tag:theconversation.com,2011:/africa/topics/commerce-international-29800/articlescommerce international – The Conversation2024-03-19T16:57:51Ztag:theconversation.com,2011:article/2255982024-03-19T16:57:51Z2024-03-19T16:57:51ZLe poulet français bat de l’aile face à la concurrence internationale<p>Si en France la production de poulets excédait la consommation de 250 000 tonnes en 2010, le pays est devenu importateur net de poulets à partir de 2019. Il est ainsi déficitaire de plus de 100 000 tonnes en 2021 (graphique 1). Ce croisement des courbes concorde avec une augmentation de la part des importations dans la consommation, doublée d’une baisse de la part de la production destinée à l’exportation (graphique 2).</p>
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<p>En d’autres termes, la production de poulets diminue en France, et est de moins en moins destinée à l’exportation, tandis que la consommation repose davantage sur des fournisseurs étrangers. Ainsi, 36 % des poulets consommés en France en 2021 sont importés, contre 25 % en 2010. Dans le même temps, les exportations qui représentaient 32 % de la production en 2010 ne comptent plus que pour 26 % de la production.</p>
<h2>Concurrence internationale accrue</h2>
<p>Le marché mondial du poulet est en réalité très segmenté. On y distingue les produits frais, pour lesquels les échanges sont régionaux, et les produits surgelés, moins différenciés, plus faciles à transporter sur de longues distances, et pour lesquels le marché est véritablement mondial.</p>
<p>Les échanges intracommunautaires de produits frais comptaient pour 66 % des échanges mondiaux en 2021, contre 17,5 % pour les produits congelés. Le marché du congelé est dominé par le Mercosur, zone de libre-échange sud-américaine regroupant l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay, qui exporte vers le monde entier (42 % des parts de marché mondiales à l’exportation de produits congelés en 2021).</p>
<p>Par ailleurs, les poulets sont vendus soit à la découpe (en morceaux), soit entier. À l’échelle mondiale, le commerce de morceaux a très fortement augmenté, bien plus que les échanges de poulets entiers, notamment en raison du <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/03/04/agriculture-les-changements-d-habitudes-alimentaires-des-francais-contribuent-a-la-hausse-des-importations_6219967_3234.html">changement des modes de consommation du poulet</a>.</p>
<p>Les exportations françaises de poulets ont connu une dynamique très différente en fonction de ces produits (graphique 3). En particulier, les exportations de produits congelés ont considérablement reculé depuis 2010.</p>
<p><iframe id="zrNrD" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/zrNrD/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ces déboires à l’exportation tiennent à deux facteurs : un positionnement sur un produit dont la demande s’est révélée peu dynamique, doublé d’une perte de débouchés traditionnels sous l’effet d’une concurrence internationale accrue.</p>
<h2>L’Ukraine et la Pologne montent en puissance</h2>
<p>En effet, la spécialisation historique des exportateurs français sur les poulets entiers congelés (graphique 3) n’a pas été très profitable car la demande mondiale pour ces produits n’a pas connu une évolution particulièrement favorable. Ainsi, le poulet entier congelé, qui représentait la majorité des exportations de poulets français en 2010 (58 %), a vu son commerce mondial croître de 12 % depuis cette date, quand dans le même temps les échanges de morceaux augmentaient plus de trois fois plus vite (41 % sur la période).</p>
<p>En outre, la France a décroché sur ce produit, pour lequel la concurrence mondiale est particulièrement forte. En particulier, les producteurs français exportaient énormément vers le Moyen-Orient au début des années 2010, un marché qu’ils ont quasi totalement perdu au bénéfice du Mercosur (81 % des exportations de poulets entiers congelés vers le Moyen-Orient et Proche-Orient en 2022).</p>
<p>De manière générale, la part de marché de la France sur les poulets entiers congelés a chuté de 12 points de pourcentage (pp) entre 2010 et 2022 (graphique 4), quand dans le même temps celle de l’Ukraine progressait de 4 pp et celle de la Pologne de 2 pp. Le Mercosur n’a pas particulièrement accru sa présence pour ce produit, sa progression se situant davantage sur le marché des morceaux congelés, particulièrement dynamique, et sur lequel la France a connu également un déclin.</p>
<p><strong>Graphique 4 : Variation des parts de marché mondiales de poulet congelé entre 2010 et 2022</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Sur la période 2010-2022, la France a changé de spécialisation à l’exportation. Elle exporte désormais essentiellement des morceaux frais, qui représentent 51 % de ses exportations de poulets en 2022.</p>
<p>Sur ce marché, la concurrence est essentiellement européenne. Les Pays-Bas, et la Belgique sont les exportateurs historiques de poulets frais découpés, mais l’Ukraine et la Pologne montent en puissance sur la période.</p>
<p>La Pologne enregistre ainsi une augmentation significative de sa part de marché de 13 pp sur la période, tandis que l’Ukraine connaît une progression plus modeste de 2 pp (graphique 5). En comparaison, la part de marché de la France n’a augmenté que de 0,7 pp sur la période.</p>
<p><strong>Graphique 5 : Variation des parts de marché mondiales de poulet frais entre 2010 et 2022</strong></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/582768/original/file-20240319-16-beu6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/582768/original/file-20240319-16-beu6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/582768/original/file-20240319-16-beu6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/582768/original/file-20240319-16-beu6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/582768/original/file-20240319-16-beu6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/582768/original/file-20240319-16-beu6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/582768/original/file-20240319-16-beu6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/582768/original/file-20240319-16-beu6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<h2>Des fournisseurs quasi exclusivement européens</h2>
<p>Nous avons vu que la France est à présent importatrice nette de poulets. Ses importations sont uniquement composées de morceaux, frais et congelés (graphique 6) et ses fournisseurs sont quasi exclusivement des partenaires européens, y compris pour les morceaux surgelés qui sont pourtant largement mondialisés.</p>
<p><iframe id="jTAZd" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/jTAZd/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ce sont surtout les importations de morceaux frais qui s’accroissent sur la période, dont la Belgique est le principal fournisseur. Toutefois sa part dans les importations françaises de ces produits se réduit fortement sur la période, au bénéfice de la Pologne et du Royaume-Uni (graphique 7). La trajectoire de la Pologne est la plus spectaculaire : elle voit sa part dans les importations françaises s’accroître substantiellement, aussi bien pour les morceaux de poulet frais (de 2 % en 2010 à 19 % en 2022) que pour les morceaux congelés (de 10 % à 37 %). Cet accroissement de la part de marché polonaise se retrouve également sur l’ensemble du marché européen.</p>
<p><strong>Graphique 7 : Structure géographique des importations françaises de morceaux de poulet</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Le succès à l’exportation de la Pologne va de pair avec une forte augmentation de sa production qui a doublé depuis 2010. Plus discrètement, le Royaume-Uni confirme sa place sur le marché européen, avec une hausse continue de sa production sur la période (32 %). La production française, quant à elle, progresse très peu sur la période (5 %).</p>
<h2>Une faible concurrence sud-américaine</h2>
<p>Les importations françaises de poulet proviennent essentiellement des pays de l’Union européenne (UE), et le marché unique est l’échelon pertinent en France pour penser la concurrence internationale sur ces produits. Les baisses de parts de marché et de compétitivité françaises par rapport aux producteurs européens s’expliquent notamment par un <a href="https://www.senat.fr/rap/r21-905/r21-905.html">différentiel de coût de production</a>, lié en partie aux coûts de la main-d’œuvre et du bâti.</p>
<p>Toutefois, les différentiels de prix entre les produits français et leurs concurrents sont également liés à une spécialisation de la production française sur des produits plus haut de gamme et à la diversité de ses produits.</p>
<p>En dépit des discours alarmistes sur le poulet brésilien, le Mercosur ne concurrence quasiment pas les producteurs français sur leur marché domestique pour le moment. Sa concurrence opère principalement sur les marchés tiers, en particulier au Moyen-Orient. Cette faible part du Mercosur dans les importations françaises s’explique en partie par le fait que le marché européen est encore très protégé, avec des droits de douane autour de 1 euro par kilo pour les morceaux frais et congelés et 0,30 euro par kilo pour les poulets entiers. Les produits importés doivent en outre faire face à de nombreuses normes pour être acceptés sur le marché européen.</p>
<p>Étant donné les différences de prix entre les pays du Mercosur et la France, il n’est toutefois pas exclu que les importations en provenance de cette région augmentent si un accord commercial était conclu. A noter cependant que les négociations ne portent que sur une suppression de droits de douane pour 180 000 tonnes de poulet, soit 1,2 % de la consommation européenne.</p>
<p>Concernant l’Ukraine, l’ouverture du marché communautaire depuis le mois de juin 2022 a fortement augmenté les importations de poulets (de 142 % dans l’UE entre 2021 et 2023). L’Ukraine est ainsi passée de 21 % à 43 % des importations extracommunautaires en deux ans. Ces volumes représentent actuellement 3,5 % de la production européenne (10,8 millions de tonnes). Toutes origines confondues, pour l’UE, la hausse des importations extracommunautaires de poulets n’est cependant que de 8 % entre 2021 et 2023, ce qui suggère que les fournisseurs ukrainiens se sont surtout substitués à d’autres fournisseurs extra-européens.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225598/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La France est devenue importatrice nette en 2019. En cause : une perte de débouchés à l’exportation et une concurrence accrue des importations sur le marché français.Pierre Cotterlaz, Économiste, CEPIICharlotte Emlinger, Économiste, CEPIIManon Madec, Apprentie Économiste, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2240272024-03-10T16:48:28Z2024-03-10T16:48:28ZComment le conflit Israël-Hamas redessine les routes du transport maritime<p>Depuis le 19 novembre, date à laquelle les rebelles houthis du Yémen <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/11/20/les-houthistes-du-yemen-se-sont-empares-d-un-navire-commercial-en-mer-rouge_6201141_3210.html">se sont emparés d’un navire commercial en mer Rouge</a>, ils ont mené <a href="https://www.sudouest.fr/economie/commerces/attaques-en-mer-rouge-les-etats-unis-disent-avoir-detruit-dix-drones-des-houthis-et-trois-d-iran-18386150.php">plus de 35 attaques</a> en mer Rouge, en signe de <a href="https://theconversation.com/topics/conflit-israelo-palestinien-147107">soutien au Hamas et à la Palestine</a>. Malgré les forces militaires britanniques et américaines en patrouille dans la zone et l’ambition européenne de faire de même, les attaques perdurent et perturbent le transport maritime. Or c’est par ce moyen que sont acheminés près de 90 % des volumes du commerce mondial. <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/egypte/canal-de-suez/attaques-des-houthis-en-mer-rouge-le-canal-de-suez-fortement-penalise_6377344.html">12 % environ</a> passent par le canal de Suez, qui relie la mer Rouge à la Méditerranée.</p>
<p>Comme a pu l’illustrer la crise liée au Covid-19, toute perturbation de l’organisation du transport maritime a <a href="https://link.springer.com/article/10.1057/s41278-020-00162-7">des impacts sur les échanges commerciaux mondiaux</a>. Face à cette situation à risque, les principaux opérateurs de porte-conteneurs, qui sont une <a href="https://theconversation.com/transport-maritime-40-ans-de-course-au-gigantisme-206780">petite dizaine à contrôler plus de 80 % du marché mondial</a>, ont fait le choix de changer de route et de contourner le continent africain, avec un temps de navigation supplémentaire d’environ 10 jours pour relier l’Asie à l’Europe et inversement.</p>
<p>Les premières conséquences logistiques, manufacturières et industrielles <a href="https://www.businews.fr/%E2%80%8BAttaques-de-navires-en-mer-Rouge-l-economie-provencale-touchee-de-plein-fouet_a4703.html">se font ressentir en Europe</a>. Tesla a <a href="https://www.reuters.com/business/autos-transportation/tesla-berlin-suspend-most-production-two-weeks-over-red-sea-supply-gap-2024-01-11/">mis à l’arrêt</a> sa gigafactory européenne située en Allemagne depuis le 29 janvier à cause des retards d’approvisionnement. Volvo a suspendu sa production en Belgique durant 3 jours courant janvier. Cette crise touche également des importateurs et exportateurs de plus petites tailles qui reportent leurs commandes en Asie ou carrément annulent leurs achats en jouant sur les stocks. Pour le moment, le consommateur final n’est pas encore impacté de manière visible mais il faut s’attendre, si la situation perdure dans le temps, à des augmentations de prix et à des ruptures de stocks en rayons de produits manufacturés.</p>
<p>Le transport maritime conteneurisé fonctionne selon le système de la ligne régulière avec des routes préétablies et des escales portuaires à date fixe. Cela assure au chargeur la régularité indispensable au bon fonctionnement des chaînes logistiques, depuis le producteur jusqu’au distributeur et au consommateur. Éviter Suez désorganise cette bonne marche. Pour quelle résultante ?</p>
<h2>Les ports Africains regardent les porte-conteneurs passer…</h2>
<p>En exploitant les signaux AIS (<em>automatic identification system</em>) des porte-conteneurs, il est possible de recomposer sur une période donnée toutes les escales portuaires effectuées. Nous avons <a href="https://www.actu-transport-logistique.fr/journal-de-la-marine-marchande/port/yann-alix-ronan-kerbiriou-les-ports-africains-regardent-passer-les-porte-conteneurs-889686.php">analysé</a> les escales deux mois avant et deux mois après le 19 novembre pour tous les navires d’une capacité de transport supérieure à 12 000 EVP (équivalent de 20 pieds, l’unité de mesure standardisée des conteneurs maritimes qui correspond à la taille d’un caisson) et qui naviguent entre l’Europe et l’Asie.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1667947614321475586"}"></div></p>
<p>Ce qui apparaît en premier lieu, et qui peut sembler paradoxal, c’est que la circumnavigation africaine des flottes de porte-conteneurs n’a pas d’effets notables sur les activités portuaires de ce continent. Les principaux hubs africains, Lomé au Togo, Abidjan en Côte d’Ivoire et Pointe-Noire en République du Congo, n’ont pas enregistré d’évolution dans les offres de desserte.</p>
<p>Ce sont de plus petits ports, Walvis Bay (Namibie) et Port-Louis (Ile-Maurice) qui voient escaler de grands porte-conteneurs. Ils sont aidés en cela par leur situation géographique à environ mi-parcours entre l’Europe et l’Asie et leurs accès maritimes en eau profonde. Ces deux ports sont très peu éloignés de la route directe à la différence de ports de « fond de Golfe » comme ceux de Lomé ou Lekki au Nigéria. Port-Louis a enregistré neuf porte-conteneurs de plus de 12 000EVP de capacité en escale contre seulement deux auparavant. Le port de Walvis Bay n’avait lui enregistré aucune escale de cette catégorie de navires ; sept y sont passés depuis le début de la crise. Ces choix d’escales ne semblent néanmoins répondre qu’à un besoin opérationnel des opérateurs (des besoins de soutage, par exemple, c’est-à-dire de ravitaillement en énergie) et ne profitent pas aux marchés locaux.</p>
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les ports africains risquent finalement surtout, et en dépit du bon sens, de subir des délais de transit supplémentaires pour tous les trafics en transbordement. Traditionnellement, des navires-mères reliant l’Asie à l’Europe opèrent des escales dans les ports du détroit de Gibraltar, Tanger-Med au Maroc et Algésiras en Espagne, où les marchandises à destination ou à l’origine du marché africain sont transbordées sur ou depuis des navires de moindre capacité pour desservir la côte ouest Africaine. Dans la situation actuelle, les navires mères et donc les marchandises passent devant les ports africains pour rejoindre directement les deux précédemment cités et poursuivre leurs routes vers l’Europe du Nord. Les temps de navigation sont donc grandement allongés et les temps de livraisons des marchandises sérieusement dégradés.</p>
<h2>Un « cul-de-sac méditerranéen »</h2>
<p>Les ports méditerranéens sont, eux, <a href="https://lemarin.ouest-france.fr/shipping/ports-de-commerce/avec-la-crise-de-la-mer-rouge-les-ports-espagnols-rient-celui-du-piree-pleure-fcf35058-d726-11ee-96ef-9660257def44">sévèrement touchés</a> par les réorganisations via le cap de Bonne-Espérance. Les données d’escales montrent une forte diminution généralisée : -33 % d’escales de gros porte-conteneurs au Pirée (Grèce), -51 % à Port-Saïd (Égypte), -72 % à Mersin (Turquie) ou encore -23 % à Marseille. Seuls les ports espagnols de Barcelone et de Valence se maintiennent à peu près car ils sont géographiquement proches du détroit de Gibraltar.</p>
<p>Les autres restent fortement tributaires du passage maritime de Suez pour les échanges avec le Moyen-Orient, le sous-continent indien et bien sûr l’Extrême-Orient. Avec déjà 8 à 10 jours supplémentaires de mer, les plus gros cargos du monde ne s’aventurent plus dans ce qui devient un « cul-de-sac méditerranéen ». La priorité pour les compagnies maritimes est de desservir les grands ports nord-européens comme Rotterdam, Anvers ou Hambourg au détriment des services directs de la Méditerranée.</p>
<p>Les ports du pourtour, particulièrement ceux situés dans la partie orientale et en mer Noire, sont donc retirés des services maritimes Asie – Europe via une réorganisation des transbordements. La compagnie chinoise Cosco Shipping va par exemple transborder les marchandises en provenance d’Asie et à destination de la méditerranée dans le port belge de Zeebrugge et <a href="https://lemarin.ouest-france.fr/shipping/conteneur/les-armateurs-se-reinventent-pour-desservir-la-mediterranee-e220d568-cb4e-11ee-be0b-364738a87aaa">mettre en place une navette</a> avec le porte-conteneurs <em>Cosco Development</em>.</p>
<h2>Et après ? Tanger-Med grand gagnant ?</h2>
<p>Le grand gagnant dans cette nouvelle projection maritime globale pourrait finalement être Tanger-Med, <a href="https://fr.le360.ma/economie/tanger-med-grimpe-au-vingt-troisieme-rang-du-classement-des-plus-grands-ports-du-monde-255778/">premier port de Méditerranée et d’Afrique</a>. Avec un nombre d’escales quasi identiques (-9 %), il semble renforcer sa position concurrentielle relative vis-à-vis de tous ses concurrents portuaires. Cela avait <a href="https://unctad.org/news/vers-une-nouvelle-hierarchisation-portuaire-ouest-mediterraneenne-dans-lere-de-la-Covid">déjà été observé lors de la crise liée au coronavirus</a> avec une concentration des escales des navires les plus grands sur les terminaux du port marocain.</p>
<p>Sa situation géostratégique est en effet exceptionnelle, aux points de rencontre des principales routes maritimes est-ouest (Amérique – Europe – Méditerranée – Asie) mais aussi nord-sud (Europe-Méditerranée-Afrique). Ce positionnement est valorisé par les plus grandes compagnies maritimes et les plus grands opérateurs de manutention internationaux avec une augmentation remarquable de <a href="https://www.tangermed.ma/wp-content/uploads/2024/01/CP-TMPA-BILAN-DE-LACTIVITE-PORTUAIRE-EN-2023.pdf">13,4 % pour atteindre 8,6 millions de conteneurs manutentionnés en 2023</a>.</p>
<p>Avec la crise de Suez, Tanger Med pourrait tirer profit d’une réorganisation durable des lignes régulières et d’une intensification de la <a href="https://www.cevalogistics.com/fr/glossaire/feedering">« feederisation »</a> (le <em>feedering</em>, c’est le transbordement de navires-mères vers de plus petits capables d’accéder à des ports plus étroits) des marchés méditerranéens via le port marocain. Cette projection est soutenue par deux facteurs. Le premier est que la demande européenne reste faible, du moins inférieure aux volumes qui rempliraient toutes les capacités maritimes déployées par les armements.</p>
<p>Le deuxième facteur est inhérent au fonctionnement de l’économie maritime. <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/entreprises/l-armateur-cma-cgm-signe-un-profit-record-pour-une-entreprise-francaise-en-2022-a-plus-de-23-milliards-d-euros_5691200.html">Les deux dernières années ont été fastes pour le secteur</a>, ce qui a encouragé les plus grandes firmes à investir massivement dans de nouvelles unités, souvent de très grande taille. Le carnet de commandes des porte-conteneurs dépassent les 7 millions d’EVP au début de l’année 2024, soit presque un quart du total actuellement en service. Pour la seule année 2024, la capacité mondiale conteneurisée va augmenter de 10 % alors que les prévisions de croissance du marché oscillent autour de 3 %. Ce surplus de capacité pourrait trouver une « aubaine de marché » avec le contournement prolongé de l’Afrique et l’évitement géostratégique de Suez. 10 jours de plus exigent en effet le déploiement de plus de navires et de plus de capacités pour garantir des services hebdomadaires entre l’Asie et l’Europe.</p>
<hr>
<p><em>Yann Alix, délégué général de la fondation SEFACIL, a également contribué à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224027/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ronan Kerbiriou a reçu des financements de la fondation SEFACIL.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Brigitte Daudet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis l’automne, les porte-conteneurs préfèrent contourner l’Afrique qu’emprunter le canal de Suez. Qui sont les gagnants et les perdants de ce changement d’itinéraire ?Ronan Kerbiriou, Ingénieur d'études, Université Le Havre NormandieBrigitte Daudet, Enseignant- chercheur en management, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2250412024-03-05T16:02:23Z2024-03-05T16:02:23ZDes prix plancher au secours de l’agriculture : ne peut-on pas trouver meilleure idée ?<p>La visite du président Macron au salon de l’agriculture 2024, tout <a href="https://www.bfmtv.com/politique/reconquete/marion-marechal-aspergee-de-biere-au-salon-de-l-agriculture-va-continuer-a-mouiller-la-chemise_AN-202403010144.html">comme celle d’autres personnalités politiques</a>, a été <a href="https://www.youtube.com/watch?v=McEmx_9sO9A">relativement houleuse</a>. Plusieurs débordements ont été signalés avant qu’il ne puisse visiter les hangars de la Porte de Versailles dans un climat tendu et en étant régulièrement pris à partie.</p>
<p>C’est dans ce contexte qu’est intervenue la déclaration surprise de la volonté du gouvernement et du président d’aller vers la mise en place de <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/agroalimentaire-biens-de-consommation-luxe/agriculture-les-prix-planchers-d-emmanuel-macron-une-proposition-qui-divise-le-monde-agricole-991500.html">prix planchers dans le secteur agricole</a>. Les contours du dispositif sont encore flous : il s’agirait, à gros traits, de faire en sorte que les distributeurs ne puissent pas acheter aux producteurs les fruits de leur récolte ou de leur élevage en-deçà d’un certain prix. En théorie, la loi Égalim garantit aujourd’hui des prix qui ne peuvent descendre en dessous des coûts de production.</p>
<p>Le premier ministre, fin janvier 2024, en plein crise agricole, avait esquissé la mise en place <a href="https://www.publicsenat.fr/actualites/politique/discours-de-politique-generale-le-premier-ministre-na-rien-compris-a-ce-que-demandent-les-agriculteurs-sur-les-barrages">d’une « exception agricole</a>, qui permettrait aux productions agricoles nationales de bénéficier de mesures de sauvegarde ou de protection (à l’image de ce qui fût fait <a href="https://www.csa.fr/Cles-de-l-audiovisuel/Connaitre/Histoire-de-l-audiovisuel/Qu-appelle-t-on-l-exception-culturelle">pour le cinéma au travers de l’exception culturelle</a>). Celle-ci est réclamée depuis longtemps par les syndicats, au motif que l’agriculture n’est <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/09/26/puisque-l-alimentation-n-est-pas-une-marchandise-comme-les-autres-etendons-les-principes-de-la-securite-sociale-a-l-alimentation_6191050_3232.html">« pas une activité économique comme les autres »</a>. S’agit-il de couper l’herbe sous le pied au Rassemblement national qui depuis plusieurs années <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/l-edito-politique/edito-prix-planchers-pesticides-europe-les-raison-des-contorsions-du-rassemblement-national_6355366.html">milite pour ce type de mécanismes</a> ?</p>
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<p>À quelques mois des élections européennes, chaque thématique semble être l’objet d’un bras de fer entre la majorité présidentielle et le Rassemblement national. L’agriculture n’y échappe pas. Certains médias affirment d’ailleurs qu’il y aurait une <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/03/01/entre-le-rn-et-la-coordination-rurale-une-proximite-ideologique-et-des-accointances-locales_6219533_823448.html">affinité entre certains syndicats et le programme défendu par Jordan Bardella</a>.</p>
<p>Ce qui paraît certain est que la mise en place de cette idée de prix planchers ne va pas de soi. Elle paraît même <a href="https://www.lopinion.fr/economie/prix-plancher-un-peu-de-culture-economique-la-chronique-demmanuel-combe">largement discutable</a>, tant au regard de la théorie économique que des réalités de terrain. Des alternatives semblent sans doute préférables.</p>
<h2>Pas de cavaliers seuls ?</h2>
<p>Premier point qui peut conduire à remettre cette idée en question : les prix planchers ne semblent <a href="https://theconversation.com/colere-des-agriculteurs-europeens-traiter-lorigine-des-maux-pour-eviter-la-polarisation-224420">pas avoir de sens au sein d’un marché commun européen</a>. L’Europe a abandonné depuis les années 2000 la politique de quotas et <a href="https://theconversation.com/crise-agricole-une-reponse-politique-mal-ciblee-223947">a cessé de vouloir piloter les volumes produits et indirectement les prix</a>. Cela a presque automatiquement généré une <a href="https://theconversation.com/de-la-fin-des-quotas-de-la-pac-a-aujourdhui-20-ans-de-politiques-agricoles-en-echec-222535">élévation de la concurrence intra-européenne</a> et mondiale, <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/sucre-le-triste-bilan-de-la-fin-des-quotas-europeens-140391">qui s’est traduite par de fréquentes crises de surproduction</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1753805095169388785"}"></div></p>
<p>Chaque acteur et chaque pays n’ont en effet aucun intérêt propre à se limiter pour atteindre un hypothétique équilibre de marché. C’est ce qu’a bien montré la théorie économique des jeux : sur certains marchés <a href="https://www.persee.fr/doc/ecoap_0013-0494_2001_num_54_1_1756">peuvent se produire des déséquilibres et des actions non coopératives qui aboutissent à des situations sous-optimales</a>. Ici, des surplus de production amènent une baisse généralisée des prix. À quoi bon instaurer des prix planchers quand chaque pays peut décider de faire « cavalier seul » ?</p>
<p>Une des conditions fortes des prix planchers serait ainsi que les règles du jeu soient exactement les mêmes pour tous. En économie, l’un des principes de base des <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/270244-quest-ce-que-la-concurrence">théories de la concurrence</a> <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/270244-quest-ce-que-la-concurrence">pure et parfaite</a> consiste à avoir des acteurs qui se comportent de la même façon et qui tous ont le même poids. Aucun acteur ne peut déstabiliser seul un marché et donc tout le monde joue à armes égales.</p>
<h2>Le défi de l’hétérogénéité</h2>
<p>Or, cela ne correspond pas à la réalité des marchés et des filières agricoles. D’une part, il existe des acteurs <a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/negociations-commerciales-et-prix-des-matieres-premieres-agricoles-la-france-a-cote-de-la-pac-905654.html">qui « font » le marché, en pesant plusieurs milliards d’euros</a>. En général les <a href="https://theconversation.com/les-producteurs-principaux-perdants-de-la-repartition-des-gains-de-productivite-de-lagriculture-depuis-1959-222780">producteurs sont les grands perdants de ces rapports de force</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1754931388837417156"}"></div></p>
<p>D’autre part, parce que plusieurs pays n’ont pas intérêt et ne mettront jamais en place les prix planchers à l’échelle européenne et encore moins mondiale. Les pays en mesure de proposer des prix bas se priveraient en effet d’une demande qui leur est acquise. Certains produits agricoles sont des commodités, aux caractéristiques identiques ou très proches, et pour lesquelles le prix devient donc le facteur unique de décision des agents économiques.</p>
<p>L’idée de prix plancher ne serait ainsi pertinente qu’à condition d’avoir des produits agricoles qui se différencient autrement que par le prix. Cela justifierait l’existence d’un prix minimal au regard des caractéristiques supérieures du produit ou de sa qualité essentielle.</p>
<p>Par ailleurs, le concept même de prix plancher repose sur une hypothèse forte et très restrictive : que les <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/02/27/quatre-questions-sur-les-prix-planchers-des-produits-agricoles_6218908_4355770.html">couts des différents exploitants agricoles soient assez homogènes,</a> quelle que soit leur zone de production. Or les conditions locales, climatiques ou la simple topographie sont nettement différentes selon la région de production. Dans la filière laitière, les coûts de production varient du simple au double. Dans ce cas, sur quel niveau de coût s’aligner et donc quel niveau de prix plancher ?</p>
<h2>Une inspiration américaine ?</h2>
<p>La notion de prix plancher soulève d’ailleurs des enjeux juridiques : elle peut conduire plusieurs acteurs à s’entendre de fait sur des prix. Or, les ententes sont <a href="https://www.lopinion.fr/economie/agriculture-les-prix-planchers-suscitent-une-montagne-dinterrogations">interdites du point de vue du droit de la concurrence</a>. Cela incite les principaux acteurs sur le marché, peu nombreux dans la grande distribution, à s’accorder sur des niveaux d’achats et des prix et les conséquences peuvent s’avérer à terme contre-productives. En effet, les distributeurs peuvent être plus incités encore à avoir des prix d’achat quasi identiques, le prix plancher donnant un signal. Dans ce cas, le mécanisme stimulant de la concurrence du côté de la demande qui peut pousser les prix d’achat vers le haut peut se gripper (le producteur vendrait en théorie au plus offrant).</p>
<p>Outre le droit européen, il faudra aussi composer avec les accords de libre-échange qui comportent des allègements, si ce n’est des suppressions, de contraintes douanières ou fiscales. Cela va bien évidemment à l’encontre des velléités protectionnistes ou même de <a href="https://theconversation.com/une-vraie-souverainete-alimentaire-pour-la-france-220560">souveraineté nationale</a>. L’idée est de permettre d’échanger des <a href="https://www.sudouest.fr/economie/agriculture/mercosur-poulets-bresiliens-contre-voitures-allemandes-ou-en-est-l-accord-de-libre-echange-entre-l-europe-et-l-amerique-du-sud-18373445.php">productions agricoles étrangères contre d’autres types de produits comme le fait par exemple l’Allemagne</a>. Dans le cas français, ce sont bien nos productions agricoles qui risquent de pâtir de cette concurrence directe des produits importés.</p>
<p>Dans cette approche fondée sur la théorie des avantages comparatifs, chaque pays essaie de favoriser la performance de ses productions nationales disposant d’avantages relatifs. Tout l’enjeu pour les produits agricoles consiste à introduire des <a href="https://www.publicsenat.fr/actualites/societe/agriculture-quest-ce-que-les-clauses-miroirs-que-demandent-les-agriculteurs">clauses miroirs</a> pour que les pays importés soient soumis aux mêmes règles et contraintes que les produits nationaux, notamment en matière environnementale. Cela induit sinon une distorsion majeure de concurrence. En introduisant des prix planchers qui ne s’appliqueraient qu’aux productions nationales, on risque de rendre encore moins compétitifs sur notre sol nos produits agricoles et on renforcerait l’avantage comparatif du poulet ukrainien ou du sucre brésilien, par exemple.</p>
<p>Plusieurs experts rappellent l’existence d’autres dispositifs qui représentent une alternative plus pertinente. Un des dispositifs les plus aboutis existe dans le pays roi du marché et de la libre concurrence, à savoir les États-Unis. Les Américains ont mis en place depuis plusieurs années, au travers du <a href="https://agriculture.gouv.fr/le-nouveau-farm-bill-americain-un-renforcement-des-assurances-agricoles-subventionnees-et-des"><em>Farm Bill</em></a>, différents mécanismes permettant de compléter les prix offerts sur le marché. Des aides sont versées, sauf quand les prix deviennent plus rémunérateurs pour les paysans ou franchissent certains seuils. C’est une façon de « préserver » le revenu des agriculteurs américains, de limiter les effets de la volatilité et d’offrir un peu de prévisibilité et de stabilité. Un juste équilibre, sans doute, pour un secteur qui fait face à <a href="https://theconversation.com/crise-agricole-quels-defis-pour-demain-224685">venir d’immenses défis</a>, tant <a href="https://theconversation.com/ce-que-la-crise-agricole-revele-des-contradictions-entre-objectifs-socio-ecologiques-et-competitivite-222293">techniques</a> et économiques <a href="https://theconversation.com/revoir-notre-vision-de-la-nature-pour-reconcilier-biodiversite-et-agriculture-223927">qu’environnementaux</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225041/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Xavier Hollandts ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Et si, au lieu d’instaurer un système de prix plancher dans l’agriculture, on s’inspirait de dispositifs américains, plus pertinents sans doute pour garantir un minimum de stabilité aux producteurs ?Xavier Hollandts, Professeur de stratégie et entrepreneuriat, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2238682024-02-21T15:45:32Z2024-02-21T15:45:32ZOMC : à Abou Dabi, un sommet ministériel aux multiples enjeux<p>La XIII<sup>e</sup> Conférence ministérielle de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/organisation-mondiale-du-commerce-omc-50902">l’Organisation mondiale du commerce</a> (OMC) se tiendra du 26 au 29 février 2024 à Abou Dabi (Émirats arabes unis). Entre 1996 et 2022, les 12 sommets ministériels ont donné au total peu de résultats. On peut compter trois succès en 26 ans : l’accord sur la facilitation du commerce à Bali en 2013, qui a permis une <a href="https://www.wto.org/english/res_e/booksp_e/world_trade_report15_e.pdf">amélioration des procédures douanières dans le monde</a> ; l’accord sur l’élimination des subventions à l’exportation dans l’agriculture à Nairobi en 2015 ; l’accord sur la pêche à Genève en 2022, qui interdit les subventions aux vaisseaux opérant une pêche illicite, non notifiée ou non règlementée et celles contribuant à la pêche de stocks « surexploités ».</p>
<p>À Abou Dabi, de nombreux sujets, qui divisent aujourd’hui les 164 pays membres, doivent être discutés. En premier lieu : la réforme de l’organe de règlement des différends (ORD), dont le mécanisme d’appel est <a href="https://theconversation.com/lomc-joue-t-elle-sa-survie-lors-de-sa-douzieme-conference-ministerielle-a-geneve-171859">bloqué depuis décembre 2019</a>.</p>
<h2>Le blocage du règlement des différends</h2>
<p>L’ORD a été créé en même temps que l’OMC, en 1995. Cet organe permet à n’importe quel pays membre de l’OMC de porter plainte contre un autre qui aurait enfreint les règles multilatérales du commerce. Une fois la plainte portée devant l’OMC, les parties au litige ont 60 jours pour négocier un accord entre eux.</p>
