tag:theconversation.com,2011:/africa/topics/organisation-mondiale-de-la-sante-oms-34061/articlesOrganisation mondiale de la santé (OMS) – The Conversation2024-01-07T15:39:15Ztag:theconversation.com,2011:article/2196722024-01-07T15:39:15Z2024-01-07T15:39:15ZEt si la solitude était le véritable mal du siècle ?<p>Le 15 novembre 2023, <a href="https://www.who.int/fr/news/item/15-11-2023-who-launches-commission-to-foster-social-connection">l’Organisation mondiale de la santé</a> (OMS) a annoncé s’être emparée de « la question de la solitude en tant que menace urgente pour la santé », faisant ainsi écho à de nombreuses études, dont la plus récente a été menée par l’entreprise <a href="https://news.gallup.com/opinion/gallup/512618/almost-quarter-world-feels-lonely.aspx">Gallup</a> de juin 2022 à février 2023 dans 142 pays et a conduit à la mise en lumière d’un chiffre on ne peut plus alarmant : un quart de la population mondiale se sentirait seule.</p>
<p>Dans <a href="https://theconversation.com/a-lere-numerique-renouer-avec-la-solitude-bienfaisante-64784">ce monde hyper connecté</a> qui est le nôtre, la solitude ne semble-t-elle pas un bien curieux paradoxe ? Comme le souligne l’économiste <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/l-interview-eco/reseaux-sociaux-meme-sils-connectent-les-gens-le-mal-du-si%C3%A8cle-cest-la-solitude-selon-leconomiste-daniel-cohen_5374063.html">Daniel Cohen</a> :</p>
<blockquote>
<p>« alors que les réseaux sociaux sont censés connecter les gens, le mal du siècle, c’est la solitude ».</p>
</blockquote>
<p>Pour tenter de comprendre ce phénomène grandissant dans le monde occidental, s’interroger sur l’évolution du rapport que l’individu entretient avec le collectif semble indispensable et permet d’élargir sur un plan sociétal ce que chacun de nous peut avoir, un jour au moins, ressenti en son for intérieur, dans ce face à face parfois si angoissant avec soi-même.</p>
<h2>Qu’entend-t-on exactement par le terme « solitude » ?</h2>
<p>La mot <em>solitude</em>, emprunté du latin <a href="https://dictionnaire-academie.fr/article/A9S2024">« solitudo »</a>, de même sens, lui-même dérivé de <em>solus</em>, « seul, unique » – définit « l’état d’une personne qui, de façon choisie ou non, se trouve seule, sans compagnie, momentanément ou durablement ». Rien de plaisant ni de douloureux dans cette définition. Pas de dimension irrémédiable non plus.</p>
<p>La question en suspens s’ancre donc dans le rapport que l’on entretient avec la solitude : s’agit-il d’un état choisi ou d’un état subi ? Sur un versant que l’on pourrait qualifier de « positif », la solitude peut-être un lieu propice à l’élévation et à la création. De la <a href="https://books.openedition.org/pub/6027">composition littéraire</a>, à la <a href="https://www.la-croix.com/Religion/Pourquoi-faire-retraite-spirituelle-2022-06-22-1201221294">retraite spirituelle</a> en passant par la rédaction lors de <a href="https://journals.openedition.org/socio-logos/2929">ses études</a>, la descente en soi-même peut être vécue, certes, comme une épreuve, mais finalement devenir productive, pour soi-même, d’abord, et pour les autres, ensuite.</p>
<p>Sur l’autre versant, le « mal du siècle » est un phénomène potentiellement dévastateur – réel ou symbolique – qui s’empare de la personne célibataire, endeuillée ou sans amis, dont l’isolement, consécutif à cette absence ou perte, peut entraîner sur la pente dangereuse du <a href="https://museevieromantique.paris.fr/fr/les-mots-du-romantisme-spleen"><em>spleen</em></a>, de la <a href="https://www.rtl.fr/actu/sante/solitude-l-isolement-touche-11-millions-de-francais-les-associations-sonnent-l-alerte-7900228127">dépression</a>, voire du <a href="https://sante.gouv.fr/prevention-en-sante/sante-mentale/la-prevention-du-suicide/article/que-faire-et-a-qui-s-adresser-face-a-une-crise-suicidaire">suicide</a>.</p>
<h2>Le lien social et son délitement</h2>
<p>Mais au-delà de l’individu, c’est bien la notion de « lien social », laquelle, selon le sociologue <a href="http://ses.ens-lyon.fr/articles/le-lien-social-entretien-avec-serge-paugam-158136">Serge Paugam</a> « désigne un désir de vivre ensemble, de relier les individus dispersés, d’une cohésion plus profonde de la société », qui semble se trouver au cœur de cette affaire.</p>
<p>Cependant, ainsi qu’il le précise également :</p>
<blockquote>
<p>« Dans les sociétés modernes, les modèles institutionnels de la reconnaissance se sont individualisés, ils se fondent davantage sur des traits individuels que sur des traits collectifs. »</p>
</blockquote>
<p>D’où le constat de délitement partagé par de nombreux sociologues, voire la fameuse « crise », expression si répandue qu’elle en est devenue tristement banale, souvent déclinée médiatiquement sous le nom de <a href="https://www.inegalites.fr/Fracture-sociale-le-retour">« fracture sociale »</a>, d’<a href="https://www.samusocial.paris/lutte-contre-lexclusion-sociale">« exclusion sociale »</a> ou encore de <a href="https://www.lesechos.fr/2001/03/quand-lassociation-refonde-le-social-712236">« déliaison sociale »</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Femme ennuyée en isolement, allongée sur le canapé." src="https://images.theconversation.com/files/567941/original/file-20240104-26-ymisq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567941/original/file-20240104-26-ymisq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567941/original/file-20240104-26-ymisq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567941/original/file-20240104-26-ymisq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567941/original/file-20240104-26-ymisq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567941/original/file-20240104-26-ymisq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567941/original/file-20240104-26-ymisq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La solitude semble devenue, en creux, un refuge contre le reste du monde qui peut nous apparaître de plus en plus comme absurde, incompréhensible voire hostile.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Car, si « la solitude créative et insoumise est désir de se libérer », en tentant de se ré-approprier, par la « conquête du “je” », des marges de manœuvre vis-à-vis d’une société perçue comme (trop ?) contraignante, pour reprendre les propos de l’historienne Sabine Melchior-Bonnet dans son récent ouvrage <a href="https://www.puf.com/histoire-de-la-solitude"><em>Histoire de la solitude</em></a>, elle semble plutôt devenue, en creux, un refuge contre le reste du monde. Un monde qui nous apparaît de plus en plus comme absurde, incompréhensible voire hostile, car mettant à la fois tout <a href="https://www.dynamique-mag.com/article/monde-plus-plus-connecte.47854">à la portée d’un simple « clic »</a> mais empêchant aussi d’aller au-delà de ce geste unilatéral de l’homme à la machine, afin de rencontrer <em>réellement</em> un « autre soi-même » pour reprendre le titre d’un ouvrage du philosophe <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/soi-meme-comme-un-autre-paul-ric-ur/9782020114585">Paul Ricœur</a>.</p>
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<p>Ainsi, le sociologue <a href="https://www.cairn.info/revue-vie-sociale-2013-1-page-7.htm">Robert Castel</a> considère que ce délitement du lien social est prioritairement une <a href="http://www.journaldumauss.net/?La-notion-de-desaffiliation-chez-1250">« désafiliation »</a>, c’est-à-dire qu’il découle d’un processus historique d’éloignement de la cohésion sociale qui se traduit concrètement par une vulnérabilité individuelle (perte d’emploi, isolement…).</p>
<h2>Le triomphe (provisoire ?) de l’individualisme</h2>
<p>Car si l’impact de la solitude est, certes, individuel, son explication est peut-être à chercher sur un plan plus global, plus social.</p>
<p>Inversons un instant la perspective et demandons à la société – et non à l’Individu – quel est, pour elle, son « mal du siècle » ? Elle nous répondrait sans doute en nous opposant une autre notion : celle de l’individualisme dans sa version « glorification du moi » (l’opposant en cela à un individualisme plus « positif ») telle qu’elle était déjà dénoncée par le sociologue <a href="https://journals.openedition.org/sociologies/5143">Emile Durkheim</a>… en 1898.</p>
<p>C’est bien, en effet, le triomphe de <a href="https://journals.openedition.org/semen/8960">cet idéal américain</a>, héritier direct du jadis flamboyant <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/entendez-vous-l-eco/le-reve-americain-et-le-mythe-du-self-made-man-8646904"><em>self-made man</em></a>, qui s’incarne de nos jours dans la mise en avant perpétuelle de sa propre singularité. Or cette dernière, par définition, s’établit contre la masse des Autres, engendrant, de fait, une situation auto perçue d’exception et donc de solitude.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quand-le-partage-plutot-que-la-consommation-aide-a-surmonter-la-solitude-85057">Quand le partage, plutôt que la consommation, aide à surmonter la solitude</a>
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<p>Pour reprendre les analyses de l’économiste anglo-saxonne Noreena Hertz dans son livre <a href="https://www.theguardian.com/books/2020/nov/12/the-lonely-century-by-noreena-hertz-review-our-need-for-community"><em>The Lonely Century</em></a>, c’est bien à partir des contrées occidentales que ce mal se propage, là où le modèle véhiculé – le triomphe de l’individu sur le collectif – exacerbe, de fait, cet individualisme, facteur humain de l’isolement. En effet, si, pour moi, ma personne est plus importante que le reste du monde, alors il n’est pas illogique que le reste du monde se détourne de moi. Surtout si chaque individu qui le compose se fait le même raisonnement.</p>
<p>Alors que faire ? Doit-on remettre le collectif en premier ? Impossible. Car nous aspirons tous à être perçus comme « unique ». Ainsi que le souligne le philosophe <a href="https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000117740_fre">Edgar Morin</a>, la dimension individuelle et la dimension collective sont indispensables à chacun pour son accomplissement : « Les humains doivent se reconnaître dans leur humanité commune en même temps que de reconnaître leur diversité tant individuelle que culturelle. »</p>
<p>Déjà, en 1851, le philosophe allemand <a href="https://editions-coda.fr/philosophie/45-arthur-schopenhauer-parerga-paralipomena.html">Schopenhauer</a> décrivait cet état de tension interne avec sa parabole d’attraction-répulsion d’un troupeau de porcs-épics mourant de froid, représentant ainsi de manière plaisante, la manie qu’ont les êtres-humains de se rapprocher, par instinct, les uns des autres, puis de s’éloigner, agacés par les piquants de leurs congénères. Incapables de vivre seuls, ils ne peuvent pas davantage être dans une trop grande promiscuité. La « bonne » distance entre ouverture vers les autres et recentrage sur soi est donc bien difficile à trouver…</p>
<h2>La diversité, organisation de la solitude ?</h2>
<p>Mais, de nos jours, le <a href="https://www.cairn.info/revue-projet-2002-3-page-37.htm">triomphe du « moi »</a> remet en cause ce précaire équilibre, en actant une bascule claire du côté de l’individu qui s’incarne, paradoxalement, dans une autre notion « à la mode » : celle de la <a href="https://www.observatoire-management.org/single-post/2017/08/24/management-de-la-diversit%C3%A9">diversité</a>, qui consiste à mettre au jour les différences individuelles (<a href="https://egalactu.com/bienvenue-au-26eme-critere-de-discrimination-reconnu-par-le-defenseur-des-droits-la-qualite-de-lanceur%C2%B7se-dalerte/">26</a> <a href="https://www.education.gouv.fr/media/98390/download">d’officiellement identifiées à ce jour !</a>) mais d’abord (et exclusivement ?) en tant que source de discrimination.</p>
<p>En effet, celles-ci exacerbent <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-journal-de-la-philo/l-essentialisation-2178459">l’essentialisation individuelle</a>, c’est-à-dire l’acte de réduire un individu à une seule de ses dimensions pour ultérieurement l’appréhender et le gérer sous ce trait unique, définitivement perçu comme saillant – sexe, âge, origine, handicap… – mais dans les faits, regroupé en catégories, donc en systèmes clos et séparés donc isolés les uns des autres. Une sorte de répartition de l’humanité en catégories qui, non seulement omet parfois la pluralité individuelle, mais pourrait en venir à entériner une non-évolution, en contraignant le <em>catégorisé</em>, plus ou moins volontaire, à rester au plus proche des caractéristiques attendues de sa catégorie d’affectation, ne l’autorisant qu’à se conformer, finalement, aux individus de <em>sa</em> catégorie pré-définie sous peine d’ostracisme. Le groupe rassure et libère, mais il exclut également.</p>
<p>Or, en mettant en avant ce qui distingue les gens, on oublie ce qui pourrait, au contraire, les rapprocher. En sacralisant la différence au point de l’ériger en nouvelle norme, « l’humanité commune », si chère à Edgar Morin, perd, par un mouvement de balancier, le terrain gagné par les egos. Cette situation entraîne une bascule dans l’isolement individuel, découlant de la nécessité de trouver un groupe et de s’y conformer sous peine d’exclusion sociale, et avec lui, le mal-être et les risques inhérents à cet état. Et c’est ainsi que l’individu, jadis triomphant, voit sa propre quête de gloire se refermer sur lui comme un carcan oppressant, l’entraînant irrémédiablement à se draper dans le terrible linceul de la solitude.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219672/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cécile Dutriaux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un quart de la population mondiale se sent seule, selon plusieurs études. Un phénomène grandissant dans le monde occidental.Cécile Dutriaux, Docteur en Sciences de Gestion, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2000532023-02-16T09:43:59Z2023-02-16T09:43:59ZVirus Marburg en Guinée équatoriale : pourquoi l’OMS a convoqué une réunion d’urgence<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/510532/original/file-20230216-26-ey1fpa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C216%2C2096%2C1219&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Micrographie électronique à transmission colorisée de particules du virus de Marburg (bleu, fausses couleurs) récoltées dans le surnageant de cellules VERO E6 infectées.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Marburg_Virus_Particles_(32039075078).jpg">NIAID - Integrated Research Facility à Fort Detrick, Maryland, États-Unis.</a></span></figcaption></figure><p>Le 13 février, les autorités de Guinée équatoriale ont confirmé <a href="https://www.afro.who.int/countries/equatorial-guinea/news/equatorial-guinea-confirms-first-ever-marburg-virus-disease-outbreak">une flambée du virus Marburg dans l’est du pays</a>. Moins de 24 h plus tard, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) convoquait une réunion d’urgence sur la question.</p>
<p>Appartenant à la même famille que le virus Ebola (Filoviridae), <a href="https://theconversation.com/plus-de-50-ans-apres-son-emergence-le-virus-marburg-garde-une-part-de-mystere-169380">le virus Marburg est responsable de graves fièvres hémorragiques</a> chez l’être humain. L’OMS indique que sa létalité est de l’ordre de 50 % (<a href="https://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/Marburg-virus-disease">elle varie de 24 % à 88 % selon les études</a>). Elle dépend notamment de la quantité de particules virales transmises au moment de l’infection et de la qualité de prise en charge des patients. </p>
<p>Que faut-il savoir sur la situation en Guinée équatoriale ? Pourquoi l’OMS a-t-elle convoqué une réunion en urgence ? La situation est-elle préoccupante ?</p>
<h2>Quand l’alerte a-t-elle été donnée ?</h2>
<p>L’alerte a été donnée dès le 7 février, dans le district de la province de Kie Ntem, dans l’est de la Guinée équatoriale. Cette partie du pays est frontalière avec le Cameroun au nord, et le Gabon à l’est. Il s’agit d’une zone plutôt rurale et forestière, avec de petites villes et villages, sans grand centre urbain. </p>
<p>Plusieurs malades ont présenté les mêmes symptômes, et des décès groupés sont survenus, ce qui a déclenché l’alerte. Dans un tel cas de figure, des prélèvements sont effectués et envoyés dans des centres de référence, en l’occurrence l’Institut Pasteur de Dakar, le centre de référence pour les fièvres hémorragiques dans cette région. Les analyses ont confirmé que le virus impliqué était le virus Marburg. </p>
<p>C’est la première fois qu’une flambée est confirmée en Guinée équatoriale : il s’agit donc d’une véritable émergence, dans un pays a priori sans historique de virus de fièvres hémorragiques. Les derniers cas de Marburg ont été enregistrés en 2021 en Guinée-Conakry et au Ghana, deux pays éloignés de la Guinée équatoriale.</p>
<p>Pour l’instant, 9 décès sont survenus, et 16 cas suspects ont été enregistrés (deux cas suspects concernent des personnes au Cameroun, à la frontière avec la Guinée équatoriale).</p>
<h2>Pourquoi une telle réunion d’urgence ?</h2>
<p>Avant tout, il est important de préciser que la réunion du 14 février n’a pas été convoquée pour alerter sur une éventuelle urgence de santé publique de portée internationale.</p>
<p>L’objet de ce meeting, auquel ont participé les spécialistes du virus Marburg de nombreux pays, était, entre autres choses, de faire le point sur les vaccins contre cet agent infectieux et les traitements en cours d’élaboration : état des recherches et développements, des essais cliniques, etc.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1625461099091951617"}"></div></p>
<p>À l’heure actuelle, en effet, il n’existe aucun traitement spécifique pour la maladie du virus de Marburg (ni préventif ni curatif). Mais diverses pistes sont explorées, que ce soit par la recherche académique ou le secteur pharmaceutique. Des personnes du monde entier possédant des données sur des vaccins ou des traitements à l’étude ont donc été invitées : chercheurs, représentants de firmes pharmaceutiques, etc. </p>
<p>L’idée était de déterminer au plus vite les conditions les plus pertinentes pour mettre en place d’un essai clinique de phase 3, dans le cadre de l’épidémie en cours, afin de récolter des données cliniques de terrain concernant l’efficacité des candidats vaccins ou médicaments jugés pertinents. </p>
<p>L’obtention de telles données de terrain est en effet le seul moyen de répondre à la question « est-ce que le vaccin (ou le médicament) est efficace pour prévenir ou traiter la maladie ? ».</p>
<h2>Quelles sont les prochaines étapes ?</h2>
<p>Afin de mettre en place un tel essai, plusieurs prérequis sont nécessaires. </p>
<p>Il faut sélectionner les candidats vaccins et médicaments les plus pertinents, discuter avec les experts qui les mettent au point pour connaître leur niveau de développement (<a href="https://theconversation.com/essais-cliniques-pratiques-et-reglementation-en-france-53331">préclinique, phase 1, phase 2…</a>), déterminer quelles quantités de doses sont disponibles (ce qui peut nécessiter de faire des tests de stabilité pour vérifier la fiabilité des doses qui ont été stockées depuis longtemps), mettre en place les chaînes logistiques destinées à acheminer les doses sur le terrain, etc.</p>
<p>Les discussions concernent aussi la validation du protocole d’évaluation clinique : quels critères d’efficacité retenir (innocuité, effet sur le nombre de cas, protection contre l’infection, contre les formes fatales, etc.), quel type d’essais mettre en place, combien de patients devront être inclus pour que l’analyse statistique soit robuste, etc.</p>
<p>Une fois ces questions tranchées, l’investigateur principal et le promoteur de l’étude doivent rédiger le protocole de l’essai. Il s’agit de détailler les produits utilisés, la méthodologie, la notice d’information qui sera donnée et lue aux patients, ainsi que le questionnaire de consentement (rédigés dans la ou les langues ad hoc).</p>
<p>Le dossier est ensuite soumis aux autorités de Guinée équatoriale, ainsi qu’au comité national d’éthique, qui doivent donner leur accord. Enfin, des contrats devront être établis avec les firmes qui développent le (ou les) candidat(s) vaccin(s) retenu(s). Une fois que tout est validé et signé, la recherche peut débuter. </p>
<p>Mais ce n’est pas tout : pour que ce type de projet soit un succès, il faut aussi s’assurer de l’engagement communautaire. Cela signifie engager des démarches auprès de la communauté où se déroule l’épidémie, afin d’expliquer pourquoi, en parallèle de la prise en charge des malades, il est important d’effectuer des travaux de recherche. Cette partie repose sur l’expertise de socioanthropologues.</p>
<p>Ces nombreuses étapes prennent du temps, c’est la raison pour laquelle cette réunion a été convoquée très rapidement, moins de 24 h après l’alerte. </p>
<p>L’OMS et les experts souhaitaient éviter de reproduire ce qui s’est passé <a href="https://theconversation.com/ebola-que-se-passe-t-il-en-ouganda-192448">en Ouganda durant la flambée d’Ebola</a> qui a touché ce pays entre septembre 2022 et janvier 2023. Il n’avait en effet pas été possible d’évaluer l’efficacité du candidat vaccin retenu à cette occasion, car le temps que l’essai clinique se mette en place, l’épidémie était terminée. L’idée cette fois est de réagir encore plus rapidement. </p>
<p>Rappelons qu’en 2015, en Guinée, il avait été possible de mettre en place un essai clinique de phase 3 durant une épidémie d’Ebola, ce qui avait permis de tester l’efficacité clinique du vaccin sur le terrain. Les résultats obtenus, convaincants, ont permis par la suite d’utiliser ce vaccin lors d’épidémies ultérieures. </p>
<h2>Quels vaccins et médicaments pourraient être retenus ?</h2>
<p>Actuellement <a href="https://cdn.who.int/media/docs/default-source/blue-print/william-dowling_whomarvac_vaccines_14feb23.pdf?sfvrsn=df284d46_3#page=4">cinq candidats vaccins sont en développement</a>. Deux ont déjà fait l’objet d’essais cliniques de phase I pour lesquels les données sont disponibles : celui développé par la firme Sabin et celui de la firme Janssen.</p>
<p>Le vaccin de Janssen nécessitant l’administration de deux doses, il est possible que celui de Sabin soit le mieux positionné pour intégrer un essai clinique dans le contexte de la flambée actuelle. Mais nous avons besoin de plusieurs options et stratégies vaccinales.</p>
<p>En ce qui concerne les thérapies potentielles, deux pistes principales se détachent : les anticorps monoclonaux, déjà utilisés pour lutter contre Ebola, et le Remdesivir, une molécule qui perturbe la réplication de l’ARN, le matériel génétique de certains virus de fièvres hémorragiques (Marburg, Ebola, Lassa…).</p>
<p>De ces deux approches, cependant, celle des anticorps monoclonaux semble la plus prometteuse en l’état actuel des connaissances, car contre Ebola les anticorps se sont avérés plus efficaces que le Remdesivir.</p>
<h2>Comment seront mis en place les essais ?</h2>
<p>En ce qui concerne les thérapies potentielles, le standard est de faire un essai dit « randomisé ». Des patients sont tirés au sort, puis un groupe reçoit la prise en charge standard (le « standard of care »), tandis que l’autre groupe reçoit la même prise en charge avec, en plus, une des molécules à évaluer (anticorps monoclonal, Remdesivir, ou autres molécules, selon ce qui aura été décidé). </p>
<p>Durant l’essai, un comité d’évaluation indépendant, constitué de scientifiques qui ne sont pas parties prenantes, est invité à analyser régulièrement les données. Si une des molécules testées s’avère efficace (c’est-à-dire largement supérieure au traitement donné à l’autre groupe), l’essai peut être interrompu : ladite molécule est alors délivrée à tous les malades. À l’inverse, si les données intermédiaires ne sont pas satisfaisantes, l’essai peut être arrêté pour « futilité » (tout le monde est alors à nouveau traité selon la prise en charge standard).</p>
<p>Une des approches d’évaluation du vaccin est la méthode dite en « anneaux » : on vaccine les contacts des malades, puis les contacts des contacts, afin d’estimer l’efficacité du candidat vaccin en matière de prévention de la maladie (un groupe à un temps immédiat, un autre groupe à un temps légèrement retardé).</p>
<p>En Guinée équatoriale, une grande inconnue concerne le nombre de malades à venir et la durée de l’épidémie. En effet, pour pouvoir conduire des analyses statistiques robustes et être en mesure de conclure à un niveau d’efficacité, il est nécessaire de pouvoir inclure dans l’essai un nombre de sujets suffisant. Il n’est pas certain que ce sera le cas. </p>
<p>Toutefois, même s’il ne s’avérait pas possible d’obtenir ces résultats lors de cette épidémie, tous ces efforts n’auront pas été vains : lors de la prochaine flambée,le protocole sera prêt et disponible pour récolter des données qui serviront à mieux nous armer contre les suivantes…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200053/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric D'Ortenzio ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une épidémie due au virus Marburg, causant des fièvres hémorragiques, est en cours en Guinée équatoriale. L’Organisation mondiale de la Santé a convoqué une réunion d’urgence. Que faut-il savoir ?Eric D'Ortenzio, Médecin, Epidémiologiste, Directeur du département Statégie & Partenariats, ANRS I Maladies infectieuses émergentes, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1865202022-07-10T15:43:28Z2022-07-10T15:43:28ZGuerre en Ukraine : le rôle des organisations internationales<p>La guerre fait rage en Ukraine depuis plus de quatre mois. L’armée russe paraît en passe de contrôler un cinquième de la partie orientale du pays après la dévastation méthodique de ses villes par des bombardements massifs. </p>
<p>La violence de la bataille militaire, la souffrance infligée à la population ukrainienne, et l’ampleur de la destruction sur le terrain questionnent l’utilité des organisations internationales, qui paraissent démunies voire insignifiantes. </p>
<p>Au point que certains diagnostiquent l’ONU en état de <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/06/17/guerre-en-ukraine-l-onu-en-etat-de-mort-cerebrale_6130858_3210.html">« mort cérébrale »</a> selon la célèbre formule utilisée par Emmanuel Macron sur l’OTAN.</p>
<p>Il faut pourtant y regarder de plus près.</p>
<h2>La crise du Conseil de sécurité de l’ONU</h2>
<p>Que le Conseil de sécurité de l’ONU soit en crise est peu discutable. Saisi dès le lendemain de l’invasion (25 février 2022) d’un projet de résolution visant à « déplorer l’agression » de l’Ukraine, il s’est d’emblée trouvé bloqué par un veto russe (la Chine et l’Inde s’abstenant). Certes, les représentants des États membres du Conseil de sécurité hostiles à l’intervention russe ne se sont pas privés de la condamner fermement et régulièrement depuis. Le président Zélensky a lui-même été associé par visioconférence <a href="https://www.tf1info.fr/international/en-direct-guerre-ukraine-russie-zelensky-poutine-missile-frappe-le-centre-commercial-de-krementchouk-reunion-conseil-securite-de-l-onu-les-informations-de-mardi-28-juin-2022-2224556.html">à deux sessions du Conseil</a> pour y témoigner des atrocités commises contre les civils ukrainiens.</p>
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<p>Pour le reste, la meilleure chose que le Conseil de sécurité a pu faire a été de transmettre le dossier à l’Assemblée générale de l’ONU par le vote du 27 février 2022 visant à convoquer une « session extraordinaire d’urgence » de l’Assemblée. Comme ce vote procédural ne permet pas l’exercice du veto, la Russie n’a pu le bloquer.</p>
<p>La paralysie du Conseil de sécurité de l’ONU sur la guerre en Ukraine est néanmoins grave car c’est la troisième fois en vingt ans que le Conseil est empêché de jouer son rôle face à des guerres majeures. En 2003, la guerre décidée par l’administration Bush contre l’Irak avait été lancée sans soutien du Conseil de sécurité en raison de l’opposition annoncée de la <a href="https://www.lepoint.fr/monde/jacques-chirac-le-non-de-la-france-a-la-guerre-d-irak-en-2003--26-09-2019-2337957_24.php">France</a>, de la Russie et de la Chine. Le Conseil de sécurité a également été empêché d’agir pendant les dix ans de guerre en Syrie (2011-2020) par <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1267256/aide-humanitaire-en-syrie-lenjeu-dun-veto-russe.html">16 vetos russes</a>. Le Kremlin, déjà, combinait l’écrasement sous les bombes des villes syriennes rebelles et une obstruction systématique au Conseil de sécurité à l’encontre de tous les projets de résolutions susceptibles d’indisposer Bachar-Al-Assad et/ou de gêner sa propre intervention militaire à ses côtés.</p>
<h2>Dire le droit, désigner l’agresseur, soutenir l’Ukraine</h2>
<p>Mais le Conseil de sécurité de l’ONU ne représente pas toute l’Organisation, et encore moins l’ensemble des organisations internationales.</p>
<p>La saisine de l’Assemblée générale de l’ONU en « session extraordinaire d’urgence » a réactivé <a href="http://uniting.free.fr/res_377.htm">« la jurisprudence Acheson »</a> : la mobilisation de l’Assemblée pour pallier le blocage du Conseil de sécurité, qui remonte au précédent créé en 1950 à l’initiative du Secrétaire d’État américain, Dean Acheson, au début de la guerre du Corée. Utilisée à dix reprises seulement depuis 1950, cette convocation de l’Assemblée générale trois jours après l’invasion de l’Ukraine traduit bien la gravité de la crise.</p>
<p>Dès le 2 mars, l’Assemblée adopte une résolution intitulée « Agression contre l’Ukraine » par 141 voix pour (soit près des ¾ des États membres de l’ONU), 35 abstentions, et 5 votes contre. La Russie, qui a évidemment voté contre, n’a été soutenue que par un quarteron des pires dictatures du monde (Biélorussie, Érythrée, Syrie, Corée du Nord). Parmi les abstentionnistes issus essentiellement des pays du Sud, figurent notamment la Chine et l’Inde.</p>
<p>La mobilisation de l’Assemblée générale de l’ONU se poursuit à mesure que les preuves d’exactions contre les civils ukrainiens s’accumulent. Dans une nouvelle résolution adoptée le 24 mars avec encore 140 voix, elle « condamne fermement les attaques aveugles et disproportionnées, y compris les bombardements frappant sans discrimination ».</p>
<p>De son côté, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU (47 États élus par l’Assemblée générale pour un mandat de 3 ans) se mobilise également rapidement. Dès le 4 mars, il adopte une résolution dans laquelle il « déplore les souffrances du peuple d’Ukraine » et « condamne dans les termes les plus forts possibles les violations du droit international humanitaire résultant de l’agression de l’Ukraine ». Le 12 mai, il « condamne fermement » les attaques dirigées contre « des zones résidentielles, des écoles, des jardins d’enfants et des installations médicales », le recours aux bombes à sous-munitions, les « actes de torture », les « exécutions arbitraires et extrajudiciaires », les « disparitions forcées », les « violences sexuelles », les « transferts forcés de population et les violations et atteintes commises contre des enfants ».</p>
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<p>D’autres organisations internationales s’associent à la réprobation de la guerre. A l’OMS, par exemple, l’Assemblée mondiale de la Santé adopte, le 26 mai, une résolution condamnant « avec la plus grande fermeté » l’invasion de l’Ukraine et, en particulier, les <a href="https://www.rfi.fr/fr/europe/20220408-ukraine-%C3%A0-mykolaiv-pourquoi-ont-ils-d%C3%A9cid%C3%A9-de-bombarder-un-h%C3%B4pital-p%C3%A9diatrique">attaques très nombreuses contre ses infrastructures de santé</a> (plus de 250 en trois mois de conflit).</p>
<p>L’Union européenne (UE), enfin, joue un rôle essentiel dans le soutien à l’Ukraine et la condamnation de l’offensive russe. L’initiative de solidarité européenne la plus importante est le soutien apporté à la candidature de l’Ukraine à l’UE. En visite à Kiev le 8 avril, Ursula von der Leyen et Josep Borrell transmettent au président Zélensky un document formalisant la demande d’adhésion de l’Ukraine à l’UE. Le 23 juin, le Conseil européen accorde officiellement <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/ukraine-quatre-questions-sur-le-statut-de-candidat-a-lunion-europeenne-1415460">à l’Ukraine le statut de candidat à l’adhésion à l’UE</a>. A contrario, les représentants de l’UE dénoncent régulièrement les violences de l’armée russe. A Tokyo, le 12 mai, Ursula von der Leyen déclare que la Russie de Poutine représente la « menace la plus directe pour l’ordre international ».</p>
<h2>Documenter les crimes et sanctionner la Russie</h2>
<p>Du fait de la mobilisation de plusieurs organisations internationales, la guerre en Ukraine apparaît comme l’un des conflits contemporains où la traque des crimes de guerre se fait quasiment en temps réel. Le 1<sup>er</sup> avril, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU institue ainsi une <a href="https://news.un.org/fr/story/2022/03/1115652">Commission d’enquête</a> avec pour mandat de mener des investigations sur les violations des droits humains et du droit international humanitaire commis en Ukraine.</p>
<p>De son côté, le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, <a href="https://www.icc-cpi.int/fr/news/declaration-du-procureur-de-la-cpi-karim-aa-khan-qc-sur-la-situation-en-ukraine-reception-de">ouvre le 2 mars 2022 une enquête au nom de la Cour</a>. L’Ukraine a accepté la compétence de la Cour pour les allégations de crimes commis sur son territoire depuis 2014. En visite à Boutcha le 13 avril 2022, Karim Khan déclare que « l’Ukraine est une scène de crime ». Le 14 mai, il annonce l’envoi de 42 enquêteurs en Ukraine.</p>
<p>L’association des organisations internationales aux sanctions contre la Russie prend des formes multiples. La sanction la plus immédiate consiste à exclure Moscou d’un certain nombre d’enceintes. Le 7 avril, l’Assemblée générale de l’ONU décide ainsi de <a href="https://news.un.org/fr/story/2022/04/1117912">suspendre la Russie du Conseil des droits de l’homme</a>. Le seul précédent d’une suspension d’un État au Conseil des droits de l’homme de l’ONU est celui la Libye de Kadhafi en 2011. A l’échelle régionale, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe (organisation paneuropéenne de 47 États dont la Russie était membre depuis 1996) prend également des mesures de rétorsion à l’égard de la Russie, suspendue dès le 25 février, puis exclue de l’organisation le 16 mars.</p>
<p>De son côté, l’Union européenne adopte une série de sanctions multiformes contre la Russie, étendues à six reprises depuis le début du conflit.</p>
<h2>Dissuader de futures agressions ?</h2>
<p>La seule organisation capable d’exercer un pouvoir de dissuasion sur la Russie est l’OTAN. Après des années d’enlisement en Afghanistan et un désinvestissement tendanciel des États-Unis dans la sécurité de l’Europe, la guerre en Ukraine <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/03/12/comment-l-otan-s-est-elargie-en-europe-de-l-est_6117186_4355770.html">relance l’OTAN à grande échelle</a> : activation de sa force de réaction rapide, mise en état d’alerte de 300 000 hommes, transferts de troupes sur son flanc oriental, retour de troupes américaines en Europe à hauteur de 100 000 hommes (contre 64 000 en 2020), aide militaire à l’Ukraine.</p>
<p>Par ailleurs, le 18 mai, la Suède et la Finlande, deux États historiquement neutres, déposent des demandes d’adhésion. Les objections formulées un temps par Erdogan, au motif que les deux États nordiques ne coopèrent pas avec Ankara dans la lutte contre les combattants kurdes du PKK, sont levées lors du sommet de Madrid de l’OTAN (28-30 juin). L’adhésion effective des deux pays nordiques reste toutefois conditionnée à la ratification des 30 États membres actuels de l’OTAN, Turquie incluse.</p>
<p>Il aurait été dans les intérêts de Poutine que la guerre en Ukraine apparaisse aux yeux du monde comme une opération de maintien de l’ordre géopolitique local de la Russie dans sa « sphère d’influence » historique. Il n’en a rien été. La guerre est majoritairement perçue à l’ONU et en Europe comme une guerre d’agression contre un État souverain, semant la dévastation en Ukraine, déstabilisant l’ordre international, et dressant une liste de crimes de guerre chaque jour plus longue.</p>
<p>Les organisations internationales et européennes ont joué leur partition dans cette délégitimation collective de l’invasion de l’Ukraine, en qualifiant l’agression et en témoignant, pour l’avenir et pour la justice internationale, de l’ampleur des violences infligées à la population ukrainienne. L’ordre européen en sort également bouleversé : l’Union européenne et l’OTAN ont fait preuve, dans l’ensemble, d’une mobilisation sans précédent pour faire face à l’impérialisme de la Russie de Poutine.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie les 23 et 24 septembre 2022 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186520/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Franck Petiteville ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si le Conseil de sécurité de l’ONU montre une nouvelle fois ses limites face au conflit ukrainien, d’autres instances internationales se mobilisent.Franck Petiteville, Professeur de science politique, Sciences Po GrenobleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1730992021-12-02T19:17:35Z2021-12-02T19:17:35ZOmicron : pourquoi l’OMS l’a classé « variant préoccupant » aussi vite<p>L’Organisation mondiale de la santé (OMS) <a href="https://www.who.int/fr/news/item/26-11-2021-classification-of-omicron-(b.1.1.529)-sars-cov-2-variant-of-concern">a annoncé</a> que la lignée B.1.1.529 du SARS-CoV-2, que l’on pense être apparue en Afrique australe, va être désignée comme un variant préoccupant (VoC, pour <em>variant of concern</em>) sous le nom d’« Omicron ». Cette décision a déjà précipité un <a href="https://www.nytimes.com/live/2021/11/27/world/covid-omicron-variant-news">large changement</a> dans les priorités de la gestion des pandémies à l’échelle mondiale.</p>
<p>L’OMS a recommandé, entre autres, une surveillance accrue en particulier à travers le séquençage du génome du virus, une recherche ciblée pour comprendre les dangers posés par ce variant et le renforcement des mesures d’atténuation (comme le port obligatoire d’un masque).</p>
<p>Des restrictions plus importantes sur les voyages internationaux sont déjà <a href="https://www.gov.uk/government/news/prime-minister-sets-out-new-measures-as-omicron-variant-identified-in-uk-27-november-2021">entrées en vigueur</a> au Royaume-Uni et dans de nombreux autres pays. En effet, le Japon a fermé ses frontières à <a href="https://www.independent.co.uk/asia/japan/japan-travellers-omicron-covid-variant-b1965789.html">tous les visiteurs étrangers</a>. <em>(<a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/le-ministere-et-son-reseau/actualites-du-ministere/informations-coronavirus-covid-19/faq-covid-19-les-reponses-a-vos-questions/#sommaire_2">Retrouvez ici</a> les recommandations françaises, ndlr.)</em></p>
<h2>Une vitesse de classement sans précédent</h2>
<p>La vitesse à laquelle le variant Omicron a été désigné préoccupant a été vertigineuse. Un peu plus de deux semaines se sont écoulées depuis les premières infections connues au Botswana et en Afrique du Sud. Un délai de classement à comparer à celui du variant Delta qui domine actuellement en Europe et dans de nombreuses autres régions du monde.</p>
<p>Ce variant a été signalé pour la première fois en Inde en <a href="https://www.who.int/en/activities/tracking-SARS-CoV-2-variants/">octobre 2020</a>, mais bien qu’il ait provoqué une augmentation considérable des cas dans le pays (et qu’elle se soit propagée à de nombreux autres), il n’a reçu le statut élevé de VoC que six bons mois plus tard.</p>
<p>Il y a certainement eu une lenteur à la reconnaissance du danger posé par le Delta, et des leçons ont sans doute été tirées de l’importance d’agir rapidement pour étouffer dans l’œuf les nouveaux variants dangereux – ou au moins pour ralentir leur propagation, afin de faire gagner du temps au monde entier.</p>
