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zoonoses – The Conversation
2024-03-25T16:42:48Z
tag:theconversation.com,2011:article/225722
2024-03-25T16:42:48Z
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Fascinantes chauves-souris, leur tolérance à des virus mortels pour les humains
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/584140/original/file-20240325-28-ee54qn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5472%2C3645&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le système immunitaire des chauves-souris est très étudié. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/chauve-souris-frugivore-brune-et-noire-_PwCXdAMJAI">Peter Neumann/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Les chauves-souris ont fait la une des médias avec l’émergence du SARS-CoV-2 qui aurait pour origine <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.0506735102">l’un de leurs coronavirus</a>. Ce n’est pas la première émergence imputable à ces mammifères volants. En effet, lors de l’émergence du premier SARS-CoV en 2002 et d’un coronavirus voisin le <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34105037/">MERS-CoV, en 2012</a>, le réservoir a été identifié parmi les chauves-souris. Au-delà des coronavirus, d’autres virus tels que les paramyxovirus Hendra et Nipah ont émergé en Asie touchant respectivement les chevaux et les porcs mais aussi les hommes pour les deux virus.</p>
<p>Le monde de la recherche s’est alors beaucoup préoccupé des virus ou bactéries que les chauves-souris hébergent, créant un biais laissant à penser qu’elles sont une des principales sources de pathogène pour l’humain. Elles sont supposées être réservoir de nombreux pathogènes qui ne les affectent pas mais qui sont graves voire mortels pour d’autres espèces. C’est l’étude de leur système immunitaire qui permet de mieux comprendre comment il leur permet de contenir suffisamment les pathogènes pour limiter leur effet nocif tout en ne les éliminant pas complètement, ce qui fait des chauves-souris un réservoir de certains pathogènes.</p>
<h2>Comment le système immunitaire des chauves-souris fonctionne-t-il ?</h2>
<p>D’une manière générale, le système immunitaire est le moyen de défense d’un organisme face à un agent pathogène. Il existe à des niveaux de complexité différents chez tous les vertébrés. Chez les mammifères, il fait intervenir différents mécanismes qui, globalement, peuvent se résumer à une immunité innée qui ne dépend pas de l’agent pathogène et une immunité spécifique qui y est adaptée.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-chauves-souris-source-inepuisable-de-virus-dangereux-pour-les-humains-134332">Les chauves-souris, source inépuisable de virus dangereux pour les humains ?</a>
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<p>L’immunité innée permet une réaction plus rapide face à une infection en reconnaissant des molécules qui ne sont retrouvées que chez les agents pathogènes ou qui résultent des dégâts cellulaires qu’ils provoquent. Les évènements principaux de l’immunité innée sont l’activation de cellules spécialisées qui vont pouvoir « phagocyter » les agents pathogènes, libérer des molécules permettant la lyse des cellules atteintes et recruter d’autres cellules de l’immunité spécifique. Les lymphocytes T et B sont des cellules qui reconnaissent spécifiquement un agent pathogène qu’ils ont déjà rencontré. Les anticorps sécrétés par les lymphocytes B vont permettre la destruction ou la neutralisation des pathogènes alors que les lymphocytes T vont détruire spécifiquement les cellules infectées par le pathogène.</p>
<p>Le système immunitaire des chauves-souris fait intervenir les mêmes composants que ceux des autres mammifères avec une immunité innée et une immunité spécifique. Il est encore imparfaitement connu par rapport à celui de certains autres mammifères, particulièrement les espèces domestiques.</p>
<p>Il faut d’ailleurs ne pas extrapoler les connaissances acquises pour quelques espèces de chauves-souris au plus des 1400 espèces connues à travers le monde.</p>
<p>Elles sont en effet différentes sur de nombreux points : morphologiques, physiologiques et génétiques. Elles vivent dans des milieux très divers : de la forêt jusqu’aux toits des habitations humaines. Elles ont des régimes alimentaires très variés : exclusivement insectivores en Europe ou frugivores sur d’autres continents avec certaines espèces plus spécialisées (piscivores ou hématophages par exemple).</p>
<p>Ainsi, la plus petite, dite chauve-souris bourdon (<em>Craseonycteris thonglongyai</em>) pèse 2 grammes, mesure 3 cm de long et mange des insectes. Une des plus grosses est le Renard volant (<em>Pteropus giganteus</em>) dont l’envergure est de plus de 1,5 m pour un poids de 1,5 kg et une taille d’une trentaine de centimètres. Elle est frugivore.</p>
<h2>Une technique de vol qui consomme énormément d’énergie</h2>
<p>Malgré toutes ces différences, elles ont un point commun, le vol battu qui serait un élément clef pour expliquer l’évolution de leur système immunitaire. Le vol battu nécessite de battre des ailes comme de nombreux oiseaux par opposition au vol plané comme un vautour par exemple qui se laisse porter par l’air. Le vol battu mobilise une énergie très importante par leur organisme.</p>
<p>Cette consommation énergétique aboutit à la formation dans leurs cellules de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32117225/">composés oxydant néfastes</a> s’ils s’accumulent en trop grande quantité. Ainsi au cours de l’évolution, l’organisme des chauves-souris s’est adapté à fonctionner malgré la présence des métabolites oxydants qui provoqueraient des dégradations cellulaires importantes comme celles de l’ADN chez un autre Mammifère. Or, ces métabolites sont aussi ceux qui sont produits par des cellules agressées par une infection, particulièrement virale. Les pathogènes peuvent donc se répliquer sans que cela entraîne de dégâts trop importants : c’est la tolérance acquise en même temps que l’adaptation au vol. Dans le même temps, l’organisme de la chauve-souris doit tout de même empêcher que la réplication du pathogène ne devienne incontrôlable car le risque est qu’il prenne le dessus et envahisse complètement son organisme. D’autres mécanismes entrent alors en jeu.</p>
<p>Une fois de plus, les éléments qui vont être mis en œuvre sont les mêmes que pour les autres Mammifères mais le fonctionnement diffère. L’acteur clef est alors la molécule d’interféron. L’interféron a un rôle central dans l’immunité en réponse aux pathogènes, c’est une cytokine c’est-à-dire une des molécules qui permettent aux cellules de l’immunité d’échanger des signaux. Il est sécrété par les cellules du système immunitaire inné en réponse à une grande quantité d’acide nucléique étranger reconnu comme tel du fait de sa localisation et de sa structure.</p>
<p>L’interféron a une action directe contre les pathogènes et des actions indirectes par activation de certaines cellules comme les <em>Natural Killers</em> qui détruisent les cellules infectées et par initiation de l’immunité spécifique. Pour les chauves-souris, chez qui cela a pu être étudié, l’interféron n’a pas besoin d’être sécrété en réponse à une infection, son niveau est déjà élevé. L’impact sur le pathogène est donc immédiat, ce qui empêche le débordement de l’organisme par une multiplication précoce du pathogène. Le niveau d’interféron toléré par l’organisme de la chauve-souris ne le serait pas par un autre Mammifère. Chez l’humain, par exemple, un niveau d’interféron trop élevé provoque des effets secondaires directs comme la fatigue, l’arythmie cardiaque, l’hyperthermie et des effets plus indirects liés à la dérégulation du système immunitaire avec des phénomènes auto-immuns type lupus.</p>
<p>Tout n’est pas connu concernant le fonctionnement du système immunitaire des chauves-souris, loin s’en faut. Ainsi, le rôle de l’interféron pour l’ensemble des chauves-souris n’est pas équivalent avec d’autres cytokines qui pourraient intervenir en fonction des espèces et du pathogène incriminé.</p>
<p>Il semblerait que l’activation du système immunitaire innée soit régulée plus finement chez la chauve-souris limitant l’inflammation trop importante qui si elle détruit complètement le pathogène, a des effets délétères sur l’organisme. L’acteur principal en est l’inflammasome, association de récepteurs et d’enzymes permettant la production de diverses cytokines intervenant dans la réponse immunitaire innée. Cet inflammasome présent chez les chauves-souris et les autres mammifères fonctionne différemment avec un moindre emballement de celui des chauves-souris empêchant par exemple, l’orage cytokinique qui est la libération massive de ces molécules provoquant une atteinte de tous les organes et qui est présent pour certaines infections, dont le Covid-19.</p>
<p>De même, la réponse du système immunitaire spécifique n’est encore que très partiellement étudiée. Les études à son sujet chez la chauve-souris ont une approche génomique, c’est-à-dire que la présence des différents gènes est explorée mais sans pouvoir examiner le fonctionnement des différents produits de ces gènes. De nombreuses découvertes restent encore à venir.</p>
<h2>Tolérer les pathogènes plutôt que de les détruire</h2>
<p>Les connaissances acquises sur le système immunitaire des chauves-souris bien qu’imparfaites laissent supposer que la réponse à une infection est plutôt orientée vers la tolérance des pathogènes. Un équilibre se crée ainsi entre l’infection maintenue à un niveau acceptable par l’organisme tolérant de par son adaptation au vol et une réponse immunitaire finement régulée pour éviter un coût important en énergie et des effets délétères.</p>
<p>Ce fonctionnement aurait des conséquences au-delà des infections. Ainsi, les chauves-souris ont des durées de vie bien supérieures à ce qui est normalement retrouvé chez des mammifères de cette taille. Par exemple, une de nos espèces communes en Europe est la Pipistrelle (<em>Pipistrellus pipistrellus</em>) dont le poids moyen est de 5 ou 6 grammes et dont la durée de vie peut atteindre plus de 15 ans alors qu’une souris (<em>Mus musculus</em>) qui pèse 15 à 30 grammes aura une durée de vie maximale de 2 ans. Plusieurs pistes pour expliquer cette longévité sont encore en train d’être explorées et le processus de vieillissement est un phénomène très complexe. Les caractéristiques du vieillissement chez les mammifères sont entre autres, une moindre faculté de réparation de l’ADN des cellules et un phénotype inflammatoire exacerbé.</p>
<p>Les régulations immunitaires des chauves-souris orientées vers la tolérance et des réponses inflammatoires plus légères laissent pressentir un <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-021-21900-2">lien avec leur longévité</a>. Associé à cette longévité, le fait que les chauves-souris ne présentent pas de tumeurs et qu’elles présentent une capacité de réparation de leur ADN qui ne s’altère pas avec l’âge ouvre un grand champ de découvertes à venir dont l’humanité aurait à apprendre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225722/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Élodie Monchâtre-Leroy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les chauves-souris peuvent vivre en hébergeant des virus mortels pour les humains. Décryptage du fonctionnement de leur système immunitaire unique.
Élodie Monchâtre-Leroy, Docteur vétérinaire, docteur de Microbiologie-Epidémiologie, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)
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tag:theconversation.com,2011:article/214230
2023-09-24T15:36:59Z
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Comment le virus Nipah se transmet ou non à l’homme
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/549857/original/file-20230924-21-itczgr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le virus se transmet par l’exposition à l’urine ou la salive de chauve-souris frugivore du genre Pteropus</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/mysterious-lyles-flying-fox-pteropus-lylei-2263748867">Miroslav Srb/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Jusqu’à 75 % létal, pas de vaccin disponible, des symptômes pouvant inclure une inflammation du cerveau… Lorsque le <a href="https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/nipah-virus">virus Nipah</a> émerge dans l’actualité, comme c’est le cas aujourd’hui avec <a href="https://www.rfi.fr/fr/asie-pacifique/20230915-l-inde-met-en-place-des-restrictions-apr%C3%A8s-deux-morts-du-virus-nipah">deux morts </a>recensés la semaine dernière en Inde, dans la région du Kerala, il a de quoi légitimement effrayer.</p>
<p>Le caractère rare et méconnu du virus est également bien souvent mentionné. Moins ce qui peut ou non faire que ce virus, transmis par l’exposition à l’urine ou la salive de chauve-souris frugivore de du genre <em>Pteropus</em>, puisse ou non émerger.</p>
<p>En tant qu’écologue de la santé spécialiste des zoonoses, cette question fait partie de mes sujets de recherche, notamment au <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7411325/">Cambodge</a>, où une équipe pluridisciplinaire dont je fais partie a pu constater que des populations partageaient leur environnement avec des chauves-souris frugivores porteuses du virus Nipah sans pour autant que le virus passe chez les humains.</p>
<p>Alors quels sont les facteurs provoquant ou non une contamination humaine et que pouvons-nous faire pour l’éviter ?</p>
<h2>Une corrélation avec la déforestation ?</h2>
<p>Le virus Nipah tient son nom du village du même nom dans la région du Negeri Sembilan en Malaisie, d’où était originaire la majeure partie des victimes de la première épidémie connue, en 1999. Épidémie qui demeure aussi la plus grande à ce jour, avec près de 300 cas et plus de 100 morts.</p>
<p>Cette première région d’émergence du virus était, à l’époque, aussi celle d’une des industries d’élevage de porcs parmi les plus prolifiques d’Asie du Sud-Est. Or lors de cette première épidémie, c’est en passant par le porc que les humains, notamment les éleveurs, ont été contaminés. Mais le facteur déterminant de cette première contamination ne se situait pas nécessairement dans les élevages, plutôt à leur bordure, où poussaient un certain nombre d’arbres fruitiers. Des arbres qui ont attiré des chauves-souris frugivores, en quête de nourriture depuis l’émiettement du couvert forestier, leur habitat naturel, du fait de la déforestation.</p>
<p>Un lien a ainsi été posé entre la déforestation et l’émergence du virus : les chauves-souris qui perdent leur habitat naturel vont aller dans des zones agricoles voire dans des zones urbaines et donc se retrouver au contact des populations humaines, ce qui n’était pas le cas avant. Nous avons retrouvé cela également au Cambodge, on l’on a pu observer la résilience de l’espèce <em>Pteropus lylei</em>, capable de s’adapter à la perte de biodiversité forestière en vivant dans des zones agricoles.</p>
<p>Ce rapprochement géographique favorise les potentielles transmissions vers les humains mais ne suffit pas à l’expliquer. Ainsi au Cambodge, aucun cas n’a été détecté dans les villages où des chauves-souris frugivores porteuses du Nipah sont présentes.</p>
<p>Pour qu’il y ait contamination humaine, il faut une route de transmission du virus de la chauve-souris vers les humains, et c’est notamment un certain nombre de pratiques humaines qui va provoquer cela.</p>
<h2>Comment des pratiques agricoles se révèlent déterminantes</h2>
<p>Depuis la première émergence du virus Nipah en Malaisie, c’est au Bangladesh que l’on constate le plus d’émergences du virus. Un des principaux facteurs explicatifs de ces foyers réguliers est à trouver dans le mode de production et de consommation de jus de palme. Au Bangladesh, la sève de palmier est récoltée en trouant le tronc des palmiers et en plaçant dessous de grands pots en terre cuite dans lesquels les chauves-souris peuvent venir boire le jus pendant la nuit. Le matin venu, une personne peut ainsi se retrouver à boire du jus frais sans savoir que celui-ci a été contaminé par des chauves-souris qui ont pu, par exemple, uriner dedans, et c’est comme cela que peut advenir une contamination humaine.</p>
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<img alt="Récipient ouvert servant à récolter le jus de palme." src="https://images.theconversation.com/files/549858/original/file-20230924-17-aa76nf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/549858/original/file-20230924-17-aa76nf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/549858/original/file-20230924-17-aa76nf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/549858/original/file-20230924-17-aa76nf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/549858/original/file-20230924-17-aa76nf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/549858/original/file-20230924-17-aa76nf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/549858/original/file-20230924-17-aa76nf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La façon de récolter le jus de palme peut se révéler déterminante pour la transmission ou non du virus Nipah. Ici un récipient ouvert au Bangladesh.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/close-extrection-date-palm-juice-kheer-1388101715">TanmoyBiswas/Shutterstock</a></span>
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<p>Au Cambodge, où l’on n’a pas vu de cas de Nipah émerger parmi les humains, la méthode de collecte du jus de palme est différente. On ne collecte pas la sève des palmiers mais du nectar : les fleurs sont pressées dans de petits conteneurs en bambou ou plastique et c’est beaucoup plus difficile pour les chauves-souris d’y avoir accès. Une différence qui pourrait expliquer l’absence d’émergence.</p>
<h2>Un virus qui se transmet encore difficilement d’homme à homme</h2>
<p>Concernant le Kerala, les routes de transmission sont encore difficiles à tracer, notamment car lors des dernières émergences du virus, une seule personne était à l’origine de toutes ces contaminations qui touchaient principalement les proches ou le personnel soignant présent autour de ce patient zéro. Or, lorsqu’une seule personne est à l’origine du passage du virus chez l’homme, il demeure très compliqué de savoir si c’est suite par exemple à une consommation de jus de palme ou si c’est via un autre contact avec des chauves-souris frugivores.</p>
<p>Pour l’instant, les foyers indiens et bangladais ont pu être rapidement maîtrisés, du fait de chaînes de transmission inter-humaines limitées et rapidement interrompues avec l’établissement de quarantaines et le traçage des cas contacts. Une tâche plutôt facile lorsqu’il s’agit du virus Nipah, car celui-ci se transmet encore laborieusement d’homme à homme. Là où le Covid peut se transmettre de manière asymptomatique et via des contacts peu rapprochés, la transmission du Nipah est connue pour nécessiter, elle, des contacts rapprochés et engendre des symptômes graves, le plus souvent mortels. </p>
<p>Cependant, plus il y a de transmission vers les humains, plus le risque de voir un virus mieux adapté aux humains émerger augmente. Mais si un variant du virus Nipah évolue et devient plus transmissible aux humains, sera-t-il toujours aussi létal ? Est-ce qu’un passage par un hôte intermédiaire comme ça avait été le cas en Malaisie avec le porc serait nécessaire ? Voici des questions pour lesquelles nous n’avons pour l’instant pas de réponse.</p>
<h2>Que faire ou ne pas faire pour mieux maîtriser le virus Nipah ?</h2>
<p>Face à la dangerosité potentielle du virus Nipah, il pourrait paraître tentant de se dire que la meilleure chose à faire est de faire partir les colonies de chauves-souris frugivores qui s’implantent à proximité de populations humaines. Cependant, une telle logique se révèle souvent dangereuse et contre-productive, comme le montrent par exemple les tentatives de contrôle de la population de blaireaux responsables des cas de tuberculose bovine en Grande-Bretagne : les campagnes d’abattage mis en place avaient alors surtout provoqué la fuite des blaireaux hors des zones d’abattage et donc la prolifération de cette mycobactérie, puis leur retour, une fois les campagnes d’abattage terminées.</p>
<p>Si cette logique est poussée à l’extrême avec par exemple une hypothétique extermination systématique de la population de chauve-souris d’autres problèmes surgiraient. Outre les inquiétudes éthiques que provoquerait un tel projet, cela mettrait également en péril les activités humaines et les écosystèmes qui bénéficient grandement de la présence des chauves-souris frugivores, pour la pollinisation d’un certain nombre de plantes, et notamment de plantations cultivées par l’homme ou le transport de graines. Il en est de même pour les chauves-souris insectivores qui participent au contrôle des populations d’insectes ravageurs de cultures.</p>
<p>Pour mieux prévenir ce qui conduit à l’émergence du virus Nipah et mieux réagir en cas de transmission vers les humains, il faudrait établir un suivi continu de données environnementales et épidémiologiques, développer des équipes pluridisciplinaires et travailler avec les populations locales à travers des approches participatives pour co-construire des solutions adaptées au contexte socio-économique local. C’est ce que nous tachons par exemple de faire avec le <a href="https://bcoming.eu/">projet Bcoming</a>. </p>
<p>Car les expériences passées montrent qu’il n’est à la fois ni souhaitable ni efficace de tenter d’imposer des systèmes de prévention ou de surveillance aux populations si elle n’en voit pas l’intérêt. Pour la prévention du virus Nipah, une solution simple et peu coûteuse serait de fixer des jupes de protection en bambous autour des pots de collecte, empêchant ainsi la contamination par les chauves-souris. Mais cette solution ne sera adoptée et déployée à grande échelle uniquement si les collecteurs eux-mêmes sont convaincus de son intérêt. Un travail important de dialogue sciences - société reste donc à faire pour mettre en place des solutions de prévention efficaces qui permettront de diminuer durablement les risques d’émergence de maladies zoonotiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214230/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Cappelle ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Si de nombreuses populations vivent au contact de chauves-souris frugivores porteuses du virus Nipah, celui-ci ne se transmet que rarement à l'homme. Comment et pourquoi ?
Julien Cappelle, Écologue de la Santé, Cirad
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/212938
2023-09-15T13:15:55Z
2023-09-15T13:15:55Z
Donnez-vous des bisous à votre animal de compagnie ? Si oui, lisez ceci
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/546463/original/file-20230829-19-r94gri.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C314%2C4886%2C3197&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En embrassant votre chat ou votre chien, vous courez certains risques de contracter des maladies -quoique minimes!