<p>Si cette phase de concertation n’aboutit pas, le plaignant peut demander à l’OMC de réunir un panel qui fournit des conclusions juridiques. Les parties au litige peuvent toutes les deux faire appel à la suite de ces premières recommandations. Si tel est le cas, l’organe d’appel peut confirmer, modifier ou aller à l’encontre des premières recommandations. S’il est donné raison au plaignant, le défendeur doit alors mettre en conformité la ou les mesures concernée(s). Si ce dernier refuse, le plaignant peut être autorisé à mettre en place des mesures de représailles contre le défendeur.</p>
<p>L’ORD a joué un rôle déterminant dans la résolution de litiges commerciaux. Depuis 1995, 621 demandes de consultation ont été émises et ont impliqué globalement 53 pays comme plaignants et 55 comme défendeurs. En éliminant les renouvellements de requête et en tenant compte des cas avec plusieurs plaignants, il y a eu, depuis 1995, 616 cas de plainte d’un pays contre un autre.</p>
<p>Le tableau 1 montre la répartition des pays suivant les groupes de revenu et les acteurs les plus fréquents. Pays développés et pays en développement ont eu recours à l’ORD pour résoudre leurs différends et des pays à revenu intermédiaire ont porté plainte contre des pays plus riches. Les litiges ont couvert une grande variété de sujets : mesures anti- dumping, subventions, accords sur l’agriculture, obstacles techniques au commerce, mesures sanitaires et phytosanitaires…</p>
<p><iframe id="zTMoq" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/zTMoq/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Dans un cas sur six environ (108 sur 616), les différends ont été résolus par voie de consultation, avant qu’un panel soit réuni ou ait produit un rapport. Parmi les procédures qui ont eu recours à un panel et qui ont fait l’objet de prises de décision (295 sur 616), les issues les plus fréquentes ont été une solution coopérative (solution mutuellement négociée ou mise en œuvre de la recommandation du panel) et on note seulement vingt cas d’autorisation d’application de mesures de représailles.</p>
<p>Depuis maintenant quatre ans, l’ORD, considéré longtemps comme le « joyau de la couronne » du système commercial multilatéral, est en crise avec le blocage de la nomination de membres de l’organe d’appel par les États-Unis. Ce dernier n’est plus en mesure de fonctionner alors que plus de 70 % des conclusions des panels ont fait l’objet d’appel.</p>
<p>La moyenne par an des différends portés à l’ORD est passée de 23,8 entre 1995 et 2018 à 6,5 entre 2020 et 2023. La plupart des rapports des panels font maintenant l’objet d’un appel « dans le vide » et le règlement de ces différends est en suspens. Il y a urgence à trouver une solution, mais il sera difficile pour l’administration américaine de faire des concessions sur ce dossier une année d’élection présidentielle.</p>
<h2>Un nouvel accord sur la pêche</h2>
<p>Les subventions aux activités halieutiques concernent à la fois des subventions que l’on peut qualifier de bénéfiques, car ayant vocation à conserver et gérer les ressources halieutiques, les subventions contribuant à une surcapacité ou une surpêche, et les subventions dont il est difficile d’estimer l’impact sur l’activité halieutique.</p>
<p>À l’OMC, les discussions portent sur la réduction des subventions contribuant à une surcapacité ou une surpêche, les plus importantes pour la plupart des membres, à l’exception des États-Unis et de la Corée du Sud (graphique 1). Ces subventions incluent des subventions de capital (achat, modernisation de vaisseaux, etc.), de consommation intermédiaire (fuel, glace, appâts), de coût du personnel, des soutiens aux revenus ou aux prix, ou couvrant des pertes, ou des subventions de pêche dans des zones en dehors de la juridiction du pays.</p>
<p><iframe id="38UmM" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/38UmM/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les points d’achoppement dans ce dossier concernent le traitement spécial et différencié, c’est-à-dire la prise en compte des situations individuelles des pays membres de l’OMC (par exemple la distinction pays les moins avancés/pays en développement/pays développés, critère croisé dans cette discussion avec le cas des 20 pays pratiquant les subventions les plus importantes) pour définir une règle spécifique de réduction des subventions par groupe de pays.</p>
<p>D’un côté, les États-Unis veulent un accord ambitieux avec le moins d’exemptions possible. De l’autre, des pays en développement veulent autoriser des flexibilités importantes à leur bénéfice.</p>
<h2>Commerce de transmissions électroniques</h2>
<p>Le commerce de transmissions électroniques est un commerce en forte croissance. Il correspond à des livraisons internationales en ligne de musique, de e-books, de magazines, de quotidiens, de films, de jeux vidéo… En 2020 et 2022, il avait été décidé de <a href="https://docs.wto.org/dol2fe/Pages/SS/directdoc.aspx?filename=r:/WT/MIN22/32.pdf&Open=True">renouveler un moratoire</a>, temporaire, qui exempte de droits de douane ces transactions. À Abou Dabi, les participants devront décider soit d’un nouveau moratoire temporaire, soit d’un moratoire permanent, soit de l’arrêter.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>L’Inde, l’Indonésie et l’Afrique du Sud sont d’ores et déjà contre un moratoire permanent : ces pays se déclarent intéressés par la taxation des transmissions électroniques, car ce commerce est en pleine expansion. Une évaluation récente montre pourtant qu’au niveau mondial, les pertes potentielles de recettes publiques sont faibles et que pour ces pays, elles pourraient être <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/fr/trade/understanding-the-potential-scope-definition-and-impact-of-the-wto-e-commerce-moratorium_59ceace9-en">facilement compensées par une faible augmentation des taxes à la valeur ajoutée</a>.</p>
<h2>Propriété intellectuelle et Covid-19</h2>
<p>La conférence de Genève en 2022 avait autorisé un certain nombre de dérogations à l’accord sur les droits de la propriété intellectuelle liés au commerce pour faciliter la production et l’exportation de vaccins contre le Covid-19. Les discussions portent maintenant sur l’extension de ces dérogations aux tests de dépistage et thérapies.</p>
<p>L’Afrique du Sud, l’Inde et d’autres pays en développement, mais aussi des pays moins avancés, sont en faveur de cette extension. Une coalition réunissant l’Union européenne, le Royaume-Uni et la Suisse y est opposée, au motif qu’une telle tolérance compromettrait les dépenses d’innovation dans le secteur de la santé et n’est pas nécessaire pour des raisons de santé publique.</p>
<h2>Agriculture et sécurité alimentaire</h2>
<p>À Abou Dabi, sept sujets sur l’agriculture et la sécurité alimentaire seront discutés :</p>
<p>1/Le <strong>soutien domestique ou soutien national aux agriculteurs</strong> : le groupe de Cairns (Afrique du Sud, Argentine, Australie, Brésil, Canada) veut une réduction significative du soutien domestique. L’Union européenne et les pays du G10 (Suisse, Japon, Corée du Sud, Norvège, Islande…) s’y opposent.</p>
<p>2/<strong>L’accès au marché</strong> : les États-Unis veulent une diminution significative des droits de douane dans l’agriculture ; l’Union européenne, les pays du G10 et l’Inde sont contre.</p>
<p>3/La <strong>clause de sauvegarde spéciale</strong> est un instrument de protection réservé aux pays en développement pour augmenter temporairement leurs droits de douane dans l’agriculture lors d’une forte croissance des importations ou d’une chute des prix. L’Inde veut faciliter l’accès à cet instrument pour les pays en développement ; les États-Unis sont contre.</p>
<p>4/Les <strong>restrictions à l’exportation sur des produits agricoles</strong>, mises en place régulièrement par des pays comme l’Argentine, l’Inde ou le Vietnam, jouent un rôle certain dans la volatilité des prix agricoles, volatilité qui peut nuire aux intérêts des pays importateurs nets et notamment parmi eux les pays pauvres (Bangladesh, Pakistan, beaucoup de pays africains). Les discussions portent sur des disciplines plus sévères sur ces restrictions.</p>
<p>5/Les <strong>subventions et aides à l’exportation</strong> : le Canada, le Chili et la Suisse veulent renforcer les disciplines sur les crédits à l’exportation, l’aide alimentaire internationale et les opérations des entreprises exportatrices d’État.</p>
<p>6/Les <strong>subventions pour les producteurs de coton</strong> : c’est un sujet traditionnel de discussion à l’OMC, opposant notamment des pays producteurs et exportateurs comme le Bénin, le Burkina Faso, le Mali et le Tchad à l’Union européenne et aux États-Unis, les premiers voulant la fin des programmes de soutien aux filières locales des seconds.</p>
<p>7/Les <strong>stocks publics constitués pour la sécurité alimentaire</strong> sont des programmes d’achat, de stockage et de distribution de denrées alimentaires en cas d’insécurité croissante. Un certain nombre de pays en développement, dont l’Inde, veulent une clause de paix permanente sur les stocks constitués à des prix administrés ou minimum (une clause de paix temporaire avait été adoptée à Nairobi en 2015). Les pays exportateurs de ces denrées sont contre.</p>
<p>Sur tous ces sujets, les positions des pays membres semblent difficilement conciliables. La seule décision à faire aujourd’hui l’objet d’un consensus est <a href="https://www.hinrichfoundation.com/research/article/wto/a-moment-of-truth-for-the-wto/">l’accès à l’OMC des Comores et du Timor-Leste</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223868/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Règlement des différends, agriculture, propriété intellectuelle… les antagonismes entre les 164 pays membres restent profonds à l’ouverture de la XIIIᵉ Conférence ministérielle, prévue le 26 février.Antoine Bouët, Directeur, CEPIIJeanne Métivier, Professeure assistante en comptabilité, finance et économie, Kedge Business SchoolLeysa Maty Sall, Économiste, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2231262024-02-13T15:41:04Z2024-02-13T15:41:04ZLa globalisation à l’aube d’un nouveau cycle<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/574392/original/file-20240208-20-dqowjp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=38%2C5%2C1943%2C1188&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Depuis le début des annes 1990, la globalisation a connu plusieurs phases. Une nouvelle s'amorce aujourd'hui.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.needpix.com/photo/1618449/technology-globalisation-business-communication-connection-world-network-global-internet">TheDigitalArtist/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La globalisation ne doit pas être conçue comme un processus de convergence aboutissant à un espace mondial plat et lisse dans lequel les technologies, les organisations structurées en réseau et les chaînes de valeur permettent à de grandes firmes installées de combiner et de recombiner des blocs d’activité en mobilisant parfois de la recherche et développement (R&D), souvent des capacités de production et de commercialisation.</p>
<p>Au-delà de l’aspect géographique, la globalisation est aussi un déroulé sur la façon dont les économies nationales et les régions qui les englobent interagissent à un niveau supérieur qualifié de global. C’est ce que nous montrions dès 2012 dans l’essai <em>Les Paradoxes de l’économie du savoir</em> (éditions Hermès Lavoisier).</p>
<p>Sur la période 1990-2022, l’évolution de la globalisation présente ainsi une discontinuité temporelle des flux mondiaux d’exportations, d’importations et d’investissements directs à l’étranger (IDE) marquée par <a href="https://www.piie.com/publications/working-papers/trade-hyperglobalization-dead-long-live">trois phases</a> : d’hyperglobalisation (1990-2008), de crise financière et de stabilisation des trois variables (2008-2011) et de déglobalisation relative jusqu’en 2022.</p>
<p>Ce constat permet une lecture selon laquelle la globalisation s’inscrit dans un cycle et, comme telle, elle a vocation à se reproduire, non pas à l’identique, mais en réorganisant les interconnexions pour répondre aux multiples contraintes économiques, technologiques et géopolitiques.</p>
<h2>Une rupture en 2008</h2>
<p>Entre 1990 et 2008, la croissance annuelle des exportations mondiales (10 %) excède celle du PIB mondial (6 %). Dans de nombreux pays et régions, on observe une forte corrélation entre les flux commerciaux et la croissance qui se soutiennent mutuellement (<a href="https://theconversation.com/fr/topics/etats-unis-20443">États-Unis</a>, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/union-europeenne-ue-20281">Union européenne</a>, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/chine-20235">Chine</a>). Des transformations structurelles sont à l’œuvre, la part de l’industrie globale dans la valeur ajoutée mondiale décline de 21 % en 1990 à 16 % en 2011, la désindustrialisation des pays du Nord l’emportant sur l’industrialisation du Sud.</p>
<p>Le système d’échange global prend appui sur des créations institutionnelles (Union européenne, Accord de libre-échange nord-américain, Accord de partenariat transpacifique) et il est fondé sur une idéologie néolibérale centrée sur les entreprises et les marchés et sur des règles globales des flux commerciaux et d’investissements édictées par <a href="https://theconversation.com/fr/topics/organisation-mondiale-du-commerce-omc-50902">l’Organisation mondiale du commerce</a> (OMC).</p>
<p>La période post-crise financière a par la suite créé de fortes pressions en faveur de la déglobalisation : inégalités croissantes et concurrence accrue, complexité croissante des chaînes de valeur et importance grandissante des considérations géopolitiques.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une d’un journal américain titrant sur la crise de 2008" src="https://images.theconversation.com/files/574407/original/file-20240208-28-x0v2ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574407/original/file-20240208-28-x0v2ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574407/original/file-20240208-28-x0v2ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574407/original/file-20240208-28-x0v2ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574407/original/file-20240208-28-x0v2ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574407/original/file-20240208-28-x0v2ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574407/original/file-20240208-28-x0v2ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le crise financière de 2008 a déclenché des pressions propices à une déglobalisation.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/myeye/3152750338">Myeyesees/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le ralentissement du commerce mondial à partir de 2011 a accompagné le freinage de la croissance mondiale. L’analyse de cette période exige toutefois de dissocier les biens et les services : le commerce manufacturier s’est tassé de 15,6 % du PIB mondial en 2011 à 14,5 % en 2021 alors que le commerce des services s’est accru de 6 % du PIB mondial en 2011 à 8 % en 2021.</p>
<h2>La Chine de plus en plus influente</h2>
<p>En phase d’hyperglobalisation, les flux traduisent le pouvoir économique et géopolitique des États-Unis, alors que la phase de tassement est plutôt configurée par l’influence croissante de la Chine qui peut être repérée par deux indicateurs. Le ratio exports-imports/PIB décline de 71 % en 2008 à 35 % en 2022 pendant que la part de marché des exportations manufacturières de la Chine dans les exportations mondiales augmente de 12 % en 2008 à 22 % en 2022.</p>
<p>Le premier indicateur traduit le recentrage de la Chine sur son marché intérieur et le changement d’orientation de la politique économique privilégiant désormais les biens non échangeables, notamment l’immobilier et les infrastructures. Les dépenses publiques orchestrent cette modification de la composition de la production qui a pour effet d’atténuer la compétitivité du secteur échangeable en provoquant une hausse des salaires sur le marché du travail.</p>
<p>Le second indicateur indique que, malgré l’affaiblissement de la compétitivité, le différentiel de productivité en faveur de la Chine dans les biens échangeables est si élevé que les exportations continuent de croître. Dans le même temps, la Chine a élaboré <a href="https://theconversation.com/rcep-lintegration-commerciale-en-asie-met-les-etats-unis-au-defi-de-leurs-ambitions-150474">l’Accord de partenariat économique régional global</a> qui regroupe 15 pays représentant le tiers du PIB mondial et qui représente l’accord le plus vaste de libre-échange dans le monde.</p>
<h2>Les prémisses d’un nouveau cycle</h2>
<p>La volatilité accrue des variables économiques et les incertitudes liées aux conflits géopolitiques amorcent un nouveau cycle de globalisation. Les difficultés actuelles de la Chine (crise démographique, croissance économique ralentie et prévisions de croissance en baisse, <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/09/30/la-chine-de-l-interieur-rattrapee-par-la-crise-de-l-immobilier_6191715_3234.html">effondrement du secteur de l’immobilier</a>) conduisent ce pays à redoubler d’efforts pour acquérir des positions dominantes sur des produits et des technologies critiques, tout en contrôlant les exportations de terres rares. D’où l’attitude « de-risk China » de l’Ouest global pour assurer ses approvisionnements et pour accéder à des produits et des technologies d’importance économique et géopolitique stratégique.</p>
<p></p>
<p>Le principe est qu’il n’y a pas d’opposition entre politiques industrielles et marchés. Les politiques industrielles non seulement corrigent les mécanismes de marché, mais encore elles éclairent les choix stratégiques des entreprises en orientant l’investissement vers des produits et des technologies essentielles pour la sécurité nationale et la neutralité carbone.</p>
<p>Dans ce contexte, des mesures défensives sont prises. L’imposition par les États-Unis et la Chine de multiples barrières sur leurs échanges bilatéraux poussent les entreprises à diversifier leurs sources d’approvisionnement et leurs localisations. En Chine, les IDE ont régressé sur la période 2014-2020, puis se sont effondrés entre 2020 et 2023, passant de 400 milliards à 15 milliards de dollars, pendant qu’ils augmentaient fortement vers d’autres régions : l’Amérique latine, l’Afrique, l’Asie du Sud-Est et l’Inde. Le déclin marqué des importations chinoises aux États-Unis s’est traduit par une relocalisation partielle de certaines activités et par des importations accrues en provenance de Mexico (15 % en 2023 contre 13,9 % pour la Chine), du Vietnam, etc.</p>
<h2>L’enjeu de sécurité économique s’impose</h2>
<p>Début 2024, la Commission européenne s’est rapprochée des États-Unis en proposant <a href="https://www.aefr.eu/fr/actualites/6474/la-commission-propose-de-nouvelles-initiatives-pour-renforcer-la-securite-economique">plusieurs mesures pour renforcer la sécurité économique</a>. En premier lieu, développer des mécanismes de criblage des IDE en évaluant leurs effets sur les infrastructures et les technologies critiques et identifier les secteurs sensibles (semi-conducteurs, intelligence artificielle, médicaments). En deuxième lieu, elle demande aux gouvernements d’évaluer les risques potentiels d’investir à l’étranger dans les technologies avancées.</p>
<p>Une troisième initiative propose de contrôler les exportations de biens à usage dual, civil et militaire dont les mécanismes de financement de la R&D devraient être sensiblement améliorés. La proposition finale vise à doter les organisations de recherche d’outils permettant d’exercer une « diligence raisonnable » lorsqu’elles s’engagent dans une coopération internationale, afin d’éviter la capture d’informations.</p>
<p>Au bilan, les politiques industrielles contiennent des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/protectionnisme-33187">mesures protectionnistes</a>. Le cycle de la globalisation se reproduit en renforçant les formes publiques de pilotage des économies.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223126/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bernard Guilhon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La volatilité accrue des variables économiques et les incertitudes liées aux conflits géopolitiques amorcent un nouveau cycle marqué par une multiplication des mesures protectionnistes.Bernard Guilhon, Professeur de sciences économiques, SKEMA Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2232102024-02-12T16:31:13Z2024-02-12T16:31:13ZLa rose rouge, objet de la mondialisation : des serres kenyanes aux plateformes de Hollande<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/574937/original/file-20240212-30-qkfc89.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C0%2C5590%2C3741&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La rose que vous offrirez ou recevrez le 14 février a toutes les chances de provenir de serres situées sous les tropiques voire sur l’équateur.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/natural-red-roses-background-127002347">PhotoHouse/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Une rose rouge peut symboliser bien des choses. Le jour de la Saint-Valentin, elle devient, pour beaucoup, une marque d’amour, une preuve de tendresse. C’est la fleur des amoureux par excellence. En Russie, elle est aussi offerte le 8 mars, aux mères de famille comme un gage de reconnaissance de leur travail domestique. Mais pour le géographe, la rose rouge est aussi un <a href="https://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/afrique-dynamiques-regionales/articles-scientifiques/roses-afrique-mondialisation">marqueur de la mondialisation</a>. Car la rose que vous offrirez ou recevrez le 14 février a toutes les chances de provenir de serres situées sous les tropiques voire sur l’équateur, plus précisément au Kenya, en Éthiopie, ou peut-être en Équateur si sa tige est très longue et qu’elle coûte plus cher. </p>
<p>Dans les serres, les chefs de culture ont travaillé d’arrache-pied depuis 6 mois pour que leurs rosiers (6 par m<sup>2</sup> soit 60000 environ par hectare) fleurissent précisément la semaine qui précède le 14 février, ni trop tôt, ni surtout trop tard, jouant pour cela avec les capacités techniques des serres pour moduler la lumière, l’irrigation, les apports en CO<sup>2</sup> ou en oxygène, le taux d’humidité de façon à accélérer ou ralentir la floraison des rosiers.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/574956/original/file-20240212-31-m3dvea.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574956/original/file-20240212-31-m3dvea.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574956/original/file-20240212-31-m3dvea.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574956/original/file-20240212-31-m3dvea.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574956/original/file-20240212-31-m3dvea.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574956/original/file-20240212-31-m3dvea.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574956/original/file-20240212-31-m3dvea.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Ouvrier dans une serre kenyane.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bernard Calas</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Quand on sait que l’écart entre deux floraisons varie selon la lumière, la nébulosité, la température, l’humidité de l’air, les apports en eau, en engrais, etc., et qu’à cela on ajoute les toujours possibles attaques d’insectes ou de champignons, catastrophiques dans ces contextes de monoculture, on mesure l’incertitude et le stress qui règnent dans les fermes à mesure de s’approche le jour fatidique. </p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/574958/original/file-20240212-30-4udtu7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574958/original/file-20240212-30-4udtu7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574958/original/file-20240212-30-4udtu7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574958/original/file-20240212-30-4udtu7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574958/original/file-20240212-30-4udtu7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574958/original/file-20240212-30-4udtu7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574958/original/file-20240212-30-4udtu7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cargo de la compagnie KLM qui entretient des liens privilégiés avec FloraHolland.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bernard Calas</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>De ces bassins de production intertropicaux, après un voyage de quelques heures dans les soutes fraîches d’un avion-cargo, par exemple un Boeing 747-Cargo qui peut transporter jusqu’à 120 tonnes de roses, votre fleur transitera par la coopérative Royal Flora Holland à Aalsmeer, à quelques encablures de l’aéroport Amsterdam-Schipol. Là, le jour même, elle sera chargée dans un de ces camions réfrigérés qui sillonnent l’Europe et sera livrée à votre fleuriste qui, en prévision du 14 février, a, avant Noël, multiplié ses commandes par quatre ou cinq et ses prix par deux ou trois, juste à cause de l’augmentation brutale de la demande. La fête des amoureux est aussi le jour où votre fleuriste réalise près de 15 % de son chiffre d’affaire annuel. </p>
<h2>Des facteurs climatiques et politiques favorables à une production kenyane</h2>
<p>Faire voyager des roses sur milliers de kilomètres n’est pas un phénomène nouveau. Alors que jusque-là l’Europe était autosuffisante en roses coupées, à la fin des années 1970, imitant leurs collègues américains qui avaient commencé quelques années plus tôt à installer des fermes en Équateur, autour de Quito, des Hollandais commencent à installer certaines unités de production au Kenya. Mais alors, Pourquoi en est-on venu à mondialiser ainsi la production de roses coupées ? </p>
<p>Des <a href="https://journals.openedition.org/belgeo/45011">facteurs répulsifs et des facteurs attractifs</a> ont en fait motivé ce mouvement vers l’Afrique. Il a d’abord s’agit de quitter l’Europe, ses coûts de main-d’œuvre et de chauffage et ses réglementations phytosanitaires émergentes. Les hautes terres kenyanes sont alors apparues comme particulièrement attrayantes du fait d’un certain nombre d’avantages climatiques : d’abord, l’écosystème équatorial d’altitude (entre 1600 et 2300 m. selon les bassins de production kenyans) offre, sans chauffage, des températures (entre 12 °C la nuit et 30 °C le jour), toute l’année idéales pour le rosier, sa croissance et sa productivité. Ensuite, ces régions garantissent une luminosité qui donne aux fleurs leurs couleurs éclatantes, et à la tige la solidité nécessaire pour voyager, ainsi qu’une taille (entre 40 cm-1 m.) idéale pour conquérir les marchés. </p>
<p>En outre, l’écosystème géoéconomique du Kenya postcolonial a permis de valoriser cette situation équatoriale. Ancienne colonie de peuplement britannique, le Kenya disposait d’une part de diasporas blanches et indiennes rompues à l’encadrement du travail en Afrique comme aux contraintes du capitalisme international, et, d’autre part d’une main-d’œuvre noire nombreuse, bon marché, éduquée, et peu revendicatrice. De plus, moteur économique de l’Afrique orientale, le Kenya possédait déjà des facilités logistiques, notamment l’aéroport de Nairobi rodé aux flux touristiques mettant l’Europe à 8 heures de vol. Enfin, le régime kenyan libéral, pragmatique et stable offrait aux investisseurs sécurité et liberté. </p>
<p>Ces entrepreneurs pionniers ont fait exemple et, au cours des années 1990, 2000 et 2010, ont été imités par des investisseurs kenyans d’origine indienne, blancs mais aussi des hommes politiques kenyans. Les superficies mises en serre se sont donc étendues et, progressivement, un véritable cluster rosicole s’est formé au Kenya puisque la production y a attiré un ensemble d’entreprises induites, à amont et à l’aval. Aujourd’hui, si les serres emploient directement 100000 personnes, 500 000 employés travaillent de près ou de loin autour de la fleur. Au total, 2 millions de personnes dépendent de la rose pour vivre. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/574957/original/file-20240212-16-gez8v5.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574957/original/file-20240212-16-gez8v5.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574957/original/file-20240212-16-gez8v5.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574957/original/file-20240212-16-gez8v5.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574957/original/file-20240212-16-gez8v5.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574957/original/file-20240212-16-gez8v5.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574957/original/file-20240212-16-gez8v5.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Serres de roses devant le lac Naivasha. À 1800 mètre, c'est la région de prédilection de la culture de la rose au Kenya.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bernard Calas</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>D’un point de vue macroéconomique, les exportations des roses contribuent de manière décisive à la balance commerciale du pays (700 millions de $, seconde derrière le thé 1400 millions de $). Dans les années 2000, après avoir conquis les hauts plateaux kenyans, la rose rouge a également été introduite en Éthiopie, pays limitrophe présentant des caractéristiques proches. 50 000 emplois y ont été créés par des rosiculteurs, parfois venus du Kenya à l’instigation des autorités éthiopiennes plus interventionnistes. Cependant, la chaîne de valeur n’y a pas atteint la même maturité et beaucoup moins d’emplois induits y sont associés, aussi le bassin de production éthiopien reste-t-il dans l’orbite de son voisin du Sud. Si l’on dézoome maintenant, on observe un boom rosicole africain qui a accompagné la croissance de la consommation mondiale et tué la production européenne.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/saint-valentin-pourquoi-quelques-mots-valent-mieux-quune-rose-rouge-199749">Saint-Valentin : pourquoi quelques mots valent mieux qu’une rose rouge</a>
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<h2>FloraHolland : le Wall Street des fleurs</h2>
<p>Mais l’Europe, beaucoup de fleurs y reviennent lorsqu’elles quittent les serres africaines. Elles sont pour cela conditionnées en bottes, et commercialisées selon trois modalités. </p>
<ul>
<li><p>soit dans le cadre des marchés au cadran (système d’enchères électroniques censées garantir une fixation des prix rapide et transparente)</p></li>
<li><p>soit dans le cadre d’un contrat, le plus souvent annuel, entre un producteur et une centrale d’achat ou un grossiste européens</p></li>
<li><p>soit, enfin, à l’occasion d’une vente spéciale, ponctuelle, entre un producteur et un acheteur. </p></li>
</ul>
<p>Quelle que soit la façon dont elles sont vendues, depuis Nairobi ou Addis, les roses, dans leur majorité, transitent par Aalsmeer – dans la banlieue d’Amsterdam – où se situe la plus grande plate-forme logistique de végétaux du monde : la très lucrative coopérative FloraHolland. Historiquement, celle-ci s’est imposée comme le Wall Street des fleurs, là où se fixe le cours des roses. Ces dernières années, soutenu par la croissance non démentie de la demande des classes moyennes des pays émergents et du renchérissement des prix de facteurs de production, le prix des roses a augmenté plus que l’inflation. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/574959/original/file-20240212-19-mz6yzd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574959/original/file-20240212-19-mz6yzd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574959/original/file-20240212-19-mz6yzd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574959/original/file-20240212-19-mz6yzd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574959/original/file-20240212-19-mz6yzd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574959/original/file-20240212-19-mz6yzd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574959/original/file-20240212-19-mz6yzd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Plateforme logistique de FloraHolland.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bernard Calas</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Aujourd’hui, même si la part des fleurs mises aux enchères a diminué (ce ne sont plus que 40 % des roses coupées qui sont vendues aux enchères) les marchés au cadran conservent ce rôle primordial de fixer les prix du produit. Ce recul relatif des enchères s’explique par la montée en puissance d’opérateurs européens – notamment les chaines de supermarchés britanniques et allemands – désireux et capables de négocier avec les producteurs des volumes d’achat importants, réguliers, tout au long de l’année. Ces volumes importants réguliers font l’objet de contrats qui, fixant quantités et prix sur une base annuelle, affranchissent vendeurs et acheteurs des enchères, plus aléatoires. </p>
<p>Mais FloraHolland, de par sa fluidité, ses performances logistiques, son lobbying actif, ses stratégies de promotion reste, malgré ces changements, le hub hégémonique par où passent la majeure partie des roses coupées destinées aux marchés européens. La coopérative rétribue ses membres et payent ses salariés grâce aux commissions qu’elle touche tant sur les volumes vendus aux enchères, que sur ceux qui ont fait l’objet de ventes contractuelles ou spéciales mais qui sont passés dans ses murs. </p>
<h2>Une mondialisation de la rose de plus en plus questionnée</h2>
<p>Ces roses qui traversent le monde ne sont cependant pas indemnes de critiques dont les médias, <a href="https://www.lexpress.fr/economie/la-rose-kenyane-deferle-en-europe_1433814.html">depuis le début des années 2000</a> se font régulièrement l’écho. </p>
<p>Dans les années 2000-2005, les questionnements ont d’abord porté sur les conditions de travail et de rétribution des salarié(e) s, puis, dans les années 2005-2010, sur la surconsommation d’eau nécessaire aux rosiers (entre 3 et 9 litres d’eau par jour et par m<sup>2</sup>) et la pollution de l’eau induite par les rejets de cette production. </p>
<p>Dans les années 2010-2015, c’est ensuite <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/bilan-carbone-pour-la-saint-valentin-noffrez-surtout-pas-de-roses-1361938">l’empreinte carbone</a> des fleurs, induite par le nécessaire recours à l’avion qui a été scruté. Plus récemment, enfin, dans les années 2015-2020 ce sont la charge chimique de ces fleurs et les stratégies d’évitement fiscal des entrepreneurs qui localisent leurs profits en Hollande où le taux d’imposition est de 12,5 % contre 35 % au Kenya, qui sont devenues des problématiques émergentes. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/574961/original/file-20240212-26-mcoo5b.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574961/original/file-20240212-26-mcoo5b.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574961/original/file-20240212-26-mcoo5b.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574961/original/file-20240212-26-mcoo5b.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574961/original/file-20240212-26-mcoo5b.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574961/original/file-20240212-26-mcoo5b.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574961/original/file-20240212-26-mcoo5b.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Ouvrières chargées du tri des fleur en fonction de la taille des tiges.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bernard Calas</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Conscients des risques que leur faisait courir cette menace médiatique, les entrepreneurs ont, dans une certaine mesure, répondu aux critiques, en augmentant les salaires et en proposant de meilleures conditions de travail aux ouvriers, en réduisant leur empreinte hydrique grâce au recyclage et au <em>rainharvesting</em>, en réduisant les épandages de pesticides grâce aux traitements ciblés et à la lutte biologique intégrée. </p>
<p>Autre phénomène inédit, en réaction à cette production mondialisée des fleurs et aux critiques sur les coûts environnementaux de la production tropicale, émerge, très lentement, l’idée de « re-saisonnaliser » la consommation de fleurs coupées et de relocaliser la production de fleurs coupées en France. Dans les pays anglo-saxons, le mouvement <em>slow flower</em> prône cette idée, et l’on voit timidement fleurir, autour des grandes métropoles, des micro-exploitations, souvent en reconversion, ou en temps partiel. En France en 2017, une fleuriste du nord et une journaliste ont créé le <a href="https://www.collectifdelafleurfrancaise.com/">Collectif de la fleur française</a> – une association d’environ 600 membres fleuristes écoresponsables ou floriculteurs – dont l’objectif est de promouvoir la production et la commercialisation de fleurs produites en France et ainsi de participer à une agriculture écoresponsable. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/slow-flowers-un-nouveau-concept-pour-relancer-la-production-de-fleurs-francaises-142548">Slow flowers : un nouveau concept pour relancer la production de fleurs françaises ?</a>