<p>Mais ce retard reflète également les difficultés à produire des preuves solides de ce dont un nouveau variant est capable…</p>
<p>Il existe trois types de comportements (« phénotypes ») qui déterminent la menace que représente un nouveau variant. Il s’agit de sa transmissibilité (la vitesse à laquelle il se propage d’une personne à une autre), de sa virulence (la gravité des symptômes de la maladie) et de sa capacité d’évasion ou échappement immunitaire (de tromper nos anticorps, et donc à nos systèmes de reconnaissance et protection résultant du vaccin ou d’une infection).</p>
<p>La génétique sous-jacente et les interactions évolutives entre ces trois phénotypes sont complexes, et leur élucidation nécessite à la fois des données cliniques et épidémiologiques détaillées du monde réel et des expériences minutieuses en laboratoire.</p>
<p>Qu’est-ce qui, dans le variant Omicron, a conduit l’OMS et de nombreux experts dans le monde à s’inquiéter autant, avec si peu de données ? <a href="https://www.theguardian.com/world/2021/nov/26/b11529-covid-variant-most-worrying-weve-seen-says-top-uk-medical-adviser">Leurs avertissements</a> sont-ils justifiés par le fait que cette variante est « la plus inquiétante que nous ayons vue » ?</p>
<h2>L’importance de la précaution</h2>
<p>Rien n’indique pour l’instant qu’Omicron provoque des formes de la maladie plus grave… mais il n’y a pratiquement pas de données disponibles. Les rapports d’Afrique du Sud suggérant que ce variant provoque des symptômes plus légers restent à confirmer, en particulier pour les personnes âgées ou vulnérables.</p>
<p>Cependant, il y a clairement lieu de se préoccuper de la transmissibilité et de l’évasion immunitaire.</p>
<p>La transmissibilité accrue d’un nouveau variant peut être difficile à cerner, car des effets stochastiques (aléatoires) peuvent entraîner des hausses alarmantes des taux de cas sans qu’il soit nécessaire de modifier la génétique virale. Lorsque ces taux sont relativement faibles, comme cela a été le cas récemment en Afrique du Sud, une super diffusion ou des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7246029/">événements dits fondateurs</a> peuvent entraîner une augmentation spectaculaire de la prévalence d’une seule lignée par hasard.</p>
<p>Même en tenant compte de ces réserves, l’opinion générale est qu’Omicron se propage probablement plus rapidement que les autres variants. Dans la province sud-africaine de Gauteng, son émergence aurait fait passer le nombre R (nombre de personnes auxquelles une personne infectée transmettra le virus, en moyenne) d’environ 1,5 à près de 2 : ce qui, si cela est vrai, représente un changement significatif.</p>
<p>Comme on pouvait s’y attendre, le virus est également détecté dans un <a href="https://www.wsj.com/articles/israel-closes-border-to-foreigners-as-more-countries-report-omicron-variant-11638105344">nombre croissant</a> de pays autres que l’Afrique australe, notamment le Royaume-Uni, Israël, la Belgique, le Canada, l’Australie, les Pays-Bas et l’Autriche. <em>(Après La Réunion, un <a href="https://www.iledefrance.ars.sante.fr/un-cas-de-variant-omicron-confirme-en-ile-de-france">premier cas a été identifié en Métropole, en Île-de-France</a>, ndlr.)</em></p>
<h2>Un saut évolutif avéré</h2>
<p>Cependant, la caractéristique la plus étonnante du variant Omicron est le fait qu’il représente un saut évolutif important et soudain, comme le montre le nombre sans précédent de mutations dans le génome.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="« Arbre phylogénétique » des différents variants, avec Omicron à part sur une branche" src="https://images.theconversation.com/files/435354/original/file-20211202-25-1pcbwtn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/435354/original/file-20211202-25-1pcbwtn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=567&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/435354/original/file-20211202-25-1pcbwtn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=567&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/435354/original/file-20211202-25-1pcbwtn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=567&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/435354/original/file-20211202-25-1pcbwtn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=712&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/435354/original/file-20211202-25-1pcbwtn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=712&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/435354/original/file-20211202-25-1pcbwtn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=712&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le variant Omicron, avec son nombre inédit de mutations (une trentaine rien qu’au niveau de la protéine Spike), présente un saut évolutif réel par rapport aux précédents.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Soupvector, d’après NextStrain.org/Emma Hodcroft</span></span>
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<p>La façon dont cela s’est produit fait l’objet de spéculations permanentes, mais, de façon critique, <a href="https://www.independent.co.uk/news/health/omicron-covid-variant-name-vaccine-spread-b1965056.html">32 mutations</a> concernent la protéine Spike (qui permet au SARS-CoV-2 d’entrer dans nos cellules, et qui est ciblée par les anticorps produits pour notre système immunitaire) ; or, beaucoup de ces mutations sont connues pour modifier la façon dont le virus interagit avec les anticorps produits par les vaccins ou une infection antérieure.</p>
<p>C’est ce potentiel d’échappement immunitaire accru, associé à un taux de propagation rapide, qui suscite tant d’inquiétude. Mais prédire le comportement probable d’un virus à partir de la seule séquence génomique n’est pas une science exacte. Et il n’y a pas de relation directe entre le nombre de mutations que contient une variante et les dangers qu’elle peut présenter.</p>
<p>Bien que le variant Omicron justifie certainement le renforcement des mesures barrière, une surveillance étroite et un effort de recherche mondial, il est encore trop tôt pour dire exactement à quoi nous avons affaire. Une image plus claire devrait apparaître au cours des <a href="https://www.science.org/content/article/patience-crucial-why-we-won-t-know-weeks-how-dangerous-omicron">prochaines semaines</a>, <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/12/01/covid-19-pourquoi-il-faut-du-temps-pour-evaluer-la-dangerosite-du-variant-omicron_6104349_3244.html">à mesure que les données scientifiques vont s’accumuler</a>.</p>
<p>En attendant, le monde devrait être reconnaissant de la vigilance et de l’ouverture des <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2021/nov/28/scientists-sharing-omicron-date-were-heroic-lets-ensure-they-dont-regret-it">scientifiques sud-africains et botswanais</a> et des responsables de la santé publique. L’émergence de ce variant devrait servir de <a href="https://twitter.com/mvankerkhove/status/1464970225410088968?s=20">signal d’alarme</a> pour redoubler d’efforts en vue d’une distribution équitable et rapide des vaccins au niveau mondial.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173099/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ed Feil ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Six mois pour classer Delta variant préoccupant… deux semaines pour Omicron. L’OMS a, cette fois, rapidement choisi le principe de précaution et d’avertissement pour le nouvel avatar du SARS-CoV-2.Ed Feil, Professor of Microbial Evolution at The Milner Centre for Evolution, University of BathLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1674582021-09-13T17:53:52Z2021-09-13T17:53:52ZLa CMU réduit-elle les dépenses de santé des personnes vivant avec le VIH au Sénégal ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/420287/original/file-20210909-23-r2rlut.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C8%2C1333%2C615&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sur cette photo prise à Saint-Louis, on aperçoit à droite un petit panneau consacré à la CMU, assez illustratif du niveau de précarité de ce type de structure.</span> <span class="attribution"><span class="source">Bernard Taverne</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>En 2005, <a href="https://www.who.int/hiv/events/artprevention/gilks.pdf">l’OMS a appelé les États à appliquer</a> une « gratuité totale des médicaments et des soins pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) dans les pays à ressources limitées ». Cette gratuité était considérée comme « l’un des piliers de l’approche de santé publique » dans la perspective d’une généralisation de l’accès aux traitements du VIH.</p>
<p>Seize ans après, si les <a href="https://www.sidaction.org/glossaire/arv-antiretroviral">traitements antirétroviraux</a> (ARV) sont globalement disponibles et gratuits dans la plupart des pays, force est de constater qu’un grand nombre de frais de santé (consultations, examens de laboratoire, médicaments pour les infections opportunistes) restent payants pour les patients.</p>
<p>Dans des pays où la majeure partie de la population dispose de très peu de ressources, le paiement réduit l’accès aux soins. Le recours tardif ou le non-recours aux soins, dans l’infection à VIH, augmentent le risque de mauvaise observance aux traitements, de dégradation de l’état de santé et de transmission du virus.</p>
<p>Dans les pays du Nord, les soins liés au VIH sont généralement pris en charge par les <a href="https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_protect/---protrav/---ilo_aids/documents/publication/wcms_241240.pdf">dispositifs de protection sociale</a>. En Afrique subsaharienne, ces dispositifs étaient <a href="https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers12-06/010053213.pdf">encore peu développés il y a quelques années</a>, pour diverses raisons : difficultés à organiser les cotisations à l’échelle de pays où la majorité des actifs travaillent dans le système informel ; faible capacité contributive des ménages ; faible performance des structures de santé étatiques…</p>
<p>Néanmoins, depuis les années 2010, on assiste à une évolution importante : un consensus international considère la <a href="https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/universal-health-coverage-(uhc)">Couverture sanitaire universelle (CSU)</a> comme l’outil le plus performant pour réduire les inégalités et favoriser l’accès aux soins dans les pays du Sud. La plupart des pays africains se sont <a href="https://www.scidev.net/afrique-sub-saharienne/features/afrique-csu/">engagés à mettre en place une CSU</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/kC6dWqbstIg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Dans le contexte actuel de baisse des financements internationaux accordés au VIH, le développement des CSU est perçu par l’ONUSIDA comme une <a href="https://www.unaids.org/fr/resources/documents/2019/hiv-uhc-guide-civil-society">opportunité pour financer l’accès aux soins liés au VIH</a>. Aucune stratégie n’ayant été définie au niveau international pour intégrer ces dépenses dans les dispositifs de CSU, chaque pays compose en fonction de l’organisation de son système de santé.</p>
<p>Dans les pays qui se sont engagés dans la mise en place de la CSU, quelles stratégies sont efficaces ? Permettent-elles d’améliorer l’accès aux soins des PVVIH ? Une étude a été menée au Sénégal pour analyser l’impact de la Couverture sanitaire universelle sur les dépenses de santé des personnes vivant avec le VIH.</p>
<h2>La CSU au Sénégal</h2>
<p>Au Sénégal, sur les 39 000 personnes vivant avec le VIH, environ 30 000 (77 %) <a href="https://www.unaids.org/sites/default/files/country/documents/SEN_2020_countryreport.pdf#page=10">prennent des antirétroviraux</a>. Les médicaments et certains examens biologiques sont gratuits, mais une partie des soins liés au VIH reste à la charge des patients.</p>
<p>En 2013, <a href="https://www.afro.who.int/fr/news/lancement-officielle-de-la-couverture-maladie-universelle-au-senegal">l’État sénégalais a initié la mise en place d’une couverture sanitaire universelle</a>, nommée Couverture médicale universelle (CMU). L’objectif est de fédérer et d’étendre différents mécanismes : les dispositifs destinés aux fonctionnaires et aux salariés du secteur privé (environ un tiers de la population active), les gratuités pour certaines populations ou certaines maladies, et l’affiliation à des mutuelles de santé.</p>
<p>En 2021, il existe plus de 600 mutuelles de santé communautaires, qui ont été créées sur le principe <a href="https://agencecmu.sn/la-cmu-travers-les-mutuelles-de-sante">« un/e village/commune, une mutuelle »</a>. L’État subventionne 50 % du montant des cotisations annuelles et la totalité pour certaines catégories de population vulnérables. Les gratuités des prestations concernent les personnes âgées (<a href="https://agencecmu.sn/plan-sesame-0">Plan Sésame</a>), les enfants de âgés de zéro à cinq ans, les femmes enceintes (césariennes) et la prise en charge de certaines pathologies (VIH, tuberculose, insuffisance rénale).</p>
<p>Ces gratuités sont en <a href="https://www.cairn.info/revue-sante-publique-2016-1-page-91.htm?contenu=article">réalité partielles</a> : elles concernent un paquet limité de services, avec des restrictions sur les lieux de délivrance (respect de la pyramide sanitaire), le type de médicaments (médicaments essentiels génériques) et de prestations (parfois limitées aux consultations).</p>
<p>Dans le cadre du VIH, la gratuité ne concerne que les ARV et certains examens biologiques, mais le dispositif actuel devrait permettre à certaines populations (jeunes enfants, personnes âgées) et aux personnes bénéficiant d’une couverture sanitaire, d’assurer la prise en charge des soins.</p>
<h2>Une étude dans le cadre d’UNISSAHEL</h2>
<p>Dans le cadre du programme multipays <a href="https://www.unissahel.org/">UNISSAHEL</a>, financé par l’Agence française de développement (AFD) et mis en œuvre par l’Institut de recherche pour le développement (IRD), notre étude a cherché à évaluer l’impact de la CMU sur la réduction des dépenses de santé des PVVIH, de leur point de vue.</p>
<p>Entre 2018 et 2019, des enquêtes ont été menées dans 25 des 183 sites de prise en charge du VIH du Sénégal. Elles ont concerné trois groupes de PVVIH :</p>
<ul>
<li><p>Des adultes (344) suivis dans un service spécialisé pour le VIH à Dakar (le CRCF – Centre régional de recherche clinique de Fann).</p></li>
<li><p>Des adultes (60) s’auto-identifiant comme hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes [HSH], suivis dans des structures de santé de six régions du Sénégal.</p></li>
<li><p>Des enfants (130) suivis dans des centres de santé et hôpitaux régionaux de cinq régions du Sud du pays.</p></li>
</ul>
<p>Les informations collectées au sortir d’une consultation de routine ont permis de calculer le montant du « reste à charge » du patient, celui-ci étant défini comme « la part de la dépense de santé que les personnes ont à payer directement lors des soins, après intervention de l’assurance maladie, de l’État ou des organismes d’assurance maladie complémentaire ».</p>
<p>Les consultations de routine pour les PVVIH ont lieu généralement tous les trois mois, quelle que soit la structure de santé et la localité. Elles comprennent la consultation par le médecin ou l’infirmier, la dispensation des ARV (gratuits), éventuellement la prescription d’examens biologiques et, en cas de maladie, d’autres examens paracliniques et des ordonnances de médicaments.</p>
<h2>Une faible proportion de personnes bénéficiant d’une couverture médicale</h2>
<p>L’étude montre une faible proportion de PVVIH bénéficiant d’une couverture médicale (mutuelle de santé ou assurance) ou d’une gratuité (Plan Sésame ou dispositif 0-5 ans) des personnes enquêtées : 26 % chez les adultes suivis au CRCF, 18 % pour les HSH et 44 % pour les enfants.</p>
<p>Pour les PVVIH adultes, on note un faible taux d’adhésion aux mutuelles communautaires (de 5 à 10 % d’entre elles), principalement lié à la <a href="https://information.tv5monde.com/afrique/sida-la-discrimination-un-grand-frein-l-acces-aux-soins-dans-l-afrique-francophone-119218">crainte du dévoilement de leur séropositivité</a> et aux stratégies de nombreux gestionnaires de mutuelles communautaires consistant à dissuader l’adhésion de personnes présentant des maladies chroniques de peur d’un déséquilibre financier.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ncylyxVK9A0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La stigmatisation, principal défi des femmes atteintes du VIH au Sénégal, OMS (<em>en français</em>).</span></figcaption>
</figure>
<h2>Une faible utilisation des services</h2>
<p>Toutes les personnes disposant d’une couverture sanitaire n’en font pas systématiquement usage pour diverses raisons : la complexité des procédures (nécessité d’aller chercher au préalable une lettre de garantie au siège de la mutuelle) ; la distance entre l’hôpital et les bureaux de l’organisme de prise en charge ; le principe de la pyramide sanitaire (les mutuelles de santé ne prennent en charge que les soins effectués dans les centres de santé alors que les PVVIH sont souvent suivies dans des hôpitaux) ; la crainte du dévoilement de leur maladie par les organismes de remboursement.</p>
<p>De plus, les médicaments pris en charge partiellement ou en totalité par ces organismes sont les médicaments essentiels fournis par l’État, souvent en pénurie dans les pharmacies des structures sanitaires publiques. Les patients doivent alors se fournir dans des officines privées en médicaments de spécialité peu ou pas remboursés.</p>
<h2>Un reste à charge élevé</h2>
<p>Nos observations révèlent que le reste à charge médical moyen d’une consultation de routine est compris entre 6,5 euros (pour les enfants et les adolescents) et 31 euros (pour les adultes et les HSH). À ce montant, il convient d’ajouter les frais de transport. Le reste à charge moyen total pour une consultation de routine, comprenant les frais de transport, varie entre de 11 à 32 euros par consultation.</p>
<p>Ce montant s’avère très élevé en proportion des ressources des patients. En effet, au Sénégal, la dépense quotidienne moyenne est de 2,12 euros par personne par jour ; de plus, <a href="https://www.ansd.sn/index.php?option=com_ansd&view=titrepublication&id=40">près de 38 % de la population vit avec 1,39 euro par personne par jour</a>, qui représente le seuil de pauvreté national calculé en 2019.</p>
<p>Le reste à charge moyen d’une consultation représente donc de 8 à 23 jours de dépense quotidienne. Cette dépense entre en concurrence avec les besoins de base, notamment alimentaires, qui captent habituellement plus de la moitié des ressources des ménages.</p>
<h2>Un faible impact de la CMU chez les enfants</h2>
<p>Chez les enfants de l’étude, la couverture sanitaire est théoriquement assurée par deux mécanismes : la gratuité pour ceux âgés de 0 à 5 ans, ou l’affiliation à des mutuelles de santé communautaire.</p>
<p>Nous n’observons pas de différences significatives dans le montant du reste à charge, que les enfants bénéficient ou non d’une mutuelle de santé ou de la gratuité liée à l’âge. Cela s’explique essentiellement par la faiblesse de l’offre de soins dans les structures de santé décentralisées et la limite des prestations prises en charge par le dispositif de CMU.</p>
<h2>Maintenir un soutien spécifique pour les PVVIH et accompagner le développement de la CSU</h2>
<p>Notre étude révèle que la CMU au Sénégal est encore peu performante pour améliorer la prise en charge des soins des PVVIH : elle couvre peu de personnes, son utilisation par les usagers est limitée, elle ne permet pas de réduire de manière sensible le reste à charge pour les personnes couvertes.</p>
<p>Ces observations confortent la nécessité de maintenir un soutien spécifique pour les PVVIH et de renforcer le développement de la CMU.</p>
<p>D’une manière plus générale, la CSU est souvent évoquée comme solution pour pallier aux ressources insuffisantes que les pays du Sud peuvent consacrer à la lutte contre le VIH. Mais l’étude montre que transférer aux CSU la mise en œuvre de la gratuité des soins pour le VIH est une stratégie inadaptée dans l’état actuel de leur développement.</p>
<hr>
<p><em>Ce texte est issu de l’<a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8264868/">article</a> Taverne B., Laborde-Balen G., Diaw K., Gueye M., Have N.-N., Etard J.-F., et Sow K., « Does universal health coverage reduce out-of-pocket expenditures for medical consultations for people living with HIV in Senegal ? An exploratory cross-sectional study », _BMJ Open</em>, vol. 11, no 7, juillet 2021._</p>
<p><em>Avec la contribution de Khaly Diaw, Association Adama, Dakar, Sénégal ; Madjiguene Gueye, Centre régional de recherche et de formation à la prise en charge clinique de Fann (CRCF), Dakar, Sénégal ; et Ndeye-Ngone Have, Réseau national des associations de personnes vivant avec le VIH (RNP+), Dakar, Sénégal.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/167458/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-François Etard a reçu des financements de Expertise France.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Khoudia Sow a reçu des financements de l'IRD et de l' AFD.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Bernard Taverne et Gabriele Laborde-Balen ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Le Sénégal met en place un dispositif de couverture santé universel depuis 2013 mais celui-ci se révèle mal adapté et peu utilisé pour couvrir les dépenses de santé liées au VIH.Gabriele Laborde-Balen, Anthropologue, Centre Régional de Recherche et de Formation à la prise en charge Clinique de Fann (CRCF, Dakar), Institut de recherche pour le développement (IRD)Bernard Taverne, Anthropologue, médecin, Institut de recherche pour le développement (IRD)Jean-François Etard, Directeur de recherche, Institut de recherche pour le développement (IRD)Khoudia Sow, Chercheuse en anthropologie de la santé (CRCF)/TransVIHMI, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1671672021-09-09T19:08:27Z2021-09-09T19:08:27ZPourquoi il sera bientôt trop tard pour découvrir les origines biologiques de la Covid-19<p>Le SARS-CoV-2, virus de la Covid-19, a engendré la plus grande pandémie de ces cent dernières années… Comprendre ses origines est donc crucial pour élucider ce qui s’est passé fin 2019 – et se préparer à la prochaine pandémie virale.</p>
<p>Les études de ce type prennent du temps, demandent de l’organisation et de la coopération. Elles doivent de surcroît être guidées par des principes scientifiques, et non par des motivations politiques ou de la posture. Or, pour diverses raisons, l’enquête en cours sur les origines du SARS-CoV-2 a déjà pris trop de temps : les premiers cas ont été déclarés à Wuhan, en Chine, en décembre 2019, soit voici plus de 20 mois.</p>
<p><a href="https://www.reuters.com/business/healthcare-pharmaceuticals/us-review-covids-china-origin-unlikely-solve-vexing-questions-2021-08-24/">Comme l’ont rapporté</a> <a href="https://www.forbes.fr/politique/joe-biden-aurait-recu-des-agences-de-renseignement-un-rapport-non-concluant-sur-les-origines-du-covid/">différents médias</a>, le 24 août dernier les agences de renseignement états-uniennes ont transmis au président Joe Biden le résultat de leur recherche sur l’émergence de l’épidémie. (<em>Un <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/covid-19-ce-que-l-on-sait-du-rapport-des-services-de-renseignement-americains-sur-les-origines-du-virus_4751467.html">résumé de ces travaux</a> était déclassifié et <a href="https://abcnews.go.com/Health/biden-briefed-us-intel-assessment-covid-19s-origins/story?id=79568787">rendu public quelques jours plus tard</a>, ndlr</em>).</p>
<p>Selon un compte-rendu préliminaire publié dans le New York Times, <a href="https://www.nytimes.com/live/2021/08/24/world/covid-delta-variant-vaccine#us-intelligence-agencies-delivered-a-report-to-biden-on-the-viruss-origins">l’enquête ne permet pas encore de déterminer</a> si la propagation du virus a fait suite à un accident de laboratoire ou a procédé d’une émergence naturelle impliquant un passage de l’animal à l’être humain.</p>
<p>Si l'éventualité d'une fuite en laboratoire demeure une piste à explorer (à condition de parvenir à l’étayer scientifiquement), elle ne doit pas détourner l’attention de l’autre hypothèse qui, si l’on se base sur les données actuellement disponibles, devrait mobiliser l’essentiel de notre énergie… En effet, plus le temps passe, moins les experts seront en capacité de déterminer les origines biologiques du virus.</p>
<h2>Six recommandations pour la suite de l’enquête</h2>
<p>Je fais partie des <a href="https://theconversation.com/i-was-the-australian-doctor-on-the-whos-covid-19-mission-to-china-heres-what-we-found-about-the-origins-of-the-coronavirus-155554">experts qui sont partis à Wuhan en début d’année</a> dans le cadre de l’enquête de l’<a href="https://www.who.int/fr/news/item/30-03-2021-who-calls-for-further-studies-data-on-origin-of-sars-cov-2-virus-reiterates-that-all-hypotheses-remain-open">OMS</a> (Organisation mondiale de la santé) destinée à faire la lumière sur la question de l’origine du SARS-CoV-2. Nous avons constaté que les preuves disponibles indiquent bien que la pandémie a débuté à la suite d’une transmission « zoonotique » du virus, c’est-à-dire d’un transfert d’un animal à l’être humain.</p>
<p>Notre enquête <a href="https://www.who.int/health-topics/coronavirus/origins-of-the-virus">a donné lieu à un rapport</a>, publié en mars 2021, dans lequel nous formulons plusieurs recommandations concernant les travaux à envisager ensuite. Il est désormais urgent de s’atteler à <a href="https://theconversation.com/the-who-report-into-the-origin-of-the-coronavirus-is-out-heres-what-happens-next-says-the-australian-doctor-who-went-to-china-158212">concevoir les études scientifiques</a> qui permettront de les mener à bien.</p>
<p>Le 25 août dernier, avec d’autres rédacteurs de ce rapport, nous avons publié un <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-021-02263-6">article dans la revue <em>Nature</em></a> pour plaider en ce sens. Nous sommes en train de perdre un temps précieux, qui pourrait être consacré à approfondir six axes de recherche en vue d’en apprendre davantage sur l’origine du coronavirus. Ces axes, prioritaires selon nous, sont les suivants :</p>
<ul>
<li><p>Les études de traçabilité supplémentaires, basées sur les rapports initiaux ayant fait état de la maladie ;</p></li>
<li><p>Les enquêtes visant à analyser les anticorps spécifiques du SARS-CoV-2 développés par les malades vivant dans les régions où se sont déclarés les premiers cas de Covid-19. Ce point est important, car dans de nombreux pays (dont l’Italie, la France, l’Espagne et le Royaume-Uni), les preuves qui auraient permis d’étayer les cas des détections précoces du coronavirus se sont avérées non concluantes ;</p></li>
<li><p>Les enquêtes de traçabilité menées dans les communautés qui entretenaient des relations avec les fermes d’élevage d’animaux sauvages qui fournissaient les marchés de Wuhanhave often reported inconclusive evidence of early COVID-19 detection</p></li>
<li><p>Les études destinées à évaluer les risques représentés par les potentiels animaux hôtes. Il peut s’agir de l’hôte primaire (tels les chauves-souris), d’hôtes secondaires ou d’animaux qui auraient joué le rôle d’amplificateurs ;</p></li>
<li><p>Les analyses détaillées des facteurs de risque des flambées précoces, où qu’elles se soient produites…</p></li>
<li><p>Le suivi de toute nouvelle piste crédible.</p></li>
</ul>
<h2>Une course contre la montre est engagée</h2>
<p>Le temps est un facteur essentiel s’agissant de la faisabilité de certaines de ces études. On sait par exemple que les anticorps anti-SARS-CoV-2 apparaissent ainsi environ une semaine après qu’une personne ait été infectée par le virus et se soit rétablie, ou après avoir été vaccinée.</p>
<p>Mais leur concentration <a href="https://theconversation.com/trois-mois-apres-une-infection-covid-19-une-etude-montre-une-baisse-des-anticorps-chez-les-soignants-154803">décroit au fil du temps</a> – analyser des échantillons prélevés maintenant chez des personnes qui ont été infectées en décembre 2019, voire avant, pourrait s’avérer plus difficile, et ce problème n’ira pas en s’arrangeant à mesure que le temps va passer.</p>
<p>Se baser sur l’analyse des anticorps présents dans la population générale pour faire la différence entre vaccination, infection naturelle ou infection secondaire (surtout si l’infection initiale a eu lieu en 2019) est également problématique.</p>
<p>Par exemple, après une infection par le virus, une gamme d’anticorps spécifiques du SARS-CoV-2, dirigés contre la protéine Spike ou contre la nucléoprotéine, est détectable pendant des durées variables, à des concentrations variables et selon des capacités de neutralisation du coronavirus variables également. </p>
<p>Dans le cas de la vaccination, selon le vaccin utilisé, il se peut que seuls les anticorps à détecter soient ceux dirigés contre la protéine Spike soient détectés, lesquels diminuent également au fil du temps.</p>
<p>Un consensus international concernant les méthodes de détection utilisées en laboratoire est également nécessaire. Ces derniers mois, les différences entre les protocoles d’analyse employés ont en effet donné lieu à des discussions sur la qualité des données recueillies dans diverses endroits du globe.</p>
<p>Or, parvenir à un accord sur les techniques de laboratoire à mettre en œuvre dans les études sérologiques et génomiques, ainsi que sur l’accès aux échantillons et leur partage (tout en tenant compte les questions de consentement et de respect de la vie privée) prend… du temps. </p>
<p>Et il faut également du temps pour obtenir des financements… Pour toutes ces raisons, le temps est une ressource que nous ne pouvons pas nous permettre de gaspiller.</p>
<h2>Les contraintes du terrain</h2>
<p>En outre, à Wuhan, <a href="https://www.lopinion.fr/edition/wsj/enquete-origines-covid-19-piste-animale-gros-probleme-248908">de nombreuses fermes d’élevage d’animaux sauvages ont fermé suite à l’épidémie initiale</a>, généralement sans aucun contrôle. Avec la dispersion des animaux et des êtres humains qui en a résulté, il est de plus en plus difficile trouver des preuves biologiques chez les uns ou les autres de la propagation précoce du coronavirus.</p>
<p>Heureusement, certaines analyses peuvent quand même encore être menées. Parmi elles figure notamment l’examen des études de cas initiales, et des études portant sur les donneurs de sang à Wuhan et dans d’autres villes chinoises (ainsi que dans tous les endroits où les génomes viraux ont été détectés précocement).</p>
<p>Il est important d’analyser la progression ou les résultats de ces études menées par des experts locaux qu’internationaux, mais aucun mécanisme permettant ce type de vérification n’a encore été mis en place.</p>
<p>Depuis le mois de mars et la publication du rapport de l’OMS, de nouveaux éléments sont apparus. Ceux-ci, tout comme les données de notre rapport, ont été examinés par des scientifiques indépendants. Ces derniers sont arrivés à des <a href="https://doi.org/10.1016/j.cell.2021.08.017">conclusions similaires à celles du document de l’OMS</a>, à savoir :</p>
<ul>
<li><p>le réservoir naturel du SARS-CoV-2 n’a pas encore été identifié ;</p></li>
<li><p>les espèces clés (en Chine ou ailleurs) pourraient ne pas avoir été testées ;</p></li>
<li><p>il existe des preuves scientifiques substantielles étayant l’origine zoonotique de la pandémie.</p></li>
</ul>
<h2>Un pas en avant, un pas sur le côté…</h2>
<p>Si la possibilité d'un accident de laboratoire ne peut être totalement écartée, elle est hautement improbable, compte tenu des contacts répétés entre l'être humain et l'animal qui surviennent régulièrement dans le cadre du commerce des animaux sauvages.</p>
<p>Pourtant, l’hypothèse du coronavirus échappé d’un laboratoire continue de susciter l’intérêt des médias, en dépit des preuves disponibles… Ces discussions, plus politiques que scientifiques, ralentissent encore la coopération et l’obtention des accords nécessaires pour faire progresser les études requises par la seconde phase du rapport de l’OMS.</p>
<p>L’Organisation mondiale de la santé a demandé la création d’un nouveau comité chargé de superviser les futures études sur les origines du coronavirus SARS-CoV-2. L’initiative est louable, mais elle risque de faire prendre davantage de retard sur le planning envisagé pour lesdites études…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/167167/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dominic Dwyer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’enquête sur l’origine de la Covid se poursuit… difficilement. Or les experts tirent la sonnette d’alarme : le temps pour récolter les données biologiques qui permettront de trancher est compté.Dominic Dwyer, Director of Public Health Pathology, NSW Health Pathology, Westmead Hospital and University of Sydney, University of SydneyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1626702021-06-14T17:13:55Z2021-06-14T17:13:55ZLa réticence vaccinale, une spécificité française ?<p>Durant la pandémie de Covid-19, le pays de Pasteur a fait montre d’une particularité : celle d’être <a href="https://www.franceinter.fr/societe/vaccination-en-france-le-rythme-de-la-campagne-est-il-a-la-baisse">rétif à la vaccination</a>. Et si cette défiance n’était pas seulement le symptôme d’une pathologie française mais, plus largement, celui des pays riches ?</p>
<p>Alors que la campagne de vaccination contre le Covid-19 bat son plein, les médias se sont fait l’écho de « l’exception française » en la matière. Très récemment, un <a href="https://www.thelancet.com/action/showPdf?pii=S0140-6736%2820%2931558-0">article du Lancet</a> a confirmé le fait que la France était l’un des pays du monde parmi les plus défiants à l’égard des vaccins. Il montre que, selon une majorité de nos concitoyens, les vaccins sont considérés comme peu sûrs, peu importants et, plus étonnant encore, peu efficaces.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/406111/original/file-20210614-65156-q1569c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/406111/original/file-20210614-65156-q1569c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/406111/original/file-20210614-65156-q1569c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=500&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/406111/original/file-20210614-65156-q1569c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=500&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/406111/original/file-20210614-65156-q1569c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=500&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/406111/original/file-20210614-65156-q1569c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=628&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/406111/original/file-20210614-65156-q1569c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=628&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/406111/original/file-20210614-65156-q1569c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=628&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Une autre représentation, issue d’une <a href="https://static1.squarespace.com/static/5d4d746d648a4e0001186e38/t/5da9a9ee57ce312451325890/1571400178293/wellcome-global-monitor-2018.pdf">étude Gallup de 2018</a> permet de mieux cerner l’exceptionnalité française à l’échelle mondiale. Un tiers des Français estime que les vaccins ne sont pas sûrs, 19 % d’entre eux doutent de leur efficacité, un double jugement absolument atypique si on le compare à celui des pays voisins d’une part, au reste du monde d’autre part.</p>
<p>Il est intéressant de noter que la <a href="https://static1.squarespace.com/static/5d4d746d648a4e0001186e38/t/5da9a9ee57ce312451325890/1571400178293/wellcome-global-monitor-2018.pdf">défiance est largement partagée par les Français</a> quel que soit leur genre, leur niveau d’études, leur lieu de vie…</p>
<p>Pourtant, la singularité française ne s’arrête pas là. En effet, une étude attentive des chiffres révèle une autre spécificité nationale : la France se caractérise par une proportion extrêmement élevée (environ 60 %) de <a href="https://www.thelancet.com/action/showPdf?pii=S0140-6736%2820%2931558-0">personnes sans opinion</a> sur l’efficacité des vaccins, leur importance et leur innocuité. Ce manque d’adhésion aux vaccins entraîne, dans le contexte de la pandémie de Covid-19, une réticence face à la vaccination elle-même. En effet, début 2021, avant que ne démarre la campagne vaccinale, la part des Français déclarant vouloir se faire vacciner était non seulement l’une des plus faibles au monde mais marquait même une baisse par rapport à l’année précédente.</p>
<p>Cet ensemble de particularités fait de la France un pays absolument atypique en matière de vaccination, une évidence qu’il ne s’agit pas de nier. Mais d’une part, les raisons de cette défiance ne sont pas réductibles à un seul facteur, par exemple le rejet de la classe politique <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2021/feb/15/french-distrust-vaccines-politicians">comme on peut le lire souvent</a> et d’autre part, l’arbre France cache parfois la forêt des pays développés…</p>
<h2>Paradoxe de la couverture vaccinale</h2>
<p>Car il est un autre enseignement que l’on peut tirer des publications sur la confiance à l’égard des vaccins et qui ne manque pas d’étonner : il apparaît que le cas français s’inscrit dans un espace géographique plus large : celui des pays développés. C’est dans ces derniers en effet que l’on rencontre la <a href="https://wellcome.org/reports/wellcome-global-monitor/2018">plus grande défiance</a> à l’égard des vaccins. En Europe occidentale, la confiance dans les vaccins <a href="https://www.ft.com/content/2271a90c-942d-11e9-b7ea-60e35ef678d2">n’atteint pas 60 %</a>.</p>
<p>A contrario, elle est <a href="https://wellcome.org/reports/wellcome-global-monitor/2018">très forte en Afrique et en Asie</a>, avec respectivement 92 % et 95 %. Il est intéressant de noter d’ailleurs que c’est non seulement la confiance dans les vaccins mais aussi dans le corps médical qui est <a href="https://cms.wellcome.org/sites/default/files/wellcome-global-monitor-2018.pdf">plus faible dans les pays riches</a>. Une telle observation peut sembler déroutante alors que les <a href="https://ourworldindata.org/global-education">niveaux d’éducation</a> et de <a href="https://ourworldindata.org/health-meta">santé</a> sont bien supérieurs dans les pays du Nord à ceux des pays du Sud.</p>
<p>Cette « hésitation vaccinale » (« vaccine hesitancy »), un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0264410X15005009">concept amplement documenté</a>, peut se définir comme « un délai dans l’acceptation ou le refus de la vaccination quand bien même des vaccins seraient disponibles ». En 2019, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) n’a pas hésité à en faire l’une des <a href="https://www.who.int/news-room/spotlight/ten-threats-to-global-health-in-2019">10 menaces qui pèsent sur la santé</a> à l’échelle mondiale.</p>
