tag:theconversation.com,2011:/africa/topics/plates-formes-31157/articlesplates-formes – The Conversation2024-02-29T16:20:00Ztag:theconversation.com,2011:article/2245232024-02-29T16:20:00Z2024-02-29T16:20:00Z« Enfants influenceurs » : est-ce bien raisonnable ?<p>Ils s’appellent Swan, Kalys, Athena, Ryan, Mila, Lili-Rose ou Hugo. Ils ont entre 3 et 15 ans, et ils sont suivis par des millions de fans sur YouTube, TikTok, Instagram ou Snapchat. Ce sont des enfants influenceurs. Ces enfants mineurs, parfois même encore bébés, sont exposés quotidiennement par leurs parents aux « vues » et au su de toute la toile.</p>
<p>Derrière ces publications en apparence innocentes et spontanées se cache souvent un véritable business. En France, pas moins de <a href="https://www.lepoint.fr/societe/le-juteux-business-des-parents-influenceurs-sur-les-reseaux-sociaux-07-02-2023-2507820_23.php">70 % des parents influenceurs déclarent ainsi gagner jusqu’à 5 000 euros</a> par mois grâce aux nombreux partenariats commerciaux qu’ils signent avec les marques, de quoi donc en tirer leur principale source de revenus.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-influenceurs-familles-precieux-ambassadeurs-des-marques-sur-le-marche-convoite-des-jeunes-parents-223986">Les « influenceurs familles », précieux ambassadeurs des marques sur le marché convoité des jeunes parents</a>
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<p>Pour ce faire, ils n’hésitent pas à mettre en scène leurs enfants, le but étant de capter et de fidéliser leur audience à tout prix. Déballages de cadeaux, sketchs humoristiques, challenges, tests de jouets, les enfants sont mis à rude épreuve pour faire grimper les audiences.</p>
<p>Certains enfants, dits « kid influencers » possèdent même leur propre compte. C’est le cas de <a href="https://www.instagram.com/tiagotanti/">Tiago</a>, 4 ans, dont le compte Instagram, créé par ses parents Manon et Julien Tanti, stars de la téléréalité, dénombre plus de 1,3 million d’abonnés.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/Co74Ip_SwxR","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<p>Ces parents influenceurs se présentent le plus souvent comme des modèles de réussite, capables d’offrir à leurs enfants une existence de rêve, remplie de voyages, de cadeaux, de loisirs… Mais à quel prix ?</p>
<h2>Une enfance parfois mise en danger</h2>
<p>En effet, cette exposition n’est pas sans conséquence sur le développement psychologique et social et social de l’enfant. En témoigne la <a href="https://www.tiktok.com/@iam.moana">youtubeuse Emma</a>, star de TikTok, qui affiche près de 2 millions d’abonnés sur le réseau social. La jeune femme de 20 ans confie sans détour avoir été victime de cyberharcèlement durant ses années lycée à travers les moqueries et les messages haineux de certains internautes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1475513829740138502"}"></div></p>
<p>Encore plus inquiétant, Ruby Franke, une influenceuse américaine en parentalité suivie par près de 2,5 millions d’abonnés pour ses conseils éducatifs, <a href="https://www.leparisien.fr/faits-divers/une-influenceuse-americaine-en-parentalite-ecope-de-30-ans-de-prison-pour-avoir-maltraite-de-ses-enfants-21-02-2024-XA6WGR55CVGPTB2CXF3QQ7JUKI.php">a été condamnée en février 2024</a> à une peine pouvant aller jusqu’à 30 ans de prison pour maltraitance sur ses enfants. Elle affichait pourtant une vie parfaite avec son mari et ses 6 enfants sur une chaîne YouTube « 8 Passengers », désactivée depuis.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1760363705747861821"}"></div></p>
<p>Le scandale a éclaté lorsque l’un de ses enfants, âgé de 12 ans, s’est échappé par la fenêtre de leur domicile, révélant des conditions de malnutrition et de maltraitance extrêmes. Les autorités ont découvert qu’elle malmenait également ses autres enfants, allant jusqu’à les forcer à effectuer des travaux physiques pénibles sans eau ni nourriture en pleine chaleur.</p>
<h2>Une prise de conscience nécessaire</h2>
<p>Le 6 février 2024, une <a href="https://www.actu-juridique.fr/civil/personnes-famille/le-respect-du-droit-a-limage-des-enfants-et-les-5-apports-de-la-loi-du-19-fevrier-2024/">nouvelle proposition de loi</a> visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants est venue compléter la <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/exploitation_commerciale_image_enfants">précédente</a>, datée du 19 octobre 2020. Le texte vient renforcer l’obligation des parents de veiller à la vie privée de leur enfant, y compris son droit à l’image, et leur interdit de publier ou de diffuser toute image de leur enfant sans son consentement éclairé. Elle permet également au juge aux affaires familiales d’interdire à un parent de publier ou de diffuser toute image de son enfant sans l’accord de l’autre parent, notamment en cas de conflit ou de danger pour l’enfant.</p>
<p>Il s’agit bien là d’une avancée importante en faveur de la protection des enfants influenceurs. Pourtant, il reste encore du chemin à parcourir. En effet, le fait même que le législateur ait été obligé d’apporter un cadre juridique à ces nouvelles pratiques devrait nous interroger, en tant que société, sur nos pratiques numériques et sur la responsabilité collective mais aussi avant tout individuelle, de tous les acteurs.</p>
<p>En premier lieu, les parents influenceurs doivent davantage se responsabiliser. Leur rôle reste essentiel dans l’encadrement de cette pratique, et pour le respect de l’épanouissement de leurs enfants à travers leur droit à l’image et à leur intimité. Tout signe de stress ou de fatigue présenté par l’enfant doit les alerter sur le potentiel mal-être de leur progéniture. Après tout, leurs enfants sont des enfants comme les autres ; ils ont aussi droit à une enfance comme les autres.</p>
<p>En parallèle, les marques qui font appel à des « kid influencers » ou à leurs parents pour promouvoir leurs produits doivent assumer une responsabilité essentielle. En effet, notre travail de recherche présenté à une <a href="https://oui.ethz.ch/">conférence</a> en 2022 met en lumière une relation de co-création de contenu entre l’influenceur et la marque, incitant les entreprises à accorder une certaine liberté aux influenceurs dans la création de contenu. Cependant, il reste crucial que cette approche ne détourne pas l’attention des marques des conditions de travail des enfants impliqués.</p>
<h2>« Je protège mon enfant »</h2>
<p>Les plates-formes en ligne doivent également assumer leur mission de protection en garantissant la sécurité et la modération des contenus impliquant des enfants. Cela passe par des campagnes de sensibilisation, à <a href="https://www.economie.gouv.fr/campagne-sensibilisation-dediee-parentalite-numerique">l’image de celle proposée par le gouvernement en février 2023</a>, et d’accompagnement des parents influenceurs. Tout contenu dérangeant ou sensible concernant les enfants doit ainsi être retiré et déréférencé.</p>
<p>Enfin, les internautes ont eux aussi leur part de responsabilité dans cette situation. Leurs réactions, parfois empreintes de violence, peuvent sérieusement affecter le bien-être des enfants. De plus, ils possèdent le pouvoir, à travers un simple clic, de signaler voire de boycotter les contenus qui portent atteinte aux droits des enfants.</p>
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<figcaption><span class="caption">Vidéo de la campagne « Je protège mon enfant » lancée par le gouvernement en février 2023.</span></figcaption>
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<p>En France, il existe des exemples de bonnes pratiques ou d’initiatives visant à protéger les droits et l’intérêt des enfants sur les réseaux sociaux. Par exemple, l’association <a href="https://e-enfance.org/">e-Enfance</a>, reconnue d’utilité publique, propose des actions de sensibilisation, d’accompagnement et de défense des enfants et des adolescents sur Internet. Elle anime notamment le dispositif Net Ecoute, qui offre un service gratuit et anonyme d’écoute, de conseil et d’orientation pour les jeunes victimes de cyberharcèlement, de cybersexisme, ou encore de cyberpornographie.</p>
<p>Un autre exemple est celui de la chaîne YouTube <a href="https://lespetitscitoyens.com/">« Les petits citoyens »</a>. Créés par l’association éponyme, ses contenus visent à éduquer les enfants aux valeurs de la République, à la citoyenneté et aux droits de l’homme. Cette chaîne propose des vidéos ludiques et pédagogiques qui abordent de nombreux sujets de société tels que la liberté d’expression, la laïcité pour n’en citer que quelques-uns.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224523/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Exposés par leurs parentes sur les réseaux sociaux, les « kid influencers » constituent un phénomène lucratif mais controversé en raison des questions éthiques et juridiques qu’il soulève.Elodie Jouny-Rivier, Enseignant-chercheur en marketing, ESSCA School of ManagementDouniazed Filali-Boissy, Professeure Associée - Département Marketing, ICN Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2204372024-01-25T14:53:19Z2024-01-25T14:53:19ZCulture pornographique et télé-réalité : quand l’inceste envahit nos écrans<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/570917/original/file-20240123-27-4v3kbw.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C10%2C997%2C570&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Kelle embrasse son fils Joey, image de promotion de l’émission MILF Manor, 2023. </span> <span class="attribution"><span class="source">TLC</span></span></figcaption></figure><p>Dans l’émission de télé-réalité <em>Loft Story</em>, la désormais célèbre « scène de la piscine », dans laquelle il y aurait eu un rapport sexuel filmé entre Loana et Jean-Édouard, fait les gros titres en 2001. À ce moment-là, la polémique que suscite l’émission est symptomatique d’une panique morale plus large qui accompagne l’émergence de la télé-réalité en France : un genre télévisuel que certains appellent alors la « télé-poubelle » ou autrement dit en anglais la « trash TV ».</p>
<p>Plus de vingt ans après <em>Loft Story</em>, l’émission <em>Frenchie shore</em> diffusée fin 2023 sur la plate-forme de streaming payante Paramount+ et sur MTV fait à son tour scandale. Alors qu’elle donne à voir de manière bien plus explicite des personnes assumant « baiser devant les caméras » pour reprendre les mots d’Ouryel, une candidate de l’émission, <em>Frenchie Shore</em> montrerait alors, selon une journaliste de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=TrjrU1MVIXI"><em>C l’hebdo</em></a>, une « image assez particulière de la sexualité ».</p>
<p>Si certains sonnent alors le retour de « la vraie télé-réalité » avec <em>Frenchie Shore</em>, considérée comme l’émission la plus « trashissime » jamais diffusée en France, ce genre d’émissions n’est pourtant pas nouveau. On pense à <em>L’île de la tentation</em> (diffusée à partir de 2002 sur TF1), <em>Opération séduction aux Caraïbes</em> (2002), <em>Secret Story</em> (première diffusion en 2007), <em>Les Anges de la télé-réalité</em> (diffusée pendant 10 ans à partir de 2007 également), <em>Les Marseillais</em> (de 2012 à 2022) ou encore <em>Adam recherche Eve</em>, une émission de <em>dating</em> diffusée en 2015 sur la chaîne C8, dans laquelle des hommes et des femmes se rencontrent totalement nus sur une île déserte.</p>
<h2>Les bikinis shows : sexualité et nudité au programme</h2>
<p>En fait, l’émission <em>Frenchie Shore</em>, dans laquelle de jeunes gens passent des vacances plutôt torrides dans une villa au Cap d’Adge, pourrait être classée du côté de ce que l’industrie appelle en anglais les bikinis shows : des émissions aux couleurs saturées, qui reposent sur un casting de jeunes adultes, hommes et femmes aux plastiques standardisées. </p>
<p>Notons par ailleurs que la plate-forme de streaming Netflix a elle aussi investi dans les <em>bikinis shows</em>, en diffusant par exemple depuis 2020 l’émission <em>Séduction haute tension</em> (<em>Too Hot to Handle</em> en anglais), dans laquelle les téléspectateurs assistent aux ébats sexuels des participantes et participants qui doivent pourtant rester chastes (sous peine de voir leur cagnotte collective diminuer à chaque transgression). Connue pour être désormais l’émission « la plus chaude » de Netflix, cette émission de télé-réalité américaine a depuis été déclinée dans plusieurs versions, comme en Allemagne ou au Brésil par exemple.</p>
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<p>En ce qui concerne <em>Frenchie Shore</em>, le producteur de l’émission précise que « ce n’est pas de la pornographie ». Pour ne pas franchir ce qui semblerait être les limites communément admises de ce qu’est ou non un contenu pornographique, les producteurs font usage de stratégies variées : floutages des parties génitales, images filmées en caméra infrarouges, <em>smiley</em> cachant des actes sexuels telles que des fellations ou des pénétrations, etc. Par ces procédés, les émissions de télé-réalité jouent de fait avec les limites de la pornographie, et en France, dans un contexte de nouvelle légifération entourant l’accessibilité des contenus pornographiques, l’émission <em>Frenchie Shore</em> fait sensation. Si l’émission ne peut être qualifié de « contenu pornographique » en tant que tel, elle permet néanmoins de poser la question des circulations entre télé-réalité et pornographie.</p>
<p>Subrepticement, l’émergence des thématiques incestueuses dans la télé-réalité permet d’approfondir la nature de ces liens et leurs conditions d’existence : d’autres émissions, cette fois-ci américaines mais disponibles aussi en France, s’emparent en effet plus manifestement des codes de la pornographie mainstream, en s’appuyant notamment sur la trend pornographique de l’érotisation de l’inceste, et méritent que l’on y prête une plus grande attention.</p>
<h2>« Dans la famille sexy », je demande… la mère et le fils !</h2>
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<span class="caption">Joey et sa mère, « ça va être une période effrayante » en parlant de l’émission de télé-réalité <em>MILF Manor</em> (2023).</span>
<span class="attribution"><span class="source">TLC</span></span>
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<p>En 2023, les émissions américaines <em>MILF Manor</em> (diffusé sur TLC en 2023) puis <em>Dated and Related</em> (en français <em>Dans la famille sexy</em> diffusée sur Netflix la même année) s’inscrivent dans la dynastie des bikinis shows, mais avec un twist narratif inédit : la co-présence de frères et sœurs (parfois jumeaux) ou de mères et de leurs fils dans les villas faisant office d’espaces de séduction clos.</p>
<p>Ainsi, <em>MILF Manor</em> filme huit femmes âgées de 44 à 60 ans cherchant à rencontrer des hommes plus jeunes qu’elles et à entamer une relation avec l’un d’entre eux. Mais « surprise », les huit jeunes hommes qui les rejoignent dans la villa ne sont autres que leurs fils respectifs, âgés de 20 à 30 ans environ. Dans l’émission <em>Dated and Related</em>, présentée par la plate-forme comme son émission la plus « gênante », des duos composés de frères et de sœurs ou de cousines et de cousins se rencontrent et cherchent à relationner sous l’œil plus ou moins complaisant de leurs collatéraux, dans une villa située dans les hauteurs de Cannes.</p>
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<span class="caption">Les sœurs jumelles Diana et Nina dans l’émission Dated and Related (<em>Dans la famille sexy</em> en français) 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Netflix</span></span>
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<p>À première vue, <em>MILF Manor</em> et <em>Dated and Related</em> pourraient appartenir à la lignée des émissions portées sur l’investissement de membres de la parenté dans la planification et le jugement de relations conjugales ou matrimoniales d’un·e des leurs (comme dans <em>Qui veut épouser mon fils ?</em> ou encore par exemple <em>Ma mère, ton père, l’amour et moi</em>, diffusée récemment sur TF1). Mais contrairement à ces émissions, l’enjeu entre les candidats appartenant à la même famille n’est pas l’intégration par la conjugalité d’un nouveau membre dans leur famille.</p>
<p>Les émissions <em>MILF Manor</em> et <em>Dated and Related</em> portent en effet sur la vie affective et sexuelle des candidates et candidats et s’inscrivent de cette façon dans le genre des bikinis shows et se distinguent par plusieurs aspects des émissions engageant les membres d’une même famille. D’abord, elles mettent en scène des corps standardisés et hypersexualisés propres aux codes de la pornographie mainstream.</p>
<p>Ensuite, le fait que les duos « mères/fils » dans <em>MILF Manor</em>, ou les duos de sœurs, de cousins, etc. dans <em>Dated and Related</em> soient simultanément à la recherche d’un partenaire dans le même espace clos est une mécanique narrative inédite dans la télé-réalité. Ainsi, dans ces deux émissions, les membres de la famille commentent les désirs des uns et des autres ou ce que chacun décide de faire avec son corps, dans sa vie intime : des sujets qui les invitent à se sexualiser mutuellement, ce qui est généralement esquivé dans les <em>dating shows</em> impliquant les familles des candidat·e·s.</p>
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<span class="caption">Le défi massage dans <em>MILF Manor</em>, lors duquel les fils massent chacune des mamans à l’aveugle, 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">TLC</span></span>
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<p>Par ailleurs, <em>MILF Manor</em> joue de manière plus flagrante sur l’ambiguïté produite par la co-présence de celles et ceux présentés tout au long de l’émission comme les « moms » et les « sons » (en français « les mamans » et les « fils »). En effet, les duos mère-fils partagent une même chambre, ce qui ne les empêche pas d’avoir simultanément des invité·e·s dans leurs lits respectifs. Une confusion des générations est constamment mise en scène, des « moms » étant successivement amenées à « esquiver » d’autres MILFS pour s’acoquiner avec les « sons » sans se faire prendre, puis à exprimer une réprobation toute maternelle quant aux choix de fréquentations de leurs fils.</p>
<p>L’humour et le scandale reposent ainsi sur le risque érotisé de l’inceste et la suggestion de son existence, puisque les « défis » consistent par exemple, pour les mères, à reconnaître le torse de leur fils, les yeux bandés, en palpant un à un les garçons. En retour, les « sons » seront notamment invités à réaliser des massages sensuels, les yeux bandés, sur les dos nus de chacune des « moms ». Tous auront également à reconnaître un maximum de sous-vêtements sales appartenant à leur mère/fils pour obtenir une victoire.</p>
<h2>L’inceste : une nouvelle trend de la télé-réalité ?</h2>
<p>C’est avant tout dans l’industrie pornographique que l’inceste est devenu omniprésent au fil des dernières années, comme l’explique Ovidie dans <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-culture-de-l-inceste-collectif/9782021502053"><em>La culture de l’inceste</em></a> à travers un article sur la « step-mom » (belle-mère), « le tag le plus recherché au monde » sur les sites pornographiques.</p>
<p>Dans la pornographie, elle explique que l’inceste est montré comme fun et consenti. Outre les scénarios incestueux, il arrive également que des acteur·rices apparenté·e·s tournent ensemble dans des vidéos, tandis que des pages X (Twitter), Instagram ou Onlyfans proposent leur lot de contenus érotiques amateurs mettant en scènes des frères, des sœurs, des jumeaux. Les émissions <em>Dated and Related</em> et <em>MILF Manor</em> capitalisent de fait sur cette tendance pornographique pour capter l’attention du public.</p>
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<p>Cela étant, la pirouette narrative de l’émission consiste au montage à accompagner systématiquement ces moments d’érotisation de l’inceste par les commentaires de candidat·e·s exprimant soit du dégoût, soit de l’excitation, mettant ainsi en exergue l’ambiguïté attendue dans la réception de ces scènes. Il s’agit donc de suggérer l’éventualité de la transgression (ici incestueuse), sans que celle-ci ne soit jamais actualisée, pour reprendre l’analyse de la chercheuse Divina Frau-Meigs dans un <a href="https://core.ac.uk/download/pdf/15502322.pdf">article</a> qu’elle consacre aux liens entre télé-réalité et pornographie en 2003.</p>
<p>Si s’appuyer sur la culture de l’inceste dans la télé-réalité semble relativement nouveau, dans la pornographie, cette tendance est en revanche loin d’être marginale. Les journalistes de <em>Cash Investigation</em> (France TV, 2023) expliquent <a href="https://www.france.tv/france-2/cash-investigation/5247165-porno-un-business-impitoyable.html">par exemple</a> que des sites pornographiques s’obligent en fait à « défaire » les liens de parenté dans leurs titres (en ajoutant par exemple « step » devant « brother and sister » ou devant « moms ») pour que les vidéos soient diffusables et ne soient pas qualifiées d’incestueuses. La popularité de l’inceste dans la pornographie souligne ainsi une contradiction entre les discours publics de rejet et de dégoût en réaction à l’inceste (et donc aux émissions citées), et entre l’excitation générée par la consommation de contenus en privé.</p>
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<h2>Décloisonner certains imaginaires pornographiques</h2>
<p>Il est important de souligner que la télé-réalité fait l’objet d’une forte dévaluation sociale, ici en montrant notamment dans <em>Frenchie Shore</em> des formes de sexualités jugées socialement inacceptables car considérées « trop vulgaires » et « débridées ». En fait, cette émission, comme beaucoup d’autres avant elle, brouille les frontières du public et de l’intime et s’inscrit dans un mouvement plus général de publicisation de l’intime, alors au cœur du « modèle néolibéral » (comme le note plus précisément Divina Frau-Meigs). Cela dit, la nouveauté dans <em>Frenchie Shore</em>, c’est qu’en plaçant la sexualité au cœur de son dispositif télévisuel de manière explicite, elle pousse le brouillage à son paroxysme, rendant alors quasi-visibles des choses qui demeurent habituellement cachées, sauf dans le cadre de la production pornographique. De la même manière, ce qui suscite l’indignation dans <em>Dated and Related</em> et <em>MILF Manor</em>, c’est que des éléments de l’intimité des candidat·e·s sont exposés et commentés par des membres de leur famille.</p>
<p>Quoi qu’en disent plusieurs journalistes et internautes, notons que ces émissions de télé-réalité ne traduisent pas un intérêt nouveau pour l’inceste. À ce titre, il est important de rappeler que l’érotisation des relations incestueuses est un procédé récurrent des productions culturelles (comme le démontre Iris Brey dans <em>La culture de l’inceste</em>), qui nourrissent la culture de l’inceste et en occultent le véritable phénomène social : les violences sexuelles intrafamiliales commises sur les enfants, dont nous savons aujourd’hui qu’elles concernent un <a href="https://facealinceste.fr/blog/publication/comment-nous-arrivons-au-chiffre-de-1-francais-sur-10-victime-d-inceste">enfant sur dix</a> et qu’elles relèvent de l’exercice d’une domination.</p>
<p>Finalement, la question n’est donc pas de savoir si ce type d’émissions se place ou non à la limite de la pornographie, mais d’analyser la manière dont la télé-réalité décloisonne certains imaginaires pornographiques et les propulse dans la sphère publique. Filmer des actes sexuels ou érotiser l’inceste s’inscrit dans la continuité de circulations et d’emprunts qui s’opèrent entre le genre de la télé-réalité et la pornographie. </p>
<p>Alors que ces représentations ne semblent guère entaillées par une période de lutte renouvelée contre les violences sexuelles intrafamiliales, la place d’un inceste illusoire, car « fun » et « consenti », dans ce genre de contenus qui troublent la notion de réalité, doit être questionnée de manière critique. Cela, dans un contexte où les productions culturelles montrant la violente réalité de l’inceste demeurent rares. La réception de certaines d’entre elles, tel que <em>Triste Tigre</em> de Neige Sinno qui a remporté les prix Femina et le Goncourt des lycéens en 2023, atteste d’ailleurs d’un intérêt renouvelé pour ces récits restituant les réalités subies par les victimes. Ainsi, la question de l’inceste ne cesse de mettre la société face à ses propres contradictions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220437/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La télé-réalité décloisonne certains imaginaires pornographiques et les propulse dans la sphère publique.Aziliz Kondracki, Doctorante en anthropologie, École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)Corentin Legras, Doctorant en athropologie, École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2191372023-12-05T16:57:22Z2023-12-05T16:57:22ZGrève des livreurs Uber Eats : le dialogue social dans l'impasse ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/563297/original/file-20231204-21-ed3zwj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=21%2C19%2C1162%2C876&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les livreurs Uber Eats ont cessé le travail le premier week-end de décembre.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/harry_nl/49470038047">Flickr/Harry_nl</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Depuis une dizaine d’années, les conditions de travail des livreurs des plates-formes font les gros titres des actualités françaises : conflictualité suite aux <a href="https://www.latribune.fr/technos-medias/pedaler-plus-pour-gagner-moins-les-livreurs-deliveroo-protestent-contre-leur-precarite-746792.html">baisses successives des tarifications chez Deliveroo</a> depuis 2017, condamnations de <a href="https://actu.fr/ile-de-france/paris_75056/la-plateforme-de-livraison-take-eat-easy-jugee-a-paris-pour-travail-dissimule_54665351.html">Take Eat Easy</a> et <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/travail-dissimule-la-plateforme-deliveroo-condamnee-a-verser-9-7-millions-d-euros-a-l-urssaf-4099330">Deliveroo</a> pour travail dissimulé. Dernière actualité en date, les livreurs Uber Eats se sont mobilisés le premier week-end de décembre, à l'appel du syndicat Union-Indépendants, des fédérations CGT Transports et SUD-Commerces, contre le nouveau système de rémunération dite dynamique lancé le 10 octobre dernier.</p>
<p>Ce système vise à introduire plus de variabilité dans la rémunération en fonction du temps et de la distance parcourue calculée par un algorithme, avec la promesse d’augmenter le revenu moyen, selon Uber Eats. Cependant, les livreurs et leurs représentants critiquent cette approche, constatant une diminution de leurs revenus et un changement unilatéral de leurs conditions de travail, sans consultation ni négociation.</p>
<h2>L’impasse de l’autorégulation</h2>
<p>Face à ces enjeux, comment améliorer les conditions de rémunération et de travail des livreurs des plates-formes ? Une proposition consisterait à encourager l’autorégulation des plates-formes, les incitant à prendre en compte les intérêts de toutes leurs parties prenantes, au-delà de la simple création de valeur pour les propriétaires d’entreprise.</p>
<p>Au-delà de l’augmentation des tarifs, l’autorégulation pourrait conduire à des conditions qui permettent de placer les individus en situation de développer leurs propres compétences. En rendant transparents les outils algorithmiques de gestion et en intégrant les travailleurs dans la gouvernance, cette autorégulation renforce leur poids dans la prise de décision sur les critères guidant leur travail.</p>
<p>En somme, l’autorégulation pourrait favoriser une conciliation entre les objectifs économiques des plates-formes et le bien-être des travailleurs, surtout pour celles mettant en avant un travail qualifié et un lien de confiance entre travailleurs et plate-forme, <a href="https://www.cairn.info/revue-rimhe-2021-2-page-27.htm">à l’instar des hôtes Airbnb</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1730474260605374883"}"></div></p>
<p>Cependant, ces approches d’autorégulation peinent à convaincre les plates-formes caractérisées par un travail peu qualifié et routinier, où les tâches peuvent être facilement parcellisées en microactions (aller au restaurant, récupérer la commande, se déplacer chez le client, livrer la commande, attendre une nouvelle mission, et retourner près des restaurants), surveillées à distance grâce à la géolocalisation et au prélèvement automatique de données smartphones.</p>
<p>Dans un marché où le principe du « <em>winner takes all</em> » (le gagnant rafle tout) prévaut, les entreprises oligopoles peuvent être tentées d’abuser de leur pouvoir, rendant l’autorégulation inefficace. Cette réalité a été mise en lumière lors d’une réunion interne le 21 novembre entre Uber Eats et les représentants internes des livreurs, où les revendications sur les rémunérations ont été ignorées.</p>
<p>Ce manque de réaction reflète une vision néo-taylorienne du travail, considérant les conflits comme le résultat d’une prétendue tendance à la paresse naturelle des travailleurs, lesquels refuseraient l’idéal méritocratique et le paiement à la juste valeur des efforts déployés dans l’accomplissement de leurs missions.</p>
<p>Aux yeux d’Uber Eats et de la <a href="https://www.federation-auto-entrepreneur.fr/presse/greve-livreurs-fnae-ne-soutiendra-mobilisation">Fédération nationale des autoentrepreneurs</a> (FNAE), la mobilisation des livreurs est vue comme illégitime. Face à cette résistance intraitable du travail réel, les plates-formes numériques nourrissent l’utopie du remplacement du travail humain par celui des machines, envisageant des <a href="https://siecledigital.fr/2023/04/21/uber-eats-lance-une-nouvelle-experimentation-de-livraison-autonome-dans-la-banlieue-de-washington/">voitures autonomes, drones ou robots</a> pour remplacer les livreurs. <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/en-attendant-les-robots-antonio-a-casilli/9782021401882">En attendant les robots</a>, prenons soin du présent…</p>
<h2>Le législateur face aux plates-formes</h2>
<p>Face aux plates-formes numériques peu enclines à améliorer les conditions de travail de leurs travailleurs, perçus comme indépendants et ayant la liberté de contracter ou de cumuler des activités, les autorités publiques à différents niveaux, qu’il s’agisse des régions (comme l’AB5 en Californie votée en 2019, remise en cause par la justice début 2023), des nations (comme la loi sur les « <em>riders</em> » en <a href="https://www.liberation.fr/economie/travailleurs-des-plateformes-en-espagne-le-grand-chamboule-tout-du-salariat-20211209_22MBH6KVBJH2NB6P5AQ3A4JDTE/">Espagne</a> obligeant la salarisation des livreurs depuis 2021) ou des instances supranationales, adoptent une approche de régulation du secteur.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1370314624441061379"}"></div></p>
<p>En Europe, un projet de directive européenne, <a href="https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/uber-heetch-deliveroo-que-prevoit-la-directive-europeenne-sur-les-travailleurs-des-plateformes/">proposé en décembre 2021, cherche</a> à instaurer une « présomption de salariat » avec cinq critères : la rémunération fixée par la plate-forme, le port d’uniforme obligatoire, l’interdiction de travailler pour d’autres entreprises, l’interdiction de refuser des missions, et des horaires fixés par la plate-forme avec supervision des prestations à distance.</p>
<p>Si au moins deux de ces critères sont présents, la plate-forme serait qualifiée d’« employeur » et soumise au code du travail national. Les eurodéputés doivent encore surmonter des divergences importantes, le texte final n’étant pas encore voté, et sa mise en application étant envisagée au mieux en 2025, voire plus tard.</p>
<p>Dans ce paysage régulateur, la France se démarque en cherchant à promouvoir le dialogue social entre travailleurs et plates-formes numériques, tout en rejetant le cadre salarial. Les élections professionnelles de l’Autorité des relations sociales des plates-formes d’emploi (ARPE), en mai 2022, ont ainsi constitué une expérimentation inédite. Cependant, cette initiative a été affaiblie par un taux de participation très bas des livreurs (de l’ordre de 1,83 %) et le refus de certains collectifs de participer à l’élection.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1526197567205392386"}"></div></p>
<p>De manière ironique, le dialogue social orchestré par l’ARPE a conduit à la conclusion d’un <a href="https://www.arpe.gouv.fr/wp-content/uploads/2023/07/Accord-garantie-minimale-revenus-les-livreurs.pdf">accord sectoriel en avril 2023</a>, établissant une garantie minimale de revenu horaire à 11,75 euros hors taxe, principalement sous l’impulsion de la FNAE.</p>
<p>Cet accord a suscité une vive controverse et une opposition, notamment de la part d’<a href="https://pbs.twimg.com/media/FvOc8ryWIAIC1_U">Unions-Indépendants</a>, car il garantissait une rémunération basée uniquement sur le temps actif de livraison, excluant le temps connecté et passé en attente de nouvelles commandes et en préparation par le restaurateur. Il s’est avéré que ce revenu minimal était inférieur à ce que percevaient déjà la majorité des livreurs avant la conclusion de l’accord.</p>
<h2>Heurs et malheurs du dialogue social</h2>
<p>Le mouvement de grève des livreurs Uber Eats du week-end dernier met clairement en évidence les limites de cette expérimentation du dialogue social. Les plates-formes dominantes utilisent en effet le dialogue social comme un moyen de légitimer leur modèle d’affaires en concluant des accords superficiels qui ne remettent pas en question leur mode de fonctionnement.</p>
<p>Ce dialogue social a également été entravé par le refus des grandes plates-formes d’ouvrir leurs algorithmes et d’engager des discussions à leur sujet. Dans le même temps, les plates-formes minoritaires, qui aspirent à adopter un modèle d’affaires respectueux des parties prenantes, en particulier des livreurs, se retrouvent invisibilisées.</p>
