Menu Close
Chevaux en Camargue, dans le sud de la France. Une région à risque, pour le virus du Nil Occidental. Shutterstock

Virus du Nil occidental : avec l’été, peut-il revenir en France ?

L’an dernier, deux cas de fièvre du Nil occidental ont été déclarés dans le sud-est de la France, près de Nice. Cette maladie transmise par des moustiques frappe régulièrement dans les pays du pourtour méditerranéen et ceux d’Europe de l’Est, en été et à l’automne. Cette année, la surveillance est de mise avec l’arrivée des fortes chaleurs.

Le virus du Nil occidental est moins connu que les virus proches de la dengue, de Zika, ou encore d’Usutu, également transmis par des moustiques. Jusqu’ici, il n’a entraîné que rarement des formes sévère de la maladie chez l’homme en France, raison pour laquelle il est moins redouté. Les précautions pour s’en protéger sont cependant communes et consistent pour l’essentiel… à tenir les moustiques à distance.


Read more: Un second cas autochtone d’infection par le virus Usutu détecté en France : que faut-il savoir ?


Les conditions climatiques et environnementales laissent penser que le virus du Nil occidental ne va pas disparaître de si tôt. Aussi il est bon de connaître ses particularités, pour savoir comment réagir si un nouvel épisode de la maladie se présentait.

Un virus transmis par le moustique commun, du genre Culex

Un moustique du genre Culex. Sylvie Lecollinet, Author provided

La fièvre du Nil occidental est une maladie causée par le virus du même nom, ou West Nile pour les anglophones. La transmission de ce virus est assurée par des moustiques « communs », appartenant principalement au genre Culex. Les virus Zika et celui de la dengue, par contre, sont transmis en France par un moustique plus récemment implanté, le moustique tigre reconnaissable à ses rayures, Aedes albopictus.

La fièvre du Nil occidental est une maladie ancienne en France, déjà repérée en Camargue dans les années 1960. A l’époque, elle a été décrite à plusieurs reprises chez l’homme. Les scientifiques ont aussi observé des difficultés à se mouvoir chez des chevaux infectés par le virus, ce qui a valu le nom de « lourdige » à cette pathologie du cheval.

Les plus sensibles à cette pathologie sont les humains et les équidés, c’est à dire les chevaux, les ânes ou les poneys. Elle est transmise principalement par piqûre, par un moustique infecté après avoir piqué un oiseau lui-même infecté. Cependant, des cas de transmission d’humain à humain ont été décrits après une transfusion sanguine ou une greffe d’organes - parce que le sang transféré ou les organes transplantés étaient porteurs du virus.

Ce risque de transmission par le sang explique les précautions prises dans les pays de l’Union Européenne lors d’épisodes de fièvre du Nil occidental. Les donneurs de sang rentrant d’une région où un épisode est en cours sont refusés pendant les 28 jours suivant leur séjour. Une recherche du virus avec résultat négatif peut être imposée avant tout transfert de sang ou greffe d’organe.

Une maladie qui peut déclencher une « grippe estivale »

L’infection passe le plus souvent inaperçue. Elle peut aussi être responsable de ce qu’on appelle une « grippe estivale », par opposition à la grippe classique qui se déclare l’hiver. Celle-ci se caractérise par une fièvre, de la fatigue, des faiblesses musculaires. Elle se déclare lorsque les moustiques pullulent, à la fin de l’été et au début de l’automne - les mois d’août, septembre et octobre étant les plus à risque.

Dans de rares cas, la fièvre du Nil occidental peut évoluer vers une forme nerveuse, comme une encéphalite ou une méningite, associée par exemple à des difficultés à se mouvoir, une modification du comportement ou à des maux de tête. Cela concerne moins d’une infection sur cent chez l’humain - chez le cheval, la fréquence est dix fois plus importante.

La forme nerveuse de la maladie peut conduire à la mort du patient infecté - ou celle du cheval. Plusieurs facteurs sont décrits comme pouvant contribuer au développement de cette forme sévère, comme l’âge plus avancé (au-delà de 65 ans), l’existence d’une immunodépression ou de pathologies sous-jacentes comme une hypertension artérielle ou un diabète.

Eliminer l’eau stagnante dans les soucoupes sous les pots de fleurs

Que se passera-t-il si, en France, un épisode de fièvre Nil occidental se déclare cet été ou cet automne ? Des opérations de communication seront organisées à destination des médecins et des personnes résidant dans les zones à risque, pour les aider à mieux s’en protéger.

