tag:theconversation.com,2011:/africa/topics/xinjiang-56152/articlesXinjiang – The Conversation2022-01-12T20:35:55Ztag:theconversation.com,2011:article/1744882022-01-12T20:35:55Z2022-01-12T20:35:55ZLa Chine, ou le paradigme du national capitalisme autoritaire<p>Au-delà de l’émergence d’une économie prétendant au premier rang mondial, la Chine de Xi Jinping impose le modèle d’un nouveau système international d’organisation politico-économique qui nourrit les reculs de la démocratie. Du fait de ses traits constitutifs, nous avons, dans un <a href="https://www.en-attendant-nadeau.fr/2021/06/30/capitalismes-illiberaux-henin-insel/">ouvrage coécrit avec Ahmet Insel</a>, qualifié de <a href="https://esprit.presse.fr/actualite-des-livres/hamit-bozarslan/le-national-capitalisme-autoritaire-une-menace-pour-la-democratie-de-pierre-yves-henin-et-ahmet-insel-43637">national capitalisme autoritaire</a> – ou NaCA –, ce système qui associe <a href="https://ideas.repec.org/p/mse/cesdoc/21001.html">autoritarisme politique, idéologie nationaliste et économie capitaliste</a>.</p>
<p>Certes, les NaCA comportent des <a href="https://www.iris-france.org/156883-le-national-capitalisme-autoritaire-une-menace-pour-la-democratie-3-questions-a-p-y-henin-a-insel/">modalités multiples</a>, des « démocraties illibérales » d’Europe centrale à la « dictature orwellienne » chinoise, de la <a href="https://www.open-diplomacy.eu/blog/henin-autoritarisme-economie-chine-russie-turquie">nostalgie de l’empire chrétien des tsars</a> cultivée par le président russe Vladimir Poutine à l’hybridation de l’Islam et du nationalisme dans la Turquie d’Erdogan. Cependant, la variété des expériences historiques ne saurait occulter la rationalité commune à ces régimes qui prennent une part croissante dans l’économie et la politique mondiales. Aux États-Unis mêmes, le <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2021-2-page-157.html">populisme de Donald Trump</a> illustrait l’attractivité du NaCA pour de larges secteurs de l’opinion dans un pays de vieille démocratie.</p>
<h2>Répression et légitimation</h2>
<p>Au soir de l’échec du putsch contre Mikhaïl Gorbatchev, à Moscou le 22 août 1991, le Comité central du Parti communiste chinois (PCC) se félicitait d’avoir pris les devants en réprimant sévèrement les manifestants de la place Tiananmen deux ans plus tôt. Le dirigeant d’alors, Deng Xiaoping, y ajoutait la satisfaction d’avoir évité le naufrage économique de l’URSS. Il attestait ainsi de sa perception des limites de la répression pour la pérennité d’un régime autoritaire ou totalitaire, dont la survie dépend d’abord d’un processus de légitimation assurant une adhésion, plus ou moins large, de la population.</p>
<p>Bien que le régime chinois déploie des dispositifs répressifs de plus en plus sophistiqués, la pérennité du système de parti-État repose essentiellement sur les trois piliers de légitimation que nous retrouvons mobilisés, dans des conditions et à des degrés divers, par tous les régimes de NaCA, comme nous l’avons <a href="https://ideas.repec.org/p/mse/cesdoc/21001.html">montré par ailleurs</a> : légitimation par les performances, légitimation procédurale et légitimation idéologique.</p>
<p>Le parti-État tire d’abord sa légitimité des performances économiques exceptionnelles qui ont propulsé la Chine au second rang des puissances mondiales, avec la perspective d’accéder prochainement au premier.</p>
<p>Ce résultat a permis d’atteindre, jusqu’à maintenant du moins, quatre objectifs : procurer une progression du niveau de vie assurant l’adhésion dans la durée de la population, procurer à une élite capitaliste la capacité de construire des empires industriels et financiers, maintenir un taux exceptionnel d’investissement, en particulier en infrastructure, et laisser à l’État les moyens d’une couteuse politique de sécurité.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/439713/original/file-20220106-25-1hvnycg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/439713/original/file-20220106-25-1hvnycg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/439713/original/file-20220106-25-1hvnycg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/439713/original/file-20220106-25-1hvnycg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/439713/original/file-20220106-25-1hvnycg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/439713/original/file-20220106-25-1hvnycg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/439713/original/file-20220106-25-1hvnycg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/439713/original/file-20220106-25-1hvnycg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Second piler du processus de construction de légitimité, la légitimation procédurale fait l’objet d’<a href="https://www.iris-france.org/113009-demain-la-chine-democratie-ou-dictature-3-questions-a-jean-pierre-cabestan/">affirmations de principe</a>. Ainsi, selon la constitution, « tout le pouvoir appartient au Peuple », mais les élections formelles, jusqu’au niveau de l’assemblée populaire nationale, s’effectuent au scrutin indirect – à l’exception du niveau local où le Parti veille à un contrôle étroit des candidatures. Au niveau des principes mêmes, la primauté du Parti est d’ailleurs posée comme primant sur toute autre considération. L’ordre juridique, selon un principe de « gouvernement par la loi » bien différent du principe occidental d’« état de droit », est aussi mobilisé comme facteur de légitimation procédurale.</p>
<p>Le troisième pilier de légitimation des autocraties est d’ordre idéologique. Alors que les dictatures de la Guerre froide mobilisaient des idéologies transversales, à prétention universelle, les autoritarismes contemporains prennent appui sur un socle de valeurs nationales, dont le périmètre peut être adapté par le pouvoir selon les impératifs politiques du moment.</p>
<p>Confronté à l’effondrement de la référence marxiste-léniniste dans les années 1980, le régime chinois a réactivé un nationalisme condamné dans la période maoïste comme déviation du patriotisme. Ce nationalisme « officiel » a accompagné le sursaut d’un nationalisme populaire, souvent xénophobe, en s’efforçant de le <a href="https://policyoptions.irpp.org/magazines/august-2016/les-trois-cercles-du-nationalisme-chinois-sous-xi-jinping/">maîtriser pour éviter des dérives politiquement gênantes</a>. Il nourrit le rejet des « valeurs occidentales », favorables aux droits de l’homme et à la démocratie, au profit des modalités « d’une démocratie aux caractéristiques chinoises ». Comme paradigme du NaCA, la Chine tire d’ailleurs une partie de son influence de sa défense d’un environnement international favorable aux autocraties nationales.</p>
<h2>Un national-capitalisme</h2>
<p>En 2017, le 19e Congrès du PCC inscrivait la pensée de Xi Jinping dans la perspective du « socialisme à caractéristiques chinoises » adoptée en 1992. Le Parti se dit toujours communiste, un beau paradoxe dans un pays qui ne compterait <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/le-tour-du-monde-des-idees/la-chine-est-elle-encore-vraiment-communiste">pas moins de 62 milliardaires</a> en dollars. Quelques observateurs contestent encore le caractère capitaliste du système, en arguant du maintien d’une doctrine marxiste d’une part ainsi que du poids de l’État dans l’économie, qui conduit souvent à le qualifier de capitalisme d’État.</p>
<p>Pour notre part, nous pensons que le concept de capitalisme d’État ne rend pas bien compte des spécificités du capitalisme chinois, ni d’ailleurs de nombre des capitalismes autoritaires contemporains. Plus qu’une opposition entre propriété privée et publique, on assiste <a href="https://www.iris-france.org/156883-le-national-capitalisme-autoritaire-une-menace-pour-la-democratie-3-questions-a-p-y-henin-a-insel/">à un effacement des frontières entre sphère privée et publique</a>, et le contrôle, strict il est vrai, du secteur privé s’exerce plus par l’omniprésence de l’appareil du Parti que par le jeu de hiérarchies administratives. Ces frontières opaques ont longtemps favorisé la corruption que Xi Jinping a entrepris de combattre, dans une lutte largement instrumentalisée pour conforter son pouvoir sur le plan politique.</p>
<p>Comme nombre de NaCA, la Chine mène une politique néomercantiliste, mobilisant les marges d’action que lui procurent ses institutions pour développer ces « obstacles non tarifaires » à l’échange équilibré. Elle a pu ainsi construire un <a href="https://www.paperblog.fr/9406891/the-competitive-advantage-of-nations-de-michael-porter/">« avantage concurrentiel »</a>, au sens de Michael Porter, lui assurant le maintien d’excédents extérieurs importants et l’accumulation d’actifs étrangers. Dénoncée par divers organismes internationaux, l’étroite collusion de l’action des acteurs gouvernementaux et privés contribue à <a href="https://itif.org/publications/2019/11/18/china-ranks-worst-global-mercantilist-index-subverting-free-trade-and">l’importation rapide de nouvelles technologies</a>, rapidement déployées à l’exportation et sur le marché intérieur.</p>
<h2>Tensions, résilience ou fuite en avant ?</h2>
<p>Malgré l’annonce périodique de sa chute prochaine, le national capitalisme autoritaire chinois a réussi à hisser le pays au second rang parmi les puissances économiques et à maintenir la stabilité politique, garante du pouvoir du PCC.</p>
<p>Ce succès global ne va pourtant pas sans difficultés, sources de tensions qui interrogent sur la résilience du système. Au nombre des difficultés, on note le ralentissement de la croissance, malgré une fuite dans l’endettement qui menace la stabilité financière interne tandis que l’ambitieux programme des « nouvelles routes de la Soie » place la chine au sommet d’une pyramide de dettes internationales. La croissance ralentie rend plus visible et moins supportable l’extrême inégalité des revenus et des richesses, dont la perception peut fragiliser le régime.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/439704/original/file-20220106-13-ar2zpy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/439704/original/file-20220106-13-ar2zpy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/439704/original/file-20220106-13-ar2zpy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=279&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/439704/original/file-20220106-13-ar2zpy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=279&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/439704/original/file-20220106-13-ar2zpy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=279&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/439704/original/file-20220106-13-ar2zpy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=351&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/439704/original/file-20220106-13-ar2zpy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=351&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/439704/original/file-20220106-13-ar2zpy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=351&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le plan « Chine 2025 » marque-t-il un retour en arrière vers davantage de dirigisme ?</span>
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<p>La politique menée par Xi Jinping a permis de consolider le régime en luttant contre la corruption et en veillant à la cohérence du Parti et à son contrôle sur l’Armée populaire. Son programme « Chine 2025 » et le 14<sup>e</sup> Plan quinquennal visent à équilibrer la <a href="http://www.prcleader.org/herrero">« double circulation »</a>, intérieure et extérieure, en développant le marché domestique et en rendant les chaînes de valeurs chinoises dans les domaines de hautes technologies moins dépendantes de l’étranger, un programme présenté comme <a href="http://french.xinhuanet.com/2021-03/09/c_139795249.htm">« gagnant-gagnant » par les médias chinois</a>.</p>
<p>L’action de Xi peut apparaître comme « une fuite en arrière » dans la restauration d’un régime stalinien, durcissant la répression en particulier aux marges de l’empire – Xinjiang et Hongkong – et en resserrant le contrôle sur les capitalistes, avec le double objectif de réduire les inégalités et de les <a href="https://www.scmp.com/economy/china-economy/article/3148106/chinas-economic-buzzwords-explained-common-prosperity-dual">priver de toute position de pouvoir</a> pouvant déborder sur le terrain politique.</p>
<p>Comme nous l’avons montré plus haut, le recours accru à la répression signale un épuisement relatif des trois piliers de légitimation des pouvoirs autoritaires, mobilisés par les NaCA.</p>
<p>Deux questions interrogent le succès de cette réorientation politique : dans quelle mesure le renouveau dirigiste de l’économie sera-t-il compatible avec les exigences d’une société de l’innovation ? L’affirmation nationaliste et militaire, dont les États-Unis ne semblent pas disposés à s’accommoder, ne va-t-elle pas contribuer à un renforcement des tensions sur les ressources et de la polarisation de l’opinion publique ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174488/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre-Yves Hénin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’empire du Milieu construit aujourd’hui son influence en défendant un environnement international favorable aux régimes plus répressifs que les démocraties occidentales.Pierre-Yves Hénin, Professeur émérite en économie, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1592522021-04-29T19:37:41Z2021-04-29T19:37:41ZL’Ouzbékistan, un angle mort des diplomaties occidentales<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/397609/original/file-20210428-19-1r0rip1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C4%2C3193%2C2148&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le Registan, à Samarkand.</span> <span class="attribution"><span class="source">Ekrem Canli/Wikipedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Avec plus de 30 millions d’habitants (le plus peuplé de la région) et une situation privilégiée au cœur même de l’Asie centrale, l’<a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/conseils-aux-voyageurs/conseils-par-pays-destination/ouzbekistan/">Ouzbékistan</a> est un État neuf né de la dislocation de l’URSS (1991). Ce pays n’en est pas moins le <a href="https://www.cairn.info/l-asie-centrale-contemporaine--9782130580799-page-101.htm">creuset de très anciennes civilisations</a> et avantageusement situé au cœur de l’Asie centrale, malgré l’absence de façade maritime et la dépendance à l’égard de l’Iran pour ce qui concerne l’accès à la mer.</p>
<p>En septembre 2016, la mort du <a href="https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2016/09/02/le-president-de-l-ouzbekistan-islam-karimov-est-mort_4991841_3382.html">président Islam Karimov</a>, chef de l’État depuis l’indépendance du pays, a ouvert une période de transition politique. L’ancien premier ministre <a href="https://www.lejdd.fr/International/Asie/chavkat-mirzioiev-un-gorbatchev-qui-transforme-louzbekistan-3938964">Chavkat Mirziyoïev</a> lui a succédé le 4 décembre 2016.</p>
<p>Entre ouverture et continuité, le nouveau dirigeant s’est lancé dans une série de changements. Longtemps replié sur lui-même, l’Ouzbékistan a depuis deux ans mis en œuvre plus de <a href="https://www.afd.fr/fr/carte-des-projets/vers-une-reforme-de-la-gouvernance-economique-et-financiere-en-ouzbekistan">réformes</a> qu’au cours de ses vingt-cinq premières années d’indépendance, signal d’une certaine ouverture.</p>
<h2>Opportunités économiques et défi sécuritaire</h2>
<p>L’Ouzbékistan mène une politique dite <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/ouzbekistan/presentation-de-l-ouzbekistan/">« multivectorielle »</a>, qui consiste à diversifier ses partenariats. Le président Mirziyoïev a fait de la coopération régionale en Asie centrale une priorité. Membre fondateur de la <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/communaute-des-etats-independants/">Communauté des États indépendants</a>, l’Ouzbékistan s’est en revanche retiré de l’Organisation du traité de sécurité collective créée à l’instigation de la Russie et ce, à deux reprises, en 1999 (retour en 2006) et en 2012, mais détient un siège d’observateur au sein de l’Union économique eurasiatique, autre structure dominée par Moscou. L’Ouzbékistan est par ailleurs membre de <a href="https://www.un.org/fr/chronicle/article/le-role-de-lorganisation-de-shanghai-pour-la-cooperation-pour-faire-face-aux-menaces-la-paix-et-la">l’Organisation de coopération de Shanghai</a> (OCS), dont Tachkent accueille depuis 2002 le centre de coordination de la lutte anti-terroriste, marquant la place singulière cette capitale dans les affaires diplomatiques eurasiatiques.</p>
<p>L’économie ouzbèque repose largement sur l’exploitation des matières premières. Les <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Pays/UZ/le-commerce-exterieur-de-l-ouzbekistan-en-2018">produits énergétiques</a> (principalement gaz), le coton (1,3 M d’hectares cultivés), les métaux (or, uranium cuivre) et les engrais représentent les trois quarts des exportations. Si le <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2020/09/LARUELLE/62147">parti présidentiel</a> continue de dominer les institutions et la vie politique, la volonté de diversification des partenariats économiques et diplomatiques exprime une certaine ouverture. Des réformes sont en cours pour libéraliser l’économie, stimuler les initiatives privées et attirer les investissements étrangers, avec l’appui de bailleurs internationaux. De la question de l’eau à celles des réseaux et des infrastructures en passant par la diversification de l’économie (hors rente énergétique et minerais), les besoins de l’Ouzbékistan sont importants.</p>
