tag:theconversation.com,2011:/africa/topics/concurrence-22277/articlesconcurrence – The Conversation2024-03-19T16:57:51Ztag:theconversation.com,2011:article/2255982024-03-19T16:57:51Z2024-03-19T16:57:51ZLe poulet français bat de l’aile face à la concurrence internationale<p>Si en France la production de poulets excédait la consommation de 250 000 tonnes en 2010, le pays est devenu importateur net de poulets à partir de 2019. Il est ainsi déficitaire de plus de 100 000 tonnes en 2021 (graphique 1). Ce croisement des courbes concorde avec une augmentation de la part des importations dans la consommation, doublée d’une baisse de la part de la production destinée à l’exportation (graphique 2).</p>
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<p>En d’autres termes, la production de poulets diminue en France, et est de moins en moins destinée à l’exportation, tandis que la consommation repose davantage sur des fournisseurs étrangers. Ainsi, 36 % des poulets consommés en France en 2021 sont importés, contre 25 % en 2010. Dans le même temps, les exportations qui représentaient 32 % de la production en 2010 ne comptent plus que pour 26 % de la production.</p>
<h2>Concurrence internationale accrue</h2>
<p>Le marché mondial du poulet est en réalité très segmenté. On y distingue les produits frais, pour lesquels les échanges sont régionaux, et les produits surgelés, moins différenciés, plus faciles à transporter sur de longues distances, et pour lesquels le marché est véritablement mondial.</p>
<p>Les échanges intracommunautaires de produits frais comptaient pour 66 % des échanges mondiaux en 2021, contre 17,5 % pour les produits congelés. Le marché du congelé est dominé par le Mercosur, zone de libre-échange sud-américaine regroupant l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay, qui exporte vers le monde entier (42 % des parts de marché mondiales à l’exportation de produits congelés en 2021).</p>
<p>Par ailleurs, les poulets sont vendus soit à la découpe (en morceaux), soit entier. À l’échelle mondiale, le commerce de morceaux a très fortement augmenté, bien plus que les échanges de poulets entiers, notamment en raison du <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/03/04/agriculture-les-changements-d-habitudes-alimentaires-des-francais-contribuent-a-la-hausse-des-importations_6219967_3234.html">changement des modes de consommation du poulet</a>.</p>
<p>Les exportations françaises de poulets ont connu une dynamique très différente en fonction de ces produits (graphique 3). En particulier, les exportations de produits congelés ont considérablement reculé depuis 2010.</p>
<p><iframe id="zrNrD" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/zrNrD/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ces déboires à l’exportation tiennent à deux facteurs : un positionnement sur un produit dont la demande s’est révélée peu dynamique, doublé d’une perte de débouchés traditionnels sous l’effet d’une concurrence internationale accrue.</p>
<h2>L’Ukraine et la Pologne montent en puissance</h2>
<p>En effet, la spécialisation historique des exportateurs français sur les poulets entiers congelés (graphique 3) n’a pas été très profitable car la demande mondiale pour ces produits n’a pas connu une évolution particulièrement favorable. Ainsi, le poulet entier congelé, qui représentait la majorité des exportations de poulets français en 2010 (58 %), a vu son commerce mondial croître de 12 % depuis cette date, quand dans le même temps les échanges de morceaux augmentaient plus de trois fois plus vite (41 % sur la période).</p>
<p>En outre, la France a décroché sur ce produit, pour lequel la concurrence mondiale est particulièrement forte. En particulier, les producteurs français exportaient énormément vers le Moyen-Orient au début des années 2010, un marché qu’ils ont quasi totalement perdu au bénéfice du Mercosur (81 % des exportations de poulets entiers congelés vers le Moyen-Orient et Proche-Orient en 2022).</p>
<p>De manière générale, la part de marché de la France sur les poulets entiers congelés a chuté de 12 points de pourcentage (pp) entre 2010 et 2022 (graphique 4), quand dans le même temps celle de l’Ukraine progressait de 4 pp et celle de la Pologne de 2 pp. Le Mercosur n’a pas particulièrement accru sa présence pour ce produit, sa progression se situant davantage sur le marché des morceaux congelés, particulièrement dynamique, et sur lequel la France a connu également un déclin.</p>
<p><strong>Graphique 4 : Variation des parts de marché mondiales de poulet congelé entre 2010 et 2022</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Sur la période 2010-2022, la France a changé de spécialisation à l’exportation. Elle exporte désormais essentiellement des morceaux frais, qui représentent 51 % de ses exportations de poulets en 2022.</p>
<p>Sur ce marché, la concurrence est essentiellement européenne. Les Pays-Bas, et la Belgique sont les exportateurs historiques de poulets frais découpés, mais l’Ukraine et la Pologne montent en puissance sur la période.</p>
<p>La Pologne enregistre ainsi une augmentation significative de sa part de marché de 13 pp sur la période, tandis que l’Ukraine connaît une progression plus modeste de 2 pp (graphique 5). En comparaison, la part de marché de la France n’a augmenté que de 0,7 pp sur la période.</p>
<p><strong>Graphique 5 : Variation des parts de marché mondiales de poulet frais entre 2010 et 2022</strong></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/582768/original/file-20240319-16-beu6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/582768/original/file-20240319-16-beu6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/582768/original/file-20240319-16-beu6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/582768/original/file-20240319-16-beu6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/582768/original/file-20240319-16-beu6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/582768/original/file-20240319-16-beu6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/582768/original/file-20240319-16-beu6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/582768/original/file-20240319-16-beu6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Des fournisseurs quasi exclusivement européens</h2>
<p>Nous avons vu que la France est à présent importatrice nette de poulets. Ses importations sont uniquement composées de morceaux, frais et congelés (graphique 6) et ses fournisseurs sont quasi exclusivement des partenaires européens, y compris pour les morceaux surgelés qui sont pourtant largement mondialisés.</p>
<p><iframe id="jTAZd" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/jTAZd/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ce sont surtout les importations de morceaux frais qui s’accroissent sur la période, dont la Belgique est le principal fournisseur. Toutefois sa part dans les importations françaises de ces produits se réduit fortement sur la période, au bénéfice de la Pologne et du Royaume-Uni (graphique 7). La trajectoire de la Pologne est la plus spectaculaire : elle voit sa part dans les importations françaises s’accroître substantiellement, aussi bien pour les morceaux de poulet frais (de 2 % en 2010 à 19 % en 2022) que pour les morceaux congelés (de 10 % à 37 %). Cet accroissement de la part de marché polonaise se retrouve également sur l’ensemble du marché européen.</p>
<p><strong>Graphique 7 : Structure géographique des importations françaises de morceaux de poulet</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/582769/original/file-20240319-20-jkx5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/582769/original/file-20240319-20-jkx5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/582769/original/file-20240319-20-jkx5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/582769/original/file-20240319-20-jkx5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/582769/original/file-20240319-20-jkx5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/582769/original/file-20240319-20-jkx5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/582769/original/file-20240319-20-jkx5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/582769/original/file-20240319-20-jkx5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Le succès à l’exportation de la Pologne va de pair avec une forte augmentation de sa production qui a doublé depuis 2010. Plus discrètement, le Royaume-Uni confirme sa place sur le marché européen, avec une hausse continue de sa production sur la période (32 %). La production française, quant à elle, progresse très peu sur la période (5 %).</p>
<h2>Une faible concurrence sud-américaine</h2>
<p>Les importations françaises de poulet proviennent essentiellement des pays de l’Union européenne (UE), et le marché unique est l’échelon pertinent en France pour penser la concurrence internationale sur ces produits. Les baisses de parts de marché et de compétitivité françaises par rapport aux producteurs européens s’expliquent notamment par un <a href="https://www.senat.fr/rap/r21-905/r21-905.html">différentiel de coût de production</a>, lié en partie aux coûts de la main-d’œuvre et du bâti.</p>
<p>Toutefois, les différentiels de prix entre les produits français et leurs concurrents sont également liés à une spécialisation de la production française sur des produits plus haut de gamme et à la diversité de ses produits.</p>
<p>En dépit des discours alarmistes sur le poulet brésilien, le Mercosur ne concurrence quasiment pas les producteurs français sur leur marché domestique pour le moment. Sa concurrence opère principalement sur les marchés tiers, en particulier au Moyen-Orient. Cette faible part du Mercosur dans les importations françaises s’explique en partie par le fait que le marché européen est encore très protégé, avec des droits de douane autour de 1 euro par kilo pour les morceaux frais et congelés et 0,30 euro par kilo pour les poulets entiers. Les produits importés doivent en outre faire face à de nombreuses normes pour être acceptés sur le marché européen.</p>
<p>Étant donné les différences de prix entre les pays du Mercosur et la France, il n’est toutefois pas exclu que les importations en provenance de cette région augmentent si un accord commercial était conclu. A noter cependant que les négociations ne portent que sur une suppression de droits de douane pour 180 000 tonnes de poulet, soit 1,2 % de la consommation européenne.</p>
<p>Concernant l’Ukraine, l’ouverture du marché communautaire depuis le mois de juin 2022 a fortement augmenté les importations de poulets (de 142 % dans l’UE entre 2021 et 2023). L’Ukraine est ainsi passée de 21 % à 43 % des importations extracommunautaires en deux ans. Ces volumes représentent actuellement 3,5 % de la production européenne (10,8 millions de tonnes). Toutes origines confondues, pour l’UE, la hausse des importations extracommunautaires de poulets n’est cependant que de 8 % entre 2021 et 2023, ce qui suggère que les fournisseurs ukrainiens se sont surtout substitués à d’autres fournisseurs extra-européens.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225598/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La France est devenue importatrice nette en 2019. En cause : une perte de débouchés à l’exportation et une concurrence accrue des importations sur le marché français.Pierre Cotterlaz, Économiste, CEPIICharlotte Emlinger, Économiste, CEPIIManon Madec, Apprentie Économiste, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2253852024-03-14T18:57:55Z2024-03-14T18:57:55ZLe succès de Mistral AI exaspère l’UE !<p>En signant un accord de distribution avec Microsoft fin février, la pépite française de l’intelligence artificielle générative, Mistral AI n’imaginait pas être aussi critiquée. Concrètement, l’entreprise française, soutenue notamment par Xavier Niel, Rodolphe Saadé et Eric Schmidt, a décidé d’autoriser la distribution d’un de ses modèles de langage, Mistral Large <a href="https://www.challenges.fr/high-tech/mistral-large-symbole-des-ambitions-de-l-intelligence-artificielle-a-la-francaise_884909">sur la plate-forme Microsoft Azure</a>.</p>
<p>Commentant ce rapprochement, le député allemand, Kai Zenner, s’est dit extrêmement furieux d’un prétendu <a href="http://www.observatoiredeleurope.com/furieux-les-critiques-remettent-en-question-laccord-de-microsoft-avec-mistral-ai-alors-que-lue-sapprete-a-lexaminer_a21308.html">« double jeu des Français »</a>. La France avait en effet obtenu des concessions importantes lors des débats précédant <a href="https://digital-strategy.ec.europa.eu/fr/policies/regulatory-framework-ai">l’adoption de l’AI act</a>, la loi européenne qui vise à réglementer l’utilisation de l’intelligence artificielle. Les représentants français avaient souligné qu’un texte trop restrictif obligerait les start-up européennes, dont Mistral AI, à coopérer avec des sociétés américaines.</p>
<p>Les propos très critiques à l’égard de la stratégie de la start-up française Mistral AI posent la question de la compréhension par les instances européennes de la dynamique de développement de l’industrie de l’IA. Or, la lutte concurrentielle qui s’engage opposera des écosystèmes et non des entreprises isolées. S’attaquer à cet accord pourrait ainsi à terme nuire surtout à la pépite française et, par ricochet, à l’économie de l’Union européenne.</p>
<h2>Un accord avantageux pour Mistral AI</h2>
<p>Mistral AI a signé à la fin du mois de février un accord de distribution de son modèle de langage le plus complexe, Mistral Large, sur la plate-forme Miscrosoft Azure. Pour rappel, Azure est une plate-forme de <em>cloud computing</em> (informatique « dans les nuages ») permettant aux organisations d’accéder à des ressources informatiques sans avoir à investir dans des <em>data centres</em> ou à gérer les serveurs.</p>
<p>Le développement de l’IA conduit Microsoft à intégrer des services de <em>deep learning</em> dans Azure. Toutefois, la firme de Redmond semble peu confiante dans sa capacité à développer en interne le meilleur modèle de langage. Il est possible que les revers passés de sa R&D interne (Windows phone ou Bing) conduisent Microsoft à privilégier des partenariats technologiques avec d’autres entreprises. Microsoft opère donc des prises de participation dans des entreprises prometteuses comme OpenAI ou Mistral AI.</p>
<p>Microsoft Azure est aujourd’hui la deuxième plate-forme de <em>cloud computing</em> derrière celle d’Amazon mais <a href="http://www.kinsta.com/fr/blog/parts-de-marche-du-cloud/">loin devant les plates-formes de Google ou Alibaba</a>. L’accord récent permet à Mistral AI de s’insérer dans un écosystème performant et pérenne. Il lui ouvre le marché global du service aux entreprises et étend également le réseau des développeurs exploitant les performances de Mistral Large dans leurs propositions de solutions aux entreprises.</p>
<p>Cette constitution d’écosystèmes montre la modification de la lutte concurrentielle dans l’industrie de l’IA. En 2023, la compétition opposait les performances des différents modèles de langage disponibles. L’IA générative est aujourd’hui stabilisée et Yi du chinois 01.AI peut rivaliser avec GPT-4 alors que le <a href="https://huggingface.co/01-ai/Yi-34B">premier modèle cité utilise deux fois moins de paramètres que le second</a>. L’année qui commence devrait voir s’opposer les <a href="https://aisel.aisnet.org/misqe/vol22/iss1/4/">écosystèmes formés autour des différents modèles de langage disponibles</a>.</p>
<h2>Un champion européen</h2>
<p>À défaut d’une grande plate-forme de <em>cloud computing</em> européenne, il faut donc se réjouir de l’arrivée de Mistral AI dans l’écosystème créé par Microsoft. <a href="http://www.latribune.fr/technos-medias/internet/le-champion-francais-mistral-ai-rend-sa-meilleure-intelligence-artificielle-plus-accessible-aux-entreprises-992206.html">L’accord signé début mars avec Snowflake</a>, une autre entreprise de l’informatique dans les nuages, montre que la start-up française ne compte pas se contenter d’un accord avec Microsoft. La jeune pousse entend bien insérer son modèle Mistral Large dans un grand nombre d’écosystèmes dédiés à des usages professionnels.</p>
<p>Mistral AI est <a href="https://www.lemondeinformatique.fr/actualites/lire-mistral-ai-en-route-vers-une-valorisation-a-2-md$-92338.html">désormais valorisée 2 milliards de dollars</a>. Depuis sa dernière levée de fonds, elle est principalement détenue par <a href="http://www.forbes.fr/business/mistral-ai-leve-385-millions-deuros-une-nouvelle-licorne-francaise-simpose-comme-championne-europeenne-de-lia">deux sociétés de capital-risque américaines</a>. Les 15 millions de dollars investis sous forme d’obligations convertibles par Microsoft sont loin de ressembler à une prise de contrôle qui enfermerait la start-up française dans une relation exclusive avec cette entreprise.</p>
<p>L’accord signé avec Snowflake montre que Mistral AI n’entend pas être pieds et poings liés avec Microsoft qui est un partenaire parmi d’autres. De la même façon, Microsoft n’entretiendra pas une relation exclusive avec Mistral AI, mais multiplie les relations avec des sociétés spécialisées. Dans ce contexte concurrentiel renouvelé, lié notamment aux caractéristiques intrinsèques de l’IA, quel sens pourrait revêtir la notion de champion européen dans ce domaine ?</p>
<h2>Explosions des capitalisations boursières</h2>
<p>L’intelligence artificielle constitue une technologie fondamentalement disruptive qui portera la croissance économique des années futures. Aux États-Unis, l’explosion des capitalisations boursières de Nvidia ou de Supermicro, deux fournisseurs de <em>hardwares</em> indispensables aux avancées de l’IA, indique l’intérêt des investisseurs pour ces technologies prometteuses.</p>
<p>Dans ce contexte, il est désespérant de constater que les start-up européennes, tous secteurs confondus, n’auront collecté que 51 milliards de dollars en 2023, <a href="http://www.lesechos.fr/start-up/ecosysteme/les-reserves-du-capital-risque-europeen-en-route-vers-un-nouveau-record-1958173">contre 83 milliards en 2022 et 106 milliards en 2021</a>. En d’autres termes, nous nous montrons incapable de construire le réseau d’entreprises susceptible de <a href="https://www.researchgate.net/publication/376749285_Enhancing_the_Competitiveness_of_AI_Technology-Based_Startups_in_the_Digital_Era">soutenir le développement de cette industrie sur notre continent et ce handicap influencera notre compétitivité internationale future</a>. Depuis le succès du premier système d’exploitation de Microsoft, nous savons qu’un géant de l’informatique se construit sur un écosystème d’entreprises et de partenaires qui exploitent son logiciel. Sans cet écosystème, Mistral AI tout comme l’initiative <a href="http://www.lemondeinformatique.fr/actualites/lire-ia-iliad-lance-le-laboratoire-de-recherche-kyutai-92163.html">Kyutai</a> d’un autre groupe français, Iliad, ne pourront rien contre leur concurrents américains ou chinois.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225385/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Braune ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les critiques contre le rapprochement entre Mistral IA et Microsoft signalent une incompréhension des nouvelles formes de concurrence créées par l’irruption de l’intelligence artificielle.Eric Braune, Professeur associé, INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2250412024-03-05T16:02:23Z2024-03-05T16:02:23ZDes prix plancher au secours de l’agriculture : ne peut-on pas trouver meilleure idée ?<p>La visite du président Macron au salon de l’agriculture 2024, tout <a href="https://www.bfmtv.com/politique/reconquete/marion-marechal-aspergee-de-biere-au-salon-de-l-agriculture-va-continuer-a-mouiller-la-chemise_AN-202403010144.html">comme celle d’autres personnalités politiques</a>, a été <a href="https://www.youtube.com/watch?v=McEmx_9sO9A">relativement houleuse</a>. Plusieurs débordements ont été signalés avant qu’il ne puisse visiter les hangars de la Porte de Versailles dans un climat tendu et en étant régulièrement pris à partie.</p>
<p>C’est dans ce contexte qu’est intervenue la déclaration surprise de la volonté du gouvernement et du président d’aller vers la mise en place de <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/agroalimentaire-biens-de-consommation-luxe/agriculture-les-prix-planchers-d-emmanuel-macron-une-proposition-qui-divise-le-monde-agricole-991500.html">prix planchers dans le secteur agricole</a>. Les contours du dispositif sont encore flous : il s’agirait, à gros traits, de faire en sorte que les distributeurs ne puissent pas acheter aux producteurs les fruits de leur récolte ou de leur élevage en-deçà d’un certain prix. En théorie, la loi Égalim garantit aujourd’hui des prix qui ne peuvent descendre en dessous des coûts de production.</p>
<p>Le premier ministre, fin janvier 2024, en plein crise agricole, avait esquissé la mise en place <a href="https://www.publicsenat.fr/actualites/politique/discours-de-politique-generale-le-premier-ministre-na-rien-compris-a-ce-que-demandent-les-agriculteurs-sur-les-barrages">d’une « exception agricole</a>, qui permettrait aux productions agricoles nationales de bénéficier de mesures de sauvegarde ou de protection (à l’image de ce qui fût fait <a href="https://www.csa.fr/Cles-de-l-audiovisuel/Connaitre/Histoire-de-l-audiovisuel/Qu-appelle-t-on-l-exception-culturelle">pour le cinéma au travers de l’exception culturelle</a>). Celle-ci est réclamée depuis longtemps par les syndicats, au motif que l’agriculture n’est <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/09/26/puisque-l-alimentation-n-est-pas-une-marchandise-comme-les-autres-etendons-les-principes-de-la-securite-sociale-a-l-alimentation_6191050_3232.html">« pas une activité économique comme les autres »</a>. S’agit-il de couper l’herbe sous le pied au Rassemblement national qui depuis plusieurs années <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/l-edito-politique/edito-prix-planchers-pesticides-europe-les-raison-des-contorsions-du-rassemblement-national_6355366.html">milite pour ce type de mécanismes</a> ?</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/auGr6obTgKU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>À quelques mois des élections européennes, chaque thématique semble être l’objet d’un bras de fer entre la majorité présidentielle et le Rassemblement national. L’agriculture n’y échappe pas. Certains médias affirment d’ailleurs qu’il y aurait une <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/03/01/entre-le-rn-et-la-coordination-rurale-une-proximite-ideologique-et-des-accointances-locales_6219533_823448.html">affinité entre certains syndicats et le programme défendu par Jordan Bardella</a>.</p>
<p>Ce qui paraît certain est que la mise en place de cette idée de prix planchers ne va pas de soi. Elle paraît même <a href="https://www.lopinion.fr/economie/prix-plancher-un-peu-de-culture-economique-la-chronique-demmanuel-combe">largement discutable</a>, tant au regard de la théorie économique que des réalités de terrain. Des alternatives semblent sans doute préférables.</p>
<h2>Pas de cavaliers seuls ?</h2>
<p>Premier point qui peut conduire à remettre cette idée en question : les prix planchers ne semblent <a href="https://theconversation.com/colere-des-agriculteurs-europeens-traiter-lorigine-des-maux-pour-eviter-la-polarisation-224420">pas avoir de sens au sein d’un marché commun européen</a>. L’Europe a abandonné depuis les années 2000 la politique de quotas et <a href="https://theconversation.com/crise-agricole-une-reponse-politique-mal-ciblee-223947">a cessé de vouloir piloter les volumes produits et indirectement les prix</a>. Cela a presque automatiquement généré une <a href="https://theconversation.com/de-la-fin-des-quotas-de-la-pac-a-aujourdhui-20-ans-de-politiques-agricoles-en-echec-222535">élévation de la concurrence intra-européenne</a> et mondiale, <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/sucre-le-triste-bilan-de-la-fin-des-quotas-europeens-140391">qui s’est traduite par de fréquentes crises de surproduction</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1753805095169388785"}"></div></p>
<p>Chaque acteur et chaque pays n’ont en effet aucun intérêt propre à se limiter pour atteindre un hypothétique équilibre de marché. C’est ce qu’a bien montré la théorie économique des jeux : sur certains marchés <a href="https://www.persee.fr/doc/ecoap_0013-0494_2001_num_54_1_1756">peuvent se produire des déséquilibres et des actions non coopératives qui aboutissent à des situations sous-optimales</a>. Ici, des surplus de production amènent une baisse généralisée des prix. À quoi bon instaurer des prix planchers quand chaque pays peut décider de faire « cavalier seul » ?</p>
<p>Une des conditions fortes des prix planchers serait ainsi que les règles du jeu soient exactement les mêmes pour tous. En économie, l’un des principes de base des <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/270244-quest-ce-que-la-concurrence">théories de la concurrence</a> <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/270244-quest-ce-que-la-concurrence">pure et parfaite</a> consiste à avoir des acteurs qui se comportent de la même façon et qui tous ont le même poids. Aucun acteur ne peut déstabiliser seul un marché et donc tout le monde joue à armes égales.</p>
<h2>Le défi de l’hétérogénéité</h2>
<p>Or, cela ne correspond pas à la réalité des marchés et des filières agricoles. D’une part, il existe des acteurs <a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/negociations-commerciales-et-prix-des-matieres-premieres-agricoles-la-france-a-cote-de-la-pac-905654.html">qui « font » le marché, en pesant plusieurs milliards d’euros</a>. En général les <a href="https://theconversation.com/les-producteurs-principaux-perdants-de-la-repartition-des-gains-de-productivite-de-lagriculture-depuis-1959-222780">producteurs sont les grands perdants de ces rapports de force</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1754931388837417156"}"></div></p>
<p>D’autre part, parce que plusieurs pays n’ont pas intérêt et ne mettront jamais en place les prix planchers à l’échelle européenne et encore moins mondiale. Les pays en mesure de proposer des prix bas se priveraient en effet d’une demande qui leur est acquise. Certains produits agricoles sont des commodités, aux caractéristiques identiques ou très proches, et pour lesquelles le prix devient donc le facteur unique de décision des agents économiques.</p>
<p>L’idée de prix plancher ne serait ainsi pertinente qu’à condition d’avoir des produits agricoles qui se différencient autrement que par le prix. Cela justifierait l’existence d’un prix minimal au regard des caractéristiques supérieures du produit ou de sa qualité essentielle.</p>
<p>Par ailleurs, le concept même de prix plancher repose sur une hypothèse forte et très restrictive : que les <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/02/27/quatre-questions-sur-les-prix-planchers-des-produits-agricoles_6218908_4355770.html">couts des différents exploitants agricoles soient assez homogènes,</a> quelle que soit leur zone de production. Or les conditions locales, climatiques ou la simple topographie sont nettement différentes selon la région de production. Dans la filière laitière, les coûts de production varient du simple au double. Dans ce cas, sur quel niveau de coût s’aligner et donc quel niveau de prix plancher ?</p>
<h2>Une inspiration américaine ?</h2>
<p>La notion de prix plancher soulève d’ailleurs des enjeux juridiques : elle peut conduire plusieurs acteurs à s’entendre de fait sur des prix. Or, les ententes sont <a href="https://www.lopinion.fr/economie/agriculture-les-prix-planchers-suscitent-une-montagne-dinterrogations">interdites du point de vue du droit de la concurrence</a>. Cela incite les principaux acteurs sur le marché, peu nombreux dans la grande distribution, à s’accorder sur des niveaux d’achats et des prix et les conséquences peuvent s’avérer à terme contre-productives. En effet, les distributeurs peuvent être plus incités encore à avoir des prix d’achat quasi identiques, le prix plancher donnant un signal. Dans ce cas, le mécanisme stimulant de la concurrence du côté de la demande qui peut pousser les prix d’achat vers le haut peut se gripper (le producteur vendrait en théorie au plus offrant).</p>
<p>Outre le droit européen, il faudra aussi composer avec les accords de libre-échange qui comportent des allègements, si ce n’est des suppressions, de contraintes douanières ou fiscales. Cela va bien évidemment à l’encontre des velléités protectionnistes ou même de <a href="https://theconversation.com/une-vraie-souverainete-alimentaire-pour-la-france-220560">souveraineté nationale</a>. L’idée est de permettre d’échanger des <a href="https://www.sudouest.fr/economie/agriculture/mercosur-poulets-bresiliens-contre-voitures-allemandes-ou-en-est-l-accord-de-libre-echange-entre-l-europe-et-l-amerique-du-sud-18373445.php">productions agricoles étrangères contre d’autres types de produits comme le fait par exemple l’Allemagne</a>. Dans le cas français, ce sont bien nos productions agricoles qui risquent de pâtir de cette concurrence directe des produits importés.</p>
<p>Dans cette approche fondée sur la théorie des avantages comparatifs, chaque pays essaie de favoriser la performance de ses productions nationales disposant d’avantages relatifs. Tout l’enjeu pour les produits agricoles consiste à introduire des <a href="https://www.publicsenat.fr/actualites/societe/agriculture-quest-ce-que-les-clauses-miroirs-que-demandent-les-agriculteurs">clauses miroirs</a> pour que les pays importés soient soumis aux mêmes règles et contraintes que les produits nationaux, notamment en matière environnementale. Cela induit sinon une distorsion majeure de concurrence. En introduisant des prix planchers qui ne s’appliqueraient qu’aux productions nationales, on risque de rendre encore moins compétitifs sur notre sol nos produits agricoles et on renforcerait l’avantage comparatif du poulet ukrainien ou du sucre brésilien, par exemple.</p>
<p>Plusieurs experts rappellent l’existence d’autres dispositifs qui représentent une alternative plus pertinente. Un des dispositifs les plus aboutis existe dans le pays roi du marché et de la libre concurrence, à savoir les États-Unis. Les Américains ont mis en place depuis plusieurs années, au travers du <a href="https://agriculture.gouv.fr/le-nouveau-farm-bill-americain-un-renforcement-des-assurances-agricoles-subventionnees-et-des"><em>Farm Bill</em></a>, différents mécanismes permettant de compléter les prix offerts sur le marché. Des aides sont versées, sauf quand les prix deviennent plus rémunérateurs pour les paysans ou franchissent certains seuils. C’est une façon de « préserver » le revenu des agriculteurs américains, de limiter les effets de la volatilité et d’offrir un peu de prévisibilité et de stabilité. Un juste équilibre, sans doute, pour un secteur qui fait face à <a href="https://theconversation.com/crise-agricole-quels-defis-pour-demain-224685">venir d’immenses défis</a>, tant <a href="https://theconversation.com/ce-que-la-crise-agricole-revele-des-contradictions-entre-objectifs-socio-ecologiques-et-competitivite-222293">techniques</a> et économiques <a href="https://theconversation.com/revoir-notre-vision-de-la-nature-pour-reconcilier-biodiversite-et-agriculture-223927">qu’environnementaux</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225041/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Xavier Hollandts ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Et si, au lieu d’instaurer un système de prix plancher dans l’agriculture, on s’inspirait de dispositifs américains, plus pertinents sans doute pour garantir un minimum de stabilité aux producteurs ?Xavier Hollandts, Professeur de stratégie et entrepreneuriat, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2183982023-11-30T16:50:02Z2023-11-30T16:50:02ZPénuries face à la crise, les stratégies contrastées des habitants de Nouvelle-Calédonie et de l’Hexagone<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/561306/original/file-20231123-27-sitlgi.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C3%2C1280%2C714&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">À Nouméa, l'habitude des rayons vides</span> <span class="attribution"><span class="source">Auteur</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Une <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/01/16/l-avenir-incertain-de-l-autorite-de-la-concurrence-de-la-nouvelle-caledonie_6158071_823448.html">économie de comptoir</a>. Marquée par les monopoles et un niveau d’importation élevé, la <a href="https://theconversation.com/topics/nouvelle-caledonie-27901">Nouvelle-Calédonie</a> en possède aujourd’hui toutes les caractéristiques. Une Autorité de la <a href="https://theconversation.com/topics/concurrence-22277">concurrence</a> n’y existe que depuis 2018, et la succession de sa première présidente, arrivée au terme de son mandat, le 31 décembre 2022 a pris 4 mois.</p>