Plusieurs mesures pourront être préconisées pour éviter l’infection chez l’humain, comme chez le cheval. Parmi les plus efficaces, il y a l’élimination régulière, tous les 3 à 4 jours maximum, de l’eau stagnante dans les soucoupes sous les pots de fleur, dans les piscines non entretenues, dans les gouttières bouchées ou tout autre endroit creux à proximité des habitations ou des bâtiments d’élevage. Une telle inspection vise à empêcher le développement des larves de moustiques.

Autre mesure efficace, le port de vêtements longs est recommandé, tout particulièrement au lever et coucher du soleil, moments de la journée les plus favorables aux piqûres par les moustiques transmettant le virus. On peut aussi utiliser des produits répulsifs sur les vêtements.

Des opérations de démoustication pourront également être déployées par les autorités afin de détruire les larves de moustiques et d’empêcher le développement de nouveaux spécimens adultes. Ces opérations, par contre, auront une efficacité retardée dans le temps.

Un épisode récent en Camargue, près d’Arles

L’histoire de la fièvre du Nil occidental montre qu’elle a été identifiée en Afrique de l’Est dès 1937. Elle semblait, jusqu’en 2008, se limiter à un nombre restreint de pays d’Europe orientale (en particulier la Roumanie le long du delta du Danube, et la Hongrie), mais elle semble s’être désormais installée durablement en Europe du Sud. Elle est régulièrement décrite dans les pays du pourtour méditerranéen, depuis le Portugal jusqu’à la Grèce.

Carte des zones avec des cas répertoriés de fièvre du Nil occidental en Europe. Source : Organisation Mondiale de la Santé Animale et publications scientifiques. Sylvie Lecollinet, CC BY

En France, deux épisodes récents ont été détectés. Le premier en 2015, en Camargue, autour de la ville d’Arles, dans les départements du Gard et des Bouches-du-Rhône. Le second en 2017, dans les Alpes Maritimes, près de Nice. Ces deux épisodes n’ont été responsables que de formes grippales chez un faible nombre de patients. Cependant, dans l’épisode camarguais, une quarantaine de formes nerveuses sont survenues chez les équidés de la région.

Par ailleurs, plusieurs épisodes sans conséquence ni pour l’humain ni pour le cheval, ont été identifiés aux Antilles, en Guadeloupe, cette dernière décennie.

Un virus qui circulerait « silencieusement » des oiseaux aux moustiques

En France métropolitaine, les épisodes de fièvre du Nil occidental antérieurs à celui de 2015 remontent aux années 2000 à 2006. On a donc observé une période de presque 10 ans sans cas identifié. Cependant, les données accumulées par les chercheurs sur cette maladie en France semblent indiquer que le virus pourrait circuler « silencieusement », c’est à dire sans être repéré. Il pourrait en effet se transmettre entre des oiseaux sauvages et des moustiques dans les régions du pourtour méditerranéen à risque, en particulier en Camargue.

Heureusement, ni l’humain ni le cheval infecté ne peuvent transmettre le virus à des moustiques qui les piqueraient à nouveau. L’humain, comme le cheval, constitue ce qu’on appelle une « impasse » pour le virus (en dehors des dons du sang ou des greffes d’organe évoqués plus haut). Il s’agit d’une situation très différente de celles de la dengue et de Zika, pour lesquelles il est crucial d’identifier rapidement les patients infectés afin d’éviter de nouvelles chaînes de transmission entre humains.

On peut s’attendre à une augmentation des cas de fièvre du Nil occidental en France à l’avenir, comme pour d’autres pathologies transmises par les moustiques, par exemple le Chikungunya, la dengue, Zika ou Usutu. L’émergence de ces maladies tient à la combinaison de facteurs climatiques et environnementaux, comme l’érosion de la biodiversité. Elle est liée aussi à l’intensification des échanges commerciaux et de la circulation des personnes, favorisant l’implantation de différentes espèces de moustiques dans de nouvelles régions du globe.

Les Culex, les moustiques transmettant la fièvre du Nil occidental, sont déjà répartis sur tout le territoire français. Il est donc important de maintenir une surveillance efficace et réactive de cette pathologie à la fois chez l’humain, les chevaux et le moustique. Cette mission de surveillance est assurée par des instituts d’origines très diverses comme Santé Publique France, les Agences Régionales de Santé, l’Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA), l’Entente Interdépartementale de démoustication-Méditeranée, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation de l’environnement et du travail (ANSES), le Réseau d’épidémio-surveillance en pathologie équine (RESPE), ou encore les Directions Départementales de la Protection des Populations. Sur le terrain, elle s’appuie sur la vigilance des praticiens dans les hôpitaux ainsi que des vétérinaires, qui sont souvent les premiers à donner l’alerte.

Want to write?

Write an article and join a growing community of more than 182,400 academics and researchers from 4,942 institutions.

Register now