’appellent pas de remarques particulières, puisque le choix du mot s’explique en raison de l’aspect de la viennoiserie.</p>
<p>C’est notamment le cas à Liège, comme en Suisse romande, des formes bonhomme et <em>bonhomme de/en pâte</em>, mais aussi de la forme <em>jean-bonhomme</em> (rappelons que le <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/12/27/quels-sont-les-prenoms-les-plus-populaires-depuis-1946_5234967_4355770.html">prénom Jean était le prénom le plus couramment donné à des hommes</a> jusque dans les années 50) que l’on rencontre en Haute-Saône, dans le nord du Doubs et dans le Territoire-de-Belfort. Le tour <em>Petit Saint-Nicolas</em> en Lorraine fait référence au caractère miniature de la viennoiserie (on dit aussi parfois qu’il ferait référence aux enfants de Saint-Nicolas). Quant au composé <em>pain de jésus</em> qui survit sporadiquement sur la frange occidentale de la Lorraine (départements de la Marne et de l’Aube, essentiellement), il s’explique par la ressemblance entre la viennoiserie et l’enfant star de la crèche.</p>
<p>Ailleurs, les liens entre forme de la viennoiserie et choix de dénomination sont moins transparents.</p>
<p>C’est notamment le cas dans les Vosges, où il faut savoir que le mot <em>coualé</em>, emprunté aux parlers locaux signifie « tordu ». Dans le Nord-Pas-de-Calais et le Hainaut belge, le mot <em>coquille</em> est employé par analogie avec l’enveloppe dans laquelle le petit Jésus est emmailloté.</p>
<p>La Wallonie est divisée entre les partisans du <em>cougnou</em> (aire dialectale wallonne, à l’est) et les partisans de la cougnole (aire dialectale picarde, à l’ouest). Comme les variantes <em>cugnole</em> et <em>quéniole</em>, en usage de l’autre côté de la frontière (de même que la forme <em>quénieu</em> attestée naguère en Champagne ne semble désormais plus en usage), <em>cougnou</em> et <em>cougnole</em> continuent un type wallon/picard <em>cougn</em>, à rapprocher du français <em>coin</em>. Comme le rappelle Michel Francard <a href="https://www.lesoir.be/art/1399192/article/debats/chroniques/vous-avez-ces-mots/2016-12-23/cougnous-cougnoles-et-autres-bonhommes">dans l’une de ses chroniques</a>, ces dénominations remontent toutes à la forme originelle de la pâtisserie. Avant d’avoir l’aspect qu’on lui connaît aujourd’hui (pain de forme oblongue composé de deux boules), les <em>cougnous</em> et autres <em>cougnoles</em> avaient la forme d’un losange, c’est-à-dire d’un double coin.</p>
<h2>Le mot de la fin</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/373028/original/file-20201204-21-1kiebrg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/373028/original/file-20201204-21-1kiebrg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/373028/original/file-20201204-21-1kiebrg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/373028/original/file-20201204-21-1kiebrg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/373028/original/file-20201204-21-1kiebrg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/373028/original/file-20201204-21-1kiebrg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/373028/original/file-20201204-21-1kiebrg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Comme on dit chez nous – Le grand livre du français de nos régions, est paru aux éditions Le Robert.</span>
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</figure>
<p>Pendant des siècles, les langues ancestrales que parlaient nos arrière-grands-parents (qu’on appelle encore parfois, de façon péjorative, patois ou dialectes) ont fidèlement reflété les différences entre les modes de penser et de vivre des habitants d’une même région. Aujourd’hui, ces langues ne sont presque plus transmises, mais les traditions et le folklore local n’ont pas disparu. Et contrairement à ce que l’on croit, le français que l’on parle ici et là en garde les traces. Car comme les autres langues de grande diffusion que sont l’anglais et l’espagnol, partout tout où il est parlé, le français varie. Les dictionnaires de référence ne rendent pas toujours justice à cette variation. C’est pourquoi il est important de continuer à documenter ces phénomènes locaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/151486/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mathieu Avanzi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La fête de la Saint-Nicolas, célébrée seulement sur une partie du territoire français, est associée à des débats linguistiques dignes du match pain au chocolat vs chocolatine.Mathieu Avanzi, Maître de conférences en linguistique francaise, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1470572020-11-01T16:57:44Z2020-11-01T16:57:44ZEn Nouvelle-Calédonie, une gestion millénaire de l’eau en héritage<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/362630/original/file-20201009-13-zvfakl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2426%2C3195&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Affluent de la Hienghène utilisé pour l'irrigation de tarodières traditionnelles cultivées en terrasses.</span> <span class="attribution"><span class="source">Marine Pizette/IAC</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Depuis 1790, la distribution de l’eau fait partie des <a href="https://davar.gouv.nc/sites/default/files/atoms/files/la_repartition_des_competences_en_matiere_de_gestion_et_protection_de_la_ressource_en_eau.pdf">compétences communales</a> dans le <a href="https://www.collectivites-locales.gouv.fr/leau-et-lassainissement">système français de gestion de la ressource en eau</a>. Reposant sur une approche privilégiant les aspects techniques de la ressource, la gestion de l’eau en Nouvelle-Calédonie présente néanmoins quelques particularités qui lui sont propres.</p>
<p>En fonction du <a href="http://www.adraf.nc/component/cartographie/?zone=grande_terre&type=TC&Itemid=120&type=TP">statut du foncier</a> sur lequel s’écoule la ressource, l’eau dépend de <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000393606&fastPos=2&fastReqId=1573911060&categorieLien=cid&oldAction=rechTexte">cadres juridiques différents</a>, dont celui de la <a href="https://www.senat-coutumier.nc/phocadownload/userupload/nos_publications/charte.pdf">Coutume</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/362631/original/file-20201009-15-17nk6eu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/362631/original/file-20201009-15-17nk6eu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=111&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/362631/original/file-20201009-15-17nk6eu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=111&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/362631/original/file-20201009-15-17nk6eu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=111&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/362631/original/file-20201009-15-17nk6eu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=140&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/362631/original/file-20201009-15-17nk6eu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=140&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/362631/original/file-20201009-15-17nk6eu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=140&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le statut juridique de la ressource en eau en Nouvelle-Calédonie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">//www.legifrance.gouv.fr</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une gestion de l’eau en situation d’interculturalité</h2>
<p>En Nouvelle-Calédonie, des <a href="https://cresica.nc/projet/goutte">recherches</a> sont actuellement menées pour identifier les continuités et les ruptures des modes de gestion de l’eau sur les terres coutumières, qu’ils soient formels ou informels.</p>
<p>De l’histoire ancienne à nos jours, des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=H9vfsVhVnq4">représentations mélanésiennes</a> à l’appréhension techniciste de l’eau, cet article met en lumière quelques éléments de coutume qui influencent la gestion de l’eau, et la manière dont les relations entre les hommes, les techniques et la ressource ont façonné et façonnent encore cette gestion.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/362910/original/file-20201012-15-1n1krok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/362910/original/file-20201012-15-1n1krok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/362910/original/file-20201012-15-1n1krok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/362910/original/file-20201012-15-1n1krok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/362910/original/file-20201012-15-1n1krok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/362910/original/file-20201012-15-1n1krok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=550&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/362910/original/file-20201012-15-1n1krok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=550&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/362910/original/file-20201012-15-1n1krok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=550&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte de la Nouvelle-Calédonie avec les deux communes cibles de l’étude, D. Coulange, IAC. Cliquer pour zoomer.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À partir de l’étude ethnographique de deux communes calédoniennes, il montre l’importance des <a href="http://citeseerx.ist.psu.edu/viewdoc/download?doi=10.1.1.916.3397&rep=rep1&type=pdf">positionalités</a> (différents rôles sociaux d’un individu) des acteurs de la gestion de l’eau, ainsi que le lien entre cette gestion et l’espace dans lequel elle s’opère.</p>
<h2>Une pratique millénaire</h2>
<p>D’après les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=MnMsFTW7pwo">travaux archéologiques</a> menés sur l’île, l’eau aurait été maîtrisée il y a des millénaires pour l’irrigation des <a href="https://books.openedition.org/editionsmsh/2782?lang=en">tarodières</a> en terrasses. Ces grands ouvrages agricoles sophistiqués font appel à des savoirs locaux et à des représentations qui perdurent jusqu’à nos jours.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360293/original/file-20200928-18-jo80f7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360293/original/file-20200928-18-jo80f7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360293/original/file-20200928-18-jo80f7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360293/original/file-20200928-18-jo80f7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360293/original/file-20200928-18-jo80f7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360293/original/file-20200928-18-jo80f7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360293/original/file-20200928-18-jo80f7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Tarodières d’Honrôés à Bourail (1974).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://books.openedition.org/sdo/docannexe/image/586/img-5.jpg">A. Saussol, l’Héritage</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Déviée en amont d’un cours d’eau par un système de barrage en pierres, l’eau circulait ensuite dans des canaux creusés dans la terre. Le but était d’irriguer les cultures de taros organisées en escaliers dans les pentes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360295/original/file-20200928-20-jx93ou.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360295/original/file-20200928-20-jx93ou.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360295/original/file-20200928-20-jx93ou.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360295/original/file-20200928-20-jx93ou.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360295/original/file-20200928-20-jx93ou.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360295/original/file-20200928-20-jx93ou.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360295/original/file-20200928-20-jx93ou.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Site de tarodières irriguées en terrasses à Hienghène (2016).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://dtsi-sgt.maps.arcgis.com/apps/webappviewer/index.html?id=da224a6ff1c24c029de4024d7ae8af26">Fond de carte Georep et adaptation Delphine Coulange</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Seuls certains Kanaks (peuple premier de Nouvelle-Calédonie) étaient légitimes à endosser les rôles coutumiers pour s’occuper de ce système d’irrigation, et/ou pour trouver les sources.</p>
<h2>Le concept de « positionalité » pour parler des acteurs de la gestion de l’eau sur terres coutumières</h2>
<p>Les parallèles techniques entre les modalités actuelles de distribution de l’eau potable dans les tribus étudiées et celui de l’eau d’irrigation des tarodières sont nombreux.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360296/original/file-20200928-16-4msa7a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360296/original/file-20200928-16-4msa7a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=211&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360296/original/file-20200928-16-4msa7a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=211&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360296/original/file-20200928-16-4msa7a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=211&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360296/original/file-20200928-16-4msa7a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=266&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360296/original/file-20200928-16-4msa7a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=266&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360296/original/file-20200928-16-4msa7a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=266&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Schéma comparé des systèmes de distribution d’eau douce superficiels, traditionnel (irrigation et eau potable) et contemporain (eau potable).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Delphine Coulange</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’écoulement de l’eau se fait en gravitaire, et les prises d’eau superficielles sont privilégiées. Avec des réservoirs aujourd’hui, ou des bassins à l’époque, l’eau est stockée avant d’être envoyée vers les parcelles et/ou les habitations.</p>
<p>Officiellement et traditionnellement, des individus précis sont chargés d’entretenir ces réseaux d’eau. Ici, le concept de « positionalité » permet de définir les dimensions sociale, coutumière et professionnelle de l’individu responsable de la gestion de l’eau. Traditionnellement et de manière informelle, ces acteurs sont choisis parmi les <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00201035/document">clans terriens</a>, donc en fonction de leur <a href="https://www.youtube.com/watch?v=-ZFwtQuf66U">nom</a> et du lieu d’où ils viennent.</p>
<p>Formellement, ce sont des professionnels affiliés soit aux services de l’eau des mairies, soit à des entreprises privées selon le <a href="http://www.eau47.fr/delegation-de-service-public.html">mode de gestion</a> choisi par la mairie. Lorsque l’individu est autant légitime dans sa profession que dans son rôle coutumier, cela renforce la légitimité d’exercer sa fonction, son rôle. Les statuts professionnels et coutumiers s’articulent alors et fluidifient la gestion locale de l’eau.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360297/original/file-20200928-24-12b7mzl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360297/original/file-20200928-24-12b7mzl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=317&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360297/original/file-20200928-24-12b7mzl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=317&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360297/original/file-20200928-24-12b7mzl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=317&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360297/original/file-20200928-24-12b7mzl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360297/original/file-20200928-24-12b7mzl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360297/original/file-20200928-24-12b7mzl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Schéma d’une typologie type de positionalités pour un individu sur terres coutumières.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Delphine Coulange</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À l’inverse, des positionalités en « conflit » peuvent générer des difficultés de gestion.</p>
<h2>L’influence du territoire sur la définition des « positionalités »</h2>
<p>De la même manière que le rôle coutumier engage la légitimité d’un individu à gérer la ressource, le territoire circonscrit spatialement cette légitimité. Les rôles coutumiers sont associés à des noms de clans qui dépendent de lieux-dits spécifiques. L’individu, sorti de son territoire, ne peut exercer toutes les dimensions de son rôle.</p>
<p>Très <a href="https://journals.openedition.org/jso/7378">micro-localisés</a>, ces lieux déterminent l’identité kanak, puisque les clans se considèrent comme appartenant à ces lieux. La terre ne se possède pas, c’est elle et les ancêtres qui s’y trouvent qui possèdent les individus. L’eau se fraye ainsi un chemin sur les terres qui appartiennent aux ancêtres, elle est considérée comme « locataire de la terre » d’où elle jaillit et sur laquelle elle circule.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360298/original/file-20200928-20-2edtiy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360298/original/file-20200928-20-2edtiy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360298/original/file-20200928-20-2edtiy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360298/original/file-20200928-20-2edtiy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360298/original/file-20200928-20-2edtiy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360298/original/file-20200928-20-2edtiy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360298/original/file-20200928-20-2edtiy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Photo d’un site de tarodières irriguées en terrasses à Hienghène.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marine Pizette/IAC</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2><a href="https://davar.gouv.nc/sites/default/files/atoms/files/pep_-_synthese_du_schema_dorientation_de_la_pep_0.pdf">Une Politique de l’Eau Partagée (PEP)</a></h2>
<p>Depuis 2018 et la mise en construction de la PEP de la Nouvelle-Calédonie, l’idée principale est de répondre à la fois aux impératifs environnementaux et sanitaires mais également de respecter les représentations et usages culturels variés de l’eau. Le <a href="https://eau.nc/node/113">lien qui unit l’homme kanak à la ressource</a> est au cœur des questionnements en cours.</p>
<p>En prévision des aléas climatiques, et au vu de la répartition inégale de la ressource sur le territoire, les enjeux prioritaires sont la protection et la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=8Qi8BDPMpbw">distribution équitable de la ressource en eau</a>, dans le respect des modes de gestion et des spécificités locales.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147057/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>En Nouvelle-Calédonie, la gestion de l’eau prend en compte des coutumes anciennes du peuple kanak.Delphine Coulange, Anthropologue, Équipe Territoires, Acteurs et Usages (TERAU), Institut agronomique néo-calédonienCaroline Lejars, Agro-économiste, UMR Gestion de l'eau, Acteurs, Usages (UMR G-EAU), CiradSéverine Bouard, Géographe, Équipe Territoires, Acteurs et Usages (TERAU), Institut agronomique néo-calédonienLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1471162020-10-21T20:04:00Z2020-10-21T20:04:00ZPenicillium camemberti : et l’homme créa le camembert<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/360508/original/file-20200929-24-x7kqki.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C1%2C1008%2C679&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les premiers écrits faisant mention du plus célèbre des fromages normands datent de 1703. Depuis1983, le camembert de Normandie est protégé par une Appellation d'Origine controlee (AOC).