<p>Dans un <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/290549-emmanuel-macron-26072023-nouvelle-caledonie">discours prononcé à Nouméa le 26 juillet 2023</a>, le président Macron est revenu sur les difficultés économiques de la Nouvelle-Calédonie. Sur un plan social, il a souligné les inégalités qui fragmentent l’île, malgré un niveau de PIB par habitant comparable à l’hexagone. Il a aussi déploré la dépendance de l’île aux importations qui comptent pour plus de 80 % de sa consommation : un vrai point faible en temps de crise.</p>
<p>C’est le consommateur calédonien qui subit de plein fouet les conséquences de la dépendance aux importations, de l’<a href="https://unc.hal.science/hal-03196605/">irrégularité des arrivées de marchandises</a> par bateau et de la faible concurrence. Deux distributeurs se partagent près de 80 % du marché.</p>
<p>Comme le <a href="https://www.ieom.fr/nouvelle-caledonie/actualites/la-lettre-de-l-ieom/avril-2021/actualites-economiques-locales/article/l-engorgement-du-fret-maritime-mondial-engendre-une-hausse-des-prix-du-fret">souligne</a> l’Institut d’émission d’outre-mer (IEOM), l’établissement public français chargé de l’émission monétaire dans les collectivités d’outre-mer françaises du Pacifique (en Francs pacifiques), la reprise sur le trafic maritime mondial à la suite de la crise sanitaire a généré un engorgement du fret maritime mondial, engendrant une hausse des prix et un manque de place dans les containers, des bateaux surchargés, et des ports congestionnés. C’est aussi ce qu’a récemment rappelé la présidente du FMI au cours d’un <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/11/12/pour-la-directrice-du-fmi-kristalina-georgieva-nous-avons-trop-longtemps-insiste-sur-les-benefices-de-la-mondialisation_6199727_3234.html">entretien</a> avec le journal <em>Le Monde</em> : les chaînes d’approvisionnement sont brisées par les crises qui se succèdent.</p>
<p>Dans ce contexte, le consommateur ultra-marin paie significativement plus cher que dans l’Hexagone les produits de consommation courante. Les prix en Nouvelle-Calédonie sont de près d’un <a href="https://www.isee.nc/economie-entreprises/economie-finances?highlight">tiers plus élevés</a>. L’archipel est, avec la Polynésie française, le territoire où l’écart de niveau des prix à la consommation avec la France métropolitaine a été le plus important en 2022. En outre, les <a href="https://www.facebook.com/groups/119798275379153/permalink/917069762318663/">ruptures de stock de nombreux biens de consommation courante</a> ou durables sont bien plus nombreuses. Les rayons parfois vides des supermarchés de Nouméa ou les échanges sur les réseaux sociaux des consommateurs témoignent de l’étendue et de l’accroissement récent du phénomène.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1498909764834586627"}"></div></p>
<p>Au-delà de posts sur les réseaux sociaux, comment le consommateur réagit-il à cette situation ? Les Français de Nouvelle-Calédonie adoptent-ils les mêmes stratégies d’adaptation face aux ruptures de stock et aux pénuries de produits de consommation que ceux de l’Hexagone, distants de 17 000 km ?</p>
<h2>Des ruptures de stock mal acceptées dans l’Hexagone</h2>
<p>Une série d’entretiens menés dans les deux hémisphères nous ont permis de constater des différences d’attitude et de comportement entre les deux populations. Les consommateurs utilisent trois stratégies d’adaptation selon le caractère d’urgence de leur achat. Si l’une d’entre elles est bien commune à tous, les deux autres divergent largement.</p>
<p>Les consommateurs de l’Hexagone disposent d’une offre disponible importante en Europe. Face à une situation de rupture de stock, ils n’hésitent pas à faire jouer l’offre et la demande en cherchant « autre chose » :</p>
<blockquote>
<p>« Quand j’ai fait mon choix, c’est pour tout de suite ; si ce n’est pas disponible, je passe à autre chose ! »</p>
</blockquote>
<p>Si chercher une alternative constitue leur première stratégie, la seconde consiste à attendre, mais seulement à condition que le magasin fournisse une date précise de retour en stock. La troisième, c’est l’abandon pur et simple. Les consommateurs métropolitains acceptent en fait mal une incertitude liée au manque de stock. Ils préfèrent des solutions immédiates qu’ils recherchent individuellement.</p>
<h2>En Nouvelle-Calédonie, la débrouillardise avant tout</h2>
<p>Les consommateurs calédoniens, plus habitués aux pénuries, en ressentent moins de frustration. Ou du moins témoignent-ils d’une forme de résignation. Leur première stratégie consiste à dédramatiser et plaisanter de la situation :</p>
<blockquote>
<p>« Celui qui devient à cran à cause du matériel, il faut pas qu’il vienne en Nouvelle-Calédonie ! »</p>
</blockquote>
<p>La deuxième stratégie, propre aux consommateurs calédoniens, consiste à planifier leurs achats en fonction du coût d’un achat local ou dans l’hexagone :</p>
<blockquote>
<p>« Les taxes douanières sont un gros frein, si j’ai l’occasion d’aller en France, je préfère l’acheter là-bas. »</p>
</blockquote>
<p>La troisième stratégie, enfin, consiste à faire appel à son réseau : ils utilisent les plates-formes numériques pour être informés des livraisons ou trouver des opportunités de dons ou de vente de seconde main :</p>
<blockquote>
<p>« On est alerté sur les opportunités et quand il y en a une, on y va ! »</p>
</blockquote>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/561107/original/file-20231122-23-l75c1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/561107/original/file-20231122-23-l75c1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/561107/original/file-20231122-23-l75c1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=271&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/561107/original/file-20231122-23-l75c1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=271&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/561107/original/file-20231122-23-l75c1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=271&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/561107/original/file-20231122-23-l75c1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=340&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/561107/original/file-20231122-23-l75c1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=340&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/561107/original/file-20231122-23-l75c1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=340&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des annonces fréquentes d’arrivée de nouveaux produits.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Facebook</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette débrouillardise permet d’éviter le marché en utilisant des circuits parallèles :</p>
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<p>« On connaît du monde et les gens, quand ils font un vide dressing, ils le mettent sur Facebook. »</p>
</blockquote>
<p>Un groupe Facebook réunissant plus de 11 000 personnes s’intitule ainsi « Savez-vous où… ? » « “Savez-vous où… ?” est un groupe calédonien où tout le monde partage ses informations et ses meilleurs contacts sur “où trouver quoi ” ! »</p>
<h2>Défiance envers le marché ?</h2>
<p>Les consommateurs métropolitains continuent à avoir confiance dans les mécanismes de régulation du marché et dans la loi de l’offre et la demande. Ils les utilisent pleinement : comparaisons des offres, négociations des frais de port. Ils évoluent dans un marché ouvert, l’Europe, avec très peu de monopoles, et savent faire jouer la concurrence. Ils n’ont aucun doute quant à l’efficacité des interactions entre l’acheteur et le vendeur.</p>
<p>Les consommateurs calédoniens nourrissent, eux, une certaine défiance envers l’économie de marché :</p>
<blockquote>
<p>« Parfois on a l’impression qu’on est comme des enfants qu’on oblige à consommer certains produits et qu’on prive de certains autres. »</p>
</blockquote>
<p>L’exemple de Nestlé le montre bien. L’entreprise sous-traitait jusqu’au mois de mars la production des produits Nestlé dessert et Crunch sur l’île, garantissant leur disponibilité sur place. Après que le groupe a décidé de <a href="https://radiococotier.nc/2023/03/19/desormais-ce-sera-biscochoc-ou-biscochoc/">ne plus produire localement</a>, ces produits arrivent désormais au compte-goutte, car ils sont soumis aux quotas d’importation. Les consommateurs commentent avec une dérision amère :</p>
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<p>« Mais dis donc, la dictature se passe bien en Nouvelle-Calédonie ? »</p>
</blockquote>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/561095/original/file-20231122-22-ijbp88.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/561095/original/file-20231122-22-ijbp88.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/561095/original/file-20231122-22-ijbp88.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=558&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/561095/original/file-20231122-22-ijbp88.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=558&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/561095/original/file-20231122-22-ijbp88.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=558&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/561095/original/file-20231122-22-ijbp88.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=702&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/561095/original/file-20231122-22-ijbp88.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=702&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/561095/original/file-20231122-22-ijbp88.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=702&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Changement de chocolatier principal sur l’île.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://radiococotier.nc/2023/03/19/desormais-ce-sera-biscochoc-ou-biscochoc/?fbclid=IwAR3QJF0mLyEbvulWCMmluB2A9uxq66WOgUK6wS-DgDH5zQMw6j5eLG9HfT8">Facebook</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Un commentaire s’agace :</p>
<blockquote>
<p>« Ça commence a doucement nous fatiguer toutes ces histoires… 😡 et taxe par ci, taxe par la… quotas, etc. Déjà que la vie devient plus chère de jour en jour, on n’a même plus le choix de ce que l’on veut manger… »</p>
</blockquote>
<p>Beaucoup mettent en place des stratégies d’évitement de l’économie de marché. Ils créent leurs propres circuits parallèles :</p>
<blockquote>
<p>« Il faut aller au Marché des femmes tous les derniers dimanches au Centre Jean-Marie Tjibaou »</p>
</blockquote>
<p>C’est une logique « Consumer to Consumer (C to C) ».</p>
<h2>Le long terme et le collectif</h2>
<p>Outre une incertitude différemment acceptée, notre recherche souligne des différences culturelles notables entre consommateurs métropolitains et calédoniens. Elles concernent notamment le rapport au temps, bien étudié par l’anthropologue <a href="https://www.letemps.ch/economie/carrieres/rapport-temps-varie-selon-culture">Edward T. Hall</a>. Celui-ci définit deux modèles opposés : polychronique et monochronique. Dans une culture polychronique comme celle de la Nouvelle-Calédonie, le temps est vécu comme un continuum. Les Calédoniens ont plus de tolérance vis-à-vis des retards. Ils leur arrive fréquemment de lancer cette boutade aux métropolitains trop impatients :</p>
<blockquote>
<p>« Vous, vous avez la montre ; Nous, on a le temps ! »</p>
</blockquote>
<p>L’individualisme des consommateurs métropolitains s’oppose par ailleurs au collectivisme des Calédoniens. Les métropolitains valorisent la liberté et le libre-échange alors que les Calédoniens font preuve d’un esprit collectif et adhèrent à des valeurs de solidarité, à l’image de leur devise :</p>
<blockquote>
<p>« Terre de parole, Terre de partage »</p>
</blockquote>
<p>En conclusion de son <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/290549-emmanuel-macron-26072023-nouvelle-caledonie">discours de Nouméa du 26 juillet 2023</a>, le président Macron a rappelé la devise qui unit tous les citoyens de la République française « liberté, égalité, fraternité », et a invité la population à construire ensemble un modèle social et économique plus juste, avec moins d’inégalités flagrantes pour les habitants de Nouvelle-Calédonie. Mais cet appel peut-il être entendu par des Calédoniens qui ont une perspective temporelle flexible et des valeurs plus collectivistes ? La force du collectif calédonien peut-elle compenser les difficultés issues de l’éloignement de ces îles du Pacifique ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218398/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une boutade calédonienne exprime leur différence d’attitude face aux pénuries par rapport à des Hexagonaux désirant des alternatives immédiates « Vous, vous avez la montre ; Nous, on a le temps ! »Delphine Canonge-Dumas, Doctorante en sciences de gestion, Université de Nouvelle-Calédonie, laboratoire de recherches juridique et économique (LARJE), IAE FranceVirginie de Barnier, Professeure agrégée des universités en sciences de gestion, Université de Nouvelle-Calédonie, laboratoire de recherches juridique et économique (LARJE), IAE FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2172052023-11-16T17:13:57Z2023-11-16T17:13:57ZRecyclage : les entreprises sociales et solidaires face à un marché de plus en plus concurrentiel<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/559607/original/file-20231115-17-ve3vu8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=148%2C0%2C838%2C528&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La structure le Relais collecte aujourd'hui moins de vêtements : les consommateurs les revendent de plus en plus sur des plates-formes comme Vinted.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Conteneur_Relais_Avenue_Cond%C3%A9_St_Maur_Foss%C3%A9s_2.jpg">Wikimedia commons/Chabe01</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dans les années 1990, au Québec et en France, naissaient les entreprises de l’Économie sociale et solidaire (ESS), <a href="https://www.mois-ess.org/">mises à l’honneur en ce mois de novembre</a>, spécialisées dans le recyclage. Les ressourceries québécoises, dans le cadre de l’Alliance recherche universités collectivités en Économie sociale (ARUC-ES), cherchaient déjà à détourner les déchets de l’enfouissement ou de l’incinération, en développant des circuits de collecte, de revalorisation et de réemploi.</p>
<p>Au même moment, en France, des associations de solidarités internationales, collectant des encombrants et des équipements courants à destination des populations précaires en Afrique de l’Ouest et en Europe de l’Est, prenaient la forme d’« entreprise sociale d’insertion par l’économique », comme nous l’avions observé dans nos <a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2013-7-page-154.htm">travaux</a>. Via les régions de Picardie et des Hauts-de-France, la France a ensuite élargi son modèle de collecte-revalorisation-réemploi solidaire en 2000 avec ses premières ressourceries en milieu urbain et périurbain.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1723997097467265398"}"></div></p>
<p>Selon les chiffres publiés en 2023 par l’Observatoire national des ressourceries et recycleries (2023), on dénombrait en 2021 <a href="https://ressourceries.info/?ObservatoireAnnuelDesRessourceriesEtRecycl&vue=consulter&action=voir_fiche&id_fiche=ObservatoireAnnuelDesRessourceriesEtRecycl&message=modif_ok">158 structures</a> exerçant ce type d’activité. Depuis plus de 20 ans, ces organisations de l’ESS collectent, réemploient et valorisent les déchets qui proviennent soit des dépôts des particuliers (textiles, livres, vaisselles, bibelots, jouets, équipements de puériculture, meubles, etc.) soit des déchetteries.</p>
<p>En d’autres termes, comme le soulignait le sociologue Baptiste Montsaingeon dans son ouvrage <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/homo-detritus-baptiste-monsaingeon/9782021352603"><em>Homo detritus</em></a> (Éditions du Seuil, 2017) :</p>
<blockquote>
<p>« Après avoir enfoui les déchets, la pratique est devenue celle de leur réduction mais surtout de leur recyclage et de leur réutilisation. Avec l’économie circulaire, l’idéal d’un monde sans déchets, sans rebut, a créé un certain marché de la vertu écologique ».</p>
</blockquote>
<p>Or, ce contexte a incité des sociétés commerciales, hors du champ de l’ESS, à se saisir de cette opportunité de marché générée par l’essor de « business écologique ».</p>
<h2>La concurrence de Vinted</h2>
<p>Vinted en constitue à ce jour sans doute le meilleur exemple. Cette entreprise a été créée en Lituanie en 2008, sur un projet de marché de l’occasion du textile. Depuis, la plate-forme d’achat-vente de vêtements a bâti son succès en permettant au consommateur de faire des économies ou de gagner quelques euros tout en réalisant un « geste écolo », en l’occurrence la <a href="https://theconversation.com/le-vide-dressing-en-ligne-un-travail-volontaire-131814">réutilisation d’une pièce destinée au rebut</a>. L’entreprise Nord Sud Export a développé, de son côté, un commerce international de vêtements d’occasion hommes-femmes-enfants en quittant l’Europe où elle a été créée en 1985, pour <a href="https://www.europages.fr/NORD-SUD-EXPORT-FZC/00000005359365-001.html">rejoindre en 2003 les Émirats arabes unis</a>. Eurotex Discount, basée à Nantes, s’est également spécialisée dans la collecte et le recyclage de textiles en se déclarant <a href="https://www.europages.fr/EUROTEX-DISCOUNT/00000005357770-001.html">« grossiste en friperie »</a>.</p>
<p>En conséquence, ce type de stratégies participe à l’appauvrissement des acteurs de l’ESS déjà présents sur ce marché. Un certain nombre de ressourceries n’ont ainsi pas survécu à cette dynamique, à l’image de la Ressourcerie de l’Île en agglomération nantaise <a href="https://www.20minutes.fr/nantes/4026895-20230308-nantes-triste-fin-ressourcerie-ile-30-salaries-liquidation-judiciaire">placée en liquidation judiciaire en mars 2023</a> après 13 ans d’activité. Une entreprise comme Le Relais, dont les boîtes de collecte de vêtements, linge et chaussures sont présentes dans de nombreuses villes françaises, pâtit également d’une <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/haut-rhin/face-a-la-baisse-des-dons-de-vetements-cette-entreprise-solidaire-lance-l-alerte-notre-modele-economique-et-social-est-en-danger-2783662.html">baisse du nombre de pièces recueillies</a>, que les consommateurs préfèrent désormais revendre.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1633429408538058752"}"></div></p>
<p>Or, ces entreprises sociales portent des postes d’insertion par l’activité économique au service des personnes et du territoire. Mais, la perte d’activités de collecte, de tri, de revalorisation par le nettoyage ou <a href="https://www.cci.fr/actualites/lupcycling-cest-quoi">upcycling</a>, ou encore de réemploi via la filière de production d’isolant, peut <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/haut-rhin/face-a-la-baisse-des-dons-de-vetements-cette-entreprise-solidaire-lance-l-alerte-notre-modele-economique-et-social-est-en-danger-2783662.html">rapidement les mettre en difficulté</a> sociales et financières. Pourtant, ces entreprises de l’ESS ont été des innovatrices socioécologiques en défrichant une opportunité d’affaires devenue rentable que d’autres s’approprient sous objectif de profitabilité.</p>
<h2>Des entreprises pionnières de l’innovation</h2>
<p>Le Relais agit par exemple depuis 30 ans pour l’insertion de personnes en situation d’exclusion du marché du travail, en créant des emplois durables dans l’activité textile-linge de maison-chaussures : collecte, tri, réparation et valorisation. Pour ce faire, ce réseau a créé les premières entreprises à but socioéconomique (EBS). Le Relais, aujourd’hui membre d’Emmaüs France et de l’Inter réseaux de la fibre solidaire (IRFS), défend les valeurs de solidarité et de générosité défendues par l’abbé Pierre et l’ESS.</p>
<p>Ces entreprises d’ESS, qu’il convient de soutenir au service des personnes, des citoyens et des territoires dans le cadre du développement durable et de leur capacité d’innovation de rupture (projet, expérimentations, défrichage), doivent donc continuer à innover face à des sociétés commerciales qui interviennent désormais <em>via</em> l’économie circulaire sous processus d’innovations incrémentales.</p>
<p>C’est par exemple ce que nous montre le cas d’Envie autonomie, un réseau de magasins de matériel médical reconditionné. Lauréat du « French’Impact » en 2018, elle se transforme en Société commerciale d’intérêt collectif nationale (SCIC.N). Envie autonomie de manière à développer la collecte, la revalorisation des <a href="https://www.ouest-france.fr/normandie/alencon-61000/alencon-depuis-2020-envie-autonomie-remet-a-neuf-du-materiel-medical-et-le-revend-moitie-prix-dc33b008-0f6f-11ee-abf6-2faefa8435a8">matériels et équipements médicaux inutilisés</a> afin de les remettre à disposition à prix solidaire, et ce en respectant des conformités réglementaires. Une autre manière d’envisager un modèle d’économie écologique : l’ESS au service du développement durable !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217205/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pascal Glémain ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans le secteur textile, les consommateurs préfèrent de plus en plus revendre leurs vêtements sur des plates-formes comme Vinted que de les donner à des organismes qui les collectent.Pascal Glémain, Maître de Conférences (hors classe)-HDR en Sciences de Gestion-Management, spécialiste de l'ESS et du Management de la Soutenabilité, Université Rennes 2Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2171512023-11-09T16:42:58Z2023-11-09T16:42:58ZLa Chine : de l’imitation à l’innovation ?<p>Le 1<sup>er</sup> mars 2023, plusieurs articles se sont fait l’écho d’une <a href="https://www.aspi.org.au/report/critical-technology-tracker">étude de l’Institut stratégique australien</a> qui affirme que dans 37 technologies émergentes sur 44, la <a href="https://theconversation.com/topics/chine-20235">Chine</a> dispose d’une « avance stupéfiante ». Ce texte reflète une crainte de plus en plus répandue dans les milieux occidentaux, à savoir que nos démocraties seraient sur le point d’être dépassées par le modèle de croissance chinois, fondé sur une alliance inédite entre <a href="https://theconversation.com/topics/capitalisme-23342">capitalisme</a> de marché et <a href="https://theconversation.com/topics/communisme-26345">régime politique communiste</a>.</p>
<p>Cette crainte est-elle fondée ? Si la Chine a réalisé des progrès considérables en matière d’innovation, nos <a href="https://www.college-de-france.fr/sites/default/files/media/document/2023-05/Does%20Chinese%20Research%20Hinge%20on%20US%20Coauthors%20Evidence%20from%20the%20China%20Initiative%20Philippe%20Aghion.pdf">travaux</a> montrent qu’elle reste dépendante de l’Occident et qu’elle devra surmonter plusieurs limites encore avant de pouvoir s’affirmer comme leader en matière d’innovation.</p>
<h2>Des capacités d’innovation accrues</h2>
<p>À partir de 1978, sous l’impulsion de Deng Xiaoping, le modèle chinois a d’abord privilégié les projets tournés vers l’exportation et le développement de substituts aux produits importés. Les autorités ont encouragé les investissements comportant d’importants transferts de technologie et une part élevée de composants fabriqués localement. En raison de l’avantage comparatif fondé sur le faible coût de sa main‑d’œuvre, la Chine est ainsi devenue l’atelier du monde, fondé sur la séquence importation – transformation – réexportation, grâce aux firmes multinationales qui ont participé au développement des activités d’assemblage.</p>
<p>Le succès du modèle de croissance chinois réside ainsi pour partie dans l’ampleur des transferts de technologie des pays développés. Au début des années 2000, les entreprises à capitaux étrangers ont contribué à près du tiers de la production manufacturière.</p>
<p>Depuis deux décennies, le développement des capacités d’innovation chinoises a été fulgurant : le nombre de citations de brevets chinois par les étrangers a connu une croissance de 33 % par an entre 1995 et 2005. Il a atteint <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/jep.31.1.49">51 % par an</a> entre 2005 et 2014. Comme le soulignent Antonin Bergeaud, professeur associé à HEC, et Cyril Verluise, chercheur associé au Collège de France, depuis deux décennies, la Chine a réalisé une <a href="http://longtermproductivity.com/perso/Techdiff.pdf">forte percée</a> dans sa contribution aux technologies de rupture : impression 3D, blockchain, édition du génome, vision artificielle, stockage de l’hydrogène et véhicules sans chauffeurs par exemple.</p>
<h2>La Chine, encore dépendante des États-Unis</h2>
<p>Cependant, si la Chine a réalisé des progrès significatifs en termes de qualité des brevets, son influence sur le développement des technologies considérées reste limitée. Cela vaut en particulier pour ce qui concerne la recherche fondamentale à l’origine des innovations de rupture, où les laboratoires américains continuent d’être leaders.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1706759603852128603"}"></div></p>
<p>Les <a href="https://www.college-de-france.fr/sites/default/files/media/document/2023-05/Does%20Chinese%20Research%20Hinge%20on%20US%20Coauthors%20Evidence%20from%20the%20China%20Initiative%20Philippe%20Aghion.pdf">travaux que nous menons au Collège de France</a> confortent l’idée d’une Chine qui se trouve dans une forme de dépendance asymétrique vis-à-vis des États-Unis. À partir de la base de données Scopus, nous avons analysé les effets sur la recherche de la <em>China Initiative</em> mise en place par Washington fin 2018 pour lutter contre l’espionnage technologique chinois. Dans la pratique, celle-ci s’est traduite par des procédures administratives plus complexes ainsi que par des financements plus restreints pour des projets communs entre chercheurs chinois et américains, allant même jusqu’à interdire la poursuite de certains projets.</p>
<p>Si notre étude confirme bien une tendance au rattrapage technologique des États-Unis par la Chine, elle conforte également la vision d’un Empire du Milieu pour longtemps encore dépendant de son rival : en résumé, les chercheurs chinois ont davantage besoin de collaborer avec des chercheurs américains que l’inverse.</p>
<p>Nous constatons notamment que la <em>China Initiative</em> a fait sensiblement baisser la qualité moyenne des publications des chercheurs chinois ayant préalablement travaillé avec des co-auteurs américains. Cet effet négatif a été plus marqué sur les sujets dominés par les États-Unis avant le choc. Par ailleurs, la <em>China Initiative</em> a obligé ces chercheurs chinois à se réorienter vers des partenariats scientifiques hors des États-Unis, notamment vers l’Europe, mais cela ne leur a pas permis de maintenir la qualité de leurs publications.</p>
<p>Comme l’écrit Gérard Roland, professeur à l’Université de Berkeley, la Chine produit certes de nombreux brevets, mais ils concernent essentiellement des <a href="https://www.hup.harvard.edu/catalog.php?isbn=9780674270367">innovations incrémentales</a> et non des innovations de rupture. Entre 1998 et 2018, <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11127-020-00850-1">aucune des nouvelles molécules découvertes dans l’industrie pharmaceutique</a> ne l’a été en Chine, contre 56 % aux États-Unis.</p>
<h2>Des faiblesses persistantes</h2>
<p>En Chine, l’État est à la fois directement entrepreneur et planificateur, un modèle radicalement différent du modèle schumpétérien occidental dans lequel l’innovation repose sur des d’entrepreneurs et un écosystème favorisant l’initiative privée. Autant le modèle chinois apparaît-il efficace pour combler le retard technologique dans une économie en rattrapage, autant celui-ci implique plusieurs faiblesses qui empêchent la Chine de devenir un leader en matière d’innovation.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/557842/original/file-20231106-21-jqrqq3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/557842/original/file-20231106-21-jqrqq3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/557842/original/file-20231106-21-jqrqq3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=929&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/557842/original/file-20231106-21-jqrqq3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=929&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/557842/original/file-20231106-21-jqrqq3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=929&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/557842/original/file-20231106-21-jqrqq3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1168&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/557842/original/file-20231106-21-jqrqq3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1168&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/557842/original/file-20231106-21-jqrqq3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1168&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>La centralisation du pouvoir et le manque de liberté individuelle ne contribuent pas à attirer les talents et les capitaux étrangers – contrairement aux États-Unis. Comme le montre notre <a href="https://www.college-de-france.fr/sites/default/files/media/document/2023-05/Does%20Chinese%20Research%20Hinge%20on%20US%20Coauthors%20Evidence%20from%20the%20China%20Initiative%20Philippe%20Aghion.pdf">étude</a>, le développement de collaborations scientifiques avec des chercheurs américains jusqu’en 2018 avait permis aux chercheurs chinois, non seulement de profiter de l’excellence académique américaine, mais également de bénéficier à travers leurs coauteurs d’une liberté qu’ils ne trouvaient pas chez eux. Par ailleurs, le système éducatif chinois encourage peu à la créativité.</p>
<p>La méthode chinoise, où l’État investit massivement en R&D avec le secteur privé, peut se révéler efficace dans une économie de rattrapage. Cependant, stimuler les dépenses n’est pas suffisant pour permettre l’innovation. L’omniprésence de l’État dans le système bancaire chinois engendre une allocation non optimale du capital en favorisant le financement des entreprises publiques et liées à l’État – y compris les entreprises non rentables – au détriment des entreprises privées. En Chine, les entreprises qui investissent en R&D ont la <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/economie-et-finance/pouvoir-de-la-destruction-creatrice_9782738149466.php">même croissance que celles qui ne le font pas</a>.</p>
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<p>Enfin, la Chine pâtit d’une insuffisante protection des droits de propriété intellectuelle et de faibles normes de qualité : en 2023, elle se situe au <a href="https://www.internationalpropertyrightsindex.org/country/china">50ᵉ rang (sur 125 pays) pour l’indice international de la propriété intellectuelle</a>. Or, les réformes économiques améliorant la protection des investisseurs et l’indépendance du système judiciaire sont des conditions préalables pour nourrir une économie de l’innovation.</p>
<p>Si elle a connu un développement technologique plus affirmé que certains ne le prévoyaient il y a encore deux décennies, la Chine n’a pas encore atteint le stade où elle peut pleinement jouer le rôle de leader scientifique et technologique. Pour devenir une économie capable d’initier des innovations de rupture, la Chine doit s’ouvrir davantage au lieu de se fermer. Elle risque sinon de connaître le « syndrome argentin », celui des économies qui, à l’issue d’un rattrapage très dynamique, s’arrêtent au milieu du gué.</p>
<hr>
<p><em>Cette contribution à The Conversation France est publiée en amont des Jéco 2023 qui se tiendront à Lyon du 14 au 16 novembre 2023. Retrouvez ici le <a href="https://www.journeeseconomie.org/affiche-conference2023">programme complet</a> de l’événement.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217151/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Par imitation, la Chine a su rattraper son retard technologique à une vitesse vertigineuse ; son modèle économique l’empêche néanmoins encore d’émerger comme un leader en matière d’innovation.Philippe Aghion, Professeur à l'INSEAD, professeur invité à la LSE et titulaire de la Chaire Économie des institutions, de l'innovation et de la croissance, Collège de FranceCéline Antonin, Chercheur à Sciences Po (OFCE) et chercheur associé au Collège de France, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2165522023-11-05T18:21:55Z2023-11-05T18:21:55ZLicornes européennes et Gafam : concurrents ou partenaires ?<p>Licornes, gazelles, <a href="https://theconversation.com/topics/start-up-23076">start-up</a> : voici comment sont parfois désignées les entreprises dont le taux de croissance est très rapide. Elles suscitent un intérêt certain des pouvoirs publics en raison de leur rôle dans la <a href="https://www.cairn.info/revue-de-l-entrepreneuriat-2019-2-page-7.htm">création d’emplois</a> et la souveraineté économique. En témoigne l’<a href="https://twitter.com/EmmanuelMacron/status/1482963796629012482">engouement du président de la République</a> à chaque « naissance ». Ces entreprises valorisées chacune à plus d’un milliard de dollars sans être cotées en Bourse s’appellent par exemple Blablacar, Deliveroo, Backmarket, Doctolib, Qonto ou Lydia. Ces dernières recherchent la croissance avant la rentabilité, à <a href="https://theconversation.com/les-25-licornes-de-macron-une-dangereuse-fascination-179071">leurs dépens parfois</a>.</p>