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<h2>La rose rouge : une épine dans le pied de nos sociétés mondialisées ?</h2>
<p>La rose rouge est ainsi devenue un objet de plus en plus ambigu : si elle fait l’objet de critiques de plus en plus nombreuses, sa production elle, ne cesse de s’étendre, soutenue par la demande croissante des classes moyennes des pays émergents. Les professionnels parlent d’une croissance d’environ 5/6 % par an depuis une dizaine d’années. </p>
<p>L’industrie a même relativement bien vécu la pandémie mondiale de Covid-19. Passée les premières semaines du confinement qui a stoppé net les vols aériens et les achats, forçant les horticulteurs à jeter leur production, la pandémie de Covid a été relativement bien négociée par le secteur pour la simple raison que les gens ont continué à acheter des fleurs, en ligne évidemment, et même avec plus de régularité, habitude qui s’est prolongée depuis ! La consommation futile, esthétique a en fait été accrue pendant la pandémie, à la grande surprise et au plus grand bonheur des acteurs de la filière.</p>
<p>Comme tout objet mondialisé, la rose cristallise de ce fait des tensions entre, d’un côté, l’évidente insoutenabilité environnementale d’une culture de contresaison, de ses procédés de production et surtout de commercialisation et, d’un autre côté, une réalité économique : la rose fait vivre plusieurs millions de personnes et participe – au-delà de l’enrichissement de quelques-uns – au développement de plusieurs régions. Cette fleur nous invite ainsi à se poser des questions délicates : dans quelle mesure l’indéniable développement induit au Kenya justifie-t-il le maintien de notre consommation insoutenable – moteur du secteur – en ces temps de changement climatique ? Doit-on céder au chantage à l’emploi mis en place par cette filière qui vit d’une consommation autant ostentatoire que superfétatoire ?</p>
<p>Au-delà des roses ce sont, en fait l’ensemble des consommations tropicales qui pourraient, ou même devraient être ainsi interrogées. Car si le fort sens symbolique que génère l’achat d’une rose est propice peut-être aux questionnements quant à son mode de production, les remises en question environnementales et économiques peuvent s’étendre à bien d’autres produits : café, chocolat, thé, avocat, mangues, bananes…</p>
<h2>Du côté kenyan, des remises en cause inexistantes</h2>
<p>Au Kenya, jusqu’à ce jour, au-delà des polémiques médiatiques sur les modalités de la production, aucun changement de paradigme ne semble envisagé ou envisageable : l’industrie n’a aucun problème de recrutement et ses travailleurs se disent heureux de profiter de la manne rosicole qui garantit un salaire fixe supérieur au revenu moyen, et la possibilité d’ouvrir un compte en banque même s’ils ne se font aucun doute sur l’asymétrie des profits et l’inégalité du partage de la valeur.</p>
<p>Le respect viscéral de la figure de l’entrepreneur, l’adhésion universel à l’ethos du capitalisme, plus prosaïquement les avantages matériels et symboliques à émarger pour une entreprise prospère et reconnue, tout cela participe à faire de la rosiculture un secteur très peu remis en question. Que les entreprises ouvertes dans les années 1990 aient à gérer les problèmes de santé de leurs employées cinquantenaires montre d’ailleurs le faible <em>turn over</em> d’une main-d’œuvre enviée et attachée à son emploi. En outre, dans un pays où la figure de l’homme politique est valorisée, le fait que certaines entreprises soient détenues par des femmes/hommes politiques contribue sans aucun doute à l’aura des serres et des fleurs. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/574962/original/file-20240212-26-ex7r9g.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574962/original/file-20240212-26-ex7r9g.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574962/original/file-20240212-26-ex7r9g.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574962/original/file-20240212-26-ex7r9g.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574962/original/file-20240212-26-ex7r9g.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574962/original/file-20240212-26-ex7r9g.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574962/original/file-20240212-26-ex7r9g.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Bottes de roses kenyanes prêtes à être expédiées en Hollande. La couleur de l'autocollant correspond à un jour de la semaine. Ce code couleur permet de prioriser les fleurs à expédier en premier.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bernard Calas</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Du côté européen, conscients des interrogations des consommateurs, les grossistes, les détaillants commencent à répondre par la transparence et la traçabilité. Démarche intéressante qui consiste à pointer du doigt l’origine géographique de chacune des variétés vendues et qui dévoile explicitement la valeur politique de la consommation. Quel sens le consommateur donne-t-il à son achat ? Écologique ou développemental ? Local ou tropical ? Ce réinvestissement de sens au cœur de la consommation participe sans aucun doute à la segmentation du marché. </p>
<p>Au final, donc, si la rose est un marqueur convenu d’amour, un objet passionnant d’étude de la mondialisation pour le géographe, elle condense les tensions comme les contradictions du capitalisme actuel.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223210/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bernard Calas ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des mois avant le 14 février, dans des serres kenyanes, luminosité, taux d’humidité et engrais ont été modulé avec soin pour que les roses rouges arrivent à temps en Europe pour la Saint Valentin.Bernard Calas, Professeur en Économie et Géographie Politique, Université Bordeaux MontaigneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2194462023-12-19T19:20:42Z2023-12-19T19:20:42ZUn commerce agricole plus équitable, mais à quel prix ?<p>En dépit d’une inflation forte sur les produits alimentaires, le <a href="https://theconversation.com/le-commerce-equitable-ne-connait-pas-la-crise-205691">commerce équitable a résisté en France</a>. De nombreux consommateurs restent attachés à rendre leur acte d’achat responsable mais ils ne réalisent guère qu’en réalité, les primes accordées pour mieux rémunérer les producteurs sont loin de pouvoir combler les différences de revenus qui existent entre les agriculteurs dans le monde. Pour un même travail, un producteur d’un pays pauvre gagne <a href="https://ourworldindata.org/grapher/agriculture-value-added-per-worker-vs-gdp-per-capita">70 fois moins</a> qu’un producteur d’un pays riche.</p>
<p>Ces différences résident fondamentalement dans des différences de productivités considérables. Comment, dans ces conditions, assurer une juste rémunération du travail aux agriculteurs si leurs produits sont payés au même prix ? Certes, reconquérir un pouvoir de marché face aux géants du commerce de céréales ou des grands négociants du café et du cacao est une option utile que promeut le commerce équitable, mais l’enjeu est de modifier la façon de calculer le prix, pour qu’il soit juste – c’est-à-dire qu’il intègre le droit à une rémunération équitable, à un environnement préservé et à un niveau de vie décent. Il est notamment au cœur de <a href="https://ecomatin.net/reforme-lafrique-veut-un-accord-sur-lagriculture-au-plus-tard-en-fevrier-2024/">demandes de pays africains</a>, qui espèrent d’ici février 2024, date où se tiendra la 13<sup>e</sup> conférence ministérielle de cette instance, des évolutions des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en ce qui concerne l’agriculture.</p>
<h2>Deux réponses partielles</h2>
<p>Les écarts de revenus et les conditions de misère de nombreux agriculteurs, notamment au Sud, interrogent sur les fondements de rémunérations du travail agricole si inégales. Le commerce équitable ainsi que d’autres formes de soutien au revenu des agriculteurs se veulent être des réponses, mais celles-ci restent limitées.</p>
<p>Les promoteurs du <a href="https://www.commercequitable.org/actualites/observatoire-du-commerce-equitable-2022/">commerce équitable</a> s’engagent sur des normes de partenariat avec aujourd’hui plus de 3,5 millions de producteurs à travers 84 pays dans le monde. Ils jouent sur le fait que dans certaines filières, le café par exemple, il est possible de multiplier par 3 ou 4 le prix payé au producteur avec une hausse de seulement 15 à 20 % du prix au détail. Cet effet de levier peut paraître séduisant pour des consommateurs éthiques prêts à faire un effort financier. Cependant, ces produits labellisés plus chers prennent les <a href="https://theconversation.com/quel-est-le-bilan-de-30-ans-de-commerce-equitable-77608">caractéristiques d’un bien de luxe</a> : ils restent des produits de niche dont la vente dépend de consommateurs jouissant d’une position sociale élevée. Tout élargissement à d’autres acheteurs aurait pour contrepartie une <a href="https://theconversation.com/quel-est-le-bilan-de-30-ans-de-commerce-equitable-77608">baisse des prix</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"866989666704216065"}"></div></p>
<p>Les politiques publiques d’aide aux revenus agricoles, quant à elles, ont été les voies traditionnelles empruntées par les États pour soutenir les agriculteurs, qu’il s’agisse d’aides directes ou de systèmes de régulation des prix. Elles sont souvent couplées à des politiques de gestion des marchés et à des protections douanières. Elles inspirent les tenants du néoprotectionnisme, notamment en Afrique, qui y voient le moyen de soutenir les revenus agricoles en se protégeant des fluctuations et du niveau bas des prix mondiaux. Aujourd’hui, la tarification douanière en Afrique reste faible, <a href="https://unctad.org/system/files/official-document/ditctab2023d2_en.pdf">inférieure à 15 %</a>. Des mesures de protection peuvent-elles en outre suffire à combler l’écart de revenus considérable qui existe entre agriculteurs du monde et qui réside dans les énormes différences de productivité entre agriculteurs ?</p>
<h2>Les poids des pays les plus productifs</h2>
<p>Selon les données de la Banque mondiale, les 10 % des pays les plus riches produisent une valeur ajoutée agricole par travailleur <a href="https://www.fao.org/3/cc0471fr/cc0471fr.pdf#page=52">70,4 fois plus élevée</a> que celle des 10 % des pays les plus pauvres. Cette mesure inclut les différences d’aides au revenu mais elles restent <a href="https://fondation-farm.org/vers-une-convergence-du-soutien-des-prix-du-marche-entre-pays-riches-et-emergents/">mineures</a> ; la valeur ajoutée reflète donc bien la productivité. Cela signifie que parce qu’un paysan aura mis 70 fois plus de temps à produire le même produit faute de conditions favorables, il recevra une rémunération de son travail 70 fois inférieure à un agriculteur très productif dès lors que le produit est payé au même prix.</p>
<p><iframe id="p2kEm" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/p2kEm/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Or les marchés agricoles internationaux sont <a href="https://www.fao.org/3/cc0471fr/cc0471fr.pdf">dominés par les pays à revenu élevé</a> : ce sont eux qui ont la plus forte productivité du travail agricole et qui peuvent plus facilement exporter leurs surplus. Ils entrent aisément en concurrence avec des produits substituables des pays à revenu faible.</p>
<p>Les prix internationaux sont ainsi fixés par les agriculteurs ayant la plus forte productivité et incorporent parfois des aides de leurs États (au stockage, à l’export ou à la production) qui accroissent l’offre et facilitent l’écoulement. Les autres producteurs doivent s’aligner pour soit vendre à l’international, soit rester compétitifs face aux importations concurrentes : blé de Russie, d’Ukraine, d’Argentine ou de l’UE vis-à-vis de céréales locales africaines, banane d’Équateur versus celles d’Afrique de l’Ouest par exemple.</p>
<p>Cela s’éloigne de l’idée que l’on se fait communément de l’équité. La question de la juste rémunération du travail agricole doit donc être abordée à travers une réflexion plus générale sur les prix et donc les règles du commerce.</p>
<h2>Le prix unique, un dogme à revoir</h2>
<p>Pour l’Organisation mondiale du commerce (OMC), une transaction est équitable si elle respecte une procédure non-discriminatoire que l’on peut réduire à <a href="https://docs.wto.org/dol2fe/Pages/SS/directdoc.aspx?filename=Q:/WT/WGTI/W118.pdf&Open=True">deux principes</a> : égalité des possibilités d’accès au marché pour tous les acteurs et, une fois le marché pénétré, égalité des opportunités de répondre aux demandes. Or, en réalité, les agriculteurs les moins performants se trouvent recevoir une rémunération inférieure pour un effort égal à ceux des plus performants. Par ailleurs, les accès aux terres et aux financements des paysans du Sud et des agriculteurs du Nord sont différents. Une procédure jugée équitable par l’OMC crée en fait une situation qui crée de l’inégalité de revenu dès lors que les produits sont payés à un prix unique.</p>
<p>La prise en compte les externalités négatives liées à la production agricole pourrait déjà renouveler la discussion du prix équitable. On dispose par exemple d’études sur les <a href="https://maxhavelaarfrance.org/le-commerce-equitable/impacts-et-changements">coûts sociétaux et environnementaux cachés</a> de quelques filières agricoles – comme le <a href="https://maxhavelaarfrance.org/actualites/a-la-une/etude-de-la-filiere-du-cafe-la-crise-derriere-la-success-story/">café</a> ou le <a href="https://lebasic.com/nouvelle-etude-la-face-cachee-du-chocolat/">cacao</a>. Elles montrent comment le prix sous-évalue considérablement la valeur réelle de la production : pas de prise en compte du coût des émissions de CO<sub>2</sub> ou de la consommation d’eau, de conditions sociales et de revenus décents… Des pratiques durables diviseraient par 2 à 6 les coûts sociétaux cachés. Quantifier les externalités négatives de la production agricole invite à interroger le prix de la justice économique, qui garantit les droits à un environnement préservé, à un niveau de vie décent et qui n’hypothèque pas la qualité de vie des générations futures.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1613501638727147521"}"></div></p>
<p>Les <a href="https://theconversation.com/un-ajustement-carbone-aux-frontieres-de-lue-nest-pas-sans-risque-pour-les-pays-les-plus-pauvres-197218">discussions autour du Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières</a> de l’Union européenne avaient mis en lumière le <a href="https://www.europeanpapers.eu/fr/system/files/pdf_version/EP_EF_2022_I_008_JSabrina_Robert_00556.pdf">caractère obsolète des accords de l’OMC</a>, qui défendent les lois d’un marché indifférent au coût social et environnemental des activités commerciales. Reste à modifier la notion de dumping portée par l’OMC. Un <a href="https://docs.wto.org/dol2fe/Pages/SS/directdoc.aspx?filename=r:/WT/GC/W814.pdf&Open=True">projet de décision</a> porté par les États-Unis en décembre 2020 proposait :</p>
<blockquote>
<p>« Le fait que des pouvoirs publics n’adoptent ni n’appliquent des lois et des réglementations assurant la protection de l’environnement à un niveau égal ou supérieur aux normes fondamentales constituera une subvention pouvant donner lieu à une action. »</p>
</blockquote>
<p>La proposition vise le dumping social et environnemental qui pourrait donner lieu à une taxe à l’importation de ce produit. En définitive, c’est la notion de prix unique de concurrence, soi-disant garant de l’équité (commerciale), qui est remise en question jusqu’au sein de l’OMC. Elle s’oppose à celle d’un prix qui assurerait une juste rémunération du travail et serait donc garant d’une équité conforme à la dignité humaine telle que l’exprime la Déclaration universelle des droits de l’homme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219446/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benoit Faivre-Dupaigre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La notion de prix unique sur les marchés agricoles, traditionnellement associée à l’idée d’un équilibre optimal et au cœur des règles de l’OMC, entre en conflit avec les valeurs d’équité.Benoit Faivre-Dupaigre, Chargé de recherche, département Diagnostics économiques et politiques publiques, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2191312023-12-10T15:49:18Z2023-12-10T15:49:18ZChine : le ralentissement économique menace-t-il la présence des entreprises moyennes allemandes ?<p>Selon les prévisions du Fonds monétaire international (FMI), l’Allemagne et la Chine figurent parmi les pays les plus touchés par le ralentissement économique en 2023 : l’Allemagne devrait être la seule économie européenne en récession (-0,5 %) et la Chine devrait connaître une faible croissance économique (+5 %) accompagnée d’une crise immobilière qui comporte des <a href="https://www.lexpress.fr/economie/allemagne-chine-les-sombres-previsions-du-fmi-LBWX24HJX5HQZAKVY7D2IFIFZM/">risques importants pour le secteur bancaire</a>. Ces signes inquiétants peuvent-ils menacer la présence des entreprises de taille intermédiaire (les ETI, qui désignent les organisations qui comptent entre 250 et 4 999 salariés et dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 1,5 milliard d’euros) allemandes particulièrement présentes sur le marché chinois ?</p>
<p>L’Allemagne compte aujourd’hui <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/lavenir-de-notre-industrie-passera-par-les-eti-1932681">12 500 ETI (contre 5 500 pour la France</a>) et ce fameux « Mittelstand » est au cœur du système industriel allemand. Ces entreprises familiales sont souvent spécialisées dans le domaine « business-to-business » (B-2-B) et se distinguent par leur compétitivité à l’échelle internationale. Elles ont mis en place des stratégies ambitieuses sur le marché chinois pour suivre leurs clients multinationaux et pour développer de nouvelles opportunités d’affaires. La Chine constitue ainsi le <a href="https://www.lesechos.fr/2017/02/la-chine-premier-partenaire-commercial-de-lallemagne-162190">premier partenaire commercial de l’Allemagne depuis 2016</a> (devant la France et les États-Unis).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"835171331800973314"}"></div></p>
<p>Dans ce contexte, nous avons réalisé un <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/IJEBR-03-2022-0300/full/html">travail de recherche</a> visant à comprendre les trajectoires d’internationalisation des ETI familiales allemandes en Chine. Ce travail a pris la forme d’une étude qualitative longitudinale qui est fondée sur des entretiens semi-directifs avec des dirigeants de 26 ETI familiales allemandes et des données secondaires (sites web, communiqués de presse, articles de presse, etc.).</p>
<p>L’analyse des données collectées montre que les ETI familiales allemandes poursuivent des stratégies ambitieuses en Chine, mais qu’elles font face à de multiples défis sur ce marché complexe et éloigné. Elles éprouvent ainsi des difficultés pour comprendre le contexte culturel et institutionnel chinois et pour accéder aux réseaux d’affaires locaux (« guanxi ») qui sont fondés sur la confiance et la réciprocité.</p>
<h2>Trajectoires disparates</h2>
<p>Notre étude met également en relief la disparité des trajectoires suivies par les ETI familiales allemandes en Chine, qui sont marquées par des étapes d’internationalisation (augmentation des investissements), de désinternationalisation (retrait ou diminution des investissements) et de réinternationalisation (réalisation de nouveaux investissements). Deux groupes d’entreprises peuvent être identifiés.</p>
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<p>D’abord, les ETI qui suivent plusieurs vagues pour augmenter progressivement leurs investissements sur le marché chinois (16 entreprises sur 26). Les entreprises familiales allemandes qui suivent cette trajectoire linéaire commencent souvent par des activités d’exportation en Chine avant d’y implanter des bureaux de vente, des sociétés communes ou des filiales. Ces entreprises peuvent ainsi bénéficier d’effets d’apprentissage sur les spécificités du marché chinois et accéder aux réseaux d’affaires locaux.</p>
<p>Par exemple, Kern-Liebers, un fournisseur de bandes et de fils d’assemblage, a choisi d’exporter ses produits avant de créer une filiale dans la ville de Taicang, à 50 km de Shanghai. L’entreprise a été suivie par d’autres ETI familiales qui ont également implanté des filiales à Taicang, une ville qui accueille aujourd’hui <a href="https://www.ft.com/content/fceb2528-64de-4c7f-9d48-b0305abb9abb?sharetype=blocked">plus de 400 entreprises allemandes</a>. En 2023, Kern-Liebers fête le 30<sup>e</sup> anniversaire de sa présence sur place où elle a établi plusieurs filiales et sociétés communes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1708650360930283909"}"></div></p>
<p>Ensuite, on observe des ETI qui suivent plusieurs vagues pour internationaliser, désinternationaliser et réinternationaliser leurs activités en Chine (10 entreprises dans notre échantillon). Ces entreprises familiales allemandes qui suivent une trajectoire non linéaire s’établissent par des sociétés communes avec des partenaires chinois sans avoir acquis une expérience préalable par des activités d’exportation. Leur première expansion en Chine se traduit souvent par un échec, notamment en raison des différences culturelles, des difficultés pour accéder aux réseaux d’affaires et des divergences entre les objectifs des dirigeants familiaux et de leurs partenaires chinois.</p>
<p>Par exemple, Hawe Hydraulics, un fournisseur de composants et de systèmes hydrauliques, a choisi de coopérer avec une entreprise chinoise avant de se désengager du partenariat et d’établir par la suite plusieurs filiales en Chine. Face aux tensions géopolitiques, cette ETI familiale cherche aujourd’hui à diversifier la localisation de ses investissements afin de diminuer sa dépendance du marché chinois.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1676993641988882447"}"></div></p>
<p>Les étapes d’internationalisation peuvent être expliquées par des exigences stratégiques (stratégie de croissance), financières (rentabilité, coûts de production) et opérationnelles (adaptation de produits), mais aussi par des objectifs de la famille fondatrice, en particulier par son intérêt de préserver la réputation de l’entreprise familiale, les cultures locales et l’héritage familial.</p>
<p>Les étapes d’internationalisation peuvent aussi être déclenchées par la demande d’approvisionnement des clients multinationaux, les perspectives de croissance du marché chinois, la réglementation concernant les investissements étrangers (<a href="https://www.usinenouvelle.com/article/les-industriels-europeens-ont-ils-vraiment-a-gagner-de-l-accord-d-investissement-ue-chine.N1050614">obligation de former des « joint ventures »</a>, c’est-à-dire des accords de coopération avec des partenaires locaux), la nécessité de développer des réseaux locaux et les difficultés rencontrées avec les partenaires des sociétés communes, incitant les ETI familiales à établir des filiales possédées à 100 %.</p>
<p>À l’inverse, les étapes de désinternationalisation peuvent s’expliquer par les ressources limitées des ETI familiales, les tensions organisationnelles et le manque d’adaptation aux exigences locales. Les décisions peuvent aussi être déclenchées par des contraintes institutionnelles (droits de douane, changement de réglementation, etc.), des différences culturelles et linguistiques, la concurrence internationale et locale de même que des difficultés avec les partenaires des sociétés communes. Ces difficultés sont <a href="https://theconversation.com/entreprises-familiales-le-defi-du-retrait-progressif-pour-le-cedant-192436">exacerbées pour des entreprises familiales</a> qui opèrent sur des marchés de niche et qui cherchent à protéger leurs avantages concurrentiels et leur réputation internationale.</p>
<h2>Valeur créée par l’attachement</h2>
<p>Les étapes de réinternationalisation sont elles principalement déclenchées par des facteurs externes. On peut notamment mentionner de nouvelles opportunités d’affaires en Chine, les perspectives de croissance du marché et la rencontre de nouveaux partenaires chinois. Mais la réinternationalisation des activités peut aussi être <a href="https://www.lesechos.fr/pme-regions/actualite-pme/le-delicat-pari-du-changement-de-generation-a-la-tete-des-eti-familiales-1934209">motivée par l’implication de nouvelles générations</a> dans le management des ETI familiales.</p>
<p>Le ralentissement économique en <a href="https://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/allemagne-les-exportations-reculent-pour-le-deuxieme-mois-d-affilee-978823.html">Allemagne</a> et en <a href="https://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/allemagne-les-exportations-reculent-pour-le-deuxieme-mois-d-affilee-978823.html">Chine</a> remet aujourd’hui en cause les trajectoires d’internationalisation des ETI familiales. Dans ce contexte, les phases de désinternationalisation ont tendance à se multiplier et on peut s’interroger sur les opportunités de réinternationalisation sur un marché complexe et éloigné comme la Chine.</p>
<p>Notre étude montre que les ETI familiales allemandes suivent des trajectoires d’internationalisation qui sont liées à leurs structures de gouvernance et à leur volonté de préserver leur richesse socioémotionnelle. Il s’agit de la valeur créée par l’attachement de la famille aux entreprises familiales.</p>
<p>Ces facteurs expliquent pourquoi leurs décisions d’internationalisation ne sont pas uniquement motivées par des objectifs financiers. Dans un contexte de ralentissement économique, les ETI allemandes pourraient ainsi limiter la <a href="https://www.ft.com/content/fceb2528-64de-4c7f-9d48-b0305abb9abb">diminution ou le retrait de leurs investissements en Chine</a>, mais elles devraient privilégier d’autres localisations pour <a href="https://www.reuters.com/markets/europe/derisking-dilemma-how-german-companies-are-tackling-china-risk-2023-10-19/">réduire leur dépendance</a> du marché chinois.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219131/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La faible croissance chinoise qui se double d’une récession outre-Rhin constitue un contexte propice à la désinternationalisation des entreprises, même si des exceptions s’observent.Ulrike Mayrhofer, Professeur des Universités à l'IAE Nice et Directrice du Laboratoire GRM, Université Côte d’AzurAlfredo Valentino, Associate Professor, ESCE International Business SchoolAndrea Calabrò, Professeur en Entreprises Familiales & Entrepreneuriat, Directeur de la Chaire de l'Entreprise Familiale Durable et de l'Entrepreneuriat , IPAG Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2189712023-12-04T16:56:36Z2023-12-04T16:56:36ZComment évaluer l’économie israélienne au prisme de son insertion internationale<p>Le conflit actuel pèse sur le marché du <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/10/27/avec-la-guerre-l-economie-d-israel-s-apprete-a-traverser-une-periode-de-fortes-turbulences_6196753_3210.html">travail</a> et sur les <a href="https://www.xerficanal.com/economie/emission/Alexandre-Mirlicourtois-Israel-le-cout-economique-de-la-guerre_3752310.html">finances</a>.</p>
<p>Mais, fort de son remarquable engagement dans la haute technologie, le pays a accumulé une position extérieure nette conséquente. Cette épargne pourrait être mobilisée pour faire face au coût de la guerre. Suffira-t-elle demain ?</p>
<h2>Neuf millions d’habitants</h2>
<p>Israël fait partie de la grande région MENAT (<a href="https://theconversation.com/topics/moyen-orient-21438">Middle East</a>, North Africa, Turkey) à la démographie dynamique : entre 1960 et 2022, le taux de croissance annuel moyen de la population y a été de 2,4 %, contre 1,6 % dans le monde et 0,4 % en Europe. Alors qu’en 1960 l’Europe était trois fois plus peuplée que cette région, elle l’est aujourd’hui un peu moins : 550 millions contre 577 millions.</p>
<p><iframe id="H5M5D" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/H5M5D/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Sur cette longue période, la croissance de la population en Israël et en Palestine (définie par les Nations unies comme l’ensemble que forment la Bande de Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est) a été légèrement supérieure à la moyenne régionale (respectivement 2,5 et 2,6 %). Sur la dernière décennie, néanmoins, la croissance démographique en Palestine a été plus élevée : 2,3 %, contre 1,8 % en Israël et 1,6 % dans la région MENAT.</p>
<p><iframe id="7pAsb" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/7pAsb/12/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En 2022, la Palestine compte autant d’habitants que le Liban, environ 5 millions, tandis que les Israéliens sont aussi nombreux que les Émiratis, environ 9 millions. C’est peu, comparé aux trois pays les plus peuplés de la région, l’Égypte, l’Iran et la Turquie qui abritent respectivement 111, 89 et 85 millions d’habitants, soit, ensemble, près de la moitié de la population de la zone.</p>
<h2>L’insertion commerciale d’Israël</h2>
<p>Dans cette région, Israël est aujourd’hui la seule économie avancée selon les critères du Fonds monétaire international. Ses habitants ne sont cependant pas les plus riches. Plusieurs pays du Golfe le sont davantage grâce à leur rente énergétique, notamment le Qatar dont le PIB réel par habitant en parité de pouvoir d’achat est pratiquement le double de celui d’Israël.</p>
<p><iframe id="W5EeW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/W5EeW/6/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Forte de ses ressources énergétiques, la région commerce surtout avec des pays tiers (90 % de ses échanges en 2021), leur vendant des matières premières et leur achetant des produits manufacturés. Les échanges au sein de la région ont longtemps été limités en raison de la faiblesse du niveau de développement de la plupart des pays qui la composent, du peu de complémentarité de leurs spécialisations et des conflits qui s’y sont déroulés.</p>
<p>Mais depuis le début des années 2000, et à la suite notamment du décollage de l’industrie turque, qui a développé une large gamme de produits manufacturés à prix compétitifs, les flux intra-zone ont augmenté : ils représentent 10 % du commerce total des pays de la région en 2021, contre 4 % en 2000.</p>
<p><iframe id="DaXAl" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/DaXAl/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’insertion commerciale d’Israël dans la région est plus forte : en 2021, 12 % de ses exportations y sont destinées et 14 % de ses importations en proviennent.</p>
<p><iframe id="Jfau1" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Jfau1/8/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="8nJHD" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/8nJHD/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Deux partenaires jouent un rôle important dans ces échanges : la Palestine et la Turquie.</p>
<p>La Palestine, qui reçoit plus de la moitié des exportations régionales d’Israël, se situe au troisième rang de ses clients au niveau mondial (<a href="http://visualdata.cepii.fr/CountryProfiles/fr/">6,5 % en 2021</a>), après les États-Unis et la Chine (respectivement 26,8 et 7,9 %). C’est un commerce <a href="https://unctad.org/system/files/official-document/tdbex74d2_fr.pdf">contraint</a> en raison des restrictions et obstacles imposés par l’État hébreu aux échanges palestiniens avec le reste du monde.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1729563269679988960"}"></div></p>
<p>La Turquie, après la Chine et les États-Unis, est le troisième fournisseur de l’État hébreu (respectivement 14,5, 11,5 et <a href="http://visualdata.cepii.fr/CountryProfiles/fr/">6,8 % en 2021</a>), auquel elle vend <a href="https://medyascope.tv/2023/11/07/turkiye-israilin-kullandigi-celigin-yuzde-65ini-tedarik-ediyor-enerji-uzmani-ali-akturk-aciklamalar-ic-politikaya-yonelik-ciddi-olan-ticareti-engeller/">65 %</a> de l’acier qu’il consomme. En dépit de leurs difficultés relationnelles tenant notamment au conflit israélo-palestinien, les deux pays, liés depuis 1996 par un accord de libre-échange, ont jusqu’ici maintenu des échanges soutenus. Mais la guerre actuelle, qui secrète de <a href="https://www.haaretz.com/israel-news/2023-10-31/ty-article/.premium/irked-by-erdogan-israeli-supermarkets-halt-imports-from-turkey/0000018b-866e-dd28-a7df-967f57360000">part</a> et <a href="https://www.reuters.com/world/middle-east/turkish-parliament-removes-brands-menu-over-alleged-israel-support-2023-11-07/">d’autre</a> des appels au boycott, tend à les réduire : les exportations de la Turquie vers Israël <a href="https://www.reuters.com/article/israel-turkey-trade/trade-between-israel-and-turkey-has-decreased-by-50-since-oct-7-minister-idUSS8N3AJ047">auraient chuté</a> de moitié depuis début octobre dernier, selon le ministre turc du Commerce.</p>
<h2>Le fulgurant essor des ventes de services innovants</h2>
<p>S’en tenir aux échanges de marchandises offre cependant une vision biaisée de l’insertion d’Israël dans le <a href="https://theconversation.com/topics/commerce-international-29800">commerce international</a>. Ses ventes de services ont en effet connu un essor fulgurant au cours de la dernière décennie et représentaient en 2021 plus de la moitié du total de ses exportations (53 %), bien avant celles de produits électroniques (13 %) et chimiques (11 %).</p>
<p><iframe id="CYGGW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/CYGGW/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les services liés aux technologies de l’information et de la télécommunication (TIC) totalisent à eux seuls 41 % des exportations de biens et services de l’État hébreu. Suivent les exportations de services techniques et de conseil, dont l’un des postes est la recherche et développement (R&D), et, dans le secteur manufacturier, de produits électroniques à haute valeur ajoutée. Autant de spécialisations qui témoignent du poids de l’innovation dans l’économie israélienne. Selon le Centre du commerce international (agence conjointe de l’ONU et de l’OMC), les ventes de services liés aux TIC du pays s’adressent pour l’essentiel aux <a href="https://www.trademap.org/Index.aspx">pays avancés</a>.</p>
<p><iframe id="ktQxe" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ktQxe/10/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’essor du secteur des services liés aux TIC tient à la création volontariste d’un écosystème favorable. Dès 1992, le gouvernement israélien a investi 100 millions de dollars dans un fonds de capital-risque à vocation militaire, le programme <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1209988">Yozma</a> (initiative en hébreu). Abondé par des fonds privés à hauteur de 11 milliards, ce programme a financé 168 start-up high-tech qui ont généré plus d’un milliard de dollars d’exportations en l’espace de douze ans. La dynamique ainsi enclenchée a fait d’Israël un hub technologique dans les domaines de la cybersécurité, des logiciels et des échanges de données, mais aussi de la pharmacie et de l’agriculture.</p>
<p>Cette dynamique a également été alimentée par les dépenses de la R&D engagées par l’État et par des <a href="https://sgp.fas.org/crs/mideast/RL33222.pdf">fondations israélo-américaines</a> créées dans les années 1970, à commencer par Bird (Binational R&D Foundation), BSF (Binational Science Foundation) et Bard (Binational Agriculture and R&D Fund). En 2020, selon l’<a href="https://stats.oecd.org/index.aspx">OCDE</a>, le financement des dépenses de R&D en Israël provenait pour 50 % de l’étranger, pour 40 % des entreprises israéliennes, pour 9 % du gouvernement et pour 1 % des institutions privées nationales à but non lucratif.</p>
<p>Ce modèle, qui a attiré environ <a href="https://www.lesechos.fr/monde/afrique-moyen-orient/israel-leconomie-ebranlee-mais-resiliente-1986879">500 multinationales</a> versées dans le high-tech, a aussi favorisé la création <a href="https://innovationisrael.org.il/en/reportchapter/how-many-israelis-really-work-high-tech">d’emplois technologiques</a> dans l’ensemble de l’économie. Leur part dans l’emploi total salarié représente 14 % en 2022, contre 10,6 % en 2014.</p>
<h2>L’aide internationale, poste clef du compte courant israélien</h2>
<p>Le compte courant d’Israël révèle un autre aspect de l’évolution de son insertion internationale. En effet, les revenus secondaires reçus de l’étranger – l’aide extérieure, essentiellement – ont été cruciaux pendant la phase de développement de l’économie israélienne pour faire face à l’énorme déficit de la balance commerciale. Celle-ci a atteint plus d’un cinquième du PIB en 1975.</p>
