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Volkswagen : Das Auto ou Casse Auto?

Martin Winterkorn (ici en mars 2015 à Berlin), PDG de Volkswagen, a annoncé sa démission le 23 septembre. TOBIAS SCHWARZ / AFP

Depuis les révélations de fraude de Volkswagen sur les tests antipollution des véhicules diesel aux États-Unis, le groupe est en chute libre. Volkswagen a perdu près de 25 milliards de capitalisation boursière en deux jours, le cours a chuté de plus de 20 % et a conduit à la démission du président du directoire, Martin Winterkorn, le 23 septembre. Décryptage d’un scandale à haute échelle qui pourrait être fatal au groupe allemand et avoir des répercussions sur tout le secteur automobile.

En 2014, Volkswagen était au coude à coude avec Toyota avec plus de 10 millions de véhicules vendus dans le monde et avait réussi à dépasser GM. Dans le dernier rapport annuel du groupe, Martin Winterkorn était fier d’annoncer des performances financières pour 2014 prometteuses dans un environnement économique difficile : des ventes atteignant les 202, 5 milliards d’euros (+2,8 % par rapport à 2013) et surtout un résultat net à 10,1 milliards d’euros soit une hausse de 21 % par rapport à l’exercice précédent.

Compte tenu de ces très bonnes performances, il avait été décidé d’augmenter le dividende aux actionnaires de 4 euros par action à 4,80 euros par action. Et le Président du directoire déclarait dans sa lettre aux actionnaires : « Nous sommes pour la solidité (financière), la fiabilité et le succès à long terme, même dans des conditions moins favorables. » Il semblerait bien que ce beau discours soit parti en fumée. Le scandale de grande ampleur révélé le 18 septembre risque en effet d’anéantir le projet de Volkswagen de devenir le leader mondial à l’horizon 2018.

Un enchaînement rapide

Le 18 septembre, l’agence américaine de protection de l’environnement (EPA) annonce que Volkswagen a sciemment utilisé un logiciel permettant d’améliorer les résultats des tests aux normes antipollution. Le 21 septembre, le groupe allemand admet les faits et se dit « sincèrement navré ».

Une enquête externe est ouverte. Le 22 septembre, le constructeur indique que 11 millions de véhicules dans le monde disposent de ce logiciel et émet une alerte sur résultats. Le groupe indique dans un communiqué qu’il passera une provision de 6,5 milliards d’euros dans ses comptes du troisième trimestre 2015.

Un coup peut être fatal au « made in Germany »

Le groupe qui communique depuis des années sur « das auto » avec des slogans en allemand même en France était reconnu pour sa fiabilité, sécurité, qualité. Ce sont des années d’efforts, de recherche et de développement, de mises au point… qui sont ici anéanties. Volkswagen a reconnu avoir utilisé un logiciel permettant de contourner les tests antipollution sur 11 millions de véhicules aux États-Unis. En acceptant la responsabilité et la fraude aux États-Unis, le constructeur automobile a suscité la crainte dans d’autres pays. Ainsi, l’Allemagne, la Corée du Sud et l’Italie ont-elles également ouvert des enquêtes. En France, mardi 22 septembre, Ségolène Royal, la ministre du Développement durable a même demandé l’ouverture « d’une enquête approfondie ».

Plus grave, aux États-Unis, le ministère de la Justice a diligenté une enquête pénale à l’encontre des dirigeants. Les risques sont considérables, car les responsables de fausses déclarations et de fraudes aux contrôles du Clean Air Act sont passibles de prison.

Parallèlement, l’Agence de la protection de l’environnement (EPA) a également lancé une enquête et pourrait condamner le constructeur allemand à verser jusqu’à 18 milliards de dollars. Enfin, des milliers de propriétaires se seraient déjà ralliés et auraient déposé plainte et une « class action » serait également en cours aux États-Unis.

Une très mauvaise maîtrise des risques

Ce scandale est une illustration parfaite d’une pratique catastrophique de maîtrise des risques, ce que les Anglo-saxons appellent « risk management ». Soit le management n’était pas au courant et cela révèle des failles majeures (on ne peut plus parler de faiblesses ici) de contrôle interne. Soit le management a couvert les équipes américaines. Dans ce dernier cas, comment le management du groupe a-t-il pu envisager que le logiciel ne soit pas détecté par une autorité de contrôle ? Et donc équiper un si grand nombre de véhicules ?

Peut-être le management a-t-il jugé que la probabilité que le logiciel soit détecté était quasi inexistante, ce qu’on appelle une faible occurrence, mais n’a-t-il surtout pas sous-estimé la sévérité extrême de la chose ? Rappelons-le, 11 millions de véhicules auraient été équipés du dispositif sachant que Volkswagen a vendu 10 millions de véhicules en 2014, cela représente plus d’une année de ventes en volume !

Une défaillance de gouvernance

Au vu des conséquences engendrées par cette décision, il semble difficile de croire que le top management et donc également le directoire (dont Mr Winterkorn était président) n’ait pas été concerté et impliqué. Le modèle allemand de gouvernance souvent cité en référence, car à « deux-têtes » avec conseil de surveillance et directoire est ici mis à mal. Il semblerait que l’on ait affaire ici à une défaillance extrême en matière de gouvernance d’entreprise.

Non seulement ce scandale a des conséquences financières directes et immédiates colossales, mais il pourrait porter un coup fatal à la marque si les procès s’enchaînent et condamnent VW à verser des amendes voire des dommages et intérêts. Au-delà du groupe allemand, c’est aussi l’image du diésel qui risque d’être entachée. Enfin, cette affaire porte également atteinte aux autres constructeurs européens dont les cours de bourse ont chuté le 23 septembre en ouverture de séances. Du côté français, le titre Peugeot perdait 7,5 % à l’ouverture et clôturait à -2,56 % et Renault ouvrait à -5,4 % et clôturait à 2,33 %. En Allemagne BMW et Daimler étaient en baisse à l’ouverture, mais regagnaient du terrain et clôturaient respectivement à +0,59 % et +0,26 %.

Défaillances majeures du contrôle interne et du « risk management », gouvernance du groupe mise à mal, qui est le véritable responsable ? En tous cas les dommages collatéraux se multiplient, Mr Winterkorn qui avait réussi à évincer Ferdinand Puëch en avril 2015 vient de donner sa démission. La guerre des clans n’est donc pas terminée. Volkswagen qui digérait progressivement l’acquisition de Porsche et une bataille de longue haleine risque d’être fragilisé et les conséquences de ce scandale sont encore difficiles à prévoir à l’échelle européenne, voire mondiale.

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