<p>Toutes ces difficultés font émerger un questionnement plus large : à l’heure où l’âge d’or des plates-formes semble derrière nous, il est impératif de réfléchir à la transition du modèle économique de ces plates-formes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219137/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Pour mieux protéger les travailleurs des plates-formes, la France vise, avec peu de succès pour l’instant, à renforcer le dialogue social. Le salariat ou l’autorégulation pourraient être des réponses.Sophia Galière, Maîtresse de conférences en sciences de gestion, Université Côte d’AzurPauline de Becdelièvre, Maître de conférence/ enseignant-chercheur, École Normale Supérieure Paris-Saclay – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2158572023-11-16T17:18:17Z2023-11-16T17:18:17ZDes planches de dessin à l’écran : que sont nos superhéros devenus ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/557534/original/file-20231103-25-2puvta.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=22%2C13%2C968%2C476&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le personnage de _The Deep_ a complètement changé d'apparence entre le comic-book et son adaptation sérielle dans _The Boys_. </span> </figcaption></figure><p>Des pages de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/bande-dessinee-bd-27413">bandes dessinées</a> aux plates-formes numériques de vidéo à la demande (VOD), nombreux sont les <a href="https://theconversation.com/topics/super-heros-65409">superhéros</a> à avoir transposé leur récit haut en couleur dans un format sériel plus réaliste et contemporain depuis les années 2010 : de Batman (avec la série <em>Gotham</em> diffusée sur la Fox en 2014 puis sur Netflix) à <em>Daredevil</em> (Netflix, 2015), en passant par <em>The Watchmen</em> (HBO, 2019 et Canal VOD) ou <em>The Boys et Gen V</em> (Prime Video, 2019 et 2023).</p>
<p>Dernièrement, c’est le manga <em>One Piece</em> qui a fait l’objet d’une adaptation en « live action » sur <a href="https://theconversation.com/topics/netflix-53737">Netflix</a>, en cassant tous les codes de son média originel pour transposer son récit de façon plus conforme au format des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/series-22175">séries</a>, en <a href="https://www.lepoint.fr/culture/one-piece-l-adaptation-de-tous-les-records-31-08-2023-2533489_3.php">battant de nombreux records</a>.</p>
<p>Longtemps cantonnés aux superpouvoirs et à une représentation fantaisiste dans les comics, les superhéros doivent dépasser leur statut de surhommes. Les scénaristes de séries redoublent d’ingéniosité pour les reconnecter à notre réalité en introduisant dans le récit des problématiques plus contemporaines, en exploitant davantage des personnages secondaires ou bien encore en redessinant les contours du genre pour donner un nouveau souffle au superhéros. Que reste-t-il du genre super-héroïque né dans les pages de comics ? Les superhéros ont-ils vraiment changé au cours de leur passage du médium bédéique à la série ?</p>
<h2>De héros en superhéros : un modèle générique</h2>
<p>Depuis l’Antiquité, nous sommes confrontés à toute une palette de héros, qu’ils soient fictifs ou réels, dont on garde un souvenir immortel et qui entretiennent encore aujourd’hui l’imaginaire collectif. Des plus célèbres héros grecs aux héros médiatiques contemporains, nous pouvons discerner un modèle générique du mythe héroïque avec <a href="https://www.le-livre.fr/livres/fiche-ro60052302.html">l’alternance « naissance-mort-renaissance »</a>. Du statut de héros à celui de superhéros, il n’y a alors qu’un pas, puisque les superhéros suivent également cette <a href="https://www.fabula.org/actualites/105543/les-superheros-que-sont-nos-heros-devenus--f-toudoire.html">dialectique de l’ombre à la lumière</a>.</p>
<p>L’immortalité est ainsi une composante intrinsèque aux deux modèles. Des <em>comics</em> ont déjà mis en récit la mort d’illustres superhéros comme Superman en 1993 ou encore Captain America en 2007 : ces derniers ont toujours été ressuscités. L’immortalité est d’autant plus caractéristique du modèle super-héroïque que nous la retrouvons dans différentes adaptations (séries télévisées, films, etc.).</p>
<p>Le dernier exemple majeur en date est la mort de Superman dans le film <em>Batman v Superman : l’Aube de la Justice</em> (2016), ressuscité dans la suite de la franchise cinématographique Superman adaptée par Zack Snyder <em>Justice League</em> (2017, 2021).</p>
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<figcaption><span class="caption">Les funérailles de Superman dans le film <em>Batman v Superman : l’Aube de la Justice</em> (2016).</span></figcaption>
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<h2>Du comic-book à la série : raconter autrement</h2>
<p>Cependant, si le modèle super-héroïque suit en partie celui du héros, il n’en possède pas moins <a href="https://www.fabula.org/actualites/105543/les-superheros-que-sont-nos-heros-devenus--f-toudoire.html">ses propres codes (drame familial, transformation, etc.)</a> qu’il peut décliner d’un média à l’autre.</p>
<p>Les développements narratifs de Batman dans les différents médias démontrent à ce titre le potentiel « médiagénique » du personnage bédéique créé par Bob Kane et Bill Finger. Selon le chercheur Philippe Marion, la <a href="https://ojs.uclouvain.be/index.php/rec/article/view/46413">« médiagénie » d’un projet narratif</a> définit sa capacité à se réaliser de manière optimale en choisissant le partenaire médiatique qui lui convient le mieux.</p>
<p>En effet, les aventures de l’homme chauve-souris ne cessent de s’inventer et de se réinventer au fil des adaptations médiatiques <a href="https://journals.openedition.org/communication/7376">comme nous l’avions démontré dans une recherche</a>. Et chaque média a la possibilité de piocher des éléments dans l’univers fictionnel de Batman pour développer un récit spécifique, suivant ses propres caractéristiques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/9-11-que-sont-nos-super-heros-devenus-lexemple-de-batman-167199">9/11 : que sont nos super-héros devenus ? L’exemple de Batman</a>
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<p>C’est le cas de la série télévisée tirée du récit de Batman, <em>Gotham</em>, qui narre les aventures de l’inspecteur James Gordon dans la ville au sein de laquelle pullulent de nombreux criminels. Dans l’épisode pilote de la série, nous assistons à la mort des parents de Bruce Wayne, l’homme au masque de chauve-souris, qui est un élément déjà présent dans le <em>comic book</em> d’origine.</p>
<p>La série puise son originalité en proposant tout un pan inexploré de l’histoire de Batman dans des épisodes centrés sur les origines de ses plus illustres vilains. La pègre de Gotham y est décrite de façon détaillée dans la première saison à travers l’affrontement des gangs Falcone et Maroni, alors que la deuxième saison, sous-titrée <em>Rise of the Villains</em>, peint le portrait des figures antagonistes de Batman, du Pingouin au Joker, en passant par <em>Catwoman</em> ou <em>The Riddler</em>.</p>
<p>En ce sens, il ne s’agit plus seulement de tirer des ficelles narratives déjà exploitées par les bandes dessinées, mais aussi de <a href="https://journals.openedition.org/narratologie/10401?fbclid=IwAR2oaHm3L9O-_znLcGijuRzIfIfDmlvCbTnyc0qFF91j6XpNdMSKTRc5XHc">construire de nouveaux possibles dans l’histoire de Batman</a> à partir de la genèse de ses ennemis.</p>
<p>Ce qui n’est pas dit dans les comics devient ainsi le terrain d’exploitation du récit dans la série, <a href="https://deadline.com/2014/01/tca-foxs-gotham-series-will-feature-all-classic-batman-characts-including-bruce-wayne-663597/">comme l’explique Kevin Reilly (2014), patron de la Fox</a> : « la série suivra Bruce de ses jeunes années jusqu’au moment où il enfile la cape, dans le dernier épisode » – avant de continuer sur les super-méchants – « on verra comment ils deviennent ce qu’ils sont, alors que Gotham est au bord du gouffre ».</p>
<p>Le format sériel semble alors le plus adapté à ce déploiement narratif dans la mesure où le temps du récit est davantage étalé dans la durée avec des épisodes de 50 minutes et des saisons de 22 épisodes.</p>
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<figcaption><span class="caption">Gotham Season 2 Promo « Villains Rising ».</span></figcaption>
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<h2>Redessiner les contours du genre</h2>
<p>Nous retrouvons la même volonté de s’écarter du récit d’origine du <em>comic-book</em> avec la série <em>The Watchmen</em>, produite par HBO en 2019. Contrairement à l’adaptation cinématographique du même nom sortie 10 ans plus tôt, la série prend le parti de jouer avec la temporalité du récit en prenant place dans notre présent. Il ne s’agit donc pas d’une adaptation de l’œuvre originale, mais d’une suite se déroulant de nos jours.</p>
<p>Dans cette série, le spectateur suit le personnage de Angela Abar (<em>Sister Night</em>), une ancienne policière qui prend une identité super-héroïque pour combattre le crime dans la ville de Tulsa (située en Oklahoma). Les premiers épisodes élaborent une intrigue autour d’une mystérieuse organisation de suprématistes blancs appelée « La 7<sup>e</sup> cavalerie ».</p>
<p>Le sixième épisode de la première saison intitulé <em>Cet être extraordinaire</em> marque un tournant dans la construction de la série en réinvestissant le passé du <em>comic book</em>. En effet, il offre une « origin story » à l’un des personnages les plus discutés de l’œuvre originale : <em>Hooded Justice</em>. Dans cet épisode, Angela va non seulement comprendre que son grand-père est le premier superhéros de l’histoire nord-américaine, mais surtout que sa transformation est le résultat d’une injustice sociale et raciale fondamentale.</p>
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<figcaption><span class="caption">Watchmen : Épisode 6 Promo (HBO).</span></figcaption>
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<p>Lindelof, le « showrunner » (directeur de la série), consacre à <em>Watchmen</em> une mythologie alternative où le premier superhéros naît d’un traumatisme du racisme, de la ségrégation et du Ku Klux Klan. Symboliquement, la cagoule de Reeves ressemble à celle des membres du KKK, sauf que celle-ci est noire, comme une réponse métaphorique. En effet, Lindelof offre une <a href="https://www.lesinrocks.com/series/pourquoi-lepisode-6-de-watchmen-fera-date-dans-lhistoire-des-series-191686-27-11-2019/">réécriture des origines d’un genre</a> :</p>
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<p>« Le premier superhéros des États-Unis était un Noir, portant un masque pour dissimuler sa couleur de peau, qui protégeait les minorités des injustices d’un système profondément vicié. Ses successeurs deviendront les marionnettes de ce même système, et le visage triomphant d’une Amérique sclérosée, rongée par ses propres morsures. Cet être extraordinaire n’est ni plus ni moins que l’histoire oubliée d’une appropriation culturelle masquée. »</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-la-serie-watchmen-reinvente-la-genese-du-super-heros-146610">Comment la série « Watchmen » réinvente la genèse du super-héros</a>
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<p>Dans cette relecture contemporaine de la genèse du premier superhéros, <a href="https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/10/21/watchmen-les-supremacistes-prennent-les-armes_6016369_3246.html">plutôt bien accueillie par la critique</a>, nous retrouvons bien le costume distinctif (la cagoule et la corde notamment), la double vie (policier/superhéros) et les pouvoirs surhumains (Will est physiquement plus fort que les autres personnages). Néanmoins, Lindelof offre une lecture acerbe et violente de cette idée d’origine en réinvestissant les figures tutélaires du genre.</p>
<h2>Que sont nos superhéros devenus ?</h2>
<p>Transposé au récit sériel et à une nouvelle temporalité, le modèle super-héroïque évolue. Dans la série <em>Gotham</em>, nous avons affaire à une pluralité de destinateurs et de transformations associée à une catégorie principale : les vilains. Dans cette reconfiguration narrative, le superhéros n’est plus le détenteur de l’<em>origin story</em> ni son sujet principal – la sérialité rebattant les cartes de la morphologie du récit super-héroïque.</p>
<p>Là où le comic-book se construit autour du combat entre le superhéros et l’opposant, la série désaxe le récit en explorant davantage les causes de cet affrontement, questionnant ainsi les fondements mêmes du récit super-héroïque. En redéfinissant le premier superhéros dans <em>Watchmen</em>, c’est le genre super-héroïque en lui-même qui est transformé. Cette idée traverse aussi bien des séries telles que <em>Smallville</em> (The WB 2001), <em>Arrow</em> (The CW 2012), <em>The Flash</em> (The CW 2014), <em>Titans</em> (Netflix 2018), etc., qui explorent toutes à leur manière la question du superhéros et du super-vilain. La transmédialité permet donc une nouvelle manière de penser le récit et de réactualiser la question suivante de manière constante : que sont nos superhéros devenus ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215857/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Aubrun ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les superhéros changent de costume et leurs histoires se transforment quand ils passent de la BD à la série. Comment parviennent-ils à s’adapter pour continuer à séduire le public ?Frédéric Aubrun, Enseignant-chercheur en Marketing digital & Communication au BBA INSEEC - École de Commerce Européenne, INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2172052023-11-16T17:13:57Z2023-11-16T17:13:57ZRecyclage : les entreprises sociales et solidaires face à un marché de plus en plus concurrentiel<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/559607/original/file-20231115-17-ve3vu8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=148%2C0%2C838%2C528&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La structure le Relais collecte aujourd'hui moins de vêtements : les consommateurs les revendent de plus en plus sur des plates-formes comme Vinted.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Conteneur_Relais_Avenue_Cond%C3%A9_St_Maur_Foss%C3%A9s_2.jpg">Wikimedia commons/Chabe01</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dans les années 1990, au Québec et en France, naissaient les entreprises de l’Économie sociale et solidaire (ESS), <a href="https://www.mois-ess.org/">mises à l’honneur en ce mois de novembre</a>, spécialisées dans le recyclage. Les ressourceries québécoises, dans le cadre de l’Alliance recherche universités collectivités en Économie sociale (ARUC-ES), cherchaient déjà à détourner les déchets de l’enfouissement ou de l’incinération, en développant des circuits de collecte, de revalorisation et de réemploi.</p>
<p>Au même moment, en France, des associations de solidarités internationales, collectant des encombrants et des équipements courants à destination des populations précaires en Afrique de l’Ouest et en Europe de l’Est, prenaient la forme d’« entreprise sociale d’insertion par l’économique », comme nous l’avions observé dans nos <a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2013-7-page-154.htm">travaux</a>. Via les régions de Picardie et des Hauts-de-France, la France a ensuite élargi son modèle de collecte-revalorisation-réemploi solidaire en 2000 avec ses premières ressourceries en milieu urbain et périurbain.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1723997097467265398"}"></div></p>
<p>Selon les chiffres publiés en 2023 par l’Observatoire national des ressourceries et recycleries (2023), on dénombrait en 2021 <a href="https://ressourceries.info/?ObservatoireAnnuelDesRessourceriesEtRecycl&vue=consulter&action=voir_fiche&id_fiche=ObservatoireAnnuelDesRessourceriesEtRecycl&message=modif_ok">158 structures</a> exerçant ce type d’activité. Depuis plus de 20 ans, ces organisations de l’ESS collectent, réemploient et valorisent les déchets qui proviennent soit des dépôts des particuliers (textiles, livres, vaisselles, bibelots, jouets, équipements de puériculture, meubles, etc.) soit des déchetteries.</p>
<p>En d’autres termes, comme le soulignait le sociologue Baptiste Montsaingeon dans son ouvrage <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/homo-detritus-baptiste-monsaingeon/9782021352603"><em>Homo detritus</em></a> (Éditions du Seuil, 2017) :</p>
<blockquote>
<p>« Après avoir enfoui les déchets, la pratique est devenue celle de leur réduction mais surtout de leur recyclage et de leur réutilisation. Avec l’économie circulaire, l’idéal d’un monde sans déchets, sans rebut, a créé un certain marché de la vertu écologique ».</p>
</blockquote>
<p>Or, ce contexte a incité des sociétés commerciales, hors du champ de l’ESS, à se saisir de cette opportunité de marché générée par l’essor de « business écologique ».</p>
<h2>La concurrence de Vinted</h2>
<p>Vinted en constitue à ce jour sans doute le meilleur exemple. Cette entreprise a été créée en Lituanie en 2008, sur un projet de marché de l’occasion du textile. Depuis, la plate-forme d’achat-vente de vêtements a bâti son succès en permettant au consommateur de faire des économies ou de gagner quelques euros tout en réalisant un « geste écolo », en l’occurrence la <a href="https://theconversation.com/le-vide-dressing-en-ligne-un-travail-volontaire-131814">réutilisation d’une pièce destinée au rebut</a>. L’entreprise Nord Sud Export a développé, de son côté, un commerce international de vêtements d’occasion hommes-femmes-enfants en quittant l’Europe où elle a été créée en 1985, pour <a href="https://www.europages.fr/NORD-SUD-EXPORT-FZC/00000005359365-001.html">rejoindre en 2003 les Émirats arabes unis</a>. Eurotex Discount, basée à Nantes, s’est également spécialisée dans la collecte et le recyclage de textiles en se déclarant <a href="https://www.europages.fr/EUROTEX-DISCOUNT/00000005357770-001.html">« grossiste en friperie »</a>.</p>
<p>En conséquence, ce type de stratégies participe à l’appauvrissement des acteurs de l’ESS déjà présents sur ce marché. Un certain nombre de ressourceries n’ont ainsi pas survécu à cette dynamique, à l’image de la Ressourcerie de l’Île en agglomération nantaise <a href="https://www.20minutes.fr/nantes/4026895-20230308-nantes-triste-fin-ressourcerie-ile-30-salaries-liquidation-judiciaire">placée en liquidation judiciaire en mars 2023</a> après 13 ans d’activité. Une entreprise comme Le Relais, dont les boîtes de collecte de vêtements, linge et chaussures sont présentes dans de nombreuses villes françaises, pâtit également d’une <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/haut-rhin/face-a-la-baisse-des-dons-de-vetements-cette-entreprise-solidaire-lance-l-alerte-notre-modele-economique-et-social-est-en-danger-2783662.html">baisse du nombre de pièces recueillies</a>, que les consommateurs préfèrent désormais revendre.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1633429408538058752"}"></div></p>
<p>Or, ces entreprises sociales portent des postes d’insertion par l’activité économique au service des personnes et du territoire. Mais, la perte d’activités de collecte, de tri, de revalorisation par le nettoyage ou <a href="https://www.cci.fr/actualites/lupcycling-cest-quoi">upcycling</a>, ou encore de réemploi via la filière de production d’isolant, peut <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/haut-rhin/face-a-la-baisse-des-dons-de-vetements-cette-entreprise-solidaire-lance-l-alerte-notre-modele-economique-et-social-est-en-danger-2783662.html">rapidement les mettre en difficulté</a> sociales et financières. Pourtant, ces entreprises de l’ESS ont été des innovatrices socioécologiques en défrichant une opportunité d’affaires devenue rentable que d’autres s’approprient sous objectif de profitabilité.</p>
<h2>Des entreprises pionnières de l’innovation</h2>
<p>Le Relais agit par exemple depuis 30 ans pour l’insertion de personnes en situation d’exclusion du marché du travail, en créant des emplois durables dans l’activité textile-linge de maison-chaussures : collecte, tri, réparation et valorisation. Pour ce faire, ce réseau a créé les premières entreprises à but socioéconomique (EBS). Le Relais, aujourd’hui membre d’Emmaüs France et de l’Inter réseaux de la fibre solidaire (IRFS), défend les valeurs de solidarité et de générosité défendues par l’abbé Pierre et l’ESS.</p>
<p>Ces entreprises d’ESS, qu’il convient de soutenir au service des personnes, des citoyens et des territoires dans le cadre du développement durable et de leur capacité d’innovation de rupture (projet, expérimentations, défrichage), doivent donc continuer à innover face à des sociétés commerciales qui interviennent désormais <em>via</em> l’économie circulaire sous processus d’innovations incrémentales.</p>
<p>C’est par exemple ce que nous montre le cas d’Envie autonomie, un réseau de magasins de matériel médical reconditionné. Lauréat du « French’Impact » en 2018, elle se transforme en Société commerciale d’intérêt collectif nationale (SCIC.N). Envie autonomie de manière à développer la collecte, la revalorisation des <a href="https://www.ouest-france.fr/normandie/alencon-61000/alencon-depuis-2020-envie-autonomie-remet-a-neuf-du-materiel-medical-et-le-revend-moitie-prix-dc33b008-0f6f-11ee-abf6-2faefa8435a8">matériels et équipements médicaux inutilisés</a> afin de les remettre à disposition à prix solidaire, et ce en respectant des conformités réglementaires. Une autre manière d’envisager un modèle d’économie écologique : l’ESS au service du développement durable !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217205/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pascal Glémain ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans le secteur textile, les consommateurs préfèrent de plus en plus revendre leurs vêtements sur des plates-formes comme Vinted que de les donner à des organismes qui les collectent.Pascal Glémain, Maître de Conférences (hors classe)-HDR en Sciences de Gestion-Management, spécialiste de l'ESS et du Management de la Soutenabilité, Université Rennes 2Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2166642023-11-02T20:57:59Z2023-11-02T20:57:59ZSport féminin : les médias sociaux ont-ils réussi là où les médias traditionnels ont échoué ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/556605/original/file-20231030-19-owtjmy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=70%2C19%2C1115%2C777&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Serena Williams, l’une des sportives américaines les plus présentes sur les réseaux sociaux.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/bosstweed/9666265544">Boss Tweed/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les médias sociaux (terme qui désigne les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reseaux-sociaux-20567">réseaux sociaux</a> comme Facebook ou Instagram, mais aussi les sites de partage de contenus, les blogs ou les forums) ont ouvert de nouvelles voies aux athlètes féminines, qui peuvent désormais non seulement montrer leurs prouesses athlétiques, mais aussi façonner leur <a href="https://theconversation.com/pourquoi-creer-son-image-de-marque-personnelle-110164">« marque personnelle »</a> (<em>personal branding</em>).</p>
<p>Par exemple, la superstar du tennis Serena Williams, retraitée des courts depuis octobre 2022, n’est pas seulement connue pour ses talents de joueuse mais aussi pour sa forte présence sur les médias sociaux. L’Américaine aux 23 titres du Grand Chelem utilise des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/plates-formes-31157">plates-formes</a> telles qu’Instagram et Twitter pour partager son parcours de mère, ses projets de mode et son plaidoyer en faveur de <a href="https://www.marca.com/en/tennis/us-open/2022/09/02/63117a05e2704e4e188b4579.html">l’égalité des sexes dans le sport</a>. La joueuse a ainsi été une figure de proue dans la lutte pour les droits des femmes dans le tennis, et sa présence sur les médias sociaux lui a permis d’étendre son influence au-delà du court.</p>
<p>Un autre exemple est celui de Megan Rapinoe, membre de l’équipe nationale féminine de football des États-Unis, qui a été reconnue non seulement pour ses talents de footballeuse, mais aussi pour son activisme social et politique. La joueuse utilise notamment les médias sociaux pour s’exprimer sur des questions telles que l’égalité des sexes, les droits des personnes <a href="https://olympics.com/en/news/megan-rapinoe-lgbtq-community-inspiration">LGBTQI+</a> et la justice raciale.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1654567971337977856"}"></div></p>
<p>Le troisième cas est celui de Simone Biles, une sensation de la gymnastique, qui s’est emparée des médias sociaux pour inspirer ses adeptes et se rapprocher d’eux. La gymnaste américaine partage ses routines, ses séances d’entraînement et ses moments personnels. Elle s’exprime également sur des questions telles que la <a href="https://www.turnbridge.com/news-events/latest-articles/simone-biles-mental-health/">santé mentale</a>, l’autonomisation des jeunes filles et la positivité du corps.</p>
<h2>Le sport féminin sous-représenté dans les médias traditionnels</h2>
<p>Mais qu’est-ce qui pousse les consommateurs à suivre ces athlètes féminines sur les plates-formes ? Nous avons publié une <a href="https://cgscholar.com/bookstore/works/instagram-users-motives-of-social-media-engagement-with-female-athletes?category_id=cgrn&path=cgrn%2F282%2F287">étude</a> sur ces motivations, qui révèle également comment ces <a href="https://theconversation.com/fr/topics/influenceurs-81090">influenceurs</a> s’emparent de ces outils pour s’émanciper du traitement historiquement réservé au <a href="https://theconversation.com/fr/topics/sport-feminin-113654">sport féminin</a>.</p>
<p>L’idée est que, tout au long de l’histoire, les athlètes féminines ont souvent été <a href="https://www.thenation.com/article/archive/slide-show-6-ways-media-represents-female-athletes/">jugées davantage pour leur apparence</a> que pour leurs compétences athlétiques dans les médias grand public. Cette focalisation erronée a créé une <a href="https://www.sportanddev.org/latest/news/15-rules-sports-media-representation-female-athletes">pression supplémentaire</a> pour les athlètes féminines, souvent au détriment de leurs véritables capacités et de leur potentiel. Cette situation a longtemps entretenu un <a href="https://rm.coe.int/bis-factsheet-gender-equality-sport-media-en/1680714b8f">manque persistant d’égalité</a> entre les hommes et les femmes dans le sport.</p>
<p>En fait, les sports féminins ont été globalement <a href="https://insider.fitt.co/changing-the-game-a-new-era-in-womens-sports/">mis à l’écart</a>, confrontés à des problèmes de sous-représentation ou de sous-financement par rapport aux sports masculins. Mais les médias sociaux contribuent désormais à changer la donne. Les athlètes féminines disposent en effet des outils nécessaires pour développer leurs propres récits, définir leur identité et amplifier leur voix.</p>
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<p>En créant du contenu et en interagissant avec les fans, ces athlètes ne sont donc plus seulement reconnues pour leurs prouesses sur le terrain : elles encouragent <a href="https://www.heraldsun.com.au/sport/womens-sport/insight/social-media-posts-pay-up-to-50k-each-for-australian-athletes-who-tops-the-rich-list/news-story/711551b4917ebd64473fb0a15b279079">l’esprit d’entreprise</a>, le sens de la communauté et l’autonomisation de leurs <em>followers</em>.</p>
<p>Par exemple, Olivia Dunne, gymnaste de l’université d’État de Louisiane, influenceuse et mannequin pour le magazine Sports Illustrated, a lancé le Livvy Fund en juillet 2023 pour aider les athlètes féminines de son université à obtenir des contrats de <a href="https://deadline.com/2023/07/lsu-gymnast-and-influencer-olivia-dunne-sets-fund-to-promote-lsu-women-college-athletes-1235432481/">nom, d’image et de licence (NIL)</a>. Dunne, considérée comme l’une des athlètes féminines les mieux payées en raison de ses gains considérables sur les médias sociaux, cherche ainsi à partager ses connaissances du secteur et ses relations avec d’autres étudiantes-athlètes et à élever le sport féminin dans le processus.</p>
<p><div data-react-class="TiktokEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.tiktok.com/@livvy/video/7278801190639537454 ?lang=fr"}"></div></p>
<p>Alors que les médias traditionnels n’ont pas réussi à capturer la véritable essence des athlètes féminines, les médias sociaux ont semble-t-il été en mesure d’ouvrir la voie à cet égard. Les consommateurs se sont ainsi détournés de la tendance des médias traditionnels à se focaliser sur l’apparence des athlètes féminines plutôt que sur leurs exploits sportifs.</p>
<h2>Au-delà des performances sportives</h2>
<p>En effet, les médias sociaux ont pu développer de nouveaux types de liens entre les consommateurs et leurs idoles.</p>
<p>D’abord, <strong>l’inspiration et l’autonomisation</strong> (<em>empowerment</em>) : de nombreuses personnes, en particulier les jeunes filles, considèrent les athlètes féminines comme des figures d’inspiration. Elles admirent le dévouement, le travail acharné et la persévérance dont ces athlètes font preuve dans leur carrière sportive. Les athlètes féminines utilisent les médias sociaux pour partager leurs histoires personnelles, leurs luttes et leurs réussites, ce qui constitue une source de motivation et d’encouragement pour ceux qui les suivent.</p>
<p>De même, de nombreuses athlètes féminines représentent des groupes sous-représentés dans le monde du sport, tels que les femmes, les personnes de couleur et la communauté LGBTQI+. Les fans sont attirés par ces athlètes parce qu’elles incarnent l’esprit d’autonomisation et de dépassement des barrières. Les fans peuvent s’identifier à leur parcours et éprouver un sentiment de fierté à soutenir des athlètes qui remettent en cause le statu quo.</p>
<p>Les <em>followers</em> apprécient également <strong>l’authenticité et les liens créés par le biais du divertissement</strong> : les médias sociaux offrent en effet une ligne de communication directe entre les athlètes et leurs fans. Les athlètes féminines utilisent ces plates-formes pour donner à leurs fans un aperçu des coulisses de leur vie, de leurs routines d’entraînement et des défis quotidiens auxquels elles sont confrontées. Cette authenticité aide les fans à se connecter à un niveau plus personnel, ce qui rend les athlètes accessibles.</p>
<p>Dans le même ordre d’idées, le divertissement peut également provenir de l’esprit de communauté créé par les athlètes sur les médias sociaux. Les fans se divertissent en se connectant avec des personnes partageant les mêmes idées et en partageant leur enthousiasme pour les athlètes et les sports qu’ils aiment.</p>
<p>Enfin, <strong>le militantisme par le biais de la popularité</strong> constitue un dernier levier d’engagement des utilisateurs de médias sociaux : les athlètes féminines tirent souvent parti de leur notoriété pour défendre des causes sociales et politiques importantes. Cela permet non seulement de sensibiliser les gens, mais aussi de les encourager à les suivre pour qu’ils relayent à leur tour les messages.</p>
<p>Ce faisant, les athlètes féminines, autrefois peu appréciées, transforment aujourd’hui le paysage sportif, inspirent une nouvelle génération, défendent une culture d’égalité et de respect. Leurs activités en ligne ont un impact positif sur le développement de jeunes talents dans une variété de sports.</p>
<p>De cette manière, ces sportives brisent les barrières, créent une image accessible et alignent leur marque sur des causes sociales et politiques importantes, attirant ainsi des supporters qui partagent leurs valeurs et leurs croyances. En ce sens, ils établissent une marque personnelle polyvalente et durable qui va au-delà de leurs performances sur le terrain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216664/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Depuis quelques années, les athlètes de haut niveau s’emparent des plates-formes comme Instagram ou TikTok pour changer la perception du public sur l’image traditionnellement véhiculée.Helmi Issa, Professeur assistant, Burgundy School of Business Roy Dakroub, UX Research Manager - Sports Research Lead at EPAM Systems, Adjunct Professor, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2145942023-10-02T18:18:26Z2023-10-02T18:18:26ZAirbnb, Netflix, Rent the Runway… Les petites astuces des clients pour contourner les règles des plates-formes<p>Les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/consommateurs-33275">consommateurs</a> sont de plus en plus nombreux à payer pour accéder aux produits et services proposés par des plates-formes en ligne comme Airbnb, Uber, Rent the Runway. Or, ces entreprises ont en commun d’attendre beaucoup de travail de la part de leurs clients : profils, photo, évaluations, etc.</p>
<p>Dans une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11747-023-00942-6">étude récemment</a> publiée dans le <em>Journal of the Academy of Marketing Science</em>, nous nous sommes intéressées à l’intelligence dont les consommateurs font preuve au moment de s’impliquer dans ce travail demandé par les plates-formes. Les consommateurs bénéficient en effet d’une grande marge de manœuvre pour adapter l’expérience à leurs propres besoins. Ils peuvent donc être une source de formidables innovations, mais aussi d’énormes problèmes s’ils s’écartent des attentes des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/plates-formes-31157">plates-formes</a>.</p>
<p>Cette adaptation s’apparente à la notion de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/10946705211012474">« job crafting »</a>, définie comme une modification de la forme de travail initiale par l’utilisateur, en fonction de ses connaissances, pour optimiser dans le cas des plates-formes sa consommation. Or, ce « job crafting » peut parfois nuire aux autres consommateurs ainsi qu’au modèle économique de l’entreprise.</p>
<p>Dans le cadre d’une étude sur <a href="https://www.renttherunway.com/">Rent the Runway</a>, une plate-forme de location de vêtements de créateurs très prisée, nous nous sommes penchées sur la question du job crafting. Rent the Runway attend en effet beaucoup de ses consommateurs, qu’il s’agisse de prêter attention à la disponibilité des articles, aux options de livraison, à la marque, au prix de vente, aux commentaires et aux photos lors de la sélection des produits, de veiller à ce que les articles restent suffisamment propres pour pouvoir être renvoyés après un nettoyage à sec rapide ou de gérer les retours par le biais de la poste ou de consignes de dépôt.</p>
<h2>Astuces créatives</h2>
<p>Nous avons constaté que les consommateurs recourent principalement à trois types de pratiques pour maximiser leurs avantages de manière créative :</p>
<p>La première consiste à <strong>s’accaparer les ressources de l’entreprise</strong>. Par exemple, pour chaque commande, Rent the Runway livre un lot d’articles (généralement 4 ou 5) dans un colis avec une étiquette de retour prépayée pour l’ensemble du lot. Certains clients vont alors en renvoyer un seul, à leur charge (à moindre coût puisque le colis est plus léger), et conserver l’étiquette de retour en vue d’une utilisation ultérieure, ce qui leur permet de renvoyer les articles suivants avec beaucoup plus de souplesse. Autrement dit, le consommateur fait payer le coût de la séparation du lot à l’entreprise.</p>