</span> <span class="attribution"><span class="source">Charly Triballeau/ AFP</span></span></figcaption></figure><p>Le camembert et le brie n’ont pas toujours eu cette belle surface blanche immaculée et cotonneuse qu’on leur connaît aujourd’hui, comme l’atteste une peinture du XIX<sup>e</sup> siècle de Marie-Jules Justin (<em>Symphonie des fromages en Brie Majeure</em>, ci-dessous), où l’on peut voir un brie avec une surface orangée et de larges zones d’une moisissure grise-bleue. Des photos d’archives montrent des bries de couleur gris-bleu encore en 1953.</p>
<p>Le brie est un vieux fromage datant d’avant l’invasion romaine de la Gaule (Ier siècle), alors que les premiers écrits faisant mention de camembert en Normandie datent seulement de 1703. Une légende raconte même que c’est Marie Harel, originaire de Crouttes dans l’Orne, <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/histoire-et-geopolitique/histoire-par-themes/camembert-mythe-francais_9782738119889.php">qui aurait inventé le camembert en 1791</a>. La moisissure blanche, nommée <em>Penicillium camemberti</em>, qu’on inocule aujourd’hui dans le lait en début de processus de fabrication du brie et du camembert, est donc récente. C’est cette moisissure qui donne aux bries et camemberts leur croûte blanche à l’aspect cotonneux et leurs arômes si typiques.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360514/original/file-20200929-24-talmyv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360514/original/file-20200929-24-talmyv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360514/original/file-20200929-24-talmyv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360514/original/file-20200929-24-talmyv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360514/original/file-20200929-24-talmyv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=542&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360514/original/file-20200929-24-talmyv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=542&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360514/original/file-20200929-24-talmyv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=542&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"><em>Symphonie des fromages en brie majeur</em>, huile sur toile de Marie-Jules Justin, fin XIXᵉ siècle. Avant l’utilisation de <em>Penicilium camemberti</em>, le brie n’avait pas l’aspect qu’on lui connaît aujourd’hui.</span>
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<p>Pour mieux comprendre l’évolution de ces moisissures, nous avons cherché à reconstruire leur histoire évolutive. En analysant une soixantaine de génomes, nous avons pu établir l’arbre généalogique de différents <em>Penicillium</em> venant du fromage ou d’autres substrats, et nous avons étudié leurs caractéristiques d’aspect et de croissance. Nous avons révélé que la moisissure blanche et cotonneuse utilisée pour affiner le brie et le camembert, <em>Penicillium camemberti</em>, et la moisissure grise utilisée pour les fromages de chèvre, <em>Penicillium biforme</em>, <a href="https://www.cell.com/current-biology/fulltext/S0960-9822(20)31272-0">sont issues d’un réel processus de domestication</a>.</p>
<p>De la même façon que l’être humain a domestiqué le chien à partir du loup en sélectionnant des comportements et des apparences spécifiques, il a domestiqué les moisissures en choisissant d’utiliser celles qui donnait le meilleur fromage, poussant plus ou moins vite, dégradant plus ou moins vide les gras et protéines du lait, et donnant les aspects les plus appétissants.</p>
<p>Les deux espèces domestiquées <em>Penicillium camemberti</em> et <em>Penicillium biforme</em> montrent en effet des caractères avantageux pour l’affinage des fromages par rapport à leurs cousins qui se trouvent sur d’autres substrats, par exemple dans du matériel végétal moisi : des expériences au laboratoire ont montré qu’elles sont plus blanches, poussent plus rapidement sur du fromage dans des conditions proches de celles de cave d’affinage, produisent moins, ou même pas du tout, d’une toxine : l’acide cyclopiazonique, potentiellement dangereuse pour l’être humain, et elles empêchent plus efficacement d’autres microorganismes indésirables de contaminer les fromages.</p>
<p>L’arbre généalogique que nous avons reconstruit à partir des génomes a de plus montré que la domestication de ces moisissures s’est produite en plusieurs étapes. Un premier événement de domestication a conduit à l’émergence de la moisissure grise-bleue <em>Penicillium biforme</em>, qu’on utilise pour les fromages frais de chèvre. Un deuxième événement de domestication, plus récent, a donné la lignée clonale blanche et cotonneuse si typique en surface des camemberts et bries, <em>Penicillium camemberti</em>.</p>
<p>Il y a encore eu ensuite, et très récemment, une diversification de <em>Penicillium camemberti</em> en deux variétés, très proches génétiquement, mais avec pourtant des aspects très différents, et utilisées pour affiner différents types de fromages : la variété pour les fromages de type camembert et brie est de couleur blanche et très cotonneuse, pousse peu horizontalement mais plutôt assez haut verticalement ; au contraire, la variété utilisée pour les fromages de type Saint Marcellin est plus grise et moins duveteuse, et ne produit pas du tout de la toxine que nous avons étudiée.</p>
<p>Ainsi, de la même façon que l’être humain a sélectionné des comportements et des apparences spécifiques chez les chiens pour en faire différentes races, il a sélectionné différentes moisissures pour différents types de fromages, menant à une diversification en plusieurs variétés.</p>
<p>Cette histoire évolutive est en accord avec des <a href="https://www.eyrolles.com/Loisirs/Livre/le-camembert-mythe-francais-9782738119889/">traces écrites</a> rapportant que le biochimiste Georges Roger, en 1897 et à la demande de la société d’agriculture de Meaux, a isolé le <em>Penicillium</em> blanc d’un brie et a réussi à le cultiver en laboratoire, permettant d’inoculer le lait avec la « bonne » moisissure. La notoriété du <em>Penicillium</em> blanc isolé par Roger arrive en Normandie par l’ancien collaborateur de Georges Roger, Émile Louise, alors directeur de la station agronomique de Caen, qui conseille en 1901 aux fromagers d’ensemencer les camemberts avec les spores du <em>Penicillium</em> blanc.</p>
<p>Les analyses des génomes des différentes espèces de <em>Penicillium</em> ont permis de comprendre quels changements génétiques étaient à l’origine des aspects différents et des capacités de croissance différentes entre ces moisissures. La comparaison des données génétiques a permis de détecter de nombreux transferts de gènes entre différentes moisissures du fromage, pourtant très distantes génétiquement. Ces transferts de gènes très récents impliquent notamment des gènes permettant de mieux utiliser le lactose, le sucre présent dans le lait, ou de mieux exclure des microorganismes qui pourraient contaminer le fromage. L’incorporation de ces nouveaux gènes a donc probablement été sélectionnée car ils permettaient d’améliorer l’affinage des fromages.</p>
<p>Les données génétiques et historiques ont aussi montré que les différents événements de domestication ont chacun causé une grande perte de diversité génétique, due à la sélection par l’être humain des quelques moisissures les plus avantageuses pour l’affinage des fromages. En particulier, <em>Penicillium camemberti</em> apparaît comme le résultat de la sélection d’un unique individu de moisissure. Une forte sélection permet ainsi une culture homogène avec la meilleure moisissure à un moment donné pour un certain type de fromage, mais elle conduit à une très faible diversité génétique, qui peut s’avérer ensuite un énorme désavantage. Une faible diversité génétique empêche en effet de continuer le processus d’amélioration variétale et de diversification, d’adaptation à de nouveaux usages, conditions ou substrats, et entraîne même à terme une dégénérescence des espèces, surtout dans une espèce que l’on multiplie de façon asexuée comme les moisissures.</p>
<p>En effet, des mutations désavantageuses s’accumulent inexorablement, et ne peuvent être réparées ou remplacées en utilisant la diversité et la recombinaison comme dans une population naturelle qui se reproduit de façon sexuée et avec de la diversité. De fait, nous avons remarqué que les variétés de <em>Penicillium camemberti</em> produisent très peu de spores, ce qui pose des problèmes pour la conservation, le repiquage et l’inoculation du champignon dans le lait au début du processus de fabrication du fromage, ce qui est fait habituellement pour le camembert.</p>
<p>Une possibilité de générer de la diversité génétique serait d’induire une reproduction sexuée chez <em>Penicillium camemberti</em>. En effet, les moisissures sont en général capables de se reproduire de façon sexuée ou asexuée suivant les conditions, et il « suffirait » d’arriver à identifier les bonnes conditions pour stimuler la reproduction sexuée chez <em>Penicillium camemberti</em>, pour croiser entre eux différents individus et ainsi générer de la variabilité génétique, au lieu de toujours le faire pousser sur un milieu favorisant sa croissance en forme de moisissure, sans brassage génétique.</p>
<p>Croiser des individus différents permettrait de générer de la diversité génétique dans leurs descendants, et ainsi d’éviter la dégénérescence et de continuer à sélectionner de nouvelles propriétés intéressantes pour les fromagers. Au-delà de ces intérêts pour les fromagers, l’étude de la domestication des moisissures du fromage permet de mieux comprendre comment les êtres vivants s’adaptent à de nouveaux environnements et se diversifient en de nombreuses espèces différentes.</p>
<p>Les camemberts et les bries d’aujourd’hui sont tous affinés avec la même lignée clonale de <em>Penicillium camemberti</em>, qui recouvre ces fromages d’un duvet blanc.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147116/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jeanne Ropars a reçu des financements de l'ANR Fungadapt ANR-19-CE20-0002-02. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Tatiana Giraud a reçu des financements d'ERC, de l'ANR et de la Fondation Louis D via l'académie des sciences</span></em></p>Découvrez l’histoire de la rencontre de la moisissure Penicillium camemberti et du lait pour nous régaler de brie et de camembert.Jeanne Ropars, Chargée de recherche CNRS en biologie évolutive, Université Paris-SaclayTatiana Giraud, Directrice de recherches en biologie évolutive, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1456342020-09-20T17:07:03Z2020-09-20T17:07:03ZLes ressorts de la rhétorique de Viktor Orbán<p>Mais qui est vraiment Viktor Orbán ? Un tyran populiste, issu d’un vote majoritaire, qui enchaîne son troisième mandat depuis 2010 ? Un démocrate franc-tireur qui défie le continent entier en multipliant les entorses aux valeurs européennes ? Un modèle de l’euroscepticisme prêt à faire triompher une Europe pro-Poutine et anti-migrants ? Le champion de la « démocratie illibérale » ?</p>
<p>Nous n’avons pas ici l’ambition de retracer l’itinéraire intellectuel de Viktor Orbán, personnage protéiforme et secret. Appuyons-nous sur la masse considérable de documents publiés notamment sur le site web du gouvernement hongrois, et intéressons-nous au « verbe charismatique » <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/elections-en-hongrie-orban-un-chef-charismatique-et-ideologique_1506186.html">souvent évoqué</a> de l’homme fort de Budapest.</p>
<h2>Un tyran populiste ? Un démocrate franc-tireur ?</h2>
<p>Solidement implanté à son poste (il est premier ministre depuis 2010, après avoir déjà exercé la même fonction de 1998 à 2002), Orbán apparaît comme un bulldozer politique. D’aucuns le comparent au défunt président vénézuélien Hugo Chávez pour son antilibéralisme, à Vladimir Poutine pour son autoritarisme, ou encore à feu le dirigeant communiste roumain Nicolae Ceaușescu pour le culte de la personnalité. Examinons les photos prises lors des congrès successifs du Fidesz, son parti : Orbán y reste toujours le point de référence absolu, les autres « ténors », s’ils ne disparaissent pas, font figure d’accessoires, à commencer par les emblématiques László Kövér, président de l’Assemblée nationale, et János Áder, le chef de l’État.</p>
<p>Bien des observateurs estiment qu’au travers de son « Système de Coopération Nationale » (Nemzeti Együttműködés Rendszere – peu ou prou le terme adopté par la droite pour parler d’elle-même), cet ancien libéral, ayant reconfiguré le Fidesz en parti national-conservateur, a fait renaître le consensus de l’époque de János Kádár, premier secrétaire du Parti socialiste ouvrier hongrois entre 1956 à 1988 : le Parti omniprésent, avec en filigrane un Parlement factice, y garantissait un relatif bien-être à la société. En échange, l’« Homo kadaricus » des années fastes du <a href="https://www.lsp-mas.be/goulash-communisme/">« socialisme du goulasch »</a>, acceptait d’être écarté de la sphère politique, <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2012/02/TAMAS/47418">« au prix de l’hypocrisie, de la censure, de l’absence de choix offerts au consommateur, et du conformisme »</a>.</p>
<h2>National, civique, chrétien</h2>
<p>La parole d’autorité du Fidesz, martelée de manière puissante et incantatoire, s’inscrit dans l’air du temps : appropriation et sacralisation des termes <em>nemzeti</em> (« national »), <em>polgári</em> (« civique »), <em>keresztény</em> (« chrétien »), et, dans le contexte d’une rhétorique gouvernementale anti-immigration, recours excessif à <em>a magyar emberek</em> (« les gens hongrois ») à la place de l’expression stylistiquement neutre <em>a magyarok</em> (« les Hongrois »).</p>
<p>Dans la foulée, de nombreuses tournures sont créées : <em>luxusbaloldal</em> (« gauche de luxe »), <em>pénzsóvár multicég</em> (« multinationale cupide »), <em>romkocsmák félhomályában merengő állástalan diplomás</em> (« diplômé sans emploi méditant dans la pénombre des bars-ruines », c’est-à-dire dans les repaires de la jeunesse underground et « occidentalisée »). Dans un affrontement qui oppose « nationaux » et « anti-nationaux », le mot « libéral », juron quasi synonyme de « communiste », a pour seule fonction aujourd’hui de diaboliser l’adversaire.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/0LdG7CSv8No?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Posé et jovial, Orbán contrôle parfaitement son débit ; sa diction détache les mots, parfois de manière inattendue, comme dans une dictée scolaire. Dans ses interventions truffées de références hétéroclites (s’y mêlent données littéraires, historiques et folkloriques), il s’attache à exalter le pays profond plutôt que les valeurs de l’élite urbaine. Afin d’emporter l’adhésion de ses audiences, le premier ministre cherche à sublimer la langue, ses principaux alliés étant l’humour populaire et le storytelling croustillant, mis au service de sa figure de « dirigeant à qui tout a réussi ».</p>
<h2>Un ego sensible et instruit</h2>
<p>Orbán est un perpétuel donneur de leçons de sagesse, se plaçant volontiers au-dessus des affaires courantes, mettant en avant un ego sensible et instruit. Cet exercice oscille entre la démonstration de son érudition et le partage d’un stock d’expériences ordinaires que lui, à la fois être simple et Hongrois de souche, détient sur toutes choses ; en inaugurant l’usine Lego à Nyíregyháza, la <a href="https://mandiner.hu/cikk/20140325_orban_minden_termelo_beruhazas_kedves">première chose qui lui vient à l’esprit</a> est de rappeler que la nuit, lorsqu’il va voir ses enfants et marche par accident sur les briques plastiques oubliées par terre, ça fait mal, ça pique… « Les gens et les communautés qui pensent qu’ils vivent au bord de quelque chose échouent. On ne réussit que quand on est convaincu que là où l’on vit est le centre du monde », <a href="http://www.miniszterelnok.hu/orban-viktor-beszede-a-magyar-oktatasi-es-muvelodesi-kozpont-kollegium-epuletenek-atadojan/">assène-t-il</a>, ou <a href="http://www.miniszterelnok.hu/orban-viktor-beszede-a-temesvar-30-cimu-rendezvenysorozat-galaestjen/">encore</a> « Le monde connaît deux maux ; le premier : nous ne croyons pas ce qui est possible ; et le deuxième : nous croyons ce qui est impossible. »</p>
<p>Faisant l’éloge de la culture japonaise lors d’une conférence de presse aux côtés du premier ministre Shinzō Abe, il <a href="https://www.kormany.hu/hu/a-miniszterelnok/beszedek-publikaciok-interjuk/orban-viktor-sajtonyilatkozata-abe-sindzoval-japan-miniszterelnokevel-folytatott-targyalasat-kovetoen">affirme</a> :</p>
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<p>« Aux yeux d’un Hongrois, tout ce qui est unique est particulièrement précieux. »</p>
</blockquote>
<p>De telles déclarations, triviales dans la communication médiatique, résonnent étrangement à l’heure d’une « dé-libéralisation » visant à redessiner le paysage éducatif et artistique.</p>
<h2>Paraboles ludiques</h2>
<p>Dans les discours d’Orbán, regorgeant d’affirmations qui ne souffrent aucune contestation, nombreuses sont les paraboles ludiques ; certaines se passent au Far-West (l’histoire d’un indien Dakota stupide qui tente de monter un cheval mort), d’autres en Transylvanie (un vieux Sicule rusé à qui on demande où mène la route et qui répond : nulle part, c’est nous qui avançons dessus).</p>
<p>Il fait appel à un amalgame de formules faciles à mémoriser : <em>a haza nem lehet ellenzékben</em> (« la patrie n’est jamais dans l’opposition ») ; <em>a magyar ügy nyert ügy</em> (« l’affaire hongroise est une affaire gagnée ») ; <em>három szoba, három gyerek, négy kerék</em> (« trois chambres, trois enfants, quatre roues ») ; <em>Magyarország egy olyan ország, ahol…_aki többet dolgozik, többet is visz haza</em> (« La Hongrie est un pays où… celui qui travaille plus, ramène davantage chez lui »), etc.</p>
<h2>Stéréotypes assourdissants</h2>
<p>L’image laborieusement bâtie du rassembleur sage (qui intervient sur tous les fronts et qui sait tout sur les Hongrois et sur le monde) et de l’homme politique spirituel (qui fait preuve de tant finesse dans sa façon de manier les idées tout en divertissant son public) semble constituer une arme politique efficace.</p>