<p>Depuis de nombreuses années, les licornes européennes tentent de rattraper leur retard par rapport aux <a href="https://theconversation.com/topics/gafam-45037">Gafam</a>. Les américains Google (Alphabet), Apple, Facebook (Meta), Amazon et Microsoft dominent le secteur technologique européen. Le cumul de leurs valorisations boursières <a href="https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/finance-et-societe/nouvelles-economies/gafa-gafam-ou-natu-les-nouveaux-maitres-du-monde/">dépasse le PIB du Japon, le troisième au monde en 2022</a>. Sans cesse ces cinq géants recherchent à étendre leurs services et à acquérir des start-up innovantes. Actuellement, sur la scène internationale, seule la Chine a véritablement réussi à développer des concurrents, que l’on regroupe sous l’étiquette BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi). Vouloir les concurrencer semble aujourd’hui particulièrement ambitieux pour les licornes européennes ; en revanche, la collaboration avec ces plates-formes reste incontournable.</p>
<p>Ce sont les liens entre ces deux entités qui ont fait l’objet de nos <a href="https://atlasafmi2023.sciencesconf.org/data/pages/Programme_Atlas_AFMI_Bordeaux_3_4_5_juillet_2023_Final_2.pdf">recherches</a> présentées lors de la 13<sup>e</sup> conférence annuelle d’ATLAS – AFMI, colloque international en stratégie. Concurrents ou partenaires ? La relation est parfois très paradoxale.</p>
<h2>Quatre stratégies pour les licornes</h2>
<p><a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/quelles-sont-les-prochaines-licornes-europeennes_AV-202206150305.html">125 nouvelles licornes européennes</a> ont émergé entre avril 2022 et fin mars 2022, contre 52 l’année précédente. Elles n’ont en revanche été que <a href="https://www.maddyness.com/2023/06/14/france-futures-licornes/">34 l’année suivante</a> portant le <a href="https://www.latribune.fr/technos-medias/innovation-et-start-up/la-france-a-le-plus-grand-reservoir-de-futures-licornes-europeennes-967101.html">total à 311</a>. Le <a href="https://hbr.org/2016/03/what-big-companies-can-learn-from-the-success-of-the-unicorns">succès des licornes</a> est lié à leur petite taille qui facilite les prises de décisions et leurs mises en œuvre rapides. En outre, leurs fondateurs et dirigeants sont généralement des entrepreneurs expérimentés. Elles proposent des plates-formes numériques bien diffusées par les réseaux sociaux qui permettent une communication bien plus rapide que pour les entreprises traditionnelles.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1507392867416772609"}"></div></p>
<p>De l’autre côté, les Gafam bénéficient de vastes effets de réseaux. Leurs dépenses en recherche et développement sont impressionnantes (près de <a href="https://fr.statista.com/infographie/16120/entreprises-qui-depensent-le-plus-en-r-d/">127 milliards de dollars en 2020</a>). Facebook et Google génèrent des revenus publicitaires à partir des données collectées par les cookies, même si ces entreprises sont régulièrement <a href="https://www.blogdumoderateur.com/google-facebook-lourdement-sanctionnes-cnil/">rappelées à l’ordre</a> sur le sujet. Leurs revenus proviennent aussi des start-up et concurrents qu’ils <a href="https://www.lesnumeriques.com/pro/microsoft-google-et-amazon-ont-realise-un-nombre-record-d-acquisitions-en-2021-n175483.html">acquièrent en grand nombre</a>. Rien qu’en 2021, Alphabet, la maison mère de Google, a acquis <a href="https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/les-gafam-n-ont-jamais-fait-autant-d-acquisitions-qu-en-2021-20220125">120 sociétés</a>, rejoignant ainsi l’univers dans lequel gravitaient YouTube, HTC Pixel Phone ou les montres connectées Fossil. Par le passé, Facebook, devenu Meta, a mis la main sur WhatsApp et Instagram, Apple sur Intel ou Shazam. Microsoft a acquis Skype et LinkedIn ; enfin Amazon a racheté Whole Foods et la Métro-Goldwyn-Mayer.</p>
<p>Face aux titans du numérique, <a href="https://www.cairn.info/revue-gerer-et-comprendre-2019-3-page-16.htm?ora.z_ref=li-69858169-pub">quatre approches stratégiques</a> ont été adoptées par les licornes : l’affrontement, l’évitement, la négociation et la vassalisation. La société suédoise Spotify illustre parfaitement la première en se lançant en rivalité directe avec Apple Music grâce à son service de streaming musical. En ce qui concerne l’évitement, c’est le fait de proposer un service qui n’est pas encore inclus à l’univers des Gafam comme le fait Doctolib avec ses services de réservations médicales et paramédicales en ligne. La négociation se rapporte à tout accord de collaboration, <a href="https://www.lesnumeriques.com/telephone-portable/back-market-vend-iphone-reconditionnes-par-apple-n65053.html">Back Market</a>, par exemple, qui commence à vendre des smartphones reconditionnés par Apple en 2017. Devenir un vassal, enfin, équivaut à se laisser acquérir par l’un des géants.</p>
<h2>Des opportunités à saisir</h2>
<p>Les résultats de l’étude menée auprès des licornes européennes révèlent que leurs collaborateurs ne sont pas fatalistes : non, le marché numérique européen n’est pas l’exclusivité de Gafam. Un <em>business developper</em> parisien nous explique ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Sur le marché français par exemple, il y a des opportunités pour les licornes au point que les parts de marché d’Amazon diminuent au profit des entreprises de l’hexagone. »</p>
</blockquote>
<p>À son image, la majorité des intervenants sollicités considère qu’il est plus judicieux d’appréhender les Gafam comme des pourvoyeurs d’opportunités de développement plutôt que comme des menaces. Ce co-fondateur d’une licorne française adopte le point de vue suivant :</p>
<blockquote>
<p>« Je pense qu’ il est préférable de les voir comme des partenaires plutôt que comme des concurrents »</p>
</blockquote>
<p>Les Gafam, ce seraient ainsi des exemples à suivre, traçant une voie vers des secteurs intéressants où il faut s’installer. Un autre <em>business developper</em>, localisé, lui, à Roubaix, nous confie :</p>
<blockquote>
<p>« Leur succès nous stimule et nous fait découvrir des opportunités et où il faut s’installer. Cela nous pousse à nous dépasser pour devenir une grande entreprise numérique européenne. »</p>
</blockquote>
<p>Enfin, le fait d’être acquis par une Gafam est parfois perçu comme un tremplin pour l’entreprise acquise, puisqu’elle va pouvoir jouir de financement et de la mise à disposition de moyens technologiques bien plus importants :</p>
<blockquote>
<p>« Pour moi c’est un accélérateur d’innovation »</p>
</blockquote>
<h2>Des menaces à éviter</h2>
<p>Tous les discours ne s’avèrent pas aussi positifs. Beaucoup, à l’instar de ce vice-président d’une licorne parisienne, redoutent une dépendance relative aux bases de données et aux technologies qu’elles développent :</p>
<blockquote>
<p>« Il est, pour cela, très compliqué de faire émerger une souveraineté européenne car toutes les bases des données et technologies leur appartiennent »</p>
</blockquote>
<p>Un responsable marketing ajoute :</p>
<blockquote>
<p>« Les Gafam neutralisent la concurrence car leur offre est déjà super complète et très qualitative. »</p>
</blockquote>
<p>Un business developper considère lui aussi les cinq géantes comme des tueurs de concurrence :</p>
<blockquote>
<p>« Elles sont devenues tellement grandes et puissantes qu’il est désormais très difficile de les concurrencer. Facebook, par exemple, a su forcer WhatsApp et Instagram à vendre par peur. »</p>
</blockquote>
<p>Les GAFAM sont ainsi perçues de manière ambivalente par les collaborateurs des licornes européennes. Beaucoup attendent de l’Europe qu’elle intervienne afin de mieux cadrer cette relation.</p>
<hr>
<p><em>Marine Sabathe a également contribué à la collecte des données d’entretiens.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216552/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Pour les salariés des licornes européennes, les Gafam semblent autant des prédateurs dont il faut se méfier que des alliés pouvant les propulser vers le haut.Kaouther Ben Jemaa Boubaya, Enseignant Chercheur en stratégie, EDC Paris Business SchoolRhita Sabri, Enseignante chercheuse à l'ENCG - Kénitra , Université Ibn Tofail.Vesselina Tossan, maître de conférences HDR en sciences de gestion , Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2129272023-09-06T17:29:21Z2023-09-06T17:29:21ZConcilier ambition climatique et concurrence mondiale : quel rôle pour le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ?<p>Que des entreprises fortement émettrices de gaz à effet de serre choisissent de <a href="https://theconversation.com/topics/delocalisation-34291">produire hors</a> de l’<a href="https://theconversation.com/topics/union-europeenne-ue-20281">Union européenne (UE)</a> pour contourner ses <a href="https://theconversation.com/topics/environnement-21017">normes environnementales</a>, tel est le phénomène que veut endiguer un <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=OJ:L:2023:130:FULL">règlement européen</a> paru en mai 2023. Face à ces « fuites de carbone » est établi un <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/mecanisme-dajustement-carbone-aux-frontieres-macf">Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières</a> (MACF) afin de renforcer les ambitions des 27 en matière de transition verte.</p>
<p>Il a vocation à compléter l’EU-ETS (pour <em>European Union Emission Trading System</em>) qui constitue la clé de voute de la politique climatique de l’UE. Est fixé un plafond annuel global d’émissions pour l’ensemble des entreprises, qui bénéficient, elles, de droits à polluer ou « quotas ». À chaque tonne de carbone émise, elles doivent rendre un quota. Ce mécanisme, en effet, présente certaines limites qui s’accentuent dans un contexte où le <a href="https://theconversation.com/topics/marche-du-carbone-23006">prix du carbone</a> croît fortement en Europe.</p>
<h2>Un prix du carbone en pointe au sein de l’UE</h2>
<p>Les quotas étaient initialement distribués gratuitement aux entreprises sur une base historique, puis l’ont été plus récemment selon des critères de performance. Aujourd’hui l’allocation par mise aux enchères est privilégiée. L’idée est que chaque unité de carbone émise ait un prix. Aux enchères il est fixé immédiatement. Cela fonctionne également pour une allocation gratuite car un prix apparaît sur le marché secondaire : si une entreprise émet plus que ce qu’elle a reçu en quotas, elle peut en acquérir auprès d’autres entreprises, qui, en émettant moins, peuvent, elles, revendre un excédent.</p>
<p>La tarification n’est, certes pas homogène au sein de l’Union car chaque pays membre peut compléter le dispositif. C’est le cas en France avec la <a href="https://www.connaissancedesenergies.org/questions-et-reponses-energies/quel-est-le-montant-de-la-taxe-carbone-en-france#:%7E:text=Le%20montant%20de%20la%20%C2%AB%20taxe%20carbone%20%C2%BB,des%20%C3%89nergies%29%20derni%C3%A8re%20modification%20le%2015%20novembre%202019">Contribution Climat Énergie</a> introduite en 2014 et parfois qualifiée de « taxe carbone ». Il n’en reste pas moins que la tarification <em>via</em> l’EU-ETS est la composante majeure et commune du signal prix du carbone pour les pays de l’UE.</p>
<p>Or, ce dernier s’avère bien plus élevé au sein des pays de l’UE qu’en dehors, hormis peut-être au Royaume-Uni avec lequel néanmoins l’écart de prix se creuse.</p>
<p><iframe id="9M9BQ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/9M9BQ/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Sur le marché national chinois par exemple, en 2023, le prix stagne à environ 7€ la tonne là où il avoisine les 85€ en Europe. Un certain nombre de mesures ou d’annonces de la Commission européenne (<em>Market Stability Reserve</em>, <em>Green Deal</em>) explique une forte hausse de prix depuis quatre ans.</p>
<p><iframe id="gciCR" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/gciCR/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="iS7TG" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/iS7TG/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cette hausse n’est pas sans soulever des défis majeurs. En effet, si les 27 vivaient en autarcie, l’accroissement de coût serait commun à toutes les entreprises et serait répercuté en aval sur leurs clients. C’est ce qu’on appelle le « pass through » du coût du carbone. La répercussion tout au long d’une chaîne de valeur, en cumulant les émissions directes et indirectes de chaque maillon, transmet le signal prix au consommateur final et l’incite à changer de comportement.</p>
<p>Dans une économie ouverte néanmoins, il est à craindre que ce <em>pass through</em> ne soit pas fonctionnel, car tout client en aval a la possibilité de se reporter sur des produits importés et donc non soumis à un prix du carbone.</p>
<h2>Des raisons de s’inquiéter</h2>
<p>La menace de délocalisation ou de substitution par des importations pèse ainsi sur les industries concernées par le dispositif. Outre la perte d’activité préjudiciable pour l’UE, le bilan environnemental ne serait pas positif avec des émissions qui ne seraient que déplacées, souvent vers des pays dont l’industrie est plus polluante.</p>
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<p>Il apparaît alors crucial de rétablir les conditions d’une concurrence « juste » entre entreprises de l’UE et hors UE. C’est ce que vise le MACF : pour tout produit importé relevant de secteurs couverts par l’EU-ETS, ce mécanisme impose que chaque tonne de carbone émise fasse l’objet de l’achat d’un certificat à un prix fixé à la moyenne hebdomadaire du prix d’un quota sur l’EU-ETS. La mise en place du MACF se fera progressivement, le temps que les partenaires commerciaux établissent la comptabilité carbone de leurs produits. Le signal prix du carbone sur les importations sera ainsi ajusté à celui envoyé aux entreprises de l’UE, rétablissant les possibilités de <em>pass through</em> et l’efficacité de l’EU-ETS.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/546654/original/file-20230906-19-rq5er9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/546654/original/file-20230906-19-rq5er9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546654/original/file-20230906-19-rq5er9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546654/original/file-20230906-19-rq5er9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546654/original/file-20230906-19-rq5er9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546654/original/file-20230906-19-rq5er9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546654/original/file-20230906-19-rq5er9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546654/original/file-20230906-19-rq5er9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une mise en place progressive du MACF.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Tout cela présuppose l’existence de fuites de carbone. Pourtant, des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/joes.12356">études empiriques</a> mettent en doute la réalité de ces fuites. Certains <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0140988320302231">travaux</a> montrent même que les industries européennes ont pratiqué un <em>pass through</em> élevé du coût du carbone. Ces recherches se fondent néanmoins sur des données antérieures à la forte remontée du prix du carbone.</p>
<p>Si l’on n’observe pas de fuites de carbone par le passé, ce pourrait être aussi parce que les firmes se sont adaptées en différenciant leur produit. L’existence d’un commerce intrabranche, c’est-à-dire l’échange de produits similaires, ne s’explique qu’en admettant que la concurrence soit imparfaite. Dans cette situation, les entreprises bénéficient d’un pouvoir de marché, qui permet de pratiquer des prix supérieurs à celui que l’on observe théoriquement en situation de concurrence parfaite (leur coût marginal). Ce pouvoir peut provenir d’une différenciation des produits. Cela conditionne le degré de substituabilité avec les produits concurrents, donc les fuites de carbone, mais également la capacité à pratiquer le <em>pass through</em>.</p>
<p>Les gains de pouvoir de marché s’érodent néanmoins et les clients arbitrent plus facilement en faveur de substituts, même imparfaits, quand le prix pratiqué s’élève. Ce phénomène fait référence au « <a href="https://www2.deloitte.com/content/dam/Deloitte/fr/Documents/financial-advisory/economicadvisory/Deloitte_%20Le%20concept%20d%20elasticite%20de%20la%20demande%20en%20economie%20de%20la%20concurrence.pdf#page=3"><em>paradoxe du cellophane</em></a> » (comme l’entreprise Dupont de Nemours en 1956, on peut être en monopole sur le marché du cellophane sans pour autant pouvoir accroître son pouvoir de marché car les consommateurs peuvent y voir un équivalent dans d’autres types d’emballages) et suggère que le <em>pass through</em> devient plus difficile quand le coût du carbone augmente. En ce sens, l’UE a raison de s’inquiéter de fuites de carbone à venir si elle ambitionne de maintenir un signal prix du carbone élevé.</p>
<h2>Vers un déplacement des émissions sur les chaînes de valeur ?</h2>
<p>Même avec le MACF, il reste toutefois possible d’éviter le <em>pass through</em> en important des substituts en aval des secteurs couverts par l’EU-ETS. Le MACF ne ferait alors que déplacer les fuites de carbone de l’amont à l’aval des chaînes de valeur, sauf à l’étendre à ces secteurs aval. C’est peut-être à ce dessein que le considérant 67 du règlement stipule d’étendre le dispositif aux « produits en aval qui contiennent une part importante d’au moins une des marchandises relevant du champ d’application du présent règlement ».</p>
<p>À quel prix néanmoins tarifer le contenu carbone de ces importations ? Le coût carbone pour les entreprises de l’UE dépend du degré de <em>pass through</em>, du degré avec lequel tout cela repose sur le consommateur. Or il ne s’observe pas : au mieux il s’estime avec une marge d’erreur, qui est d’autant plus grande que la chaîne de valeur s’allonge. Cette difficulté reste cependant réduite sur le périmètre actuel du MACF, cantonné à l’amont des chaînes de valeur où les émissions indirectes sont souvent limitées à celles de la consommation de <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/abs/10.1086/688486">l’électricité, dont le coût est relativement bien documenté</a>.</p>
<p>Pour éviter cet écueil, une norme sur l’empreinte carbone peut être mise en place. Ainsi, le <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CONSIL:PE_2_2023_INIT">nouveau règlement relatif aux batteries et aux déchets de batteries</a> prévoit-il à son considérant 27 des seuils maximaux d’empreinte carbone pour la commercialisation, écartant de facto la concurrence d’importations intensives en carbone.</p>
<p>Encore faut-il sélectionner les produits soumis à une telle norme sur des bases objectives et que la norme ne soit pas instrumentalisée. La définition des <a href="https://climate.ec.europa.eu/system/files/2018-03/disaggregated_framework_outline_en.pdf">secteurs « à risque de fuite de carbone » utilisée par la Commission européenne</a> peut servir d’exemple sur le premier point. Quant au second, le calcul de <em>benchmark</em> sur la base des 10 % d’entreprises européennes les plus performantes comme le prévoit le <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32018L0410">considérant 11 de la directive européenne pour l’allocation gratuite de quotas sur l’EU-ETS</a> pourrait constituer une piste à suivre.</p>
<hr>
<p><em>La Chaire Économie du Climat de l’université Paris Dauphine-PSL organise, en partenariat avec l’École d’Économie de Toulouse et le Muséum national d’histoire naturelle, la 24<sup>e</sup> Conférence mondiale sur la fiscalité environnementale mondiale (<a href="https://www.gcet24.fr/">24th Global Conference on Environmental Taxation</a>), qui se déroule du 6 au 8 septembre 2023 et qui a pour thème « Climat et biodiversité : une empreinte écologique mondiale » (Climate and Biodiversity : Tackling Global Footprints)</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212927/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>La thèse d'Aliénor Cameron est financée par l'ADEME et la Chaire Economie du Climat. Elle a aussi effectué une visite de recherche de 5 mois à la Commission Européenne en 2023.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anna Creti et Marc Baudry ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières peut-il faire en sorte que les entreprises ne choisissent pas d’aller polluer ailleurs qu’en Europe où le prix du carbone est en forte hausse ?Anna Creti, Professeur, Directrice de la Chaire Economie du Climat, Université Paris Dauphine – PSLAliénor Cameron, Doctorante en économie à la Chaire Economie du Climat et EconomiX, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresMarc Baudry, Professeur des Universités en Sciences Economiques, Responsable du pôle "tarification du CO2 et innovation bas carbone" à la Chaire Economie du Climat, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2122012023-08-24T16:51:55Z2023-08-24T16:51:55ZLes scénaristes hollywoodiens peuvent-ils terrasser les géants du streaming ?<p>Le 16 août dernier, la Writers Guild of America West (WGA), déjà en grève depuis plus de 100 jours contre les pratiques des studios de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cinema-20770">cinéma</a>, a publié un « antitrust report » à travers lequel le syndicat des scénaristes hollywoodiens urgent les autorités américaines de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/concurrence-22277">concurrence</a> d’intervenir contre les acteurs du streaming que l’association accuse d’abus de position dominante.</p>
<p>Plus précisément, la WGA ne vise pas tous les acteurs du streaming, mais trois entreprises en particulier qui, à elles seules, contrôlent <a href="https://www.statista.com/statistics/496011/usa-svod-to-tv-streaming-usage/">quatre plates-formes dominantes</a> aux États-Unis : <a href="https://theconversation.com/fr/topics/netflix-53737">Netflix</a>, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/amazon-40118">Amazon</a> (Amazon Prime Video) et The Walt <a href="https://theconversation.com/fr/topics/disney-21590">Disney</a> Company (Disney+ et Hulu).</p>
<p>Selon la WGA, la domination de ces trois entreprises sur les maillons les plus essentiels de la chaîne de valeur – production, distribution, marché de l’emploi – en ferait des « gatekeepers » de fait, c’est-à-dire qu’<a href="https://www.causeur.fr/demanteler-les-gafa-google-facebook-amazon-julien-pillot-inseec-165407">à l’instar des GAFAM</a>, ces entreprises seraient en capacité d’imposer les conditions techniques et tarifaires d’accès à ces marchés.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1692220981413388520"}"></div></p>
<p>Le problème serait, toujours selon l’association, de deux ordres. D’une part, ces conditions d’accès seraient défavorables aux intérêts du consommateur et des travailleurs du secteur, au premier rang desquels figurent bien entendu les scénaristes. D’autre part, passée la phase d’euphorie où chaque acteur majeur de l’industrie de l’entertainment s’est imaginé lancer sa propre plate-forme de streaming, le secteur entre dans une phase particulièrement <a href="https://www.forbes.com/sites/bradadgate/2021/12/17/as-svod-subscriptions-slows-industry-consolidation-is-looming/">agressive de consolidation</a> qui, outre de réduire la liberté de choix des consommateurs autant que les débouchés pour les travailleurs et studios indépendants, déséquilibre sérieusement les rapports de force dans l’industrie.</p>
<p>Si des différences stratégiques existent, notamment quant à leur positionnement, les trois entreprises ont en effet en commun de mener une <a href="https://www.ladn.eu/nouvelle-economie/netflix-decryptage-modele-economique/">intégration verticale</a> à différents niveaux. Toutes sont des producteurs – éditeurs – distributeurs qui ont tendance à se réserver leurs productions en exclusivité, et à acquérir un maximum de licences culturelles fortes pour densifier une offre propriétaire (à l’image des <a href="https://theconversation.com/podcast-disney-fox-85-milliards-uniquement-pour-tuer-netflix-109111">rachats de Star Wars, Marvel ou Indiana Jones par Disney</a>, ou de James Bond et Le Seigneur des Anneaux par Amazon). Amazon, qui dispose en plus d’une position dominante sur le segment hautement stratégique des équipements OTT avec son Amazon Fire TV (position qu’il partage avec Roku, avec 36 % de part de marché chacun aux États-Unis), a poussé encore plus loin son intégration verticale, et en ferait bénéficier sa plate-forme vidéo au détriment des offres concurrentes.</p>
<h2>Des abonnements de plus en plus chers</h2>
<p>Cette consolidation est la fois la résultante de stratégies « en silo » qui visent à gagner et retenir des abonnés via des contenus majoritairement exclusifs, mais aussi la volonté des marchés financiers en quête de performance. La consolidation est susceptible d’assécher suffisamment la concurrence pour permettre des augmentations de prix, mais aussi l’abaissement des coûts en réduisant les volumes de production ou le besoin en créativité (l’offre de films de Disney a diminué de 65 % en 2017). Autre facteur d’économies : en réduisant le nombre de débouchés possibles pour les parties prenantes de l’écosystème créatif, employés et studios et scénaristes indépendants en tête, les plates-formes de streaming sont en position de force pour négocier salaires, royalties et droits à leur avantage.</p>
<p>C’est en substance ce que nous raconte la WGA à travers son rapport. Dans un marché qui se consolide, les acteurs qui survivent finissent par avoir un tel pouvoir de marché qu’ils peuvent imposer leurs conditions à tout l’écosystème, notamment dans une optique de réduction drastique des coûts, et d’augmentation tendancielle des prix.</p>
<p><iframe id="3KfUS" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/3KfUS/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En réalité, la financiarisation de la stratégie, dans cette industrie hautement compétitive et extrêmement intensive en capital, a créé son propre paradoxe. En effet, pour alimenter une telle stratégie, il faut mettre la main sur des capacités de production et des licences très onéreuses. Ces acquisitions, dans un contexte d’enchères entre compétiteurs suivant la même stratégie, a fini par endetter de façon massive les conglomérats. À l’image de The Walt Disney Company qui a <a href="https://edition.cnn.com/2023/02/07/investing/disney-earnings-bob-iger-preview/index.html">beaucoup de mal à digérer sa fusion avec la Fox</a>.</p>
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<p>Or, cet endettement, à plus forte raison que les potentiels de croissance de l’industrie se tarissent et que la concurrence entre géants s’installe, rend impérieux la recherche rapide de cash, les coupes massives dans les coûts et l’augmentation des prix en étant la résultante. Mais pour gagner suffisamment de pouvoir de marché pour parvenir à résoudre cette équation, il convient d’aller encore plus loin dans la consolidation et chercher de nouvelles proies.</p>
<p>Jusqu’au jour où ce jeu devient même trop intensif en capital pour ceux qui l’ont initié. <a href="https://www.dailymail.co.uk/sciencetech/article-12413239/Get-ready-iMarvel-iStar-Wars-iPixar-Apple-interested-buying-Disney-according-insiders-deal-worth-160-BILLION.html">Apple serait ainsi en embuscade pour profiter d’une potentielle défaillance de Disney ou Netflix</a>. Dans ce contexte, combien de temps des entreprises telles que Paramount, Warner Bros Discovery ou Sony Pictures, acteurs majeurs de leur industrie, mais devenues des petits poissons dans ce capitalisme ultra-financiarisé, pourront-elles encore demeurer « indépendantes » ?</p>
<h2>Un précédent dans les années 1970</h2>
<p>Avec ce rapport, les scénaristes jugent en conséquence incontournable de renforcer la régulation sur le marché du streaming. L’idée est non seulement de limiter la capacité des trois géants à augmenter encore leur pouvoir de marché, mais également de restreindre également leur capacité à en (ab)user.</p>
<p>Quant à savoir si cela peut aboutir, il ne nous revient pas de dire le droit en lieu et place d’un juge à la concurrence. Néanmoins, trois éléments semblent favorables à la WGA dans cette affaire. Le premier, c’est un <a href="https://www.latribune.fr/technos-medias/loi-antitrust-l-administration-biden-apporte-un-soutien-crucial-pour-contrer-le-monopole-des-gafam-907337.html">retour au premier plan de l’antitrust aux États-Unis</a>, sous l’impulsion de l’administration Biden.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Homme regardant la télévision" src="https://images.theconversation.com/files/544522/original/file-20230824-17-k1ihmw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/544522/original/file-20230824-17-k1ihmw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/544522/original/file-20230824-17-k1ihmw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/544522/original/file-20230824-17-k1ihmw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/544522/original/file-20230824-17-k1ihmw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/544522/original/file-20230824-17-k1ihmw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/544522/original/file-20230824-17-k1ihmw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les géants du streaming se sont imposés au prix d’une stratégie particulièrement coûteuse.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pxfuel.com/en/free-photo-qjgun">Pxfuel</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Le deuxième concerne les signaux renvoyés par le marché. La capacité des acteurs à augmenter régulièrement les prix sans avoir à déplorer une fuite massive d’abonnés semble dessiner les contours d’une industrie où les clients sont relativement captifs. D’ailleurs, les stratégies en silo rendent les trois géants du streaming davantage complémentaires que concurrents : bien des ménages sont multiabonnés de façon à avoir accès à des contenus présents exclusivement sur l’une ou l’autre des plates-formes.</p>
<p>Enfin, le troisième élément favorable réside dans le fait qu’un précédent existe dans cette industrie. Dans les années 1970, la TV américaine était alors contrôlée par trois majors verticalement intégrées sur la production et la distribution : NBC, ABC et CBS. La Federal Communication Commission était alors intervenue à travers le règlement <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Financial_Interest_and_Syndication_Rules">Financial Interest and Syndication Rules</a> (Fin-Syn) pour limiter drastiquement le pouvoir de marché des trois leaders. La concurrence qui a pu se mettre en place, à la fois sur le segment de la production, mais aussi sur celui de la distribution TV et câble, avait permis l’émergence de nombreux acteurs et contenus diversifiés dont ont pu bénéficier les consommateurs et les travailleurs de cette industrie.</p>
<p>Bien que ce règlement a pu être suspendu en 1993, le secteur est demeuré depuis sous l’étroite surveillance des autorités de régulation et antitrust. Il est d’ailleurs étrange de constater qu’au titre de la <a href="https://www.fcc.gov/document/amendment-section-73658g-commissions-rules-dual-network">« dual network rule »</a>, un groupe comme Disney n’est pas autorisé à posséder deux parmi les quatre principaux réseaux TV (c’est à ce titre qu’il a dû renoncer à récupérer celui de Fox lors de la fusion de 2019), mais que rien d’analogue ne soit prévu sur le marché du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/streaming-52254">streaming</a>, devenu pourtant incontournable. Quoi qu’il en soi, les deux situations présentent de troublantes similitudes. Reste à savoir si les mêmes causes produiront les mêmes effets.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212201/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Pillot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Plusieurs éléments plaident la cause la Writers Guild of America, en grève depuis plusieurs mois, qui dénonce l’abus de position dominante de Netflix, Amazon et Disney sur le marché du streaming.Julien Pillot, Enseignant-Chercheur en Economie (Inseec) / Pr. associé (U. Paris Saclay) / Chercheur associé (CNRS), INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2104242023-07-26T18:18:55Z2023-07-26T18:18:55ZTwitter devient « X » : un sabordage pour mieux relancer le réseau social ?<p>Depuis le début de la semaine, l’iconique oiseau bleu de <a href="https://theconversation.com/topics/twitter-22707">Twitter</a> s’en est allé. Place désormais à un « X » dont l’une des diagonales est constituée d’un parallélogramme non rempli. Un énième caprice d’<a href="https://theconversation.com/topics/elon-musk-30803">Elon Musk</a>, fantasque propriétaire du <a href="https://theconversation.com/topics/reseaux-sociaux-20567">réseau social</a> qui s’était déjà permis quelques heures durant de remplacer le logo de la plate-forme par un chien, emblème d’une cryptomonnaie dont il était accusé de manipuler le cours ?</p>