<p>Plus extrême encore, certains consommateurs partagent des vidéos expliquant comment <a href="https://www.tiktok.com/@dayintheneighbourhood/video/7241574507838819610">bricoler des trottinettes et des vélos Lime</a> pour les utiliser gratuitement.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/D9pelnh-p2U?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">How to get a free Lime bike hack (Day in the Neighbourhood UK, avril 2023).</span></figcaption>
</figure>
<p>Les consommateurs se montrent également doués pour <strong>détecter et exploiter les failles</strong> dans les politiques des plates-formes. Rent the Runway avait ainsi tenté d’attirer les consommateurs en proposant un abonnement premium permettant de garder les vêtements loués aussi longtemps que souhaité. Les consommateurs ont commencé à s’approprier les pièces les plus chères en louant par exemple un manteau de luxe au début de l’hiver et en le gardant jusqu’au printemps. Résultat des courses, quelques semaines après le début de l’automne, il n’y avait plus aucun manteau de luxe en stock.</p>
<p>Dans cette veine-là, en février dernier, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/netflix-53737">Netflix</a> a fait scandale en changeant ses conditions d’utilisation pour <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/netflix-restreint-le-partage-de-mots-de-passe-dans-plus-de-100-pays-dont-la-france-1945911">empêcher le partage de mots de passe</a>. En effet, nombre de consommateurs partageaient leurs mots de passe avec leurs amis et leur famille, un manque à gagner énorme pour le service de streaming qui a été contraint de mettre en place des mesures strictes.</p>
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<p>En matière <strong>d’optimisation des flux de distribution</strong>, il arrive enfin que les consommateurs devancent les plates-formes. Par exemple, certains consommateurs de Rent the Runway ont commencé à mettre à jour très régulièrement l’adresse postale indiquée sur leur profil pour se faire livrer des vêtements au bureau, chez des amis, à l’hôtel, etc. Cette pratique s’est tellement répandue que l’entreprise a décidé de proposer comme service complémentaire la livraison à l’hôtel et au bureau.</p>
<p>Du côté d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/airbnb-42384">Airbnb</a>, certains se créent systématiquement des comptes avec une nouvelle adresse e-mail pour bénéficier de bons de réduction pour les nouveaux inscrits, une autre façon de reconfigurer les flux de circulation.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/550916/original/file-20230928-29-rrzahr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Enseigne de la marque Rent a Runway" src="https://images.theconversation.com/files/550916/original/file-20230928-29-rrzahr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550916/original/file-20230928-29-rrzahr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550916/original/file-20230928-29-rrzahr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550916/original/file-20230928-29-rrzahr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550916/original/file-20230928-29-rrzahr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550916/original/file-20230928-29-rrzahr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550916/original/file-20230928-29-rrzahr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Rent the Runway, un service qui attend beaucoup des consommateurs.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/thomashawk/18192761504">Thomas Hawk/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Ces pratiques sont loin d’être sans conséquence pour les plates-formes, car elles doivent gérer les effets des choix imprévisibles des consommateurs. Cette imprévisibilité induite par les consommateurs peut entraîner de sérieux problèmes systémiques, comme l’a montré la grave <a href="https://www.vox.com/recode/2019/9/27/20887017/rent-the-runway-new-customer-freeze-subscribers-delivery-delays-warehouse-issues">perturbation du service logistique de Rent the Runway en 2019</a> après un afflux soudain de clients et l’essor de la pratique des étiquettes prépayées conservées par certains d’entre eux.</p>
<p>Le partage de mots de passe aurait quant à lui coûté à Netflix plus de <a href="https://www.latimes.com/entertainment-arts/business/story/2022-04-14/password-sharing-netflix-apple-amazon-piracy">9 milliards de dollars</a> par an. Au vu de la difficulté à anticiper les comportements créatifs des consommateurs, les plates-formes doivent apprendre à composer avec cette incertitude majeure.</p>
<h2>Les clients ne sont pas des employés</h2>
<p>Selon nous, les plates-formes doivent accepter le fait que les consommateurs ne sont pas des partenaires professionnels : jamais ils ne se comporteront comme des employés ou des fournisseurs. Autrement dit, il y a peu de chance qu’ils agissent comme la plate-forme le voudrait.</p>
<p>Pour conserver leur souplesse et éviter les problèmes systémiques, les plates-formes doivent donc redoubler d’imagination pour encourager les consommateurs à rester motivés, à coopérer et à se préoccuper des conséquences de leurs actions sur l’expérience des autres consommateurs. Plusieurs principes peuvent ici s’appliquer :</p>
<p><strong>Faciliter les choses</strong> : bien souvent, les consommateurs s’écartent du parcours client planifié non pas volontairement mais simplement par erreur. C’est le cas par exemple d’un consommateur qui choisit le mauvais point de livraison ou qui imprime mal une étiquette, entraînant ainsi la perte d’un produit. Pour éviter cela, les plates-formes doivent simplifier la logistique et les opérations afin d’aider les consommateurs à se comporter comme de véritables partenaires commerciaux.</p>
<p><strong>Créer une culture de l’empathie</strong> : sur Internet, les consommateurs ont tendance à se sentir anonymes et ne pensent donc pas à l’impact de leurs actions sur les autres. Ce sentiment de détachement par rapport aux autres consommateurs les incite à agir de manière égoïste et à ne pas se préoccuper de l’impact de leurs actions. Pour y remédier, les plates-formes devraient insister sur le fait que les actions de chacun peuvent perturber l’expérience des autres consommateurs. Il faut personnifier ces autres consommateurs pour les rendre tangibles et humains. Ce type de communications personnalisées peut inciter les consommateurs à coopérer et à faire preuve de responsabilité sociale à l’égard des autres consommateurs.</p>
<p><strong>Récompenser les clients modèles</strong> : agir comme un partenaire digne de confiance demande un certain effort de la part des consommateurs. En revanche, agir de manière égoïste offre des récompenses plus immédiates et plus évidentes. Il est donc essentiel que les plates-formes surveillent, reconnaissent et valorisent les contributions des consommateurs qui font ces efforts.</p>
<p>Pour résumer, les plates-formes pourraient davantage mettre l’accent sur la nature collaborative de leurs modèles, renforcer la responsabilité sociale et prendre conscience du fait que les actions des consommateurs ne sont pas facilement substituables.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214594/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les utilisateurs se montrent particulièrement créatifs pour adapter leur expérience de consommation en fonction de leurs besoins. Ce qui n’est pas sans poser problème pour les entreprises…Laetitia Mimoun, Associate Professor in Marketing at ESCP Business School, ESCP Business SchoolDelphine Dion, Professeure de marketing, ESSEC Eda Anlamlier, Assistant Professor, Marketing and International Business, University of Nevada, Las VegasLagnajita Chatterjee, Assistant Professor, Worcester State UniversityLez Trujillo Torres, Assistant Professor, University of Illinois ChicagoLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2133812023-09-14T17:30:26Z2023-09-14T17:30:26ZComment Airbnb transforme ses utilisateurs en entrepreneurs narcissiques<p>Si vous parcourez les annonces <a href="https://theconversation.com/fr/topics/airbnb-42384">Airbnb</a> en vue d’une escapade d’un week-end, non seulement vous allez vérifier les équipements des logements, mais vous ferez également défiler les commentaires des clients précédents. Si vous mettez votre maison en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/location-36297">location</a> sur la même plate-forme, vous examinerez minutieusement les clients potentiels au préalable. N’est-ce pas ?</p>
<p>En effet, tout le monde veut être rassuré, surtout lorsqu’il s’agit de laisser entrer des étrangers chez soi. Comme le soulignait un <a href="https://www.nytimes.com/2018/01/19/realestate/surviving-a-bad-airbnb-review.html">article du <em>New York Times</em></a> en 2018 :</p>
<blockquote>
<p>« Personne ne veut louer à une personne qui a fait du dernier logement occupé un bordel improvisé ou un repaire de drogués ».</p>
</blockquote>
<p>Après tout, les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/plates-formes-31157">plates-formes</a> en ligne telle qu’Airbnb, Turo ou Uber ne peuvent en aucun cas contrôler chaque transaction. C’est pourquoi, pour maintenir la confiance dans leurs plates-formes, elles décentralisent le contrôle vers les utilisateurs. Comment ? Par le biais d’évaluations – tout en conservant la maîtrise de l’infrastructure de contrôle.</p>
<h2>Auto-descriptions enjouées</h2>
<p>Dans <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/AAAJ-12-2018-3797/full/html">notre article de recherche</a>, qui s’appuie sur les données empiriques de la thèse de doctorat de Pénélope Van Den Bussche, prix 2019 de la meilleure thèse en comptabilité de l’Association Francophone de Comptabilité, nous montrons que ce type de structure de contrôle, fondé sur les processus d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/evaluation-43771">évaluation</a> <em>peer-to-peer (pair à pair)</em>, attise le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/narcissisme-73190">narcissisme</a> des utilisateurs. En effet, les loueurs comme les locataires comptent sur les évaluations qu’ils donnent et reçoivent pour réaffirmer des caractéristiques personnelles. Autrement dit, les utilisateurs ne sont pas seulement engagés dans la maximisation monétaire. Ils cherchent également à augmenter leur propre valeur en tant que personne et la plate-forme les incite à agir de la sorte.</p>
<p>Pour étudier les mécanismes par lesquels les utilisateurs s’approprient le système d’évaluation, nous avons réalisé une ethnographie en ligne, ou « netnographie », en analysant plus de 300 commentaires d’utilisateurs sur des locations dans les principales villes européennes, et nous avons mené 17 entretiens avec des utilisateurs d’Airbnb et un entretien avec un cadre de la plate-forme.</p>
<p>Notre analyse montre d’abord que les utilisateurs apprécient le sentiment d’appartenance à une communauté. Airbnb demande aux utilisateurs de créer un profil individuel et les encourage à fournir des informations personnelles. Que cela plaise ou non – certaines personnes interrogées ont déclaré que c’était « une corvée » – ils s’y soumettent, comprenant que cela fait partie du « jeu », et affichent généralement des auto-descriptions enjouées.</p>
<p>Ces profils personnalisent les transactions et ancrent l’utilisation de la plate-forme dans une communauté. Les informations publiées élargissent également l’enjeu de l’évaluation. En effet, si le critère de « l’emplacement » concerne clairement le domicile, celui de la « communication » s’applique à la personne. Ainsi, de manière subtile, l’objet de l’évaluation se déplace du service vers la valeur propre de l’utilisateur.</p>
<h2>« Un bon point à l’école »</h2>
<p>Autre facteur d’attrait pour les utilisateurs : la norme des avis sur la plate-forme reste fortement positive, avec des commentaires récurrents sur des appartements « incroyables », « charmants » et « merveilleux ». En fait, nous avons observé que la norme est à la perfection ou à la quasi-perfection, les évaluations ne descendant jamais en moyenne en dessous de 4,5 sur 5 dans les villes les plus importantes de la plate-forme en termes d’évaluations (Los Angeles, Paris, New York et Londres).</p>
<p>En réalité, les mauvaises évaluations sont taboues. Au lieu de cela, les utilisateurs gèrent les expériences désagréables (réfrigérateurs malodorants, punaises de lit, vols, etc.) soit par des courriels privés échangés avec l’autre partie, soit par des commentaires publics euphémiques, afin de ne pas blesser l’autre utilisateur. Les commentaires sont toujours positifs en apparence, mais les utilisateurs font des allusions subtiles qui peuvent alerter le reste de la communauté, sans risquer de paraître trop critiques.</p>
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<p>Le fait de critiquer publiquement les autres sur les plates-formes <em>peer-to-peer</em> est donc problématique, notamment parce que l’utilisateur qui donne l’évaluation est potentiellement considéré comme un « casse-pied » ou un « pinailleur furieux ». À l’inverse, les utilisateurs décrivent l’attribution de bonnes critiques comme un plaisir, comme s’ils décernaient un prix. Les hôtes qui les reçoivent ont l’impression d’avoir reçu « un bon point à l’école ».</p>
<p>Dans notre article, nous citons l’exemple d’un utilisateur heureux de paraître non raciste parce qu’il avait accepté une réservation d’un Afro-Américain. Nous en concluons que les commentaires sont un moyen de donner un sens à sa propre personne et une occasion de montrer une projection idéale de soi.</p>
<h2>Éviter les « losers »</h2>
<p>En creusant davantage les subtilités du processus, nous expliquons que les utilisateurs donnent également un sens à leur propre personne à travers les autres utilisateurs qu’ils sélectionnent en décodant les faibles indices dans les évaluations. Alors que la plate-forme encourage officiellement la publication d’informations personnelles pour réduire l’incertitude de la transaction, les utilisateurs le font en recherchant des pairs : des personnes qui leur ressemblent.</p>
<p>Par exemple, Igor, un Français employé dans ce qu’il appelle des « galeries d’art branchées », précise que son annonce est uniquement en anglais pour « éviter les Français qui ne parlent pas anglais, la pire espèce. Ils ne font que des trucs touristiques ». En évitant ce qu’il appelle les « <em>losers</em> », il trouve du réconfort dans son côté branché.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/547745/original/file-20230912-25-gimdvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Capture d’écran du site Airbnb en 2015 avec le slogan « Welcome home » (bienvenue chez vous)" src="https://images.theconversation.com/files/547745/original/file-20230912-25-gimdvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/547745/original/file-20230912-25-gimdvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=278&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/547745/original/file-20230912-25-gimdvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=278&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/547745/original/file-20230912-25-gimdvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=278&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/547745/original/file-20230912-25-gimdvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=349&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/547745/original/file-20230912-25-gimdvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=349&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/547745/original/file-20230912-25-gimdvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=349&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les utilisateurs d’Airbnb apprécient le sentiment d’appartenance à une communauté.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Airbnb.png">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>En tant qu’hôte, Violet explique que lorsqu’elle choisit un logement, elle cherche un quartier comparable au sien. Pour elle, Airbnb est :</p>
<blockquote>
<p>« Une affaire de gens qui ont de l’argent et qui veulent loger dans un appartement qui appartient à quelqu’un comme eux, de la même catégorie socioprofessionnelle, mais qui n’ont pas envie de rencontrer ce quelqu’un ! »</p>
</blockquote>
<p>Cependant, tous les utilisateurs ne possèdent pas une telle réflexivité, beaucoup se fiant à leur « instinct » ou revendiquant leur ouverture d’esprit lors de la sélection des hôtes ou des invités. En contraste frappant avec cette apparence de tolérance, de nombreux utilisateurs excluent en effet d’autres personnes sur la base de considérations racistes ou sexistes.</p>
<h2>Un contrôle optimal et bon marché</h2>
<p>En définitive, les processus de sélection mis en œuvre par les utilisateurs d’Airbnb révèlent un écart important entre l’ouverture d’esprit qu’ils affichent et leur propension réelle à choisir des utilisateurs qui leur ressemblent. Ils finissent par discriminer plus ou moins consciemment sur la base de critères sociaux, raciaux ou de classe (fautes d’orthographe, stéréotypes raciaux, perception de la ville d’origine d’un hôte comme étant un foyer criminalité, etc.).</p>
<p>Derrière la façade de la communauté, les processus d’évaluation en ligne poussent donc les utilisateurs, qui s’appuient dessus pour limiter les risques, dans des schémas de reproduction sociale. Pour la plate-forme, le narcissisme des utilisateurs devient alors une infrastructure de contrôle optimal et bon marché.</p>
<p>Au-delà du contexte spécifique de ces plates-formes en ligne, ce phénomène est révélateur de l’omniprésence de l’évaluation dans notre société basée sur le numérique et les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/algorithmes-24412">algorithmes</a>. Elle nous pousse à la reproduction sociale et produit des entrepreneurs narcissiques, dont l’esprit critique est étouffé par les mécanismes d’évaluation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213381/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une étude des commentaires postés sur la plate-forme de location de logements montre les effets négatifs de la logique d’évaluation par les pairs.Pénélope Van den Bussche, Doctorante en Sciences de Gestion, ESCP Business SchoolClaire Dambrin, Professor in Management Control, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2122012023-08-24T16:51:55Z2023-08-24T16:51:55ZLes scénaristes hollywoodiens peuvent-ils terrasser les géants du streaming ?<p>Le 16 août dernier, la Writers Guild of America West (WGA), déjà en grève depuis plus de 100 jours contre les pratiques des studios de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cinema-20770">cinéma</a>, a publié un « antitrust report » à travers lequel le syndicat des scénaristes hollywoodiens urgent les autorités américaines de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/concurrence-22277">concurrence</a> d’intervenir contre les acteurs du streaming que l’association accuse d’abus de position dominante.</p>
<p>Plus précisément, la WGA ne vise pas tous les acteurs du streaming, mais trois entreprises en particulier qui, à elles seules, contrôlent <a href="https://www.statista.com/statistics/496011/usa-svod-to-tv-streaming-usage/">quatre plates-formes dominantes</a> aux États-Unis : <a href="https://theconversation.com/fr/topics/netflix-53737">Netflix</a>, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/amazon-40118">Amazon</a> (Amazon Prime Video) et The Walt <a href="https://theconversation.com/fr/topics/disney-21590">Disney</a> Company (Disney+ et Hulu).</p>
<p>Selon la WGA, la domination de ces trois entreprises sur les maillons les plus essentiels de la chaîne de valeur – production, distribution, marché de l’emploi – en ferait des « gatekeepers » de fait, c’est-à-dire qu’<a href="https://www.causeur.fr/demanteler-les-gafa-google-facebook-amazon-julien-pillot-inseec-165407">à l’instar des GAFAM</a>, ces entreprises seraient en capacité d’imposer les conditions techniques et tarifaires d’accès à ces marchés.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1692220981413388520"}"></div></p>
<p>Le problème serait, toujours selon l’association, de deux ordres. D’une part, ces conditions d’accès seraient défavorables aux intérêts du consommateur et des travailleurs du secteur, au premier rang desquels figurent bien entendu les scénaristes. D’autre part, passée la phase d’euphorie où chaque acteur majeur de l’industrie de l’entertainment s’est imaginé lancer sa propre plate-forme de streaming, le secteur entre dans une phase particulièrement <a href="https://www.forbes.com/sites/bradadgate/2021/12/17/as-svod-subscriptions-slows-industry-consolidation-is-looming/">agressive de consolidation</a> qui, outre de réduire la liberté de choix des consommateurs autant que les débouchés pour les travailleurs et studios indépendants, déséquilibre sérieusement les rapports de force dans l’industrie.</p>
<p>Si des différences stratégiques existent, notamment quant à leur positionnement, les trois entreprises ont en effet en commun de mener une <a href="https://www.ladn.eu/nouvelle-economie/netflix-decryptage-modele-economique/">intégration verticale</a> à différents niveaux. Toutes sont des producteurs – éditeurs – distributeurs qui ont tendance à se réserver leurs productions en exclusivité, et à acquérir un maximum de licences culturelles fortes pour densifier une offre propriétaire (à l’image des <a href="https://theconversation.com/podcast-disney-fox-85-milliards-uniquement-pour-tuer-netflix-109111">rachats de Star Wars, Marvel ou Indiana Jones par Disney</a>, ou de James Bond et Le Seigneur des Anneaux par Amazon). Amazon, qui dispose en plus d’une position dominante sur le segment hautement stratégique des équipements OTT avec son Amazon Fire TV (position qu’il partage avec Roku, avec 36 % de part de marché chacun aux États-Unis), a poussé encore plus loin son intégration verticale, et en ferait bénéficier sa plate-forme vidéo au détriment des offres concurrentes.</p>
<h2>Des abonnements de plus en plus chers</h2>
<p>Cette consolidation est la fois la résultante de stratégies « en silo » qui visent à gagner et retenir des abonnés via des contenus majoritairement exclusifs, mais aussi la volonté des marchés financiers en quête de performance. La consolidation est susceptible d’assécher suffisamment la concurrence pour permettre des augmentations de prix, mais aussi l’abaissement des coûts en réduisant les volumes de production ou le besoin en créativité (l’offre de films de Disney a diminué de 65 % en 2017). Autre facteur d’économies : en réduisant le nombre de débouchés possibles pour les parties prenantes de l’écosystème créatif, employés et studios et scénaristes indépendants en tête, les plates-formes de streaming sont en position de force pour négocier salaires, royalties et droits à leur avantage.</p>
<p>C’est en substance ce que nous raconte la WGA à travers son rapport. Dans un marché qui se consolide, les acteurs qui survivent finissent par avoir un tel pouvoir de marché qu’ils peuvent imposer leurs conditions à tout l’écosystème, notamment dans une optique de réduction drastique des coûts, et d’augmentation tendancielle des prix.</p>
<p><iframe id="3KfUS" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/3KfUS/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En réalité, la financiarisation de la stratégie, dans cette industrie hautement compétitive et extrêmement intensive en capital, a créé son propre paradoxe. En effet, pour alimenter une telle stratégie, il faut mettre la main sur des capacités de production et des licences très onéreuses. Ces acquisitions, dans un contexte d’enchères entre compétiteurs suivant la même stratégie, a fini par endetter de façon massive les conglomérats. À l’image de The Walt Disney Company qui a <a href="https://edition.cnn.com/2023/02/07/investing/disney-earnings-bob-iger-preview/index.html">beaucoup de mal à digérer sa fusion avec la Fox</a>.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Or, cet endettement, à plus forte raison que les potentiels de croissance de l’industrie se tarissent et que la concurrence entre géants s’installe, rend impérieux la recherche rapide de cash, les coupes massives dans les coûts et l’augmentation des prix en étant la résultante. Mais pour gagner suffisamment de pouvoir de marché pour parvenir à résoudre cette équation, il convient d’aller encore plus loin dans la consolidation et chercher de nouvelles proies.</p>
<p>Jusqu’au jour où ce jeu devient même trop intensif en capital pour ceux qui l’ont initié. <a href="https://www.dailymail.co.uk/sciencetech/article-12413239/Get-ready-iMarvel-iStar-Wars-iPixar-Apple-interested-buying-Disney-according-insiders-deal-worth-160-BILLION.html">Apple serait ainsi en embuscade pour profiter d’une potentielle défaillance de Disney ou Netflix</a>. Dans ce contexte, combien de temps des entreprises telles que Paramount, Warner Bros Discovery ou Sony Pictures, acteurs majeurs de leur industrie, mais devenues des petits poissons dans ce capitalisme ultra-financiarisé, pourront-elles encore demeurer « indépendantes » ?</p>
<h2>Un précédent dans les années 1970</h2>
<p>Avec ce rapport, les scénaristes jugent en conséquence incontournable de renforcer la régulation sur le marché du streaming. L’idée est non seulement de limiter la capacité des trois géants à augmenter encore leur pouvoir de marché, mais également de restreindre également leur capacité à en (ab)user.</p>
<p>Quant à savoir si cela peut aboutir, il ne nous revient pas de dire le droit en lieu et place d’un juge à la concurrence. Néanmoins, trois éléments semblent favorables à la WGA dans cette affaire. Le premier, c’est un <a href="https://www.latribune.fr/technos-medias/loi-antitrust-l-administration-biden-apporte-un-soutien-crucial-pour-contrer-le-monopole-des-gafam-907337.html">retour au premier plan de l’antitrust aux États-Unis</a>, sous l’impulsion de l’administration Biden.</p>
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<img alt="Homme regardant la télévision" src="https://images.theconversation.com/files/544522/original/file-20230824-17-k1ihmw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/544522/original/file-20230824-17-k1ihmw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/544522/original/file-20230824-17-k1ihmw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/544522/original/file-20230824-17-k1ihmw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/544522/original/file-20230824-17-k1ihmw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/544522/original/file-20230824-17-k1ihmw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/544522/original/file-20230824-17-k1ihmw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les géants du streaming se sont imposés au prix d’une stratégie particulièrement coûteuse.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pxfuel.com/en/free-photo-qjgun">Pxfuel</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Le deuxième concerne les signaux renvoyés par le marché. La capacité des acteurs à augmenter régulièrement les prix sans avoir à déplorer une fuite massive d’abonnés semble dessiner les contours d’une industrie où les clients sont relativement captifs. D’ailleurs, les stratégies en silo rendent les trois géants du streaming davantage complémentaires que concurrents : bien des ménages sont multiabonnés de façon à avoir accès à des contenus présents exclusivement sur l’une ou l’autre des plates-formes.</p>
<p>Enfin, le troisième élément favorable réside dans le fait qu’un précédent existe dans cette industrie. Dans les années 1970, la TV américaine était alors contrôlée par trois majors verticalement intégrées sur la production et la distribution : NBC, ABC et CBS. La Federal Communication Commission était alors intervenue à travers le règlement <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Financial_Interest_and_Syndication_Rules">Financial Interest and Syndication Rules</a> (Fin-Syn) pour limiter drastiquement le pouvoir de marché des trois leaders. La concurrence qui a pu se mettre en place, à la fois sur le segment de la production, mais aussi sur celui de la distribution TV et câble, avait permis l’émergence de nombreux acteurs et contenus diversifiés dont ont pu bénéficier les consommateurs et les travailleurs de cette industrie.</p>
<p>Bien que ce règlement a pu être suspendu en 1993, le secteur est demeuré depuis sous l’étroite surveillance des autorités de régulation et antitrust. Il est d’ailleurs étrange de constater qu’au titre de la <a href="https://www.fcc.gov/document/amendment-section-73658g-commissions-rules-dual-network">« dual network rule »</a>, un groupe comme Disney n’est pas autorisé à posséder deux parmi les quatre principaux réseaux TV (c’est à ce titre qu’il a dû renoncer à récupérer celui de Fox lors de la fusion de 2019), mais que rien d’analogue ne soit prévu sur le marché du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/streaming-52254">streaming</a>, devenu pourtant incontournable. Quoi qu’il en soi, les deux situations présentent de troublantes similitudes. Reste à savoir si les mêmes causes produiront les mêmes effets.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212201/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Pillot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Plusieurs éléments plaident la cause la Writers Guild of America, en grève depuis plusieurs mois, qui dénonce l’abus de position dominante de Netflix, Amazon et Disney sur le marché du streaming.Julien Pillot, Enseignant-Chercheur en Economie (Inseec) / Pr. associé (U. Paris Saclay) / Chercheur associé (CNRS), INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2085122023-06-27T18:24:29Z2023-06-27T18:24:29ZSi un influenceur virtuel commet une infraction, qui est responsable ?<p>À l’ère digitale, les réalités se superposent. En effet, certains de vos amis sont réels : vous les avez déjà rencontrés et vous avez échangé des paroles et des idées. Dans la réalité digitale, un second niveau donc, vous avez d’autres amis ou <a href="https://theconversation.com/fr/topics/influenceurs-81090">influenceurs</a> que vous suivez et même si vous ne les avez jamais touchés. Vous avez aussi déjà échangé avec eux, vu leurs posts, leurs vidéos et commenté leurs activités.</p>
<p>Aujourd’hui, le monde digital évolue encore et passe à un nouveau niveau de réalité avec l’arrivée des « biodigitaux ». Ces personnages fictifs, conçus et créés par la magie de l’ordinateur, sont de parfaites copies numérisées d’humains qui peuvent être en contact avec tous, sur tous les écrans et supports communicationnels (sous forme d’images mais aussi de vidéos). Ils échangent avec vous, commentent vos posts, chantent, dansent et se produisent sur scène sous forme d’hologrammes.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les biodigitaux sur Instagram : un nouveau challenge pour les marques ? (FNEGE Médias, 2022).</span></figcaption>
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<p>Ce sont de parfaites répliques qui <a href="https://fnege-medias.fr/fnege-video/les-biodigitaux-sur-instagram-un-nouveau-challenge-pour-les-marques">travaillent déjà aujourd’hui</a> dans le domaine de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/communication-21313">communication</a> comme mannequin, artiste, etc. et ambassadeur de marque. Ils sont parfois influenceurs.</p>
<h2><em>Black Mirror</em></h2>
<p>Par exemple, <a href="https://www.instagram.com/lilmiquela/">LilMiquela</a>, égérie de Calvin Klein, flirte, sur la plate-forme <a href="https://theconversation.com/fr/topics/instagram-54307">Instagram</a>, avec presque 3 millions d’abonnés ; <a href="https://www.instagram.com/shudu.gram/?hl=fr">Shudu Gram</a>, courtisée par de grandes marques internationales (Fenty Beauty, Shiseido) est présentée comme « le premier super modèle digital du monde » et « défile » à Londres. Le géant suédois de la distribution d’ameublement, Ikea, a quant à lui choisi de travailler avec Imma Gram qui vit (virtuellement) au Japon. En parallèle, des agences proposent aux célébrités de concevoir des <a href="https://eisko.com/fr/double-numerique-3d/">doublures digitales</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Ikea Harajuku with Imma (WKtokyo, 2021).</span></figcaption>
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<p>Or, l’intensité des activités discrètes des biodigitaux commencent à questionner éthiquement et légalement cette technologie de l’hyperréalisme dans un multivers (un ensemble d’univers dans un unique système).</p>
<p>Dans un <a href="https://www.imdb.com/title/tt20247352/">épisode</a> de la récente saison 6 de la série dystopique <em>Black Mirror</em>, intitulé « Joan is awful » (« Joan est horrible »), une avocate explique à sa cliente que, légalement, aucun texte de loi ne peut arrêter cette biodigitale qui a pris sa place, son identité physique – pas même les abominations qu’elle commet sous sa personne.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/36dAVjHT-r4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bande-annonce de <em>Black Mirror</em>, saison 6 (Netflix France, juin 2023).</span></figcaption>
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<p>Ce scénario alerte sur un vide juridique. Aucune loi ne peut interdire la création de votre parfait double digital. Aucun texte n’aurait donc de valeur face à ces personnages hyperréalistes qui pourraient vous substituer sur les écrans.</p>
<h2>Des craintes dans les agences d’influence</h2>
<p>En mars dernier, les députés français adoptaient, à l’unanimité, une loi visant à mieux encadrer les influenceurs sur les réseaux sociaux. Le texte renforce notamment l’obligation de signaler si leurs publications font l’objet d’un partenariat ou non. En effet, sur de nombreuses <a href="https://theconversation.com/fr/topics/plates-formes-31157">plates-formes</a> digitales, certains influenceurs suivent des valeurs éthiques fortes : ils s’interdisent notamment de mentir en vantant un produit non testé ou de présenter un produit non autorisé sur le marché. Il n’en est pas de même pour d’autres influenceurs, qui, attirés par l’appât du gain, mènent sans en avoir conscience ou tout à fait volontairement des actions de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/marketing-21665">marketing</a> d’influence.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1646791200261718017"}"></div></p>
<p>Faute de lois claires régulant ces activités professionnelles ou bénévoles, certains influenceurs menaient donc à terme leurs actions marchandes frauduleuses en manipulant les consommateurs pour leur propre profit sans se soucier des risques. Désormais, ils devront définir strictement la finalité publicitaire des messages sous peine de poursuites. En revanche, le cas des <a href="https://theconversation.com/les-nouvelles-creatures-dinstagram-ou-quand-la-science-fiction-rejoint-la-realite-99820">personnages biodigitaux</a>, qui avancent discrètement sous l’apparence humaine, reste absent de cette avancée législative.</p>