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<p>Pour l’acheminement des ressources ouzbèques, le consortium <em>China Road</em> a reconstruit la route <a href="https://theconversation.com/tadjikistan-et-kirghizistan-deux-foyers-dincertitude-aux-portes-de-la-chine-148362">reliant Douchanbé à la frontière tadjiko-ouzbèque, longue de 410 kilomètres</a>, grâce à un prêt chinois d’environ 300 millions de dollars (274,2 millions d’euros). Cette société a également entrepris la restauration de la route Douchanbé-Kulob, du réseau routier de Douchanbé et de la route allant de la capitale du Tadjikistan jusqu’à la frontière de l’Ouzbékistan. <em>China Road</em> a par ailleurs construit des tunnels routiers, ainsi que des tunnels et ponts ferroviaires, qui donnent désormais accès aux régions de l’ouest de l’Asie centrale mais aussi à l’Afghanistan.</p>
<h2>Un acteur régional notable</h2>
<p>Le dossier afghan est l’une des grandes priorités de la politique étrangère ouzbèque. Les troupes soviétiques d’origine ouzbèque comptaient parmi les éléments des forces d’élite les plus engagées et acculturées à l’environnement afghan, et l’on retrouve au sein de l’Afghanistan des populations ouzbèques qui ont souvent rejoint les rangs des moudjahidines lors de l’invasion soviétique. Parmi eux, <a href="https://novastan.org/fr/ouzbekistan/qui-est-abdul-rachid-dostom-leader-des-ouzbeks-dafghanistan/">Abdul Rachid Dostom</a>, d’origine ouzbèque et turkmène, formé en URSS, est un chef de guerre influent dans le nord du pays (région de Mazar-ê-Charif).</p>
<p>Concernant l’avenir de son voisin afghan, l’Ouzbékistan est une force de proposition et a convaincu nombre de ses partenaires de favoriser le dialogue entre les différentes factions, y compris avec les talibans, et <a href="https://www.lopinion.fr/edition/international/l-ouzbekistan-veut-accompagner-l-afghanistan-chemin-paix-224791">ce depuis 2001</a>. Ainsi, à l’issue de la conférence de Doha de septembre 2020 qui réunissait les représentants des talibans et le gouvernement afghan, le chef de l’État ouzbek a proposé <a href="https://theconversation.com/la-question-ou-goure-au-coeur-des-enjeux-entre-pekin-et-kaboul-150051">l’établissement d’un comité permanent des Nations unies sur l’Afghanistan</a>. Le rapprochement avec Kaboul et la participation avec Téhéran à des projets de désenclavement par la route de l’Afghanistan (route Termez-Mazar-Bandar-Abbas) va dans le sens d’une interconnexion tous azimuts qu’encouragent parallèlement la diplomatie chinoise mais également indienne afin de consolider leur influence dans la région. L’intérêt pour Pékin est clair : assurer la stabilité régionale afin de sécuriser ses approvisionnements en gaz, exploité plus à l’ouest encore, c’est-à-dire au <a href="https://theconversation.com/le-caucase-chainon-majeur-du-projet-chinois-des-routes-de-la-soie-151783">Turkménistan, voire en Azerbaïdjan où les ressources off-shore de la Caspienne</a> abondent. C’est par <a href="https://jeunes-ihedn.org/wp-content/uploads/2018/06/SENGAGERPARLAPLUME_2_web.pdf">l’Ouzbékistan que transitent les hydrocarbures turkmènes</a> vers la Chine.</p>
<p>Les efforts de la capitale ouzbèque semblent en cela renouer avec une tradition initiée par la diplomatie soviétique lorsque Tachkent était le lieu des rencontres internationales avec des pays tiers. Ainsi, nombre de délégations des partis Baas syrien et irakien ont pu s’y rendre dans le passé, ainsi que des délégations indiennes et pakistanaises, pour tenter respectivement de nouer des relations privilégiées avec le monde communiste ou pour trouver une solution négociée à leurs différends survenus au Cachemire.</p>
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<p>Plus que tout, l’Ouzbékistan a à cœur la stabilité et la lutte contre le terrorisme. Apparu en 1997, le groupe ouïgour <a href="https://www.un.org/securitycouncil/sanctions/1267/aq_sanctions_list/summaries/entity/eastern-turkistan-islamic-movement">Parti islamique du Turkestan (East Turkestan Islamic Movement, ETIM)</a> est présent en Afghanistan, en Syrie et en Russie, de même que le <a href="https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2006-3-page-309.htm">Mouvement islamique d’Ouzbékistan (MIO)</a>, avec lequel il possède des passerelles. En outre, un certain nombre de <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2020/07/07/chine-et-terres-dislam-enjeux-pour-de-nouvelles-grammaires-internationales/">combattants originaires du Xinjiang</a> sont allés combattre en Syrie dans les rangs djihadistes et inquiètent les autorités à la fois de Tachkent et de Pékin. En ce sens, l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) cherche à renforcer la collaboration entre les pays membres en matière de contre-terrorisme. Pékin développe ses liens militaro-sécuritaires avec les pays membres de l’Organisation, témoignant du renforcement de l’influence de la Chine en Asie centrale depuis plus de vingt ans, en particulier en Ouzbékistan. De l’implantation des Instituts Confucius à la <a href="https://novastan.org/fr/ouzbekistan/du-gaz-a-aliexpress-la-chine-et-louzbekistan-inseparables-partenaires/">coopération dans les technologies</a> (Huawei, Tencent, TikTok, etc.), Pékin joue pleinement de la dissymétrie des relations pour imposer son ascendant.</p>
<h2>Guerre perpétuelle ou consolidation de la paix ?</h2>
<p>Des exercices militaires et antiterroristes conjoints ont déjà eu lieu, comme l’opération <em>Hezuo-2019</em>, à l’issue de laquelle la Chine avait reconnu l’Ouzbékistan comme un <a href="https://jamestown.org/program/the-security-component-of-the-bri-in-central-asia-part-three-chinas-paramilitary-efforts-to-promote-security-in-kazakhstan-uzbekistan-and-turkmenistan/">« partenaire stratégique important »</a>. Cette coopération s’est également traduite par d’importantes ventes d’armes comme des drones <em>Wing Loong</em> et des missiles Hongqi-9 (équivalent au S-300 russe). Le retrait des Américains d’Afghanistan, <a href="https://www.defenseone.com/threats/2021/04/petraeus-trashes-biden-decision-quit-afghanistan/173359/">annoncé par Joe Biden</a> pour les mois à venir, peut non seulement concourir au renforcement de cette relation mais aussi accroître le risque de menaces terroristes sur les territoires riverains, et tout particulièrement dans la vallée du Ferghana (est de l’Ouzbékistan) comme le <a href="https://jamestown.org/program/central-asias-specter-of-insecurity-the-view-from-badakhshan-to-fergana/">craignent un certain nombre d’analystes</a>.</p>
<p>Les Occidentaux y ont-ils intérêt ? Si les tensions ont pu se manifester avec la Russie ou avec la Chine sur les marges de chacun de ces pays (Ukraine pour l’une, Taïwan pour l’autre), le risque est d’abandonner l’Asie centrale au duopole Moscou-Pékin. La France semble l’avoir compris plus que d’autres et y a vu un <a href="https://novastan.org/fr/ouzbekistan/entre-france-et-ouzbekistan-un-potentiel-de-cooperation-enorme/">potentiel de coopération</a>. François Mitterrand a été l’un des premiers chefs d’État occidentaux à s’y être rendu (1994) et Emmanuel Macron envisagerait de s’y rendre à son tour. Une très ambitieuse exposition (« Splendeurs d’Asie centrale. Sur les routes caravanières d’Ouzbékistan ») programmée au Louvre pour l’année 2022 viendrait symboliquement en appui de projets importants dont une implantation <a href="https://novastan.org/fr/ouzbekistan/renault-bientot-present-dans-les-rues-de-tachkent/">du groupe Renault</a>.</p>
<p>Favorable à la construction d’un <a href="http://isrs.uz/en/maqolalar/mazari-sarif-pesavar-koridor-v-novoe-budusee-centralnoj-i-uznoj-azii">corridor de Mazar-ê-Charif à Peshawar</a>, l’Ouzbékistan souhaite se proposer comme acteur diplomatique régional de l’Asie centrale et du sud. Entre le réengagement diplomatique et stratégique de l’Inde, les discussions avec le Pakistan, les liens avec l’ancienne tutelle soviétique – aujourd’hui la Russie –, la question chinoise et les dossiers de l’Iran et de l’Afghanistan, l’Ouzbékistan est au cœur d’un grand jeu où les démocraties occidentales auront à discerner les enjeux entre géopolitique et les demandes de participation accrue des populations dans un contexte post-pandémique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159252/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron est délégué général du FDBDA.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Lincot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pays clé d’Asie centrale, l’Ouzbékistan fait l’objet d’une attention soutenue de la Chine, de la Russie ou de l’Inde. Les Occidentaux semblent aujourd’hui éloignés de cet État-pivot.Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur - Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Emmanuel Lincot, Spécialiste de l'histoire politique et culturelle de la Chine contemporaine, Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1529672021-01-21T18:14:01Z2021-01-21T18:14:01ZChine-Kazakhstan : vers un glacis eurasien ?<p>Indépendant depuis 1991, à la suite de l’effondrement de l’URSS, le Kazakhstan, <a href="http://ateliershenrydougier.com/kazakhstan.html">véritable État-continent</a> (2 724 900 km<sup>2</sup>, ce qui en fait le neuvième plus grand pays du monde) qui dispose de 2 % des réserves mondiales de pétrole, ainsi que de la deuxième réserve mondiale d’uranium, partage plus de 1 500 kilomètres de frontière avec la Chine. Il assume aujourd’hui sa place de <a href="https://www.fdbda.org/2020/11/asie-centrale-chine-emission-cultures-monde-france-culture/">pont entre l’Occident et l’Orient</a>. Sa partie orientale et la province chinoise du Xinjiang constituent un axe-pivot des intérêts stratégiques chinois et pour la réalisation du projet des Nouvelles Routes de la Soie, dans le <a href="https://theconversation.com/asie-du-sud-est-et-asie-centrale-deux-laboratoires-strategiques-de-lexpansion-chinoise-137295">prolongement de la « politique de développement de l’Ouest » (xibu da kaifa)</a>.</p>
<p>C’est aussi un État tampon entre la Fédération de Russie et la plus grande partie de l’Asie centrale. Au reste, un tiers de ses 18 744 548 habitants sont d’ethnie russe, majoritaire au nord. Ce fait n’est pas sans rapport avec l’implantation, au milieu des années 1990, de sa nouvelle capitale Astana (récemment <a href="https://www.france24.com/fr/20190320-kazakhstan-rebaptise-capitale-noursoultan-prenom-ex-president-nazarbaiev">rebaptisée Noursoultan</a>) en lieu et place d’Alma-Ata (Almaty), plus méridionale. Cette très forte relation avec russo-kazakhe, signifiée par l’adhésion du Kazakhstan à <a href="https://www.cairn.info/revue-revue-d-etudes-comparatives-est-ouest1-2017-3-page-277.htm">l’Union économique eurasiatique</a> ou encore à <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/organisation-du-traite-de-securite-collective-otsc">l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC)</a>, ne doit pas dissimuler la volonté du pays de développer une diplomatie multivectorielle, afin de réduire sa dépendance envers Moscou.</p>
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<p>Ainsi, outre son rapprochement avec l’Union européenne, et plus particulièrement la France, avec laquelle il a signé un <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000022740551">partenariat stratégique en 2010</a>, le Kazakhstan est membre fondateur de <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/organisation-de-cooperation-de-shanghai-ocs">l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS)</a> et entretient des relations soutenues avec la Chine, vers laquelle des quantités croissantes de pétrole et de gaz sont exportées à travers la porte de la <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/dzoungarie/">Dzoungarie</a> (lieu de passage des invasions mongoles en sens inverse au Moyen Âge).</p>
<p>Pour autant, les rapports Noursoultan-Pékin pourraient être amenés à se dégrader sensiblement. <a href="https://data.landportal.info/fr/news/2016/07/kazakhstan-cession-de-terres-agricoles-%C3%A0-la-chine">L’accaparement des terres kazakhes par la Chine</a>, suivi de revendications irrédentistes d’une part, la <a href="https://novastan.org/fr/kazakhstan/les-racines-de-la-sinophobie-au-kazakhstan/">sinophobie</a> toujours latente que réactive la pandémie de la Covid-19 de l’autre, <a href="https://novastan.org/fr/kazakhstan/au-kazakhstan-lenfer-des-rescapes-du-xinjiang/">l’arrestation arbitraire de ressortissants originaires du Kazakhstan</a> ou issus de la minorité kazakhe du Xinjiang, enfin, ont largement montré les limites de cette relation.</p>
<h2>Une coopération économique soutenue : hydrocarbures et infrastructures</h2>
<p>Les autorités chinoises ont développé, depuis la sortie de l’isolement diplomatique dans lequel le pays s’était retrouvé au lendemain des événements de Tian’anmen (1989), une modernisation en profondeur de la politique de sécurité énergétique. Cette dernière correspond à une typologie d’infrastructures d’approvisionnement (en projet ou en service) reliant la Chine à des partenaires étatiques privilégiés, <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/cultures-monde/espaces-post-sovietiques-le-nouveau-grand-jeu-34-de-bichkek-a-noursoultan-loffensive-chinoise">dont le Kazakhstan</a> fait figure d’exemple abouti.</p>
<p>D’après les estimations des experts, la Chine a absorbé depuis 2005 près d’un tiers de la croissance de l’offre mondiale en pétrole. En mai 2003, la Chine, se calquant sur les stratégies occidentales, a commencé à se constituer des réserves stratégiques de pétrole. Les prévisions estiment que, d’ici à 2025, les membres de l’OPEP fourniront 66 % des importations chinoises en pétrole, contre 20 % pour les pays post-soviétiques.</p>
<p>La proximité géographique est naturellement un atout majeur du Kazakhstan aux yeux de Pékin, à qui ce pays peut assurer un approvisionnement supplémentaire en matières premières. Un oléoduc reliant Atasu (centre du Kazakhstan) à Alashankou dans le Xinjiang a été inauguré en 2006.</p>
<p>La construction d’un très long oléoduc de 2 230 km en 2009 relie le brut kazakh des rivages de la mer Caspienne (gisements de Kachagan et de Tengiz) à la province du Xinjiang. Le projet est lancé en 1997 et est cofinancé par la Chine et le Kazakhstan. <a href="https://jeunes-ihedn.org/wp-content/uploads/2018/06/SENGAGERPARLAPLUME_2_web.pdf">Ce tronçon permet à la Chine de s’approvisionner sans passer par la Russie</a>. Pour autant, seulement 2 % des achats chinois en pétrole proviennent du Kazakhstan. En 2004, la compagnie nationale d’Astana – la KazMunayGas – et la CNPC projettent la construction d’un oléoduc reliant l’Asie centrale au Xinjiang. L’acquisition par la CNPC de la compagnie PetroKazakhstan en 2005 donne à la RPC accès aux réserves d’hydrocarbures les plus importantes d’Asie centrale. Enfin, en 2006, Astana, Pékin et Achgabat ont négocié la construction d’un gazoduc de 1 800 km reliant le champ de Bagtyarlik à la région occidentale ouïghoure du Xinjiang. Ce tube circule par l’Ouzbékistan. Il entre en service fin 2009 et fournit plus de 35 milliards de m<sup>3</sup> de gaz turkmène à la Chine en 2014.</p>
<p>À travers cette diplomatie du pétrole, plusieurs personnalités importantes du régime de Pékin ont construit des relations étroites avec les dirigeants du Kazakhstan. Avant de faire l’objet d’une purge pour corruption en 2014, <a href="https://www.wsj.com/articles/BL-263B-4893">Zhou Yongkang</a>, ancien responsable de la sécurité chinoise et magnat des hydrocarbures, a été l’un des personnages clés de la politique de la RPC dans la région. Aujourd’hui, la publication par Pékin d’un <a href="https://novastan.org/fr/politique/le-livre-jaune-un-regard-chinois-sur-lasie-centrale/">Livre Jaune</a> entend rationaliser et normaliser l’exercice diplomatique en mettant en avant le partenariat avec le Kazakhstan.</p>
<p>Les dirigeants kazakhs voient en leur pays le prototype de l’État eurasien. Nul ne peut comprendre la politique de son premier dirigeant, Noursoultan Nazarbaiev, et notamment son adhésion au projet chinois des Nouvelles Routes de la Soie, sans se référer à son attachement idéologique à <a href="https://www.puf.com/content/Le_monde_vu_de_Moscou">l’eurasisme</a> – un attachement que partagent un très grand nombre de dirigeants de l’ancienne aire soviétique, à commencer par <a href="https://www.actes-sud.fr/node/56625">Vladimir Poutine</a>. C’est d’ailleurs depuis le Kazakhstan que Xi Jinping a prononcé son discours fondateur annonçant, en 2013, le lancement de son projet « Yi dai Yi lu » (en anglais : <em>One Belt, One Road</em>). </p>
<p>Au fil des ans, le gouvernement du Kazakhstan s’est employé à renforcer ses liens avec la Chine (3<sup>e</sup> partenaire). Même si <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/4ac14c02-0753-43c7-89a3-084b4ff87c05/files/19ff8dc4-678e-44b1-a447-db1aa8f3fc6c">elle reste nettement devancée par l’Union européenne (très présente dans l’exploitation pétrolière</a> ; la France étant de tous les Européens le premier importateur), qui arrive largement en tête des investisseurs étrangers au Kazakhstan, la Chine continue d’investir massivement chez son voisin. D’après les annonces du président Kassym-Jomart Tokaïev, au début du mois de septembre 2019 le volume des investissements chinois depuis l’indépendance a atteint <a href="https://novastan.org/fr/kazakhstan/au-kazakhstan-les-opportunites-de-lappetit-chinois/">20 milliards de dollars (18,44 milliards d’euros) – sur les 300 milliards de dollars (276,6 milliards d’euros) d’investissements étrangers au total</a>. Ces investissements sont garantis pour l’essentiel par l’État chinois, dont les entreprises sont présentes dans le domaine des infrastructures.</p>
<p>Ainsi, le réseau de transport de la capitale est aménagé grâce à des investissements chinois. Il en va de même pour le projet d’infrastructure reliant la Chine à l’Europe par le rail avec le gigantesque <em>hub</em> ferroviaire de <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/les-enjeux-internationaux/korghos-nouvelle-metropole-du-libre-echange-commercial">Khorgos</a>, ou pour l’extraction et l’exportation de matières premières, telles que les métaux (quatrièmes réserves mondiales de cuivre ; sixièmes réserves mondiales de zinc ; septièmes réserves mondiales de cobalt et cadmium ; huitièmes réserves mondiales d’or sans compter de nombreuses réserves en terres rares et en charbon) ou le pétrole, exportés par le Kazakhstan vers la Chine.</p>