<p>Les déterminants d’une telle défiance sont éminemment complexes. Dans un <a href="https://upittpress.org/books/9780822946557/">ouvrage tout récent</a>, la philosophe canadienne Maya Goldenberg a pointé le fait que la réticence de certains de nos contemporains tenait avant tout à un <a href="https://direct.mit.edu/posc/article/24/5/552/27502/Public-Misunderstanding-of-Science-Reframing-the">manque de confiance</a> plus qu’à un manque de compréhension du fait vaccinal. Des propositions de modélisation de l’hésitation vaccinale ont été faites, notamment par le <a href="https://www.who.int/groups/strategic-advisory-group-of-experts-on-immunization/working-groups/cholera-(november-2015---august-2017)">SAGE</a>, un groupe de travail de l’OMS composé d’experts en immunologie. Selon eux, trois séries de facteurs se combinent. Ils ressortent des vaccins et de la vaccination, des conceptions qu’en ont les individus, et enfin des données contextuelles. On peut les illustrer <a href="https://www.ecdc.europa.eu/sites/default/files/media/en/publications/Publications/vaccination-motivating-hesistant-populations-europe-literature-review.pdf">comme suit</a> :</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/406109/original/file-20210614-102836-ocjod7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/406109/original/file-20210614-102836-ocjod7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/406109/original/file-20210614-102836-ocjod7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=622&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/406109/original/file-20210614-102836-ocjod7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=622&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/406109/original/file-20210614-102836-ocjod7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=622&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/406109/original/file-20210614-102836-ocjod7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=782&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/406109/original/file-20210614-102836-ocjod7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=782&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/406109/original/file-20210614-102836-ocjod7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=782&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>À cette aune, plusieurs facteurs spécifiques peuvent expliquer l’hésitation vaccinale des pays riches. L’un est la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0264410X15005010">couverture médiatique relative aux vaccins</a>, plus défavorable en Amérique et en Europe que dans les autres zones du globe. Au fond, plus l’information est accessible et ouverte, plus les opposants aux vaccins peuvent librement exprimer leur avis, un avis qui pèse lorsqu’il s’agit de <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2021/01/15/covid-19-henri-joyeux-un-discours-antivaccin-qui-avance-masque_6066434_4355770.html">médecins connus de l’opinion publique</a>.</p>
<p>C’est ainsi qu’est né dans les grandes démocraties un véritable courant de « <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0277953618306798">populisme médical</a> » souvent qualifié d’<a href="https://www.rtbf.be/info/dossier/epidemie-de-coronavirus/detail_ne-les-appelez-plus-antivax-mais-hesitants-vaccinaux-nourris-par-les-reseaux-sociaux?id=10648034">« antivax »</a> par les médias, notamment numériques. Il existe d’ailleurs un <a href="https://professionnels.vaccination-info-service.fr/Aspects-sociologiques/Perception-et-adhesion-a-la-vaccination/Perception-et-adhesion-a-la-vaccination-en-France">lien avéré</a> entre le fait de consulter Internet pour les parents et une moindre pratique de la vaccination chez les enfants, un lien majoré lorsqu’Internet est l’unique source d’information.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/406107/original/file-20210614-73826-d1pze.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/406107/original/file-20210614-73826-d1pze.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/406107/original/file-20210614-73826-d1pze.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/406107/original/file-20210614-73826-d1pze.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/406107/original/file-20210614-73826-d1pze.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/406107/original/file-20210614-73826-d1pze.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=542&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/406107/original/file-20210614-73826-d1pze.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=542&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/406107/original/file-20210614-73826-d1pze.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=542&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Parmi l’ensemble des facteurs de l’hésitation vaccinale dans les pays riches, l’un nous semble particulièrement déterminant : l’ampleur de la couverture vaccinale. Aussi paradoxal que cela puisse apparaître, et comme le montre le schéma ci-contre établi par nos soins, plus la mortalité des enfants de moins de 5 ans est faible, plus la défiance vaccinale est forte.</p>
<p>Nous suggérons l’explication suivante : quand la couverture vaccinale est généralisée, l’effet salvateur du vaccin n’est plus perçu, à la différence des pays africains par exemple où il est évident pour les populations que la vaccination sauve des vies. Dit crûment, les pays riches peuvent jouer aux sceptiques dès lors qu’ils bénéficient assez des vaccins pour ne plus en mesurer les bienfaits.</p>
<p>Rappelons à ce propos que la vaccination a permis d’<a href="https://www.syndicat-infirmier.com/IMG/pdf/1802_cdc_06-politique-vaccinale-tome-1.pdf">éradiquer la variole</a>, de faire chuter l’incidence mondiale de la poliomyélite de 99 % depuis 1988 et de faire baisser de près de 80 % le nombre de décès dus à la rougeole.</p>
<h2>« Big Brother » et « Big pharma »</h2>
<p>Revenons à la France. On l’a compris, elle participe d’un mouvement assez général de défiance des pays riches à l’égard des vaccins. Mais sa spécificité manifeste implique qu’il faille examiner des facteurs proprement nationaux. Avant toute chose, il est important de souligner que notre pays n’a pas toujours été rétif à la vaccination.</p>
<p>Au contraire, <a href="https://www.inserm.fr/actualites-et-evenements/actualites/defiance-vaccinale-situation-catastrophique">comme le note l’Inserm</a>, la défiance vaccinale y a émergé tardivement. En 1998, quand une étude britannique frauduleuse a prétendu démontrer un lien entre autisme et vaccin contre la rougeole, la confiance est restée stable en France : moins de 10 % de la population exprimait des réticences vis-à-vis des vaccins. En revanche, l’échec de la campagne de vaccination contre la grippe H1N1 en 2010 a constitué une fracture indéniable ; à l’issue, le nombre de rétifs a grimpé à près de 40 %. Les baromètres santé permettent de se faire une idée assez précise de l’évolution de l’adhésion à la vaccination pour les vingt dernières années.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/406112/original/file-20210614-73420-b6hyay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/406112/original/file-20210614-73420-b6hyay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/406112/original/file-20210614-73420-b6hyay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/406112/original/file-20210614-73420-b6hyay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/406112/original/file-20210614-73420-b6hyay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/406112/original/file-20210614-73420-b6hyay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=469&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/406112/original/file-20210614-73420-b6hyay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=469&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/406112/original/file-20210614-73420-b6hyay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=469&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Voilà qui tranche avec l’idée d’une tendance immuable des Français à la résistance vaccinale. En revanche, on voit combien les facteurs contextuels ont pu peser.</p>
<p>Aux facteurs contextuels s’ajoute une particularité française bien connue des sociologues : la <a href="http://www.cepremap.fr/depot/opus/OPUS09.pdf">défiance à l’égard de l’État</a> qui est la plus élevée d’Europe occidentale. Comme le souligne Laurent-Henri Vignaud, historien spécialiste de la résistance aux vaccins, la défiance à l’égard du « Big Brother » politique, et celle à l’égard du « Big pharma » économique sont les <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/11/13/covid-19-l-antivaccinisme-contemporain-est-principalement-economique-et-politique_6059683_3244.html">arguments qui reviennent le plus souvent</a>. En ce sens, la défiance vaccinale traduit un manque de confiance dans les institutions chargées de garantir la santé de chacun.</p>
<p>On le voit, le paradoxe de l’époque contemporaine est que des pans entiers de populations des pays développés cessent de croire aux bienfaits de ce qui a rendu leur vie meilleure. Ce fait doit nous rappeler combien le développement n’est jamais un acquis… Si l’on suit la grande spécialiste Maya Goldenberg, surmonter l’hésitation vaccinale nécessite pour les États de développer une véritable culture de la transparence.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été initialement publié sur le <a href="https://knowledge.skema-bs.fr/la-reticence-face-au-vaccin-symptome-dune-pathologie-francaise/">site knowledge Think Forward</a> de Skema Business School</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162670/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La défiance concerne plus largement l’ensemble des pays développés dans lesquels vacciner est devenu un acte habituel… au point que ses effets bénéfiques ne sont plus perçus.Frédéric Munier, Professeur affilié de géopolitique, SKEMA Business SchoolRodolphe Desbordes, Professeur d'Economie, SKEMA Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1597662021-05-04T18:52:26Z2021-05-04T18:52:26ZUn nouveau vaccin s'avère très efficace contre le paludisme et la pandémie nous a montré qu’on pourrait le déployer rapidement<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/398459/original/file-20210503-21-4vjlam.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=27%2C0%2C3025%2C2010&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un moustique en train de piquer un humain.</span> <span class="attribution"><span class="source">Konstantin Nechaev / Alamy Stock Photo </span></span></figcaption></figure><p>Les vaccins contre le coronavirus ont été conçus et déployés en un temps record, mais à mesure qu’ils sont administrés de par le monde, on découvre que les pays pauvres ne reçoivent pas leur juste part des doses. Cela nous rappelle de façon brutale que lorsqu’il s’agit de maladies infectieuses, les pays défavorisés sont souvent laissés pour compte.</p>
<p>C’est un problème qui dépasse largement la crise actuelle. Ainsi, en Afrique, la <a href="https://www.statista.com/statistics/1170530/coronavirus-deaths-in-africa/">malaria</a> a sans doute causé quatre fois plus de décès que <a href="https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/malaria">la Covid-19</a> au cours de la dernière année. Heureusement, notre <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3830681">nouvelle étude</a> montre qu’on est peut-être plus près que jamais d’avoir un vaccin contre la malaria.</p>
<p>Pour la première fois, un vaccin a démontré une grande efficacité lors d’essais en prévenant la maladie dans 77 % des cas. Il s’agit d’un résultat exceptionnel. L’OMS vise une efficacité de plus de 75 % pour un vaccin antipaludique. Jusqu’ici, ce niveau n’avait jamais été atteint.</p>
<p>La rapidité et la réussite de la mise au point des vaccins contre la Covid-19 montrent ce qui est possible, et l’on devrait s’en inspirer pour terminer, homologuer et distribuer le vaccin antipaludique. C’est important non seulement en raison de la menace que représente la malaria, mais parce qu’investir dans les vaccins, c’est aussi une façon de se préparer à la prochaine pandémie. Le travail sur le vaccin contre la malaria a contribué à accélérer le développement du vaccin Oxford contre la Covid-19.</p>
<p>L’Organisation mondiale de la santé <a href="https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/malaria">estime</a> qu’il y a eu 229 millions de cas de malaria en 2019. À l’échelle mondiale, la maladie cause plus de 400 000 morts par année, et ce bilan ne s’est pas amélioré au cours des cinq dernières années. Les deux tiers de ces morts sont des enfants africains de moins de cinq ans.</p>
<p>On dépense chaque année des milliards de dollars en moustiquaires, en insecticides et en médicaments antipaludiques, et ce, juste pour maintenir le taux de mortalité à son niveau actuel. On doit trouver de nouvelles technologies, d’autant que l’OMS vise <a href="https://www.who.int/malaria/about_us/fr/#:%7E:text=Elle%20fixe%20des%20buts%20ambitieux,dans%20au%20moins%2035%20pays">une réduction de 90 % de la mortalité</a> d’ici 2030.</p>
<p>À ce jour, aucun vaccin contre le paludisme n’a été autorisé, bien que l’idée de contrôler la maladie par la vaccination existe depuis longtemps. Un premier rapport scientifique sur le sujet a été publié à Alger en 1910. Des essais cliniques ont commencé <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20985795/">dans les années 1940</a>, sont devenus sérieux à partir des années 1980 et, depuis, plus de 140 candidats vaccins contre le paludisme ont été testés sur les humains.</p>
<p>Mais aucun n’a encore été approuvé. C’est un cas difficile. Le parasite de la malaria est complexe, avec plus de 5 000 gènes, ce qui signifie qu’il présente de nombreuses caractéristiques parmi lesquelles les concepteurs de vaccins doivent choisir une cible. Le SRAS-CoV-2, le coronavirus responsable de la Covid-19, ne compte que 12 gènes, et <a href="https://theconversation.com/new-coronavirus-variant-what-is-the-spike-protein-and-why-are-mutations-on-it-important-152463">sa protéine de spicule</a> était une cible évidente pour les chercheurs.</p>
<p>Le parasite du paludisme a évolué avec les humains et leurs ancêtres au cours des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21118608/">30 derniers millions d’années</a>. En plus de générer une multitude de souches, il a influencé notre évolution, puisque des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6733195/">variants génétiques</a> qui atténuent les effets du paludisme se sont transmis au fil du temps. Malheureusement, ce parasite cause des infections chroniques par millions et supprime la réponse immunitaire humaine qu’un vaccin tente de mettre en œuvre.</p>
<h2>Un nouveau vaccin prometteur</h2>
<p>Mais les progrès dans l’élaboration d’un vaccin contre le paludisme s’accélèrent, comme l’illustre un nouveau rapport d’un <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3830681">groupe de chercheurs de divers pays,</a> dont je fais partie, publié dans <em>The Lancet</em>. L’équipe du <a href="https://www.wwarn.org/about-us/governance-people/professor-halidou-tinto">professeur Halidou Tinto</a>, basée à Ouagadougou, au Burkina Faso, a étudié les effets d’un nouveau vaccin antipaludique, le R21, sur 450 enfants – la population pour laquelle un vaccin est le plus urgent. Ils ont constaté qu’il était sûr et d’une efficacité sans précédent chez les enfants âgés de 5 à 17 mois.</p>
<p>Dans cet essai comparatif, 105 des 147 enfants qui ont reçu un placebo ont contracté le paludisme. Mais sur les 292 enfants qui ont reçu une dose du vaccin, seuls 81 ont contracté la maladie – dépassant ainsi l’objectif de protection de 75 % fixé par l’OMS. Un essai de phase 3 – qui testera l’innocuité et l’efficacité du vaccin sur un nombre beaucoup plus important de personnes – débutera dans quatre pays africains à la fin du mois d’avril 2021, en vue d’une homologation accélérée si tout se passe bien.</p>
<p>Des scientifiques de quatre continents ont contribué à la mise au point et aux essais de ce vaccin prometteur. L’élaboration et les premières étapes de conception ont eu lieu à l’Institut Jenner de l’Université d’Oxford, où l’on fait des essais cliniques de vaccin contre le paludisme depuis 1999. Des <a href="https://www.cochranelibrary.com/es/central/doi/10.1002/central/CN-01462017/full">études de provocation</a> menées à Oxford, à Southampton et à Londres, lors desquels des volontaires se sont fait délibérément inoculer la malaria par des piqûres de moustiques pour tester l’efficacité du vaccin, ont mis en évidence le potentiel du R21. Le vaccin nécessite un adjuvant, qui est fourni par Novavax, une société de biotechnologie basée aux États-Unis et en Suède.</p>
<p>La fabrication du vaccin est en cours chez le plus grand fournisseur de vaccins au monde, l’Institut Serum en Inde. Ce partenariat pour la lutte contre le paludisme était déjà en place l’année dernière lorsque la Covid-19 a frappé, ce qui nous a permis de passer rapidement à la fabrication du vaccin Oxford contre le coronavirus. La technologie que ce dernier utilise, avec recours à un adénovirus de chimpanzé appelé ChAdOx1, a été testée contre le paludisme. Le fait d’avoir mis en place cette collaboration avant même notre partenariat avec AstraZeneca a permis à la société indienne d’accélérer la fabrication du vaccin contre la Covid-19, de sorte que c’est l’endroit où l’on produit le plus de doses.</p>
<p>Pourrait-on envisager la même production rapide à grande échelle pour les vaccins contre la malaria ? Peut-être, mais cela comporte des risques. Un autre candidat vaccin prometteur – celui de GlaxoSmithKline, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/RTS,S">appelé RTS,S</a> – a connu <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)30815-1/fulltext">des problèmes de sécurité</a> lors de son principal essai de phase 3 il y a cinq ans, ce qui a retardé son approbation en attendant de nouvelles évaluations à grande échelle.</p>
<p>Un financement sera également nécessaire pour le déploiement du vaccin contre la malaria, mais avec la capacité de fabrication en série et à faible coût en Inde, il devrait être possible de produire un vaccin peu coûteux et largement accessible. Cependant, la hausse des cas de Covid-19 dans plusieurs régions d’Afrique pourrait avoir un impact sur les essais de phase 3 du vaccin R21 qui doivent commencer bientôt au Mali, au Burkina Faso, en Tanzanie et au Kenya.</p>
<p>Le Royaume-Uni est depuis longtemps une figure de proue de la recherche en santé mondiale, et la lutte contre le paludisme en est une activité phare. Le financement a été durement touché par <a href="https://www.ifs.org.uk/publications/15392">la réduction du budget de l’aide</a> à l’international cette année. Mais la pandémie a mis en lumière l’importance de maintenir une bonne capacité de recherche et de conception de vaccins, ainsi que la possibilité d’accélérer leur approbation et leur distribution.</p>
<p>L’un des avantages à long terme de cette terrible pandémie pourrait être d’obtenir un accès plus rapide à un vaccin contre la malaria et un avenir plus sûr pour les enfants des pays parmi les plus pauvres de la planète.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159766/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Adrian Hill reçoit des fonds du gouvernement et des organismes caritatifs qui financent le développement de vaccins contre le paludisme. Il peut bénéficier de redevances vers l'Université d'Oxford provenant du vaccin R21/MM.</span></em></p>Le vaccin R21 a protégé les trois quarts des enfants contre le paludisme lors des essais.Adrian Hill, Director of the Jenner Institute, University of OxfordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1577912021-04-01T21:03:03Z2021-04-01T21:03:03ZAcides gras « trans » limités par l’UE : que se passe-t-il au niveau moléculaire pour qu’ils soient nocifs ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/391720/original/file-20210325-23-1fyc15i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C1%2C1192%2C795&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’industrie agroalimentaire utilise des acides gras insaturés _trans_ pour optimiser les textures ou la conservation des aliments.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/confectionery-factory-production-line-baking-cookies-1194414133">Vladimir Mulder, Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>En 2021, la consommation de graisses de type acides gras <em>trans</em> reste encore très importante dans nos pays occidentaux et de plus en plus de preuves indiquent que cette consommation accrue est un important <a href="https://www.ahajournals.org/doi/10.1161/JAHA.114.001195">facteur de risque</a> de développement de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0140673600041660">maladies cardio-vasculaires</a>.</p>
<p>À partir du 2 avril 2021, l’Union européenne impose une <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/alimentation/acides-gras-trans-l-union-europeenne-impose-une-limite_3413147.html">limite maximale</a> de 2 grammes d’acides gras <em>trans</em> produits industriellement pour 100 grammes de graisse dans la nourriture. L’Organisation Mondiale de la Santé a même décidé d’aller plus loin, car elle <a href="https://www.who.int/fr/news/item/14-05-2018-who-plan-to-eliminate-industrially-produced-trans-fatty-acids-from-global-food-supply">vise</a> à éliminer totalement de l’alimentation les acides gras <em>trans</em> produits industriellement, partout dans le monde, d’ici 2023.</p>
<p>Nous proposons dans cet article d’essayer de mieux comprendre pourquoi et comment ces petites molécules augmentent le mauvais cholestérol et les médiateurs de l’inflammation, ce qui pourrait être à l’origine de leurs effets délétères.</p>
<h2>Les acides gras trans et leur utilisation dans les produits industriels</h2>
<p>Les acides gras sont les <a href="http://www.chups.jussieu.fr/polys/biochimie/SGLbioch/POLY.Chp.2.html">principaux constituants des lipides</a> et se classent en deux groupes : les acides gras saturés et ceux insaturés. Cette classification dépend de la présence (acides gras insaturés) ou non (acides gras saturés) de doubles liaisons chimiques le long de la chaîne de carbone. Les doubles liaisons, appelées aussi « insaturations », modifient la géométrie spatiale de l’acide gras : lorsqu’elles induisent une forme courbée, les insaturations sont dites <em>cis</em>, et lorsqu’elles induisent une forme linéaire, elles sont appelées <em>trans</em>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/391672/original/file-20210325-15-aa718n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/391672/original/file-20210325-15-aa718n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/391672/original/file-20210325-15-aa718n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=249&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/391672/original/file-20210325-15-aa718n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=249&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/391672/original/file-20210325-15-aa718n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=249&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/391672/original/file-20210325-15-aa718n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=312&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/391672/original/file-20210325-15-aa718n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=312&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/391672/original/file-20210325-15-aa718n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=312&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Représentation des acides gras saturés et insaturés. Les acides gras insaturés <em>trans</em> et <em>cis</em> diffèrent par la forme de la chaîne d’atomes de carbone. Une petite différence qui a de gros effets.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Anouk Charlot</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Les acides gras insaturés <em>cis</em> sont présents naturellement dans nos aliments. Une fois passée la barrière intestinale, ils sont transformés et servent à la fabrication d’un nombre important de molécules utiles à notre organisme. Pour les acides gras insaturés <em>trans</em>, les effets sont bien différents.</p>
<p>Certains acides gras <em>trans</em> sont produits naturellement par les animaux ruminants (comme la vache ou le mouton) grâce à des bactéries résidentes de leur estomac. On en trouve notamment dans la viande et les produits laitiers, mais en très faibles quantités, et ils ne présentent, a priori, pas de danger pour la santé.</p>
<p>Par contre, une quantité non négligeable d’acides gras <em>trans</em> est produite par l’industrie agroalimentaire. En effet, leur présence permet d’améliorer les textures des aliments, d’allonger leur durée de conservation, et ils sont stables lorsqu’ils sont utilisés en friture contrairement à leurs homologues <em>cis</em>. On les retrouve dans les aliments transformés tels que les pâtes à tartiner, les viennoiseries, les margarines, les plats préparés.</p>
<p>Les acides gras <em>trans</em> sont obtenus par une transformation industrielle appelée <a href="https://biochim-agro.univ-lille.fr/lipides/co/Cours_C_2.html">« hydrogénation des graisses »</a>. En théorie, l’objectif de cette hydrogénation est de transformer des acides gras <em>cis</em> insaturés issus des huiles végétales en acides gras saturés. Pour cela, les doubles liaisons <em>cis</em> sont changées en simples liaisons en ajoutant chimiquement des atomes d’hydrogène. Cependant, lors de ce processus, de 30 % à 50 % des acides gras restent insaturés, mais sont <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2921728/">transformés en acides gras <em>trans</em></a>.</p>
<h2>Les acides gras <em>trans</em> sont des composés nocifs pour la santé cardio-vasculaire</h2>
<p>C’est en 1990 que les effets nocifs des graisses <em>trans</em> ont été démontrés au niveau cardiaque pour la première fois, grâce aux chercheurs <a href="https://www.nejm.org/doi/pdf/10.1056/NEJM199008163230703">Ronald Mensink et Martijn Katan</a>. Dans leur étude, ils mettaient en évidence que les acides gras <em>trans</em> augmentent non seulement le « mauvais » cholestérol – c’est-à-dire le cholestérol contenu dans les lipoprotéines de basse densité (connu sous le nom de « LDL ») – mais diminuent également le niveau de « bon cholestérol » contenu dans les lipoprotéines de haute densité (« HDL »).</p>
<p>Ces changements sont associés à un plus grand risque de développer une maladie cardio-vasculaire, notamment l’<a href="https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/atherosclerose">athérosclérose</a>. De nombreuses études épidémiologiques ont suivi celle-ci et ont permis de confirmer que les acides gras <em>trans</em> augmentent le risque de maladies cardio-vasculaires, d’où la décision de la Commission européenne de limiter leur présence dans les produits agroalimentaires industriels.</p>
<h2>Les acides gras <em>trans</em> agissent sur la régulation de l’expression des gènes</h2>
<p>Si les acides gras <em>trans</em> induisent des changements au niveau des taux de cholestérol ou de marqueurs inflammatoires, c’est parce qu’ils sont capables d’induire la modification de l’expression de certains gènes. En effet, ils peuvent se fixer à des récepteurs intracellulaires qui se trouvent dans les noyaux des cellules.</p>
<p>Ainsi, dans les cellules du foie, les acides gras <em>trans</em> se fixent sur des récepteurs nucléaires qui sont des petites protéines appelées « facteurs de transcription ». Cette fixation provoque l’activation de la transcription de différents gènes, qui permettent la fabrication de protéines impliquées dans la voie de synthèse du cholestérol. Ainsi, leur activation entraîne l’augmentation du « mauvais » cholestérol LDL ainsi que du cholestérol total. Il en résulte une augmentation de la proportion du mauvais cholestérol LDL par rapport au bon (HDL), ce qui est un paramètre biologique en faveur du développement des maladies cardio-vasculaires.</p>
<p>Les acides gras <em>trans</em> agissent également au niveau au niveau des globules blancs, et plus particulièrement sur les macrophages et les monocytes – des cellules immunitaires qui ont pour fonction de nettoyer les cellules des débris cellulaires et les agents pathogènes. Les acides gras <em>trans</em> se fixent sur le récepteur nucléaire qui active les gènes de l’interleukine-6 et du facteur de nécrose tumorale, provoquant ainsi l’augmentation de la production des médiateurs de l’inflammation.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/391707/original/file-20210325-19-gbb4kq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/391707/original/file-20210325-19-gbb4kq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/391707/original/file-20210325-19-gbb4kq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/391707/original/file-20210325-19-gbb4kq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/391707/original/file-20210325-19-gbb4kq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=443&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/391707/original/file-20210325-19-gbb4kq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=443&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/391707/original/file-20210325-19-gbb4kq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=443&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Au niveau moléculaire, les acides gras <em>trans</em> augmentent le risque de maladie cardiaque en modifiant l’expression des gènes de la voie de synthèse du cholestérol et de l’inflammation. Ils induisent une diminution du « bon cholestérol » ainsi qu’une augmentation du « mauvais cholestérol » et activent la sécrétion des médiateurs de l’inflammation. Ces marqueurs mesurés dans le sang sont des prédicteurs de risque de développer une maladie cardio-vasculaire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Figure réalisée par Anouk Charlot, grâce aux illustrations de [Servier Medical Art](https://smart.servier.com/)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les acides gras <em>trans</em> augmentent deux phénomènes délétères : l’inflammation et le stress oxydatif</h2>
<p>Suite à l’activation des gènes, les <a href="https://www.omicsonline.org/open-access/trans-fatty-acids-and-atherosclerosiseffects-on-inflammation-and-endothelial-function-2155-9600-1000426.php?aid=63487">médiateurs inflammatoires</a> sanguins, appelés cytokines, tels que le facteur de nécrose tumorale ou l’interleukine-6 sont augmentés.</p>
<p>De plus, les acides gras <em>trans</em> augmentent la production au sein des cellules de radicaux libres de l’oxygène – des espèces chimiques très réactives dérivées de l’oxygène qui agressent les composants cellulaires, comme l’ADN, les membranes ou encore les protéines. Ceci mène à un véritable « stress oxydatif » pour les cellules. Notamment, sur des souris nourries avec un régime riche en acides gras <em>trans</em>, une réduction des taux plasmatiques de vitamine E a été observée (une vitamine antioxydante) avec l’augmentation concomitante de F2-isoprostanes, qui est un marqueur du stress oxydatif <em>in vivo</em>.</p>
<p>Ainsi, l’augmentation du « mauvais » cholestérol associée à l’inflammation et au stress oxydatif, sont des acteurs majeurs de la physiopathologie de l’<a href="https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/atherosclerose">athérosclérose</a> et donc du développement des maladies cardio-vasculaires.</p>
<p>En somme, il est essentiel de surveiller sa consommation d’acides gras <em>trans</em>. Pour cela, il ne faut pas hésiter à fuir les emballages des produits industriels où il est notifié les termes « huile(s) végétales(s) hydrogénée(s) » ou « partiellement hydrogénée(s) ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/157791/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Joffrey Zoll a reçu des financements de la part de l'Université de Strasbourg (bourse de thèse) </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anouk Charlot a reçu des financements de l'Université de Strasbourg (Bourse de thèse). </span></em></p>L’UE limite la teneur en graisses « trans » dans les aliments issus de l’agroalimentaire. Comment un changement assez simple à l’échelle moléculaire peut-il avoir des répercussions sur la santé ?Joffrey Zoll, MCU-PH en physiologie, faculté de médecine, Université de StrasbourgAnouk Charlot, Doctorante, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1558022021-02-25T15:07:13Z2021-02-25T15:07:13ZJ’ai participé à la mission de l’OMS sur la Covid-19 en Chine. Voici ce que nous avons appris sur les origines du coronavirus<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/386280/original/file-20210224-19-e8qofl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4240%2C2830&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une vue extérieure du marché de Wuhan, là où les premiers cas de Covid-19 ont été recensés. Mais les origines de la pandémie demeurent mystérieuses.</span> <span class="attribution"><span class="source">Dake Kang/AP</span></span></figcaption></figure><p>J’écris cet article de ma chambre d’hôtel, à Sydney, où je fais ma quarantaine après mon retour de Wuhan, en Chine. Je suis le représentant de l’Australie pour l’étude mondiale de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) <a href="https://www.who.int/fr/health-topics/coronavirus/origins-of-the-virus">sur les origines du virus SARS-CoV-2</a>.</p>
<p>On a beaucoup parlé de la dimension politique de la <a href="https://www.who.int/fr/news-room/feature-stories/detail/how-who-is-working-to-track-down-the-animal-reservoir-of-the-sars-cov-2-virus">mission</a> sur les origines de la Covid-19, et on pourrait facilement oublier que de vraies personnes participent à ce type d’enquête.</p>
<p>Dans le cadre de notre mission, nous avons rencontré l’homme qui est devenu, le 8 décembre 2019, le premier cas confirmé de Covid-19 ; il est maintenant rétabli. Nous avons aussi rencontré le mari d’une médecin morte de la Covid-19 qui a laissé derrière elle un jeune enfant. Nous avons également rencontré les médecins des hôpitaux de Wuhan qui ont traité les premiers cas de Covid-19, et nous avons appris ce qui leur est arrivé ainsi qu’à leurs collègues. Nous avons été témoins des répercussions de la Covid-19 sur de nombreuses personnes et collectivités, touchées au tout début de la pandémie, alors qu’on ne savait presque rien du virus, de sa propagation, de la manière de soigner la maladie ou de ses impacts.</p>
<p>Nous avons parlé à nos homologues chinois — scientifiques, épidémiologistes, médecins — pendant les quatre semaines de notre mission en Chine. Nous avons participé à des réunions avec eux jusqu’à 15 heures par jour, ce qui nous a permis d’établir des liens professionnels, voire amicaux, avec eux. Nous avons ainsi pu instaurer un respect et une confiance qui n’auraient sans doute pas été possibles par Zoom ou courriel.</p>
<p>Voici <a href="https://www.youtube.com/watch?v=B0ZOTdEmco0">ce que nous avons appris</a> sur les origines du SARS-CoV-2.</p>
<h2>Une origine animale, mais peut-être pas dans les marchés de Wuhan</h2>
<p>C’est à Wuhan, en Chine centrale, que le virus SARS-CoV-2 a fait son apparition en décembre 2019, déclenchant la plus grande pandémie de maladie infectieuse depuis celle de la grippe de 1918-1919.</p>
<p>Notre étude a permis de conclure que le virus était fort probablement d’origine animale. Il a sans doute été transmis de la chauve-souris à l’homme, en passant par un animal intermédiaire encore inconnu, dans un lieu inconnu. Des maladies « zoonotiques » de ce genre ont engendré des pandémies par le passé. Mais nous travaillons toujours à définir la chaîne exacte des événements qui ont conduit à la pandémie actuelle. Les prélèvements effectués sur des chauves-souris dans la province de Hubei et sur des animaux sauvages de toute la Chine ne nous ont pas encore permis de déceler la présence de SARS-CoV-2.</p>
<p>Nous avons visité le marché d’animaux vivants de Wuhan, aujourd’hui fermé, qu’on a considéré, au début de la pandémie, comme étant la source du virus. Des étals du marché vendaient des animaux sauvages « domestiqués ». Il s’agit d’animaux élevés pour servir de nourriture, tels des rats des bambous, des civettes et des blaireaux-furets. On sait que certains animaux sauvages domestiqués peuvent être vulnérables au SARS-CoV-2. Toutefois, aucun des échantillons de produits animaux prélevés après la fermeture du marché n’a donné de résultat positif pour le SARS-CoV-2.</p>
<p>Nous savons que les <a href="https://www.thelancet.com/action/showPdf?pii=S0140-6736%2820%2930183-5">174 premiers malades de la Covid-19</a> n’avaient pas tous fréquenté le marché, et c’est d’ailleurs le cas du premier patient à avoir développé des symptômes et pour qui le diagnostic a été confirmé en décembre 2019.</p>
<p>Cependant, quand nous avons visité le marché fermé, il nous a été facile de voir comment une infection aurait pu s’y propager. Lorsqu’il était ouvert, environ 10 000 personnes y passaient chaque jour, dans une grande proximité, avec une mauvaise ventilation et un mauvais drainage.</p>
<p>Des preuves génétiques obtenues pendant la mission semblent indiquer la présence d’un foyer de contagion dans le marché étant donné que les séquences virales de plusieurs des malades l’ayant fréquenté étaient identiques. D’autres séquences virales présentaient toutefois une certaine diversité, ce qui suppose l’existence d’autres chaînes de transmission inconnues ou non échantillonnées.</p>
<p>Un résumé des études de modélisation visant à trouver le moment de l’apparition de l’ancêtre commun le plus récent du SARS-CoV-2 permet d’estimer que la pandémie a pris naissance entre la mi-novembre et le début décembre. Il existe également des publications qui indiquent que le SARS-CoV-2 a circulé dans divers pays avant le premier cas à Wuhan, mais celles-ci doivent encore être confirmées.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/il-y-a-10-ans-un-virus-proche-du-sars-cov-2-circulait-deja-au-cambodge-154397">Il y a 10 ans, un virus proche du SARS-CoV-2 circulait déjà au Cambodge</a>
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<p>Il semble que le marché de Wuhan aurait davantage été un amplificateur qu’un véritable point de départ de la pandémie. Nous devons donc chercher ailleurs les origines du virus.</p>
<h2>Des aliments congelés ou réfrigérés à l’origine de la propagation ?</h2>
<p>Une autre hypothèse envisagée est celle de la <a href="https://academic.oup.com/nsr/article/7/12/1861/5936602">« chaîne du froid »</a>. Le virus pourrait être venu d’ailleurs par les processus d’élevage, de capture, de transformation, de transport, de réfrigération ou de congélation. Le coupable serait-il de la crème glacée, du poisson, de la viande d’animaux sauvages ? Nous ne le savons pas. Il n’est pas prouvé que cela a constitué l’origine du virus, mais cela aurait-il pu contribuer à sa propagation ? Là encore, nous l’ignorons.</p>
<p>De nombreux produits surgelés présents sur le marché de Wuhan n’ont pas été testés. L’échantillonnage de l’environnement du marché a montré une contamination virale de surface. Cela peut indiquer que le SARS-CoV-2 aurait été introduit par des personnes infectées, des produits animaux contaminés ou des produits « de la chaîne du froid ». Nous n’avons pas fini d’étudier les produits surgelés et la survie du virus à basse température.</p>
<h2>Il est très peu probable que le virus se soit échappé d’un laboratoire</h2>
<p>L’option la plus délicate sur le plan politique que nous ayons examinée est celle qui voudrait que le virus se soit échappé d’un laboratoire. Nous avons conclu que c’était extrêmement improbable.</p>
<p>Nous avons visité <a href="http://english.whiov.cas.cn/">l’Institut de virologie de Wuhan</a>, un centre de recherche impressionnant qui semble être bien géré et où les précautions d’usage sont prises pour protéger la santé du personnel.</p>
<p>Nous avons parlé aux scientifiques qui y travaillent. Nous avons appris qu’on a testé des échantillons de leur sang, que l’on prélève et stocke régulièrement, pour y détecter des signes d’infection. Aucune trace d’anticorps contre le coronavirus n’y a été trouvée. Nous avons examiné leurs contrôles de biosécurité. Toujours aucune trace.</p>
<p>Nous avons étudié le virus le plus proche du SARS-CoV-2 sur lequel ils ont travaillé. Il s’agit du <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-020-2012-7">virus RaTG13</a>, dont on a décelé la présence dans des grottes du sud de la Chine où des mineurs sont morts il y a sept ans.</p>
<p>Mais les scientifiques n’avaient qu’une séquence génétique de ce virus. Ils n’avaient pas réussi à le cultiver. Il arrive que des virus s’échappent d’un laboratoire, mais c’est rare. Nous avons conclu qu’il était extrêmement peu probable que cela se soit produit à Wuhan.</p>
<h2>Une équipe d’enquêteurs</h2>