<p><iframe id="bs038" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/bs038/8/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Grâce à la <a href="https://www.brookings.edu/articles/how-shimon-peres-saved-the-israeli-economy/">stabilisation macro-économique</a> entreprise dans les années 1980 par Shimon Peres, le pays est ensuite entré dans un régime de croissance vertueux. Son déficit dans les échanges de biens s’est sensiblement <a href="https://econ.tau.ac.il/sites/economy.tau.ac.il/files/media_server/Economics/foerder/papers/Papers%202020/13-2020%20Israels%20Balance%20of%20Payments%20From%20Deficits%20to%20Surpluses.pdf">réduit</a> et, à partir des années 2000, les excédents engendrés dans les échanges de services (8 % du PIB en 2022) lui ont permis de dégager pour la première fois une capacité de financement durable. Aussi, le solde courant, positif depuis 2003, s’élève à 4 % du PIB en 2022 et le solde des revenus secondaires, toujours en 2022, ne représente plus que 2 % du PIB, contre 18 % en 1973, année de la guerre de Kippour.</p>
<p>Les États-Unis sont le <a href="https://www.jewishvirtuallibrary.org/history-and-overview-of-u-s-foreign-aid-to-israel">premier apporteur</a> de fonds à Israël, et Israël est le <a href="https://carnegieendowment.org/2021/05/12/bringing-assistance-to-israel-in-line-with-rights-and-u.s.-laws-pub-84503">principal récipiendaire</a> de l’aide américaine depuis <a href="https://pdf.usaid.gov/pdf_docs/pcaaa469.pdf">1976</a>. D’après le <a href="https://sgp.fas.org/crs/mideast/RL33222.pdf">dernier rapport</a> du service de recherche du Congrès américain, le cumul de l’aide des États-Unis à Israël entre 1946 et septembre 2023 est de 159 milliards de dollars courants (260 milliards de dollars constants de 2021). De 1971 à 2007, une partie significative de cette aide relevait du soutien économique ; elle est désormais quasi exclusivement <a href="https://usafacts.org/articles/how-much-military-aid-does-the-us-give-to-israel/">militaire</a>.</p>
<p>Par ailleurs, depuis 1991, Israël est le seul pays autorisé par le Congrès à placer l’aide qui lui est accordée sur un <a href="https://carnegieendowment.org/2021/05/12/bringing-assistance-to-israel-in-line-with-rights-and-u.s.-laws-pub-84503">compte rémunéré</a> aux États-Unis. Enfin, depuis 2021 et jusqu’au déclenchement de la guerre actuelle, le Congrès a voté l’octroi à Israël de 3,3 milliards de dollars courants d’aide militaire par an. S’ajoutent à cette somme d’autres montants spécifiques à la défense aérienne (anti-missiles, Dôme de fer). En 2022, au total, les 4,8 milliards de dollars d’aide militaire votés par le Congrès américain représentent 80 % des crédits reçus par le gouvernement israélien au titre de la coopération internationale.</p>
<h2>Une position extérieure nette très positive en 2022</h2>
<p>Fondée sur d’importants investissements dans le high-tech et sur l’exportation de services haut de gamme vers les pays avancés, la spécialisation commerciale réussie d’Israël a contribué à une amélioration substantielle de sa position extérieure nette depuis une quinzaine d’années.</p>
<p>Cette jeune économie avancée dispose donc d’un excès d’épargne à l’instar de l’Allemagne. Autrement dit, les résidents en Israël ont accumulé à l’étranger plus de capitaux qu’ils n’en ont reçu du reste du monde. Leur patrimoine net s’élève ainsi en 2022 à 159 milliards de dollars, soit 30 % du PIB.</p>
<p>Cette épargne, confortable par temps de paix, pourrait-elle suffire en cas de prolongement de la guerre ?</p>
<p><iframe id="sLjyl" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/sLjyl/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562758/original/file-20231130-15-fune4f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562758/original/file-20231130-15-fune4f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=233&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562758/original/file-20231130-15-fune4f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=233&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562758/original/file-20231130-15-fune4f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=233&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562758/original/file-20231130-15-fune4f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=293&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562758/original/file-20231130-15-fune4f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=293&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562758/original/file-20231130-15-fune4f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=293&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Pour approfondir la question de l’insertion internationale de l’économie israélienne, voir les pages interactives</em> <a href="http://visualdata.cepii.fr/">Les Profils du CEPII</a><em>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218971/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Croissance démographique, intégration régionale, spécialisation commerciale, dépendance au reste du monde… Retrouvez un portrait de l'économie israélienne.Deniz Unal, Économiste, rédactrice en chef du Panorama et coordinatrice des Profils du CEPII - Recherche et expertise sur l'économie mondiale, CEPIILaurence Nayman, Économiste, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2175692023-11-14T18:55:31Z2023-11-14T18:55:31ZCommande publique de biens manufacturés : qui recourt le plus aux importations ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/559041/original/file-20231113-27-t6cx95.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=22%2C26%2C965%2C646&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un pays désindustrialisé est en effet amené à consommer des biens manufacturés importés, que ce soit pour la consommation privée ou publique.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Le_Havre,_premier_port_de_France_pour_le_commerce_ext%C3%A9rieur.jpg">Wikimedia commons/Ville du Havre</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Reléguée pendant longtemps dans la catégorie des concepts dépassés, la <a href="https://theconversation.com/reindustrialiser-mais-pour-quoi-faire-176810">politique industrielle</a> est redevenue centrale, notamment dans les économies avancées qui se sont désindustrialisées. Ce choix d’un retour de la puissance publique dans l’économie, afin d’en modifier la structure de production au profit du secteur manufacturier, découle de la conjonction de trois événements : la prise de conscience de la vulnérabilité des économies avancées à la perturbation des chaînes de production internationales, générant une dépendance à l’égard de fournisseurs lointains ; une volonté plus ou moins affirmée de « dérisquage » (<a href="https://www.ceps.eu/the-eus-aim-to-de-risk-itself-from-china-is-risky-yet-necessary/"><em>de-risking</em></a> vis-à-vis de la Chine, pour reprendre le mot de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen) ; l’impérieuse nécessité de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/transition-ecologique-66536">transition écologique</a>, qui crée une opportunité de construire un tissu industriel vert.</p>
<p>Les outils de ces nouvelles politiques industrielles sont divers. Les avantages fiscaux et subventions sont les plus voyants, au centre notamment de <a href="https://theconversation.com/linflation-reduction-act-americain-un-danger-pour-la-production-automobile-hexagonale-204417">l’<em>Inflation Reduction Act</em></a> (IRA) américain. Ce dernier s’appuie par ailleurs massivement sur des clauses de contenu local, instrument déjà privilégié par l’État fédéral américain pour la commande publique depuis le <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/pour-les-achats-publics-biden-veut-aller-encore-plus-loin-sur-le-buy-american-act-889839.html"><em>Buy American Act</em> de 1933</a>, qui établit une préférence pour l’achat de produits nationaux pour les marchés publics fédéraux d’une valeur de plus de 3 000 dollars. De même, le <a href="https://www.fcc.gov/general/american-recovery-and-reinvestment-act-2009">plan de relance de 2009</a> (<em>American Recovery and Re-Investment Act</em>, ARRA) n’ouvrait l’accès à ses fonds qu’aux projets utilisant de l’acier, du fer et des biens manufacturés américains, sauf si la concurrence étrangère présentait un prix inférieur d’au moins 25 %.</p>
<p>Le décalage est important avec l’Union européenne (UE), dont la construction institutionnelle a accordé une large place à la politique de la concurrence au niveau du marché unique et au libre-échange, et n’a pas cherché à donner l’avantage aux producteurs nationaux pour l’attribution des marchés publics.</p>
<p>Ces différences de conception entre les États-Unis et les pays de l’UE se traduisent-elles pour autant par une commande publique s’adressant davantage aux producteurs nationaux outre-Atlantique ? Si le cadre réglementaire de la commande publique est très largement harmonisé en Europe, les pratiques divergent-elles entre pays de l’UE ?</p>
<p>L’échelle européenne reste incontournable pour comprendre les règles nationales qui régissent les contrats de commande publique et d’octroi de marchés publics. Le droit de l’Union pose en effet tant des principes fondamentaux d’égalité de traitement, de non-discrimination et de transparence que de nombreuses règles et procédures.</p>
<h2>Écarts d’ampleur</h2>
<p>La commande publique, qui recouvre les achats de biens, de services et de travaux effectués par les administrations et les entreprises publiques, représente de 10 % à 20 % du PIB des pays membres de l’UE et des États-Unis. Dans une <a href="https://www.cae-eco.fr/la-commande-publique-peut-elle-constituer-un-levier-de-relocalisation-de-lactivite">note</a> du Conseil d’analyse économique (CAE) publiée en 2021, les économistes Claudine Desrieux et Kevin Parra Ramirez estimaient la part des importations dans la commande publique de biens et services en 2014 (date la plus récente à laquelle les <a href="https://www.rug.nl/ggdc/valuechain/wiod/wiod-2016-release">données</a> qui permettent de réaliser ces calculs sont disponibles) autour de 9 % pour la zone euro, 8 % pour l’Italie et la France et 4 % pour les États-Unis.</p>
<p>Les ordres de grandeur changent cependant très significativement quand l’examen, effectué selon la méthodologie exposée en note du graphique suivant, est restreint au périmètre des biens manufacturés.</p>
<p><iframe id="uXrm8" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/uXrm8/7/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En outre, l’hétérogénéité entre pays est frappante. En 2014, la part des importations est la plus faible aux États-Unis, 19 %, tandis qu’elles sont 2,5 à 3,5 fois plus élevées en Europe, en France tout particulièrement. Ces écarts d’ampleur de part et d’autre de l’Atlantique tiennent en partie aux écarts de taille économique des pays, les plus grands ayant moins besoin de recourir à l’extérieur pour satisfaire leurs besoins, que ce soit pour leur commande publique ou de manière plus générale.</p>
<p>À l’exception de l’Allemagne, on observe de plus un processus continu d’accroissement de la part des importations de produits manufacturés dans la commande publique, notamment en France et en Italie. Mécaniquement, lorsqu’un pays se désindustrialise, il doit davantage recourir aux importations pour satisfaire sa demande de biens manufacturés. Or, entre 2000 et 2014, la part du secteur manufacturier dans le PIB est passée de 14 % à 10 % en France, et de 18 % à 14 % en Italie.</p>
<p>L’Allemagne présente un profil particulier, avec une part qui passe de 40 % en 2000 à plus de 63 % en 2007, puis diminue de façon quasi continue jusqu’à 45 % en 2014. Cette trajectoire pourrait venir de la politique allemande du médicament. En 2002, afin de maîtriser les dépenses de santé, une législation a contraint les pharmacies à vendre des médicaments importés lorsque leur prix était inférieur à certains seuils, pour les médicaments remboursés par l’assurance maladie.</p>
<p>Cette « clause de promotion des importations » a entraîné une hausse immédiate de la part de marché des produits pharmaceutiques importés, avec un pic en 2007. Un moratoire a ensuite été décidé sur le prix des médicaments : en pratique, les prix ont été gelés entre 2006 et 2013, conduisant les prix des médicaments produits en Allemagne à passer sous les seuils qui justifiaient le recours aux importations. La part de ces dernières a dès lors reculé au profit des produits pharmaceutiques allemands.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-produits-de-sante-une-filiere-de-poids-dans-les-echanges-internationaux-214276">Les produits de santé : une filière de poids dans les échanges internationaux</a>
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<p>La part plus forte des importations dans la commande publique pourrait refléter celle des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/importations-114407">importations</a> dans la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/consommation-20873">consommation</a> des ménages. Un pays désindustrialisé est en effet amené à consommer des biens manufacturés importés, que ce soit pour la consommation privée ou publique. Un écart entre la part des importations dans la commande publique et dans la consommation des ménages pourrait à l’inverse refléter des choix de politiques publiques.</p>
<p>Alors qu’aux États-Unis la part des importations dans la commande publique est plus faible que celle dans la consommation des ménages de 10 à 12 points de pourcentage (une différence qui pourrait provenir du <em>Buy American Act</em>), une situation exactement inverse s’observe pour les quatre grands pays de la zone euro. L’écart est particulièrement élevé en France, et se creuse à partir de 2007-2008, atteignant 20 points en 2014.</p>
<h2>Quelles marges de manœuvre ?</h2>
<p>Sans avoir besoin de transformer préalablement les structures de production, il existe ainsi des marges de manœuvre pour réduire la part des importations dans la commande publique et favoriser les secteurs manufacturiers nationaux. Quels seraient les gains pour ces secteurs d’un hypothétique alignement de la part des importations dans la commande publique sur celle dans la consommation des ménages ?</p>
<p>En France, ce sont près de 8 milliards de dollars (environ 0,3 % du PIB de 2022) supplémentaires dont aurait bénéficié le secteur manufacturier national en 2014 si le taux d’importation de biens manufacturés de la commande publique avait été égal à celui de la consommation des ménages. Pour l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie, les gains, plus modestes, seraient respectivement, de 2,2, 1,5 et 2,8 milliards de dollars.</p>
<p>Un calcul symétrique peut être effectué pour les États-Unis, en évaluant le montant qui aurait été perdu si la part des importations de biens manufacturés avait été aussi élevée dans la commande publique qu’elle l’était dans la consommation des ménages. Cette perte aurait été de 24,2 milliards de dollars en 2014 – et on peut imaginer qu’il s’agit là d’une estimation basse, car il est vraisemblable que, sans le <em>Buy American Act</em>, la part des importations de biens manufacturés dans la commande publique américaine aurait été supérieure à ce qu’elle est dans la consommation privée, à l’image de ce que l’on observe pour les grandes économies européennes.</p>
<p><iframe id="3bMbz" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/3bMbz/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="InLT1" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/InLT1/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="nNetH" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/nNetH/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="l5p1v" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/l5p1v/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="rwoqf" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/rwoqf/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Un accord autour d’un véritable « Buy European Act » parait difficilement atteignable, car il <a href="http://www.cepii.fr/PDF_PUB/pb/2023/pb2023-40_FR.pdf">remettrait en cause des fondamentaux du droit européen</a>. Cela contraindrait également sans doute l’Union européenne à <a href="http://www.cepii.fr/PDF_PUB/pb/2023/pb2023-40_FR.pdf">renégocier sa participation à l’accord sur les marchés publics de l’OMC</a>. Pour permettre la coexistence de cet accord avec le <em>Buy American Act</em>, les États-Unis ont en effet dû négocier des clauses spécifiques.</p>
<p>Cependant, la protection de certaines activités stratégiques ou de l’environnement ainsi que la préservation de la compétitivité des producteurs locaux constituent autant d’<a href="https://www.lexbase.fr/article-juridique/90641981-citedanslarubriquebmarchespublicsbtitrenbspipeutilexisterunprotectionnismeeuropeenen">arguments mobilisables</a> dans le cadre européen actuel. Le développement de clauses de conditionnalité environnementale – sur le modèle du <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A16766">nouveau bonus français sur les voitures électriques</a> – apparaît comme une voie prometteuse, en permettant de contourner l’interdiction des clauses de contenu local sans modification significative du droit existant. Une approche similaire pourrait être retenue pour la commande publique. La loi française <a href="https://www.economie.gouv.fr/daj/la-loi-ndeg-2023-973-du-23-octobre-2023-relative-lindustrie-verte-renforce-la-commande-publique">« Industrie verte »</a>, adoptée en octobre 2023, fait un premier pas en ce sens, avec la création d’un label permettant d’intégrer les critères environnementaux dans la commande publique.</p>
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<p><em>Cet article développe des extraits de Grjebine T. et Héricourt J. (2023), <a href="https://www.cairn.info/l-economie-mondiale-2024%E2%80%939782348080074-page-43.htm">« Les dilemmes d’une réindustrialisation (verte) en économie ouverte »</a>, <a href="https://theconversation.com/economie-mondiale-2024-annee-de-toutes-les-reconfigurations-212268">L’économie mondiale 2024</a> <a href="https://www.collectionreperes.com/l_economie_mondiale_2024-9782348080074">, collection Repères, La Découverte</a>.</em></p>
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<p><em>Cette contribution à The Conversation France est publiée en lien avec les Jéco 2023 qui se tiennent à Lyon du 14 au 16 novembre 2023. Retrouvez ici le <a href="https://www.journeeseconomie.org/affiche-conference2023">programme complet</a> de l’événement.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217569/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>De grands écarts apparaissent entre les États-Unis et l’Union européenne, mais également parmi les pays européens.Thomas Grjebine, Économiste, Responsable du programme "Macroéconomie et finance internationales" au CEPII., CEPIIJérôme Héricourt, Professeur d'économie, conseiller scientifique au CEPII, Université d’Evry – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2173362023-11-12T16:16:25Z2023-11-12T16:16:25ZComment le réchauffement climatique redessine la carte du commerce international<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/558427/original/file-20231105-27-uw7cz3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C3%2C2048%2C1358&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un porte-conteneurs amarré aux Bahamas en 2019.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Corey Seeman/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Le <a href="https://theconversation.com/topics/rechauffement-planetaire-121404">réchauffement climatique</a> apporte avec lui des <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/syr/downloads/report/IPCC_AR6_SYR_LongerReport.pdf">phénomènes météorologiques toujours plus extrêmes</a> et accroît les inégalités entre les régions. Cependant, la croissance économique <a href="https://theconversation.com/how-trade-regulations-may-be-opening-up-a-new-era-of-sustainable-growth-in-the-global-south-182070">reste possible</a> dans la mesure où les économies font montre de tout un éventail de réponses aux impacts du réchauffement planétaire.</p>
<p>Récemment, nous avons tenté de comprendre comment la crise climatique redistribue les cartes du <a href="https://theconversation.com/topics/commerce-international-29800">commerce international</a>. Nos <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1470160X23008221">recherches</a> concluent que des stratégies d’adaptation existent bel et bien en la matière.</p>
<p>Les changements de production induits par le changement climatique impactent les marchés nationaux et internationaux en fonction de la manière dont les interconnexions à travers le monde facilitent la circulation des marchandises. Tout en tenant compte de paramètres tels que la distance géographique ou la taille des économies, on observe que la valeur de l’échange de marchandises entre deux partenaires commerciaux est aussi grande que leurs conditions climatiques diffèrent. Plus précisément, pour une augmentation d’un degré Celsius de l’écart entre les températures moyennes de deux pays, on s’attend à ce que le commerce entre eux augmente de 38 % en moyenne.</p>
<p>Entre 1996 et 2015, par exemple, les échanges agricoles et alimentaires entre l’Inde et l’Indonésie se sont élevés en moyenne à 215 millions de dollars par an sur la période. Il fait en moyenne deux degrés de plus en Indonésie et un degré de plus entre les deux pays générerait une augmentation moyenne du commerce entre eux de 82 millions de dollars par an.</p>
<h2>De nouvelles routes maritimes</h2>
<p>Plus la différence de température entre les pays est importante, plus les relations commerciales sont potentiellement étroites donc. En termes absolus, le commerce aura tendance à augmenter de manière plus substantielle pour les routes de l’hémisphère nord, en particulier lorsque l’Union européenne et les États-Unis sont impliqués : avec l’évolution des températures, les routes maritimes intra-UE devraient augmenter chaque année de plus d’un milliard de dollars chacune. Le gain monétaire sur la route UE-États-Unis est également important, passant de 611 à 893 millions de dollars de plus par an selon les États membres.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/553250/original/file-20231011-23-p4k7q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Top 20 trade routes most affected by increase in the difference between countries’ temperatures" src="https://images.theconversation.com/files/553250/original/file-20231011-23-p4k7q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/553250/original/file-20231011-23-p4k7q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/553250/original/file-20231011-23-p4k7q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/553250/original/file-20231011-23-p4k7q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/553250/original/file-20231011-23-p4k7q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/553250/original/file-20231011-23-p4k7q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/553250/original/file-20231011-23-p4k7q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les 20 routes commerciales les plus affectées par l’évolution des écarts de températures entre pays (année de rérérence : 2015/chiffres en millions de dollars).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Bien que moins marquée, une augmentation des valeurs commerciales est attendue entre les pays de l’hémisphère sud, notamment en Amérique latine (par exemple, une augmentation de 552 millions de dollars entre l’Argentine et le Brésil) et en Océanie (une augmentation de 573 millions de dollars entre l’Australie et la Nouvelle-Zélande).</p>
<p>La différence d’ampleur des effets commerciaux entre les pays du Nord et du Sud est probablement due à la variation des climats et du niveau de développement économique des deux pays. La plupart des pays du Nord sont des économies développées, tandis que la plupart des pays du Sud sont des économies en développement ou émergentes. Les pays du Nord ont tendance à avoir un climat plus froid et des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/twec.13256">valeurs commerciales plus élevées</a> que les pays du Sud. Dans le même contexte d’augmentation des différences de température, un niveau de développement économique plus élevé peut expliquer les gains plus importants en termes monétaires.</p>
<h2>Changements de spécialisation</h2>
<p>L’intensité de la saisonnalité varie considérablement à travers le monde, les saisons étant plus homogènes autour de l’équateur. Les différences de température ont ainsi tendance à augmenter la valeur des produits agricoles et alimentaires échangés entre les pays situés à des latitudes plus basses, comme la Chine, et les pays situés à des latitudes plus élevées, comme l’UE. </p>
<p>Selon les données de la direction générale de l’agriculture et du développement rural de la Commission européenne, la Chine est à la fois l’un des <a href="https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/food-farming-fisheries/farming/documents/agrifood-china_en.pdf">principaux pays d’origine et l’une des principales destinations</a> de l’UE. En moyenne, la Chine est plus froide de 6 degrés Celsius que les partenaires commerciaux de l’UE pour la période allant de 1996 à 2015. Conformément à nos résultats, une telle différence augmenterait les échanges entre l’UE et la Chine. À l’instar d’autres pays d’Asie centrale traditionnellement pénalisés par leur climat, la Chine bénéficierait d’une meilleure productivité agricole avec des températures plus chaudes.</p>
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<p>Le changement climatique a des <a href="https://academic.oup.com/joeg/article-abstract/21/4/487/6384781">répercussions diverses</a> dans l’espace, certains pays subissant des pertes ou des gains plus importants que d’autres. Dans l’ensemble, l’évolution des conditions climatiques et les différences croissantes de température entre les pays contribuent à modifier la géographie économique et à façonner les spécialisations sectorielles.</p>
<p>Le changement de spécialisation des pays est une forme d’adaptation qui dépend, entre autres, de leur capacité à commercer avec des partenaires d’autres régions du monde. Le développement de partenaires commerciaux ayant des spécialisations différentes constituerait une stratégie d’adaptation au changement climatique potentiellement bénéfique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Créé en 2007 pour accélérer et partager les connaissances scientifiques sur les grands enjeux sociétaux, le Fonds Axa pour la Recherche a soutenu près de 700 projets dans le monde entier, menés par des chercheurs originaires de 38 pays. Pour en savoir plus, consultez le site Axa Research Fund ou suivez-nous sur Twitter @AXAResearchFund</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217336/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une étude montre, toute chose égale par ailleurs, que les échanges commerciaux entre deux pays croissent d’autant plus que les écarts de température entre eux sont importants.Emilia Lamonaca, AXA Research Fellow, Università di FoggiaFabio Gaetano Santeramo, Associate Professor, Università di FoggiaMartina Bozzola, Associate professor, School of Biological Sciences, Queen's University BelfastLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2142762023-09-25T16:50:07Z2023-09-25T16:50:07ZLes produits de santé : une filière de poids dans les échanges internationaux<p>Les échanges internationaux de produits de santé ont pris leur essor à partir des années 2000, dans une vague d’ouverture globale amorcée par la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à la fin du cycle d’Uruguay en 1994. C’est dans ce cadre que l’Accord pharmaceutique plurilatéral a été négocié entre pays avancés pour supprimer les droits de douane sur un certain nombre de produits dont la liste a ensuite été élargie au fil des renégociations.</p>
<p>Sur les médicaments par exemple, les droits de douane appliqués sont aujourd’hui très faibles, voire nuls dans les pays avancés, et ont été <a href="https://www.wto.org/french/res_f/publications_f/who-wipo-wto_2020_f.htm">ramenés de 6,7 % à 2,5 % en moyenne depuis 1994</a> dans les pays en développement. L’ouverture des pays émergents et l’application de normes environnementales, plus ou moins contraignantes selon les zones géographiques, ont aussi eu un impact décisif sur la fabrication des produits de santé qui s’est de plus en plus internationalisée le long des chaînes de valeur. La traçabilité de ces biens essentiels à la vie est dans le même temps devenue plus opaque.</p>
<p>Leur classement insuffisamment détaillé et épars dans les nomenclatures internationales de commerce et de production contribue à cette opacité. On trouve ainsi des produits de santé parmi les produits chimiques, électriques, électroniques ou encore textiles. <a href="https://www.wto.org/english/res_e/reser_e/ersd201217_e.pdf">Mathias Helble</a>, aujourd'hui économiste à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), est le premier à avoir regroupé ces produits dans une liste pour apprécier l’importance et l’évolution des importations répondant aux besoins des systèmes de santé nationaux.</p>
<p>Réalisée après la Grande récession de 2008 marquant la fin de l’hypermondialisation, son <a href="https://www.wto.org/english/res_e/reser_e/ersd201217_e.pdf">étude</a> publiée en 2012 s’interrogeait déjà sur les bienfaits du dynamisme des échanges internationaux dans un domaine aussi crucial. En 2020, le choc du Covid-19 a clairement confirmé l’importance de la sécurité sanitaire pour les États et mis en lumière les questions de souveraineté industrielle posées par l’organisation internationale de la production.</p>
<h2>Une production fragmentée</h2>
<p>Le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (<a href="https://theconversation.com/institutions/cepii-2912">CEPII</a>) a élaboré une <a href="http://www.cepii.fr/CEPII/fr/publications/panorama/abstract.asp?NoDoc=13898">liste</a> des produits de santé dans la lignée du travail de Helble, et de ceux entrepris par des organisations internationales et nationales pour faire face à la pandémie de Covid-19. Celle-ci tend vers l’exhaustivité et inclut tout produit échangé contribuant au fonctionnement du système de soins. Identifiée pour la première fois dans un périmètre aussi large, cette filière de santé comprend 368 produits de la nomenclature du système harmonisé à six chiffres (version 1996) sur la période 2000-2021.</p>
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<p>Les produits sont répertoriés dans cinq branches regroupant les médicaments et l’ensemble de leurs composants, ainsi que les équipements de technologie médicale et le petit matériel de santé. Ainsi configurée, cette filière pèse lourd dans les échanges : en 2021, elle représente presque 13 % du commerce mondial de biens manufacturés (hors énergie) et se situe au deuxième rang parmi dix filières, après celle des produits électroniques (graphique 1).</p>
<p><iframe id="v50Dg" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/v50Dg/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Elle est aussi celle dont la progression a été la plus forte depuis 2000 (graphique 2). Ce dynamisme doit beaucoup à l’essor des échanges de préparations pharmaceutiques, dans lesquels les traitements issus de biotechnologies prennent une part croissante.</p>
<p><iframe id="0rbsW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/0rbsW/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La fragmentation internationale des processus de production est très marquée dans cette filière : en 2021, plus de la moitié des échanges concerne des biens intermédiaires et les échanges croisés de produits similaires atteignent un niveau record, le plus élevé de toutes les filières (51 % des flux, graphique 3). Celui-ci témoigne de la complexité de la division internationale du travail dans les produits de santé.</p>
<p><iframe id="T4G4y" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/T4G4y/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Contrairement aux flux univoques qui portent sur des échanges de produits clairement différents, ce type de commerce consiste en achats et ventes mutuels entre deux pays de produits aux caractéristiques techniques identiques. Autre particularité : c’est dans cette filière que la part des échanges de gamme moyenne de qualité/prix est la plus faible. Une part qui connaît un net recul depuis deux décennies, si bien qu’en 2021, 83 % des flux d’échanges se répartissent équitablement entre le haut et le bas de gamme.</p>
<h2>Le Covid-19, un révélateur de vulnérabilité</h2>
<p>Les pays avancés (selon la <a href="https://www.imf.org/en/Publications/WEO/weo-database/2023/April/groups-and-aggregates">classification du FMI</a>) sont les principaux acteurs sur le marché international des produits de santé : ils y réalisent près des trois quarts des exportations mondiales, alors que leur part dans l’ensemble des produits manufacturés s’élève à moins de 60 % (graphique 4).</p>
<p><iframe id="yhC3n" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/yhC3n/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Leurs échanges mutuels représentent à eux seuls 54 % des exportations mondiales en 2021 (graphique 5). Mais ce commerce intra-zone est marqué par un déclin relatif depuis les années 2000 (-16 points de pourcentage) tandis qu’augmentent les exportations des pays avancés vers les pays émergents et en développement. Ces derniers montent en puissance, essentiellement pour les produits bas de gamme, à la fois dans leurs exportations vers les pays avancés et leurs échanges mutuels.</p>
<p><iframe id="PqZGW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/PqZGW/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les <a href="http://www.cepii.fr/PDF_PUB/lettre/2022/let423.pdf">vulnérabilités créées par ces interdépendances</a> ont été révélées par des pénuries massives lors de la crise du Covid-19. Les autorités publiques de nombreux pays envisagent désormais la survenue d’autres pandémies, notamment celles que le réchauffement climatique pourrait favoriser. Parallèlement, la sécurisation des approvisionnements dans le domaine de la santé, comme dans tant d’autres, relève de plus en plus de la géostratégie à l’instar de la place accordée aux biotechnologies dans la <a href="https://www.nato.int/cps/fr/natohq/topics_184303.htm">politique d’innovation de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN</a>). Enfin, transition écologique oblige, la « décarbonation » est devenue un <a href="https://www.leem.org/presse/transition-ecologique-le-secteur-pharmaceutique-s-engage-sur-une-trajectoire-de">objectif primordial</a> dans la fabrication et les échanges des produits de santé. Tous ces éléments devraient conduire à un repositionnement géographique des entreprises des pays avancés au sein des chaînes de valeur internationales.</p>
<hr>
<p><em>Ce billet reprend des extraits du <a href="http://www.cepii.fr/CEPII/fr/publications/panorama/abstract.asp?NoDoc=13898">Panorama du CEPII 2023-03</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214276/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le secteur s’est fortement internationalisé depuis le début des années 2000, à la fois en termes de production et de vente. Ces interdépendances ont cependant fragilisé la filière.Deniz Unal, Économiste, rédactrice en chef du Panorama et coordinatrice des Profils du CEPII - Recherche et expertise sur l'économie mondiale, CEPIIAude Sztulman, Chercheur associé au CEPII, Maître de conférences, Université Paris Dauphine – PSLGuillaume Gaulier, Chercheur associé, CEPIIPierre Cotterlaz, Économiste, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2140072023-09-21T16:29:30Z2023-09-21T16:29:30ZAssiste-t-on réellement au « retour » du protectionnisme ?<p>La mondialisation néolibérale semble aujourd’hui se transformer sous l’effet d’un renforcement des mesures protectionnistes, à l’image de <a href="https://theconversation.com/inflation-reduction-act-comment-lunion-europeenne-peut-elle-repondre-aux-incitations-fiscales-americaines-201425">l’Inflation Reduction Act</a> américain adopté en 2022 ou des <a href="https://theconversation.com/batteries-lue-cherche-lequilibre-entre-ouverture-aux-marches-et-souverainete-technologique-210005">velléités européennes de relocalisation</a>. Cependant, plus que de prophétiser un « retour » du protectionnisme, il s’agit de s’interroger sur la présence, ou non, d’un « moment » protectionniste, c’est-à-dire de l’existence d’un <a href="https://archive-ouverte.unige.ch/unige:161572">bloc social</a> favorable à la protection du marché intérieur face aux méfaits du libre-échange, pilier du commerce international depuis les années 1970.</p>