<p>Toutefois, <a href="http://nol.hu/belfold/a-fidesz-menthetetlen-1610309">d’après l’écrivain Lajos Parti Nagy</a>, la culture du Fidesz, parti au pouvoir depuis 2010, est celle de la discipline et de la soumission, et la propagande gouvernementale n’est qu’un flot continu de paroles souvent mensongères, stéréotypées et assourdissantes. <a href="https://hvg.hu/360/20291126_Stefano_Bottoni_az_Orb%C3%A1nrendszerrol_A_lopas_is_egy_ideologia">Pour l’historien Stefano Bottoni</a>, le Fidesz ressemble à un camp de rééducation, et Orbán apparaît comme un « influenceur » à échelle régionale.</p>
<p>Aujourd’hui, le seul homme politique à être en mesure d’affronter Orbán s’appelle <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/gergely-karacsony-l-homme-qui-a-battu-viktor-orban_2104094.html">Gergely Karácsony</a>, le nouveau maire de Budapest depuis octobre 2019. Pour l’heure, ce tombeur isolé du Fidesz à la tête d’une étrange et fragile coalition de circonstance (écologistes, socialistes, libéraux, souverainistes) animée d’un anti-orbánisme partagé, se contente d’afficher sa ville comme un bastion progressiste, resserrant les rangs avec ses homologues de <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/05/19/le-maire-liberal-de-varsovie-nouveau-candidat-de-l-opposition-a-la-presidentielle-polonaise_6040174_3210.html">Varsovie</a>, <a href="https://www.politico.eu/article/milos-zeman-czech-president-lashes-out-at-prague-mayor-under-police-protection/">Prague</a> et <a href="https://balkaninsight.com/2019/06/06/generation-rebellion-slovakias-political-hipsters-target-change/">Bratislava</a>, tous trois hostiles à leurs pouvoirs nationaux respectifs.</p>
<p>Tout type de message peut générer des anti-messages. Or, l’opposition a du mal à se faire entendre. Le débat tend à se déporter sur les réseaux sociaux ; les rubriques « courrier des lecteurs » libèrent la parole et deviennent des chambres de résonance pour des jeux de mots irrespectueux à l’égard du pouvoir : <em>Ocsmány Vigyor</em> (« rictus dégoûtant », détournement de Orbán Viktor) ; <em>FideSS</em> (allusion à la Waffen-SS) ou la réécriture d’un célèbre vers de Kölcsey, poète du XIX<sup>e</sup> siècle : <em>Lopni, csalni, hazudni és a Fidesz fényre derül !</em> (« Volons, trichons, mentons et le Fidesz s’illuminera ») à la place de l’original <em>Hass, alkoss, gyarapíts : s a haza fényre derűl !</em> (« Influence, crée, enrichis : et la patrie s’illuminera ! »).</p>
<p>Il est rare qu’un magicien révèle à son public comment le lapin sort du chapeau. En 2014, lorsqu’il <a href="https://www.kormany.hu/hu/a-miniszterelnok/hirek/a-munkaalapu-allam-korszaka-kovetkezik">annonce</a> qu’il a décidé de construire un État « illibéral », Viktor Orbán omet de détailler son plan en se limitant à souligner :</p>
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<p>« L’essentiel de l’avenir est que tout peut arriver. Et ce « tout » est difficile à définir. »</p>
</blockquote>
<h2>La citadelle assiégée</h2>
<p>Orbán est arrivé au pouvoir avec la promesse de défendre les intérêts de « tous les Hongrois », à savoir les 10 millions qui vivent dans les frontières actuelles, mais aussi ceux de la diaspora en Roumanie, en Slovaquie, en Serbie et en Ukraine. Il sait comment s’adresser à ses compatriotes toujours complexés et traumatisés par le Traité de Trianon qui a consacré le démembrement de la Hongrie en 1920.</p>
<p>Le 15 mars 2018, à l’occasion du 170e anniversaire de la guerre d’indépendance hongroise de 1848-1849, il <a href="https://www.youtube.com/watch?v=JotmlmuLqR0">trace un parallèle entre le Traité et la crise migratoire en Europe</a>, en filant comme si souvent la métaphore de la citadelle assiégée :</p>
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<p>« Le combat le plus acharné est encore devant nous. La situation telle qu’elle se présente… est que l’on veut nous prendre notre pays. Pas d’un trait de plume, comme il y a cent ans à Trianon… »</p>
</blockquote>
<p>Le thème de l’Europe est investi de manière anxiogène. Le 20 août dernier, à l’occasion de la fête nationale célébrant Saint Étienne, premier roi de Hongrie, Orbán inaugure en face du Parlement de Budapest le « Monument de la cohésion nationale », ayant vocation à commémorer le centenaire du traité du Trianon et des territoires perdus. Dans un discours aux allures messianiques, il <a href="https://www.kormany.hu/hu/a-miniszterelnok/beszedek-publikaciok-interjuk/orban-viktor-beszede-az-osszetartozas-emlekhely-avatasan-20-08-20">assure</a> :</p>
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<p>« Alors que nous, Hongrois, célébrons notre unité nationale, le navire de l’Europe vient d’échouer. […] Nous sommes tourmentés par les doutes les plus profonds. Pas à cause de notre pays, mais à cause de l’avenir de la civilisation européenne. […] L’Europe occidentale a renoncé aux profondeurs spirituelles de la vie […] et à l’énergie spirituelle des cultures nationales. »</p>
</blockquote>
<p>La défense de l’identité hongroise est un cheval de bataille du gouvernement. « Si plus de mille ans après notre arrivée sur les bords du Danube et de la Tisza, nous sommes toujours là, c’est que notre existence a un sens », martèle-t-il.</p>
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<p>L’opinion publique se montre réceptive au rappel répété du sentiment d’isolement linguistique des Hongrois et de leur peur de disparaître en tant que nation. « Un cauchemar nous hante : le bon Dieu apparaît en Hongrie et nous demande : que faites-vous sur Terre ? Et cette question nous surprend tellement qu’on est incapable d’y répondre, du coup il nous raye du livre des nations », <a href="http://www.miniszterelnok.hu/orban-viktor-beszede-a-budapest-kincsei-cimu-idoszaki-kiallitas-megnyitasakor/">dit-il</a> lors de l’ouverture de l’exposition « Trésors de Budapest ».</p>
<p>En janvier 2019, au XIIe Congrès de l’Union des intellectuels chrétiens (KÉSZ), Orbán <a href="https://www.magyarhirlap.hu/belfold/20190914-orban-mutassuk-meg-a-vilagnak-milyen-a-kereszteny-szabadsagra-epitett-elet">s’inscrit dans une perception de l’histoire récente</a> selon laquelle la Hongrie a connu un premier changement de régime « libéral » en 1990, pour mettre fin à l’univers soviétique et à l’occupation, et un deuxième changement de régime « national et chrétien » en 2010, qui a permis de répondre à la question de savoir comment se servir de cette liberté :</p>
<blockquote>
<p>« La mission des Hongrois est de montrer au monde à quoi ressemble la vie construite sur les idéaux de la liberté chrétienne. »</p>
</blockquote>
<p>Politique, business et sport font bon ménage en Hongrie. S’inspirant de l’exemple du « Major galopant », <a href="http://www.slate.fr/story/97169/football-troisieme-mort-m">icône du football hongrois des années 1950</a>, Orbán <a href="http://www.miniszterelnok.hu/orban-viktor-beszede-a-puskas-akademia-sport-es-konferenciakozpont-atadounnepsegen/">déclare</a> lors de l’inauguration du Centre de sport et de congrès qui porte le nom de Ferenc Puskás :</p>
<p>« C’est celui qui a une vision qui gagne le combat pour l’avenir… il n’est pas permis de tituber, glisser, trébucher, comme le font certains dirigeants de l’Europe. »</p>
<h2>La théâtralisation et la magie du mot</h2>
<p>La tentation est grande de conclure que le secret d’Orbán réside en grande partie dans son style immédiatement reconnaissable. Une rhétorique qui éblouit tantôt par ses tonalités guerrières et enthousiasmantes (cf. ses formules <em>Egy a tábor, egy a zászló</em> (« Un seul camp, un seul drapeau ») ; <em>Hajrá, Magyarország, hajrá, magyarok !</em> (« Vive la Hongrie, vivent les Hongrois »), tantôt par ses raccourcis expressifs, autant de preuves que l’orateur parle « vrai », puisant dans des sources résolument « authentiques » de l’imaginaire populaire.</p>
<p>La question demeure : l’insistance virtuose de Viktor Orbán à procéder constamment par la théâtralisation et la magie du mot n’est-elle pas court-circuitée par un acharnement à vouloir épater ses adeptes ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/145634/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thomas Szende ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Premier ministre de la Hongrie depuis dix ans, le très controversé Viktor Orbán puise, au moins partiellement, sa popularité auprès de ses concitoyens dans un discours savamment réfléchi.Thomas Szende, professeur des universités, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1433042020-09-08T18:47:58Z2020-09-08T18:47:58ZQuand une statuette féminine devient ambassadrice de la culture kanak<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/356907/original/file-20200908-18-15k3o59.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C13%2C694%2C460&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La statuette féminine kanak (ici au centre) est visible au musée du Quai Branly à Paris. </span> <span class="attribution"><span class="source">Marion Bertin/Musée du Quai Branly</span></span></figcaption></figure><p>En France, les débats portant sur la restitution des collections muséales acquises dans des contextes coloniaux s’intensifient avec la remise du <a href="http://restitutionreport2018.com/sarr_savoy_fr.pdf">Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain</a>, rédigé par Bénédicte Savoy et Felwine Sarr, au président de la République Emmanuel Macron en 2018.</p>
<p>Ce contexte crée parfois de vives polémiques et témoigne des rôles politiques et diplomatiques prêtés aux objets. Le patrimoine africain n’est pas le seul concerné, en rend compte une statuette féminine kanak en bois datant de la fin de XVIII<sup>e</sup> siècle ou du début du XIX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Cette statue, haute de 19 centimètres, est visible au sein des collections du musée du quai Branly – Jacques Chirac (MQB-JC).</p>
<p>Son usage originel, de même que l’histoire et les conditions de sa collecte, sont incertains et manquent de précisions.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/352762/original/file-20200813-16-1d8thc3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/352762/original/file-20200813-16-1d8thc3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=774&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/352762/original/file-20200813-16-1d8thc3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=774&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/352762/original/file-20200813-16-1d8thc3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=774&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/352762/original/file-20200813-16-1d8thc3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=973&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/352762/original/file-20200813-16-1d8thc3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=973&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/352762/original/file-20200813-16-1d8thc3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=973&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le navigateur français Antoine Raymond Joseph Bruny d’Entrecasteaux, portrait (1791) par Charles-Paul Landon, d’après un dessin d’Edme Quenedey (1756–1830).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine_Bruny_d%27Entrecasteaux#/media/Fichier:Antoine-Raymond-Joseph_Bruny_d%E2%80%99Entrecasteaux.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Elle pourrait avoir été rapportée en France par Antoine Bruny d’Entrecasteaux (1737-1793), un des premiers Européens à accoster en Nouvelle-Calédonie en avril-mai 1793, où il acquiert quelques objets dans des circonstances inconnues, comme le rapporte l’historienne de l’art Sylviane Jacquemin dans <a href="https://www.persee.fr/doc/jso_0300-953x_1990_num_90_1_2870">l’ouvrage</a>, <em>De jade et de nacre</em> en 1990. Cette statuette intègre de manière plus certaine les premiers témoignages d’objets kanak conservés dans les collections nationales françaises.</p>
<p>Plus, tard, la statuette retourne à trois reprises à Nouméa : elle y est présentée dans des expositions en tant que symbole des premières collectes et rare témoignage de statuaire féminine kanak, dont aucun exemple n’est présent dans les collections publiques de la ville.</p>
<h2>Un patrimoine kanak hautement politique</h2>
<p>En Nouvelle-Calédonie, la culture et les objets du patrimoine kanak jouent un rôle déterminant dans l’affirmation politique autochtone qui émerge à partir des années 1970 dans le prolongement d’un mouvement indépendantiste, notamment pour le leader politique kanak Jean‑Marie Tjibaou (1936-1989).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/h8QgvL-q6EI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Jean‑Marie Tjibaou, pionnier de la lutte indépendantiste kanak (INA).</span></figcaption>
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<p>La définition d’un patrimoine kanak uni apparaît à cette époque. Elle fait suite à un rejet des cultures kanak par les colons, au départ et à la dispersion d’objets anciens et, pour certains, leur disparition locale.</p>
<p>De vives tensions entre partisans d’une Nouvelle-Calédonie française et aspirants à l’indépendance marquent les années 1980 et culminent entre 1984 et 1988, période nommée par euphémisme les <a href="https://journals.openedition.org/jso/1259#xd_co_f=MjgzYjBjYmVlYzk1ZjJjNWRlNzE1NjEzNjc4NjgzMTQ">« Événements »</a> durant laquelle se multiplient les affrontements.</p>
<p>Les accords politiques ultérieurs encadrés par l’État français placent la culture kanak au cœur des enjeux institutionnels et statutaires.</p>
<p>La reconnaissance culturelle est l’un des principaux socles des accords de <a href="http://www.mncparis.fr/uploads/accords-de-matignon_1.pdf">Matignon-Oudinot en 1988</a>, symboles d’un rééquilibrage politique, culturel et social : ils prévoient la création de <a href="http://www.adck.nc/presentation/lagence-de-developpement-de-la-culture-kanak/presentation">l’Agence de développement de la culture kanak</a> (ADCK) – afin de valoriser et de promouvoir les pratiques anciennes et contemporaines – et du <a href="http://www.adck.nc/">Centre culturel Tjibaou</a> (CCT), son principal instrument à Nouméa.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/nB5VVdRgSvE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Une hâche vivante », explications par Nidoïsh Naisseline, ex grand chef à Maré, pour l’association Boutures de Paroles KANAK.</span></figcaption>
</figure>
<p>En prenant le nom de Tjibaou, le CCT s’inscrit dans la continuité de l’homme politique. L’accord de Nouméa, signé en 1998, consacre son premier point à « l’identité kanak » et souligne le devoir de l’État français de</p>
<blockquote>
<p>« favoriser le retour en Nouvelle-Calédonie d’objets culturels kanak qui se trouvent dans des musées ou des collections, en France métropolitaine ou dans d’autres pays ».</p>
</blockquote>
<p>Est également intégrée l’idée du « destin commun » entre les communautés du territoire en vue de leur autodétermination, défendue par Jean‑Marie Tjibaou.</p>
<p>Cette idée irrigue la gestion du patrimoine kanak, pensée autour de la coopération et de l’entente.</p>
<h2>Une circulation des objets dans une logique de représentation</h2>
<p>Plutôt qu’une demande de retours définitifs des objets, les différents acteurs concernés vont privilégier le développement de collaborations entre musées, afin de permettre la circulation des objets et le maintien d’une représentation kanak à travers le monde.</p>
<p>À l’aube de cette initiative figure le repérage des objets, débuté dans les années 1970 par l’ethnologue Roger Boulay à la demande de Jean‑Marie Tjibaou en vue de constituer un Inventaire du patrimoine kanak dispersé, rassemblant les objets conservés dans des musées internationaux.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/353635/original/file-20200819-22-f78lxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/353635/original/file-20200819-22-f78lxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/353635/original/file-20200819-22-f78lxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/353635/original/file-20200819-22-f78lxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/353635/original/file-20200819-22-f78lxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/353635/original/file-20200819-22-f78lxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/353635/original/file-20200819-22-f78lxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/353635/original/file-20200819-22-f78lxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La statuette est représentée sous le numéro deux dans la légende. « Monuments des arts du dessin chez les peuples tant anciens que modernes, Denon, Vivant, 1747-1825 ; Duval, Amaury, 1760-1838.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://archive.org/details/Monumentsdesartt1Deno/page/n57/mode/2up">Archive.org/Monuments des arts du dessin chez les peuples tant anciens que modernes</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les résultats initiaux sont présentés en 1990-1991 lors de l’exposition <em>De jade et de nacre</em>, qui se tient d’abord au musée territorial de Nouvelle-Calédonie (MNC) à Nouméa, puis au musée national des arts d’Afrique et d’Océanie à Paris, et permet le retour temporaire en Nouvelle-Calédonie de 250 objets kanak anciennement collectés dans diverses circonstances, dont cette statuette.</p>
<h2>Des retrouvailles symboliques</h2>
<p>Cette exposition est conçue comme une forme de <a href="https://www.persee.fr/doc/jso_0300-953x_1992_num_95_2_2627_t1_0280_0000_3">« retrouvailles »</a> par les populations kanak avec les objets, qui sont autant de représentants de leurs ancêtres et de leurs créations.</p>
<p>Elle est inaugurée par les autorités coutumières, statutairement habilitées à prendre la parole dans un contexte kanak, par une « coutume », une cérémonie de dons accompagnée de discours qui marquent l’accueil et la protection des objets exposés.</p>
<p>Cette cérémonie ouvre une alliance et un cycle d’échanges entre clans kanak et musées, notamment hexagonaux.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ya1UBtAtyiA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La collection kanak du Musée de Cherbourg, Boutures de Paroles KANAK.</span></figcaption>
