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Développer un usage critique du numérique. Ecole polytechnique/Flickr, CC BY-SA

À l’école, le portable, c’est le couteau suisse du XXIᵉ siècle

Cet article est publié en partenariat avec la revue « Le magazine de l’Éducation » du laboratoire EMA-TechEduLab de l’Université de Cergy-Pontoise.


Le potentiel des nouvelles technologies pour l’apprentissage et l’éducation est en grande partie non évalué. Il manque de recherche précise sur le sujet et notamment de recherches sur ce qui se passe dans le terrain et pour chacun des apprenants, et ce à tous les âges de la vie. Il y a peu d’évaluations en dehors de sentiments personnels.

L’une des questions centrales est : a-t-on appris à apprendre ? Et a-t-on appris à apprendre de manière critique à l’heure du numérique ? Car on peut aussi être manipulé par le numérique. Tout moyen de communication est aussi un moyen de manipulation, on l’a vu de Goebbels à Trump ou Daesch. Plus on a des outils de communication efficaces, plus il faut développer l’esprit critique et la capacité à distinguer le bon grain de l’ivraie, ce qui est tout sauf évident même pour un adulte et a fortiori pour un enfant ou un adolescent.

Par contre ce que le numérique permet, par rapport à la radio par exemple, c’est qu’on peut tous produire et partager et que l’on peut facilement documenter ce que l’on fait. On peut échanger plus largement et à toutes les échelles. On a donc cette possibilité, non seulement d’apprendre à lire, écrire mais d’accueillir une production faite par d’autres et de soi-même produire, via l’écrit ou tout un tas d’autres dispositifs que le numérique permet.

Il faut non seulement apprendre à décrypter les messages que l’on reçoit mais il faut aussi apprendre à partager ses idées, ce qui suppose apprendre à les mettre en ordre, avoir une capacité critique sur soi-même mais aussi d’accepter la critique de l’autre. Une critique qui bien sûr doit être bienveillante et constructive.

Apprendre c’est être capable de donner et de recevoir des critiques. Le numérique permet de faire cela à des échelles sans précédent. Les jeunes d’aujourd’hui ont besoin de comprendre la puissance de cet outil numérique. C’est le rôle de l’école de s’assurer que chaque élève sorte avec une culture numérique suffisante, qu’il ait un esprit critique, développé une éthique de l’utilisation des outils, et acquis les compétences pour s’approprier les outils.

Une des grandes difficultés, c’est qu’aujourd’hui les enseignants sont très peu accompagnés La formation initiale est perfectible comme tout dispositif et la formation continue plus encore, car elle est loin d’être à la hauteur des enjeux et en particulier des enjeux de transformation.

On a donc besoin d’un vrai développement professionnel et d’adosser ce développement professionnel aux résultats de la recherche. Et cela peut se faire en s’appuyant notamment sur les laboratoires de recherche, si ceux-ci font l’effort de rendre accessibles leurs savoirs et résultats à tous les publics, à commencer par les professeurs. Il faut permettre à chaque enseignant de s’approprier les meilleures pratiques et de les adapter au contexte spécifique qui sont les siens. Il suffit qu’une fraction des enseignants le fasse, qu’il documente ce qu’il en fait pour permettre à d’autres de s’en servir.

Portable à l’école ? Daring Librarian/VisualHunt, CC BY-NC-SA

Par exemple l’utilisation des portables à l’école. Il ne faut pas passer d’un extrême à l’autre : tout accepter ou tout interdire. A minima ce qu’il me semble important de développer c’est la capacité à utiliser l’outil à bon escient.

Il est ainsi possible d’installer dans les téléphones portables un système qui permet d’accéder aux données des capteurs : donc, si vous êtes prof de physique vous pouvez étudier le moment des pendules et enregistrer directement sur votre téléphone les oscillations du pendule. Si vous voulez étudier la chute libre, vous pouvez étudier l’accélération que subit un outil de ce genre.

Vous pouvez en cours de géographie vous en servir géolocaliser une partie de l’espace ou en cours de sport utiliser le GPS pour que les élèves voient le parcours qu’ils vont faire. Toutes les traces numériques que ces appareils peuvent enregistrer, on peut les détourner pour les utiliser à des fins pédagogiques.

Plutôt que dire aux élèves que c’est un instrument qu’il faut absolument éviter, il faut leur apprendre que c’est une boîte noire qu’ils se doivent de comprendre pour en utiliser au mieux les potentialités. Le portable c’est le couteau suisse du XXIe siècle. Il faut donc apprendre à s’en servir. On sera d’autant plus écouté par les élèves, qu’on en aura montré les potentialités.

Apprendre à apprendre est le maître mot. C’est la meilleure manière de s’adapter au monde. C’est vrai des individus, c’est vrai des collectifs.

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