<h2>Un renforcement du dispositif sécuritaire</h2>
<p>La pérennité de ces échanges nécessite le développement d’une coopération contre le terrorisme. La RPC est préoccupée par la stabilité du Xinjiang et de son voisinage proche. Elle a ainsi transféré des <a href="http://www.eastpendulum.com/le-kazakhstan-drone-wing-loong">équipements non létaux (systèmes de communication et de transport) au Kazakhstan et, en 2016, des drones Wing Loong</a>. Des <a href="https://www.defenseworld.net/news/23417/China_Delivers_Y_8_Military_Transport_Aircraft_to_Kazakhstan">avions de transport militaire Y-8 (运-8) ont également été vendus en 2018</a> : en matière d’exportation de matériel militaire vers le Kazakhstan, la Chine remet en cause le monopole russe.</p>
<p>Si la présence d’organisations terroristes islamistes (Tablighi Jamaat, Jamaat of Central Asian Mujahedins, Hizb-ut-Tahrir) sur le territoire kazakh a été plus d’une fois avérée, c’est surtout la <a href="https://jamestown.org/program/the-turkistan-islamic-party-in-double-exile-geographic-and-organizational-divisions-in-uighur-jihadism/">East Turkestan Liberation Organization (ETLO)</a> dont les membres prônent l’indépendance du Xinjiang, qui est la plus activement recherchée. Le trafic d’héroïne dans le pays est insignifiant comparé à d’autres pays de l’Asie centrale tels le Tadjikistan ou encore à l’Afghanistan. </p>
<p>Toutefois, à partir des années 2000, il a <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/asie/au-moins-14-morts-dans-la-repression-au-kazakhstan_1063020.html">significativement augmenté dans l’ouest du pays</a>. En difficulté du fait des restructurations industrielles en cours, ces régions riveraines de la Caspienne ont notamment été en 2011 le théâtre d’<a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/asie/au-moins-14-morts-dans-la-repression-au-kazakhstan_1063020.html">émeutes sanglantes à Janaozen</a> et d’<a href="https://www.religion.info/2012/01/04/kazakhstan-vague-attentats-islamistes-en-2011/">attentats terroristes</a> perpétrés par des islamistes, tous d’ethnie kazakh.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"964045578614333440"}"></div></p>
<p>Ces attentats ont choqué l’opinion alors que l’islam n’est pas profondément ancré chez ces nomades que furent les Kazakhs, et y reste teinté de pratiques traditionnelles, <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Decouvertes-Gallimard/Decouvertes-Gallimard/Religions/Le-chamanisme-de-Siberie-et-d-Asie-centrale">chamaniques</a> entre autres. Pour éradiquer les risques de radicalisation, le pouvoir kazakh mise sur le développement économique, et notamment sur un rapprochement avec la Chine, particulièrement en termes de formations universitaires. Ainsi, des bourses spéciales, baptisées « Routes de la Soie », qui couvrent les frais des étudiants kazakhs à Lanzhou, ont été mises en route. Rien qu’en 2016, les <a href="https://novastan.org/fr/kazakhstan/lagman-et-paranoia-a-khorgos-pourquoi-linfluence-chinoise-a-la-frontiere-kazakhe-est-en-declin/">universités chinoises ont accueilli 14 000 étudiants kazakhs</a>. </p>
<p>Il existe par ailleurs à l’heure actuelle cinq Instituts Confucius au Kazakhstan. Outre ces formations et échanges, Pékin <a href="https://jamestown.org/program/the-security-component-of-the-bri-in-central-asia-part-three-chinas-paramilitary-efforts-to-promote-security-in-kazakhstan-uzbekistan-and-turkmenistan/">échange</a> plus discrètement, mais intensément avec les services de sécurité du Kazakhstan et avec ses armées (auxquelles s’ajoutent des sociétés privées de sécurité), dans un cadre bilatéral ou multilatéral quand il s’agit d’exercices, d’entraînements ou de réunions de l’OCS.</p>
<p>Un rapprochement qui inquiète Moscou mais, aussi Washington : la visite au Kazakhstan du <a href="https://thediplomat.com/2020/02/pompeo-in-kazakhstan-warns-of-chinas-growing-reach/">secrétaire d’État américain Mike Pompeo en février 2020</a>, illustre le retour du « Grand Jeu » dans cet espace aux influences contestées aux portes de la Chine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152967/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron est délégué général du FDBDA.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Lincot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’immense Kazakhstan, riche en ressources naturelles, échappe de plus en plus à l’influence russe au profit de la Chine.Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur - Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Emmanuel Lincot, Spécialiste de l'histoire politique et culturelle de la Chine contemporaine, Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1500512020-12-01T20:08:18Z2020-12-01T20:08:18ZLa question ouïgoure, au cœur des enjeux entre Pékin et Kaboul<p>Au cours de ces dernières années, la Chine a interné plus d’un million de musulmans du Xinjiang dans des camps dits de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=iLjyAAqIh0A">« rééducation »</a> (ou « centres de transformation par l’éducation »).</p>
<p>On aurait pu s’attendre à ce que les États musulmans du monde entier, prompts à se présenter comme les protecteurs sourcilleux de leurs coreligionnaires installés en Occident, condamnent unanimement, avec la plus grande force, le sort réservé aux Ouïghours et aux <a href="https://www.cairn.info/magazine-le-monde-diplomatique-2019-3-page-6.htm">autres musulmans du Xinjiang</a> (Tadjiks, Kirghizes, Kazakhs, etc.).</p>
<p>Mais à l’ONU, ce sont essentiellement les démocraties occidentales qui se sont émues de ce véritable scandale humanitaire ; en revanche, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis (ou encore la Palestine) ont rallié le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/10/07/assaillie-a-l-onu-sur-le-sort-des-ouigours-la-chine-contre-attaque_6055122_3210.html">bloc des pays qui soutiennent Pékin</a>. Même la Turquie, un moment active sur la question ouïgoure, accorde désormais la <a href="https://www.lemonde.fr/blog/filiu/2020/11/01/erdogan-contre-macron-en-echo-de-khomeyni-contre-rushdie/">priorité à sa coopération avec Pékin</a>. Du reste, c’est aussi pour ménager la Chine, soutien privilégié du régime birman, que les États musulmans ont adopté depuis des années un <a href="https://www.jeuneafrique.com/818414/politique/cachemire-ou%C3%AFgours-rohingyas-pourquoi-les-pays-arabes-et-musulmans-restent-muets/">profil très bas</a> sur les persécutions infligées aux Rohingyas.</p>
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<p>Ces simples rappels suffisent à <a href="https://www.middleeastmonitor.com/20200102-myanmar-china-and-now-india-is-muslim-dignity-so-cheap/">déconstruire</a> le mythe d’une « solidarité islamique » qui serait automatique et universelle. En attendant, l’étau se resserre sur les musulmans du Xinjiang qui ont longtemps oscillé entre espoir de réforme, panturquisme (pour les Ouïgours), attentisme – pour le plus grand nombre – et <a href="https://www.fdd.org/analysis/2020/04/29/how-chinas-repressive-policies-could-fuel-the-jihad/">radicalisation</a> : certains ont rallié <a href="http://www.francesoir.fr/politique-monde/les-ou%C3%AFgours-de-etat-islamique-ces-combattants-venus-de-chine-pour-faire-le-djihad-Daech-chinois-islam-terrorisme-kamikaze-analyse-syrie-irak">Daech</a> ou Al-Qaïda, notamment en <a href="https://www.dw.com/en/why-chinas-uighurs-are-joining-jihadists-in-afghanistan/a-18605630">Afghanistan</a>, où le retrait programmé des Américains, conjugué au retour des maquisards ouïgours anciennement actifs sur les terrains syrien et irakien, pourraient à terme affaiblir un peu plus le Xinjiang voisin et les intérêts chinois.</p>
<h2>L’intérêt de longue date de Pékin pour Kaboul</h2>
<p>La frontière séparant <a href="https://www.cairn.info/revue-relations-internationales-2009-2-page-111.htm">l’Afghanistan de la Chine</a>, d’une longueur de seulement 80 kilomètres, se trouve dans le prolongement du <a href="https://www.asie21.com/2018/10/01/valse-hesitation-chinoise-dans-le-corridor-de-wakhan-afghanistan/">corridor de Wakhan</a> (qui se trouve sur le territoire afghan).</p>
<p>Les relations entre les deux États ont été établies dès 1955. Zhou Enlai, alors ministre des Affaires étrangères de la République populaire de Chine, se rendit en Afghanistan moins de deux ans plus tard. Pékin a su maintenir des contacts avec les différentes factions tandis que le pays était déchiré par la guerre civile puis envahi par l’URSS à partir de 1979. Discrète mais efficace, la Chine de Deng Xiaoping, dans le cadre de sa concurrence avec Moscou, offrit une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/02634930120095349?journalCode=ccas20">assistance logistique aux moudjahidines</a>, alors également épaulés par la CIA et les services secrets pakistanais (ISI) dans leur lutte contre les Soviétiques.</p>
<p>Plus tard, Pékin n’hésitera pas à reconnaître le régime des talibans jusqu’à son effondrement, en 2001 (les autorités chinoises entretenaient un <a href="https://foreignpolicy.com/2015/08/03/chinas-man-in-the-taliban-mullah-omar/">lien discret avec le mollah Omar</a>). Par la suite, à la différence des Occidentaux, la RPC n’a jamais écarté les talibans des négociations, cherchant au contraire à les associer aux <a href="https://www.la-croix.com/Monde/talibans-annoncent-tenue-conference-inter-afghane-Pekin-2019-10-23-1301056087">discussions organisées à Pékin</a> : aux yeux des Chinois, cette approche pouvait leur permettre d’accroître leur influence sur le territoire afghan, dont les potentialités et les ressources sont <a href="https://www.lejdd.fr/International/Asie/L-Afghanistan-assis-sur-un-tresor-200208-3264830">considérables</a>.</p>
<h2>L’Afghanistan, eldorado minier et enjeu sécuritaire</h2>
<p>Pékin a ainsi massivement investi dans la prospection pétrolière du bassin de l’Amou Darya, où la China National Petroleum Corporation (CNPC) est très présente. La Chine se consacre aussi à l’exploitation des <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2009/08/04/la-mine-de-cuivre-afghane-d-aynak-sous-controle-chinois_1225567_3234.html">mines de cuivre d’Aynak</a> dans le sud-est du pays, par le biais de deux de ses sociétés : la China Metallurgical Group Corporation (MCC) et la Jiangxi Copper Company Limited. Ce projet s’est pour la première fois concrétisé à l’issue de la <a href="https://www.cairn.info/revue-relations-internationales-2009-2-page-111.htm">visite</a> du président Hamid Karzai (proche des États-Unis et du Royaume-Uni) à Pékin en janvier 2002. À cette occasion, le gouvernement chinois s’était engagé à fournir 150 millions de dollars à Kaboul (un montant comparable à celui accordé par les Occidentaux et le Japon réunis).</p>
<p>Cette aide, déjà substantielle pour l’époque, s’inscrivait dans la volonté de Pékin de contribuer au développement de son voisin pour y éradiquer les maquis islamistes d’Al-Qaïda, qu’avaient alors rejoint un certain nombre de terroristes ouïgours, autour d’un groupuscule appelé <a href="https://www.lefigaro.fr/international/2010/05/09/01003-20100509ARTFIG00230-le-pakistan-coopere-avec-pekin-contre-les-ouigours.php">l’ETIM</a> (Mouvement islamique du Turkestan oriental). Ce dernier a proclamé à partir de 2016 la « guerre sainte » contre Pékin afin de <a href="https://www.questionchine.net/xinjiang-menaces-djihadistes-directes-et-spirale-repressive">« libérer le Xinjiang des envahisseurs communistes »</a>. À noter que, en un geste destiné à réduire dans la mesure du possible les répressions chinoises contre les Ouïgours, répressions largement justifiées par le danger djihadiste que ceux-ci représenteraient, Washington vient de retirer l’ETIM de sa <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/washington-retire-un-groupe-musulman-chinois-de-sa-liste-d-organisations-terroristes-20201106">liste des organisations terroristes</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1330876211581644800"}"></div></p>
<p>Le but est donc, pour Pékin, de prévenir le maintien d’un foyer d’instabilité, de couper les terroristes de leurs bases arrière et d’éviter tout phénomène de contagion susceptible, à terme, de provoquer des troubles dans sa province occidentale du Xinjiang. Enfin, le retour à la stabilité en Afghanistan permettra d’éviter une pérennisation de la présence et de l’influence américaines dans ce pays que convoite également l’Inde, autre grand rival de la Chine, ce que symbolise le financement et la construction par New Dehli du <a href="https://thediplomat.com/2018/08/indias-controversial-afghanistan-dams/">grand barrage de Salma</a>. Sans oublier que Pékin cherche à lutter contre le trafic de drogue en provenance d’Afghanistan et qui transite via le Tadjikistan jusqu’en Chine ouïgoure.</p>
<p>Pour sanctuariser ses intérêts, Pékin a ouvert au Tadjikistan voisin une <a href="https://theconversation.com/tadjikistan-et-kirghizistan-deux-foyers-dincertitude-aux-portes-de-la-chine-148362">base militaire</a> (la deuxième après celle de Djibouti, et à l’extérieur de ses frontières, d’une configuration plus réduite et discrète). Des <a href="https://www.lepoint.fr/monde/la-chine-envisage-d-ouvrir-une-base-militaire-dans-l-est-de-l-afghanistan-02-02-2018-2191556_24.php">patrouilles chinoises</a> (parfois conjointes avec les forces afghanes) se rendent régulièrement sur le territoire afghan et l’aide apportée par Pékin au développement des capacités de l’Armée nationale afghane (ANA) et du reste des forces de sécurité du pays s’est élevée à plus de <a href="https://www.lesclesdumoyenorient.com/L-Afghanistan-dans-son-contexte-regional-2-Chine.html">70 millions de dollars entre 2015 et 2018</a>.</p>
<p>Fondamentalement, cette stratégie chinoise s’inscrit dans la continuité du « développement du grand Ouest » (<em>Xibu da kaifa</em>), initiée il y a plus de 20 ans par le premier ministre Zhu Rongji, pour étendre une <a href="https://www.ihedn.fr/sites/default/files/atoms/files/sengagerparlaplume_2_web.pdf">« politique du pourtour »</a> (<em>zhoubian zhengce</em>) et s’assurer ainsi un environnement régional stable pour garantir la sinisation et le développement du Xinjiang et celle des pays limitrophes.</p>
<h2>L’OCS au cœur du dispositif chinois</h2>
<p>En cela, la politique intérieure de la RPC est étroitement liée à sa politique centre-asiatique. Dès le sommet de <a href="https://www.un.org/fr/chronicle/article/le-role-de-lorganisation-de-shanghai-pour-la-cooperation-pour-faire-face-aux-menaces-la-paix-et-la">l’Organisation de Coopération de Shanghai</a> (OCS) tenu à Tachkent en 2004, la Chine a associé les autorités afghanes aux discussions, comme membre observateur. Cette ouverture est essentielle, et les grandes capitales centrasiatiques l’ont bien compris. Ainsi, à l’issue de la conférence de Doha de septembre 2020 qui réunissait les représentants des talibans et le gouvernement afghan, le chef de l’État ouzbek Shavkat Mirziyoyev <a href="https://www.lopinion.fr/edition/international/l-ouzbekistan-veut-accompagner-l-afghanistan-chemin-paix-224791">propose</a> l’établissement d’un comité permanent des Nations unies sur l’Afghanistan. L’Ouzbékistan s’est vu confier par l’OCS l’ouverture d’un Bureau général de renseignement destiné à rendre plus efficace la lutte entreprise par chacun de ses membres contre le terrorisme islamiste.</p>
<p>Tout pays membre de ladite Organisation, au nom de <a href="https://www.sciencespo.fr/ceri/sites/sciencespo.fr.ceri/files/etude110.pdf">sa coopération sécuritaire</a>, se doit de remettre à Pékin des personnes considérées comme suspectes par les autorités chinoises. Ainsi, la nasse se referme sur les activistes ouïgours. Même la Turquie avec laquelle l’intelligentsia ouïgoure a noué, par affinités de langue et de culture, des relations étroites, a fini par lui tourner le dos et par se rapprocher de Pékin.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1287786111922839553"}"></div></p>
<p>Toutefois, la diplomatie turque essaie en Asie centrale et vis-à-vis de l’Afghanistan d’être également une force de proposition. Voyant sa candidature à l’Union européenne rejetée, sa diplomatie, chaque année davantage, reconsidère ses objectifs plus à l’est.</p>
<p>Très significatif est le lancement depuis 2011, par Ankara, du « Processus d’Istanbul – Cœur de l’Asie », une émanation de <a href="https://www.un.org/press/fr/2019/ag12219.doc.htm">l’Organisation de coopération islamique</a> (créée en 1969 par l’Arabie saoudite). Cet organisme se donne pour objectif « la stabilité et la prospérité au cœur de l’Asie par des mesures de confiance et des intérêts régionaux partagés ». Quinze pays d’Asie et du Moyen-Orient (dont la Chine et la Russie) en sont membres. </p>
<p>Le processus avait été accueilli à Pékin, en octobre 2014, pour aborder les problèmes sécuritaires posés notamment par le retrait programmé des troupes de l’OTAN d’Afghanistan. En décembre 2015, le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, assistait à la 5<sup>e</sup> conférence ministérielle du Processus d’Istanbul – Cœur de l’Asie sur l’Afghanistan, se déroulant cette fois à Islamabad, au Pakistan. Si les initiatives des pays membres de ce Processus n’ont pas été abandonnées, comme le rappelle le sommet organisé par Recep Tayyip Erdogan à <a href="https://www.lecourrier.vn/la-turquie-aidera-lafghanistan-a-eliminer-lei-affirme-le-president-erdogan/658524.html">Istanbul en décembre 2019</a>, elles ont laissé place à un projet plus global et qui reste une priorité pour Xi Jinping. Il s’agit de la Belt and Road Initiative (BRI).</p>