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<p>Les objets kanak sont alors investis d’une nouvelle fonction d’« ambassadeurs » culturels hors de Nouvelle-Calédonie, expression attribuée à Jean‑Marie Tjibaou et reprise en 1990 par l’autorité coutumière kanak, dont Octave Togna, le directeur de l’ADCK, dans <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6559503j?rk=21459">son discours d’inauguration</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Ces objets représentent le sang, la pensée et la racine de nos pères. Ils ne sont que de passage ; c’est important si l’on veut faire connaître la culture kanak de par le monde et faire savoir qui sont les hommes de ce pays et à qui appartient le pied qui marche sur cette terre. C’est peut-être mieux que cela se passe ainsi. Nos ancêtres ont laissé partir ces choses et certains l’ont peut-être fait de bon cœur. Laissons-les être nos ambassadeurs. »</p>
</blockquote>
<p>Ce passage illustre les conceptions kanak de l’échange et du don, qui doivent être entourés de paroles qui leur donnent sens. Or, les renseignements sur les modalités de collecte sont rares et les paroles inconnues, ce qui explique la défiance à demander le retour définitif d’objets collectés par le passé.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/CuLlk-_DhHU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Fière aujourd’hui d’être kanak », Marie-Claude Tjibaou, veuve de Jean‑Marie Tjibaou, Boutures de Paroles – KANAK.</span></figcaption>
</figure>
<p>La statuette fait fort impression à Nouméa auprès du public kanak, où la statuaire de petite taille est oubliée et davantage assimilée à une production européenne. Les statuettes féminines sont également rares, ce qui ajoute à son importance.</p>
<h2>« Objet ambassadeur »</h2>
<p>L’expression « objet ambassadeur » porte en elle un devoir de représentation de la parole et de la culture kanak auprès d’interlocuteurs plus ou moins lointains, avec la possibilité d’un retour régulier auprès des descendants des populations qui les ont créés, en restant la propriété des musées qui les conservent.</p>
<p>Cette idée permet de valoriser la signification kanak des objets en même temps que leur appréciation par un public européen.</p>
<p>La statuette fait partie des objets remarquables investis de cette mission particulière, par son ancienneté et son histoire.</p>
<p>Elle est à nouveau exposée au CCT entre 1998 et 2001, lors de l’exposition inaugurale de la salle Bwenaado, « rassemblement coutumier » en langue cèmuhî, l’une des langues kanak parlée sur la côte est. Cette salle est exclusivement réservée aux retours temporaires du patrimoine dispersé et conservé dans des musées internationaux.</p>
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<figcaption><span class="caption">La cérémonie d’ouverture de l’exposition Kanak, l’art est une parole, NC La 1ʳᵉ, 2014.</span></figcaption>
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<p>Le troisième et dernier retour de la statuette en Nouvelle-Calédonie advient en 2014, lors de l’exposition <em>L’art est une parole</em>, organisée conjointement par le MQB-JC et le CCT sous le commissariat de Roger Boulay et d’Emmanuel Kasarhérou.</p>
<p>Cette statuette et sa trajectoire illustrent les conceptions kanak liées à l’échange, à la circulation et aux propriétés de représentation des objets, éclairant les choix de gestion contemporaine du patrimoine kanak. La circulation des objets permet <a href="https://journals.openedition.org/cel/5438">leur partage</a> entre des musées d’adoption et leur terre d’origine et la reconnaissance du droit culturel des Kanak à disposer de leur patrimoine dispersé.</p>
<h2>Une diplomatie muséale à explorer</h2>
<p>Le projet des « objets ambassadeurs » témoigne du <a href="https://journals.openedition.org/perspective/9059">rôle des collections muséales</a> dans la <a href="https://journals.openedition.org/culturemusees/783">géopolitique mondiale postcoloniale</a>.</p>
<p>Arrêtée en 2014 pour des raisons principalement budgétaires et logistiques, cette forme de diplomatie muséale trouve ses limites dans les financements.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Xig2QPDKXyo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le conservateur d’origine kanak Emmanuel Kasarhérou a pris la tête du musée du Quai Branly à Paris en mai 2020.</span></figcaption>
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<p>Une telle coresponsabilité, partagée entre musées d’accueil et territoires d’origine des objets, peut-elle être servir de modèle pour d’autres régions ?</p>
<p>Nommé à la tête du musée du Quai Branly–Jacques Chirac en mai 2020, en plein débat sur les possibilités de restituer certains objets du patrimoine africain, Emmanuel Kasarhérou entend <a href="https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/reouverture-du-musee-du-quai-branly-le-kanak-emmanuel-kasarherou-pret-a-relever-le-defi-07-06-2020-8331354.php">développer la circulation des collections du musée vers leur territoire d’origine</a>, tout en poursuivant les recherches de provenance afin de mieux connaître les circonstances d’acquisition des objets.</p>
<hr>
<p><em>Billet publié en collaboration avec le <a href="http://blogterrain.hypotheses.org/">blog de la revue Terrain</a>. Dans le numéro 73, <a href="https://journals.openedition.org/terrain/19542">« Homo diplomaticus »</a>, Terrain s’écarte de la diplomatie traditionnelle pour observer des pratiques émergentes, ou non occidentales, en prêtant une attention spéciale aux adaptations et aux inventions des vaincus</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/143304/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marion Bertin a reçu des financements de l'École du Louvre et de l'Université de La Rochelle pour ses recherches de terrain menées en Nouvelle-Calédonie, au centre culturel Jean-Marie Tjibaou et au musée de Nouvelle-Calédonie.</span></em></p>En Nouvelle-Calédonie, la culture et les objets du patrimoine kanak jouent un rôle déterminant dans l’affirmation politique autochtone.Marion Bertin, Anthropologue et muséologue, École du Louvre, et Centre de Recherches en Histoire Internationale et Atlantique, La Rochelle UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1451912020-09-03T19:55:43Z2020-09-03T19:55:43ZLa chasse, une histoire avec le pouvoir<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/355768/original/file-20200901-22-1dnw2oo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C7%2C1014%2C668&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un chasseur de gros gibier le 14 février 2015 à La Chapelle-Glain, dans l'Ouest de la France. </span> <span class="attribution"><span class="source">JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AF</span></span></figcaption></figure><p>Alors qu’une énième controverse sur les chasses dites « traditionnelles » s’engage en France, que l’actuel président de la Fédération nationale des chasseurs, Willy Schraen (issu du Pas-de-Calais), engage une stratégie de reconquête tous azimuts (études scientifiques, communication, lobbying), on pourrait croire que la récente agitation médiatique révèle un paysage nouveau quant au poids politique des « adeptes de Diane (chasseresse) ».</p>
<p>Ces soubresauts sont pourtant anciens, même si réactualisés par une nouvelle étape : un clivage entre centre et périphéries, sur fond de débat quant à la <em>capitalocène</em>, à savoir les effets du système de production sur l’environnement.</p>
<p>Mais au-delà des épiphénomènes, la notion de « ruralité » draine derrière elle un cortège de représentations, où la figure du chasseur joue un rôle de référentiel symbolique, et ce dans une partie des pays latins d’Europe depuis le courant des années 1980.</p>
<p>Pourquoi la référence à un type d’espace (champêtre) fournit aux chasses dites traditionnelles un angle de légitimation ? Comment alors expliquer que certaines pratiques de chasse aient à voir avec des processus de construction identitaire, bien qu’on les pensait relictuelles ?</p>
<h2>Une légitimité en crise</h2>
<p>Une question qui ne paraît pas incongrue lorsque l’on s’intéresse aux peuples de chasseurs-cueilleurs (tels les <a href="https://www.cairn.info/revue-espaces-et-societes-2018-4-page-51.htm">Pygmées en Afrique</a>. En revanche, elle interpelle de plus en plus dans nos sociétés où s’affirme une tendance antispéciste, pour laquelle l’humanité n’est donc plus tout à fait <a href="https://journals.openedition.org/lectures/33122">au centre du raisonnement</a>.</p>
<p>Aussi, depuis la fin des années 1960, et surtout à partir de la décennie suivante, l’acte de chasse a commencé à être appréhendé comme anachronique pour <a href="https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1984_num_54_1_2227">l’être humain</a> et ce d’autant plus dans les pays considérés comme « avancés », alors lancés dans les « trente glorieuses » (1945-1975) et le « progrès ».</p>
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<figcaption><span class="caption">« Chasse à courre, la discorde depuis 40 ans » (INA).</span></figcaption>
</figure>
<p>Cette tendance au questionnement s’avère très clairement en progression depuis la période des premières manifestations d’opposition, dans ces mêmes années 1960, notamment à l’égard de la « grande vénerie » (la chasse à courre équestre), alors que le Rassemblement des opposants à la chasse (ROC) <a href="https://booknode.com/la_chasse_a_courre___diversite_sociale_et_culte_de_la_nature_029352">était créé en 1976</a>.</p>
<p>Plus récemment, la discussion quant à la normativité virile a renforcé la critique sur un exercice très massivement masculin (près de 98 % dans l’Hexagone), les femmes ayant été généralement reléguées au <a href="https://journals.openedition.org/socio-logos/3124">petit piégeage</a>.</p>
<p>Ceci étant, les appels à l’interdiction, partielle ou totale, s’inscrivent dans un mouvement écologiste plus global et une montée en puissance du véganisme, de préoccupation pour le bien-être animal, lequel mouvement s’insère lui-même dans une lame de fond revendiquant un <a href="https://www.decitre.fr/livres/l-utopie-de-la-nature-9782902702978.html">nouveau contrat social avec la nature</a>.</p>
<p>Or, c’est précisément en raison de la remise en question de sa légitimité qu’une revendication à se dire « chasseur » est apparue dans les années 1980, notamment en France et en Italie. L’histoire longue de la chasse peut nous éclairer sur plusieurs des processus de légitimation de cette activité.</p>
<h2>Pendant l’Antiquité, une mission éducative</h2>
<p>Si l’on remonte à l’Antiquité gréco-romaine, à laquelle on attribue classiquement un rôle fondateur pour les cultures latines, les auteurs confèrent généralement à la pratique cynégétique une <a href="http://remacle.org/bloodwolf/historiens/xenophon/chasse1.htm">mission éducative</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Sarcophage avec une chasse aux lions." src="https://images.theconversation.com/files/355604/original/file-20200831-20-1bg8157.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/355604/original/file-20200831-20-1bg8157.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=285&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/355604/original/file-20200831-20-1bg8157.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=285&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/355604/original/file-20200831-20-1bg8157.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=285&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/355604/original/file-20200831-20-1bg8157.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=359&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/355604/original/file-20200831-20-1bg8157.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=359&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/355604/original/file-20200831-20-1bg8157.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=359&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Face d’un sarcophage romain évoquant une chasse aux lions (musée du Louvre), première moitié du IIIᵉ siècle apr. J.-C.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Chasse#/media/Fichier:P1070855_Louvre_sarcophage_avec_une_chasse_aux_lions_Ma346_rwk.JPG">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Chasser consistait alors à suivre une formation socialisante quant aux manières d’être, valorisées et valorisantes, dans ces sociétés. Pour exemple, Jean‑Pierre Vernant et Marcel Détienne montrent que la ruse n’y était pas synonyme de « perversion », mais entrait dans le cadre d’une aptitude à saisir les moments opportuns afin de retourner une situation compromise <a href="https://www.persee.fr/doc/rhr_0035-1423_1976_num_189_2_6223">(le <em>kairos</em>)</a>.</p>
<p>Ainsi, cette ruse dispose de sa déesse chez les Grecs anciens (<em>Mètis</em>) et le coup de théâtre ressort d’une disposition que doit développer l’adepte d’Artémis (divinité des animaux non domestiqués et à la fois de la chasse). L’ère antique consacra de la sorte une chasse compagnonnage pour reprendre <a href="https://www.persee.fr/doc/reg_0035-2039_2001_num_114_2_4475_t2_0681_0000_2">l’expression d’Alain Schnapp</a>.</p>
<p>Un (trop) rapide bond dans le Moyen Âge nous amène à y considérer l’exercice de la traque des animaux comme un <a href="https://www.persee.fr/doc/ccmed_0007-9731_1984_num_27_107_2271_t1_0284_0000_4l">symbole statutaire</a>.</p>
<p>Le droit à capter (du bas latin <em>captare</em> qui donnera chasse) la vie des bêtes « sauvages » devient l’apanage de l’anoblissement, alors que le piégeage et les animaux de moindre importance sont parfois laissés à la <a href="https://www.unitheque.com/la-chasse-Moyen-age/gerfaut/Livre/20354">discrétion du Tiers-État</a>.</p>
<h2>Un « art de faire » chevaleresque</h2>
<p>Toutefois, la période médiévale voit progressivement le pouvoir royal contester ce monopole de la noblesse sur les gibiers les plus convoités.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/355606/original/file-20200831-20-11ppk4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Miniature tirée du Livre de chasse" src="https://images.theconversation.com/files/355606/original/file-20200831-20-11ppk4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/355606/original/file-20200831-20-11ppk4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=753&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/355606/original/file-20200831-20-11ppk4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=753&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/355606/original/file-20200831-20-11ppk4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=753&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/355606/original/file-20200831-20-11ppk4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=946&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/355606/original/file-20200831-20-11ppk4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=946&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/355606/original/file-20200831-20-11ppk4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=946&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Fébus chassant le lièvre, miniature du Maître de Bedford, tirée du « Livre de chasse », vers 1407 (BnF).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Gaston_III_de_Foix-B%C3%A9arn#/media/Fichier:F%C3%A9bus_89v.jpg">Wikimedia</a></span>
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</figure>
<p>Charlemagne signifiera de la sorte son autorité sur le territoire revendiqué par son <em>imperium</em>.</p>
<p>Chez les hommes « bien nés » de ces sociétés massivement paysannes, de « grands » chasseurs vont contribuer à établir des codes du bien-exercer, comme <a href="http://classes.bnf.fr/phebus/livre/index.htm">Gaston Phoebus</a>, comte de Foix dans la seconde moitié du XIV<sup>e</sup> siècle ou à la même époque Henri de Ferrières à qui on attribue un <a href="https://www.arlima.net/eh/henri_de_ferrieres.html">« Livre de la chasse »</a>.</p>
<p>La cynégétique se rapproche, dans leur perspective, d’un art de faire chevaleresque qui contribue également à la préparation au combat.</p>
<p>La longue marche vers l’Absolutisme et ses réserves de chasse (les Capitaineries) aboutiront à associer la chasse dite à courre aux privilèges monarchiques et marqueront fortement tant la toponymie que la géographie des <a href="http://www.panurge.org/spip.php?article968">forêts du domaine royal</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Château de Chambord" src="https://images.theconversation.com/files/355607/original/file-20200831-18-mkvns0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/355607/original/file-20200831-18-mkvns0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/355607/original/file-20200831-18-mkvns0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/355607/original/file-20200831-18-mkvns0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/355607/original/file-20200831-18-mkvns0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/355607/original/file-20200831-18-mkvns0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/355607/original/file-20200831-18-mkvns0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue aérienne du château de Chambord, Loir-et-Cher, et ses terrasses ouvertes vers la forêt.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Chambord_castle,_aerial_view.jpg">Lieven Smits/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Chambord en est une illustration rayonnante avec les terrasses de son château qui permettent de suivre l’évolution de la poursuite du gibier.</p>
<h2>Magnifier la confrontation de l’homme avec la nature ensauvagée</h2>
<p>La Renaissance, inspirée par une certaine représentation des fastes antiques, ne manquera pas de magnifier cette confrontation de l’homme avec la nature ensauvagée. L’opposition entre <a href="https://www.cairn.info/revue-questions-de-communication-2017-1-page-555.htm">nature et culture</a> y trouvera l’une de ses expressions, pour la meilleure fortune d’une culture élevée au rang de réalisation humaine d’un dessein divin.</p>
<p>À Versailles, les chasses du Roi-Soleil et de ses successeurs constituent le point d’acmé d’une fonction diplomatique ancienne qui perdure <a href="https://www.melcouettes.fr/gratuit/558809-RIJBJTVWD/">encore de nos jours</a>.</p>