<p>Quand je dis « nous » dans ce texte, cela inclut les gens envoyés par l’OMS et les membres de la commission chinoise de la santé. En tout, il y avait 17 experts chinois et dix d’autres pays, plus sept experts et assistants de diverses agences. Nous avons examiné l’épidémiologie clinique (comment la Covid-19 s’est répandue chez les humains), l’épidémiologie moléculaire (la composition génétique du virus et sa propagation), ainsi que le rôle des animaux et de l’environnement.</p>
<p>Le groupe qui a étudié l’épidémiologie clinique a consulté les registres de 76 000 cas chinois, provenant de plus de 200 institutions, pour y déceler tout ce qui pouvait ressembler à une infection à la Covid-19 — comme les maladies de type grippal, les pneumonies et autres maladies respiratoires. Il n’a trouvé aucune preuve manifeste d’une circulation importante de la Covid-19 à Wuhan vers la fin de 2019 avant le premier cas officiel.</p>
<h2>Et maintenant ?</h2>
<p>Notre mission en Chine n’était qu’une première phase du travail de recherche. Nous devons publier un rapport officiel dans les semaines à venir. Des enquêteurs vont étudier des données provenant d’ailleurs, afin d’examiner des informations qui pourraient indiquer que le virus circulait, par exemple, en Europe au début de l’année 2019. D’autres tests seront également menés sur des animaux sauvages et divers animaux de la région pour détecter la présence du virus. Et nous continuerons à tirer des leçons de notre étude pour qu’il soit plus facile d’effectuer une enquête sur la prochaine pandémie.</p>
<p>Indépendamment de l’origine du virus, les personnes atteintes de la maladie se trouvent au début des données épidémiologiques, des séquences et des chiffres. Les effets physiques et psychologiques à long terme — la perte et l’anxiété — se feront sentir à Wuhan, et ailleurs, pendant plusieurs décennies.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/155802/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dominic Dwyer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La politique a pris beaucoup de place dans la mission d’enquête sur les origines virales de la Covid-19, en Chine. Il est facile d’oublier que derrière ces enquêtes se trouvent de vraies personnes.Dominic Dwyer, Director of Public Health Pathology, NSW Health Pathology, Westmead Hospital and University of Sydney, University of SydneyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1533322021-01-14T21:03:08Z2021-01-14T21:03:08ZComment la Chine tente de réécrire l’histoire sur les origines de la Covid-19<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/378927/original/file-20210114-14-10gervv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=36%2C18%2C6002%2C3992&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un militant pro-démocratie à Hong Kong tient une photo de Zhang Zhan, une journaliste citoyenne condamnée à quatre ans de prison en Chine pour ses reportages sur l'épidémie de Covid-19 à Wuhan. </span> <span class="attribution"><span class="source">Miguel Candela/EPA</span></span></figcaption></figure><p>Un peu plus d’un an s’est écoulé depuis <a href="https://www.who.int/csr/don/12-january-2020-novel-coronavirus-china/fr/">l’apparition du nouveau coronavirus</a> dans la ville de Wuhan, en Chine. Depuis, le monde entier se pose encore beaucoup de questions sur ses origines.</p>
<p>L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1763069/coronavirus-oms-wuhan">envoyé une équipe en Chine</a> cette semaine pour enquêter sur les origines du virus – qui a maintenant fait <a href="https://www.worldometers.info/coronavirus/coronavirus-death-toll/">près de 2 millions</a> de victimes dans le monde. Mais l’expert en santé Dale Fisher, président du Réseau mondial d’alerte et d’action en cas d’épidémie, affilié à l’OMS, <a href="https://www.reuters.com/article/us-health-coronavirus-asia/dont-expect-a-conclusion-from-whos-china-visit-says-expert-idUSKBN29G0XL">prévient de ne pas s'attendre à de grandes conclusions de cette visite</a>.</p>
<p>Le gouvernement chinois a fortement freiné toute tentative <a href="https://www.liberation.fr/planete/2021/01/12/covid-19-les-experts-de-l-oms-sous-haute-surveillance-de-pekin_1810857">d’enquêter sur les origines de la Covid-19</a> – tant à l’interne que par des experts étrangers – tout en faisant circuler <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Chine-reecrit-encore-lhistoire-coronavirus-Wuhan-2020-11-26-1201126791">d’autres hypothèses</a> selon lesquelles la pandémie aurait pris naissance ailleurs qu’en Chine.</p>
<p>Pour les hauts dirigeants chinois, <a href="https://www.scmp.com/news/china/politics/article/3115886/coronavirus-tributes-pour-li-wenliang-chinese-doctor-who-first">contrôler l’information</a> sur les origines de la pandémie est nécessaire pour conserver l’emprise du gouvernement sur la population et redorer la réputation de la Chine à l’échelle internationale.</p>
<p>Les enjeux sont importants pour la Chine, car le gouvernement central <a href="https://www.scmp.com/economy/china-economy/article/3115555/chinas-coronavirus-success-boosts-confidence-its-system-best">attribue</a> son succès dans le contrôle de la pandémie au pouvoir centralisé du Parti communiste, venant ainsi renforcer sa légitimité.</p>
<p>Cette situation contraste avec les efforts désastreux déployés pour contrôler la propagation de la maladie aux États-Unis, sous l’administration du président Trump. Le <em>Global Times</em>, journal d’État chinois, a décrit les États-Unis comme l’<a href="https://www.globaltimes.cn/content/1209123.shtml">« enfer sur terre »</a> en parlant des impacts de la Covid-19.</p>
<p>Compte tenu de ces tensions, <a href="https://www.reuters.com/article/us-health-coronavirus-china-who/china-doubles-down-on-covid-narrative-as-who-investigation-looms-idUSKBN29A0LU">Yanzhong Huang</a>, chercheur principal au Conseil des relations étrangères, un groupe de réflexion américain non partisan, est d’avis que l’équipe d’enquête de l’OMS devra user de stratégies politiques et tirer des conclusions acceptables pour toutes les parties.</p>
<h2>Faire disparaître les dissidents</h2>
<p>Le Parti communiste chinois a contrôlé l’information en arrêtant de nombreux journalistes citoyens qui ont sonné l’alarme sur le virus dès son apparition. Ils ont exposé les tentatives du gouvernement pour étouffer l’histoire et ont critiqué sa manière radicale de contrôler l’épidémie.</p>
<p>À la fin de décembre 2020, l’une de ces journalistes citoyennes, Zhang Zhan, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1759857/chine-coronavirus-covid-19-journaliste-prison-condamnation-zhang-zhan">a été condamnée à quatre ans de prison</a> pour « provocation aux troubles ».</p>
<p>Cette ancienne avocate s’était rendue à Wuhan en février pour interviewer les habitants sur leurs habitudes de confinement. Elle a partagé des vidéos, y racontant <a href="https://www.cbsnews.com/news/china-coronavirus-wuhan-citizen-journalist-zhang-zhan-detained-may-not-survive/">ce qu’elle observait</a>, et entre autres que les gens craignaient plus les agissements du gouvernement que le virus lui-même.</p>
<p>Dans une interview donnée avant sa détention, <a href="https://www.scmp.com/news/china/diplomacy/article/3115749/eu-demands-china-release-citizen-reporter-zhang-zhan-and-12">elle a révélé</a> :</p>
<blockquote>
<p>Peut-être que j’ai une âme rebelle… Je ne fais que documenter la vérité. Pourquoi je ne peux pas montrer la vérité ?</p>
</blockquote>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ccWjl0spgMs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Certains des reportages vidéo de Zhang de Wuhan.</span></figcaption>
</figure>
<p>Zhang Zhan n’est qu’une des nombreuses critiques que le gouvernement a tenté de faire taire.</p>
<p>Un professeur de droit chinois, Xu Zhangrun, a été <a href="https://theconversation.com/the-rot-goes-right-up-to-beijing-why-detained-professor-xu-zhangrun-is-such-a-threat-to-chinas-leadership-142074">détenu par la police</a> pendant une semaine après avoir écrit des articles critiquant le président chinois Xi Jinping, puis licencié de son poste dans une université. Il reste sous surveillance et s’est vu interdire de quitter Pékin, mais il <a href="https://supchina.com/2020/12/17/cyclopes-on-my-doorstep/">continue d’écrire</a>.</p>
<p>D’autres ont tout simplement disparu. L’avocat et journaliste citoyen <a href="https://www.voanews.com/press-freedom/dont-forget-chen-qiushi-friend-chinese-journalist-says?amp">Chen Qiushi</a> est disparu après avoir fait un reportage à Wuhan en février et n’est réapparu qu’à la fin de septembre. Il demeure sous la <a href="https://www.bbc.com/news/world-asia-china-54277439">« surveillance stricte »</a> des autorités.</p>
<p>Enfin, on est toujours <a href="https://www.hrw.org/news/2021/01/06/china-seekers-covid-19-redress-harassed">sans nouvelle</a> de l’homme d’affaires de Wuhan <a href="https://qz.com/1801361/wuhan-virus-citizen-journalists-fang-bin-chen-qiushi-go-missing/">Fang Bin</a>, qui a été arrêté au début de février après avoir publié des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=cgMzy-5f-qw">vidéos</a> tournés dans des hôpitaux et montrant des patients infectés par la Covid-19.</p>
<h2>Utiliser le système de sécurité et les tribunaux pour cibler la société civile</h2>
<p>Sous la direction de Xi Jinping, la <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3553049">propagande officielle</a> de l’idéologie du Parti communiste chinois a retrouvé une nouvelle vigueur et s’érige contre toute forme de critique.</p>
<p>Dans un discours prononcé en 2013, <a href="http://www.xinhuanet.com/politics/2013-08/20/c_117021464_3.htm">Xi soulignait</a> l’importance de la propagande et de la « direction idéologique » pour le pays. La pandémie aura permis à l’État chinois d’étendre son contrôle idéologique sur les tribunaux, éliminant ainsi toute leur prétention à l’autonomie.</p>
<p>Cette manipulation de l’appareil juridique se manifeste par la poursuite de journalistes citoyens comme Zhang Zhan et de toute autre personne qui remet en question ou critique la ligne officielle du parti.</p>
<p>Les <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/14672715.2016.1263803">universitaires marxistes</a> et les <a href="http://www.chinahumanrights.org/html/2017/MAGAZINES_0307/7571.html">propagandistes du Parti</a> affirment qu’il n’y a pas de contradiction entre l’idéologie du Parti et « l’État de droit ».</p>
<p>En Chine, disent-ils, il n’est pas nécessaire d’avoir une séparation juridique des pouvoirs pour garantir la justice, car le Parti est <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s40803-015-0003-9">l’expression ultime de la volonté du peuple</a> en matière d’ordre public. En substance, pour eux, le Parti communiste <em>est</em> l’État de droit, avec des caractéristiques chinoises.</p>
<p>Le Parti a longtemps utilisé les forces de l’ordre et les tribunaux de cette manière pour « tuer le poulet pour effrayer les singes » (une maxime chinoise signifiant « punir un individu pour donner un exemple aux autres »).</p>
<p>Dans le passé, les cibles étaient généralement des dissidents politiques importants, tels que <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Liu_Xiaobo">Liu Xiaobo</a> et <a href="https://chinadigitaltimes.net/china/wei-jingsheng/">Wei Jingsheng</a>, et des <a href="https://www.nytimes.com/2015/07/23/world/asia/china-crackdown-human-rights-lawyers.html">avocats des droits humains</a>.</p>
<p>Ce qui est nouveau et inquiétant, c’est l’utilisation de cette tactique pour éradiquer <em>toute</em> dissidence et menace perçues dans la société civile à l’encontre du pouvoir du Parti. Parmi les personnes visées ces dernières années figurent <a href="https://theconversation.com/why-democracy-peddler-yang-hengjun-has-been-detained-in-china-and-why-he-must-be-released-120751">l’écrivain sino-australien Yang Hengjun</a>, le magnat des médias de Hongkong <a href="https://www.theguardian.com/world/2020/dec/31/hong-kong-activist-jimmy-lai-returned-to-jail-until-at-least-february">Jimmy Lai</a> et le journaliste sino-australien <a href="https://www.bbc.com/news/world-australia-53980706">Cheng Lei</a>, ainsi que de <a href="https://theconversation.com/china-has-a-new-way-to-exert-political-pressure-weaponising-its-courts-against-foreigners-141195">nombreux étrangers</a>.</p>
<h2>Le silence imposé ne signifie pas la croyance du public</h2>
<p>Ce contexte politique national pourrait rendre la tâche des chercheurs de l’OMS plus difficile. Il est peu probable qu’ils soient autorisés à étudier pleinement toutes les hypothèses quant aux origines du coronavirus, comme celle voulant qu’une fuite à l’Institut de virologie de Wuhan soit en cause.</p>
<p>Bien que la virologiste chinoise Shi Zhengli, dite <a href="https://www.scientificamerican.com/article/how-chinas-bat-woman-hunted-down-viruses-from-sars-to-the-new-coronavirus1/">« la femme chauve-souris »</a>, ait déclaré qu’elle serait heureuse que l’équipe de l’OMS <a href="https://www.bbc.com/news/world-asia-china-55364445">se rende au laboratoire</a>, des documents gouvernementaux ayant fait l’objet d’une fuite racontent une autre histoire.</p>
<p>Selon ces documents <a href="https://www.smh.com.au/world/asia/china-s-top-secret-search-for-the-origins-of-coronavirus-20210102-p56rar.html">publiés par l’Associated Press</a>, le gouvernement surveille les résultats des scientifiques et exige que toute recherche soit approuvée par un groupe de travail sous l’autorité directe du président Xi Jinping avant d’être publiée.</p>
<p>Le cas de Zhang Zhan révèle comment les contestations des récits officiels sont désormais traitées en Chine. Il montre également que les citoyens chinois ne se rangent pas toujours du côté des récits officiels et qu’ils n’avalent pas l’idéologie des propagandistes sans les critiquer. Le silence imposé ne veut pas dire que les gens croient à la ligne officielle du Parti.</p>
<p>Les citoyens chinois – et le monde entier – méritent de connaître la vérité sur les origines de la Covid-19, et non de faire les frais d’une propagande politiquement utile.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/153332/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’enjeu est de taille pour la Chine alors que des équipes de l’OMS arrivent pour enquêter sur les origines du coronavirus. Pékin projette une image de réussite – et n’acceptera aucune critique.John Garrick, University Fellow in Law, Charles Darwin UniversityYan Bennett, Assistant Director, Princeton UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1486182020-10-27T15:12:12Z2020-10-27T15:12:12ZUn parasite mangeur de chair transporté par les chiens fait son apparition en Amérique du Nord<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/365636/original/file-20201026-23-jhgva0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La leishmaniose — une infection parasitaire qui provoque des plaies cutanées — a été découverte chez des fox-hounds en Amérique du Nord.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le Leishmania est un parasite mangeur de chair qui infecte des millions de personnes chaque année dans <a href="https://www.who.int/gho/neglected_diseases/leishmaniasis/en/">98 pays et territoires</a> – mais il n’est pas indigène au Canada et aux États-Unis.</p>
<p>Comment se fait-il que les vétérinaires commencent à en signaler la présence si loin de son climat chaud naturel ?</p>
<p>Le Leishmania est un parasite microscopique transmis par les piqûres de phlébotomes et qui provoque une maladie appelée leishmaniose, qui peut affecter la peau, les muqueuses et les organes internes. Certaines formes de la maladie entraînent une défiguration sévère, d’autres, la mort.</p>
<p><a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Maladies_tropicales_n%C3%A9glig%C3%A9es">La leishmaniose</a> est classée par l’Organisation mondiale de la santé comme une <a href="https://www.who.int/neglected_diseases/diseases/summary/en/">maladie tropicale négligée</a> qui touche principalement les habitants des régions tropicales et subtropicales et, plus particulièrement, les populations qui n’ont pas accès à un <a href="https://academic.oup.com/trstmh/article/95/3/239/1903545">logement et à des services d’assainissement adéquats</a>.</p>
<p>Il s’agit d’une maladie zoonotique, ce qui signifie qu’elle se transmet des animaux aux humains ; les chiens sont le réservoir de ce parasite.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360571/original/file-20200929-24-1xmht7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360571/original/file-20200929-24-1xmht7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360571/original/file-20200929-24-1xmht7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360571/original/file-20200929-24-1xmht7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360571/original/file-20200929-24-1xmht7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360571/original/file-20200929-24-1xmht7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360571/original/file-20200929-24-1xmht7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les phlébotomes infectés transmettent le Leishmania lorsqu’ils se nourrissent de sang.</span>
<span class="attribution"><span class="source">WHO/S. Stammers</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une menace au Canada ?</h2>
<p>Des vétérinaires ont détecté récemment le Leishmania chez des chiens importés aux États-Unis et au Canada : on en a trouvé dans dix-huit États et deux provinces. Notre laboratoire a reçu des rapports d’au moins dix cas au Québec en l’espace d’un an. Peu de temps après, nous y avons été nous-mêmes confrontés : un chien importé avec ce qui ressemblait à des « blessures de combat » a reçu ensuite un <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32879521/">diagnostic de leishmaniose</a>.</p>
<p>Il est de plus en plus fréquent que les propriétaires de chiens voyagent avec leur animal ou qu’on importe des animaux. La réglementation relative à l’importation d’animaux de compagnie au Canada est laxiste : en général, les seules exigences sont la <a href="https://www.inspection.gc.ca/sante-des-animaux/animaux-terrestres/importation/politiques-pour-l-importation/animaux-vivants/importations-d-animaux-de-compagnie/fra/1326600389775/1326600500578">preuve de vaccination contre la rage et un certificat d’un vétérinaire déclarant que l’animal semble en bonne santé</a>. De plus, comme de nombreux tests et traitements diagnostiques des maladies exotiques (dont la leishmaniose) sont peu connus ou inaccessibles au Canada, le diagnostic et le traitement y sont compliqués.</p>
<p>Cela met en danger la santé du patient et, en fin de compte, celle du public.</p>
<p>Bien que les espèces de phlébotomes porteuses du Leishmania ne se trouvent pas au Canada, des rapports indiquant que le <a href="https://wwwnc.cdc.gov/eid/article/12/3/05-0811_article">parasite perdure chez des chiens de chasse qui vivent en chenil dans dix-huit États et deux provinces</a> suggèrent fortement que le Leishmania peut se transmettre entre chiens : par des morsures, la reproduction ou des transfusions sanguines. En outre, il a récemment été démontré que les <a href="https://www.scielo.br/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S0036-46652014000400297&lng=en&tlng=en">tiques peuvent aussi transmettre la leishmaniose</a>.</p>
<p>Par conséquent, il est malheureusement possible que le Leishmania s’établisse au Canada et aux États-Unis.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/361142/original/file-20201001-18-v3tmfe.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/361142/original/file-20201001-18-v3tmfe.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/361142/original/file-20201001-18-v3tmfe.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/361142/original/file-20201001-18-v3tmfe.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/361142/original/file-20201001-18-v3tmfe.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/361142/original/file-20201001-18-v3tmfe.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/361142/original/file-20201001-18-v3tmfe.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La leishmaniose peut causer des défigurations sévères et des dommages aux organes internes des chiens et des humains.</span>
<span class="attribution"><span class="source">A. Reis and B. Mendes-Roatt, Universidade Federal de Ouro Preto, Brazil</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>L’arme secrète du Leishmania</h2>
<p>Il n’existe actuellement que peu de remèdes contre la leishmaniose et ils sont, pour la plupart, utilisés depuis des décennies. On a constaté depuis peu une <a href="https://journals.plos.org/plosntds/article?id=10.1371/journal.pntd.0006052">augmentation de la résistance aux médicaments contre la leishmaniose et des échecs thérapeutiques</a>. Des scientifiques, dont nous sommes, cherchent des indices pour mieux comprendre comment ces parasites survivent en présence de médicaments censés les combattre. Un certain nombre d’expériences nous ont amenés (ainsi que d’autres) à examiner la libération de vésicules extracellulaires par le Leishmania.</p>
<p>Les vésicules extracellulaires sont de petites particules rondes avec une membrane externe lipidique et qui sont <a href="https://science.sciencemag.org/content/367/6478/eaau6977">produites par toutes les cellules vivantes</a>, y compris le parasite Leishmania. Bien que minuscules – il faut un microscope électronique pour les voir –, elles transportent une cargaison précieuse contenant entre autres de l’ADN, des lipides et des protéines. Le contenu de ces vésicules fournit un <a href="https://dx.doi.org/10.3389/fcimb.2019.00100">« instantané » de leur cellule d’origine</a> et peut être « livré » aux cellules voisines.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360393/original/file-20200928-16-1xnwqop.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360393/original/file-20200928-16-1xnwqop.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360393/original/file-20200928-16-1xnwqop.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360393/original/file-20200928-16-1xnwqop.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360393/original/file-20200928-16-1xnwqop.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=568&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360393/original/file-20200928-16-1xnwqop.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=568&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360393/original/file-20200928-16-1xnwqop.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=568&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vésicules extracellulaires libérées par le parasite Leishmania, vues en microscopie électronique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fernandez-Prada Lab, 2020</span></span>
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</figure>
<p>Des études récentes ont montré que non seulement la taille et la forme de ces vésicules diffèrent entre les souches de Leishmania qui réagissent aux médicaments et celles qui sont pharmacorésistantes, mais que les vésicules produites par ces dernières contiennent des molécules spéciales de <a href="https://journals.plos.org/plosntds/article?id=10.1371/journal.pntd.0008439">résistance aux médicaments</a>.</p>
<p>En améliorant notre connaissance de la fonction des vésicules extracellulaires, nous pourrons mieux comprendre la manière dont la résistance aux médicaments se propage parmi les populations de Leishmania et, par le fait même, la prévenir. La recherche a également démontré que lorsqu’un phlébotome infecté pique un humain, il ne fait pas qu’injecter des parasites dans le sang, mais aussi des vésicules extracellulaires <a href="https://doi.org/10.2217/fmb-2019-0087">auxquelles réagit notre système immunitaire</a>.</p>
<p>L’étude des vésicules extracellulaires peut fournir des informations essentielles pour la mise au point de nouvelles thérapies ou d’un vaccin contre le Leishmania.</p>
<h2>Des approches unifiées</h2>
<p>Il est impératif de rendre obligatoire la déclaration des cas de leishmaniose canine par les vétérinaires, de faciliter l’accès à des tests diagnostiques rapides et fiables et à des traitements appropriés, et de revoir la réglementation relative à l’importation d’animaux.</p>
<p><a href="https://www.cahi-icsa.ca/fr/one-health">Une approche intégrée « Une seule santé »</a> (One Health) nécessitant la collaboration des acteurs de la santé publique, animale et environnementale est essentielle pour prévenir les cas de leishmaniose au Canada et aux États-Unis.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/148618/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Victoria Wagner reçoit un financement du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christopher Fernandez-Prada reçoit des fonds du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG), des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), du Fonds de recherche du Québec - Nature et technologies (FRQNT) et de la Fondation J.-Louis Lévesque.
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Martin Olivier reçoit des fonds des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), du FQRNT et du Burroughs Wellcome Fund depuis 1993.</span></em></p>Des chiens importés au Canada ont introduit un parasite mangeur de chair transmissible aux humains. Vétérinaires, chercheurs et responsables de la santé publique doivent y faire face ensemble.Victoria Wagner, Veterinarian, M.Sc. student in Molecular Parasitology, Université de MontréalChristopher Fernandez-Prada, Assistant professor at Université de Montréal (Faculty of Veterinary Sciences); Head of the animal parasitology diagnostic laboratory of UdeM; Adjunct professor McGill University (Faculty of Medicine), Université de MontréalMartin Olivier, Full Professor at McGill University, Departments of Medicine, Microbiology and Immunology; Senior Investigator at the Research Institute of the McGill University Health Centre and Chair of the Laboratory for the Study of Host-Parasite Interaction., McGill UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1474272020-10-06T14:56:25Z2020-10-06T14:56:25ZLe Canada achète beaucoup de vaccins contre la Covid-19. Voici pourquoi il devrait faire plus pour les pays pauvres<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/361736/original/file-20201005-18-1l3tt3l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le technicien de recherche Leon McFarlane manipule un échantillon de sang d'un volontaire dans le laboratoire de l'Imperial College de Londres, où un vaccin Covid-19 est en cours de développement, le 30 juillet.</span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Kirsty Wigglesworth)</span></span></figcaption></figure><p>Lorsque le discours du Trône a été prononcé le 23 septembre, le Canada avait déjà engagé plus d’un milliard de dollars dans des accords d’achat anticipé <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1735669/coronavirus-doses-vaccins-sanofi-glaxosmithkline-anand">avec cinq sociétés pharmaceutiques pour un minimum de 154 millions de doses de vaccins</a>. Deux jours plus tard, le Canada a conclu un autre accord avec une autre société, AstraZeneca, <a href="https://www.lequotidien.com/actualites/covid-19/vaccins--le-canada-conclut-une-entente-de-principe-avec-astrazeneca-video-4f6cf6afd7d9c7f9c69fbaf1ed08b00e">pour 20 millions de doses supplémentaires</a>, couvrant ainsi ses paris sur le choix des candidats vaccins qui arriveront les premiers.</p>
<p>Ce faisant, le Canada rejoint la première ligue des « nationalistes du vaccin », une poignée de pays riches qui ont préacheté (jusqu’à présent) <a href="https://www.oxfam.org/fr/node/14233">plus de la moitié de l’offre mondiale de vaccins à court terme</a>.</p>
<p>Il est compréhensible que les pays veuillent s’assurer de leur capacité à protéger la santé de leurs citoyens. Mais la majeure partie de la population mondiale vit dans des pays qui ne disposent pas des mêmes ressources financières pour participer au concours mondial de vaccins « moi d’abord ». Les efforts visant à faire passer les intérêts nationaux avant la santé collective mondiale se traduisent par un ralentissement des progrès et une capacité limitée de mise en commun des ressources au niveau mondial ; tout en faisant passer les intérêts des pays riches avant ceux des autres, ce qui a des effets dévastateurs.</p>
<p><a href="https://www.mobs-lab.org/uploads/6/7/8/7/6787877/global_vax.pdf">Une modélisation récente</a> a permis de comparer deux scénarios pour l’attribution des trois premiers milliards de doses d’un vaccin efficace à 80 %. Le scénario « non coopératif » — dans lequel deux milliards de doses sont directement distribuées aux pays à revenu élevé, et le reste à tous les autres — entraînerait 28 % de décès de plus qu’un scénario « coopératif », dans lequel les trois milliards de doses sont distribuées dans le monde entier, proportionnellement à la taille de la population.</p>
<h2>Que peut faire le Canada ?</h2>
<p>Pour commencer, notre engagement envers la garantie de marché (Advanced Market Commitment or AMC) <a href="https://www.gavi.org/covid19/covax-facility">du dispositif COVAX, de l’Organisation mondiale de la santé</a>, devrait, au minimum, correspondre à ce que nous investissons dans l’achat de vaccins destinés à être utilisés au Canada. L’installation gère le portefeuille de candidats vaccins le plus important et le plus diversifié au monde. Les pays à revenu élevé comme le Canada qui adhèrent au COVAX ont la possibilité d’acheter des vaccins approuvés par l’intermédiaire du mécanisme, même s’ils ont déjà conclu des accords d’achat bilatéraux avec des sociétés de vaccins. Le 25 septembre, le Canada a annoncé qu’il le ferait, <a href="https://www.theglobeandmail.com/politics/article-canada-commits-440-million-to-global-covid-19-vaccine-program-and/">s’engageant à verser 220 millions de dollars pour acheter 15 millions de doses de vaccins supplémentaires</a> à l’installation au fur et à mesure qu’ils sont approuvés.</p>
<p>Plus important encore, la garantie de marché de l’installation permettra de fournir des vaccins à plus de 90 pays pauvres éligibles qui ne peuvent pas se les payer par eux-mêmes. Pour ce faire, l’AMC doit réunir 2 milliards de dollars d’ici décembre, avec l’objectif à court terme de vacciner 3 % de la population des pays COVAX. Au 21 septembre, <a href="https://www.gavi.org/vaccineswork/covax-explained">seulement 700 millions de dollars avaient été promis</a>. Le 25 septembre, le Canada <a href="https://ipolitics.ca/2020/09/25/canada-signs-deal-with-astrazeneca-for-20m-doses-of-vaccine-candidate/">s’est engagé à verser 220 millions de dollars à l’AMC</a>, en plus des 25 millions de dollars qu’il avait déjà donnés. C’est bienvenu et louable, mais c’est également insuffisant.</p>
<p><a href="https://www.sciencemag.org/news/2020/09/who-unveils-global-plan-fairly-distribute-covid-19-vaccine-challenges-await">L’objectif à long terme de l’AMC est d’atteindre 20 %</a> — un objectif qui permettra aux travailleurs de la santé et aux populations vulnérables des pays pauvres de recevoir des vaccins — mais cela dépendra entièrement de la générosité des pays à revenu élevé, des philanthropes et des sociétés pharmaceutiques qui feront des dons à l’AMC.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/5opR6x6NMpQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">COVAX vise à garantir un accès mondial équitable aux vaccins Covid-19.</span></figcaption>
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<p>Il faut beaucoup plus de fonds pour l’AMC, maintenant et à l’avenir. Nous soutenons que le Canada devrait s’engager à verser un dollar par dollar à l’AMC en fonction de ce qu’il dépense pour ses propres achats de vaccins. Cela signifierait qu’il devrait fournir jusqu’à un milliard de dollars de plus que sa promesse actuelle de garanties de marché, les fonds étant versés par l’intermédiaire de l’enveloppe d’aide publique au développement (APD) de notre pays. Le Canada a des obligations mondiales en vertu de déclarations internationales à cet effet.</p>
<p><a href="https://www.international.gc.ca/world-monde/issues_development-enjeux_developpement/human_rights-droits_homme/advancing_rights-promouvoir_droits.aspx?lang=fra">Le Canada affirme être une voix pour l’équité et les droits de la personne</a>, tant au niveau national que mondial. <a href="https://public.tableau.com/views/ODA-GNI_15868746590080/ODA2019?:display_count=y&publish=yes&:origin=viz_share_link?&:showVizHome=no#1">Les actes sont plus éloquents que les mots</a>. Au cours des dernières années, le Canada n’a pas été particulièrement généreux dans son aide à l’étranger. En 2019, nous nous sommes classés 17e sur 30 dans le club des pays donateurs de l’OCDE, ne contribuant qu’à hauteur de 0,27 % de notre revenu national brut, sans augmentation prévisible. Un complément immédiat d’un milliard de dollars à la garantie de marché ne nous permettrait <a href="https://donortracker.org/country/canada?gclid=CjwKCAjwwab7BRBAEiwAapqpTMrXoRhTX4FvKLNU-8Q285iaTh7FE1IIILlq14Xac5sgfhmNno5MzhoCX6gQAvD_BwE">toujours pas d’atteindre l’objectif de 0,7 % d’APD que nous avons promis depuis longtemps</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-canada-un-mauvais-joueur-sur-la-scene-internationale-141429">Le Canada, un mauvais joueur sur la scène internationale</a>
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<p>Un milliard de dollars est une somme d’argent conséquente. Toutefois, <a href="https://www.banqueducanada.ca/2020/07/fad-communique-2020-07-15/?_ga=2.33217719.889143304.1601924652-644392300.1601924652">il ne représente qu’un cinquième du montant que le gouvernement fédéral emprunte chaque semaine depuis mars à la Banque du Canada</a> (dont il est propriétaire) pour financer ses programmes d’aide en cas de pandémie. La plupart des pays moins bien dotés n’ont pas la même capacité d’emprunter indéfiniment auprès de leur propre banque centrale et doivent plutôt se tourner vers des créanciers étrangers, avec les risques de surendettement que cela implique ; ou s’en passer.</p>
<h2>Fabrication de vaccins</h2>
<p>Selon le PDG du plus grand fabricant de vaccins au monde, le Serum Institute of India, même avec une capacité mondiale accrue, <a href="https://www.sfgate.com/science/article/Pharma-CEO-Serum-Institute-of-India-vaccine-15566294.php">il faudra peut-être attendre 2024 avant qu’il y ait suffisamment de doses pour la population mondiale</a>. En plus d’assurer un soutien plus généreux à l’installation COVAX, le Canada peut également accroître sa propre capacité de fabrication de vaccins. Il est déjà sur la voie de le faire, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1702838/vaccin-potentiel-coronavirus-developpement-montreal-canada">avec l’investissement de 126 millions de dollars du gouvernement pour une nouvelle installation à Montréal</a>. L’objectif de l’installation est de produire deux millions de doses de vaccins par mois pour un usage domestique d’ici l’été 2021.</p>
<p>Pourquoi ne pas doubler cet investissement et réserver la moitié de la production à l’AMC pour répondre aux besoins mondiaux urgents ? Cela signifierait pour tous les Canadiens l’importance d’une réponse collective à cette pandémie.</p>
<h2>La santé publique est mondiale</h2>
<p>Alors que le monde attend avec impatience l’arrivée d’un vaccin efficace, il est important de se rappeler trois choses. Premièrement, l’efficacité à long terme de tout vaccin restera incertaine pendant un certain temps. Deuxièmement, même si l’immunité collective à la Covid-19 finit par se développer, <a href="https://time.com/5820607/nathan-wolfe-coronavirus-future-pandemic/">il y aura presque certainement une autre nouvelle infection dans un avenir proche</a>. Troisièmement, une façon de faire face à la fois aux risques futurs de pandémie et à la pénurie actuelle de vaccin Covid-19 est d’adopter l <a href="https://doi.org/10.1016/S0140-6736(20)31927-9">a gamme des interventions non pharmaceutiques</a> qui peuvent aplatir et même contenir les courbes infectieuses. Cela est particulièrement vrai dans les pays où la moitié de l’humanité n’a toujours pas accès aux soins de santé essentiels.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/359955/original/file-20200925-14-2w4vw8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/359955/original/file-20200925-14-2w4vw8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/359955/original/file-20200925-14-2w4vw8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/359955/original/file-20200925-14-2w4vw8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/359955/original/file-20200925-14-2w4vw8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/359955/original/file-20200925-14-2w4vw8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/359955/original/file-20200925-14-2w4vw8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/359955/original/file-20200925-14-2w4vw8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La gouverneure générale Julie Payette et le premier ministre Justin Trudeau attendent le discours du trône dans la salle du Sénat à Ottawa, le 23 septembre. Le discours a souligné l’engagement du Canada à garantir l’accès mondial à un vaccin Covid-19.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La presse canadienne/Adrian Wyld</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Tous les pays ont besoin d’un personnel de santé publique plus nombreux : plus d’infirmières, de testeurs, de personnes chargées de la recherche des contacts et d’agents de santé communautaire. <a href="https://www.who.int/en/news-room/fact-sheets/detail/universal-health-coverage-(uhc)">Tous les pays ont besoin d’une couverture santé universelle</a>, l’un des objectifs de développement durable que le monde (y compris le Canada) s’est engagé à atteindre d’ici 2030. Mais c’est la moitié la plus pauvre de l’humanité qui en a le plus besoin.</p>
<p>Ainsi, si le Canada et d’autres pays riches, dans leur nationalisme vaccinal, continuent par inadvertance à exclure les pays pauvres de l’accès à la santé, ils devraient compenser en souscrivant massivement les investissements dont ces pays ont besoin pour assurer la protection sociale, le soutien des revenus et la sécurité alimentaire indispensables à la santé de leurs citoyens, et pour renforcer leurs systèmes de santé en les dotant de la capacité, en matière de santé publique, de réprimer les épidémies dès qu’elles se produisent.</p>
<p>Il est dans notre propre intérêt national de le faire. Comme l’a conclu le discours du Trône du 23 septembre :</p>
<blockquote>
<p>« Nous ne pouvons pas éliminer cette pandémie au Canada si nous n’y mettons pas fin partout. »</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/147427/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ronald Labonte reçoit des fonds des Instituts de recherche en santé du Canada, du Conseil de recherches en sciences humaines, du Centre de recherches pour le développement international, des National Institutes of Health, du National Medical Health and Research Council et de l'Australian Research Council. Il est un membre actif de la Coalition canadienne pour la recherche en santé mondiale, du Mouvement international pour la santé des peuples et codirige le réseau Global 1 Health Network on the Global Governance of Infectious Disease and Antimicrobial Resistance.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Katrina Plamondon reçoit des fonds pour la recherche et les activités d'application des connaissances de la Michael Smith Foundation for Health Research, des Instituts de recherche en santé du Canada, de la Vancouver Foundation, du Partenariat canadien pour la santé des femmes et des enfants - Collaboration canadienne pour la santé mondiale, de la BC Support Unit et de la Kelowna General Hospital Foundation. Elle a également été la chercheuse principale pour les subventions financées par le Centre de recherche pour le développement international et l'Initiative de recherche en santé mondiale. La Dre Plamondon est infirmière autorisée, membre des Nurses & Nurse Practitioners of British Columbia, membre de la Société canadienne de santé internationale et membre actif de la Coalition canadienne pour la recherche en santé mondiale, dont elle copréside actuellement le conseil consultatif universitaire.
