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À Roquefixade, dans l’Aude, les haies structurent toujours le paysage. E.T/Cirad, Author provided

À quoi ressemblera l’agroforesterie de demain ?

Pour l’agroforesterie, l’un des défis futurs consistera à instaurer une bonne entente entre voisins. Dans l’agriculture contemporaine industrielle, l’arbre est un ennemi, comme en témoignent l’océan de blé de la Beauce ou celui des rizières du Bangladesh. Pour atteindre leurs objectifs de production, les monocultures de l’agronomie conventionnelle du XXe siècle ont simplifié à outrance les paysages agraires. Plus de haies, plus d’arbres qui pourraient gêner les travaux des champs. On a voulu consacrer le maximum d’espace aux cultures saisonnières et limiter les arbres aux plantations forestières et aux vergers.

En ce début de XXIe siècle, le renouveau de l’agroforesterie montre qu’il faut renverser la tendance : partir du postulat que l’arbre et les cultures peuvent faire bon ménage et rechercher toutes les options permettant de favoriser au mieux cette cohabitation. D’autant que les mentalités sont en train d’évoluer : l’agroforesterie a désormais sa place dans les politiques agricoles européennes et se trouve recommandée comme l’une des options permettant de lutter contre le changement climatique tout en s’y adaptant.

À la recherche de la synergie écologique

Il faut néanmoins prendre en compte le fait qu’arbres et cultures ne sont pas toujours compatibles. Il existe des cas où des phénomènes de concurrence apparaissent : si des racines superficielles des arbres envahissent un champ, si l’ombre des arbres est trop intense ou si des composés volatils émis par les arbres compromettent la croissance des cultures.

Mais ces phénomènes de concurrence doivent être mis en face d’éventuels mécanismes de complémentarité. Si la présence des arbres permet de protéger une parcelle du vent, par exemple, il est astucieux d’être prêt à renoncer à quelques rangs de cultures à proximité des arbres. Si ces derniers permettent de favoriser les auxiliaires de certaines cultures et ainsi de diminuer l’utilisation de pesticides, même chose. Ou encore, lorsque des haies bien entretenues permettent de limiter l’érosion du sol, protéger la biodiversité ou les nappes phréatiques.

Tout l’art de l’agroforesterie du futur consistera donc à rechercher tous ces mécanismes de synergie écologique et les favoriser, que ce soit dans une parcelle de céréales, les berges d’une rivière, ou à l’échelle du paysage d’un bocage, par exemple.

Des milliers d’espèces à tester

L’utilisation des arbres en production agricole peut aller beaucoup plus loin, notamment lorsque l’arbre lui-même produit de l’alimentation. Et ceci ne concerne pas que les fruits de nos desserts. On connaît en France le châtaignier des Cévennes, mais qui se souvient de l’époque où la farine de châtaigne assurait une importante production de pain ?

Dans la zone tropicale, les arbres sources d’alimentation sont légion. Que l’on pense aux feuilles du baobab consommées en Afrique, aux haricots du néré ou au beurre de karité. Les arbres peuvent aussi produire du fourrage pour les animaux, du nectar pour les abeilles, des écorces ou des racines médicinales, etc. Pour toutes ces productions, il faut réinventer l’aménagement de l’espace rural afin que les arbres utiles y trouvent leur place en association avec les autres activités agricoles.

Néré dans la savane du Burkina Faso. Les graines contenues dans les fruits de cet arbre sont très riches en protéines. Vitellaria/Wikipedia, CC BY-SA

Il faut aussi identifier les bonnes variétés, parfois sélectionnées depuis des générations par des agriculteurs avertis, et continuer à les améliorer, les diffuser à grande échelle. Il existe des milliers d’espèces d’arbres tropicaux qui sont rarement mises en culture et ne sont récoltées qu’à l’état sauvage, par exemple le prunier d'Afrique. Un immense champ d’investigation pour les productions arborées agroforestières s’ouvre devant nous, notamment dans les pays tropicaux.

Ce sont aussi les cultures à associer aux arbres qu’il faut améliorer. Par exemple celles qui sont tolérantes à l’ombre (certaines variétés de haricots, des tubercules comme les ignames) et cohabiteraient naturellement avec des arbres afin de créer une authentique « agriculture multi-étagée ». Ainsi pourrait-on faire d’une pierre deux coups : diversifier les productions dans l’intérêt des agriculteurs tout en faisant jouer aux arbres le rôle important qu’ils peuvent avoir en tant que « puits de carbone » pour atténuer les effets du changement climatique.

Mais là encore, de nombreuses questions demeurent : combien faut-il d’agroforêts pour compenser les émissions de gaz carbonique dues à la déforestation tropicale ? Peut-on contribuer au stockage de carbone dans le sol, reconnu comme essentiel pour lutter contre le changement climatique, avec les arbres de l’agroforesterie ? Quelles sont les espèces les plus performantes pour assurer cette fonction tout en assurant une production alimentaire ou de bois d’œuvre ?

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