<p>La démarche cynégétique, considérée digne de ce nom, participe à un mode de distinction au sein de la société de cour, comme le montre <a href="https://www.lhistoire.fr/classique/%C2%ABla-soci%C3%A9t%C3%A9-de-cour%C2%BB-de-norbert-elias">Norbert Élias</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/355761/original/file-20200901-16-faoxnm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Estampe représentant la chasse au XVIIe" src="https://images.theconversation.com/files/355761/original/file-20200901-16-faoxnm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/355761/original/file-20200901-16-faoxnm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=277&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/355761/original/file-20200901-16-faoxnm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=277&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/355761/original/file-20200901-16-faoxnm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=277&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/355761/original/file-20200901-16-faoxnm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=349&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/355761/original/file-20200901-16-faoxnm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=349&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/355761/original/file-20200901-16-faoxnm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=349&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La grande chasse, estampe, Jacques Callot (1592-1635) représentant une chasse à courre.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8495780j?rk=150215;2">Gallica</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il n’y a donc pas à se surprendre que cette pratique ait été la <a href="https://www.cairn.info/revue-histoire-et-societes-rurales-2004-1-page-73.htm">cible des révolutionnaires</a> qui firent tomber une première fois la monarchie à la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle.</p>
<h2>« La Saint-Barthélemy du petit lapin »</h2>
<p>Chasser était devenu le signe d’une caste en perte de vitesse, aux prises avec les velléités de la bourgeoisie montante. Les acquis de la nuit du 4 août 1789, symboliques de la chute des privilèges, ne seront pourtant que de courte durée.</p>
<p>Très vite, Mirabeau obtient contre Robespierre que la propriété foncière soit désormais la clé de voûte du droit de chasse. La France entre dans le règne des propriétaires et le XIX<sup>e</sup> siècle exaucera cette ambition à fonder des formes de « fiefs » d’un genre nouveau, de la part des maîtres de forges qui sont alors les <a href="https://www.persee.fr/doc/rjenv_0397-0299_1977_num_2_3_1252">figures montantes</a> de la révolution industrielle.</p>
<p>En parfaite concordance avec une société désormais organisée en classes sociales, on aura évité que ne se poursuive la <a href="https://www.albin-michel.fr/ouvrages/le-livre-du-braconnier-9782226075024">« Saint-Barthélemy du petit lapin »</a>, consécutive à la courte ouverture universelle de la chasse, mais au prix d’une nouvelle figure de l’illégalisme : le braconnier.</p>
<p>Ses avatars romanesques se nomment <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Raboliot">Raboliot</a> (Maurice Genevoix), <a href="http://www.paul-vimereu.com/roman-chutt-le-hutteux.php">Chutt-le-Hutteux</a> (Paul Vimereu), <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Maurin_des_Maures">Maurin-des-Maures</a> (Jean Aicard) et autres <a href="https://www.francebleu.fr/emissions/le-berry-insolite/berry/le-berry-insolite">Villemont</a> (Léandre Boizeau) entrent dans la légende, suivis à la trace par leur jumeau sociologique, le garde-chasse, appartenant au même monde.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Procès de braconniers" src="https://images.theconversation.com/files/355762/original/file-20200901-18-1pmvqo5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/355762/original/file-20200901-18-1pmvqo5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/355762/original/file-20200901-18-1pmvqo5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/355762/original/file-20200901-18-1pmvqo5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/355762/original/file-20200901-18-1pmvqo5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/355762/original/file-20200901-18-1pmvqo5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/355762/original/file-20200901-18-1pmvqo5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La figure du braconnier reste longtemps ancrée dans la société française. Ici, un procès de braconniers, Melun, 1928.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53197538d/f1.item.r=braconnier">Agence Rol/Gallica</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La pratique reste scindée entre renouvellement d’un style aristocratique et modes de contournement de l’appropriation bourgeoise. Les chasses gardées se multiplient chez nombre de capitaines d’industrie qui épousent l’alternance résidentielle comme le faisaient les hommes de cour à la fin de l’Ancien Régime. Dans les interstices, petits paysans et ouvriers des campagnes tentent de se glisser sur ce qui subsiste de communs territoriaux, au risque de dépasser les bornes et de passer sous les Fourches caudines de la justice du garde champêtre.</p>
<h2>De nouvelles sensibilités</h2>
<p>Avec la généralisation du mode de production capitaliste, la seconde moitié du XIX<sup>e</sup> siècle fera pourtant naître de nouvelles sensibilités, qui plus tard permettront à ces raboliots de progressivement reconquérir du terrain. En effet, la ville se tapisse d’usines fumantes, avec la concentration en son sein de moyens productifs de plus en plus lourds.</p>
<p>La classe ouvrière devient davantage urbaine. <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_R%C3%AAveries_du_promeneur_solitaire">Le courant romantique</a> instaure une nouvelle approche de la nature, plus contemplative pour ceux qui en ont le loisir. Le bien-chasser devra désormais passer par la réprobation de toute viandardise. Les bidochards seront sommés de se conformer à la nouvelle éthique de la chasse qui prône l’excellence sportive à l’encontre de la quantité.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Chasseurs de renards en France dans les années 1950." src="https://images.theconversation.com/files/355575/original/file-20200831-25-119cka0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/355575/original/file-20200831-25-119cka0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/355575/original/file-20200831-25-119cka0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/355575/original/file-20200831-25-119cka0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/355575/original/file-20200831-25-119cka0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/355575/original/file-20200831-25-119cka0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/355575/original/file-20200831-25-119cka0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Battue aux renards dans la Sarthe dans les années 1950.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Saucisson_chasseur#/media/Fichier:Sarthe_-_Battue_aux_renards.jpg">Vincnet/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Dans la première moitié du XX<sup>e</sup> siècle, la pression des <a href="https://www.cairn.info/les-gens-de-peu--9782130574798.htm">« petites gens »</a> se fait de plus en plus forte. En revanche, parmi les nouveaux hobereaux issus du monde des affaires, certains s’investissent sur les zones humides afin de capter la manne céleste du gibier migrateur, comme Joseph de Valicourt sur le littoral picard.</p>
<p>Une situation sociologiquement contrastée perdure, mais l’individualisme des « petits » chasseurs fait place à un début d’organisation collective. La loi de 1901 sur le droit d’association ouvre ainsi sur les Sociétés de chasse locales, lesquelles restent néanmoins souvent aux mains des gros fermiers propriétaires.</p>
<h2>La revanche des manants</h2>
<p>Les deux grands conflits mondiaux bouleverseront la donne, et ce en faveur des « basses classes ». Le prix du sang qu’elles ont payé rend le statu quo difficilement tenable. Les ouvriers urbains, souvent issus de l’exode rural, s’ouvrent eux aussi aux loisirs de plein air et trouvent dans la chasse une activité qui répond aux aspirations de leur culture, faite de labeur et rendant l’âpreté de l’acte cynégétique conforme à une éthique d’hommes, s’adonnant à un « plaisir » sans contredire leur rôle de nourrisseurs de la famille.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Gc_CZRxfknQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Ouverture de la chasse au gibier d’eau en marais d’intérieur, dans le Pas-de-Calais. 2000, INA.</span></figcaption>
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<p>En 1964, la majeure partie des départements situés sous la Loire passent sous la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000319963&dateTexte=19910416">Loi Verdeille</a>, qui permet aux chasseurs d’outrepasser le droit de propriété.</p>
<p>Pour autant, les grandes propriétés contiguës restent dérogatoires à l’obligation d’intégrer les Associations communales de chasse agréées. Dans la décennie suivante, les libertés qui persistaient sur le domaine public maritime se trouvent également encadrées par des associations concessionnaires de l’État. Un encadrement qui met fin à la « chasse banale », mais qui permettra l’émergence de puissants regroupements des classes populaires pratiquantes, au rôle capital dans l’émergence d’une identité chasseur.</p>
<h2>« Chasseurs en colère »</h2>
<p>En 1988, lors d’un référendum sur le statut de la Nouvelle-Calédonie qui n’intéresse guère le corps électoral, un ballon d’essai est lancé avec l’introduction de quelque 5 000 bulletins « Chasseurs en colère » dans les urnes du département de la Somme. Une colère sourde grondait depuis la décennie 1970, liée à la sortie d’une longue période pendant laquelle la légitimité de la chasse ne posait que peu de questions.</p>
<p>Le chasseur exerçait une prédation appréhendée comme « naturelle » au sens où elle s’insérait dans les normes sociétales du rapport à la nature. Elle y occupait, de ce fait, une fonction utile à l’apport en protéines animales, mais encore, notamment pour les paysans qui restaient majoritairement les suiveurs de Diane, à la lutte contre les « ravageurs » de leurs champs. Nature tant crainte qu’exploitée pour ses ressources, l’humain en était le démiurge désigné qui s’en défendait autant qu’il la dessinait.</p>
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<figcaption><span class="caption">En Ariège, contre-manifestation d’éleveurs et chasseurs lors d’une mobilisation écologiste, mai 2018.</span></figcaption>
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<p>L’exercice de la chasse s’y fondait sur une initiation à ce que serait la vie dans le village : <a href="http://www.absp.be/wp-content/uploads/2016/12/Texte-Baticle-002.pdf">interconnaissance et sociabilité masculine</a>, parcours et surveillance du territoire, protection des cultures et complément alimentaire.</p>
<p>La conception qui surgit avec l’industrialisation de l’agriculture modifie sensiblement les conditions de cette légitimité à agir en prédateur, défenseur du poulailler contre le renard. Les chefs d’exploitations agricoles envisagent l’état de paysan comme rétrograde et revendiquent le droit à exercer une profession comme une autre, où le terroir n’est plus qu’un support de production. Ils se détachent progressivement de ce loisir qu’est devenue la chasse, investie par un nombre croissant d’ouvriers avec lesquels ils entretiennent des relations distanciées. Chasser ne s’insère plus dans un mode de vie intrinsèquement associé à une culture rurale.</p>
<h2>Une question européenne</h2>
<p>En 1979, l’Europe communautaire se saisit de l’environnement au travers de la faune migratrice transnationale. La <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:31979L0409">Directive 79-409</a> met le feu au baril de poudre qui ne demandait qu’à exploser. En réglementant la chasse des oiseaux migrateurs, elle exprime la forte poussée des milieux qui veulent promouvoir un autre rapport à la nature, qui était jusque là mise au service de l’humanité.</p>
<p>On passe d’une nature corne d’abondance capricieuse à l’environnement qui pousse à penser les interrelations, alors que les grands changements en cours <a href="https://www.payot.ch/Detail/la_terre_outragee-collectif-9782843520808">commencent à être dévoilés</a>.</p>
<p>Dans cette conception, le chasseur tend à devenir un intrus, perturbateur « immoral » d’un « équilibre » à retrouver. Patrimonialisation, sanctuarisation et incongruité de la prédation deviennent des prescriptions qui rejettent le chasseur dans la « sauvagerie » d’un <a href="https://books.google.fr/books?id=5XE4MCbGaskC">« autre âge »</a>.</p>
<h2>L’émergence d’un parti</h2>
<p>Devant leur mise à l’index, la jonction entre les « sauvaginiers » (chasseurs de gibier d’eau) du Nord-ouest et les « paloumayres » (à l’affût des palombes) du Sud-ouest a fait émerger le parti politique Chasse, pêche, nature et traditions (CPNT).</p>
<p>Non pas que la chasse n’ait été, de tout temps, éminemment politique (au sens des questions qui intéressent les codes de la vie collective), mais elle entrait dans l’arène de la politique.</p>
<p>C’est dans ce contexte de longue durée que les chasseurs sont passés d’une phase de leur histoire où « on allait à la chasse », à cette situation dans laquelle ils se revendiquent comme chasseurs.</p>
<p>Si cette pratique est ainsi devenue un référentiel identitaire, c’est en raison d’une double mutation qui marginalise ses adeptes : développement d’un capitalisme les cantonnant au loisir et développement d’un courant les attaquant sur le plan éthique. En conséquence, les chasseurs, comme leurs opposants, estiment se situer dans une lutte qui a trait à un choix civilisationnel.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/145191/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Baticle est actuellement chargé d'une enquête sur les chasseurs du littoral picard, et ce dans le cadre de la réactualisation du document d'objectifs du site Natura 2000 des estuaires de la Somme.</span></em></p>Dans un contexte de crise pour les espaces ruraux, une traversée de l’histoire de la chasse permet de mieux comprendre comment cette pratique est devenue un support de l’identité.Christophe Baticle, Socio-anthropologue, Université Picardie Jules Verne, chercheur associé LARHRA, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1418382020-07-05T16:43:01Z2020-07-05T16:43:01ZLa diaspora tchétchène au miroir de Dijon<p>Mi-juin 2020, <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/06/15/dijon-apres-les-violences-inedites-de-ce-week-end-des-forces-de-l-ordre-en-renfort_6042913_3224.html">150 personnes d’origine tchétchène</a> ont afflué à Dijon en provenance de plusieurs villes de France – et même, semble-t-il, de Belgique et d’Allemagne – dans le but affiché de venger l’agression d’un Tchétchène de 19 ans par des dealers. Cette expédition punitive, précédée d’<a href="https://www.francebleu.fr/infos/societe/des-tchetchenes-de-nice-prennent-la-parole-apres-les-violences-aux-liserons-1592323746">incidents de même nature à Nice</a>, a provoqué une certaine sidération et rappelé la réalité de la présence de nombreux Tchétchènes dans plusieurs pays de l’Union européenne, dont la France.</p>
<p>Force est de constater que c’est au rythme d’événements souvent violents surgissant dans l’actualité que les Tchétchènes réapparaissent dans l’espace public en Europe. On se souvient, notamment, d’une attaque au couteau commise le 12 mai 2018 à Paris par un Français d’origine tchétchène affilié à Daech, <a href="https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/290518/quand-un-attentat-paris-fait-reparler-de-la-tchetchenie">Khamzat Azimov</a> : un passant a été tué et l’agresseur a été abattu par les forces de l’ordre. Des trajectoires de « radicalisation » islamiste, voire des départs en Syrie ont été évoqués pour certains ; aujourd’hui, c’est au tour de la <a href="https://www.leparisien.fr/faits-divers/violences-a-dijon-une-note-confidentielle-revele-l-emergence-d-une-mafia-tchetchene-16-06-2020-8336880.php">« mafia tchétchène »</a> d’être mise en avant par des hommes politiques, des médias et les services de renseignement.</p>
<p>Au-delà des projecteurs braqués sur les agissements d’une centaine de personnes, que sait-on des Tchétchènes installés en Europe et des raisons de leur migration ?</p>
<h2>Un exil provoqué par la guerre puis par la répression politique</h2>
<p>L’histoire de la confrontation russo-tchétchène s’inscrit dans un temps long remontant à la colonisation du Caucase par l’armée tsariste et culminant durant les guerres du Caucase au <a href="https://www.cairn.info/magazine-alternatives-internationales-2008-12-page-20.htm">XIXᵉ siècle</a>. Si une première diaspora s’est constituée dans l’empire ottoman suite à la conquête russe à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, l’installation de Tchétchènes sur le territoire de l’Union européenne commence à la fin des années 1990.</p>
<p>En effet, la deuxième guerre de Tchétchénie (1999-2009) – qui fait suite à une <a href="https://journals.openedition.org/conflits/18475">première guerre déjà très violente (1994-1996)</a> – a été <a href="https://www.fidh.org/IMG/pdf/tch2410.pdf">particulièrement meurtrière</a> et a jeté sur les routes de l’exil des dizaines de milliers de Tchétchènes. Face à la <a href="https://www.fidh.org/fr/regions/europe-asie-centrale/russie/tchetchenie/La-torture-en-Tchetchenie-la">pérennisation des violences</a> et de l’impunité en Tchétchénie, ces réfugiés n’ont vu d’autre perspective que de <a href="https://www.cairn.info/revue-le-courrier-des-pays-de-l-est-2005-5-page-90.htm">s’installer durablement dans les pays hôtes</a>.</p>
<p>C’est ainsi qu’au début des années 2000, la plupart des demandeurs d’asile tchétchènes étaient des civils ayant subi tortures ou exactions, souvent anciens partisans de la Tchétchénie indépendante (l’Itchkérie pour ses partisans) ; certains avaient combattu dans la résistance armée contre Moscou.</p>
<p>À mesure que la situation évoluait dans le sens d’une <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/publications/l_atlas_un_monde_a_l_envers/a53921">« tchétchénisation »</a> du conflit puis de la mise au pas de la République, reconstruite et figée dans le silence glaçant de la répression menée par Ramzan Kadyrov, le profil des demandeurs d’asile tchétchènes s’est diversifié. Il ne s’agissait plus seulement d’indépendantistes, mais également, parfois, de personnes tombées en disgrâce à mesure que le système broyait ses propres citoyens. Par conséquent, l’exil a gagné d’autres segments de la société, souvent plus jeunes, non circonscrits aux indépendantistes ou aux anciens d’un maquis de plus en plus réduit. L’abandon progressif de la dimension nationale de la lutte armée au profit de l’idéologie islamiste radicale a <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/cultures-monde/culturesmonde-du-lundi-28-mai-2018">renforcé le brouillage des identités politiques</a>.</p>