<p>En 2019, suite à la <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/09/08/donald-trump-annonce-la-fin-des-negociations-de-paix-engagees-en-afghanistan_5507827_3210.html">rupture des négociations entre Washington et les talibans</a>, la Chine réactive une médiation entre les parties afghanes rivales afin <a href="https://www.lopinion.fr/edition/international/chine-prend-main-dossier-afghan-defend-place-grande-puissance-201766">d’aboutir à une « paix durable et globale »</a>. C’est à la suite de cette initiative que les autorités chinoises obtiennent de leur allié pakistanais l’ouverture de cinq postes de douane pour désengorger le trafic de ses échanges commerciaux entre l’Afghanistan et sa périphérie pakistanaise qui transitaient jusqu’alors pour l’essentiel par l’une des rares routes assurant l’approvisionnement de l’Afghanistan depuis le port de Chabahar, en Iran, pays avec lequel la Chine a par ailleurs <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/les-enjeux-internationaux/le-rapprochement-entre-liran-et-la-chine">signé</a>, en juin 2020, un accord de coopération économique et militaire de 400 milliards de dollars, pour les prochaines 25 années.</p>
<p>Si cet accord est entouré d’un halo d’opacité (ne serait-ce que pour ce qui concerne son montant), l’objectif est clair : créer un vaste réseau de communication pour pacifier ces régions et éradiquer systématiquement toute forme de dissidence pour y faciliter le développement des intérêts chinois.</p>
<h2>La répression des Ouïgours : dossier international autant qu’intérieur pour Pékin</h2>
<p>Si la répression des populations musulmanes sur le territoire chinois s’est considérablement intensifiée depuis 2015, suite à de <a href="https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2014/05/20/attentats-ouigours-la-chine-confrontee-au-terrorisme-de-masse_4422114_3216.html">multiples attaques terroristes</a> commises en divers points du territoire de la RPC (Yunnan, Xinjiang, Guangdong, Pékin, etc.), l’accélération des politiques dites <a href="https://www.sciencespo.fr/ceri/en/oir/la-lutte-contre-le-terrorisme-et-l-extremisme-au-xinjiang-quelles-methodes-pour-quels-resultats-">« anti-terroristes » et « anti-extrémistes »</a> a une dimension internationale. La guerre en Syrie et l’affirmation à partir de 2013-2014 de Daech (qui, on l’a dit, comptait <a href="https://journals.openedition.org/remmm/12422">dans ses rangs</a> un nombre incertain mais considérable de Ouïgours) a contribué au renforcement de dispositifs sécuritaires extrêmement poussés par Pékin sur son territoire et à l’accentuation d’une politique répressive à l’international (sans engagement militaire avéré en dehors des troupes engagées dans des opérations de l’ONU).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1330516795799826437"}"></div></p>
<p>Le travail d’influence de la Chine <a href="https://theconversation.com/organisations-internationales-le-spectre-dune-hegemonie-chinoise-se-concretise-136706">à l’ONU</a>, le développement de ses partenariats et son activisme dans de nombreuses enceintes multilatérales (dont elle est parfois à l’initiative) comportent souvent une dimension de poursuite d’individus (ouïgours, mais aussi tibétains, pratiquants du Falungong ou activistes pro-démocratie de Hongkong ou taiwanais) à l’étranger. D’ailleurs, plusieurs États ont remis à la Chine, après des demandes d’extradition, des ressortissants ouïgours, supposés être liés à des filières terroristes <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2017/08/18/la-chine-pourchasse-les-etudiants-ouigours-en-egypte_5173776_3210.html">(Égypte, Thaïlande, etc.)</a>.</p>
<p>La question des droits humains, objet majeur des relations internationales (essentiellement pour l’Occident, particulièrement pour l’UE) ne semble pas être décisive pour la majeure partie des États de la planète, dont la Chine constitue souvent le premier partenaire commercial. La relation avec Pékin est plus importante que les questions politiques et humaines. En cela, la Chine populaire a réussi à vaincre sans combattre.</p>
<hr>
<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie le 30 septembre et le 1er octobre 2021 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/150051/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron est délégué général du FDBDA.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Lincot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le traitement que la Chine inflige aux Ouïgours sur lequel les États musulmans ferment généralement les yeux s’explique notamment par les préoccupations sécuritaires liées à l’Afghanistan voisin.Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur - Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Emmanuel Lincot, Spécialiste de l'histoire politique et culturelle de la Chine contemporaine, Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1483622020-10-21T20:09:56Z2020-10-21T20:09:56ZTadjikistan et Kirghizistan : deux foyers d’incertitude aux portes de la Chine<p>La Chine a commencé à s’intéresser véritablement au Tadjikistan (pays persanophone de près de 9 millions d’habitants) et au Kirghizistan (pays turcophone de près de 6 millions d’habitants) dans les années 1990, en raison de leurs ressources naturelles et de l’impératif de sécurisation de son espace proche au lendemain de l’effondrement de l’URSS. Depuis, son influence dans ces deux États avec qui elle partage des frontières communes n’a fait que croître.</p>
<p>Les enjeux sont multiples : accès aux marchés de l’Asie centrale, lutte contre le terrorisme et les narcotrafics mais aussi coopération multilatérale à travers l’<a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/organisation-de-cooperation-de-shanghai-ocs">Organisation de coopération de Shanghai</a> (OCS), dont chacun de ces pays est membre. La Chine est devenue le principal investisseur, prêteur et mécène de ces pays, comme le rappelle le <a href="https://novastan.org/fr/politique/le-livre-jaune-un-regard-chinois-sur-lasie-centrale/">« Livre jaune sur l’Asie centrale »</a>, paru en juin dernier et émanant de chercheurs de l’Académie chinoise des sciences sociales, spécialistes de cette région du monde.</p>
<h2>L’Asie centrale entre enjeux économiques et politiques</h2>
<p>Les <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/10/10/le-kirghizistan-s-enfonce-dans-le-chaos-politique_6055550_3210.html">troubles survenus dernièrement au Kirghizistan</a>, auxquels s’ajoute une <a href="https://centreasia.eu/wp-content/uploads/2018/06/24-Kellner-ChineAsie-Centrale_Mars2018.pdf">très forte sinophobie</a> ayant gagné l’ensemble de l’Asie centrale, et que la pandémie de la Covid-19 a amplifiée, pourraient, par contagion, renforcer le dispositif de répression mis en place par Pékin dans la province ouïgoure du Xinjiang (qui se trouve de l’autre côté de la frontière sino-kirghize) ou au contraire, en <a href="https://www.scmp.com/news/china/diplomacy/article/3104574/china-calls-bordering-kyrgyzstan-resolve-election-turmoil-and">déstabiliser la sécurité</a>.</p>
<p>Pour ce qui concerne la coopération avec le Tadjikistan, le secteur minier y est <a href="https://novastan.org/fr/tadjikistan/la-chine-partout-presente-au-tadjikistan/">privilégié par les entreprises chinoises</a>. La plus importante est la coentreprise Zarafchon, située dans la province de <a href="https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Pendjikent">Pendjikent</a>, dans le nord-ouest du pays, et détenue à 75 % par Zijin Mining, qui fournit près de 70 % de l’or extrait au Tadjikistan. Pakrout, propriété de la China Nonferrous Gold Limited, exploite quant à elle les mines aurifères de <a href="https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Vahdat">Vahdat</a>. En 2018, la société chinoise TVEA a obtenu les licences d’exploitation des gisements de Douobat et de Verkhny Koumarg, dans la province d’<a href="https://en.m.wikipedia.org/wiki/Ayni,_Ayni_District">Aïni</a>, après avoir construit une centrale thermique à Douchanbé.</p>
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<figcaption><span class="caption">La Chine, la Russie et la mystérieuse OCS (<em>Le Dessous des cartes</em>, Arte).</span></figcaption>
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<p>Durant l’été 2018, le gouvernement tadjik avait signé un accord qui octroyait une licence d’exploitation de l’énorme mine de Yakdjilva, dans la province de <a href="https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Murghab_(Tadjikistan)">Mourgab</a>, à la société Kashi Xinyu Dadi Mining Investment Limited. Pour l’acheminement de ces ressources, China Road a reconstruit la route reliant Douchanbé à la frontière tadjiko-ouzbèke, longue de 410 kilomètres, grâce à un prêt chinois d’environ 300 millions de dollars (274,2 millions d’euros). Cette société a également entrepris la restauration de la route Douchanbé-<a href="https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Kulob">Kulob</a>, du réseau routier de Douchanbé et de la route allant de la capitale jusqu’à la frontière ouzbèke. L’achèvement de ce dernier projet était prévu pour début 2020.</p>
<p>China Road a par ailleurs construit des tunnels routiers ainsi que des tunnels et ponts ferroviaires ; lesquels – via la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Route_M41">route M 41</a> – donnent désormais accès aux régions de l’ouest de l’Asie centrale et à <a href="https://www.cairn.info/revue-relations-internationales-2009-2-page-111.htm">l’Afghanistan, convoité depuis longtemps</a>.</p>
<h2>Une frénésie d’aménagements : contrôle et maillage du territoire</h2>
<p>China Road réalise en ce moment des travaux préliminaires sur la route <a href="https://en.m.wikipedia.org/wiki/Qal%27ai_Khumb">Kalaikhoum</a> – <a href="https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Rushan_(Tadjikistan)">Rushan</a>, à la frontière afghane. Pékin a débloqué 230 millions de dollars (210,2 millions d’euros) pour reconstruire cette section longue de 92,3 kilomètres.</p>
<p>La China Railway Corporation vient pour sa part d’achever la reconstruction de la route reliant <a href="https://en.m.wikipedia.org/wiki/Konibodom">Kanibadam</a> à Patar. Dans le même temps, TVEA a terminé la construction de la ligne à haute tension reliant le centre du Tadjikistan à la province de <a href="https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Sughd">Soughd</a>, dans le nord. Elle avait auparavant construit une centrale thermique dans la capitale, une ligne à haute tension entre <a href="https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Khatlon">Khatlon</a> et <a href="https://en.m.wikipedia.org/wiki/Lolazor">Lolazor</a> et plusieurs stations souterraines.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Chine, sur les nouvelles routes de la soie » (Arte).</span></figcaption>
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<p>De son côté, la China National Petroleum Corporation (CNPC), en collaboration avec Tadjiktransgaz, la coentreprise issue de Trans-Tadjik Gas Pipeline Company, a entamé la construction de la quatrième section du gazoduc Asie centrale-Chine. CNPC, qui prospecte le sol tadjik pour y trouver des hydrocarbures, a annoncé l’implantation de sa filiale China Petroleum Engineering & Construction Corporation (CPECC), spécialisée dans l’ingénierie pétrolière, la production, la construction et la conclusion de contrats.</p>
<p>En 2014, la société privée chinoise Xinjiang Production and Construction a loué près de 500 hectares dans la province de <a href="https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Khatlon">Khatlon</a> pour une période de 50 ans.</p>
<p>Dans la même région, Xinjiang Yinghai et Hai Li ont loué des terres (280 hectares) pour 49 ans, ce qui n’est pas sans froisser les susceptibilités dans la région et au-delà, notamment au <a href="https://asialyst.com/fr/2018/01/16/nouvelles-routes-soie-kazakhstan-terrain-glissant-avec-chine/">Kazakhstan</a>, où l’on observe des pratiques similaires.</p>
<p>En outre, la coentreprise « Développement de l’agriculture au Tadjikistan et en Chine » cultive notamment du coton, du maïs et du blé dans cette province.</p>
<p>Le riz et le coton sont les principales ressources cultivées. Les agriculteurs chinois souhaitent augmenter progressivement la quantité de terres louées.</p>
<p>Cette emprise chinoise s’est traduite plus récemment par <a href="https://www.washingtonpost.com/world/asia_pacific/in-central-asias-forbidding-highlands-a-quiet-newcomer-chinese-troops/2019/02/18/78d4a8d0-1e62-11e9-a759-2b8541bbbe20_story.html">l’aménagement d’une base militaire dans le pays</a>, la deuxième après Djibouti et dans le monde. Bien que ses activités soient discrètes, elle offre à la Chine une profondeur stratégique et lui permet de tenir à la fois en respect l’Inde, qui aimerait prendre le contrôle de la <a href="https://eurasiantimes.com/india-ayni-airbase-in-tajikistan-russian/">base aérienne tadjike d’Ayini</a>. Dans les faits, la <a href="https://eurasianet.org/tajikistan-secret-chinese-base-becomes-slightly-less-secret">base « secrète » chinoise</a> reflète l’influence sécuritaire de Pékin dans la zone. Des exercices militaires et policiers communs à la vente de matériel militaire en passant par la formation dans les académies militaires chinoises, la Chine accroît une forme d’emprise dans cette partie quasi vide et stratégique de son environnement régional.</p>
<p>Même constat côté kirghize. L’aménagement de routes financées par la Chine ou la coopération avec Pékin dans l’aménagement <a href="https://www.cairn.info/revue-defense-nationale-2018-10-page-53.html">d’une raffinerie pour la ville industrielle de Kara-Balta</a> (à deux cents kilomètres de la capitale, Bichkek) s’accompagnent d’importants échanges linguistiques destinés à la formation de jeunes Kirghizes travaillant pour l’industrie minière ou les télécommunications, notamment pour <a href="https://www.minexforum.com/en/china-s-huawei-to-implement-smart-city-project-in-kyrgyzstan/">Huawei</a>.</p>
<p>Une partie de la classe politique locale s’est d’ailleurs très tôt émue de <a href="https://www.reuters.com/article/us-kyrgyzstan-protests-china-idUSKCN1PB1LJ">cette présence chinoise</a>. La troisième crise politique en quinze ans survenue récemment à Bichkek n’y est pas étrangère. Les fraudes électorales ainsi que la corruption d’une partie de l’élite dirigeante du pays, soupçonnée de concussion favorable à la Chine, ont radicalisé le mouvement des manifestations. Mais comment reprocher aux dirigeants d’un des pays les plus pauvres du monde (son PIB est tout juste supérieur à celui de la Somalie et inférieur à celui du Niger) d’accepter l’offre chinoise ?</p>
<p>Les tensions n’en sont pas moins fortes dans ce petit pays enclavé qui, comme le Tadjikistan voisin, n’est pas à l’abri de la radicalité islamiste. Moscou, dont une base militaire est installée dans ce pays où s’exerce son influence par le biais de <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/organisation-du-traite-de-securite-collective-otsc">l’Organisation du traité de sécurité collective</a>, suit cette crise de près. Elle s’ajoute à celles en cours au Haut-Karabagh et en Biélorussie, et pourrait provoquer, à terme, une onde de choc dans d’autres pays de l’ex-Union soviétique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1316707649841364995"}"></div></p>
<p>Plus que tout, Moscou, comme son partenaire chinois, redoute que ces troubles ne fassent à terme le <a href="https://www.iris-france.org/wp-content/uploads/2017/05/Asia-focus-30.pdf">jeu des islamistes ou de mouvements séparatistes</a>. Ainsi, en août 2016, <a href="https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2016/08/30/au-kirghizistan-l-ambassade-de-chine-cible-d-un-attentat-suicide_4989740_3216.html">l’ambassade chinoise à Bichkek</a> avait été la cible du premier attentat d’envergure touchant les intérêts de Pékin à l’étranger. L’enquête, dont les conclusions officielles n’ont toujours pas été rendues publiques à ce jour, privilégie la piste de radicaux ouïghours. Cette ethnie originaire du Xinjiang en Chine a une importante diaspora au Kirghizistan. Bien que le nombre et les moyens des radicaux demeurent très limités, leur potentiel de nuisance dans la petite république centre-asiatique demeure significatif eu égard à la faiblesse des services de sécurité locaux. Pékin craint que les radicaux ouïghours sévissent de nouveau contre ses intérêts à l’étranger, faute de pouvoir commettre des attentats en Chine même.</p>
<h2>Coopération sécuritaire, continuité politique autoritaire et modèle de développement</h2>
<p>À ce défi, la Chine a répondu par des investissements sur le long terme en optant pour une pacification de la région afin de la rendre moins perméable aux risques de déstabilisation (trafic de drogue, paupérisme, contagion salafiste…).</p>
<p>Cette politique globale de Pékin s’est traduite par un <a href="http://french.xinhuanet.com/2020-10/12/c_139434792.htm">soutien inconditionnel accordé au président tadjik Emomalii Rahmon</a>. Ce dernier est d’ailleurs populaire car c’est lui qui a réussi à surmonter la guerre civile, survenue au lendemain de l’effondrement de l’URSS. Il a su s’entendre avec le <a href="https://journals.openedition.org/asiecentrale/81">Parti de la résurrection islamique du Tadjikistan</a> (PRIT), et ce, durant une quinzaine d’années, avant d’expulser récemment les membres de son gouvernement. </p>
<p>Cela n’augure rien de bon pour l’avenir du pays d’autant que le Tadjikistan est le pays le plus vulnérable à l’influence afghane. Des mouvements très actifs liés au terrorisme international, comme <a href="https://www.asie21.com/tag/east-turkestan-islamic-movement/">l’East Turkestan Islamic Movement (ETIM)</a>, peuvent effectivement embraser la région autonome chinoise et musulmane du Xinjiang. Sur les 4 000 combattants d’origine centre-asiatique, <a href="https://www.iris-france.org/wp-content/uploads/2017/06/ASIA-FOCUS-34.pdf">300 Ouïghours en provenance de Chine auraient rallié des organisations terroristes proches de Daech</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Asie centrale, l’appel de Daech » (Arte).</span></figcaption>