<p>Dans l’opération, de nombreux éléments donnent une impression d’impréparation, voire de <a href="https://www.20minutes.fr/high-tech/by-the-web/4046759-20230725-metamorphose-twitter-x-nouveau-changement-bacle-elon-musk">bâclé</a>, à commencer par ces ouvriers qui avaient pour mission de <a href="https://twitter.com/waynesutton/status/1683563753898668032">changer le logo</a> sur la façade du siège, interrompus par la police réclamant les autorisations administratives, ou le fait que Microsoft et Meta aient <a href="https://www.businessinsider.com/meta-holds-rights-to-x-twitter-rebrand-elon-musk-2023-7?r=US&IR=T">déjà déposé un logo en « X »</a>. Cependant, au-delà de ce qui relève d’anecdotes qui prêtent à sourire, de considérations juridiques ou de tout ce que le personnage d’Elon Musk présente de farfelu, on retrouve bien dans ce changement de nom des considérations hautement stratégiques.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1683378289031761920"}"></div></p>
<p>Des marques ou des entreprises qui changent de nom est plus courant qu’on ne le pense : les barres chocolatées Raider renommées « Twix » au début des années 1990, GDF Suez devenu Engie, Covoiturage.fr rebaptisé BlaBlaCar, France Télécom en Orange, etc. Mais, quand il s’agit d’enterrer une marque comme Twitter, dont le nom est même devenu un verbe appartenant au langage courant, un puissant ancrage dont beaucoup de firmes rêveraient, nous sommes face à une opération nettement plus rare – voire inédite. Indéniablement, il s’agit d’une preuve supplémentaire qu’Elon Musk n’a pas acheté le réseau social en octobre 2022 pour ce que l’oiseau bleu était, mais bien pour ce qu’il pourrait devenir.</p>
<p>En effet, si d’aucuns se focalisent sur un maelström de faits parasites (dont Elon Musk est, il est vrai, coutumier), propres à donner l’impression que le réseau social est devenu un bateau ivre, une analyse plus approfondie laisse à penser que ce n’est sans doute pas tout à fait le cas.</p>
<h2>Diversifier… au risque de détruire ?</h2>
<p>Dès le départ, Elon Musk a fait part de son intention de faire de Twitter « the everything app », à l’instar du « the everything store » qu’est Amazon. Jeff Bezos, le fondateur du géant du e-commerce, souhaitait que chaque objet que l’on peut imaginer consommer soit disponible sur sa plate-forme, ce qui s’est fait par étape avec, dans un premier temps, une activité centrée sur la vente de livres.</p>
<p>Twitter, depuis son lancement, n’a d’autre utilité que de faire du microblogging. Son nouveau propriétaire semble désormais vouloir diversifier suffisamment sa plate-forme pour que le service originel ne soit à terme qu’un élément parmi une galaxie de services centralisés sur une même application. Le modèle dont il s’inspire est celui de WeChat (développé par le géant Tencent), dont il est aujourd’hui bien difficile de se passer en Chine. Messagerie, microblogging mais aussi géolocalisation, marketplace, moyens de paiement… tout cela est disponible sur cette plate-forme dont le nombre d’utilisateurs quotidiens est estimé à plus de 1,67 milliard.</p>
<p>Racheter Twitter, c’était acquérir un levier d’<a href="https://blog.digimind.com/fr/tendances/twitter-chiffres-essentiels-france-monde-2020">environ de 300 millions d’utilisateurs</a>, aux profils plutôt <a href="https://etudiant.lefigaro.fr/les-news/actu/detail/article/les-utilisateurs-de-twitter-plus-jeunes-et-diplomes-que-les-autres-16581/">qualifiés</a>, pour les amener vers autre chose. Plutôt que de partir de zéro, il était plus simple de construire le projet global à partir d’une application solidement installée autour de laquelle greffer d’autres services monétisables.</p>
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<p>Il s’agissait notamment de répondre à une faiblesse structurelle de Twitter très tôt identifiée par Elon Musk : l’extrême dépendance des revenus aux annonceurs publicitaires (pour près de <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/de-plus-en-plus-d-annonceurs-desertent-twitter-20221104">90 %</a>). Ce modèle conduisait l’entreprise à pâtir fortement des périodes de ralentissement de l’économie mondiale, comme c’est le cas actuellement. Dans ces phases, de nombreuses entreprises rognent en effet les budgets communication car ils sont parmi les plus faciles à réduire.</p>
<p>Avec la <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2023/04/03/twitter-met-fin-au-chaos-de-son-systeme-de-comptes-verifies_6168069_4408996.html">fin des comptes certifiés gratuits</a> en avril 2023, une première étape a été franchie en la matière. Amener les utilisateurs les plus assidus à payer, en leur réservant les fonctionnalités les plus avancées (dépassement du nombre de caractères, édition de tweets, priorisation des tweets par l’algorithme, etc.), c’est appliquer à Twitter un modèle de monétisation de type freemium/premium parmi les plus répandus dans les jeux vidéo ou les services numériques. Un modèle qui a fait ses preuves et participe à cette logique de diversification des sources de revenus.</p>
<p>Elon Musk n’en reste pas aux utilisateurs lambda. Son objectif est de monétiser encore davantage les entités qui utilisent la plate-forme de manière intensive. L’annonce de la monétisation des fonctionnalités « pro » (notamment Tweetdeck) et de la limitation du nombre de tweets pouvant être émis ou consultés quotidiennement vise, en réalité, à capter une partie de la valeur générée par deux types d’acteurs.</p>
<p>D’un côté, les « agences d’influence », qui mobilisent la formidable caisse de résonance qu’est Twitter pour relayer, via des armées de bots, des campagnes massives aux objectifs qui vont du pur militantisme, à la désinformation, en passant par divers combats idéologiques et autres ingérences économiques ou politiques. De l’autre, les entreprises d’intelligence artificielle, qui puisent sur ce réseau ouvert images et textes pour entraîner leurs algorithmes… à des fins de monétisation future. Les mettre à contribution, revient a minima à capter une partie de la valeur générée par ces entreprises, et à se donner une chance d’entraver suffisamment leur développement pour opérer un éventuel rattrapage.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1683053326097588224"}"></div></p>
<p>Au-delà de ces pures considérations économiques, pour créer une nouvelle super-application à partir de Twitter, deux options semblaient ouvertes en matière d’identité.</p>
<p>La première : garder un même nom et l’enrichir de nouveaux usages, quitte à ce que le réseau dans dix ans n’ait plus grand-chose à voir avec l’objet d’origine. La seconde : casser l’image historique et aller au bout de l’entreprise de destruction de Twitter, pour mieux reconstruire sur ses cendres.</p>
<p>Pablo Picasso disait bien :</p>
<blockquote>
<p>« Tout acte de création est d’abord un acte de destruction. »</p>
</blockquote>
<p>Néanmoins, pour comprendre la voie empruntée par Elon Musk, la littérature de science-fiction – dont il est friand – semble plus appropriée que la peinture. Sa passion dévorante pour ce genre narratif n’est probablement pas étrangère à la fascination qu’il semble avoir pour la lettre « X », ou plus précisément, pour l’imaginaire auquel elle renvoie, à la fois mystérieuse lorsqu’elle est mise en équation, mais véhiculant aussi modernité et puissance. C’est elle qui a ainsi vocation à unir les différentes pièces de son groupe ; on la retrouve déjà dans la Tesla X ou dans SpaceX.</p>
<h2>Threads, un véritable concurrent pour Twitter ?</h2>
<p>Qu’augurer pour l’avenir du projet d’Elon Musk, dont les manières de faire sont parfois déstabilisantes et bien souvent imprévisibles ? Il faut ici bien distinguer ce qui relève des utilisateurs de Twitter de ce qui concerne les annonceurs.</p>
<p>Côté utilisateurs, on s’interroge notamment sur l’émergence en parallèle de Threads, nouveau réseau mis en ligne par Meta aux fonctionnalités complémentaires avec celles d’Instagram. Il enregistrait déjà <a href="https://www.bfmtv.com/tech/actualites/reseaux-sociaux/threads-depasse-les-100-millions-d-utilisateurs-moins-d-une-semaine-apres-son-lancement_AD-202307100333.html">100 millions d’utilisateurs</a> une semaine après son lancement le 5 juillet. Sera-t-il véritablement un concurrent pour Twitter ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1683857105810341890"}"></div></p>
<p>Il est d’autant plus délicat de répondre à cette question qu’on ne peut présumer des véritables intentions stratégiques du groupe de Mark Zuckerberg avec ce nouveau réseau. Son lancement tombe, cependant, à point nommé, à l’heure où Twitter, en pleine reconfiguration, a un genou à terre. Deux hypothèses sont envisageables.</p>
<p>La première : Meta lance un concurrent pour récupérer tout ou partie du marché, affaiblissant, marginalisant, voire portant l’estocade au rival blessé. De fait, quand Elon Musk s’est mis à faire des choses assez discutables sur le fond comme sur la forme avec Twitter, beaucoup d’utilisateurs ont annoncé leur intention de fuir un réseau où disparaissait toute forme de modération et où des profils plus que controversés étaient de nouveau les bienvenus. On présentait hier Mastodon comme le prochain leader pour ces raisons, Threads aujourd’hui.</p>
<p>Quitter Twitter n’est cependant pas chose aisée. Pour retrouver l’intérêt de l’usage de Twitter sur une autre plate-forme, il s’agit de casser les « effets de réseau » sur lesquels capitalise la plate-forme déjà installée : en tant qu’utilisateur, l’utilité retirée d’un réseau dépend du nombre de personnes qui y sont inscrites et actives, à plus forte raison quand ces individus ont des centres d’intérêt proches. Selon cette logique, si je retrouve les mêmes fonctionnalités ailleurs mais pas la même profondeur et qualité de communauté, je vais subir une désutilité relative. Je ne suis donc pas incité à migrer d’une plate-forme à l’autre.</p>
<p>Pour tuer Twitter, il faudrait donc présenter une innovation susceptible de générer en très peu de temps une migration massive d’utilisateurs et, mieux encore, d’utilisateurs influents… Même si le nouveau réseau a su, pour l’instant, séduire des personnalités aussi diverses que la chanteuse Shakira, l’ancien joueur de basket-ball Shaquille O’Neal ou le gouverneur de Californie Gavin Newson, aucun des trois n’a cessé son activité sur Twitter. Et pour cause : Twitter reste un lieu d’influence incontournable où se côtoient quotidiennement intellectuels, politiques, journalistes, décideurs et autres personnalités du show-business. Autrement dit, le taux marginal de substitution entre les deux services ne semble pas (pour l’heure) très élevé.</p>
<p>Autre hypothèse, Meta ne s’intéresse qu’à lui-même et cherche à développer son modèle d’affaires. L’idée serait alors d’amener les utilisateurs d’Instagram à s’exprimer plus qu’ils ne le font en ajoutant des interactions textuelles à l’image et à la vidéo, données hautement monétisables. Dans cette optique, obtenir en quelques jours une centaine de millions d’utilisateurs constitue déjà un succès, et faire venir des utilisateurs de Twitter ne serait alors qu’un gain collatéral.</p>
<h2>Difficile de faire table rase</h2>
<p>Côté annonceurs, l’histoire n’est pas tout à fait la même : il n’existe pas que Twitter pour faire de la publicité digitale. Certes, tous les autres supports numériques n’ont pas nécessairement le profil d’audience de ce réseau ; il n’en demeure pas moins qu’une firme qui juge les services de Twitter insuffisamment efficaces ou qui, de près ou de loin, ne voudrait pas être associée à Elon Musk, peut arrêter sa collaboration avec le réseau social.</p>
<p>C’est aussi pour cela, outre les éléments de conjoncture susmentionnés, que Twitter a perdu <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/de-plus-en-plus-d-annonceurs-desertent-twitter-20221104">plus de la moitié de ses annonceurs</a> depuis son rachat par Elon Musk. Pire encore : 60 % des plus gros annonceurs mondiaux lui auraient tourné le dos, à l’instar de General Motors ou Pfizer. Beaucoup ne voulaient pas prendre le risque de voir une publicité pour leur firme se trouver entre deux tweets non modérés, racistes, obscènes, sexistes ou complotistes. Ou quand le projet de Musk en faveur de la « libération de la liberté d’expression » se heurte au pragmatisme des entreprises.</p>
<p>Un tel fiasco suggère peut-être qu’Elon Musk, dans sa volonté de transformation, a pu quelque peu se précipiter. Or, tout Elon Musk qu’il est, il a des comptes à rendre. De puissants investisseurs restent extrêmement concernés par la santé de ses entreprises et la survie de l’écosystème Musk. Lorsqu’il a commencé à chambouler de manière discutable la politique générale de Twitter, des cours de bourse, et notamment celui de <a href="https://www.tradingsat.com/tesla-inc-US88160R1014/actualites/tesla-inc-victime-collaterale-des-derives-de-musk-avec-twitter-tesla-n-en-finit-plus-de-chuter-en-bourse-1049499.html">Tesla</a>, ont accusé le coup. Suffisamment pour tirer la sonnette d’alarme et opérer de nouveaux changements drastiques.</p>
<p>La nomination, le 12 mai 2023, de <a href="https://www.20minutes.fr/medias/4036774-20230513-linda-yaccarino-choisie-elon-musk-diriger-twitter">Linda Yaccarino</a> comme directrice générale de Twitter n’a ainsi rien d’anodin, elle qui a fait l’essentiel de sa carrière en charge de la publicité chez NBCUniversal. Après avoir voulu réduire la dépendance du réseau social à la publicité, après avoir voulu monétiser les utilisateurs, Elon Musk place à la tête de l’entreprise une des figures américaines les plus connues dans l’univers des annonceurs.</p>
<p>Un rétropédalage qui vise, certes, à inciter les annonceurs à de nouveau faire confiance à la plate-forme. Mais un rétropédalage qui rappelle également qu’une transformation stratégique reste une entreprise extrêmement risquée, de surcroît fortement consommatrice en ressources. Les revenus que tire Twitter de la publicité sont certes dérisoires au regard de l’empire financier que constitue l’écosystème Musk, mais apparaissent essentiels pour rassurer les marchés et pour alimenter les nombreux développements engagés et à venir de X.com. En stratégie comme dans la vie, les meilleures choses nécessitent souvent beaucoup de patience.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210424/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Pillot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La changement de nom s’inscrit dans une stratégie qui vise notamment à monétiser davantage les contenus et à endiguer la fuite d’annonceurs échaudés par les débuts d’Elon Musk à la tête de Twitter.Julien Pillot, Enseignant-Chercheur en Economie (Inseec) / Pr. associé (U. Paris Saclay) / Chercheur associé (CNRS), INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2100052023-07-24T18:35:22Z2023-07-24T18:35:22ZBatteries : l’UE cherche l’équilibre entre ouverture aux marchés et souveraineté technologique<p>Quelques jours avant le décès, survenu le 25 juin, de <a href="https://www.theguardian.com/science/2023/jun/26/john-goodenough-lithium-ion-battery-developer-nobel-winner-dead-age-100">John Goodenough</a>, âgé de 100 ans, inventeur des batteries lithium-ion, la Cour des comptes européenne publiait un <a href="https://www.eca.europa.eu/en/news/NEWS-SR-2023-15">rapport alarmant</a> : « Europe is in danger of losing the battery race » (« l’Europe risque de perdre la course aux batteries »).</p>
<p>Les efforts de la Commission européenne pour favoriser la naissance d’une chaîne de valeur européenne des batteries, à la hauteur de 8 milliards de fonds publics, y sont certes loués. Les auteurs préviennent cependant qu’il est probablement trop tard pour résister à la concurrence chinoise.</p>
<p>Si les batteries présentent une telle importance, c’est qu’elles sont nécessaires pour faire fonctionner les véhicules électriques. En Europe, celles-ci ont vocation à remplacer les voitures à combustion interne, dont la <a href="https://fr.euronews.com/my-europe/2023/03/27/automobile-les-27-ont-approuve-la-fin-des-moteurs-thermiques-apres-la-levee-du-blocage-all">vente cessera en 2035</a>. Chargées avec de l’électricité produite à partir de sources à faibles émission de CO<sub>2</sub> (renouvelables et nucléaire), elles doivent permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1670849487156260864"}"></div></p>
<p>Pourquoi vouloir les fabriquer en France ou en Europe ? On pourrait les acheter aux grands fabricants d’Asie, et notamment de Chine, où se concentrent aujourd’hui les <a href="https://iea.blob.core.windows.net/assets/4eb8c252-76b1-4710-8f5e-867e751c8dda/GlobalSupplyChainsofEVBatteries.pdf">trois quarts de la capacité manufacturière mondiale</a>. Leur énorme système économique favorise les économies d’échelle et les courbes d’apprentissage, au point que les prix des batteries lithium-ion ont <a href="https://news.mit.edu/2021/lithium-ion-battery-costs-0323">chuté de 97 % en 30 ans</a>, une réduction spectaculaire qui a surpris même les plus techno-optimistes. On trouve en outre aujourd’hui des véhicules avec <a href="https://www.lucidmotors.com/air">plus de 800 km d’autonomie</a>, de quoi éliminer la « range anxiety » (l’anxiété liée à l’autonomie), même pour les plus soucieux.</p>
<h2>Une question d’opportunité</h2>
<p>Pour justifier l’achat à l’étranger de batteries, comme pour beaucoup d’autres biens, l’argument des <a href="https://www.economie.gouv.fr/facileco/david-ricardo">« avantages comparatifs »</a> proposé par l’économiste britannique David Ricardo au XVIII<sup>e</sup> siècle est souvent avancé. Ce modèle montre que deux pays qui vivent de deux biens produiront davantage avec une spécialisation. Si chaque pays produit le bien pour lequel il est relativement plus efficace comparé à l’autre et qu’un commerce se met en place, tout le monde en sort gagnant.</p>
<p>La position inverse pourrait être nommée <a href="https://themobilist.medium.com/who-will-win-the-age-of-battery-nationalism-89fd6a3f8d5a">« nationalisme des batteries »</a>. Selon cette vision, développer une production locale, ou rapatrier des productions qui étaient à l’étranger (en anglais, on parle d’« onshoring »), servirait à <a href="https://cleantechnica.com/2023/04/30/us-south-korean-companies-to-onshore-more-battery-production-to-us/">réduire la dépendance européenne et américaine vis-à-vis de la Chine</a>, ou, en termes géopolitiques, des démocraties libérales vers des pays autoritaires.</p>
<p>Plutôt qu’une question morale, selon laquelle il y aurait des bons et des méchants, il s’agirait sans doute davantage d’en faire une question d’opportunité : faut-il continuer à privilégier le modèle économique traditionnel de l’Union européenne (UE), fondé principalement sur le libre-échange, ou faut-il soutenir la production de batteries localisées majoritairement en Europe ?</p>
<p>La première position a eu pour corollaire une longue période de paix mais reste vulnérable aux crises géopolitiques ; la seconde vise à redévelopper l’emploi et l’activité industriels, tout en limitant la dépendance aux importations d’Asie-Chine… au risque de limiter la production et de rechérir les prix pour les consommateurs européens ?</p>
<p>Le gouvernement français semble avoir été <a href="https://www.economie.gouv.fr/la-strategie-nationale-batteries-un-axe-cle-de-france-2030-sur-les-mobilites-durables">particulièrement actif</a> à cet égard. Il a fixé pour objectif de produire sur le sol français des batteries pour 2 millions de véhicules en 2030. 10 000 emplois directs seraient créés, notamment au sein des <a href="https://www.la-croix.com/Economie/Batteries-electriques-quatrieme-usine-Hauts-France-2023-05-12-1201267052">quatre méga-usines en développement</a> dans les Hauts-de-France qui appartiennent à Verkor (entreprise française), ACC (européenne), Envision (sino-japonaise), et Prologium (taiwanaise). Le soutien public est massif : un <a href="https://www.bfmtv.com/economie/pro-logium-travaille-avec-la-france-pour-determiner-le-montant-des-subventions_AN-202306090058.html">chèque d’un milliard d’euros</a> de subventions est par exemple évoqué rien que pour le développement de la dernière de ces méga-usines qui verra le jour près de Dunkerque (Nord).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1656893018522132480"}"></div></p>
<p>Politique nationaliste ou investissements nécessaires pour réduire le risque de manque de batteries ? Quel est le comportement le plus rationnel ? « In medio stat virtus » (« La vertu se trouve dans un juste milieu »), disaient les Romains ; le renommé professeur de stratégie d’Harvard Michael Porter conseillerait, lui, d’éviter à tout prix de se retrouver coincé au milieu (<a href="https://www.forbes.com/sites/mattsymonds/2012/02/24/stuck-in-the-middle-take-the-flexible-approach/?sh=65bfec262ebd">« stuck in the middle »</a>).</p>
<h2>Trouver l’équilibre</h2>
<p>Comment arbitrer ? Le concept en vogue de <a href="https://www.isi.fraunhofer.de/content/dam/isi/dokumente/publikationen/technology_sovereignty.pdf">« souveraineté technologique »</a> peut nous aider. Il renvoie à la capacité d’un État de développer l’accès et fournir aux citoyens et entreprises les technologies dont ils ont besoin. Ce n’est pas une forme de chauvinisme ou d’isolationnisme technologique visant à une suprématie sur les autres pays. C’est plutôt la possibilité d’agir indépendamment d’actions hostiles externes, en mobilisant un réseau de relations et partenariats forts et fiables.</p>
<p>Selon ce principe, si l’État craint une trop forte dépendance extérieure sur des technologies clés pour la société et l’économie, il doit concentrer ses efforts dans ces domaines stratégiques, que ne sont pas forcément ou celles où ses entreprises ont des avantages comparatifs. C’est ici <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0048733323000495">se placer dans un équilibre</a> entre ouverture aux marchés internationaux et protectionnisme.</p>
<p>Les collaborations régionales et continentales semblent souhaitables dans la mesure où elles favorisent les économies d’échelle et de gamme, surtout pour les pays de taille petite et moyenne. Une certaine concurrence est également nécessaire pour stimuler l’innovation en termes de produits et de procédés et éviter des rentes de position.</p>
<p>La géopolitique peut soudainement connaître des ruptures, comme la guerre en Ukraine. Il faut ainsi se préparer à un monde avec des chaînes d’approvisionnement réduites. Cela implique non seulement des capacités de production locale, mais aussi une compréhension profonde des technologies.</p>
<p>L’hypothèse d’une menace chinoise de ne plus vendre les batteries aux pays occidentaux reste difficile à croire. En effet, pourquoi devraient-ils se priver de revenus conséquents et ralentir la transition énergétique ? Preuve en est : ils <a href="https://www.lavoixdunord.fr/1039301/article/2021-07-02/usine-de-batteries-douai-qui-est-envision-discret-geant-chinois-de-l-energie">implantent des usines en Europe</a>, comme Envision à Douai (Nord), dont l’ouverture est prévue pour 2024 et dont le chantier « avance vite », selon Lei Zhang, le directeur général du groupe.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1658145812478672897"}"></div></p>
<p>Le vrai risque semble en réalité économique : payer les batteries plus chères que celles issues de la production domestique. Le pouvoir de négociation avec les fournisseurs internationaux constitue donc l’un des enjeux de la souveraineté technologique. C’est peut-être là le sens des mesures prises par la France et l’UE, dont les investissements ne devraient pas modifier significativement les parts de marchés de la <a href="https://www.technologyreview.com/2023/02/21/1068880/how-did-china-dominate-electric-cars-policy/">Chine</a> ou des <a href="https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2022/10/19/fact-sheet-biden-harris-administration-driving-u-s-battery-manufacturing-and-good-paying-jobs/">États-Unis</a>, qui eux aussi ont misé gros sur ces technologies.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210005/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La production de batteries en Europe ne devrait pas bouleverser le secteur, mais peut renforcer le pouvoir de négociation des entreprises européennes face à leurs fournisseurs internationaux.Michele Coletti, Associate Professor of Innovation, Grenoble École de Management (GEM)Fabrice Arroyo, Responsable Mastère Énergie, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2091512023-07-19T19:20:27Z2023-07-19T19:20:27ZDes TER plus performants ? La mise en concurrence ne pourra pas tout<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/535823/original/file-20230705-7761-ajdex1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C30%2C1211%2C820&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sur le réseau TER de la Bretagne, la SNCF semble se montrer plutôt efficace.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:R%C3%A9gio2N_n%C2%B0080C_%C3%A0_Laval_%282%29_par_Cramos.JPG">Cramos/Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Sur les <a href="https://theconversation.com/topics/transport-ferroviaire-51912">services TER</a>, à compter de décembre 2023, à l’exception de l’Île-de-France qui a un calendrier spécifique, les <a href="https://theconversation.com/topics/regions-30878">régions</a> auront l’obligation de <a href="https://www.sncf.com/fr/groupe/notre-strategie/ouverture-concurrence#:%7E:text=%C3%80%20partir%20de%202020%2C%20les,ans%20(bloc%20horizontal%20bleu)">lancer des appels d’offres</a> à la fin de leur contrat d’exploitation signé avec <a href="https://theconversation.com/topics/sncf-37898">SNCF Voyageurs</a>, et ce pour un délai maximum de dix ans. Cette possibilité de s’ouvrir à la <a href="https://theconversation.com/topics/concurrence-22277">concurrence</a> est offerte depuis décembre 2019.</p>
<p>Certains territoires ont déjà renouvelé leur confiance au transporteur historique, comme les Pays de la Loire au début du mois de juin ou les Hauts de France en mars de cette année. Provence-Alpes-Côte d’Azur a fait le choix de la nouveauté : à partir de juillet 2025 et pour dix ans, c’est <a href="https://www.lepoint.fr/societe/la-sncf-perd-officiellement-l-exploitation-d-une-ligne-ter-en-paca-une-premiere-en-france-28-10-2021-2449721_23.php">Transdev</a> qui s’occupera de 10 % des TER sur la ligne Marseille-Toulon-Nice.</p>
<p>Faut-il néanmoins tout attendre de cette ouverture ? Certes, l’idée est d’être plus efficace et de mieux maîtriser des coûts qui suivent une trajectoire inquiétante. Néanmoins, la mauvaise qualité de service sur un réseau TER peut être due à bien d’autres facteurs face auxquels un nouveau transporteur s’avèrerait tout aussi impuissant que SNCF Voyageur. Un réseau de mauvaise qualité ou saturé par exemple.</p>
<p>Nos <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03118747">travaux</a> ont ainsi tenté de faire la part des choses. Où et dans quelle mesure le transporteur ne propose-t-il pas un service optimal étant donné l’environnement dans lequel il évolue ?</p>
<h2>L’enjeu, maîtriser les coûts</h2>
<p>Revenons en premier lieu sur l’évolution du paysage de ces dernières années.</p>
<p>Les <a href="https://theconversation.com/topics/subventions-24952">contributions publiques</a> totales allouées à la SNCF, au titre de l’activité TER, ont augmenté de manière soutenue et quasi constante. En 2002, ces transferts publics étaient de l’ordre de 1,986 milliard d’euros ; en 2017, ils s’élevaient à 3,379 Md€. Cela correspond à une augmentation de 70 % en quinze ans, ce qui représente une hausse moyenne annuelle de 3,6 %.</p>
<p>Cette croissance n’aurait rien d’inquiétant si elle s’expliquait par des efforts d’investissement dans le matériel roulant, la modernisation des gares ou le réseau ferroviaire. Or, cela est loin d’être le cas : leur part s’est sensiblement réduite après la crise économique de 2008. D’une moyenne de 26,7 % des contributions sur la période 2002-2009, elle est descendue à 14,8 % sur les années 2010-2017.</p>
<p><iframe id="pzJfu" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/pzJfu/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La hausse des subventions publiques s’explique ainsi surtout par la progression du financement du déséquilibre d’exploitation de ce service assuré par la SNCF. Ce service est largement subventionné, de l’ordre de 80 % de son coût en moyenne.</p>
<p>La dynamique est impressionnante : les sommes allouées à cette fin ont plus que doublé entre 2002 et 2017 (5,2 % d’augmentation annuelle moyenne). Il n’y aurait, une nouvelle fois, pas de quoi s’alerter si cela avait pour corollaire une augmentation du volume des prestations de services commandées par les régions à la SNCF. Ce n’est, ici non plus, pas vraiment le cas. Le nombre de kilomètres commandés n’a augmenté que de 18 % entre fin 2002 et fin 2017. Le volume de service s’est même réduit depuis son maximum en 2011.</p>
<p><iframe id="s7GRt" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/s7GRt/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La subvention publique pour faire circuler un TER sur un kilomètre est ainsi passée de 9,45 euros en 2002 à 17,16 euros en 2017 en moyenne. Une part significative de cette hausse relève, d’après la Cour des comptes, de la <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-10/20191023-rapport-TER-ouverture-concurrence.pdf">progression des coûts de production de l’opérateur ferroviaire</a>. C’est dans ce contexte que questionner sa performance productive semble primordial.</p>
<h2>Qui est responsable de quoi ?</h2>
<p>L’exercice n’est cependant pas aisé : dans cette progression des coûts de production ferroviaire, <a href="https://trimis.ec.europa.eu/sites/default/files/project/documents/20060811_113046_02524_ATLET_Final_Report.pdf">tout n’incombe pas au transporteur</a> qu’est SNCF Voyageurs. La performance productive dépend aussi de la qualité des infrastructures sur lesquelles les trains circulent et dont la responsabilité incombe à SNCF Réseau, une entité bien distincte. Elle dépend aussi des orientations données par les autorités organisatrices des transports (les régions en l’occurrence), des contrats passés avec celles-ci et qui varient <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00283129">fortement d’un territoire à un autre</a>. Elles peuvent elles-mêmes faire le choix d’investir dans les gares, dans les rénovations des voies. Elles influent sur les choix de matériel roulant.</p>
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<p>Outre les interactions entre ces trois acteurs, l’environnement sociétal importe également : la densité démographique ou le <a href="https://www.persee.fr/doc/rei_0154-3229_2005_num_111_1_3082">taux d’incivilité</a> ont des impacts conséquents sur les performances des TER. Des paramètres économiques interviennent de même, comme les taux de motorisation, l’importance d’une clientèle captive ou occasionnelle du train, la possibilité de réaliser des économies d’échelle… Il faut aussi composer avec les autres services présents sur le réseau (Inouï, Ouigo, fret, Intercités) qui peuvent amener une congestion et dégrader la performance des TER.</p>
<p>En définitive, il est bien difficile de déterminer ce qui, dans la performance du service délivré, incombe au comportement de chaque acteur, et notamment de l’opérateur ferroviaire. Les ratios utilisés par la <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-10/20191023-rapport-TER-ouverture-concurrence.pdf">Cour des Comptes</a> ou l’ART (Autorité de régulation des transports) dans son <a href="https://www.autorite-transports.fr/actualites/publication-du-bilan-du-marche-du-transport-ferroviaire-en-2019/">bilan annuel</a> s’avèrent insuffisants. C’est à y remédier que notre <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03118747">étude</a> s’est attelée.</p>
<h2>La SNCF, à 82 % de ses capacités</h2>
<p>Notre étude met à profit, sur la période 2012-2016, deux bases de données jamais exploitées jusqu’alors. Elles nourrissent une méthodologie d’estimation d’une « frontière de production », développée notamment par Philippe Aghion, professeur au collège de France. Il s’agit de mesurer le volume de production théoriquement atteignable étant donné les technologies et ressources matérielles et humaines à disposition, puis de comparer la performance d’un opérateur avec cet optimum. Dit autrement, on se demande si avec les ressources à disposition, il ne serait pas possible de produire plus de train-kilomètre, ou si l’on pourrait parcourir les mêmes distances en sollicitant moins de ressources.</p>