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mira Johri reçoit des fonds pour la recherche et les activités de mise en œuvre des connaissances de la Michael Smith Foundation for Health Reis, qui siège au conseil d'administration de la Coalition canadienne pour la recherche en santé mondiale, et fait office d'expert indépendant auprès de Gavi, l'Alliance pour les vaccins. Aucune rémunération personnelle n'est perçue pour ces fonctions. Ses recherches sont actuellement financées par les Instituts de recherche en santé du Canada, la Fondation Bill et Melinda Gates, le Centre d'excellence du réseau IC-IMPACTS et Grand Challenges India.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Srinivas Murthy reçoit des fonds de recherche des Instituts de recherche en santé du Canada et du Wellcome Trust. Il reçoit une aide salariale de l'Université de Colombie-Britannique en tant que titulaire de la chaire de la Fondation pour la recherche en santé dans le domaine de la recherche sur la préparation aux pandémies.</span></em></p>Les pays riches, comme le Canada, achètent plus de la moitié de l’offre mondiale de vaccins à court terme.Ronald Labonte, Professor and Distinguished Research Chair, Globalization and Health Equity, L’Université d’Ottawa/University of OttawaKatrina Plamondon, Assistant Professor, School of Nursing, Faculty of Health & Social Development, University of British ColumbiaMira Johri, Professeure titulaire, École de santé publique, Université de MontréalSrinivas Murthy, Clinical associate professor, Faculty of Medicine, University of British ColumbiaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1442632020-08-12T13:22:38Z2020-08-12T13:22:38ZLa route vers les tests Covid-19 : le rôle d’un pionnier canadien de la biotechnologie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/352312/original/file-20200811-14-1mdmdob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La réaction en chaîne de la polymérase, ou PCR, est utilisée pour copier des brins d'ADN.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Pixabay/PixxlTeufel)</span></span></figcaption></figure><p>Les Canadiennes et les Canadiens ont accès à des mises à jour quotidiennes sur les multiples ravages causés par le coronavirus SARS-CoV-2 responsable de la Covid-19, ainsi que sur l’importance des tests de dépistage pour ce virus à travers le pays.</p>
<p>Le test de dépistage exploite une méthode inventée par la <a href="https://ethw.org/First-Hand:Starting_Up_Cetus,_the_First_Biotechnology_Company_-_1973_to_1982">toute première entreprise de biotechnologie nommée « Cetus »</a>, fondée en Californie en 1971 par un Canadien, natif de Montréal, <a href="https://www.eurekalert.org/pub_releases/2007-05/chf-rct050707.php">Ron Cape</a>, et ses partenaires. Ron Cape a été le premier président de Cetus, puis président-directeur général. Il a obtenu son doctorat à l’Université McGill en 1967 sous la supervision de John Spencer, un pionnier de la biochimie de l’ADN. À la même époque, à Montréal, Ron Cape occupait également le poste de président de la <a href="https://digitalassets.lib.berkeley.edu/roho/ucb/text/cape_ron.pdf">« Professional Pharmaceutical Corporation »</a>.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/348934/original/file-20200722-28-jyyvgf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/348934/original/file-20200722-28-jyyvgf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=586&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/348934/original/file-20200722-28-jyyvgf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=586&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/348934/original/file-20200722-28-jyyvgf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=586&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/348934/original/file-20200722-28-jyyvgf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=736&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/348934/original/file-20200722-28-jyyvgf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=736&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/348934/original/file-20200722-28-jyyvgf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=736&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">John Bergeron et Ron Cape au congrès conjoint de la Human Proteome Organization et de l'Union internationale de biochimie et de biologie moléculaire (IUBMB) en 2003. La réunion de l'IUBMB a été transférée de Toronto à Montréal cette année-là en raison de l'épidémie de SRAS.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(John Bergeron)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>La méthode universellement utilisée pour détecter la présence du SARS-CoV-2 est connue sous le nom de réaction en chaîne par polymérase ou « PCR ». Cette innovation révolutionnaire a été développée à Cetus <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/chemistry/1993/mullis/facts/">par un scientifique talentueux nommé Kary Mullis</a>. Récipiendaire du prix Nobel de chimie en 1993 pour cette découverte, Mullis a reçu le seul prix Nobel décerné pour une découverte faite dans une compagnie privée de biotechnologie.</p>
<p>La technologie ADN était la base du plan d’affaires de Cetus lorsque la société a été établie par Ron Cape et ses partenaires. En 1983, Kary Mullis a inventé une méthode simple et rapide pour amplifier de manière exponentielle des morceaux d’ADN dans un tube à essai. Il l’a nommée la réaction en chaîne par polymérase.</p>
<p>Son idée clé était d’utiliser une enzyme capable de copier l’ADN à haute température. Cette enzyme, connue sous le nom d’ADN polymérase Taq, <a href="https://www.the-scientist.com/news/patent-wars-56233">avait elle-même été découverte par David Gelfand et Susanne Stoffel à Cetus</a>.</p>
<h2>Amplifier l’ADN</h2>
<p>Le biologiste James Watson et le physicien Francis Crick <a href="https://profiles.nlm.nih.gov/spotlight/sc/feature/doublehelix">ont décrit la structure de l’ADN en 1953</a> : deux brins stables dans une structure à double hélice. Chaque brin d’ADN est aligné de façon antiparallèle (parallèle, mais en directions opposées) avec son brin complémentaire, maintenu ensemble par ce que l’on appelle des liens hydrogène. Ces liens peuvent être rompus par la chaleur.</p>
<p>Le but de Mullis était de trouver un moyen d’amplifier l’ADN du gène de l’interféron afin de permettre à Cetus de produire la protéine dérivée en grande quantité et de la commercialiser comme thérapie contre le cancer. Son génie a été de concevoir une méthode simple et rapide qui utilise l’ADN polymérase Taq. Cette polymérase a été isolée de la bactérie Thermus aquaticus qui se mutiplie à haute température.</p>
<p>Mullis a établi un protocole qui utilise une répétition de cycles qui mènent à une amplification de l’ADN. Chaque cycle débute avec une température élevée visant à séparer les deux brins d’ADN. Cette étape est suivie d’une légère baisse de température qui empêche toujours la réassociation des brins d’ADN d’origine, mais qui permet à l’ADN polymérase Taq de faire une copie complémentaire de chacun de ces brins.</p>
<p>Une fois le cycle complété, la température est à nouveau augmentée pour séparer les brins nouvellement fabriqués permettant de démarrer un autre cycle et ainsi de suite jusqu’à l’obtention de la quantité d’ADN désirée. Par cette technique, on peut donc, à partir d’une quantité d’ADN pratiquement imperceptible, amplifier ce matériel pour le rendre facilement détectable.</p>
<p>Avec Cetus, Mullis a conçu une machine nommée <a href="https://bitesizebio.com/13505/the-invention-of-pcr/">« le thermocycleur »</a> qui permet de reproduire de tels cycles. La réaction PCR et le thermocycleur sont désormais des outils incontournables de tout laboratoire de recherche ou de diagnostic dans le monde.</p>
<h2>Les Analyses PCR et SARS-CoV-2</h2>
<p>Le virus SARS-CoV-2 garde son matériel génétique sous forme d’ARN et non pas d’ADN. Le protocole standard du test de détection consiste à prélever à l’aide d’un écouvillon nasal long (6 pouces) un échantillon de la région entre le nez et la bouche d’un patient. Pour détecter le virus par PCR, l’ARN du virus doit premièrement être transformé en ADN à l’aide d’une autre enzyme appelée « transcriptase inverse ». Cet ADN peut maintenant être utilisé pour l’amplification par PCR.</p>
<p>L’urgence d’un remède contre la Covid-19 a fait avancer les découvertes scientifiques à un rythme accéléré. Le 11 janvier dernier, la séquence du virus SARS-CoV-2 a été rendue publique par des scientifiques chinois. Le 24 janvier, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) <a href="https://www.who.int/publications/m/item/molecular-assays-to-diagnose-covid-19-summary-table-of-available-protocols">a établi un protocole basé sur la PCR pour détecter le SARS-CoV-2</a> qu’elle a mis à la disposition de la communauté médicale et scientifique internationale.</p>
<p>L’utilisation du PCR comme test par excellence dans la détection du SARS-CoV-2 représente un héritage important du Montréalais Ron Cape à travers sa société Cetus.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Vd38iS_W7ww?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Comment fonctionnent les tests de dépistage de la Covid-19 ?</span></figcaption>
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<p>Un effort impliquant plusieurs laboratoires et dirigé par le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S138665322030175X">Laboratoire national de microbiologie du Canada à Winnipeg (LNM)</a> a mis au point un test SARS-CoV-2 basé sur les données distribuées par l’OMS en janvier 2020 pour les analyses par PCR. Sous la direction <a href="https://www.ic.gc.ca/eic/site/063.nsf/fra/98099.html">du Dr Nathalie Bastien et de son équipe au LNM</a>, le test canadien de dépistage a été établi en un temps record grâce à l’expérience unique acquise par ces scientifiques de premier calibre lors des épidémies précédentes.</p>
<p><a href="https://www.canada.ca/fr/sante-publique/organisation/mandat/a-propos-agence/contexte.html">L’Agence de la santé publique du Canada (ASPC)</a> réglemente le <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-publique/programmes/laboratoire-national-microbiologie.html">Laboratoire national de microbiologie</a>. L’ASPC a été établie en 2004 après l’épidémie de SRAS de 2003, à la suite du rapport dévastateur rédigé par David Naylor, alors doyen de la faculté de médecine à l’Université de Toronto, identifiant le <a href="https://www.canada.ca/content/dam/phac-aspc/documents/services/reports-publications/learning-sars-renewal-public-health-canada/lecons-crise-sras-f.pdf">manque de préparation du Canada à l’épidémie mortelle de SRAS</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-la-lutte-contre-la-polio-nous-aide-a-combattre-aujourdhui-la-grippe-116978">Comment la lutte contre la polio nous aide à combattre aujourd'hui la grippe</a>
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<p>Malheureusement, bon nombre des recommandations détaillées dans ce rapport indiquant les étapes à suivre pour se préparer à un autre virus mortel n’ont jamais été mises en œuvre. La dernière phrase du rapport de 2003 à la page 227 est effrayante à lire aujourd’hui : « Si ce n’est pas maintenant, après le SRAS, quand » ?</p>
<h2>Faire progresser l’expertise des tests du Canada</h2>
<p>Le dépistage est notre seul moyen d’identifier les personnes infectées qui sont malades, mais aussi celles qui ne présentent aucun symptôme, fournissant ainsi des informations essentielles pour éviter la propagation du virus et de la maladie. Compte tenu des recommandations du rapport Naylor sur le SRAS, la cohérence dans les tests de dépistage et une communication uniformisée des résultats devraient aujourd’hui être une priorité de nos systèmes de santé, qu’ils soient publics ou privés.</p>
<p>Génome Canada emploie des scientifiques exceptionnellement talentueux dont l’expertise reconnue est le séquençage et la cartographie des génomes. <a href="https://www.genomecanada.ca/fr/nouvelles/mission-de-la-genomique-relever-le-defi-de-la-covid-19">L’agence déploie des efforts héroïques</a> pour aider le Canada à dépister SARS-CoV-2 et combattre la Covid-19.</p>
<p>L’utilisation de l’expertise en matière de tests de Génome Canada et de ses six centres de génomique pourrait grandement aider à établir un service de dépistage offrant des tests complets, rapides, précis et continus pour les Canadiens et Canadiennes, permettant une homogénéité dans l’obtention et la diffusion des résultats. Ces efforts contribueraient à préparer le Canada pour la prochaine vague prévue de SARS-CoV-2. Ils créeraient une ressource qui serait un atout unique et précieux non seulement dans la lutte actuelle contre la Covid-19, mais aussi lors d’une prochaine pandémie.</p>
<p>Si ce n’est pas maintenant, après la Covid-19, quand ?</p>
<p><em>John Bergeron remercie Kathleen Dickson en tant que co-auteure et Imed Gallouzi (Université McGill) et Benoit Chabot (Université de Sherbrooke) pour les idées, corrections et modifications</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/144263/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>John Bergeron ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les tests Covid-19 s’appuient sur un procédé mis au point par une entreprise cofondée par un Canadien. L’expertise du Canada en matière de tests doit être canalisée en vue de la prochaine pandémie.John Bergeron, Emeritus Robert Reford Professor and Professor of Medicine, McGill UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1418012020-07-19T19:10:32Z2020-07-19T19:10:32ZFact check : L’OMS a-t-elle un « parti pris idéologique » ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/345749/original/file-20200706-21-ksx0n3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1024%2C680&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Jaïr Bolsonaro (3ème en partant de la g.) en avril 2020 à Brasilia.</span> <span class="attribution"><span class="source">Evaristo Sa / AFP</span></span></figcaption></figure><p>Lors des épidémies, et plus encore lorsque celles-ci prennent une ampleur mondiale, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) se retrouve en première ligne. Depuis le début de la pandémie de Covid-19, ses actions ont été particulièrement scrutées, non seulement en raison du caractère nouveau, imprévisible et mondial de la maladie due au coronavirus SARS-CoV-2, mais également parce que des controverses ont émergé sur son rôle.</p>
<p>Le président des États-Unis Donald Trump a ainsi annoncé, le 14 avril 2020, en pleine crise sanitaire, la suspension des financements américains, puis, le 29 mai 2020, la <a href="https://www.nytimes.com/2020/05/29/health/virus-who.html">« rupture des relations »</a> entre les États-Unis et l’organisation, en raison de manquements supposés. Le 5 juin 2020, le président brésilien Jair Bolsonaro a emboîté le pas au président américain, <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/06/06/jair-bolsonaro-menace-de-retirer-le-bresil-de-l-oms-en-raison-de-son-parti-pris-ideologique_6041962_3210.html">déclarant que</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Soit l’OMS travaille sans parti pris idéologique, soit nous la quittons aussi […] Nous n’avons pas besoin de gens de l’extérieur pour donner leur sentiment sur la santé ici (au Brésil). »</p>
</blockquote>
<p>À la différence de D. Trump, qui avait centré ses attaques sur la Chine à l’OMS, le président brésilien critique avant tout le rôle normatif et de conseil de l’OMS, qui émet des recommandations pour les gouvernements. </p>
<p>L’utilisation de l’expression « parti pris idéologique » par Jair Bolsonaro sous-entend que l’OMS mettrait en avant des actions destinées à servir des intérêts politiques sans qu’il ne soit précisé lesquels, dans un flou rhétorique servant à nourrir le soupçon, à suggérer le complot, <a href="https://journals.openedition.org/mots/20534">caractéristique des dirigeants populistes</a>. </p>
<p>Qu’en est-il ?</p>
<h2>Une organisation normative</h2>
<p>L’OMS est l’organisation spécialisée des Nations Unies pour la santé. C’est une organisation internationale intergouvernementale à vocation universelle, qui réunit aujourd’hui 194 États membres. Ceux-ci siègent au sein de l’Assemblée mondiale de la Santé et au Conseil Exécutif de l’organisation, deux organes qui approuvent les activités sanitaires menées par le Secrétariat de l’OMS. </p>
<p>D’après sa Constitution, adoptée par les États membres en 1948, l’OMS est <a href="https://www.who.int/governance/eb/who_constitution_fr.pdf">l’autorité directrice et coordinatrice</a> dans le domaine de la santé. L’une de ses missions porte sur la surveillance des maladies infectieuses et la coordination de la réponse internationale en cas d’épidémie, mais son mandat est bien plus large, puisqu’elle a pour but « d’amener tous les peuples au niveau de santé le plus élevé possible ».</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/345750/original/file-20200706-3947-vgj8rn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/345750/original/file-20200706-3947-vgj8rn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/345750/original/file-20200706-3947-vgj8rn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/345750/original/file-20200706-3947-vgj8rn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/345750/original/file-20200706-3947-vgj8rn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/345750/original/file-20200706-3947-vgj8rn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/345750/original/file-20200706-3947-vgj8rn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’OMS depuis 2017.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fabrice COFFRINI / AFP</span></span>
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<p>L’OMS est avant tout une organisation normative, c’est-à-dire qu’elle établit, grâce à ses capacités d’expertise, des normes, qui sont le plus souvent des recommandations que les États doivent ensuite implémenter. Par exemple, dans le cas de la pandémie de Covid-19, l’organisation émet des <a href="https://www.who.int/fr/emergencies/diseases/novel-coronavirus-2019/technical-guidance">lignes directrices</a> sur la manière de soigner les voyageurs malades, les traitements à utiliser, la continuité des programmes de vaccinations, etc.</p>
<p>Les normes établies par l’OMS se fondent sur la science. Les employés de l’OMS effectuent un travail de veille et de collecte de données scientifiques, l’organisation a noué des partenariats avec plus de <a href="https://www.who.int/about/partnerships/collaborating-centres">800 institutions de recherche dans le monde</a>et réunit des <a href="https://www.who.int/about/collaborations/expert_panels/en/">comités d’experts indépendants</a>, qui doivent désormais remplir des <a href="https://www.who.int/about/ethics/declarations-of-interest">déclarations de conflit d’intérêts</a>, pour élaborer ses recommandations sanitaires. Celles-ci peuvent évoluer en fonction du développement des connaissances scientifiques - les directives sur le Covid-19 sont ainsi régulièrement mises à jour. </p>
<p>Le mandat normatif de l’OMS conduit souvent à présenter l’organisation comme une entité scientifique et technique mettant en œuvre des mesures sanitaires dépolitisées. Néanmoins, comme toute organisation internationale, l’OMS est <a href="https://www.cairn.info/revue-critique-internationale-2017-3-page-101.htm">soumise à des logiques de politisation</a>, et ce d’autant plus que la santé est un domaine sensible au regard de la souveraineté de l’État.</p>
<h2>La santé est aussi politique</h2>
<p>L’OMS ne dispose que de l’autorité que ses États membres veulent bien lui conférer. Elle n’a notamment pas de pouvoir de sanction. Pour remplir son rôle, elle cherche donc à s’assurer de la coopération des gouvernements, à l’image d’un acteur diplomatique.</p>
<p>Si l’organisation est <a href="https://laviedesidees.fr/L-OMS-dans-le-maelstrom-du-covid-19.html">régulièrement critiquée</a>– sa gestion de la pandémie de Covid-19 fera l’objet d’une évaluation indépendante – cela n’empêche pas le travail normatif de l’OMS sur la Covid-19 d’être guidé par la science, dans le cadre du mandat fixé dans sa Constitution et par les États membres, qui sont <em>in fine</em> les décideurs. </p>
<p>La deuxième partie de la citation de Jair Bolsonaro (« Nous n’avons pas besoin de gens de l’extérieur pour donner leur sentiment sur la santé ici [au Brésil] »), met clairement en évidence que le président brésilien est gêné avant tout par le fait que les recommandations de l’OMS vont à l’encontre de ses actions, controversées depuis le début de la crise sanitaire.</p>
<p>Aujourd’hui, le <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/06/29/coronavirus-un-million-de-cas-ces-six-derniers-jours-des-reconfinements-partiels-boris-johnson-appelle-a-un-new-deal_6044580_3244.html">Brésil est le deuxième pays le plus touché par l’épidémie (en nombre de cas et de morts)</a>, derrière les États-Unis. Jair Bolsonaro a dû faire face à la <a href="https://www.ouest-france.fr/monde/bresil/coronavirus-demission-du-ministre-bresilien-de-la-sante-apres-des-divergences-avec-jair-bolsonaro-6836686">démission de deux ministres de la santé</a> à un mois d’intervalle, en raison de désaccords profonds sur sa manière de gérer l’épidémie. Le président brésilien a lui-même été testé positif au nouveau coronavirus début juillet. </p>
<p>En effet, à l’image du président des États-Unis, Jair Bolsonaro nie la gravité de l’épidémie, <a href="https://www.theguardian.com/world/2020/jun/23/brazilian-judge-tells-bolsonaro-to-behave-and-wear-a-face-mask">refuse de porter un masque</a>, critique les restrictions de déplacements ou encore vante, sans preuve scientifique, les mérites d’un traitement à l’hydroxychloroquine. L’OMS apparaît ici comme un bouc émissaire, permettant à des dirigeants contestés d’essayer de se dédouaner.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/141801/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Auriane Guilbaud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’OMS a de nouveau essuyé les critiques d'un président : celles du Brésilien Jair Bolsonaro, en juin dernier. Selon lui, l’organisation entretiendrait un « parti pris idéologique ». Vrai ou faux ?Auriane Guilbaud, Maîtresse de conférences en science politique, chercheuse au CRESPPA (Centre de Recherches Sociologiques et Politiques de Paris), UMR 7217, CNRS/Université Paris 8/Université Paris 10 Nanterre, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1416372020-07-01T17:48:06Z2020-07-01T17:48:06ZPourquoi il faut éduquer les jeunes face au marketing du tabac<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/344535/original/file-20200629-155308-1lr9d86.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C2%2C1000%2C654&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Si la consommation de tabac des adolescents français baisse, elle reste au-dessus de la moyenne des autres pays européens.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/closeup-teenage-girls-using-smartphone-smoking-401426524">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article a été co-écrit avec Viet Nguyen-Thanh, de l’Unité Addictions, Direction de la prévention et de la promotion de la santé, à Santé publique France.</em></p>
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<p>33 % des jeunes de 15 ans ont déjà fumé des cigarettes. Si les niveaux de consommation des adolescents français sont en baisse ces dernières années, ils restent <a href="https://www.ofdt.fr/publications/collections/notes/les-consommations-dalcool-de-tabac-et-de-cannabis-chez-les-eleves-de-1113-et-15-ans-hbsc-et-enclass-france-2018/">au-dessus de la moyenne</a> des autres pays européens. Cette tendance s’inscrit dans un contexte marqué par une forte consommation des adultes qui, même si elle décroît aussi depuis 2016, reste <a href="http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2020/14/2020_14_1.html">particulièrement importante</a> en France : 30 % des personnes âgées de 18 à 75 ans fument du tabac en 2019, contre 15 % en Grande-Bretagne et 14 % en Australie par exemple. Et observation particulièrement préoccupante, les inégalités sociales relatives au tabagisme s’installent <a href="https://reader.elsevier.com/reader/sd/pii/S0398762011002835?token=792DC983186156A536B1E81ED2FA3C1489B6A273BEFA2B11FD9420D6E390752DFC3CDC1DBBBD21E17EB42A517030B955">dès le plus jeune âge</a> dans notre pays.</p>
<p>Le tabac est un produit qui déclenche une addiction. Sachant que 90 % des fumeurs ont commencé avant l’âge de 18 ans, l’enjeu premier est bien de développer la capacité des jeunes à garder leur liberté vis-à-vis de ce produit. Le rôle de tous ceux qui ont en charge les enfants et les jeunes est ainsi de s’assurer que l’on crée les conditions de cette liberté. Cela passe à la fois par un écosystème de vie qui protège les jeunes, et par une éducation critique qui leur permette de mettre à distance les pressions de toutes sortes, notamment celles liées aux intérêts commerciaux.</p>
<p>Dans cette optique, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a lancé en 2020 une campagne pour donner aux nouvelles générations les <a href="https://www.who.int/news-room/detail/29-05-2020-stop-tobacco-industry-exploitation-of-children-and-young-people">moyens d’identifier</a> les stratégies utilisées par l’industrie du tabac pour les amener à consommer ses produits. « Mettons un terme à l’exploitation des enfants et des jeunes par l’industrie du tabac », tel est l’intitulé de cette opération qui déploie un ensemble d’outils pédagogiques.</p>
<h2>Stratégies de promotion</h2>
<p>L’entrée dans la consommation de tabac est un enjeu majeur pour la prévention, c’est aussi une priorité pour le marketing l’industrie du tabac. Chaque année, ces entreprises investissent plus de huit milliards d’euros pour promouvoir leurs produits. Le conflit entre l’impératif de maximisation du profit et la santé de la population est inévitable.</p>
<p>On parle ainsi de <a href="https://www.thelancet.com/journals/langlo/article/PIIS2214-109X(16)30217-0/fulltext">déterminants commerciaux</a> de la santé c’est-à-dire des « stratégies et approches utilisées par le secteur privé pour promouvoir des produits et des choix qui sont préjudiciables à la santé ». Ces stratégies font appel à une variété de canaux par lesquels les entreprises influencent la société dans son ensemble, les gouvernements et les consommateurs.</p>
<p>Les études montrent que ces stratégies sont extrêmement dynamiques et qu’elles s’adaptent en permanence aux contextes. L’exemple le plus récent est celui de la crise de la Covid-19. Même si les revues évaluées par des pairs penchent pour une augmentation du <a href="https://www.hcsp.fr/Explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=818">risque de développer</a> une forme grave de Covid-19 chez les fumeurs et restent prudentes sur <a href="https://presse.inserm.fr/en/tabagisme-et-covid-19-que-montrent-les-publications-scientifiques/39249/">l’association</a> entre Covid-19 et tabac, on a pu observer une promotion très efficace de quelques travaux préliminaires, menés auprès d’un nombre restreint d’individus, et suggérant un potentiel rôle protecteur de la nicotine.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-tabac-protege-du-covid-19-vraiment-138317">Le tabac protège du Covid-19, vraiment ?</a>
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<p>Outre la démarche consistant à surfer sur la défiance actuelle vis-à-vis des données scientifiques, une autre stratégie est particulièrement efficace. Il s’agit de faire du tabac un enjeu moral et de l’action publique en matière de santé un hygiénisme moralisateur, une chasse aux <a href="https://www.lepoint.fr/societe/qui-veut-la-peau-des-bons-vivants-05-12-2019-2351600_23.php">« bons vivants »</a>, une atteinte à l’art de vivre à la française…</p>
<p>L’entretien de cet amalgame permet habilement de maintenir la consommation des produits du tabac du côté de la liberté, du bien-vivre, du refus du conformisme, alors même que consommer du tabac n’est pas une question morale, ce n’est ni bien, ni mal. Consommer des produits du tabac est légal, fumer relève donc de choix individuels (à condition de respecter la loi, en particulier en ce qui concerne l’interdiction de fumer dans des lieux affectés à un usage collectif ou l’exposition des enfants).</p>
<p>Cette confusion détourne de l’enjeu principal, celui des pressions qui influencent ces choix, en particulier des modalités d’emprise sur les adolescents.</p>
<h2>Influence sociale</h2>
<p>Vis-à-vis de produits addictifs comme le tabac, les jeunes sont particulièrement vulnérables :</p>
<ul>
<li><p>au plan neurobiologique, puisque le cerveau est encore en pleine phase de développement (la maturation du système nerveux se termine après 20 ans chez les humains)</p></li>
<li><p>au plan psychologique (c’est une phase de transition majeure qui génère des défis en termes de construction de l’identité)</p></li>
<li><p>sur le plan social : s’intégrer aux groupes sociaux, exister vis-à-vis des pairs constituent des enjeux majeurs à cette période et les comportements qui affectent directement la santé sont des vecteurs d’intégration.</p></li>
</ul>
<p>Pendant l’adolescence, la consommation de tabac revêt en effet une dimension sociale forte. Une étude conduite auprès de 5 000 femmes européennes sur les déterminants de l’initiation de la consommation de tabac montre que le fait d’avoir des amis qui fument est particulièrement incitatif : 62 % des fumeuses ont mis en avant cette raison. Les femmes qui ont commencé à fumer pour avoir l’air « cool » ont plus souvent tendance à avoir commencé tôt à fumer. Celles qui ont commencé pour gérer leur stress ou pour se sentir moins déprimées ont commencé <a href="https://bmcpublichealth.biomedcentral.com/articles/10.1186/1471-2458-10-74">plus tard</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/344596/original/file-20200629-155353-1s47z22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/344596/original/file-20200629-155353-1s47z22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/344596/original/file-20200629-155353-1s47z22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/344596/original/file-20200629-155353-1s47z22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/344596/original/file-20200629-155353-1s47z22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/344596/original/file-20200629-155353-1s47z22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/344596/original/file-20200629-155353-1s47z22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">A l’adolescence, le fait d’avoir des amis qui fument est particulièrement incitatif.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/teenage-couple-smoking-112126841">Shutterstock</a></span>
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<p>Face à l’extrême agilité des stratégies de marketing, il est nécessaire de renforcer à la fois la protection et l’éducation pendant cette période spécifique que constitue l’adolescence. En matière de protection, de nombreuses mesures ont pu être mises en place au fil du temps : interdiction de vente aux mineurs, régulation de la publicité, interdiction de fumer dans les lieux publics, les aires de jeux ou dans l’habitacle d’un véhicule en présence d’un enfant mineur, instauration du paquet neutre. L’enjeu est ici d’améliorer l’efficacité et la réactivité des politiques et des pratiques.</p>
<p>Il reste beaucoup à faire en matière éducative face aux stratégies d’influence. Il convient tout d’abord de rappeler que s’il est légitime de délivrer une éducation dans ce domaine ce n’est pas au titre d’un interdit légal (comme c’est le cas pour les drogues illicites) mais au nom d’une idée de la personne et du citoyen : la consommation de tabac a des conséquences importantes sur la santé, comme d’autres psychotropes, elle peut notamment générer une dépendance, une aliénation, une perte de liberté.</p>
<h2>Education à la santé</h2>
<p>En famille, dans les clubs sportifs, dans les espaces culturels, à l’école, cette éducation prend des expressions différentes. L’école, pour sa part, est fondée à mettre en œuvre des activités permettant à l’élève de disposer des compétences lui permettant de conserver sa liberté, c’est-à-dire d’être capable de faire des choix éclairés.</p>
<p>Il s’agit de donner les moyens à la personne de prendre soin d’elle-même, d’être en situation d’exercer sa part de responsabilité envers sa propre santé – nous précisons « sa part » de responsabilité tant il est vrai que de nombreux déterminants de la santé échappent aux individus. Il serait dangereux de faire reposer sur l’individu l’entière responsabilité de sa santé.</p>
<p>C’est bien le rôle de l’école que de mettre en œuvre des activités visant, par exemple, à dire la loi (la vente de tabac aux mineurs est interdite), transmettre des connaissances scientifiques relatives aux produits, identifier les contextes de consommation, développer la confiance en soi, l’esprit critique ou la capacité à résister à l’emprise des réseaux sociaux, de la publicité, des stéréotypes (qui font du fait de fumer ou de vapoter un facteur d’intégration). Il s’agit de permettre aux élèves de s’approprier les moyens de construire leur propre liberté comme personne et comme citoyen.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1266642250374791169"}"></div></p>
<p>Des études ont été conduites quant aux approches les plus efficaces pour parvenir à développer chez les jeunes ces capacités de résistance à l’emprise. Plusieurs ont montré leur efficacité en termes de prévention des consommations de substances psychoactives. C’est le cas notamment du <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/docs/resultats-de-l-evaluation-du-programme-unplugged-dans-le-loiret">programme Unplugged</a> qui concerne les collégiens de 12 à 14 ans. Sa stratégie repose principalement sur le développement des compétences psychosociales et la prise de recul vis-à-vis des normes sociales lors de 12 séances délivrées par l’enseignant. Dans tous les cas, il s’agit de développer la capacité d’action des établissements scolaires via la formation, l’accompagnement et la mise à disposition d’outils adaptés.</p>
<p>De réels progrès ont été réalisés en matière de politiques publiques comme d’engagement citoyen. En soutenant le sevrage pour ceux qui le souhaitent (c’est par exemple ce qui fonde <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2019/mois-sans-tabac-2019-la-4e-edition-s-acheve">l’initiative</a> du « mois sans tabac ») et en renforçant les approches intersectorielles centrées sur les déterminants du tabagisme il a été possible de diminuer significativement la prévalence du tabagisme et d’interrompre l’accroissement des inégalités sociales relatives à ce comportement.</p>
<p>Il s’agit maintenant de renforcer les dispositifs existants, d’amplifier ceux qui visent à prévenir l’entrée des adolescents dans le tabagisme et de mettre en cohérence les différentes approches dans une perspective de promotion de la santé. L’enjeu est d’arriver à une première génération sans tabac <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/180702-pnlt_def.pdf">à l’horizon 2032</a>, c’est l’un des objectifs phares du Programme national de lutte contre le tabac 2018-2022 : décideurs, politiques, acteurs de santé publique et société civile doivent résolument s’y employer. Libérer les jeunes de l’influence de l’industrie du tabac est un prérequis à toute évolution favorable en matière de santé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/141637/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Didier Jourdan a reçu des financements de la fondation MGEN pour la santé publique et du groupe Vyv.</span></em></p>33% des jeunes de 15 ans ont déjà fumé des cigarettes. Si les niveaux de consommation des adolescents français sont en baisse, ils restent au-dessus de la moyenne des autres pays européens.Didier Jourdan, Professor, holder of the UNESCO chair and WHO collaborating center for Global Health & Education, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1415972020-06-30T17:05:45Z2020-06-30T17:05:45ZComment les ratés de communication de l’OMS ont semé la confusion autour de la Covid-19<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/344825/original/file-20200630-103688-1z0h5zn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Bruce Aylward, chef d'équipe de la mission conjointe OMS-Chine sur COVID-19, parle aux médias de COVID-19 à son retour de Chine, le 25 février 2020. </span> <span class="attribution"><span class="source">THE CANADIAN PRESS/Keystone via AP, Salvatore Di Nolfi)</span></span></figcaption></figure><p>La manière dont l’Organisation mondiale de la santé (OMS) gère la crise de la Covid-19 a montré comment la communication des risques peut devenir un exercice risqué.</p>
<p>C’est l’une des principales conclusions <a href="https://ruor.uottawa.ca/handle/10393/40593">d’une récente analyse</a> des communications et des informations sur la Covid-19 partagées par l’OMS pendant le mois suivant la <a href="https://www.who.int/docs/default-source/coronaviruse/situation-reports/20200131-sitrep-11-ncov.pdf">déclaration d’une urgence de santé publique de portée internationale (USPPI)</a>.</p>