<p>La divergence d’interprétation sur la nature juridique de ce type de personnage commence d’ailleurs à questionner les professionnels de la communication et du marketing. En effet, une <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-031-05064-0_20">recherche</a> récente que nous avons menée démontre que leurs agences demandent une « phase de temps et de réflexion avant de créer un biodigital » (94 %) ou de suggérer à leur client d’en concevoir un. Le risque lié à l’absence de connaissance de la législation spécifique à ces biodigitaux (73 %) et à leur confusion avec les êtres humains prévaut notamment sur l’objectif d’innovation.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>En effet, qui est l’auteur d’un personnage biodigital, responsable juridiquement ? Ces faux humains ne possèdent pas de carte d’identité : ils ne peuvent donc pas être responsables juridiquement. En cas de problème, les responsabilités seraient très complexes à établir, surtout si toute une équipe s’occupe du personnage biodigital.</p>
<h2>« … sauf si la loi l’interdit »</h2>
<p>Il y a donc urgence à relever ce défi juridique. D’autant plus que certaines organisations ont déjà commencé à créer des biodigitaux et proposent même de créer votre propre <a href="https://eisko.com/fr/double-numerique-3d/">doublure digitale</a>.</p>
<p>Dans une <a href="https://youareawful.com/">expérience interactive</a>, Netflix propose de son côté d’exploiter votre image, notamment pour ses prochaines productions. En signant avec le géant du streaming, vous cédez :</p>
<blockquote>
<p>« le droit irrévocable, perpétuel, mondial et non exclusif d’enregistrer, de représenter et/ou de faire votre portrait et d’utiliser […] votre nom, votre photographie, votre voix, vos actions, etc. […] dans tous les médias connus à ce jour et conçus ultérieurement, et dans toutes les langues, tous les formats, toutes les versions […] sans compensation pour vous ou pour toute autre personne, sauf si la loi l’interdit. »</p>
</blockquote>
<p>Votre biodigital est prêt à vous représenter si vous approuvez sans lire les termes et conditions. Raison de plus pour adopter un règlement clair et explicite pour toute personne ou groupement (public ou privé) qui conçoit, édite, loue ou vend des influenceurs biodigitaux et des doublures numériques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208512/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La récente loi visant à lutter contre la publicité trompeuse sur les réseaux sociaux ne répond pas aux défis que posent les comptes virtuels entièrement pilotés par des IA.Marie-Nathalie Jauffret, Chercheure - Prof. Communication & Marketing, International University of MonacoFrédéric Aubrun, Enseignant-chercheur en Marketing digital & Communication au BBA INSEEC - École de Commerce Européenne, INSEEC Grande ÉcoleMarcus Galdia, Professeur associé de droit des affaires, International University of MonacoLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2039372023-04-19T16:56:43Z2023-04-19T16:56:43ZConsommation sur Internet : perdant ou gagnant face à la fluctuation des prix ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/521247/original/file-20230417-24-m5jkvl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=50%2C14%2C908%2C651&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le géant du e-commerce Amazon, un exemple de plate-forme qui utilise la tarification dynamique.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La <a href="https://www.cgt.fr/actualites/france/interprofessionnel/pouvoir-dachat/inflation-plus-dure-en-france-du-fait-de-la-stagnation-des-salaires">stagnation des salaires</a>, l’<a href="https://theconversation.com/en-france-linflation-a-probablement-atteint-son-pic-en-2022-194987">inflation record</a>, la <a href="https://www.radioclassique.fr/economie/inflation-limpressionnante-chute-de-la-consommation-des-menages-en-france/">chute de la consommation des ménages</a> viennent aujourd’hui considérablement redistribuer les cartes de notre société de consommation. Une stratégie utilisée par les sites de vente peut particulièrement renforcer ces phénomènes. On la nomme la tarification dynamique en ligne. Il s’agit d’une stratégie de variation incessante des prix à la hausse et à la baisse, à laquelle de plus en plus de sites ont recours pour des catégories différentes de produits ou de services.</p>
<p>À titre illustratif, cette méthode a été utilisée par le site Ticketmaster pour distribuer les billets des <a href="https://www.rtbf.be/article/bruce-springsteen-des-tickets-vendus-a-plus-de-5000-11038366">concerts de Bruce Springsteen</a> dans le cadre de sa tournée 2023, avec des prix qui sont montés jusqu’à 5 000 dollars pour les places les plus prisées, menant les fans à s’insurger.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/521241/original/file-20230417-20-k0oy6h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Le chanteur Bruce Springsteen" src="https://images.theconversation.com/files/521241/original/file-20230417-20-k0oy6h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521241/original/file-20230417-20-k0oy6h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521241/original/file-20230417-20-k0oy6h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521241/original/file-20230417-20-k0oy6h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521241/original/file-20230417-20-k0oy6h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521241/original/file-20230417-20-k0oy6h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521241/original/file-20230417-20-k0oy6h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Certains billets pour les concerts de la tournée 2023 de Bruce Springsteen ont été mis à prix à 5 000 dollars.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/10567940@N05/3949821038">Andrés Fevrier/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Nos travaux de <a href="https://www.cairn.info/revue-recherches-en-sciences-de-gestion-2022-4-page-83.htm">recherche</a> invitent particulièrement à envisager les conséquences que la tarification dynamique en ligne peut avoir sur les achats des consommateurs. Comment fonctionne-t-elle ? Quand leur profite-t-elle ou nuit-elle à leurs achats ? Quelles sont les options dont ils disposent pour la limiter ?</p>
<h2>Comment ça marche ?</h2>
<p>La tarification dynamique en ligne repose principalement sur le recours à des algorithmes d’intelligence artificielle utilisés pour orchestrer une fluctuation des prix pour un même produit ou service au cours du temps. Cette stratégie utilise, entre autres, des données relatives aux consommateurs (comme les fameux cookies collectés en ligne ou les informations volontairement données lors d’une inscription en ligne sur un site comme le nom ou l’âge) et les données du marché (comme les prix pratiqués par les concurrents). Cette méthode de fixation des prix permet, par exemple, à des <a href="https://www.boursorama.com/conso/actualites/pourquoi-les-prix-varient-autant-sur-les-sites-de-e-commerce-et-comment-trouver-les-meilleurs-5937d3896007c3653da4711bf57eb9ae">sites de vente de réaliser une variation des prix</a> en temps réel à l’instar d’Amazon, de Cdiscount ou de la Fnac.</p>
<p>L’automatisation algorithmique de la fixation du prix peut même devenir la base du modèle économique de certaines entreprises. Par exemple, pour <a href="https://www.uber.com/fr/fr/ride/how-it-works/upfront-pricing/">l’application Uber</a>, le prix est fixé instantanément selon l’offre et la demande, en s’appuyant, entre autres, sur la planification informatisée des courses demandées par les clients et du nombre de chauffeurs disponibles à ce moment-là pour une zone géographique donnée.</p>
<p>L’objectif premier d’une entreprise qui a recours à la tarification dynamique est de maximiser son profit. Ce dernier est encore plus optimisé lorsque cette méthode repose sur une personnalisation du prix pour chaque consommateur. Dans ce cas, l’algorithme utilisé mobilise, entre autres, son <a href="https://doi.org/10.1177/076737010902400205">« consentement à payer »</a> (correspondant au montant maximal qu’il est prêt à payer pour un produit), critère qui découle d’un calcul algorithmique prenant par exemple en compte son historique d’achats.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1071900613280231424"}"></div></p>
<h2>Le consommateur, gagnant ou perdant ?</h2>
<p>Dans le cadre de la tarification dynamique en ligne, on peut légitimement se demander dans quelle mesure une variation continue des prix pour un produit identique mène le consommateur à se sentir gagnant ou perdant…</p>
<p>Deux formes extrêmes de tarification dynamique peuvent être identifiées. La première est une forme basique où le prix du produit ou du service proposé varie dans le temps de la même façon pour tous les consommateurs. La seconde forme est totalement personnalisée c’est-à-dire qu’un prix différent est appliqué à chaque consommateur en se basant sur l’estimation algorithmique de son <a href="https://doi.org/10.1177/076737010902400205">« consentement à payer »</a>. Dans ce second cas, les consommateurs se voient proposer au même moment des prix différents pour un article identique. L’évaluation du consentement à payer peut ne pas être le reflet de la réalité économique et sociale des individus. L’algorithme peut donc conduire à une surestimation de ce paramètre qui peut être perçue comme injuste par les individus et donc les mener à se sentir perdants.</p>
<p>De façon générale, quelle que soit l’approche utilisée pour la tarification dynamique en ligne, lorsqu’un prix est perçu comme élevé, le consommateur se voit comme perdant, à l’image des réactions des fans qui ne pouvaient s’offrir les places pour un des concerts de <a href="https://www.rtbf.be/article/bruce-springsteen-des-tickets-vendus-a-plus-de-5000-11038366">Bruce Springsteen</a>. Tandis que <a href="https://www.boursorama.com/conso/actualites/pourquoi-les-prix-varient-autant-sur-les-sites-de-e-commerce-et-comment-trouver-les-meilleurs-5937d3896007c3653da4711bf57eb9ae">lorsqu’il paie un prix qu’il perçoit comme bas</a>, le consommateur en ressort gagnant.</p>
<h2>Que peut faire le consommateur ?</h2>
<p>Des outils traqueurs de prix se développent pour aider les consommateurs à retrouver l’historique des prix pratiqués par certaines plates-formes comme Amazon afin de décider si leur achat est à réaliser maintenant ou s’ils prennent le pari d’attendre. Il est également possible de trouver des sites qui aiguillent les consommateurs lors d’achat de produits particuliers quand la tarification dynamique en ligne devient fréquemment utilisée dans certains domaines comme pour les <a href="https://www.protegez-vous.ca/nouvelles/technologie/la-tarification-dynamique-dans-les-concerts-en-10-questions">places de concert</a>.</p>
<p>Les consommateurs peuvent aussi essayer autant que possible de limiter les données que les sites peuvent collecter en n’autorisant pas la <a href="https://www.generation-nt.com/actualites/fluctuation-prix-internet-tarification-dynamique-1909160">collecte de cookies</a> lorsqu’ils visitent un site. Ils peuvent aussi éviter de donner toutes les informations demandées lorsqu’ils saisissent un formulaire d’inscription. Il est également envisageable d’effectuer certains achats lorsque ce n’est pas la saison afin de s’assurer que la demande de produits est faible à l’instar de l’achat d’un parasol ou d’un barbecue en hiver.</p>
<p>Évidemment, la tarification dynamique soulève également la question de la responsabilité des entreprises. Ces dernières doivent s’interroger sur les limites des différents algorithmes auxquels elles peuvent avoir recours en intégrant les préoccupations des consommateurs. Par exemple, un enjeu pour les sites est de trouver comment minimiser les biais liés aux algorithmes qui peuvent engendrer des prix amenant à surévaluer le <a href="https://doi.org/10.1177/076737010902400205">« consentement à payer »</a> des individus. Pour chaque type de produit ou service, il s’agirait donc de s’interroger aussi sur les intervalles de variation de prix et les fréquences de changement du prix perçus comme acceptables par les potentiels acheteurs.</p>
<p>Par ailleurs, certains sites affichent officiellement le recours à cette stratégie à l’image d’<a href="https://www.uber.com/fr/fr/ride/how-it-works/upfront-pricing/">Uber</a> tandis que d’autres, tel qu’<a href="https://www.reactev.com/fr/blog/strategie-de-prix-dynamiques-amazon">Amazon</a>, décident de ne pas partager les secrets de fabrication de l’algorithme utilisé. À l’ère où les consommateurs appellent les entreprises à plus de transparence, les préoccupations éthiques des entreprises permettant aux individus de ne pas se sentir lésés en comprenant mieux les prix qui leur sont proposés lors de l’achat d’un produit peuvent finalement apparaître comme essentielles et s’avéraient être un atout stratégique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203937/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La tarification dynamique (variation continue des prix à la hausse et à la baisse), couplée à l’inflation, peut parfois donner le sentiment aux individus d’être gagnants.Sarah Benmoyal Bouzaglo, Maitre de conférences, Université Paris CitéCorina Paraschiv, Professeur des Universités en Sciences de Gestion, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1998162023-02-28T18:14:36Z2023-02-28T18:14:36ZEntrepreneurs et autoentrepreneurs, la grande confusion<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/509794/original/file-20230213-24-a1ald3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=73%2C95%2C1962%2C1437&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
Depuis 2009, au moins la moitié des créations d'entreprises en France se font sous le statut de « microentreprise ».
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/harry_nl/49470038047">Flickr/École polytechnique</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Depuis les années 1970, la France a <a href="https://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=GEN_095_0027">multiplié les politiques publiques</a> visant à favoriser l’entrepreneuriat pour stimuler la croissance. Ces deux dernières décennies, le nombre de créations annuelles d’entreprises a doublé, notamment sous l’effet de l’apparition du statut d’autoentrepreneur en 2009 (renommé « microentrepreneur » en 2017). Depuis, au moins la moitié des créations se font sous ce statut et aujourd’hui, un entrepreneur sur deux exerce sous ce régime. Le développement des plates-formes numériques <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-socio-economie-2020-2-page-175.htm">qui recourent à des sous-traitants au lieu de salariés</a>, comme Uber ou Deliveroo, a en effet accentué la tendance.</p>
<p><iframe id="SBz4x" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/SBz4x/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Pour autant, peut-on dire que tout travailleur indépendant sous le régime de l’autoentrepreneuriat est un entrepreneur ? Comme nous l’avons montré dans nos récents <a href="https://www.cairn.info/revue-entreprendre-et-innover-2017-3-p-57.htm">travaux</a>, certainement pas.</p>
<p>Le statut d’autoentrepreneur a été créé pour encourager l’entrepreneuriat en réduisant les formalités administratives et en proposant des facilités économiques (exemption de TVA et de faibles cotisations sociales). S’il est tout à fait adapté à des activités complémentaires ou occasionnelles (se posant ainsi en incitation à « l’entrepreneuriat hybride », c’est-à-dire au cumul entre un emploi salarié et une création d’entreprise), il semble <a href="https://www.cairn.info/revue-entreprendre-et-innover-2017-3-p-57.htm">important de rappeler</a> l’écart entre entrepreneur et autoentrepreneur dès lors qu’il s’agit d’une activité principale.</p>
<h2>Pas d’autres emplois à la clef</h2>
<p>Un entrepreneur a une volonté de croissance et devrait, à terme, créer des emplois et dynamiser l’économie de son territoire (si ce n’est de son pays). À l’inverse, la majorité des autoentrepreneurs, qui ne font que créer leur propre activité, ne peuvent pas ou ne veulent pas croître, n’auront pas d’employés et n’ont probablement qu’un effet limité sur le dynamisme économique local (notamment en raison de <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1374690?sommaire=1374698">leurs faibles revenus</a>).</p>
<p>S’il s’agit bien de la création d’un emploi, il n’y en aura pas d’autres à la clef, c’est même implicite dans le nom originel du statut. Les « emplois » actuellement créés par les plates-formes (chauffeurs, livreurs, petits travaux, etc.) <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=F7haDwAAQBAJ">accentuent encore cet état de fait</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-culture-entrepreneuriale-est-elle-vraiment-plus-developpee-ailleurs-quen-france-195770">La culture entrepreneuriale est-elle vraiment plus développée ailleurs qu’en France ?</a>
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</p>
<hr>
<p>Au fil du temps, plusieurs modèles ont essayé de définir ce qu’est un entrepreneur. Traditionnellement, il a été défini comme une personne qui <a href="https://academic.oup.com/qje/article-abstract/79/3/373/1923759">porte une innovation</a>, qui <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/journal-of-institutional-economics/article/frank-knight-uncertainty-and-knowledge-spillover-entrepreneurship/F300A918645A049FA78307C3FABE5865">assume le risque</a> de l’activité ou encore qui assure la <a href="https://www.taylorfrancis.com/books/mono/10.4324/9780203068489/social-economics-jean-baptiste-say-evelyn-forget">coordination d’une activité nouvelle</a>. Plus récemment, la recherche a proposé pour de compléter ce profil avec la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/088390269090023M">volonté de croissance</a>, <a href="https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/104225879101500405">certains traits de personnalité</a> ou de l’analyser dans une <a href="https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/104225870102500404">perspective évolutionniste</a> (selon laquelle l’entrepreneuriat s’explique par la culture d’une société).</p>
<p>Or, il est facile de constater que le simple fait de travailler à son compte ne correspond aucunement à certaines de ces définitions, et seulement de manière partielle à d’autres :</p>
<p><iframe id="gbliG" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/gbliG/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Un travailleur indépendant n’a pas à être innovant ou orienté vers la croissance. Il peut parfaitement assurer sa subsistance en réalisant seul et de manière constante dans le temps une activité classique, qualifiée (artisanat d’art, graphisme, conseil aux entreprises, etc.) ou non (artisanat simple, services aux particuliers, taxi, etc.).</p>
<p>La réalité pratique et juridique va d’ailleurs en ce sens, puisque la majorité des aides financières à la création d’entreprise, notamment toutes celles à l’innovation, ne peuvent être obtenues sous statut d’autoentrepreneur.</p>
<p>Il est donc nécessaire de clarifier la différence entre entrepreneuriat et travail indépendant, de distinguer leurs effets, leurs intérêts et leurs difficultés, et de mettre en place des politiques publiques distinctes.</p>
<h2>Un besoin de mesures plus précises</h2>
<p>Que pouvons-nous faire pour cela ? Il est possible d’apporter des réponses en tant que chercheurs, décideurs publics ou même simples citoyens.</p>
<p>En tant que chercheurs, il semble nécessaire de distinguer dans nos travaux entrepreneurs et travailleurs indépendants (« self-employed »). Comment espérer influer sur les politiques publiques lorsque le champ académique lui-même n’est pas capable de dépasser ces limites conceptuelles ? Ce déficit de distinction conduit à survaloriser l’entrepreneuriat comme une <a href="https://www.cairn.info/revue-de-l-entrepreneuriat-2017-1-p-7.html">réponse « héroïque »</a> et viable aux difficultés rencontrées par certaines populations, en construisant des conclusions sur la prégnance du travail indépendant.</p>
<p>Or, si le travail indépendant constitue une réponse possible et viable au chômage, il a aussi d’importantes limites en termes de revenus, de sécurité et de capacité à démultiplier le gain économique. En l’état de la littérature, le champ de la recherche sur l’entrepreneuriat n’est aujourd’hui que peu capable de traiter les questions soulevées par le statut d’autoentrepreneur (contrairement par exemple à nos collègues sociologues, qui se sont saisis avec pertinence de ses ambiguïtés).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1215878610382475268"}"></div></p>
<p>Au niveau des décideurs publics, il semble nécessaire de mesurer de manière plus précise les résultats et les externalités des politiques publiques associées à l’entrepreneuriat. Cela passe par distinguer systématiquement création d’entreprise et création d’autoentreprises. De même, mesurer le niveau de vie à moyen terme des personnes ayant bénéficié d’aides à la création semble nécessaire. N’aurait-il pas été plus pertinent de les aider à trouver un emploi « classique » ? Est-il souhaitable de créer une classe de « faux entrepreneurs précaires » sous prétexte de faire baisser le taux de chômage ?</p>
<h2>Des services classiques, simples et locaux</h2>
<p>La récente réforme de l’assurance chômage va-t-elle pousser davantage de personnes <a href="https://theconversation.com/le-maintien-dans-lemploi-des-seniors-lenjeu-oublie-de-la-reforme-des-retraites-128960">notamment des seniors</a>, vers ces statuts précaires, peu rémunérateurs et peu créateurs de valeur pour le système économique ? De nouveaux questionnements et de nouveaux indicateurs sont nécessaires pour répondre à ces questions. Et ces indicateurs doivent aussi exister au niveau des organismes non gouvernementaux. Par exemple, aujourd’hui, l’OCDE mesure l’entrepreneuriat et l’emploi indépendant comme des synonymes.</p>
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<p>Enfin, en tant que citoyens, nous pouvons bien sûr réclamer une meilleure évaluation des politiques publiques liées à l’entrepreneuriat. Quel est le montant des fonds distribués par la BPI, pour combien d’emplois créés et à quel terme ? Quels sont les fonds réellement consacrés à l’accompagnement de travailleurs indépendants à l’activité potentiellement pérenne ? Doit-on subventionner des plates-formes pour qu’elles créent des autoentrepreneurs paupérisés ?</p>
<p>Il s’agit aussi de faire la part des choses : certes, le contexte médiatique sature l’opinion publique d’histoires d’entrepreneurs héroïques et multimilliardaires, ou encore de start-up disruptives et révolutionnaires. Mais l’immense majorité des travailleurs indépendants s’efforce tout simplement de fournir des services classiques, simples et locaux. Ces derniers méritent certainement davantage de considération.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199816/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Yves Ottmann travaille en tant que prestataire pour plusieurs entreprises de services aux travailleurs indépendants.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Andrés Davila Valdiviezo, Cindy Felio et Fernanda Arreola ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les travailleurs des plates-formes numériques sont-ils des entrepreneurs comme les autres ?Jean-Yves Ottmann, Chercheur en sciences du travail, Université Paris Dauphine – PSLAndrés Davila Valdiviezo, Psychologue, chercheur en management, ESCE International Business SchoolCindy Felio, Psychologue, Chercheuse en Sciences de l’Information et de la Communication, Laboratoire MICA (EA 4426), Université Bordeaux MontaigneFernanda Arreola, Dean of Faculty & Research, ISC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2005552023-02-27T18:11:41Z2023-02-27T18:11:41ZDéveloppement durable : le levier du financement participatif pour les entrepreneurs<p>L’engagement de l’Union européenne vers une réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici 2030 avec un objectif de neutralité carbone d’ici 2050 mobiliserait au moins <a href="https://visionsforeurope.eu/v4e-articles/the-european-green-deal-and-sustainable-business-growth/">1000 milliards d’euros d’investissements durables</a> privés et publics dans les dix prochaines années. Ceci se traduit également par un changement de position et d’attitude de la population face à la consommation durable. En France, <a href="https://www.statista.com/statistics/1328926/consumer-attitudes-towards-sustainability-francea">60 %</a> des personnes interrogées ont déclaré que leurs critères d’achat prennent désormais en compte les pratiques durables des marques ainsi que leurs engagements sociétaux.</p>
<p>Certes, l’application des 17 Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies ne progresse pas comme prévu. Le dernier <a href="https://www.oecd.org/wise/the-short-and-winding-road-to-2030-af4b630d-en.htm">rapport</a> de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) alerte sur le retard et la quasi-impossibilité de les atteindre d’ici 2030. Malgré de bonnes <a href="https://www.lesechos.fr/politique-societe/societe/environnement-la-france-fait-plutot-bonne-figure-dans-les-classements-mondiaux-1385045">prestations sur quelques indices climatiques</a>, la France a de son côté accumulé du retard et doit à présent <a href="https://www.geo.fr/environnement/apres-la-cop26-la-france-doit-rehausser-ses-objectifs-selon-le-haut-conseil-pour-le-climat-207536">réviser de manière plus ambitieuse</a> son plan de développement durable.</p>
<p>Le déficit de financement du développement durable afin de réaliser les ODD des Nations unies a encore augmenté de 35 % au cours de 2022 pour atteindre <a href="https://finance.yahoo.com/news/force-good-reveals-funding-gap-083008051.html?guce_referrer=aHR0cHM6Ly93d3cuZ29vZ2xlLmNvbS8&guce_referrer_sig=AQAAAKBod4uq5n6knRb6VCF2I1GTcbHaDOfJelQO6l-GcagVHdU8UyYNby6RRJJhVgkLqox4a_gvRQSJkYUQDxNlg0ZBvzaLiXp3BDp4BaSPf2gB0eM0MxakzEzT5q56IW2TAlKe-Z6GjqEwXctI0kPlMPyJGMNLEW1Z1Wg0qP8y6PwB&guccounter=2">135 000 milliards de dollars</a>. À la hauteur de ce défi se trouve également l’identification de plusieurs opportunités pour créer de la valeur à travers l’entrepreneuriat. En effet, les recherches indiquent que les <a href="https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1111/j.1540-6520.2010.00426.x">entrepreneurs « durables</a> » ont le potentiel de résoudre les problèmes de développement durable auxquels le monde est confronté aujourd’hui.</p>
<h2>Une alternative pour les projets jugés risqués</h2>
<p>L’entrepreneuriat durable constitue une branche de l’entrepreneuriat qui cherche à rallier la création de valeur sociale, environnementale et économique tout en répondant aux besoins actuels. Par exemple, les entrepreneurs durables développent leurs activités dans la gestion des déchets, à la protection de la biodiversité et des écosystèmes naturels entre autres.</p>
<p>Or, ces entrepreneurs durables sont aujourd’hui confrontés à des <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10551-017-3646-8">difficultés supplémentaires</a> lorsqu’ils recherchent des fonds par le biais des canaux de financement traditionnels, car ils doivent justifier de la viabilité de leur modèle économique qui vise non seulement des objectifs économiques mais aussi un cap sociétal et environnemental au-delà du profit. Les institutions de financement traditionnelles peuvent en outre refuser d’octroyer des prêts, car les règles bancaires peuvent ne pas correspondre aux exigences de production de l’entreprise durable, à la quantité de production ou aux installations disponibles dans l’usine.</p>
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<p>Dans ce contexte, nous avons <a href="https://doi.org/10.1108/IJEBR-05-2021-0321">mené une recherche</a> qui explore le rôle du financement participatif pour les entrepreneurs durables. Pour rappel, le « crowdfunding » (financement par la foule en français) permet aux entrepreneurs de financer leurs projets en collectant des contributions financières via des plates-formes en ligne (comme <a href="https://fr.ulule.com/">Ulule</a> ou <a href="https://fr.lita.co/fr">Lita.co</a>). En France, il a connu une forte croissance de plus de 84 % en 2021 avec <a href="https://financeparticipative.org/wp-content/uploads/2022/02/BAROMETRE_CROWDFUNDING-2021_FPF-MAZARS.pdf">1,8 milliard d’euros</a> collectés et plus de 5 milliards depuis son émergence en 2015. Ceci pourrait être particulièrement utile pour les projets innovants de développement durable qui sont jugés trop risqués par les investisseurs traditionnels.</p>
<p>Notre recherche a permis de dégager plusieurs usages sur la façon dont ce mode de financement pourrait aider les entrepreneurs durables à réaliser leurs objectifs au-delà de la collecte de fonds. Tout d’abord, il permet également d’éviter les retards et les défis posés par les institutions de financement traditionnelles. En fonction du secteur et du type de <em>crowdfunding</em> choisi, l’objectif peut être atteint entre <a href="https://financeparticipative.org/wp-content/uploads/2022/02/BAROMETRE_CROWDFUNDING-2021_FPF-MAZARS.pdf">3 heures et 72 jours</a>.</p>
<h2>Créer de l’engouement</h2>
<p>En outre, les fonds collectés aident les entrepreneurs durables à éviter les risques personnels et financiers supplémentaires liés au remboursement, aux taux d’intérêt élevés ou à un défaut de paiement. D’autres types d’exigences telles que le contrôle de l’entreprise ou l’obtention d’une part du capital peuvent également être évitées en choisissant le bon type de crowdfunding.</p>
<p>La start-up <a href="https://nofilter.eco/">NoFilter</a> a par exemple réussi le pari via le financement participatif de son projet afin de s’engager auprès des agriculteurs français en transformant leurs écarts de tri en jus artisanaux et en les accompagnant dans leur conversion vers l’agriculture bio et la transition écologique plus globalement.</p>
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<figcaption><span class="caption">Lutter contre le gaspillage alimentaire avec NoFilter (Gouvernement, 2022).</span></figcaption>
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<p>Le <em>crowdfunding</em> aide également les entrepreneurs durables à créer l’engouement en commercialisant et en communiquant librement sur leurs produits, services ou projets durables auprès d’un large spectre de parties prenantes. Il permet également d’attirer, de multiplier et de construire des relations à long terme avec des clients et de poursuivre les aspects traditionnels du marketing tels que la création d’une image de marque, le gain de visibilité, la promotion de produits, ou l’offre de remises par le biais de précommandes.</p>
<p>Par exemple, <a href="https://lamarqueenmoins.fr">La marque en moins</a> a su non seulement se financer mais aussi créer un mouvement autour de ses produits ménagers innovants avec une approche durable.</p>
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<figcaption><span class="caption">Brut X : la marque en moins (2021).</span></figcaption>
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<p>Le <em>crowdfunding</em> peut aussi servir aux entrepreneurs durables de tremplin pour d’autres projets : l’investissement dans des produits de substitution, la production et la vente d’autres produits dérivés durables ou l’injection de capitaux pour construire une plate-forme en ligne. De tels projets non définis peuvent souvent être considérés comme incertains et donc poser une ambiguïté dans l’esprit des investisseurs traditionnels qui visent à obtenir un retour sur investissement.</p>
<h2>Choisir la bonne plate-forme</h2>
<p>Contrairement aux moyens traditionnels de collecte de fonds, la plate-forme de <em>crowdfunding</em> offre aux entrepreneurs durables une occasion de tester leurs idées, produits, services ou projets. Elle permet de vérifier si la vision, les buts et les objectifs des entrepreneurs en matière de durabilité sont acceptés ou rejetés par leurs clients potentiels. Ainsi, le taux de réussite de la campagne de financement permet de tester l’appétit du segment de marché ciblé.</p>
<p>De plus, celle-ci peut générer une légitimité pour les entrepreneurs durables et servir de preuve de crédibilité et de source d’information sans manipulation ni discordance. Ainsi, son lancement constitue un argument de vente supplémentaire lorsqu’il s’agit de solliciter des fonds, des partenariats ou d’autres collaborations avec des tiers. <a href="https://actu.fr/bretagne/lannion_22113/lannion-des-ventes-exceptionnelles-pour-endro-cosmetiques-en-2022_57005271.html">Endro Cosmétiques</a>, une start-up bretonne, a par exemple testé le marché et les arguments de vente avant de lancer son déodorant zéro déchet à travers une campagne de <em>crowdfunding</em>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Présentation d’Enduro cosmétiques (Endro, 2020).</span></figcaption>
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<p>Cependant, outre les avantages que les entrepreneurs durables peuvent exploiter pour lever des fonds, ces derniers doivent cependant faire attention à choisir la bonne plate-forme parmi les quelque 180 en France et le bon type de <em>crowdfunding</em>. Ils doivent notamment se tourner vers celles ayant de solides antécédents en matière de développement durable. Ainsi, les plates-formes qui ont déjà rassemblé des communautés de personnes engagées pourront susciter davantage d’engouement et participer ainsi à la visibilité et la croissance de la start-up bien au-delà de la levée de fonds.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200555/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le « crowdfunding » offre des avantages différents des canaux de financement traditionnel pour des projets dans la gestion des déchets ou la protection des écosystèmes naturels.Ghassan Paul Yacoub, Professor of Innovation, Strategy, and Entrepreneurship, IÉSEG School of ManagementPaulami Mitra, Assistant Professor in Management; Academic Director, IÉSEG School of ManagementTiago Ratinho, Associate Professor in Entrepreneurship, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1998302023-02-15T23:10:44Z2023-02-15T23:10:44ZBonnes feuilles : Transformation digitale et politiques publiques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/509814/original/file-20230213-20-fqnm73.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C24%2C1211%2C682&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le numérique contribue aujourd’hui à redessiner les rapports entre gouvernants et gouvernés.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/argonne/14557566204">Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Dans nos sociétés contemporaines, l’ampleur de la digitalisation n’est plus à démontrer. Alors que les entreprises ont intégré les enjeux du numérique depuis plus de vingt ans, le secteur public s’y trouve aujourd’hui confronté de plein fouet.</em></p>
