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Pour aller sur Mars, il faudra imaginer une propulsion nouvelle. Nasa

Voyager vers Mars avec des fusées à plasma révolutionnaires

Près de 50 années après posé le pied sur la Lune, l’humanité s’est fixé désormais comme but d’envoyer les premiers humains sur Mars. Le voyage précédant l’alunissage avait duré trois jours, celui à destination de Mars va vraisemblablement prendre presque toute une année. La différence va bien au-delà du temps nécessaire. Nous aurons besoin de beaucoup plus d’équipements pour le voyage en lui-même et une fois arrivés sur la planète rouge, il faudra dresser un camp et y rester assez longtemps. Transporter tout ce matériel va requérir une technologie révolutionnaire pour la fusée.

La fusée Saturn V à l’échelle de la Statue de la liberté. Le vaisseau Apollo et la Lune ne sont pas à l’échelle. CC BY-ND

Saturn V a été la plus grosse fusée jamais construite. Elle a consommé une énorme quantité de fuel nécessaire aux réactions chimiques explosives pour propulser le vaisseau spatial Apollo en orbite. Après avoir atteint son orbite, Apollo a éjecté les réservoirs de carburant et a actionné ses propres fusées chimiques, qui ont utilisé encore plus de carburant qu’il n’avait fallu pour atteindre la Lune. On a dépensé plus de 3 millions de litres de combustibles divers juste pour envoyer quelques personnes pour un séjour d’une journée sur le corps céleste le plus proche.

Alors, comment pourrions-nous expédier une colonie de peuplement sur Mars, au moins cent fois plus loin que la Lune ? Le tandem Saturn-Apollo n’a pu délivrer sur la Lune qu’une masse [équivalente à un wagon de marchandises](https://en.wikipedia.org/wiki/Apollo_(spacecraft) ; il faudrait des dizaines de ces fusées juste pour construire une petite maison sur Mars. Malheureusement, il n’existe pas d’alternative pour le lancement « chimique » de la fusée, seules de puissantes explosions de cette nature peuvent fournir assez de force pour vaincre la gravité terrestre. Mais une fois dans l’espace, une nouvelle technologie peut prendre le relais : les fusées au plasma.

Gary Li parle de ses recherches lors du Grad Slam 2016 de l’université de Californie.

Les « véhicules électriques » de l’espace

Les fusées au plasma, c’est une nouvelle technologie qui transforme le carburant en une soupe chaude de particules chargées électriquement, connue sous le nom de plasma, et qui l’éjecte pour propulser un vaisseau spatial. L’utilisation de fusées au plasma au lieu des équivalents chimiques traditionnels revient à réduire de 90 % le volume de carburant utilisé dans l’espace. Cela signifie que nous pourrions augmenter par dix le volume d’une cargaison avec seulement la même masse de carburant. Les planificateurs de la NASA examinent d’ores et déjà l’utilisation de fusées de transport au plasma pour convoyer des cargaisons entre la Terre et Mars.

Propulseur à effet Hall de 6 kW. NASA JPL

Les fusées au plasma ont bien leur point négatif : une faible poussée de propulsion. La poussée, c’est ce qui mesure la force potentielle donnée par la fusée au vaisseau spatial. Le propulseur de fusée le plus puissant envoyé dans l’espace, appelé propulseur à effet Hall, pourrait seulement produire une poussée capable de soulever un morceau de papier s’il était soumis à la gravité terrestre. Croyez-le ou non, ce propulseur à effet Hall demanderait de nombreuses années de poussée continuelle pour atteindre Mars.

Mais, pas d’inquétudes, une poussée faible ne constitue pas un problème. Grâce à l’efficacité de leur carburant, véritablement révolutionnaire, les fusées au plasma ont permis à la NASA d’accomplir des missions impossibles avec leurs équivalents chimiques. Tout récemment, la mission Dawn a démontré le potentiel des fusées au plasma en devenant le premier vaisseau spatial en orbite autour de deux corps extraterrestres différents.

Si l’avenir des fusées au plasma s’annonce prometteur, la technologie n’a pas encore tout résolu. Par exemple, que va-t-il advenir d’un propulseur qui fonctionne pendant les nombreuses années indispensables pour effectuer des missions de cargaisons aller-retour vers Mars ? Selon toute probabilité, il va se casser.

C’est là que ma recherche intervient. Il faut que je trouve le moyen de fabriquer des fusées au plasma inaltérables.

Comprendre les fusées au plasma

Schéma d’une fusée à propulsion plasma. Très similaire au design d’un propulseur ionique. Author provided, CC BY-ND

Pour y arriver, nous devons comprendre le fonctionnement d’une fusée au plasma. Elle crée son plasma en injectant de l’énergie électrique dans un combustible gazeux, convertissant des électrons chargés négativement en ions chargés positivement. Les ions sont alors tirés à l’arrière de la fusée, poussant l’engin spatial en avant.