<p>Il est donc difficile de catégoriser politiquement les Tchétchènes vivant dans les pays de l’UE. Alors que le bras long de Ramzan Kadyrov est parfois venu y semer la terreur, comme l’ont rappelé les assassinats des anciens combattants indépendantistes <a href="https://www.letemps.ch/opinions/complot-assassins-tchetchenes">Oumar Israïlov</a> à Vienne en 2009 et <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/06/19/nouvelle-passe-d-armes-entre-berlin-et-moscou-dans-l-affaire-du-georgien-tue-a-berlin_6043418_3210.html">Zelimkhan Khangochvili</a> à Berlin en août 2019, et des blogueurs d’opposition <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/02/21/opposant-tchetchene-tue-a-lille-les-enqueteurs-sur-la-piste-d-une-elimination-rudimentaire_6030277_3224.html">Imran Aliev</a> à Lille en février 2020, et <a href="https://www.rferl.org/a/russian-asylum-seeker-austria-murder/30706727.html">Anzor Oumarov</a> à Vienne le 4 juillet 2020, il n’est pas exclu que certains réfugiés – par choix ou par contrainte exercée sur leurs proches restés sur place – se soient mis au service de la dictature tchétchène à l’intérieur même des démocraties européennes, favorisant une atmosphère de surveillance et de dénonciation.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1224453355436531721"}"></div></p>
<p>Cette hypothèse, mais aussi l’observation de longue durée des réfugiés installés en Europe, inscrivent en faux l’antienne d’une solidarité sans faille et laisse apparaître une société largement atomisée, en Europe comme sur place.</p>
<h2>Anciennes et nouvelles générations</h2>
<p>Fin 2019, l’OFPRA comptait environ 16 000 ressortissants russes reconnus réfugiés en France. Parmi eux, la proportion de Tchétchènes pourrait avoisiner les 60 %, selon les estimations et en l’absence de statistiques « ethniques ». En outre, une partie non négligeable a acquis la citoyenneté française, tandis que de nombreux enfants de ces familles sont nés en France et sont devenus français, formant aujourd’hui une deuxième génération. Enfin, des milliers de Tchétchènes sans papiers continuent d’errer dans l’Union européenne dans l’espoir d’obtenir un statut de demandeur d’asile ou une régularisation ; ils sont parfois <a href="https://www.sciencespo.fr/ecole-de-droit/sites/sciencespo.fr.ecole-de-droit/files/Rapport_Dublin_Habitat-Cite%20_Sciences%20Po%20Paris_2019.pdf">renvoyés d’un pays vers un autre</a> au nom de la Convention de Dublin.</p>
<p>Au total, les estimations oscillent entre 30 000 et 65 000 Tchétchènes résidant en France, sans qu’on puisse établir de chiffre fiable.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1273126932549419008"}"></div></p>
<p>Qu’ils soient ou non citoyens français, réfugiés, demandeurs d’asile ou sans papiers, ces individus cherchent à affirmer une identité collective qui s’exprime notamment à travers la pratique religieuse et se combine avec une intégration scolaire et professionnelle souvent réussie, de même qu’avec une volonté de montrer son allégeance et sa gratitude à la France. Peut-on pour autant parler de « communauté tchétchène », comme l’ont fait si promptement médias et politiques, imposant un cadrage des événements ?</p>
<h2>De la notion de communauté et de ses usages</h2>
<p>Au-delà de l’emballement médiatique et d’une <a href="https://www.leparisien.fr/faits-divers/communaute-tchetchene-et-marche-de-la-drogue-une-cinquantaine-de-plaintes-contre-estrosi-29-06-2020-8344425.php">récupération politique</a> certes attendue mais d’autant plus à même de « prendre » que l’événement intervient dans un contexte où le maintien de l’ordre public est sous le feu des projecteurs, pourquoi la notion de « communauté » s’impose-t-elle si facilement dès lors que l’on parle des Tchétchènes ? Les sciences sociales ont depuis longtemps montré que toute communauté est une construction sociale et/ou politique qui produit des effets en permettant à un groupe de constituer des ressources de mobilisation politique et un imaginaire social et culturel. Son usage fait souvent l’objet de vifs débats tant académiques que politiques, tel <a href="https://www.mediapart.fr/journal/france/110115/olivier-roy-la-communaute-musulmane-nexiste-pas?onglet=full">celui</a> engagé après les attentats de 2015 autour d’une supposée « communauté musulmane » invoquée comme collectivité solidaire et sommée de réagir face à l’événement.</p>
<p>On pourrait appliquer la même démarche de déconstruction aux événements de Nice et de Dijon, mais un élément diffère substantiellement et mérite l’attention : les Tchétchènes s’exprimant publiquement, dans des <a href="https://www.rtl.fr/actu/justice-faits-divers/dijon-il-n-y-a-pas-de-souci-entre-les-communautes-assure-un-representant-tchetchene-7800608566">interviews</a> ou sur les réseaux sociaux, font eux-mêmes largement usage de cette notion et, loin de la rejeter, la revendiquent en invoquant les codes sociaux qui lui sont associés comme (auto)-justification de ces actions, à commencer par le déclenchement quasi automatique d’une responsabilité individuelle et collective dès lors qu’un membre de la « communauté » est attaqué – surtout quand, comme cela semble être le cas à Dijon, la violence exercée apparaît comme une menace à l’encontre de tous.</p>
<p>En d’autres termes, c’est un droit au « pluralisme juridique » qu’ils revendiquent, en proclamant leur attachement à la loi de la République tout en s’autorisant des pratiques parallèles de justice auto-gérée qui, bien qu’illégales sur le territoire du pays hôte, sont considérées comme légitimes dès lors qu’elles sont régulées et limitées par un « code de l’honneur ». Des pratiques que dans son travail sur le pluralisme juridique en Tchétchénie, Yegor Lazarev analyse comme relevant de la construction <a href="https://muse-jhu-edu.inshs.bib.cnrs.fr/article/734154/pdf">d’un ordre légal post-colonial</a>.</p>
<p>Des dispositions spécifiques viennent compléter le tableau : les Tchétchènes sont réputés amateurs de sports de combat, fréquentent ou dirigent des clubs de lutte ou d’arts martiaux mixtes (MMA), alimentant et reproduisant une mise en scène de soi viriliste qui valorise les savoir-faire guerriers, en ayant recours à l’histoire des conflits du passé qui ont amené leurs ancêtres ou leurs aînés à se mobiliser par les armes pour défendre leur terre.</p>
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<p>Dès lors, la tentation est grande de créer une figure essentialisée d’un Tchétchène « indomptable », entre passé combattant, violences de guerre et expédition dijonnaise aux allures de vendetta. S’y ajoute l’accélération produite par les réseaux sociaux, qui diffusent de la même manière les opérations répressives menées en Tchétchénie par les autorités, abondamment commentées au sein d’une diaspora aussi révoltée qu’impuissante. Se rejoue-t-il donc ici quelque chose de la rémanence de la guerre et de la répression dans un contexte certes totalement autre, mais offrant des possibilités de mobilisation collective ? Parmi celles-ci, la tentative de ressouder une société atomisée en l’opposant à la figure « arabe » supposée des dealers, même si celle-ci a été rapidement euphémisée au profit de l’affirmation d’une fraternité religieuse.</p>
<p>Si certaines réactions expriment un clair rejet du comportement observé à Dijon, si beaucoup ont appelé à <a href="https://www.leparisien.fr/faits-divers/violences-a-dijon-la-communaute-tchetchene-appelle-au-calme-et-a-l-apaisement-16-06-2020-8336655.php">l’apaisement</a>, de nombreux Tchétchènes vivant en diaspora disent <em>a minima</em> comprendre, ou tentent de relativiser, préférant mettre en avant la nécessité de se faire justice face à la défaillance de l’État-hôte devant le trafic de drogue.</p>
<p>Cette position est appuyée par Ramzan Kadyrov lui-même, qui a adressé à ses « compatriotes » un <em>satisfecit</em> opportun(iste), affirmant que « le comportement des Tchétchènes à Dijon a été correct ». À demi-mot, la réaction d’un leader historique du mouvement indépendantiste, premier ministre du gouvernement itchkérien en exil <a href="https://youtu.be/9uXdRoL_uI0">Ahmed Zakaev</a>, vient apporter une note légèrement dissonante. En désapprouvant les violences de Dijon et en comparant leurs auteurs aux <a href="https://difusion.ulb.ac.be/vufind/Record/ULB-DIPOT:oai:dipot.ulb.ac.be:2013/47185/Holdings"><em>spoilers</em> de l’entre-deux-guerres</a> – ces anciens combattants victorieux de la première guerre qui, porteurs d’un habitus guerrier, ont fait régner leur loi au mépris de l’ordre légal –, en appelant la diaspora tchétchène à occuper en Europe une place « digne » et loyale envers les pays d’accueil, il rappelle, en creux, l’effacement du projet national tchétchène de la fin du XX<sup>e</sup> siècle et la crainte qu’éprouve la première génération de voir jouer à vide un supposé code de l’honneur devenu inopérant et injustifiable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/141838/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les récents événements de Dijon ont braqué le projecteur sur les quelques dizaines de milliers de Tchétchènes résidant en France. Une diaspora traversée par diverses lignes de fracture.Anne Le Huérou, Maitresse de conférences en études russes et post-soviétiques, Institut des Sciences sociales du Politique (ISP), Chercheure associée au CERCEC (EHESS/CNRS), Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresAude Merlin, Chargée de cours en science politique à l'Université libre de Bruxelles, spécialiste de la Russie et du Caucase, membre du Cevipol, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1402982020-06-09T18:02:37Z2020-06-09T18:02:37ZTintamarre et Bulalakaw : parer au Covid par le rituel<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/341592/original/file-20200613-153827-ra8393.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sur l'ile de Luzon, aux Philippines, les peuples locaux, comme les Kalinga, ont inventé des rituels pour lutter contre l'épidémie. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/10783495@N00/28033022279">Andy Maluche</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p>L’africaniste Luc de Heusch, l’un des plus grands anthropologues belges du XX<sup>e</sup> siècle, définissait les rites comme « un projet d’ordre pour défendre ou restaurer l’être dégradé, accroître son potentiel vital ou, inversement, détruire l’être-de-l’autre ».</p>
<p>Il <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Bibliotheque-des-Sciences-humaines/Pourquoi-l-epouser-et-autres-essais">proposait</a> de distinguer trois types d’action : des rites cycliques de l’ordre de la structure (les fêtes de Noël, par exemple) ; des rites de passage ou transitifs liés à un temps irréversible (comme l’initiation des jeunes ou les anniversaires) ; et des rites occasionnels qui offrent une parade aux dérèglements historiques de l’ordre collectif et cyclique.</p>
<p>Avec la crise du Covid-19, ces derniers ont le vent en poupe. Ils s’observent dans plusieurs régions de la planète.</p>
<h2>La protection des esprits</h2>
<p>Aux Philippines, certaines populations autochtones ont réagi à la crise sanitaire en mettant en œuvre ce type de rites. À Mindanao, des communautés ont invoqué les esprits pour leur demander de les protéger contre l’épidémie. Pour plusieurs de ces communautés, comme les Bukinon, <a href="https://www.esquiremag.ph/long-reads/features/indigenous-peoples-mindanao-covid-19-a00202-20200401-lfrm">« les désastres se produisent du fait que les humains violent les lois de la nature »</a>. D’autres ont exprimé la nécessité de rétablir des relations harmonieuses avec les esprits de la Terre et le reste du vivant.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1247315817873711104"}"></div></p>
<p>Selon le <a href="https://www.mindanaodailynews.com/public/news/business/corporate/ip-rituals-invoke-protection-vs-covid-19"><em>Mindanao Daily</em></a>, de multiples rituels ont été orchestrés : le Panagpeng, qui consiste à demander protection contre les maladies et les calamités, et implique le sacrifice d’un poulet ; le Panalawahig, qui s’adresse directement à Bulalakaw, le gardien de l’eau susceptible de la purifier lorsqu’elle est souillée par les humains ; ou encore le Pamugsa, une pratique destinée à bloquer les catastrophes qui affectent les montagnes, les forêts ou les communautés.</p>
<p>Sur l’île de Luzon, les peuples de la cordillère centrale, comme les Kalinga, les Ifugao et les Isneg ont réagi de façon analogue, fermant les accès à leurs villages et mettant en œuvre des rites communautaires sous la houlette des aînés. Ces performances portent plusieurs noms selon les langues : tengaw/tengao chez les Kalinga, te-er, to-or, far-e, ubaya ou tungro ailleurs, la région comportant plus d’une quinzaine de groupes distincts.</p>
<p>La presse locale rapporte que des paquets d’herbe attachés légèrement par un nœud ont été placés sur les chemins afin d’interdire aux gens de franchir ces passages. Dans la région de Bontoc, d’autres ont pratiqué le sedey, un rituel qui consiste à invoquer l’aide de Lumawig, l’être suprême, pour protéger leur communauté. Dans bien des cas, ce sont les entrailles des poulets et des cochons qui <a href="https://news.mongabay.com/2020/04/in-a-philippine-indigenous-stronghold-traditions-keep-covid-19-at-bay/">indiquent que la requête a été entendue</a>.</p>
<h2>Fermer les portes</h2>
<p>En Indonésie, plusieurs populations autochtones ont adopté des comportements similaires. Dans le Nusa Tengarra (les Petites îles de la Sonde), les leaders des groupes Kengge, Seso et Rongga se sont réunis sur la plage de Mbolata, à l’est de Manggarai, pour pratiquer des rituels de type podo destinés à chasser la maladie. Un coq noir et un œuf ont été offerts en sacrifice et le rituel du Pele Le Tadu Lau ou Pele Le Galu Lalu, qui signifie littéralement « fermer les accès », a été effectué.</p>
<p>Un journaliste local <a href="https://www.thejakartapost.com/news/2020/03/31/indonesias-indigenous-tribes-use-rituals-customs-to-ward-off-coronavirus.html">cite</a> les explications d’un des chefs du groupe :</p>
<blockquote>
<p>« Nous demandons à nos ancêtres de fermer les portes afin de prévenir l’arrivée du virus parmi nous. »</p>
</blockquote>
<p>Dans la province du parc national Bukit Duabelas (TNBD), des ethnies ont mis en place un système comparable à la distanciation sociale connu sous le nom du besasandingon, lequel implique des actes d’isolement pour les malades et de l’aide supplémentaire de la part des plus vaillants.</p>
<p>D’autres rites occasionnels auraient été observés en Thaïlande chez les Karen, ou encore en Malaisie chez des Orang-Asli qui, eux, auraient décidé de s’isoler en forêt.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1247509195835854852"}"></div></p>
<p>La logique des rites occasionnels est bien connue en anthropologie, et Luc de Heusch et Victor Turner, qui en ont étudié plusieurs chez les Tetela du Kasaï et les Ndembu d’Afrique du Sud respectivement, rappellent comment ces pratiques sont destinées à parer l’imprévisible, à faire face à l’irruption d’une maladie ou d’une menace inédite, comme la guerre.</p>
<h2>Et en Europe ?</h2>
<p>D’aucuns trouveront ces réactions locales peu efficaces et pour le moins singulières pour faire face à la catastrophe. C’est oublier que la gestion de la crise sanitaire du Covid-19 en Europe peut elle aussi se lire comme un vaste rite occasionnel dont les séquences se télescopent.</p>
<p>Certes, la crise a fait naître le besoin d’inventer de nouveaux rituels, sur le plan des pratiques funéraires, par exemple, mais son orchestration globale s’inscrit dans une structure ternaire, jadis bien documentée par <a href="http://classiques.uqac.ca/classiques/gennep_arnold_van/rites_de_passage/rites_de_passage.html">Van Gennep</a> et reprise par <a href="https://www.persee.fr/doc/assr_0335-5985_1980_num_50_2_2215_t1_0347_0000_5">Turner</a>. S’y repère, d’abord, une phase de <em>séparation</em> qu’a opérée le confinement décrété par de nombreux États, les conduisant à fermer les frontières et à s’isoler du reste du monde. La période du déconfinement est assurément celle de la <em>transition</em>, une phase de l’entre-deux dite liminaire, avec son inconfort et ses dangers. Et cette période en précède une d’<em>agrégation</em> qui s’ouvre avec la réouverture des cafés, des restaurants et des hôtels.</p>
<p>Pour voir la mise en œuvre d’un rite occasionnel en Europe, il faut remonter au début de la crise, lorsque le confinement total est prononcé. Cette décision de privilégier « la vie » à l’économie, d’arrêter le flux habituel pour le salut des humains, et en particulier les plus fragiles que sont les plus âgés, ouvre le rituel.</p>
<h2>Les épidémiologistes en maîtres cérémoniels</h2>
<p>Par le biais de leurs gouvernements, les États européens ont alors explicitement pris la responsabilité de gérer une catastrophe annoncée, quitte à « déclarer la guerre au virus », comme <a href="https://theconversation.com/sommes-nous-vraiment-en-guerre-contre-un-virus-133981">cela s’est vu en France</a>, lui reconnaissant du coup une capacité d’agir, une agentivité propre. Les ingrédients classiques de nombreux rites se lisent ensuite de façon évidente, à commencer par les masques et les vêtements <em>ad hoc</em> pour s’isoler des agents pathogènes.</p>
<p>Le rituel a aussi révélé ses « devins », plus ou moins visibles : les membres des « conseils scientifiques » et autres épidémiologistes largement mis en scène par les médias. Bien que souvent construits sur des chiffres incomplets voire erronés, leurs calculs, leurs projections et leurs équations sont <a href="https://theconversation.com/debat-le-savant-et-le-politique-en-2020-un-attelage-de-fortune-137529">à la base des décisions prises par les politiques</a>.</p>
<p>Le mal, lui, est resté invisible, méconnu. Dans le doute, même les plus sceptiques ont emboîté le pas. Car ce sont bien ces épidémiologistes les chefs d’orchestre, les « grands sorciers », les maîtres cérémoniels en charge du déroulement des opérations. Le contraste entre d’une part la précision de leurs courbes et de leurs modèles rigoureux, leur assurance et leur foi dans les prévisions à venir, qui les incite à dicter ici et là les injonctions de circonstance, et d’autre part le flou d’une maladie insaisissable, dont on découvre encore chaque jour des caractéristiques nouvelles, est flagrant.</p>