<p>Le cas de la France est dès lors éclairant. Depuis le début du XIX<sup>e</sup> siècle, le pays a en effet alterné des périodes que l’on qualifie de libre-échangistes, tout autant que des périodes plus protectionnistes. L’historique des compromis institutionnels et sociopolitiques qui ont installé le protectionnisme en France à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, que nous avons analysé dans nos <a href="https://ideas.repec.org/f/pch1140.html">recherches</a>, nous permettra d’éclairer la réalité contemporaine.</p>
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<img alt="Portrait de Jules Méline" src="https://images.theconversation.com/files/549326/original/file-20230920-29-ao3hss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/549326/original/file-20230920-29-ao3hss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=865&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/549326/original/file-20230920-29-ao3hss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=865&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/549326/original/file-20230920-29-ao3hss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=865&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/549326/original/file-20230920-29-ao3hss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1088&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/549326/original/file-20230920-29-ao3hss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1088&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/549326/original/file-20230920-29-ao3hss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1088&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Jules Méline a mis en place une hausse des droits de douane en 1892 qui marqua un virage protectionniste de la France.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:M%C3%A9line,_Jules,_1915,_agence_Meurisse,_BNF_Gallica.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<h2>Un virage protectionniste à la fin du XIXᵉ siècle</h2>
<p>Cette alternance est particulièrement visible à partir des années 1870, période à laquelle les droits de douane remontent peu à peu. Si la parenthèse libre-échangiste (1850-1878) couronnée par la signature du traité de commerce avec l’Angleterre (<a href="https://www.herodote.net/23_janvier_1860-evenement-18600123.php">traité Cobden-Chevallier</a>) abaisse le droit de douane moyen de 16 % en 1850 à 3,70 % en 1868, celui-ci remonte de façon régulière jusqu’à atteindre 12,27 % en 1894, après l’application du <a href="https://www.herodote.net/almanach-ID-2999.php">« tarif Méline »</a> instauré en 1892 par le président de la commission des douanes de la Chambre des députés du même nom.</p>
<p>Pour installer ce régime protectionniste, il a fallu que les défenseurs des tarifs trouvent une coalition sociopolitique suffisamment large pour convaincre le gouvernement d’abandonner les principes du commerce sans entraves. Or, sous la III<sup>e</sup> République, un mouvement s’est structuré avec la réunion de différentes associations protectionnistes sous une seule et même bannière, celle de <a href="https://recherche-anmt.culture.gouv.fr/ark:/60879/786195">l’Association de l’industrie et de l’agriculture française</a> (AIAF).</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Pensée comme un véritable groupe de pression, cette association qui regroupe les industriels des industries lourdes, mines, métallurgie et de la construction ainsi que certaines industries textiles, les agriculteurs (exportateurs ou non) va expérimenter différentes formes de lobbying : création de journaux, formation d’élites intellectuelles (dont des économistes), élection de députés favorables à la protection, etc.</p>
<p>Il est intéressant de noter que le mouvement protectionniste français va réussir à imposer un récit qui embrasse les intérêts du travail et ceux du capital. Face à la concurrence internationale qui s’intensifie, les industries déclinantes et en difficultés se tournent vers l’État pour survivre et sauvegarder leurs profits. Du point de vue du travail, l’accent est mis sur la nécessité de préserver l’emploi national et le savoir-faire français.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/549365/original/file-20230920-15-9vtqg4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Image extraite du livre « Les merveilles de l’industrie ou, Description des principales industries modernes », par Louis Figuier (1877)" src="https://images.theconversation.com/files/549365/original/file-20230920-15-9vtqg4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/549365/original/file-20230920-15-9vtqg4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/549365/original/file-20230920-15-9vtqg4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/549365/original/file-20230920-15-9vtqg4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/549365/original/file-20230920-15-9vtqg4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=527&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/549365/original/file-20230920-15-9vtqg4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=527&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/549365/original/file-20230920-15-9vtqg4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=527&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les industriels ont joué un rôle essentiel dans la structuration du bloc protectionniste à la fin du XIXᵉ siècle.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/fdctsevilla/4726596383/">« Les merveilles de l’industrie ou, Description des principales industries modernes », par Louis Figuier (1877)/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Les défenseurs du protectionnisme français ont ainsi réussi à faire émerger un bloc social suffisamment puissant pour déterminer la politique commerciale française au cours de la seconde moitié du XIX<sup>e</sup> siècle. Ce compromis protectionniste perdurera jusqu’à la fin de la IV<sup>e</sup> république, avant d’être progressivement remplacé par un compromis libre-échangiste au tournant des années 1970, la période des Trente Glorieuses se caractérisant par un régime mixte.</p>
<h2>Vers un nouveau « moment » protectionniste ?</h2>
<p>Il y a 50 ans, la France s’engageait en effet pleinement dans le régime libre-échangiste imposé par les grandes institutions internationales, soutenu par un bloc social majoritaire et rendu nécessaire par la construction d’une Union européenne d’inspiration libérale. Or, aujourd’hui, il semble que nous assistons à une recomposition d’un bloc sociopolitique favorable à davantage de protection, ce qui pourrait refermer la parenthèse ouverte dans les années 1970.</p>
<p>Ainsi, selon un sondage OpinionWay en 2020, 60 % des Français interrogés se déclarent favorables au protectionnisme. Certes, il existe sans doute un effet Covid, mais les délocalisations, les pertes d’emplois industriels ou encore le déclassement d’une partie de la main-d’œuvre française représentent désormais un coût trop lourd à payer.</p>
<p>La nouveauté de ce bloc favorable au protectionnisme est qu’il s’articule aux crises écologiques, qui concernent tout le monde. Ainsi, les intérêts – ou du moins les aspirations – des citoyens et citoyennes sont pris dans leur ensemble, c’est-à-dire en leur qualité de travailleurs tout autant que de citoyens ou consommateurs.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1315896929855905793"}"></div></p>
<p>Face à la crise écologique, ce sont donc les demandes de circuit-court ainsi que de normes de production française ou européenne qui émergent. Du moins, de la part de la classe moyenne et supérieure, les ménages les plus fragiles restant bloqués dans le cercle vicieux néolibéral des salaires bas ne permettant qu’une consommation à prix « cassés ».</p>
<p>Du côté des entreprises, leur rationalité économique les a rapidement fait surfer sur la vague du « made in France » et les possibilités offertes de (certes plus ou moins sincèrement) verdir leur image. Pour les plus grandes organisations, au-delà de l’opportunisme que peut représenter la conversion au protectionnisme ou, tout du moins à la relocalisation, en matière de part de marché et d’aides publiques, c’est surtout les blocages de la mondialisation néolibérale qui ont ralenti leurs élans libre-échangistes. Produire étant prévoir, l’un des moteurs d’une économie en bonne santé est donc la confiance.</p>
<h2>Une demande de protection face à l’incertitude</h2>
<p>Ainsi, le blocage des chaines de valeur mondiales, la hausse des prix de l’énergie ou des intrants, le renforcement du protectionnisme aux États-Unis ou en Chine constituent autant d’arguments en faveur d’une relocalisation des activités productives. La recherche d’une certaine forme de protection face aux aléas de la mondialisation répond à la volonté de sécuriser les investissements (productifs ou financiers), de se soustraire à l’interdépendance des systèmes de production. Donc, <em>in fine</em>, de protéger le profit.</p>
<p>Parmi les incertitudes figure également la crise climatique. Tout comme les grands patrons au XIX<sup>e</sup> siècle craignaient une révolte sociale de grande ampleur, il n’est en effet pas exclu que le capital craigne désormais une crise majeure qui en plus des menaces concrètes sur la vie humaine pourrait alimenter une nouvelle crise sociale dans laquelle les <a href="https://theconversation.com/reveil-ecologique-des-grandes-ecoles-ce-que-nous-ont-appris-les-discours-de-jeunes-diplomes-196263">« vocations » des travailleurs à alimenter le capitalisme s’effondrerait</a>.</p>
<p>Les derniers maillons de ce bloc social favorable (du moins en partie) au protectionnisme se composent des décideurs politiques. Les relocalisations et la réindustrialisation passent en effet nécessairement par du protectionnisme. Par conséquent, si le terme même de protectionnisme n’est jamais utilisé, le discours politique dominant s’infléchit et considère la possibilité de ne pas respecter béatement les dogmes libre-échangistes.</p>
<p>Il semble donc que nous assistons à l’émergence et la progression d’un moment favorable au protectionnisme, notamment en France. Les classes moyennes et intellectuelles supérieures rejoignent les classes ouvrières (dont l’emploi est délocalisable) dans la défense du « faire français ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214007/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Léo Charles ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comme à la fin du XIXᵉ siècle, un bloc sociopolitique opposé au libre-échange émerge en France.Léo Charles, Maître de conférences spécialiste d'histoire économique, Université Rennes 2Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2132652023-09-12T21:50:34Z2023-09-12T21:50:34ZSanctions occidentales contre la Russie : l’Asie à la rescousse de Moscou<p>Avant d’envahir l’Ukraine en février 2022, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/russie-21217">Russie</a> avait, semble-t-il, anticipé les sanctions financières occidentales. Malgré celles-ci, et celles qui ont ciblé son commerce, l’économie russe a en effet affiché une relative solidité dans les mois qui ont suivi le début de la guerre. Ce résultat reflète la réallocation géographique rapide de son <a href="https://theconversation.com/fr/topics/commerce-exterieur-61077">commerce extérieur</a> et sa préparation aux sanctions, avec la mise en place de nombreux circuits de contournements et un pivot manifeste vers l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/inde-23095">Inde</a>, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/turquie-21579">Turquie</a>, et surtout la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/chine-20235">Chine</a>.</p>
<p>En 2022, la Russie a enregistré un excédent commercial de 284 milliards de dollars vis-à-vis de ses principaux partenaires commerciaux. Cet excédent considérable, plus du double de celui de 2019, masque néanmoins les tendances du commerce russe depuis le déclenchement du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/conflit-russo-ukrainien-117340">conflit</a>. En effet, l’excédent commercial qui atteignait près de 33 milliards de dollars en mars et avril 2022 s’est considérablement réduit depuis – 14 milliards en décembre (graphique 1a) –, mais reste toutefois supérieur à ce qu’il était en moyenne mensuelle entre 2019 et 2021 (10 milliards de dollars).</p>
<p>Sous les effets cumulés de la hausse des prix de l’énergie et de la montée en puissance progressive des sanctions, les exportations russes, après avoir progressé en début d’année, ont entamé une baisse graduelle à partir d’avril 2022 (graphique 1b). Mais, grâce à la réorientation de ses échanges vers les pays non alignés – ceux qui n’ont pas pris de sanctions à son encontre à la suite de l’invasion de l’Ukraine – la Russie a pu préserver des recettes plus élevées que celles enregistrées en moyenne entre 2019 et 2021.</p>
<h2>Un tournant commercial vers l’Asie</h2>
<p>Du côté des importations, la chute massive, dans la foulée de l’invasion de l’Ukraine, de 18 milliards à 8,5 milliards de dollars entre février et avril 2022, a été suivie d’une reprise lente jusqu’à un retour, au dernier trimestre 2022, au niveau mensuel moyen observé sur la période 2019-2021, essentiellement grâce à la Chine (graphique 1c).</p>
<h2>Graphique 1 : Une réallocation du commerce extérieur russe vers les pays non alignés</h2>
<p><iframe id="9iHlZ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/9iHlZ/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="I3Cfi" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/I3Cfi/6/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="oNQWA" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/oNQWA/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En décembre 2022, cette dernière fournissait en effet 52 % des importations russes, contre 27,6 % en moyenne sur la période 2019- 2021, de quoi compenser la baisse des importations en provenance des pays alignés, essentiellement de l’Union européenne (UE) dont la part dans les importations russes n’était plus que de 24 % en décembre 2022 contre 48 % en moyenne sur la période 2019-2021. En définitive, l’Inde, la Chine et la Turquie ont offert des débouchés aux exportations russes tandis que, côté importations, la Chine a remplacé les pays alignés.</p>
<h2>De nouvelles destinations pour le pétrole russe</h2>
<p>Représentant 52 % de ses exportations en 2022, les produits pétroliers ont permis à la Russie d’engranger 238 milliards de dollars (exportations nettes) au cours de l’année. Malgré les restrictions croissantes visant ces produits, dans le but d’affaiblir ses recettes d’exportations et de rendre l’effort de guerre plus difficile, la Russie a profité de la hausse des prix de l’énergie, dans un contexte de reprise post-crise sanitaire, et de la fragmentation internationale quant aux sanctions à adopter en réponse à son agression pour maintenir, voire accroître sa rente pétrolière (graphique 2).</p>
<p>Alors qu’à partir de mars 2022, du fait des embargos mis en place rapidement, les flux à destination des États-Unis et du Royaume-Uni déclinent et atteignent, dès le mois de mai des quantités négligeables, que l’UE – un peu plus lentement – réduit ses importations (passant d’environ 12 milliards de dollars en mars à 6 milliards en décembre 2022), la Chine, et surtout l’Inde ont vu leurs importations augmenter (graphique 2).</p>
<h2>Graphique 2 : Les exportations de produits pétroliers déroutées vers l’Inde et la Chine</h2>
<p><iframe id="g2jzx" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/g2jzx/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Une relative résilience des importations</h2>
<p>Si, grâce à la Chine, les importations russes ont fait preuve de résilience, cela ne signifie pas pour autant qu’elle s’est substituée à l’Europe sur les produits sanctionnés. La Chine peut en effet avoir accru ses exportations sur les produits non sanctionnés ou les avoir augmentées au-delà de la baisse des exportations européennes vers la Russie sur certains produits sanctionnés, et peu sur d’autres, de telle sorte que l’on observe une variation des exportations chinoises d’une ampleur qui ne reflète pas la réalité de la substitution.</p>
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<p>Et c’est, d’une certaine manière, ce que l’on constate : sur plus de 2 milliards de dollars de baisses d’importations en provenance de l’UE, la compensation a été de moins de 10 %, tandis qu’elle n’a été supérieure à 80 % que pour 515 millions de dollars de baisses d’importations.</p>
<p>Ainsi, alors que la Chine est le principal pays qui a compensé les baisses d’importations en provenance d’Europe du fait des sanctions, moins de 24 % l’ont été ; le cas le plus flagrant étant celui des importations de matériel de transport en provenance d’Europe pour lesquelles plus des 75 % de la baisse – très forte – n’ont pas été compensées.</p>
<h2>Une dédollarisation en faveur du yuan</h2>
<p>En revanche, la Chine a offert à la Russie des moyens de contourner les sanctions financières. Il faut dire que depuis les sanctions liées à l’annexion de la Crimée en 2014, la banque centrale russe a non seulement fortement accumulé des réserves, mais aussi diversifié ses avoirs étrangers. Alors que la part du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/dollar-85009">dollar</a> dans les réserves s’élevait à 44 % 2014, celle-ci n’était plus que de 11 % en 2022, une partie importante des réserves ayant été transférée vers le yuan et l’or : le yuan représentait 17 % des réserves et 22 % d’entre elles étaient détenues en or fin 2022 (graphique 4a).</p>
<p>Contrairement à 2014, la banque centrale s’était donc préparée aux restrictions avant l’invasion de l’Ukraine, en « dédollarisant » ses réserves de change, ce qui a permis au rouble, après s’être fortement déprécié face au dollar à la suite du déclenchement du conflit et des sanctions de février 2022, de rapidement revenir à son niveau d’avant-guerre, atteignant le taux de 54,5 roubles pour un dollar en juin 2022, niveau jamais connu depuis 2015 – en moyenne mensuelle.</p>
<p>En autorisant en septembre 2022 la Chine à payer ses achats de gaz russe en yuans et en roubles, Moscou a aussi, par ce biais, accentué la dédollarisation de l’économie russe. Cette inflexion concerne l’ensemble des exportations : ainsi, avant l’invasion de l’Ukraine, plus de 80 % des exportations étaient libellées en monnaies des pays alignés comme le dollar et l’euro, contre 12 % pour le yuan ; ce dernier atteint fin 2022 plus de 35 % dans le paiement des exportations, la part du dollar et de l’euro étant quant à elle passée sous la barre des 50 % (graphique 4b).</p>
<h2>Graphique 3 : La diversification des réserves internationales et la dédollarisation de l’économie russe en 2022</h2>
<p><iframe id="lwdtg" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/lwdtg/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="KI0BL" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/KI0BL/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Au total, l’évolution des échanges commerciaux et du rouble montre qu’il ne fallait pas attendre des sanctions occidentales un effondrement <em>immédiat</em> de l’économie russe. Leurs effets devront être appréhendés à plus longue échéance puisqu’en rendant l’effort de guerre plus difficile pour la Russie, elles devraient peser à terme sur les plans économique, financier et technologique. Ces effets commencent d’ailleurs à se faire sentir avec une dépréciation du rouble de l’ordre de 30 % depuis le début de l’année 2023 – particulièrement marquée depuis la fin du printemps – en raison notamment du poids financier de la guerre, couplé à la baisse des recettes pétrolières du fait des sanctions entrées en vigueur fin 2022.</p>
<hr>
<p><em>Cet article reprend des extraits de la lettre du Cepii de juillet-août 2023 intitulée <a href="http://www.cepii.fr/CEPII/fr/publications/lettre/abstract.asp?NoDoc=13860">« Russie : sanctions occidentales et échappatoires orientales »</a> et accessible gratuitement en version intégrale sur le site du Cepii</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213265/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie Mignon est conseiller scientifique au CEPII, membre du Cercle des économistes, présidente de la section 05 (sciences économiques) du CNU et secrétaire générale l'AFSE.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Carl Grekou et Lionel Ragot ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>La relative résistance de l’économie russe s’explique notamment par la place grandissante du yuan chinois dans ses échanges financiers extérieurs.Carl Grekou, Économiste, CEPIILionel Ragot, Conseiller scientifique au CEPII, professeur d'économie, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresValérie Mignon, Professeure en économie, Chercheure à EconomiX-CNRS, Conseiller scientifique au CEPII, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2129272023-09-06T17:29:21Z2023-09-06T17:29:21ZConcilier ambition climatique et concurrence mondiale : quel rôle pour le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ?<p>Que des entreprises fortement émettrices de gaz à effet de serre choisissent de <a href="https://theconversation.com/topics/delocalisation-34291">produire hors</a> de l’<a href="https://theconversation.com/topics/union-europeenne-ue-20281">Union européenne (UE)</a> pour contourner ses <a href="https://theconversation.com/topics/environnement-21017">normes environnementales</a>, tel est le phénomène que veut endiguer un <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=OJ:L:2023:130:FULL">règlement européen</a> paru en mai 2023. Face à ces « fuites de carbone » est établi un <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/mecanisme-dajustement-carbone-aux-frontieres-macf">Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières</a> (MACF) afin de renforcer les ambitions des 27 en matière de transition verte.</p>
<p>Il a vocation à compléter l’EU-ETS (pour <em>European Union Emission Trading System</em>) qui constitue la clé de voute de la politique climatique de l’UE. Est fixé un plafond annuel global d’émissions pour l’ensemble des entreprises, qui bénéficient, elles, de droits à polluer ou « quotas ». À chaque tonne de carbone émise, elles doivent rendre un quota. Ce mécanisme, en effet, présente certaines limites qui s’accentuent dans un contexte où le <a href="https://theconversation.com/topics/marche-du-carbone-23006">prix du carbone</a> croît fortement en Europe.</p>
<h2>Un prix du carbone en pointe au sein de l’UE</h2>
<p>Les quotas étaient initialement distribués gratuitement aux entreprises sur une base historique, puis l’ont été plus récemment selon des critères de performance. Aujourd’hui l’allocation par mise aux enchères est privilégiée. L’idée est que chaque unité de carbone émise ait un prix. Aux enchères il est fixé immédiatement. Cela fonctionne également pour une allocation gratuite car un prix apparaît sur le marché secondaire : si une entreprise émet plus que ce qu’elle a reçu en quotas, elle peut en acquérir auprès d’autres entreprises, qui, en émettant moins, peuvent, elles, revendre un excédent.</p>
<p>La tarification n’est, certes pas homogène au sein de l’Union car chaque pays membre peut compléter le dispositif. C’est le cas en France avec la <a href="https://www.connaissancedesenergies.org/questions-et-reponses-energies/quel-est-le-montant-de-la-taxe-carbone-en-france#:%7E:text=Le%20montant%20de%20la%20%C2%AB%20taxe%20carbone%20%C2%BB,des%20%C3%89nergies%29%20derni%C3%A8re%20modification%20le%2015%20novembre%202019">Contribution Climat Énergie</a> introduite en 2014 et parfois qualifiée de « taxe carbone ». Il n’en reste pas moins que la tarification <em>via</em> l’EU-ETS est la composante majeure et commune du signal prix du carbone pour les pays de l’UE.</p>
<p>Or, ce dernier s’avère bien plus élevé au sein des pays de l’UE qu’en dehors, hormis peut-être au Royaume-Uni avec lequel néanmoins l’écart de prix se creuse.</p>
<p><iframe id="9M9BQ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/9M9BQ/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Sur le marché national chinois par exemple, en 2023, le prix stagne à environ 7€ la tonne là où il avoisine les 85€ en Europe. Un certain nombre de mesures ou d’annonces de la Commission européenne (<em>Market Stability Reserve</em>, <em>Green Deal</em>) explique une forte hausse de prix depuis quatre ans.</p>
<p><iframe id="gciCR" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/gciCR/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="iS7TG" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/iS7TG/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cette hausse n’est pas sans soulever des défis majeurs. En effet, si les 27 vivaient en autarcie, l’accroissement de coût serait commun à toutes les entreprises et serait répercuté en aval sur leurs clients. C’est ce qu’on appelle le « pass through » du coût du carbone. La répercussion tout au long d’une chaîne de valeur, en cumulant les émissions directes et indirectes de chaque maillon, transmet le signal prix au consommateur final et l’incite à changer de comportement.</p>
<p>Dans une économie ouverte néanmoins, il est à craindre que ce <em>pass through</em> ne soit pas fonctionnel, car tout client en aval a la possibilité de se reporter sur des produits importés et donc non soumis à un prix du carbone.</p>
<h2>Des raisons de s’inquiéter</h2>
<p>La menace de délocalisation ou de substitution par des importations pèse ainsi sur les industries concernées par le dispositif. Outre la perte d’activité préjudiciable pour l’UE, le bilan environnemental ne serait pas positif avec des émissions qui ne seraient que déplacées, souvent vers des pays dont l’industrie est plus polluante.</p>
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<p>Il apparaît alors crucial de rétablir les conditions d’une concurrence « juste » entre entreprises de l’UE et hors UE. C’est ce que vise le MACF : pour tout produit importé relevant de secteurs couverts par l’EU-ETS, ce mécanisme impose que chaque tonne de carbone émise fasse l’objet de l’achat d’un certificat à un prix fixé à la moyenne hebdomadaire du prix d’un quota sur l’EU-ETS. La mise en place du MACF se fera progressivement, le temps que les partenaires commerciaux établissent la comptabilité carbone de leurs produits. Le signal prix du carbone sur les importations sera ainsi ajusté à celui envoyé aux entreprises de l’UE, rétablissant les possibilités de <em>pass through</em> et l’efficacité de l’EU-ETS.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/546654/original/file-20230906-19-rq5er9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/546654/original/file-20230906-19-rq5er9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546654/original/file-20230906-19-rq5er9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546654/original/file-20230906-19-rq5er9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546654/original/file-20230906-19-rq5er9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546654/original/file-20230906-19-rq5er9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546654/original/file-20230906-19-rq5er9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546654/original/file-20230906-19-rq5er9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Une mise en place progressive du MACF.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Tout cela présuppose l’existence de fuites de carbone. Pourtant, des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/joes.12356">études empiriques</a> mettent en doute la réalité de ces fuites. Certains <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0140988320302231">travaux</a> montrent même que les industries européennes ont pratiqué un <em>pass through</em> élevé du coût du carbone. Ces recherches se fondent néanmoins sur des données antérieures à la forte remontée du prix du carbone.</p>
<p>Si l’on n’observe pas de fuites de carbone par le passé, ce pourrait être aussi parce que les firmes se sont adaptées en différenciant leur produit. L’existence d’un commerce intrabranche, c’est-à-dire l’échange de produits similaires, ne s’explique qu’en admettant que la concurrence soit imparfaite. Dans cette situation, les entreprises bénéficient d’un pouvoir de marché, qui permet de pratiquer des prix supérieurs à celui que l’on observe théoriquement en situation de concurrence parfaite (leur coût marginal). Ce pouvoir peut provenir d’une différenciation des produits. Cela conditionne le degré de substituabilité avec les produits concurrents, donc les fuites de carbone, mais également la capacité à pratiquer le <em>pass through</em>.</p>
<p>Les gains de pouvoir de marché s’érodent néanmoins et les clients arbitrent plus facilement en faveur de substituts, même imparfaits, quand le prix pratiqué s’élève. Ce phénomène fait référence au « <a href="https://www2.deloitte.com/content/dam/Deloitte/fr/Documents/financial-advisory/economicadvisory/Deloitte_%20Le%20concept%20d%20elasticite%20de%20la%20demande%20en%20economie%20de%20la%20concurrence.pdf#page=3"><em>paradoxe du cellophane</em></a> » (comme l’entreprise Dupont de Nemours en 1956, on peut être en monopole sur le marché du cellophane sans pour autant pouvoir accroître son pouvoir de marché car les consommateurs peuvent y voir un équivalent dans d’autres types d’emballages) et suggère que le <em>pass through</em> devient plus difficile quand le coût du carbone augmente. En ce sens, l’UE a raison de s’inquiéter de fuites de carbone à venir si elle ambitionne de maintenir un signal prix du carbone élevé.</p>
<h2>Vers un déplacement des émissions sur les chaînes de valeur ?</h2>
<p>Même avec le MACF, il reste toutefois possible d’éviter le <em>pass through</em> en important des substituts en aval des secteurs couverts par l’EU-ETS. Le MACF ne ferait alors que déplacer les fuites de carbone de l’amont à l’aval des chaînes de valeur, sauf à l’étendre à ces secteurs aval. C’est peut-être à ce dessein que le considérant 67 du règlement stipule d’étendre le dispositif aux « produits en aval qui contiennent une part importante d’au moins une des marchandises relevant du champ d’application du présent règlement ».</p>
<p>À quel prix néanmoins tarifer le contenu carbone de ces importations ? Le coût carbone pour les entreprises de l’UE dépend du degré de <em>pass through</em>, du degré avec lequel tout cela repose sur le consommateur. Or il ne s’observe pas : au mieux il s’estime avec une marge d’erreur, qui est d’autant plus grande que la chaîne de valeur s’allonge. Cette difficulté reste cependant réduite sur le périmètre actuel du MACF, cantonné à l’amont des chaînes de valeur où les émissions indirectes sont souvent limitées à celles de la consommation de <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/abs/10.1086/688486">l’électricité, dont le coût est relativement bien documenté</a>.</p>
<p>Pour éviter cet écueil, une norme sur l’empreinte carbone peut être mise en place. Ainsi, le <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CONSIL:PE_2_2023_INIT">nouveau règlement relatif aux batteries et aux déchets de batteries</a> prévoit-il à son considérant 27 des seuils maximaux d’empreinte carbone pour la commercialisation, écartant de facto la concurrence d’importations intensives en carbone.</p>
<p>Encore faut-il sélectionner les produits soumis à une telle norme sur des bases objectives et que la norme ne soit pas instrumentalisée. La définition des <a href="https://climate.ec.europa.eu/system/files/2018-03/disaggregated_framework_outline_en.pdf">secteurs « à risque de fuite de carbone » utilisée par la Commission européenne</a> peut servir d’exemple sur le premier point. Quant au second, le calcul de <em>benchmark</em> sur la base des 10 % d’entreprises européennes les plus performantes comme le prévoit le <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32018L0410">considérant 11 de la directive européenne pour l’allocation gratuite de quotas sur l’EU-ETS</a> pourrait constituer une piste à suivre.</p>
<hr>
<p><em>La Chaire Économie du Climat de l’université Paris Dauphine-PSL organise, en partenariat avec l’École d’Économie de Toulouse et le Muséum national d’histoire naturelle, la 24<sup>e</sup> Conférence mondiale sur la fiscalité environnementale mondiale (<a href="https://www.gcet24.fr/">24th Global Conference on Environmental Taxation</a>), qui se déroule du 6 au 8 septembre 2023 et qui a pour thème « Climat et biodiversité : une empreinte écologique mondiale » (Climate and Biodiversity : Tackling Global Footprints)</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212927/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>La thèse d'Aliénor Cameron est financée par l'ADEME et la Chaire Economie du Climat. Elle a aussi effectué une visite de recherche de 5 mois à la Commission Européenne en 2023.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anna Creti et Marc Baudry ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières peut-il faire en sorte que les entreprises ne choisissent pas d’aller polluer ailleurs qu’en Europe où le prix du carbone est en forte hausse ?Anna Creti, Professeur, Directrice de la Chaire Economie du Climat, Université Paris Dauphine – PSLAliénor Cameron, Doctorante en économie à la Chaire Economie du Climat et EconomiX, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresMarc Baudry, Professeur des Universités en Sciences Economiques, Responsable du pôle "tarification du CO2 et innovation bas carbone" à la Chaire Economie du Climat, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2122682023-08-29T16:31:36Z2023-08-29T16:31:36ZÉconomie mondiale : 2024, année de toutes les reconfigurations ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/544749/original/file-20230825-15-lhyfct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=34%2C46%2C1147%2C626&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le modèle de croissance nécessitant en permanence la hausse des prix de l’immobilier et de l’endettement privé apparaît à bout de souffle.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.wallpaperflare.com/world-map-illustration-money-dollars-euros-studio-shot-black-background-wallpaper-qxddo">Wallpaperflare.com</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) livre son décryptage annuel des grandes tendances à venir dans son ouvrage collectif <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/l_economie_mondiale_2024-9782348080074">« L’économie mondiale 2024 »</a> publié aux Éditions La Découverte (collection Repères), à paraître le 7 septembre. Tour d’horizon des grandes questions de l’année à venir avec Isabelle Bensidoun et Jézabel Couppey-Soubeyran, coordinatrices de l’ouvrage.</em></p>
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<p><strong>The Conversation France : L’économie mondiale est confrontée à des chocs de grande ampleur. Quelles en sont les conséquences ?</strong></p>
<p>Dans un contexte des plus difficiles, à la fois de crise énergétique et de guerre sur le sol européen, d’inflation généralisée, de resserrement des politiques monétaires, de turbulences financières, l’économie mondiale n’aura pas si mal résisté. La croissance a certes été divisée par presque deux, de <a href="https://www.imf.org/fr/Publications/WEO/Issues/2022/04/19/world-economic-outlook-april-2022">6,1 % en 2021 à 3,4 % en 2022</a>, mais, dans ces conditions, l’atterrissage aurait pu être bien plus brutal.</p>
<p>Sur le front de l’inflation, la hausse observée depuis fin 2021 dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) s’est repliée en octobre 2022, lorsque les tensions sur les marchés de l’énergie et de l’alimentation se sont atténuées.</p>
<p><iframe id="rkhp9" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/rkhp9/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Toutefois les pressions inflationnistes restent fortes, notamment en zone euro. Si, entre début 2022 et début 2023, l’inflation importée a largement contribué, pour 40 %, à celle des prix à la consommation en zone euro (plus précisément du déflateur de la consommation), la contribution de l’augmentation des profits a été plus forte encore, à hauteur de 45 %, d’après le Fonds monétaire international (FMI).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1673287590865412096"}"></div></p>
<p>Pour faire face à la persistance de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">l’inflation</a>, les banques centrales ont <a href="https://theconversation.com/fed-et-bce-deux-rythmes-mais-une-meme-strategie-contre-linflation-185059">très fortement resserré leur politique monétaire</a> en 2022 et en 2023. Ces resserrements n’allaient pas de soi, notamment en zone euro, où l’inflation ne résultait pas d’une surchauffe de l’économie. Leurs conséquences ont commencé à se manifester avec notamment des tensions dans le secteur bancaire, se traduisant par des faillites de plusieurs <a href="https://theconversation.com/la-deregulation-bancaire-aux-etats-unis-a-t-elle-ressuscite-les-ruees-bancaires-202698">banques régionales aux États-Unis</a> et du <a href="https://theconversation.com/credit-suisse-les-lecons-dune-lente-descente-aux-enfers-202363">Credit Suisse</a> sur le continent européen.</p>