<p>L’OMS a récemment fait face à des réactions négatives <a href="https://www.cbc.ca/news/health/who-china-coronavirus-covid19-investigation-1.5594578">et à des critiques croissantes</a> concernant ce qui est perçu comme une réponse lente à la pandémie. L’OMS s’est vu accusée d’avoir été trop proche de la Chine (elle a félicité le pays pour sa bonne gestion de la pandémie). <a href="https://www.journaldemontreal.com/2020/05/30/le-retrait-americain-plombe-les-maigres-finances-de-loms">Elle a vu son financement coupé par le président américain Donald Trump</a> le 14 avril, puis s’est trouvée confrontée au retrait des États-Unis le 29 mai.</p>
<p>Mais ce n’est pas seulement le contenu des messages de l’OMS dans les premières semaines de la pandémie qui a mis l’organisation sur la sellette, mais aussi ses moyens de communication. Notre examen de la communication de l’OMS dans les premières semaines de l’épidémie, du 31 décembre 2019 au 31 janvier 2020, met en évidence une stratégie de communication ambiguë qui a semé beaucoup de confusion.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/loms-survivra-t-elle-a-la-pandemie-et-aux-attaques-de-trump-138170">L’OMS survivra-t-elle à la pandémie… et aux attaques de Trump ?</a>
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<p>L’OMS a à sa disposition des outils de communication formels, basés sur le Règlement sanitaire international (RSI 2005), dont les <a href="https://www.who.int/csr/don/fr/">Bulletins d’information sur les flambées épidémiques</a>, les <a href="https://www.who.int/emergencies/diseases/novel-coronavirus-2019/situation-reports/">Rapports de situation</a>, l’outil de communication des risques <a href="https://www.who.int/teams/risk-communication/epi-win-webinars">EPI-WIN</a>, les <a href="https://www.who.int/fr/news-room/detail/30-01-2020-statement-on-the-second-meeting-of-the-international-health-regulations-(2005)-emergency-committee-regarding-the-outbreak-of-novel-coronavirus-(2019-ncov)">déclarations publiques</a>, les <a href="https://www.who.int/emergencies/diseases/novel-coronavirus-2019/media-resources/press-briefings">points de presse</a>, et les <a href="https://www.who.int/publications/guidelines/fr/">recommandations</a>. Elle s’appuie aussi sur les canaux de communication non conventionnels et informels comme les réseaux sociaux (Facebook, Instagram et Twitter).</p>
<p>L’OMS a démontré une forte préférence pour les réseaux sociaux, et Twitter en particulier, surtout dans les premiers jours de la pandémie. Cela va à l’encontre du plan de communication convenu dans le RSI 2005.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/B7jTtWrJ2JS","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<h2>Une lenteur inexplicable</h2>
<p>L’OMS a mis quatre jours pour communiquer publiquement les premiers cas de la Covid-19 (pneumonie de cause inconnue à l’époque). Ces cas avaient été déclarés à l’OMS le 31 décembre et divulgués le 4 janvier. La première communication sur ces cas a été faite par le biais des réseaux sociaux (Twitter) ce jour-là. Le rapport plus formel n’a été suivi que le lendemain par le premier Bulletin d’information sur les flambées épidémiques.</p>
<p>Le 13 janvier, l’OMS n’a pas utilisé le Bulletin d’information pour communiquer le premier cas de coronavirus en dehors de la Chine. Elle a plutôt <a href="https://www.who.int/fr/news-room/detail/13-01-2020-who-statement-on-novel-coronavirus-in-thailand">fait une déclaration</a> à ce sujet sur le site web de l’organisation, puis l’a diffusée <a href="https://twitter.com/WHO/status/1217151178884222976">sur les réseaux sociaux le lendemain</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1213523866703814656"}"></div></p>
<p>Mais l’utilisation des réseaux sociaux par l’OMS était dispersée : 143 messages sur Twitter, 21 sur Facebook et 10 sur Instagram. Il n’y avait pas de schéma clair. Parfois, de nombreux messages étaient publiés de manière rapprochée, d’autre fois, il n’y en avait qu’un seul ; une seule plate-forme de réseaux sociaux était utilisée, ou alors toutes les plates-formes.</p>
<p>L’organisation a largement privilégié Twitter pour communiquer avec le grand public, ce qui a potentiellement entraîné une inégalité d’accès à l’information en fonction du média utilisé par la population, les professionnels de la santé et les autorités nationales. Une telle utilisation des médias sociaux semble aveugle et s’oppose aux méthodes de communication officielles établies, notamment les <a href="https://www.who.int/csr/don/fr/">Bulletins d’information sur les flambées épidémiques</a> et les <a href="https://www.who.int/fr/news-room/releases">communiqués de presse de l’OMS</a>.</p>
<p>En outre, l’OMS a également commencé à déployer de nouveaux outils de communication quelques jours avant de faire de véritables annonces sur leur utilisation (<a href="https://www.who.int/fr/home">ex. EPI-WIN, communiqué le 30 janvier, déployé le 24 janvier</a>).</p>
<h2>Multiples canaux, multiples messages</h2>
<p>À partir de quatre pays (Chine, Thaïlande, Japon et Corée), l’épidémie s’est propagée à partir du 20 janvier pour atteindre 19 pays le 31 janvier. La stratégie de communication de l’OMS a continué à s’étendre dans de nombreuses directions différentes par le biais de multiples canaux de communication. Cela a engendré une certaine confusion, tant du point de vue de la sémantique que du message.</p>
<p>Le dépistage à l’entrée et à la sortie, l’évaluation des risques, les recommandations de voyages, les recommandations aux voyageurs, régionales ou mondiales, ont été des termes largement cités, mais n’ont jamais été clairement définis. Cela a soulevé d’importantes questions sur ce qui était exactement recommandé et pour qui (par exemple, la Chine ou d’autres pays ?).</p>
<p>Pour compliquer la stratégie de communication ambiguë, les <a href="https://www.who.int/emergencies/diseases/novel-coronavirus-2019/situation-reports">Rapports de situation de l’OMS</a> ont identifié à tort l’évaluation mondiale des risques pendant trois jours d’affilée. Dans leurs Rapports de situation 3, 4 et 5, le risque global était initialement publié comme étant « modéré », puis corrigé dans le Rapport de situation 6, indiquant qu’il s’agissait d’une erreur et que le risque était en réalité « élevé ».</p>
<p>Cette erreur a créé une confusion sur l’évaluation des risques de l’OMS à un moment critique. Sur la base des informations actuellement disponibles, il n’est pas clair s’il s’agit d’une erreur de communication ou d’une erreur d’évaluation du risque.</p>
<h2>Confusion autour des voyageurs</h2>
<p>D’autres messages contradictoires abondaient concernant les conseils aux voyageurs. <a href="https://www.who.int/docs/default-source/coronaviruse/situation-reports/20200129-sitrep-9-ncov-v2.pdf">Le Rapport de situation 9</a> indiquait qu’il n’y avait pas de recommandations spécifiques pour les voyages, et pourtant il comprenait une section séparée sur les conseils sur la circulation des voyageurs.</p>
<p>Dans un exemple plus flagrant, aucune restriction de voyage n’a été incluse le jour où l’OMS a déclaré <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Urgence_de_sant%C3%A9_publique_de_port%C3%A9e_internationale">l’urgence de santé publique de portée internationale (USPPI)</a> dans le <a href="https://www.who.int/docs/default-source/coronaviruse/situation-reports/20200130-sitrep-10-ncov.pdf">Rapport de situation 10</a>, une décision qui a probablement créé beaucoup d’incertitudes et de malentendus.</p>
<p>Cette décision n’a peut-être pas été un problème en soi, mais l’approche alarmiste utilisée pour déclarer la Covid-19 comme USPPI était contredite par l’absence de restrictions de voyage, semant encore plus de confusion autour des recommandations de l’OMS.</p>
<p>Par exemple, l’Australie s’est fait vivement critiquer par l’OMS lorsqu’elle a imposé à la Chine, le 1<sup>er</sup> février, une interdiction d’entrer sur le territoire. Son bilan de décès et de gens contaminés par la Covid est aujourd’hui bien inférieur au reste du monde. <a href="https://www.lapresse.ca/international/asie-et-oceanie/2020-04-19/covid-19-l-australie-demande-une-enquete-independante">Le pays demande aujourd’hui une enquête indépendante sur la gestion de la crise par l’OMS</a>.</p>
<p>Alors que de nombreux pays sont encore aux prises avec la pandémie de Covid-19, il est crucial de réfléchir à la manière dont les informations sont communiquées aux communautés dans le monde. La communication des risques est un défi. C’est aussi une entreprise risquée.</p>
<p>Cela dit, malgré toutes les lacunes en matière de communication, nous avons encore besoin de l’OMS, et d’une meilleure OMS — et non l’inverse. La Covid-19 est un défi mondial qui devra être résolu à l’échelle mondiale, avec l’aide d’acteurs internationaux comme l’Organisation mondiale de la santé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/141597/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gabriel Blouin-Genest reçoit un financement des Instituts de recherche en santé du Canada par l'intermédiaire du
Opportunité de financement canadien pour une réponse rapide de la recherche au nouveau coronavirus de 2019 (COVID-19)
la concurrence.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span><a href="mailto:echampagne@uottawa.ca">echampagne@uottawa.ca</a> reçoit des financements des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Natalia Torres Orozco est interne à l'UNOG.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nathalie Burlone reçoit des financements des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anna Bogic ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’Organisation mondiale de la santé a envoyé des messages ambigus sur la Covid-19 qui ont semé la confusion dans la population.Gabriel Blouin-Genest, Assistant Professor, Université de Sherbrooke Anna Bogic, Research Centre Coordinator, Centre on Governance, L’Université d’Ottawa/University of OttawaEric Champagne, Associate professor, L’Université d’Ottawa/University of OttawaNatalia Torres Orozco, Candidate for the Master's degree in Applied International Law and Politics, Université de Sherbrooke Nathalie Burlone, Associate professor, L’Université d’Ottawa/University of OttawaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1396272020-06-04T17:53:24Z2020-06-04T17:53:24ZCovid-19, le retour de l’État en Afrique ?<p>L’épidémie de Covid-19 a engendré d’importantes contraintes et atteintes à la liberté. Experts et intellectuels (médiatiques) sont nombreux à avoir cédé à une peur doublée d’une méfiance : peur du virus, dont la connaissance évoluait au jour le jour (ce qui est normal, mais angoissant), et méfiance envers des gouvernements qui auraient à divers moments de la crise changé d’avis pour cacher une certaine incapacité à prévoir, et donc à… gouverner ! Le contraste est saisissant avec le régime chinois, qui se fonde sur un capitalisme d’État doublé d’un contrôle politique de la société, et qui est parvenu à <em>protéger</em> sa population : 1,4 milliard d’habitants et seulement 4 638 décès <a href="https://fr.statista.com/statistiques/1101324/morts-coronavirus-monde/">(selon les chiffres « officiels » du 26 mai 2020)</a>.</p>
<p>Certes, on sait que les chiffres produits dans tel ou tel pays sont aujourd’hui impossibles à comparer : personnes dépistées, nombre de tests effectués, compilation des décès, etc. Il n’empêche que les gouvernements des démocraties occidentales auront trouvé, empiriquement, à chaud, une source d’inspiration dans le dispositif chinois pour justifier leur propre rhétorique du contrôle sanitaire au nom d’une politique de précaution ; en cela, la Covid-19 leur a offert une certaine réhabilitation sociale. Et cela a été finalement facile, puisque la population a peur et puisque les chiffres du malheur sont produits par les États eux-mêmes.</p>
<h2>Une gestion dynamique et organisée de la crise</h2>
<p>C’est un fait : au cours des deux derniers mois, on assiste à une forme de reconquête des peuples par l’État, lequel s’est d’abord focalisé sur une approche globale de l’épidémie : sa dynamique (les déplacements internationaux des personnes et, par un raccourci étonnant, la mondialisation comme menace), autant que sa coordination sanitaire (incarnée par l’OMS dont les directives furent reprises ou fustigées, de bonne foi ou pas). Cette référence au global a été concomitante d’un dédouanement des erreurs du local : ce n’est pas ma faute, c’est celle de la Chine, dit l’Occident ; c’est celle de l’Europe dit la France ; c’est celle de l’Occident, dit l’Afrique. Et voilà que le global est mis à mal – le procès en incompétence et la partialité faits à l’OMS. Et voilà que les gouvernements les plus libéraux en arrivent à plébisciter les frontières, les cycles courts, le patriotisme industriel. Et voilà que l’on redécouvre le bien-fondé de l’État stratège, arbitre des savoirs, détenteur de l’autorité pour le bien commun : l’État paternel de sociétés devenues brusquement infantiles.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1267167532470935553"}"></div></p>
<p>L’épidémie de Covid-19 est l’ultime démonstration de ce retour à la frontière et à l’État. Ultime, mais nullement nouvelle : épidémie et État ont toujours fait bon ménage. Certains historiens (voir notamment William Naphy et Andrew Spicer, 2003, <em>La Peste noire. Grandes peurs et épidémies, 1345-1730</em>, Autrement) avancent que l’État bureaucratique européen, le modèle de l’État contemporain, serait né de la nécessité à organiser, à gouverner la prise en charge sociale et économique des épidémies de peste qui ont frappé l’Europe depuis 1345 (venue de Chine… déjà !) jusqu’à 1730.</p>
<h2>Le retour de l’État stratège ?</h2>
<p>Or, et c’est un autre fait, ce retour de l’État n’est pas l’apanage des démocraties occidentales fascinées par l’efficacité de l’État chinois. Il l’est aussi pour les régimes africains, et ce de façon à la fois sensible, imaginative, originale et imprévue. Les États en Afrique, ordinairement soumis aux représentations surplombantes, sinon postcoloniales, autant qu’aux discours compassionnels suspects, passent de faillis, corrompus et néopatrimonialisés, à inventifs, prévoyants et experts de leur société. Si l’on peut discuter chacun de ces termes, les relativiser selon les pays, et rester prudent sur le bilan de la pandémie, un constat s’impose pourtant : les États en Afrique n’ont nulle part été « faibles », puisqu’ils sont redevenus des prescripteurs de normes, de directives, de fermeture de frontières, de publications de chiffres. </p>
<p>Leurs choix pour faire face à la pandémie ont par ailleurs été fortement singuliers, particuliers, rendant intenable l’image d’une « réponse africaine » à l’épidémie, ce qui laisserait entendre qu’il existerait un pays appelé « Afrique », ou que les États africains auraient une stratégie unique, tout comme est irrecevable le discours de la « catastrophe annoncée ».</p>
<p>Les États africains ont réagi en jouant sur deux registres. Le premier a été de piocher dans la boîte à outils des <a href="https://www.who.int/fr/emergencies/diseases/novel-coronavirus-2019/advice-for-public">mesures proposées par l’OMS</a> : fermeture des frontières terrestres et aériennes, des écoles et universités ; interdiction des rassemblements ; confinement ; blocus de villes ; couvre-feu ; port du masque ; dépistage sélectif ; hospitalisation des malades ; mise en quarantaine des cas suspects. Non seulement chaque État a sélectionné dans cette offre ce qui lui semblait opportun et réaliste, mais il en a très généralement redéfini les termes : taille des rassemblements, proportionnalité du confinement (partiel), hospitalisation (parfois des cas asymptomatiques qui valaient isolement). En somme, les États ont décidé, ils ont fait acte de souveraineté et ils ont été bien loin de suivre aveuglément les consignes globales.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1257480857050382338"}"></div></p>
<p>Seconde caractéristique de la réaction des États en Afrique : l’adaptation en temps réel à l’évolution de la situation, non pas tant médicale ou épidémiologique, que sociale, économique et politique. Plus fondamentalement, les arbitrages auront souvent été <em>simultanément</em> sanitaires, socio-économiques et politiques, et non pas <em>successivement</em> comme dans nombre de pays européens. N’a-t-on pas là le signe du retour de l’État en Afrique, qui plus est d’un État qui fait des choix, d’un État stratège ?</p>
<p>Naturellement, l’efficacité de ces postures des États en matière de contrôle de l’épidémie ne peut à ce jour être garantie : pas plus que ne peut l’être la trajectoire sanitaire de l’épidémie par de simples modélisations qui ne prendraient pas en compte les mesures prises par les États, leur modalité d’application et les réactions et conséquences qu’elles ont suscitées.</p>
<p>Il ne s’agit donc nullement de donner un blanc-seing, ou un « bon point » aux États africains. Et si l’on prend les choses du point de vue de la société, il n’est pas certain que l’État soit partout « de retour » ; tout au plus aura-t-il suscité, ici des mécontentements, là des critiques, ici encore des rébellions à la loi. En revanche, il est essentiel de replacer les réponses de ces États africains, diverses, non nécessairement coordonnées, dans le concert global de celles de tous les États à travers le monde : si l’on veut bien se donner la peine de dépasser et de départiculariser une illusoire « réponse africaine », alors on constatera que les États en Afrique ont marqué leur singularité – en somme, ils ont effectué leur retour.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/139627/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La pandémie a vu de nombreux États africains prendre des mesures déterminées pour juguler l’expansion du virus.Fatoumata Coulibaly, Géographe, Université des Sciences sociales et de Gestion de Bamako Gilles Holder, Anthropologue, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Laurent Vidal, Anthropologue, représentant de l'IRD au Mali, directeur de recherche, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1385782020-06-02T17:35:45Z2020-06-02T17:35:45ZLes cyberattaques ont changé de nature pendant le Covid-19<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/338281/original/file-20200528-51509-1259zoy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C9%2C2026%2C1220&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Cours sur les cyberattaques, US Air Force, 2018.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/airmanmagazine/42103591411/">Al Bright/US Air Force</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p>Si les crises, en tant que vecteurs de destruction de valeur ou de cohésion sociale constituent souvent des opportunités de profits supplémentaires pour des délinquants habiles, l’avènement d’un monde hyperconnecté constitue un vecteur d’impact incomparable pour les cybercriminels. </p>
<p>Ces derniers tirent parti de l’ensemble des vulnérabilités offertes par l’utilisation des « systèmes d’information » (SI) par l’ensemble des organisations modernes. Toutefois, la crise actuelle du Covid-19 semble engendrer une rupture de paradigme dans ce domaine, non seulement par l’ampleur des attaques menées, mais surtout eu égard aux cibles choisies. Ainsi, même des organisations épargnées jusqu’alors en période de crise font dorénavant l’objet d’attaques massives et ce phénomène inédit conduit à s’interroger sur une nécessaire adaptation du management stratégique.</p>
<h2>Des crises comme catalyseurs d’attaques</h2>
<p>La crise de 2008 a constitué un tournant en tant qu’elle a induit de nombreuses cyberattaques contre des institutions (Dexia, Nasdaq) ou des particuliers (fausses opportunités d’investissements prenant prétexte des faillites, phishings visant à pirater des comptes…), toutefois celles-ci <a href="https://www.journaldunet.com/solutions/dsi/1020408-le-phishing-exploite-la-crise-financiere-americaine/">visaient principalement</a> le secteur financier.</p>
<p>Une deuxième étape fut ensuite franchie à l’occasion des attentats terroristes de 2015, dans la mesure où immédiatement après les attaques contre <em>Charlie Hebdo</em> et l’Hypercacher, plus de 20 000 sites de collectivités territoriales et d’entreprises furent touchés principalement par du « défaçage » (technique consistant à modifier la page de garde d’un site Web). À cela se sont ajoutées fausses <a href="https://www.generation-nt.com/on-est-tous-pars-faux-mail-canular-malware-psychose-actualite-1921692.html">rumeurs</a> et <a href="http://cybersecurite.over-blog.com/2015/01/risque-d-infection-virale-avec-le-hashtag-jesuischarlie.html">prises de contrôle à distance de smartphones</a>. C’était la première fois qu’une crise civile autre qu’économique était utilisée par des cybercriminels.</p>
<p>Bien plus qu’une étape supplémentaire, la crise liée au coronavirus constitue une véritable rupture en matière de cyberdélinquance. Comme l’indique le <a href="https://www.europol.europa.eu/publications-documents/pandemic-profiteering-how-criminals-exploit-covid-19-crisis">rapport de mars 2020 d’Europol</a>, jamais le nombre de cyberattaques n’a été aussi élevé : « L’impact de la pandémie Covid-19 sur la cybercriminalité a été le plus visible et le plus frappant par rapport à d’autres activités criminelles », sachant que le succès de ces arnaques repose en partie sur l’angoisse ressentie par de nombreuses personnes face au virus et qui se trouve exacerbé par le fait d’être confiné dans un espace clos. Les cyber-escroqueries se sont ainsi multipliées, à l’image de <a href="https://fr.euronews.com/2020/03/28/covid-19-la-cybercriminalite-et-les-arnaques-en-hausse-d-apres-europol">sites de vente de produits contrefaits (tests d’infection, masques, flacons de gel hydroalcoolique…)</a>.</p>
<p>Mais, au-delà des menaces pesant sur les individus, le travail à distance constitue une autre source majeure de vulnérabilité pour les organisations, étant donné que de nombreux salariés confinés utilisent souvent – que ce soit du fait de l’absence de matériel professionnel dédié ou par confort – leurs propres outils informatiques pour travailler à distance. Or ceux-ci ne faisant pas partie du système d’information de l’organisation, ils ne disposent pas des mêmes mesures de sécurisation que les matériels internes et leur usage est de nature à induire une pénétration du SI interne de l’entreprise. Le piratage de ces périphériques extérieur peut donc aller jusqu’à la destruction ou le vol de données à caractère stratégique ou personnel.</p>
<p>À cela s’ajoutent les vulnérabilités exploitées par les cyberpirates dans les outils de travail à distance à l’image du <a href="https://www.zdnet.fr/actualites/l-internet-regorge-desormais-d-endroits-ou-vous-pouvez-organiser-des-raids-sur-zoom-39901729.htm">« Zoom bombing »</a>, procédé permettant de perturber le bon fonctionnement des téléconférences au travers notamment de messages injurieux et qui a fortement perturbé les cours à distance et les examens de plusieurs universités américaines (Oakland, Berkeley et Duke). La capacité offerte par cette faille de fausser les informations échangées a même conduit à l’émission, par l’agence américaine pour la cybersécurité et la protection des infrastructures (CISA), d’un <a href="https://www.us-cert.gov/ncas/alerts/aa20-099a">bulletin d’alerte</a> appelant à n’utiliser que des logiciels disposant d’un haut niveau de sécurité.</p>
<h2>La crise du Covid-19 : un changement de paradigme</h2>
<p>Mais, au-delà ce ces différents types d’attaques, force est de constater qu’avec la crise du coronavirus une barrière invisible est tombée en matière de cybercriminalité : jusqu’alors – vraisemblablement du fait de leur rôle d’acteurs majeurs de santé publique –, les établissements de soins constituaient des infrastructures bien moins soumises aux cyberattaques en temps de crise que d’autres organisations publiques ou du secteur marchand, attaquées quant à elles quasi-quotidiennement.</p>
<p>Depuis le début de la pandémie, les exemples d’attaques contre les systèmes d’information des hôpitaux et établissements de santé se multiplient <a href="https://www.coe.int/fr/web/cybercrime/-/cybercrime-and-covid-19">dans de nombreux pays</a>, alors même que personne ne peut dorénavant ignorer que de nombreuses vies sont en jeu. Ces intrusions constituent donc une évolution majeure en ce sens que désormais, même la vie humaine n’est plus respectée par certains groupes de hackers, <em>a contrario</em>, du « Maze Team ransomware gang » qui a <a href="https://securityboulevard.com/2020/03/maze-other-ransomware-groups-say-they-wont-attack-hospitals-during-covid-19-outbreak-but-how-trustworthy-is-their-word/">annoncé officiellement</a> renoncer à toutes attaques de type Randsomware contre des hôpitaux durant toute la crise du Covid-19, mais quel crédit apporter à cette promesse ?</p>
<p>Alors que leurs personnels luttent chaque jour vaillamment pour sauver le maximum de vies, de <a href="https://www.usine-digitale.fr/article/en-pleine-pandemie-de-covid-19-l-ap-hp-est-victime-d-une-attaque-par-deni-de-service.N944741">nombreux hôpitaux</a> ont été attaqués dans différents pays, tout comme des <a href="https://healthitsecurity.com/news/another-covid-19-research-firm-targeted-by-ransomware-attack?">laboratoires spécialisés</a> dans la recherche sur les vaccins. Mais à cela s’ajoute un autre phénomène nouveau : les atteintes aux organisations nationales et internationales de santé publique. Ainsi, le département en charge de la lutte contre le Covid-19 de l’agence fédérale américaine de santé (HSS) a été <a href="https://www.reuters.com/article/us-healthcare-coronavirus-usa-cyberattac/cyberattack-hits-u-s-health-department-amid-coronavirus-crisis-idUSKBN21320V">victime d’une cyberattaque</a> en mars dernier, tout comme la <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1690510/inps-italia-italie-pirate-aide-financiere-covid-19-coronavirus-confinement-gouvernement">sécurité sociale italienne (INPS)</a>, alors même que ces deux pays sont parmi les plus touchés au monde par l’épidémie.</p>
<p>Des hackers ont même cherché à utiliser le nom de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour <a href="https://www.who.int/about/communications/cyber-security">tenter d’extorquer</a> des informations personnelles à leurs victimes. Et tout pourrait n’être que marginal par rapport à ce qu’engendreraient des cyberattaques contre les systèmes d’information industriels des secteurs concernés.</p>
<h2>Un nouveau cadre stratégique</h2>
<p>Jamais l’analogie entre virus biologique et informatique n’a semblé aussi pertinente. Le concept de risque se jouant des frontières entre les disciplines, il nous semble indispensable d’analyser ce changement de paradigme du point de vue des sciences de gestion. En effet, s’il apparaît clairement qu’une organisation moderne peut difficilement faire l’économie de se positionner vis-à-vis des risques numériques et d’intégrer ces derniers dans sa réflexion stratégique, il apparaît que c’est encore très peu souvent le cas. L’augmentation spectaculaire des cyberattaques durant la crise du Covid-19 nous paraît de nature à induire une nécessaire réflexion sur la nécessité de mieux prendre en compte les organisations de hackers en matière de management stratégique au sein des organisations. Cette prise en compte structurelle des hackers par les décideurs constituerait une étape importante susceptible de favoriser la résilience numérique de l’ensemble des organisations publiques et privées et non plus seulement des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Op%C3%A9rateur_d%27importance_vitale">opérateurs d’importance vitale</a>.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été rédigé à la suite d’un appel à contributions flash de la Revue française de gestion dans le contexte de la crise sanitaire engendré par le virus responsable de l’épidémie de Covid-19.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138578/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rémy Février ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des attaques contre des hôpitaux, systèmes de santé et l’OMS montrent un changement de paradigme, qui nécessite une évolution du management stratégique.Rémy Février, Maître de Conférences en Sciences de Gestion - EESD, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1386332020-05-17T18:09:11Z2020-05-17T18:09:11ZLe/la Covid ? Réouvrir ou rouvrir ? Les leçons de grammaire du coronavirus<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/335067/original/file-20200514-77230-1m29q0z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C76%2C2433%2C1553&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Lorsqu’un mot entre dans la langue, il arrive que les règles régissant son usage ne soient pas fixées du premier coup.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le Covid-19 a apporté son lot de <a href="https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2020/04/27/lundimanche-aperue-coronabdos-les-nouveaux-mots-du-confinement_6037915_4497916.html">nouveaux mots</a> (<em>lundimanche</em>, <em>apérue</em>, <em>coronabdos</em>, <a href="https://www.lefigaro.fr/langue-francaise/actu-des-mots/chloroquine-quatorzaine-coronapero-les-mots-qui-nous-ont-accompagnes-pendant-la-crise-20200503">voire encore</a> <em>corona</em>-<em>boomeurs</em>, <em>whatsappéros</em> ou <em>coronapéro</em>), mais aussi de nouveaux débats linguistiques. Exit le <a href="https://theconversation.com/pain-au-chocolat-vs-chocolatine-fight-85923">match</a> « pain au chocolat vs chocolatine », et place à des questionnements davantage en rapport avec les nouvelles réalités auxquelles sont désormais confrontés les francophones.</p>
<p><a href="https://www.franceculture.fr/sciences-du-langage/doit-dire-le-ou-la-covid-19">Doit-on dire</a> « le » ou « la » Covid-19 ? « Rouvrir » ou « réouvrir » : <a href="https://www.rtl.fr/culture/arts-spectacles/rouvrir-ou-reouvrir-que-faut-il-dire-et-ecrire-7800466522">que faut-il</a> dire et écrire ? <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/coronavirus-faut-il-dire-quatorzaine-quarantaine-1799024.html">Et sinon</a>, faut-il dire « quatorzaine » ou « quarantaine » ? Sur les réseaux sociaux, les internautes échangent des arguments en faveur de l’une ou de l’autre réponse à ces questions, sans jamais réussir à se mettre d’accord.</p>
<h2>Le ou la Covid-19 ?</h2>
<p>Dans le cas du mot <strong>covid-19</strong>, le débat porte sur le genre du mot. Doit-on dire <em>la</em> Covid-19, puisqu’il s’agit d’une maladie ; ou <em>le</em> Covid-19, puisque c’est un virus ? Quand l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a proposé ce terme le 11 février dernier, elle n’a pas précisé son genre (car en anglais la question ne se pose pas).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1227248333871173632"}"></div></p>
<p>Aussi, à partir de la mi-mars, et malgré l’utilisation du féminin sur le <a href="https://www.who.int/fr/emergencies/diseases/novel-coronavirus-2019/technical-guidance/naming-the-coronavirus-disease-(covid-2019)-and-the-virus-that-causes-it">site français</a> de l’OMS, les journalistes de France ont spontanément pris l’habitude de l’employer avec des articles masculins (<em>le</em>, <em>un</em>, <em>ce</em>, etc.). La règle voulant qu’en français, le genre de l’acronyme soit déterminé par le genre du premier mot (<em>co-</em> vient de « corona », <em>vi-</em> de « virus » et <em>d-</em> de l’anglais <em>disease</em> qui veut dire « maladie » ; <em>19</em> indique l’année de l’apparition du virus), et que le genre du mot <em>corona</em> soit masculin en français.</p>
<p>Puis les internautes leur ont emboîté le pas. C’est ainsi que l’usage du masculin s’est installé dans les pratiques des Français, comme le montre ce graphique réalisé à partir des requêtes sur Google au cours des 90 derniers jours en France. La séquence « la covid » est quasiment inexistante en face de la séquence « le covid » :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/335060/original/file-20200514-77263-18zuvn7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/335060/original/file-20200514-77263-18zuvn7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=528&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/335060/original/file-20200514-77263-18zuvn7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=528&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/335060/original/file-20200514-77263-18zuvn7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=528&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/335060/original/file-20200514-77263-18zuvn7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=663&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/335060/original/file-20200514-77263-18zuvn7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=663&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/335060/original/file-20200514-77263-18zuvn7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=663&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Outre-Atlantique en revanche, très tôt, une note a circulé encourageant <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1657532/covid-linguistique-virus-epidemie-wuhan-usage">l’usage du féminin</a> (« la covid »), laquelle a été suivie quasi immédiatement d’une <a href="http://gdt.oqlf.gouv.qc.ca/ficheOqlf.aspx?Id_Fiche=26557671">notice</a> de l’Office québécois de la langue française (OQLF), le grand organisme qui régule la langue au Québec. Si bien qu’aujourd’hui les deux variantes sont en concurrence dans la Belle Province.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/335061/original/file-20200514-77243-1fel0n4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/335061/original/file-20200514-77243-1fel0n4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=528&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/335061/original/file-20200514-77243-1fel0n4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=528&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/335061/original/file-20200514-77243-1fel0n4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=528&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/335061/original/file-20200514-77243-1fel0n4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=663&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/335061/original/file-20200514-77243-1fel0n4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=663&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/335061/original/file-20200514-77243-1fel0n4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=663&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>Les Québécois garderont-ils les deux genres, ou basculeront-ils du côté du féminin ? Difficile de répondre à cette question pour le moment, il faudra encore être patient pour voir si l’une des deux formes prend le dessus sur l’autre.</p>
<p>Dans l’Hexagone, <a href="http://www.culture.fr/franceterme">France Terme</a>, qui publie les résultats de la Commission d’enrichissement de la langue française chargée de nommer en français les réalités nouvelles et les innovations scientifiques et techniques, n’a pas encore proposé de recommandations (alors qu’elle a établi une liste de termes alternatifs aux anglicismes liés au Covid-19 qui commençaient à <a href="https://www.culture.gouv.fr/Actualites/coronavirus-les-mots-pour-le-dire">gagner du terrain</a>).</p>
<p>Quant à l’Académie française, elle vient de rendre <a href="https://www.bfmtv.com/societe/le-covid-ou-la-covid-l-academie-francaise-tranche-pour-le-feminin-1912676.html">son verdict</a>, en optant pour l’usage du féminin, suivant en cela l’OMS et l’OQLF. Mais c’est sans doute déjà trop tard…</p>
<h2>Des écoles qui rouvrent ou réouvrent ?</h2>
<p>Le couple <strong>rouvrir/réouvrir</strong> a également fait l’objet de pas mal de débats sur les réseaux sociaux.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1251764187296075778"}"></div></p>
<p>L’argument invoqué par les opposants à la variante <em>réouvrir</em> est que cette forme est peu plaisante à l’oreille (les linguistes diraient qu’elle n’est pas euphonique), en raison du fait qu’elle comporte deux voyelles contiguës (ce qu’on appelle techniquement un hiatus).</p>
<p>Pourtant la plupart des dictionnaires commerciaux et libres la mentionnent dans leurs nomenclatures, comme le rappelle le linguiste belge <a href="https://plus.lesoir.be/297992/article/2020-05-01/rouvrir-ou-reouvrir-inutile-de-sortir-de-vos-gonds">Michel Francard</a>. On trouve <em>réouverture</em> dans les pages du <em>Larousse</em> (mais il est absent du <em>Robert</em>), dans le <a href="https://www.cnrtl.fr/definition/r%C3%A9ouverture">TFLi</a> (mais pas dans le <em>Littré</em>).</p>
<p>Quand on y pense bien, ce n’est pas étonnant, sachant qu’existent dans la langue de nombreux verbes commençant par le préfixe <em>ré-</em> (et non <em>r-</em>) suivi d’une voyelle : <em>réapprovisionner</em>, <em>réentendre</em>, <em>réécouter</em>, etc.</p>
<p>En jetant un coup d’œil aux pratiques des twittos en France (Twitter permet de ne chercher que dans les tweets envoyés pendant les neuf derniers jours), on peut voir que même si l’utilisation de <em>rouvrir</em> est majoritaire, celle de <em>réouvrir</em> est loin d’être nulle :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/335102/original/file-20200514-77263-yzgouq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/335102/original/file-20200514-77263-yzgouq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=528&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/335102/original/file-20200514-77263-yzgouq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=528&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/335102/original/file-20200514-77263-yzgouq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=528&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/335102/original/file-20200514-77263-yzgouq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=663&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/335102/original/file-20200514-77263-yzgouq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=663&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/335102/original/file-20200514-77263-yzgouq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=663&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>La variante <em>réouvrir</em> reste toutefois fort stigmatisée, ce qui explique sans doute pourquoi elle est moins employée (trois fois moins, proportionnellement) que sa concurrente <em>rouvrir</em>. Les internautes ont en effet tendance à l’associer à une mauvaise maîtrise de la langue française, qui serait le propre « des jeunes qui ne savent plus parler ».</p>