<p><em>Comment cette nouvelle donne « numérique », portée principalement par les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/plates-formes-31157">plates-formes</a> et le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/big-data-23298">big data</a>, entre-t-elle en résonnance avec les nouvelles politiques publiques ? Et comment le numérique contribue-t-il à redessiner les rapports entre gouvernants et gouvernés ? L’ouvrage collectif coordonné par Valérie Revest et Isabelle Liotard</em>, <a href="https://www.istegroup.com/fr/produit/transformation-digitale-et-politiques-publiques/">Transformation digitale et politiques publiques : les enjeux actuels</a> <em>(Éditions ISTE), étudie la manière dont l’utilisation des outils digitaux affecte certaines politiques publiques.</em></p>
<p><em>Dans cette recherche, dont The Conversation France publie ci-dessous des extraits, deux grandes questions sont soulevées : si les acteurs publics mobilisent de manière croissante ces outils, quels sont concrètement les instruments/mécanismes choisis ? Les catégories d’outils digitaux utilisés influencent-elles les objectifs et la mise en œuvre des politiques publiques ? Ces problématiques sont abordées au travers de trois terrains : les plates-formes et les politiques d’innovation, les modèles de microsimulation et les politiques sociales, et les big data et les politiques de la santé.</em></p>
<hr>
<h2>Une analyse impérative</h2>
<p>Selon un large consensus, les technologies digitales sont en cours de restructurer radicalement des industries entières. La multiplication et la mise à disposition de vastes ensembles de données numériques provenant de sources hétérogènes, couplées à une capacité d’analyse de plus en plus rapide et de moins en moins coûteuse, ouvrent en effet la voie à de nouvelles expertises dans des domaines très variés. Dans le secteur privé, ces technologies sont à l’origine de nouveaux business models et de nouveaux modes d’organisations et d’interactions.</p>
<p>Dans le prolongement de cette tendance, le soutien à la production et à l’exploitation des données numériques est appréhendé par les États comme un des piliers de leur développement économique et social, ainsi qu’en témoignent les investissements massifs réalisés ces dernières années dans des secteurs aussi variés que la santé ou la sécurité intérieure.</p>
<p>Les promoteurs de la révolution numérique voient dans l’émergence d’une « nouvelle » politique de la donnée, une transformation de la conception traditionnelle de l’État et de ses modes d’intervention. Le déploiement de cette « nouvelle forme d’action publique » basée sur la régulation par la donnée susciterait de profondes recompositions dans les modes de gouvernance existants.</p>
<p>C’est ainsi qu’émergent de nouveaux concepts – e-government, <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-des-sciences-administratives-2012-2-page-367.htm">open-government</a> ou <a href="https://www.economie.gouv.fr/igpde-editions-publications/analyse-comparative-n6">citizen sourcing</a>. Ces derniers permettent de concrétiser la venue de nouveaux acteurs, l’émergence de nouveaux savoirs et instruments davantage dépolitisés ciblant la conduite individuelle, ainsi que de nouvelles formes d’action collective.</p>
<p>Se déployant dans un contexte marqué par une forte défiance à l’égard du pouvoir politique traditionnel, ces technologies digitales sont présentées par certains acteurs comme un moyen de répondre au déficit démocratique des sociétés contemporaines.</p>
<p>D’un côté la production et l’accès à des données massives de la part des décideurs publics permettraient d’améliorer l’efficacité des politiques publiques, ainsi que la démocratie. Ces technologies leur offriraient ainsi la possibilité de prendre des décisions rapides et de résoudre des problèmes d’une manière beaucoup plus flexible. Elles amélioreraient ainsi l’efficacité de la prise de décision.</p>
<p>D’un autre côté, les effets des outils numériques sur l’action publique seraient plus complexes à analyser et ambivalents. Le cas du recours aux <a href="https://www.etalab.gouv.fr/retour-sur-lopen-data-maturity-index-2021-politique-gouvernance-de-lopen-data-en-france-1-4/">open data</a> (données ouvertes) est particulièrement révélateur de cette complexité. Ces dernières désignent, de manière synthétique, des données auxquelles n’importe qui peut accéder, que tout le monde peut utiliser ou partager.</p>
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<p>Parallèlement, on observe également un recours croissant de l’État à des bases de données possédées par des entreprises privées : on pense par exemple à l’utilisation des données de téléphonie mobile pour mesurer la répartition de la population sur le territoire en période de confinement.</p>
<p>Deux thématiques apparaissent comme primordiales. Premièrement, les interactions entre les producteurs de données publiques et privées, en lien avec la notion de propriété, nécessitent une réflexion approfondie. Deuxièmement, les questions de l’accès, du coût, et de l’utilisation des données constituent un enjeu majeur pour les usagers.</p>
<h2>Une intégration accrue… mais difficile</h2>
<p>Les études de terrain nous ont permis de mettre en lumière deux grands enseignements. Il n’existe pas une réponse unique aux questions posées, et la spécificité des politiques conduites dans des domaines bien particuliers nécessite des outils adaptés, reflétant les objectifs de la politique concernée, ses enjeux et ses obstacles.</p>
<p>Dans le contexte de la politique d’innovation européenne, nous soulignons que deux forces sont à l’œuvre : d’un côté la volonté des autorités européennes de « faire » de la politique d’innovation différemment, au travers de <a href="https://www.mdpi.com/2071-1050/15/4/3240">concours</a> et de plates-formes, et de l’autre les limites vis de vis de l’inclusivité des parties prenantes, et donc de la démocratisation du processus. Le défi pour les pouvoirs publics consiste à apprendre à dominer l’outil des plates-formes digitales, ainsi que le souligne Claudine Gay, afin que le design de ces dernières soit en accord avec les objectifs politiques.</p>
<p>Dans le domaine de la santé, Audrey Vézian montre que l’engouement des acteurs publics français pour l’accès aux données de santé génère une tension entre les effets bénéfiques (faciliter l’accès aux données, stimuler la recherche, etc.), et la complexité des mécanismes de gouvernance. Enfin, dans le contexte des politiques sociofiscales Franck Bessis et Paul Cotton étudient les stratégies déployées par les agents de l’administration et les chercheurs pour l’ouverture des données et des codes, dans le cadre des modèles de microsimulation utilisés pour évaluer des réformes. Ils questionnent les enjeux du maintien d’une pluralité et d’un partage des capacités d’évaluation entre administrations et universitaires.</p>
<h2>Des réflexions incontournables pour demain</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/509820/original/file-20230213-30-bx5ubh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/509820/original/file-20230213-30-bx5ubh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/509820/original/file-20230213-30-bx5ubh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=902&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/509820/original/file-20230213-30-bx5ubh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=902&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/509820/original/file-20230213-30-bx5ubh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=902&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/509820/original/file-20230213-30-bx5ubh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1134&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/509820/original/file-20230213-30-bx5ubh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1134&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/509820/original/file-20230213-30-bx5ubh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1134&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.istegroup.com/fr/produit/transformation-digitale-et-politiques-publiques/">Éditions ISTE</a></span>
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<p>Les politiques publiques font face actuellement à de grands défis sociétaux (« <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11024-017-9332-2">grand challenge</a> » en anglais) de plus en plus complexes, incluant notamment dimension technologique, environnementale et sociale (le réchauffement de la planète, la préservation de la biodiversité ou le vieillissement de la population). Aujourd’hui, un grand nombre de chercheurs converge vers l’argument selon lequel, la nature même des grands défis de société bouscule les approches traditionnelles des politiques publiques.</p>
<p>Des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13662716.2016.1146124">pistes de réflexion</a> sur la nécessité de concevoir de nouvelles formes de politiques publiques de l’innovation sont apparues. Selon cette perspective, une vision tournée vers la co-création et le co-design entre gouvernants et gouvernés fait son chemin par exemple la citizen science (portée par exemple par la <a href="https://www.nasa.gov/sites/default/files/atoms/files/2019_nasa_open_innovation_report_final.pdf">NASA</a>). Cette dernière traduit la capacité du citoyen à s’impliquer dans des programmes de recherche tournés vers la science. L’idée générale est que les amateurs (le grand public) peuvent contribuer à la production de connaissances scientifiques (par exemple la remontée de données venant du terrain), avec en filigrane la volonté de renforcer des actions d’éducation et de sensibilisation.</p>
<p>L’autre mouvement à l’œuvre concerne l’impact croissant de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/intelligence-artificielle-ia-22176">l’intelligence artificielle (IA)</a>. Si les plates-formes privées ont été les premières à mettre l’IA au cœur de leur stratégie, les acteurs publics commencent à se saisir également des opportunités offertes par cette technologie. L’arrivée de l’IA affecte notamment les frontières entre les domaines d’intervention des acteurs privés et publics. D’une part, son usage par le secteur privé peut conduire ce dernier à considérer d’un œil nouveau des services jusqu’alors délivrés par le secteur public, et à y trouver une forme nouvelle de rentabilité. Si le <a href="https://www.conseil-etat.fr/publications-colloques/etudes/puissance-publique-et-plateformes-numeriques-accompagner-l-uberisation">périmètre du service public est connu pour être évolutif</a>, l’arrivée de cette technologie a accéléré cette tendance.</p>
<p>D’autre part, à l’inverse, de nouvelles activités de service public ou bien le renforcement de certaines autres peuvent en résulter. Les applications en termes de traitement des données de santé, de défense, d’agronomie, de météo, d’éducation, de justice, de transport et de mobilité en sont une illustration. Ainsi, le défi majeur pour les politiques publiques de demain sera de tenter de concilier les avancées technologiques avec les besoins et souhaits exprimés par la société, tout en satisfaisant aux principes d’efficacité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199830/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Liotard a reçu des financements de la MSH-LSE
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Valérie Revest a reçu des financements de la MSH-LSE et du programme H2020 GROWINPRO.</span></em></p>Un ouvrage publié récemment dresse un panorama des enjeux actuels de la transformation digitale des organisations publiques. Extraits.Isabelle Liotard, Maître de Conférences et chercheure en économie de l'innovation, des plateformes et des réseaux, Université Sorbonne Paris NordValérie Revest, Professeure des universités en sciences économiques, centre de recherche Magellan, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1995732023-02-14T20:34:57Z2023-02-14T20:34:57ZLa modération des contenus est-elle compatible avec l’activité commerciale des réseaux sociaux ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/509004/original/file-20230208-29-rmuq13.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=42%2C19%2C979%2C662&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un pic à près de 200&nbsp;millions d’engagements mensuels a récemment été enregistré pour des histoires de désinformation sur Facebook.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/1240848">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>De nouvelles formes de conflit, qui n’ont rien à voir avec la violence physique, se multiplient sur les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/plates-formes-31157">plates-formes</a> de partage de contenu en ligne : réseaux sociaux, sites de partage de vidéos, services de messagerie, etc. Un pic à près de <a href="https://journolink.com/resources/post/319-fake-news-statistics-2019-uk-worldwide-data">200 millions d’engagements mensuels</a> a été enregistré pour des histoires de désinformation sur Facebook.</p>
<p>Les plates-formes numériques qui hébergent ces contenus sont généralement créées et administrées par des entreprises privées, telles que Facebook et Instagram, qui définissent ces environnements en ligne et tiennent compte de diverses considérations et contraintes économiques rarement évoquées dans les études sur la sécurité.</p>
<p>Les développeurs de ces plates-formes numériques font souvent le choix d’exploiter des « <a href="https://www.xerficanal.com/strategie-management/emission/Philippe-Gattet-Comprendre-les-effets-de-reseau-les-consequences-strategiques_3661.html">effets de réseau</a> », phénomènes par lesquels la valeur d’un utilisateur est d’autant plus grande qu’il y a d’utilisateurs sur le réseau. Idéalement, une plate-forme doit présenter une grande quantité de contenus prêts-à-consommer par les utilisateurs, tout en les incitant à créer de nouveaux contenus que d’autres voudront consommer.</p>
<p>Malheureusement, les effets de réseau rendent ces plates-formes tout aussi attirantes pour les diffuseurs de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/fake-news-38582">fake news</a>, qui savent s’y adapter. C’est la raison pour laquelle les plates-formes de partage de contenu doivent réussir à modérer efficacement leurs contenus (processus par lequel elles contrôlent et suppriment les contenus qui violent leurs conditions d’utilisation).</p>
<p>Or, comme nous avons pu le constater à l’occasion d’un <a href="https://www.irsem.fr/institut/actualites/report-irsem-no-99-2022.html">travail de recherche</a> récent, ces activités de modération sont souvent très chronophages et difficilement automatisables, car les algorithmes sur lesquels elles s’appuient restent imprécis.</p>
<h2>Une position délicate</h2>
<p>Le modèle économique des plates-formes numériques consiste généralement à développer la base d’utilisateurs afin de maximiser les effets de réseau. Les plates-formes doivent trouver le juste équilibre entre les utilisateurs, les créateurs de contenu et les annonceurs.</p>
<p>Chaque type d’utilisateur paie un prix différent : les personnes lambda utilisent les services gratuitement, celles qui produisent un contenu particulièrement intéressant peuvent être rémunérées, et enfin, celles qui tirent le plus grand profit de la plate-forme, c’est-à-dire les annonceurs, doivent payer. Outre la gestion des effets de réseau et de la tarification, les plates-formes numériques profitent d’économies d’échelle grâce au déploiement de logiciels qui facilitent le travail.</p>
<p>Mais en regardant de plus près, on constate que certains choix peuvent contribuer à transformer ces plates-formes en lieux de conflit. Par exemple, elles fournissent des outils qui augmentent les chances de rendre certains contenus « viraux », c’est-à-dire qu’ils atteignent une grande notoriété grâce aux partages et aux vues. Cet effet est facile à exploiter pour les militants qui défendent des programmes extrémistes et suscitent des réactions encore plus hostiles de la part des utilisateurs qui ne partagent pas leur avis.</p>
<p>Tout cela met les plates-formes de partage de contenu dans une position délicate : si la modération est insuffisante ou inefficace, cela peut avoir des conséquences négatives sur les utilisateurs et le grand public. À l’inverse, les modérateurs peuvent aussi être accusés de partialité lorsqu’ils choisissent ce qu’ils autorisent, suppriment, relèguent au second plan ou interdisent.</p>
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<a href="https://theconversation.com/podcast-sur-les-reseaux-sociaux-aussi-la-mauvaise-monnaie-chasse-la-bonne-148240">Podcast : Sur les réseaux sociaux aussi, « la mauvaise monnaie chasse la bonne »</a>
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<p>S’ensuit un cercle vicieux : le manque de modération entraîne une polarisation des utilisateurs, laquelle conduit à ce que l’une ou l’autre des factions critique la modération, critiques qui à leur tour poussent la modération à s’abstenir de modérer, et ainsi de suite.</p>
<h2>Légitimité et équité</h2>
<p>Au regard de leur volume, les opérateurs ont du mal à modérer efficacement les contenus partagés sur les plates-formes numériques, alors que les acteurs malveillants sont capables d’adapter rapidement leurs stratégies et leurs tactiques, par exemple en coordonnant des activités non authentiques.</p>
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<p>Les groupes politiques extrémistes dans les États démocratiques, comme les climatosceptiques, ou l’appareil d’État lui-même dans les États autoritaires sont des exemples de groupes qui constituent des menaces par la diffusion d’informations déformées. Au-delà des frontières, il arrive que les services de renseignement et de propagande de certains États se livrent à de telles activités à l’encontre d’autres États.</p>
<p>Parmi les cas récents de manipulation de l’information en ligne, citons les tentatives russes de <a href="https://time.com/5565991/russia-influence-2016-election/">déstabilisation</a> des élections américaines de 2016, ou l’intox des <a href="https://www.cnbc.com/2017/05/07/macron-email-leaks-far-right-wikileaks-twitter-bots.html">« Macron leaks »</a> lors des élections présidentielles françaises de 2017. Dans le contexte de la <a href="https://theconversation.com/invasion-russe-de-lukraine-lheure-de-gloire-de-losint-187388">guerre entre la Russie et l’Ukraine</a>, des informations sur l’existence présumée de laboratoires de production d’armes biologiques en Ukraine ont été diffusées sur les réseaux sociaux par des organisations secrètes qui seraient russes et chinoises. Des campagnes anti-vaccination ont également été menées depuis le début de la pandémie de Covid-19.</p>
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<a href="https://theconversation.com/fake-news-resultats-peu-fiables-comment-distinguer-bonne-et-mauvaise-recherche-biomedicale-195262">Fake news, résultats peu fiables… Comment distinguer « bonne » et « mauvaise » recherche biomédicale ?</a>
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<h2>Réduction des coûts</h2>
<p>La modération des contenus doit donc s’inscrire dans le modèle économique des plates-formes. Aujourd’hui, elles consacrent une très grande partie de leur personnel à la modération des contenus, mais il n’est pas certain que cette activité puisse être maintenue, compte tenu de leurs revenus actuels.</p>
<p>Les difficultés financières chroniques de Twitter illustrent la difficulté, pour une plate-forme de petite taille, à rester rentable tout en assurant une modération appropriée. La nouvelle stratégie de gestion d’Elon Musk semble miser sur une <a href="https://apnews.com/article/elon-musk-twitter-inc-technology-business-san-francisco-fa63069c6cb48850f3c36d052bd96044">réduction drastique de tous les coûts</a>, y compris de modération, avec l’espoir que les revenus ne chutent pas trop du fait du départ d’annonceurs qui ne veulent pas être associés à une plate-forme sans modération. Reste à voir si cela est possible.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-rachat-par-elon-musk-risque-daggraver-le-probleme-de-desinformation-de-twitter-181980">Le rachat par Elon Musk risque d’aggraver le problème de désinformation de Twitter</a>
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<p>Lorsqu’une plate-forme décide de se lancer dans des activités de modération, l’élaboration de procédures en la matière peut être assez décourageante. D’abord, il faut trouver un consensus sur le traitement des contenus politiques ou idéologiques. Les orientations et les critères doivent être étayés par une légitimité claire et établie.</p>
<h2>Le « comment » plus que le « quoi »</h2>
<p>À cet égard, des règles, instituées par un processus démocratique, peuvent s’avérer très utiles. Avec l’entrée en vigueur de la législation européenne sur les services numériques (<a href="https://www.vie-publique.fr/eclairage/285115-dsa-le-reglement-sur-les-services-numeriques-ou-digital-services-act">règlement DSA</a>), les dirigeants de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/union-europeenne-ue-20281">l’Union européenne</a> seront d’ailleurs autorisés à imposer un niveau minimum de modération.</p>
<p>Pour être légitime, un cadre doit être porté par un processus démocratique. Le règlement DSA porte essentiellement sur les moyens de modération que les plates-formes doivent mettre en œuvre ou dans lesquels elles doivent investir, c’est-à-dire sur le « comment » plutôt que sur le « quoi » modérer, en partant du principe qu’il sera plus facile de s’entendre sur le premier point que sur le second.</p>
<p>L’objectif du règlement DSA est de garantir un niveau minimum de modération sur toutes les plates-formes, ce qui pourrait tourner à l’avantage des plus grandes, seules susceptibles de rester rentables tout en assurant la modération requise. On pourrait alors assister à une plus forte concentration au sommet, avec de nouvelles plates-formes qui restent petites et suivent des modèles dans lesquels la modération est soit inutile, soit impossible, afin d’éviter les coûts y afférents.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199573/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Chatain ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La lutte contre la désinformation représente ainsi un coût important et se heurte aux contraintes des modèles économiques. Les pouvoirs publics sont ainsi appelés à se mobiliser davantage.Olivier Chatain, Professor, Strategy and Business Policy, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1983562023-01-29T17:00:22Z2023-01-29T17:00:22ZLes nouvelles technologies bouleversent le secteur de la finance<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/505901/original/file-20230123-5967-eqsjzj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C102%2C1196%2C691&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Et si les données générées par les transactions rapportaient un jour davantage que les transactions elles-mêmes ?
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/marketing-mains-smartphone-internet-7567443/">Tima Miroshnichenko/Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>L’avènement des technologies numériques a renouvelé et remodelé le paysage financier. Aujourd’hui, l’achat et la vente de titres s’effectuent principalement par le biais de programmes informatiques qui réagissent en quelques nanosecondes (plus vite qu’un humain ne le pourrait) aux plus infimes fluctuations du marché.</p>
<p>Côté vente, la constitution et la liquidation des portefeuilles de titres ont connu d’énormes changements en raison principalement de l’informatisation des opérations de ces cinquante dernières années et, plus récemment, de l’émergence du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/big-data-23298">big data</a>. Les fameuses scènes dans lesquelles une foule de courtiers vêtus de couleurs vives se bousculent, agitant fébrilement les mains et hurlant leurs ordres sur le parquet de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/bourse-25542">bourse</a>, quoique parfois encore reproduites à des fins de marketing, appartiennent désormais au passé.</p>
<h2>Deux nouveaux types de technologies</h2>
<p>L’« électronisation » des opérations boursières repose au moins sur deux types de technologies. D’abord, les bourses ont automatisé le processus de mise en relation des acheteurs et des vendeurs de titres. Imaginons, par exemple, que vous souhaitez acheter 1 000 actions L’Oréal. Votre banque ou votre courtier passera alors votre ordre via Euronext, l’un des marchés sur lesquels L’Oréal est coté. Euronext reçoit, achète et vend en permanence des ordres de ce type, en les faisant correspondre grâce à des ordinateurs et des algorithmes.</p>
<p>Il s’agit déjà là d’un changement profond, mais il faut savoir qu’Euronext recueille également d’énormes quantités de données sur les ordres passés, les transactions réalisées… qui peuvent ensuite être revendues à d’autres intermédiaires et investisseurs. À cet égard, les plates-formes de trading ressemblent de plus en plus aux autres <a href="https://theconversation.com/fr/topics/plates-formes-31157">plates-formes</a> numériques, comme Facebook, Google ou Twitter, et la part de leurs revenus provenant de la vente de données augmente vertigineusement (+13 % par an environ depuis 2012).</p>
<p>Le deuxième type de technologie concerne l’automatisation des décisions d’achat ou de vente de titres de la part des acteurs du secteur. Le recours à des algorithmes pour prendre des décisions de portefeuille est appelé <em>trading algorithmique</em>. En une journée, un gestionnaire d’actifs peut ainsi acheter ou vendre des millions d’actions d’un titre donné en réponse aux entrées et sorties des investisseurs de son fonds. Ce processus d’automatisation est le même que celui que l’on observe dans d’autres secteurs, où les humains sont remplacés par des machines.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Salle de marché en ébullition" src="https://images.theconversation.com/files/505909/original/file-20230123-19-jt54c6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505909/original/file-20230123-19-jt54c6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505909/original/file-20230123-19-jt54c6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505909/original/file-20230123-19-jt54c6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505909/original/file-20230123-19-jt54c6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=522&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505909/original/file-20230123-19-jt54c6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=522&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505909/original/file-20230123-19-jt54c6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=522&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le monde de la finance ressemble de moins en moins à cette photo prise à Wall Street en 2008.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/83532250@N06/7651028854">Thetaxhaven/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Certaines sociétés spécialisées dans le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/trading-haute-frequence-34668">trading haute fréquence</a> utilisent des algorithmes qui s’appuient sur un accès extrêmement rapide aux informations (moins d’une milliseconde), notamment aux données de marché vendues par les plates-formes électroniques de trading. Grâce à leur accès privilégié à ces données, ces sociétés peuvent tirer parti de petites différences de prix pour une même action entre deux plates-formes. Certaines d’entre elles paient même pour que leurs serveurs informatiques soient hébergés près de ceux des plates-formes de trading, voire louent un espace dans la même pièce pour gagner quelques précieuses nanosecondes, qui peuvent faire toute la différence dans la transmission d’informations clés.</p>
<p>L’impact de ces évolutions sur les coûts de négociation des autres acteurs du marché est un sujet controversé, et soulève de nombreuses problématiques qui sont aujourd’hui au cœur des débats politiques dans l’Union européenne et en Amérique du Nord.</p>
<h2>Une réglementation à mettre en place</h2>
<p>L’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) et divers organismes nationaux, comme l’Autorité des marchés financiers (AMF) en France, sont les principales instances de régulation des marchés de valeurs mobilières dans l’UE. La <em>Securities and Exchange Commission</em> (SEC) et la <em>Commodity Futures Trading Commission</em> (CFTC) couvrent quant à elles les marchés américains.</p>
<p>Un certain nombre de questions liées à l’impact des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/nouvelles-technologies-20827">nouvelles technologies</a> doivent être examinées par ces instances. Par exemple, l’électronisation des marchés financiers réduit-elle réellement le coût de constitution et de liquidation des portefeuilles pour les investisseurs ? Les investisseurs pourraient ainsi obtenir des rendements bien plus importants sur leur épargne. Le trading algorithmique rend-il les marchés financiers plus ou moins stables ? Les plates-formes de trading ont-elles trop de poids dans la tarification de leurs données de marché ?</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Dans notre récent <a href="https://cepr.org/publications/books-and-reports/barcelona-4-technology-and-finance">article</a> de recherche, nous posons également la question de savoir si le trading doit être ralenti. Le problème est que les traders à haute fréquence pourraient réaliser des profits excessifs, au détriment des autres participants.</p>
<p>Certaines plates-formes ont aussi des exigences de transparence moins strictes que celles des principales bourses, ce qui peut susciter des inquiétudes. Le volume de ce que l’on appelle le « dark trading » (réseaux d’échanges privés) est en hausse, et représente aujourd’hui environ 40 à 50 % des négociations d’actions dans l’UE, ce qui amène à s’interroger sur la nécessité de réglementer plus strictement les « dark pools ». Enfin, se pose également la question de savoir dans quelle mesure les algorithmes risquent de déstabiliser les marchés financiers et d’entraîner de fortes variations de prix.</p>
<h2>Ce que l’avenir nous réserve</h2>
<p>Dans les années à venir, le modèle économique des bourses devrait donc reposer de plus en plus sur la monétisation des données générées par le trading. Il pourrait alors régner une certaine concurrence entre les plates-formes de trading pour attirer les utilisateurs, qui génèrent ces données, à l’instar de ce que font les géants de la Tech.</p>
<p>Cette tendance, qui s’est accélérée pendant la pandémie de Covid-19, si elle se poursuit, exercera une forte pression concurrentielle sur les courtiers et finira par faire baisser les coûts de négociation pour les investisseurs. Peut-être qu’à un certain stade, les données générées par les transactions rapporteront davantage que les transactions elles-mêmes. Il se pourrait donc qu’à un moment donné, les plates-formes de trading doivent faire plus d’efforts pour attirer les utilisateurs, par exemple en vous payant pour y passer vos ordres, juste pour que vous les utilisiez et génériez davantage de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/donnees-23709">données</a> !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198356/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thierry Foucault ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’essor de l’automatisation des échanges conduit notamment les plates-formes de trading à tirer de plus en plus de revenus de la revente des données qu’elles collectent.Thierry Foucault, Professeur de Finance, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1985512023-01-26T18:10:24Z2023-01-26T18:10:24ZL’instabilité des revenus, une source de mal-être de plus en plus répandue<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/506410/original/file-20230125-22-8la1n0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=46%2C40%2C3835%2C2543&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Uber, une entreprise emblématique de la _gig economy_.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:UBER_Eats_Delivery_Cyclist_Riding_Through_a_Busy_Oxford_Road_in_Manchester.jpg">Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les entreprises de la <em>gig economy</em> (ou économie à la tâche) mettent régulièrement en avant la liberté dont jouissent leurs employés pour organiser leur emploi du temps comme l’une des principales raisons pour préserver le statut de travailleur indépendant (généralement des autoentrepreneurs en France). Le <a href="https://www.uber.com/us/en/u/flexibility/">site Internet d’Uber</a>, par exemple, recrute ses chauffeurs en valorisant la flexibilité que permet son application, le tout appuyé par des statistiques démontrant à quel point leurs chauffeurs tiennent à cette indépendance. D’autres acteurs comme les entreprises américaines de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/plates-formes-31157">livraison</a> de nourriture <a href="https://dasher.doordash.com/en-us?source=dx_about_page&internal-referrer=legacy-signup">DoorDash</a> et <a href="https://www.instacart.com/company/shopper-community/10-items-or-less-the-importance-of-flexibility/">Instacart</a>, font appel aux mêmes arguments dans leur communication.</p>
<p>Il existe cependant un désagrément lié à cette flexibilité excessive, et celui-ci est rarement abordé : au lieu de recevoir un salaire horaire, les travailleurs indépendants sont rémunérés pour chaque tâche effectuée, sans garantie de salaire minimum. Sans <a href="https://theconversation.com/fr/topics/revenus-27531">revenus</a> garantis, ces travailleurs sont victimes d’une « volatilité de rémunération », c’est-à-dire que leurs revenus sont soumis à des fluctuations fréquentes.</p>
<p>Dans trois études récentes, je me suis intéressé à l’impact de la volatilité de rémunération sur la santé des travailleurs. Il en ressort que cette irrégularité et les difficultés à anticiper les rentrées d’argent futures constituent de véritables situations de mal-être.</p>
<h2>« Frustrant et déprimant »</h2>
<p>Dans ma première <a href="https://psycnet.apa.org/record/2023-22176-001">étude</a>, j’ai fait appel à 375 <em>gig workers</em> travaillant pour le Amazon Mechanical Turk (MTurk), une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/plates-formes-31157">plate-forme</a> web de production participative via laquelle les travailleurs effectuent des microtâches à faible valeur ajoutée (saisie informatique, etc.) en échange d’une rémunération. Comme ces travailleurs sont payés à des tarifs variables pour chacune des tâches qu’ils effectuent, ils subissent une instabilité dans leurs revenus. L’un des participants en témoigne :</p>
<blockquote>
<p>« Je peux gagner 80 dollars une journée, et peiner à atteindre 15 dollars le lendemain. C’est totalement imprévisible. »</p>
</blockquote>
<p>En partant du principe qu’une journée de travail comprend huit heures, cela revient à passer d’une rémunération horaire de 10 dollars un jour à 1,88 dollar le lendemain.</p>