</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Notre relation avec les animaux de compagnie a changé radicalement au cours des dernières décennies. Les gens n’ont jamais autant eu de chiens et de chats, mais aussi des oiseaux, des tortues ou des poissons.</p>
<p>Si vivre avec un animal domestique présente de nombreux <a href="https://www.onehealth.org/blog/10-mental-physical-health-benefits-of-having-pets">bienfaits pour la santé mentale et physique</a>, ces compagnons sont parfois porteurs de maladies infectieuses qui peuvent nous être transmises. Toutefois, le risque est faible pour la plupart des gens.</p>
<p>Mais certaines personnes, comme celles dont le système immunitaire est affaibli ou les femmes enceintes, courent un <a href="https://www.cdc.gov/healthypets/specific-groups/high-risk/index.html">risque accru</a> de contracter une maladie d’origine animale. Il est donc important d’être conscient des risques et de prendre les précautions nécessaires pour éviter les infections.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/un-parasite-mangeur-de-chair-transporte-par-les-chiens-fait-son-apparition-en-amerique-du-nord-148618">Un parasite mangeur de chair transporté par les chiens fait son apparition en Amérique du Nord</a>
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<h2>De quelles maladies parle-t-on ?</h2>
<p>Les maladies infectieuses qui passent de l’animal à l’humain sont appelées maladies zoonotiques ou <a href="https://www.quebec.ca/agriculture-environnement-et-ressources-naturelles/sante-animale/maladies-animales/transmission-animaux-humains">zoonoses</a>. On connaît plus de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3668296/#B18">70 agents pathogènes</a> des animaux de compagnie qui sont transmissibles à l’humain.</p>
<p>Dans certains cas, un animal atteint d’un agent pathogène zoonotique semblera malade. Mais souvent, il ne présentera aucun symptôme visible, ce qui facilite la transmission, car on ne soupçonnera pas que son compagnon est porteur de germes.</p>
<p>Les zoonoses peuvent passer directement des animaux domestiques aux humains, par contact avec la salive, les fluides corporels ou les excréments, ou indirectement, par contact avec de la litière, de la terre, de la nourriture ou de l’eau contaminées.</p>
<p>Des études indiquent que la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4500695/">prévalence des zoonoses associées aux animaux de compagnie est faible</a>. Toutefois, le nombre réel d’infections est probablement <a href="https://www.mdpi.com/1660-4601/17/11/3789">sous-estimé</a>, car de nombreuses zoonoses ne sont pas <a href="https://educaloi.qc.ca/capsules/les-maladies-a-declaration-obligatoire-les-mado/">« à déclaration obligatoire »</a>, ou peuvent posséder des voies d’exposition multiples ou des symptômes génériques.</p>
<h2>Virus, bactéries, champignons, parasites…</h2>
<p>Les chiens et les chats sont d’importants réservoirs d’infections zoonotiques (les agents pathogènes vivent naturellement dans leur population) causées par des virus, des bactéries, des champignons et des parasites. <a href="https://www.who.int/data/gho/data/themes/topics/rabies">Dans les régions endémiques d’Afrique et d’Asie</a>, les chiens sont la principale source de la rage, qui se transmet par la salive.</p>
<p>Les chiens sont également porteurs de la <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/biosecurite-biosurete-laboratoire/fiches-techniques-sante-securite-agents-pathogenes-evaluation-risques/capnocytophaga.html">bactérie <em>Capnocytophaga</em></a> dans la bouche et la salive. Celle-ci peut être transmise à l’humain par contact étroit ou morsure. La grande majorité des personnes n’en seront pas infectées, mais chez les gens dont le système immunitaire est affaibli, cela peut occasionnellement provoquer une <a href="https://www.cdc.gov/capnocytophaga/signs-symptoms/index.html">maladie grave</a>, voire mortelle. Un décès de ce type a été signalé <a href="https://thewest.com.au/news/wa/tracy-ridout-perth-mum-dies-11-days-after-rare-bacterial-infection-from-minor-dog-bite-c-11748887">cet été en Australie-Occidentale</a>. Au Canada, un homme de Sudbury, en Ontario, <a href="https://www.vidal.fr/actualites/29481-au-canada-un-homme-meurt-d-une-infection-rare-a-capnocytophaga-apres-une-morsure-de-chien.html">est mort à l’été 2022, quelques jours après avoir été accidentellement mordu par son propre chien</a>.</p>
<p>Un certain nombre de maladies transmises par voie fécale-orale, telles que la giardiase, la campylobactériose, la salmonellose et la toxoplasmose, nous sont transmises par les chats. Il est donc particulièrement important de se laver les mains après avoir manipulé le bac à litière ou d’utiliser des gants pour le faire.</p>
<p>Les chats peuvent aussi transmettre des infections par morsure ou griffure, notamment la <a href="https://www.merckmanuals.com/fr-ca/professional/maladies-infectieuses/bacilles-gram-n%C3%A9gatifs/maladie-des-griffes-du-chat">maladie des griffes du chat</a>, causée par la bactérie <em>Bartonella henselae</em>.</p>
<p>Les chiens et les chats sont également des réservoirs de la bactérie <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC10122942/"><em>Staphylococcus aureus</em>, résistante à la méthicilline</a> (SARM), pour laquelle un contact étroit avec des animaux de compagnie est considéré comme un facteur de risque important de transmission zoonotique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/545415/original/file-20230829-27-mpgatg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une femme aux cheveux bouclés se fait lécher le visage par un Staffordshire terrier" src="https://images.theconversation.com/files/545415/original/file-20230829-27-mpgatg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/545415/original/file-20230829-27-mpgatg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/545415/original/file-20230829-27-mpgatg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/545415/original/file-20230829-27-mpgatg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/545415/original/file-20230829-27-mpgatg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/545415/original/file-20230829-27-mpgatg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/545415/original/file-20230829-27-mpgatg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une bactérie qui peut provoquer des maladies graves, voire mortelles, chez certaines personnes se retrouve dans la salive des chiens.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/girl-kissing-dog-breed-staffordshire-terrier-200987354">Shutterstock</a></span>
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<p>Les chiens et les chats ne sont pas les seuls animaux de compagnie à pouvoir contaminer des humains. Les oiseaux transmettent occasionnellement la <a href="https://www.cdc.gov/pneumonia/atypical/psittacosis/">psittacose</a>, une infection bactérienne qui cause la pneumonie. On a établi que les <a href="https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/medecine-reptiles-domestiques-transportent-salmonelles-51444/">tortues de compagnie</a> pouvaient transmettre la Salmonella à l’humain, en particulier aux jeunes enfants. On a même observé un lien entre les poissons d’aquarium e t <a href="https://www.cdc.gov/healthypets/pets/fish.html">diverses infections bactériennes</a> chez l’humain, notamment la vibriose, la mycobactériose et la salmonellose.</p>
<h2>Certains comportements sont plus à risque</h2>
<p>Des contacts étroits avec les animaux — et certains comportements — accroissent le risque de transmission zoonotique. <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/19398275/">Une étude</a> menée aux Pays-Bas a constaté que la moitié des propriétaires d’animaux de compagnie laissent ceux-ci leur lécher le visage et que 18 % d’entre eux autorisent leurs chiens à partager leur lit (ce qui augmente la durée d’exposition aux agents pathogènes dont les animaux sont porteurs). La même étude a révélé que 45 % des gens qui possèdent des chats leur permettent de sauter sur l’évier de la cuisine.</p>
<p>On a également établi un lien entre le fait d’embrasser des animaux de compagnie et certaines infections zoonotiques. <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3298380/">Au Japon, une femme</a> a développé une méningite causée par une infection à <em>Pasteurellamultocida</em> après avoir embrassé fréquemment le visage de son chien. Cette bactérie est souvent présente dans la cavité buccale des chiens et des chats.</p>
<p>Les jeunes enfants ont communément des comportements qui <a href="https://www.cdc.gov/healthypets/specific-groups/high-risk/children.html?CDC_AA_refVal=https%3A%2F%2Fwww.cdc.gov%2Fhealthypets%2Fspecific-groups%2Fchildren.html">augmentent le risque</a> de contracter des maladies zoonotiques, par exemple lorsqu’ils se mettent les mains dans leur bouche après avoir touché leur animal de compagnie. Les enfants ont également tendance à ne pas se laver les mains de façon adéquate après avoir touché leur compagnon.</p>
<p>Bien que toute personne ayant eu un contact avec un agent pathogène zoonotique par l’intermédiaire de son animal de compagnie puisse tomber malade, certaines sont plus à risque de développer une maladie grave. Il s’agit notamment des jeunes, des personnes âgées, immunodéprimées ou des femmes enceintes.</p>
<p>Si la plupart des gens infectés par le parasite de la toxoplasmose souffriront d’une maladie bénigne, celle-ci peut être <a href="https://www.passeportsante.net/famille/grossesse?doc=toxoplasmose-pendant-grossesse-risques">mortelle pour le fœtus ou provoquer des malformations congénitales</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/546103/original/file-20230904-27-lzhdw9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une petite fille blonde allongée sur le sol embrassant un grand chien blond" src="https://images.theconversation.com/files/546103/original/file-20230904-27-lzhdw9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546103/original/file-20230904-27-lzhdw9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546103/original/file-20230904-27-lzhdw9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546103/original/file-20230904-27-lzhdw9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546103/original/file-20230904-27-lzhdw9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546103/original/file-20230904-27-lzhdw9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546103/original/file-20230904-27-lzhdw9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les jeunes enfants de moins de 5 ans sont plus exposés aux maladies zoonotiques et adoptent souvent des comportements qui augmentent le risque de contracter une infection de leur animal de compagnie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<h2>Que faire pour éviter d’attraper une maladie de mon animal de compagnie ?</h2>
<p>Un certain nombre de bonnes pratiques d’hygiène et d’élevage peuvent réduire le risque de maladie. En voici quelques-unes :</p>
<ul>
<li><p>se laver les mains après s’est amusé avec son animal ou avoir manipulé sa litière ou ses jouets, ou après avoir nettoyé ses excréments ;</p></li>
<li><p>ne pas laisser un animal domestique lécher notre visage ou une plaie ouverte ;</p></li>
<li><p>surveiller les jeunes enfants lorsqu’ils jouent avec des animaux domestiques et qu’ils se lavent les mains après ;</p></li>
<li><p>porter des gants pour changer une litière ou nettoyer un aquarium ;</p></li>
<li><p>humecter les surfaces des cages d’oiseaux avant le nettoyage afin de minimiser les aérosols ;</p></li>
<li><p>empêcher les animaux domestiques d’entrer dans la cuisine (surtout les chats qui peuvent sauter sur les surfaces de préparation des aliments) ;</p></li>
<li><p>se tenir informé des soins vétérinaires préventifs, y compris la vaccination et les traitements contre les vers et les tiques ;</p></li>
<li><p>consulter un vétérinaire si l’on croit que son animal ne va pas bien.</p></li>
</ul>
<p>Les personnes présentant un risque élevé de maladie doivent plus particulièrement prendre des précautions pour réduire leur exposition aux agents pathogènes zoonotiques. Et avant de se procurer un animal de compagnie, on devrait demander à un vétérinaire quel type d’animal convient le mieux à sa situation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212938/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Les animaux, y compris ceux qui vivent dans nos maisons, peuvent être porteurs de toutes sortes de maladies. La plupart du temps, cela ne pose pas problème. Mais il y a quelques précautions à prendre.
Sarah McLean, Lecturer in environmental health, Swinburne University of Technology
Enzo Palombo, Professor of Microbiology, Swinburne University of Technology
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/208872
2023-07-20T15:56:44Z
2023-07-20T15:56:44Z
Le jardinage, une activité à risques multiples !
<p><em>Les vacances ne se passent pas toujours comme prévu… Dans notre série « Une semaine en enfer ! », nous décryptons ce qui peut aller de travers, depuis le <a href="https://theconversation.com/serie-1-pourquoi-est-on-plus-malade-en-voiture-lorsque-lon-part-en-vacances-208258">mal des transports amplifiés lors des départs en vacances</a> aux piqûres de moustiques désormais capables de <a href="https://theconversation.com/virus-de-la-dengue-en-france-metropolitaine-a-quoi-faut-il-sattendre-cette-annee-209339">transmettre des virus tropicaux</a>, en passant par les <a href="https://theconversation.com/serie-1-des-draps-a-la-telecommande-tele-la-verite-sur-les-microbes-qui-peuplent-les-chambres-dhotel-208329">dangers microbiologiques méconnus des hôtels</a>, les « traditionnels » <a href="https://theconversation.com/le-retour-douloureux-des-coups-de-soleil-et-leurs-consequences-209059">coups de soleil</a>, ou les dangers insoupçonnés… <a href="https://theconversation.com/le-jardinage-une-activite-a-risques-multiples-208872">du jardinage</a>, si vous pensiez rester tranquillement chez vous.</em></p>
<hr>
<p>Beaucoup considèrent le jardinage comme un passe-temps relaxant, une façon tranquille de s’occuper dehors quelques heures lorsqu’il fait beau. Et c’est vrai ! Mais pas seulement… En tant que spécialiste en médecine d’urgence, je suis régulièrement confronté à toutes sortes de blessures résultant de ce qui était vu comme un inoffensif hobby.</p>
<p>Il y a les classiques, qui viennent immédiatement à l’esprit : les innombrables petites piqûres et morsures, sans parler des pesticides. Et au fil des ans, je me suis aussi occupé de plaies et lésions à la main causées par des outils de coupe, allant de la hache au sécateur, comme au pied, dues cette fois plutôt à des tondeuses à gazon et des fourches.</p>
<p>Rien que ces dernières semaines, j’ai vu arriver des personnes suite à des chutes d’échelles, avec des blessures à la tête dues à des chutes sur le béton. Malheureusement, j’ai aussi confirmé le décès d’une personne âgée dont l’enthousiasme à pelleter s’est avéré trop fort pour son cœur.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Et si nous disposons aujourd’hui de nombreux traitements pour la plupart de ces plaies et traumatismes, par le passé, le jardin pouvait être un véritable danger. L’un des <a href="https://www.ox.ac.uk/news/science-blog/penicillin-oxford-story">premiers patients</a> à avoir été traité à la pénicilline, en 1941, était un officier de police qui avait apparemment contracté une septicémie après avoir été griffé par une épine de rosier. À l’époque, la plus petite des blessures pouvait avoir des conséquences mortelles…</p>
<p>Et il s’avère que cela peut encore être le cas. Une femme britannique est décédée en 2016 d’une septicémie après s’être <a href="https://www.telegraph.co.uk/news/2016/10/03/solicitor-dies-from-sepsis-five-days-after-injuring-her-hand-gar/">égratignée la main en jardinant</a>. (<em>En France, toutes causes confondues <a href="https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/sepsis-septicemie">plus de 250 000 cas de septicémie sont enregistrés chaque année, dont plus de 50 000 sont mortels</a>, ndlr</em>)</p>
<p>Mais ce ne sont pas les seuls dangers qui se cachent dans votre jardin. Voici quelques conseils à suivre avant d’aller vous occuper de vos plantes :</p>
<h2>Attention au tétanos</h2>
<p>Le <a href="https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/tetanus">tétanos est une infection particulièrement dangereuse</a> – et impressionnante. Tous les muscles sont pris de spasmes sous l’effet de la toxine libérée par la bactérie <em>Clostridium tetani</em>, ce qui provoque des crampes très douloureuses, des convulsions, un blocage de la mâchoire et souvent une cambrure du dos très prononcée. Lorsque les muscles respiratoires sont touchés, la mort se fait par asphyxie.</p>
<p>La <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK459217/">souffrance provoquée par cette maladie</a> est aussi intense que difficile à décrire.</p>
<p>Beaucoup associent le tétanos à des objets tels que des clous rouillés. C’est vrai, mais ce micro-organisme est très répandu et il se trouve également dans le sol, en particulier s’il y a du fumier – les bactéries du genre <em>Clostridium</em> vivent en effet dans l’intestin. Les roses aiment les sols contenant du fumier, ce qui pourrait rendre ces fleurs bien-aimées mortelles si vous vous coupiez avec des épines contaminées ou si de la terre souillée entrait au contact avec une coupure. <a href="https://www.chu-montpellier.fr/fr/vaccination/histoire-des-epidemes-et-de-la-vaccination/le-tetanos">Dans 75 % de cas, une lésion minime est à l’origine de l’infection</a>.</p>
<p>La vaccination est particulièrement efficace contre cette infection, d’où l’importance de vérifier que votre vaccin (et son rappel) est à jour. Rappelons que chez les personnes non vaccinées, le taux de létalité du tétanos peut dépasser 50 %.</p>
<p>(<em>En France, on meurt encore du tétanos : <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2022/tetanos-en-france-donnees-epidemiologiques-2021">entre 2011 et 2020, une dizaine de cas ont été enregistrés chaque année, avec un taux de létalité de 29 %</a>, ndlr</em>)</p>
<h2>Bactéries et champignons sont omniprésents</h2>
<p>Dans un humble sac d’engrais se cache un ingrédient auquel beaucoup d’entre nous ne s’attendent pas : la famille de bactéries <em>Legionella</em>, dont le risque est plus connu via les systèmes de climatisation ou les systèmes d’alimentation en eau.</p>
<p>Cette bactérie peut provoquer une infection appelée <a href="https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/legionellose">maladie du légionnaire, ou légionellose</a> qui est particulièrement dangereuse, et potentiellement mortelle, notamment pour les personnes âgées et les personnes dont le système immunitaire est affaibli. En cas d’inhalation, elle peut entraîner infections pulmonaires aiguës et pneumonies. L’eau chaude et stagnante utilisée dans le processus de compostage peut expliquer sa présence.</p>
<p>L’engrais préemballé n’est pas le seul à être dangereux. Votre propre tas de compost est également rempli de bactéries et de champignons divers qui, s’ils sont correctement entretenus, ne devraient toutefois pas vous causer de problèmes.</p>
<p>Mais il arrive souvent que la moisissure <a href="https://www.nature.com/articles/s41564-022-01091-2"><em>Aspergillus</em></a> se développe lorsqu’il fait chaud à l’extérieur. Elles peuvent donner lieu à de <a href="https://thorax.bmj.com/content/70/3/270">lourdes lésions pulmonaires</a> et peuvent même se répandre dans l’organisme, en particulier chez les personnes âgées et immunodéprimées. Là encore, on connaît des cas mortels.</p>
<p>Les spores de moisissures peuvent également déclencher une affection connue sous le nom d’<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/7719883/">alvéolite allergique extrinsèque</a> ou <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK557580/">« poumon de fermier »</a> : une hypersensibilité provoquant une inflammation des alvéoles pulmonaires. Cette affection était classiquement due à l’exposition au foin moisi, mais les tas de compost peuvent également faire de même en raison de la présence d’organismes tels que <em>Aspergillus</em> (champignons filamenteux) et les bactéries du genre <em>Actinomycetes</em>.</p>
<h2>Gare aux rats et à la leptospirose</h2>
<p><em>Leptospira</em> est une bactérie que l’on peut trouver dans l’eau contaminée par l’urine de rats. Les rats construisant souvent des habitats à proximité des humains, il est préférable de faire attention lorsque l’on se trouve à proximité d’étang ou de citernes d’eau de pluie lorsque l’on jardine.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un rat dans un jardin regardant une clôture en bois" src="https://images.theconversation.com/files/529078/original/file-20230530-23-iaic5a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/529078/original/file-20230530-23-iaic5a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=374&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/529078/original/file-20230530-23-iaic5a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=374&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/529078/original/file-20230530-23-iaic5a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=374&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/529078/original/file-20230530-23-iaic5a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=470&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/529078/original/file-20230530-23-iaic5a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=470&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/529078/original/file-20230530-23-iaic5a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=470&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Méfiez-vous si vous avez des rats dans votre jardin.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/rat-garden-1842737110">battybattrick/Shutterstock</a></span>
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<p>Ces bactéries peuvent profiter de lésions cutanées ou de gouttelettes atteignant nos muqueuses pour coloniser notre organisme. Elles provoquent la leptospirose, une <a href="https://sante.gouv.fr/soins-et-maladies/maladies/maladies-infectieuses/article/leptospirose">infection (zoonose, car venant d’un animal)</a> qui entraîne des maux de tête, des fièvres, des frissons, des vomissements, une jaunisse et, dans certains cas, une insuffisance hépatique, une insuffisance rénale et une méningite.</p>
<h2>Méfiez-vous de vos outils électriques</h2>
<p>Tronçonneuse, taille-haie, tondeuse… Si les outils électriques ont clairement facilité notre travail dans le jardin, ils ont tout aussi clairement augmenté le risque de blessure.</p>
<p>Les taille-haies peuvent être un excellent moyen de dompter les arbres et les buissons, mais ils peuvent amputer au passage des doigts et <a href="https://www.dailymail.co.uk/news/article-9441081/Tragedy-man-dies-injuring-hedge-trimmer-Sydneys-leafy-northern-suburbs.html">infliger des blessures</a> de manière très efficace aux membres comme au torse – il y a une <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/provence-alpes-cote-d-azur/alpes-maritimes/cagnes-sur-mer/jardinage-deux-roues-bricolage-avec-l-ete-les-accidents-de-la-main-se-multiplient-2569992.html">hausse de 30 % des accidents de la main en été dans le sud de la France</a> par exemple. Les taille-haies et les tondeuses à gazon peuvent également couper facilement les câbles électriques, ce qui peut entraîner une électrocution.</p>
<p>Faites preuve de bon sens : adoptez gants, chaussures fermées et attendez que le taille-haie soit arrêté avant de dégager les branches que vous avez coupées pour limiter les risques.</p>
<h2>Restez en sécurité</h2>
<p>Bien sûr, nombre de ces dangers paraissent rares, ou évidents. Oui, mais le risque est réel… Il existe heureusement des mesures simples, souvent évidentes elles aussi, à prendre pour les éviter :</p>
<ul>
<li><p>Vous avez des plaies, même minimes sur les mains ou des zones de peau qui seront exposées à la terre par exemple ? Nettoyez-les et couvrez-les pendant que vous sortez jardiner.</p></li>
<li><p>Assurez-vous que vos <a href="https://vaccination-info-service.fr/?gclsrc=aw.ds&gclid=CjwKCAjwzJmlBhBBEiwAEJyLu1PWrewafMsFuoQb1_XPNQA7du38jJ476MBts-RDXix1qyojJciuxBoCWnsQAvD_BwE&gclsrc=aw.ds&adfcd=1688647981._70CNyJhBkKm4e74EAZHow.Mjg2NzM5MywxOTEzMzMx">vaccinations</a> sont à jour (en particulier pour le tétanos).</p></li>
<li><p>Tenez tout ce qui est <a href="https://www.rhs.org.uk/advice/health-and-wellbeing/minimising-health-risks-in-the-garden">compost et engrais</a> éloignés de votre visage lorsque vous ouvrez les sacs.</p></li>
<li><p>Évitez d’attirer les rats en ne mettant pas d’aliments cuits sur votre <a href="https://www.growveg.com/guides/how-to-keep-rats-out-of-your-compost/">tas de compost</a>, <a href="https://www.ciphe.org.uk/public/plumbing-health-hazards/gardens/">couvrez vos réservoirs d’eau</a> et installez des pièges en cas d’infestation.</p></li>
<li><p>Calez les échelles avec attention, sur un sol plat, à l’écart des lignes électriques.</p></li>
<li><p>Appréciez la présence d’animaux sauvages… mais <a href="https://www.theguardian.com/environment/2014/aug/07/man-bitten-three-times-adder">laissez-les tranquilles</a>. Les serpents peuvent être dangereux, comme les renards notamment – qui transmettent l’<a href="https://theconversation.com/les-echinococcoses-des-maladies-parasitaires-en-expansion-181276">échinococcose</a>, une maladie parasitaire due à un ver plat.</p></li>
</ul>
<p>Et un dernier conseil de ma part. Chaque année, le service des brûlés de mon hôpital reçoit des personnes qui ont essayé d’accélérer le processus d’allumage de leur barbecue en <a href="https://www.brulures.be/fr/prevention/loisirs/barbecue">utilisant de l’essence</a>. Tous ne survivent pas. Alors si vous avez l’intention de faire cuire le fruit de votre travail sur un barbecue dans votre jardin, faites-le prudemment. Et assurez-vous d’avoir une <a href="https://www.anses.fr/fr/content/cuisson-au-barbecue-comment-pr%C3%A9venir-les-risques-pour-la-sant%C3%A9">cuisson adéquate</a> – ni rosée (viandes et poissons doivent être cuits à cœur pour les débarrasser de leurs éventuels parasites), ni brûlée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208872/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stephen Hughes ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Profiter de son jardin est plaisant… et risqué. Chaque été, les accidents se multiplient et les risques d’infections diverses augmentent. Quels sont les plus fréquents ? Quels gestes simples adopter ?