<p>Que diraient pourtant ces censeurs s’ils savaient qu’on trouve cette forme déjà au début XVII<sup>e</sup> siècle, puis régulièrement sous la plume d’écrivains aussi célèbres que Céline ou Stendhal, et tout récemment <a href="https://twitter.com/20Minutes/status/1255130147377709062?s=20">dans le discours</a> de notre premier ministre Édouard Philippe ou dans les tweets du ministre de l’Éducation, Jean‑Michel Blanquer ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1260144498425937921"}"></div></p>
<h2>Quarantaine ou quatorzaine ?</h2>
<p>Un autre néologisme qui irrite pas mal d’internautes, le terme <strong>quatorzaine</strong>, qui tend à remplacer depuis quelques semaines le classique <strong>quarantaine</strong>. Sémantiquement, le mot <em>quarantaine</em> est une sorte de terme générique pouvant évoquer une durée variable, alors que <em>quatorzaine</em> est beaucoup plus précis, ce qui explique son succès dans le contexte que l’on vit actuellement, comme l’explique notre collègue <a href="https://information.tv5monde.com/video/quatorzaine-le-neologisme-de-la-crise-du-covid-19-l-humeur-de-linda">Myriam Bergeron Maguire</a>. Beaucoup ont argumenté que le mot n’est pas légitime car il ne figure pas dans les dictionnaires.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1238146779226439687"}"></div></p>
<p>Mais quand on y pense bien, est-ce là un motif valable pour le rejeter, sachant que tous les néologismes ont d’abord commencé par ne pas être dans « le » dictionnaire, par la force des choses ? En sont témoin les mots <em>déconfinement</em> et <em>reconfinement</em>, qui ont connu une notoriété soudaine plus ou moins au même moment dans les médias, mais qui ne figurent ni dans le <em>Robert</em>, ni dans le <em>Larousse</em> (le premier vient tout juste d’apparaître dans le <a href="https://fr.wiktionary.org/wiki/d%C3%A9confinement">Wiktionnaire</a>.</p>
<h2>Comment les mots entrent dans la langue ?</h2>
<p>Lorsqu’un mot nouveau entre dans la langue, il arrive que les règles régissant son usage (masculin ou féminin, formes de pluriel, dérivations, etc.) ne soient pas fixées du premier coup, et que des variantes concurrentes circulent. C’est ensuite l’usage – des internautes, des journalistes, des écrivains mais aussi des simples locuteurs – qui permet de faire pencher la balance en faveur de l’une ou de l’autre variante. En bout de chaîne, ce sont les dictionnaires qui entérinent l’issue de ces débats.</p>
<p>Si l’une des deux variantes prend clairement le dessus, l’autre est soit abandonnée (elle sort alors de l’usage, et n’est pas reprise par les dictionnaires), soit considérée comme « marquée » (régionale, archaïque, technique ou autre). Ce sera sans doute le cas du genre féminin de covid, qui devrait être accompagné de l’étiquette « régional » dans les dictionnaires fabriqués en France.</p>
<p>Signalons toutefois que ce genre de question n’est jamais réglé rapidement : le processus peut prendre du temps, et les usages coexister pendant des siècles (voir notamment le couple <em>rouvrir/réouvrir</em>).</p>
<p>Enfin, les chances de voir apparaître de nouveaux mots dans la nomenclature des dictionnaires dépendent de leur vitalité, sur le long terme. Les processus de <em>déconfinement</em> et de <em>reconfinement</em> seront-ils des réalités avec lesquelles il faudra apprendre à vivre dans les années à venir ? Pendant combien de temps mettra-t-on encore les gens en <em>quatorzaine</em> ? Les réponses à ces questions seront cruciales pour les lexicologues en charge des prochaines éditions de dictionnaires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138633/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mathieu Avanzi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’épidémie de coronavirus a apporté son lot de nouveaux mots (« apérue », « coronabdos ») mais aussi de débats sur l’orthographe et la grammaire. De quoi éclairer la manière dont évolue une langue.Mathieu Avanzi, Maître de conférences en linguistique francaise, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1374612020-05-12T19:18:36Z2020-05-12T19:18:36ZLa pandémie de Covid-19 éclairée par l’histoire de la coopération sanitaire internationale<p>En 2005, la coopération internationale a donné naissance à un instrument juridique ambitieux et obligatoire pour ses 196 États parties : le <a href="https://www.who.int/ihr/publications/9789241580496/fr/">Règlement sanitaire international (RSI)</a>. Ce texte est le dernier d’une série qui remonte à la première Conférence sanitaire internationale ouverte à Paris le 27 juillet 1851 à l’initiative de Louis-Napoléon Bonaparte. « Douze Puissances les plus éclairées de l’Europe », selon les termes du président de la Conférence, étaient alors représentées, chacune par un diplomate et un médecin : la France, l’Autriche, le Royaume des Deux-Siciles, l’Espagne, le Saint-Siège, la Grande-Bretagne, la Grèce, le Portugal, la Russie, la Sardaigne, le Duché de Toscane et la Turquie.</p>
<p>Toutes ces puissances avaient pour point commun, et ce n’est pas un hasard, d’utiliser la Méditerranée pour commercer par voie maritime. Or, à la demande du ministre français du Commerce, le secrétaire du Conseil supérieur de santé de la France, Philippe de Ségur Dupeyron, avait rédigé un rapport dans lequel il mettait en évidence que le commerce maritime de l’Europe avec l’Asie facilitait l’importation de la peste.</p>
<p>Pour autant, faisait-il remarquer, les États ne sont pas prêts à interrompre leurs relations commerciales : ils préfèrent, lorsqu’une épidémie risque de se propager sur leur territoire, adopter des mesures sanitaires, en particulier des mesures de quarantaine. Ségur Dupeyron soulignait que ces mesures sanitaires sont bien souvent anarchiques, arbitraires et excessives. En 1894, le professeur Adrien Proust (délégué de la France et père de l’écrivain) résumait la situation ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Chaque État avait un régime particulier. Ici, on repoussait les provenances qui, là, étaient admises sans difficulté. Dans tel pays, on considérait comme contagieuse et importable une maladie qui, dans les pays voisins, était déclarée non contagieuse et non transmissible. La durée des quarantaines n’avait d’autre limite que celle que fixait la volonté d’administrations toutes à peu près indépendantes du pouvoir central. Les droits les plus divers et souvent les plus exagérés étaient imposés à la navigation. Il devenait impossible d’établir aucun calcul sur les chances d’une opération commerciale. »</p>
</blockquote>
<p>Les mesures sanitaires adoptées par chacun des États naviguant en Méditerranée, en plus de manquer de cohérence, avaient donc le défaut de porter inutilement atteinte au commerce, en entraînant des retards coûteux du fait de l’immobilisation des navires et de la destruction ou de la détérioration des cargaisons. C’est pourquoi Ségur Dupeyron proposa que les pays bordant la Méditerranée s’accordent sur un « arrangement général » afin de parvenir à un « droit commun sanitaire ». Cette suggestion donnera lieu à l’organisation, en 1851, de la <a href="https://books.openedition.org/iheid/3966?lang=fr">première Conférence sanitaire internationale</a>, dont l’objectif était la constitution d’un « Code sanitaire officiel de la Méditerranée » rassemblant des dispositions sanitaires rationnelles rendues uniformes pour toutes les parties.</p>
<p>Après six mois de débats et de négociations, les vingt-quatre délégués apposèrent leur signature au bas d’une courte Convention sanitaire internationale dont l’article 2 imposait une importante obligation de transparence (qui existe encore aujourd’hui), l’autorité sanitaire du port de départ devant déclarer officiellement que la maladie existe à bord du navire en partance. En annexe, un Règlement sanitaire international contenant pas moins de 137 articles s’efforçait d’uniformiser les services sanitaires des différents pays. Mais seules la France et la Sardaigne ratifièrent le texte, qui n’entra donc en vigueur qu’entre les deux États et devint inopérant après que la Sardaigne l’eut finalement dénoncé.</p>
<p>Un regard sur l’histoire de la coopération sanitaire internationale est éclairant car il montre que la réaction à la pandémie de Covid-19 s’organise selon des paramètres qui n’ont pas été fondamentalement redéfinis depuis le milieu du XIX<sup>e</sup> siècle alors que la donne a, quant à elle, considérablement changé.</p>
<h2>Premier paramètre : les erreurs de jugement scientifique</h2>
<p>Les procès-verbaux des réunions de la première Conférence sanitaire internationale révèlent des controverses et des désaccords entre les scientifiques, dont certains défendaient des positions dont l’inexactitude apparaît clairement aujourd’hui.</p>
<p>Ainsi, le délégué médecin autrichien, soutenu par la Sardaigne, la Grande-Bretagne et la France, se disait convaincu, à propos du choléra, de « l’inutilité complète des mesures les plus sévères », puisque cette maladie était selon lui « purement épidémique », c’est-à-dire – pour l’époque – non contagieuse (les maladies contagieuses étaient dénommées « maladies pestilentielles »).</p>
<p>Nul doute que c’est en toute bonne foi et avec une conviction sincère que les médecins autrichien, sarde, britannique et français défendaient leur théorie. Ces errements passés invitent aujourd’hui à la modestie, au dialogue et au questionnement.</p>
<h2>Deuxième paramètre : la tension entre coordination internationale et sauvegarde de la compétence nationale</h2>
<p>L’échec de la première Conférence sanitaire internationale montre que les États ont toujours été tiraillés entre leur désir de coopérer pour lutter contre les maladies infectieuses et leur réticence à limiter leur compétence nationale dans ce domaine. Alors que la première conférence sanitaire internationale avait été réunie pour parvenir à un « droit sanitaire commun », le professeur Proust expliquait que les États refusèrent finalement de ratifier la Convention précisément parce que le Règlement qui y était annexé les assujettissait « à un système administratif uniforme ayant pour inconvénient grave de contrarier les habitudes propres à chaque pays ».</p>
<p>Ces réticences à l’harmonisation existent toujours aujourd’hui. À l’échelle de l’Union européenne, elles expliquent que la réponse aux maladies infectieuses continue de relever essentiellement de la compétence de chaque État membre, l’Union n’intervenant que pour « compléter les politiques nationales » (<a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A12008E168">article 168 du TFUE</a>).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1242303077664858112"}"></div></p>
<p>Dans le cadre du Règlement sanitaire international, ces réticences expliquent pourquoi les États n’ont pas souhaité conférer au Directeur général de l’OMS un pouvoir plus important que celui d’émettre des recommandations (article 15 du RSI), qui n’ont pas de caractère obligatoire et que les États peuvent compléter par des mesures sanitaires supplémentaires que l’article 43 ne fait qu’encadrer sans les interdire.</p>
<p>Aussi n’est-il pas étonnant que la pandémie de Covid-19 ait vu les États réagir en ordre dispersé, exactement comme Adrien Proust le décrivait au XIX<sup>e</sup> siècle, sans prendre le temps de la coordination et sans toujours accorder beaucoup d’attention aux recommandations du Directeur général de l’OMS. D’ailleurs, le Comité d’urgence a consacré une partie de son <a href="https://www.who.int/fr/news-room/detail/30-01-2020-statement-on-the-second-meeting-of-the-international-health-regulations-(2005)-emergency-committee-regarding-the-outbreak-of-novel-coronavirus-(2019-ncov)">avis du 30 janvier 2020</a> au rappel de ce que :</p>
<blockquote>
<p>« En vertu de l’article 43 du RSI, les États Parties qui appliquent des mesures sanitaires supplémentaires entravant de manière significative le trafic international (refus d’entrée ou de sortie de voyageurs internationaux, de bagages, de cargaisons, de conteneurs, de moyens de transport, de marchandises et autres, ou mesure entraînant leur retard, pendant plus de 24 heures) sont tenus d’envoyer à l’OMS la justification et la raison de santé publique dans les 48 heures suivant leur application. L’OMS examinera la justification et pourra demander aux pays de reconsidérer leurs mesures. L’OMS est tenue de partager avec les autres États Parties les informations sur les mesures et les justifications reçues. »</p>
</blockquote>
<p>On peut s’attendre à ce que ce « rappel au règlement » ne produise pas tous les résultats escomptés, tant les États ont pris l’habitude, depuis l’entrée en vigueur du RSI, d’ignorer largement l’article 43, encouragés en cela, il est vrai, par le manque de lisibilité d’un article « calqué » d’un peu trop près sur les dispositions de <a href="https://www.wto.org/french/tratop_f/sps_f/spsagr_f.htm">l’Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS)</a> adopté dans le cadre de l’OMC – dont l’objectif est de faciliter le libre-échange –, et par les difficultés de l’OMS à assurer un suivi effectif de ces mesures supplémentaires.</p>
<h2>Troisième paramètre : le coût économique de la transparence sanitaire</h2>
<p>Au XIX<sup>e</sup> siècle, le professeur Proust décrivait la « pression de l’intérêt commercial [qui] fai[sait] qu’on hésit[ait] à déclarer la maladie parce que l’on crai[gnait] des mesures trop rigoureuses ». Aujourd’hui, alors que la durée du plus long voyage aérien est plus courte que la période d’incubation de n’importe quelle maladie, certains États hésitent encore à notifier promptement un événement infectieux, par crainte des conséquences économiques des mesures sanitaires que les autres États ne manqueront pas d’adopter (suspension des liaisons aériennes ou restriction aux importations de marchandises en cas de zoonose).</p>
<p>La pandémie de Covid-19 a malheureusement offert une nouvelle occasion d’observer ce phénomène : en dépit des termes dépourvus d’ambiguïté de l’article 6 du Règlement sanitaire international et de son annexe 2, la Chine aurait dans un premier temps <a href="https://theconversation.com/coronavirus-comment-pekin-cherche-a-sauver-la-face-131098">cherché à étouffer l’information</a>, ce qui est très certainement lié à des préoccupations économiques autant que politiques.</p>
<h2>Quatrième paramètre : l’obsession de conciliation entre santé publique et liberté des échanges</h2>
<p>Le dilemme a été très tôt formulé : comment se préserver de la propagation internationale des maladies infectieuses sans entraver les échanges internationaux ? En 1851, lors de la première conférence sanitaire internationale, le Dr Mélier, délégué de la France, présentait les choses ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« D’un côté, bien avant tout et au-dessus de tout, se présente la santé publique, ce premier intérêt, cet intérêt sacré, sacré comme la vie, inviolable comme elle, devant lequel tout s’incline, devant lequel tout autre intérêt, quelque grand qu’il soit, n’est et ne peut être qu’un intérêt secondaire et subordonné. De l’autre côté se place la liberté des communications, cet autre besoin des peuples, avec tout ce qui s’y rattache ou en découle, et cela à une époque de grande civilisation, d’échanges incessants, de rapports de plus en plus multipliés et rapides. La première, au nom de l’humanité, demande protection contre les dangers qui la menacent ; la seconde, au nom du commerce et des relations, cherche à s’affranchir des restrictions qu’on lui oppose. Votre mission est de les concilier. »</p>
</blockquote>
<p>Cette recherche de conciliation entre santé publique et liberté des échanges internationaux est à la base de toute la coopération sanitaire internationale du XIX<sup>e</sup> siècle à nos jours. Le Règlement sanitaire international de 2005 ne poursuit pas d’autre objectif lorsqu’il indique en son article 2 que l’objet et la portée du Règlement « consistent à prévenir la propagation internationale des maladies, à s’en protéger, à la maîtriser et à y réagir par une action de santé publique proportionnée et limitée aux risques qu’elle présente pour la santé publique, en évitant de créer des entraves inutiles au trafic et au commerce internationaux ».</p>
<p>Or, on peut se demander si la sauvegarde des échanges internationaux ne serait pas devenue un dogme au point que, face à un événement infectieux inhabituel mais sur lequel les scientifiques manquent d’informations, elle aurait tendance à se voir systématiquement reconnaître la priorité.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1250427538255433731"}"></div></p>
<p>Là encore, l’histoire est éclairante quant à l’importance accordée aux intérêts du commerce dans le dilemme santé publique/liberté des échanges. L’article 2 du programme de la première Conférence sanitaire internationale de 1851, rédigé par la France, indiquait que « les conférences dont il s’agit auront exclusivement pour objet […] d’arriver, dans l’intérêt du commerce […] à s’entendre ». L’Espagne s’étant offusquée de cette rédaction, la France s’était sentie obligée de rappeler que « le but essentiel » de la Conférence était « par-dessus tout » de s’occuper de la santé publique. La maladresse initiale peine cependant à faire oublier que la santé des personnes a toujours eu du mal à se faire la place qu’elle mériterait parmi les « valeurs » consacrées par le droit international.</p>
<p>Les avis émis sur le SARS-CoV-2 par l’OMS les <a href="https://www.who.int/csr/don/05-january-2020-pneumonia-of-unkown-cause-china/fr/">5</a>, <a href="https://www.who.int/ith/2020-0901_outbreak_of_Pneumonia_caused_by_a_new_coronavirus_in_C/fr/">10</a>, <a href="https://www.who.int/csr/don/12-january-2020-novel-coronavirus-china/fr/">12</a>, <a href="https://www.who.int/csr/don/14-january-2020-novel-coronavirus-thailand/fr/">14</a>, <a href="https://www.who.int/csr/don/16-january-2020-novel-coronavirus-japan-ex-china/fr/">16</a>, <a href="https://www.who.int/csr/don/17-january-2020-novel-coronavirus-japan-ex-china/fr/">17</a>, <a href="https://www.who.int/csr/don/21-january-2020-novel-coronavirus-republic-of-korea-ex-china/fr/">21</a> et <a href="https://www.who.int/fr/news-room/detail/30-01-2020-statement-on-the-second-meeting-of-the-international-health-regulations-(2005)-emergency-committee-regarding-the-outbreak-of-novel-coronavirus-(2019-ncov)">30 janvier 2020</a> sont très révélateurs à ce sujet. Dans chacun de ces avis, tout en reconnaissant que les informations disponibles étaient insuffisantes (et ne permettaient donc pas de procéder à une évaluation complète des risques), l’OMS a constamment déconseillé de restreindre les voyages et les échanges commerciaux avec les États ayant rapporté des cas.</p>
<p>Dans la même logique, il n’est pas étonnant que, dans son <a href="https://www.ecdc.europa.eu/en/publications-data/rapid-risk-assessment-cluster-pneumonia-cases-caused-novel-coronavirus-wuhan">évaluation des risques réalisée le 17 janvier 2020</a>, le Centre européen de contrôle des maladies (ECDC) ait été si peu directif sur la question du contrôle thermique des voyageurs aux points d’entrée. Après avoir énoncé que de telles mesures ne sont généralement pas considérées comme efficaces, surtout pour des symptômes courants et dans un contexte d’activité accrue de la grippe saisonnière, l’ECDC reconnaît que plusieurs cas exportés dans les pays asiatiques (notamment en Thaïlande) ont été détectés grâce à ces procédures instaurées dans les tous premiers jours de la crise, pour en conclure assez mollement que de telles mesures « may be considered » au sein de l’Union européenne.</p>
<p>Rien de très surprenant, enfin, à ce que dans le <a href="https://www.un.org/press/fr/2020/dbf200131.doc.htm">point presse du porte-parole du secrétaire général de l’ONU du 31 janvier 2020</a>, l’annonce de la déclaration par le Directeur général de l’OMS d’une « urgence de santé publique de portée internationale » ait été <em>immédiatement</em> suivie de la précision selon laquelle « cette déclaration n’induit aucune restriction aux voyages et au commerce, compte tenu des informations disponibles ».</p>
<p>Ultérieurement, la périlleuse logique de conciliation ayant atteint son point de rupture, de nombreux États finirent par s’engouffrer, de façon assez caricaturale, dans un mouvement sans précédent de restriction aux échanges internationaux. Or, de telles mesures sont généralement considérées comme inutiles et contre-productives dès lors que le virus circule <em>déjà</em> sur le territoire national. Dans ses <a href="https://www.who.int/ith/2019-nCoV_advice_for_international_traffic-rev/fr/">recommandations</a> du 29 février 2020, l’OMS s’est résolue à proposer une synthèse maladroite mais édifiante du problème :</p>
<blockquote>
<p>« De manière générale, les données montrent que l’application de restrictions à la circulation de personnes ou de biens pendant les situations d’urgence sanitaire est inefficace dans la plupart des cas, et peut détourner des ressources qui pourraient être consacrées à d’autres interventions. […]. Cependant, dans certaines circonstances, des mesures restreignant la circulation des personnes peuvent s’avérer temporairement utiles […]. Les mesures relatives aux voyages qui entravent de manière importante le trafic international se justifient seulement au début d’une flambée épidémique, car elles permettent alors aux pays de gagner du temps, ne serait-ce que quelques jours, pour mettre rapidement en place des mesures de préparation efficaces. Ces restrictions doivent se fonder sur une évaluation attentive des risques, être proportionnées aux risques pour la santé publique, être de courte durée et être régulièrement réexaminées en fonction de l’évolution de la situation. »</p>
</blockquote>
<p>Assez timidement, l’OMS semble donc avoir finalement reconnu que des limitations des échanges internationaux prises dès le début du mois de janvier n’auraient pas été dénuées d’utilité.</p>
<h2>Conclusion : admettre que la donne a changé</h2>
<p>À plusieurs égards, la réaction à la pandémie de Covid-19 s’organise selon les mêmes paramètres qu’au XIX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Une chose, pourtant, a fondamentalement changé aujourd’hui : la mondialisation a placé les États dans une relation d’interdépendance sans précédent, tant du point de vue économique que du point de vue sanitaire. Aussi le « pacte social sanitaire » inscrit dans le Règlement sanitaire international de 2005 est-il à la fois indispensable et particulièrement fragile.</p>
<p>Indispensable, parce que, comme prescrit à l’annexe 1 du RSI, chaque État doit protéger les autres en acquérant les capacités de surveillance, d’évaluation et de notification des événements sanitaires qui présentent un risque de propagation internationale. La pandémie de Covid-19 devrait conduire les États à redoubler d’efforts en la matière, afin d’éviter le risque du maillon faible, c’est-à-dire le risque qu’un seul État, parce qu’il n’est pas préparé, mette en péril la sécurité sanitaire du monde entier.</p>
<p>Mais ce pacte est particulièrement fragile, comme l’a révélé la pandémie de Covid-19, car il repose sur la confiance mutuelle et fait le pari risqué d’une conciliation possible entre protection de la santé publique et préservation des échanges internationaux. Dès lors, cette pandémie est peut-être le signal de ce qu’une partie de la solution est plus que jamais à rechercher du côté de la prévention. Dans cette perspective, une réflexion d’ampleur sur notre rapport à la nature et aux animaux semble s’imposer puisque les scientifiques <a href="https://theconversation.com/covid-19-ou-la-pandemie-dune-biodiversite-maltraitee-134712">expliquent</a> que c’est à l’interface entre l’homme et l’environnement que surviennent les maladies émergentes et réémergentes dont le SRAS (lié à la Covid-19) n’est qu’une illustration. Cette réflexion devrait sans doute inclure une redéfinition de nos politiques d’urbanisation, la protection des forêts, des espèces sauvages et des milieux aquatiques, un nouveau modèle d’agriculture et une lutte efficace contre les changements climatiques qui modifient les aires de distribution des animaux vecteurs et réservoirs de maladies.</p>
<p>La tâche est immense, mais la pandémie de Covid-19 devrait inciter les États à s’engager dans cette voie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/137461/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hélène De Pooter ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La réaction à la pandémie de Covid-19 s’organise selon des paramètres qui n’ont pas été fondamentalement redéfinis depuis 150 ans alors que la donne a considérablement changé.Hélène De Pooter, Maître de conférences en droit public à l'Université Bourgogne Franche-Comté, membre du Comité Global Health Law de l'International Law Association, Responsable de l'organisation de simulations de négociations internationales, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1382612020-05-12T19:18:34Z2020-05-12T19:18:34ZLa crise du Covid-19 et les organisations régionales<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/334000/original/file-20200511-49542-vnlroa.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C0%2C1185%2C756&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sommet de l'Union africaine, Addis-Abeba, Éthiopie, 24 février 2020. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://au.int/en/pressreleases/20200224/african-union-mobilizes-continent-wide-response-covid-19-outbreak">Union africaine</a></span></figcaption></figure><p>Malgré la dimension transnationale évidente de la crise du Covid-19, les réponses transnationales ont jusqu’à présent été difficiles à mettre en place. Les États-nations et un éventail d’entités décentralisées telles que des <a href="https://covidnews.eurocities.eu/">gouvernements municipaux</a> ou des <a href="https://www.ncsl.org/research/health/state-action-on-coronavirus-covid-19.aspx">États fédéraux</a> ont réaffirmé leur souveraineté, cherchant souvent à surenchérir les uns sur les autres. Une vague nationaliste a effrité le rôle des organisations internationales et régionales. La marge de manœuvre de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a été restreinte par une <a href="https://ordersbeyondborders.blog.wzb.eu/2020/04/27/the-whos-paradoxical-mandate/#more-2989">capacité et une autorité très limitées</a> vis-à-vis des gouvernements nationaux. Seules des entités dotées d’un mandat précis et de ressources suffisantes ont fait exception. Par exemple, la Banque centrale européenne a pu réagir rapidement en adoptant des <a href="https://www.ecb.europa.eu/press/pr/date/2020/html/ecb.pr200318_1%7E3949d6f266.en.html">mesures d’urgence</a> pour maintenir la liquidité dans la zone euro.</p>
<h2>Difficultés persistantes et nouvelles initiatives</h2>
<p>Ainsi, la plupart des organisations régionales à travers le monde peinent à devenir des acteurs clés de la crise actuelle. Leur dépendance financière et politique à l’égard des gouvernements nationaux est exacerbée en temps de crise. Cependant, une crise fondamentale est aussi une opportunité pour les organisations régionales de faire avancer l’expansion de leurs pouvoirs et de leurs ressources. Contrairement aux anticipations de divers <a href="https://www.ecb.europa.eu/press/key/date/2017/html/ecb.sp170504.en.html">décideurs politiques</a> ou <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/13501760500043928?casa_token=N_ry9PNOv1oAAAAA%3AE8tVL8OP5VHICWQYxI33VfCz86luw5aiAVr1xNSkTB1M1cKazlvsfUHLIUyegDn1857EWXIL3BKVioM">universitaires</a> de premier plan, les institutions régionales ne se sont pas développées progressivement, étape par étape ou par le biais de retombées continues d’un domaine politique à un autre.</p>
<p>Au contraire, les crises fondamentales sont des moments cruciaux pour les organisations régionales. Ces dernières subissent un contrecoup qui les propulse vers l’insignifiance ou bien leur permet de faire deux pas en avant après avoir fait un pas en arrière. En <a href="http://agendapublica.elpais.com/el-coronavirus-oportunidad-para-la-cooperacion-en-america-latina/">Amérique latine</a>, la crise du Covid-19 accentue la crise des organisations régionales. En Asie l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean) cherche à <a href="https://thediplomat.com/2020/04/the-coronavirus-could-be-vietnams-biggest-stress-test-in-its-asean-chairmanship/">sortir indemne de la crise</a>.</p>
<p>L’Union européenne (UE) et l’Union africaine (UA), cependant, tentent d’élargir leur mandat et d’augmenter leurs moyens pour remplir le rôle qu’elles prévoient suite à la crise.</p>
<p><a href="https://www.routledge.com/The-Finances-of-Regional-Organisations-in-the-Global-South-Follow-the/Engel-Mattheis/p/book/9780367152468">Les budgets régionaux</a> jouent un rôle central à cet égard. Au sein de l’UE par exemple, même les dirigeants politiques prêchant la frugalité ont abandonné l’objectif minimaliste de 1 % du PNB et prévoient des <a href="https://www.deutschlandfunk.de/covid-19-merkel-europa-jetzt-noch-wichtiger.1939.de.html?drn:news_id=1124327">augmentations substantielles d’un budget européen</a> censé devenir le <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/speech_20_675">« vaisseau mère »</a> pour la sortie de crise.</p>
<p>Cependant, les gouvernements nationaux restent préoccupés par le montant de leurs contributions directes. Accroître les ressources primaires d’une organisation régionale, c’est-à-dire lui permettre de percevoir ses propres prélèvements et taxes, apparaît ainsi comme un moyen d’augmenter les budgets régionaux tout en maîtrisant les contributions nationales.</p>
<p>Au fil des années, de nombreuses idées ont été avancées pour rendre les organisations régionales financièrement indépendantes, de <a href="https://ec.europa.eu/budget/mff/hlgor/library/reports-communication/hlgor-report_20170104.pdf">l’impôt sur les entreprises du Groupe Monti pour l’Union européenne</a> à la <a href="https://au.int/sites/default/files/pages/31955-file-what20is20financing20of20the20union-1-2.pdf">surtaxe SMS proposée par le Groupe Obasanjo pour l’Union africaine</a>. En absence de crise, les États membres ont tendance à se montrer réticents à fournir aux organisations régionales des ressources qui alimentent automatiquement et directement le budget régional, car cela réduit l’effet de levier des gouvernements nationaux. Dans la crise actuelle, l’appel à des ressources régionales primaires devient une position de bon sens défendue par un large éventail d’acteurs politiques. Le débat passe de la question s’il faut introduire des taxes régionales à la meilleure façon de les percevoir.</p>
<p>Donner aux organisations régionales la capacité de taxer ne fait pas seulement progresser leurs ressources, mais aussi leur statut institutionnel. Par conséquent, le processus juridique et politique pour y parvenir est complexe. Malgré l’élan actuel de l’UE, il est peu probable qu’un nouveau budget soit approuvé <a href="https://www.ecfr.eu/article/commentary_germany_at_the_helm_can_it_bring_europe_together_in_2020">avant la fin de cette année</a>, pendant la présidence allemande.</p>
<p>D’ici là, les organisations régionales peuvent remanier leur budget pour s’adapter aux nouvelles priorités, mais elles ont peu d’options pour augmenter temporairement leurs revenus. Elles n’ont pas – du moins pour le moment – de mandat pour devenir déficitaires. La collecte de fonds auprès d’acteurs non étatiques est l’une des options envisageables, d’autant que les organismes des Nations unies y ont communément recours. Par exemple, la Fondation Gates est le <a href="https://www.weforum.org/agenda/2020/04/who-funds-world-health-organization-un-coronavirus-pandemic-covid-trump/">deuxième plus grand contributeur au budget de l’OMS</a></p>
<p>(et peut-être même le premier après la <a href="https://www.whitehouse.gov/briefings-statements/president-donald-j-trump-demanding-accountability-world-health-organization/">décision de la Maison Blanche de suspendre sa contribution</a>).</p>
<h2>L’Union africaine passe à l’action</h2>
<p>Certaines organisations régionales essaient d’imiter cette approche extravertie pour dénicher des nouvelles sources de revenu, en particulier <a href="https://blog.prif.org/2020/04/07/an-island-of-internationalism-the-african-unions-fight-against-corona/">l’Union africaine</a>. L’UA cherche à <a href="https://www.africanews.com/2020/04/07/coronavirus-africa-african-union-and-african-private-sector-launch-covid-19-response-fund/">mobiliser des fonds auprès d’acteurs privés</a> ou des <a href="https://au.int/en/pressreleases/20200421/wellcome-and-dfid-support-africa-covid-19-continental-response-eu-226-million">bailleurs de fonds</a> pour lutter contre le Covid-19. Dans cette logique, une augmentation du budget de l’UE profiterait également aux diverses organisations régionales dans le monde, dont une <a href="https://eba.se/en/rapporter/promoting-regional-cooperation-in-africa-from-the-outside-lessons-and-implications-for-external-support/1766/">part substantielle des revenus provient de l’aide au développement versée par l’UE</a>.</p>
<p>Bien que les États-nations jouent des coudes, des organisations régionales telles que l’UA et l’UE pourraient ainsi sortir de la crise de Covid-19 avec des pouvoirs et des ressources renforcés. Mais <a href="https://www.youtube.com/watch?v=gUhRKVIjJtw">plus d’argent, c’est aussi plus de problèmes</a> : comment dépenser un budget accru ? En subventions ad hoc de projets, en investissements remboursables, en redistribution et cohésion ? Comment éviter le clientélisme ? Ces débats peuvent sembler décalés pour le moment, mais ils aboutiront à un mandat institutionnel qui devra être consolidé… jusqu’à ce qu’une nouvelle crise éclate.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est republié dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138261/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frank Mattheis a reçu des financements Erasmus+ de l'Agence exécutive « Éducation, audiovisuel et culture » (EACEA).</span></em></p>Certaines organisations régionales comme l’Union européenne et l’Union africaine pourraient élargir leur mandat et accroître leurs ressources du fait de l’actuelle crise sanitaire.Frank Mattheis, Researcher, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1378262020-05-12T19:18:17Z2020-05-12T19:18:17ZCe que la crise révèle du rôle de l’Union européenne en matière de santé<p>C’est sans doute le seul aspect positif de la pandémie que nous traversons : elle peut nous révéler à nous-mêmes et, peut-on l’espérer, conduire chacun d’entre nous à <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/23/coronavirus-l-epidemie-doit-nous-conduire-a-habiter-autrement-le-monde_6034049_3232.html">« habiter autrement le monde »</a>. Or, ce moment de vérité n’est pas uniquement individuel ; il est aussi collectif. Tout spécialement pour l’Union européenne.</p>
<p>C’est d’ailleurs ce qui a été répété à l’envi lorsque les États ont décidé de fermer leurs frontières et de réquisitionner les stocks de masques et lorsque, plus tard, ils ont rechigné à mutualiser des dettes sous la forme de coronabonds. Ce défaut de solidarité européenne conjugué au retard de la réaction de l’Union à la flambée du Covid-19 à partir de l’Italie a conduit certains à pronostiquer que l’UE serait la prochaine victime du Covid-19 et à affirmer qu’elle serait déjà en situation de <a href="https://www.lefigaro.fr/politique/le-manque-de-solidarite-est-un-danger-mortel-pour-l-europe-selon-jacques-delors-20200328">« danger mortel »</a>.</p>
<p>Depuis, pourtant, l’Union a réagi, voire surréagi. Les déclarations dans la presse sont quotidiennes, les réunions frénétiques (18 réunions du comité de sécurité sanitaire, 4 réunions des chefs d’État et de gouvernement), les textes dédiés abondants (une soixantaine depuis deux mois). Rappelons également que ce n’est pas la première fois que l’Union vit une crise. Les Communautés puis l’Union européenne en ont, tout au long de leur histoire, connu et, pour l’heure, y ont toujours résisté.</p>
<h2>L’état des compétences de l’UE en matière de santé</h2>
<p>Et si le moment de vérité ne concernait pas tant « l’état de santé » de l’Union européenne elle-même, mais l’état de l’action de l’Union européenne dans le domaine de la santé ? Et si la crise du Covid-19 permettait de révéler crûment ce que cette Union peut faire (et a fait) et pourrait faire à l’égard des patients européens ?</p>
<p>Ce que le Covid-19 révèle de l’état de ce que peut faire l’Union européenne dans le domaine de la santé : bien peu, entend-on régulièrement. Les compétences en matière de santé de l’Union relèvent de la catégorie des compétences d’appui qui ne lui permettent que d’appuyer, coordonner ou compléter l’action des États membres sauf pour certains enjeux communs de sécurité en matière de santé publique parmi lesquels on ne trouve pas la lutte contre les pandémies.</p>