<p>Le modèle dissocie ainsi les coûts de personnel à bord et en gare par exemple, mais n’inclut pas ceux des péages à verser à SNCF Réseau pour engager un train sur un sillon, car l’opérateur n’en a pas la maîtrise. Tout un ensemble de variables supposées contribuer à la performance productive est inclus.</p>
<p>Trois résultats majeurs en ressortent. En moyenne, les opérateurs ferroviaires régionaux de la SNCF obtiennent un score d’efficience de 82,2 %. Ils auraient pu ainsi, sur la période étudiée, baisser d’environ 18 % leur coût de production si l’on prend comme base les meilleures performances obtenues par la SNCF en région. Cela suggère que, même si la SNCF n’est pas la seule responsable de cette dérive des coûts, elle l’est en partie tout de même. Le score de 100 % représente la frontière de production, c’est-à-dire la production maximale avec le système productif de notre échantillon. Soulignons que cette estimation ne dit rien du gain de coût qui pourrait être obtenu avec un autre opérateur ferroviaire que la SNCF.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Avant la réforme territoriale, la région Haute-Normandie était celle avec la plus importante marge de progression.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Skililipappa/Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le second résultat concerne la disparité des scores d’efficacité productive selon les régions. L’éventail est très ouvert. Les scores varient de 97,8 % à 59,3 %. Aucune région n’est à 100 %, car toutes sous-optimisent l’utilisation d’au moins un des facteurs de production. Deux régions TER peuvent ainsi recevoir une mention « Excellent » : Rhône-Alpes et la Bretagne. Quatre autres régions « Bien » l’Alsace et la Lorraine par exemple. À l’opposé, cinq régions TER sont peu performantes, dont la Picardie ou le Languedoc-Roussillon. La Haute-Normandie finit au fond du classement. Nombre de régions pourraient ainsi progresser sans changer d’opérateur, si elles bénéficiaient des conditions qui font la performance dans les meilleurs d’entre elles.</p>
<p>Plusieurs régions ont depuis cette étude recontractualisé avec la SNCF. Dans le cas de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, les deux premiers appels d’offres, dont l’un a été remporté par la SNCF et l’autre par Transdev, « Intermétropoles », ont permis de presque doubler l’offre dans ces lots, pour une contribution publique équivalente ou en baisse. Ce résultat, a priori peu attendu, tient au cercle vertueux sur les recettes de trafic d’une augmentation d’offre de service, et ce plus encore dans les zones particulièrement denses.</p>
<p>Le troisième résultat est davantage méthodologique. Les méthodes d’évaluation habituelles donnent des résultats peu convergents avec les nôtres. Cela renforce l’idée que les méthodes économétriques ont aussi un rôle à jouer en complémentarité des méthodologies usuelles.</p>
<h2>Quels leviers ?</h2>
<p>L’analyse nous conduit à formuler plusieurs indications à destination des décideurs publics comme des opérateurs.</p>
<p>La première est que la SNCF a beaucoup à faire pour optimiser ses coûts de production. D’après la Cour des comptes, il semblerait que la <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-gestion-des-ressources-humaines-de-la-sncf">gestion du facteur travail</a> puisse être davantage optimisée, par réduction de l’absentéisme notamment, ou en modifiant certaines dispositions de l’organisation du travail, pour davantage de polyvalence.</p>
<p>Il s’agit aussi de travailler sur l’environnement dans lequel le service est exécuté. Une étude montre par exemple que le degré de <a href="https://www.persee.fr/doc/rei_0154-3229_2005_num_111_1_3082">respect de l’ordre social</a>, approximé par le taux de délinquance régionale, s’avère fortement corrélée avec une faible efficience ferroviaire.</p>
<p>L’efficience productive résulte aussi de certains paramètres physiques du système de production ferroviaire. La qualité du réseau (vitesse maximale, voie unique ou double, électrification…), mais aussi le nombre de gares, semble avoir un impact positif considérable sur l’efficience productive, de même que la longueur du réseau qui permet d’obtenir des économies d’échelle. Ces paramètres s’imposent à tous les opérateurs.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1673954925363986432"}"></div></p>
<p>On observe également que la contractualisation et les modes de gouvernance reliant l’opérateur à la collectivité régionale ont un impact important. Plus l’efficience est basse, plus le contrat est long et volumineux. Cela suggère que là où la performance productive est la plus faible, les régions seraient enclines à resserrer les contraintes imposées à l’opérateur, en spécifiant chaque détail de la contractualisation. Ce résultat se trouve illustré par la forte corrélation entre le coût par train-kilomètre et la longueur du contrat.</p>
<p>Par ailleurs, les <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00283129">modes de gouvernance</a> faisant appel à des logiques « incitatives », plus qu’à des logiques « hiérarchiques » (injonctives) ou « de confiance » (coopératives), semblent les plus à même à s’accompagner de hauts niveaux d’efficience. Ces points qui, en l’état, constituent des hypothèses de travail fortes, mériteraient d’être approfondis.</p>
<h2>Et aujourd’hui ?</h2>
<p>La contractualisation s’avère au final un des leviers d’amélioration de la performance des TER qui, en cette période d’ouverture à la concurrence, mérite la plus grande attention des régions, mais aussi du régulateur, qui aurait avantage à mettre à disposition des parties prenantes davantage de données.</p>
<p>Au niveau de l’ensemble des régions, la situation s’est améliorée. L’offre de service réaugmente et la subvention par train-kilomètre de 2021 s’est stabilisée au niveau de 2019. En outre, les régions boostent l’investissement en nouveaux matériels et dans les voies.</p>
<p>L’avenir semble ainsi prometteur. Plusieurs régions ont, depuis cette étude, recontractualisé avec la SNCF et il semblerait que l’enjeu de maîtrise des coûts ait été intégré, pour le moins dans certains cas. Fin 2021, en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, les deux appels d’offres, dont l’un a été remporté par la SNCF, « Azur », l’autre par Transdev, « Intermétropoles », promettent de presque doubler l’offre dans ces lots, à l’horizon 2025, pour une contribution publique équivalente ou en baisse. Ce résultat, a priori peu attendu, tient au cercle vertueux sur les recettes de trafic d’une augmentation d’offre de service, et ce plus encore dans les zones particulièrement denses. A médite</p>
<hr>
<p><em>Une clause de confidentialité nous amène à ne pas pouvoir citer nommément les performances exactes pour chaque région.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209151/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cette étude a notamment bénéficié d'une mise à disposition de données de la part de Régions de France.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Guillaume Monchambert est membre du comité scientifique de l’Observatoire des villes du transport gratuit. Il a effectué des activités de conseil pour SNCF Réseau et SNCF Voyageurs.</span></em></p>État des infrastructures, exigences des régions… La qualité de service d’un réseau TER ne dépend pas seulement du transporteur qui fait rouler les trains. Une étude tente de faire la part des choses.Christian Desmaris, Maître de Conférences en Économie, Sciences Po Lyon, Université Lumière Lyon 2 Guillaume Monchambert, Maître de conférences en économie, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2067802023-06-11T16:15:35Z2023-06-11T16:15:35ZTransport maritime : 40 ans de course au gigantisme<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/529334/original/file-20230531-17-92o21w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=38%2C103%2C1220%2C816&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La compagnie française CMA-CGM, l'un des principaux opérateurs du secteur.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:CMA_CGM_JACQUES_SAADE_porte-conteneurs_propuls%C3%A9_au_GNL_2020.jpg">Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Depuis les années 1970 et l’apparition du conteneur, les <a href="https://theconversation.com/topics/mondialisation-22572">économies mondialisées</a> sont devenues <a href="https://www.researchgate.net/publication/350514863_Les_ports_d%E2%80%99Europe_vus_du_Havre">fortement dépendantes du transport maritime</a> pour leurs <a href="https://theconversation.com/topics/commerce-international-29800">échanges commerciaux</a>. En 2021, les compagnies ont transporté <a href="https://unctad.org/system/files/official-document/rmt2022overview_fr.pdf">11 milliards de tonnes de marchandises</a> à travers les mers du globe, soit le double par rapport à 2002. Au total, on dénombre aujourd’hui plus de 500 compagnies maritimes qui arment <a href="https://unctadstat.unctad.org/wds/TableViewer/tableView.aspx">environ 5900 porte-conteneurs</a>, pour une capacité de transport totale de <a href="https://alphaliner.axsmarine.com/PublicTop100/">27 millions de conteneurs</a> dits EVP (équivalent vingt pieds – unité de mesure standardisée des conteneurs maritimes). En 1979, la capacité totale de transport des porte-conteneurs était de <a href="https://core.ac.uk/download/pdf/52829358.pdf">264 000 EVP</a> contre plus de 22 millions aujourd’hui.</p>
<p><iframe id="ypUHm" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ypUHm/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En parallèle, le <a href="https://theconversation.com/topics/concurrence-22277">paysage concurrentiel</a> a également fortement évolué avec une forte concentration des acteurs. À la fin des années 1970, les 10 principales compagnies maritimes ne représentaient que 28 % de ces capacités, contre 84 % aujourd’hui.</p>
<p><iframe id="ZfBDU" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ZfBDU/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Dans les années 1980, les compagnies maritimes étaient encore des opérateurs régionalisés. Leurs navires ne naviguaient pas sur l’ensemble des mers du globe. Le conteneur a permis le développement du commerce international, initiant l’industrialisation de l’Asie orientale et de son moteur chinois. Les besoins de transport de marchandises manufacturés entre les continents se sont alors accentués et la concurrence entre les compagnies maritimes s’est, dans le même temps, exacerbée.</p>
<h2>Des acteurs marginaux hors du top 10</h2>
<p>Pour répondre à la demande croissante, les compagnies maritimes ont dû élargir leurs offres de services et venir s’implanter dans de nouveaux ports, venant concurrencer des opérateurs locaux. Dans ce contexte, les plus petites compagnies maritimes ont eu tendance à disparaitre.</p>
<p>Désormais la majorité des navires sont aux mains d’une poignée de compagnies. Dans le tableau qui informe sur le top 10 des compagnies maritimes en capacité de transport, nous pouvons observer que près de 60 % des capacités de transport sont aujourd’hui contrôlées par seulement 4 compagnies maritimes (Maersk, MSC, CMA-CGM et COSCO), le top 10 contrôlant 84 % des capacités. Au-delà de ce top 10, les parts de marché des compagnies maritimes sont relativement marginales.</p>
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<p>Dans un premier temps, les compagnies maritimes se sont organisées en alliance pour leur permettre d’atteindre une taille critique. Ces différents liens entre acteurs se sont remodelés au fil des années mais depuis 2019, il en existe 3 principales : 2M, Ocean Alliance et The Alliance (cf figure 1) qui regroupent les 9 premiers armements mondiaux.</p>
<p>Aujourd’hui, 84 % du marché mondial du transport maritime de conteneurs est donc contrôlé par 9 opérateurs associés au sein de 3 alliances.</p>
<p><iframe id="LLswY" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/LLswY/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En parallèle, on a assisté à un mouvement de rachats et de fusions entre les compagnies maritimes. La première opération d’envergure est à mettre à l’actif de la CMA qui a racheté son compatriote français, la CGM en 1996 pour devenir la CMA-CGM. Les achats et fusions furent nombreux et la tendance s’est tout particulièrement accélérée en 2014 (rachat de CSAV par Hapag-Lloyd, NOL par CMA-CGM en 2015, Hamburg-Süd par Maersk en 2017, etc.).</p>
<p>Il existe également des opérations de fusions entre compagnies d’un même pays pour maintenir une taille critique et de peur de se faire absorber par une compagnie étrangère (<a href="https://www.actu-transport-logistique.fr/lantenne/actualite/transport-maritime/les-armateurs-chinois-cosco-et-china-shipping-vont-fusionner-736328.php">fusion des chinois COSCO et China Shipping en 2016</a> ou encore des <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/fret-maritime-les-trois-plus-grandes-compagnies-japonaises-fusionnent-612333.html">japonais NYK, K-Line et MOL en 2017 devenant ONE</a>).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/530929/original/file-20230608-15-dc88co.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/530929/original/file-20230608-15-dc88co.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530929/original/file-20230608-15-dc88co.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=232&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530929/original/file-20230608-15-dc88co.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=232&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530929/original/file-20230608-15-dc88co.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=232&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530929/original/file-20230608-15-dc88co.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=291&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530929/original/file-20230608-15-dc88co.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=291&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530929/original/file-20230608-15-dc88co.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=291&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Historique des achats et fusions des opérateurs maritimes de porte-conteneurs.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>On peut parler donc parler d’un oligopole dans le transport maritime, qui a été validé par les autorités de la concurrence chinoises, américaines et européennes. À l’image des « big-pharma », on peut les qualifier de « big opérateurs ». En conséquence, la dépendance à ces quelques opérateurs pour les chargeurs est très forte.</p>
<p>Passée la pandémie du Covid-19, le transport maritime a rebondi et les taux de fret ont été historiquement élevés. Ces prix élevés ont été portés par la reprise, voire l’explosion, de la demande et la congestion des ports. Les principales compagnies maritimes de porte-conteneurs ont ainsi réalisé des bénéfices records. Par exemple, CMA-CGM a été en 2022, l’entreprise française la plus rentable <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/cma-cgm-affiche-les-plus-gros-benefices-de-lhistoire-francaise-1912013">avec un bénéfice de 23 milliards d’Euros</a>. Ces grands armateurs ont profité de l’augmentation des taux de fret moyens mais également de la concentration des capacités de transport et de leurs alliances partenariales.</p>
<p>Aujourd’hui, les <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/05/26/le-transport-maritime-s-attend-a-des-mois-plus-difficiles-apres-deux-ans-d-envolee-historique_6175035_3234.html">taux de fret semblent revenir à des niveaux plus proches de la normale</a> en raison du ralentissement des échanges mondiaux de biens manufacturés.</p>
<h2>Des porte-conteneurs de plus en plus gigantesques</h2>
<p>Pour répondre à la demande croissante, les compagnies se sont également lancées dans l’acquisition de nouveaux navires et la construction de porte-conteneurs de plus en plus grands. La taille des porte-conteneurs a ainsi doublé depuis 2014, passant d’une capacité maximale de transport de 12 000 EVP à 24 000 EVP pour les derniers navires en circulation. Ces géants des mers, mesurant jusqu’à 400 mètres de long, ont permis aux compagnies maritimes de réaliser des économies d’échelles et, sur le temps long, de diminuer les coûts du transport maritime.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/530930/original/file-20230608-2966-bs7gle.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/530930/original/file-20230608-2966-bs7gle.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530930/original/file-20230608-2966-bs7gle.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=625&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530930/original/file-20230608-2966-bs7gle.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=625&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530930/original/file-20230608-2966-bs7gle.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=625&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530930/original/file-20230608-2966-bs7gle.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=786&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530930/original/file-20230608-2966-bs7gle.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=786&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530930/original/file-20230608-2966-bs7gle.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=786&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des navires de plus en plus capacitaires.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Avec les progrès en ingénierie navale, il semble que les limites peuvent encore être repoussées. La croissance des navires va plus vite que la capacité d’aménagement des ports. Au final, la limite sera fixée par celles des ports à les accueillir.</p>
<p>Certains ports majeurs, qui font l’objet de nos récentes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0966692323000376">recherches</a>, rencontrent des difficultés pour l’accueil de ces géants des mers (tirant d’eau insuffisant, portiques trop petits, etc.). <a href="https://media.licdn.com/dms/document/D4E1FAQGZRCxSzB9pqA/feedshare-document-pdf-analyzed/0/1681295394962?e=1683158400&v=beta&t=yX3HGLdw0b7fM6hzrhZ-J0mZsaCjH2GX8PididcdWKg">Pour rester dans la course dans l’accueil de ces navires</a>, ce qui signifie être connecté aux grandes routes commerciales internationales et donc aux principaux marchés de consommation et de production mondiaux, plusieurs doivent aujourd’hui entreprendre d’importants travaux. Mais ces travaux peuvent s’avérer déjà obsolètes ou insuffisants au moment de leur livraison, comme l’approfondissement de l’Elbe à Hambourg qui ne permettra finalement pas d’accueillir les plus gros navires à pleine charge.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206780/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Depuis la fin des années 1970, la croissance des compagnies maritimes a installé une situation d’oligopole dans le secteur du transport de marchandises.Ronan Kerbiriou, Ingénieur d'études, Université Le Havre NormandieArnaud Serry, Maitre de conférences en géographie, Université Le Havre NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2053032023-05-10T18:12:17Z2023-05-10T18:12:17ZLe « quick commerce » a-t-il encore un avenir en France ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/525062/original/file-20230509-24-wmzw31.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C10%2C1442%2C976&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Début mai, la filiale française de l’entreprise turque de livraison Getir a été placée en redressement judiciaire.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Getir_Zuidplein,_Charlois,_Rotterdam_%282021%29_02.jpg">Donald Trung Quoc Don/Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Cajoo, Dija, Gopuff, Koll, Zapp, Gorillas, Frichti, Zap, Getir, Flink, Yango Deli… Ils étaient nombreux il y a deux ans à être sur la ligne de départ et à vouloir introduire en France le « quick commerce », la livraison rapide de courses à domicile. Aujourd’hui, après une vague de rachats et <a href="https://www.lexpress.fr/economie/entreprises/getir-flink-les-mauvaises-recettes-du-quick-commerce-7YAB3GICDJEVHEUXQBMVJYHHP4/">l’arrêt de plusieurs initiatives</a>, seuls le turc Getir et l’allemand Flink continuent leurs opérations en France.</p>
<p>Or, <a href="https://www.ft.com/content/23858b1a-b105-416d-859b-be3f95cd4290?sharetype=gift">selon le <em>Financial Times</em></a>, Getir serait à présent en pourparlers avec Flink pour racheter son concurrent, ce qui conduirait à ce que ne persiste à terme qu’un opérateur… s’il réussit toutefois à dégager de l’argent, ce qui reste d’autant moins sûr que Getir a placé sa filiale française en <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/getir-france-specialiste-de-la-livraison-rapide-de-courses-a-domicile-place-en-redressement-judiciaire-960947.html">redressement judiciaire début mai</a> et que les quick commerçants ont récemment <a href="https://www.usine-digitale.fr/article/dark-stores-la-mairie-de-paris-remporte-son-bras-de-fer-contre-gorillas-et-frichti.N2114451">perdu une bataille réglementaire</a> conduite par les villes et notamment la mairie de Paris.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1653527757232455680"}"></div></p>
<p>Le quick commerce est-il ainsi en train d’être définitivement de l’histoire ancienne en France ? Ou, tel un mort-vivant, un ou plusieurs acteurs vont-ils dans les prochaines années réussir à imposer ce modèle ?</p>
<h2>Des livraisons en 15 minutes</h2>
<p>Le concept de quick commerce a connu un rapide développement depuis plusieurs années en Europe, aux États-Unis et en Asie. La pandémie de Covid-19 a constitué un accélérateur incontestable, notamment pendant des périodes de confinement propices à des achats en ligne. Il repose sur la promesse marketing que des biens de grande consommation seront disponibles dans les 10 à 15 minutes qui suivent une commande sur un site Internet via une application.</p>
<p>Pour tenir une promesse aussi ambitieuse (on parle de « livraisons instantanées »), les acteurs ont mis en place un système logistique original basé sur des « dark stores », autrement dit de petits entrepôts dont l’objectif est d’assurer des livraisons ultrarapides. Situé au cœur des villes, le dark store prend la forme d’un magasin « fantôme », avec des rayons où sont stockés les produits.</p>
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<p>Cependant, contrairement à un magasin traditionnel, celui-ci n’est pas accessible aux acheteurs, mais uniquement aux préparateurs de commandes qui prélèvent les produits, lesquels sont ensuite transportés par des livreurs à vélo électrique ou à scooter jusqu’au domicile ou au lieu de travail des acheteurs en ligne.</p>
<p>Présenté à la fin des années 2010 comme un bouleversement, le quick commerce apparaît ainsi dans une phase d’explosion en plein vol, ce qui tient à plusieurs facteurs défavorables.</p>
<h2>Un modèle économique difficile à trouver</h2>
<p>Une première explication des difficultés du quick commerce réside dans la difficulté qu’ont eu les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/start-up-23076">start-up</a> à trouver un modèle économique rentable. Cela tient à la concurrence initiale féroce entre les multiples acteurs sur ce marché. S’étant tous implantés dans les mêmes cœurs des villes, à un moment où la demande n’était pas encore importante, les « quick commerçants » ont éprouvé des difficultés à engranger suffisamment de commandes, ainsi qu’à augmenter le panier moyen d’achat qui est resté très faible.</p>
<p>Cela ne leur a pas permis de rentabiliser l’investissement que constitue la possession de dark stores et les nombreuses dépenses en système d’information ainsi qu’en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/marketing-21665">marketing</a> qui étaient nécessaires pour faire connaître leurs services (publicités, promotion au moment des commandes, etc.).</p>
<p>Si, au départ, dans un contexte économique post-Covid ou le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/e-commerce-31819">e-commerce</a> avait le vent en poupe et où les liquidités financières étaient disponibles, ces start-up n’ont pas eu de difficultés pour se financer malgré leur absence de rentabilité, la situation a brutalement changé en 2022. L’inflation galopante a en effet mis fin à l’argent disponible gratuitement, ce qui a peu à peu asséché les financements au secteur, et conduit nombre d’entreprises à mettre la clef sous la porte.</p>
<h2>La concurrence des drives piétons</h2>
<p>Une seconde explication des difficultés rencontrées par les quick commerçants est l’essor des drives piétons, notamment poussé par Leclerc et Auchan comme le montrent les cartes publiées dans l’édition 2023 de l’<a href="http://a-p-c-t.fr/dauvers/fichiers/20230421_6442989c848d8.pdf">étude</a> (en téléchargement libre) <em>L’essentiel Drive et e-commerce alimentaire</em> (Éditions Dauvers). S’appuyant sur leurs drives situés en périphérie des villes, ceux-ci ont implanté dans les centres urbains des points relais, dans lesquels les consommateurs peuvent retirer leurs courses. À la différence du quick commerce, le consommateur doit faire l’effort de retirer les produits à pied. Il doit également attendre un peu pour retirer sa commande : s’il la passe le matin, celle-ci est ainsi disponible 3 heures plus tard en moyenne.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/525059/original/file-20230509-29-5e18o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Localisations des drives piétons des enseignes Leclerc et Auchan" src="https://images.theconversation.com/files/525059/original/file-20230509-29-5e18o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/525059/original/file-20230509-29-5e18o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/525059/original/file-20230509-29-5e18o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/525059/original/file-20230509-29-5e18o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/525059/original/file-20230509-29-5e18o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=374&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/525059/original/file-20230509-29-5e18o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=374&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/525059/original/file-20230509-29-5e18o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=374&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Localisations des drives piétons des enseignes Leclerc et Auchan.</span>
<span class="attribution"><span class="source">XXXX</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Comme nous le relevons dans une comparaison entre les deux services qui fait l’objet d’une de recherche à paraître dans la revue <em>Droit et Ville</em>, si le service <a href="https://theconversation.com/fr/topics/logistique-27386">logistique</a> associé est donc dégradé par rapport aux quick commerce, avec le drive piéton, le consommateur bénéficie d’un assortiment bien plus varié (10 000 produits stockés dans les drives contre 2500 dans les dark stores), et d’une offre à un prix hypermarché. Et au vu de l’extension faramineuse de ces drives-piétons dans les villes, les consommateurs semblent bel et bien suivre et acheter cette proposition de valeur…</p>
<h2>Entraves juridiques</h2>
<p>La troisième explication réside dans la lutte juridique qui a été menée par les villes contre cette forme de commerce. À Paris, les dark stores se sont implantés dans d’anciens commerces (supérettes, magasins, restaurants), des bureaux en rez-de-chaussée, ou encore d’anciens cabinets médicaux ou paramédicaux. Cette nouvelle activité a parfois généré des nuisances sonores pour les riverains, dues à l’existence d’allers-retours des livreurs jusque tard le soir.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/flink-getir-cajoo-les-dark-stores-et-le-quick-commerce-remodelent-les-grandes-villes-182191">Flink, Getir, Cajoo… Les « dark stores » et le « quick commerce » remodèlent les grandes villes</a>
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<p>Sous la pression de ces riverains mécontents, la mairie de Paris a mis en demeure Gorillas (depuis lors racheté par Getir) en 2022, le sommant de remettre « dans leur état d’origine » neuf locaux sous peine d’une astreinte administrative de 200 euros par jour de retard. L’argument sous-jacent était le caractère illégal de leur statut : non pas des commerces mais des entrepôts, et devant à ce titre respecter la législation en vigueur.</p>
<p>Saisi en urgence par Gorillas, le tribunal administratif de Paris a contesté une telle interprétation, en argumentant que ceux-ci pourraient être considérés comme des « espaces de logistique urbaine » qui, contrairement aux entrepôts, ne sont pas interdits par le plan local d’urbanisme parisien. Mais le 23 mars 2023, le Conseil d’État a jugé finalement que les dark stores sont bel et bien des entrepôts et non des magasins au sens du Code de l’urbanisme.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1638943539173396480"}"></div></p>
<p>Dès le 24 mars 2023 est ainsi publié au Journal officiel le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047334912">décret n° 2023-195</a> du 22 mars 2023 portant diverses mesures relatives aux destinations et sous-destinations des constructions pouvant être réglementées par les plans locaux d’urbanisme ou les documents en tenant lieu. Il confirme en tous points la position du Conseil d’État quant au statut des dark stores (en y ajoutant d’ailleurs la question des « dark kitchens », ces cuisines dédiées aux plats vendus exclusivement en livraison).</p>
<h2>Le réveil des morts-vivants ?</h2>
<p>Au vu de cet ensemble de facteurs, l’avenir semble scellé pour le quick commerce. Mais pour conclure ce tour d’horizon, nous voudrions souligner que tout n’est pas totalement perdu et qu’il reste encore pour les quick commerçants des raisons d’espérer.</p>
<p>Aujourd’hui, il n’y a ainsi plus que deux acteurs de taille mondiale sur ce marché : Gopuff, qui est <a href="https://www.challenges.fr/entreprise/gopuff-le-pionnier-du-quick-commerce-aux-etats-unis-arrive-en-france_802875">rentable dans certaines villes aux États-Unis</a>, et Getir, pour qui la <a href="https://www.ataturquie.fr/getir-dispose-de-plus-de-200-magasins-operationnels-en-europe-hors-turquie/">situation est la même en Turquie</a>. Alors que Gopuff s’est retiré du marché français, Getir peut éventuellement réussir en France, maintenant que le marché est vidé de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/concurrence-22277">concurrence</a>, et qu’il lui sera plus facile de rentabiliser ses opérations avec un volume de commandes plus important.</p>
<p>Ensuite, la législation récente sur les dark stores nous semble pouvoir à terme être cassée. Comment expliquer en effet la qualification en entrepôt des dark stores, quand on sait que les drives, qui pour le coup sont des entrepôts de 5 000 m<sup>2</sup>, sont considérés par la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/loi-lacces-au-logement-et-urbanisme-renove-loi-alur">loi Alur</a> comme des commerces ?</p>
<p>Alors qu’il existe une vraie <a href="https://www.maddyness.com/2022/01/05/etude-quick-commerce-cajoo-gorillas-france/">demande de la jeune génération</a> pour cette forme de commerce, qu’elle est pertinente pour des urbains pressés qui n’ont plus le temps de rien, on peut ainsi penser que cette forme de commerce a encore un avenir. Et que, si elle ne bouleversera pas de fond en comble la distribution, elle peut s’imposer comme étant un segment parmi une foule d’autres d’une offre omnicanale dans la distribution alimentaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205303/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le nombre d’acteurs présents sur le marché de la livraison « instantanée » de courses à domicile a fondu en deux ans. Le secteur dispose encore néanmoins de plusieurs atouts.Aurélien Rouquet, Professeur de logistique, Neoma Business SchoolGilles Paché, Professeur des Universités en Sciences de Gestion, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2044172023-04-25T22:50:34Z2023-04-25T22:50:34ZL’Inflation reduction act américain : un danger pour la production automobile hexagonale ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/522635/original/file-20230424-18-r6a7i1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=256%2C67%2C758%2C557&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Actuellement, 82&nbsp;% des véhicules vendus en Allemagne, 83&nbsp;% en Italie et 81&nbsp;% en France proviennent du continent européen (Turquie comprise).