<p>Mes conclusions ont montré que les travailleurs à la tâche qui rendaient compte d’une plus grande volatilité de salaire rapportaient également davantage de symptômes physiques tels que des maux de tête, de dos ou encore d’estomac. En effet, une plus grande instabilité dans les revenus engendre une grande anxiété à l’idée de ne pas arriver à boucler les fins de mois.</p>
<p>Un participant à l’étude a expliqué aimer travailler depuis son domicile et avoir le loisir d’organiser lui-même son emploi du temps, mais a aussitôt nuancé :</p>
<blockquote>
<p>« MTurk est tellement imprévisible en termes de revenus et de charge de travail que cela en devient frustrant et déprimant. »</p>
</blockquote>
<p>Si la problématique de la volatilité de salaire présente une pertinence évidente pour les travailleurs à la tâche, ils ne sont néanmoins pas les seuls à en être victimes. Les employés qui comptent sur les pourboires, comme les serveurs et serveuses, les barmen et barmaids, les voituriers ou encore les coiffeurs et coiffeuses, se confrontent eux aussi à une rémunération qui change constamment.</p>
<h2>Des revenus globalement inférieurs à la moyenne</h2>
<p>Dans le cadre d’une deuxième étude, j’ai interrogé chaque jour pendant deux semaines 85 employés qui travaillent aux États-Unis et qui reçoivent des pourboires dans le cadre de leur activité. Mes questions portaient sur leurs revenus et leur bien-être. Le graphique ci-dessous, qui détaille le montant des pourboires reçus chaque jour par l’un des participants, retranscrit bien la forte instabilité subie par certains employés.</p>
<p><iframe id="bmj4I" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/bmj4I/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les résultats de l’étude indiquent par ailleurs que le fait de recevoir davantage de pourboires sur une journée n’entraîne pas nécessairement un meilleur ni un moins bon moral à l’issue de celle-ci. En revanche, une plus grande volatilité dans les pourboires sur les deux semaines de l’étude a engendré un plus grand nombre de symptômes physiques et davantage d’insomnies.</p>
<p>Une chose que les travailleurs à la tâche et ceux qui comptent sur les pourboires ont en commun est qu’ils perçoivent des revenus inférieurs à la moyenne. Si l’on peut dire que la volatilité de salaire n’est sans doute pas nocive en tant que telle, elle le devient lorsqu’elle est associée à une faible rémunération.</p>
<h2>La méditation ne sert pas à grand-chose</h2>
<p>Toutefois, on retrouve des tendances similaires dans ma troisième étude menée cette fois-ci auprès de 252 salariés occupant des postes à haute rémunération dans les domaines de la vente, de la finance et du marketing aux États-Unis. Commissions et bonus sont monnaie courante dans ces secteurs d’activité : ces travailleurs expérimentent donc eux aussi une volatilité dans leurs rémunérations, bien que celles-ci soient plus élevées.</p>
<p>Si les effets ne sont pas aussi prononcés parmi cette catégorie de travailleurs, j’ai tout de même observé le même schéma : les personnes confrontées à une plus grande instabilité dans leurs revenus sont aussi celles qui rapportent davantage de symptômes physiques et une moins bonne qualité de sommeil.</p>
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<p>J’ai également étudié la façon dont les travailleurs peuvent se protéger des effets néfastes de la volatilité de rémunération. La pleine conscience, par exemple, fait référence à la capacité d’un individu à se concentrer sur le moment présent, sans se soucier de l’avenir et sans penser au passé. Bien que les personnes capables d’adopter cet état aient tendance à faire preuve de <a href="https://www.nytimes.com/guides/well/be-more-mindful-at-work">résilience</a> face au <a href="https://theconversation.com/fr/topics/stress-20136">stress</a>, elles se révèlent dans mon étude tout autant affectées par l’instabilité de leurs revenus.</p>
<p>Ces résultats montrent que la volatilité de rémunération présente les mêmes effets néfastes chez la plupart des individus. Le seul facteur qui réduit véritablement les effets observés de ce phénomène est le degré de dépendance d’un individu à des sources de revenus volatiles. Lorsque la part de revenus instables représente un pourcentage moindre du revenu global d’un individu, la volatilité de rémunération ne semble pas influer sur sa santé ou son sommeil.</p>
<h2>Coûts cachés</h2>
<p>Dès lors, que faire, alors ? Tout d’abord, le législateur se doit de prendre en considération les avantages mais aussi les inconvénients de ces nouveaux modes de travail. Les entreprises de la <em>gig</em> <em>economy</em> savent parfaitement mettre en lumière les avantages du statut de travailleur indépendant ; cependant, il comporte également des coûts cachés, qui ne reçoivent pas la même attention.</p>
<p>Comme l’a expliqué l’un des participants à mon étude :</p>
<blockquote>
<p>« Il n’existe pas de garde-fou qui garantisse aux travailleurs indépendants un revenu juste pour une tâche donnée. Or, vous vous en doutez, la question de la rémunération constitue la principale source de stress, d’angoisse et d’incertitude dans le travail. »</p>
</blockquote>
<p>Garantir une meilleure protection juridique aux travailleurs indépendants peut contribuer à instaurer ces garde-fous. En parallèle, les entreprises pourraient trouver un équilibre en réduisant la dépendance des travailleurs à des modes de rémunération volatils, en choisissant plutôt de leur proposer un salaire de base plus important. Selon les conclusions de mes études, cette stratégie devrait en effet affaiblir le lien de causalité entre volatilité de la rémunération et bien-être des travailleurs.</p>
<p>En résumé, il est clair que si les modes de travail rendus populaires par la <em>gig economy</em> présentent des avantages, nous devons également prendre en compte les coûts cachés et œuvrer à améliorer les conditions de travail de cette portion importante de la population.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198551/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gordon M. Sayre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une série d’études montre que l’irrégularité des rentrées d’argent détériore le bien-être au travail aussi bien chez les auto-entrepreneurs des plates-formes que parmi les postes à responsabilité.Gordon M. Sayre, Assistant Professor of Organizational Behavior, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1957682022-12-13T19:00:41Z2022-12-13T19:00:41ZLes « dropshippers », ces entrepreneurs atypiques et peu qualifiés qui achètent et vendent en ligne<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/498495/original/file-20221201-26-q116hb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C37%2C1180%2C871&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les plates-formes en ligne permettent à quiconque de disposer d’un magasin en ligne sans connaître les secrets du code informatique.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/1440161">Pxhere</a></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>« Je tapais des trucs sur Internet comme “comment gagner de l’argent ?” et c’est là que j’ai découvert le dropshipping. »</p>
</blockquote>
<p>Quelques recherches en ligne ont amené Anthony* et bien d’autres à découvrir ce segment particulier de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/e-commerce-31819">e-commerce</a>. Selon la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (<a href="https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/Publications/Vie-pratique/Fiches-pratiques/le-dropshipping">DGCCRF</a>), le « dropshipping » – ou livraison directe – renvoie à une activité de :</p>
<blockquote>
<p>« Vente sur Internet dans laquelle le vendeur ne se charge que de la commercialisation et de la vente du produit. »</p>
</blockquote>
<p>À l’instar de certains <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/le-sacre-de-l-amateur-patrice-flichy/9782021031447">amateurs</a> et <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/les-nouvelles-frontieres-du-travail-a-l-ere-numerique-patrice-flichy/9782021368482">autodidactes</a> parvenus à intégrer des activités jusqu’alors réservées aux professionnels, Anthony et les autres entrepreneurs rencontrés exercent leurs activités à l’échelle du globe sans supporter les coûts traditionnels y afférant. Ils vendent des cosmétiques, vêtements, accessoires ou encore de petits appareils électroniques qu’ils ont identifiés le plus souvent sur le site chinois Aliexpress et ce, sans gérer les stocks, les commandes et les envois.</p>
<p>Comment est-ce possible ? Grâce au modèle et aux ressources technologiques de plates-formes numériques dites <a href="https://luxediteur.com/catalogue/capitalisme-de-plateforme/">« allégées »</a>, par exemple Shopify, qui permet de disposer d’un magasin en ligne sans connaître les secrets du code informatique.</p>
<p>À portée de clic, la digitalisation du commerce charrie avec elle les promesses d’une autonomie financière pour de nouveaux entrepreneurs, amplifiées par le récit de dropshippers établis passés, comme <a href="https://www.letribunaldunet.fr/argent/yomi-denzel-etudiant-multimillionaire.html">Yomi Denzel</a>, « d’étudiants fauchés à millionnaires en moins d’un an ».</p>
<p>Mais qu’en est-il de la réalité ? Le dropshipping permet-il réellement de <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2019/07/31/devenir-riche-sans-rien-faire-les-mirages-du-dropshipping-sur-internet_5495194_4408996.html">gagner de l’argent sans effort</a>, avec un capital de départ modeste et sans compétence particulière ? Pour répondre à ces questions, nous mobilisons les résultats d’une enquête par entretiens, menée pendant deux ans auprès de « dropshippers » âgés de 20 à 30 ans basés en Seine-et-Marne ou en Seine-Saint-Denis.</p>
<h2>Argent facile ?</h2>
<p>Il ressort d’abord de notre étude que tous nos enquêtés sont passés par la case « formation ». Généralement, après quelques recherches sur le web, la participation à des webinaires gratuits, les apprentis dropshippers achètent, pour 1 500 euros environ, l’une des formations disponibles en ligne. Proposées par des influenceurs en la matière tels que <a href="https://www.letribunaldunet.fr/argent/yomi-denzel-etudiant-multimillionaire.html">Yomi Denzel</a> ou Adnoune, elles attirent nos enquêtés via la mise en scène de la propre réussite économique de leurs auteurs.</p>
<p>Face au coût, certains se cotisent à plusieurs pour partager un accès, l’un a récupéré identifiant et mot de passe valide sur un forum, les autres annoncent avoir bénéficié de réduction.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/61amUJgvoLU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Comment j’ai transformé 100 euros en 45 000 euros à 18 ans » (Yomi Denzel, 2022).</span></figcaption>
</figure>
<p>Mais se former n’est pas suffisant pour se lancer, encore faut-il « observer le marché ». Des heures sont ainsi consacrées à l’analyse des boutiques en ligne déjà existantes, des produits qui y sont proposés, des façons de les présenter et des prix pratiqués.</p>
<p>Oscillant entre recherche d’imitation ou de distinction, puisant dans leurs expériences passées, les jeunes entrepreneurs tâtonnent. En voyage à Bali, Nader repère des sacs en rotin. De retour en France, il cherche un produit équivalent sur Aliexpress. La fréquentation de groupes de discussion sur la messagerie Discord permet à certains d’entre eux d’obtenir des conseils : comment choisir les produits, comment « éviter » les impôts, où s’établir (<a href="https://www.youtube.com/watch?v=loJVPQtHN2E">Malte</a> est l’une des destinations prisées par les influenceurs dropshippers), comment déléguer à moindre coût la gestion de ses boutiques, etc.</p>
<h2>Influenceurs ou pas ?</h2>
<p>Il faut ensuite penser au site Internet, et la plate-forme <a href="https://www.01net.com/actualites/qui-est-shopify-l-autre-geant-du-commerce-en-ligne-aux-antipodes-d-amazon-1864845.html">Shopify</a> est pour cela tout indiquée. Nos enquêtés y présentent leurs produits, l’interface permet de gérer les commandes et les paiements. Il reste aux dropshippers à insérer de belles photos, de mettre en place une esthétique jugée cohérente et déterminer les prix de vente.</p>
<p>Enfin, il est un point qui questionne les dropshippers : celui de la mise en valeur de leurs boutiques permettant aux internautes de les trouver. Faut-il ou non passer par les influenceurs ? Telle est la question. Et le cas échéant, lequel choisir ?</p>
<p>Rémi a eu recours à l’une des agences spécialisées dans l’intermédiation avec les influenceurs :</p>
<blockquote>
<p>« On a pris Camila, la copine de Tarek, c’est la famille de Nabilla. On a payé 500 euros pour une publication Instagram qui dure 24 heures. »</p>
</blockquote>
<p>Ce recours aux influenceurs n’est cependant pas prisé ou jugé rentable par tous les dropshippers. D’autres préfèrent Facebook ads, qui permet d’investir de montants faibles. Or, là encore, les dépenses doivent être surveillées étroitement :</p>
<blockquote>
<p>« On avait commencé avec 40 euros par jour sur Facebook et Insta. Mais au bout d’un mois, on a arrêté, on était carrément en déficit ! »</p>
</blockquote>
<p>Et pour ceux qui persévèrent, c’est la question du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9f%C3%A9rencement">référencement</a> qui apparaît. Le Graal serait en effet de ne plus avoir à payer de publicité ni recourir aux influenceurs. Il faut alors parvenir à positionner les boutiques parmi les premiers résultats des moteurs de recherche. Formations en ligne et conseils glanés sur les groupes de discussion permettent là encore de progresser en la matière.</p>
<h2>Entrepreneuriat populaire</h2>
<p>Comme les travailleurs des plates-formes de mobilité ou de livraison, les dropshippers relèvent de ces figures d’entrepreneurs qui, depuis la loi du 1<sup>er</sup> janvier 2009 créant le régime de l’autoentrepreneuriat, façonnent le <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1280994">paysage de la création d’entreprise</a>. Différents des entrepreneurs classiques, ils accèdent à ces activités grâce aux effets combinés des avancées technologiques, qui réduisent considérablement les coûts d’entrée, et aux incitations fiscales et administratives favorisant l’initiative individuelle.</p>
<p>Certains dropshippers, comme Yanis, soutiennent que la promesse d’argent facile a compté dans leur choix :</p>
<blockquote>
<p>« La raison principale, c’est qu’il n’y avait pas besoin de beaucoup de capital de départ pour commencer. Et que les gens disaient ça rapportait beaucoup. »</p>
</blockquote>
<p>Cependant, les profils de nos enquêtés montrent que ce type d’arguments fait sens particulièrement pour les individus cherchant à réparer des parcours scolaires ou professionnels peu satisfaisants.</p>
<p>Les dropshippers interrogés dans cette enquête sont en effet des <em>digital natives</em> recrutés parmi les jeunes de milieux populaires. Pour une partie d’entre eux, ceux qui sont <a href="https://www.union-habitat.org/centre-de-ressources/politique-de-la-ville-urbanisme/emploi-et-developpement-economique-dans-les">peu voire pas qualifiés</a> en particulier, le choix de l’indépendance trouve son fondement dans leurs <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-du-developpement-social-urbain-2020-1-page-19.htm">parcours erratiques</a> et dans les situations d’emploi qui en découlent. Ces derniers travaillent à l’usine, sont ou ont été préparateurs de commandes, agents de maintenance, caristes, etc.</p>
<p>Ces profils ont en commun leur faible niveau d’études et les insatisfactions liées à leurs conditions de travail et de revenus, comme le confirme Nader :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai juste mon brevet. L’école, ça n’a jamais été trop mon truc. Du coup, j’ai fait tous les tafs payés au lance-pierre à être l’esclave de tout le monde. »</p>
</blockquote>
<p>Pour ces derniers, l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/entrepreneuriat-25460">entrepreneuriat</a> dans le dropshipping apparaît comme un correcteur de trajectoire, un chemin de traverse vers l’ascension sociale.</p>
<h2>« Bosser pour moi-même »</h2>
<p>Il est une autre catégorie de dropshippers : celle des étudiants. À mi-parcours des études supérieures, ils tentent l’aventure entrepreneuriale dans le dropshipping pour atteindre <a href="https://www.cairn.info/revue-etudes-2016-2-page-29.htm"></a> un <a href="https://www.cairn.info/revue-etudes-2016-2-page-29.htm">idéal de travail</a> qu’ils ne retrouvent pas dans le travail salarié qui les attend ou qu’ils ont expérimenté en marge de leur formation. Hostile à la subordination et aux autres contraintes associées au travail salarié, cette catégorie est en quête <a href="https://journals.openedition.org/nrt/1844"></a> <a href="https://journals.openedition.org/nrt/1844">d’autonomie et d’indépendance</a>.</p>
<p>Pour Mourad, par exemple, le déclic s’est produit à l’issue d’un stage en entreprise :</p>
<blockquote>
<p>« Je ne me voyais pas assistant de gestion, ni dans la comptabilité, ni rien. Je me voyais plus manager. Ce que j’aime, c’est le fait d’être libre, indépendant. »</p>
</blockquote>
<p>Rémi affiche les mêmes aspirations :</p>
<blockquote>
<p>« Je suis quelqu’un qui n’aime pas forcément bosser pour les autres. Je sais que, à terme, j’aimerais bosser pour moi-même, à mon propre compte. »</p>
</blockquote>
<p>Certains cherchent dans cette activité un compromis entre leur passion, comme le voyage, et le travail, cette activité ne nécessitant pas à leurs yeux de résider en France constamment, comme Nader :</p>
<blockquote>
<p>« Si j’arrive à gagner 600 balles par mois, je peux vivre en voyage. C’est incroyable ! »</p>
</blockquote>
<p>Pour nos enquêtés, l’aventure entrepreneuriale dans le dropshipping n’a cependant pas toujours eu les effets attendus. Face à la désillusion, deux profils se distinguent : les résignés, d’une part, et les persévérants, de l’autre. Tous considèrent néanmoins que les compétences ainsi acquises sont transférables dans d’autres espaces, notamment professionnels.</p>
<h2>Capitalisme de « plate-forme »</h2>
<p>À une époque où l’entrepreneuriat reste <a href="https://www.cairn.info/les-mutations-du-travail--9782348037498-page-77.htm">fortement valorisé</a>, le dropshipping – qui en constitue une des formes les plus accessibles, ne bénéficie pas d’une aura positive. Sans doute parce que rien n’y est pas fait de façon classique : la formation n’obéit à aucune logique de certification, les chemins de la réussite ne sont pas conformes à ceux empruntés par les entrepreneurs aguerris <a href="https://www.midilibre.fr/2022/08/01/un-monde-totalement-fake-arnaques-dropshipping-on-vous-explique-la-guerre-entre-booba-et-les-influenceurs-10466922.php">leurs liens avec l’univers des réseaux sociaux et des influenceurs sont aussi porteurs de discrédit</a>, et finalement, les produits vendus et leur qualité ne sont pas non plus du goût de tous et en particulier, des personnes relevant des catégories socialement ou économiquement plus favorisées.</p>
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<p>Pourtant, l’enquête réalisée montre que s’y joue la construction de compétences tout comme un investissement important dans le travail de la part de ces apprentis entrepreneurs. On peut finalement se demander si la stigmatisation du dropshipping n’est pas en partie une stigmatisation des caractéristiques sociales des individus qui s’y lancent ou en font la promotion.</p>
<p>Pour terminer, il importe encore de s’interroger sur la place attribuée à ces apprentis entrepreneurs par ce capitalisme dit de « plate-forme ». Comme dans d’autres secteurs plate-formisés, ce ne sont pas ceux qui s’engagent dans cette activité qui réalisent de substantiels profits, mais bien ceux qui ceux qui détiennent ces <a href="https://theconversation.com/fr/topics/plates-formes-31157">plates-formes</a>.</p>
<hr>
<p><em>*Les prénoms ont été modifiés (hormis pseudonymes d’influenceurs). Brice El Alami, étudiant en master Communication des entreprises et médias sociaux à l’Université Gustave Eiffel, a participé à la rédaction de cet article</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195768/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Formation sans certification, rôle des influenceurs et débrouillardise : les jeunes qui espèrent gagner de l’argent rapidement dans le commerce en ligne se démarquent des entrepreneurs aguerris.Hélène Ducourant, Sociologue, Laboratoire Territoires Techniques et Sociétés, CNRS, Ecole des ponts, Université Gustave EiffelRoger T. Malack, Doctorant en sociologie, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1951642022-12-06T19:02:17Z2022-12-06T19:02:17ZPlus ubérisé qu’Uber ? le microtravail numérique dans l’angle mort du droit<p>Vous connaissiez le <em>crowdfunding</em>, manière participative de financer un projet ? Place maintenant au <em>crowdworking</em>. Ces nouvelles formes de travail effectuées par « la foule », via un intermédiaire numérique, connaissent un essor certain mais se révèlent néanmoins être un phénomène difficile à évaluer.</p>
<p>Il repose sur des modèles plus flous encore qu’Uber ou Deliveroo : c’est par exemple <a href="https://www.wirk.io/intelligence-collective/">Wirk.io</a> ou <a href="https://www.malt.fr/">Malt</a>, qui font appel à des contributeurs volontaires, les contrôlent et les évaluent, pour aider des entreprises à être plus productives ; ce sont des sites tels que <a href="https://annuaire.cash/fiche/cashpirate/">CashPirate</a>, <a href="https://featurepoints.com/">FeaturePoints</a> ou <a href="https://www.winminute.com/">WinMinute</a> qui réalisent des sondages où les interrogés sont rémunérés.</p>
<p>Ce sont encore des plates-formes ou des applications proposant des microtâches, la plus connue étant Amazon Mechanical Turk, le « Turc mécanique d’Amazon » qui a donné lieu à la dénomination de <a href="https://www.lesechos.fr/2016/09/les-tacherons-de-lere-numerique-229868">« tâcherons du numérique »</a> pour désigner ceux qui effectuent les missions. Les équivalents français développent aussi un lexique dédié bien identifiable pour nommer leurs microtravailleurs : <a href="https://www.foulefactory.com/">« fouleurs »</a>, <a href="https://bemyeye.com/fr/earn-money/">« eyes »</a>, ou autres <a href="http://tv.clicandwalk.com/">« clicwalkers »</a> ont trouvé place dans les langages.</p>
<p>Ce microtravail numérique s’appuie sur des formes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/travail-20134">travail</a> qui bousculent le statut de salarié, la protection qui lui est liée et l’application de la réglementation sociale et fiscale. Les plates-formes classiques reposent sur du travail visible et officiellement indépendant : les chauffeurs Uber ou les livreurs Deliveroo sont inscrits en tant qu’autoentrepreneurs au registre du commerce.</p>
<p>Les microtravailleurs, eux, n’ont aucun statut et sont invisibilisés. Il suffit de s’inscrire sur la plate-forme en ligne ou de télécharger l’application, d’être ainsi réputé accepter les conditions générales d’utilisation et la relation contractuelle est formée.</p>
<p>En <a href="https://theconversation.com/fr/topics/droit-21145">droit</a>, c’est ce que l’on pourrait appeler un <a href="https://web.lexisnexis.fr/newsletters/avocats/10_2016/dossier5.pdf">« contrat d’adhésion »</a>. Contrat non négociable entre un professionnel et un particulier, à accepter dans sa globalité sans possibilité de le négocier, il se rencontre en droit de la consommation et entraîne l’application de mesures protectrices de la partie « faible », à savoir le consommateur, contre des clauses qui pourraient être abusives. Ici, ces relations, invisibles, restent pour l’instant dans l’angle mort de plusieurs branches du droit, celle du travail, de la consommation et même du droit civil classique.</p>
<h2>Un embryon de droits</h2>
<p>Selon les études disponibles, le « salaire » horaire moyen au niveau mondial via ces plates-formes est de <a href="https://www.ilo.org/global/publications/books/WCMS_721011/lang--fr/index.htm">2 euros de l’heure</a>, en violation des conditions minimales d’un travail décent. Mais bien difficile de faire appliquer le droit : face à l’invisibilité du microtravail numérique, il semble impossible de mobiliser les critères d’analyse traditionnels du travail salarié.</p>
<p>Quelles solutions juridiques alors ? Pour les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/plates-formes-31157">plates-formes</a> classiques, de livraison et de transport, un embryon de droits existe. En 2016, la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006072050/LEGISCTA000033013020/2016-08-10/">loi El Khomri</a> a prévu le respect de quelques obligations au bénéfice de leurs travailleurs qui ont un statut juridique d’indépendant. Ils ont également droit à une sorte de <a href="https://www.actu-juridique.fr/social/une-representation-collective-des-travailleurs-des-plateformes-numeriques-a-peine-ebauchee/">représentation collective</a> depuis 2021.</p>
<p>Les juges, eux, ont la possibilité de procéder à une requalification de ces relations contractuelles en relations de travail salarié. C’est ce qu’a fait la Cour de cassation avec <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000037787075/">Take It Easy</a> ou <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000042025162?isSuggest=true">Uber</a>. Cette reconnaissance a posteriori de la qualité de salarié du travailleur ubérisé est toujours envisageable et entraîne donc l’application du droit du travail.</p>
<p>Mais ce qui vaut pour les plates-formes de type Uber ou Deliveroo, vaut-il pour celles de microtâches ?</p>
<h2>Un statut juridique en question</h2>
<p>Pour l’instant, la réponse est non. Et une décision judiciaire récente montre que les réponses du droit restent aujourd’hui limitées et inadaptées.</p>
<p>Une affaire contentieuse mettant en cause une application de microtravail numérique, Clic & Walk, start-up lilloise, pour délit de travail dissimulé a donné lieu en avril 2022 à une première décision de la <a href="https://www.courdecassation.fr/decision/624bdb60b47c2015fe6b7828">chambre criminelle de la Cour de cassation</a>. Revenons sur cette affaire.</p>
<p>Click & Walk offre à des entreprises la possibilité de collecter des données sur leur clientèle et de bénéficier d’études de marché. Celles-ci proviennent de particuliers, les « clickwalkers » qui téléchargent librement l’application et effectuent des évaluations ou des missions en échange de quelques euros. Pour les juges, on ne retrouvait pas là les éléments caractéristiques d’un contrat de travail salarié que la jurisprudence a fait émerger : un travail réel, une rémunération et un lien de subordination.</p>
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<p>Ce dernier a été défini en 1996 par la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007035180/">Cour de cassation</a>, comme un « pouvoir pour l’employeur de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner le manquement de son subordonné ». Les juges ne l’ont pas observé en l’espèce.</p>
<p>Les <em>clickwalkers</em> sont, arguent-ils, « libres d’accepter ou non les missions disponibles sur l’application et de les abandonner » et « de gérer leur temps comme ils l’entendent ». Le contrôle n’interviendrait qu’après l’exécution de la tâche et non pendant ; la sanction est, elle, uniquement une non-rémunération, conséquence de la non-exécution d’un contrat souscrit volontairement.</p>
<p>Par ailleurs, ces « missions » effectuées par des consommateurs, recrutés pour leur profil et non pour leurs qualifications professionnelles, ne seraient pas des prestations de travail. Pour ces raisons, la Cour de cassation estime que les microtravailleurs ne sont pas des salariés : ainsi, pour les juges, Clic & Walk n’est-elle pas coupable du délit de travail dissimulé.</p>
<p>Une décision critiquable de notre point de vue, car ces tâches semblent avoir tout d’une réelle activité de travail. La possibilité de substituer des vacataires rémunérés voire des sondeurs et la valorisation économique des microtâches réalisées avec des marges énormes sur le client final sont les premiers arguments.</p>
<p>En observant l’existence de directives précises pour réaliser les photos des produits par exemple et un suivi des prestations effectuées ainsi que la possibilité de les rejeter et de ne pas les rémunérer, on pourrait bien identifier le lien de subordination. La <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/02/24/la-plate-forme-lilloise-clic-and-walk-condamnee-pour-travail-dissimule_6030615_3234.html">cour d’appel de Douai</a> avait d’ailleurs, elle, conclu en février 2020 à un délit de travail dissimulé sur la base d’un dossier pénal étayé et convaincant. Un intérêt tout particulier sera ainsi porté aux prochains contentieux par le projet universitaire que nous dirigeons.</p>
<h2>Un enjeu universitaire</h2>
<p>Comment encadrer et réguler cette dématérialisation de la relation d’emploi ? Pourquoi ne pas reconnaître l’existence de ce qui serait une forme particulière de travail dissimulé organisé par les applications numériques ? Peut-on appliquer d’autres cadres juridiques que celui du droit du travail ? Si oui lequel ? Le droit de la consommation et la protection des microtravailleurs contre les clauses abusives ? Le droit classique du droit des obligations et ses mécanismes d’indemnisation en cas d’inexécution contractuelle ?</p>
<p>Tels sont les enjeux d’un travail de recherche universitaire pluridisciplinaire associant chercheurs en droit, en économie et en gestion. Son approche se veut comparée entre France, Italie, Espagne, Belgique, Royaume-Uni et Québec, et européenne. Financé par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), le <a href="https://cercrid.univ-st-etienne.fr/fr/activites/les-projets-de-recherche/traplanum.html">projet TraPlaNum</a> a déjà conduit à un recensement des plates-formes ou applications numériques de microtravail de type marchand opérationnelles en France. Nous avons dénombré environ 1 000 plates-formes et 400 applications.</p>
<p>Ont été ciblées celles qui exploitent et valorisent, d’une manière ou d’une autre, une prestation de microtravail, moyennant une contrepartie financière, recherchée par la personne qui effectue la tâche. Les objectifs de cette étude empirique sont, outre leur repérage, de proposer une analyse de ces opérateurs pour comprendre leurs modèles économiques et leurs modalités contractuelles de fonctionnement notamment à travers les conditions générales d’utilisation qu’ils imposent.</p>
<p>Un premier <a href="https://livre.fnac.com/a17192143/Emmanuelle-Mazuyer-Regards-croises-sur-le-micro-travail-de-plateforme">ouvrage</a> sur le sujet va ainsi être publié en janvier 2023 et mettre en évidence les lacunes en termes de protection des microtravailleurs numériques et de régulation économique et d’encadrement juridique du microtravail de plate-forme. L’objectif est de sensibiliser les pouvoirs publics, les acteurs économiques et plus largement le grand public.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195164/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Le projet TraPlaNum mentionné dans cet article a reçu un financement de l'ANR. Les crédits afférents sont gérés selon les règles habituelles par l'Université Lyon 2. </span></em></p>Les premières jurisprudences ne reconnaissent pas (encore ?) ceux qui participent à des sondages rémunérés ou postent des avis sur des plates-formes comme travailleurs.Emmanuelle Mazuyer, Directrice de recherche au CNRS en droit, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1953312022-11-28T19:03:20Z2022-11-28T19:03:20ZFTX : une liquidation entre spéculation effrénée, gouvernance défaillante et pratiques délictuelles<blockquote>
<p>« Vous étiez ma famille, j’aurais aimé être plus prudent ».</p>
</blockquote>
<p>Dans la lettre adressée à ses employés, Sam Bankman-Fried, 30 ans, jette un œil amer dans le rétroviseur pour regarder FTX (pour Future Exchange), deuxième plate-forme mondiale d’échange de cryptomonnaies, qu’il avait fondée en 2019. Au gré de l’évolution des marchés, elle aurait vu les collatéraux sur lesquels s’appuyaient ses emprunts chuter de <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/sam-bankman-fried-tente-de-calmer-un-scandale-qui-prend-chaque-jour-de-lampleur-1882002">60 à 9 milliards de dollars</a> entre le début de l’année et le 11 novembre, jour où le groupe s’est déclaré en faillite avec ses 130 filiales et ses 520 collaborateurs.</p>
<p>La semaine précédente, la fortune du golden-boy était encore estimée par l’agence Bloomberg à <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2022-11-11/sam-bankman-fried-s-assets-go-from-16-billion-to-zero-after-ftx-collapse">16 milliards de dollars</a> : elle est depuis tombée à zéro, avec en prime un passif potentiellement gargantuesque au vu de l’avalanche de procès qui l’attend.</p>
<p>D’après les documents consultés par le <a href="https://www.ft.com/content/0c2a55b6-d34c-4685-8a8d-3c9628f1f185"><em>Financial Times</em></a>, plus de 100 000 clients ayant déposé capitaux et jetons électroniques chez FTX ont été lésés et il manquerait au moins 3 milliards de dollars pour les rembourser. John Ray, en charge de la liquidation du groupe, confesse n’avoir <a href="https://korii.slate.fr/biz/cryptos-ftx-liquidateur-enron-john-ray-jamais-vu-tel-bordel-sam-bankman-fried-comptabilite-emojis-fraudes">« jamais vu pareil échec »</a>. Et celui qui avait géré en 2001 la faillite <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/ftx-le-liquidateur-denron-aux-manettes-1880619">d’Enron</a>, une des plus retentissantes de l’histoire contemporaine, sait de quoi il parle.</p>
<h2>5 milliards en jetons créés par FTX</h2>
<p>Sam Bankman-Fried, citoyen américain vivant dans un penthouse en collectivité à Nassau aux Bahamas avait connu une fulgurante réussite en surfant sur la <a href="https://theconversation.com/le-bitcoin-bulle-speculative-ou-valeur-davenir-88292">folie du bitcoin</a>. Avec un remarquable sens du marketing, il s’était entouré de prestigieux ambassadeurs comme la joueuse de tennis Naomi Osaka, l’ancien basketteur Shaquille O’Neal et la gloire du football américain Tom Brady qui associé à son ex-<em>girl friend</em> la top-modèle Gisèle Bündchen avait même tourné en 2021 un clip publicitaire à 20 millions de dollars appâtant le chaland pour FTX par un :</p>
<blockquote>
<p>« Tu en es ? »</p>
</blockquote>
<p>« Sam » avait d’ailleurs l’habitude de ridiculiser les sceptiques qui passaient à côté de l’affaire du siècle en les gratifiant d’un « Have fun staying poor » (« Restez pauvres et amusez-vous bien »). Gros donateur du parti démocrate lors de l’élection présidentielle de 2020 et de la campagne des mid-terms (<a href="https://fr.cointelegraph.com/news/sbf-has-been-a-significant-donor-in-us-midterm-elections">avec 40 millions de dollars</a>), défenseur d’une régulation raisonnée des cryptodevises, il passait presque pour un sage à Washington. Le magazine <em>Fortune</em> le présentait même comme le futur Warren Buffet, l’homme d’affaires aux <a href="https://www.forbes.com/profile/warren-buffett/?sh=5d3ec2d94639">110 milliards de dollars</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1593262926705487872"}"></div></p>
