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Installation industrielle de hauts fourneaux. De la fumée s'échappe d'une cheminée.
Certaines industries, comme les hauts fourneaux fabriquant l’acier et le ciment, ne pourront pas se passer de combustibles. Peut-on en inventer de nouveau, pour remplacer les fossiles ? Ina Fassbender/AFP

Acier, verre, ciment : comment les produire sans combustibles fossiles ?

C’est aujourd’hui bien établi : les combustibles fossiles sont la cause principale d’un réchauffement climatique inédit dans l’histoire de notre planète. Cependant, ils présentent certaines propriétés qui les rendent encore incontournables pour certains secteurs, malgré l’urgence à laquelle nous faisons face. La recherche se penche aujourd’hui sur le développement de nouveaux combustibles capables de remplacer le charbon, le pétrole ou le gaz. Mais cela ne suffira pas : il faudra aussi réduire plus généralement notre consommation d’énergie.

Le feu est lié à l’histoire de l’humanité depuis le début, sous la forme de légendes et de mythes. Grâce au feu, l’être humain a gravi la pyramide alimentaire et « pris le contrôle d’une force obéissante et potentiellement illimitée » (Yuval Noah Harari). Intrinsèquement liée au feu, la combustion est la réaction chimique impliquant des combustibles et des oxydants et qui produit la lumière et de la chaleur. Explorer ce phénomène fournit ainsi une compréhension physique complète des processus qui se déroulent sur votre plaque de cuisson à gaz autant que dans un incendie.

Cependant, l’utilisation massive de combustibles fossiles a un impact catastrophique sur l’environnement. Bien que nous nous concentrions principalement sur le changement climatique, plusieurs autres effets sont inquiétants et nécessitent une action immédiate, notamment la pollution de l’air, l’acidification des océans, l’épuisement des ressources et la dégradation des écosystèmes.

Qu’est-ce qui rend les combustibles si pratiques ?

La question est de savoir ce qui rend les carburants si spéciaux. Nous pourrions dire qu’il s’agit d’un excellent moyen de stocker une grande quantité d’énergie dans un volume relativement faible. Aussi, la qualité de cette énergie ne se dégrade pas dans le temps et peut être stockée longtemps. Un exemple parfait est celui de l’énergie nécessaire pour faire fonctionner un avion de ligne, disons un Boeing 747. Les technologies actuelles de panneaux solaires fourniraient moins de 1 % de la densité énergétique requise, tandis que les batteries stockant la même quantité d’énergie que le kérosène pèseraient presque autant que 50 avions. En d’autres termes, les carburants n’ont pas de concurrents en termes de capacité de stockage et de puissance qu’ils peuvent fournir.

La part de l’énergie primaire (une énergie issue d’une source naturelle comme le vent, le charbon ou l’uranium, avant toute transformation) provenant des combustibles fossiles est proche de 80 % en moyenne globale, avec des exceptions régionales (par exemple, la France et les pays nordiques). Environ 25 % de l’approvisionnement en énergie primaire est nécessaire pour alimenter les processus industriels, y compris les industries à forte consommation d’énergie. En effet, ces secteurs comprennent tous les processus dont les exigences technologiques font qu’il est difficile de les décarboniser en utilisant directement l’électricité.

Un exemple de secteur à forte consommation d’énergie est la production de matériaux essentiels tels que le verre, l’acier et le ciment, qui nécessitent une haute température qui ne peut être fournie aujourd’hui que par des combustibles. D’autres exemples sont la production de produits chimiques (ammoniac et méthanol) et le transport longue distance.

Développer des carburants idéaux

On voit ainsi clairement la complexité à laquelle nous sommes confrontés lorsque nous discutons de la décarbonisation des industries à forte consommation d’énergie. Elles sont un réel casse-tête dans la transition énergétique : elles sont responsables d’une grande partie des émissions de gaz à effet de serre, elles sont très intégrées et complexes, et il est difficile de les électrifier directement alors qu’elles sont essentielles à notre société. L’une des solutions techniques possibles consiste à essayer d’imiter le comportement des combustibles fossiles. Nous cherchons donc à construire des combustibles synthétiques à partir de sources renouvelables et qui n’émettent pas de dioxyde de carbone lors de leur combustion.

Quand on parle de nouveaux combustibles, l’hydrogène est sur toutes les lèvres. Il peut être produit à partir de l’eau en utilisant de l’électricité verte et ne contient pas de carbone. Cependant, sa densité énergétique est faible et il est difficile de le stocker. Pour augmenter la densité énergétique et simplifier le stockage et le transport, l’hydrogène peut être converti en ammoniac en utilisant l’azote de l’atmosphère, ou en méthanol et en carburants hydrocarbonés en utilisant une source de carbone neutre, comme la biomasse, car le CO2 libéré lors de la production ou de l’utilisation du carburant est compensé par le CO2 absorbé par les plantes au cours de leur croissance.

Le secteur de l’aviation est particulièrement actif dans ce dernier domaine pour le développement de ce que l’on appelle les carburants aéronautiques durables (sustainable aviation fuels ou SAF). L’intérêt des carburants synthétiques réside dans la possibilité de fabriquer des carburants aux propriétés spécifiques et idéalement adaptés à certaines applications.

La recherche s’active pour trouver des pistes

Plusieurs initiatives au niveau européen étudient actuellement la faisabilité de la décarbonisation des industries à forte intensité énergétique à l’aide de carburants synthétiques renouvelables. Les principaux sujets d’étude concernent l’évaluation de l’impact des nouveaux carburants sur les processus de fabrication (du verre, de l’acier…) et le développement de technologies de combustion avancées garantissant un rendement élevé sans émissions polluantes à partir d’une large gamme de carburants.

La numérisation est également un domaine de développement important. Les dispositifs de combustion sont des environnements difficiles à caractériser, et la combinaison de simulations numériques, de capteurs et d’intelligence artificielle est très prometteuse. Cela aidera en effet à développer des outils fiables et robustes pour mettre en œuvre des voies de décarbonisation dans les industries à forte consommation d’énergie. Dans ce cadre, nous coordonnons un réseau de collaboration nommé CYPHER qui s’intéresse à ces problématiques. Il s’agit d’une action COST, un réseau de recherche interdisciplinaire d’une durée de quatre ans. CYPHER regroupe 35 pays dans son comité de gestion et environ 300 membres de plus de 40 pays.

Les réponses techniques ne seront pas la seule solution

Travailler dans le but de contribuer à la décarbonisation des industries à forte intensité énergétique est très motivant. Il s’agit d’un problème complexe pour lequel nous devons fournir des solutions réalisables et opportunes. C’est pour moi un privilège de l’étudier et contribuer à identifier des réponses.

Cependant, si des feuilles de route vers le net-zéro sont bien établies, une grande incertitude demeure quant à la mise en œuvre réelle des engagements et des promesses des gouvernements et des entreprises. Nous devons comprendre qu’il ne s’agit pas seulement d’un problème technique. Nous devons consommer et produire moins et être prêts à changer nos habitudes. Nous devons donner la priorité à l’efficacité, aux économies et à la circularité avant de penser à produire des quantités folles et irréalisables d’hydrogène. Ne pas reconnaître que la transition énergétique est une transformation de la société dans son ensemble et adopter une approche purement technique ne fera qu’aggraver les crises environnementales.

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