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<p>Des velléités de coup d’État au Tadjikistan même ne sont pas à exclure. Il faut savoir par exemple qu’un Tadjik, l’ex-colonel des forces spéciales de la police, <a href="https://novastan.org/fr/tadjikistan/pourquoi-autant-de-citoyens-tadjiks-ont-rejoint-Daech/">Goulmorod Khalimov</a>, a assumé le commandement militaire de Daech. Les Tadjiks sont environ 1 000 combattants dans les rangs de Daech, ce qui représente le double voire le triple des autres pays d’Asie centrale. Même si Goulmorod Khalimov semble avoir succombé, en 2017, à des bombardements en Syrie, sa mémoire reste vivante et des partisans de Daech auraient infiltré la police tadjike. Ces risques de déstabilisation existent.</p>
<p>Dans ces deux pays aux structures claniques, la moindre anicroche peut mettre le feu aux poudres. Ainsi, a-t-on vu en août 2019 les forces spéciales kirghizes lancer une opération au domicile de l’ancien <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/08/08/kirghizistan-nouvel-assaut-des-forces-de-l-ordre-pour-arreter-l-ex-president_5497736_3210.html">président Almazbek Atambaïev</a>. Les partisans de ce dernier avaient répliqué avec des pierres et des barricades. Pékin semblait avoir misé sur un développement économique de la région en incitant ces pays membres de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) à collaborer davantage dans le domaine à la fois sécuritaire et militaire.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1317145782928265218"}"></div></p>
<p>Au reste, <a href="http://french.peopledaily.com.cn/Chine/n/2014/0912/c31354-8782052.html">Douchanbe</a> (capitale du Tadjikistan) comme <a href="http://french.peopledaily.com.cn/Chine/n3/2019/0615/c31354-9588076.html">Bichkek</a> ont accueilli, chacune à leur tour, plusieurs sommets de l’OCS. Depuis 2016 au moins, des <a href="https://jamestown.org/program/sino-tajik-exercises-the-latest-chinese-encroachment-into-russias-sphere-of-influence/">opérations de contre-terrorisme</a> sont menées conjointement par les autorités chinoises et tadjikes. Plus que jamais, cette coopération est un gage de stabilité régionale. Le succès du projet <em>Belt and Road Intitiative</em> lancé par Xi Jinping en 2013 (dans le pays voisin du Kazakhstan) est aussi à ce prix. Toutefois les événements de Bichkek pourraient en annoncer sinon le crépuscule, tout <a href="https://www.scmp.com/news/china/diplomacy/article/3105145/kyrgyzstan-unrest-may-scare-future-chinese-and-other-foreign">au moins une très grande fragilité</a>.</p>
<p>L’influence de la Chine dans ces deux pays fragiles, dont la <a href="https://thediplomat.com/2017/12/can-central-asias-poorest-states-pay-back-their-debts-to-china/">dette à son égard</a> dépasse plusieurs milliards de dollars, se structure aussi par la formation des élites de demain. En effet, les <a href="https://www.aiddata.org/publications/silk-road-diplomacy">Instituts Confucius occupent un espace important, en particulier au Kirghizistan</a>.</p>
<p>Alors que l’influence américaine est en repli et que la puissance russe est sujette à de fortes interrogations et remises en question, la présence chinoise tous azimuts, la corruption endémique et la très grande asymétrie des relations laissent entrevoir une influence durable de Pékin. La jeunesse de ces pays, la crise du coronavirus et la crise économique sont autant de défis et de paramètres pouvant faire basculer la région dans l’instabilité et l’insécurité, ferment de <a href="https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/karine_asie_centrale_islam_radical_fr_2017.pdfcal_fr_2017.pdf">nouveaux foyers djihadistes</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/148362/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron est délégué général du FDBDA.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Lincot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La Chine exerce déjà une grande influence au Tadjikistan et au Kirghizistan, deux anciennes républiques soviétiques pauvres, aux structures fragiles, et où le danger islamiste est réel.Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur - Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Emmanuel Lincot, Spécialiste de l'histoire politique et culturelle de la Chine contemporaine, Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1404562020-06-17T17:34:26Z2020-06-17T17:34:26ZTerreur chinoise contre les Ouïgours : quand l’histoire se répète<p>La ville ouïghoure de Ghulja (Yining en chinois) a depuis longtemps la réputation d’être un centre de rébellion et de contestation contre le pouvoir chinois. Elle est aujourd’hui la préfecture de la région d’Ili, située à la frontière du Kazakhstan. <a href="https://www.chikyu.ac.jp/ilipro/page/18-publication/workshop-book/workshop-book_individual%20files/3-4_Noda.pdf">Colonisée</a> à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle par l’empire russe, auquel elle a appartenu pendant dix ans, Ili est une porte d’entrée en Chine des influences occidentales, via l’Asie centrale russophone voisine.</p>
<p>C’est aussi le berceau du <a href="https://www.persee.fr/doc/cmr_1252-6576_1996_num_37_1_2449">djadidisme</a> ouïghour, ce mouvement de renaissance qui s’est déployé au sein des peuples turcs entre 1890 et 1945, mené notamment par des intellectuels et hommes d’affaires désireux de <a href="https://www.semanticscholar.org/paper/The-Politics-of-Muslim-Cultural-Reform%3A-Jadidism-in-Khalid/dc2791911a0e08f83874f017fc7170c4a49941f5">réformer l’islam et la société musulmane</a> et de moderniser cette région sur le modèle occidental. Le djadidisme a participé à l’éveil de la société ouïghoure et au début de sa lutte contre le colonialisme chinois. Une première rébellion a eu lieu dans le sud de la région, qui a donné la naissance à la première République turque islamique du Turkestan oriental (1933-1934), puis un seconde rébellion à la <a href="https://brill.com/view/title/24090">seconde République du Turkestan oriental (1944-1949)</a> dans le nord, dont Ghulja était la capitale.</p>
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<p>Les djadidistes ont été massivement chassés, emprisonnés et massacrés par les pouvoirs coloniaux chinois. Des intellectuels tels que Lutpulla Mutellip, Abduhaliq Uyghur, Telet Nasiri et Memtéli Tewpiq (l’auteur de l’hymne national du Turkestan oriental) ont été <a href="http://turkistanilibrary.com/sites/default/files/qaynam-orkishi.pdf">brûlés vifs</a>. Les années 1930-1940 ont notamment été marquées par une terreur de l’État colonial surnommée « terreur blanche ».</p>
<h2>La renaissance ouïghoure dans les années 1990</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/342135/original/file-20200616-23231-8wug2s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/342135/original/file-20200616-23231-8wug2s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/342135/original/file-20200616-23231-8wug2s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1067&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/342135/original/file-20200616-23231-8wug2s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1067&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/342135/original/file-20200616-23231-8wug2s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1067&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/342135/original/file-20200616-23231-8wug2s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1340&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/342135/original/file-20200616-23231-8wug2s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1340&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/342135/original/file-20200616-23231-8wug2s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1340&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Ablimit Halis Hajim.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>À partir des années 1990, dès que les hommes d’affaires ouïgours ont eu la possibilité de faire du commerce en dehors de la région, certains, notamment ceux de Ghulja, ont aussitôt investi dans la philanthropie pour inciter les jeunes Ouïgours à aller faire leurs études dans des universités de qualité pour qu’ils puissent espérer un futur brillant. Un premier fonds d’études supérieures a été créé dans ce but en 1994 par Ablimit Halis Hajim, un entrepreneur qui s’est enrichi dans l’immobilier : le fonds Halis.</p>
<p>Halis Hajim, qui était déjà connu comme un philanthrope par le soutien qu’il apportait aux initiatives en faveur du développement de l’identité culturelle ouïghoure, souhaitait également encourager les entrepreneurs ouïgours de toute la région, puisque son fonds était destiné non seulement aux élèves originaires de Ghulja mais à ceux de toute la région ouïghoure (Xinjiang en chinois).</p>
<p>En octobre 1994, quelque 1,5 million de soms (environ 200 000 euros) sont réunis pour ce premier fonds par plusieurs notables. Le pédagogue et figure publique Abduweli Muqiyit est embauché pour s’occuper de la gestion concrète du fonds. Ainsi, le recrutement, le choix des candidats, la communication autour du projet, la coordination avec les représentants des institutions publiques et privées sont tous confiés à Abduweli Muqiyit.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/342134/original/file-20200616-23243-3kjgtv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/342134/original/file-20200616-23243-3kjgtv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=529&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/342134/original/file-20200616-23243-3kjgtv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=529&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/342134/original/file-20200616-23243-3kjgtv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=529&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/342134/original/file-20200616-23243-3kjgtv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=664&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/342134/original/file-20200616-23243-3kjgtv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=664&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/342134/original/file-20200616-23243-3kjgtv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=664&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Abduweli Muqiyit.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Ce n’était pas la première fois que Halis Hajim collaborait avec lui. Ce projet de fonds d’études avait été initié et souhaité par Halis Hajim dès 1985 ; il s’était alors rapproché de Muqiyit pour essayer de le mettre en œuvre, celui-ci se trouvant à l’époque à la tête de la direction de l’éducation de la ville de Ghulja. Cependant, le jeune entrepreneur ne disposait pas d’assez de fonds pour financer à long terme ce projet et la tentative avait finalement échoué. </p>
<p>La seconde fois a été la bonne. Le fonds a commencé par permettre le retour à l’école de 800 élèves qui n’auraient pas pu continuer leurs études par manque d’argent. Cependant, le fonds a particulièrement privilégié un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=bAQaN9Yt1dk">prêt de financement attribué à chaque étudiant ouïghour inscrit dans l’enseignement supérieur</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1036084799130284033"}"></div></p>
<p>Un an après la fondation du Fond de Halis d’Ili, un autre jeune entrepreneur de Ghulja, Nurtay Hajim Iskender, a fondé la première école d’orphelins qui porte son nom. Comme pour le projet de Halis, Abduweli Muqiyit a accepté de piloter la réalisation de cet immense chantier : le fonctionnement de l’école, la coordination avec l’État et les médias, le recrutement des professeurs, le budget prévisionnel, la sélection des élèves et même le choix de l’emplacement de l’école.Ainsi, le beau quartier fleuri et calme sur la grande avenue du fleuve d’Ili, un peu éloigné du centre bruyant de la ville a été choisi pour construire un bâtiment qui reprend à la fois les traits traditionnels de l’architecture ouïghoure et des aspects plus modernes.</p>
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<span class="caption">L’école de Nurtay Hajim Iskender.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Nurtay Hajim Iskender a déposé 1,5 million de soms sur la table, suivi d’autres entrepreneurs ouïgours d’Ili. L’école a recruté 60 élèves orphelins dans un premier temps ; ce chiffre est <a href="https://www.youtube.com/watch?v=rXyDsQhsFOg">très vite monté à plusieurs centaines les années suivantes</a>. L’ensemble de leurs besoins depuis l’école primaire jusqu’à leur fin d’études universitaires sont pris en charge par Nurtay Hajim, accompagné et soutenu financièrement par d’autres philanthropes ouïgours. Tous ces enfants appelaient Nurtay Hajim « papa ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/342133/original/file-20200616-23235-12lkgac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/342133/original/file-20200616-23235-12lkgac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/342133/original/file-20200616-23235-12lkgac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/342133/original/file-20200616-23235-12lkgac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/342133/original/file-20200616-23235-12lkgac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/342133/original/file-20200616-23235-12lkgac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/342133/original/file-20200616-23235-12lkgac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Nurtay Hajim Iskender avec les enfants de son école.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>La réputation de Nurtay Hajim est désormais célèbre non seulement dans la région d’Ili mais à travers tout le pays ouïghour. D’ailleurs, son école des orphelins n’accepte plus uniquement des orphelins de l’Ili mais de toute la région ouïghoure. Ainsi, Nurtay Hajim et Ablimit Halis Hajim sont devenus les représentants et les symboles des entrepreneurs progressistes, comme à l’époque djadidiste. De plus en plus d’entrepreneurs ouïgours ont commencé investir dans des projets similaires. Parmi eux, Memtimin Tewekkül a fondé en 1998, une première crèche privée ouïghoure moderne inspirée des modèles occidentaux.</p>
<h2>Le temps des répressions</h2>
<p>En février 1997, la ville de Ghulja a connu une manifestation de jeunes Ouïgours contre le colonialisme chinois, réprimée dans le sang par l’armée chinoise. La <a href="https://humanrightshouse.org/articles/remembering-the-ghulja-massacre-2/">terreur d’État</a> a semé la peur dans la ville au cours des mois suivants, marqués par des arrestations massives d’intellectuels, de religieux mais aussi d’hommes d’affaires, dont Nurtay Hajim. Le nombre de Ouïgours disparus ou morts dans les prisons n’est toujours pas connu, mais la majorité des foyers ouïgours de Ghulja a perdu un ou plusieurs membres, souvent des jeunes hommes. Un de mes cousins lointains, interpellé par la police dans la rue alors qu’il allait acheter du pain, a été relâché un mois après son arrestation. Devenu fou sous la torture, il a disparu définitivement peu de temps après. Mon oncle, maire adjoint d’un arrondissement, a été arrêté avec une trentaine de jeunes professeurs des écoles. Il est sorti de prison après huit mois de détention, amaigri et gravement malade. Nurtay Hajim, lui, est finalement relâché après quelques mois de prison.</p>
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<p>En 2017, lorsque l’État chinois a relancé la terreur d’État en ciblant d’abord les intellectuels, les notables religieux et les hommes d’affaires, Nurtay Hajim Iskender a été une nouvelle fois mis sous les verrous. Cette fois, la répression est encore plus féroce. Personne n’est à l’abri. L’école des orphelins de Nurtay Hajim a été fermée et transformée en camp de concentration. Nous avons appris que la quasi-totalité des professeurs de cette école ont également été arrêtés. Nous n’avons aucune nouvelle concernant les élèves.</p>
<p>Abduweli Muqiyit a été naturellement victime de cette terreur rouge. Descendant d’un grand-père qui avait servi dans le gouvernement de la République du Turkestan oriental, Abduweli Muqiyit a d’abord enseigné dans les écoles primaires et secondaires avant d’être désigné à la tête de la direction de l’éducation de la ville de Ghulja. À la fin de sa carrière, il était devenu responsable de la section ouïghoure de la direction audiovisuelle de la ville. C’est également un brillant orateur qui a donné d’innombrables conférences sur le rôle des enseignants et l’éducation ouïghoure. En 2002, il a initié et organisé le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=rXyDsQhsFOg">100e anniversaire de l’école N°2 de Ghulja</a>, une combinaison du collège et lycée, la plus ancienne de la région ouïghoure. En 2014, il a fondé la librairie Bilal Nazimi, la plus grande et la plus moderne librairie privée non seulement de Ghulja mais aussi de toute la région ouïghoure. Très vite, cette librairie est devenue un lieu de rendez-vous incontournable pour de nombreux Ouïgours de différentes couches sociales qui venaient y écouter des conférenciers venant de partout.</p>
<p>Les informations sur ce qui se passe réellement dans la région ouïghoure, la <a href="https://www.hrw.org/fr/news/2019/05/01/chine-recours-une-application-pour-la-surveillance-de-masse-au-xinjianghttps://www.wsj.com/articles/twelve-days-in-xinjiang-how-chinas-surveillance-state-overwhelms-daily-life-1513700355">zone la plus surveillée au monde</a>, sont extrêmement difficiles à obtenir. Nous apprenons bien tardivement l’arrestation, la condamnation, la disparition ou la mort de nos proches sur place. Cette situation de verrouillage extrême de la Chine sur l’information concernant la région ouïghoure en général et les camps de détention en particulier donne naissance à de nombreuses rumeurs qui se révèlent parfois mensongères mais qui reflètent souvent la réalité. </p>
<p>Ainsi, des rumeurs sur la mort de Nurtay Hajim en détention ont circulé pendant un certain temps dans la diaspora, de même que pour le célèbre musicien et chanteur Abduréhim Héyit. Des proches de Nurtay Hajim ont démenti l’information. Aujourd’hui, nous avons appris encore par voie non officielle la condamnation à perpétuité de Nurtay Hajim et d’Abduweli Muqiyit. La Chine ne faisant aucune déclaration officielle sur ces questions, nous ne pouvons toujours pas confirmer cette information. Quant à Ablimit Halis Hajim, ses enfants à l’étranger n’ont aucune nouvelle de lui.</p>