Stephen Hughes, Senior Lecturer in Medicine, Anglia Ruskin University
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/207861
2023-06-28T20:06:33Z
2023-06-28T20:06:33Z
Poulets soldats et éleveurs sentinelles, alliés dans la vaccination contre la grippe aviaire
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/533142/original/file-20230621-17-eg40ue.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C70%2C4243%2C2752&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En France en 2022, 21 millions de volailles ont été abattues dans les zones infectées par la grippe aviaire. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://get.pxhere.com/photo/chicken-rooster-bird-comb-fowl-galliformes-poultry-beak-livestock-adaptation-neck-1616035.jpg">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Le virus H5N1 de grippe aviaire hautement pathogène (HPAI) a été détecté pour la <a href="https://academic.oup.com/cid/article/34/Supplement_2/S58/459477">première fois</a> à Hongkong en 1997, d’où il s’est diffusé au reste de la planète, avec une mortalité de 52 % lorsqu’il se transmet des oiseaux aux humains <a href="https://www.who.int/fr/emergencies/disease-outbreak-news/item/2023-DON461">(873 cas, 456 décès)</a>. </p>
<p>Depuis 2021, une souche de ce virus circule chez les oiseaux sauvages et les volailles domestiques en Europe et dans les deux Amériques, avec une forte mortalité aviaire, mais peu de cas humains (5 depuis début 2023). Les autorités internationales en charge de la santé animale et humaine sont particulièrement attentives aux mutations de ce virus, et prescrivent des mesures prophylactiques sévères pour en contrôler la diffusion.</p>
<p>En 2022, 21 millions de volailles ont été abattues en France dans les zones infectées par la grippe aviaire, notamment dans le Gers, les Landes, la Vendée, la Sarthe et la Bretagne, avec un coût estimé à 1,5 milliard d’euros en indemnisations pour l’État. </p>
<p>Les services sanitaires venus pour « dépeupler » les bâtiments au gaz carbonique ont été débordés par l’ampleur de l’épizootie de H5N1, et beaucoup d’éleveurs ont dû euthanasier leurs volailles eux-mêmes, parfois sans autre moyen que de couper la ventilation dans les bâtiments. Ces abattages sanitaires ont porté atteinte non seulement à la viabilité de la filière avicole mais <a href="https://theconversation.com/grippe-aviaire-quelles-alternatives-a-labattage-des-animaux-66788">aussi au moral des éleveurs et aux règles de bien-être animal</a>.</p>
<h2>De fortes disparités selon les élevages</h2>
<p>Des mesures de confinement, appelées « mises à l’abri », et des gestes d’hygiène, dits de « biosécurité », ont été imposés aux éleveurs de volailles pour les protéger du risque de transmission de la grippe aviaire par les oiseaux sauvages. </p>
<p>Comme le souligne un rapport de l’Assemblée nationale, les petits élevages en plein air ont été fortement impactés par ces mesures, dont le coût économique est plus facile à intégrer dans les <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/organes/commissions-permanentes/affaires-economiques/missions-de-la-commission/mi-grippeaviaire">grands élevages industriels</a>. La Confédération paysanne a dénoncé ces mesures et négocié avec les autorités sanitaires leur aménagement pour les <a href="https://www.confederationpaysanne.fr/mc_nos_positions.php?mc=956">petits élevages en plein air</a>.</p>
<p>Les rapporteurs de l’Assemblée comme les syndicats paysans soulignent que la biodiversité des élevages peut être un facteur d’immunité contre les virus émergents, qui sont atténués lorsque plusieurs espèces animales coexistent, alors que les mesures de biosécurité dans des élevages clos peuvent accentuer la vulnérabilité des volailles, fragilisées par la consommation d’antibiotiques et la standardisation génétique.</p>
<p>Dans ce contexte, les éleveurs de volailles ont demandé aux autorités sanitaires de rendre accessible la vaccination contre la grippe aviaire. La régulation européenne interdisait jusque là cette vaccination, car elle empêche de contrôler si les volailles exportées sont indemnes du virus, mais elle a levé cette interdiction par un <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv%3AOJ.L_.2023.052.01.0001.01.FRA&toc=OJ%3AL%3A2023%3A052%3ATOC">règlement du 20 février 2023</a>.</p>
<h2>Des vaccins en expérimentation</h2>
<p>En Asie, les pays qui ont une forte consommation nationale de volailles, comme la Chine et le Vietnam, vaccinent leurs élevages contre la grippe aviaire, tandis que les pays à forte exportation, comme la Thaïlande, ne le font pas. En France, 40 % de la valeur produite par le secteur avicole vient de l’exportation, alors même que la moitié de la viande de volaille consommée est importée. Seuls les oiseaux élevés dans des parcs zoologiques français sont vaccinés contre la grippe.</p>
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<p>L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a conduit des expérimentations sur la vaccination des palmipèdes à foie gras, qui portent les virus de grippe aviaire de façon asymptomatique et produisent une <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/SABA2022SA0165.pdf">forte valeur ajoutée</a>. </p>
<p>Ces expérimentations ont d’abord été menées dans des fermes du Sud-Ouest, puis dans des animaleries du laboratoire de référence à Ploufragan (Côtes-d’Armor). Les résultats ont été jugés suffisamment positifs pour que le ministère de l’Agriculture annonce une campagne de vaccination des canards d’élevage à l’automne 2023, en tenant compte <a href="https://agriculture.gouv.fr/experimentation-de-vaccination-des-canards-mulards-en-elevage-contre-un-virus-iahp">d’un délai de fabrication de 6 à 8 mois</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Transport de poulets… à bicyclette (Suzhou, Chine).,8 juin 2009. La forte consommation de volaille en Asie a favorisé l’usage des vaccins après les épidémies de grippe aviaire" src="https://images.theconversation.com/files/532939/original/file-20230620-21-e74oss.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532939/original/file-20230620-21-e74oss.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532939/original/file-20230620-21-e74oss.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532939/original/file-20230620-21-e74oss.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532939/original/file-20230620-21-e74oss.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532939/original/file-20230620-21-e74oss.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532939/original/file-20230620-21-e74oss.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">À Suzhou, en Chine en juin 2009. La forte consommation de volaille en Asie a favorisé l’usage de la vaccination après les épidémies de grippe aviaire.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Bicyclette_et_poulets_%28Suzhou,_Chine%29.jpg">Gérald Tapp/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La difficulté technique de la vaccination des volailles élevées pour la viande tient à leur courte durée de vie par comparaison avec d’autres animaux d’élevage (environ 60 jours), alors qu’il faut deux doses pour que le vaccin soit efficace.</p>
<p>Les éleveurs soulignent que la première dose peut être injectée dès la naissance (comme cela se fait pour la vaccination contre la maladie de Newcastle), mais les laboratoires pharmaceutiques, d’après le rapport de l’Assemblée nationale, estiment que le coût de la vaccination tient pour 75 % à la manipulation du vaccin et au suivi post-vaccinal. </p>
<p>La vaccination ne pourra être menée en France à grande échelle du fait de la diversité des espèces aviaires élevées et des souches virales concernées. Elle est recommandée par l’Anses pour les canards à titre préventif et expérimental, et pour les volailles en cas de flambée de H5N1 HPAI comme mesure d’urgence. Dans une zone vaccinée, l’Anses recommande l’abattage du seul élevage touché par la grippe aviaire, et non des élevages situés à proximité comme pour les élevages non vaccinés.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/SIqX6Q7GQ9Q?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La grippe aviaire, nouvelle pandémie humaine ? (France24/Youtube, mars 2023).</span></figcaption>
</figure>
<p>Les experts des virus de grippe aviaire soulignent en effet que la vaccination ne permettra pas aux autorités sanitaires qui la prescrivent d’éviter les autres mesures sanitaires : la surveillance des souches de virus en temps ordinaire et l’abattage des volailles en <a href="https://www.science.org/content/article/wrestling-bird-flu-europe-considers-once-taboo-vaccines">cas d’urgence</a>. Des accidents de vaccination risquent en effet de laisser passer des souches de H5N1 HPAI qui peuvent muter et s’amplifier dans la niche écologique ouverte par la destruction des autres souches.</p>
<h2>Des poulets soldats pour prévenir de la présence du virus</h2>
<p><a href="https://www.epizone-eu.net/en/home/show/faq-diva-vaccines-and-diagnostics.htm">Le système DIVA</a> (pour <em>differentiating infected from vaccinated animals</em>) est prescrit par les autorités sanitaires pour distinguer les virus introduits par la vaccination de ceux qui annoncent un nouveau foyer d’infection. </p>
<p>Ce système peut s’inspirer des mesures adoptées à Hongkong, où des volailles non vaccinées sont placées à l’entrée des fermes pour servir de sentinelles, car elles portent les anticorps des virus qui entrent dans la ferme et peuvent parfois en mourir, alors que les volailles vaccinées invisibilisent ces virus. Le terme chinois <em>shaobingji</em> signifie littéralement que ces poulets sont des soldats qui lancent l’alerte quant à <a href="https://limn.it/articles/hong-kong-as-a-sentinel-post/">présence du virus</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/534754/original/file-20230629-27-u2e936.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534754/original/file-20230629-27-u2e936.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=658&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534754/original/file-20230629-27-u2e936.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=658&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534754/original/file-20230629-27-u2e936.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=658&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534754/original/file-20230629-27-u2e936.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=826&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534754/original/file-20230629-27-u2e936.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=826&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534754/original/file-20230629-27-u2e936.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=826&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Vaccination de volailles à Hong Kong.</span>
<span class="attribution"><span class="source">F.Keck</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La vaccination offre ainsi aux éleveurs, entre l’angoisse au quotidien de trouver une volaille malade et la désolation de devoir abattre tout un « lot » en cas de crise, un espoir de renouer le <a href="https://hal.science/hal-01207044/file/C30Larrere.pdf">« contrat domestique »</a> qui les lie à leurs animaux, dont ils échangent la chair et les œufs contre du soin.</p>
<p>Les termes du débat sur la grippe aviaire – entre confinement et vaccination – semblent en effet rejouer celui qui eut lieu autour du Covid-19 trois ans auparavant, comme si les populations humaines et aviaires étaient soumises à la même « biopolitique » consistant, selon les mots de Michel Foucault, à « faire vivre et laisser mourir » les <a href="https://journals.openedition.org/lhomme/29305">populations</a>. </p>
<p>Lorsqu’ils sont vaccinés, les animaux cessent d’être perçus comme des marchandises qu’on peut envoyer à l’équarrissage en cas de défaut, pour apparaître à nouveau comme des vivants dont on prend soin parce qu’on partage certaines de leurs maladies. L’Anses recommande ainsi fortement aux éleveurs de volailles de se vacciner contre la grippe.</p>
<h2>Des éleveurs sentinelles pour identifier les oiseaux malades</h2>
<p>L’insistance des experts sur la nécessité de continuer à surveiller les oiseaux sauvages et les volailles domestiques montre aussi que la vaccination, si elle peut alléger la charge morale qui pèse sur les éleveurs, ne résout nullement les problèmes écologiques que pose un élevage industriel à forte valeur ajoutée, tourné vers l’exportation.</p>
<p>Dans un contexte de changement climatique, qui affecte aussi les <a href="https://www.nationalgeographic.fr/animaux/le-rechauffement-climatique-bouleverse-la-migration-des-oiseaux">trajectoires migratrices des oiseaux sauvages</a> et les conduit à rester plus longtemps en France, les éleveurs de volailles peuvent jouer le rôle de sentinelles en reportant les cas d’oiseaux malades trouvés dans leurs champs. </p>
<p>L’<a href="https://www.ofb.gouv.fr/ce-quil-faut-savoir-sur-linfluenza-aviaire">Office français de la biodiversité</a> et la <a href="https://www.lpo.fr/la-lpo-en-actions/agir-pour-la-faune-en-detresse/faq-grippe-aviaire">Ligue de protection des oiseaux</a> ont ainsi souligné que le nombre d’oiseaux sauvages porteurs de la grippe aviaire avait tellement augmenté que les spécialistes de la faune sauvage ne suffiront pas à les compter.</p>
<p>On ne parle pas encore de vacciner les oiseaux sauvages contre la grippe, ce qui serait techniquement impossible et moralement douteux, car cela pousserait très loin le projet humain de domestiquer les animaux sauvages. Mais la grippe aviaire, en obligeant les autorités sanitaires à innover dans les stratégies prophylactiques jusque-là appliquées aux épizooties (abattage, vaccination et surveillance), brouille déjà la coupure entre le domestique et le sauvage, qui a séparé dans les sociétés industrialisées la gestion de l’élevage et la surveillance de la faune.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207861/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Keck a reçu des financements du Fonds Axa pour la recherche, de l’Agence nationale de la recherche, du DIM One Health et de l’Institut canadien pour la recherche avancée. </span></em></p>
La vaccination contre la grippe aviaire offre aux éleveurs un espoir, plutôt qu’être pris entre l’angoisse de trouver un oiseau malade et la désolation de devoir abattre tout son élevage.
Frédéric Keck, Anthropologie, EHESS, CNRS, Laboratoire d'anthropologie sociale, Collège de France, Auteurs historiques The Conversation France
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/205851
2023-05-24T17:32:01Z
2023-05-24T17:32:01Z
Podcast « Zootopique » : Grippe, un virus du passé qui a de l’avenir
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/527972/original/file-20230524-25-nekzh4.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C6%2C1397%2C1391&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Zootopique Vignette saison</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.moustic-studio.com/">Moustic Studio</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><iframe src="https://embed.acast.com/7f7f5b1b-ba8f-4be1-833e-f8c62a47f850/64623cd141a7360011179ab7" frameborder="0" width="100%" height="190px"></iframe>
<p>« Zootopique » est une série de podcasts réalisés en partenariat avec l’Anses (Agence nationale sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) qui interroge nos relations avec les animaux au prisme de la santé. Après une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/zootopique-105662">première saison</a> portant sur des thèmes aussi variés que le déclin des abeilles ou les maladies portées par les moustiques et les tiques, nous vous proposons une deuxième saison. </p>
<p>Pour ce premier épisode, Béatrice Grasland, chef d’unité virologie, immunologie, parasitologie aviaires et cunicoles à l’Anses et Bruno Lina, directeur du centre national de référence pour les virus des infections respiratoires font le point sur la grippe, ou plutôt les grippes. </p>
<p>Depuis quand cette maladie existe ? Pourquoi cette maladie touche les humains, mais aussi les animaux ? Pourquoi revient-elle tous les ans ? Doit-on s’attendre à une prochaine pandémie ? Sommes-nous prêts ? </p>
<hr>
<p><em>Crédits : Conception : Anses et The Conversation France. Réalisation : <a href="https://www.moustic-studio.com/">Moustic Studio</a>. Animation : Benoît Tonson.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205851/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Le podcast « Zootopique » revient pour une deuxième saison. Dans cet épisode nous faisons le point sur les grippes. Sommes-nous prêts à affronter une prochaine pandémie ?
Béatrice Grasland, Chef d'unité virologie, immunologie, parasitologie aviaires et cunicoles, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)
Benoît Tonson, Chef de rubrique Science + Technologie, The Conversation France
Bruno Lina, Directeur du centre national de référence pour les virus des infections respiratoires, ENS de Lyon
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tag:theconversation.com,2011:article/203357
2023-04-13T17:49:35Z
2023-04-13T17:49:35Z
Grippe aviaire : que savons-nous des risques de contamination et de transmission chez l’humain ?