<p>Une fois de plus le célèbre économiste <a href="https://www.lesechos.fr/1992/03/breve-histoire-de-leuphorie-financiere-de-john-kenneth-galbraith-922620">John K. Galbraith</a> avait raison :</p>
<blockquote>
<p>« le génie précède souvent la chute ».</p>
</blockquote>
<p>La panique autour de FTX a, certes, été déclenchée par le retrait très médiatisé le dimanche 6 novembre de 500 millions de dollars de la plate-forme par son principal concurrent, l’entrepreneur sino-canadien Changpeng Zhao. Reste que les ennuis de Bankman-Fried trouvent d’abord leur source dans le plongeon du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/bitcoin-29386">bitcoin</a>. Son cours est passé, en un an, d’un record historique de près de 70 000 dollars à moins de 20 000 dollars, fragilisant un échafaudage particulièrement intrépide et fragile.</p>
<p><iframe id="EFhh1" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/EFhh1/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Juste avant sa faillite, FTX ne disposait pour faire face aux 9 milliards de dépôts à vue de ses clients que d’un milliard de dollars d’actifs liquides, dont des stablecoins en théorie liés aux devises traditionnelles pour limiter la volatilité de leurs cours, et d’environ 3,5 milliards de placements plus ou moins liquides.</p>
<p>Tout le reste, soit près de 5 milliards de dollars, était constitué de FTT, des jetons (tokens) créés par FTX. Leur valeur intrinsèque s’avère nulle mais elle avait connu une très forte hausse depuis l’émission. Au plus haut, le cours du FTT culminait à 80 dollars, ce qui <a href="https://www.economist.com/briefing/2022/11/17/the-failure-of-ftx-and-sam-bankman-fried-will-leave-deep-scars">valorisait FTX à 32 milliards de dollars</a>.</p>
<h2>Une filiale aux Bahamas</h2>
<p>Ce n’est pas tout. Selon le site d’information <em>Coindesk</em>, « Sam » avait créé une filiale dénommée Alameda basée aux Bahamas qui investissait massivement les milliards de ses propres clients sur les cryptomonnaies avec l’effet de levier d’une dette de quelque <a href="https://www.coindesk.com/business/2022/11/06/binance-sells-holdings-of-ftx-token-as-alameda-ceo-defends-firms-financial-condition/">8 milliards de dollars</a>, à la manière d’un hedge fund (fonds spéculatif).</p>
<p>Au cours de l’été 2022, l’implosion des crypto-companies dans lesquelles Alameda avait investi, comme le fonds Arrows Capital, ou Voyager, une plate-forme de prêts, aurait poussé Bankman-Fried à renflouer Alameda en lui transférant plus de la moitié des 16 milliards de dollars de capitaux déposés par les clients de FTX.</p>
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<p>La déconfiture de l’empire FTX est ainsi la conjonction d’une volonté de croître à tout prix, du recours à un fort endettement pour investir dans des actifs extrêmement spéculatifs (et en forte baisse depuis un an), d’une gouvernance défaillante, d’un contrôle interne inexistant (<a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2022/11/14/cryptomonnaies-ftx-confirme-avoir-ete-victime-d-un-piratage-apres-avoir-fait-faillite_6149793_4408996.html">600 millions de dollars</a> auraient été siphonnés par un pirate au milieu du naufrage) et surtout de pratiques délictuelles puisqu’un dépositaire ne peut en aucun cas utiliser l’argent de ses clients à sa guise. Globalement, le groupe pourrait présenter un <a href="https://www.economist.com/briefing/2022/11/17/the-failure-of-ftx-and-sam-bankman-fried-will-leave-deep-scars">passif net de l’ordre de 10 milliards de dollars</a>.</p>
<h2>« Séquence stressante »</h2>
<p>Que les traders en herbe de l’économie numérique se soient laissé aveugler par l’appât du gain n’est pas surprenant. Que la holding japonaise SoftBank, qui avait déjà défrayé la chronique en 2021 pour ses investissements hasardeux (<a href="https://investir.lesechos.fr/actu-des-valeurs/la-vie-des-actions/softbank-dans-le-rouge-son-vision-fund-a-fondu-de-10-mds-1847328">10 milliards de dollars de pertes</a> entre juin et septembre 2022), soit exposée à un risque de <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/softbank-renoue-avec-les-profits-grace-a-la-vente-partielle-de-ses-titres-alibaba-1878178">perte d’environ 100 millions de dollars</a>, ne l’est pas beaucoup plus…</p>
<p>Mais que Sequoia Capital, l’un des gérants les plus aguerris de la Silicon Valley, Temasek, le fonds souverain de Singapour ou encore la caisse de retraite des enseignants de l’Ontario se soient fourvoyés chez FTX posent de sérieuses questions sur le processus d’investissement des professionnels.</p>
<p>Il est désormais certain que les investisseurs institutionnels tentés par la cryptoéconomie vont y réfléchir à deux fois, ce qui va priver de carburant un bitcoin qui est déjà clairement sur une trajectoire descendante. D’autant que, comme on pouvait s’y attendre, la chute de FTX a déclenché un <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/11/12/ftx-la-faillite-qui-ebranle-les-cryptomonnaies_6149585_3234.html">effet domino</a> dans le monde des cryptomonnaies. Ainsi Gemini, plate-forme des frères <a href="https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/les-freres-winklevoss-la-revanche-des-inventeurs-de-facebook-20210423">Winklevoss</a> (ceux qui accusent Mark Zuckerberg de leur avoir subtilisé le concept de Facebook), a immédiatement <a href="https://cryptonaute.fr/programme-recompenses-gemini-inaccessible/">gelé son programme de prêts Gemini Earn</a> qui permettait de financer des emprunteurs institutionnels en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cryptomonnaie-44057">cryptomonnaie</a>.</p>
<p>« La semaine qui vient de s’écouler a été incroyablement difficile et stressante pour notre secteur », <a href="https://twitter.com/Gemini/status/1592873283124617217?">a déploré l’entreprise</a> sur Twitter, le 16 novembre.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1592873283124617217"}"></div></p>
<p>BlockFi a également bloqué l’ensemble de sa plate-forme soit 3,9 milliards de dollars à fin juin répartis sur plus de 650 000 comptes. « Nous avons une exposition significative sur FTX », a reconnu son dirigeant, plusieurs médias américains indiquant qu’il envisageait de <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2022-11-16/blockfi-said-to-plan-imminent-bankruptcy-filing-amid-ftx-fallout">déposer le bilan</a>.</p>
<h2>Des répercussions en France</h2>
<p>La France n’est pas épargnée par l’onde de choc puisque la plate-forme d’échange tricolore <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2022/11/18/ftx-la-faillite-de-la-plate-forme-de-cryptomonnaies-contamine-toute-l-industrie_6150481_4408996.html"><em>Coinhouse</em></a> a confirmé à l’Agence France-Presse (AFP) avoir bloqué les retraits de ses clients en invoquant « des tensions globales sur le marché crypto et une pression sur les liquidités » du fait de difficultés chez certains de ses sites partenaires.</p>
<p>Si le monde des cryptomonnaies vit désormais dans l’angoisse d’un « bank run » général (une ruée pour retirer les fonds des dépositaires), la faillite de FTX semble, <em>a contrario</em>, prouver l’immunité des marchés financiers traditionnels et du système bancaire et l’effondrement de la cryptosphère ne constitue sans doute pas une menace pour la stabilité financière globale.</p>
<p>La morale de cette faillite : que les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/speculation-27900">spéculateurs</a> perdent leur chemise en misant inconsidérément sur le bitcoin et consorts est dans l’ordre des choses. En revanche, que les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/plates-formes-31157">plates-formes</a> contournent le principe fondateur qui interdit à un dépositaire d’utiliser les fonds ou les actifs de ses clients n’est pas acceptable : ses détournements doivent être punis et leurs acteurs enfin régulés par une autorité de marché.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195331/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Pichet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les répercussions de la chute de la plate-forme d'échanges de cryptomonnaies américaine, qui s’est déclaré en cessation de paiement le 11 novembre dernier, s’observent jusqu’en France.Éric Pichet, Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1924232022-10-18T16:46:43Z2022-10-18T16:46:43ZDMA : la nouvelle législation européenne suffira-t-elle à encadrer les GAFAM ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/489531/original/file-20221013-20-ammf7r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=53%2C179%2C1144%2C718&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le Parlement européen (photo) et le Conseil de l’Union européenne ont adopté le Digital Markets Act l’été dernier.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Debate_European_Parliament_%27Copyright_in_the_digital_Single_Market%27_11-9-2018.jpg">Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le 12 octobre 2022, la version finale de la nouvelle législation de l’Union européenne sur les marchés numériques, dite <a href="https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2022-0270_EN.html">Digital Markets Act</a> (DMA), était publiée. Cette réglementation du Conseil et du Parlement européen est entrée en vigueur le 1<sup>er</sup> novembre 2022, et ses principales règles commencent à s’appliquer ce 2 mai 2023. Cette loi inédite a vocation à réglementer les pratiques commerciales des « digital gatekeepers », que l’on peut traduire par « contrôleurs d’accès » aux <a href="https://theconversation.com/fr/topics/plates-formes-31157">plates-formes</a>.</p>
<p>Fournisseurs de services <a href="https://theconversation.com/conversation-avec-asma-mhalla-les-services-des-gafam-sont-devenus-une-commodite-indispensable-170272">devenus essentiels</a>, les grandes sociétés de numérique, et en premier lieu les Google, Apple, Facebook, Amazon and Microsoft (<a href="https://theconversation.com/fr/topics/gafam-45037">GAFAM</a>), constituent désormais un passage obligé pour les entreprises qui cherchent à se rapprocher de leurs utilisateurs finaux. L’incidence des contrôleurs d’accès sur le marché interne est donc non négligeable et leur positionnement commercial leur confère une domination présente ou future.</p>
<p>Si la DMA n’est pas une panacée, elle est le gage d’une réglementation bien plus efficace que le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/droit-europeen-107798">droit européen</a> de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/concurrence-22277">concurrence</a> pour limiter les positions de domination de marché des GAFAM et d’une refonte de leurs pratiques.</p>
<h2>Quelle finalité pour la DMA ?</h2>
<p>Cette loi répond aux constatations de plusieurs expertises ayant débuté en 2019, comme le <a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/785547/unlocking_digital_competition_furman_review_web.pdf">UK Furman Report</a>, le <a href="https://www.chicagobooth.edu/research/stigler/news-and-media/committee-on-digital-platforms-final-report">US Stigler Report</a> et le <a href="https://ec.europa.eu/competition/publications/reports/kd0419345enn.pdf">EU Vestager Report</a> qui concluent que les cinq GAFAM règnent sans partage sur les marchés des plates-formes essentielles.</p>
<p>Ces rapports sont formels : la forte subordination du marché à cette poignée d’acteurs découle d’un concours de circonstances congénitales liées aux marchés des plates-formes : fort effet de réseau (la valeur d’un service s’accroit en fonction du nombre d’utilisateurs), haut rendement de l’utilisation des données, économies d’échelle et de gamme, facilité d’exploitation des inclinations des consommateurs en ligne, etc.</p>
<p>Additionnées, ces circonstances favorisent l’émergence sur le marché d’un ou deux acteurs hégémoniques. Une fois cet état de domination consommé, des obstacles à l’entrée découlant des facteurs précités entravent la concurrence, même lorsque l’offre alternative est de meilleure qualité.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1171892685550096384"}"></div></p>
<p>La législation vise un double objectif : d’abord, abaisser les obstacles à l’entrée ; ensuite, créer des conditions plus équitables pour les entreprises et les utilisateurs finaux en encadrant les conditions d’utilisation. De ce fait, les « digital gatekeepers » visés seront tenus de respecter un ensemble de règles rigoureuses. Il est fort à parier que la Commission européenne, autorité de désignation des contrôleurs, signalera les GAFAM. Toutefois, certaines plates-formes européennes clés pourraient y échapper.</p>
<h2>Des règles draconiennes malgré les pressions</h2>
<p>Une fois visé, les contrôleurs d’accès disposeront de six mois pour se conformer aux 22 règles des articles 05 à 07 de la législation. Ils devront, par exemple, partager leurs données avec la concurrence et leurs clients, permettre les transferts d’applications (<em>side-loading</em>) effectués en dehors de leur magasin d’application, assurer l’interopérabilité de certains systèmes de communication, rendre publiques les techniques de fichage et s’abstenir de favoriser leurs propres services dans les résultats de recherche.</p>
<p>Il est difficile de prévoir comment, touchés en plein cœur, les GAFAM réagiront. Tout manquement sera en effet sanctionnable d’une amende sévère : à la moindre violation, le contrôleur encourra une amende de 10 % de son chiffre d’affaires à l’échelle planétaire. Un contrôleur récidiviste verra ce montant atteindre 20 %, et pourrait être interdit de toutes fusions et acquisitions. Cette législation sera appliquée par la Commission, sous le contrôle de la Cour de Justice de l’UE.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>Si d’autres juridictions majeures comme les <a href="https://www.promarket.org/2021/06/29/house-antitrust-bills-big-tech-apple-preinstallation/">États-Unis</a> et le <a href="https://www.gov.uk/government/consultations/a-new-pro-competition-regime-for-digital-markets/outcome/a-new-pro-competition-regime-for-digital-markets-government-response-to-consultation">Royaume-Uni</a> ont envisagé des réglementations analogues, cette législation est à ce jour la plus étendue et complète de toutes. Cette expérience juridique complexe impliquera d’ailleurs des coûts d’application importants pour la Commission et les contrôleurs.</p>
<p>La réglementation a ses détracteurs, notamment les sociétés technologiques américaines qui se plaignent d’un <a href="https://www.nytimes.com/2022/03/24/technology/eu-regulation-apple-meta-google.html">traitement inéquitable</a>. Elles qui soutiennent que la législation, portant préjudice à la qualité des services et à l’innovation des GAFAM, nuira aux consommateurs européens.</p>
<p>Les GAFAM ont d’ailleurs mené une <a href="https://www.politico.eu/article/big-tech-boosts-lobbying-spending-in-brussels/">campagne de lobbying</a> soutenue pour faire dérailler ou écorner la proposition initiale de la Commission, mais force est de constater que ce fût peine perdue. Le texte final a même pris une tournure draconienne. Le Parlement européen a donc été un acteur décisif dans l’extension de la liste des services visés par la législation, l’ajout de nouvelles règles et le renforcement des pénalités.</p>
<h2>La demi-victoire des autorités nationales</h2>
<p>Les GAFAM ne sont pas les seuls mécontents. Pourtant d’accord sur le fond, les autorités de la concurrence des États membres, <a href="https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Downloads/M-O/non-paper-friends-of-an-effective-digital-markets-act.pdf">l’Allemagne, la France et les Pays-Bas</a> en tête, appelaient à davantage d’appropriation nationale dans la mise en œuvre.</p>
<p>Dans une rare <a href="https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/DMA--JointEUNCAspaper.pdf">déclaration conjointe</a>, les 27 autorités ont soutenu que, fortes de leurs compétences et ressources, elles étaient en mesure d’appuyer son application.</p>
<p>À noter qu’une fois en vigueur, cette législation ôtera aux autorités nationales leur compétence en matière de réglementation des contrôleurs et leur reléguera uniquement les questions de concurrence appelant à une évaluation ponctuelle de l’influence des acteurs économiques sur les marchés et les incidences de leurs pratiques. Par exemple, la section 19a de l’ambitieuse <a href="https://www.bundeskartellamt.de/SharedDocs/Meldung/EN/Pressemitteilungen/2021/19_01_2021_GWBNovelle.html">loi allemande contre les restrictions de la concurrence</a> (GWB), adoptée en janvier 2021 en vue de lutter contre les géants du numérique, pourrait être rendue caduque par la DMA.</p>
<p>Les autorités nationales n’ont finalement remporté qu’une victoire en demi-teinte. En effet, dans son ultime mouture, la législation habilite les autorités nationales à lancer des enquêtes et recueillir des éléments de preuve. Toutefois, afin d’harmoniser son application, la Commission reste seule compétente en matière d’appréciation des pratiques et de prise de décisions quant aux éventuelles atteintes.</p>
<h2>Le spectre de l’application privée</h2>
<p>L’application de la loi par la Commission sera certainement complétée par l’action privée. La DMA ne prévoit pas explicitement que les acteurs privés ayant subi un préjudice du fait du manquement au regard de la législation sont en droit réclamer des indemnisations à une plate-forme. Cependant, l’article 42 énonce que la <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX%3A32020L1828">directive 2020/1828 relative au recours collectifs</a>, opposable dans les cas d’infraction au droit communautaire, s’appliquera aux violations de la DMA. Il est donc probable qu’une fois que la Commission aura rendu ses premiers avis, des recours en justice soient entendus.</p>
<p>La DMA conjugue, à raison, de nombreux éléments clés du RGPD et demande instamment à la Commission de travailler avec les instances européennes de protection des données sur certains points. En effet, comme ne l’avions souligné dans un <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=4089978">article</a> de recherche récent, la réglementation des modèles commerciaux fondés sur l’exploitation des données appelle une approche interdisciplinaire et interinstitutionnelle, une donne longtemps peu connue du droit européen de la concurrence.</p>
<h2>Quelle adaptation possible des règles ?</h2>
<p>La législation a été critiquée pour son franc <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=4021843">recours aux règles de principe</a>, à savoir les règles proscrivant une pratique donnée, sans obligation de démontrer ses effets délétères. Peu coûteuses et rapidement déployables, ces règles promettent d’être beaucoup plus d’efficaces que celles du droit de la concurrence.</p>
<p>En effet, l’abus des règles relatives aux positions dominantes énoncées dans <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/HTML/?uri=CELEX%3A12008E102">l’article 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE</a>), qui impose une appréciation économique approfondie du pouvoir de marché de l’acteur à l’examen et des effets potentiels de ses pratiques sur les conditions de concurrence, font durer les enquêtes pendant plus de 5 ans en moyenne.</p>
<p>Certes, les règles de principe ne sont pas sans défaut. Cette approche est inflexible et féconde d’erreurs : certaines pratiques non préjudiciables dans les faits peuvent être proscrites (faux positif), alors que d’autres, clairement néfastes, peuvent être autorisées (faux négatif). En outre, ces règles peuvent être contournées, si une société exploite les failles juridiques en modifiant ses pratiques de sorte que sa position de domination ne soit en rien affaiblie.</p>
<p>Cependant, la dernière version de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/digital-markets-act-dma-128496">DMA</a> est munie de dispositifs permettant à la Commission d’infléchir les règles contre-productives, et surtout, d’intervenir pour les mettre à jour, en vertu des règles de non-contournement.</p>
<p>S’il appartient à la Commission d’invoquer ces dispositifs et si la DMA est, par essence, plus tolérante vis-à-vis des faux positifs que des faux négatifs, Bruxelles peut adapter ses règles rapidement si elles ne produisent pas les résultats escomptés. L’on peut donc espérer que la Commission surveillera de près les incidences de la législation sur les entreprises et les consommateurs et qu’elle n’hésitera pas à intervenir, si nécessaire. Pour cela, les outils existent.</p>
<h2>La DMA répondra-t-elle à l’exercice ?</h2>
<p>Cependant, la DMA n’encadre pas la question de l’acquisition par des contrôleurs. Sur une période relativement courte, les GAFAM ont ensemble phagocyté plus de 800 sociétés, pour la plupart des start-up innovantes porteuses de technologies complémentaires. Malgré les <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0003603X221082748?journalCode=abxa">inquiétudes croissantes</a> que suscitent ce phénomène et que nous observions dans une recherche récente, les autorités européennes de la concurrence et leurs homologues américaines n’ont jamais interdit ne serait-ce qu’une seule de ces acquisitions.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-gafam-acquereurs-de-start-up-predateurs-ou-accelerateurs-de-linnovation-189603">Les GAFAM acquéreurs de start-up, prédateurs ou accélérateurs de l’innovation ?</a>
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<p>Il est donc légitime de se demander si les règles européennes existantes sur les fusions et acquisitions, élaborées à l’ère de l’économie des enseignes physiques, seront à la hauteur des enjeux du numérique. L’UE aurait pu profiter de l’occasion pour revoir les théories de préjudice et des normes de preuve utilisées dans le droit européen des fusions afin de l’adapter à l’économie des plates-formes.</p>
<p>La DMA ne s’applique que pour les services de plate-forme essentiels proposés aux utilisateurs établis ou situés dans l’UE, mais pas au-delà. Il reste à voir si <a href="https://www.brusselseffect.com/">« l’effet Bruxelles »</a> réapparaîtra et si les contrôleurs appliqueront d’eux-mêmes les règles européennes dans d’autres juridictions, ou, s’il est réaliste et rentable pour les contrôleurs de suivre des règles moins strictes dans les juridictions plus laxistes (voire totalement permissives). Il est permis de penser que la mise en conformité s’arrêtera là où les contreparties seront trop onéreuses pour les plates-formes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192423/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne C. Witt ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le Digital Market Act, qui doit entrer en vigueur prochainement, constitue la réglementation la plus ambitieuse à ce jour pour limiter les positions dominantes des géants du numérique.Anne C. Witt, Professor of Law, Augmented Law Institute, EDHEC Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1865022022-09-12T22:46:27Z2022-09-12T22:46:27ZLa taxe mondiale sur les multinationales est-elle vraiment une opportunité pour l’Afrique ?<p>Avec l’essor mondial de géant comme Amazon, Facebook ou encore Netflix, les importations de services numériques ont considérablement augmenté en Afrique ces dernières années. Dans les États membres de l’Union africaine (UA), celles-ci sont ainsi passées d’un montant d’environ 19 milliards de dollars en 2007 à 37 milliards de dollars en 2017.</p>
<p><iframe id="rXnfz" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/rXnfz/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cependant, les recettes fiscales prélevées sur leurs activités <a href="https://www.cfr.org/blog/when-services-trade-data-tells-you-more-about-tax-avoidance-about-actual-trade">restent faibles</a>. En effet, les entreprises numériques bénéficient de l’absence d’obligation directe de payer des impôts dans les pays où elles ne sont pas résidentes. Face à ce problème de déperdition fiscale, certains États mettent en œuvre des taxes directes sur les bénéfices de ces sociétés (dite taxe GAFA). En Afrique, le <a href="https://businessday.ng/bd-weekender/article/digital-taxation-an-infant-in-nigeria-a-giant-abroad-mobolaji-oriola/">Nigeria</a>, le <a href="https://theconversation.com/kenya-is-moving-aggressively-to-tax-digital-business-what-next-163901">Kenya</a> et le <a href="https://itweb.africa/content/kYbe97XDjgZ7AWpG">Zimbabwe</a> disposent désormais d’une législation qui impose directement les opérations numériques des multinationales non résidentes (entre 3 % et 6 %).</p>
<h2>1,3 milliard à récupérer</h2>
<p>Afin de proposer un cadre international harmonisé, le projet relatif à l’érosion de la base d’imposition et au transfert des bénéfices (BEPS), réalisé sous l’égide de Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et du G20, a permis d’approuver, en octobre 2021, un <a href="https://www.oecd.org/fr/fiscalite/beps/declaration-sur-une-solution-reposant-sur-deux-piliers-pour-resoudre-les-defis-fiscaux-souleves-par-la-numerisation-de-l-economie-octobre-2021.htm">cadre inclusif</a> reposant sur deux piliers pour relever les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie :</p>
<ul>
<li><p>Le premier pilier se concentre sur l’assiette d’imposition et a pour objectif la réaffectation des droits d’imposition vers la juridiction du marché concerné, indépendamment de la présence physique, et concerne de nombreuses entreprises du numérique (les industries extractives et services financiers réglementés sont exclus).</p></li>
<li><p>Le deuxième pilier se concentre quant à lui sur le taux d’imposition et la création de règles coordonnées répondant aux risques actuels provenant de montages financiers qui permettent aux multinationales de transférer des bénéfices vers des juridictions à faible imposition. Il propose ainsi l’adoption d’un taux d’imposition minimum de 15 % et aura peu d’impact sur les économies du continent qui ont déjà des <a href="https://data.worldbank.org/indicator/IC.TAX.PRFT.CP.ZS?locations=ZG">taux supérieurs</a> et peu de siège d’entreprises multinationales. Cependant, le <a href="https://worldinvestmentreport.unctad.org/world-investment-report-2022/chapter-3-the-impact-of-a-global-minimum-tax-on-f">rapport mondial sur l’investissement</a> note qu’en relavant le taux minimum à 15 % cela rendra relativement toutes les juridictions avec un taux supérieurs plus attractives.</p></li>
</ul>
<p>Sur les 25 pays africains membres du Cadre inclusif OCDE/G20 sur le BEPS, 23 sont signataires de la déclaration d’octobre 2021 approuvant cette solution à deux piliers (Kenya et Nigeria ne l’ont pas encore <a href="https://www.oecd.org/fr/presse/la-communaute-internationale-conclut-un-accord-fiscal-sans-precedent-adapte-a-l-ere-du-numerique.htm">signée</a>, ils devront abandonner leur taxe unilatérale s’ils participent).</p>
<p><iframe id="oNn8K" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/oNn8K/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En s’appuyant sur la proposition du BEPS et en utilisant les données entreprises Orbis, il est possible de modéliser les scénarios du pilier 1 pour les services numériques. <a href="https://www.afd.fr/fr/ressources/taxe-sur-le-commerce-numerique-une-opportunite-pour-lafrique">Selon les estimations</a>, les recettes fiscales potentielles pour les 55 États membres de l’Union africaine (EMUA) sont de 1,3 milliard dollars américains par an, soit 0,05 % du PIB.</p>
<p>[<em>Plus de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>Comparativement, il s’agit d’un montant supérieur aux recettes qui seraient tirées d’une éventuelle taxe directe sur les services numériques fixée à 3 % des recettes brutes (800 millions de dollars). Il faudrait que celle-ci soit relevée à environ 5 % pour obtenir un montant proche.</p>
<p><iframe id="YNv3X" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/YNv3X/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Il convient de noter qu’actuellement, certaines importations de services numériques peuvent déjà être taxées de manière indirecte dans le cadre de <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/sites/9789264271401-en/index.html?itemId=/content/publication/9789264271401-en">taxes à la consommation</a>. Dix-huit des EMUA ont ainsi proposé (ou mettent déjà en œuvre) une taxe indirecte sur les opérations numériques des multinationales (de 12 à 20 %).</p>
<p><iframe id="sWtuM" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/sWtuM/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Un pilier très large</h2>
<p>Cependant, si on appliquait les taux TVA et autres <a href="https://read.oecd-ilibrary.org/taxation/revenue-statistics-in-africa-2021_c511aa1e-en-fr#page1">taxes à la consommation existantes dans les 55 pays</a> au commerce de service numérique, en moyenne les recettes potentielles pour les EMUA auraient été de 0,22 % du PIB (en 2017) si les recettes étaient <a href="https://www.brookings.edu/research/mobilization-of-tax-revenues-in-africa/">effectivement collectées</a>. Les estimations indiquent que les revenus seraient donc nettement supérieurs ceux générés par une taxe directe proposée par le pilier 1 de la déclaration.</p>
<p><iframe id="N9MSI" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/N9MSI/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Si la mise en œuvre <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/sites/9789264271401-en/index.html?itemId=/content/publication/9789264271401-en">complète et effective</a> de la collecte transfrontalière des taxes à la consommation existante sur les importations de service numérique pourrait théoriquement générer des recettes fiscales plus élevées que celles du pilier 1 du programme BEPS, il convient de noter que les propositions du premier pilier du BEPS vont au-delà des seules sociétés de services numériques et généreront probablement des revenus substantiels. En effet, ce piler 1 intègre en plus de ses sociétés numériques toutes les EMN dès lors qu’elles utilisent des canaux numériques de distribution. </p>
<p>Comment expliquer cet écart ? Le pilier 1 stipule qu’afin d’être éligibles à ce droit de taxation, les pays doivent recevoir au moins 1 million d’euros de recettes par multinationale concernée, ce qui exclut <em>de facto</em> les économies africaines de ce modèle d’allocation des recettes fiscales, à l’exception des 12 plus grandes économies du continent en termes de PIB (Soudan, Côte d’Ivoire, Tanzanie, Ghana, Kenya, Éthiopie, Maroc, Angola, Algérie, Égypte, Afrique du Sud et Nigeria).</p>
<p>Ceci dit, le cadre inclusif prévoit une exception pour les économies dont le PIB est inférieur à 40 milliards d’euros, en leur attribuant un droit d’imposition à partir d’un seuil de 250 000 euros. </p>
<h2>Une centaine des 500 plus grandes entreprises concernées</h2>
<p>En dépit de cet élargissement du périmètre, l’OCDE estime que la réattribution des bénéfices au titre du pilier 1 s’appliquera à seulement une <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/sites/ecdb6a47-en/index.html?itemId=/content/component/ecdb6a47-e">centaine de multinationales enviro</a>. Il s’agit certes des plus importantes mais la disposition prévoit d’étendre le champ d’application à d’autres EMN qu'au bout de sept ans. Cependant, cela représente la tout de même la <a href="https://worldinvestmentreport.unctad.org/world-investment-report-2022/chapter-3-the-impact-of-a-global-minimum-tax-on-fdi/">majorité des IDE</a> dans le monde. </p>
<p>Toutes les grandes sociétés de services numériques ont des marges bénéficiaires avant impôt comprises entre 13 % (Netflix) et 39 % (Facebook), et allant jusqu’à 70 % pour Amazon, ce qui impliquerait donc des bénéfices réaffectés au niveau mondial (25 % du bénéfice résiduel). Les montants imposables diffèrent toutefois considérablement, Netflix, Adobe et PayPal se situant au bas de l’échelle ; et Meta, Alphabet (anciennement Google), Amazon, Microsoft et Apple se positionnant en haut de cette échelle.</p>
<p><iframe id="5RxVy" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/5RxVy/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La part qui est allouée aux économies africaines dans le cadre des nouvelles règles du pilier 1 semble <em>a priori</em> minime et il faudra attendre encore 7 ans avant une éventuelle extension du champ d’application de cette règle pour y inclure davantage de multinationales.</p>
<p>Il est donc primordial qu’un nombre plus important de pays du continent participe au cadre inclusif du BEPS, auquel 23 États ont jusqu’alors adhéré, les actions multilatérales étant plus propices à des résultats probants dans une économie mondialisée. D’autant que, les difficultés éprouvées par les pays du G20 lors de ces négociations montrent par analogie à quel point la capacité de négociation des EMUA seuls face aux géants du secteur serait réduite. En parallèle, les pays doivent travailler a mieux <a href="https://events.ataftax.org/index.php?page=documents&func=view&document_id=98&_ga=2.223340763.1748778267.1657606484-1483344514.1657606484">collecter</a> les <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/sites/e0e2dd2d-en/index.html?itemId=/content/publication/e0e2dd2d-en">taxes indirectes sur les services numériques</a> afin de maximiser l’ensemble de revenus (directs et indirects) <a href="https://events.ataftax.org/index.php?page=documents&func=view&document_id=155&token=b60310bc53dbc2bda82aaebdceef3d85&thankyou">potentiels</a>.</p>
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<p><em>Nicolas Köhler-Suzuki, directeur d’International Trade Intelligence, et Rutendo Tavengerwei, conseillère en politique commerciale spécialisée dans l’Afrique ont participé à la rédaction de cet article, qui s’appuie sur l’<a href="https://www.afd.fr/fr/ressources/taxe-sur-le-commerce-numerique-une-opportunite-pour-lafrique">étude</a> publiée le 9 septembre par <a href="https://theconversation.com/institutions/agence-francaise-de-developpement-afd-2711">l’Agence française de développement</a> (AFD) dans la collection « Questions de développement »</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186502/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le cadre inclusif international proposé fin 2021 par l'OCDE et le G20 prévoit une récupération de recettes fiscales sur les services numériques moindres qu'une taxation indirecte locale.Julien Gourdon, Economiste, Agence française de développement (AFD)Jean-Baptiste Pétigny, Coordinateur, Facilité française d'Assistance Technique auprès de l'Union africaine, Expertise France, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1896032022-09-05T22:55:18Z2022-09-05T22:55:18ZLes GAFAM acquéreurs de start-up, prédateurs ou accélérateurs de l’innovation ?<p>Depuis 2001, Google/Alphabet a acquis <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_mergers_and_acquisitions_by_Alphabet">250 start-up</a>. Apple <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_mergers_and_acquisitions_by_Apple">123</a> depuis 1988. Facebook/Meta <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_mergers_and_acquisitions_by_Meta_Platforms">95</a> depuis 2005. Amazon <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_mergers_and_acquisitions_by_Amazon">113</a> depuis 1998. Microsoft <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_mergers_and_acquisitions_by_Microsoft">273</a> depuis 1987. Ces acquisitions par les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/gafam-45037">GAFAM</a> constituent-elles une menace ou une opportunité pour l’innovation ? La réponse peut influencer le comportement du législateur.</p>
