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Vive le management diversifié !

La force du collectif: aux JO de Pékin, en 2008, le relais américain surprend les Français. Marco Paköeningrat/Flickr, CC BY-SA

Alors que le Royaume-Uni vient de voter le Brexit et que des mouvements populistes ne cessent de croître dans le monde, de nombreuses études en management du sport viennent remettre en cause les thématiques du protectionnisme et du renfermement sur soi.

Hétérogénéité culturelle et richesse économique

Avant eux, les sciences sociales ont toujours prouvé que le melting-pot, la diversité culturelle et les échanges étaient des facteurs significatifs à l’amélioration des conditions de vie et de la croissance économique. Les chercheurs de l’Université d’Havard – Alberto Alesina, Johann Harnoss et Hillel Rapoport – ont analysé les effets de la diversité ethnique dans les pays de l’OCDE, à travers les lieux de naissance des individus, et relevé un impact plus que positif sur le PIB. Dit autrement, plus un pays connaît une hétérogénéité culturelle, plus il présentera une richesse économique.

Le rapport est même causal et non corrélé – c’est parce que la diversité est importante qu’on tire le pays vers le haut – et non parce que le pays est riche qu’il accueille plus d’étrangers. Les auteurs de l’étude en viennent ensuite à remettre en cause les différentes politiques migratoires imposées aux États-Unis et au sein de l’Union européenne, basées sur le choix et la sélection des migrants.

A leur lecture, on se rend compte que la richesse et la productivité globale ne s’améliorent pas en prenant les meilleurs éléments mais en diversifiant l’approche. En management, l’hypothèse de départ considère qu’un groupe hétérogène fait croître les compétences de chacun car tout le monde se remettra en question en observant une nouveauté. La création, l’innovation, le perfectionnement et la relecture sont aussi soutenus par un effet d’asymétrie. Chacun veut se distinguer et fait croître, petit à petit, le processus.

La force du collectif

Les plus faibles apprendront toujours des meilleurs. Les sciences de l’éducation ont, depuis longtemps, prouvé que les classes les plus performantes sont celles présentant la plus grande diversité sociale et culturelle, contrairement aux classes très homogènes. L’idée est que les têtes de classe tirent vers le haut les moins bons et ces derniers, par pression sociale, vont chercher à progresser et rattraper leur retard. Une dynamique s’installe alors et booste les capacités de chacun. Dans le monde de l’entreprise ou à l’échelle d’un pays, c’est pareil : l’hétérogénéité et la différence sont les éléments essentiels du progrès humain.

Il s’agit ici de la «théorie gestaltiste» forgée par le psychologue allemand Wolfgang Köhler, qu'il résume ainsi : « La force collective est plus importante que la somme des forces de chaque participant. » Le chercheur a étudié les performances de rameurs lors de compétitions d’aviron. Son constat : les résultats, lors des épreuves collectives, sont supérieurs à ceux des épreuves individuelles. C’est l’une des clefs de la théorie gestaltiste : l’enthousiasme, l’effort et la persévérance sont décuplés par le collectif.

Le cas Lezak

Un cas célèbre en natation illustre ce phénomène. Lors des Jeux Olympiques de Pékin, en 2008, l’américain Jason Lezak a surpris tout le monde en réalisant une performance exceptionnelle lors de la finale du relai 4X100 mètres nage libre. Face à l’équipe de France favorite, menée par Alain Bernard, champion olympique au 100 mètres, les Américains remportent la médaille d’or sur une formidable remontée de Lezak lors du dernier relai. Le natif de Californie n’était pourtant pas le meilleur mais face à Bernard, malgré un retard sur les derniers 50 mètres, il a tout donné, utilisé des ressources physiques inexploités, offert la médaille d’or à l’équipe américaine et un record du monde.

Jason Lezak, meilleur temps de l'histoire sur 100 mètres… dans un relais. Valli Hilaire/flickr, CC BY-ND

Lezak a réalisé un temps canon, plus rapide que sur la distance en individuelle, avec 46.06 secondes, meilleure performance de l’histoire. Lors de la finale du 100 mètres nage libre, il n’avait fait que 47.67 secondes et Alain Bernard, vainqueur, 47.21 secondes. « Je suis un membre de l’équipe, aujourd’hui comme hier. Mon exploit est celui du groupe, je n’ai rien fait de plus. Nous ne sommes pas 4 nageurs participant à une course mais nous ne formons qu’un ».

Comment expliquer ce genre de performance ? Deux facteurs interviennent : un processus de mimétisme et de comparaison, où les individus s’améliorent lorsqu’ils collaborent avec des agents meilleurs qu’eux ; la honte sociale, l’individu ne veut pas être caractérisé comme étant le facteur « échec » au sein d’une équipe. Le faible travaille plus parce qu’il veut suivre la cadence, parce qu’il veut se faire accepter des autres membres du groupe. Dans tous les cas, la coopération permet d’améliorer les performances de tous, y compris des moins bons.

Le poids de la variable «diversité»

Les Américains Keith Ingersoll, Edmund Malesky et Sebastian Saiegh ont souhaité vérifier cette théorie dans le cadre du football : est-ce que la diversité soutient le niveau intrinsèque d’une équipe ? En analysant les résultats du big-five européen – les championnats d’Espagne, de France, d’Italie, d’Allemagne et d’Angleterre – entre 2003 et 2012, et en chiffrant le degré de diversification à partir de la langue parlée des sportifs, ils ont constaté que les meilleurs clubs présentaient toujours « la plus grande distance linguistique, […] la plus grande diversité culturelle». Cet élément est d’ailleurs très significatif pour expliquer le goal-average moyen des équipes en ligue des Champions, la plus prestigieuse des compétitions européennes.

Des magnets du championnat allemand de football. Eli Carrico/flickr, CC BY-NC-SA

De la même manière, les économistes suisses Egon Franck et Stephan Nüesch ont observé les résultats sportifs de la Bundesliga, entre 2001 et 2007, afin de constater si oui ou non la variable « diversité » jouait un rôle dans l'évolution des performances. Leur résultat est très parlant : toutes choses égales par ailleurs, la productivité globale d’une équipe augmente de 1.8% au fur et à mesure que l’hétérogénéité du groupe, calculée à partir de l’écart-type de la valeur marchande moyenne, croît de 1%.

Globalement, c’est grâce à la diversification et à l’intégration que les performances sportives s’améliorent. On apprend toujours des autres, tant à travers les techniques d’entraînement que par la motivation et la comparaison. L’esprit d’équipe sera toujours plus fort que le renfermement sur soi et le communautarisme. Il faut donc arrêter de penser petit et s’ouvrir au reste du monde, s’ouvrir aux voisins et s’améliorer avec eux.

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