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Un biologiste creuse le sol de Mars qu'il a au préalable transformé.
Le sol et les conditions de vie sur Mars imposeront des adaptations drastiques pour toute cultures (visuel du film Seul sur Mars). 2015 Twentieth Century Fox- Seul sur Mars, CC BY-SA

À la conquête de Mars : les solutions pour cultiver son sol stérile…

Population toujours plus nombreuse, nécessité de trouver de nouvelles ressources… Avec notre série d’été « Manger demain ? », explorez comment nous serons amenés à repenser notre alimentation. Sur Terre, certains se penchent sur les insectes et la viande artificielle… Mais, et dans l’espace ? Après l’ISS et ses yaourtières, voici Mars et la problématique agricole.


Des préparatifs sont déjà en cours pour des missions qui feront atterrir des humains sur Mars dans une dizaine d’années. Mais que mangeront les nouveaux « martiens » si ces missions aboutissent bien à la colonisation de la planète rouge – colonisation que certains envisagent permanente ?

Une fois que (si) les humains auront réussi à se rendre sur Mars, un défi majeur pour toute colonie sera en effet d’assurer un apport stable en nourriture. Les coûts énormes de lancement et de réapprovisionnement en ressources depuis la Terre, sans parler des aléas pouvant survenir en cours de voyage, rendront cette solution impraticable ou peu s’en faut.

Les humains sur Mars devront impérativement prévoir de ne pas dépendre entièrement des cargaisons expédiées depuis leur planète d’origine, et atteindre un niveau élevé d’autosuffisance.

La récente découverte d’eau liquide sur Mars – qui apporte de nouvelles informations sur la possibilité d’y trouver de la vie – soulève la possibilité d’utiliser ces ressources pour se lancer dans une agriculture de subsistance. Toutefois, la majorité de l’eau martienne est, elle, sous forme d’une épaisse couche de glace au niveau du pôle nord notamment. Nous y reviendrons.

Mais l’eau n’est qu’une des nombreuses choses dont nous aurons besoin pour faire pousser suffisamment de nourriture sur Mars.

Quelle technologie ?

Des travaux antérieurs ont suggéré de se tourner vers les microbes comme source alimentaire. L’utilisation de serres hydroponiques (hors sol et sans terre, car se pratiquant sur un substrat neutre et de systèmes à environnement contrôlé), semblables à celui qui est testé à bord de la Station spatiale internationale (ISS) pour faire pousser divers légumes et végétaux (salades, choux, riz, blé…), est une autre option.

Vue d’artiste d’une serre hors sol cylindrique à côté d’un module de vie sur Mars
Le recours aux fermes hydroponiques est envisagé pour permettre une agriculture à la surface de Mars. NASA

Et, dans la revue Genes, nous avons récemment présenté une troisième perspective basée cette fois sur l’utilisation de la biologie synthétique. L’objectif serait de développer les performances potentielles de la vie végétale elle-même dans un environnement martien pour le moins difficile.

Cela, la biologie synthétique est capable de faire. Cette discipline, en plein essor, combine les atouts de l’ingénierie, de la génétique et de l’informatique (entre autres disciplines) pour conférer des fonctions nouvelles et améliorées aux organismes vivants.

Non seulement nous pouvons lire l’ADN, mais nous pouvons également concevoir des systèmes biologiques inédits, les tester et même créer des organismes entiers. La levure n’est qu’un exemple de microbe industriel dont le génome entier est en cours de « réingénierie » par un consortium international.

La technologie a tellement progressé que le génie génétique de précision et l’automatisation peuvent désormais être combinés dans des installations robotisées automatisées, appelées « biofonderies » (soit, comme le décrit le Génopole d’Évry, des « laboratoires regroupant un ensemble d’équipements et d’automates pour assurer toutes les étapes de la création d’outils et procédés de production biologique, depuis la conception in silico, la réalisation, l’évaluation et l’optimisation, jusqu’à la montée en échelle de production, ndlr).

Ces biofonderies peuvent tester des millions de modèles d’ADN en parallèle, afin de trouver les versions des organismes présentant les qualités les plus pertinentes dans un contexte donné. Mars, en l’occurrence.