<p>Ces derniers mois, la grippe aviaire est revenue en force dans l’actualité. Depuis octobre 2021, le virus a en effet décimé plusieurs centaines de millions d’oiseaux – au point que l’on assiste à son <a href="https://wahis.woah.org/#/home">épisode le plus dévastateur</a> à l’échelle mondiale et <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2023/grippe-aviaire-quelle-est-la-situation-en-france-et-dans-le-monde">européenne</a>. (<em>En France, en 2023, le <a href="https://agriculture.gouv.fr/influenza-aviaire-la-situation-en-france">nombre de jours entre l’apparition de deux foyers en élevage de volailles augmente toujours, mais le nombre de foyers tend à ralentir</a>, ndlr.</em>)</p>
<p>Fin février, une <a href="https://www.who.int/fr/emergencies/disease-outbreak-news/item/2023-DON445">enfant de 11 ans a même été emportée au Cambodge</a>, déclenchant une vague d’inquiétude quant à la transmission aux humains d’un virus frappant normalement oiseaux sauvages et volailles. Il est toutefois important de noter que les cas humains répertoriés et les morts massives des oiseaux sont causés par deux « variants » différents appartenant à la souche H5N1 du virus de la grippe aviaire. (<em>Tout comme le <a href="https://www.who.int/emergencies/disease-outbreak-news/item/2023-DON456">récent décès d’une femme en Chine, dû à la souche H3N8</a>, ndlr.</em>)</p>
<p>Et si quelques personnes sont bien tombées malades au contact d’oiseaux infectés, rien ne prouve qu’il y ait eu ensuite propagation d’homme à homme – le point le plus important. Ce qui n’empêche pas l’OMS de plaider pour la vigilance.</p>
<h2>Qu’est-ce que la grippe aviaire ?</h2>
<p>De nombreux types de grippe aviaire infectent naturellement les oiseaux sauvages. Il s’agit généralement de <a href="https://www.woah.org/fr/maladie/influenza-aviaire/">virus de l’influenza aviaire faiblement pathogènes (IAFP)</a>, qui provoquent habituellement peu ou pas de symptômes.</p>
<p>Chez l’Homme, elle touche l’appareil respiratoire (d’où une gêne) et provoque des lésions, la sécrétion de mucus, une toux, de la fièvre et une forte fatigue ainsi que des douleurs musculaires et articulaires – <a href="https://pasteur-lille.fr/centre-prevention-sante-longevite/vaccins-et-voyages/grippe-aviaire/">signes d’une inflammation intense</a>. L’infection peut évoluer et être mortelle si d’autres organes sont atteints : cœur, foie, reins, cerveau…</p>
<p>Toutefois, certains de ces virus sont classés comme hautement pathogènes (AIHP), ce qui est le cas du virus à l’origine de l’épidémie mondiale de grippe aviaire en cours.</p>
<p>Il existe en effet non pas un, mais de nombreux virus de la grippe aviaire, qui sont classés par sous-types. La nomenclature internationale utilise des H (pour « hémagglutinine », une protéine de surface du virus) et des N (pour « neuraminidase », une enzyme) : d’où la désignation de H5N1 dans le cas présent.</p>
<p>Et pour mieux appréhender la diversité au sein de ces sous-types, on se réfère également à des « clades » spécifiques (l’équivalent des variants du SARS-CoV-2). Celui qui nous préoccupe actuellement est le clade H5N1 2.3.4.4b.</p>
<p>La souche actuelle de la grippe aviaire est apparue en 2020-2021 et s’est propagée rapidement en Europe et en Asie, y provoquant des hécatombes. Elle a ensuite gagné l’<a href="https://doi.org/10.1038/s41598-022-13447-z">Amérique du Nord en décembre 2021</a>.</p>
<p>Le virus est entré en Amérique du Sud en décembre 2022, avec des épidémies catastrophiques chez les <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.adg2271">oiseaux sauvages</a> et les <a href="https://doi.org/10.1101/2023.02.08.527769">mammifères marins</a>. Jusqu’à présent, seules <a href="https://doi.org/10.1101/2023.02.06.527378">l’Australie</a> et l’Antarctique demeurent indemnes.</p>
<h2>Comment la grippe aviaire se transmet-elle à notre espèce ?</h2>
<p>Le virus responsable de la grippe aviaire est de la même espèce que ceux de la grippe saisonnière qui s’attaque aux humains, de la grippe porcine, de la grippe équine et de la grippe canine… Il s’agit simplement de souches et de sous-types différents comme nous l’avons dit précédemment.</p>
<p>Cependant, certains sont capables de franchir la « barrière d’espèces ». Un virus est adapté à un type d’hôte, et ne peut pas automatiquement aller infecter un individu d’une autre espèce – mais ce phénomène peut se produire… On trouve par exemple des souches de grippe humaine chez des <a href="https://doi.org/10.1128/JVI.00316-18">porcs australiens</a> et <a href="https://doi.org/10.1128/JVI.00521-15">certaines souches de grippe canine proviennent de chevaux</a>, etc. Il existe également des preuves que des <a href="https://www.nature.com/articles/nature04230">souches de grippe humaine sont initialement apparues chez les oiseaux</a>.</p>
<p>Les scientifiques s’inquiètent donc du grand nombre de cas de propagation zoonotique de cette souche de grippe aviaire, qui sont autant d’opportunités de transmission d’une espèce à l’autre. Des cas ont ainsi déjà été <a href="https://www.aphis.usda.gov/aphis/ourfocus/animalhealth/animal-disease-information/avian/avian-influenza/hpai-2022/2022-hpai-mammals">détectés</a> chez des <a href="https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2023.02.08.527769v1">mammifères marins</a> au Pérou et en Nouvelle-Angleterre, chez des renards sauvages, des mouffettes, des loutres, des lynx, des ours et des ratons laveurs en Amérique du Nord et dans d’autres pays, et chez des <a href="https://www.eurosurveillance.org/content/10.2807/1560-7917.ES.2023.28.3.2300001">visons d’élevage</a> en Espagne. C’est la première fois que cette version du virus frappe des mammifères.</p>
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<h2>Que se passe-t-il avec H5N1 ?</h2>
<p>En février, une petite fille atteinte du virus H5N1 est décédée dans la province de Prey Veng au Cambodge. Sur ses <a href="https://www.who.int/fr/emergencies/disease-outbreak-news/item/2023-DON445">douze contacts</a> identifiés, un seul s’est révélé positif : le père de l’enfant, qui était asymptomatique.</p>
<p>Les deux infections semblent être dues à une exposition à des oiseaux infectés, qui ont été trouvés sur la propriété de la famille. Une transmission interhumaine est peu probable.</p>
<p>Le <a href="https://www.who.int/fr/emergencies/disease-outbreak-news/item/2023-DON445">séquençage génétique rapide du virus</a> a permis de déterminer qu’il s’agissait d’une lignée communément trouvée au Cambodge (2.3.2.1c), différente de la lignée du <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2023/grippe-aviaire-quelle-est-la-situation-en-france-et-dans-le-monde">clade 2.3.4.4b</a> qui suscite des inquiétudes dans le monde entier.</p>
<p>Mais le clade 2.3.4.4b a lui aussi franchi la barrière d’espèce. Récemment, un enfant équatorien a été infecté, très probablement <a href="https://www.who.int/emergencies/disease-outbreak-news/item/2023-DON434">par des volailles malades</a>. <a href="https://cdn.who.int/media/docs/default-source/influenza/avian-and-other-zoonotic-influenza/h5-risk-assessment-dec-2022.pdf">D’autres cas</a> ont <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.abo1232">aussi été identifiés</a> en Russie, en Chine, au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Espagne et au Viêt Nam.</p>
<p>Entre janvier 2020 et décembre 2022, une <a href="https://www.vidal.fr/actualites/30092-doit-on-craindre-une-epidemie-humaine-de-grippe-aviaire-h5n1.html">demi-douzaine d’infections ont été enregistrées, causant deux décès</a>. Jusqu’à présent, tous sont survenus chez des individus exposés à des oiseaux infectés.</p>
<p>Heureusement, de telles contaminations ne débouchent que rarement sur l’étape suivante, à savoir la transmission du virus d’homme à homme : leur portée est donc limitée.</p>
<p>Toutefois, si le virus devait acquérir la capacité de se propager chez un nouvel hôte, des épidémies (voire des pandémies) pourraient survenir… Les scientifiques surveillent donc de près tout signe d’adaptation de ces virus et de sa propagation entre mammifères, y compris l’humain.</p>
<h2>Pourquoi (et comment) les virus changent-ils d’hôte ?</h2>
<p>Dans le cadre de leur évolution naturelle, certains virus sont particulièrement doués pour « sauter » vers de nouveaux hôtes. Par exemple, la variole du singe (ou <a href="https://theconversation.com/variole-du-singe-cette-circulation-de-la-maladie-est-completement-nouvelle-183517">mpox, ou « monkeypox »</a>) et le SARS-CoV-2 sont tous deux des virus zoonotiques.</p>
<p>On pense ainsi que la <a href="https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/monkeypox">variole du singe infecte naturellement les rongeurs</a>. Le mpox se propage également à notre espèce tous les deux ou trois ans, y compris l’année dernière où il a entraîné une <a href="https://www.who.int/fr/emergencies/situations/monkeypox-oubreak-2022">épidémie généralisée et permanente</a>.</p>
<p>Concernant la lignée ancestrale du SARS-CoV-2, elle <a href="https://academic.oup.com/gbe/article/14/2/evac018/6524630">circulait possiblement chez les chauves-souris avant de se transmettre aux humains</a>. Le SARS-CoV-2 pourrait avoir infecté un <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.abf6097">animal intermédiaire</a> chez lequel il aurait acquis certaines mutations avantageuses lui permettant de s’y propager rapidement. Plusieurs animaux ont été suggérés comme intermédiaires potentiels, notamment le vison et le pangolin.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/520578/original/file-20230412-26-9lazra.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Quatre scénarios de transmission, sans diffusion et avec diffusion au sein de l’espère humaine" src="https://images.theconversation.com/files/520578/original/file-20230412-26-9lazra.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/520578/original/file-20230412-26-9lazra.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=595&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/520578/original/file-20230412-26-9lazra.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=595&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/520578/original/file-20230412-26-9lazra.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=595&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/520578/original/file-20230412-26-9lazra.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=747&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/520578/original/file-20230412-26-9lazra.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=747&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/520578/original/file-20230412-26-9lazra.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=747&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le plus souvent, un virus reste au sein de son hôte et n’est que rarement trouvé chez d’autres espèces. Mais l’acquisition de nouvelles mutations peut permettre des sauts entre espèces. Le quatrième cas de figure pour les grippes aviaires, fictif à l’heure actuelle, décrit un phénomène potentiellement pandémique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ash Porter</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>L’analyse des génomes indique que les cas de grippe aviaire chez les mammifères contiennent presque toujours la même mutation au niveau de l’ADN. On craint que d’autres mutations ne surviennent lors de la circulation au sein des hôtes intermédiaires, ce qui permettrait au virus de mieux se transmettre entre mammifères – comme dans des élevages de visons, où une transmission de vison à vison <a href="https://www.eurosurveillance.org/content/10.2807/1560-7917.ES.2023.28.3.2300001?crawler=true">a été soupçonnée</a>.</p>
<p>À ce jour, le <a href="https://www.who.int/docs/default-source/wpro---documents/emergency/surveillance/avian-influenza/ai_20230203.pdf">risque de transmission interhumaine de la grippe aviaire reste faible</a>… mais il n’est pas nul.</p>
<p>En effet, des expériences réalisées il y a une dizaine d’années avaient permis de rendre H5N1 transmissible d’un mammifère à l’autre, en l’occurrence le furet – dont le système respiratoire sert de modèle pour étudier le nôtre. Or, vison et furet sont apparentés. Ce qui a pu se produire pour le premier pourrait se faire pour le second, qui est proche de nous. D’autant que ce sous-type <a href="https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/grippe-aviaire">H5N1 mute facilement et peut échanger des gènes avec d’autres virus grippaux</a>.</p>
<h2>Que pourrait-il se passer ?</h2>
<p>Le <a href="https://theconversation.com/laugmentation-de-la-population-mondiale-responsable-des-crises-sanitaires-174983">changement climatique et l’urbanisation rapprochent, physiquement, les hommes et les animaux sauvages</a>, ce qui multiplie les possibilités d’interaction avec des animaux infectés.</p>
<p>L’histoire des pandémies de grippe causées par des pathogènes combinant des gènes issus de virus de la grippe A porcine, aviaire et humaine nous montre que nous avons besoin d’une surveillance constante et permanente des virus de ces familles, en particulier dans les <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rsos.211573">fermes</a> et dans les populations d’animaux sauvages et en captivité.</p>
<p>Les agences gouvernementales et les chercheurs du monde entier travaillent activement à la <a href="https://theconversation.com/maladies-emergentes-dorigine-animale-dou-viendra-la-prochaine-menace-136208">détection et à la surveillance génomique des foyers de grippe aviaire chez les oiseaux et les mammifères</a>. Le séquençage de masse peut nous aider à savoir où les virus se propagent et <a href="https://theconversation.com/mieux-comprendre-la-diffusion-des-virus-entre-les-especes-137425">comment ils s’adaptent à de nouveaux hôtes</a>.</p>
<p>L’Organisation mondiale de la santé animale <a href="https://www.woah.org/en/disease/avian-influenza/#ui-id-3">recommande</a> toujours d’éviter tout contact direct avec des oiseaux sauvages, volailles et animaux sauvages malades ou morts, et de signaler les foyers infectieux aux autorités locales.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203357/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michelle Wille a reçu des financements de l'Australian Research Council et est membre du National Avian Influenza Wild Bird Steering Group.
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Ash Porter ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La grippe aviaire connaît une épidémie d’un niveau inédit, et des victimes humaines ont été confirmées. Quand une maladie animale peut-elle frapper notre espèce ? Quels sont les risques ?
Ash Porter, Research officer, The Peter Doherty Institute for Infection and Immunity
Michelle Wille, Senior research fellow, The University of Melbourne
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/201703
2023-03-23T17:50:11Z
2023-03-23T17:50:11Z
Épidémies : les fourmis tropicales, parfaites sentinelles pour surveiller les virus
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/517289/original/file-20230323-20-jdspol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C3872%2C2585&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des fourmis légionnaires photographiées dans la forêt tropicale de Mabira, en Ouganda.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Army_Ants_(Dorylus_sp.)_(7073859635).jpg">Bernard Dupont / Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>La majorité des maladies infectieuses qui ont émergé chez l’être humain sont des zoonoses, ce qui signifie qu’elles trouvent leur origine chez les animaux. On estime en effet que <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7111083/">sur les 1415 pathogènes qui ont été historiquement capables d’infester notre espèce, 62 % sont d’origine zoonotique</a>.</p>
<p>Outre les bactéries, parasites ou champignons, les <a href="https://www.nature.com/articles/nature22975">virus provenant de mammifères sauvages sont particulièrement préoccupants</a>, en raison de leur rapidité de dissémination ou de leur gravité potentielle. Rappelons que le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), Ebola ou les virus de syndrome respiratoire aigu sévère (SARS-CoV-1 et SARS-CoV-2) sont tous soupçonnés de provenir de mammifères sauvages.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Au cours des 50 dernières années, la quasi-totalité des maladies émergentes ont surgi de la faune animale sauvage des forêts tropicales humides d’Afrique, d’Asie et d’Amérique, <a href="https://doi.org/10.1038/nature22975">toujours de manière inattendue et imprévisible</a>, ce qui témoigne de notre incapacité à prévenir et anticiper ces émergences.</p>
<p>Mais les choses pourraient changer. Nos récents travaux ont en effet identifié de nouvelles alliées potentielles pour surveiller précocement les émergences virales : les fourmis, et plus précisément, les fourmis légionnaires. Explications.</p>
<h2>Les virologues face au défi des forêts tropicales humides</h2>
<p>L’imprévisibilité des émergences virales auxquelles nous avons fait face au cours des dernières décennies met en lumière <a href="https://doi.org/10.1088/1748-9326/ab8dd7">notre méconnaissance profonde de la composition virale de ces écosystèmes</a>. Bien que consciente d’une telle défaillance, la communauté scientifique semble désarmée et impuissante.</p>
<p>Elle se heurte en effet à une difficulté de taille : pour pouvoir étudier les nombreux virus qui circulent dans ces milieux, il faut avoir accès à des échantillons d’animaux et de végétaux qui sont les hôtes desdits virus. Or, les forêts tropicales sont généralement immenses, denses et impénétrables. De ce fait, la majeure partie de ces territoires sont totalement inexplorés, et seuls des nombres limités d’animaux peuvent y être capturés, prélevés, et donc analysés.</p>
<p>Par ailleurs, la plupart des virus se répliquent dans des cellules de la lignée monocytaire (les <a href="https://www.mqzh.ch/cm/images/bph/bp_2011_2_2.pdf">monocytes</a> sont des cellules immunitaires), lesquelles sont principalement présentes dans les organes internes des animaux (rate et foie). Les débusquer nécessite le sacrifice de ces derniers, une pratique inapplicable, car contraire aux règles éthiques en vigueur. Les seuls échantillons non invasifs pouvant être facilement récupérés sont les matières fécales. Malheureusement, seule une fraction minime de la communauté virale peut y être détectée.</p>
<p>Pour contourner ce problème, les scientifiques pourraient peut-être s’adjoindre les services d’alliées de poids : les fourmis légionnaires, de redoutables prédatrices qui patrouillent dans les écosystèmes forestiers d’Afrique.</p>
<h2>Les fourmis magnans, d’extraordinaires collectrices de virus</h2>
<p>Originaires d’Afrique centrale et orientale, les fourmis légionnaires, aussi appelées « magnans » en référence à leur voracité extrême (les magnans, ou vers à soie, sont connus pour leur grande voracité). Elles <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.2026534118">sont connues pour les raids spectaculaires</a> qu’elles mènent en colonnes de millions d’individus s’étendant sur plusieurs dizaines de mètres.</p>
<p>Une autre particularité de ces fourmis est d’être nomades : elles ne vivent pas en fourmilière, mais alternent déplacements de quelques heures à plusieurs jours et « campements » de quelques semaines. Elles construisent alors des bivouacs formés par le corps des fourmis elles-mêmes, se tenant les unes par-dessus les autres pour abriter la reine et le couvain.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/cz6fmsR8GU0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Carnivores, elles peuvent s’attaquer à une large gamme d’êtres vivants, qu’elles peuvent parfois atteindre jusqu’à plus de 20 mètres du sol. Leurs proies vont des arthropodes et autres invertébrés (crickets, cafards, vers de terre…) à des animaux vertébrés de petite taille tels qu’oiseaux, reptiles, ou micromammifères. Elles consomment également toutes espèces de plantes, et sont également capables de dévorer des carcasses de gros animaux.</p>
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<img alt="Les puissantes mandibules d’une fourmi légionnaire appartenant à l’espèce Dorylus wilverthi" src="https://images.theconversation.com/files/517216/original/file-20230323-26-qx9xnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/517216/original/file-20230323-26-qx9xnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=522&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/517216/original/file-20230323-26-qx9xnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=522&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/517216/original/file-20230323-26-qx9xnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=522&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/517216/original/file-20230323-26-qx9xnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=657&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/517216/original/file-20230323-26-qx9xnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=657&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/517216/original/file-20230323-26-qx9xnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=657&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les puissantes mandibules d’une fourmi légionnaire appartenant à l’espèce Dorylus wilverthi.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.antwiki.org/wiki/File:Dorylus_wilverthi_casent0172657_head_1.jpg">AntWeb.org</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Les quantités de nourritures qu’elles prélèvent <a href="https://doi.org/10.1111/j.1469-7998.2007.00360.x">peuvent atteindre 2 kg de biomasse par jour pour l’ensemble d’une colonie</a>. Leurs mandibules sont si puissantes qu’elles restent accrochées à leurs proies, ce qui incitait autrefois les habitants de ces régions à les utiliser pour faire des sutures et favoriser la cicatrisation de petites plaies, malgré leur morsure douloureuse.</p>
<p>L’ensemble de ces caractéristiques – grande diversité des proies, nomadisme, quantités très élevées de nourriture ingurgitée – nous ont fait émettre l’idée que ces fourmis magnans seraient susceptibles d’absorber et accumuler les virus hébergés par les hôtes qu’elles consomment, qu’ils soient végétaux, animaux invertébrés ou vertébrés.</p>
<p>Afin de tester cette hypothèse, nous avons réalisé une étude pilote (projet <a href="https://rr-africa.woah.org/fr/projets/ebo-sursy-fr/">EBO-SURSY « renforcement des capacité et surveillance de la maladie à Virus Ebola »</a>, financé par l’Union européenne) <a href="https://doi.org/10.24072/pcjournal.249">à partir de 209 fourmis légionnaires appartenant au genre <em>Dorylus</em>, provenant de 29 colonies différentes</a>, collectées sur les pistes de latérite en pleine forêt tropicale africaine, au nord-est du Gabon.</p>
<h2>Mise en évidence d’une importante matière noire virale</h2>
<p>Nous avons analysé chacune de ces fourmis via une approche de <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2013/06/medsci2013295p501/medsci2013295p501.html">métagénomique virale</a>. Cette démarche consiste à récupérer l’ensemble du matériel génétique (ADN et ARN) présent au sein d’un échantillon (ici la fourmi) puis à analyser la portion correspondant au génome viral total ou virome (l’échantillon contient également du matériel génétique provenant des animaux ou plantes que la fourmi a consommés). Objectif : identifier les virus avec lesquels les fourmis ont été en contact.</p>
<p>Cette méthode nous a permis de détecter un nombre exceptionnel de séquences génomiques, soit près de 443 645 séquences l’une longueur supérieure à 200 nucléotides (les nucléotides sont les sous-unités qui constituent les molécules d’acides nucléiques, supports de l’information génétique). 46 377 de ces séquences s’apparentaient à des séquences de virus de bactéries, de plantes, d’invertébrés et de vertébrés (soit 10,5 %).</p>
<p>De manière très intéressante, seules 22 406 des 46 377 séquences (soit 48,3 %) présentaient une similarité avec des genres viraux reconnus ou en cours de reconnaissance par le <a href="https://ictv.global/">Comité international de taxonomie des virus</a>. Les séquences virales restantes (51,7 %) n’ont pu être en revanche assignées qu’à des niveaux de classification supérieurs (famille virale (24,7 %), ordre viral (3 %), voire domaine viral (24 %). Autrement dit, il n’a pas été possible de déterminer précisément de quels virus il s’agissait. Cela signifie que, dans les écosystèmes forestiers parcourus par les fourmis, se trouvent probablement de très nombreux virus encore inconnus.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/MLuxmry7eZo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Au-delà de la mise en évidence de cette « matière noire » virale qui reste encore à caractériser, cette étude a permis la détection de séquences virales appartenant à 157 genres viraux différents et 56 familles virales, ce qui reste assez exceptionnel sur la base d’un si faible nombre d’échantillons (209 fourmis).</p>
<h2>Les fourmis magnans, observatoire des émergences virales</h2>
<p>Ces fourmis pourraient devenir un véritable observatoire pour la surveillance précoce des virus de la faune sauvage, des émergences virales, des maladies et des épidémies. Ces petits animaux pourraient, à l’avenir, jouer un rôle majeur dans la politique de santé publique en assurant la surveillance et la détection des virus au sein de leurs réservoirs animaux avant leur transmission aux populations humaines et l’apparition des épidémies.</p>
<p>On peut par exemple imaginer mettre en place un système d’échantillonnage basé sur une collecte mensuelle de fourmis légionnaires, en des lieux définis. Une rapide analyse PCR pourrait alors renseigner sur les virus présents à ces endroits et sur le niveau de circulation virale. Si des virus problématiques atteignent un seuil critique, des mesures d’interventions pourraient être mises en place.</p>
<p>L’intérêt potentiel de cette approche ne se limite d’ailleurs pas uniquement au domaine de la santé publique, mais concerne également le secteur agroalimentaire. Elle pourrait en effet également être mise en œuvre pour surveiller les virus de plantes potentiellement problématiques, qui pourraient être impliquées dans des contaminations de cultures.</p>
<h2>Mieux connaître les virus qui circulent dans les forêts tropicales</h2>
<p>Ces travaux pionniers constituent une preuve de concept qui pourrait aussi ouvrir la voie à des études à grande échelle sur le virome des écosystèmes forestiers tropicaux et améliorer ainsi considérablement les connaissances des innombrables virus tapis au sein de la faune sauvage.</p>
<p>Ils démontrent en effet que les fourmis légionnaires accumulent une diversité extraordinaire de séquences génomiques provenant de virus appartenant notamment à leurs nombreuses proies. Et ce, peut-être même durant toute leur vie, exactement comme si elles étaient situées en bout de la chaîne alimentaire.</p>
<p>Leur utilisation comme outil d’échantillonnage permettrait de collecter, déterminer et caractériser une fraction substantielle des virus circulant au sein de l’écosystème tropical forestier d’Afrique. Cela permettrait de pallier les difficultés que rencontrent actuellement les scientifiques qui surveillent les virus hébergés par les espèces végétales et animales de ces zones.</p>
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<p>Enfin, cette approche permettrait aussi d’obtenir des indices solides sur l’identité des réservoirs animaux de virus pour lesquels aucune connaissance n’est disponible. En effet, les fourmis portent également des traces du matériel génétique provenant des animaux qu’elles consomment. Son analyse pourrait permettre, par recoupement, d’associer la présence d’un virus avec une espèce animale (ce qui permettrait de restreindre le cercle des suspects possibles). Dans un second temps, les virologues à la recherche du réservoir dudit virus pourraient se concentrer sur les animaux dont les traces ont aussi été repérées chez les fourmis contaminées.</p>
<p>Les fourmis légionnaires, carnivores et omnivores à souhait, dévorant tout sur leur passage, pourraient donc devenir le maillon manquant tant recherché, « écologique », dans l’interminable chaîne des mesures de lutte contre les virus. Sentinelles vigilantes et aguerries, elles participeraient ainsi à la surveillance précoce des virus zoonotiques, nous permettant de prédire, anticiper et prévenir l’émergence de maladies et d’épidémies dont nous sommes encore trop souvent simples spectateurs, médusés et impuissants.</p>
<p>Loin de l’image de « nuisibles » qui leur colle trop souvent aux mandibules, ces petits insectes sociaux pourraient remplir une nouvelle fonction éminemment sociale… Envers nous les humains.</p>
<hr>
<p><em>Depuis la première publication de cette article, notre équipe a reçu un financement de l'Agence nationale pour la recherche (ANR) pour mener un projet de plus grande envergure sur ce sujet qui est apparu particulièrement prometteur.