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Concesionario_de_Mercedes-Benz,_Múnich,_Alemania,_2013-03-30,_DD_25.JPG">Diego Delso/Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>L’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-reduction-act-134318">Inflation reduction act</a> (IRA), adopté en août 2022 par le Congrès américain, a rapidement suscité de vives réactions en Europe. Ce vaste plan de subventions dans le secteur des technologies vertes vise à enfin mettre les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/etats-unis-20443">États-Unis</a> en phase avec leurs engagements de décarbonation de leur économie. Mais il contient des mesures protectionnistes et discriminatoires, contraires aux règles du commerce international.</p>
<p>Les critiques européennes se sont en particulier concentrées sur les subventions à l’achat de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/voitures-electriques-31974">véhicules électriques</a>, jusqu’à 7500 dollars, aides assorties de règles de contenu local sur l’assemblage du véhicule et sur l’origine des minerais utilisés dans la production de la batterie. Ces règles excluent pour l’instant les producteurs sur le sol européen, faisant craindre une concurrence déloyale et l’attraction de grands projets automobile au détriment des investissements en Europe.</p>
<p>L’impact de l’ensemble de ces mesures reste difficile à évaluer, du fait notamment de leur concentration dans certains secteurs et de leur faible montant rapporté au PIB (<a href="http://www.cepii.fr/PDF_PUB/pb/2023/pb2023-40.pdf">0,2 % du PIB des États-Unis par an sur 10 ans</a>). Mais la crainte d’annonces de délocalisations d’usines de véhicules électriques ou de production de batteries a déjà lancé un débat sur l’assouplissement des règles sur les aides publiques au niveau européen, permettant notamment de répondre aux propositions dont font l’objet les producteurs européens de la part de certains États américains, et donné lieu à des propositions de la Commission européenne en ce sens.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/inflation-reduction-act-comment-lunion-europeenne-peut-elle-repondre-aux-incitations-fiscales-americaines-201425">Inflation Reduction Act : comment l’Union européenne peut-elle répondre aux incitations fiscales américaines ?</a>
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<p>Quelle est l’ampleur de la menace pour la chaîne de production des véhicules électriques européens ? Pour que le risque de relocalisation de l’activité en Amérique du Nord se matérialise, il faudrait que pour ce type de biens les producteurs trouvent profitable de concentrer leur production dans certaines régions du monde et de servir les marchés lointains en y exportant leur production. Mais contrairement à d’autres types de marchandise, il est loin d’être acquis que cette stratégie de relocalisation soit rentable dans le secteur automobile.</p>
<h2>Un marché avant tout continental</h2>
<p>L’analyse des échanges mondiaux de véhicules montre en effet que les ventes de l’ensemble des grands pays se concentrent sur des véhicules produits dans la même grande région continentale : 82 % des véhicules vendus en Allemagne, 83 % en Italie et 81 % en France proviennent du continent européen, y compris de Turquie (Tableau 1). En Asie, 82 % (Corée du Sud) à 97 % des véhicules (Chine) ont été assemblés en Asie, dont une large majorité dans le pays de consommation contrairement aux pays européens. En Amérique du Nord, près de 30 % des véhicules vendus au Canada et aux États-Unis proviennent d’en dehors de l’Amérique du Nord.</p>
<p><iframe id="isjOu" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/isjOu/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Pour la France en 2022, l’origine des véhicules vendus sur le territoire est d’abord locale et européenne (15 % de France, 16 % d’Espagne, 10 % d’Allemagne, 10 % de Slovaquie) et ensuite seulement extra-européenne (Tableau 2). En dehors de <a href="https://theconversation.com/drafts/204417/edit">l’Union européenne (UE)</a>, on retrouve des véhicules originaires du Maroc (6,3 %) et de Turquie (5,5 %) et dans une moindre mesure du Royaume-Uni (3,5 %), pays dans le pourtour de l’UE et ayant des accords commerciaux avec celle-ci qui assurent des barrières aux échanges faibles. Viennent ensuite seulement la Corée du Sud (4,7 %), la Chine (3,7 %) et le Japon (2,4 %) aux neuvième, dixième et douzième places des pays d’origine.</p>
<p><iframe id="p5eJ3" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/p5eJ3/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Si l’augmentation de la part de la Chine depuis la crise sanitaire est impressionnante (et, nous y reviendrons, surtout en raison des véhicules électriques), le fait marquant des 15-20 dernières années est la forte chute de la part des véhicules produits localement dans les ventes françaises (50 % en 2005, encore 25 % en 2015 mais plus que 15 % en 2022), au profit de la production sur des territoires proches : en 2005, l’Espagne ne produisait que 11 % des véhicules vendus en France, la Slovaquie 0,2 % contre 16,5 % et près de 10 % en 2022 (Tableau 2). La France n’a jamais importé plus de 0,9 % de ses véhicules des États-Unis depuis 2005 (0,5 % en 2022).</p>
<p>Cette spécificité du marché automobile, qui est d’abord et avant tout un marché continental, traduit l’importance des coûts de transport dans le secteur et les droits de douane relativement élevés dans plusieurs régions, non seulement pour les véhicules assemblés mais <a href="http://www.cepii.fr/CEPII/fr/publications/wp/abstract.asp?NoDoc=13722">également pour les principaux composants</a>, qui incitent aux investissements directs étrangers (IDE) pour servir la demande régionale à partir d’usines locales.</p>
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<p>Les exemples sont légions, de <a href="https://www.leparisien.fr/economie/nord-toyota-investit-400-millions-d-euros-a-onnaing-700-emplois-a-la-cle-19-01-2018-7511268.php">Toyota dans le Nord de la France</a> à <a href="https://www.ouest-france.fr/europe/royaume-uni/nissan-se-renforce-au-royaume-uni-en-construisant-une-grande-usine-de-batteries-d4e3f450-da94-11eb-94e9-572fc3dbf157">Nissan au Royaume-Uni</a> ou, plus récemment, l’implantation de <a href="https://www.numerama.com/vroom/1309316-tesla-veut-rendre-sa-gigafactory-a-berlin-encore-plus-giga.html">Tesla en Allemagne</a>. Les différences de droits de douane sur les véhicules automobiles, qui vont de 2,5 % aux États-Unis à 10 % pour l’UE, et atteignent des niveaux encore plus élevés en Chine ou en Inde, permettent d’ailleurs d’expliquer une partie des différences de production nationale dans la consommation entre l’UE, l’Amérique du Nord ou la Chine.</p>
<h2>Des annonces qui se multiplient</h2>
<p>La situation décrite jusque-là est celle où les véhicules thermiques dominent encore le marché automobile. Or ce secteur vit aujourd’hui un véritable tournant avec la percée des véhicules électriques et les règles environnementales qui prévoient la disparition des véhicules thermiques à l’horizon 2030 dans l’UE, ce qui pose la question des spécificités des véhicules électriques et de leur lieu de production.</p>
<p>Pour l’instant, des batteries et des voitures électriques voyagent sur de longues distances, à l’image des importations européennes en provenance de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/chine-20235">Chine</a> largement constituées de véhicules électriques et qui ont <a href="https://merics.org/en/short-analysis/made-china-electric-vehicles-could-turn-sino-eu-trade-its-head">fortement augmenté ces derniers mois</a>. En France, ces importations sont pour un tiers des véhicules Tesla et un autre tiers des Dacia Spring (tableau 3). Cela a cependant toutes les chances d’être temporaire, car ce type de véhicules et les batteries sont encore plus compliqués à transporter par bateau du fait de leur poids et des régulations liées au caractère dangereux de ces marchandises.</p>
<p>Avec l’augmentation de la demande de véhicules électriques dans toutes les régions du monde, les incitations à s’en rapprocher devraient rapidement se matérialiser par des investissements en Europe et en Amérique du Nord. D’où les annonces qui se multiplient pour localiser des usines de batteries à côté de l’assemblage (<a href="https://journalauto.com/constructeurs/byd-a-lassaut-de-leurope/">BYD en Europe</a> par exemple, <a href="https://www.capital.fr/auto/hyundai-investit-55-milliards-de-dollars-pour-les-vehicules-electriques-aux-etats-unis-1437088">Kia ou Hyundai aux États-Unis</a>, etc.). Avec son usine à Berlin, Tesla devrait à terme servir directement le marché européen et français, et tarir en partie les importations françaises en provenance de Chine qui sont aujourd’hui pour près d’un tiers des Tesla (tableau 3).</p>
<p><iframe id="iYxDp" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/iYxDp/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Selon toute vraisemblance, avec l’arrivée à maturité du secteur, chacun des clusters continentaux servira sa région, comme cela est, dans une très large mesure, le cas pour les véhicules thermiques. Pour la France, l’enjeu est donc bien plus d’attirer les prochains investissements de Kia, Honda, MG (SAIC) ou BYD en Europe face à l’Espagne, l’Allemagne, les pays d’Europe centrale ou encore le Maroc, et de favoriser la transition des sites français des véhicules thermiques aux véhicules électriques, qu’une concurrence avec des sites en Amérique du Nord.</p>
<p>Dans le secteur automobile, si les marchés sont avant tout régionaux, un relâchement des aides d’État sans réel mécanisme coopératif au niveau européen pourrait s’avérer contre-productif en renforçant les concurrences fiscales intra-européennes pour attirer les mêmes usines.</p>
<p>Si les faibles échanges interrégionaux dans l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/industrie-automobile-33711">industrie automobile</a> semblent limiter les risques de relocalisation de la production aux États-Unis à la suite de l’IRA, il n’en est pas nécessairement de même dans d’autres secteurs comme les panneaux solaires ou l’hydrogène, plus échangeables et pour lesquels des soutiens dédiés peuvent s’avérer pertinents. De telles mesures doivent cependant ressortir d’une véritable stratégie de politique industrielle prenant en compte les spécificités de chaque secteur et technologie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204417/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Sur le marché automobile, l’essentiel des ventes porte sur des véhicules produits sur le même continent, limitant la portée des mesures protectionnistes américaines sur la concurrence mondiale.Thierry Mayer, Professeur d’économie à Sciences-Po, conseiller scientifique, CEPIIVincent Vicard, Économiste, adjoint au directeur, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2042112023-04-24T10:28:54Z2023-04-24T10:28:54ZTransition écologique : et si les entreprises faisaient le choix de la coopétition ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/522151/original/file-20230420-16-bpqhqv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C0%2C10468%2C6800&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le programme de satellites MTG a été développé entre plusieurs concurrents et fournit des données météorologiques pour lutter contre le changement climatique.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Meteosat_Third_Generation_ESA418057.jpg#/media/Fichier:Meteosat_Third_Generation_ESA418057.jpg">ESA</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>« I have a tall cappuccino for John… ». Une phrase que John entend tous les matins dans son Starbucks de Palo Alto, avant de sauter dans sa Tesla pour se rendre au travail à San Francisco. Une routine tellement naturelle que John en oublierait presque que son café comme sa voiture sont le résultat d’une stratégie entrepreneuriale contre nature : la coopétition, mot-valise qui associe coopération et compétition.</p>
<p>Le gobelet que John insère dans le porte-gobelet de sa voiture résulte d’une collaboration entre <a href="https://www.edie.net/mcdonalds-and-starbucks-back-smart-reusable-cup-trials-in-california/">McDonalds et Starbucks</a> qui, bien que grands concurrents sur la restauration rapide et la vente de boissons à emporter, sont étroitement associés dans leur politique de réduction des déchets liés aux emballages alimentaires. De même, la <a href="https://www.hindawi.com/journals/mpe/2016/7210767/">Tesla</a> que John conduit sur les routes californiennes est construite à partir de nombreuses pièces et technologies issues de concurrents féroces de Tesla, tels que Daimler ou Toyota.</p>
<p>L’idée que la <a href="https://theconversation.com/topics/coopetition-62125">coopétition</a>, c’est-à-dire les alliances entre des entreprises concurrentes, permet de développer de nouvelles innovations, est une idée assez répandue. Pour autant, comme nous l’expliquons dans un <a href="https://www.routledge.com/The-Routledge-Companion-to-Coopetition-Strategies/Fernandez-Chiambaretto-Roy-Czakon/p/book/9781032476056">ouvrage</a>, résumer les apports de la coopétition à la simple création de valeur économique ou financière s’avère réducteur. Depuis une dizaine d’années, différents travaux en sciences de gestion ont montré comment pareilles stratégies permettent de développer non seulement de la valeur économique, mais aussi de la valeur sociétale et <a href="https://theconversation.com/topics/environnement-21017">environnementale</a>. Développer l’usage de ces stratégies semble néanmoins requérir des évolutions du <a href="https://theconversation.com/topics/droit-europeen-107798">droit européen</a>.</p>
<h2>Quand mutualiser rime avec efficacité</h2>
<p>Définir ce qu’est une innovation verte n’est pas toujours aisé et deux approches complémentaires peuvent être envisagées : par le produit et par le processus de conception.</p>
<p>La première consiste à appliquer le qualificatif « vert » si le produit conçu est plus respectueux de l’environnement que les produits existants. Dans cette logique, une voiture électrique (comme la Tesla de John) peut être considérée comme une innovation verte puisqu’elle pollue moins qu’une voiture alimentée par des énergies fossiles.</p>
<p>Le développement d’un produit plus vert représente une innovation souvent plus radicale et plus risquée qu’une innovation non verte. Pour développer de telles innovations, les ressources et les compétences d’une entreprise seule souvent ne suffisent pas. Il paraît alors nécessaire de faire appel à l’expertise de tout un secteur. C’est ainsi que des entreprises concurrentes sont amenées à mutualiser leur savoir-faire, leurs technologies et leurs connaissances pour développer de nouveaux standards verts au sein de leurs industries.</p>
<p>Pour assurer la transition écologique de l’aéronautique, par exemple, onze concurrents parmi lesquels Airbus, Dassault Aviation ou Saab se sont alliés pour créer le réseau <a href="https://www.clean-aviation.eu/clean-sky-2/programme-overview-and-structure">Cleansky</a> qui comprend 54 entreprises de toutes tailles, ayant pour but d’inventer et de produire les futurs avions verts de demain. Toujours dans le secteur aérien, l’entreprise <a href="https://air-cosmos.com/article/le-cfm-leap-reduit-de-15-la-consommation-de-carburant-64342">CFM International</a>, qui est une <em>joint-venture</em> entre deux motoristes concurrents, Safran et General Electric, a réussi à développer des moteurs à réaction réduisant de plus de 15 % les émissions de dioxyde de carbone et de 50 % les émissions de dioxyde d’azote. Ni Safran ni General Electric n’était capable de développer seule ces nouvelles technologies vertes. Dans le <a href="https://theconversation.com/la-coopetition-voie-incontournable-de-la-reussite-spatiale-francaise-et-europeenne-192043">secteur spatial</a> que nous avons <a href="https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/0008125619885151">étudié</a>, MTG a été développée par les deux leaders de la construction de satellites, Thales Alenia Space et OHB, dans le but de suivre les évolutions météorologiques et potentiellement prévoir les futures catastrophes naturelles.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/522089/original/file-20230420-18-nsu998.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C0%2C1080%2C719&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/522089/original/file-20230420-18-nsu998.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C0%2C1080%2C719&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/522089/original/file-20230420-18-nsu998.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/522089/original/file-20230420-18-nsu998.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/522089/original/file-20230420-18-nsu998.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/522089/original/file-20230420-18-nsu998.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/522089/original/file-20230420-18-nsu998.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/522089/original/file-20230420-18-nsu998.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le turboréacteur LEAP codéveloppé par Safran et General Electric s’avère moins gourmand en carburant.</span>
<span class="attribution"><span class="source">KGG1951/Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La seconde approche s’intéresse, quant à elle, au processus permettant de produire le même produit final : est-il moins consommateur de ressources ? Une nouvelle voiture essence ou diesel peut, dans cette perspective, être considérée comme une innovation verte si sa construction nécessite moins d’énergie ou consomme moins de ressources que celle des modèles concurrents.</p>
<p>Mutualiser des chaînes de production ou chaînes logistiques concurrentes peut ainsi s’avérer efficace. C’est la stratégie adoptée par Nestlé au milieu des années 2000 en coopérant avec <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/00207543.2021.1988749">Pladis</a>, un de leurs concurrents au Royaume-Uni, pour réaliser leurs livraisons en commun. Avec comme slogan « We compete on the shelf, not in the back of a lorry » (« Nous sommes concurrents dans les rayons, pas au fond d’un camion »), les deux groupes ont réussi à économiser en moyenne chaque année 28 000 km de livraisons, soit 95 000 litres de carburants et 250 tonnes de CO<sub>2</sub>.</p>
<h2>Pour des entreprises de toute taille</h2>
<p>Il n’y a pas que les grands groupes qui soient concernés. Comme nous le montrons dans nos <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0024630118301122">travaux</a>, de nombreuses start-up et PME s’associent avec des concurrents pour renforcer leur capacité d’innovation. Il en va souvent de leur survie car, étant plus petites, ces entreprises n’ont pas toujours les ressources suffisantes pour développer des produits et les mettre sur le marché.</p>
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<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Il en est de même pour les enjeux liés à la RSE et à la transition écologique. Les PME aimeraient bien se saisir de ces enjeux, d’autant plus que leurs clients et leurs parties prenantes y sont de plus en plus sensibles. Compte tenu de leurs ressources limitées, elles doivent cependant souvent réaliser des arbitrages qui les poussent à prioriser leurs activités opérationnelles courantes au détriment de leurs engagements environnementaux.</p>
<p>Coopérer avec des concurrents peut alors leur permettre d’avoir les ressources nécessaires pour à la fois continuer leurs activités tout en s’engageant dans une démarche RSE ou de transition écologique. En Afrique du Sud, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001985011630102X">plusieurs petits vignobles concurrents</a> qui n’avaient pas les capacités de développer leur propre filière de recyclage de leurs bouteilles ont ainsi collectivement agi pour développer des solutions pour recycler le verre et limiter le gaspillage de ressources.</p>
<p>Grands groupes et PME peuvent aussi interagir. Par exemple, <a href="https://www.lsa-conso.fr/danone-et-nestle-waters-unis-pour-creer-un-pet-100-bio-source,255402">Nestlé Waters et Danone</a>, tous deux concurrents dans la distribution de boissons, ont décidé en 2017 de s’allier et d’investir dans la petite start-up californienne Origin Materials qui développe des bouteilles en plastique intégralement issu de ressources durables et renouvelables.</p>
<h2>Des évolutions législatives nécessaires</h2>
<p>Si la coopétition est vertueuse et permet d’accompagner les entreprises dans leur transition écologique, pourquoi ne trouve-t-on pas plus d’entreprises qui s’engagent dans cette voie ?</p>
<p>Une première raison tient aux <a href="https://theconversation.com/coopetition-trois-principes-pour-manager-les-tensions-128564">tensions</a> générées par ces stratégies paradoxales. En effet, coopérer et être en concurrence en même temps génère des tensions dont il est souvent difficile de faire abstraction. Notre étude sur l’industrie spatiale suggère, en la matière, qu’une une attention particulière devrait être portée sur le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S001985011500317X">partage et la protection d’informations</a>.</p>
<p>Au-delà, il existe toujours une certaine forme d’incertitude quant à la légalité de ces alliances entre concurrents. L’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne considère comme « incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur ».</p>
<p>Or, il n’est pas toujours aisé de prouver qu’un accord de coopétition ne risque pas de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence. Lorsque nous nous sommes intéressés au <a href="https://www.cairn.info/revue-management-2018-1-page-574.htm">secteur immobilier en Europe</a>, nous avons ainsi observé que les stratégies de coopétition peuvent amener à une hausse des prix des biens, réduisant ainsi le pouvoir d’achat des clients, mais apportant plus de valeur pour les vendeurs.</p>
<p>C’est pourquoi dans <a href="https://competition-policy.ec.europa.eu/public-consultations/2022-hbers_en">l’Union européenne</a>, mais aussi en <a href="https://www.lexology.com/library/detail.aspx?g=80294776-ce9d-4cdc-9013-4a8814807aeb">Australie</a>, les régulateurs réfléchissent de plus en plus à intégrer de manière explicite des exemptions permettant d’éviter que le droit de la concurrence n’empêche des concurrents de travailler conjointement si l’accord permet d’accélérer la transition écologique des entreprises en question.</p>
<p>L’équilibre à trouver entre droit de la concurrence et droit de l’environnement reste néanmoins subtile, par exemple lorsque s’associent <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0969699712000130">compagnies aériennes et leurs concurrents ferroviaires</a>. Une évolution du cadre légal semble en tout cas nécessaire pour accompagner une évolution des pratiques des entreprises face à l’ampleur du défi environnemental qui les attend.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204211/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Paul Chiambaretto est le directeur de la Chaire Pégase, une chaire de recherche co-financée par des acteurs aériens dont Air France et le Groupe ADP. Néanmoins, aucune de ces organisations ne pourrait tirer profit de cet article.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anne-Sophie Fernandez et Audrey Rouyre ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>S’associer entre concurrents permet des innovations qui vont dans le sens d’une transition écologique des entreprises. Le droit européen peut cependant représenter un obstacle en la matière.Anne-Sophie Fernandez, Maître de conférences HDR en stratégie, Université de MontpellierAudrey Rouyre, Assistant Professor en Management Stratégique, Montpellier Business SchoolPaul Chiambaretto, Professeur Associé et directeur de la Chaire Pégase, Montpellier Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2038032023-04-16T15:55:26Z2023-04-16T15:55:26ZFin de la voiture thermique : la concurrence, un impératif pour atteindre l’objectif européen<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/520833/original/file-20230413-19-9tv30h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=149%2C1%2C758%2C508&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La théorie économique montre que la concurrence favorise l’émergence de solutions innovantes.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pxfuel.com/en/free-photo-xfbsg">Pxfuel.com</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le 7 mars 2023, alors que le Conseil européen s’apprêtait à voter définitivement l’interdiction des ventes des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/voitures-thermiques-94899">voitures thermiques</a> neuves à moteur thermique sur le sol européen à partir de 2035, coup de théâtre : l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/allemagne-24115">Allemagne</a>, dont la voix est indispensable pour faire approuver la mesure, et une coalition de 6 autres pays européens <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-jt/france-2/20-heures/fin-des-voitures-thermiques-en-2035-l-allemagne-revient-sur-sa-position-et-refuse-de-voter-le-texte_5698175.html">bloque le vote du texte</a>, dès lors reporté à une date indéfinie. Un pas en arrière vers la transition verte…</p>
<p>À peine quelques jours après, la Commission européenne, représentant l’ensemble des pays membres dont les frondeurs sur la fin du thermique, dévoile son plan de réplique à l’Inflation Reduction Act américain (IRA), le <a href="https://single-market-economy.ec.europa.eu/publications/net-zero-industry-act_en">Net-Zero Industry Act</a>, soit un plan de compétitivité fondé sur l’accélération de la transition verte. Un pas en avant vers la transition…</p>
<p>On avance, on recule ? C’est une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/union-europeenne-ue-20281">Union européenne (UE)</a> devenue Janus avec un visage pro-transition et un visage procrastinateur, de même qu’un visage pro-concurrence contraste avec un visage protectionniste. La conséquence de telles contradictions : la perte de crédibilité quant à la réalisation de ses objectifs et le retard dans la course à la transition écologique.</p>
<h2>Une avance à conserver</h2>
<p>Pourtant, l’UE semblait bien partie pour s’affirmer comme leader mondial de la transition avec son dynamique écosystème vert constitué d’entreprises innovantes soutenues par la « Banque européenne du climat », comme aime à s’appeler la BEI (Banque européenne d’investissement). Cette dernière réaffirmait fin février sa volonté de <a href="https://www.eib.org/fr/press/all/2023-077-eib-group-forum-president-hoyer-signals-readiness-to-boost-green-energy-finance-in-support-of-eu-autonomy-competitiveness">redoubler son soutien aux initiatives vertes</a> en faisant de la transition la destination principale de ses financements, au-delà du niveau déjà honorable de 60 % réalisé sur 2022.</p>
<p>L’UE semble en outre particulièrement en avance sur la technologie d’avenir qu’est l’hydrogène vert, avec de nombreux projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC), la <a href="https://www.h2-mobile.fr/actus/hydrogene-europe-domine-production-mondiale-brevets/">première place mondiale en nombre de brevets</a> (classement de janvier dernier de l’Agence internationale de l’énergie, l’AIE) et un embryon de <a href="https://www.eesc.europa.eu/fr/our-work/opinions-information-reports/opinions/banque-europeenne-de-lhydrogene">banque à hydrogène</a>.</p>
<p><a href="https://fr.statista.com/infographie/29123/production-hydrogene-nombre-de-depots-de-brevets-par-pays-ou-region/" title="Production d’hydrogène : l’Europe mène la course aux brevets (Statista)"><img src="https://cdn.statcdn.com/Infographic/images/normal/29123.jpeg" alt="Production d’hydrogène : l’Europe mène la course aux brevets" width="100%" height="auto"></a></p>
<p><em>Vous trouverez plus d’infographie sur <a href="https://fr.statista.com/graphique-du-jour/">Statista</a>.</em></p>
<p>Cette position de favori est confirmée par les investisseurs étrangers qui <a href="https://www.ey.com/en_gl/attractiveness/ey-europe-attractiveness-survey">perçoivent l’UE comme particulièrement attractive</a> en raison de l’ambitieuse politique verte communautaire en faveur de la transition et de sa réglementation avancée en la matière, notamment avec le mécanisme de taxe carbone aux frontières (MACF) dont l’entrée en vigueur est <a href="https://www.touteleurope.eu/environnement/changement-climatique-qu-est-ce-que-le-mecanisme-d-ajustement-carbone-aux-frontieres-ou-taxe-carbone-europeenne/">prévue dès cet automne</a>.</p>
<p>Cette avancée réelle a le mérite d’œuvrer à réinternaliser les externalités négatives sur la sphère écologique tout en respectant la concurrence grâce au signal-prix, dont la revalorisation du prix de la tonne de CO<sub>2</sub> au-dessus des 100 euros laisse à penser qu’il sera très efficace.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1628580170948018176"}"></div></p>
<p>À condition de ne pas le détricoter à force d’exonérations et de reports sine die, ou de multiples subventions déguisées à la pollution sous forme de dépenses exceptionnelles de réduction de la facture énergétique (comme le <a href="https://theconversation.com/pouvoir-dachat-le-bouclier-tarifaire-un-soutien-de-100-euros-par-trimestre-185056">bouclier tarifaire</a> en France) qui ont atteint en Europe le record de <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/transitions-ecologiques/jamais-les-etats-n-ont-autant-subventionne-les-energies-fossiles-qu-en-2022-952260.html">350 milliards d’euros</a> sur 2022 d’après l’AIE.</p>
<p>Il faut fixer des objectifs clairs et cohérents et s’y tenir pour donner la certitude aux entreprises et aux investisseurs qu’on ne reviendra pas en arrière. Il est impératif d’ancrer les anticipations des acteurs sur un horizon fixe et certain pour pouvoir enclencher le jeu de la concurrence et son mécanisme de contestabilité des marchés et de débloquer les investissements privés. Toute forme de renoncement de l’UE désincitera les acteurs à accélérer dans la transition et fera rétropédaler ceux qui avaient pris de l’avance sur l’atteinte de l’horizon 2035.</p>
<h2>Éviter « la tragédie des horizons »</h2>
<p>Le constructeur français Renault a ainsi pivoté sa stratégie sur les voitures propres avec son <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/a-quoi-ressemblera-le-pole-electricity-de-renault-dans-les-hauts-de-france.N1112619">pôle Electricity</a> et la scission de ses activités en deux entités aux stratégies différenciées pour rester compétitif dans un marché concurrentiel : Ampère, dédiée aux véhicules propres une stratégie de sophistication avec une offre de qualité supérieure à un prix plus élevé destinée au marché européen ; Horse, les véhicules thermiques destinés aux marchés émergents sur une stratégie d’optimisation des coûts, la rentabilité sur cette offre traditionnelle bien maîtrisée devant alimenter le financement de la sophistication verte.</p>
<p>Mêmes positionnements sur le premium de l’offre de voitures propres chez Stellantis, avec d’autres acteurs comme l’américain Tesla ou le géant français de l’énergie TotalEnergies sur l’équipement en bornes de recharge de son réseau de stations-service, qui démontrent le rôle décisif de la concurrence pour développer une offre alignée avec les impératifs de la transition énergétique.</p>
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<p>La concurrence favorise la <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/dictionnaire/definition/97466">contestabilité des marchés</a> (permettant à de nouveaux producteurs de se joindre ou de se retirer des conditions qui leur conviennent) et son cortège d’innovations indispensables pour dépasser la frontière technologique de la transition (le niveau le plus avancé de la recherche à un moment donné) et de prendre un coup d’avance sur les solutions de demain. En <a href="https://www.jstor.org/stable/3502156">théorie</a>, une économie rendue contestable par la concurrence conduit à une sophistication de la proposition de valeur des offres et <a href="https://www.lesechos.fr/2004/01/marche-contestable-1060294">à une valeur partagée pour tous</a> : qualité de service et prix plus bas au bénéfice de la demande ; plus de rendements de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/innovation-21577">innovation</a> et d’échelles et d’attraction des ressources rares au bénéfice de l’offre.</p>
<p>Plus l’UE reporte ses objectifs et cède aux pressions protectionnistes, plus elle s’enfermera dans <a href="https://politiqueinternationale.com/revue/n162-investissement-responsable-lessor/dossier-special/finance-et-risque-climatique-la-tragedie-des-horizons">« la tragédie des horizons »</a> sur laquelle alertait l’ancien banquier central canadien Marc Carney, et son retard sera irrattrapable. Elle gagnerait à rester cohérente avec son principe fondateur de la concurrence et ses <a href="https://www.touteleurope.eu/fonctionnement-de-l-ue/le-marche-unique/">« quatre libertés fondamentales »</a> (circulation des biens, des capitaux, des services et des personnes) pour attirer les capitaux nécessaires à la transition et les infrastructures indispensables à sa diffusion (comme les bornes de recharge électrique) et son acceptabilité.</p>
<p>À l’heure où les États-Unis s’égarent avec du protectionnisme dont ils auront à assumer le revers plus tôt que tard comme l’illustre l’accord tout récent sur le nouvel oléoduc en Alaska, concession exigée des puissants lobbys d’hydrocarbures, l’UE doit rester ferme sur ses engagements et fidèle à la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/concurrence-22277">concurrence</a> dont les vertus accéléreront la transition et sa diffusion avec des solutions accessibles. Il est temps de passer du <a href="https://www.gfmag.com/magazine/january-2023/nouriel-roubini-interview"><em>greenwishing</em></a> (« l’envie de vert ») comme ironise l’économiste américain Nouriel Roubini, au <em>green-enacting</em> (« l’action verte ») grâce à la concurrence ; un positionnement gagnant <a href="https://competition-policy.ec.europa.eu/consumers/why-competition-policy-important-consumers_fr">vecteur d’une compétitivité et d’une attractivité</a> certaines.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203803/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Face à la coalition menée par l’Allemagne pour revenir sur l’interdiction de la vente de voitures thermiques dès 2035, l’UE doit rester ferme sur les principes de son fonctionnement économique.Anna Souakri, Affiliate Professor in Strategy/Innovation & Researcher at Square Management, ESCP Business SchoolJean-Marc Daniel, Emeritus associate Professor, Law Economics & Humanities, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2030142023-04-04T17:35:39Z2023-04-04T17:35:39ZTaxation des superprofits : un outil de redistribution des gagnants vers les perdants des crises ?<p>Les événements géopolitiques récents ont montré qu’une crise pour certains peut représenter une opportunité pour d’autres. Avec des entreprises affichant des résultats exceptionnels quand d’autres ont souffert de la pandémie puis du contexte inflationniste, des appels ont été émis pour redistribuer les bénéfices des « gagnants » vers les « perdants ».</p>
<p>En septembre 2022, la Commission européenne a ainsi mis en place une <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=COM%3A2022%3A473%3AFIN">contribution de solidarité</a> des entreprises de combustibles fossiles, qui correspond peu ou prou à une taxe sur les <a href="https://theconversation.com/topics/profit-33648">superprofits</a>. L’<a href="https://www.taxobservatory.eu/wp-content/uploads/2022/09/EUTO_WP5_A_Modern_Excess_Profit_Tax-1.pdf">Observatoire fiscal de l’Union européenne (UE)</a> a également proposé de taxer l’augmentation de la capitalisation boursière des entreprises énergétiques.</p>
<p>Lors de son interview télévisée, aux 13 heures de TF1 et France 2, le mercredi 22 mars, le président de la République, Emmanuel Macron a, lui, émis l’idée d’un mécanisme qui aille en direction des salariés :</p>
<blockquote>
<p>« On a de grandes entreprises qui font des revenus tellement exceptionnels qu’elles en arrivent à utiliser cet argent pour <a href="https://theconversation.com/rachats-dactions-face-aux-exces-des-marches-une-regulation-encore-trop-timide-191179">racheter leurs propres actions</a> ; je vais demander au gouvernement de travailler à une contribution exceptionnelle pour que leurs travailleurs puissent en profiter ».</p>
</blockquote>
<p>Il s’agirait, selon les précisions apportées ensuite par Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, de <a href="https://www.sudouest.fr/economie/partage-des-superprofits-les-syndicats-sauf-la-cgt-prets-a-signer-un-accord-sur-la-repartition-des-benefices-14635358.php">renforcer les dispositifs d’intéressement</a>, non pas de consolider la taxation des superprofits en l’élargissant à d’autres firmes que celles du secteur de l’énergie. Le gouvernement s’est d’ailleurs souvent montré réticent à cette proposition, craignant que de grands groupes ne partent à l’étranger bénéficier d’une fiscalité plus avantageuse.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1638516806808641538"}"></div></p>
<p>Nos <a href="https://doi.org/10.1111/jpet.12589">recherches</a> suggèrent néanmoins que l’idée ne semble pas à abandonner.</p>
<h2>Concurrence imparfaite</h2>
<p>Notre <a href="https://doi.org/10.1111/jpet.12589">article</a> publié dans le <em>Journal of Public Economic Theory</em>, étudie les gains et les pertes encourues lors de la pandémie liée au coronavirus. L’épisode sanitaire et les mesures prises pour ralentir sa propagation ont eu un impact majeur sur l’activité économique.</p>
<p>La production mondiale a diminué de <a href="https://www.imf.org/en/Publications/WEO/Issues/2021/03/23/world-economic-outlook-april-2021">3,3 % en 2020</a>, avec une baisse supérieure à 8 % pour des pays comme la France, le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Inde et l’Afrique du Sud. De nombreux gouvernements ont réagi rapidement pour soutenir les entreprises avec des initiatives englobant le report du paiement de l’impôt, des exonérations fiscales, des subventions salariales versées aux employeurs ainsi que des subventions non remboursables.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Certaines ont tout de même profité du contexte, engrangeant des profits plus importants qu’en temps ordinaire. Elles ont pu bénéficier d’un changement de consommation causé par la pandémie, avec par exemple une demande accrue pour les produits d’hygiène. D’autres, opérant « en numérique », ont profité de la fermeture temporaire « physique » de leurs concurrents.</p>
