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À quel âge les enfants développent-ils leur identité de genre ?

À quel moment les filles se mettent-elles à aimer le rose et les garçons, le bleu ? AquaOwl/Flickr, CC BY

On envisage souvent l’identité de genre comme une constante : on naît homme ou femme et on le reste toute sa vie, de l’enfance à l’âge adulte.

Pourtant, chez les jeunes enfants, le concept est flexible. J’ai moi-même constaté, lors de mes recherches, que les enfants ne comprennent et n’adoptent les comportements stéréotypés (comme préférer le bleu ou le rose) qu’à deux ou trois ans. Quelques années après, leur vision de l’identité de genre passe par une phase bien plus rigide et, si elle redevient moins extrême vers le milieu de l’enfance, les adultes eux-mêmes ont du mal à penser qu’elle peut varier avec le temps.

Comment les enfants en viennent-ils à l’appréhender ? À quel moment la perçoivent-ils comme une caractéristique arrêtée ?

Qu’est-ce que le genre ?

En général, on croit que le genre correspond aux différences biologiques entre les hommes et les femmes.

Certes, il commence à se construire dès la conception. Chaque cellule de notre corps comporte 46 chromosomes. Les spermatozoïdes et les ovules en contiennent 23 chacun et, lors de la fécondation, ils se combinent pour former 22 paires identiques, plus une 23e paire, les chromosomes sexuels. La plupart du temps, les chromosomes XX deviennent ceux d’une femme et les XY, ceux d’un homme.

Mais ce n’est pas toujours le cas. Le genre, c’est ce qui se manifeste dans les faits : notre apparence, notre comportement et notre ressenti. Le sexe est dicté par les chromosomes et par les informations génétiques de notre organisme, notre génotype. Le genre, lui, est influencé par l’interaction entre les gènes (le génotype) et l’environnement.

Le sexe biologique des bébés ne détermine pas forcément leur genre. Anthony J/Flickr, CC BY

Sexe et genre ne coïncident pas toujours car l’environnement participe à définir le genre de chacun.

Cela n’a rien d’étonnant quand on pense que, chez un grand nombre d’espèces animales, le sexe est défini uniquement par l’environnement et non selon des critères biologiques. Par exemple, certains types de corail peuvent changer de sexe si besoin. D’autres espèces, comme les alligators, les crocodiles, les tortues et certains lézards, n’ont même pas de chromosomes sexuels. Leur sexe est déterminé par la température du nid durant l’incubation.

Il est vrai que sexe et genre sont similaires la plupart du temps, mais ce n’est pas automatique. Les gens se sentent désormais un peu plus à l’aise avec le transgendérisme (le fait de développer une identité de genre différente du sexe de naissance) et la limite entre ces deux notions est donc devenue plus imprécise ces dernières années. Pour certains, le genre serait même non-binaire, avec tout un spectre de possibilités, allant du très masculin au plus féminin.

Les premières perceptions du genre par l’enfant

Le genre est donc plus souple que ce qu’on croit. Étonnamment, cette idée est bien plus naturelle chez l’enfant que chez l’adulte.

Avant cinq ans, le genre n’a rien de définitif pour l’enfant. Une petite fille demandera parfois à sa maîtresse si elle était un garçon quand elle était petite. Il n’y a rien d’étrange non plus à ce qu’un petit garçon dise vouloir être une maman quand il sera grand.

La science corrobore cette idée. Par exemple, dans une étude célèbre, la psychologue Sandra Bem a montré à des enfants de moins de six ans trois photos où figurait un petit garçon ou une petite fille.

Sur la première, l’enfant était nu. La deuxième le montrait avec des attributs typiques de son genre (une robe et des couettes pour la fille, une chemise et un ballon pour le garçon). Enfin, sur la troisième, l’enfant était vêtu d’habits associés au genre opposé.

Sandra Bem a notamment demandé aux enfants de l’étude quel était le sexe de l’enfant de la première et de la deuxième photo.

Les tout-petits pensent que changer de vêtement modifie le genre. Donnie Ray Jones/Flickr, CC BY

Ensuite, elle leur a montré la troisième photo en leur disant bien que l’enfant jouait à se déguiser. La première photo restait en évidence pour qu’ils ne l’oublient pas. L’enfant sur la troisième photo était-il toujours du même sexe ?

La plupart des trois à cinq ans ont cru qu’un garçon déguisé en fille avait vraiment changé de sexe. Ce n’est que lorsqu’ils comprennent que les garçons ont un pénis et les filles, un vagin qu’ils se rendent compte que les vêtements n’ont pas d’incidence sur le genre.

Développement de l’identité de genre

D’autres études laissent penser que la perception du genre par les enfants se forme progressivement entre trois et cinq ans, après quoi la plupart cessent de croire que les changements extérieurs influent sur le genre.

Une fois qu’ils ont assimilé le genre à une caractéristique fixe, ils commencent à l’intégrer à leur identité propre.

C’est vers cette période de leur vie qu’ils manifestent le désir de s’identifier aux membres de leur groupe et se mettent en quête d’informations sur le genre. Ils finissent même par adhérer complètement aux stéréotypes. Entre trois et cinq ans, par exemple, ils préfèrent souvent jouer avec des camarades du même genre et ont une certaine prédilection pour les jouets et activités genrés.

Ce n’est que quelques années après, entre sept et dix ans, qu’ils sont moins à cheval sur les codes et comportements considérés comme strictement féminins ou masculins. C’est en effet vers cet âge que certains garçons avouent « aimer jouer à la poupée » et certaines filles, « aux petites voitures ».

En avance sur leur temps ?

Il y a peu, Caitlyn Jenner (autrefois Bruce Jenner) a annoncé son transgendérisme, démontrant une fois de plus que si les chromosomes définissent notre sexe, ils sont loin d’être le seul facteur à influer sur notre genre.

C’est une chose que les enfants semblent savoir dès leur plus jeune âge, même s’ils l’oublient généralement dès qu’ils s’intéressent un peu plus à l’anatomie et se mettent à associer cette information à leur identité de genre.

Souvent considérés comme immatures, nos bambins sont peut-être simplement en avance sur leur temps…

Traduit de l’anglais par Maëlle Gouret pour Fast for Word.

This article was originally published in English

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