<p>Avec les fortes hausses de taux de la Réserve fédérale américaine (Fed), ce sont aussi les dettes publiques des pays en développement qui ont été affectées. Le niveau record de défauts souverains dans ces pays en atteste : <a href="https://www.fitchratings.com/research/sovereigns/sovereign-defaults-are-at-record-high-29-03-2023">9 entre début 2020 et début 2023</a>, contre 13 entre 2000 et 2019.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-chine-principal-creancier-mondial-une-fragilite-de-plus-pour-les-pays-emergents-et-en-developpement-209983">La Chine principal créancier mondial, une fragilité de plus pour les pays émergents et en développement</a>
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<p>Le durcissement des politiques monétaires a également conduit à un retournement du cycle immobilier dans les pays de l’OCDE et en Chine. C’est un moteur de la croissance qui se grippe, avec des conséquences d’autant plus fortes que la dépendance de l’économie au secteur de la construction l’est aussi.</p>
<p>Mais au-delà, c’est tout un modèle de croissance, fondé sur la demande et nécessitant en permanence la hausse des prix de l’immobilier et de l’endettement privé, qui apparaît à bout de souffle. La priorité est désormais donnée à la réindustrialisation pour regagner en autonomie et inverser les conséquences sociales de la désindustrialisation. Il n’est pas simple cependant de rétablir le tissu productif dans un modèle de croissance qui a déformé la structure de production en faveur des services et au détriment du secteur manufacturier. Ce redéploiement de l’industrie ne sera possible qu’en changeant de modèle et que s’il s’inscrit dans un plan de décarbonation indispensable face à la menace existentielle que constitue le dérèglement climatique.</p>
<p><strong>TCF : Des reconfigurations annonciatrices d’un changement plus ou moins profond sont-elles à l’œuvre ?</strong></p>
<p>Il nous semble que oui. C’est même le fil directeur de cette édition 2024 de <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/l_economie_mondiale_2024-9782348080074">l’ouvrage annuel</a> du CEPII : l’économie mondiale est en phase de reconfigurations, au pluriel. D’abord celle de la mondialisation, pour laquelle un changement de paradigme s’observe. Et en la matière, Isabelle Bensidoun et Thomas Grjebine montrent dans leur contribution que ce sont les États-Unis qui ont donné le ton.</p>
<p>Certes les différents épisodes qui se sont succédé – l’après-crise financière, la crise sanitaire, les ruptures d’approvisionnement post-crise sanitaire et la guerre en Ukraine – ont tous conduit à faire de la sécurité une nouvelle priorité. Mais c’est bien la décision des États-Unis de changer de logiciel, pour faire de la réindustrialisation et de la lutte contre le changement climatique leurs priorités, et pour cela d’avoir recours à des subventions massives et des mesures protectionnistes, dans le cadre de <a href="https://theconversation.com/inflation-reduction-act-comment-lunion-europeenne-peut-elle-repondre-aux-incitations-fiscales-americaines-201425">l’<em>Inflation Reduction Act</em></a> notamment, qui ont mis un terme à la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/mondialisation-22572">mondialisation</a> telle qu’on l’a connue depuis quatre décennies.</p>
<p>C’est aussi en proposant un <a href="https://www.ft.com/content/42922712-cd33-4de0-8763-1cc271331a32">nouveau consensus de Washington</a> en avril 2023, dont la politique industrielle est le pilier, où le retour des États dans la gestion économique est consacré, et où la promotion du libre-échange n’est plus en vogue, mais remplacée par la recherche d’alliances <a href="https://theconversation.com/la-mondialisation-entre-amis-ou-la-grande-fragmentation-de-lespace-mondial-186766">avec ceux qui partagent les mêmes valeurs</a>, le <em>friendshoring</em>, que les Américains ont rompu avec l’ancien consensus qui reposait sur le retrait des États et la recherche d’une libéralisation toujours plus poussée des forces du marché.</p>
<p><strong>TCF : S’il est un domaine où les questions de sécurité et de recompositions ont dû s’observer cette année c’est bien celui de l’énergie ?</strong></p>
<p>Tout à fait. Et c’est un domaine où les recompositions ont dû se faire dans l’urgence, en faisant appel aux alliés ou « amis », comme on veut bien les appeler. Que ce soit les États-Unis pour le gaz liquéfié ou la Norvège et l’Algérie pour le gaz.</p>
<p>Pour Anna Creti et Patrice Geoffron, les conséquences de la guerre en Ukraine ont dépassé les frontières de l’Union européenne, en perturbant les routes mondiales d’acheminement des hydrocarbures, ainsi que le niveau et les mécanismes de prix (prix plafond, rabais forcés), avec pour conséquence un monde énergétique qui tend à se recomposer entre un « marché russe », regroupant les pays qui acceptent de commercer avec la Russie, et un « marché non russe », avec des passerelles comme l’Inde qui raffine du brut russe et le réachemine en partie en Europe.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1549262053084471297"}"></div></p>
<p>Toutefois la vulnérabilité des approvisionnements européens, que la guerre en Ukraine a mis au jour, a surtout eu pour conséquence de faire s’envoler les prix du gaz et par contagion ceux de l’électricité, les craintes de rupture ayant pu être limitées par les recompositions. Si début 2023 les prix n’étaient plus aussi délirants qu’à la mi-2022, l’approche de l’hiver pourrait les faire à nouveau augmenter, ce qui réclame que la <a href="https://theconversation.com/union-europeenne-et-marche-de-lelectricite-des-principes-a-revoir-pour-rester-competitive-210503">réforme du marché de l’électricité</a>, pour le rendre moins dépendant des fluctuations des prix du gaz, soit rapidement opérationnelle.</p>
<p><strong>TCF : Les politiques industrielles reviennent sur le devant de la scène, le nouveau consensus de Washington en fait son pilier, mais pourquoi un tel retournement ?</strong></p>
<p>Dans leur présentation du nouveau consensus de Washington, les Américains ont été très clairs : tous les modèles de croissance ne se valent pas et celui qui a conduit à atrophier la capacité industrielle dans des secteurs essentiels comme les semi-conducteurs, a fait, de leur point de vue, trop de dégâts pour être poursuivi : dégâts en matière d’indépendance, dégâts sociaux, dégâts politiques.</p>
<p>C’est un nouveau paradigme, où, selon Thomas Grjebine et Jérôme Héricourt, la primeur donnée aux baisses de prix, que la libéralisation commerciale a permis, pour favoriser le pouvoir d’achat du consommateur au prix d’une concurrence accrue pour la production manufacturière nationale, n’est plus de mise.</p>
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<p>La politique industrielle est aussi une condition nécessaire pour réussir la transition écologique. C’est une nouvelle révolution industrielle qui s’engage, dont l’enjeu pour les grandes puissances est de ne pas la rater. Et pour cela, l’histoire nous l’enseigne, l’État doit intervenir : protection des industries naissantes et révolutions industrielles sont allées de pair.</p>
<p>Si les raisons pour légitimer les politiques industrielles sont nombreuses, il n’en reste pas moins qu’elles posent de sacrés défis en économie ouverte. Car réindustrialiser est particulièrement difficile dans les pays où la consommation intérieure reste le moteur de la croissance économique et où la désindustrialisation est avancée.</p>
<p>Dans ce cadre, les politiques de relance pour soutenir la demande tendent à réduire la part du secteur manufacturier alors que ce qui est recherché par les politiques industrielles, c’est justement l’inverse. Se pose alors inévitablement la question des protections à mettre en place pour mener à bien la réindustrialisation.</p>
<p><strong>TCF : Dans ce contexte, quelle place pour les politiques commerciales, dont l’objet était avant tout de favoriser la libéralisation ?</strong></p>
<p>C’est effectivement le rôle qui leur a été dévolu au tournant des années 1970-1980 et que les années 1990-2000 ont semblé entériner. Les politiques commerciales recherchaient alors avant tout l’efficacité économique par l’exploitation des avantages comparatifs, la minimisation des coûts ou l’optimisation des chaînes de valeurs mondiales. Mais de nouveaux objectifs sont en train de supplanter ceux d’hier.</p>
<p>Pour Charlotte Emlinger, Houssein Guimbard et Kevin Lefebvre, la lutte contre le réchauffement climatique, la sécurité nationale ou encore la sécurisation des approvisionnements redessinent les contours des politiques commerciales. Ce faisant, ces politiques vont se trouver de plus en plus étroitement imbriquées avec les politiques industrielles nationales. À cela s’ajoutent l’augmentation des obstacles au commerce liés à la militarisation des politiques commerciales et la rivalité sino-américaine.</p>
<p>Tout cela laisse penser que les périodes de libéralisation du commerce international sont derrière nous. Le risque cependant dans ce monde qui se polarise est de voir les impératifs géoéconomiques de court terme l’emporter sur les défis environnementaux conditionnant le long terme de l’humanité. Pour éviter qu’il en soit ainsi, il va alors falloir trouver comment restaurer un minimum de multilatéralisme. Une entreprise dont le succès est loin d’être assuré !</p>
<p><strong>TCF : La mondialisation commerciale se recompose, les impératifs climatiques et la sécurité économique prennent le pas sur la libéralisation, mais qu’en est-il de la mondialisation financière ?</strong></p>
<p>Là encore, des mutations s’opèrent. L’encensement de la liberté des flux de capitaux et de la flexibilité des taux de changes a fait long feu. Certes, la mondialisation financière n’a pas disparu, mais la tournure qu’elle a prise au fil des crises et de la montée des tensions géopolitiques est très éloignée de l’illusion libérale qui en a été le berceau.</p>
<p>Les banques centrales prennent de plus en plus de mesures qui influencent les flux de capitaux, avec des implications géopolitiques. Elles interviennent sur les marchés des changes, s’accordent des prêts entre elles, échappant ce faisant au multilatéralisme hérité de la fin des années 1940, qui reposait sur de grandes institutions financières internationales telles que le FMI.</p>
<p>La question se pose de ce qui va advenir du dollar dans ce nouveau système monétaire international. Pour Éric Monnet, un monde plus multipolaire se dessine où, sans du tout faire disparaître le dollar, des monnaies différentes, et notamment le renminbi, seront utilisées et thésaurisées en fonction des liens commerciaux et géopolitiques.</p>
<p><strong>TCF : Ces reconfigurations qui émergent, avec un rôle plus résolu de la puissance publique, sauront-elles relever le défi de la transition écologique ?</strong></p>
<p>À l’heure où la plupart des limites planétaires, ces seuils que l’humanité n’aurait pas dû dépasser pour ne pas compromettre la viabilité de l’espèce, ont déjà été franchies, pour Michel Aglietta et Étienne Espagne, la planification écologique constitue le seul rempart face au capitalocène, cette ère dans laquelle non seulement l’activité humaine mais aussi le système d’accumulation dans lequel elle se déploie ont conduit à un tel désastre. Et qui dit planification, dit retour des États.</p>
<p>Donc oui ces reconfigurations, bien que très partielles encore, vont dans le bon sens, que ce soit le <em>Green New Deal</em> américain avec la loi IRA – <em>Inflation Reduction Act</em>, le_ <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/headlines/society/20200618STO81513/le-pacte-vert-pour-une-ue-durable-et-climatiquement-neutre">Green Deal européen</a> et son <em>Net Zero Industry Act</em> ou la promotion d’une Civilisation écologique en Chine.</p>
<p>Deux écueils toutefois à ces avancées : primo, le cadre de conflictualité géopolitique dans lequel elles s’organisent et les limites que cela produit pour bâtir une planification écologique à l’échelle mondiale, la seule valable pour répondre à la crise écologique ; secundo, la difficulté pour les pays du Sud de trouver leur place dans ce nouveau contexte, sachant que leurs leviers économiques sont bien en deçà de ceux que la Chine, les États-Unis et l’Union européenne peuvent mobiliser.</p>
<p>Dès lors, les stratégies que ces pays peuvent développer sont forcément subordonnées à celles de ces trois blocs, avec plusieurs menaces liées à la concurrence accrue pour les ressources minérales ou à la mise en place de nouvelles chaînes de valeur des technologies vertes. Aussi pour éviter que la planification écologique ne soit réservée à un club restreint, la coopération internationale, moteur fondamental et aujourd’hui manquant, doit être vigoureusement réactivée.</p>
<p><strong>TCF : Une planification écologique se met en place, avec certes encore des limites, mais la plus importante d’entre elles n’est-elle pas l’insuffisance des investissements qui y sont consacrés ?</strong></p>
<p>Les évaluations sont désormais nombreuses des besoins d’investissement pour la transformation écologique. Aussi diverses soient-elles, car fondées sur des périmètres sectoriels et des scénarios de transition contrastés, toutes font effectivement état d’un manque d’investissement. Cela pose inévitablement la question de savoir s’il n’y a pas là un problème de financement.</p>
<p>C’est à première vue assez paradoxal puisqu’il existe une masse énorme d’actifs financiers. De quoi se demander s’il ne suffirait pas de mieux les orienter : vers le financement de la transition. Mais pour Jézabel Couppey-Soubeyran et Wojtek Kalinowski, le financement de la transition ne se réduit pas à un problème de réorientation des flux.</p>
<p>D’abord, il ne faut pas surestimer la fluidité́ de cette réorientation : les investissements verts ne remplacent pas nécessairement les investissements bruns, et pour un temps au moins ne font que s’y ajouter, ce qui élève les besoins financiers. Le secteur agricole ou celui des transports fournissent des illustrations utiles.</p>
<p>Ensuite, si tout doit bien sûr être mis en œuvre pour permettre la réorientation des financements privés, il ne faut pas sous-estimer le besoin de fonds publics car, même bien réorientés, les fonds privés n’iront que vers des investissements suffisamment rentables, or ceux nécessaires à une transformation écologique juste ne le sont pas tous.</p>
<p>La part non rentable réclame des financements publics adaptés, protégés de la pression du marché, gratuits voire même sans exigence de retour financier. De nouvelles formes sont en ce sens envisageables sous la forme de <a href="https://theconversation.com/faut-il-sinquieter-des-pertes-des-banques-centrales-193876">dons de monnaie centrale</a>, plus ou moins compatibles avec les cadres institutionnels actuels, selon qu’ils feraient intervenir directement la banque centrale ou des sociétés financières publiques. Nonobstant ces obstacles institutionnels que le débat démocratique pourrait lever, le chemin existe !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212268/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jézabel Couppey-Soubeyran est membre de l'Institut Veblen et de la chaire énergie et prospérité.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Isabelle Bensidoun ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La succession de crises a conduit au retour des politiques industrielles pour gagner en autonomie, inverser les conséquences sociales de la désindustrialisation et réussir la transition écologique.Isabelle Bensidoun, Adjointe au directeur du CEPII, CEPIIJézabel Couppey-Soubeyran, Maîtresse de conférences en économie, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2102112023-08-02T18:05:42Z2023-08-02T18:05:42ZIndustrialiser l’Afrique : oui mais comment ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/538732/original/file-20230721-27-v0seqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C882%2C4989%2C3044&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En décembre 2020, Maurice dévoilait un plan d'expansion de la production industrielle de l'île et sa capitale Port-Louis.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’Afrique peut-elle encore <a href="https://theconversation.com/topics/industrialisation-72629">développer son industrie</a> ? Comment ? Celle-ci est aujourd’hui reléguée au plus bas niveau de la chaine des valeurs mondiale, quand l’économie des pays reste très dépendante des exportations de <a href="https://theconversation.com/topics/ressources-naturelles-45642">ressources naturelles</a>.</p>
<p>Les pays d’Afrique disposent d’un réel potentiel d’industrialisation, mais encore faut-il trouver le modèle approprié. Après l’indépendance de la plupart de ces pays dans les années 1960, certains d’entre eux ont tenté de s’<a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/industrialisation-par-substitution-aux-importations">industrialiser par substitution aux importations</a>. L’objectif : produire au sein de ses frontières les biens qui étaient jusque-là importés. En raison de la faiblesse des marchés intérieurs et de la maturité des appareils productifs à l’étranger, le succès n’a pas été au rendez-vous.</p>
<p>Les recettes libérales ont, elles, été appliquées à partir des années 1980. Les mesures des <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/ajustement-structurel#:%7E:text=Les%20programmes%20d%E2%80%99ajustement%20structurel,crit%C3%A8res%20de%20l%E2%80%99orthodoxie%20lib%C3%A9rale%2C">Programmes d’ajustement structurel</a>, imposés dans les années 1990 par le FMI comme préalable à l’octroi de nouveaux prêts, vont maintenir les économies africaines au plus bas. On parle même de « décennie perdue » pour le continent.</p>
<p>Depuis quelques années il faut aussi compter avec l’émergence des marchés asiatiques. Plusieurs <a href="https://doi.org/10.4236/jss.2019.77032">auteurs</a> au cours des années 2000 ont notamment analysé et tenté d’évaluer l’<a href="https://doi.org/10.4236/ti.2015.63015">impact de l’économie chinoise</a> sur les dynamiques industrielles et commerciales des pays africains. Leurs <a href="http://dx.doi.org/10.2139/ssrn.1112857">conclusions</a> convergeaient : l’Afrique s’exposait à un <a href="https://econpapers.repec.org/scripts/redir.pf?u=http%3A%2F%2Fwww.mitpressjournals.org%2Fdoi%2Fpdf%2F10.1162%2Frest.2009.11498;h=repec:tpr:restat:v:92:y:2010:i:1:p:166-173">risque croissant de désindustrialisation</a>.</p>
<p>Il est crucial pour les pays africains d’adopter une stratégie d’industrialisation en phase avec les défis internes – besoin de nourrir une population grandissante – et externes – respect des normes et principes environnementaux. Pour des économies qui peinent à se financer, identifier les secteurs d’investissements les plus pertinents s’avère plus important encore. C’est ce à quoi nous avons consacrés nos <a href="https://doi.org/10.7202/1072640ar">recherches</a>.</p>
<h2>Un avantage comparatif</h2>
<p>Depuis les travaux fondateurs de <a href="https://www.economie.gouv.fr/facileco/david-ricardo#:%7E:text=%C3%89conomiste%20anglais%2C%20David%20Ricardo%20publie,pas%20d%C3%A9termin%C3%A9%20par%20son%20utilit%C3%A9.">David Ricardo</a> en 1817, beaucoup d’études ont poursuivi la réflexion sur la place de chaque pays dans le commerce international. Ce que montrait l’économiste anglais est que le monde sort gagnant du fait que les pays se spécialisent dans les secteurs dans lesquels ils sont relativement plus efficaces que les autres nations.</p>
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<p>En prolongeant cette réflexion et en utilisant des modélisations qui en ont été tirées, nous montrons que, dans le <a href="https://theconversation.com/topics/textile-habillement-26481">secteur textile</a>, les pays à faible revenu possèdent un avantage relatif dans les produits d’entrée de gamme et un désavantage dans les segments de prix supérieurs. Les pays d’Afrique présentent également un avantage relatif dans le segment d’entrée de gamme du secteur des appareils électroménagers et électroniques.</p>
<p>Un atout des pays à faibles revenus d’Afrique est leur bas niveau de salaire. Contrairement aux autres industries, les stratégies de positionnement dans le secteur textile dépendent fortement des niveaux de salaires, en particulier pour les produits d’entrée de gamme. Nos résultats sont, sur ce point, cohérents avec ceux de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00036849500000024">Bruno Amable</a>, professeur à HEC Paris, et de son collègue Bart Verspagen qui montraient que la compétitivité n’est déterminée par des facteurs de prix que dans les secteurs à très faible technologie comme le textile.</p>
<p>Voilà pourquoi diriger les investissements en direction de pareilles industries paraît pertinent, la demande nationale et internationale nourrissant un effet de levier. Les produits à faible technicité sont en effet les plus accessibles pour des populations pauvres. C’est sur ce créneau que se situe la <a href="https://doi.org/10.7202/1072640ar">demande africaine</a>.</p>
<h2>Des opportunités à saisir ?</h2>
<p>Cependant, dans ce même secteur, les pays d’Afrique sont confrontés à la concurrence, qui demeure forte, de certains pays à revenu intermédiaire, en Asie et en Amérique latine. Pendant plusieurs décennies, la Chine a connu un <a href="https://doi.org/10.7202/1072640ar">croissance fulgurante</a> dans son commerce de produit d’entrée gamme.</p>
<p>Elle est cependant aujourd’hui confrontée à une augmentation des salaires. Elle a été annuellement de <a href="https://doi.org/10.4000/regulation.15040">2,4 % en moyenne dans les années 2000</a> et la <a href="https://donnees.banquemondiale.org/indicator/NY.ADJ.NNTY.PC.CD?locations=CN">hausse des revenus</a> s’est accentuée depuis. Compte tenu de l’<a href="https://econpapers.repec.org/RePEc:cii:cepidt:2010-23">épuisement de son modèle d’exportation</a> et de l’orientation prise vers le marché intérieur, la Chine semblait par ailleurs chercher à se positionner dans les produits haut de gamme. Entre 2012 et 2017, le pays s’est mis à peser moins lourd sur les produits à faible coût dans le commerce international.</p>
<p><iframe id="bCYcf" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/bCYcf/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La tendance s’est ensuite inversée, mais la dynamique a pu bénéficier à certains pays asiatiques comme le <a href="https://doi.org/10.4000/regulation.15040">Vietnam et le Bangladesh</a>. Ce fut peu le cas pour l’Afrique. Les seuls qui semblent en tirer profit aujourd’hui sont l’Éthiopie, le Rwanda, le Kenya et le Lesotho.</p>
<p>Le développement de ces produits en Afrique appelle ainsi la mise en place de politiques industrielles inspirées de celles qui ont favorisé le développement économique de plusieurs pays d’Asie. Certaines nations africaines telles que l’île Maurice, Madagascar, le Nigeria, l’Éthiopie et le Kenya ont ainsi développé, par exemple, des zones de libre-échange attractives pour les IDE et mis en place des politiques de promotion afin de stimuler les exportations. Le plan de <a href="https://unctad.org/fr/news/lile-maurice-devoile-un-plan-dexpansion-de-sa-production-industrielle">développement de l’industrie à Maurice</a>, qui a permis à l’île de réduire sa dépendance au commerce de la canne à sucre, en est une illustration.</p>
<p>En raison de la concurrence féroce des pays émergents et de ce qui semble être un retour de la Chine sur le créneau, l’émergence de l’industrie manufacturière africaine ne sera couronnée de succès que si les consommateurs locaux sont prêts à modifier leur comportement pour s’adapter à la nouvelle offre. Développer une industrie de transformation plutôt qu’une filière d’exportation de matières premières, c’est aussi tout un changement culturel à opérer pour le continent. Les gouvernements auraient intérêt à l’encourager en facilitant l’accès au financement, aux subventions et aux marchés publics.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210211/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’Afrique présente un avantage comparatif certain dans le secteur textile d’entrée de gamme, mais il lui faut composer avec la concurrence de pays d’Asie qui ont mieux saisi certaines opportunités.Diadié Diaw, Maître de conférences en économie, Université Rennes 2Albert Lessoua, Associate professor in economics, ESCE International Business SchoolLouis César Ndione, Maître de conférences en sciences de gestion, Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2067802023-06-11T16:15:35Z2023-06-11T16:15:35ZTransport maritime : 40 ans de course au gigantisme<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/529334/original/file-20230531-17-92o21w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=38%2C103%2C1220%2C816&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La compagnie française CMA-CGM, l'un des principaux opérateurs du secteur.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:CMA_CGM_JACQUES_SAADE_porte-conteneurs_propuls%C3%A9_au_GNL_2020.jpg">Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Depuis les années 1970 et l’apparition du conteneur, les <a href="https://theconversation.com/topics/mondialisation-22572">économies mondialisées</a> sont devenues <a href="https://www.researchgate.net/publication/350514863_Les_ports_d%E2%80%99Europe_vus_du_Havre">fortement dépendantes du transport maritime</a> pour leurs <a href="https://theconversation.com/topics/commerce-international-29800">échanges commerciaux</a>. En 2021, les compagnies ont transporté <a href="https://unctad.org/system/files/official-document/rmt2022overview_fr.pdf">11 milliards de tonnes de marchandises</a> à travers les mers du globe, soit le double par rapport à 2002. Au total, on dénombre aujourd’hui plus de 500 compagnies maritimes qui arment <a href="https://unctadstat.unctad.org/wds/TableViewer/tableView.aspx">environ 5900 porte-conteneurs</a>, pour une capacité de transport totale de <a href="https://alphaliner.axsmarine.com/PublicTop100/">27 millions de conteneurs</a> dits EVP (équivalent vingt pieds – unité de mesure standardisée des conteneurs maritimes). En 1979, la capacité totale de transport des porte-conteneurs était de <a href="https://core.ac.uk/download/pdf/52829358.pdf">264 000 EVP</a> contre plus de 22 millions aujourd’hui.</p>
<p><iframe id="ypUHm" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ypUHm/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En parallèle, le <a href="https://theconversation.com/topics/concurrence-22277">paysage concurrentiel</a> a également fortement évolué avec une forte concentration des acteurs. À la fin des années 1970, les 10 principales compagnies maritimes ne représentaient que 28 % de ces capacités, contre 84 % aujourd’hui.</p>
<p><iframe id="ZfBDU" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ZfBDU/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Dans les années 1980, les compagnies maritimes étaient encore des opérateurs régionalisés. Leurs navires ne naviguaient pas sur l’ensemble des mers du globe. Le conteneur a permis le développement du commerce international, initiant l’industrialisation de l’Asie orientale et de son moteur chinois. Les besoins de transport de marchandises manufacturés entre les continents se sont alors accentués et la concurrence entre les compagnies maritimes s’est, dans le même temps, exacerbée.</p>
<h2>Des acteurs marginaux hors du top 10</h2>
<p>Pour répondre à la demande croissante, les compagnies maritimes ont dû élargir leurs offres de services et venir s’implanter dans de nouveaux ports, venant concurrencer des opérateurs locaux. Dans ce contexte, les plus petites compagnies maritimes ont eu tendance à disparaitre.</p>
<p>Désormais la majorité des navires sont aux mains d’une poignée de compagnies. Dans le tableau qui informe sur le top 10 des compagnies maritimes en capacité de transport, nous pouvons observer que près de 60 % des capacités de transport sont aujourd’hui contrôlées par seulement 4 compagnies maritimes (Maersk, MSC, CMA-CGM et COSCO), le top 10 contrôlant 84 % des capacités. Au-delà de ce top 10, les parts de marché des compagnies maritimes sont relativement marginales.</p>
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<p>Dans un premier temps, les compagnies maritimes se sont organisées en alliance pour leur permettre d’atteindre une taille critique. Ces différents liens entre acteurs se sont remodelés au fil des années mais depuis 2019, il en existe 3 principales : 2M, Ocean Alliance et The Alliance (cf figure 1) qui regroupent les 9 premiers armements mondiaux.</p>
<p>Aujourd’hui, 84 % du marché mondial du transport maritime de conteneurs est donc contrôlé par 9 opérateurs associés au sein de 3 alliances.</p>
<p><iframe id="LLswY" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/LLswY/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En parallèle, on a assisté à un mouvement de rachats et de fusions entre les compagnies maritimes. La première opération d’envergure est à mettre à l’actif de la CMA qui a racheté son compatriote français, la CGM en 1996 pour devenir la CMA-CGM. Les achats et fusions furent nombreux et la tendance s’est tout particulièrement accélérée en 2014 (rachat de CSAV par Hapag-Lloyd, NOL par CMA-CGM en 2015, Hamburg-Süd par Maersk en 2017, etc.).</p>
<p>Il existe également des opérations de fusions entre compagnies d’un même pays pour maintenir une taille critique et de peur de se faire absorber par une compagnie étrangère (<a href="https://www.actu-transport-logistique.fr/lantenne/actualite/transport-maritime/les-armateurs-chinois-cosco-et-china-shipping-vont-fusionner-736328.php">fusion des chinois COSCO et China Shipping en 2016</a> ou encore des <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/fret-maritime-les-trois-plus-grandes-compagnies-japonaises-fusionnent-612333.html">japonais NYK, K-Line et MOL en 2017 devenant ONE</a>).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/530929/original/file-20230608-15-dc88co.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/530929/original/file-20230608-15-dc88co.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530929/original/file-20230608-15-dc88co.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=232&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530929/original/file-20230608-15-dc88co.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=232&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530929/original/file-20230608-15-dc88co.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=232&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530929/original/file-20230608-15-dc88co.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=291&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530929/original/file-20230608-15-dc88co.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=291&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530929/original/file-20230608-15-dc88co.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=291&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Historique des achats et fusions des opérateurs maritimes de porte-conteneurs.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>On peut parler donc parler d’un oligopole dans le transport maritime, qui a été validé par les autorités de la concurrence chinoises, américaines et européennes. À l’image des « big-pharma », on peut les qualifier de « big opérateurs ». En conséquence, la dépendance à ces quelques opérateurs pour les chargeurs est très forte.</p>
<p>Passée la pandémie du Covid-19, le transport maritime a rebondi et les taux de fret ont été historiquement élevés. Ces prix élevés ont été portés par la reprise, voire l’explosion, de la demande et la congestion des ports. Les principales compagnies maritimes de porte-conteneurs ont ainsi réalisé des bénéfices records. Par exemple, CMA-CGM a été en 2022, l’entreprise française la plus rentable <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/cma-cgm-affiche-les-plus-gros-benefices-de-lhistoire-francaise-1912013">avec un bénéfice de 23 milliards d’Euros</a>. Ces grands armateurs ont profité de l’augmentation des taux de fret moyens mais également de la concentration des capacités de transport et de leurs alliances partenariales.</p>
<p>Aujourd’hui, les <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/05/26/le-transport-maritime-s-attend-a-des-mois-plus-difficiles-apres-deux-ans-d-envolee-historique_6175035_3234.html">taux de fret semblent revenir à des niveaux plus proches de la normale</a> en raison du ralentissement des échanges mondiaux de biens manufacturés.</p>
<h2>Des porte-conteneurs de plus en plus gigantesques</h2>
<p>Pour répondre à la demande croissante, les compagnies se sont également lancées dans l’acquisition de nouveaux navires et la construction de porte-conteneurs de plus en plus grands. La taille des porte-conteneurs a ainsi doublé depuis 2014, passant d’une capacité maximale de transport de 12 000 EVP à 24 000 EVP pour les derniers navires en circulation. Ces géants des mers, mesurant jusqu’à 400 mètres de long, ont permis aux compagnies maritimes de réaliser des économies d’échelles et, sur le temps long, de diminuer les coûts du transport maritime.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/530930/original/file-20230608-2966-bs7gle.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/530930/original/file-20230608-2966-bs7gle.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530930/original/file-20230608-2966-bs7gle.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=625&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530930/original/file-20230608-2966-bs7gle.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=625&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530930/original/file-20230608-2966-bs7gle.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=625&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530930/original/file-20230608-2966-bs7gle.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=786&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530930/original/file-20230608-2966-bs7gle.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=786&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530930/original/file-20230608-2966-bs7gle.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=786&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Des navires de plus en plus capacitaires.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Avec les progrès en ingénierie navale, il semble que les limites peuvent encore être repoussées. La croissance des navires va plus vite que la capacité d’aménagement des ports. Au final, la limite sera fixée par celles des ports à les accueillir.</p>
<p>Certains ports majeurs, qui font l’objet de nos récentes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0966692323000376">recherches</a>, rencontrent des difficultés pour l’accueil de ces géants des mers (tirant d’eau insuffisant, portiques trop petits, etc.). <a href="https://media.licdn.com/dms/document/D4E1FAQGZRCxSzB9pqA/feedshare-document-pdf-analyzed/0/1681295394962?e=1683158400&v=beta&t=yX3HGLdw0b7fM6hzrhZ-J0mZsaCjH2GX8PididcdWKg">Pour rester dans la course dans l’accueil de ces navires</a>, ce qui signifie être connecté aux grandes routes commerciales internationales et donc aux principaux marchés de consommation et de production mondiaux, plusieurs doivent aujourd’hui entreprendre d’importants travaux. Mais ces travaux peuvent s’avérer déjà obsolètes ou insuffisants au moment de leur livraison, comme l’approfondissement de l’Elbe à Hambourg qui ne permettra finalement pas d’accueillir les plus gros navires à pleine charge.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206780/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Depuis la fin des années 1970, la croissance des compagnies maritimes a installé une situation d’oligopole dans le secteur du transport de marchandises.Ronan Kerbiriou, Ingénieur d'études, Université Le Havre NormandieArnaud Serry, Maitre de conférences en géographie, Université Le Havre NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2044172023-04-25T22:50:34Z2023-04-25T22:50:34ZL’Inflation reduction act américain : un danger pour la production automobile hexagonale ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/522635/original/file-20230424-18-r6a7i1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=256%2C67%2C758%2C557&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Actuellement, 82&nbsp;% des véhicules vendus en Allemagne, 83&nbsp;% en Italie et 81&nbsp;% en France proviennent du continent européen (Turquie comprise).