<h2>D’une terreur à l’autre</h2>
<p>Ces trois hommes étaient les piliers de l’éducation nationale ouïghoure en dehors du cadre étatique, les bâtisseurs de la société civile, les pionniers du néo-djadidisme. Ils avaient donné l’exemple à de nombreux autres entrepreneurs et artistes ouïgours désireux de moderniser une société ouïghoure qui avait commencé à se construire sur une nouvelle base, à la fois fièrement traditionnelle et moderne. À la fin des années 1930 et au début des années 1940, le gouverneur chinois de la région ouïghoure, Sheng Shicai, avait mené une politique d’éradication de toute la classe intellectuelle et bourgeoise ouïghoure afin de rendre ce peuple éternellement esclave. </p>
<p>Cette période noire de « terreur blanche » est réapparue avec <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Chen-Quanguo-main-fer-Pekin-Xinjiang-2019-12-04-1301064451">Chen Quanguo</a>, sous les ordres de Xi Jinping, mettant à terre l’ensemble de la classe intellectuelle et bourgeoisie ouïghoure. L’arrestation et disparition de ces trois grands hommes de Ghulja est le symbole de la terreur d’État, rouge cette fois, de la Chine communiste.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/140456/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dilnur Reyhan est Présidente de l'Institut Ouïghour d'Europe, membre du laboratoire EASt à l'ULB.</span></em></p>La vague de répression chinoise actuellement en cours contre le peuple ouïghour est loin d’être la première. Retour sur une histoire douloureuse.Dilnur Reyhan, Chercheuse post-doctorante en études ouïghoures, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1395742020-06-07T18:29:38Z2020-06-07T18:29:38ZChine/Russie : tensions périphériques et centralité mongole<p>L’histoire de la Russie, de la Mongolie et de la Chine, trois États-continents de l’Eurasie soumis à la nature politique des Empires, fait ressortir bien des similitudes, au XX<sup>e</sup> siècle notamment : toute-puissance de la bureaucratie, surexploitation de la paysannerie, sédentarisation forcée avec souvent pour corollaires <a href="https://www.belin-editeur.com/la-route-de-la-kolyma">massacres, famines</a> et <a href="https://www.fayard.fr/documents-temoignages/chine-larchipel-oublie-9782213025810">déportations de masse</a>… Le communisme n’a pas été la seule expérience ayant permis à plusieurs générations d’adhérer, de gré ou de force, à des valeurs très largement partagées ; son interprétation divergente entre <a href="https://journals.openedition.org/perspectiveschinoises/8621">Moscou et Pékin s’est traduite par des conflits importants</a> dont on mesure aujourd’hui encore l’ampleur.</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/la-politique-internationale-de-la-chine--9782724618051.htm">Le partenariat stratégique signé entre Moscou et Pékin en 1996, puis le « Traité de bon voisinage et de coopération amicale » de 2001</a> n’y auront rien changé. Même si une volonté commune les anime de proposer une alternative au modèle des démocraties occidentales (rappelons que les deux sont membres permanents du Conseil de Sécurité et puissances nucléaires) – une volonté qui s’exprime à travers les postures et la rhétorique de leurs dirigeants, ou par le recours à des leviers institutionnels non occidentaux (OCS, BRICS…) –, la rivalité entre la Russie et la Chine existe. En Occident, la pandémie de Covid-19 a soudain <a href="https://www.lefigaro.fr/international/covid-19-la-menace-chinoise-eclipse-la-russe-20200508">éclipsé la menace russe</a> au profit de la Chine tout en étant le <a href="https://www.lefigaro.fr/international/coronavirus-la-frontiere-sino-russe-sous-tension-20200416">révélateur de tensions très réelles</a> opposant les opinions russe et chinoise. C’est dans les régions tampons et potentiellement frictionnelles telles que l’Asie centrale, la Sibérie ou la Mongolie que ces tensions pourraient être amenées à se manifester encore davantage.</p>
<h2>Chine-Russie : alliance stratégique ou opportunisme ?</h2>
<p>Depuis l’implosion de l’URSS (1991), la relation entre Pékin et Moscou s’est articulée autour de trois grands paramètres qui se sont confortés avec l’asymétrie croissante de puissance entre les deux au profit de la Chine : la <a href="https://jeunes-ihedn.org/wp-content/uploads/2018/06/SENGAGERPARLAPLUME_2_web.pdf">diplomatie énergétique</a> et des ressources naturelles ; l’armement et les équipements de défense ; enfin, le Grand Jeu ou les connivences pour diluer la puissance américaine et faire converger les politiques étrangères sur des grands dossiers internationaux (Tibet, Xinjiang, Taiwan, Tchétchénie, Kosovo parmi d’autres).</p>
<p>La <a href="https://www.institutmontaigne.org/blog/china-trends-3-politique-etrangere-ce-que-la-russie-apporte-la-chine">récurrence des visites diplomatiques</a> de Vladimir Poutine ou de Xi Jinping attestent de la force de cette relation. Chacun d’entre eux, après son arrivée au pouvoir ou le renouvellement de son mandat, organise sa première visite d’État dans l’autre pays. Xi Jinping devrait être présent à Moscou lors du défilé et des commémorations russes célébrant la victoire sur les puissances de l’Axe, reportés au 24 juin.</p>
<p>La Russie, immense et riche en ressources naturelles (bois, minerais, eau, hydrocarbures) a trouvé en la Chine un client important, tant ses besoins internes pour nourrir sa forte croissance sont gigantesques. Dans une perspective de sécurisation de ses approvisionnements, Pékin voit dans la Russie et les pays d’Asie centrale des partenaires privilégiés : collusion/corruption avec les cadres dirigeants, richesses du sol et du sous-sol, asymétrie des moyens en faveur de Pékin… Dès les années 1990, la Chine investira dans la diplomatie pétrolière en <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2019/12/04/le-gazoduc-force-de-siberie-la-force-de-la-cooperation-energetique-russo-chinoise/">tissant un réseau d’oléoducs et de gazoducs</a> dans ses périphéries du Xinjiang (à l’ouest) jusqu’au centre, et du Heilongjiang (au nord-est) jusqu’à Pékin (à terme jusqu’à Shanghai). Les hydrocarbures transitent ainsi par voie terrestre afin de réduire la très forte dépendance au goulet d’étranglement du détroit de Malacca par voie de mer.</p>
<p>Aussi, entre 1991 et le milieu des années 2000, plus de 80 % des importations d’armements vers Pékin proviennent de la Fédération de Russie. Ces ventes d’armes sont très importantes pour les deux parties. D’un côté, la Chine bénéficie d’armements et matériels russes (et post-soviétiques) modernes et divers, leviers essentiels du contournement de l’embargo occidental décrété suite au massacre de la place Tian’anmen en 1989. De l’autre, Moscou, y trouve un débouché propice et volumineux, ainsi qu’une possibilité de maintenir son appareil industriel de défense.</p>
<p>Durant ces années, <a href="https://www.scmp.com/news/china/military/article/2165182/what-weapons-china-buying-russia">tous les types d’armements modernes seront vendus, transférés et copiés depuis la Russie vers la Chine</a> : destroyers (Sovremenny), sous-marins Kilo, système de défense antiaérienne, missiles, Awacs, avion de transport, avion de combat/Sukhoï, bombardier stratégique, hélicoptères etc. Les ventes vont ralentir entre le milieu des années 2000 et début 2010, pour connaître une nouvelle hausse, y compris dans la <a href="https://info.arte.tv/fr/quand-la-siberie-sera-chinoise">vente d’hydrocarbures et autres ressources naturelles (en particulier le bois, le diamant etc)</a>.</p>
<p>Du fait du refroidissement des relations entre la Russie et l’Occident sur fond de crise ukrainienne et de sanctions, Moscou va accélérer son rapprochement avec Pékin. Initiés dans les années 2000, les exercices et manœuvres militaires (navales ou terrestres) sont plus réguliers et importants. Le dernier en date a été organisé en 2018 en Sibérie orientale. Il s’agit de <a href="https://thediplomat.com/2018/09/vostok-2018-russia-and-chinas-diverging-common-interests/"><em>l’exercice militaire russe Vostock</em></a>, auquel la Chine a participé (pour la première fois). Il a rassemblé 3 200 soldats chinois et plusieurs centaines de chars et véhicules.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/339247/original/file-20200602-85844-wnjck3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/339247/original/file-20200602-85844-wnjck3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/339247/original/file-20200602-85844-wnjck3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/339247/original/file-20200602-85844-wnjck3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/339247/original/file-20200602-85844-wnjck3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/339247/original/file-20200602-85844-wnjck3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/339247/original/file-20200602-85844-wnjck3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les troupes chinoises défilent lors des exercices militaires de Vostok-2018 sur le terrain d’entraînement de Tsugol, en Sibérie, le 13 septembre 2018.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mladen Antonov/AFP</span></span>
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<p>La relation Moscou-Pékin, deux poids lourds du système international, stimule chez certains analystes l’idée d’un <a href="https://carnegie.ru/2019/11/19/how-cozy-is-russia-and-china-s-military-relationship-pub-80363">supposé axe stratégique complémentaire</a> en opposition aux démocraties libérales de l’Occident. Si la convergence politique et diplomatique sur les questions internationales importantes (séparatisme, révolutions de couleur, « printemps arabes », dossier nord-coréen, politique de sanctions, ingérences occidentales, rôle de l’ONU, la Syrie ou la Libye, etc.) se poursuit, il n’en demeure pas moins que l’asymétrie de puissance montre que Pékin a moins besoin de Moscou que réciproquement. Une méfiance mutuelle demeure. Le développement rapide et tous azimuts de la Chine, ainsi que son poids démographique, nourrissent un ressentiment antichinois, en particulier en Sibérie orientale ou en Asie centrale.</p>
<h2>Asie centrale et Sibérie : des antipodes sous tensions</h2>
<p>Le danger sécuritaire auquel la Chine et la Russie doivent faire face dans le domaine de la lutte contre le terrorisme islamiste est une composante essentielle de leur coopération. Ce défi est consubstantiel à leurs enjeux de politique intérieure et extérieure. Rappelons qu’au même titre que la <a href="https://www.trt.net.tr/francais/afrique-asie/2019/03/05/russie-30-de-la-population-sera-musulmane-d-ici-15-ans-president-du-conseil-des-muftis-1157374">Russie</a>, la <a href="https://plus.lesoir.be/234056/article/2019-07-01/la-chine-et-ses-musulmans-une-relation-compliquee">Chine est une puissance musulmane</a>. Le succès des projets UEE (Union économique eurasiatique) et BRI (<em>Belt and Road Initiative</em>) dépend non seulement de la solvabilité des pays créanciers, mais aussi de la sécurisation de régions musulmanes en proie à une forte instabilité.</p>
<p>Si l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) permet une certaine coopération entre ses membres en matière de contre-terrorisme avec <a href="https://theconversation.com/asie-du-sud-est-et-asie-centrale-deux-laboratoires-strategiques-de-lexpansion-chinoise-137295">son centre basé à Tachkent</a>, capitale de l’Ouzbékistan, l’effondrement de Daech et ses conséquences – le retour de plusieurs centaines de combattants djihadistes daghestanais et ouïghours respectivement au Caucase et au Xinjiang – laissent présager l’essor de nouveaux foyers de crise, auxquels la Russie, mais aussi la Chine seront directement confrontées. Pour autant, cette unité stratégique qui semble lier Moscou à Pékin n’est-elle pas une façade ?</p>
<p>Dans les faits, le désenclavement de l’Asie centrale opéré par Pékin à travers la mise en œuvre d’une <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/cartes/asietubes">diplomatie des tubes</a> très active à l’égard du Turkménistan notamment vient briser le monopole d’influence russe dans la région. À cette réalité s’en ajoute une autre. C’est celle du poids démographique de la Chine et de ses diasporas en Extrême-Orient russe. La <a href="https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=1118">sinisation de cette vaste région</a> sous-peuplée et le risque à long terme d’une annexion par la Chine de ces territoires longtemps délaissés par Moscou, sont des craintes profondément ancrées dans l’imaginaire politique russe. Même si les contentieux frontaliers entre les deux États ont trouvé une solution diplomatique, Russes et Chinois se souviennent de cette sortie de Mao Zedong, en 1964, devant des sympathisants communistes japonais : « Il y a une centaine d’années, la région à l’est du Baïkal est devenue territoire de la Russie et depuis, Vladivostok, Khabarovsk, le Kamtchatka et d’autres lieux sont des territoires de l’URSS. <a href="https://www.actes-sud.fr/node/14597">Nous n’avons pas présenté la note sur ce chapitre</a>. »</p>
<p>La Chine serait-elle en train de la présenter aujourd’hui ? Dans les faits, la RPC « mord » sur la Russie : 150 000 hectares (soit la superficie de Hongkong ou celle de la Martinique) lui ont été alloués pour 4 euros l’hectare sur une durée de 49 ans. La Chine ne manque pas de moyens pour assurer son expansion. Vladivostok accueille une diaspora chinoise importante et de nombreux cortèges de touristes chinois. Surtout, c’est de part et d’autre du fleuve Amour que le développement démographique et économique chinois est le plus manifeste, symbolisant le vide russe et le « trop-plein » chinois. Les contrastes de densité de peuplement des deux côtés de la frontière sont aujourd’hui encore approfondis par une présence économique chinoise majeure. Une politique largement soutenue par les banques et les établissements chinois (centraux et provinciaux) à travers des accords de <a href="https://economictimes.indiatimes.com/news/international/business/china-allows-usage-of-ruble-in-sino-russian-border-city/articleshow/48412754.cms?intenttarget=no">transactions financières en roubles</a>, des prêts bancaires aux particuliers et entreprises russes, voire l’accord de <a href="http://reseauinternational.net/investissements-et-finances-sino-russes-mieux-que-jamais/">swap entre les banques centrales</a>. À titre d’exemple, la <a href="https://www.france24.com/en/20190327-russia-rules-china-backed-baikal-bottling-plant-illegal">société chinoise <em>Baïkal Lake</em></a> basée à Daqing (ville du nord-est proche de la frontière russe) souhaitait développer en 2019, via une usine située à Irkoutsk, une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=AlUJwbL7SM8">production d’eau en bouteilles prélevée illégalement dans le lac Baïkal</a>. Les autorités russes, galvanisées par une pétition rassemblant plusieurs millions de signatures lui ont interdit l’accès du lac. Plus fondamentalement encore, c’est la Mongolie qui continue à faire l’objet de convoitises entre les deux puissances.</p>
<h2>Mongolie : le ventre mou des Empires</h2>
<p>Le territoire de la Mongolie est immense. C’est un pays montagneux et couvert de steppes dont l’aridité croît dans ses régions méridionales que traverse le désert de Gobi. Près de 28 % des 3 millions d’habitants sont nomades ou semi-nomades. La religion principale est l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Gelugpa">école des bonnets jaunes</a>, issue du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bouddhisme_vajray%C4%81na">bouddhisme vajrayāna</a>, courant spirituel tibétain dont la Mongolie se sent encore très proche ainsi que de <a href="https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2006/08/24/la-visite-du-dalai-lama-en-mongolie-provoque-l-ire-de-la-chine_805973_3216.html">son chef spirituel, le Dalaï-Lama</a>. Plus de la moitié des habitants vit à Oulan-Bator, la capitale. Le pays affiche la plus faible <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_pays_par_densit%C3%A9_de_population">densité de population</a> au monde avec 2 hab./km<sup>2</sup>. Le contraste est donc immense avec son voisin chinois.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/339250/original/file-20200602-133910-1ts1zpi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/339250/original/file-20200602-133910-1ts1zpi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/339250/original/file-20200602-133910-1ts1zpi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/339250/original/file-20200602-133910-1ts1zpi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/339250/original/file-20200602-133910-1ts1zpi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/339250/original/file-20200602-133910-1ts1zpi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/339250/original/file-20200602-133910-1ts1zpi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Statue équestre de Gengis Khan, près d’Oulan-Bator, Mongolie.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/mongolia-ulaanbaatar-august-08-2018-equestrian-1309679032">Galina Maykova/Shutterstock</a></span>
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<p>La Mongolie n’en fut pas moins le centre de l’un des plus vastes Empires qu’ait connu le monde, celui des gengiskhanides. Que ce soit à travers la littérature populaire la plus récente – on pense au roman de <a href="https://journals.openedition.org/perspectiveschinoises/5236">Jiang Rong, <em>Le Totem du loup</em></a>, véritable best-seller publié en 2004 en Chine – ou par la production cinématographique d’un <a href="https://www.senscritique.com/film/Urga/475905">Nikita Mikhalkov avec son film <em>Urga</em></a> (1991), la Mongolie, dans l’imaginaire de ses voisins tant russes que chinois, reste synonyme de liberté, d’insoumission et… de terreur. Se comprend d’autant mieux que Pékin et Moscou aient arraché à la Mongolie (respectivement sous la dynastie Qing – 1644-1911 – et la Russie tsariste) deux régions qu’ils administrent désormais, respectivement la Mongolie intérieure (capitale Hohhot) et la Bouriatie (capitale Irkoutsk).</p>