<p>En 2021, aux États-Unis, le président Joe Biden nomma <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/06/16/lina-khan-une-farouche-critique-des-gafa-nommee-a-la-tete-de-l-antitrust-americain_6084421_3234.html">Lina Khan à la direction de la <em>Federal Trade Commission</em></a> dont la mission est de protéger le consommateur en interdisant la création de position monopolistique par de grandes entreprises. Cette nomination constitua un choc pour l’industrie high-tech et plus particulièrement pour les GAFAM.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/gafam-comment-limiter-les-acquisitions-tueuses-de-start-up-175350">GAFAM : comment limiter les « acquisitions tueuses » de start-up ?</a>
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<p>En effet, cette professeure de droit à l’université Columbia s’est fait connaitre en 2017 par un <a href="https://www.yalelawjournal.org/pdf/e.710.Khan.805_zuvfyyeh.pdf">article</a> dans le <em>Yale Law Journal</em> dans lequel elle estime que les lois antitrust sont inadaptées pour réguler des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/plates-formes-31157">plates-formes</a> comme Amazon ou Google. Elle affirme que l’acquisition de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/start-up-23076">start-up</a> par les GAFAM constitue une forme de prédation de l’innovation par ces entreprises qui souhaitent éviter l’émergence de concurrents et se constituer des positions monopolistiques. Du fait de la taille très modeste des start-up, ces acquisitions ne sont pas soumises aux fourches caudines de la FTC. Depuis sa nomination, Lina Khan mène une croisade juridique et médiatique contre les GAFAM pour les empêcher d’acquérir ces start-up au nom de l’intérêt général, de la lutte contre les monopoles et pour favoriser <a href="https://theconversation.com/fr/topics/innovation-21577">l’innovation</a>.</p>
<h2>Les start-up, initiateurs d’innovation</h2>
<p>Pourtant, l’histoire industrielle est pavée d’entreprises (DEC, IBM, Xerox, ATT, Kodak, Hewlett-Packard, Alcatel…) qui ont connu de grandes difficultés ou disparu malgré des investissements massifs en recherche et développement. La leçon du XX<sup>e</sup> siècle est que ces investissements en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/randd-34548">R&D</a> permettent rarement aux grandes entreprises de générer des innovations radicales porteuses de croissance. L’innovation radicale reste souvent initiée par des start-up hors des frontières des grandes entreprises.</p>
<p>Comme nous l’avions montré dans un <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/03085140902786827">article</a> de recherche de 2009, dans le nouveau paradigme de l’<em>open innovation</em> qui émerge au XXI<sup>e</sup> siècle, les grandes entreprises participent aux écosystèmes d’innovation pour trouver des leviers de croissance en acquérant des start-up. Dans ce modèle de management de l’innovation, elles externalisent la recherche et l’exploration de l’innovation et se focalisent sur le développement et l’exploitation des innovations acquises. C’est dans ce paradigme qui faut replacer les <a href="https://ideas.repec.org/a/eee/eurman/v29y2011i3p181-192.html">stratégies d’acquisition et développement (A&D)</a> des grands groupes comme les GAFAM.</p>
<p>Ces acquisitions de start-up, loin de phagocyter l’innovation, contribuent à en financer la croissance pour en faire des « scale-up », le nom donné aux start-up qui réussissent. YouTube, créé en 2005, serait-elle devenue la plate-forme la plus populaire de visionnage de vidéos si elle n’avait pas été acquise en 2006 par Google et ainsi bénéficier des capacités financières, technologiques et commerciales de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/google-20719">Google</a> ? Est-ce qu’Android, créé en 2003, serait le système d’exploitation équipant aujourd’hui plus de <a href="https://www.ecranmobile.fr/La-part-de-marche-d-Android-recule-a-moins-de-70-des-smartphones_a70750.html">70 % des smartphones dans le monde</a> si la start-up n’avait pas été acquise par Google en 2005 ? La même interrogation se pose concernant WhatApp, Oculus et Instagram qui ont été acquises par <a href="https://theconversation.com/fr/topics/facebook-22128">Facebook</a>, LinkedIn acquise par Microsoft ou encore Audible et Zappos acquises par Amazon.</p>
<h2>Dynamique vertueuse dans l’écosystème de l’<em>Open Innovation</em></h2>
<p>Cette généralisation des stratégies d’A&D a modifié le comportement de plusieurs acteurs des écosystèmes d’<em>open innovation</em> et a initié une dynamique vertueuse. Entrepreneurs, étudiants et universités créent ou encouragent la création de start-up en sachant qu’elles pourront être acquises par une grande entreprise et ainsi rétribuer l’initiative entrepreneuriale.</p>
<p>Nous avions montré dans nos recherches que la perspective de vendre les start-up à de grands groupes constituait aussi une <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1111/j.1540-6520.2009.00356.x">incitation très forte pour les capital-risqueurs</a> à investir. Ces derniers sont les <a href="https://archives-rfg.revuesonline.com/article.jsp?articleId=12801">« transiteurs » indispensables de l’innovation</a> entre sa phase d’exploration menée par la start-up et celle d’exploitation réalisée par la grande entreprise. L’essentiel des sorties en capital des capital-risqueurs se fait dans le cadre de cession de leurs participations à de grands groupes ; l’introduction en bourse reste l’exception. En 2021, aux États-Unis, sur les 1538 sorties en capital réalisées par des capital-risqueurs, 1357 (soit 88,2 %) d’entre elles ont ainsi été le fruit d’une acquisition par une grande entreprise <a href="https://nvca.org/wp-content/uploads/2022/03/NVCA-2022-Yearbook-Final.pdf">contre 181 via une introduction en bourse</a>.</p>
<p>En amont de l’innovation, les grandes entreprises telles que les GAFAM participent massivement au financement des start-up et de l’écosystème d’<em>open innovation</em> à travers leurs fonds <em>corporate</em> de capital-risque. Le Google Venture fund détient <a href="https://www.gv.com/about">plus de 8 milliards de dollars d’investissement</a> dans des start-up dont certaines ont ou seront rachetées par la maison-mère. En 2021, aux États-Unis, les fonds de capital-risque des grandes entreprises ont contribué pour 142,2 milliards de dollars aux 332,8 milliards d’investissements en capital-risque réalisés dans le pays, soit 42,7 %.</p>
<p>Il faut donc replacer les acquisitions de start-up par les GAFAM et autres grands groupes dans le fonctionnement global des écosystèmes d’<em>open innovation</em>. Ces acquisitions favorisent l’accélération et l’industrialisation de l’innovation en apportant financement, compétences technologiques et marketing. Ces acquisitions constituent également un formidable mécanisme d’incitation à contribuer à la création de start-up innovantes pour les autres acteurs de l’écosystème, que ce soit les entrepreneurs, les salariés, les chercheurs universitaires, les capital-risqueurs et tous les prestataires de services rémunérés en actions ou stock-options de start-up.</p>
<p>Empêcher les grandes entreprises d’acquérir des start-up constituerait donc une remise en cause du fonctionnement de l’écosystème de l’<em>open innovation</em> et entrainerait le retrait d’acteurs critiques au cycle de vie de l’innovation. L’intérêt économique d’un groupe qui acquiert une start-up est de la développer pour nourrir sa croissance et rentabiliser son investissement. Quand Facebook a, en 2012, acquis la start-up Instagram (créée en 2010 <a href="https://www.latribune.fr/technos-medias/internet/20120409trib000692620/facebook-rachete-instagram-pour-1-milliard-de-dollars.html">) pour un milliard de dollars</a>, elle a ensuite massivement investi en ressources financières, technologiques et commerciales pour accroître le nombre d’utilisateurs de 30 millions en 2011 à <a href="https://mcetv.ouest-france.fr/decouvertes/mon-mag-lifestyle/instagram-compte-deux-milliards-dutilisateurs-mensuels-dans-le-monde-15122021/">plus de deux milliards fin 2021</a>.</p>
<p>Un grand groupe qui phagocyterait une innovation complémentaire et non concurrente d’une start-up acquise serait économiquement irrationnel. Les grands groupes ont plutôt tendance à affaiblir les start-up qui refusent d’être rachetées, notamment en copiant leurs fonctionnalités. <a href="https://www.sam-mag.com/default.aspx?ACT=5&content=79&id=53&mnu=1">Netscape refusa en 1994 d’être racheté par Microsoft</a> et finit par disparaitre face à la concurrence de Microsoft Explorer. En 2013, <a href="https://www.clubic.com/snapchat/actualite-595914-snapchat-facebook-rachat-1-milliard.html">Snapchat refusa une offre de rachat de la part de Facebook</a> et depuis ne cesse de voir son potentiel acquéreur l’affaiblir en la copiant.</p>
<h2>Quel rôle pour le régulateur ?</h2>
<p>Dès lors que l’on admet que ces acquisitions constituent un facteur d’accélération et non de prédation de l’innovation, il convient de s’interroger sur le rôle du législateur. Le danger est que lorsque l’innovation acquise arrive à maturité, elle acquiert une position monopolistique qui se fasse au détriment de nouvelles innovations.</p>
<p>Si Google Store était une entité indépendante, elle ne favoriserait pas les autres produits d’Alphabet. Il faut donc réguler les GAFAM quand leurs nouvelles activités sont arrivées à maturité. Le législateur pourrait imposer des scissions des innovations matures via des spin-off. Aujourd’hui, séparer YouTube de Google, Instagram de Facebook ou LinkedIn de Microsoft.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1171892685550096384"}"></div></p>
<p>D’autre part, en matière d’innovation, l’Europe doit s’inquiéter de la faiblesse de son industrie du capital-risque. Les montants investis restent faibles et de plus en plus de fonds de capital-risque américains investissent en Europe et concurrencent les fonds européens avec des capitaux bien plus importants.</p>
<p>Depuis 2016, Insight Partners a réalisé 84 investissements dans des start-up européennes, Accel 59, Tiger Global Management 51 et Index Ventures 46. Ces fonds constituent le cheval de Troie des grandes entreprises américaines qui parfois financent ces capital-risqueurs qui leur donnent accès à des informations privées sur ces start-up européennes mais surtout les rachètent à des valorisations supérieures à celles offertes par de grandes entreprises européennes.</p>
<p>En 2021, les capital-risqueurs américains ont participé à 2210 tours d’investissement en Europe pour un montant de 70,7 milliards d’euros. Le montant médian de la levée de capital par une start-up européenne est de <a href="https://pitchbook.com/news/articles/2022-us-vcs-europe-deals">38 millions d’euros quand un fond américain participe</a> au tour de financement contre seulement 6,3 millions d’euros quand il n’y a pas d’investisseur américain.</p>
<p>L’important pour la souveraineté européenne est donc de développer une puissante industrie du capital-risque bien connectée avec les grandes entreprises du continent pour favoriser le développement des start-up innovantes. On est encore loin du compte. En 2021, les sociétés de capital-risque européennes n’ont levé que <a href="https://www.investeurope.eu/research/activity-data/">18,2 milliards d’euros</a> dont 18 % par des fonds d’entreprise.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189603/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Ferrary ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les acquisitions des géants du numérique sont dans le collimateur du législateur américain qui estime qu’elles nuisent à l’innovation. Plusieurs exemples montrent cependant le contraire.Michel Ferrary, Professeur de Management à l'Université de Genève, Chercheur-affilié, SKEMA Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1812932022-08-30T18:51:51Z2022-08-30T18:51:51ZCréation audiovisuelle : le succès des plates-formes, un danger pour la protection des droits d’auteur ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/481819/original/file-20220830-31761-dmqy5l.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C0%2C965%2C636&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Capture d e cran a</span> <span class="attribution"><span class="source">Netflix</span></span></figcaption></figure><p>En France, la paternité du réalisateur ou de la réalisatrice sur ses œuvres semble indéfectible depuis la « politique des auteurs » issue de la Nouvelle Vague, consacrée par la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000315384/#:%7E:text=L%E2%80%99auteur%20jouit%20du%20droit,aux%20h%C3%A9ritiers%20de%20l%E2%80%99auteur.">loi du 11 mars 1957</a> Pourquoi la questionner aujourd’hui ?</p>
<p>C’est que, d’une part, les législations nationales sur le droit d’auteur diffèrent d’un pays à l’autre, et d’autre part, l’industrie cinématographique connaît une véritable révolution depuis une dizaine d’années, avec l’essor des plates-formes comme Netflix.</p>
<p>Leur place grandissante remet en cause le mode de diffusion des films, mais peut-être aussi la manière de les regarder, voire de les faire. Le réalisateur restera-t-il longtemps encore le créateur original qui appose son sceau et parle la langue des images au point que pour parler de leurs films on évoque « un Dreyer », « un Hitchcock » ou « un Bresson », entre bien d’autres ?</p>
<p>Ces questionnements, menés <a href="https://www.septentrion.com/fr/livre/?GCOI=27574100055520">dans notre ouvrage paru en février dernier</a>, permettent de remettre en lumière débats et considérations autour des évolutions des droits nationaux et internationaux, dans un temps où les technologies numériques viennent bousculer ce qui semblait une évidence.</p>
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<p>Car la déterritorialisation des œuvres au travers d’Internet, – désormais accessibles partout et parfois quasi simultanément sur le globe –, fragilise indéniablement la protection des œuvres artistiques, dont celle de cinéma… en concentrant paradoxalement leur maîtrise entre les mêmes mains.</p>
<h2>L’évolution du statut des réalisateurs en France</h2>
<p>La « surprise » pourrait être, cependant, que les débats d’aujourd’hui ne soient pas si différents de ceux d’hier. À tout le moins, la place du réalisateur est un questionnement constant depuis les origines du cinéma. A cette aune, la politique des auteurs pourrait être vue comme une parenthèse historiquement et géographiquement enchantée. Le réalisateur était absent des génériques des premiers films : il n’était alors qu’un « faiseur » de bobines sommé par le producteur – Pathé, Gaumont, et les premiers majors américains – de faire rire ou pleurer, divertir ou émerveiller un public très divers.</p>
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<p>Les cinéastes de l’entre-deux-guerres ont joué un rôle essentiel en s’affirmant comme artistes devant les producteurs, exploitants, voire censeurs, à la manière des peintres, écrivains ou musiciens des siècles passés face aux princes qui les employaient : L’Herbier, Gance, ou Pagnol ont chacun à leur manière construit cette épopée de l’auteur. Or, aujourd’hui comme hier, un droit adapté passe par une compréhension de l’œuvre de cinéma et de son histoire.</p>
<p>À cet égard, l’histoire du cinéma apporte un éclairage irremplaçable, y compris lorsqu’elle devient une histoire du traitement de l’art cinématographique par le droit. Le film est un objet étrange pour le juriste d’avant la Seconde Guerre mondiale, nourri d’une culture classique. Le cinéma adolescent a encore l’image d’un « divertissement d’ilotes », selon le mot d’un auteur de ce temps. La particularité du langage cinématographique et le rôle, – sans équivalent dans toute autre forme artistique –, du réalisateur, n’est dès lors que rarement perçue.</p>
<p>Plus encore que les films de fiction (facilement assimilables par le juriste à des adaptations dramatiques muettes ou parlantes), les œuvres « sans histoires », telles que <a href="https://www.youtube.com/watch?v=2VNBg2A-fXY"><em>Nanouk l’esquimau</em></a> de Robert Flaherty, <a href="https://transmettrelecinema.com/film/homme-a-la-camera-l/#synopsis"><em>L’Homme à la caméra</em></a> de Dziga Vertov, ou encore <em>Etudes sur Paris</em> <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-andre_sauvage_un_cineaste_oublie_de_la_traversee_du_grepon_a_la_croisiere_jaune_isabelle_marinone-9782296067226-27418.html">d’André Sauvage</a>, se distinguent mal à ses yeux d’une somme de prises de vues d’actualité.</p>
<p>Le cas de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=lMtVSHhCzKg"><em>La Croisière jaune</em></a>, production des années 1930 de la société Citroën, dont la réalisation avait été à l’origine confiée à Sauvage, – avant de lui être retirée puis cédée à un autre cinéaste –, montre combien les contrats de l’époque ne garantissaient aucune protection pour l’auteur, mais encore quelle considération l’on portait au documentariste, pensé comme simple exécutant de prises de vues.</p>
<p>Le Code de la Propriété intellectuelle français <a href="https://www.cnc.fr/professionnels/jeunes-professionnels/ressources-auteurs/legislation-et-droits-d-auteur">désigne depuis 1957 le réalisateur</a> comme l’un des cinq auteurs « présumés » du film, aux côtés notamment du scénariste et du musicien. Le producteur, lui, doit démontrer sa contribution artistique pour être considéré comme auteur.</p>
<h2>Le système anglo-saxon</h2>
<p>Il en va différemment avec le système anglo-saxon dont les intérêts s’avèrent plus économiques, tant par l’importance donnée à l’exploitation que par l’approche marchande des œuvres. Si la loi française concède aux auteurs un droit moral sur leurs œuvres (avec le droit de se voir reconnaître la paternité de l’œuvre, et celui au respect de l’intégrité de celle-ci), le système du Copyright offre les droits intellectuels aux producteurs. Ce qui sous-entend que les cinéastes, considérés comme employés ou salariés, ne possèdent pas le contrôle du montage de leurs films, et sont soumis à de possibles modifications de leur forme, – voir parfois de leur sens, le montage étant la structure et la pensée du film –, lors de leur diffusion.</p>
<p>En cas de conflit entre les deux systèmes cependant, pour l’exploitation d’une œuvre américaine en France, le respect du droit moral de l’auteur est impératif, et prévaut sur la loi américaine. La diffusion d’une version colorisée d’<a href="https://www.youtube.com/watch?v=IXrP6Uo4nUI"><em>Asphalt jungle</em></a> (<em>Quand la ville dort</em>), à laquelle s’opposait le réalisateur a ainsi pu être interdite à la télévision française (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007026649/">affaire Huston</a>).</p>
<h2>Le système du « buy out »</h2>
<p>Le développement ultra rapide – encouragé encore par la période de crise sanitaire – des plates-formes américaines de diffusion pourrait-il signifier l’hégémonie internationale de ce modèle juridique et économique, au rebours d’une économie de protection telle que conçue en France après la guerre ? </p>
<p>Ces plates-formes proposent des œuvres de cinéma (y compris de répertoire), mais aussi de séries, ces dernières conçues comme « produits » porteurs pour l’e-commerce des films. Une crainte légitime est née dès lors : que Netflix et les autres obligent systématiquement les auteurs travaillant pour eux à accepter le copyright à l’américaine – niant leur droit moral –, ainsi que le <a href="https://authorsocieties.eu/policy/buy-out/">système de buy-out</a>. Ce dernier consiste à acheter tous les droits d’une œuvre au moment de la signature du contrat sans avoir à reverser de royalties ultérieurement en fonction de son exploitation, et fragilise partout les auteurs, notamment les cinéastes indépendants.</p>
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<p>Trois éléments clés pourraient décider de l’avenir de l’art cinématographique.</p>
<p>La négociation professionnelle d’abord : les syndicats professionnels de l’audiovisuel suédois avaient conduit Netflix, il y a deux ans, <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/03/11/en-suede-netflix-accepte-de-verser-des-royalties-aux-professionnels-de-l-audiovisuel_6032582_3234.html">à accepter le versement de royalties aux auteurs</a>).</p>
<p>Plus récemment, un double accord – audiovisuel et cinéma – conclu par le CNC, les 17 septembre et 12 octobre 2021, vise à faire entrer, dans les contrats que Netflix et les autres concluent avec les auteurs, des clauses types imposant le respect du droit moral, un montage final d’un commun accord entre le producteur et le réalisateur, et la rémunération proportionnelle à l’exploitation (à l’encontre du buy-out) ; il reste à espérer que le respect de ces clauses sera effectif, et que ne se révèlera pas un jeu de dupes, l’accord permettant l’obtention d’aides du CNC par les plates-formes en échange de l’application, tout simplement, du droit français.</p>
<p>Le droit international est par ailleurs le mieux à même de définir un statut de l’auteur défiant les frontières : il se heurte cependant aux divergences de conception évoquées plus haut : l’Union européenne incite, de directives en décisions judiciaires, à une reconnaissance des droits du réalisateur, y compris celui de documentaires (affaire <a href="https://www.village-justice.com/articles/arret-LUKSAN-marque-avancee-droit,11854.html">Luksan</a> ;</p>
<p>Le spectateur, enfin, a le pouvoir de choisir où orienter son regard et de privilégier les salles de cinéma quand c’est possible. La fameuse phrase de Jean-Luc Godard -« Quand on va au cinéma, on lève la tête. Quand on regarde la télévision, on la baisse » – pourrait nous guider, à l’heure où les portables donnent accès à une multitude de contenus.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181293/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La déterritorialisation des œuvres au travers d’Internet, désormais accessibles partout sur le globe, fragilise la protection des films.Isabelle Marinone, Maître de conférences en Histoire du Cinéma / Chercheur UMR CNRS uB 7366 LIR3S, Université de Bourgogne – UBFCIsabelle Moine-Dupuis, Maître de conférences en droit privé, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1864072022-08-23T18:05:43Z2022-08-23T18:05:43ZTransformer la série « Squid Game » en jeu de téléréalité, est-ce trahir sa portée critique ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/561950/original/file-20231127-29-5jj37x.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C3%2C1266%2C714&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">« Squid Game : le défi »</span> <span class="attribution"><span class="source">Netflix</span></span></figcaption></figure><p>Le 14 juin 2022, la plate-forme de streaming Netflix a annoncé le lancement de <a href="https://www.squidgamecasting.com/">« Squid Game : The Challenge »</a>, un jeu de téléréalité au casting mondial et avec un gain de <a href="https://about.netflix.com/en/news/netflix-greenlights-squid-game-the-challenge-reality-competition-series">4,56 millions de dollars à la clé</a>, inspiré de la série <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Squid_Game"><em>Squid Game</em></a>.</p>
<p>Réalisée par Hwang Dong-hyuk, cette série dystopique sud-coréenne présente la lutte de 456 personnes endettées et désespérées qui sont recrutées par une mystérieuse organisation pour participer à une compétition où l’unique vainqueur remportera 4,56 millions de wons. Les épreuves de la compétition sont basées sur une <a href="https://www.nbcnews.com/news/asian-america/real-kids-games-squid-game-rcna2726">série de jeux pour enfants traditionnels de la Corée du Sud</a>. Dans la série cependant, à chaque épreuve, les perdants meurent.</p>
<h2>Un succès fulgurant</h2>
<p>Lors de sa sortie en 2021, <em>Squid Game</em> a connu un succès fulgurant. Vue par plus de 130 millions de spectateurs et générant un « media impact value » estimé à 891,1 millions d’euros, d’après <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2021-10-17/squid-game-season-2-series-worth-900-million-to-netflix-so-far">Bloomberg</a>, c’est le plus grand succès de la plate-forme Netflix pour une série non-anglophone. En dehors du visionnage, la série a également provoqué un raz-de-marée de réactions sur les réseaux sociaux. <a href="https://www.nbcnews.com/pop-culture/pop-culture-news/netflix-s-squid-game-sensation-here-s-why-it-s-n1280646">NBC News</a> rapporte notamment que le hashtag de la série #SquidGame a été vu plus de 22 milliards de fois sur TikTok, seulement 17 jours après la sortie de la série.</p>
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<p>Bien que surprenant, ce succès se nourrit de plusieurs éléments. On peut penser <a href="https://theconversation.com/comment-sexplique-limprobable-succes-de-squid-game-170124">au concept et à l’esthétique propres à la série, basés sur des références puissantes</a>, et à un intérêt croissant pour la <a href="https://www.nbcnews.com/pop-culture/pop-culture-news/netflix-s-squid-game-sensation-here-s-why-it-s-n1280646">pop culture sud-coréenne</a>. L’univers <em>Squid Game</em> favorise une certaine résonance émotionnelle liée à la nostalgie éveillée par <a href="https://www.cbr.com/netflix-squid-game-billion-dollar/">l’univers de l’enfance et des jeux</a> et à la <a href="https://theconversation.com/social-inequality-and-hyper-violence-why-the-bleak-world-of-netflixs-squid-game-is-a-streaming-phenomenon-168934">fascination pour les jeux télévisés où le vainqueur fait fortune</a>.</p>
<p>La place du <a href="https://theconversation.com/la-serie-squid-game-est-elle-hors-jeu-171080">« jeu »</a> dans la série, sans cesse mis en étroite relation avec le sérieux du désespoir, de la violence et de la lutte, fait émerger une ambiguïté morale et un cynisme retenant l’attention des spectateurs. Cette ambiguïté permet d’appréhender le message central de la série, auquel de nombreux spectateurs semblent s’identifier : cette série représente de manière brutale et angoissante les <a href="https://theconversation.com/comment-sexplique-limprobable-succes-de-squid-game-170124">dérives et les injustices de la société moderne</a>, qui repose sur des <a href="https://www.cbr.com/netflix-squid-game-billion-dollar/">inégalités structurelles et sur la compétition pour la survie</a>.</p>
<h2>Transposer <em>Squid Game</em> en jeu de téléréalité</h2>
<p>Le jeu de téléréalité « Squid Game : The Challenge » actuellement en préparation, et dont le casting est ouvert à <a href="https://www.cnbc.com/2022/06/15/netflix-plans-squid-game-reality-show-with-record-cash-prize.html">toute personne parlant anglais à travers le monde</a>, reprendra des éléments clés de la série. Notamment, l’esthétique du jeu sera reproduite, il y aura le même nombre de participants (456), le même prix à gagner (en dollars cette fois-ci) et la même manière de fonctionner. Il n’y aura qu’un seul gagnant, les épreuves seront inconnues des participants en avance et les perdants seront éliminés à chaque épreuve. Notons une différence de taille : les perdants resteront en vie…</p>
<p>D’après <a href="https://www.nbcnews.com/pop-culture/pop-culture-news/netflix-announced-squid-game-competition-series-fans-say-goes-original-rcna33800">NBC News</a>, de nombreux fans de la série ont réagi négativement sur les réseaux sociaux suite à l’annonce du lancement de « Squid Game : The Challenge », estimant que ce jeu irait à l’encontre du message original de la série.</p>
<h2>Une transposition problématique</h2>
<p><em>Squid Game</em>, la série, porte une critique sociale acerbe. C’est une représentation cynique et brutale du capitalisme moderne dans lequel, selon Hwang Dong-hyuk, <a href="https://www.theguardian.com/tv-and-radio/2021/oct/26/squid-games-creator-rich-netflix-bonus-hwang-dong-hyuk">chacun doit se battre individuellement pour survivre, dans un contexte très inégalitaire</a>. Le créateur de la série s’est d’ailleurs inspiré de ses propres difficultés financières d’après crise, et de luttes sociales ayant marqué la mémoire collective des sud-coréens, telles que <a href="https://www.theguardian.com/tv-and-radio/2021/oct/26/squid-games-creator-rich-netflix-bonus-hwang-dong-hyuk">l’occupation de l’usine de voiture Ssangyoung pendant 77 jours, secouée par un assaut violent de la part des forces de l’ordre et des agents de sécurité</a>.</p>
<p>Pour Elaine Chang, professeure de littérature spécialisée dans le cinéma et les médias vidéo, on pourrait voir dans la série une critique d’un <a href="https://www.theguardian.com/tv-and-radio/2021/oct/26/squid-games-creator-rich-netflix-bonus-hwang-dong-hyuk">capitalisme inhumain qui ne proposerait aucune alternative à son système politico-économique</a>. De même, Sung-ae Lee, professeure en Langues et Cultures Asiatiques, considère la série comme une <a href="https://theconversation.com/social-inequality-and-hyper-violence-why-the-bleak-world-of-netflixs-squid-game-is-a-streaming-phenomenon-168934">métaphore du capitalisme et des inégalités socio-économiques existantes</a>, faisant écho au contexte politique et historique traumatisant de la Corée du Sud au cours du XX<sup>e</sup> siècle. Ces inégalités socio-économiques sont reflétées par l’état de stress économique auxquels sont confrontés les personnages, qui les pousse à accepter de risquer leur vie dans l’espoir de retrouver un ancrage dans la société.</p>
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<a href="https://theconversation.com/la-serie-squid-game-est-elle-hors-jeu-171080">La série « Squid Game » est-elle hors-jeu ?</a>
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<p>La fiction dystopique s’ancre dans des réalités vécues tout en développant une société imaginaire où les dangers et injustices sont poussés à l’extrême. Elle vise donc à faire réfléchir les spectateurs aux dérives potentielles des modèles socio-économiques actuels. Loin de se positionner comme modèle de société, la fiction dystopique cherche à révulser pour alerter. Il y a donc un côté très cynique à « transformer ce monde fictif en réalité » pour reprendre l’expression de <a href="https://about.netflix.com/en/news/netflix-greenlights-squid-game-the-challenge-reality-competition-series">Brandon Riegg</a>, le vice-président de Netflix.</p>
<p>Le risque, c’est d’annihiler ou de rendre stérile la critique sociale d’une œuvre culturelle forte. Le jeu de téléréalité proposé à une échelle internationale risque de détacher <em>Squid Game</em> du contexte socio-économique et culturel dans lequel l’œuvre a été réalisée. Cette décontextualisation met le message politique à distance et le détache des réalités sociales (notamment du surendettement) vécues. Le détournement de cette critique sociale en simple jeu fait disparaître les questions d’éthique et de justice sociale soulevées par la série.</p>
<h2>L’invitation au désengagement moral des spectateurs</h2>
<p>D’après <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/1367877920968105">Hermes and Hill</a>, la transgression des valeurs morales est une force énergisante très utilisée dans la pop culture. La transgression suit un cycle où les règles sont enfreintes puis ré-établies. Ce cycle permet de maintenir notre intérêt en tant que spectateur, mais aussi de renforcer nos liens citoyens dans la célébration, l’outrage ou la condamnation.</p>
<p>Cette force énergisante, on la ressent dans la manière dont Netflix sensationnalise le lancement de ce nouveau jeu de téléréalité qualifié d’ <a href="https://a1.etribez.com/ag/realcasting/sgrow/welcome.html">« expérience sociale »</a>, en utilisant des formules telles que <a href="https://a1.etribez.com/ag/realcasting/sgrow/welcome.html">« jusqu’où êtes-vous prêt à aller ? »</a> dans leur campagne de recrutement. Cela suggère une valorisation des candidats qui seront prêts à dépasser leurs limites physiques et à enfreindre leurs limites morales – le formulaire de recrutement faisant écho aux stratégies de trahison pour aller vers la victoire – afin de gagner la compétition. Ainsi, les participants du jeu sont poussés vers un désengagement moral, où la transgression est valorisée, afin de ressembler au maximum aux personnages en compétition dans la série.</p>
<h2>Marchandisation de la souffrance</h2>
<p>Au-delà de la lutte individuelle et macabre pour la survie dans un contexte d’inégalités et d’injustices, la fiction <em>Squid Game</em> dénonce également une sorte de marchandisation de la souffrance. Dans la série, des spectateurs mystérieux parient sur la vie ou la mort des participants, tout en se délectant de ce spectacle dans une atmosphère lugubre mais luxueuse. Observer des humains désespérés se battre pour leur survie devient donc un spectacle ; la souffrance de l’autre est réduite à un bien que l’on consomme par plaisir.</p>
<p>En transposant la fiction dystopique en jeu de téléréalité, nous propose-t-on de devenir ces spectateurs à la moralité douteuse, se délectant du désespoir et de la souffrance d’êtres humains – même si elle est mise en scène – prêts à tout pour obtenir une meilleure situation financière ?</p>
<p>D’autres émissions de téléréalité nous ont déjà habitués à consommer le <a href="https://www.society-magazine.fr/les-demons-de-la-tele-realite/">désespoir plus ou moins mis en scène des candidats</a>, comme s’il s’agissait d’un simple divertissement. Le danger, c’est que ces questions éthiques autour de la construction et de la consommation d’un jeu fondé sur une fiction dystopique ne soient même pas posées. Que nourrit-on en participant, ou en visionnant un tel programme ? L’évitement et la mise sous silence de ces questions éthiques favorise le désengagement moral des spectateurs et participe à rendre stérile la critique sociale portée par la série.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186407/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Carine Farias ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Lors de sa sortie en 2021, Squid Game a connu un succès fulgurant. Mais le jeu de téléréalité qui en sera bientôt dérivé pose de nombreuses questions d’ordre éthique.Carine Farias, Associate Professor in Entrepreneurship and Business Ethics, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.