<p>Les victimes sacrificielles, elles, n’ont pas manqué à l’appel solennel : des professions dites « à risque » et socialement défavorisées mais sommées de travailler au cœur de la crise (avec ou sans protection), des personnes âgées abandonnées à leur sort dans leurs maisons de repos, des secteurs entiers de l’économie et des investissements détruits instantanément, des pertes financières colossales, des années d’endettement et de vaches maigres pour les générations futures, etc.</p>
<h2>Les sirènes et le tintamarre de 20 heures</h2>
<p>Et tout comme les rites renvoient à un ordre des choses et à un ordre du monde, le traitement du Covid-19 s’est imposé à la fois individuellement et collectivement par le décret de strictes règles à suivre qui, à bien des égards, évoquent les tabous : distanciation sociale, limite des 100 kilomètres pour tout déplacement, etc.</p>
<p>Gare à ceux et celles qui voudraient y déroger ! Ils prennent alors des risques personnels et mettent en danger l’ensemble du groupe ainsi que toute l’opération « médico-religieuse » en cours, pour reprendre encore les termes de De Heusch.</p>
<p>Excepté quelques fondamentalistes, les religions se sont tues, s’inclinant à leur tour face à la décision des devins. Et sur le plan sonore, entre les sirènes et le <a href="https://theconversation.com/ce-que-les-manifestations-publiques-revelent-de-notre-rapport-au-monde-en-confinement-135090">tintamarre quotidien de 20 heures</a>, l’orchestre a joué sans cesse, jusqu’au déconfinement.</p>
<p>Ce sont encore les États qui ont décrété le moment du déconfinement venu. Pour cela, ils n’ont pas hésité à nier la courbe en cloche du virus, une forme récurrente et pourtant largement mystérieuse, selon l’avis des spécialistes des maladies infectieuses. Les gouvernements et leurs maîtres cérémoniels ont préféré, au contraire, y voir les effets manifestes des mesures de confinement et de distanciation sociale prises quelques semaines plus tôt, encaissant ainsi le crédit de ce « succès » et faisant valoir l’efficacité de leurs dispositifs. Qu’importe que les masques et les tests aient manqué ou qu’on ignore les mécanismes de l’immunité collective. La courbe du virus, dit-on, a été infléchie par la prophylaxie. D’ailleurs, si des signes inquiétants d’une reprise de l’épidémie apparaissaient, les mesures de confinement s’imposeraient de nouveau.</p>
<h2>L’incapacité à anticiper</h2>
<p>De Heusch, à propos des Lunda, souligne que la maladie est à la fois signe et épiphanie, qu’elle contient la promesse d’une vie meilleure. Comment ne pas relier à cet espoir les discours des uns et des autres qui fleurissent aujourd’hui, tout un chacun appelant à un monde meilleur, caressant le rêve d’une vie plus équilibrée et plus respectueuse de la nature ?</p>
<p>Avec ces rites occasionnels, les peuples de l’Asie du Sud-Est et les Occidentaux aboutissent à des conclusions qui ne sont pas si éloignées les unes des autres, en dépit des chemins différents qu’elles empruntent. La catastrophe du Covid-19 est lue par tous comme le signe tangible d’un dérèglement des relations entre les humains et leur environnement.</p>
<p>Ici, le salut ne dépend cependant plus des divinités ou des esprits maîtres. Il a été confié aux experts et à la technique. Et pourtant, ce virus rappelle la place que nous, humains, occupons au sein – et non au-dessus – du vivant ; en somme, notre profonde vulnérabilité et notre incapacité à anticiper.</p>
<hr>
<p><em>Ce texte est publié simultanément dans la collection <a href="https://www.pug.fr/store/page/278/le-virus-de-la-recherche">« Le virus de la recherche »</a>, une initiative de l’éditeur PUG en partenariat avec The Conversation et l’Université Grenoble Alpes.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/140298/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Laugrand receives funding from FNRS (Belgium) for a research project entitled L’animal au cœur des pratiques divinatoires dans les régions circumpolaires et en Austronésie.</span></em></p>En Europe comme en Asie du Sud-Est, les sociétés humaines ont réagi à la pandémie de Covid-19 en effectuant de nombreux rituels dont une analyse anthropologique permet de mieux comprendre la fonction.Frédéric Laugrand, Anthropologue, directeur du Laboratoire d'anthopologie prospective, Université catholique de Louvain (UCLouvain)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1394422020-05-29T00:09:43Z2020-05-29T00:09:43ZSardines à l’huile, fondue lyophilisée… ces rituels culinaires qui donnent le goût de l’aventure<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/337906/original/file-20200527-20245-11ljqcj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">« La table à la montagne » dans une cascade de glace.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.facebook.com/latablealamontagne/">Thibault Cattelain</a></span></figcaption></figure><p>Les beaux jours sont là. Poussés par l’appel de la nature, vous préparez votre prochaine microaventure, <a href="https://alastairhumphreys.com/microadventures-3/">cette aventure « courte, proche de chez soi et qui s’insère dans le quotidien »</a>.</p>
<p>Vous avez vérifié vos chaussures de randonnée ou votre vélo. Vous avez repéré l’itinéraire et contacté vos compagnons. Vous prenez votre sac à dos, votre duvet… Mais qu’emportez-vous à manger ? Sardines à l’huile, nourriture lyophilisée, fromage local, grand vin pour un repas de roi ?</p>
<p>Cette question est tout sauf anodine car le repas contribue à forger des souvenirs. Chargé de symboles, il constitue un rituel dont la saveur se décuple en pleine nature. Au menu : lieux et temporalité, aliments, arts de la table, modes de préparation, choix des invités… et un ingrédient magique. À table !</p>
<h2>Réenchanter un été pas comme les autres</h2>
<p>Au regard des restrictions actuelles en matière de voyage, le tourisme en 2020 devrait faire la part belle au <em>staycation</em>, ce mode de vacances où l’on reste à proximité de chez soi. L’occasion de redécouvrir sa région, mais comment remettre du merveilleux dans un territoire qui nous semble si familier ? Par exemple en décalant le regard et en créant de nouveaux rites. C’est ce que propose la <a href="https://theconversation.com/la-microaventure-le-voyage-en-bas-de-chez-soi-125327">microaventure</a>.</p>
<p>Par rite, on entend une pratique sociale de caractère sacré ou symbolique, qui <a href="https://journals.openedition.org/communication/4981">rend le moment esthétique, le scénarise et marque la mémoire</a>. Il est composé de rituels, c’est-à-dire de pratiques prescrites ou interdites, liées à des croyances magiques ou religieuses, à des cérémonies et à des fêtes, selon les dichotomies <a href="https://www.cairn.info/les-conduites-rituelles--9782130419709.htm">du sacré et du profane, du pur et de l’impur</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/337913/original/file-20200527-20223-1xmng0a.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/337913/original/file-20200527-20223-1xmng0a.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/337913/original/file-20200527-20223-1xmng0a.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/337913/original/file-20200527-20223-1xmng0a.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/337913/original/file-20200527-20223-1xmng0a.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/337913/original/file-20200527-20223-1xmng0a.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/337913/original/file-20200527-20223-1xmng0a.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le rituel du feu en randonnée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">David Lebrun</span></span>
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</figure>
<p>Dans le contexte de la microaventure, les adeptes se retrouvent et se reconnaissent autour de pratiques susceptibles de devenir des rituels dès lors qu’elles se chargent de symboles. La microaventure requiert ainsi un engagement du corps, elle nécessite au moins que l’on sorte de sa zone de confort, par exemple en dormant à la belle étoile. Elle renvoie également à la façon de se nourrir durant l’expérience, or l’alimentation se pense traditionnellement <a href="https://www.jstor.org/stable/40690486?seq=1">à travers des rites</a>.</p>
<p>Nous avons interrogé 10 personnes (5 hommes et 5 femmes) de 35 à 49 ans, vivant dans des Alpes ou à proximité (Savoie, Isère, Hautes-Alpes, Rhône). Cadres moyens, ils vivent pour la majorité en ville, en appartement, et s’échappent régulièrement pour des microaventures en pleine nature, généralement en couple ou entre amis. Nous leur avons demandé de choisir leurs photos favorites de repas et de nous en raconter l’histoire. L’analyse révèle cinq éléments-clés structurant le rituel culinaire de la microaventure.</p>
<h2>Lieux et temporalité : un cadre magique</h2>
<p>Une constante dans les réponses données est celle de la beauté du lieu : un cadre « magique », parfois un point de vue « exceptionnel » voire même un lieu « secret » et donc rare qui donnent à cette expérience certaines caractéristiques propres au luxe.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/337914/original/file-20200527-20223-rmqllm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/337914/original/file-20200527-20223-rmqllm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/337914/original/file-20200527-20223-rmqllm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/337914/original/file-20200527-20223-rmqllm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/337914/original/file-20200527-20223-rmqllm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/337914/original/file-20200527-20223-rmqllm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/337914/original/file-20200527-20223-rmqllm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Premières neiges.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fabien Cartier-Moulin</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le cadre est toujours associé au repas, ce qui suggère une reconstruction de l’expérience culinaire par nos microaventuriers : <a href="https://www.eyrolles.com/Entreprise/Livre/le-marketing-relationnel-9782130542704/">l’assiette seule ne suffit pas</a>, elle doit s’enrichir d’un environnement adéquat pour lui permettre de magnifier le moment et de s’inscrire durablement dans les mémoires, comme lors d’une expérience gastronomique.</p>
<blockquote>
<p>« Ce qui prévaut c’est de se trouver un beau spot, avec une jolie vue. Pour magnifier le repas. Pour que ce soit impressionnant. » (Fabien)</p>
<p>« On est monté dans un endroit tenu secret. De là où on était, on avait une super vue sur les glaciers et les montagnes. » (Yoann)</p>
</blockquote>
<p>L’ergonomie du lieu est minutieusement étudiée avant de s’installer. Une forme de confort est recherchée afin de prendre le temps et profiter de l’instant :</p>
<blockquote>
<p>« On choisit en fonction du vent. Si c’est humide ou pas. En fonction de l’inclinaison pour être bien posée tranquille. » (Marianne)</p>
<p>« Tu trouves des pierres tapées par le soleil pour être bien. » (Fabien)</p>
</blockquote>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/337915/original/file-20200527-20237-2lo1sh.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/337915/original/file-20200527-20237-2lo1sh.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/337915/original/file-20200527-20237-2lo1sh.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/337915/original/file-20200527-20237-2lo1sh.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/337915/original/file-20200527-20237-2lo1sh.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/337915/original/file-20200527-20237-2lo1sh.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/337915/original/file-20200527-20237-2lo1sh.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Tea time.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marianne brun</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De même, le moment du repas n’est pas laissé au hasard. Il n’est pas fixé par un horaire mais par les éléments naturels. « Tu manges toujours au sommet. Ou à la redescente. Mais pas à la montée sinon tu n’as plus le jus. Quand il fait beau, selon le programme, tu peux même enchaîner avec une sieste derrière. » (Fabien)</p>
<p>Une fois la contrainte technique ou physique prise en compte, le choix est souvent lié au soleil qui dicte d’autres temporalités.</p>
<h2>Des aliments chargés de sens</h2>
<p>L’aliment est perçu comme récompense : pour de nombreux adeptes, il est synonyme d’effort accompli. Chacun a alors un aliment qui lui est propre, qu’il met souvent en scène sur les photos : bières pour certains, carottes pour d’autres !</p>
<blockquote>
<p>« Parfois en montagne, nous sommes dans un environnement où on ne fume pas. Un copain a proposé de remplacer la clope par une carotte. Tu la mets dans ton sac et quand tu arrives en haut tu as envie de la croquer. C’est la carotte du sommet ! » (France)</p>
</blockquote>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/337916/original/file-20200527-20241-yise7n.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/337916/original/file-20200527-20241-yise7n.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/337916/original/file-20200527-20241-yise7n.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/337916/original/file-20200527-20241-yise7n.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/337916/original/file-20200527-20241-yise7n.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/337916/original/file-20200527-20241-yise7n.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/337916/original/file-20200527-20241-yise7n.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La bière au sommet.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marianne Brun</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une distinction s’opère ensuite entre le cuit et le cru. Les aliments crus ou pouvant être ingérés dans l’instant sont réservés aux repas et encas de la journée alors que le cuit, nécessitant une phase de préparation, est souvent réservé au soir.</p>
<p>La nourriture lyophilisée est évoquée par les nouveaux initiés. Elle semble faire partie de leurs représentations mentales liées à la microaventure.</p>
<blockquote>
<p>« Manger lyophilisé, c’était ma première fois. Et ça m’a plu. C’était rigolo, sympa et adapté à l’aventure. » (Delphine)</p>
</blockquote>
<p>Certains se réapproprient cet aliment industriel en y ajoutant un ingrédient.</p>
<blockquote>
<p>« On a emmené de la fondue lyophilisée. Ce n’est pas si mal mais on y a rajouté des morilles séchées pour améliorer cela. » (Hélène)</p>
</blockquote>
<p>Pour les microaventuriers confirmés, les plats consommés sont généreux, revigorants (raclette, fondue, riz) et surtout partagés : un plat où chacun a mis la main à la pâte. Au centre, le feu sert à la cuisson mais fait aussi office de lieu de rassemblement, de partages et d’échanges. Enfin, le breuvage est une autre constante : si la bière, bue individuellement, est associée à la récompense, le vin est destiné à être partagé pour sublimer la magie de l’instant.</p>
<p>L’alimentation sert aussi à s’approprier le lieu. La boisson ou l’aliment est un facteur de lien avec l’histoire de l’endroit et ceux qui ont tracé la voie.</p>
<blockquote>
<p>« Il y a du fromage et du saucisson, de la bière ou du rouge. Comme les anciens faisaient en montagne. » (Clément)</p>
</blockquote>
<p>Une place centrale est faite aux produits locaux qui participent à une appropriation symbolique du lieu <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Cru_et_le_Cuit">par leur ingestion</a>. Cela va même jusqu’à boire l’eau des rivières (pour Marianne) ou n’utiliser que le bois du lieu pour faire cuire des aliments (pour Clément).</p>
<h2>Les arts de la table en pleine nature</h2>
<p>Mettre une bouteille de vin dans son sac à dos nécessite d’anticiper le transport et la dégustation. Certains le transvasent dans un contenant en plastique mais l’expérience s’avère décevante.</p>
<blockquote>
<p>« J’avais mis du vin dans deux petites bouteilles en plastique pour le soir. Il aurait dû être pas mal mais une fois arrivé là-haut, bu dans la bouteille plastique, il n’avait pas le même goût. Je ne l’ai même pas fini. » (Delphine)</p>
</blockquote>
<p>D’autres conservent la bouteille et emportent même un verre à pied. Quitte à s’encombrer, transformons le transport en défi !</p>
<blockquote>
<p>« J’ai un verre à vin grand, gros, fragile. C’est un challenge de l’emmener ! Ça a un côté rigolo. Et ça valorise le breuvage. » (Yann)</p>
</blockquote>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/337917/original/file-20200527-20250-1sql92p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/337917/original/file-20200527-20250-1sql92p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/337917/original/file-20200527-20250-1sql92p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/337917/original/file-20200527-20250-1sql92p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/337917/original/file-20200527-20250-1sql92p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/337917/original/file-20200527-20250-1sql92p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/337917/original/file-20200527-20250-1sql92p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">À chaque couteau son aventure.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fabien Cartier-Moulin</span></span>
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<p>Le couteau fétiche, l’Opinel, tient quant à lui une place à part. Il est évoqué comme élément déterminant, moins dans son usage que pour ce qu’il évoque pour ses propriétaires. Souvent reçu en cadeau, il rappelle non seulement la personne qui l’a offert mais également « l’esprit du lieu ».</p>
<p>À l’image des produits locaux, l’Opinel par sa filiation avec un terroir devient un élément d’incorporation symbolique du lieu pour son propriétaire. « Je suis en Savoie donc j’emmène un Opinel ! » nous explique Clément. Certains, comme Fabien, en ont même plusieurs, en fonction des aventures à vivre. Ils sont alors exposés tels des trophées.</p>
<h2>Les modes de préparation et les ustensiles</h2>