<p>L’Union a largement exercé cette compétence et activé les nombreux (et, pour certains, anciens) instruments de coopération, notamment la <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32013D1082&from=fr">décision 1082/2013/UE du 22 octobre 2013</a> en matière de « surveillance des menaces transfrontières graves sur la santé, d’alerte précoce en cas de telles menaces et de lutte contre celles-ci », avec des conséquences parfois tout à fait tangibles (comme le lancement, mi-mars, par la Commission de la <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_20_523">procédure de passation conjointe de marchés</a> en vue d’obtenir des équipements de protection individuelle).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1258662670770847744"}"></div></p>
<p>Elle a également <a href="http://www.europeanpapers.eu/fr/news/european-forum-special-focus-on-covid19-and-the-eu">appuyé l’action des États au plan financier</a> ou encore technique (voir par exemple le système mis en place par la Commission qui permet un échange rapide entre les cliniciens des connaissances et de l’expérience sur la gestion des patients présentant des formes graves de Covid-19). Toutefois, du fait de l’étroitesse de sa compétence, le bilan de l’action ne peut qu’être <a href="https://www.leclubdesjuristes.com/blog-du-coronavirus/que-dit-le-droit/faiblesses-du-dispositif-anti-crise-commission-europeenne-face-au-covid-19/">mitigé</a>.</p>
<p>Peut-on s’arrêter là ? De notre point de vue, cela est impossible. Si tel était le cas, il ne s’agirait pas vraiment d’un moment de vérité qui implique, pour en être vraiment un, de considérer l’ensemble et non seulement quelques parties.</p>
<h2>D’autres voies d’influence de l’UE dans le domaine de la santé</h2>
<p>Il importe d’abord de souligner que l’action de l’Union dans le domaine de la santé s’est construite sur bien d’autres compétences que la compétence en matière de santé, notamment pour assurer le bon fonctionnement du marché intérieur. De nombreuses directives et de nombreux règlements ont été adoptés à ce titre tout en ayant un objectif dans le domaine de la santé (reconnaissance mutuelle des diplômes dans le secteur de la santé, droits des patients européens, fabrication et commercialisation dans l’Union de médicaments…).</p>
<p>D’ailleurs, et c’est assez révélateur, dans le contexte du Covid-19, il a été nécessaire d’adapter, pour un temps, ces obligations parce que précisément elles ne sont pas négligeables. Certains étaient déjà prévus et la possibilité d’y recourir a simplement été rappelée, par exemple celle d’autoriser la mise sur le marché conditionnel des médicaments destinés à être utilisés en réponse à des menaces pour la santé ; celle d’autoriser la mise sur le marché d’un dispositif médical en dehors des procédures d’évaluation de la conformité aux exigences essentielles lorsque l’utilisation de ce dispositif est dans l’intérêt de la santé publique des patients ; ou encore celle de déroger aux protocoles nécessaires dans la conduite des essais cliniques pour faire face à des situations extraordinaires.</p>
<p>D’autres aménagements ont été spécifiquement accordés dans le contexte actuel, pour accélérer certaines procédures (par exemple celle de l’évaluation de la conformité des dispositifs médicaux dans le contexte de la menace que représente le Covid-19) ou au contraire pour en retarder d’autres (<a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32017R0745">comme le nouveau règlement 2017/745 relatif aux dispositifs médicaux</a>), voire pour ne plus les appliquer du tout. La Commission a ainsi expliqué aux États que l’obligation pour les patients traités dans un hôpital dans un État membre d’être en possession d’une autorisation préalable de l’organisme de sécurité sociale compétent n’est pas nécessairement à respecter, mais encore que les obligations en matière de déclaration et de contrôle préalable à la reconnaissance des qualifications professionnelles des professionnels de la santé <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv:OJ.CI.2020.111.01.0001.01.FRA&toc=OJ:C:2020:111I:TOC">peuvent être assouplies</a>.</p>
<p>Il faut ensuite insister sur le fait que l’influence du droit de l’Union européenne dans le domaine de la santé ne s’est pas uniquement établie sur des compétences spécifiques, mais également à partir de principes, essentiellement les libertés de circulation (des marchandises, des travailleurs et des citoyens) qui ont été appliquées au secteur de la santé et ont parfois imposé des obligations notables aux États (par exemple l’obligation de rembourser un soin ambulatoire obtenu dans un autre État membre de l’Union).</p>
<p>Certes, l’obligatoire respect de ces libertés n’est pas absolu : au contraire, elles peuvent être « mises à distance » lorsqu’un État souhaite adopter des mesures en vue de protéger la santé et la vie des personnes. Logiquement, la protection contre une pandémie permet donc aux États de fermer leurs frontières et d’entraver la libre circulation des marchandises dans l’Union ou des citoyens de l’Union.</p>
<p>Toutefois, la mise à distance ne signifie pas suspension complète de l’application des principes de l’Union. Les mesures nationales dérogatoires doivent en effet satisfaire à un certain nombre de conditions ; et ce que rappelle la crise du Covid-19, c’est que loin d’être minimales, de telles conditions sont substantielles. La Commission a ainsi <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_20_468">insisté</a> sur le fait que ces mesures nationales doivent être compatibles avec « l’esprit de solidarité » et, par exemple, qu’elles ne doivent pas compromettre le fonctionnement des chaînes d’approvisionnement de certains biens de première nécessité (parmi lesquels les biens médicaux) et la circulation de certains travailleurs frontaliers (parmi lesquels le personnel de santé) ce qui impose la mise en place de voies réservées.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1242303077664858112"}"></div></p>
<h2>Repenser les compétences de l’UE en matière sanitaire est-il possible ?</h2>
<p>Contrairement à ce qui est souvent asséné, une telle perspective n’est pas impossible. N’oublions pas que les crises sanitaires ont, souvent, suscité des évolutions du droit de l’Union européenne. La crise de la vache folle a convaincu de confier à l’Union une compétence partagée, par exception à sa compétence d’appui, pour certains enjeux communs de sécurité en matière de santé publique. La pandémie de la grippe H1N1 a persuadé de faire participer l’Union à la surveillance de menaces transfrontières graves sur la santé. Cela pourrait être à nouveau le cas avec le Covid-19. D’autant qu’au cours de son histoire, l’UE n’a jamais été confrontée à une crise sanitaire présentant une telle ampleur ou se propageant à une telle vitesse.</p>
<p>Certes, pour l’heure, <a href="https://www.liberation.fr/planete/2020/03/18/charles-michel-cette-crise-va-nous-obliger-a-changer-nos-paradigmes-economiques-et-sociaux_1782261">« le débat n’est pas institutionnel : quand la maison brûle, on ne s’occupe pas de la facture d’eau ! »</a>. Mais, lorsqu’il ne sera plus le temps de l’action, mais le temps de la réflexion, il sera nécessaire à nouveau de (re)poser la question de la nature des compétences de l’Union dans la lutte contre les pandémies. Ne s’agit-il pas d’un enjeu commun de sécurité qui devrait, par exception, donner à l’Union la possibilité d’adopter, aux côtés des États, des mesures communes ?</p>
<p>La modification ne serait pas uniquement cosmétique. Rappelons que, du fait de cette contrainte de la compétence, en matière de menaces transfrontières graves, seuls les États membres sont en mesure de gérer, au niveau national, les crises de santé publique. En cas d’insuffisance de la coordination, il n’est pas possible pour la Commission d’adopter elle-même des mesures communes de santé publique. Les vives réactions des États à la décision de la Commission de coordonner la levée des mesures visant à contenir la propagation de la Covid-19 en attestent (en conséquence de ces réactions d’ailleurs, la Commission n’a publié qu’une <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_20_652">« feuille de route européenne commune » le 15 avril dernier</a>, plus tardivement que prévu et sans aucune indication de calendrier).</p>
<p>Certes, on passerait ici d’une simple coopération au modèle de l’intégration, mais, outre que ce changement pourrait se limiter aux menaces transfrontières graves, il ne susciterait pas nécessairement une opposition de principe. Le projet de Communauté européenne de la santé, présenté il y a presque 60 ans par la France, témoigne de ce que l’intégration en matière de santé a été pensée il y a déjà bien longtemps. En outre, il a été démontré que l’échec de ce projet n’a pas été lié, comme on l’entend souvent, à l’hostilité structurelle des États à toute perte de souveraineté en matière de santé, mais à bien d’autres éléments plus conjoncturels (les rapports de force politique en France à propos de l’intégration européenne ; l’inquiétude des industries médicale et pharmaceutique à propos des prix des médicaments…). Or la conjoncture n’est-elle pas précisément favorable à ce passage ? N’est-il pas temps, pour reprendre les <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/17/mireille-delmas-marty-profitons-de-la-pandemie-pour-faire-la-paix-avec-la-terre_6033344_3232.html">propos de Mireille Delmas-Marty</a>, que la souveraineté en matière de santé devienne véritablement solidaire ?</p>
<p>Parce que le virus du Covid-19, <a href="https://www.liberation.fr/debats/2020/03/12/ce-que-nous-dit-le-coronavirus_1781476">comme toutes les pandémies</a>, « chemine de main en main, de souffle à souffle, prend la route, le bateau, l’avion, va de terre en terre, de toux en salive, pénètre en catimini, ici et là, en Lombardie, dans l’Oise, se répand en Europe », la solidarité n’est pas une option mais une nécessité. De solitaires, devenons solidaires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/137826/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Estelle Brosset ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Face à l'épidémie, les États membres de l'UE ont privilégié l'action à l'échelon national. L'Union a toutefois un rôle majeur à jouer dans la situation actuelle, dont elle pourrait sortir renforcée.Estelle Brosset, Professeure de droit public, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1381702020-05-12T13:56:33Z2020-05-12T13:56:33ZL’OMS survivra-t-elle à la pandémie… et aux attaques de Trump ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/333886/original/file-20200510-49556-1tj6alb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l'OMS, lors d'une conférence de presse sur la Covid-19, le 9 mars, à Genève, en Suisse. Il est accompagné de Michael Ryan, directeur exécutif du programme des urgences sanitaires et de Maria van Kerkhove, responsable technique du programme des urgences sanitaires de l'OMS. Le retrait des États-Unis du financement de l'organisation marquera-t-il son déclin?</span> <span class="attribution"><span class="source">Salvatore Di Nolfi/Keystone via AP</span></span></figcaption></figure><p>Le président Donald Trump a <a href="https://www.nytimes.com/2020/04/07/us/politics/coronavirus-trump-who.html">annoncé</a> en avril sa volonté de couper le financement des États-Unis à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), soit l’institution intergouvernementale chargée de coordonner les efforts mondiaux en temps de pandémie. Il affirme avoir pris cette action en raison de la mauvaise gestion de la pandémie par l’OMS, <a href="https://www.lapresse.ca/international/asie-et-oceanie/202004/19/01-5269999-covid-19-laustralie-demande-une-enquete-independante.php">incluant sa complaisance à l’égard de la Chine lors de l’éclosion de la Covid-19</a>. Les <a href="https://www.aljazeera.com/news/2020/04/world-reacts-trump-withdrawing-funding-200415061612025.html">réactions</a> condamnant cette annonce ont été vives.</p>
<p>En mettant l’OMS et sa gestion de la pandémie sur la sellette, le président Trump provoquera-t-il son déclin ?</p>
<p>Je suis titulaire de la <a href="https://www.chairesante.ca">Chaire de recherche du Canada sur la culture collaborative en droit et politiques de la santé</a> et mon co-auteur, Jean‑Louis Denis est titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’adaptation et le design des systèmes de santé. Nous sommes co-fondateurs du Hub santé – politique, organisations et droit (<a href="https://h-pod.ca">H-POD</a>). Nos recherches portent entre autres sur l’action normative de l’OMS et sur l’innovation au sein des systèmes de santé.</p>
<h2>Un manque-à-gagner substantiel</h2>
<p>Le retrait de ce financement est important, considérant l’ampleur de la crise et l’interdépendance qui en résulte entre les pays pour lutter efficacement contre la Covid-19.</p>
<p>Le budget bisannuel de l’OMS est de <a href="http://open.who.int/2018-19/budget-and-financing/gpw-overview">6 milliards de dollars</a> pour coordonner les efforts de santé mondiale ; en <a href="https://www.lapresse.ca/debats/editoriaux/202004/10/01-5268891-le-dos-tres-large-de-loms.php">comparaison</a>, les Centres pour le contrôle de la maladie et la prévention aux États-Unis ont un budget annuel de 11 milliards. Les États-Uniens <a href="https://www.nytimes.com/2020/04/07/us/politics/coronavirus-trump-who.html">financent</a> l’OMS à la hauteur de <a href="http://open.who.int/2020-21/contributors/contributor?name=United%20States%20of%20America">550 millions dollars par année</a>, soit le plus important montant accordé par l’un des 194 pays membres de l’organisation (malgré des arrérages substantiels).</p>
<p>La contribution des États-Unis comprend un mélange de <a href="https://www.who.int/about/finances-accountability/funding/assessed-contributions/fr/">contributions fixées</a> et <a href="https://www.who.int/about/finances-accountability/funding/voluntary-contributions/fr/">volontaires</a>. Les contributions fixées sont établies en fonction des revenus et de la population du pays. Quant aux contributions volontaires, elles sont déterminées à la discrétion des États qui peuvent ainsi notamment financer des projets précis arrimés à leurs priorités.</p>
<p>Le Canada, pour sa part, <a href="http://open.who.int/2020-21/contributors/contributor?name=Canada">finance l’OMS à hauteur de 85 millions de dollars annuellement</a>.</p>
<h2>Des contributions en déclin</h2>
<p>Les contributions fixées demeurent une source privilégiée de financement pour l’OMS. Elles lui offrent un certain degré de prévisibilité et d’autonomie. Cela diminue d’une part sa dépendance par rapport à une base limitée de donateurs – amenuisant ainsi les conflits d’intérêts – et, d’autre part, permet l’alignement des ressources sur le budget programme.</p>
<p>Or, les contributions fixées des pays ont décliné de manière significative depuis plusieurs années, comptant maintenant pour moins d’un quart du financement de l’organisation. Plusieurs pays, dont les États-Unis, préfèrent avoir recourt à des contributions volontaires à un niveau supérieur que leur contribution fixe. Ces moyens financiers limités et décroissants ont de l’avis de <a href="https://journals.plos.org/plosmedicine/article?id=10.1371/journal.pmed.1001312">différents</a> <a href="https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=62771">experts</a> fragilisé les capacités d’actions de l’OMS, incluant en temps de crise (par exemple quant à l’offre d’assistance technique et d’expertise pour les pays).</p>
<h2>Un très large mandat</h2>
<p>Mais au-delà de cet enjeu,l’OMS a certes des défis importants à relever pour s’adapter à une mondialisation grandissante qui accroît les risques sanitaires. Outre son action en temps de pandémie,l’OMS a le large mandat <a href="https://www.who.int/governance/eb/who_constitution_fr.pdf">« d’amener tous les peuples au niveau de santé le plus élevé possible »</a> ce qui lui impose une mission d’une grande amplitude. D’autant plus que de nombreux facteurs ont un impact sur la santé (soins et services, éducation, environnement, économie, etc.).</p>
<p>Cette réalité suscite des <a href="https://academic.oup.com/ejil/article/25/3/949/403651">impératifs croissants de collaboration et de régulation internationales</a> afin de protéger la santé des individus. L’OMS dispose d’ailleurs du pouvoir de développer des normes pour guider les actions des pays dans l’atteinte d’objectifs de santé. À titre d’exemple, elle a adopté le <a href="https://www.who.int/ihr/about/10things/fr/">Règlement sanitaire international (2005)</a> (RSI) qui impose des responsabilités et obligations aux pays afin de prévenir la propagation internationale de maladies, de s’en protéger et d’agir par une action concertée.</p>
<p>Même si le RSI a été <a href="https://www.thinkglobalhealth.org/article/world-health-organization-and-pandemic-politics">critiqué</a> en raison sa <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)30373-1/fulltext">difficulté à réguler efficacement</a> l’enjeu pour lequel il a été prévu (pandémie), la situation actuelle montre bien l’importance de se doter de normes sanitaires qui rendent les États imputables à l’égard de leurs actions en matière de santé publique.</p>
<h2>Peu de pouvoirs réels</h2>
<p>Toutefois, malgré ce pouvoir, l’OMS dispose de <a href="https://www.who.int/about/evaluation/who_normative_function_report_july2017.pdf">peu de moyens pour forcer</a> l’exécution de ses normes, incluant le RSI, lesquelles reposent en grande partie sur le volontarisme des États.</p>
<p>Par exemple,l’OMS ne peut intervenir pour évaluer sur place la gravité du risque international de santé publique que si un pays l’y autorise. C’est d’ailleurs pour cette raison que <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1699102/coronavirus-oms-chine-enquete-demande">l’OMS a transmis une demande à la Chine de « l’inviter » à enquêter sur l’origine du virus</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/334368/original/file-20200512-82403-n8wh5u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/334368/original/file-20200512-82403-n8wh5u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/334368/original/file-20200512-82403-n8wh5u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/334368/original/file-20200512-82403-n8wh5u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/334368/original/file-20200512-82403-n8wh5u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/334368/original/file-20200512-82403-n8wh5u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/334368/original/file-20200512-82403-n8wh5u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des étudiants portant des masques de protection alors qu'ils arrivent dans un lycée de Wuhan, dans la province du Hubei, d'où origine la pandémie, le 6 mai 2020. L'OMS a demandé à la Chine de «l'inviter» à enquêter sur les origines de la Covid-19.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Chinatopix via AP</span></span>
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<p>De plus, contrairement à d’autres organisations internationales comme l’Organisation mondiale du commerce, l’OMS ne bénéficie d’aucun mécanisme efficace de règlement des différends permettant d’assurer le respect de ses instruments.</p>
<p>En vertu du principe de la souveraineté des États, ces normes internationales doivent être intégrées au droit interne des pays pour acquérir une force réellement exécutoire. Et pour que ce leadership de l’OMS se concrétise, les normes internationales qu’elle adopte doivent être suivies par des actions concrètes des acteurs nationaux (décideurs, législateurs, professionnels de la santé, gestionnaires, etc.) afin d’influer sur la santé.</p>
<p>Ainsi, pour que l’OMS puisse davantage exercer de contrôle sur les gestes des pays en contexte de pandémie – ou sur la santé mondiale, il faudra lui donner les leviers nécessaires pour qu’elle potentialise son leadership, comme le propose l’expert en santé mondiale <a href="https://www.researchgate.net/publication/292157430_Making_the_International_Health_Regulations_Matter_Promoting_Compliance_through_Effective_Dispute_Resolution">Steven J. Hoffman, de l’Université York</a>,) afin de rendre les États davantage imputables.</p>
<h2>L'OMS doit rendre des comptes</h2>
<p>La décision du président Trump ne provoquera probablement pas la fin de l’OMS, mais l’amènera sur un chemin difficile.</p>
<p>Fragiliser la légitimité et les capacités d’action de l’organisation en pleine crise sanitaire mondiale a certes de quoi inquiéter. Mais l’OMS et ses États membres ne devront pas négliger de revoir et d’améliorer ses modalités d’action une fois le plus fort de la crise passé.</p>
<p>Une discussion sur la transformation d’une organisation créée il y a plus de 60 ans dans un monde qui s’est lui-même transformé est requise. Entre autres, la structure organisationnelle de l’OMS devrait être revue afin que l’institution soit davantage à l’abri des feux croisés géopolitiques des États et puisse, d’abord et avant tout, <a href="https://www.milbank.org/quarterly/opinions/using-covid-19-to-strengthen-the-who-promoting-health-and-science-above-politics">appuyer son action sur les meilleures données scientifiques</a>.</p>
<p>À terme, considérant les risques accrus de pandémie et le mandat exigeant de l’OMS, le financement (surtout les contributions fixées) ne doit pas être coupé, mais vraisemblablement accru. Cela dit, l’OMS doit rendre des comptes (transparence, absence de conflits d’intérêts, résultats, etc.).</p>
<p>Cette reddition accrue de l’OMS dépendra ultimement d’un renforcement de ses capacités à s’imposer auprès de l’ordre sanitaire mondial constitué d’États souverains. Ce renforcement fera d’ailleurs l’objet d’un <a href="https://www.crdp.umontreal.ca/nouvelles/2020/04/14/nouvelles-subventions-pour-catherine-regis/">projet de recherche</a> de trois ans financé par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada.</p>
<p><em>Les auteurs remercient Florian Kastler, chercheur associé à l’Institut Droit et Santé de l’Université de Paris et enseignant à Sciences Po Paris pour ses commentaires sur cet article</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138170/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine Régis receives funding from the Social Sciences and Humanities Research Council. I mentioned this point in the article. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-Louis Denis ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Considérant les risques accrus de pandémie et le mandat exigeant de l’OMS, le financement ne doit pas être coupé, mais vraisemblablement accru. Cela dit, l'OMS doit rendre des comptes.Catherine Régis, Professeure, Faculté de droit de l'Université de Montréal, Chaire de recherche du Canada sur la culture collaborative en droit et politiques de la santé, Université de MontréalJean-Louis Denis, Professeur titulaire, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1354052020-05-01T15:04:57Z2020-05-01T15:04:57ZUne pandémie qui met en lumière les injustices sociales<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/331999/original/file-20200501-42918-8yi24g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des travailleurs dirigent des clients alignés dans un centre communautaire pour des dons de nourriture à Montréal-Nord, le quartier le plus touché du Québec par la Covid-19, le 30 avril. C'est aussi l'un des quartiers les plus pauvres au pays.</span> <span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Paul Chiasson</span></span></figcaption></figure><p>Alors que se déploie devant nos yeux, de manière inédite et bouleversante, une pandémie qui marquera l’histoire du 21e siècle, les conséquences des inégalités sociales et leur impact sur la santé — au sein d’une société, entre les pays et à l’échelle mondiale — soulèvent des questions complexes de justice sociale pour les chercheurs.</p>
<p>Les conséquences sociales et sanitaires des <a href="https://www.ledevoir.com/opinion/idees/576139/la-ou-le-confinement-peut-tuer">mesures de confinement en Inde en sont une démonstration tragique</a>. Des millions de gens ont craint de manquer de nourriture. Mais des inégalités plus discrètes que l’on tolère au sein de nos propres démocraties donnent lieu à des contrastes troublants en contexte de pandémie entre ceux qui perdent leur emploi et ceux qui peuvent se réfugier dans des résidences secondaires plus confortables, par exemple.</p>
<p>Il y a aussi, dans les grandes villes, des poches de pauvreté où la Covid-19 frappe plus qu’ailleurs. <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1698270/coronavirus-cas-montreal-nord-quebec-covid-tests?fbclid=IwAR0Ui9bqIX8EjIKYrPU15X0CHaHRE2WoVrdtsVf16weKygiREW8lLM_aGEc">L’exemple de Montréal-Nord</a> est éloquent. Cet arrondissement parmi les plus défavorisés au Canada, où plusieurs familles s’entassent dans de petits logements parfois insalubres, est maintenant le plus touché par la pandémie au Québec.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/331977/original/file-20200501-42956-15mwwkn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/331977/original/file-20200501-42956-15mwwkn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/331977/original/file-20200501-42956-15mwwkn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/331977/original/file-20200501-42956-15mwwkn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/331977/original/file-20200501-42956-15mwwkn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/331977/original/file-20200501-42956-15mwwkn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/331977/original/file-20200501-42956-15mwwkn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des travailleurs dirigent des clients alignés dans un centre communautaire pour des dons de nourriture à Montréal-Nord, le quartier le plus touché de Montréal par la Covid-19, le 30 avril 2020.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Paul Chiasson</span></span>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/covid-19-comment-aider-en-temps-de-crise-ou-le-grand-defi-de-la-philanthropie-134837">Covid-19 : comment aider en temps de crise ou le grand défi de la philanthropie</a>
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<p>L’idée n’est pas de réduire toutes nos questions de justice à leur seul impact sur la santé. Nous ne voudrions pas vivre dans des régimes autoritaires où tout le monde serait en parfaite santé, mais dépossédé de libertés fondamentales. Il s’agit plutôt de comprendre comment les inégalités de santé privent des individus, des groupes sociaux ou des populations entières des conditions de possibilité de l’exercice des libertés fondamentales. C’est en ce sens que certains philosophes parlent de <a href="https://www.wiley.com/en-us/Health+Justice%3A+An+Argument+from+the+Capabilities+Approach-p-9780745650340">la « capabilité d’être en santé »</a> comme un <a href="https://www.who.int/mediacentre/news/statements/fundamental-human-right/fr/">droit humain fondamental</a>.</p>
<p>En tant que professeure au département de philosophie de l’Université de Montréal, mes recherches portent sur les enjeux éthiques reliés aux inégalités de santé et relations internationales. C’est à ce titre que je participe aux réflexions d’un groupe d’experts réunis par l’Institut Broadbent <a href="https://www.broadbentinstitute.ca/esp?fbclid=IwAR1YjEkzvFnZQxkSZT_7f18GhhFal7z-ZIZdjzcirCnexgVmYlIPYOW43Ns">pour se pencher sur les enjeux sociaux de la pandémie</a>. Je suis également membre d’une équipe internationale de chercheurs dont les travaux concernent les <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)30979-X/fulltext?fbclid=IwAR3nx5gjPpsg98mywAoRrNHTPalV3PH8hTNr7R4yU1W95QB-Jt08jha9J3w">vulnérabilités structurelles de santé en contexte de crises humanitaires</a>.</p>
<h2>Inégalités sociales, impacts dévastateurs</h2>
<p>Le modèle des « déterminants sociaux de la santé » est un cadre de recherches bien établi dans le domaine de la santé publique, <a href="https://www.cpha.ca/fr/les-determinants-sociaux-de-la-sante">notamment au Canada</a>. Il s’agit de mieux comprendre les relations de causalité entre les facteurs socio-économiques qui déterminent les conditions d’existence d’un individu, d’un groupe social, d’une population et les états de santé. L’étude des degrés de mortalité et de morbidité qui affectent une population donnée est élargie au-delà d’une analyse strictement physiologique et biomédicale.</p>
<p>Par exemple, on sait que l’espérance de vie dans les quartiers de l’est de la ville de Montréal, où vit une population défavorisée, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/765569/esperance-vie-est-montreal-ouest-ciusss-est-ile">est neuf ans plus courte que dans les quartiers plus nantis à l’ouest</a>.</p>
<p>Ce sont les travaux pionniers du médecin français <a href="https://www.bnds.fr/revue/cdsa/medecins-et-politique-xvie-XXe-siecles-n-29/louis-rene-villerme-1782-1863-un-medecin-defenseur-du-liberalisme-economique-et-de-l-amelioration-des-conditions-de-travail-des-ouvriers-9076.html">Louis René Villermé</a> sur la santé des ouvriers du textile au 19e siècle qui ont inspiré les recherches de <a href="https://www.who.int/social_determinants/thecommission/marmot/fr/">Michael Marmot, une sommité mondiale en épidémiologie et santé publique</a> et les [études longitudinales initiées en 1967 sur le « gradient social de santé »] des <a href="https://www.herc.ox.ac.uk/downloads/health_datasets/browse-data-sets/whitehall-study">fonctionnaires britanniques</a>. Marmot a été également <a href="https://www.who.int/social_determinants/thecommission/finalreport/fr/">mandaté par l’OMS pour examiner les inégalités de santé à l’échelle internationale en 2008</a>.</p>
<h2>Une crise qui exacerbe les inégalités</h2>
<p>Co-auteur de l’ouvrage au titre éloquent <a href="https://www.penguin.com.au/books/is-inequality-bad-for-our-health-9780807004470"><em>Is Inequality Bad for Our Health ?</em></a>, publié en 2000 dans le contexte du débat américain sur le système de santé, Norman Daniels (philosophe politique qui a fait carrière au Harvard Schoool of Public Health) croit qu’une société juste doit mettre en place les institutions qui atténueront les inégalités de santé dues à des facteurs sociaux que l’on peut contrôler, en redistribuant les ressources fondamentales de manière plus équitable. Cette défense philosophique d’un système public de santé repose donc sur un principe de justice distributive et sur le principe démocratique de l’égalité des chances.</p>
<p>Ce modèle ne constitue pas un mode d’emploi pour la gestion des situations d’urgence ni une théorie de la justice. Toutefois, les épidémies et les crises humanitaires révèlent l’étendue des inégalités sociales que l’on tolère en temps « normal », mais qui auront un impact gravement délétère sur la santé d’une population si des mesures politiques ne sont pas mises en place pour compenser diverses formes de précarité socioéconomique et/ou de discriminations systémiques.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/331587/original/file-20200429-51474-1mnn8if.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/331587/original/file-20200429-51474-1mnn8if.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/331587/original/file-20200429-51474-1mnn8if.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/331587/original/file-20200429-51474-1mnn8if.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/331587/original/file-20200429-51474-1mnn8if.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=573&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/331587/original/file-20200429-51474-1mnn8if.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=573&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/331587/original/file-20200429-51474-1mnn8if.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=573&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un itinérant tente de maintenir la distance sociale tout en demandant de la monnaie à un automobiliste, le lundi 27 avril 2020, à Montréal.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Ryan Remiorz</span></span>
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<p>En l’absence d’un système public de santé robuste, la pandémie de Covid-19 aux États-Unis <a href="https://www.theatlantic.com/family/archive/2020/04/two-pandemics-us-coronavirus-inequality/609622/">exacerbe les problèmes de gouvernance et d’inégalités structurelles</a> mettant en péril des millions de citoyens sans assurance privée et de migrants illégaux sans couverture. Le coronavirus <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1691843/etats-unis-coronavirus-tue-noirs-victimes-covid-19">fait un nombre disproportionné de victimes chez les Noirs américains</a> et chez les groupes sociaux les plus défavorisés dont l’état de santé est déjà affaibli.</p>
<p>Dans d’autres pays comme le Canada, les conséquences désastreuses d’une pandémie à multiples vitesses sont à craindre là où existent des foyers d’infection cloisonnant les <a href="https://ici.radio-canada.ca/espaces-autochtones/1692262/coronavirus-chercheurs-universites-sante-des-autochtones-pandemie-covid-19">populations autochtones dans les conditions historiques du colonialisme et de la pauvreté</a>. Les prochaines semaines seront déterminantes pour la sécurité sanitaire de ces communautés.</p>
<p>À l’issue de cette crise, les pays touchés devront se livrer à un examen approfondi des disparités sociales qui auront causé les impacts les plus dévastateurs pour leur société en vue de mettre en place des mesures préventives, sur le plan sanitaire, mais également sur le plan politique. La pandémie du coronavirus nous obligera peut-être <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/11/15/nous-vivons-une-epoque-formidable-pour-desapprendre-et-reapprendre-les-bases-de-l-economie_5383736_3232.html">à développer des modèles alternatifs d’économie internationale et d’organisation sociale pour mieux prévenir les crises futures</a>.</p>
<h2>Vers une éthique des relations internationales ?</h2>
<p>Les disparités de santé accentuées par la pandémie montrent au grand jour les failles d’un ordre mondial <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/repenser-la-pauvrete-esther-duflo/9782021005547">permettant des inégalités abyssales</a>.</p>
<p>Le développement plus récent des théories de justice globale plaide en faveur d’obligations morales d’entraide humanitaire et d’institutions suffisamment contraignantes pour nous y obliger, non pas au nom de la charité <a href="https://philpapers.org/browse/human-rights-and-global-justice">mais au nom des droits humains universels</a>.</p>
<p>À l’heure de la pandémie de Covid-19, force est d’admettre que seules des instances transnationales de coordination, de partage d’informations et de ressources <a href="https://news.un.org/en/story/2020/04/1061412">seront en mesure d’orchestrer efficacement les actions erratiques des uns et des autres</a>. Aucun pays ne sera en mesure de s’extraire de la dimension mondiale de la pandémie. Plus que jamais, <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)30969-7/fulltext">il sera crucial de défendre le multilatéralisme en soutenant l’OMS</a>.</p>
<p>Cependant, nous sommes confrontés à un paradoxe complexe. Les mesures de confinement témoignent du grand repli et du chacun pour soi dans l’espoir de contenir le coronavirus au sein des frontières respectives. Bien que ces mesures d’urgence sanitaire soient nécessaires, elles donnent également lieu à des discours xénophobes et racistes dans de nombreux pays qui préconisent le darwinisme social et une forme d’égoïsme moral dont souffrent présentement des <a href="https://theconversation.com/covid-19-dans-les-camps-de-refugies-vers-la-catastrophe-humanitaire-135483">millions d’individus complètement laissés pour compte en tant que migrants clandestins ou réduits à l’indigence extrême dans les camps de réfugiés</a>.</p>
<p>Les crises sanitaires et environnementales révèlent de manière inquiétante l’interdépendance structurelle qui nous lie les uns aux autres. Si l’argument moral ne parvient pas à convaincre des principes éthiques de la solidarité, les sceptiques doivent néanmoins reconnaître l’argument instrumental selon lequel l’intérêt national bien compris <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2000/06/KAUL/2359">passe nécessairement par la coopération de tous</a>.</p>
<p>La meilleure manière de se préparer pour éviter les catastrophes futures est de tirer les leçons de la crise actuelle et de penser la justice en santé dès aujourd’hui. Si l’on a beaucoup insisté sur les bénéfices pragmatiques de l’équité dans le domaine de la santé, il importe toutefois de ne pas perdre de vue que la solidarité de tous en contexte de pandémie repose avant tout, d’un point de vue philosophique, sur des principes éthiques de justice sociale, internationale et intergénérationnelle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135405/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ryoa CHUNG a reçu des financements du Conseil de recherches en santé du Canada, Instituts en recherche en santé du Canada, Fondation Wellcome Trust.</span></em></p>Les épidémies révèlent les inégalités tolérées en temps « normal » mais qui auront ont un impact délétère sur la santé d'une population si des mesures ne sont pas prises pour compenser ces injustices.Ryoa CHUNG, Professeure agrégée, Philosophie politique, inégalités de santé, éthique internationale, études féministes, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.