L'ANR finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201703/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Les virus qui hantent les forêts tropicales humides peuvent être à l’origine de graves maladies émergentes. Pour mieux les surveiller, les scientifiques pourraient bientôt compter sur les fourmis.
Éric Leroy, Directeur de recherche, virologue, spécialiste des zoonoses virales, Institut de recherche pour le développement (IRD)
Philippe Roumagnac, Directeur de recherche UMR PHIM (Plant Health Institute Montpellier - Université de Montpellier-CIRAD-INRAE-IRD-Institut Agro), Cirad
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/181277
2022-07-01T16:15:40Z
2022-07-01T16:15:40Z
Faire du tourisme vert et nourrir les animaux : quels risques pour notre santé… et la leur ?
<p>Observer de près la faune sauvage, s’approcher d’animaux que l’on ne voit habituellement que dans des documentaires… De nombreux sites touristiques proposent aux visiteurs des excursions leur permettant d’entrer en contact avec des animaux sauvages.</p>
<p>Pour attirer des espèces qui, autrement, ne seraient que très difficilement et très aléatoirement observées, souvent des points de nourrissage sont créés. Si elles satisfont un besoin profond d’<a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-part-sauvage-du-monde-virginie-maris/9782021332544">altérité</a>, la concentration artificielle en espèces et l’abondance d’individus au contact ou à proximité des humains qui résulte de ce marché touristique d’espèces « <a href="https://doi.org/10.1016/j.gecco.2020.e01422">prêtes à voir</a> » ne sont cependant pas sans danger, pour les touristes comme pour les espèces observées.</p>
<p>Afin de bien vivre cette situation particulière, il est donc important d’acquérir le savoir-vivre permettant d’en éliminer tant que faire se peut les dangers, tout en gardant un maximum des bonheurs escomptés. </p>
<p>Ce savoir-vivre s’applique aussi aux espèces sauvages que nous côtoyons dans des endroits plus communs, telles que nos villes, colonisées depuis quelques années par des animaux inattendus, certains de taille modeste ou moyenne (ragondin, castor, renard, sanglier, etc.) et d’autres beaucoup plus impressionnants, tels qu’<a href="https://www.nationalgeographic.com/animals/article/black-bears-adapt-cities-animals">ours</a>, <a href="https://wildlife.org/big-cats-adapt-to-city-life/">puma</a> ou <a href="https://www.nationalgeographic.com/magazine/article/leopards-moving-to-cities">léopard</a>…</p>
<h2>Des microbes dangereux pour l’être humain</h2>
<p>Les risques encourus à attirer de grands carnivores tels que des ours ou de grands félins, ou encore des animaux tels que des éléphants sur des points d'eau est évident. Des accidents graves, parfois mortels, ont lieu tous les ans sur pratiquement tous les continents, le plus souvent liés à l’inconscience de touristes ou de citadins peu avertis du comportement de ces espèces dans le monde réel, et des précautions à prendre pour les observer. Mais il existe aussi des risques plus subtils. </p>
<p>Il ne faut pas oublier que si les touristes viennent observer des espèces animales qui symbolisent la richesse de la biodiversité de notre planète, lesdites espèces sont elles-mêmes porteuses d’une importante <a href="https://www.liberation.fr/forums/les-micro-organismes-auront-toujours-une-mutation-davance-sur-les-autres-20210903_47X3WFQYENC7TOM45NVCIRHIRY/">diversité microbienne</a>. Or, si la plupart des microbes sont nos alliés et sont <a href="https://www.actes-sud.fr/node/59704">essentiels au fonctionnement des écosystèmes</a>, une fraction minime de <a href="https://doi.org/10.1002/9781119902911.ch11">quelques milliers d’entre eux sont potentiellement pathogènes</a>.</p>
<p>La visite touristique <a href="https://www.wemjournal.org/article/S1080-6032(21)00055-7/fulltext">de grottes où séjournent des centaines de milliers de chauves-souris</a>, sur le continent sud-américain par exemple, pose la question de la transmission de leurs pathogènes aux humains, non seulement directement, mais aussi par aérosols ou via les immenses couches de guano déposées que foulent les visiteurs. </p>
<p>C’est le cas de l’<a href="http://campus.cerimes.fr/parasitologie/enseignement/histoplasmose/site/html/cours.pdf">histoplasmose</a>, une maladie causée par un champignon ou, sur d’autres continents, des virus Nipah et Marburg. On compte également au moins 14 « espèces » de virus de la rage (virus rabiques), la plupart pouvant affecter les chauves-souris : au Texas, dans une grotte habitée par 110 millions de chauves-souris, où circule un de ces virus, deux cas <a href="https://academic.oup.com/jid/article/195/8/1144/816583">d’infection de spéléologues via une transmission par aérosol</a> ont été documentés.</p>
<p>Par ailleurs, dans les villes et sites touristiques d’Amérique du Sud et d’Asie, la proximité de la population humaine avec des primates non humains, macaques et tamarins principalement, <a href="https://journals.plos.org/plosntds/article?id=10.1371/journal.pntd.0002863">conduit à des dizaines de morsures chaque année</a>. Or ces primates peuvent être porteurs du virus de la rage « classique », <a href="https://academic.oup.com/jtm/article/23/4/taw028/2748109">hérité de leur contacts avec des canidés</a>, ce qui oblige les personnes non-vaccinées à suivre une prophylaxie post-exposition complète contre cette maladie.</p>
<p>L’existence de ces microbes pathogènes pour l’être humain, <a href="https://www-science-org.inee.bib.cnrs.fr/content/article/new-killer-virus-china">connus ou encore inconnus</a>, justifie donc d’adopter des comportements d’évitement permettant de minimiser les risques d’exposition. </p>
<p>Mais si les animaux peuvent contaminer l’être humain, l’inverse est également vrai.</p>
<h2>Les humains sont aussi source d’infection</h2>
<p>Dans le parc national de Taï, en Côte d’Ivoire, <a href="https://doi.org/10.1002/ajp.22619">les études</a> ont montré non seulement l’existence d’agents pathogènes présents naturellement chez les chimpanzés (virus lymphotrophique T, virus foamy simien, <a href="https://www-nature-com.inee.bib.cnrs.fr/articles/s41564-020-0706-0">variole du singe</a>) et dans leur habitat (virus Ebola ou bactérie <em>Bacillus cereus</em> biovar <em>anthracis</em>, responsable d’une forme d’anthrax, une grave maladie infectieuse), mais aussi de pathogènes introduits par les humains, tels que le virus respiratoire syncytial humain (HRSV) et le métapneumovirus humain (HMPV), qui peuvent eux-mêmes contaminer les chimpanzés.</p>
<p>À partir de 1992, un système de gestion des déchets et de quarantaine des scientifiques étudiants les chimpanzés et des visiteurs a été mis en place. Pourtant, depuis 1999, au moins six épidémies majeures de maladies respiratoires d’origine humaine, avec des pertes allant jusqu’à 19 % des communautés de chimpanzés ont été observées.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/472060/original/file-20220701-20-kanaga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Photo en gros plan d’un gorille des montagnes (photo prise au Rwanda)." src="https://images.theconversation.com/files/472060/original/file-20220701-20-kanaga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/472060/original/file-20220701-20-kanaga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=702&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/472060/original/file-20220701-20-kanaga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=702&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/472060/original/file-20220701-20-kanaga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=702&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/472060/original/file-20220701-20-kanaga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=883&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/472060/original/file-20220701-20-kanaga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=883&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/472060/original/file-20220701-20-kanaga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=883&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des mesures pour protéger les gorilles des montagnes du Covid-19 ont été prises en 2020.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/pJGA1LYp_lc">Bob Brewer / Unsplash</a></span>
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</figure>
<p>La pandémie de COVID-19 chez les humains a justifié le renforcement de tels types de « distanciation » avec les <a href="https://doi.org/10.1002/ajp.23291">gorilles de montagne</a>, en République démocratique du Congo, au Rwanda et en Ouganda. Fin mars 2020, tout le tourisme lié aux gorilles avait été suspendu, et des protocoles stricts ont été ensuite mis en place avant réouverture : port obligatoire d’un masque facial et augmentation de la distance minimale avec les animaux, notamment.</p>
<p>Les contaminations par certains pathogènes peuvent donc se faire de l’animal à l’humain ou de l’humain à l’animal. Mais pour certains microbes qui sont à l’aise dans plusieurs espèces, le sens de contamination peut s’avérer plus difficile à déterminer. Il peut être à double sens, voire passer par d’autres animaux. </p>
<h2>Une circulation à sens multiples</h2>
<p>Le sens de circulation des microbes n’est pas toujours facile à établir, et le système écologique complet, incluant sa composante humaine, peut être dans son entier considéré comme un système privilégié de transmission.</p>
<p>Dans le nord-ouest du Yunnan en Chine, sur un site d’écotourisme, un groupe de <a href="https://gdri-ehede.univ-fcomte.fr/spip.php?article12">Rhinopithèques de Biet</a>, un singe vivant en haute altitude, est régulièrement nourri à proximité du village. <a href="https://doi.org/10.1038/s41598-021-95166-5">Nous avons identifié 13 espèces ou lignées d’amibes</a> dans leurs fèces. Ces amibes, qui infectent aussi les humains et leurs animaux domestiques (porcs, bovins et poulets) peuvent passer d’une espèce à l’autre. On sait peu de choses de leur pathogénicité, mais elles fournissent un intéressant modèle de transmission.</p>
<p>Nous avons notamment constaté que le pourcentage de crottes infectées chez les singes fréquentant le site de nourrissage était de près de 90 %, alors qu’il n’était que d’un peu plus de 30 % chez ceux qui ne s’y rendaient pas. De plus, l’isolement d’une petite fraction, celle nourrie, de la population sauvage, a abouti <a href="https://doi.org/10.1016/j.gecco.2020.e01422">à son appauvrissement génétique</a>.</p>
<p>Le nourrissage d’une sous-population de singes à des fins touristiques a donc pour effet conjoint d’augmenter la consanguinité du groupe nourri, sa sensibilité et son exposition aux infections amibiennes. </p>
<p>De façon avisée, sur ce site (et contrairement à d’autres sites du même type situés ailleurs dans le monde), l’observation des singes par les touristes au moment du nourrissage se fait à distance stricte, matérialisée par une corde tendue, et est surveillée par les gardiens. Mais le contact entre animaux domestiques, habitants et singes, direct ou via leurs déjections à proximité des sites de nourrissage, constitue par ailleurs un système qui amplifie considérablement la circulation des amibes.</p>
<p>Et ce type de problème ne se rencontre pas uniquement sur des sites touristiques situés à l’autre bout du monde…</p>
<h2>La faune sauvage en ville</h2>
<p>La valeur monétaire du pelage du renard roux, encore importante au milieu du XXe siècle, puis l’épidémie de rage sylvatique qui a touché ses populations sur le continent européen ont maintenu le nombre d’individus à des niveaux relativement bas jusqu’au début des années 1980. </p>
<p>Depuis, suite au désintérêt pour la fourrure et à aux campagnes de vaccination qui ont fait reculer la rage (<a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/maladies/maladies-infectieuses/article/rage">la France en est indemne depuis 2001</a>), les populations de renard ont augmenté. Depuis la fin des années 1990, elles atteignent la <a href="https://doi.org/10.1111/mam.12289">capacité d’accueil</a> de leurs écosystèmes. Les renards ont aujourd’hui conquis jusqu’aux villes, où ils trouvent les ressources qui leur sont nécessaires. </p>
<p>Si certains citadins déplorent leurs « incivilités » occasionnelles (ouverture de sacs poubelles, visites de poulaillers, terriers creusés sous les bâtiments, etc.) d’autres sont ravis du voisinage de ce joli petit canidé. Ils le nourrissent même parfois, que ce soit involontairement, quand les renards viennent manger les croquettes destinées au chien ou au chat de la maison, ou volontairement. </p>
<p>Il n’en reste pas moins que cette proximité de fait représente un réel danger vis-à-vis de la transmission d’une maladie parasitaire gravissime pour les humains, l’<a href="https://theconversation.com/les-echinococcoses-des-maladies-parasitaires-en-expansion-181276">échinococcose alvéolaire</a>. D’évolution lente (dix ans, voire plus), silencieuse et de pronostic sombre lorsqu’elle est détectée tardivement, cette maladie peut entraîner une insuffisance hépatique parfois mortelle, et nécessiter une greffe de foie dans les cas graves.</p>
<p>Or, une fraction importante de la population de renards peut être porteuse du parasite responsable de la maladie : c’est le cas de plus de 50 % des renards qui vivent aux abords de la <a href="https://doi.org/10.1017/S0031182099005351">ville de Zurich</a>, en Suisse ! Cette fraction d’animaux infectés est d’autant plus grande que les <a href="https://doi.org/10.1016/j.pt.2015.04.007">paysages urbains sont riches en espaces verts</a>. Or, les renards contaminés dispersent le parasite via les crottes qu’ils <a href="https://doi.org/10.1051/parasite/2021073">déposent dans les jardins</a> et près des sites de nourrissage.</p>
<p>Dans certains cas, la promiscuité avec leurs congénères peut aussi être problématique pour les animaux eux-mêmes.</p>
<h2>Distanciation sociale pour les oiseaux</h2>
<p>Qui, surtout en hiver, n’a jamais songé à nourrir les oiseaux ? Fréquente en hiver, cette pratique n’est pas elle-même sans risque, car leur concentration au point de nourrissage peut augmenter la <a href="https://doi.org/10.1016/j.biocon.2016.10.034">transmission de bactéries, champignons et virus</a> responsables de salmonelloses, aspergilloses, trichomonase, variole aviaire, etc. Or, certains de ces micro-organismes sont aussi pathogènes pour les humains.</p>
<p>Aux États-Unis, il a été démontré que le retrait des mangeoires pour oiseaux réduit considérablement les <a href="https://doi.org/10.1098/rspb.2015.1429">épidémies de mycoplasmose oculaire</a> chez le roselin familier, une maladie causée par la bactérie <em>Mycoplasma gallisepticum</em>, et que le nettoyage régulier des bains d’oiseaux et des mangeoires prévient également le développement des salmonelles. En 2021, pendant plusieurs mois, plus d’une dizaine d’États américains ont d’ailleurs demandé aux habitants de retirer les mangeoires, les bassins et les autres éléments susceptibles d’attirer les oiseaux sur leurs propriétés, en réponse à <a href="https://www.audubon.org/news/scientists-still-searching-pathogen-behind-easts-songbird-epidemic">une épidémie d’une mystérieuse maladie aviaire</a>. Son origine exacte n’a pas été élucidée, mais c’est bien une forme de « distanciation sociale » chez les oiseaux qui était recherchée. </p>
<p>Dans ce pays, une attention particulière est également portée au virus <a href="https://news.cornell.edu/stories/2002/10/watch-bird-feeders-impact-west-nile-virus">West Nile</a> ainsi qu’à celui de la <a href="https://www.southernliving.com/culture/activities-and-entertainment/outdoor-recreation/animals-and-wildlife/bird-flu-remove-backyard-bird-feeders">grippe aviaire</a>, dont les oiseaux sont porteurs, et qui peuvent se transmettre à l’être humain.</p>
<h2>Savoir vivre avec la faune sauvage et ses microbes</h2>
<p>On sait aujourd’hui qu’une biodiversité élevée, à tous les niveaux où elle peut être mesurée (génétique, des espèces, des écosystèmes), est garante de la <a href="https://www.wiley.com/en-us/The+Ecological+and+Societal+Consequences+of+Biodiversity+Loss-p-9781119902904">résistance et de l’adaptabilité des écosystèmes aux changements</a>, et donc de l’habitabilité de la terre pour les humains.</p>
<p>Par ailleurs, un grand nombre de recherches ont mis en évidence les effets positifs de la biodiversité sur le <a href="https://doi.org/10.1016/j.ecolecon.2020.106917">bien-être humain ressenti</a>. En Europe, il a notamment été montré que divers indicateurs de la biodiversité (nombre d’espèces d’oiseaux, d’écosystèmes, etc.) sont positivement associés au sentiment de bien-être, voire <a href="https://doi.org/10.1186/s12942-015-0009-5">à la santé elle-même</a>, au même niveau que le revenu des habitants. </p>
<p>Il ne s’agit donc pas d’éliminer tout contact avec la biodiversité, dont il est essentiel que les citoyens perçoivent concrètement la réalité et l’importance. <a href="https://www.fondationbiodiversite.fr/tourisme-animalier-quelles-consequences-pour-la-faune-sauvage/">L’entretien de points d’observation d’espèces difficilement accessibles</a>, ou la préservation de la biodiversité urbaine sont autant de manières de se familiariser avec elle. </p>
<p>Il ne faut cependant pas oublier que cette biodiversité inclut aussi celle des micro-organismes, qui constituent <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1711842115">17 % du total de la matière vivante (biomasse) de notre planète</a>. <a href="https://www.actes-sud.fr/node/59704">Beaucoup sont des alliés</a>, et <a href="https://doi.org/10.1002/9781119902911.ch11">une infime minorité seulement représente un réel danger</a>. Tout le défi est de vivre avec eux, tout en profitant des bienfaits matériels et moraux apportés par l’existence même de la diversité du vivant (microbes compris !).
La « <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-part-sauvage-du-monde-virginie-maris/9782021332544">part sauvage du monde</a> » si chère à la philosophe Virginie Maris…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181277/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Les voyages sont l’occasion d’approcher une faune que l’on a rarement l’occasion de voir. Mais il faut se souvenir que cette proximité n’est pas sans risque pour notre santé et pour celle des animaux.