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Concesionario_de_Mercedes-Benz,_Múnich,_Alemania,_2013-03-30,_DD_25.JPG">Diego Delso/Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>L’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-reduction-act-134318">Inflation reduction act</a> (IRA), adopté en août 2022 par le Congrès américain, a rapidement suscité de vives réactions en Europe. Ce vaste plan de subventions dans le secteur des technologies vertes vise à enfin mettre les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/etats-unis-20443">États-Unis</a> en phase avec leurs engagements de décarbonation de leur économie. Mais il contient des mesures protectionnistes et discriminatoires, contraires aux règles du commerce international.</p>
<p>Les critiques européennes se sont en particulier concentrées sur les subventions à l’achat de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/voitures-electriques-31974">véhicules électriques</a>, jusqu’à 7500 dollars, aides assorties de règles de contenu local sur l’assemblage du véhicule et sur l’origine des minerais utilisés dans la production de la batterie. Ces règles excluent pour l’instant les producteurs sur le sol européen, faisant craindre une concurrence déloyale et l’attraction de grands projets automobile au détriment des investissements en Europe.</p>
<p>L’impact de l’ensemble de ces mesures reste difficile à évaluer, du fait notamment de leur concentration dans certains secteurs et de leur faible montant rapporté au PIB (<a href="http://www.cepii.fr/PDF_PUB/pb/2023/pb2023-40.pdf">0,2 % du PIB des États-Unis par an sur 10 ans</a>). Mais la crainte d’annonces de délocalisations d’usines de véhicules électriques ou de production de batteries a déjà lancé un débat sur l’assouplissement des règles sur les aides publiques au niveau européen, permettant notamment de répondre aux propositions dont font l’objet les producteurs européens de la part de certains États américains, et donné lieu à des propositions de la Commission européenne en ce sens.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/inflation-reduction-act-comment-lunion-europeenne-peut-elle-repondre-aux-incitations-fiscales-americaines-201425">Inflation Reduction Act : comment l’Union européenne peut-elle répondre aux incitations fiscales américaines ?</a>
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<p>Quelle est l’ampleur de la menace pour la chaîne de production des véhicules électriques européens ? Pour que le risque de relocalisation de l’activité en Amérique du Nord se matérialise, il faudrait que pour ce type de biens les producteurs trouvent profitable de concentrer leur production dans certaines régions du monde et de servir les marchés lointains en y exportant leur production. Mais contrairement à d’autres types de marchandise, il est loin d’être acquis que cette stratégie de relocalisation soit rentable dans le secteur automobile.</p>
<h2>Un marché avant tout continental</h2>
<p>L’analyse des échanges mondiaux de véhicules montre en effet que les ventes de l’ensemble des grands pays se concentrent sur des véhicules produits dans la même grande région continentale : 82 % des véhicules vendus en Allemagne, 83 % en Italie et 81 % en France proviennent du continent européen, y compris de Turquie (Tableau 1). En Asie, 82 % (Corée du Sud) à 97 % des véhicules (Chine) ont été assemblés en Asie, dont une large majorité dans le pays de consommation contrairement aux pays européens. En Amérique du Nord, près de 30 % des véhicules vendus au Canada et aux États-Unis proviennent d’en dehors de l’Amérique du Nord.</p>
<p><iframe id="isjOu" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/isjOu/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Pour la France en 2022, l’origine des véhicules vendus sur le territoire est d’abord locale et européenne (15 % de France, 16 % d’Espagne, 10 % d’Allemagne, 10 % de Slovaquie) et ensuite seulement extra-européenne (Tableau 2). En dehors de <a href="https://theconversation.com/drafts/204417/edit">l’Union européenne (UE)</a>, on retrouve des véhicules originaires du Maroc (6,3 %) et de Turquie (5,5 %) et dans une moindre mesure du Royaume-Uni (3,5 %), pays dans le pourtour de l’UE et ayant des accords commerciaux avec celle-ci qui assurent des barrières aux échanges faibles. Viennent ensuite seulement la Corée du Sud (4,7 %), la Chine (3,7 %) et le Japon (2,4 %) aux neuvième, dixième et douzième places des pays d’origine.</p>
<p><iframe id="p5eJ3" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/p5eJ3/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Si l’augmentation de la part de la Chine depuis la crise sanitaire est impressionnante (et, nous y reviendrons, surtout en raison des véhicules électriques), le fait marquant des 15-20 dernières années est la forte chute de la part des véhicules produits localement dans les ventes françaises (50 % en 2005, encore 25 % en 2015 mais plus que 15 % en 2022), au profit de la production sur des territoires proches : en 2005, l’Espagne ne produisait que 11 % des véhicules vendus en France, la Slovaquie 0,2 % contre 16,5 % et près de 10 % en 2022 (Tableau 2). La France n’a jamais importé plus de 0,9 % de ses véhicules des États-Unis depuis 2005 (0,5 % en 2022).</p>
<p>Cette spécificité du marché automobile, qui est d’abord et avant tout un marché continental, traduit l’importance des coûts de transport dans le secteur et les droits de douane relativement élevés dans plusieurs régions, non seulement pour les véhicules assemblés mais <a href="http://www.cepii.fr/CEPII/fr/publications/wp/abstract.asp?NoDoc=13722">également pour les principaux composants</a>, qui incitent aux investissements directs étrangers (IDE) pour servir la demande régionale à partir d’usines locales.</p>
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<p>Les exemples sont légions, de <a href="https://www.leparisien.fr/economie/nord-toyota-investit-400-millions-d-euros-a-onnaing-700-emplois-a-la-cle-19-01-2018-7511268.php">Toyota dans le Nord de la France</a> à <a href="https://www.ouest-france.fr/europe/royaume-uni/nissan-se-renforce-au-royaume-uni-en-construisant-une-grande-usine-de-batteries-d4e3f450-da94-11eb-94e9-572fc3dbf157">Nissan au Royaume-Uni</a> ou, plus récemment, l’implantation de <a href="https://www.numerama.com/vroom/1309316-tesla-veut-rendre-sa-gigafactory-a-berlin-encore-plus-giga.html">Tesla en Allemagne</a>. Les différences de droits de douane sur les véhicules automobiles, qui vont de 2,5 % aux États-Unis à 10 % pour l’UE, et atteignent des niveaux encore plus élevés en Chine ou en Inde, permettent d’ailleurs d’expliquer une partie des différences de production nationale dans la consommation entre l’UE, l’Amérique du Nord ou la Chine.</p>
<h2>Des annonces qui se multiplient</h2>
<p>La situation décrite jusque-là est celle où les véhicules thermiques dominent encore le marché automobile. Or ce secteur vit aujourd’hui un véritable tournant avec la percée des véhicules électriques et les règles environnementales qui prévoient la disparition des véhicules thermiques à l’horizon 2030 dans l’UE, ce qui pose la question des spécificités des véhicules électriques et de leur lieu de production.</p>
<p>Pour l’instant, des batteries et des voitures électriques voyagent sur de longues distances, à l’image des importations européennes en provenance de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/chine-20235">Chine</a> largement constituées de véhicules électriques et qui ont <a href="https://merics.org/en/short-analysis/made-china-electric-vehicles-could-turn-sino-eu-trade-its-head">fortement augmenté ces derniers mois</a>. En France, ces importations sont pour un tiers des véhicules Tesla et un autre tiers des Dacia Spring (tableau 3). Cela a cependant toutes les chances d’être temporaire, car ce type de véhicules et les batteries sont encore plus compliqués à transporter par bateau du fait de leur poids et des régulations liées au caractère dangereux de ces marchandises.</p>
<p>Avec l’augmentation de la demande de véhicules électriques dans toutes les régions du monde, les incitations à s’en rapprocher devraient rapidement se matérialiser par des investissements en Europe et en Amérique du Nord. D’où les annonces qui se multiplient pour localiser des usines de batteries à côté de l’assemblage (<a href="https://journalauto.com/constructeurs/byd-a-lassaut-de-leurope/">BYD en Europe</a> par exemple, <a href="https://www.capital.fr/auto/hyundai-investit-55-milliards-de-dollars-pour-les-vehicules-electriques-aux-etats-unis-1437088">Kia ou Hyundai aux États-Unis</a>, etc.). Avec son usine à Berlin, Tesla devrait à terme servir directement le marché européen et français, et tarir en partie les importations françaises en provenance de Chine qui sont aujourd’hui pour près d’un tiers des Tesla (tableau 3).</p>
<p><iframe id="iYxDp" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/iYxDp/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Selon toute vraisemblance, avec l’arrivée à maturité du secteur, chacun des clusters continentaux servira sa région, comme cela est, dans une très large mesure, le cas pour les véhicules thermiques. Pour la France, l’enjeu est donc bien plus d’attirer les prochains investissements de Kia, Honda, MG (SAIC) ou BYD en Europe face à l’Espagne, l’Allemagne, les pays d’Europe centrale ou encore le Maroc, et de favoriser la transition des sites français des véhicules thermiques aux véhicules électriques, qu’une concurrence avec des sites en Amérique du Nord.</p>
<p>Dans le secteur automobile, si les marchés sont avant tout régionaux, un relâchement des aides d’État sans réel mécanisme coopératif au niveau européen pourrait s’avérer contre-productif en renforçant les concurrences fiscales intra-européennes pour attirer les mêmes usines.</p>
<p>Si les faibles échanges interrégionaux dans l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/industrie-automobile-33711">industrie automobile</a> semblent limiter les risques de relocalisation de la production aux États-Unis à la suite de l’IRA, il n’en est pas nécessairement de même dans d’autres secteurs comme les panneaux solaires ou l’hydrogène, plus échangeables et pour lesquels des soutiens dédiés peuvent s’avérer pertinents. De telles mesures doivent cependant ressortir d’une véritable stratégie de politique industrielle prenant en compte les spécificités de chaque secteur et technologie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204417/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Sur le marché automobile, l’essentiel des ventes porte sur des véhicules produits sur le même continent, limitant la portée des mesures protectionnistes américaines sur la concurrence mondiale.Thierry Mayer, Professeur d’économie à Sciences-Po, conseiller scientifique, CEPIIVincent Vicard, Économiste, adjoint au directeur, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2014252023-03-15T19:57:42Z2023-03-15T19:57:42ZInflation Reduction Act : comment l’Union européenne peut-elle répondre aux incitations fiscales américaines ?<p>L’<a href="https://www.congress.gov/bill/117th-congress/house-bill/5376">Inflation Reduction Act</a> (IRA), adopté en août 2022 par le Congrès des États-Unis, a mis en place des incitations fiscales à la production et à l’utilisation d’énergies propres en programmant des financements fédéraux sur dix ans. Ces avantages fiscaux sont donnés aux entreprises ou aux ménages en contrepartie d’une obligation de production locale et/ou de contenu local de biens utilisés dans leur production.</p>
<p>Ce texte a rapidement suscité <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/12/06/la-difficile-quete-d-une-reponse-europeenne-commune-au-protectionnisme-americain_6153093_3234.html">l’inquiétude des Européens</a>. Les subventions et crédits d’impôts que cette loi offre les a fait craindre que cela conduise à une augmentation des investissements directs étrangers (<a href="https://theconversation.com/fr/topics/ide-64175">IDE</a>) dans les filières vertes aux <a href="https://theconversation.com/fr/topics/etats-unis-20443">États-Unis</a> au détriment de l’Europe. Ces craintes sont-elles justifiées ?</p>
<p>Les nombreux travaux sur les déterminants des IDE permettent d’y voir plus clair. Les subventions et les crédits d’impôt sont évidemment des facteurs attractifs, mais les clauses qui définissent le contenu local de l’IRA compliquent la tâche des investisseurs. Une clause de contenu local ne peut jouer que dans le sens d’une hausse des coûts de production, sans quoi l’investisseur aurait déjà eu recours à ces contenus locaux. En outre, les critères inclus dans l’IRA sont contraignants. Surtout, les clauses de contenu local et les avantages fiscaux ne sont pas les seuls déterminants de l’IDE.</p>
<h2>L’UE a aussi des atouts</h2>
<p>Il faut en effet aussi considérer les déterminants qui ont un effet positif sur les IDE (tailles économiques des pays d’origine et de destination, croissance économique, capital humain, développement financier, qualité des infrastructures de communication et de transport ou respect des droits de propriété du pays de destination), ainsi que ceux qui ont un effet négatif (distance entre les deux pays, coûts unitaires du travail, taux d’imposition des sociétés).</p>
<p>Quant aux droits de douane, ils peuvent, lorsqu’ils sont appliqués à un produit transformé comme une voiture électrique, inciter les investisseurs à se localiser dans le pays plutôt qu’exporter (<em>tariff-jumping</em>). Au contraire, lorsqu’ils portent sur les importations de biens intermédiaires (la batterie d’une voiture électrique ou ses composants), les dissuader.</p>
<p>Le tableau ci-dessous, qui compare des mesures de ces déterminants dans les trois plus grandes puissances économiques mondiales, illustre les atouts dont dispose <a href="https://theconversation.com/fr/topics/union-europeenne-ue-20281">l’Union européenne</a> (UE) pour attirer les IDE. C’est un marché de taille importante, avec des infrastructures logistiques de haute qualité, des règles de droit respectées et des subventions publiques en proportion du PIB qui dépassent largement celles offertes par les États-Unis. Quant au droit de douane de 10 % sur les véhicules électriques, il peut inciter les entreprises étrangères à faire du <em>tariff-jumping</em>.</p>
<p><iframe id="oa8Od" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/oa8Od/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ce tableau permet également d’identifier les directions qui permettraient d’améliorer l’attractivité de l’UE en jouant sur les facteurs structurels de compétitivité.</p>
<p>Une politique-clé est la diminution du prix de l’énergie en accélérant le déploiement des énergies renouvelables : les délais d’obtention des permis peuvent être raccourcis et les <em>feed-in tariffs</em> (prix garanti au-dessus du prix du marché à un producteur d’électricité pendant une période donnée) sont pour les entreprises du secteur une formule attractive.</p>
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<p>Les subventions publiques pourraient être augmentées, mais surtout, leur efficacité peut être améliorée : en autorisant les subventions pendant dix ans dans les filières vertes sous une forme moins fragmentée qu’elles ne le sont actuellement ; en raccourcissant et en simplifiant les délais d’obtention ; en procédant à une évaluation continue de leur performance et en privilégiant non seulement les subventions à l’innovation, mais aussi celles accélérant le déploiement des technologies existantes.</p>
<p>La formation d’une main-d’œuvre ayant les compétences nécessaires au développement des filières vertes, tout comme un meilleur accès au crédit et à des sources privées de financement, favoriseraient également les IDE dans l’UE.</p>
<h2>L’OMC une nouvelle fois déstabilisée</h2>
<p>Enfin, la négociation en cours d’accords commerciaux régionaux pourrait faciliter l’accès aux minerais critiques : accords de l’UE avec l’Australie, le Chili, le Mercosur (dont les membres permanents sont le Brésil, Argentine, Paraguay et l’Uruguay)… En outre, il serait possible de simplifier l’obtention de permis pour l’extraction et la transformation des minerais critiques en Europe, tout en respectant une charte pour limiter les effets néfastes sur l’environnement.</p>
<p>Quant à la solution protectionniste, doit-elle être envisagée ? Elle pourrait consister en des clauses de contenu local, dont les avantages et les inconvénients sont connus, ou la réservation des marchés européens, par exemple les marchés publics, aux entreprises européennes. Ce serait un pari sur le fait que cela va accroître leur compétitivité dans les filières vertes par le jeu des économies d’échelle et que cela va les inciter à davantage investir dans la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/randd-34548">R&D</a>.</p>
<p>Ce choix aurait un coût budgétaire et impliquerait en outre une déstabilisation supplémentaire de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/organisation-mondiale-du-commerce-omc-50902">l’Organisation mondiale du commerce</a> (OMC). Or, la disparition potentielle de cette institution aurait un coût à long terme. Dans ces conditions, pour l’UE, et compte tenu des positions très différentes en son sein entre pays du Nord et pays du Sud, la réponse proposée par la Commission le 1<sup>er</sup> février 2023 va dans la bonne direction : les subventions sont rendues plus accessibles, tout en restant dans le respect des engagements pris à l’OMC.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201425/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Bouët ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les Vingt-Sept disposent de marges de manœuvre pour renforcer leur attractivité aux yeux des investisseurs et riposter ainsi aux mesures d’incitations fiscales adoptées mi-2022 aux États-Unis.Antoine Bouët, Directeur, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1995282023-02-17T15:30:30Z2023-02-17T15:30:30ZUn an après l’invasion de l’Ukraine, une insolente résilience de l’économie russe ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/510882/original/file-20230217-28-taoo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C3%2C2353%2C1718&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans un supermarché de Moscou, le 12 décembre 2022. En 2022, l'économie russe ne s'est pas effondrée, mais elle a été en récession et le pouvoir d'achat des ménages a baissé.</span> <span class="attribution"><span class="source">Oxana A/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Début 2022, l’économie de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/russie-21217">Fédération de Russie</a> comptait parmi les grandes économies du monde et affichait le <a href="https://donnees.banquemondiale.org/indicator/NY.GDP.MKTP.CD?most_recent_value_desc=true">11ᵉ PIB mondial en 2021</a>. Mais voilà que Moscou prit la décision de <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/02/22/reconnaissance-des-separatistes-par-poutine-ce-n-est-sans-doute-qu-une-etape-car-c-est-toute-l-ukraine-qui-est-dans-le-viseur-du-kremlin_6114684_3210.html">reconnaître l’indépendance des régions séparatistes du Donbass</a> le 21 février puis de lancer l’invasion de l’Ukraine quelques jours plus tard, au <a href="https://fr.euronews.com/2022/10/13/large-condamnation-par-lonu-des-annexions-illegales-russes-en-ukraine">mépris du droit international</a>.</p>
<p>La réponse des pays occidentaux ne s’est pas fait attendre et s’est intensifiée tout au long de l’année. Sans se positionner comme cobelligérants, beaucoup de pays de l’OTAN ont misé sur une riposte économique : exclusion du <a href="https://www.tf1info.fr/economie/guerre-en-ukraine-en-quoi-consiste-le-systeme-de-reciprocite-du-commerce-mondial-dont-la-russie-va-etre-exclue-2213294.html">système de réciprocité</a> du commerce mondial, du <a href="https://theconversation.com/sanctions-contre-la-russie-lexclusion-de-la-plate-forme-swift-est-elle-une-arme-nucleaire-financiere-178217">réseau Swift</a> et multiplication des sanctions jusqu’à la mise en place le 5 février dernier d’un <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/02/05/sanctions-sur-le-petrole-la-russie-entre-baisse-contrainte-de-ses-prix-et-contournement_6160579_3234.html">embargo sur l’ensemble des produits pétroliers raffinés russes</a> par l’Union européenne. Avec l’objectif, comme l’annonçait Emmanuel Macron dans son allocution du 2 mars 2022, que « les dirigeants russes entendent que le choix de la guerre mettrait leur pays au ban des peuples et de l’Histoire ».</p>
<p>Relativement fragilisée, l’économie russe a néanmoins présenté une certaine résilience en 2022. Loin de la situation catastrophique d’un recul de 8,5 % anticipée en avril par le FMI, sa croissance n’a connu qu’une <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/en-2024-la-croissance-economique-de-la-russie-devrait-depasser-celle-de-la-zone-euro-selon-le-fmi-949946.html">récession de 2,2 %</a>. Est même anticipée une légère croissance de 0,3 % en 2023. L’économie russe est-elle ainsi vraiment au plus mal ?</p>
<h2>Une apparente résistance</h2>
<p>Malgré ce contexte difficile lié aux sanctions des pays occidentaux, l’économie russe présente une certaine résilience. Elle s’appuie tout d’abord sur les mesures de protection prises par les autorités monétaires qui ont fait le choix de limiter l’augmentation du taux d’intérêt directeur pour le maintenir <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/russie-la-banque-centrale-abaisse-son-taux-directeur-a-7-50-20220916#:%7E:text=La%20Banque%20centrale%20russe%20a,plusieurs%20jours%20une%20telle%20baisse.">autour de 7,5 %</a> et ce malgré une inflation qui a flirté avec les <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/infographics/impact-sanctions-russian-economy/#:%7E:text=%C3%89volution%20de%20l%E2%80%99inflation%20de%20la%20Russie%20de%202019%20%C3%A0%202023&text=Le%20taux%20d%E2%80%99inflation%20augmente,%25%20d%E2%80%99apr%C3%A8s%20le%20FMI.">14 %</a> en 2022.</p>
<p>Les <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/prix-des-produits-petroliers">hauts historiques</a> au printemps et à l’été atteints par les prix des hydrocarbures sur le marché mondial a également permis à l’économie russe de <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2022/06/20/russie-le-rouble-qui-cache-la-foret#:%7E:text=Sur%20le%20plan%20%C3%A9conomique%2C%20la,la%20Banque%20Nationale%20de%20Russie.">résister</a> temporairement aux sanctions, compensant en valeur la baisse des volumes exportés.</p>
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<p>Un autre secteur économique non moins négligeable qui présente également les résultats favorables est celui de la Tech. Les géants russes VK et Yandex ont enregistré des <a href="https://www.zonebourse.com/actualite-bourse/Le-russe-VK-annonce-un-chiffre-d-affaires-en-forte-hausse-au-3e-trimestre--42265429/">chiffres d’affaires</a> en <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/russie-yandex-annonce-un-chiffre-d-affaires-en-forte-hausse-au-troisieme-trimestre-20221103#:%7E:text=Le%20chiffre%20d%E2%80%99affaires%20de,de%20dollars%20au%20taux%20actuel">hausse</a> et ont pu renforcer leur positionnement sur le marché local après le départ des géants mondiaux du secteur.</p>
<p>Sur l’ensemble de l’année, l’économie russe a ainsi enregistré un <a href="https://www.reuters.com/world/europe/russias-current-account-surplus-almost-doubled-2022-central-bank-2023-01-17/">excédent courant</a> de plus de 227 milliards de dollars (plus de 12 % du PIB), une hausse significative de 86 % par rapport à 2021. Même si une partie du résultat s’explique par de moindres importations depuis les pays occidentaux en raison des sanctions, Moscou a aussi pu compter sur des échanges commerciaux <a href="https://www.rfi.fr/fr/%C3%A9conomie/20221225-chine-russie-une-relation-plus-forte-%C3%A9conomiquement-mais-qui-reste-imparfaite">toujours au plus haut</a> avec Pékin.</p>
<p>Le tout a pu empêcher une crise financière et la faillite du système bancaire russe que l’exclusion du réseau Swift devait mettre à mal.</p>
<p>En matière de chômage, si l’on en croit l’agence statistique nationale Rosstat, l’économie russe est toujours considérée comme étant au plein emploi avec un taux de chômage qui s’est établi <a href="https://tass.com/economy/1557039">autour de 4 %</a>.</p>
<h2>Une bonne santé en trompe-l’œil ?</h2>
<p>Les perspectives d’avenir ne sont cependant pas rassurantes pour l’ancien pays des tsars. Certes, les prévisions de croissance du FMI sont très légèrement positives pour 2023, mais l’économie se trouve plus que jamais structurellement dépendante des ressources énergétiques, qui représentent <a href="https://www.statista.com/statistics/1322102/gdp-share-oil-gas-sector-russia/">entre 15 et 20 % du PIB</a> et <a href="https://reporterre.net/IMG/pdf/advance_financing_putin_s_war_fossil_fuel_exports_from_russia_in_the_first_six_months_of_the_invasion_of_ukraine.pdf">40 % du budget de l’État</a>. La variation des cours a ainsi contribué au <a href="https://www.zonebourse.com/actualite-bourse/Le-deficit-budgetaire-de-la-Russie-en-janvier-se-creuse-en-raison-de-la-chute-des-revenus-de-l-energ--42910790/">creusement du déficit public</a> au mois de janvier.</p>
<p>L’entrée en vigueur le 5 février de l’embargo sur les produits pétroliers raffinés russes, complétant le plafonnement du prix du baril de brut en place depuis décembre, a vocation à peser toujours plus sur les revenus de Moscou. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, entend « faire payer Poutine pour sa guerre atroce » et renvoyer l’économie russe « une génération en arrière » avec des mesures coûtant « <a href="https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/produits-petroliers-russes-lue-et-le-g7-saccordent-sur-un-plafonnement-des-prix-1903688">160 millions d’euros par jour</a> à la Russie ».</p>
<p>Pendant que Bruxelles réfléchit à un <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/lue-annonce-de-nouvelles-sanctions-contre-la-russie-un-an-apres-linvasion-de-lukraine-1459146">dixième paquet de sanctions</a>, les difficultés rencontrées par l’économie russe pour exporter ses marchandises vers les pays occidentaux, mais aussi à importer les produits en provenance de ces pays, ne devraient pas cesser. Elles pèsent en particulier sur le secteur industriel, la construction mécanique et la métallurgie. L’industrie automobile <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/automobile/russie-les-ventes-de-voitures-neuves-se-sont-effondrees-de-59-suite-a-la-guerre-en-ukraine-947767.html">souffre</a> par exemple de l’arrêt des envois de pièces détachées depuis l’Europe, au point que Moscou autorise désormais leur importation sans l’accord des détenteurs de la propriété intellectuelle.</p>
<p>Outre les pénuries de consommations intermédiaires, la branche souffre également d’un manque de travailleurs avec la mobilisation de près de <a href="https://fr.euronews.com/2022/10/29/la-russie-a-acheve-la-mobilisation-de-300-000-reservistes#:%7E:text=Selon%20Moscou%2C%2082%20000%20soldats,dans%20des%20bases%20militaires%20russes.">300 000 soldats réservistes</a>. Car c’est bien avant tout la guerre en Ukraine qui se trouve à la racine de ces difficultés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199528/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Albert Lessoua ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La croissance de l'économie russe se maintient mieux que prévu mais la dépendance structurelle aux produits énergétiques fragilise les perspectives de ces prochains mois.Albert Lessoua, Associate professor in economics, ESCE International Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1910362022-09-29T16:16:52Z2022-09-29T16:16:52ZEt si la génétique expliquait aussi les tendances sur le marché mondial du vin ?<p>Dans leurs travaux, les économistes s’inspirent parfois des sciences dures et notamment de la physique. Un des exemples les plus parlants vient de l’application du modèle gravitationnel de Newton au commerce international. Le principe est simple. Les flux de commerce entre deux pays sont déterminés principalement par la masse de ces pays (mesurée par le PIB) et la distance (en kilomètres) qui les sépare. Plus la masse du partenaire commercial est élevée et la distance avec lui est faible, plus le flux d’exportation sera important. C’est donc une loi d’attraction économique, centrale dans l’analyse empirique du commerce international.</p>
<p>Cette équation de gravité économique semble inébranlable, comme la physique newtonienne de la fin du XVII<sup>e</sup> au début du XX<sup>e</sup> siècle. Elle est enrichie par l’ajout de variables historiques reflétant des liens particuliers entre les partenaires commerciaux (langue commune, frontière commune, etc.) ou de variables institutionnelles, politiques et économiques (l’appartenance à une union politique et douanière, la présence d’accords commerciaux bilatéraux, les montants des droits de douane, etc.).</p>
<p>Ces variables permettent d’affiner la précision des modèles gravitaires pour prédire les flux de commerce. Toutefois, la distance géographique continue à jouer un rôle trop important dans ces modèles, malgré des années de baisse tendancielle des coûts de transports.</p>
<h2>Coûts cachés</h2>
<p>On peut pousser l’analogie avec les développements de la physique au XX<sup>e</sup> siècle qui, sous l’impulsion d’Albert Einstein, ont montré les limites des lois newtoniennes. La fameuse matière noire (<em>dark matter</em>), souvent évoquée pour illustrer ces limites, trouve son pendant en économie avec les <em>dark trade costs</em>, des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/caje.12055">coûts cachés freinant les échanges mondiaux</a>.</p>
<p>Ces coûts sont identifiés par les écarts entre l’intensité des échanges commerciaux tels que prédits par les modèles gravitationnels et les niveaux d’exportation réels. Ces <em>dark</em> facteurs, par nature difficiles à identifier, sont interprétés entre autres choses comme des différences culturelles limitant les possibilités de commerce entre les peuples. Ces barrières au commerce peuvent justement expliquer la surestimation du facteur de la distance géographique.</p>
<p>En réalité, ces barrières implicites au commerce international ne sont pas totalement insaisissables. Il est possible d’en mesurer certaines et notamment les différences culturelles et biologiques de long terme qui expliquent une partie des écarts de goûts entre nations.</p>
<p>Dans un <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/ajae.12335">article</a> publié à l’été 2022 dans l’<em>American Journal of Agricultural Economics</em>, nous tentons d’approximer ces facteurs par la distance <a href="https://theconversation.com/fr/topics/genetique-20570">génétique</a> entre les peuples. Cette distance est associée au temps écoulé depuis les derniers ancêtres communs de deux populations. Nous utilisons alors la distance génétique dans un modèle gravitaire appliqué aux exportations de vins français pour tester cette théorie.</p>
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<p>Nos résultats montrent un fort effet de la distance génétique sur le commerce international de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/vin-20325">vin</a> français. Cet effet ne peut être subsumé par la distance géographique, dont le rôle tend justement à diminuer fortement par rapport aux modèles traditionnels dès lors que la distance génétique est prise en compte.</p>
<p>Précisément, la distance génétique expliquerait entre 20 % et 40 % des effets auparavant attribués à la distance géographique. Notre interprétation principale est que la distance génétique capture les facteurs associés aux différences de goûts et de préférences entre pays.</p>
<h2>Proximité culturelle gustative</h2>
<p>Nous écartons d’autres interprétations par une série de tests mobilisant des données complémentaires. Du côté culturel, nous montrons que la distance génétique n’est pas juste une mesure de la distance entre nations en termes de confiance (la confiance étant un facteur important du commerce). Elle n’est pas non plus juste une prise en compte de dimensions culturelles générales telles que la langue, les valeurs ou la religion.</p>
<p>En d’autres termes, même si la distance culturelle « non gustative » peut jouer un rôle dans l’intensité du commerce international en général, nous montrons ici qu’un effet résiduel fort peut correspondre à une proximité culturelle gustative.</p>
<p>L’autre versant de cet « effet génétique » est la distance biologique liée au <a href="https://theconversation.com/fr/topics/gout-96213">goût</a>. Une importante littérature décrit en effet l’influence de la génétique sur les récepteurs moléculaires responsables des préférences en matière d’aliments et de boissons.</p>
<p>Plusieurs études mettent l’accent sur les différences d’appréhension de certains goûts (l’amertume par exemple) et les disparités d’appréciation qui en découlent concernant le café ou les boissons alcoolisées. Selon leurs bagages biologiques, deux personnes différentes ne ressentent pas l’amertume, l’acidité ou le sucré de la même façon. Diverses études portant sur le vin ont d’ailleurs identifié de profondes différences d’appréciation entre les personnes. Certaines variations génétiques <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4795214/">semblent notamment associées à la préférence pour le vin rouge ou le vin blanc</a> (peut-être parce que ces variations pourraient se traduire par des différences en matière d’olfaction, mais des travaux complémentaires doivent encore être menés pour le déterminer).</p>
<p>La distance génétique peut dès lors s’envisager comme un indicateur de différences de goût issues à la fois de la culture et de la biologie. Cette approche permet de quantifier le rôle de ce double facteur par rapport à d’autres déterminants cruciaux comme ceux évoqués précédemment (coûts de transports, barrières douanières, etc.).</p>
<h2>L’exception du haut de gamme</h2>
<p>L’implication économique de ce résultat est intéressante. En particulier, il peut être improductif de concentrer ses efforts commerciaux sur des marchés éloignés au sens gustatif. Sauf à être en mesure de changer rapidement les goûts d’une population, sous l’effet d’un phénomène de mode par exemple. Mais gare alors au retournement de marché…</p>
<p>Le boom de la consommation chinoise de vin au milieu des années 2000 et <a href="https://export.agence-adocc.com/fr/fiches-pays/chine/vin/la-consommation-de-vin">qui s’effondre depuis 2018</a> offre sans doute l’exemple typique d’un tel phénomène. Ce retournement prend de court bien des exportateurs de vin français, fortement exposés à ce marché. Pouvions-nous l’anticiper ? Peut-être pas, mais notre certitude que le monde apprécierait les vins français autant que nous s’estompe et fait place au constat que l’engouement initial des Chinois pour le vin revêtait sans doute un caractère de mode – voire un choix politique pour lutter contre la consommation d’alcool de riz, bien plus fort – plus qu’une réelle appétence gustative.</p>
<p>Enfin, un approfondissement de nos résultats montre que plus le niveau de gamme est élevé, moins les lois gravitationnelles s’exercent. En d’autres termes, le haut de gamme échappe à la gravité. Nouvelle entorse à la loi économique de la gravitation – mais bonne nouvelle pour les exportateurs de grands crus !</p>
<p>Nous montrons aussi que le commerce des grands vins est tout aussi peu affecté par la distance génétique. L’interprétation suit le fil du raisonnement précédent : les vins prestigieux appartiennent à l’univers du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/luxe-34482">luxe</a> et ne sont pas achetés pour être dégustés mais pour le statut social qu’ils confèrent à l’acquéreur, voire à des fins d’investissement. La spécialisation vers le haut de gamme constitue donc une stratégie payante pour continuer de récolter les bénéfices de la mondialisation et profiter des taux de croissance élevés des économies émergentes.</p>
<p>Comme en physique, l’exploration de la matière noire progresse en économie. Elle nous rappelle en tout cas qu’aucune loi, qu’elle soit physique ou économique, n’est durablement gravée dans le marbre.</p>
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<p><em>L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération. L’alcool ne doit pas être consommé par des femmes enceintes</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191036/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Selon une recherche, les différences génétiques entre les populations influenceraient les échanges commerciaux internationaux, comme la distance géographique et les particularités culturelles.Jean-Marie Cardebat, Professeur d'économie à l'Université de Bordeaux et Prof. affilié à l'INSEEC Grande Ecole, Université de BordeauxOlivier Bargain, Professeur, Directeur du magistère de sciences économiques, Université de BordeauxRaphaël Chiappini, Maître de conférences en économie, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1893502022-08-29T18:16:25Z2022-08-29T18:16:25ZLa guerre en Ukraine transforme la carte des routes commerciales Chine-Europe<p>La <a href="https://theconversation.com/fr/topics/conflit-russo-ukrainien-117340">guerre en Ukraine</a> n’a pas seulement impacté les échanges de l’Europe avec la Russie. Elle a aussi largement redéfini les routes commerciales terrestres avec la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/chine-20235">Chine</a>, modifiant les portes d’entrée des marchandises en Europe et incitant les entreprises à reconfigurer davantage leurs chaînes d’approvisionnement.</p>
<p>Avant le conflit qui éclaté fin février, 95 % du fret ferroviaire entre la Chine et l’Europe transitaient, par le corridor Nord du China-Europe Express, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/nouvelles-routes-de-la-soie-36140">route de la Soie ferroviaire</a> reliant la Chine à l’Allemagne via le Kazakhstan, la Russie, la Biélorussie et la Pologne. À la suite des sanctions internationales contre la Russie et au risque de confiscation des marchandises transportées, les volumes de fret ferroviaire eurasiatique – constitués de <a href="https://asia.nikkei.com/Spotlight/Supply-Chain/China-opens-wallet-to-keep-trans-Eurasian-express-moving#:%7E:text=As%20the%20conflict%20in%20Ukraine,the%20China%2DEurope%20Railway%20Express.">PC et appareils électroniques, machines et pièces automobiles</a> – ont baissé de 80 %.</p>
<h2>Repenser les approvisionnements</h2>
<p>Les entreprises doivent, en effet, réorganiser la logistique de leurs échanges Chine-Europe et repenser la carte de leurs approvisionnements. Choix radicaux ou adaptations prudentes, les options varient selon les entreprises.</p>
<p>L’enseigne française de distribution d’articles de sports Decathlon, présente en Chine avec plus de 300 magasins et un réseau de partenaires industriels, affrétait, depuis 2017, des trains complets porte-conteneurs (train block). Partant de Wuhan (Chine), ils arrivaient à Liège (Belgique) et alimentaient la plate-forme logistique multimodale de Dourges (Hauts-de-France). Ce trafic ferroviaire s’est interrompu après trois mois de guerre et l’entreprise est obligée de choisir entre la voie maritime et le transit par de nouvelles routes ferroviaires.</p>
<p>Le constructeur suédois Volvo Cars, qui appartient au groupe chinois Zhejiang Geely et dont les usines sont basées en Suède, en Belgique et en Chine, a choisi Gand en Belgique comme pièce maîtresse de sa logistique internationale. Les modèles fabriqués en Chine sont expédiés par trains complets jusqu’à Gand et les mêmes trains repartent en Chine avec les modèles produits en Europe. L’entreprise doit choisir aujourd’hui de nouvelles modalités de transport Chine-Europe et décider également de l’implantation de ses nouvelles usines de production de voitures électriques pour le marché européen.</p>
<p>Son homologue allemand BMW, pour qui la Chine constitue le plus grand marché, a cessé tout transport ferroviaire via la Russie depuis le début de la guerre. Les voitures produites en Allemagne sont transportées par train jusqu’au port de Bremerhaven (Allemagne) puis par bateau jusqu’en Chine. De même, Audi, dont les usines sont en Allemagne et en Hongrie, étudie les possibilités offertes par de nouvelles routes ferroviaires pour exporter sa production vers la Chine.</p>