<p>Alors que la Russie maintient une importante présence diplomatique dans la région, les investissements chinois (minerais, infrastructures, médias) en Mongolie et sa présence diplomatique se sont accentués ces deux dernières décennies. À Oulan-Bator, l’avenue de Pékin, l’un des axes routiers les plus importants de la ville, a été financée par la Chine. C’est là que se trouve son immense ambassade dont l’ampleur rivalise avec celle de la Russie.</p>
<p>Moins qu’un axe stratégique complémentaire, la relation entre Moscou et Pékin est, à l’image de leur géographie et de leur histoire, teintée de rivalités et de méfiances réciproques, instrumentalisant le temps court et long à des fins géopolitiques. Plus que jamais semble se vérifier l’adage : « Ils ne sont pas amis. Ils n’ont que des intérêts. »</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/139574/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron est délégué général du Fonds de dotation Brousse dell'Aquila (FDBDA).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Lincot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le Grand Jeu auquel se livrent Moscou et Pékin se déploie sur de nombreux terrains, notamment en Mongolie, pays immense, très peu peuplé et largement dépendant de ses deux grands voisins.Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur - Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Emmanuel Lincot, Spécialiste de l'histoire politique et culturelle de la Chine contemporaine, Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1039412018-10-01T18:37:32Z2018-10-01T18:37:32ZLe pari risqué de la « dé-extrémisation » chinoise au Xinjiang<p>Depuis début 2017, des centaines de milliers de citoyens chinois de religion musulmane sont détenus (<a href="https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2018/08/31/la-chine-detiendrait-un-million-d-ouigours-dans-des-camps-d-internement_5348573_3216.html?">1 million selon les Nations unies</a>), de manière extralégale, dans des « centres de transformation par l’éducation » (教育转化), plus communément appelés « camps de rééducation ».</p>
<p>Derrière les hauts murs coiffés de barbelés, ils sont contraints d’apprendre le socialisme, la pensée du président Xi Jinping, les chants patriotiques et les dangers de la religion. Après plusieurs mois de détention dans des conditions très difficiles, les éléments les mieux disciplinés sont libérés. Ces camps sont situés dans la région du Xinjiang, au nord-ouest de la Chine, principalement peuplée par les Ouïghours qui représentent moins de 50 % des 21 millions d’habitants, ainsi que par d’autres minorités ethniques numériquement très faibles, notamment des Kazakhs, Hui, Kirghiz et Mongols.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/238644/original/file-20181001-195266-1px5umx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/238644/original/file-20181001-195266-1px5umx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/238644/original/file-20181001-195266-1px5umx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=470&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/238644/original/file-20181001-195266-1px5umx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=470&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/238644/original/file-20181001-195266-1px5umx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=470&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/238644/original/file-20181001-195266-1px5umx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=591&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/238644/original/file-20181001-195266-1px5umx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=591&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/238644/original/file-20181001-195266-1px5umx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=591&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte du Xinjiang,2013.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/95/Xinjiang_map.png">PANONIAN/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Cette campagne s’inscrit dans une politique plus large, initiée dès 2001 au sein de l’<a href="http://eng.sectsco.org/load/202907/">Organisation de coopération de Shanghai</a> (OCS) de lutte contre les <a href="https://www.ecfr.eu/page/-/ECFR_195_-_CHINA_AND_RUSSIA_GAMING_THE_WEST_(002).pdf">« trois forces »</a> : l’extrémisme, le séparatisme et le terrorisme. Celle-ci se traduit par un système de surveillance et de « dé-extrémisation » (去极端化) généralisé. Or, il semblerait au contraire que cette stratégie pourrait aboutir à l’aliénation définitive de la population ouïghoure et d’autres minorités musulmanes et aggraver considérablement le radicalisme violent tant en Chine qu’à l’étranger.</p>
<h2>Rejet des faits</h2>
<p>Le 13 août, après avoir longtemps ignoré les rapports de chercheurs et de journalistes internationaux sur le sujet – on pense aux travaux de chercheurs tels que <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/02634937.2018.1507997?scroll=top&needAccess=true">Adrian Zenz</a>, <a href="https://www.nytimes.com/2018/05/15/opinion/china-re-education-camps.html">Rian Thum</a>, <a href="http://www.chinafile.com/reporting-opinion/features/central-and-regional-leadership-xinjiang-policy-xis-second-term">Jessica Batke</a> et <a href="https://medium.com/@shawnwzhang">Shawn Zhang</a> –, la Chine a finalement été contrainte de s’exprimer sur la question, réfutant en bloc l’ensemble de ces informations.</p>
<p>Hu Lianhe, un membre de la délégation chinoise entendue par le Comité sur l’élimination de la discrimination raciale (CEDR) de l’ONU, <a href="http://webtv.un.org/en/ga/watch/consideration-of-china-contd-2655th-meeting-96th-session-committee-on-elimination-of-racial-discrimination/5821422267001/?term=&lan=english">a ainsi déclaré</a> qu’il « n’y [avait] pas de détention arbitraire » ni de <a href="http://webtv.un.org/en/ga/watch/consideration-of-china-contd-2655th-meeting-96th-session-committee-on-elimination-of-racial-discrimination/5821422267001/?term=&lan=english">« quelconques centres de rééducation »</a> au Xinjiang.</p>
<p>La porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Hua Chunying, a quant à elle <a href="https://www.fmprc.gov.cn/mfa_eng/xwfw_665399/s2510_665401/t1590266.shtml">soutenu</a> que les rapports sur les camps de détention au Xinjiang « [étaient] basés sur des « informations » non vérifiées et irresponsables qui n’ont aucune base factuelle ». Pourtant, les nombreux témoignages, documents officiels, photographies et images satellites démontrent une toute autre réalité.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/238654/original/file-20181001-195266-108ogrx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/238654/original/file-20181001-195266-108ogrx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/238654/original/file-20181001-195266-108ogrx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/238654/original/file-20181001-195266-108ogrx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/238654/original/file-20181001-195266-108ogrx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/238654/original/file-20181001-195266-108ogrx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/238654/original/file-20181001-195266-108ogrx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Capture d’écran réalisée le 1ᵉʳ octobre 2018, district de Dabancheng, où se trouverait l’un des plus importants camps de « rééducation », selon Shawn Zhang.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Google Earth</span></span>
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</figure>
<p>Il convient alors de s’interroger sur les effets de long terme qu’auront l’appareil sécuritaire et la campagne de rééducation au Xinjiang, sur la stabilité de la Chine et sur ses intérêts à l’étranger.</p>
<h2>Un appareil de sécurité sans commune mesure</h2>
<p>En 2013 et 2014, la Chine a connu une forte recrudescence des attentats <a href="https://thediplomat.com/2015/05/beyond-doubt-the-changing-face-of-terrorism-in-china/">terroristes</a>, causant la mort de centaines de personnes à travers le pays. Parallèlement, plusieurs milliers de combattants ouïghours venus d’Asie centrale et de Chine <a href="https://theconversation.com/ou-ghours-des-oasis-du-xinjiang-aux-champs-de-guerre-dafghanistan-et-de-syrie-98889">luttent en Syrie depuis 2013</a>, accumulant entraînement et expérience pour combattre leur ultime ennemi qu’est le pouvoir chinois au Xinjiang.</p>
<p>La <a href="https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2015/12/29/la-chine-se-dote-d-une-loi-antiterroriste_4839004_3216.html">campagne antiterroriste menée par la Chine depuis 2015</a>, en réponse à la vague d’attentats, s’est alors révélée efficace puisque presque aucune attaque n’a eu lieu sur le territoire depuis.</p>
<p>Cette diminution est due à l’omniprésence de l’appareil de sécurité déployé au Xinjiang. La surveillance y est plus étroite qu’elle ne l’a jamais été auparavant en Chine ou ailleurs dans le monde. Pékin a en effet mis en œuvre un appareil sécuritaire total alliant surveillance humaine (police, assistants de police, police armée, armée) et surveillance technologique en recourant à <a href="https://www.lesechos.fr/06/06/2018/lesechos.fr/0301697836612_en-chine--1-4-milliard-de-suspects-sous-surveillance.htm">des dispositifs inédits</a> déployés à l’échelle de la région : surveillance d’Internet, reconnaissance faciale et vocale, caméras de vidéosurveillance intégrées, fichiers ADN, patrouilles de drones, etc.</p>
<p>Par ailleurs, les médias chinois, qui n’évoquent jamais les camps, présentent l’extrémisme religieux comme une maladie dont la campagne de « transformation par l’éducation » vise à <a href="http://www.lkgw315.com/lists_8/1102265.htm">« soigner gratuitement les personnes malades idéologiquement »</a>, <a href="http://www.lkgw315.com/lists_8/1102265.htm">« infectées par l’extrémisme religieux et l’idéologie de la terreur violente »</a>.</p>
<h2>Trois conséquences néfastes pour Pékin</h2>
<p>En dépit de l’objectif légitime, affiché par Pékin, d’assurer <a href="http://www.globaltimes.cn/content/1115206.shtml">« la paix et la stabilité »</a> au Xinjiang, la démesure de l’appareil sécuritaire et de la campagne de rééducation, pourrait conduire à des résultats inverses que ceux escomptés.</p>
<p>Premièrement, le radicalisme et le séparatisme peuvent se développer, silencieusement, et de manière plus durable et dramatique. Compte tenu de la rigueur de l’appareil sécuritaire actuel, la violence terroriste semble très improbable car toute tentative serait immédiatement réprimée.</p>
<p>Cependant, le radicalisme violent ne peut que se renforcer dans les cœurs et les esprits de populations qui ressentent une profonde injustice sociale, en l’occurrence en se voyant persécutés pour leur appartenance culturelle et leurs croyances religieuses. Les exemples historiques d’insurrections et de recours à la violence abondent, de la Révolution française, aux printemps arabes, de la guerre d’Algérie à la Palestine.</p>
<p>Deuxièmement, la politique chinoise vis-à-vis des Ouïghours incite déjà la diaspora, les ONG et les militants des droits de l’homme à faire pression sur les gouvernements et sur l’ONU pour que ces derniers confrontent la Chine sur cette question.</p>
<p>Plutôt que d’accuser les médias américains et <a href="http://www.globaltimes.cn/content/1115022.shtml">occidentaux</a> de diffuser volontairement de fausses informations pour nuire à la Chine, Pékin devrait fournir plus d’informations et se montrer plus transparent sur la situation au Xinjiang.</p>
<p>Or, au lieu de fournir des preuves tangibles, Hu Lianhe a <a href="http://webtv.un.org/en/ga/watch/consideration-of-china-contd-2655th-meeting-96th-session-committee-on-elimination-of-racial-discrimination/5821422267001/?term=&lan=english">déclaré</a> devant le CEDR que « la Région autonome ouïghoure du Xinjiang respecte et garantit toujours les droits humains des personnes de tous groupes ethniques ». De fait, il alimente un certain discrédit de la voix de la Chine sur la scène internationale.</p>
<p>Enfin, des séparatistes ouïghours sont présents hors de Chine, en particulier le Parti islamique du Turkestan (PIT) qui opère en Afghanistan, au Pakistan et en Syrie. Ceux-ci sont proches d’al Qaida et des talibans <a href="https://books.google.fr/books?id=eJJLDwAAQBAJ&pg=PT10&lpg=PT10&dq=Le+d%C3%A9fi+terroriste+:+d%C3%A9terminant+de+la+politique+r%C3%A9gionale+de+la+Chine+%C2%BB&source=bl&ots=JyHabtriDB&sig=S-ceh2PoQWPdbQF5EP9AMUhAmUE&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwiKmcXm-uTdAhWDmLQKHRXbACAQ6AEwAHoECAkQAQ#v=onepage&q=Le%20d%C3%A9fi%20terroriste%20%3A%20d%C3%A9terminant%20de%20la%20politique%20r%C3%A9gionale%20de%20la%20Chine%20%C2%BB&f=false">depuis les années 1990</a> et combattent dans l’espoir d’instaurer un état islamique en lieu et place du Xinjiang.</p>
<p>Le PIT et d’autres organisations telles que l’État islamique, qui tente de s’implanter en Afghanistan et en Asie centrale, ont tout à gagner du ressentiment des populations ouïghoures et kazakhes contre la Chine, notamment pour recruter des combattants.</p>
<p>Pékin étant engagé dans un grand nombre de projets d’infrastructures hors de ses frontières dans le cadre des <a href="https://theconversation.com/la-nouvelle-route-de-la-soie-une-strategie-dinfluence-mondiale-de-la-chine-75084">nouvelles routes de la soie</a>, tout particulièrement en Asie centrale et au Pakistan, ces projets pourraient constituer des cibles de choix pour des organisations terroristes ou séparatistes qui voudraient venger leurs coreligionnaires opprimés. L’attentat du temple d’Erawan à Bangkok en <a href="https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2015/08/18/bangkok-se-reveille-sous-les-decombres_4728548_3216.html?">août 2015</a>, celui de l’ambassade de Chine au Kirghizstan en <a href="https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2016/08/30/au-kirghizistan-l-ambassade-de-chine-cible-d-un-attentat-suicide_4989740_3216.html">août 2016</a>, ou encore l’assassinat de deux ressortissants chinois au Pakistan <a href="https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2017/06/09/l-ei-revendique-les-assassinats-de-deux-chinois-au-pakistan_5141435_3216.html">revendiqué par l’État islamique en juin 2017</a>, ont déjà donné consistance à ce type de menace.</p>
<p>Ainsi, il est difficile de voir quels sont les gains que Pékin pourrait tirer de sa politique de « dé-extrémisation » au Xinjiang. Il existe au contraire un risque important que cette politique exacerbe le ressentiment interethnique, ainsi que le séparatisme et l’extrémisme à l’intérieur du pays, qu’elle nuise à l’image internationale de la Chine, et qu’elle fasse des Chinois la cible d’organisations terroristes à l’étranger. En somme, le remède pourrait s’avérer pire que le mal.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/103941/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Julienne est allocataire d'une bourse doctorale gouvernementale. Il est chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique.</span></em></p>La stratégie de « déradicalisation » de Pékin pourrait aboutir à l’aliénation définitive des populations chinoises musulmane et aggraver le radicalisme violent tant en Chine qu’à l’étranger.Marc Julienne, Doctorant à l'INALCO, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/988892018-07-05T02:23:37Z2018-07-05T02:23:37ZOuïghours : des oasis du Xinjiang aux champs de guerre d’Afghanistan et de Syrie<p>Situé au nord-ouest de la Chine et grand comme trois fois la France, le Xinjiang compte une vingtaine de millions d’habitants. Il regorge de ressources énergétiques et occupe une position stratégique dans l’initiative chinoise des nouvelles routes de la soie.</p>
<p>En dépit de liens anciens avec l’Empire du milieu, la région, peuplée majoritairement de turks musulmans, les Ouïghours, <a href="https://cup.columbia.edu/book/eurasian-crossroads/9780231139243">n’a été conquise définitivement qu’au milieu du XVIIIᵉ siècle</a>. Elle a été le <a href="http://www.ceri-sciencespo.com/publica/etude/etude110.pdf">théâtre de soulèvements au nom de l’islam</a> voire de brefs épisodes d’indépendance conduits au XX<sup>e</sup> siècle au nom d’un nationalisme turcophone anticolonial.</p>
<p>L’arrivée de l’<a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/armee-rouge-chine/">Armée populaire de libération</a> au tournant des années 1950 a changé la donne. Via la mise en place d’un contrôle social et politique très étroit et via la promotion d’une colonisation démographique massive, l’État communiste a fermement arrimé cet espace au reste du territoire chinois.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/225341/original/file-20180628-117430-1ficq24.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/225341/original/file-20180628-117430-1ficq24.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/225341/original/file-20180628-117430-1ficq24.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=490&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/225341/original/file-20180628-117430-1ficq24.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=490&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/225341/original/file-20180628-117430-1ficq24.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=490&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/225341/original/file-20180628-117430-1ficq24.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=615&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/225341/original/file-20180628-117430-1ficq24.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=615&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/225341/original/file-20180628-117430-1ficq24.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=615&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte administrative de la Chine en français, 2017, au nord-ouest le Xinjiang.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:RP_Chine_administrative2.jpg?uselang=fr">Ismoon/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<h2>La régénération de l’anticolonialisme ouïghour</h2>