Patrick Giraudoux, Professeur émérite d'écologie, Université de Franche-Comté – UBFC
Eve Afonso, Maître de conférences en écologie, Université de Franche-Comté – UBFC
Li Li, Professor of ecology, Yunnan University of Finance and Economics
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/181276
2022-06-21T19:20:46Z
2022-06-21T19:20:46Z
Les échinococcoses, des maladies parasitaires en expansion
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/469981/original/file-20220621-23-xv0olz.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C2%2C1464%2C975&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">S’il est agréable de vivre au contact de la nature, il est sage de garder ses distances avec les animaux sauvages.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/rLAQFspVl3A">Will Coates-Gibson / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Depuis quelques années, les ceintures et autres coulées vertes envahissent les villes et leurs abords, ramenant de la biodiversité dans des lieux où elle avait longtemps été négligée, voire combattue. S’il est agréable de vivre dans un tel environnement, et de le partager avec nos compagnons domestiques et des animaux sauvages, il faut avoir conscience que cela signifie aussi accepter de côtoyer les microbes dont ces derniers sont les hôtes.</p>
<p>Or, la gamme d’organismes pathogènes qu’ils hébergent est très large, et certains sont susceptibles de passer à l’être humain, provoquant des maladies appelées zoonoses. L’une des plus célèbres est la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/maladie-de-lyme-27432">maladie de Lyme</a>, causée par une bactérie et propagée par les tiques. Mais d’autres zoonoses, beaucoup plus rares, sont moins connues. Elles n’en sont pas moins graves.</p>
<p>C’est le cas des échinococcoses provoquées par les échinocoques, des vers plats parasites qui peuvent être propagés par les renards, certains rongeurs, voire nos chiens et chats domestiques. De quoi s’agit-il exactement, et comment s’en protéger ?</p>
<h2>De la famille des ténias</h2>
<p>Les échinocoques appartiennent à la famille des Cestodes, des vers plats parasites dont les représentants les plus connus sont probablement les ténias. On dénombre aujourd’hui huit espèces d’échinocoques dans le monde, dont la dernière, <a href="https://doi.org/10.1016/j.ijpara.2005.01.003"><em>Echinococcus shiquicus</em></a>, n’a été découverte qu’en 2005 sur le plateau tibétain.</p>
<p>L’espèce la plus répandue est l’échinocoque granuleux (<em>Echinococcus granulosus</em>), que l’on trouve sous toutes les latitudes et sur tous les continents. Après avoir émergé au Moyen-Orient, au moment de la domestication du mouton, voici 10 000 à 12 000 ans, cet échinocoque s’est propagé au rythme de <a href="https://doi.org/10.1016/bs.apar.2016.07.002">l’expansion du bétail domestique</a>. Son arrivée en Australie et en Nouvelle-Zélande coïncide par exemple avec l’introduction du mouton (suite à la colonisation anglaise), tandis qu’il a conquis l’Amérique en même temps que les Européens et leur bétail.</p>
<p>En Europe arctique et tempérée, donc en France, c’est une autre espèce qui occupe majoritairement le terrain : l’échinocoque multiloculaire (<em>Echinococcus multilocularis</em>). Absent du bassin méditerranéen, on le trouve de l’Oural au Cotentin et de la Scandinavie au sud des Alpes.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/470020/original/file-20220621-11-myuilj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Microphotographie d’un spécimen adulte d’Echinococcus multilocularis" src="https://images.theconversation.com/files/470020/original/file-20220621-11-myuilj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/470020/original/file-20220621-11-myuilj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=457&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/470020/original/file-20220621-11-myuilj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=457&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/470020/original/file-20220621-11-myuilj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=457&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/470020/original/file-20220621-11-myuilj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/470020/original/file-20220621-11-myuilj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/470020/original/file-20220621-11-myuilj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Spécimen adulte d’<em>Echinococcus multilocularis</em> (taille réelle : 3 mm).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://phil.cdc.gov/Details.aspx?pid=22124">Dr. Healy/CDC</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Sa différenciation se serait produite aux alentours du détroit de Behring, voici moins de <a href="https://doi.org/10.1016/bs.apar.2016.07.002">2,6 millions d’années selon certains travaux</a>. Profitant de retraits glaciaires, il aurait conquis la Sibérie, le plateau tibétain et l’Amérique du Nord, puis l’Europe, au Pléistocène tardif. Beaucoup plus récemment, au XX<sup>e</sup> siècle, il a accompagné l’introduction sur l’île japonaise d’Hokkaido de renards destinés à lutter contre les campagnols destructeurs de prairies.</p>
<p>Comme de nombreux autres parasites, les échinocoques ont coévolué avec les espèces animales qu’ils infectent, lesquelles vivent au sein des mêmes écosystèmes qu’eux. Ils ont notamment acquis l’aptitude de passer d’un hôte à l’autre par succession générationnelle, en mettant à profit la prédation. Autrement dit, chaque étape de leur développement – de l’œuf à l’adulte en état de se reproduire – se déroule dans un animal différent.</p>
<h2>Une reproduction complexe</h2>
<p>Les échinocoques adultes mesurent quelques millimètres. Ils vivent et se reproduisent dans l’intestin de leur hôte dit « définitif », qui est toujours un carnivore : chien, renard, etc. Leurs œufs, répandus dans l’environnement via les crottes de ce dernier, peuvent être accidentellement ingérés par un autre hôte, dit « intermédiaire », qui diffère selon les espèces d’échinocoque : des ongulés pour l’échinocoque granuleux (souvent le mouton), plus généralement un campagnol pour l’échinocoque alvéolaire.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/470021/original/file-20220621-19-h3c287.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Infographie du cycle du parasite Echinococcus multilocularis" src="https://images.theconversation.com/files/470021/original/file-20220621-19-h3c287.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/470021/original/file-20220621-19-h3c287.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=610&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/470021/original/file-20220621-19-h3c287.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=610&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/470021/original/file-20220621-19-h3c287.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=610&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/470021/original/file-20220621-19-h3c287.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=766&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/470021/original/file-20220621-19-h3c287.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=766&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/470021/original/file-20220621-19-h3c287.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=766&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le cycle du parasite <em>Echinococcus multilocularis</em> est complexe et implique plusieurs hôtes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">CHRU Jean Minjoz</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Les embryons sortent alors des œufs, migrent dans ce nouvel hôte, et finissent par se loger dans son foie ou ses poumons voire, quoique moins souvent, dans d’autres organes. Cerveau, œil, peau, muscle, os, tube digestif, pancréas, reins, rate… Tous les cas ont été décrits ! Ils y forment alors un tissu larvaire, qui se présente comme une tumeur : pouvant mesurer d’un à plusieurs dizaines de centimètres de diamètre, cette structure est constituée d’un mélange de tissu parasitaire et de tissus inflammatoires de l’hôte. Comme on l’imagine, les symptômes varient selon l’organe touché…</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/470028/original/file-20220621-11-fp3thb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Photo de protoscolex d’Echinococcus multilocularis" src="https://images.theconversation.com/files/470028/original/file-20220621-11-fp3thb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/470028/original/file-20220621-11-fp3thb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=514&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/470028/original/file-20220621-11-fp3thb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=514&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/470028/original/file-20220621-11-fp3thb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=514&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/470028/original/file-20220621-11-fp3thb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=646&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/470028/original/file-20220621-11-fp3thb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=646&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/470028/original/file-20220621-11-fp3thb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=646&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Protoscolex d’<em>Echinococcus multilocularis</em> (taille réelle : 70 μm, soit 0,07 mm). On distingue les crochets invaginés qui permettent aux parasites de se fixer dans l’organisme de l’hôte.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Patrick Giraudoux</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Lors de la troisième étape du développement, ce <a href="https://doi.org/10.1016/j.banm.2021.06.016">tissu parasitaire produit des milliers de précurseurs des vers adultes</a> (les « protoscolex ») capables de vivre dans les hôtes définitifs, prédateurs. Lorsque l’un des carnivores concernés consomme une proie contaminée par les protoscolex, il se retrouve infecté à son tour. Les parasites se transforment alors en milliers d’adultes dans la muqueuse de son intestin, prêts à se reproduire et à pondre des œufs, commençant ainsi un nouveau cycle.</p>
<p>L’être humain n’est pas un hôte habituel du parasite, mais il arrive malgré tout qu’il se retrouve contaminé, ce qui a de lourdes conséquences.</p>
<h2>Comment se contamine-t-on ?</h2>
<p>L’infection de l’être humain résulte de l’ingestion d’œufs du parasite. Ceux-ci peuvent être présents dans des aliments, l’eau ou des sols, ou sur le pelage des hôtes définitifs (renards, chiens ou chat).</p>
<p>La personne contaminée constitue un hôte dit « accidentel » : en effet, elle ne participe pas au cycle du parasite, puisque celui-ci ne peut pas rejoindre son hôte définitif, chien ou renard, l’humain n’en étant pas la proie.</p>
<p>On distingue deux maladies différentes, en fonction de l’échinocoque impliqué : l’échinococcose dite « kystique », causée par l’échinocoque granuleux, et l’échinococcose alvéolaire, dont est responsable l’échinocoque multiloculaire. Cette dernière forme, la plus grave, est celle qui sévit majoritairement en France.</p>
<p>Le plus souvent, notre système immunitaire est capable d’éliminer les vers ingérés. Cependant, il échoue parfois (environ <a href="https://doi.org/10.1016/j.vetpar.2015.07.029">1 fois sur 100 pour l’échinocoque alvéolaire</a>). Dans ce cas, le parasite s’installe dans l’organisme du malade, causant de graves dégâts.</p>
<h2>Deux maladies graves</h2>
<p>Le premier cas d’échinococcose alvéolaire <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22040507/">a été identifié et décrit chez un patient en Allemagne en 1852</a>. Elle doit son nom au fait que le tissu parasitaire, dans l’organisme de l’hôte intermédiaire, produit des dizaines, voire de centaines de microkystes (qui constituent autant d’« alvéoles »). Y sont associées des cellules de la réponse immunitaire et des tissus fibrosés ou nécrosés, dont la présence témoigne du succès partiel du système immunitaire à repousser l’envahisseur.</p>
<p>Mortelle pour l’être humain, cette maladie évolue le plus souvent silencieusement, parfois pendant 10 ans, voire plus. Durant cette période, le tissu parasitaire prolifère dans le foie, sous forme d’un « pseudo-cancer ». Au stade avancé, les symptômes les plus fréquents sont des douleurs abdominales et une jaunisse, accompagnée ou non de fièvre, en relation avec l’obstruction des voies biliaires. La maladie est fréquemment découverte « par hasard », au cours d’une échographie ou d’un scanner du foie (la localisation hépatique est très prédominante).</p>
<p>Sans traitement, le pronostic est aussi sombre que celui d’un cancer hépatique auquel ressemble l’échinococcose alvéolaire. Soulignons toutefois qu’au cours des 40 dernières années, les progrès de la chirurgie hépatique et de la prise en charge à long terme des patients (prise d’un antiparasitaire, l’albendazole notamment), ont amélioré considérablement les chances de survie.</p>
<p>L’échinocoque granuleux provoque quant à lui une autre maladie grave, l’échinococcose kystique, qui peut elle aussi évoluer silencieusement durant plusieurs années.</p>
<p>Décrite dès l’Antiquité <a href="https://doi.org/10.1016/bs.apar.2016.07.003">par plusieurs médecins, dont Hippocrate</a>, elle se traduit par des kystes bien délimités, qui ne font généralement parler d’eux que lorsqu’ils compriment les vaisseaux (dans tous les organes), les voies biliaires (dans le foie, avec une jaunisse), les bronches (dans les poumons, avec des troubles respiratoires), ou les centres nerveux (dans le cerveau, avec des signes neurologiques variés : paralysies, épilepsie…). Ces kystes peuvent aussi se rompre, à l’occasion d’une chute, d’un accident de sport, ce qui peut être à l’origine d’un choc allergique grave, de complications infectieuses ou d’une dissémination des kystes, dans la cavité abdominale, par exemple.</p>
<p>La prise en charge des patients dont les <a href="https://doi.org/10.1016/bs.apar.2016.09.006">symptômes, variés, dépendent de la localisation du parasite</a>, consiste selon les cas, à procéder à l’ablation chirurgicale du kyste, ou à en aspirer le contenu avant de détruire chimiquement sa paroi. <a href="http://dx.doi.org/10.1016/bs.apar.2016.09.006">Elle peut aussi se faire par administration d’un médicament antiparasitaire (antihelminthique) tel que l’albendazole</a>.</p>
<h2>Un parasite en expansion</h2>
<p>Chaque année, de 200 à 300 millions de personnes sont infectées par des échinocoques dans le monde. En France, le nombre de nouveaux cas humains d’échinococcose alvéolaire a triplé depuis les années 1990 pour atteindre 35 cas par an, en moyenne, au cours des dix dernières années. Les cas autochtones d’échinococcose kystique sont encore plus rares (8 au total depuis 2016).</p>
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<p>Il faut donc garder en tête que, même dans les zones historiques d’endémie (longtemps les régions montagneuses du centre et de l’est du pays), le risque de contracter une échinococcose alvéolaire est des centaines de fois plus faible que de mourir dans un accident de la route, des méfaits du tabac ou de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Malbouffe">malbouffe</a> !</p>
<p>En Europe, la distribution principale de l’échinococcose alvéolaire se limitait historiquement aux zones montagneuses : Nord de l’arc alpin, Jura, Vosges, Massif central, etc. On observe cependant depuis les années 1990 une <a href="https://dx.doi.org/10.1016/j.prevetmed.2006.04.014">extension de cette aire</a> vers <a href="https://dx.doi.org/10.3201/eid1812.120219">l’ouest de la France</a>, ainsi que vers le nord, <a href="https://dx.doi.org/10.1016/j.ijppaw.2016.03.001">jusqu’en Suède</a>, où elle était inconnue jusqu’en 2011.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/470030/original/file-20220621-24-266f4j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Carte de France présentant la distribution géographique des cas humains d’échinococcose alvéolaire (AE) en France, de 1982 à 1998" src="https://images.theconversation.com/files/470030/original/file-20220621-24-266f4j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/470030/original/file-20220621-24-266f4j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=651&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/470030/original/file-20220621-24-266f4j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=651&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/470030/original/file-20220621-24-266f4j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=651&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/470030/original/file-20220621-24-266f4j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=818&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/470030/original/file-20220621-24-266f4j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=818&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/470030/original/file-20220621-24-266f4j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=818&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Distribution géographique des cas humains d’échinococcose alvéolaire en France, de 1982 à 1998.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Centre national de référence échinococcoses</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Cette colonisation est concomitante de l’augmentation générale des <a href="https://doi.org/10.3201/eid1306.061074">populations de renards</a> suite à l’élimination de la rage sylvatique, au début des années 1980. En Europe, la circulation de l’échinocoque alvéolaire dépend en effet d’un cycle entièrement « sauvage », qui implique principalement le renard roux et potentiellement la plupart des espèces de rongeurs (campagnols, rats musqués, etc.).</p>
<p>Dans les faits, <a href="https://doi.org/10.1007/s00442-010-1647-8">ce sont principalement le campagnol terrestre et le campagnol des champs, qui concentrent le flux parasitaire</a>, en raison de la relative spécialisation alimentaire des renards sur les campagnols des prairies quand ces derniers abondent. On sait aujourd’hui que la dynamique des populations de ces rongeurs dépend de la composition et de la structure du paysage. Classiquement, les paysages homogènes dominés par de larges prairies permanentes sont ceux où les <a href="https://doi.org/10.51926/ISTE.9052.ch1">densités de campagnols des prairies sont périodiquement les plus élevées</a>. Ce sont aussi ceux qui comptent la <a href="https://doi.org/10.1016/j.actatropica.2004.05.004">plus grande fréquence de renards infectés</a> et le <a href="https://doi.org/10.1017/S0031182003003512">plus grand nombre de cas humains d’échinococcoses alvéolaire</a>.</p>
<p>L’intensité de la transmission du parasite dépend donc indirectement d’un paysage qui résulte lui-même de l’utilisation historique qu’en a faite l’être humain, sous contraintes économiques. Dans la plupart des régions, le nombre de renards est proche de la <a href="https://doi.org/10.1111/mam.12289">capacité d’accueil normale des écosystèmes</a>. Elle fluctue autour de cette valeur du fait d’épidémies locales de gale sarcoptique et de <a href="https://www.em-consulte.com/article/174075/maladie-de-carre">maladie de Carré</a>. Certaines populations de renards se sont également urbanisées, <a href="https://doi.org/10.1016/j.pt.2015.04.007">portant dans de nouveaux espaces le parasite</a>, essentiellement rural à l’origine.</p>
<p>L’infection des chiens et des chats, qui consomment des rongeurs porteurs du parasite, peut aussi faciliter l’infection humaine. Si ce cas de figure est moins fréquent en Europe que celui impliquant le renard, il n’en représente pas moins un danger réel pour le propriétaire, sa famille et ses voisins, par la <a href="https://doi.org/10.1016/j.ijpara.2018.05.007">concentration de crottes infectantes</a> qu’elle occasionne à proximité des habitations et <a href="https://doi.org/10.1016/j.fawpar.2018.e00034">dans les jardins</a>.</p>
<p>Dans le monde, cette « domestication » du cycle de l’échinocoque alvéolaire est d’ailleurs la principale raison de sa fréquence élevée <a href="https://doi.org/10.1016/S0001-706X(00)00134-0">dans certaines populations</a>, comme en <a href="https://doi.org/10.1016/bs.apar.2016.11.001">Chine de l’Ouest</a>.</p>
<p>Les dynamiques de l’échinocoque alvéolaire observées sur d’autres continents, bien qu’obéissant aux mêmes règles générales, peuvent se révéler très différentes du fait <a href="https://doi.org/10.1016/j.ijppaw.2019.03.012">de la variété des communautés d’hôtes</a>, des comportements humains, et peut-être <a href="https://doi.org/10.1056/NEJMc1814975">du patrimoine génétique du parasite</a>.
En Amérique du Nord continentale, <a href="https://doi.org/10.1051/parasite/2014069">l'écologie de sa transmission commence seulement à être déchiffrée</a>, alors que le nombre de cas humains détectés, très faible jusqu'au début du siècle, <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/sante/201902/28/01-5216588-un-premier-quebecois-atteint-dechinococcose-alveolaire.php">semble s'accroitre au Canada par exemple</a>.</p>
<h2>Comment se prémunir de cette maladie ?</h2>
<p>Diminuer la densité des hôtes intermédiaires aux échelles régionales appropriées est irréaliste, car cela supposerait de bouleverser complètement le paysage et les systèmes de production agricole, avec des conséquences économiques et écologiques considérables sur les autres espèces. Il en est de même pour les hôtes définitifs.</p>
<p>De 2008 à 2012, une expérimentation a été <a href="https://doi.org/10.1016/j.prevetmed.2017.09.010">conduite dans les environs de Nancy</a> pour mesurer l’effet d’une diminution de la population de renards. Malgré un effort de prélèvement conséquent, non seulement la population de renards n’a pas été réduite, mais la prévalence de l’échinocoque multiloculaire a augmenté de 40 % à 55 %, alors qu’elle restait stable dans la zone témoin adjacente.</p>
<p>Devant l’impossibilité d’éliminer le parasite et ses hôtes, il convient donc plutôt de se résoudre à « vivre avec ». La meilleure des préventions consiste à engager les personnes à ne pas manipuler de renards, et à vermifuger régulièrement (tous les mois et demi) leurs chiens et chats avec un vermifuge adapté (praziquantel).</p>
<p>Sachant que les œufs de l’échinocoque alvéolaire ne résistent pas à la chaleur, la consommation de végétaux cuits met à l’abri de toute contamination. Lors de la cueillette, veiller à ne ramasser que les fruits poussant à une hauteur de quelques dizaines de centimètres est un bon moyen d’être certain qu’ils n’auront pas été souillés par une crotte de carnivore.</p>
<p>Clôturer les jardins pour éviter leur fréquentation par les renards ou les chiens et chats est également efficace, comme l’a montré une <a href="https://doi.org/10.1051/parasite/2021073">étude conduite dans 192 jardins potagers ruraux et 71 jardins potagers urbains</a> menée dans l’est de la France.</p>
<p>Des moyens prophylactiques supplémentaires peuvent même être appliqués localement si nécessaire, comme la vermifugation des renards fréquentant les abords des habitations <a href="https://doi.org/10.1016/j.prevetmed.2013.03.016">par des appâts au praziquantel</a>. Cette approche présente l’avantage de ne pas déstabiliser la population et donc de ne pas laisser la place vide pour de nouveaux arrivants infectés.</p>
<p>Les récentes pandémies qui ont affecté et affectent encore l’Europe comme le reste du monde ont mis en évidence les interconnexions qui existent entre la santé humaine, celle des animaux et l’état écologique global, conceptualisées par l’approche « One Health » (« Une seule santé »).</p>
<p>Les échinocoques révèlent eux aussi à quel point le fonctionnement des <a href="https://www.istegroup.com/fr/produit/socio-ecosystemes">socioécosystèmes</a> est déterminant dans la propagation des infections. Il faudra apprendre à vivre avec eux, tout en limitant les conditions de leurs émergences par une prévention élargie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181276/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Les échinocoques, des vers parasites pouvant contaminer l’être humain, provoquent de graves maladies. Si le nombre de cas annuels reste faible en France, il est en nette progression. Explications.