<p>En utilisant les données de <em>S&P Compustat North America</em>, qui incluent environ 11 000 entreprises au cours de la période 2017-2020, nous avons pu mettre en évidence les effets économiques hétérogènes de la période d’un secteur à l’autre.</p>
<p>Des branches ont été clairement et globalement perdantes comme le transport aérien. À l’intérieur d’un même secteur, des hétérogénéités restent néanmoins visibles. Les entreprises les plus performantes dans les secteurs des produits chimiques, magasins de marchandises ou d’alimentation, ou encore des services aux entreprises ont amélioré, parfois considérablement, leur marge bénéficiaire pendant la pandémie. D’autres enregistraient des pertes dans le même temps. Cela suggère que les premières ont pu exploiter le contexte pour accroître leur pouvoir de marché et augmenter les prix.</p>
<p><iframe id="QKqzZ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/QKqzZ/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Grâce à un modèle théorique de concurrence imparfaite dans un cadre d’équilibre partiel, nous montrons que les superprofits réalisés par quelques entreprises au cours de cette période auraient pu être taxés pour compenser au moins une partie des pertes subies par la majorité.</p>
<p>Considérons par exemple deux types d’entreprises : les entreprises en ligne (ou actives) et les entreprises hors ligne. Pendant le confinement, seules celles en ligne pouvaient vendre. Lorsque le nombre d’entreprises actives est faible, ces dernières peuvent exercer plus de pouvoir sur le marché, augmenter les prix et obtenir des bénéfices plus élevés. Ainsi, il devient possible de compenser les pertes par les gains générés par le confinement.</p>
<p>Même lorsque les entreprises en ligne sont en proportion telle que leur pouvoir de marché reste assez modéré (et par là même leur « surprofit »), on peut imaginer compenser les pertes de celles à l’arrêt par les gains des premières. Cela est rendu possible si la demande des consommateurs augmente avec le choc de manière significative.</p>
<h2>Une étape nécessaire</h2>
<p>À la pandémie a succédé le choc de l’invasion de l’Ukraine qui a bouleversé une économie mondiale encore convalescente. Elle a notamment entraîné une envolée des prix du pétrole et du gaz, pénalisant les consommateurs tout en profitant largement au secteur de l’énergie (Shell et Total ont triplé leurs bénéfices en 2022 par rapport à l’avant-guerre).</p>
<p>C’est pourquoi la Commission européenne a introduit sa <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=COM%3A2022%3A473%3AFIN">taxe sur les superprofits</a>, nommée contribution de solidarité. Elle correspond à un prélèvement supplémentaire de 33 % pour les entreprises des secteurs du pétrole, du gaz, du charbon et de la raffinerie situées dans l’UE dont les bénéfices en 2022 sont supérieurs de 20 % à la moyenne des bénéfices générés au cours des trois exercices précédents.</p>
<p>Jusqu’à présent, lorsqu’elle est mise en place, une taxe sur les superprofits est considérée comme une mesure temporaire et ne concerne que les entreprises du secteur énergétique et bancaire (dans le cas de l’Espagne par exemple). Ces dernières ne sont pourtant pas les seules à générer des superprofits, posant un problème d’inégalité de traitement des contribuables.</p>
<p>La difficulté est, en particulier, de tracer l’origine des superprofits. Elle pourrait être ignorée pour taxer tout superprofit s’apparentant à une rente économique, c’est-à-dire non lié à l’investissement, à l’innovation ou au risque pris par l’entreprise mais dû à des événements extérieurs inattendus. C’est d’ailleurs ce qui était effectué pendant les <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/09/01/d-ou-vient-la-notion-de-superprofit-et-que-signifie-t-elle-vraiment_6139741_4355770.html">Première et Seconde Guerres mondiales</a> : une taxe sur les superprofits était adoptée dans une douzaine de pays et pour tous les secteurs de l’économie.</p>
<p>Le mécanisme reposait sur une comparaison entre les profits « normaux » avant choc externe, avec ceux réalisés pendant ce choc ; la différence entre les deux correspondant à des superprofits. Une autre possibilité est de considérer tous les profits supérieurs à un certain taux de rendement du capital comme des superprofits.</p>
<p>Le changement climatique, avec un risque accru de conflits, de maladies infectieuses zoonotiques, de sécheresse et d’autres catastrophes naturelles, entraînera des opportunités conséquentes pour certains et des pertes pour d’autres. Une étape nécessaire pour aller vers une croissance inclusive et une transition écologique serait d’adopter une taxe permanente sur les superprofits dans tous les secteurs de l’économie. C’est <a href="https://www.imf.org/-/media/Files/Publications/WP/2022/English/wpiea2022187-print-pdf.ashx">ce que suggèrent d’ailleurs des chercheurs</a> du <a href="https://www.econpol.eu/sites/default/files/2023-03/EconPol-PolicyBrief_49.pdf">Fonds monétaire international</a> (FMI). Pour répondre aux problèmes de transferts de revenus vers des pays à faible imposition, cette taxe pourrait être calculée à partir du compte consolidé des entreprises multinationales en proportion des ventes par destination.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203014/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le président de la République a écarté l’idée de taxer les résultats records des entreprises malgré les atouts d’une telle mesure mais évoque un mécanisme de redistribution à l'intention des salariés.Rodolphe Desbordes, Professeur d'Economie, SKEMA Business SchoolCeline Azemar, Professeur d'économie et Doyenne Académique, Rennes School of BusinessJean-Philippe Nicolaï, Professeur des Universités, Institut polytechnique de Grenoble (Grenoble INP)Paolo Melindi-Ghidi, Associate professor en Economie, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2024562023-03-26T15:59:20Z2023-03-26T15:59:20ZLa maximisation du profit sous contrainte énergétique, la nouvelle équation des multinationales<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/517171/original/file-20230323-14-u13f1d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1266%2C866&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 2022, les principales compagnies pétrolières ont doublé leurs bénéfices.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/97423979@N00/14155111927">Neal Wellons/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La décennie 1980 marque l’irruption des grands groupes dans l’espace mondial de la production et des échanges et le transfert des droits de décision à des fournisseurs localisés à l’étranger. Grâce aux technologies d’information et à la numérisation, le mouvement de découpage, d’externalisation et de délocalisation des tâches, appelé globalisation, a permis la mise en place de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/chaine-de-valeur-48789">chaînes de valeur</a> mondiales caractérisées par une forte intensité des relations et une baisse des coûts de transaction.</p>
<p>La fluidification de l’espace mondial a accru la mobilité de la production des biens et services permise par un arbitrage entre la propriété (investissements directs à l’étranger) et la coordination (relations contractuelles avec les fournisseurs). Le décentrement de l’analyse <a href="https://e.lavoisier.fr/produit/45668/9782746289024/les-paradoxes-de-l-economie-du-savoir">vers les tâches productives et de services</a> plutôt que vers les biens fournit le cadre théorique de cette démarche : les chaînes de valeur renforcent l’avantage concurrentiel en abaissant le coût du travail pour des compétences de même niveau.</p>
<p>Cette organisation est en grande partie remise en cause aujourd’hui.</p>
<h2>L’importance des actifs primaires</h2>
<p>Une vague néo-protectionniste submerge le monde. Le recentrage de la Chine sur son marché intérieur, la guerre en Ukraine, la segmentation poussée des chaînes de valeur avec pour conséquence la difficulté de contrôler l’ensemble du processus de production et l’influence grandissante du risque géopolitique, ont à la fois ralenti le processus de globalisation et l’ont réordonné géographiquement, ce qui conduit à un périmètre plus réduit de <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/l_occidentalisation_du_monde-9782707145918">l’occidentalisation</a>.</p>
<p>La dislocation de l’espace mondial ne signifie pas la fin de la globalisation, mais une nouvelle conception de l’intégration économique privilégiant l’accès aux actifs primaires. C’est le cas de la Chine qui se globalise par les infrastructures et construit les « <a href="https://theconversation.com/fr/topics/nouvelles-routes-de-la-soie-36140">routes de la soie</a> » en élaborant des accords portant sur des actifs bruts (licences d’exploitation des matières premières, achat de terres cultivables).</p>
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<a href="https://theconversation.com/la-guerre-en-ukraine-transforme-la-carte-des-routes-commerciales-chine-europe-189350">La guerre en Ukraine transforme la carte des routes commerciales Chine-Europe</a>
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<p>Le <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_21_6433">projet de portail mondial de la Commission européenne</a>, d’un montant de 300 milliards d’euros d’investissements public et privé entre 2021 et 2027 (Global Gateway) vise à financer des projets d’infrastructure hors de l’UE dans le but de contrer les routes de la soie chinoises et à accéder à des matières premières sensibles (terres rares, lithium), que l’UE importe aujourd’hui de Chine.</p>
<p>En fait, de nombreuses entreprises européennes sont soumises à une double contrainte : l’accès à l’énergie (actif primaire) et la <a href="https://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/bifurcations/">décarbonation de l’activité</a>. Les effets économiques sont considérables, y compris chez les fournisseurs. La compétitivité de l’ensemble de la chaîne de valeur est menacée.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/517161/original/file-20230323-14-ajxdsp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/517161/original/file-20230323-14-ajxdsp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/517161/original/file-20230323-14-ajxdsp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/517161/original/file-20230323-14-ajxdsp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/517161/original/file-20230323-14-ajxdsp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/517161/original/file-20230323-14-ajxdsp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/517161/original/file-20230323-14-ajxdsp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/517161/original/file-20230323-14-ajxdsp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.oecd.org/fr/presse/prix-a-la-consommation-de-locde-mise-a-jour-7-mars-2023.htm">OCDE (2023)</a></span>
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<p>On peut citer le cas de l’équipementier aéronautique français Safran, qui a ajourné fin 2022 son projet d’usine de freins carbone à Feyzin (Rhône) et accroît la production des usines déjà localisées aux États-Unis et en Malaisie, puis effectue en un second temps un investissement direct aux États-Unis, pays dans lequel le <a href="https://www.oecd.org/fr/presse/prix-a-la-consommation-de-locde-mise-a-jour-7-mars-2023.htm">prix de l’énergie est resté stable</a> ces deux dernières années (l’énergie représente 40 % du coût de fabrication des freins carbone).</p>
<h2>La primauté de la demande</h2>
<p>L’accès aux actifs primaires n’offre qu’une explication partielle de la recomposition des objectifs et des modalités d’organisation des firmes globales. La numérisation et la gestion des écosystèmes ont modifié les relations entre les coûts du travail et les prix, en particulier dans les secteurs dans lesquels l’inflation progresse sous l’influence de la demande.</p>
<p>La stratégie des entreprises est d’accroître les parts de marché et de maximiser leurs chiffres d’affaires de façon à atteindre des positions quasi monopolistiques (électronique, aéronautique, chimie, pharmacie, etc.) La profitabilité réside avant tout dans la capacité d’exploiter les opportunités de croissance et d’anticiper les modifications de la demande, notamment lorsqu’elle exige l’usage de « technologies propres ».</p>
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<p>La recherche de l’avantage concurrentiel privilégiait les coûts du travail et la productivité que la démultiplication des tâches dans les chaînes de valeur favorisait. Les chaînes de valeur, recomposées sur le plan régional et plus morcelées, exigent aujourd’hui une normalisation technologique poussée : Safran précise qu’il n’y a pas d’action de décarbonation sans transformation du capital productif de tous les fournisseurs, pour être en mesure de respecter les <a href="https://www.icao.int/Newsroom/Pages/FR/ICAO-Council-adopts-new-CO2-emissions-standard-for-aircraft.aspx">normes internationales</a> de certification des émissions de CO<sub>2</sub> pour les avions.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1585942686409887745"}"></div></p>
<p>Le salaire n’est pas la variable fondamentale dans la réorganisation des grandes entreprises. Ce qui devient crucial, ce sont les coûts de formation et de mobilité de la main-d’œuvre. En revanche, le coût du capital dans la transition écologique exige la maximisation du chiffre d’affaires pour permettre le déclassement des équipements, le financement de lourds investissements en nouvelles technologies, la fermeture de certaines unités.</p>
<p>La demande d’avions commerciaux reste très forte aux États-Unis (avions neufs et rénovation), ce qui justifie l’investissement de Safran qui possède 55 % de parts de marché sur le segment des avions commerciaux de plus de 100 places, devant l’américain Collins Aerospace (Raytheon Technologies). En 2021, ce sont les industries les plus concentrées qui ont connu les plus fortes hausses de prix, ce qui facilite la croissance du chiffre d’affaires et le maintien de marges de profit élevées (11,2 % pour les grandes entreprises du S&P 500).</p>
<p>Par ailleurs, la décarbonation est un moyen d’attirer de nouvelles compétences, principalement celles des nouvelles générations, sensibles à ces nouveaux enjeux.</p>
<h2>Qu’en est-il des Big Oil ?</h2>
<p>Ces entreprises (ExxonMobil, Chevron, BP, Shell et TotalEnergies) doublent leurs bénéfices en 2022 (<a href="https://www.zonebourse.com/cours/action/BP-PLC-9590188/actualite/Big-Oil-double-ses-benefices-lors-de-la-superproduction-de-2022-42930073/">219 milliards de dollars</a>) en surproduisant pour répondre à une demande qui explose du fait des risques géopolitiques. Le cas de TotalEnergies est significatif d’un comportement oligopolistique qui vise à maximiser le chiffre d’affaires (augmentation de 60 % entre 2021 et 2022) et le résultat net (19,47 milliards d’euros en 2022).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1623219722517991424"}"></div></p>
<p>Le développement de l’entreprise passe d’abord par le renforcement de la part de marché permis par une politique à long terme d’acquisitions (2011-2018) : de 60 % de la société US SunPower, de Saft Groupe, de Lampiris, de Direct Energie, etc. Cette stratégie de « glocalisation » (déploiement mondial sur 130 pays conjugué à un ancrage local) permet le développement d’une diversification multiénergies sous la contrainte que les produits amont (pétrole et gaz) doivent régresser progressivement à mesure que les investissements sont orientés vers les énergies renouvelables et à faible émission de carbone.</p>
<p>Le coût du capital se renchérit à la fois pour mener à leur terme les projets d’exploration et de production en cours et pour favoriser le réinvestissement dans d’autres secteurs, le risque étant de déclasser trop rapidement certains capitaux qui exigent d’être comblés par un surcroît d’investissements. L’entreprise a pour objectif d’être un acteur majeur de la transition énergétique et de devenir, en engageant notamment ses fournisseurs, un des <a href="https://totalenergies.com/info/totalenergies-publishes-its-sustainability-climate-2022-progress-report">cinq premiers producteurs mondiaux</a> d’électricité solaire et éolienne en 2030.</p>
<p>D’autant qu’aux États-Unis, <a href="https://theconversation.com/inflation-reduction-act-comment-lunion-europeenne-peut-elle-repondre-aux-incitations-fiscales-americaines-201425">l’Inflation Reduction Act</a>, adoptée en août 2022, permet aux entreprises d’un grand nombre de domaines d’activité (du nucléaire à l’hydrogène en passant par les voitures électriques et l’isolation des maisons individuelles), quelle que soit leur nationalité, de bénéficier de 369 milliards de dollars de subventions pour verdir leur production, sous forme d’aides à l’investissement ou de crédit à la production.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202456/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bernard Guilhon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La décarbonation, qui nécessite beaucoup de capital, conduit les grandes entreprises à délaisser progressivement la recherche de l’avantage concurrentiel par la baisse du coût du travail.Bernard Guilhon, Professeur de sciences économiques, SKEMA Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1991182023-02-06T18:08:59Z2023-02-06T18:08:59ZAux États-Unis, la féroce concurrence entre les cabinets d’avocats favorise la mixité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/507844/original/file-20230202-6522-cm8k8l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=39%2C48%2C1149%2C750&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les efforts en matière de diversité des genres se concentrent encore aujourd’hui généralement au bas de l’organigramme.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/141761303@N08/38748764521">Amtec Photos/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dans les cabinets d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/avocats-45890">avocats</a> américains, les efforts visant à favoriser la diversité des genres ne sont pas seulement motivés par un désir d’équité, mais aussi par la nécessité de détourner certains clients des cabinets adverses.</p>
<p>En effet, si les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/femmes-27381">femmes</a> sont bien représentées dans les hauts rangs des clients des cabinets concurrents, les cabinets d’avocats augmentent à leur tour la part de femmes dans leurs rangs. Mais lorsque la mixité professionnelle est moins susceptible d’attirer des clients, les cabinets d’avocats réduisent leurs efforts en matière de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/parite-24063">parité</a> interne.</p>
<p>On observe que les femmes sont de plus en plus présentes aux postes de direction des entreprises, une tendance que beaucoup considèrent comme une compensation des discriminations passées et un pas de plus vers l’égalité des sexes.</p>
<p>Mais quelle que soit l’importance que les cabinets accordent au changement social, il n’en reste pas moins qu’une guerre commerciale acharnée les oppose à leurs concurrents. C’est le cas notamment des grands cabinets d’affaires américains, dont la survie et la prospérité reposent sur une liste de clients importants ayant des besoins récurrents de leurs services, ce qui implique souvent de détourner d’autres clients de leurs avocats actuels.</p>
<p>Comme le révèle notre <a href="https://doi.org/10.1002/smj.3466">étude</a> (menée avec <a href="https://www.jbs.cam.ac.uk/faculty-research/faculty-a-z/lionel-paolella/">Lionel Paolella</a> de l’université de Cambridge) portant sur 167 grands cabinets d’avocats américains et 1 400 acheteurs de services juridiques, ces deux motivations ne s’opposent pas forcément. Au contraire, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/concurrence-22277">concurrence</a> commerciale peut réellement inciter les cabinets d’avocats à renforcer la représentation des femmes dans leurs rangs si leurs prospects en font de même.</p>
<p>Cependant, cette féminisation liée à la concurrence n’est pas si positive pour les femmes, car les efforts déployés par les cabinets d’avocats pour renforcer la parité faiblissent dès que les possibilités d’attirer de nouveaux acheteurs de services juridiques s’amenuisent. Le même phénomène se produit lorsque les cabinets misent sur la diversité raciale et non sexuelle.</p>
<h2>La motivation à faire bien n’est pas suffisante</h2>
<p>Dans les faits, ce qui motive les efforts en matière de diversité professionnelle va donc au-delà d’un simple engagement de rééquilibrer le pouvoir en faveur de population sous-représentées aux postes clés. Les avocats et les cabinets juridiques, après tout, sont soumis aux mêmes pressions que les autres entreprises.</p>
<p>Par ailleurs, les efforts en matière de diversité des genres se concentrent souvent au bas de l’organigramme. Les cabinets disposent de comités de la diversité qui influencent leurs pratiques de recrutement, et au moment d’embaucher de nouveaux collaborateurs issus des facultés de droit, la répartition est relativement égale entre les hommes et les femmes.</p>
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<p>Mais là où le bât blesse, c’est lorsque cette proportion n’est pas maintenue dans le reste de l’organisation, notamment au niveau des principaux associés. En effet, on constate une chute de la diversité, avec 50 % de femmes collaboratrices contre moins de 20 % de femmes associées. Nous avons aussi observé que la diversité professionnelle au sein des cabinets d’avocats progresse beaucoup moins vite que chez leurs clients.</p>
<p>On peut donc se demander pourquoi les cabinets d’avocats ne comptent davantage de femmes à leur tête. Est-ce un choix stratégique ? Est-ce motivé par le marché ? Si tel est le cas, quel est l’impact de ce changement ?</p>
<h2>Des perspectives portées par la concurrence</h2>
<p>Le secteur juridique constitue un bon indicateur de la façon dont les entreprises répondent aux attentes de diversité professionnelle de leurs clients et de l’avantage concurrentiel qu’elles en retirent. Les revenus et la réputation des cabinets d’avocats dépendent des acheteurs de leurs services. Or, bien que les clients choisissent un cabinet plutôt qu’un autre en fonction de plusieurs critères (expertise dans leur secteur ou références), la diversité des genres fait de plus en plus partie de leurs exigences.</p>
<p>Il y a quelques années, des entreprises de premier plan avaient même publié ensemble un « Appel à l’action » pour signifier aux cabinets d’avocats qu’elles orienteraient leurs dépenses vers les cabinets qui prennent la diversité au sérieux.</p>
<p>Nous avons donc émis l’hypothèse que la mixité est effectivement aiguillonnée, au moins en partie, par la concurrence. Un cabinet d’avocats qui veut inciter un gros client d’un concurrent à le délaisser pour se tourner vers lui à la place observera le nombre de femmes à des postes à responsabilité chez ce client potentiel et essaiera de se rapprocher de ce taux de mixité afin de le rejoindre sur ce plan. Mais si la parité est moins respectée chez ce client potentiel, la pression en matière de mixité sera moindre. Perçue sous cet angle, la diversité des genres devient à la fois stratégique et cruciale.</p>
<p>Nous avons également réfléchi aux autres facteurs susceptibles d’inciter les cabinets d’avocats à accroître ou non leur diversité. Les avantages de la diversité pour les organisations ont fait l’objet de nombreuses publications. Au lieu d’essayer de ressembler à leurs clients, par exemple, il pourrait sembler pertinent, du point de vue des ressources humaines, de favoriser l’égalité hommes-femmes pour disposer d’un meilleur vivier de talents, avec des connaissances et des approches plus variées, ainsi que davantage de compétences. Mais si cette stratégie était le principal moteur, la diversité interne ne serait pas aussi fortement influencée par celle des clients.</p>
<p>En effet, nous avons constaté que plus les clients des cabinets adverses manifestent leur parti pris pour la diversité, plus les cabinets juridiques essaient de s’aligner sur les préférences des clients. L’un des principaux facteurs de diversification est donc la concurrence. C’est ce qui compte vraiment, plus que le développement du capital humain (on peut pourtant penser que ces cabinets comptent d’excellents juristes !).</p>
<p>Aussi, si la principale motivation de la diversité professionnelle était essentiellement sociétale, l’effet de la concurrence ne serait pas aussi marqué. Il faut dire que, pour obtenir un avantage concurrentiel, il faut essayer d’arracher des clients à d’autres cabinets, généralement les plus proches et les plus puissants. Donc la réponse doit être forte.</p>
<h2>Que conclure de ces constats ?</h2>
<p>L’un des points clés de cette étude est que nous démontrons empiriquement un lien étroit entre la diversité des genres et la concurrence, et l’alignement sur les préférences des clients de ses rivaux. Il s’agit d’une manœuvre stratégique à laquelle il a été fait allusion dans certaines publications passées, mais qui n’avait jamais vraiment été démontrée jusqu’à présent.</p>
<p>Les dirigeants envisagent la diversité des genres comme un levier d’amélioration de leur position sur le marché parmi d’autres. Au-delà des connaissances, les compétences et les capacités de chacun, les responsables doivent constituer un capital humain et un vivier de talents tels qu’ils leur confèrent un atout sur le marché. La volonté de disposer d’un vivier de collaborateurs reflétant la société ou les valeurs de la société est plutôt une bonne chose.</p>
<p>Les recherches sur le lien entre la concurrence et l’égalité hommes-femmes devront être approfondies. À ce stade, nous ne savons pas si ce lien existe aussi en dehors des services professionnels, ni dans quelle mesure il s’appliquerait, par exemple, au secteur industriel, où la responsabilité sociale des entreprises s’oriente peut-être davantage vers la transition vers les énergies renouvelables ou la lutte contre les discriminations. </p>
<p>Quoi qu’il en soit, cet article démontre que la concurrence entre prestataires de services aux entreprises, secteur traditionnellement masculin, accroît la féminisation des postes à responsabilité – et ce en réponse à la féminisation des états majors de leurs clients.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199118/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une étude montre que les firmes américaines tendent à s’adapter aux niveaux de parité observés chez les clients qu’elles souhaitent ravir à leurs rivales.John Mawdsley, Professeur associé en stratégie et politique d'entreprise, HEC Paris Business SchoolRodolphe Durand, Professeur, stratégie et Politique d'Entreprise, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1928762022-12-16T12:59:31Z2022-12-16T12:59:31ZTGV Paris-Lyon : un an après, l’arrivée de Trenitalia rime-t-elle effectivement avec prix plus bas ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/490614/original/file-20221019-12-velxup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C84%2C1274%2C812&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Depuis un an, les TGV de la SNCF partagent leurs quais à Paris-Gare de Lyon avec les rames Frecciarossa de la compagnie italienne Trenitalia.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:ETR1000_(15)_Front.jpg">Stig124 / Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La crise liée au coronavirus en avait retardé l’échéance. Pour la première fois, le 18 décembre 2021, un <a href="https://theconversation.com/fr/topics/train-26726">train</a> d’une compagnie étrangère reliait deux villes françaises après plus de 80 ans de monopole par la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/sncf-37898">SNCF</a>. Une rame Frecciarossa du transporteur <a href="https://www.trenitalia.com/content/dam/tcom/tfrance/attachments/presse/Trenitalia%20-%20Communiqu%C3%A9%20de%20Presse%20-%2012.12.2021.pdf">Trenitalia</a> quittait Paris pour Milan, desservant au passage Lyon-Part Dieu, Chambéry et Modane du côté français des Alpes. Deux allers-retours quotidiens pour commencer, puis <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/rhone/lyon/la-compagnie-ferroviaire-trenitalia-renforce-son-offre-paris-lyon-2518732.html">trois</a> à partir du mois d’avril et <a href="https://www.francebleu.fr/infos/economie-social/la-nouvelle-eco-trenitalia-developpe-son-offre-sur-la-ligne-lyon-paris-1654013839">cinq</a> deux mois plus tard, les trois derniers seulement entre Paris et Lyon.</p>
<p>L’ouverture à la concurrence, promettait <a href="https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/la-concurrence-dans-l-union-europeenne/">l’Union européenne</a>, devait offrir au consommateur une qualité de service renforcée à des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/prix-33726">prix</a> plus attractifs en obligeant un opérateur en situation de monopole à comprimer ses marges. Nos <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02930864">travaux</a> de recherche synthétisant plusieurs observations faites sur le Vieux Continent tendaient à montrer que l’hypothèse semblait vérifiée avec des écarts plus ou moins importants selon les pays.</p>
<p>Un an après, qu’en est-il sur la ligne à grande vitesse Paris-<a href="https://theconversation.com/fr/topics/lyon-52163">Lyon</a>, la <a href="https://www.sncf-reseau.com/fr/entreprise/newsroom/sujet/reseau-ligne-paris-lyon-projet-pilote-haute-performance">plus ancienne et la plus empruntée d’Europe</a> (44 millions de passagers en 2019) ?</p>
<h2>Plus de trains pour des prix maîtrisés</h2>
<p>Pour distinguer les effets de l’arrivée d’un nouvel opérateur de ceux du Covid, dont nous avions montré qu’il avait donné en moyenne lieu à une <a href="https://rsaiconnect.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/rsp3.12534">baisse des prix</a>, nous avons, dans nos <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0967070X23002573?dgcid=author">travaux</a> récents, isolé quatre périodes d’un mois : pandémie ou non, monopole ou non, les quatre cas de figure étaient représentés et nous ont offert des éléments de comparaison.</p>
<p><iframe id="aQfBu" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/aQfBu/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Avec pareil objectif, un autre élément de comparaison a également été utilisé, la liaison Paris-<a href="https://theconversation.com/fr/topics/bordeaux-35660">Bordeaux</a> sur laquelle la SNCF est toujours seule à faire rouler ses trains. Les temps de trajets y sont similaires à l’axe Paris-Lyon et on retrouve dans les deux cas un vaste arrière-pays desservi par les trains (Marseille, Nice ou Grenoble, côté lyonnais ; Toulouse, Tarbes ou Hendaye, côté girondin).</p>
<p><iframe id="6AqZm" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/6AqZm/9/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="cP90M" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/cP90M/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les résultats montrent que le nouvel arrivant a rempli son rôle, en proposant des prix 30 à 60 % inférieurs face à l’opérateur historique et en augmentant son offre de deux à cinq allers-retours quotidiens. Du côté de la SNCF, le nombre de TGV inOui a retrouvé son niveau de 2019 tandis que les prix ont baissé de 20 % entre octobre 2019 et octobre 2022. L’offre Ouigo est quant à elle également restée stable avec une baisse des prix plus modérée de 13 %.</p>
<p>Au total, cela donne entre Lyon et Paris 15 % de trains en plus et 23 % de réduction sur les billets, ce qui semble positif et s’inscrit au profit des usagers. Sur le Paris-Bordeaux, ces chiffres sont respectivement de + 18 % pour la fréquence et + 4 % pour les prix témoignant d’un engouement pour cette destination mais aussi, très vraisemblablement, d’un rattrapage sur les prix en situation post-Covid, ce à quoi l’axe Paris-Lyon semble avoir échappé.</p>
<p>Est-ce à mettre au crédit de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/concurrence-22277">concurrence</a> ? Qu’il s’agisse des prix ou de la fréquence, ces résultats globaux appellent un peu de nuance.</p>
<h2>Tout en contraste</h2>
<p>Pour ce qui est de la fréquence, l’accroissement des trafics sur Paris-Lyon résulte exclusivement des cinq nouvelles rames Trenitalia. Cela peut être vu comme un succès mais aussi comme une stratégie de retenue de la part de la SNCF, qui pendant ce temps augmentait son offre sur l’axe Paris-Bordeaux. Sans concurrence, rien ne laisse à penser que les résultats auraient été moins bons pour Paris-Lyon dans une année 2022 cumulant les records de fréquentation.</p>
<p>L’effet sur les prix, lui, est plus prononcé encore si l’on compare les trajets en inOui et en Trenitalia, qui jouent dans la même catégorie en matière de confort : respectivement 71,20 € en moyenne contre 37,40 € en octobre 2022, soit un delta de 47 %. Reste que cette différence peut s’expliquer à partir de deux éléments dont dépend sans doute l’avenir de l’écart observé : les avantages à l’installation dont bénéficie Trenitalia et ses difficultés de positionnement vis-à-vis de la clientèle professionnelle par un volume et une grille horaire encore trop peu attractifs.</p>
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<p>Concernant les avantages, Trenitalia a obtenu une <a href="https://www.autorite-transports.fr/communiques/lart-valide-la-proposition-de-reduction-des-peages-ferroviaires-negociee-entre-sncf-reseau-et-trenitalia-france-pour-2022-et-2023/">réduction des péages</a> à verser pour ses trois premières années d’exploitation à savoir, 37 % en 2022, 16 % en 2023 et 8 % 2024. Pour faire circuler ses trains sur un sillon, un opérateur (comme le sont SNCF Voyageurs ou Trenitalia) doit en effet s’acquitter d’un péage auprès du gestionnaire de l’infrastructure (SNCF Réseau en France). Il contribue à couvrir l’ensemble des coûts liés à l’investissement et au fonctionnement de la ligne à grande vitesse sur le principe de l’usager-payeur plutôt que le contribuable-payeur. Il représente entre 35 % et 40 % du prix d’un billet de train.</p>
<p>Cette réduction accordée à Trenitalia vise à compenser son coût d’investissement pour entrer sur le marché français (estimé à plus de 100 millions d’euros) et à lui donner le temps de gagner en renommée et visibilité aux côtés d’un opérateur historique très établi. Trenitalia pourra-t-elle maintenir ses prix bas lorsqu’elle devra s’acquitter de 100 % des péages ?</p>
<h2>Trenitalia face à un choix</h2>
<p>Concernant le positionnement de Trenitalia sur la clientèle professionnelle, l’opérateur italien semble pris entre deux feux. Un fait marquant illustre bien cet enjeu : on observe en heure de pointe, malgré des créneaux horaires proches, que les prix affichés par la SNCF ont peu évolué par rapport à l’offre de Trenitalia bon marché. Les prix de la SNCF étant indexés sur le taux de remplissage, ils nous enseignent que la clientèle surtout professionnelle à ces moments de la journée reste captée par l’opérateur historique malgré des prix plus élevés.</p>
<p>L’explication réside dans les deux facteurs déterminants pour cette clientèle : pas tant le prix que l’horaire et la fréquence. Sans accroissement de son offre, il sera difficile pour Trenitalia de convaincre pleinement cette population. Cependant, accroître les fréquences et positionner des trains sur des créneaux stratégiques pourrait accroître les coûts d’exploitation de l’opérateur et rendre plus difficile le maintien de prix bas. Tel est le dilemme.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/490618/original/file-20221019-20-j11qos.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/490618/original/file-20221019-20-j11qos.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/490618/original/file-20221019-20-j11qos.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=281&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/490618/original/file-20221019-20-j11qos.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=281&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/490618/original/file-20221019-20-j11qos.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=281&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/490618/original/file-20221019-20-j11qos.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=353&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/490618/original/file-20221019-20-j11qos.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=353&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/490618/original/file-20221019-20-j11qos.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=353&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’ouverture à la concurrence du rail entre Paris et Lyon pourrait bien participer de la hausse des tarifs sur la liaison Paris – Bordeaux.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Gare_Bordeaux_Saint_Jean_-_Bordeaux_(FR33)_-_2022-09-12_-_2.jpg">Chabe01/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>L’équation semble difficile à tenir mais pourrait être résolue par des trains à plus grande capacité, ce à quoi l’entreprise se prépare avec, dans les mois à venir, le passage à des unités doubles et l’ajout de deux allers-retours supplémentaires. Il devrait néanmoins en résulter un accroissement des prix pour couvrir les investissements et coûts d’exploitation supplémentaires, en plus de l’inflation dans le secteur de l’énergie.</p>
<h2>Une péréquation territoriale remise en cause ?</h2>
<p>Du point de vue de l’usager de la ligne, l’effet reste donc positif : une offre plus diversifiée pour des prix maîtrisés sur l’axe Paris-Lyon. Cependant, il s’agit aussi d’élargir le spectre d’analyse à l’ensemble de la collectivité. De fait, les prix plus élevés sur l’axe Paris-Lyon avaient pour vertu de compenser pour partie les pertes enregistrées sur le reste des services à grande vitesse souvent déficitaires.</p>
<p>Ce système de péréquation pourrait se trouver un peu plus fragilisé et conduire la SNCF à se tourner vers les collectivités locales pour subventionner le fonctionnement de certaines dessertes TGV au risque de les voir disparaître. À moins qu’elle ne renforce la contribution de ses autres lignes rentables.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192876/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florent Laroche ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’ouverture à la concurrence devait offrir au consommateur une qualité de service renforcée à des prix plus attractifs. L’analyse appelle à la nuance.Florent Laroche, Maître de conférence en économie, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1964092022-12-15T18:15:53Z2022-12-15T18:15:53ZQuel niveau d’information faut-il révéler pour convaincre un décideur ?<p>Dans un contexte où l’entreprise est tenue d’être honnête envers un décideur responsable de son avenir mais fait face à des concurrents sur son marché, quel degré d’information faut-il révéler ? Faut-il tout partager par souci de transparence ?</p>
