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Sea Shepherd founder and anti-whaling campaigner Paul Watson being arrested by Danish police in Nuuk, Greenland on July 21, 2024.

Affaire Paul Watson : détention provisoire, extradition… ce que dit le droit international

Paul Watson, fondateur de Sea Shepherd et militant contre la chasse à la baleine, a été arrêté au Groenland le 21 juillet 2024 et attend une éventuelle extradition vers le Japon. Cette demande d’extradition, qui devait au départ être examinée le 4 septembre, a finalement été reportée au 2 octobre prochain.

L’arrestation est liée à des événements survenus dans l’océan Austral en février 2010. Watson y est accusé de « complicité d’agression » et d’« intrusion sur un navire ». Ces deux accusations sont liées à l’abordage du navire japonais Shonan Maru No 2 par Pete Bethune, qui était le capitaine du navire Ady Gil de Sea Shepherd. Pete Bethune a été détenu à bord du Shonan Maru No 2 et renvoyé au Japon pour y être jugé, où il a été condamné à une peine avec sursis. Un mandat d’arrêt international a alors été lancé contre Paul Watson en 2012.

Au moment de l’arrestation du 21 juillet, le navire de Paul Watson s’était arrêté pour faire le plein de carburant alors qu’il était en route pour intercepter un baleinier japonais, le Kangei Maru. Paul Watson se trouvait à bord du John Paul DeJoria, propriété de la fondation Captain Paul Watson qu’il a créée il y a deux ans.

De fait, l’activiste avait quitté Sea Shepherd en 2022 à la suite de différends avec les directeurs de l’ONG sur le bien fondé de l’action directe et les modalités de confrontation. Il avait déjà fondé Sea Shepherd après s’être séparé de Greenpeace pour des raisons similaires.

Son arrestation remet la question de la chasse à la baleine sur le devant de la scène. Malgré une activité intense dans les tribunaux depuis une dizaine d’années, la question n’a pas disparu. En effet, le Japon s’est retiré de la Convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine et de son organe de décision en 2019 et a repris la chasse à la baleine à des fins commerciales.

Qu’est-ce qu’un mandat d’arrêt international ?

Un mandat d’arrêt international, également appelé « notice rouge » dans le jargon d’Interpol, est une demande adressée aux services chargés de l’application de la loi dans le monde entier pour qu’ils localisent et arrêtent provisoirement une personne.

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La notice rouge pour Watson est basée sur un mandat d’arrêt ou une décision de justice émise par le Japon. Il est important de noter qu’une notice rouge n’implique pas que la personne soit nécessairement coupable. Autrement dit, la présomption d’innocence s’applique toujours.

Maintenant que l’arrestation a eu lieu, le Japon demande l’extradition. La demande a été adressée au Danemark, car le Groenland est un territoire danois autonome.

Quel fondement pour ces accusations ?

Deux traités internationaux permettent au Japon d’appuyer les accusations portées contre Watson sur une base juridique.

En vertu de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer), le Japon peut accorder sa nationalité aux navires, comme il l’a fait pour le Shonan Maru No 2. Les États ont une juridiction exclusive sur les navires battant leur pavillon lorsqu’ils se trouvent en haute mer (eaux internationales). Cela signifie que le Japon peut traiter l’abordage du Shonan Maru No 2 comme s’il s’était produit sur le territoire japonais.

Le Japon peut également arguer que l’abordage du Shonan Maru No 2 est un acte de piraterie. En vertu de la convention, le Japon devrait démontrer que l’abordage a consisté en :

des actes illégaux de violence ou de détention, ou de tout acte de déprédation, commis à des fins privées par l’équipage ou les passagers d’un navire ou d’un aéronef privé, et dirigés […] en haute mer, contre un autre navire ou aéronef, ou contre des personnes ou des biens se trouvant à bord de ce navire.

Le point sensible, pour le Japon, pourrait être de savoir si l’abordage peut être ou non considéré ou non comme étant à des « fins privées ».

La Convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime pourrait également s’appliquer. En bref, cette convention accorde aux États la juridiction pour certains types d’infractions lorsqu’elles sont commises à bord d’un navire battant leur pavillon.

Par exemple, le Japon pourrait soutenir, en reprenant les termes de la convention, que le comportement présumé de Watson et/ou de ses collègues relève :

d’« un acte de violence à l’encontre d’une personne à bord d’un navire si cet acte est susceptible de compromettre la sécurité de la navigation de ce navire ».

Le Danemark va-t-il accepeter la demande d’extradition ?

L’extradition est souvent régie par des accords d’extradition spécifiques entre deux pays, ainsi que par le droit national des États. Par exemple, la loi danoise sur l’extradition autorise l’extradition dans certaines circonstances. Toutefois, ce pouvoir est limité, notamment pour éviter les doubles poursuites, lorsqu’une personne est jugée plus d’une fois pour les mêmes faits.

L’extradition ne s’applique pas aux poursuites pour des faits qui ne constituent pas une infraction au Danemark, aux poursuites abandonnées, ou lorsqu’un tribunal reconnaît qu’il existe un risque que la personne concernée :

« soit soumise à des persécutions affectant sa vie ou sa liberté ou présentant un caractère de gravité en raison de son origine, de son appartenance à une ethnie, de ses convictions religieuses ou politiques ou en raison des circonstances politiques ».

La juridiction danoise compétente peut également décider de suspendre temporairement l’extradition pour des raisons humanitaires sérieuses.

L’extradition est autant politique que juridique

À bien des égards, l’extradition est une fusion entre le pouvoir exécutif et les pouvoirs des tribunaux et des procureurs, tout en impliquant des considérations de politique étrangère. De ce point de vue, elle peut être aussi bien politique que juridique. C’est pourquoi d’autres pays, comme la France, ont demandé au Danemark de renoncer à l’arrestation et de ne pas accepter la demande d’extradition.

La pression politique peut parfois s’avérer efficace dans de tels cas, en particulier dans les pays où l’extradition est laissée à la discrétion du ministre concerné.

La suite

En fin de compte, le Japon pourrait décider de renoncer à son mandat d’arrêt datant de plus de dix ans. Ou alors, il pourrait aussi choisir d’exercer pleinement son pouvoir juridique en poursuivant Watson, dans le but de dissuader les activistes opposés à la chasse à la baleine.

Toutefois, cela susciterait probablement des critiques de la part des autres nations, étant donné que très peu d’entre elles soutiennent la chasse à la baleine et qu’elles sont moins disposées à coopérer avec le Japon sur d’autres questions d’extradition.

Quoi qu’il en soit, la tension entre la défense de l’environnement et d’autres intérêts commerciaux et juridiques est évidente. La loi peut – et doit – trouver de meilleurs moyens d’équilibrer ces intérêts, en particulier dans le contexte de la crise environnementale actuelle.

This article was originally published in English

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