Patrick Giraudoux, Professeur émérite d'écologie, Université de Franche-Comté – UBFC
Dominique Vuitton, Professeure émérite d'immunologie clinique, Université de Franche-Comté – UBFC
Jenny Knapp, Ingénieur de Recherche, Université de Franche-Comté – UBFC
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tag:theconversation.com,2011:article/183507
2022-05-20T13:19:55Z
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Épidémie de variole du singe : ce qu’on doit savoir
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/464323/original/file-20220519-7630-phuwha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=48%2C24%2C5370%2C3545&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">file zk zj</span> <span class="attribution"><span class="source">RGB Ventures / SuperStock / Alamy Stock Photo</span></span></figcaption></figure><p>Après l’Europe, le Québec. La santé publique québécoise confirme <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/sante/2022-05-19/variole-du-singe/deux-cas-confirmes-au-quebec.php">deux cas de variole du singe, et enquête actuellement sur une vingtaine d’autres</a>. Un premier cas <a href="https://www.tvanouvelles.ca/2022/05/20/un-premier-cas-de-variole-du-singe-en-france">a aussi été recensé en France</a>.</p>
<p>Il s’agit du dernier rebondissement d’une épidémie qui a pris naissance en Europe, avec neuf cas <a href="https://ukhsa-newsroom.prgloo.com/news/update-monkeypox-cases-confirmed-in-england">confirmés</a> au Royaume-Uni et une quarantaine de cas suspects ou confirmés en <a href="https://www.caminteresse.fr/sante/quest-ce-que-la-variole-du-singe-qui-touche-lespagne-le-portugal-et-le-royaume-uni-11185790/">Espagne et au Portugal</a>.</p>
<p>C’est seulement le 6 mai que l’Agence britannique de sécurité sanitaire (UKHSA) a confirmé le premier cas en Europe. Par le passé, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8365177/">trois cas avaient été signalés en 2021</a> et un <a href="https://academic.oup.com/jid/article/225/8/1367/5901023?login=false">autre en 2018</a>. Ces signalements étaient surtout liés à des voyages internationaux en provenance de l’Afrique centrale et occidentale, où la maladie est endémique.</p>
<p>Il s’agit de la plus forte propagation de cette maladie jamais observée en Europe et en Amérique, mais on ignore si ces cas sont liés.</p>
<h2>Une fausse appellation</h2>
<p>L’orthopoxvirose simienne — son nom scientifique — a été observée pour la première fois à la fin des années 1950 chez des <a href="https://www.nbcnews.com/health/health-news/rare-case-monkeypox-found-texas-resident-who-had-traveled-internationally-n1274163">singes de laboratoire</a>, d’où son nom. Mais les scientifiques doutent maintenant que les singes en soient les principaux porteurs. <a href="https://www.who.int/emergencies/disease-outbreak-news/item/monkeypox---united-kingdom-of-great-britain-and-northern-ireland">Selon une hypothèse récente</a>, ils seraient plutôt liés à des rongeurs, notamment le cricétome des savanes, aussi appelé rat de Gambie.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un rat de Gambie" src="https://images.theconversation.com/files/463923/original/file-20220518-19-iwgnb5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/463923/original/file-20220518-19-iwgnb5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/463923/original/file-20220518-19-iwgnb5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/463923/original/file-20220518-19-iwgnb5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/463923/original/file-20220518-19-iwgnb5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/463923/original/file-20220518-19-iwgnb5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/463923/original/file-20220518-19-iwgnb5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le rat de Gambie, aussi appelé cricétome des savanes, a été identifié comme porteur de la variole du singe.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=6577795">Laëtitia Dudous/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Contrairement à la Covid, la variole du singe se transmet mal entre humains. Elle <a href="https://academic.oup.com/jid/article/225/8/1367/5901023?login=false">requiert généralement</a> une interaction avec des animaux porteurs, un contact très étroit avec une personne infectée ou un contact avec vecteur passif (vêtements, serviettes ou meubles contaminés). La variole du singe ne se propagerait <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7463189/">pas de manière asymptomatique</a>. Toutefois, ce virus est encore peu connu, mais les épidémies actuelles apporteront un lot d’informations nouvelles.</p>
<p>La variole du singe appartient à la même famille de virus que la variole, mais elle est beaucoup moins contagieuse. Les personnes qui l’attrapent ont généralement de la fièvre et présentent une éruption cutanée et des cloques caractéristiques. La maladie est généralement « autolimitée » : les symptômes disparaissent généralement d’eux-mêmes en quelques semaines. Mais dans sa forme sévère, le <a href="https://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/monkeypox">taux de mortalité</a> peut osciller entre 3 et 6 %, particulièrement chez les enfants.</p>
<h2>Une maladie transmissible sexuellement ?</h2>
<p>Selon l’UKHSA, certains cas de l’épidémie de mai 2022 ne sont pas associés à des <a href="https://ukhsa-newsroom.prgloo.com/news/update-monkeypox-cases-confirmed-in-england">voyages internationaux</a>, ce qui suggèrerait une transmission communautaire. Pour quatre des sept cas confirmés britanniques, les malades s’identifient comme gais, bisexuels ou ayant eu des rapports homosexuels. Sur Twitter, un <a href="https://twitter.com/teozka/status/1526505294083276800">épidémiologiste de l’UKHSA</a> suggèrerait « une propagation dans les réseaux sexuels ». Les cas espagnols pointeraient également dans cette direction.</p>
<p>La propagation actuelle serait donc inhabituelle par rapport aux épidémies précédentes. Bien qu’on ignore bien des choses sur la variole du singe, on sait néanmoins que le virus se transmet par <a href="https://academic.oup.com/jid/article/225/8/1367/5901023?login=false">contact étroit</a>, par exemple peau contre peau.</p>
<p>Rien ne prouve qu’il s’agisse d’une infection sexuellement transmissible à la manière du VIH ou de la chlamydia, même si un contact étroit lors d’une activité sexuelle ou intime a pu être un facteur clé de la propagation au Royaume-Uni.</p>
<p>Même si l’on n’avait jamais documenté de cas de transmission dans ce contexte intime ou sexuel, cette information ne change rien à ce que l’on savait déjà sur sa transmissibilité, laquelle requiert un contact étroit. Mais ce constat quant à la dynamique sociale qui se dessine dans la contagion actuelle sera certainement utile aux équipes de santé publique pour la recherche d’autres personnes susceptibles d’avoir été exposées.</p>
<h2>Très faible risque pour la population</h2>
<p>Les risques liés à la variole du singe pour le grand public sont extrêmement faibles, du fait de sa faible transmissibilité, mais également parce que les moyens de contenir ce virus existent.</p>
<p>Même s’il n’existe pas de vaccin spécifique contre la variole du singe, le vaccin antivariolique (un antiviral) et la gammaglobuline antivaccinale peuvent être utilisés pour la contrôler, <a href="https://www.cdc.gov/poxvirus/monkeypox/clinicians/treatment.html">selon les centres fédéraux de santé publique américains (USCDCP)</a>.</p>
<p><a href="https://www.sciencemediacentre.org/expert-reaction-to-uk-cases-of-monkeypox/">Selon certains experts</a>, l’immunité de la population contre la variole du singe pourrait avoir diminué en raison de l’arrêt de la vaccination généralisée contre la variole, rendant ainsi une propagation plus probable. <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0264410X2030579X?via%3Dihub">Lors d’une réunion tenue à Londres en 2019</a>, les experts ont émis l’hypothèse que l’éradication de la variole pourrait avoir pour conséquence « d’avoir créé une niche épidémiologique vacante susceptible d’être occupée par l’émergence de la variole du singe chez l’humain ».</p>
<p>Chose certaine, ces cas de variole du singe et d’autres maladies (comme le virus Ebola, le paludisme et la fièvre de Lassa) révèlent une forte charge infectieuse dans certaines parties du monde, où l’accès aux soins de santé est limité. Dans un monde postpandémique, nous devrons certainement tâcher de mieux comprendre ces agents pathogènes graves, et d’autres encore, tant pour leur effet sur les populations locales que sur le monde.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183507/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michael Head a reçu un financement de la Fondation Bill & Melinda Gates et du ministère britannique du développement international.</span></em></p>
La variole du singe est un virus encore peu connu, mais les épidémies actuelles apporteront un lot d’informations nouvelles.
Michael Head, Senior Research Fellow in Global Health, University of Southampton
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2022-05-19T19:27:14Z
2022-05-19T19:27:14Z
Dix circonstances qui mènent à une nouvelle pandémie
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/463765/original/file-20220517-20211-sg6kvl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=67%2C11%2C7409%2C3161&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La population humaine, en pleine croissance, est sous la menace de pandémies de nature inédite du fait même de son développement incontrôlé.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/es/image-photo/blurred-crowd-unrecognizable-street-1652886169">Aleksandr Ozerov / Shutterstock </a></span></figcaption></figure><p>Épidémies et pandémies ne sont, malheureusement, pas nouvelles. Un simple coup d’œil à l’histoire de l’humanité suffit à montrer que la lutte de notre espèce contre les maladies infectieuses a été constante. Sans parler du récent Covid, la peste noire, le choléra, la tuberculose, la grippe, la typhoïde ou la variole ne sont que quelques exemples de celles qui ont laissé des traces indélébiles…</p>
<p>Chaque maladie nécessite une action spécifique et la mise en œuvre de différents mécanismes de prévention, de réponse et de traitement. C’est pourquoi il est essentiel d’identifier les origines et les modes d’apparition des agents pathogènes.</p>
<p>À cet égard, environ 60 % des maladies infectieuses émergentes signalées <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4230840/">dans le monde sont des zoonoses</a> (qui sont transmises entre les animaux et les humains). On estime qu’environ un milliard de personnes dans le monde tombent malades et que des millions meurent chaque année à la suite d’événements zoonotiques. Et sur plus de 30 nouveaux agents pathogènes humains détectés au cours des dernières décennies, 75 % <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5960580/">ont pour origine des animaux</a>.</p>
<p>L’émergence récente de plusieurs zoonoses – grippe aviaire H5N1, grippe aviaire H7N9, VIH, Zika, virus du Nil occidental, syndrome respiratoire aigu sévère (SARS), syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS), Ebola ou Covid-19 (SARS-CoV-2) enter autres – a fait peser de graves menaces sur la santé humaine et le développement économique mondial.</p>
<p>Elles sont généralement imprévisibles, car beaucoup ont pour origine des animaux et sont causées par de nouveaux virus qui ne sont détectés qu’après coup. Cependant, il existe au moins dix facteurs dont nous savons déjà avec certitude qu’ils sont liés à l’émergence d’une future épidémie ou pandémie. Les voici réunis et expliqués ci-dessous.</p>
<h2>1. Guerres et famines</h2>
<p>Les préjudices causés par la guerre sont évidemment nombreux et complexes : les morts, les blessures et les déplacements massifs de populations pour fuir les combats sont les plus évidents. Mais l’émergence d’épidémies infectieuses est également étroitement liée aux conflits.</p>
<p>En 2006, des <a href="https://theconversation.com/pour-vaincre-le-cholera-il-faut-surtout-un-reseau-deau-potable-decent-104893">épidémies de choléra</a> ont été signalées dans 33 pays africains, dont 88 % dans des pays touchés par des conflits. Ces dernières années, plusieurs pays du Moyen-Orient et d’Afrique ont connu des épidémies infectieuses comme conséquence directe de la guerre, exacerbées par les pénuries de nourriture et d’eau, les déplacements et les dommages causés aux <a href="https://www.mdpi.com/2071-1050/13/19/10783">infrastructures et aux services de santé</a>.</p>
<h2>2. Changement d’affectation des terres</h2>
<p>Le changement d’affectation des sols est une modification majeure de l’écosystème directement induite par les populations humaines. Les conséquences sont très larges.</p>
<p>Ces altérations peuvent en effet affecter la diversité, l’abondance et la distribution des animaux sauvages et les rendre plus sensibles aux infections par des agents pathogènes. En outre, en créant de nouvelles possibilités de contact, ils facilitent la circulation et la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29466832/">propagation des pathogènes entre les espèces</a>, ce qui peut au final conduire à une infection humaine.</p>
<p><strong>3. Déforestation</strong></p>
<p>Par la déforestation et la fragmentation des forêts, nous favorisons l’extinction des espèces spécialistes de ces habitats et le développement, l’installation d’espèces plus généralistes. Certaines <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25392474/">espèces sauvages qui sont les hôtes d’agents pathogènes</a>, en particulier les chauves-souris et d’autres espèces de mammifères comme les rongeurs, sont relativement plus abondantes dans les paysages ainsi transformés, tels que les écosystèmes agricoles et les zones urbaines, que dans les sites adjacents non perturbés.</p>
<p>L’établissement de pâturages, de plantations ou d’exploitations d’élevage intensif à proximité des lisières forestières peut également <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3223631/">accroître le flux d’agents pathogènes de la faune sauvage vers l’homme</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/462441/original/file-20220511-12-mlmrt3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/462441/original/file-20220511-12-mlmrt3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/462441/original/file-20220511-12-mlmrt3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=193&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/462441/original/file-20220511-12-mlmrt3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=193&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/462441/original/file-20220511-12-mlmrt3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=193&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/462441/original/file-20220511-12-mlmrt3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=242&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/462441/original/file-20220511-12-mlmrt3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=242&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/462441/original/file-20220511-12-mlmrt3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=242&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Zone déboisée de l’Amazonie brésilienne.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/es/image-photo/area-illegal-deforestation-vegetation-native-brazilian-1156323865">Tarcisio Schnaider/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>4. urbanisation et croissance démographique incontrôlées</h2>
<p>L’évolution de la taille et de la densité de la population par l’urbanisation affecte là encore la <a href="https://theconversation.com/laugmentation-de-la-population-mondiale-responsable-des-crises-sanitaires-174983">dynamique des maladies infectieuses</a>. Par exemple, la grippe tend à présenter des épidémies qui persistent davantage <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.aat6030">dans les régions urbaines plus peuplées et plus denses</a>.</p>
<h2>5. Le changement climatique</h2>
<p>Le changement climatique augmente le risque de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0160412015300489">transmission virale inter-espèces</a>. De nombreuses espèces de virus sont encore inconnues, mais sont susceptibles d’avoir la capacité d’infecter notre espèce. Heureusement, la grande majorité d’entre elles circulent actuellement de manière silencieuse chez les mammifères sauvages.</p>
<p>Toutefois, la hausse des températures attendue avec le changement climatique entraînera des migrations massives d’animaux à la recherche de conditions environnementales plus douces, ce qui facilitera l’émergence de « points chauds de biodiversité » (zone biogéographique menacée comptant au minimum 1500 espèces végétales et animales endémiques). S’ils atteignent des zones à forte densité de population humaine, principalement en Asie et en Afrique, de nouvelles possibilités de propagation zoonotique à l’homme apparaîtront.</p>
<p>Selon des prévisions récentes fondées sur des scénarios de changement climatique, d’ici 2070, la transmission de virus entre espèces <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-022-04788-w">sera multipliée par 4 000 environ</a>.</p>
<h2>6. Mondialisation</h2>
<p>La mondialisation a facilité la propagation de nombreux agents infectieux aux quatre coins du monde.</p>
<p>La transmission des maladies infectieuses est le meilleur exemple de la porosité croissante des frontières. La mondialisation et la connectivité accrue <a href="https://theconversation.com/pour-arreter-le-variant-omicron-fermer-les-frontieres-nest-pas-la-solution-172746">accélèrent l’émergence potentielle d’une pandémie</a>, et sa diffusion rapide, en raison du mouvement constant des micro-organismes par le biais du <a href="https://globalizationandhealth.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12992-021-00677-5">commerce et des transports internationaux</a>.</p>
<h2>7. Chasse, commerce et consommation de viande de brousse</h2>
<p>La transmission des zoonoses peut se produire à n’importe quel point de la chaîne d’approvisionnement en viande de brousse, de la chasse en forêt au lieu de consommation. Les pathogènes qui ont été transmis à l’humain à partir de la viande de brousse sont nombreux et comprennent, entre autres, le <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7123567/">VIH, le virus Ebola, le virus simien spumeux et le virus de la variole du singe</a>…</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/462440/original/file-20220511-25-ggpviy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2649%2C1923&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/462440/original/file-20220511-25-ggpviy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2649%2C1923&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/462440/original/file-20220511-25-ggpviy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/462440/original/file-20220511-25-ggpviy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/462440/original/file-20220511-25-ggpviy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/462440/original/file-20220511-25-ggpviy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/462440/original/file-20220511-25-ggpviy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/462440/original/file-20220511-25-ggpviy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Une vue du marché de Tomohon en Indonésie, où les animaux sauvages sont échangés pour la consommation.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/es/image-photo/tomohon-indonesia-snake-stall-extreme-market-1609828087">Sony Herdiana/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>8. Trafic illégal d’espèces et marchés d’animaux sauvages</h2>
<p>Un écosystème présentant une grande richesse en espèces réduit le taux de rencontre entre les individus sensibles et infectieux, ce qui diminue la probabilité de transmission des agents pathogènes. À l’inverse, les marchés d’animaux vivants et autres enclos cachés du commerce illégal sont des lieux où les espèces les plus diverses sont entassées dans des cages surpeuplées.</p>
<p>Dans ces conditions, non seulement ils partagent le même espace malsain et contre nature, mais aussi les ectoparasites et les endoparasites vecteurs de maladies. Les animaux saignent, bavent, défèquent et urinent les uns sur les autres : ce qui entraîne l’échange de micro-organismes pathogènes et de parasites, forçant ainsi des <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanplh/article/PIIS2542-5196(21)00112-1/fulltext">interactions entre espèces qui n’auraient jamais dû se produire</a>.</p>
<h2>9. Évolution microbienne</h2>
<p>Les micro-organismes évoluent constamment, naturellement et en réponse aux pressions de sélection directes et indirectes de leur environnement. Un exemple bien établi est celui des virus de la grippe A, dont le réservoir ancestral est le gibier d’eau, à partir duquel ils ont réussi à infecter d’autres types d’animaux.</p>
<p>Le développement mondial de nombreux types de résistance aux antimicrobiens chez les <a href="https://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/antimicrobial-resistance">agents pathogènes humains courants</a> est une démonstration claire de l’énorme capacité des micro-organismes à s’adapter rapidement.</p>
<h2>10. Effondrement des systèmes de santé publique</h2>
<p>Au cours des dernières décennies, dans de nombreux pays, on a assisté à un retrait progressif du soutien financier aux systèmes de santé publique.</p>
<p>Cela a décimé l’infrastructure essentielle nécessaire pour faire face aux épidémies soudaines. L’émergence récente et rapide de nouvelles menaces de maladies infectieuses, telles que le Covid-19, associée à la résurgence de maladies plus anciennes, comme la rougeole et la tuberculose, a des <a href="https://www.bmj.com/content/375/bmj.n2374">implications importantes pour les systèmes de santé publique mondiaux</a>.</p>
<p>Nous devons être conscients que la préparation à d’éventuelles épidémies et pandémies futures nécessite une étude approfondie et consciencieuse des facteurs potentiels qui facilitent l’émergence des maladies infectieuses. Une analyse minutieuse et critique permettra de concevoir de futures stratégies de prévision et de prévention.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183317/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raúl Rivas González no recibe salario, ni ejerce labores de consultoría, ni posee acciones, ni recibe financiación de ninguna compañía u organización que pueda obtener beneficio de este artículo, y ha declarado carecer de vínculos relevantes más allá del cargo académico citado.</span></em></p>
Dix facteurs entraînent, historiquement, de nouvelles pandémies. Voici comment guerre, déforestation ou trafic illégal d’espèces protégées par exemple mettent en danger la santé mondiale.