<p>Nous avons évoqué la place importante du feu dans le rituel culinaire de la microaventure. Certains parlent même de cérémonial, à l’image de la cérémonie du thé. Les interviews réalisées ont révélé l’utilisation d’ustensiles de préparation encombrants voire surprenants mais partie intégrante du rituel culinaire : plat à paëlla qui permettra le partage du repas du soir (David), marmite (Clément) ou encore… tronçonneuse (Yoann) !</p>
<blockquote>
<p>« On a fait une bûche finlandaise. On creuse à l’intérieur d’une bûche à la tronçonneuse. On a pris des pommes de pin, des morceaux de sapin et épicéa pour allumer le feu. On a trouvé une ardoise pour mettre sur la bûche. Le temps de tout mettre en place, cela nous a pris une heure. » (Yoann)</p>
</blockquote>
<figure class="align-right zoomable">
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<span class="caption">Les chamallows grillés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">David Lebrun</span></span>
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</figure>
<p>La commensalité désigne l’art de partager son repas. Le plaisir gustatif <a href="https://www.researchgate.net/publication/281158670_L%E2%80%99esthesique_et_l%E2%80%99esthetique_La_figuration_de_la_saveur_comme_artification_du_culinaire">grandit dans le partage</a>. Le feu apparaît comme un de ces éléments : cercle autour duquel on se rassemble, pour se réchauffer, pour échanger tout en cuisinant ensemble. C’est aussi une sorte de « retour aux sources », fait le soir et le matin au lever du soleil.</p>
<blockquote>
<p>« Le feu prend une grande place là-dedans. Cela a un côté rassurant. C’est aussi la chaleur. Et le fait de cuisiner sur le feu, cela lui donne une autre fonction, une autre dimension. » (David)</p>
<p>« Cette commensalité s’obtient chez certains lorsque l’on « apporte un truc (à manger) qui a de l’affect. » (Fabien)</p>
</blockquote>
<p>À la manière d’un hôte qui reçoit, chacun doit apporter un cadeau pour rentrer dans le cercle des autorisés à vivre pareil moment. On est là dans le don cérémoniel qu’ont développé des chercheurs à la suite de Mauss (1923) sur les marqueurs anthropologiques de l’échange.</p>
<p>Parfois même, le cadeau doit avoir été fait par la personne elle-même.</p>
<blockquote>
<p>« Je dis aux copains : tu prends ce qui te fait plaisir et tu partages. Un truc qu’ils ont fait eux. Moi je fais des conserves. Des tomates séchées. » (Fabien)</p>
<p>« J’emmène du génépi, que j’ai fait moi-même en allant cueillir les fleurs près du Grand Paradis l’été précédent. » (Hélène)</p>
</blockquote>
<figure class="align-right ">
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<span class="caption">Raclette sauvage sur bûche finlandaise.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Yoann Genier</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La commensalité de la microaventure s’exprime par des éléments de partage mais ne s’immortalise pas sur pellicule : presque aucune des photos données par nos répondants ne met en scène les participants.</p>
<p>L’expérience sensorielle suffit à satisfaire nos répondants dans la construction de souvenirs mémorables. D’autant plus que d’autres éléments favorisant la mise en scène du rituel culinaire sont parfois mobilisés pour ajouter une touche de magie à l’expérience.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/337921/original/file-20200527-20260-yvjn5l.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/337921/original/file-20200527-20260-yvjn5l.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/337921/original/file-20200527-20260-yvjn5l.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/337921/original/file-20200527-20260-yvjn5l.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/337921/original/file-20200527-20260-yvjn5l.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/337921/original/file-20200527-20260-yvjn5l.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/337921/original/file-20200527-20260-yvjn5l.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/337921/original/file-20200527-20260-yvjn5l.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La guirlande magique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Hélène Michel</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Guirlande ou nappe blanche : la mise en scène du rituel</h2>
<p>En microaventure, l’individu dirige sa propre mise en scène et mobilise pour cela tous les éléments qu’il a à sa disposition : aliments, ustensiles, éléments naturels (le bois, le feu, l’eau des rivières). Mais il arrive qu’un adepte apporte un élément supplémentaire qui participera, via la surprise que son introduction suscite, à enrichir l’expérience.</p>
<blockquote>
<p>« Manger dehors, mais avec une guirlande. J’adore cette rupture. La surprise générée. Souvent j’apporte un aliment ou un accessoire surpris. Pour surprendre et faire plaisir. Et on se souvient ainsi encore plus fortement du moment. » (Hélène)</p>
<p>« Ce que j’adore faire en randonnée, et surtout avec les citadins, c’est juste avant de manger tu dis “oh… ça aurait été bien de prendre une bonne bouteille de rouge ! Puis au deux tiers du repas tu sors une bonne bouteille. Et tout le monde fait "Ahhhhh”. » (Fabien)</p>
</blockquote>
<p>Cet élément, un objet banal de la vie quotidienne, devient incongru dans le contexte de la microaventure : guirlande d’Hélène, grand verre à pied de Yann ou bouteille de vin surprise de Fabien. L’objet se révèle source de satisfaction et de ravissement.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/337922/original/file-20200527-20233-1ubctfq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/337922/original/file-20200527-20233-1ubctfq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/337922/original/file-20200527-20233-1ubctfq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/337922/original/file-20200527-20233-1ubctfq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/337922/original/file-20200527-20233-1ubctfq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/337922/original/file-20200527-20233-1ubctfq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/337922/original/file-20200527-20233-1ubctfq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">« La table à la montagne » à Saint Honoré.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nadia Probst</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans une démarche poétique, Nadia pousse la théâtralisation encore plus loin en emmenant <a href="https://www.facebook.com/latablealamontagne/">« la table à la montagne »</a>, avec nappe blanche et vaisselle pour recevoir son invité devant des mets locaux soigneusement cuisinés.</p>
<h2>Peut-on mettre la microaventure en boîte ?</h2>
<p>L’instauration de rituels culinaires magnifie l’expérience et donne une saveur nouvelle à la microaventure. Mais sommes-nous tous capables d’organiser une telle cérémonie quand il s’agit de détecter les produits typiques à emporter, porter sur son dos un wok ou une table en bois pliante, ou découper une « bûche finlandaise » ?</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/338018/original/file-20200527-20229-19mb4io.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/338018/original/file-20200527-20229-19mb4io.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/338018/original/file-20200527-20229-19mb4io.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/338018/original/file-20200527-20229-19mb4io.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/338018/original/file-20200527-20229-19mb4io.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/338018/original/file-20200527-20229-19mb4io.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/338018/original/file-20200527-20229-19mb4io.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Insidentes : chaise grandeur nature.</span>
<span class="attribution"><span class="source">David Lebrun</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Heureusement, la gamme de l’équipement outdoor s’élargit pour accompagner ce rituel en proposant des ustensiles permettant de cuisiner en pleine nature. Pour procéder aux rituels culinaires, des espaces sont scénarisés pour créer des lieux d’exception : ainsi David disposera sa chaise géante en bois en pleine nature tel un objet spectaculaire qui nous fait sentir encore plus petit devant un paysage. En ajoutant de l’incongru, en décalant les proportions, on accentue le côté dramaturgique du moment.</p>
<p>Mais ces pistes restent volontairement brouillées. Il ne s’agit pas ici de signaler les aires de pique-nique ou d’installer des barbecues. Une façon d’accompagner la microaventure pourrait être d’autoriser plus largement feux et bivouacs en responsabilisant ses adeptes. Car la magie du rite tient à son côté symbolique, libre et éphémère. Il n’est pas question de la formater pour la rendre totalement accessible. À l’idée de se rendre dans un lieu aménagé pour faire du feu, Clément rigole : « Je ne suis pas un Américain moi ! »</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/139442/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hélène Michel a reçu des financements de Chaire Territoires en Transition de Grenoble Ecole de Management.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marielle Salvador ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En bivouac, les repas font l’objet de nombreux rituels. Le cadre, les aliments, la décoration, la préparation, la mise en scène… Autant d’éléments qui contribuent à la magie du moment.Hélène Michel, Enseignant-Chercheur - Gamification & Innovation, Grenoble École de Management (GEM)Marielle Salvador, Enseignant chercheur, comportement du consommateur, marketing de l'alimentation, Institut Paul Bocuse Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1321332020-05-18T19:31:40Z2020-05-18T19:31:40ZQuand migration rime avec changements culinaires<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/330041/original/file-20200423-47799-38l6nz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C139%2C1024%2C671&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un magasin d'alimentation ghanéen sur la rue Wellington à Gorton, Manchester, Royaume-Uni.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.geograph.org.uk/photo/5694532">geograph.org.uk</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>La migration dans un nouveau pays modifie-t-elle les habitudes alimentaires ? C’est une question qui a été abordée par des chercheurs qui étudient le processus par lequel les migrants changent de régimes alimentaires dans leur pays d’accueil.</p>
<p>Une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1499404611005288">étude</a> réalisée en 2012 sur des Somaliens, des Algériens et des Égyptiens vivant en Norvège, permet de comprendre le lien qui existe** entre leurs comportements alimentaires et les mesures prises en santé publique. Une autre étude, réalisée il y a près de 20 ans, s’est penchée sur les habitudes alimentaires des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0002822302902476">migrants</a> aux États-Unis.</p>
<p>Nous <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/03014460.2017.1333148">avons demandé</a> aux Ghanéens vivant à Manchester, une grande ville du nord-ouest de l’Angleterre, quelles étaient leurs préférences alimentaires. Les Ghanéens constituent l’un des <a href="https://www.pewresearch.org/global/2018/03/22/at-least-a-million-sub-saharan-africans-moved-to-europe-since-2010/">plus grands groupes de migrants ouest-africains</a> en Europe. Nous avons constaté que la plupart des personnes interrogées ont déclaré conserver certaines pratiques alimentaires venant de leur pays. Mais, certains ont également incorporé ce qu’ils appellent des aliments « occidentalisés » à leurs régimes alimentaires.</p>
<h2>Une alimentation difficile à comprendre</h2>
<p>Les changements observés dans l’alimentation des migrants sont complexes, non linéaires et sont déterminés par plusieurs facteurs. Il n’y a pas de transition claire entre les pratiques alimentaires « traditionnelles » et « occidentalisées » après la migration. Notre étude suggère également que les Ghanéens sont un groupe « intégré », ce qui signifie qu’ils sont plutôt à même de maintenir leur culture dans le pays d’accueil, mais également, d’adopter certains <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1464-0597.1997.tb01087.x">aspects culturels de leur pays hôte</a>.</p>
<p>Pour la majorité des personnes interrogées, les habitudes alimentaires sont en grande partie les mêmes que celles pratiquées au Ghana. Comme le confie cette femme âgée d’une soixantaine d’années, appartenant à la première génération d’immigrés :</p>
<blockquote>
<p>« Je ne mange que des plats traditionnels, du riz, de l’<em>eto</em> » [de la farine d’igname écrasée avec de l’huile rouge, ndlr]. Mais cela dit, il m’arrive de manger des pommes de terre au four ! »</p>
</blockquote>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/313182/original/file-20200202-41481-1yz15e.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/313182/original/file-20200202-41481-1yz15e.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/313182/original/file-20200202-41481-1yz15e.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=870&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/313182/original/file-20200202-41481-1yz15e.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=870&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/313182/original/file-20200202-41481-1yz15e.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=870&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/313182/original/file-20200202-41481-1yz15e.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1093&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/313182/original/file-20200202-41481-1yz15e.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1093&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/313182/original/file-20200202-41481-1yz15e.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1093&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les plats ghanéens tels que le kenkey, le poivre et le poisson sont souvent épicés.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Beaucoup de personnes âgées ont déclaré que, comme les plats nécessitent de nombreuses heures de préparation, elles cuisinent les ragoûts et les soupes traditionnels en grande quantité – suffisamment pour durer des semaines, voire des mois – et les conservent dans leurs congélateurs.</p>
<h2>Le mode de vie influence les pratiques alimentaires</h2>
<p>Peu de personnes se sont passées totalement de la nourriture ghanéenne. Les personnes qui cuisinent le moins les plats ghanéens, sont celles qui ont émigré plus récemment, ceux qui ont émigré très jeunes, certaines personnes plus âgées qui vivent au Royaume-Uni depuis plus de 20 ans et les familles avec de jeunes enfants. La plupart ont tendance à consommer des plats typiquement « anglais » au petit-déjeuner et au déjeuner, alors que le repas du soir est souvent l’occasion de varier avec des plats ghanéens.</p>
<p>Seules quelques personnes mangent de façon variée tout type d’aliments propres au Royaume-Uni. C’est notamment le cas pour les migrants de la deuxième génération qui vont fréquemment au restaurant avec des amis et qui prennent leurs petits-déjeuners et déjeuners en chemin pour se rendre au travail ou dans les restaurants d’entreprises. Les repas ghanéens sont alors principalement dégustés lors d’événements au sein de la communauté.</p>
<p>Une personne de la deuxième génération me confie ses habitudes alimentaires, souvent liées à son mode de vie :</p>
<blockquote>
<p>« Je suis toujours à la recherche de quelque chose que je puisse préparer rapidement. Le soir, j’essaie de cuisiner deux fois par semaine. Je touche à peine aux ragoûts ghanéens. »</p>
</blockquote>
<h2>Entre plats traditionnels et goût, les avis sont partagés</h2>
<p>Les Ghanéens qui préfèrent préparer des plats traditionnels affirment qu’ils le font pour maintenir leur identité culturelle et faire vivre leurs traditions.</p>
<p>Beaucoup préfèrent également le goût des plats ghanéens à celui des plats britanniques car, selon la plupart des témoignages, les aliments britanniques sont fades et pas assez épicés. Une personne plus jeune, issue de la deuxième génération, m’explique ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Les aliments anglais sont pour la plupart bouillis. En fait, dans les plats anglais, ils retirent l’huile. Dans les plats traditionnels ghanéens, on ajoute de l’huile. »</p>
</blockquote>
<p>Mais, pour ce qui est de définir ce qui différencie la nourriture anglaise de la nourriture ghanéenne traditionnelle, les avis divergent. À titre d’exemple, la composition du petit-déjeuner occidental, qui est typiquement du thé avec du sucre, du lait et du pain, est un sujet de discorde car certains affirment qu’il s’agit en fait du petit-déjeuner ghanéen.</p>
<p>Cette confusion peut s’expliquer par l’influence coloniale de la Grande-Bretagne. La côte de l’Or située sur le golfe de Guinée, <a href="http://www.historyworld.net/wrldhis/plaintexthistories.asp?historyid=ad43">était une colonie britannique</a> de 1867 à 1957, date à laquelle elle a gagné son indépendance en tant que nation du Ghana. La population britannique toujours présente au Ghana, habite principalement le sud du pays. Les Ghanéens qui vivent dans la même région, ont pris certaines de leurs habitudes alimentaires, comme prendre <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.2752/175174409X456773">du lait, du thé et des céréales pour le petit-déjeuner</a>.</p>
<hr>
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<p><em>Créé en 2007 pour contribuer au développement et au partage des connaissances scientifiques sur les grands enjeux sociétaux, le Axa Research Fund a parrainé près de 650 projets dans le monde entier, menés par des chercheurs de 55 pays. Pour en savoir davantage, consultez son <a href="https://www.axa-research.org">site</a> ou abonnez-vous au compte Twitter dédié <a href="https://twitter.com/axaresearchfund?lang=fr">@AXAResearchFund</a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/132133/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hibbah Araba Osei-Kwasi est soutenue par la Fondation Axa pour la Recherche.</span></em></p>Une étude récente menée auprès de Ghanéens vivant à Manchester a permis de montrer que les régimes alimentaires sont influencés par le mode de vie, la génération et la perpétuation des traditions.Hibbah Araba Osei-Kwasi, Research Fellow (AXA post-doctoral researcher), University of SheffieldLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.