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<p>Face à ces interrogations, transporteurs et logisticiens ouvrent aujourd’hui de nouvelles liaisons ferroviaires, notamment via le corridor central transcaspien (middle corridor). AP Moller – Maersk, la plus grande compagnie maritime au monde, a ainsi lancé, avec un premier train en avril 2022, un nouveau service ferroviaire entre la Chine et la Roumanie qui relie l’empire du Milieu et l’Europe en 40 jours. Les trains venant de Chine traversent le Kazakhstan depuis le hub de Khorgos jusqu’au port d’Aktau sur la mer Caspienne. Les marchandises sont ensuite transportées en barge jusqu’au port de Bakou en Azerbaïdjan pour se diriger vers le port de Poti en Géorgie puis celui de Constanta en Roumanie, le plus grand port de la mer Noire.</p>
<p>Rail Bridge Cargo, logisticien ferroviaire néerlandais, relie lui Zhengzhou (Chine) et Duisburg-Neuss (Allemagne) via le Kazakhstan, l’Azerbaïdjan et la Géorgie en 23-25 jours via une route multimodale. Enfin, Nurminem Logistics, logisticien finlandais et pionnier du corridor transcaspien, a lancé, en mai 2022, en coopération avec Kazakhstan Railways, son premier train de fret utilisant le corridor transcaspien.</p>
<h2>Forces et faiblesses du corridor transcaspien</h2>
<p>Le corridor transcaspien (Trans-Caspian International Transport Route ou TITR) a gagné en intérêt en tant que route ferroviaire alternative. <a href="https://www.lefigaro.fr/societes/la-route-de-la-soie-ferroviaire-se-rallonge-pour-contourner-la-russie-20220626">Mais cette route est plus difficile à développer que la route Nord</a> : elle passe par des pays de cultures et d’orientations géopolitiques très différentes comme les pays du Caucase, elle compte plus de ruptures de charge, et implique la traversée de deux mers : la mer Caspienne et la mer Noire.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/480909/original/file-20220824-4453-o1hnw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/480909/original/file-20220824-4453-o1hnw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/480909/original/file-20220824-4453-o1hnw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/480909/original/file-20220824-4453-o1hnw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/480909/original/file-20220824-4453-o1hnw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/480909/original/file-20220824-4453-o1hnw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/480909/original/file-20220824-4453-o1hnw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/480909/original/file-20220824-4453-o1hnw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="source">International Association Trans-Caspian International Transport Route (TITR)</span></span>
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<p>Dans les ports, les délais de transit sont rallongés en raison des lacunes de l’infrastructure de manutention des marchandises et de la taille modeste des terminaux. Il en résulte un temps de trajet plus long (30 jours au lieu de 20).</p>
<p>Pour l’heure, le corridor transcaspien n’est pas dimensionné pour un pont terrestre massif se substituant à la voie traditionnelle transitant par la Russie : <a href="https://www.lagazetteaz.fr/news/economie/9088.html">il ne représente que 5 % de la capacité du corridor Nord</a>. C’est pourquoi, en mars 2022, l’Azerbaïdjan, la Géorgie, le Kazakhstan et la Turquie ont signé une déclaration pour <a href="https://www.lagazetteaz.fr/news/economie/9088.html">améliorer le potentiel de transport</a> dans la région. La Turquie, qui a ouvert une liaison Bakou-Tbilissi-Kars dès 2017, apporte certes une contribution significative au trafic ferroviaire régional mais, dans l’ensemble, les volumes transportés restent inférieurs aux besoins.</p>
<p>Le développement des nouveaux corridors nécessite, en effet, d’importants investissements d’infrastructure ferroviaire et portuaire. L’Union européenne, avec le programme Transport Corridor Europe-Caucase-Asie (TRACECA), s’intéresse depuis 1993 au développement du corridor transcaspien. La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) prévoit également d’investir plus de <a href="https://infra.global/ebrd-100m-for-kazakhstan-railway-modernisation/">100 millions d’euros dans Kazakhstan Railways</a> (KTZ).</p>
<p>L’intérêt de l’UE pour les pays du Caucase et le corridor transcaspien est décuplé par la recherche de nouvelles sources de gaz et de produits dérivés du pétrole en provenance de l’Azerbaïdjan et d’Asie Centrale. Cette actualité, qui est un facteur favorable aux investissements sur la route transcaspienne, peut aussi être de nature à exacerber les rivalités et <a href="https://thediplomat.com/2022/03/what-will-russias-invasion-of-ukraine-mean-for-chinas-belt-and-road/">aiguiser les appétits des grands acteurs régionaux</a>, en particulier la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/russie-21217">Russie</a> et la Turquie. Ceci constitue un risque tant pour les investisseurs que pour les entreprises utilisatrices des services logistiques dans la région.</p>
<p>Dans ce contexte, une grande partie des entreprises tend à reporter le transport de leurs marchandises du ferroviaire au maritime bien que ce dernier se heurte encore à une saturation des ports dans le monde.</p>
<h2>Le rôle clé de l’Europe orientale</h2>
<p>Dans l’UE, la Bulgarie et la Roumanie sont bien placées pour bénéficier du développement des échanges via le corridor transcaspien. La liaison entre les ports de Poti en Géorgie et de Constanta en Roumanie fait l’objet de nouvelles solutions intermodales. Le transporteur Cosco Shipping Lines Romania étudie la possibilité de lancer un service de train de conteneurs <a href="https://www.railfreight.com/railfreight/2022/05/24/cosco-considers-launching-greece-romania-train-to-alleviate-constanta/">entre Le Pirée (Grèce) et les terminaux roumains</a> pour désencombrer le port de Constanta.</p>
<p>La Commission européenne a récemment approuvé l’allocation de 110 millions d’euros pour la modernisation d’un corridor ferroviaire en Bulgarie entre Sofia et la frontière serbe dans le cadre du réseau transeuropéen de transport (RTE-T).</p>
<p>La Grèce peut aussi bénéficier de la réallocation de trafic dans une logique alliant rail et mer. Le Pirée est déjà largement employé comme porte d’entrée des marchandises asiatiques en Europe. De nombreux groupes électroniques entreposent et distribuent vers l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique à partir du Pirée, les marchandises venant d’Asie pouvant atteindre, en 25 ou 26 jours, la Hongrie ou la République tchèque où ils disposent de sites d’assemblage. La connexion du port grec au réseau ferroviaire européen reste, en effet, décisive pour le transport de biens en Europe du Sud-Est et Cosco contrôle le port depuis 2016.</p>
<h2>Un pivotement vers la Turquie</h2>
<p>Pour augmenter les possibilités d’acheminement, les entreprises doivent surtout repenser la localisation de leurs sites de production car elle détermine largement le choix des routes de transport. S’il est encore difficile de remplacer la Chine dans plusieurs secteurs, le confinement de villes comme Shanghai ou Shenzhen et les tensions croissantes entre Pékin et Washington conduisent les entreprises à prendre en compte plus avant le scénario d’un relatif découplage entre la Chine et l’Occident.</p>
<p>La réorientation des routes Asie-Europe avantage déjà largement les entreprises européennes qui ont des sites de production en Turquie ou en Europe centrale et orientale. En 2021, le géant suédois Ikea a <a href="https://www.miroir-mag.fr/innovation/ikea-va-transferer-davantage-de-production-en-turquie-pour-raccourcir-sa-chaine-dapprovisionnement/">transféré en Turquie</a> une partie de sa production de meubles. En 2022, Volvo Cars a annoncé le <a href="https://pro.largus.fr/actualites/volvo-cars-va-ouvrir-en-slovaquie-sa-troisieme-usine-europeenne-10980396.html">choix de la Slovaquie</a> pour la création de sa troisième usine en Europe. Boohoo, enseigne anglaise d’ultra-fast fashion, a décidé, au printemps dernier, de <a href="https://www.thisismoney.co.uk/money/markets/article-10099233/Boohoo-opens-manufacturing-office-Turkey.html">produire plus de vêtements en Turquie</a> ainsi qu’au Maghreb.</p>
<p>L’intérêt de la Turquie en matière de connectivité Asie-Europe n’avait pas échappé à Cosco qui, dès 2015, avait pris le <a href="https://www.seatrade-maritime.com/asia/cosco-pacific-jv-buy-turkeys-kumport-terminal">contrôle du troisième port turc de containers</a> (Kumport) près d’Istanbul et assure des liaisons directes entre la mer Noire, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/turquie-21579">Turquie</a>, la Grèce et Israël.</p>
<p>Finalement, la guerre en Ukraine, qui a porté un coup majeur au fret ferroviaire par la route Nord, favorise l’émergence d’axes de transport alternatifs. Elle invite aussi les entreprises à vite reconfigurer leurs chaînes d’approvisionnement. Elle déplace, enfin, la porte d’entrée des échanges commerciaux Chine-Europe de la frontière polono-biélorusse vers la Turquie.</p>
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<p><em>Corinne Vadcar, Senior Trade Analyst, a participé à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189350/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Paul Michel Larçon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis le début du conflit, les entreprises abandonnent progressivement les voies du Nord pour de nouvelles alternatives. La Turquie semble la principale gagnante de cette reconfiguration.Jean-Paul Michel Larçon, Emeritus Professor Strategy and International Business, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1891132022-08-22T18:24:54Z2022-08-22T18:24:54ZQue nous réserve l’économie mondiale en 2023 ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/480187/original/file-20220821-40834-9t0pw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C16%2C1185%2C740&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En juin 2022, l’inflation atteignait 9,1&nbsp;% aux États-Unis et 8,6&nbsp;% dans la zone euro en rythme annuel.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/59937401@N07/5856660723">Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) livre son décryptage annuel des grandes tendances à venir dans son ouvrage <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/l_economie_mondiale_2023-9782348075773"><em>collectif « L’économie mondiale 2023 » publié aux Éditions La Découverte</em></a> (collection Repères), à paraître le 8 septembre. Tour d’horizon des grandes questions de l’année à venir avec Isabelle Bensidoun et Jézabel Couppey-Soubeyran, coordinatrices de l’ouvrage.</em></p>
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<p><strong>The Conversation France : Il y a un an, on pouvait espérer que l’économie mondiale allait se relever de la crise sanitaire sans trop de séquelles. L’inflation qui pointait ne devait être que transitoire et les chaînes d’approvisionnement devaient se remettre des confinements. Des espoirs qui ont été balayés par l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Dès lors, quelles perspectives ?</strong></p>
<p>Des perspectives sombres. Car, effectivement, les crises, même si elles sont de natures très différentes, s’enchaînent, et la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/conflit-russo-ukrainien-117340">guerre en Ukraine</a> vient conforter ceux qui pensaient que l’inflation était là pour durer, accentuer les pressions sur les prix des matières premières, créer de nouveaux dysfonctionnements dans les chaînes de valeur mondiales et confronter l’Europe à une crise énergétique sans précédent.</p>
<p>De quoi mettre l’économie mondiale au bord du précipice, selon Thomas Grjebine, avec des risques de crises alimentaire, financière et de la dette. Un scénario bien différent de celui qui prévalait l’an dernier. Résultat, la reprise n’est plus au rendez-vous. Les prévisions de croissance sont régulièrement revues à la baisse et les resserrements monétaires pour lutter contre l’inflation, qui atteignait <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/07/13/l-inflation-americaine-atteint-9-1-en-juin-sur-un-an_6134690_3234.html">9,1 % aux États-Unis</a> et <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/documents/2995521/14644638/2-19072022-AP-FR.pdf/dc6137e1-da3e-b462-f85c-f40aee42cb7b?t=1658145354282">8,6 % dans la zone euro</a> en juin 2022, risquent de plonger l’économie mondiale dans la stagnation, sinon la récession, sans pour autant parvenir à juguler une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">inflation</a> dont les causes structurelles s’amoncellent (mondialisation moins dynamique, transition écologique et rattrapage salarial).</p>
<p>À cela s’ajoute un moteur chinois qui se grippe. Pas seulement à cause de la politique zéro-Covid, mais là aussi pour des raisons plus structurelles, liées au vieillissement de la population chinoise et au ralentissement de la productivité que le développement économique du pays occasionne.</p>
<p><strong>TCF : Ne risque-t-on pas, à devoir gérer les urgences provoquées par les conséquences de la guerre, d’avoir à reléguer au second plan l’urgence ultime qu’est la transition écologique ?</strong></p>
<p>À court terme, les décideurs sont confrontés à des choix délicats car, en voulant juguler l’inflation, c’est la croissance qu’ils pourraient plomber ; en voulant faire face à la crise énergétique, c’est la transition écologique qu’ils menacent ; sans compter un cadre international qui s’effrite avec des tensions géopolitiques qui prennent le pas sur les questions économiques. Sur la transition écologique, le risque de ralentir le pas quand il faudrait l’accélérer est au plus haut.</p>
<p>La guerre en Ukraine contraint en effet les Européens, mais aussi les Américains, à prendre des décisions qui vont à l’encontre des priorités qu’ils s’étaient fixés. <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/face-au-risque-de-crise-energetique-le-charbon-fait-son-grand-retour-chez-les-menages-allemands-928148.html">L’Allemagne va recourir davantage au charbon</a> pour faire face aux pénuries de gaz. <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/05/04/aux-etats-unis-la-relance-de-la-production-de-petrole-et-de-gaz-fortement-contestee_6124715_3244.html">Les États-Unis relancent leur production de pétrole et de gaz</a>. En outre, le retour de l’inflation menace lui aussi la transition écologique car les tensions sociales risquent de s’exacerber avec pour conséquences des difficultés plus grandes à mettre en œuvre des mesures comme les taxes sur les émissions de CO<sub>2</sub> dans un contexte de baisse du pouvoir d’achat.</p>
<p><strong>TCF : Ces perspectives sombres remettent-elles en cause les <a href="https://theconversation.com/le-plan-de-relance-de-joe-biden-va-t-il-faire-surchauffer-leconomie-americaine-154959">plans de relance</a> décidés pour lutter contre la pandémie ? A-t-on été trop loin ?</strong></p>
<p>Après coup, il est toujours facile de se dire que c’était trop et que l’inflation en fait les frais. Mais, au moment où ces plans ont été décidés, la Russie n’avait pas envahi l’Ukraine et il faut se rappeler que les réponses à la crise financière avaient été jugées insuffisantes. Au moment de la crise sanitaire, les autorités ont tiré les leçons de ces insuffisances et force est de constater que, face à un choc d’une telle brutalité, elles n’ont pas démérité. Pour Jérôme Héricourt, leur effort budgétaire a été bien plus important qu’au moment de la crise financière et bien mieux combiné à l’action des banques centrales.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/covid-19-a-quoi-aurait-ressemble-leconomie-francaise-sans-les-mesures-de-soutien-175088">Covid-19 : à quoi aurait ressemblé l’économie française sans les mesures de soutien ?</a>
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<p>Même les pays de l’Union européenne ont su, le temps de la crise, s’affranchir de leur dogmatisme budgétaire. Certes, il y aurait à redire sur la destination des aides, qui sont allées bien plus aux entreprises qu’aux ménages, et à l’urgence plus qu’à la préparation de l’avenir. Mais, globalement, ces plans de soutien ont réussi à préserver l’emploi et, même s’ils se sont évidemment traduits par une forte hausse des dépenses publiques, sans eux, les finances publiques se seraient bien plus dégradées. Ce qu’ils n’ont pas évité en revanche, c’est la hausse des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inegalites-20617">inégalités</a> sur laquelle la crise sanitaire semble bien avoir débouché.</p>
<p><strong>TCF : Mais, tout de même, ces plans ne sont-ils pas à l’origine de la résurgence de l’inflation ?</strong></p>
<p>Pour les pays qui ont très fortement soutenu la demande, comme les États-Unis, peut-être, mais comme on l’a souligné juste avant, c’est en priorité à l’offre que sont allées les aides. Quant au soutien monétaire des banques centrales, c’est au secteur bancaire et financier qu’il a surtout profité. Le surcroît de monnaie a bien plus inondé la sphère financière que la sphère réelle. Alors, l’inflation actuelle a peut-être une composante monétaire, mais ce n’est assurément pas la seule ni la principale.</p>
<p>D’après Thomas Grjebine, il y a des facteurs plus profonds, plus structurels et plus inquiétants aussi car ce sont eux qui pourraient rendre l’inflation durable et récalcitrante au tour de vis monétaire des banques centrales. C’en est ainsi peut-être fini du régime de basse inflation dans lequel les pays occidentaux s’étaient installés depuis une trentaine d’années.</p>
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<p>Il faut s’attendre à plus de conflits de répartition et à de sacrés dilemmes macroéconomiques pour nos gouvernants. Il leur faut sauvegarder le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/pouvoir-dachat-33467">pouvoir d’achat</a> sans réduire la compétitivité ni nourrir l’inflation. Il leur faut aussi limiter les hausses des prix des matières premières et de l’énergie mais ne pas freiner les incitations à la transition écologique. Quant à la <a href="https://theconversation.com/la-hausse-des-taux-dinteret-va-t-elle-deboucher-sur-une-nouvelle-crise-de-la-zone-euro-185872">remontée des taux d’intérêt</a> décidée par les banques centrales pour lutter contre l’inflation, il ne faudrait pas qu’elle débouche sur une crise de la dette, en particulier dans la zone euro. Car ce sont à n’en pas douter les investissements dans la transition écologique qui en pâtiraient.</p>
<p><strong>TCF : La transition écologique peut-elle malgré tout accélérer ?</strong></p>
<p>À ce stade, c’est difficile à dire. Le risque est grand que la transition continue de patiner. Ce serait dramatique, car il y a tant à faire. Les éclairages ne manquent d’ailleurs pas pour guider l’action publique et privée en ce domaine. Car, pour Michel Aglietta et Renaud du Tertre, il faut impérativement articuler les deux. Faire interagir une action publique volontariste et cohérente pilotée par une planification stratégique avec l’action des entreprises qui, à leur niveau, peuvent limiter les inégalités, l’exclusion sociale et les injustices, et participer à la lutte contre le changement climatique, la dégradation de l’environnement et de la biodiversité.</p>
<p>Mais, pour cela, elles vont devoir faire évoluer leur gouvernance en profondeur, ne plus être gérées dans le seul intérêt de leurs actionnaires et s’ouvrir à celui de l’ensemble de leurs parties prenantes en tenant compte des objectifs d’un développement durable. La <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/05/27/la-planification-ecologique-doit-disposer-d-un-instrument-financier-la-double-valorisation-du-carbone_6127887_3232.html">double valorisation du carbone</a>, consistant à donner un prix au carbone « incorporé » aux biens polluants, mais aussi au carbone « évité », constitue à cet égard une proposition intéressante pour inciter les entreprises à se détourner des investissements les plus émissifs en gaz à effet de serre et à s’aligner sur les objectifs bas carbone.</p>
<p><strong>TCF : Et les politiques commerciales qui n’ont longtemps fait aucun cas du climat, commencent-elles à s’en soucier ?</strong></p>
<p>Assurément, car même s’il est encore impossible, faute de données suffisamment détaillées, de savoir si les effets négatifs du commerce sur le changement climatique (comme les transports internationaux ou l’augmentation de la production) l’emportent sur ses effets positifs (comme les transferts technologiques ou le développement de productions moins polluantes que le jeu des avantages comparatifs peut stimuler), il serait irresponsable, pour Cecilia Bellora, de continuer de mener des politiques commerciales déconnectées des préoccupations climatiques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-eviter-que-les-politiques-climatiques-europeennes-ne-favorisent-les-delocalisations-175691">Comment éviter que les politiques climatiques européennes ne favorisent les délocalisations ?</a>
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<p>Pourtant, aujourd’hui, nous n’en sommes parfois qu’au stade des pistes. C’est le cas de celle qui consisterait à relever les droits de douane sur les biens les plus polluants et à les baisser sur ceux qui le sont moins. Un peu moins de celle d’utiliser le commerce comme levier pour inciter nos partenaires commerciaux à être plus ambitieux dans leurs politiques climatiques, comme en témoigne l’accord de libre-échange récemment signé par l’UE avec la Nouvelle-Zélande.</p>
<p>Une troisième piste, la plus avancée, est d’agir sur les flux commerciaux pour mettre sur un pied d’égalité, en matière de droits à émettre des gaz à effet de serre, les producteurs des pays vertueux en matière climatique et leurs concurrents étrangers sur leur marché national. Cette dernière option est celle que l’Europe cherche à mettre en place avec <a href="https://theconversation.com/comment-eviter-que-les-politiques-climatiques-europeennes-ne-favorisent-les-delocalisations-175691">son mécanisme d’ajustement carbone aux frontières</a> qui, si elle se concrétisait, serait une première au niveau mondial.</p>
<p><strong>TCF : L’Europe avance un peu sur le climat, mais qu’en est-il de son ambition de bâtir sa souveraineté vis-à-vis de pays dont elle dépend trop aujourd’hui ?</strong></p>
<p>En la matière, l’Europe avance aussi. Il faut dire que la crise sanitaire et maintenant la guerre en Ukraine ont jeté une lumière crue sur les vulnérabilités que nos interdépendances occasionnent. Pour Vincent Vicard et Pauline Wibaux, c’est autour du concept d’autonomie stratégique ouverte que s’articule la mise en cohérence des instruments de politique économique, tant internes qu’externes, que l’UE mobilise pour bâtir sa souveraineté économique, tout en préservant l’ouverture économique.</p>
<p>Processus en cours, il est déjà relativement avancé sur certains dossiers, comme les projets importants d’intérêt européen commun qui autorisent les aides d’État à des investissements privés dans des domaines stratégiques (microélectronique, batteries électriques, hydrogène ou semi-conducteurs). Mais il est encore au stade des négociations sur d’autres, comme le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ou l’instrument antisubvention. Quoi qu’il en soit, le processus est engagé pour redessiner les contours de l’insertion internationale de l’UE, qui ne peut plus désormais être accusée de naïveté.</p>
<p><strong>TCF : L’opinion publique s’empare-t-elle désormais de tous ces sujets ?</strong></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/480183/original/file-20220821-14190-aayy38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/480183/original/file-20220821-14190-aayy38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/480183/original/file-20220821-14190-aayy38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=950&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/480183/original/file-20220821-14190-aayy38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=950&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/480183/original/file-20220821-14190-aayy38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=950&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/480183/original/file-20220821-14190-aayy38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1194&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/480183/original/file-20220821-14190-aayy38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1194&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/480183/original/file-20220821-14190-aayy38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1194&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’économie mondiale 2023.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.editionsladecouverte.fr/l_economie_mondiale_2023-9782348075773">Éditions La Découverte</a></span>
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<p>Pas assez et, de ce point de vue là, on espère utiles à toutes et tous des ouvrages comme <em>L’Économie mondiale</em>. Car, dans le climat d’incertitude et face à la souffrance économique et sociale que cet enchaînement incessant de crises engendre, c’est le repli sur soi et la recherche de boucs émissaires qui pourraient l’emporter. Pour sûr alors, c’est de l’immigration bien plus que du changement climatique que l’on entendra parler. Les médias ont une responsabilité majeure, un rôle crucial à jouer pour faire en sorte que le débat sur l’immigration soit bien informé. Et il nous faut collectivement prendre garde à ce que cette mission d’information ne soit pas dévoyée. Quand on rassemble les résultats des recherches en sciences sociales consacrées à l’immigration, comme le montre Anthony Edo, on se rend compte du <a href="https://theconversation.com/la-france-est-elle-aujourdhui-un-grand-pays-dimmigration-170309">décalage entre les représentations du phénomène et la réalité</a>. Décalage dont il est clairement démontré qu’il influence les opinions politiques et le vote. Donc, sur l’immigration comme sur tous les autres sujets, faisons œuvre de pédagogie !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189113/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jézabel Couppey-Soubeyran est conseillère scientifique auprès de l'Institut Veblen et membre de la Chaire énergie et prospérité. Elle a reçu des financements de l'Institut Veblen et de la Chaire énergie et prospérité. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Isabelle Bensidoun ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les perspectives de croissance post-Covid ont notamment été balayées par la guerre en Ukraine et la forte poussée inflationniste, ce qui confronte les décideurs à des choix délicats.Isabelle Bensidoun, Adjointe au directeur, CEPIIJézabel Couppey-Soubeyran, Maîtresse de conférences en économie, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1872312022-07-26T21:19:57Z2022-07-26T21:19:57ZLes réglementations commerciales, un levier de croissance durable dans le Sud<p>Ces dernières décennies, l’essor du commerce international a apporté la diversité alimentaire dans nos cuisines mais aussi un risque accru de transport d’agents pathogènes. Le commerce illégal d’animaux vivants, <a href="https://www.unodc.org/unodc/en/frontpage/2014/May/wildlife-crime-worth-8-10-billion-annually.html">qui représenterait entre 8 à 10 milliards de dollars par an</a>, <a href="https://cadmus.eui.eu/handle/1814/72953">exacerbe encore plus cette menace</a>.</p>
<p>En parallèle, le changement climatique, à l’origine de vagues de chaleur, d’inondations ou d’ouragans, met les cultures à l’épreuve. La hausse des températures offre en effet des conditions idéales pour la <a href="https://www.nature.com/articles/nclimate1990">reproduction des parasites</a> qui s’attaquent aux plantes et au bétail. Par exemple, les <a href="https://theconversation.com/explainer-whats-behind-the-locust-swarms-damaging-crops-in-southern-africa-147129">invasions de criquets pèlerins</a> qui ont notamment touché l’est de l’Afrique en 2020 et 2021 trouvent leur origine dans des précipitations inhabituellement élevées et des inondations dans des zones précédemment épargnées par le parasite.</p>
<h2>40 % de la production agricole perdue</h2>
<p>L’an dernier aux États-Unis, les propriétaires et les agriculteurs du Nord-est, du Midwest, du Sud et du Sud-ouest ont également assisté avec horreur à une <a href="https://theconversation.com/the-fall-armyworm-invasion-is-fierce-this-year-and-scientists-are-researching-how-to-stop-its-destruction-of-lawns-football-fields-and-crops-167098">invasion sans précédent de <em>Spodoptera frugiperda</em>, ou légionnaires d’automne</a>. Ces chenilles ont dévasté les champs de riz, de soja, de luzerne et d’autres cultures.</p>
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<img alt="Des criquets pèlerins se nourrissent de maïs dans un champ à Meru, dans le centre du Kenya. » source=" src="https://images.theconversation.com/files/473627/original/file-20220712-32189-srk4pw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/473627/original/file-20220712-32189-srk4pw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/473627/original/file-20220712-32189-srk4pw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/473627/original/file-20220712-32189-srk4pw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/473627/original/file-20220712-32189-srk4pw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/473627/original/file-20220712-32189-srk4pw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/473627/original/file-20220712-32189-srk4pw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des criquets pèlerins se nourrissent de maïs dans un champ à Meru, dans le centre du Kenya.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Yasuyoshi Chiba/AFP</span></span>
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<p>Les Nations unies estiment qu’environ <a href="https://news.un.org/en/story/2021/06/1093202">40 % de la production agricole mondiale est actuellement perdue à cause des parasites</a>, tandis que les maladies des plantes coûtent à l’économie mondiale plus de 220 milliards de dollars par an.</p>
<p>Or, nous ne sommes pas égaux face à ce problème. Les pays riches comme les États-Unis, le Canada, le Japon et une grande partie de l’Europe occidentale, qui portent une grande responsabilité dans le changement climatique car ils ont émis <a href="https://www.nytimes.com/interactive/2021/11/12/climate/cop26-emissions-compensation.html">50 % de tous les gaz à effet de serre</a> depuis la révolution industrielle, ont développé de <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/jel.20201539">meilleures stratégies</a> pour limiter la propagation d’agents pathogènes. Par exemple, en améliorant la production, avec la sélection génétique de variétés résistantes, ou en contrôlant le transport transfrontalier à l’aide de réglementations commerciales, de normes et d’accords internationaux.</p>
<h2>Plus de qualité et de croissance</h2>
<p>Parmi ceux-ci, l’accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les <a href="https://www.wto.org/french/tratop_f/sps_f/spsund_f.htm">mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS)</a>, négocié lors du cycle d’Uruguay de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) et entré en vigueur en 1995, réglemente aujourd’hui le commerce des produits vulnérables aux parasites et aux agents pathogènes.</p>
<p>[<em>Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>Leur objectif est de protéger la vie ou la santé humaine, animale ou végétale grâce à des normes de sécurité. Le texte définit les règles de base que les gouvernements sont tenus de suivre pour fournir des aliments sûrs aux consommateurs tout en évitant toute forme de protectionnisme des producteurs nationaux.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="L’ambassadeur américain Michael Froman, assis devant un panneau aux côtés de représentants de la Communauté d’Afrique de l’Est" src="https://images.theconversation.com/files/473632/original/file-20220712-15-popz5u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/473632/original/file-20220712-15-popz5u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=408&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/473632/original/file-20220712-15-popz5u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=408&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/473632/original/file-20220712-15-popz5u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=408&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/473632/original/file-20220712-15-popz5u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=513&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/473632/original/file-20220712-15-popz5u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=513&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/473632/original/file-20220712-15-popz5u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=513&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’ambassadeur américain Michael Froman signe l’accord de coopération entre la Communauté d’Afrique de l’Est et les États-Unis sur la facilitation des échanges, les mesures sanitaires et phytosanitaires et les obstacles techniques au commerce, aux côtés de représentants de la Communauté d’Afrique de l’Est à Washington, en 2015.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Saul Loeb/AFP</span></span>
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</figure>
<p>Les pays du Sud représentant la majeure partie de la production agricole brute (par exemple, la valeur ajoutée de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/agriculture-20572">agriculture</a> représentait <a href="https://data.worldbank.org/indicator/NV.AGR.TOTL.ZS?view=chart">17,2 % du produit intérieur brut de l’Afrique subsaharienne en 2021</a>), nous avons cherché à mesurer l’impact de ces réglementations sur les économies nationales et le commerce mondial. Notre <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/twec.13256">recherche</a> apporte des nouvelles largement positives : les pays qui avaient les moyens de se conformer à ces nouvelles normes de sécurité ont bénéficié d’une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/croissance-economique-21197">croissance économique</a> accrue et d’aliments plus sûrs.</p>
<p>Le renforcement des normes de sécurité a en effet permis d’améliorer les technologies et les pratiques de production, notamment en remplaçant les engrais chimiques par des engrais organiques, avec des effets positifs en termes de qualité des aliments. Les normes de sécurité ont également contribué à la création et à l’expansion des routes commerciales <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1093/aepp/ppx063">bénéfiques aux pays du Sud</a>. Le commerce agricole entre le Nord et le Sud tend ainsi à augmenter de 30 % lorsque ces normes s’appliquent.</p>
<h2>Renforcer la coopération</h2>
<p>Nous avons observé que ces effets positifs se renforcent <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/aepp.13276">si les acteurs économiques coopèrent</a> non seulement de manière formelle (par exemple, en employant un groupe d’experts traitant des questions de sécurité) mais aussi de manière substantielle (par exemple, en fixant des règles techniques pour coopérer sur les questions de sécurité).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Retombées positives des mesures SPS et de la cooptation" src="https://images.theconversation.com/files/474251/original/file-20220715-495-ypz4lj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/474251/original/file-20220715-495-ypz4lj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/474251/original/file-20220715-495-ypz4lj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/474251/original/file-20220715-495-ypz4lj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/474251/original/file-20220715-495-ypz4lj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/474251/original/file-20220715-495-ypz4lj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/474251/original/file-20220715-495-ypz4lj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Retombées positives des mesures SPS et de la cooptation – Effets sur le commerce agricole entre le Nord et le Sud.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Authors’ elaboration</span></span>
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<p>Contrairement à ce que prétend le <a href="https://www.jasonhickel.org/less-is-more">mouvement de la décroissance</a>, nos recherches montrent donc que les réglementations peuvent rendre possible une croissance durable. Des évaluations minutieuses de l’impact environnemental des accords commerciaux démontrent d’ailleurs que les accords entravent les plus gros pollueurs et <a href="https://www.degruyter.com/document/doi/10.2202/1538-0637.1330/html">contribuent au contraire à une croissance durable</a>.</p>
<p>L’harmonisation des normes apparaît également essentielle pour instaurer un <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/aepp.13276">environnement coopératif</a> car les accords commerciaux réduisent les frictions dans le commerce et le temps nécessaire pour résoudre les différends. En bref, ils favorisent à la fois la coopération et la croissance.</p>
<h2>Une croissance durable est-elle possible ?</h2>
<p>Aujourd’hui, plusieurs institutions internationales, comme <a href="https://theconversation.com/fr/topics/organisation-mondiale-du-commerce-omc-50902">l’Organisation mondiale du commerce</a> (OMC), soulignent la <a href="https://www.wto.org/english/tratop_e/envir_e/climate_measures_e.htm">nécessité d’agir</a> et encouragent les politiques commerciales <a href="https://www.science.org/doi/full/10.1126/science.abo4207">plus favorables au climat</a>. L’OMC s’accorde également avec le Fonds monétaire international (FMI), l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et la Banque mondiale (BM) sur la nécessité de renforcer la coopération internationale en tant que stratégie principale pour <a href="https://thedocs.worldbank.org/en/doc/0534eca53121c137d3766a02320d0310-0430012022/original/Subsidies-Trade-and-International-Cooperation-April-19-ci.pdf">faire face aux problèmes du changement climatique</a>. Néanmoins, les relations internationales tendent à évoluer à l’inverse vers une <a href="https://theconversation.com/la-mondialisation-entre-amis-ou-la-grande-fragmentation-de-lespace-mondial-186766">fragmentation de l’espace mondial</a>…</p>
<p>Si l’impact conjoint du changement climatique et du commerce international favorise l’émergence et la propagation d’agents pathogènes, les efforts visant à les surveiller et à contrôler leur transport transfrontalier deviendront essentiels pour relever les défis de la sécurité alimentaire mondiale.</p>
<p>Les politiques commerciales pourraient alors constituer une stratégie efficace mais <a href="https://academic.oup.com/qje/article-abstract/136/2/831/6039348">leur harmonisation reste à ce jour essentielle</a>, en particulier avec des économies caractérisées par une réactivité hétérogène aux impacts du changement climatique et par des capacités différentes à modifier les termes de l’échange.</p>
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<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
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<p><em>Créé en 2007 pour accélérer et partager les connaissances scientifiques sur les grands enjeux sociétaux, le Fonds AXA pour la Recherche a soutenu près de 700 projets dans le monde entier, menés par des chercheurs originaires de 38 pays. Pour en savoir plus, consultez le site AXA Research Fund ou suivez-nous sur Twitter @AXAResearchFund.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187231/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une étude souligne les effets positifs des accords internationaux à la fois en termes de protection du consommateur et d’ouverture commerciale.Emilia Lamonaca, AXA Research Fellow, Università di FoggiaFabio Gaetano Santeramo, Associate Professor, Università di FoggiaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.