<p>Avec l’arrivée au pouvoir des réformateurs, le contrôle étatique s’est brièvement desserré dans les années 1980. Alors qu’une scène militante nationaliste prodémocratique tentait de mobiliser les <a href="http://www.ceri-sciencespo.com/publica/etude/etude110.pdf">campus et les cercles intellectuels</a>, se structuraient dans les <em>madrasas</em> du sud (écoles coraniques) des cercles islamo-nationalistes politiquement plus marginaux et au départ focalisés sur la découverte d’un islam épuré. S’inscrivant dans des univers idéologiques différents, ces deux scènes se nourrissent alors des mêmes frustrations.</p>
<p>Elles dénoncent la relégation socio-économique des Ouïghours face aux Chinois ethniques (les Hans) ainsi qu’une colonisation démographique massive. En un demi-siècle, les Hans passent en effet de 7 % à 40 % de la population régionale alors que les Ouïghours qui composaient les trois quarts de la population <a href="https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2006-3-page-257.htm">ne finissent par représenter plus que 45 % de cette dernière</a>. Elles dénoncent une autonomie régionale rendue factice par le contrôle étroit du PCC régional.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/225340/original/file-20180628-117385-1ht1irz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/225340/original/file-20180628-117385-1ht1irz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/225340/original/file-20180628-117385-1ht1irz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/225340/original/file-20180628-117385-1ht1irz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/225340/original/file-20180628-117385-1ht1irz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/225340/original/file-20180628-117385-1ht1irz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/225340/original/file-20180628-117385-1ht1irz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/225340/original/file-20180628-117385-1ht1irz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le désert de Lop Nur, Xinjiang, Chine, image satellite de l’ancienne mer de Lop Nur où ont été fait les essais nucléaires.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/98/Helix_of_Lop_Nur_90.55E%2C_40.10N.jpg">NASA/Wikimedia</a></span>
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<p>Elles s’insurgent aussi contre les <a href="https://www.independent.co.uk/news/chinas-secret-nuclear-tests-leave-legacy-of-cancer-and-deformity-1176260.html">essais nucléaires conduits sur le site du Lop Nor jusqu’en 1996</a>, et à partir des années 1990 contre les restrictions des libertés culturelle et religieuse et la répression.</p>
<h2>Le tournant des années 1990 et le basculement vers la violence</h2>
<p>Les années 1990 constituent un tournant dans l’histoire des rapports entre l’État central et ses minorités. Ce dernier se lance dans une modernisation à marche forcée s’appuyant sur d’importants investissements destinés à développer, notamment, les régions occidentales. Ainsi, l’État central finance au Xinjiang près de la moitié du budget provincial afin d’accélérer le développement.</p>
<p>Ce modèle va de pair avec une sinisation à marche forcée des minorités, comme le relate le <a href="https://www.hrw.org/news/2018/05/13/china-visiting-officials-occupy-homes-muslim-region">récent rapport d’Human Rights Watch</a> afin de les intégrer dans la nation chinoise. Les Ouïghours ont ainsi connu une avalanche de mesures mal vécues telles la sinisation du système scolaire, des restrictions liées du port du voile ou tout simplement l’interdiction de pratiquer l’islam pour les fonctionnaires ou les étudiants sous peine de sanctions.</p>
<p>Ce modèle qui s’appuie aussi sur une surveillance et une répression à tout va a fini par imposer une chape de plomb sur ces sociétés.</p>
<p>Dans ce contexte, ces deux mouvances vont connaître des destins politiques radicalement différents.</p>
<h2>Une scène militante nationaliste essentiellement active dans la diaspora</h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/225542/original/file-20180629-117436-1vemw55.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/225542/original/file-20180629-117436-1vemw55.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/225542/original/file-20180629-117436-1vemw55.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/225542/original/file-20180629-117436-1vemw55.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/225542/original/file-20180629-117436-1vemw55.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1130&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/225542/original/file-20180629-117436-1vemw55.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1130&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/225542/original/file-20180629-117436-1vemw55.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1130&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Rebiya Kadir ici en 2012. Née en 1947, cette femme d’affaires ouïghoure incarcérée par les autorités chinoises et libérée suite à l’intervention des États-Unis a dirigé suite à son exil le Congrès mondial ouïghour avant de se retirer au profit Dolkun Isa en 2017.</span>
<span class="attribution"><span class="source">United Nations at Geneva. U.S. Mission Photo by Eric Bridiers</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<p>Les militants nationalistes laïcs les plus actifs sont arrêtés ou se réfugient dans les diasporas. À l’étranger, les leaders tels que Rebiya Kadir ou Dolkun Isa s’alignent peu à peu sur les standards politiques occidentaux.</p>
<p>Ils calquent leurs modes d’action politique sur le lobbying non violent de la diaspora tibétaine <a href="https://www.cairn.info/article_p.php?ID_ARTICLE=RI_145_0087">afin de capter le soutien des opinions et des gouvernements étrangers</a>.</p>
<p>Cette stratégie donne naissance en 2004 à la fédération des associations nationalistes de la diaspora au sein du Congrès mondial ouïghour longtemps incarné par sa présidente réfugiée aux États-Unis, Rebiya Kadir.</p>
<h2>Une scène islamiste dont les marges se sont radicalisées</h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/225543/original/file-20180629-117430-ohohje.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/225543/original/file-20180629-117430-ohohje.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=744&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/225543/original/file-20180629-117430-ohohje.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=744&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/225543/original/file-20180629-117430-ohohje.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=744&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/225543/original/file-20180629-117430-ohohje.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=935&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/225543/original/file-20180629-117430-ohohje.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=935&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/225543/original/file-20180629-117430-ohohje.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=935&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dolkun Isa, 50 ans, leader en exil de la scène étudiante ouïghoure des années 1980, est depuis 2017, le nouveau président du Congrès mondial ouïghour.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Dolkun_Isa#/media/File:Dolkun_Isa_DUQ.jpg">Tarim116/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<p>Le courant islamo-nationaliste était quant à lui plus marginal sur la scène militante.</p>
<p>Au tournant des années 1990, les autorités ferment la plupart des écoles coraniques et verrouillent la sphère religieuse. L’absence d’espace d’expression politique et religieuse pousse certains militants à basculer vers une action armée structurée par ces cellules souterraines. Le premier et le plus large de ces réseaux est le Parti islamique du Turkestan oriental (PITO).</p>
<p>Ayant émergé autour des madrasas du sud du Xinjiang à la toute fin des années 1980, il a vite essaimé à la fermeture de ces derniers. Mené par de jeunes étudiants sans expérience du combat politique, ce réseau souterrain se structure sans moyen ni connexion extérieure en vue de préparer le soulèvement de la région dans la foulée de la victoire des moudjahidines afghans contre les Soviétiques. Démasqué, il lance dans la précipitation en avril 1990 à Barin, près de Kachgar, un djihad rapidement écrasé par les forces chinoises.</p>
<p>Suite à cet échec, certains militants basculent alors vers l’action terroriste. Ils constituent des cellules visant à attirer l’attention de la communauté internationale et à « palestiniser » le Xinjiang pour tenter de déstabiliser la souveraineté chinoise.</p>
<h2>La connexion avec le djihadisme international</h2>
<p>La seconde moitié des années 1990 constitue un nouveau tournant dans l’histoire des réseaux islamo-nationalistes. Contrairement aux cercles nationalistes largement majoritaires de la diaspora, ces réseaux restent confidentiels, isolés et particulièrement exposés à l’appareil de sécurité chinois, ce qui conduit à des vagues de démantèlement répétés.</p>
<p>C’est à cette époque qu’un étudiant en religion, Hasan Makhsum, décide de régénérer le mouvement à l’étranger en 1997-1998, avec une poignée d’anciens du PITO, rencontrés dans les madrasas de Karghilik dans les années 1980.</p>
<p>Ce jeune homme au départ versé dans la prédication bascule aux côtés de ces réseaux dans l’action violente au tournant des années 1990. Arrêté plusieurs fois par les forces de sécurité chinoises, <a href="http://centralasiaprogram.org/wp-content/uploads/2016/04/CAP-Papers-159-April-2016-Security-Workshop.pdf">il est incarcéré quelques années</a> avant de s’exiler avec quelques camarades de lutte pour reconstituer des réseaux d’action armée sanctuarisés à l’étranger.</p>
<p>Essuyant une fin de non-recevoir des organisations nationalistes de la diaspora les jugeant trop fondamentalistes, ils profitent alors des reconfigurations politiques dans les marges pakistano-afghanes. Ils bénéficient de la protection du nouveau pouvoir taliban, installent des bases logistiques sur place afin d’y entraîner des militants qui pour certains seront renvoyés pour structurer sans grand succès des cellules terroristes au Xinjiang. À partir de 2001, le groupuscule – qui sera ensuite connu sous le nom de East Turkestan Islamic Movement est affaibli par l’intervention des forces de la coalition internationale en Afghanistan et part aux côtés d’autres réseaux djihadistes se réfugier dans les zones tribales pakistanaises.</p>
<h2>L’intégration dans la nébuleuse Al-Qaïda</h2>
<p>L’élimination d’<a href="http://news.bbc.co.uk/2/hi/asia-pacific/3343241.stm">Hasan Makhsum en 2003</a> lors d’une opération de l’armée pakistaine désorganise le réseau mais il se régénère <a href="http://centralasiaprogram.org/wp-content/uploads/2016/04/CAP-Papers-159-April-2016-Security-Workshop.pdf">à la veille des Jeux olympiques de 2008 sous le nom de Parti islamique du Turkestan (PIT)</a>.</p>
<p>Dirigé dès lors par Abdulhaq, le PIT est désormais encadré par une poignée de militants pleinement intégrée dans la nébuleuse jihadiste internationale implantée au Waziristan, région tribale à la frontière du Pakistan et de l’Afghanistan. Après une accalmie, le <a href="https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2014/05/20/attentats-ouigours-la-chine-confrontee-au-terrorisme-de-masse_4422114_3216.html">Xinjiang connaît suite aux émeutes de 2009</a>, une recrudescence des tensions interethniques et actes de violence. Ceux-ci sont alors souvent attribués par les autorités chinoises au PIT mais la réalité est plus complexe. Une poignée d’entre eux a été probablement téléguidée ou inspirée par ce dernier.</p>
<p>Pour autant, fréquemment, le PIT se contente souvent de se féliciter des attentats ou attaques contre les représentants de l’État sans revendiquer une filiation directe. Derrière ces actes de violence se cachent fréquemment des actions plus ou moins préparées par des groupes de jeunes sans contact direct avec ce dernier mais radicalisés par leur ressentiment vis-à-vis de l’État chinois.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/226152/original/file-20180704-73300-1pc1a2k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C28%2C1192%2C689&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/226152/original/file-20180704-73300-1pc1a2k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/226152/original/file-20180704-73300-1pc1a2k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/226152/original/file-20180704-73300-1pc1a2k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/226152/original/file-20180704-73300-1pc1a2k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/226152/original/file-20180704-73300-1pc1a2k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/226152/original/file-20180704-73300-1pc1a2k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une après midi à Kashgar. Les modes de vie quotidien et la société uïghurs ont été profondément affectés par la sinisation, poussant certains vers la radicalisation.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/carsten_tb/26308837348/">Carsten ten Brink</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Certains se lancent, arme blanche au poing, <a href="https://www.thedailybeast.com/chinas-uighur-terror-attack">dans des actions de représailles</a> contre la police, des Hans ou des « collaborateurs ouïghours », alors que d’autres s’inspirent des <em>modus operandi</em> diffusés sur les sites djihadistes et notamment ceux du PIT pour préparer des attentats sans grands moyens logistiques.</p>
<p>Très actif sur le net, dénonçant le modèle démocratique et les valeurs trop occidentalisées des militants nationalistes, le PIT même s’il tente de positionner comme le seul canal d’opposition violente à Pékin reste très peu lisible dans une société ouïghoure peu encline à défendre l’établissement d’un État islamique.</p>
<h2>L’impact du conflit syrien</h2>
<p>Au milieu des années 2010, l’organisation s’est redéployée en partie à cause des attaques de drones américaines et des opérations militaires pakistanaises. Le mouvement apparaît désormais fréquemment dans des vidéos sur le théâtre afghan où il mène des opérations aux côtés des talibans. Cependant, c’est surtout le conflit syrien qui lui a permis de prendre une ampleur que peu auraient pu imaginer. À partir de 2013 et surtout de 2015, ce conflit lui a en effet permis de bénéficier d’un nouveau sanctuaire, de capter de nouvelles ressources et de gagner de nouveaux alliés.</p>
<p>Via ses réseaux de recrutement – et <a href="https://jamestown.org/program/uyghur-militants-in-syria-the-turkish-connection">certains</a> disent d’appuis en Turquie –, le mouvement a bénéficié d’un afflux important de recrues venues des diasporas de Turquie, d’Asie centrale, du monde arabe et surtout de réfugiés ouïghours fuyant le Xinjiang.</p>
<p>Après s’être illustré dans la <a href="https://www.bbc.com/news/world-middle-east-32461693">capture de la ville de Jisr al-Shugur</a>, dans la région d’Idlib, la brigade du PIT a fait de ce territoire sa principale base.</p>
<p>Changeant d’échelle, le mouvement compterait, selon les estimations de l’<a href="https://www.cacianalyst.org/publications/analytical-articles/item/13438-central-asian-militants%E2%80%99-shifting-loyalties-in-syria-the-case-of-the-turkistan-islamic-party.html">analyste américain Jacob Zenn</a>, de plusieurs centaines à plus d’un millier d’individus.</p>
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<span class="caption">Le nombre de radicalisés reste mal connu dans une société ouïghoure peu encline à défendre l’établissement d’un État islamique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/prestonrhea/5016403587/">Preston Rhea/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Le PIT, contrairement à d’autres mouvements djihadistes, est resté fidèle à son alliance avec les réseaux d’Al-Qaïda et aux talibans suite aux dissensions apparues entre les deux grandes franchises du djihadisme international en 2014. Quelques Ouïghours ont été recrutés dans les rangs de Daech mais la plupart ont été utilisés comme chair à canon, et ont péri ou déserté.</p>
<p>Sans « véritable concurrence », le mouvement capitalise la communication et les réseaux qu’il développe dans le cadre de sa participation active aux opérations militaires dans le nord-ouest de la Syrie. Alors que plusieurs de ses cadres sont ou ont été membres du directoire d’Al-Qaïda, il est désormais un mouvement reconnu au son sein.</p>
<p>Cependant, sa difficulté à se projeter au Xinjiang ne fait pas de lui un véritable facteur de déstabilisation. C’est finalement sa dimension internationale qui en fait une menace croissante contre des intérêts chinois de plus en plus globalisés, grâce, en partie, aux insatiables nouvelles routes de la Soie.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est publié dans le cadre des activités de la <a href="http://www.fmsh.fr/fr/recherche/24279">Plateforme Violence et sortie de la violence</a> (FMSH), dont The Conversation France est partenaire.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/98889/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rémi Castets a reçu des bourses d'études de Fondation nationale des sciences politiques, du Ministère des Affaires étrangères, du Gouvernement chinois, du CEFC, de la Chancellerie des universités de Paris.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sylvain Antichan ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Certains parmi les Ouïghours, censurés politiquement et religieusement par la Chine, se tournent vers la violence radicale et le djihad.Rémi Castets, Maître de conférence, laboratoire TELEM, Université Bordeaux MontaigneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.