Mars : ça ressemble à la Terre, mais…

Bien que Mars soit la planète la plus similaire à la Terre parmi nos voisines, les deux astres diffèrent en bien des points.

La gravité sur la planète rouge est environ un tiers de celle de la Terre. Elle reçoit la moitié seulement de la lumière solaire que nous recevons ici, tout en étant frappée par des niveaux beaucoup plus élevés d’ultraviolets (UV) nocifs et de rayons cosmiques. Quant à sa température de surface, elle est de quelque -60 °C. Son atmosphère est mince, ce qui limite son pouvoir protecteur, et est principalement composée de dioxyde de carbone (CO2).

Gros plan sur le sol martien, avec des plaques rocheuses et de la poussière
La surface de Mars, sèche et rocheuse, n’est pas propice à la culture (vue du robot Curiosity). NASA/JPL-Caltech/Olivier de Goursac

Autant de points qui comptent si l’on envisage de se lancer dans l’agriculture martienne… tout comme la composition des sols. Car si le sol de la Terre est humide et riche en nutriments et en micro-organismes, ce qui favorise la croissance des plantes, Mars est recouverte de régolithe. Soit un matériau aride, qui se situe entre la poussière et les fragments rocheux, et contient des perchlorates toxiques.

De plus, malgré la dernière découverte d’un lac souterrain, l’eau sur Mars existe principalement – comme on l’a dit – sous forme de glace. De plus, la faible pression atmosphérique de la planète fait que l’eau liquide se mettra à bouillir dès 5 °C…

Les plantes sur Terre ont évolué pendant des centaines de millions d’années et sont adaptées aux conditions terrestres. Or si rudes soient-elles, elles restent plus propices à une vie terrienne que celles qui règnent sur Mars. Faire pousser des plantes terrestres sur Mars sera donc un défi de taille.

Cela signifie que des ressources incontournables actuellement dans toute activité végétale, comme l’eau et l’énergie solaire, seront rares sur Mars. Elles devront être apportées si l’on veut parvenir à une agriculture efficace, en créant artificiellement des conditions optimales de croissance des plantes.

Adapter nos plantes aux spécificités de Mars

Une alternative plus rationnelle consisterait à utiliser la biologie synthétique pour développer des cultures spécifiquement destinées à Mars et non plus à chercher à recréer sur Mars les conditions de vie terrestres. Ce formidable défi peut être relevé et accéléré par la construction d’une biofonderie martienne axée sur les plantes.

Une telle installation automatisée serait capable d’accélérer l’ingénierie des modèles biologiques et de tester leurs performances dans des conditions martiennes simulées.

Avec un financement adéquat et une collaboration internationale active, une telle installation de pointe pourrait, en l’espace d’une décennie, améliorer bon nombre des caractéristiques requises chez les organismes étudiés, afin de générer des cultures qui seraient capables de prospérer sur Mars.

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Il s’agit notamment de la photosynthèse et la photoprotection (pour aider à protéger les plantes de la lumière du soleil et des rayons UV), ainsi que la tolérance à la sécheresse et au froid. Il serait également possible de concevoir des cultures fonctionnelles à haut rendement.

Nous devrons également modifier des microbes pour leur permettre de détoxifier et améliorer la qualité du sol martien.

Tous ces défis sont à la portée de la biologie synthétique.

La Terre aussi en bénéficierait

Le développement de la prochaine génération de cultures nécessaires à l’installation d’êtres humains sur Mars aurait également des intérêts pour leurs cousins restés sur Terre.

L’accroissement de la population mondiale entraîne une augmentation de la demande de nourriture. Pour répondre à cette demande, nous devons augmenter la productivité agricole, mais nous devons le faire sans impact écologique négatif.

La meilleure façon d’atteindre ces objectifs serait d’améliorer les cultures qui sont déjà largement utilisées. La mise en place d’installations telles que la biofonderie martienne permettrait de réduire les délais de la recherche sur les plantes, ce qui aurait des répercussions sur la sécurité alimentaire et la protection de l’environnement.

En définitive, le principal bénéficiaire des efforts visant à développer des cultures pour Mars serait… la Terre.

This article was originally published in English

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