<p>Supposons qu’une instance gouvernementale doive décider si elle autorise ou non un médicament sur le marché. Dans ce contexte d’incertitude où plusieurs entreprises sont en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/concurrence-22277">concurrence</a>, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/decision-64396">décision</a> se basera sur le niveau d’information communiquée par l’industrie pharmaceutique, qui ne sait pas exactement ce qu’elle doit révéler.</p>
<p>Dans certains cas, il n’est en effet pas optimal de tout divulguer, car certains défauts peuvent devenir apparents. Mais une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/entreprises-20563">entreprise</a> n’a pas pour autant le droit de mentir. Quel niveau d’information un laboratoire pharmaceutique théorique devrait-il alors communiquer aux autorités pour les convaincre ?</p>
<h2>Trouver le juste niveau</h2>
<p>Notre <a href="https://pubsonline.informs.org/doi/10.1287/moor.2020.1119">étude</a> est basée sur un modèle probabiliste de persuasion (ou « design informationnel ») dans une situation incertaine. Il offre plusieurs options : ne révéler aucune information, révéler des informations partielles, ou révéler une abondance d’informations. Comme notre modèle intègre aussi les concurrents, l’entreprise doit également trouver le juste niveau d’information pour convaincre le décideur que son médicament est le meilleur choix.</p>
<p>En d’autres termes, chaque entreprise (ou « designer informationnel ») cherche à convaincre, par exemple l’Agence nationale de sécurité du médicament (le décideur ou « agent »), que son produit est efficace et qu’il est préférable que les produits de ses concurrents ne soient pas approuvés. Dans d’autres cas, des départements d’une organisation ou d’une université peuvent vouloir convaincre les dirigeants de l’organisation d’ouvrir un poste dans leur département. Dans tous ces exemples, les parties concernées tentent de présenter <a href="https://theconversation.com/fr/topics/information-23501">l’information</a> de manière à orienter le comportement des décideurs. Notre étude offre un cadre théorique général pour analyser ce type de situation.</p>
<h2>Induire des croyances</h2>
<p>Nous avons étudié les situations où il existe plusieurs designers informationnels (plusieurs concurrents) et plusieurs décideurs. Dans le cas général, les designers informationnels peuvent faire passer des messages à la fois publics et privés. À chaque message ou communication, les décideurs modifient et ajustent leurs croyances et leur jugement en fonction de la sélection d’information qu’ils reçoivent. Le designer informationnel espère donc induire des croyances qui joueront en sa faveur plutôt qu’à ses concurrents.</p>
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<p>Le principal défi est alors de saisir l’équilibre entre les stratégies de divulgation de l’information et les choix des décideurs. Un décideur peut souvent agir en faveur de l’un ou l’autre des designers informationnels. Ceci est d’autant plus saillant lorsque le décideur hésite entre plusieurs choix. Dans ce cas, la moindre information communiquée par un des concurrents peut faire pencher la balance. L’équilibre décisionnel apparaît alors lorsque les décideurs parviennent à arbitrer entre les intérêts de plusieurs designers informationnels.</p>
<h2>Un nombre de messages à limiter</h2>
<p>Dans un autre modèle, chaque designer informationnel envoie uniquement des messages publics à l’ensemble des agents. Dans ce cas, nous discutons du nombre de messages (ou essais cliniques, dans notre exemple) à envoyer au décideur.</p>
<p>En nous basant sur ce modèle, nous avons trouvé un point d’équilibre, autrement dit le bon niveau d’information à partager, lorsque l’émetteur d’informations envoie un nombre limité de messages au décideur (ou effectue un nombre limité d’essais cliniques). En d’autres termes, si théoriquement le fait d’utiliser un nombre infini de messages (ou d’essais cliniques) permet d’être totalement transparent, il n’existe aucun avantage à le faire.</p>
<p>Ce résultat simplifie de manière majeure le problème consistant à trouver le volume d’information optimal à divulguer. Comme le modèle n’impose pas de limites a priori sur le nombre de messages : il serait donc théoriquement possible qu’en accumulant les messages, cela avantage le designer informationnel. Nos résultats prouvent que ceci n’est pas le cas et que le volume total d’information doit a priori être limité.</p>
<p>Divulguer des informations peut se faire de différentes manières et est potentiellement très complexe. Cependant, nous montrons que le partage d’information optimal peut généralement être identifié bien que cette tâche puisse être ardue.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196409/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Selon un travail de recherche, il existerait une quantité optimale d’information à révéler pour les entreprises qui œuvrent dans un marché concurrentiel.Frédéric Koessler, Directeur de recherche au CNRS, professeur au département d'économie et sciences de la décision, HEC Paris Business SchoolMarie Laclau, Chercheuse CNRS, professeur associée en Économie et Sciences de la Décision, HEC Paris Business SchoolTristan Tomala, Professeur, Économie et Sciences de la Décision, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1932552022-11-02T19:36:39Z2022-11-02T19:36:39ZQuand réindustrialisation et coopétition vont de pair dans le monde des chaussures de sport<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/491674/original/file-20221025-21-io2e4y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C243%2C2284%2C1126&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Depuis septembre 2021, des chaussures de sport haut de gamme sont produites dans le village d’Ardoix, dans le nord de l’Ardèche.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Fvlamoen / Wikimédia Commons</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/enjeux/france-relance/dp-relocaliser-72-laureats.pdf">850 millions d’euros</a>, telle est la somme que le gouvernement français a pris la décision d’engager pour favoriser une relocalisation industrielle sur le territoire national. Priorité née de la crise Covid et des difficultés logistiques engendrées, elle a été encore réaffirmée par le président de la République à l’occasion du <a href="https://www.lesechos.fr/politique-societe/emmanuel-macron-president/exclusif-emmanuel-macron-il-faut-une-politique-massive-pour-reindustrialiser-leurope-1870009">Mondial de l’automobile</a>. Les deniers ont été utilisés à la suite d’appels à projets adressés à cinq secteurs considérés comme « critiques » : la santé, l’agroalimentaire, l’électronique, les intrants essentiels de l’industrie (chimie, matériaux, matières premières) et la 5G. 477 lauréats ont finalement été retenus.</p>
<p>Pour beaucoup cependant, à l’instar des économistes Elie Cohen et Pierre-André Buigues, auteurs récemment d’une <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/10/14/les-efforts-budgetaires-considerables-visant-a-reduire-les-couts-de-production-n-ont-pas-permis-une-reindustrialisation-de-la-france_6145838_3232.html">tribune</a> acide dans les colonnes du Monde, nous sommes loin du compte. Un des obstacles principaux reste celui des <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/electricite-le-gouvernement-cherche-les-parades-pour-eviter-un-effondrement-de-lindustrie-1869470">coûts de production</a>, encore très élevés en France par rapport à ceux des pays émergents, un obstacle face auquel l’inflation et les craintes de pénurie d’énergie n’aident pas.</p>
<h2>Coopération entre concurrents</h2>
<p>Au-delà des aides de l’État, nos travaux de recherche, menés au sein du <a href="http://www.coopetitionlab.com/">Coopetition Lab</a> et de la <a href="https://www.chairecooinnov.com/">Chaire Coo-innov</a>, indiquent qu’une stratégie semble assez efficace et sans doute à promouvoir : la coopération entre concurrents, que l’on appelle parfois <a href="https://theconversation.com/fr/topics/coopetition-62125">« coopétition »</a>. Non seulement elle permet de diminuer les coûts en les mettant en commun car des concurrents produisent souvent à partir d’infrastructures similaires ; mais encore, le partage des connaissances offre la possibilité de lancer des programmes ambitieux et favorise l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/innovation-21577">innovation</a>. Souvenons-nous sur ce dernier point comment les chercheurs de <a href="https://www.chairecooinnov.com/_files/ugd/e36b13_ddf8a7f7d8134616bc68a54bec576230.pdf">BioNtech et de Pfizer</a> se sont rapidement entendus et ont croisé leurs connaissances pour créer ensemble le premier vaccin efficace contre le Covid.</p>
<p>La coopétition est une stratégie dont l’intérêt pour les entreprises est de plus en plus reconnu. Elle apparaît comme pertinente tout autant pour les projets menés par les grandes entreprises dans les secteurs de haute technologie, comme le <a href="https://theconversation.com/la-coopetition-voie-incontournable-de-la-reussite-spatiale-francaise-et-europeenne-192043">projet Galileo</a>, ou le développement de <a href="https://theconversation.com/comment-ubisoft-leve-les-freins-a-la-coopetition-interne-grace-aux-knowledge-brokers-127942">jeux vidéo</a> chez Ubisoft, que pour les petites entreprises dans des secteurs traditionnels comme le <a href="https://theconversation.com/la-coopetition-dans-les-vins-dauvergne-pour-le-meilleur-et-pour-le-pire-191695">vin</a>.</p>
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<p>Un cas exemplaire de réussite de cette stratégie, autour d’un projet de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reindustrialisation-86098">réindustrialisation</a> de l’hexagone, est celui de Salomon, Babolat et Millet, trois grands noms du secteur des chaussures de sport. Tous les trois, dans l’objectif de relocaliser leur production en France, se sont entendus pour faire produire une partie de leurs chaussures par le même sous-traitant, Chamatex, dans une même usine, qu’ils ont financée ensemble quelque part au nord de l’Ardèche, dans un petit village de moins de 2000 habitants.</p>
<h2>Concurrencer l’Asie</h2>
<p>En 2020, Chamatex, fabricant de textiles chimiques lançait le projet Advanced Shoe Factory 4.0 (dit plus rapidement « ASF 4.0 »). Après un an de travaux et 10 millions d’euros d’investissement, l’usine de chaussures de sport est <a href="https://www.francebleu.fr/infos/economie-social/la-fabrication-de-chaussures-relocalisee-en-france-dans-l-usine-la-plus-moderne-au-monde-en-ardeche-1631832602">inaugurée</a>. Sa finalité ? Remettre la France au cœur de la production de chaussures et concurrencer l’Asie. Une partie des coûts d’investissements de l’usine a été supportée conjointement par trois entreprises clientes, à l’origine trois concurrents : Salomon, Babolat et Millet. Chacun a contribué à hauteur de 400 000 euros.</p>
<p>L’automatisation poussée de l’usine doit permettre d’obtenir une ligne de production flexible et de fabriquer plusieurs types de chaussures pour les trois marques concurrentes. Les chaussures de Babolat, Millet et Salomon qui seront produites par l’ASF 4.0 seront essentiellement constituées d’un tissu technique commun, le Matryx. Il enrobe de nouvelles chaussures plus légères, résistantes et dotées d’un maintien optimal et a été inventé initialement par Chamatex et Babolat. Millet et Salomon bénéficieront donc de la technologie mise au point par un concurrent.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/jdtOnN3p8xE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Un simple cadeau de la part de Babolat ? Sans la coopération avec la concurrence, l’usine n’aurait pas pu voir le jour, puisque sa rentabilité repose sur la production de grandes quantités qui permettent de bénéficier d’économies d’échelle et d’amortir les investissements.</p>
<p>La modernité de l’usine permet par ailleurs des temps de production plus courts. À la conquête du marché européen, les trois concurrents partenaires pourront aussi faire preuve de réactivité. La production au plus près des consommateurs permet enfin de minimiser les coûts de transport sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement et les coûts environnementaux liés à l’empreinte carbone.</p>
<h2>Contre-intuitif mais inspirant</h2>
<p>À terme, l’usine devrait permettre de relocaliser près de 50 emplois en France. L’idée des porteurs de ce projet est de répliquer ce modèle d’usine mais surtout ce modèle coopétititif à d’autres zones géographiques, afin de continuer à relocaliser la production de chaussures en France.</p>
<p>La coopétition peut, certes, sembler contre-intuitive : a priori, les entreprises préfèrent développer leurs projets seules. Et si elles n’ont pas en leur sein les compétences ou ressources nécessaires, elles vont rechercher des partenariats avec des non-concurrents. On ne fait équipe avec des concurrents bien souvent qu’en dernier recours.</p>
<p>Reste que ce cas exemplaire montre sans ambiguïté que la coopétition, en permettant la baisse des coûts, la flexibilité et le partage des innovations s’avère une stratégie pertinente pour permettre la relocalisation en France des activités industrielles. Le gouvernement français aurait donc pu être attentif au fait que, dans les réponses d’appel à projets pour la relocalisation, des entreprises concurrentes soumettent ensemble une réponse plutôt que séparément.</p>
<p>Encourager ce type de stratégie, comme c’est le cas au sein des pôles de compétitivité, pourrait d’ailleurs être une autre méthode que l’appel à projets utilisé. Au-delà des incitations gouvernementales, le projet Chamatex pourrait être une source d’inspiration forte pour l’ensemble des industriels français.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193255/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Le Roy a reçu des financements du Labex Entreprendre de l'Université de Montpellier</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Camille Bildstein a reçu des financements du LabEx Entreprendre</span></em></p>La marque Babolat a partagé une innovation à des concurrents autour d’un projet d’usine en Ardèche qui devrait permettre de relocaliser près de 50 emplois en France.Frédéric Le Roy, Professeur de Management Stratégique - Université de Montpellier et Montpellier Business School, Université de MontpellierCamille Bildstein, Ingénieure d'étude, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1924232022-10-18T16:46:43Z2022-10-18T16:46:43ZDMA : la nouvelle législation européenne suffira-t-elle à encadrer les GAFAM ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/489531/original/file-20221013-20-ammf7r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=53%2C179%2C1144%2C718&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le Parlement européen (photo) et le Conseil de l’Union européenne ont adopté le Digital Markets Act l’été dernier.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Debate_European_Parliament_%27Copyright_in_the_digital_Single_Market%27_11-9-2018.jpg">Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le 12 octobre 2022, la version finale de la nouvelle législation de l’Union européenne sur les marchés numériques, dite <a href="https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2022-0270_EN.html">Digital Markets Act</a> (DMA), était publiée. Cette réglementation du Conseil et du Parlement européen est entrée en vigueur le 1<sup>er</sup> novembre 2022, et ses principales règles commencent à s’appliquer ce 2 mai 2023. Cette loi inédite a vocation à réglementer les pratiques commerciales des « digital gatekeepers », que l’on peut traduire par « contrôleurs d’accès » aux <a href="https://theconversation.com/fr/topics/plates-formes-31157">plates-formes</a>.</p>
<p>Fournisseurs de services <a href="https://theconversation.com/conversation-avec-asma-mhalla-les-services-des-gafam-sont-devenus-une-commodite-indispensable-170272">devenus essentiels</a>, les grandes sociétés de numérique, et en premier lieu les Google, Apple, Facebook, Amazon and Microsoft (<a href="https://theconversation.com/fr/topics/gafam-45037">GAFAM</a>), constituent désormais un passage obligé pour les entreprises qui cherchent à se rapprocher de leurs utilisateurs finaux. L’incidence des contrôleurs d’accès sur le marché interne est donc non négligeable et leur positionnement commercial leur confère une domination présente ou future.</p>
<p>Si la DMA n’est pas une panacée, elle est le gage d’une réglementation bien plus efficace que le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/droit-europeen-107798">droit européen</a> de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/concurrence-22277">concurrence</a> pour limiter les positions de domination de marché des GAFAM et d’une refonte de leurs pratiques.</p>
<h2>Quelle finalité pour la DMA ?</h2>
<p>Cette loi répond aux constatations de plusieurs expertises ayant débuté en 2019, comme le <a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/785547/unlocking_digital_competition_furman_review_web.pdf">UK Furman Report</a>, le <a href="https://www.chicagobooth.edu/research/stigler/news-and-media/committee-on-digital-platforms-final-report">US Stigler Report</a> et le <a href="https://ec.europa.eu/competition/publications/reports/kd0419345enn.pdf">EU Vestager Report</a> qui concluent que les cinq GAFAM règnent sans partage sur les marchés des plates-formes essentielles.</p>
<p>Ces rapports sont formels : la forte subordination du marché à cette poignée d’acteurs découle d’un concours de circonstances congénitales liées aux marchés des plates-formes : fort effet de réseau (la valeur d’un service s’accroit en fonction du nombre d’utilisateurs), haut rendement de l’utilisation des données, économies d’échelle et de gamme, facilité d’exploitation des inclinations des consommateurs en ligne, etc.</p>
<p>Additionnées, ces circonstances favorisent l’émergence sur le marché d’un ou deux acteurs hégémoniques. Une fois cet état de domination consommé, des obstacles à l’entrée découlant des facteurs précités entravent la concurrence, même lorsque l’offre alternative est de meilleure qualité.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1171892685550096384"}"></div></p>
<p>La législation vise un double objectif : d’abord, abaisser les obstacles à l’entrée ; ensuite, créer des conditions plus équitables pour les entreprises et les utilisateurs finaux en encadrant les conditions d’utilisation. De ce fait, les « digital gatekeepers » visés seront tenus de respecter un ensemble de règles rigoureuses. Il est fort à parier que la Commission européenne, autorité de désignation des contrôleurs, signalera les GAFAM. Toutefois, certaines plates-formes européennes clés pourraient y échapper.</p>
<h2>Des règles draconiennes malgré les pressions</h2>
<p>Une fois visé, les contrôleurs d’accès disposeront de six mois pour se conformer aux 22 règles des articles 05 à 07 de la législation. Ils devront, par exemple, partager leurs données avec la concurrence et leurs clients, permettre les transferts d’applications (<em>side-loading</em>) effectués en dehors de leur magasin d’application, assurer l’interopérabilité de certains systèmes de communication, rendre publiques les techniques de fichage et s’abstenir de favoriser leurs propres services dans les résultats de recherche.</p>
<p>Il est difficile de prévoir comment, touchés en plein cœur, les GAFAM réagiront. Tout manquement sera en effet sanctionnable d’une amende sévère : à la moindre violation, le contrôleur encourra une amende de 10 % de son chiffre d’affaires à l’échelle planétaire. Un contrôleur récidiviste verra ce montant atteindre 20 %, et pourrait être interdit de toutes fusions et acquisitions. Cette législation sera appliquée par la Commission, sous le contrôle de la Cour de Justice de l’UE.</p>
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<p>Si d’autres juridictions majeures comme les <a href="https://www.promarket.org/2021/06/29/house-antitrust-bills-big-tech-apple-preinstallation/">États-Unis</a> et le <a href="https://www.gov.uk/government/consultations/a-new-pro-competition-regime-for-digital-markets/outcome/a-new-pro-competition-regime-for-digital-markets-government-response-to-consultation">Royaume-Uni</a> ont envisagé des réglementations analogues, cette législation est à ce jour la plus étendue et complète de toutes. Cette expérience juridique complexe impliquera d’ailleurs des coûts d’application importants pour la Commission et les contrôleurs.</p>
<p>La réglementation a ses détracteurs, notamment les sociétés technologiques américaines qui se plaignent d’un <a href="https://www.nytimes.com/2022/03/24/technology/eu-regulation-apple-meta-google.html">traitement inéquitable</a>. Elles qui soutiennent que la législation, portant préjudice à la qualité des services et à l’innovation des GAFAM, nuira aux consommateurs européens.</p>
<p>Les GAFAM ont d’ailleurs mené une <a href="https://www.politico.eu/article/big-tech-boosts-lobbying-spending-in-brussels/">campagne de lobbying</a> soutenue pour faire dérailler ou écorner la proposition initiale de la Commission, mais force est de constater que ce fût peine perdue. Le texte final a même pris une tournure draconienne. Le Parlement européen a donc été un acteur décisif dans l’extension de la liste des services visés par la législation, l’ajout de nouvelles règles et le renforcement des pénalités.</p>
<h2>La demi-victoire des autorités nationales</h2>
<p>Les GAFAM ne sont pas les seuls mécontents. Pourtant d’accord sur le fond, les autorités de la concurrence des États membres, <a href="https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Downloads/M-O/non-paper-friends-of-an-effective-digital-markets-act.pdf">l’Allemagne, la France et les Pays-Bas</a> en tête, appelaient à davantage d’appropriation nationale dans la mise en œuvre.</p>
<p>Dans une rare <a href="https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/DMA--JointEUNCAspaper.pdf">déclaration conjointe</a>, les 27 autorités ont soutenu que, fortes de leurs compétences et ressources, elles étaient en mesure d’appuyer son application.</p>
<p>À noter qu’une fois en vigueur, cette législation ôtera aux autorités nationales leur compétence en matière de réglementation des contrôleurs et leur reléguera uniquement les questions de concurrence appelant à une évaluation ponctuelle de l’influence des acteurs économiques sur les marchés et les incidences de leurs pratiques. Par exemple, la section 19a de l’ambitieuse <a href="https://www.bundeskartellamt.de/SharedDocs/Meldung/EN/Pressemitteilungen/2021/19_01_2021_GWBNovelle.html">loi allemande contre les restrictions de la concurrence</a> (GWB), adoptée en janvier 2021 en vue de lutter contre les géants du numérique, pourrait être rendue caduque par la DMA.</p>
<p>Les autorités nationales n’ont finalement remporté qu’une victoire en demi-teinte. En effet, dans son ultime mouture, la législation habilite les autorités nationales à lancer des enquêtes et recueillir des éléments de preuve. Toutefois, afin d’harmoniser son application, la Commission reste seule compétente en matière d’appréciation des pratiques et de prise de décisions quant aux éventuelles atteintes.</p>
<h2>Le spectre de l’application privée</h2>
<p>L’application de la loi par la Commission sera certainement complétée par l’action privée. La DMA ne prévoit pas explicitement que les acteurs privés ayant subi un préjudice du fait du manquement au regard de la législation sont en droit réclamer des indemnisations à une plate-forme. Cependant, l’article 42 énonce que la <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX%3A32020L1828">directive 2020/1828 relative au recours collectifs</a>, opposable dans les cas d’infraction au droit communautaire, s’appliquera aux violations de la DMA. Il est donc probable qu’une fois que la Commission aura rendu ses premiers avis, des recours en justice soient entendus.</p>
<p>La DMA conjugue, à raison, de nombreux éléments clés du RGPD et demande instamment à la Commission de travailler avec les instances européennes de protection des données sur certains points. En effet, comme ne l’avions souligné dans un <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=4089978">article</a> de recherche récent, la réglementation des modèles commerciaux fondés sur l’exploitation des données appelle une approche interdisciplinaire et interinstitutionnelle, une donne longtemps peu connue du droit européen de la concurrence.</p>
<h2>Quelle adaptation possible des règles ?</h2>
<p>La législation a été critiquée pour son franc <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=4021843">recours aux règles de principe</a>, à savoir les règles proscrivant une pratique donnée, sans obligation de démontrer ses effets délétères. Peu coûteuses et rapidement déployables, ces règles promettent d’être beaucoup plus d’efficaces que celles du droit de la concurrence.</p>
<p>En effet, l’abus des règles relatives aux positions dominantes énoncées dans <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/HTML/?uri=CELEX%3A12008E102">l’article 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE</a>), qui impose une appréciation économique approfondie du pouvoir de marché de l’acteur à l’examen et des effets potentiels de ses pratiques sur les conditions de concurrence, font durer les enquêtes pendant plus de 5 ans en moyenne.</p>
<p>Certes, les règles de principe ne sont pas sans défaut. Cette approche est inflexible et féconde d’erreurs : certaines pratiques non préjudiciables dans les faits peuvent être proscrites (faux positif), alors que d’autres, clairement néfastes, peuvent être autorisées (faux négatif). En outre, ces règles peuvent être contournées, si une société exploite les failles juridiques en modifiant ses pratiques de sorte que sa position de domination ne soit en rien affaiblie.</p>
<p>Cependant, la dernière version de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/digital-markets-act-dma-128496">DMA</a> est munie de dispositifs permettant à la Commission d’infléchir les règles contre-productives, et surtout, d’intervenir pour les mettre à jour, en vertu des règles de non-contournement.</p>
<p>S’il appartient à la Commission d’invoquer ces dispositifs et si la DMA est, par essence, plus tolérante vis-à-vis des faux positifs que des faux négatifs, Bruxelles peut adapter ses règles rapidement si elles ne produisent pas les résultats escomptés. L’on peut donc espérer que la Commission surveillera de près les incidences de la législation sur les entreprises et les consommateurs et qu’elle n’hésitera pas à intervenir, si nécessaire. Pour cela, les outils existent.</p>
<h2>La DMA répondra-t-elle à l’exercice ?</h2>
<p>Cependant, la DMA n’encadre pas la question de l’acquisition par des contrôleurs. Sur une période relativement courte, les GAFAM ont ensemble phagocyté plus de 800 sociétés, pour la plupart des start-up innovantes porteuses de technologies complémentaires. Malgré les <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0003603X221082748?journalCode=abxa">inquiétudes croissantes</a> que suscitent ce phénomène et que nous observions dans une recherche récente, les autorités européennes de la concurrence et leurs homologues américaines n’ont jamais interdit ne serait-ce qu’une seule de ces acquisitions.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-gafam-acquereurs-de-start-up-predateurs-ou-accelerateurs-de-linnovation-189603">Les GAFAM acquéreurs de start-up, prédateurs ou accélérateurs de l’innovation ?</a>
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<p>Il est donc légitime de se demander si les règles européennes existantes sur les fusions et acquisitions, élaborées à l’ère de l’économie des enseignes physiques, seront à la hauteur des enjeux du numérique. L’UE aurait pu profiter de l’occasion pour revoir les théories de préjudice et des normes de preuve utilisées dans le droit européen des fusions afin de l’adapter à l’économie des plates-formes.</p>
<p>La DMA ne s’applique que pour les services de plate-forme essentiels proposés aux utilisateurs établis ou situés dans l’UE, mais pas au-delà. Il reste à voir si <a href="https://www.brusselseffect.com/">« l’effet Bruxelles »</a> réapparaîtra et si les contrôleurs appliqueront d’eux-mêmes les règles européennes dans d’autres juridictions, ou, s’il est réaliste et rentable pour les contrôleurs de suivre des règles moins strictes dans les juridictions plus laxistes (voire totalement permissives). Il est permis de penser que la mise en conformité s’arrêtera là où les contreparties seront trop onéreuses pour les plates-formes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192423/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne C. Witt ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le Digital Market Act, qui doit entrer en vigueur prochainement, constitue la réglementation la plus ambitieuse à ce jour pour limiter les positions dominantes des géants du numérique.Anne C. Witt, Professor of Law, Augmented Law Institute, EDHEC Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1916952022-10-06T18:32:08Z2022-10-06T18:32:08ZLa coopétition dans les vins d’Auvergne : pour le meilleur et pour le pire ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/487505/original/file-20220930-22-5p5ek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C12%2C1180%2C785&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vignes de l'AOC Côtes d'Auvergne à Boudes dans le Puy-de-Dôme.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Vignes_côtes-d%27auvergne_Boudes_2016-07-16_n2.jpg">Marie-Lan Nguyen/Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La <a href="https://theconversation.com/fr/topics/coopetition-62125">coopétition</a>, qui désigne une situation de coopération entre concurrents, est un <a href="https://theconversation.com/la-coopetition-moteur-de-levolution-des-especes-106264">phénomène ancien</a> qui n’a bénéficié que récemment d’un intérêt de la part des entreprises et des chercheurs en gestion. Sans doute parce que l’association de ces deux notions, concurrence et coopération, paraissait trop antinomique pour trouver sa place dans le corpus théorique des sciences économiques et de gestion, à l’exception de quelques apports de la théorie des jeux.</p>
<p>Depuis une vingtaine d’années, les recherches s’amplifient cependant, portées par l’évidence de l’intérêt stratégique de cette modalité de développement interorganisationnel. Elle peut paraître contre-intuitive, mais se nourrit de nombreux exemples de succès : s’allier avec un concurrent peut permettre de faire grossir un « gâteau » à se partager ensuite (la coopération permettant d’être plus efficace à plusieurs que seul), et s’avère préférable à la lutte à mort concurrentielle qui permet au mieux, souvent, une modeste part supplémentaire d’un gâteau bien amaigri.</p>
<p>L’idée part donc d’une hypothèse forte : la coopération entre concurrents permettrait, à certaines conditions, de créer davantage de valeur en favorisant l’innovation, le partage de savoirs, de compétences, de techniques ou de matériel, en permettant des économies d’échelle par des investissements ou des achats communs, etc.</p>
<h2>Le cas des vins d’Auvergne</h2>
<p>C’est le cas, par exemple, de Salomon, Millet et Babolat qui, bien que concurrents directs sur un certain nombre de produits, s’associent au sein de l’Advanced Shoe Factory 4.0 pour <a href="https://www.lesechos.fr/pme-regions/auvergne-rhone-alpes/sport-chamatex-fait-le-pari-du-made-in-france-avec-salomon-millet-et-babolat-1252326">relocaliser en France la production de chaussures de sport</a> (voir à ce sujet l’étude de <a href="https://www.chairecooinnov.com/cas">cas proposée par la Chaire Coo’Innov</a>).</p>
<p>Autre exemple dans le monde audiovisuel, Canal+, qui connaît une sévère perte d’abonnés ces dernières années, s’est finalement allié à ses anciens rivaux, Netflix, Disney et OCS, pour proposer aux spectateurs les offres de ses concurrents, en plus des programmes originaux. Cette <a href="https://theconversation.com/fr/topics/strategie-21680">stratégie</a>, combinée à d’autres actions, semble à ce jour porter ses fruits.</p>
<p>Notre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0019850122001183">recherche</a> porte quant à elle plus spécifiquement sur les vins d’Auvergne, <a href="https://www.inao.gouv.fr/produit/14878">regroupés depuis 2010 au sein de l’Appellation d’origine contrôlée (AOC) « Côtes d’Auvergne »</a>. Elle met clairement en évidence les bénéfices issus de la coopétition pour ce vignoble, longtemps peu prestigieux et peu renommé, qui connaît un net sursaut et une amélioration significative de sa qualité depuis quelques années. Dans un petit vignoble comme celui de l’AOC Côtes d’Auvergne, véritable <a href="http://www.vin-vigne.com/images/vin_vigne/carte_vin_france.jpg">« nain » parmi les 16 appellations génériques des vins de France</a> au côté des prestigieux vins de Bourgogne, de Bordeaux ou de Champagne, le partage des ressources est essentiel.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/strategie-volcanique-pour-le-cotes-dauvergne-un-petit-vin-devenu-grand-133937">Stratégie volcanique pour le côtes d’Auvergne, un « petit » vin devenu grand</a>
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<p>Les vignerons et viticulteurs ont mis en commun certains matériels (par exemple pour les vendanges), des ressources financières, mais s’apportent aussi une entraide très significative, alors qu’ils sont pourtant, en même temps, concurrents. La stratégie de coopétition mise en place a rapidement permis aux acteurs de la filière de créer de la valeur, d’abord sur la qualité du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/vin-20325">vin</a> avec des <a href="https://www.lamontagne.fr/clermont-ferrand-63000/actualites/cinq-raisons-pour-lesquelles-les-vins-d-auvergne-ont-la-cote_14062593/">résultats plutôt probants</a>, induisant un cercle vertueux et des <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-chronique-vin-de-dominique-hutin/le-souffle-nouveau-de-l-auvergne-authentique-eldorado-du-vin-7453425">conséquences remarquables sur la notoriété</a>.</p>
<h2>Les nouveaux arrivants plus que bienvenus</h2>
<p>Créer de la valeur est une première étape évidemment essentielle, mais pas la seule. Le deuxième étage de la « fusée coopétition » est celui de l’appropriation de la valeur, c’est-à-dire le fait, pour les acteurs engagés dans une telle stratégie, de retirer les fruits, collectivement ou individuellement, des gains ainsi créés. De façon individuelle, la notoriété accrue par la production semble <a href="https://www.lamontagne.fr/clermont-ferrand-63000/actualites/pierre-desprat-il-est-plus-facile-de-valoriser-nos-cotes-d-auvergne-a-new-york-qu-a-clermont-ferrand_12824584/">aider certains à mieux exporter</a>, tandis que d’autres acteurs ont pu accroître leur volume de production et/ou leurs prix de vente. Mais il y a plus surprenant, et intéressant : nos interlocuteurs nous le disent nettement, les nouveaux arrivants sur le terroir sont non seulement les bienvenus, mais même souhaités, encouragés par les vignerons et viticulteurs déjà installés. Au point, par exemple, de leur réserver des terres : une caractéristique surprenante et peu intuitive de ces relations de coopétition, entre concurrents qui coopèrent.</p>
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<p>Pourtant, le tableau n’est pas complètement idyllique, et fait ressortir une face cachée de la coopétition qui peut aussi engendrer des formes de « destruction de valeur ». Ce qui prouve si besoin était que la coopération entre concurrents ne va pas de soi : elle conduit parfois, de façon non intentionnelle, à des résultats qui vont à l’encontre des effets initialement recherchés.</p>
<p>Prenant ici la forme d’une AOC, par définition dotée d’un cahier des charges précis et contraignant – gage de qualité, justement – elle semble avoir de possibles effets pervers. Par exemple, les <a href="https://vin-champagne.ouest-france.fr/quest-ce-que-le-rendement/">rendements d’une vigne en AOC sont bien inférieurs</a> à ceux d’une « simple » indication géographique protégée, et a fortiori, d’une parcelle commercialisée en « vins de France ».</p>
<h2>« L’union fait la force »</h2>
<p>Pour l’AOC Côtes d’Auvergne, le rendement maximum autorisé est de 55 hectolitres par hectare, quand il s’élève à 70 en Indication géographique protégée (IGP). De quoi inciter certains à privilégier cette IGP et à sortir de la logique d’AOC et donc de la stratégie collective adoptée d’une montée en qualité et en notoriété. Si l’AOC implique souvent une augmentation du prix de vente des vins, supposée surpasser la baisse des rendements, il n’est pas certain que la marge de manœuvre soit significative pour les vins d’Auvergne de ce côté-là, tout de même concurrencés par d’encombrants (et réputés) voisins.</p>
<p>Ainsi, notre recherche conforte, pour le secteur des vins d’Auvergne, tout l’intérêt de mécanismes de coopétition, notamment pour des petites structures, relativement homogènes, sur des territoires peu renommés. Comme le dit le dicton, « l’union fait la force ». Si, donc, les raisons pour lesquelles la coopétition constitue aujourd’hui une stratégie très utilisée par les entreprises semblent clairement ressortir, et sont adaptées aux petites entreprises, notre étude montre aussi certaines limites de l’exercice, qui justifient probablement une approche sur-mesure selon les situations rencontrées.</p>
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<p><em>L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération. L’alcool ne doit pas être consommé par des femmes enceintes</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191695/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les viticulteurs auvergnats expérimentent la coopération entre concurrents avec succès, mais pas sans pointer quelques limites de l'exercice.Anne Albert-Cromarias, Directrice Académique et de la Recherche. Enseignant-chercheur HDR, management stratégique, ESC Clermont Business SchoolAlexandre Asselineau, Directeur de la Recherche, Professeur associé en Management stratégique, Burgundy School of Business Grégory Blanchard, Doctorant en sciences de gestion. Enseignant en négociation - vente, ESC Clermont Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.