Malheureusement, toute cette énergie dans le plasma fait bien davantage que propulser des vaisseaux spatiaux : elle cherche à détruire tout matériau à son contact. Des forces électriques provenant des parois du propulseur, chargées négativement, font se cogner les ions contre elles à de très grandes vitesses. Ces collisions cassent les atomes de la paroi, la fragilisant lentement au fil du temps. Au bout du compte, il y a suffisamment d’ions percutant la paroi pour qu’elle s’effondre entièrement, le propulseur cesse de fonctionner et votre vaisseau spatial est désormais coincé dans l’espace.

Il ne suffit pas d’utiliser des matières plus solides pour résister à ce bombardement : il y aura toujours des dégâts, quelle que soit la solidité du matériau. Nous devons trouver une manière intelligente pour manipuler le plasma, ainsi que les composants de la paroi, afin d’éviter les dommages.

Une paroi qui s’auto-répare

Ne serait-ce pas génial si le mur du réservoir pouvait se réparer tout seul ? Il se trouve qu’en physique, il existe deux effets le permettant.

Trois scénarios possible lorsqu’un atome se détache : (1) il est perdu à jamais ; (2) il est intercepté par le mur et se dépose ; (3) il est ionisé et il est accéléré électriquement pour se déposer sur le mur. CC BY-ND

Le premier est connu sous le nom de « déposition balistique » et il est présent dans des matériaux à la surface pourvue de variations microscopiques, comme des pics ou des colonnes. Quand un ion se heurte à la cloison, un morceau de ces microéléments qui se détache peut voler dans n’importe quelle direction. Certains morceaux vont percuter des parties dépassant de la surface et s’y coller, laissant la cloison effectivement intacte. Cependant, il y aura toujours des atomes pour s’en écarter : ils seront perdus à jamais.

Structures microscopiques d’un échantillon de matériau vu à travers un microscope électronique à balayage. Chris Matthes (UCLA), CC BY-ND

Le deuxième phénomène, de compréhension moins intuitive, dépend de l’état du plasma. Imaginons le même scénario où la particule de la cloison se brise et se colle au plasma. Mais au lieu d’être perdue à jamais, elle fait subitement demi-tour et retourne d’où elle venait.

C’est la même chose que lorsqu’une balle de baseball envoyée directement en l’air tourne et revient dans votre main. Dans le cas du baseball, la gravité empêche la balle d’aller plus haut et la rabat vers le sol. Dans le cas du propulseur, c’est la force électrique entre la cloison chargée négativement et la particule de la cloison elle-même. Elle arrive chargée de façon neutre, mais elle peut perdre son électron dans le plasma, devenant chargée positivement. Résultat : la particule se rabat vers la cloison, phénomène connu sous le nom de redéposition du plasma. On peut contrôler ce procédé en changeant la densité et la température du plasma.

Tester différents matériaux

Échantillons de matériaux évalués dans le laboratoire des interactions de plasma à l’université Ucla. CC BY-ND

Ici, à l’UCLA, je crée un plasma et le projette dans des matériaux pour mesurer les effets de la déposition balistique et de redéposition du plasma. Souvenez-vous, la déposition balistique dépend des structures de la surface de la cloison tandis que la redéposition du plasma dépend du plasma. Lors de ma première étude, j’ai ajusté les conditions du plasma pour qu’il n’y ait pas de redéposition du plasma, seulement de la déposition balistique.

Ensuite, j’ai porté mon attention sur la cloison. Le premier échantillon à micro caractéristiques que j’ai testé à montré que les dégâts avaient diminué de 20 %. En améliorant le design du matériau, les dommages peuvent potentiellement se réduire de 50 %. Les matériaux de ce genre sur un propulseur pourraient faire la différence entre le fait d’atteindre Mars ou de rester bloqué à mi-chemin.

La prochaine étape sera d’inclure les effets de la redéposition du plasma et de déterminer si l’on réussira à construire une cloison vraiment indestructible. Dans la mesure où les propulseurs de plasma deviennent de plus en plus puissants, ils endommagent d’autant plus leurs propres parois. Cela augmente l’importance d’en arriver à une cloison qui se répare toute seule. Mon but est de concevoir un propulseur en utilisant des matériaux de pointe susceptibles de durer dix fois le temps nécessaire à n’importe quelle mission sur Mars, le rendant donc effectivement durable. Une cloison indestructible résoudrait ce problème de l’échec du propulseur et nous permettrait de transporter les cargaisons nécessaires afin de commencer la construction du premier avant-poste de l’humanité sur Mars.

This article was originally published in English

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