Raúl Rivas González, Catedrático de Microbiología, Universidad de Salamanca
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/181757
2022-05-02T19:05:25Z
2022-05-02T19:05:25Z
Sur la piste de l’origine du Covid-19
<p>Alors que le virus du Covid-19 (coronavirus SARS-CoV-2) continue de circuler et de faire des victimes dans le monde, son <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-022-00732-0">origine</a> demeure inconnue. Chaque communauté scientifique avance son <a href="https://theconversation.com/en-2022-tirons-les-lecons-des-controverses-sur-les-origines-du-sars-cov-2-173102">hypothèse</a>. Certaines suggèrent la possibilité d’un échappement du virus d’un <a href="https://theconversation.com/origine-de-la-covid-19-lhypothese-de-laccident-de-laboratoire-doit-elle-etre-etudiee-dun-point-de-vue-scientifique-160825">laboratoire</a>.</p>
<p>Une autre hypothèse, qui s’appuie sur des études récentes en lien avec le marché chinois de <a href="https://www.science.org/content/article/do-three-new-studies-add-proof-covid-19-s-origin-wuhan-animal-market">Wuhan</a> et d’autres réalisées au <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-021-26809-4">Cambodge</a>, <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-022-04532-4">Laos, Japon, Chine et Thaïlande</a>, est celle d’une évolution à partir d’un virus ancestral présent chez les chauves-souris, de la famille des Rhinolophes notamment, chez des animaux domestiques ou sauvages, puis du passage du virus de ces animaux à l’homme. En effet, au cours de ces différentes études, plusieurs virus ayant des séquences génétiques très proches du SARS-CoV-2 ont été isolés chez ces chauves-souris.</p>
<h2>Un chaînon manquant</h2>
<p>S’il est maintenant avéré que certaines espèces de chauves-souris hébergent naturellement ces coronavirus, l’identité du ou des animaux domestiques ou sauvages qui auraient servi de relais entre ces dernières et l’homme – chaînons manquants – reste un mystère. Le Pangolin, initialement suspecté, apparaît maintenant plus comme une « victime collatérale » que comme un de ces fameux chaînons manquants. En effet, une séquence du génome de coronavirus qui a été détecté chez des Pangolins était bien apparentée à celle du SARS-CoV-2, mais le reste du génome en était <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/la-question-de-lorigine-du-sars-cov-2-se-pose-serieusement">génétiquement trop éloigné</a>. </p>
<p>D’autre part, les pangolins sur lesquels des virus génétiquement proches du SARS-CoV-2 ont été isolés avaient la plupart du temps été confisqués sur des marchés d’animaux vivants, en bout de chaîne commerciale, et avaient donc été en contact prolongé avec d’autres espèces animales. Il est fort probable qu’ils aient été contaminés le long de cette filière et non dans leur milieu naturel. Les élevages de <a href="https://theconversation.com/origine-du-virus-de-la-covid-19-la-piste-de-lelevage-des-visons-153219">visons</a> ont également été suspectés en Chine.</p>
<p>Enfin, les Pangolins et les Rhinolophes ne partagent pas les mêmes habitats, ce qui rend très improbable un éventuel contact entre les deux espèces, au cours duquel le virus serait passé d’une chauve-souris à un pangolin. Civettes et/ou chiens viverrins pourraient quant à eux constituer un réservoir intermédiaire pour le <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16140765/">SARS-CoV-1</a>). Les rongeurs ou primates peuvent également être porteurs de pathogènes à potentiel zoonotique, tels que les Hantavirus qui peuvent notamment entraîner une fièvre hémorragique avec syndrome rénal grave ou les Filovirus, <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2002324118">dont le virus de la maladie Ebola</a>. Ce dernier est transmis à l’homme par les animaux sauvages, notamment la roussette, le porc-épic et les primates tels que les chimpanzés ou les gorilles, et se propage ensuite dans la population humaine essentiellement par contact direct avec le sang, les sécrétions et autres fluides corporels des personnes infectées. Le taux de létalité moyen des cas est d’environ 50 %.</p>
<p>En 2013, de premiers cas de maladie à virus Ebola (MVE) étaient détectés en <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34424896">Afrique de l’Ouest</a>. Cette émergence engendrera plus de 10 000 décès principalement en Guinée, au Libéria et en Sierra Leone.</p>
<h2>La consommation de viande de brousse : une pratique à risque</h2>
<p>Les risques de transmission des animaux à l’homme, phénomène dit de <em>spillover</em>, que ce soit pendant la chasse, la manipulation des animaux ou la consommation de la viande sauvage sont donc réels et potentiellement dévastateurs.</p>
<p>C’est à la caractérisation et la quantification de ce risque, au Cambodge, que le projet <a href="https://www.cirad.fr/les-actualites-du-cirad/actualites/2022/surveillance-des-coronavirus-une-application-concrete-de-l-approche-one-health-au-cambodge">ZooCov</a>, a exploré au travers d’une approche <a href="https://www.oie.int/fr/ce-que-nous-faisons/initiatives-mondiales/une-seule-sante/">« Une seule Santé »</a>, pendant presque deux ans et depuis le début de la pandémie, si oui, et comment, des pathogènes tels que les coronavirus pouvaient être transmis des animaux sauvages, chassés et consommés, à l’homme.</p>
<p>En effet, en Asie du Sud Est, le commerce d’animaux sauvages et la consommation de viande de brousse sont une pratique courante. Souvent opportuniste, cette consommation vient dans certaines communautés compléter un régime pauvre en protéines. Elle peut également être régulière et ciblée. Au Cambodge, sur 107 familles interviewées pendant ZooCov, 77 % déclaraient avoir consommé de la viande de brousse le <a href="https://umr-astre.cirad.fr/actualites/2022/surveillance-des-coronavirus-une-application-concrete-de-l-approche-one-health-au-cambodge">mois précédent</a>.</p>
<p>L’utilisation à des fins médicinales est également très répandue. Au Vietnam, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35356028/">l’analyse des rapports</a> de confiscations de Pangolins et produits dérivés réalisée entre 2016 et 2020 par les autorités vietnamiennes font état de 1 342 Pangolins vivants (6 330 kg), 759 pangolins morts ou de carcasses (3 305 kg), et de 43 902 kg d’écailles.</p>
<p>Mais, cette consommation revêt également un aspect culturel et social encore mal appréhendé. Pour des classes aisées, et souvent dans les grandes villes, cette consommation peut être motivée par un besoin de reconnaissance sociale, des croyances selon lesquelles le consommateur de cette viande <a href="https://www.thelancet.com/journals/laninf/article/PIIS1473-3099(20)30063-3/fulltext">s’approprie les vertus</a> physiques ou physiologiques de l’animal consommé, ou bien par une volonté de s’inscrire en faux face à la consommation d’une viande industrielle néfaste pour la santé. L’élevage de faune pour répondre à cette demande, et/ou à la <a href="https://www.who.int/publications/i/item/WHO-2019-nCoV-fur-farming-risk-assessment-2021.1">production de fourrure</a> est également répandu.</p>
<p>Au Cambodge, dans les provinces de Stung Treng et du Mondolkiri où des aires protégées forestières subsistent, plus de 900 personnes qui vivent en périphérie de ces forêts ont été interviewées pour tenter d’analyser les structures et fonctionnements des filières commerciales, illégales, de viande de brousse. Des analyses statistiques sont en cours pour identifier les personnes les plus à risque d’être en contact avec de tels pathogènes. On sait d’ores et déjà que les personnes exposées sont principalement des hommes jeunes, et de la classe moyenne. Certaines communautés sont également plus exposées que d’autres. Des enquêtes sociologiques ont également permis de mieux comprendre le contexte actuel – l’encadrement juridique, les profils des acteurs de ce commerce, leurs freins et leurs motivations, liés au commerce d’animaux sauvages et leur consommation, et l’évolution de ce contexte au fil des différentes crises sanitaires (Grippe aviaire, Ebola, SARS-CoV-1…).</p>
<h2>Quelles populations peuvent-elles être en danger ?</h2>
<p>Ces crises successives semblent avoir peu d’impact sur les pratiques de ces communautés. Au-delà d’une consommation régulière, un quart des familles interviewées rapportaient encore une activité de chasse ou de piégeage, et 11 % déclaraient vendre de la viande de brousse et/ou des animaux sauvages. Par ailleurs, et dans les mêmes sites d’étude, plus de 2 000 prélèvements d’animaux sauvages faisant l’objet de trafic, ou d’une consommation de subsistance – chauve-souris, rongeurs, tortues, singes, oiseaux, cochons sauvages, etc. ont été analysés. Certains des échantillons ont été testés positifs pour des coronavirus notamment, et sont en cours d’analyses à l’Institut Pasteur du Cambodge (IPC) pour séquencer le génome et en apprendre plus sur son origine, son évolution et son potentiel zoonotique. Enfin, des prises de sang ont été réalisées sur plus de 900 personnes enquêtées dans la même zone pour savoir si ces dernières avaient été en contact avec un/des coronavirus. Les analyses sont encore en cours, mais on sait d’ores et déjà que ces personnes n’avaient pas, au moment de l’enquête, été exposées au SARS-CoV-2.</p>
<p>La crise Covid l’a clairement démontré : il est essentiel de détecter précocement ces émergences pour mettre en place le plus rapidement possible des mesures qui empêchent la propagation des pathogènes. Et si beaucoup de questions subsistent quant aux mécanismes d’émergence, il en va logiquement de même pour les systèmes de surveillance à mettre en place pour les surveiller. Les résultats du projet ZooCov seront utilisés pour développer un système de détection précoce des évènements de <em>spill-over</em> des virus zoonotiques, notamment en renforçant le système de surveillance de la santé de la faune sauvage déjà existant au Cambodge et mis en place par le <a href="https://cambodia.wcs.org/Initiatives/Wildlife-Health.aspx">Wildlife Conservation Society</a> (WCS). D’autres importants projets de recherche et de développement contribueront à la compréhension de ces phénomènes d’émergences, à leur prévention et à leur détection précoce.</p>
<hr>
<p><em>Les auteurs remercient les ministères de la Santé, de l’Agriculture et de l’Élevage, et de l’Environnement du Cambodge, ainsi que tous les partenaires du projet : Institut Pasteur du Cambodge (IPC), Wildlife Conservation Society (WCS) Flora and Fauna International (FFI), Institut de Recherche pour le Développement (IRD), Hongkong University (HKU), Réseau GREASE, International Development Enterprise (iDE), World Wildlife Fund (WWF), Elephant Livelihood Initiative Environment (E.L.I.E), BirdLife International, Jahoo, World Hope International.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181757/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Véronique Chevalier a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR), la Région Occitanie et la Fondation Pasteur</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>François Roger et Julia Guillebaud ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>
Dans l’hypothèse d’une origine animale du virus, il manque toujours l’intermédiaire entre la chauve-souris et l’humain.
Véronique Chevalier, Veterinarian epidemiologist, Cirad
François Roger, Directeur régional Asie du Sud-Est, vétérinaire et épidémiologiste, Cirad
Julia Guillebaud, Ingénieure de recherche , Institut Pasteur
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/179264
2022-03-17T19:22:47Z
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Maladies émergentes : Le projet MicroMonkey traque la microsporidiose chez les grands singes d’Afrique
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/452558/original/file-20220316-8262-1eb9kif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=111%2C2%2C1573%2C1106&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les grands singes (ici, des gorilles) sont porteurs de pathogènes qui peuvent passer chez l'Homme du fait des perturbations de son environnement.</span> <span class="attribution"><span class="source">Guillaume Desoubeaux, univ. de Tours</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Le concept <a href="https://www.anses.fr/fr/content/one-health"><em>One Health</em></a> est encore mal connu. Il est pourtant fondamental dès que l’on se penche sur les questions de santé publique mondiale ou des infections de demain. Il aura cependant fallu attendre le milieu des années 2010 pour voir enfin la communauté scientifique reconnaître la pertinence de cette approche, qui entend regrouper tous les pans de la santé, qu’ils soient humain, animal ou environnemental, sous une seule et même bannière. </p>
<p>Parmi la multitude de problématiques prises en compte par OneHealth, le risque microbiologique tient une place à part. Et pour cause : on sait l’impact que peuvent avoir des agents infectieux (virus, parasites…) qui acquièrent la capacité de franchir la barrière d’espèce et de passer de leur hôte habituel (singe, chauve-souris, etc.) à un nouveau – en l’occurrence l’être humain. Dernier exemple majeur en date, la pandémie de Covid-19, qui en deux ans a frappé plus de 450 millions de personnes dans le monde, semble avoir pour origine un coronavirus de chauve-souris. Qui, pour atteindre notre espèce, a pu utiliser un <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35172323/">hôte intermédiaire – possiblement un autre mammifère, consommé illégalement en Asie du Sud-Est</a>.</p>
<p>Mais on pourrait multiplier les exemples : la <a href="https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/grippe-aviaire">grippe saisonnière</a> est, quant à elle, causée par des virus qui infectent humains, porcs et oiseaux, échangeant des fragments de leur matériel génétique (on parle de recombinaison). Des espèces de parasites responsables du paludisme chez les singes semblent pouvoir aussi gagner notre espèce. Certaines épidémies dues à des infections fongiques rares, comme <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34590455/">l’histoplasmose ou la coccidioïdomycose</a>, surviennent après des perturbations de l’environnement d’origine humaine : travaux d’aménagement de grottes, déblaiement, constructions de routes…</p>
<p>Ces quelques situations illustrent l’impact critique que peuvent avoir dérèglement climatique, mondialisation ou encore proximité animale sur la santé publique, en bouleversant les territoires et interactions classiques entre espèces. Pour mieux appréhender la complexité des (éco)systèmes qui nous entourent, et prévenir ainsi le risque de survenue d’épidémie ou de pandémie, le décloisonnement de la science paraît évident. C’est là que le concept <em>One Health</em> prend tout son sens.</p>
<p>En dépit de ce constat, nombre de maladies émergentes demeurent négligées. Les données scientifiques à leur sujet restent lacunaires, malgré un potentiel zoonotique (leur capacité de passer de l’animal à l’être humain ou inversement) reconnu. La microsporidiose fait partie de ces infections sous-estimées, pour lesquelles les moyens mis à disposition de la recherche et de la médecine restent limités</p>
<h2>La microsporidiose, une infection sous-estimée</h2>
<p>La <a href="https://www.msdmanuals.com/fr/professional/maladies-infectieuses/protozoaires-intestinaux-et-microsporidies/microsporidiose">microsporidiose</a> est une maladie du tube digestif, causée par <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16940873/">l’absorption alimentaire ou hydrique de champignons microscopiques</a>, appelés microsporidies. Les principaux signes cliniques sont de graves diarrhées et une déshydratation. Elle concerne préférentiellement le sujet fragilisé (suite à une transplantation d’organe, souffrant de leucémie, du VIH) et, dans une moindre mesure, l’enfant ou le voyageur.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/452237/original/file-20220315-15-r2musm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C123%2C971%2C609&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/452237/original/file-20220315-15-r2musm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/452237/original/file-20220315-15-r2musm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/452237/original/file-20220315-15-r2musm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/452237/original/file-20220315-15-r2musm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/452237/original/file-20220315-15-r2musm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/452237/original/file-20220315-15-r2musm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Spores de microsporidies appartenant à l’espèce <em>Enterocytozoon bieneusi</em>, observées dans les selles d’un patient infecté (vue en microscopie avec fluorescence par calcofluor, au grossissement x1250).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Guillaume Desoubeaux, univ. de Tours</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En France métropolitaine, l’incidence de la microsporidiose reste certes rare, avec 100 à 200 nouveaux cas notifiés par an au réseau national de surveillance. Mais dans les régions subtropicales et les pays à faibles ressources, les taux de prévalence peuvent être largement supérieurs. On estime ainsi que <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/10030299/">15 à 20 % de la population locale y est porteuse de microsporidies</a>.</p>
<p>On sait déjà – mais de façon non exhaustive et mal documentée – que les animaux domestiques ou les bêtes de rente participent activement au cycle infectieux de la microsporidiose. Et il reste beaucoup à explorer du côté des réservoirs sauvages ou semi-sauvages avec lequel certaines populations sont en contact toujours plus rapprochés. Différents phénomènes supportent cette hypothèse : déforestation, urbanisation, braconnage, tourisme de masse…</p>
<p>Décrire le cycle infectieux de la microsporidiose en étudiant les espèces hôtes (semi)-sauvages dans leur milieu naturel aiderait à anticiper le risque d’épidémies. Obtenir davantage de données de terrain nous permettrait de mieux prévenir le passage à l’Homme, en adaptant les messages prophylactiques ou en mettant en place différents outils de surveillance.</p>
<h2>Un projet pour remonter aux sources des parasites méconnus</h2>
<p>Pour répondre à ces objectifs, le <a href="https://www.chu-tours.fr/etre-soigne-et-rendre-visite-a-un-patient/joindre-le-chru/liste-des-services/unite-de-parasitologie-et-mycologie-medecine-tropicale/">service de Parasitologie-Mycologie-Médecine tropicale du centre hospitalo-universitaire de Tours</a>, avec la <a href="https://www.chu-tours.fr/recherche-et-innovation/recherche-professionnels/recherche-clinique-et-translationnelle/organisation/la-direction-de-la-recherche-et-de-linnovation/">direction de la recherche et de l’innovation de l’hôpital</a> et la <a href="https://www.univ-tours.fr/international/presentation/lequipe">vice-présidence en charge des relations internationales de l’université de Tours</a>, met en place le projet MicroMonkey . Il s’agit d’une étude prospective multicentrique (se déroulant sur plusieurs sites et plusieurs années) qui s’intéresse à la microsporidiose chez les grands singes d’Afrique.</p>
<p>En effet, gorilles et chimpanzés présentent d’importantes homologies avec notre espèce, tant génétiques que physiologiques, et une répartition géographique qui tend à se superposer toujours plus à celle des populations humaines. Changements environnementaux et comportementaux sont largement en cause. Il est donc pertinent de penser que ces primates pourraient jouer un rôle dans le cycle infectieux de la microsporidiose.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/y5uvbMYepKU?wmode=transparent&start=16" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Dans les quatre à cinq ans à venir, nous projetons donc de collecter longitudinalement (de façon continue, sur les mois à venir) des selles de primates dans plusieurs réserves naturelles de quatre pays d’Afrique de l’Est – la République démocratique du Congo, l’Ouganda, le Rwanda et la République Unie de Tanzanie.</p>
<p>Nous interviendrons directement dans les parcs nationaux pour récupérer les échantillons qui seront d’abord stockés et traités sur place, puis exportés en France pour des analyses moléculaires.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/452848/original/file-20220317-25-1kvcpaq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Carte avec les cinq principaux parcs partenaires en Ouganda, au Congo, Rwanda et en Tanzanie." src="https://images.theconversation.com/files/452848/original/file-20220317-25-1kvcpaq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/452848/original/file-20220317-25-1kvcpaq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=317&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/452848/original/file-20220317-25-1kvcpaq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=317&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/452848/original/file-20220317-25-1kvcpaq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=317&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/452848/original/file-20220317-25-1kvcpaq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=399&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/452848/original/file-20220317-25-1kvcpaq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=399&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/452848/original/file-20220317-25-1kvcpaq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=399&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Localisation géographique des centres africains partenaires du projet MicroMonkey.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Guillaume Desoubeaux, univ. de Tours</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En parallèle, des selles de primates seront collectées dans plusieurs parcs animaliers européens (Barcelone, Londres, Budapest, Rotterdam, Anvers, Berlin ou en France au Zoo de La Flèche, BioParc de Doué-la-Fontaine, ZooParc de Beauval). Confronter les résultats obtenus à partir des populations sauvages et des groupes placés sous soins humains nous permettra d’évaluer le niveau de portage relatif des microsporidies. Il sera aussi possible de mesurer la représentativité des différentes souches et leur circulation.</p>
<p>Ces données seront également mises en perspective avec celles de singes non humanoïdes (babouins, colobes, singes vervet). Elles pourront encore être comparées avec celles provenant de prélèvements fécaux d’origine humaine transmises par le <a href="https://cnrcryptosporidioses.chu-rouen.fr/espace-public/participation-patients-a-declaration-cas/microsporidiose/adultes-public-micro/">réseau national de surveillance de la microsporidiose</a>.</p>
<p>Enfin, la composition du microbiote digestif des singes sera analysée par séquençage haut débit. Nous pourrons repérer quels genres microbiens se trouvent sur ou sous-représentés au sein de leur flore intestinale, afin d’appréhender les éventuels impacts de la microsporidiose sur leur santé.</p>
<h2>Une approche transposable pour d’autres maladies</h2>
<p>Le projet MicroMonkey se veut être un modèle d’étude extrapolable à d’autres infections émergentes zoonotiques.</p>
<p>Nous cherchons à mieux comprendre l’épidémiologie de la microsporidiose et de dépeindre avec précision son réservoir animal. Notre étude pourrait aider à sensibiliser les autorités et le grand public sur plusieurs points sensibles, de la conservation de la nature à la préservation des espèces menacées. Et à la probabilité des contaminations interespèces…</p>
<p>En fonction de nos découvertes, des propositions pourront être formulées pour tenter de limiter de futures émergences : programmation de dépistage systématique, traitement anti-infectieux prophylactique, création de latrines ou interdiction de l’épandage humain en Afrique, etc.</p>
<p>Pour fédérer le réseau des centres participants au projet MicroMonkey, des actions préliminaires ont déjà débuté sur le terrain. Elles vous seront détaillées dans un prochain épisode.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/179264/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pour le présent projet, Guillaume DESOUBEAUX a reçu ou va recevoir des financements de la part de Beauval Nature, de l'Université de Tours et de Tours - métropole Val de Loire.
Guillaume DESOUBEAUX est expert auprès de la Haute Autorité de Santé (HAS) et de l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM).</span></em></p>
La microsporidiose est une maladie émergente négligée. Pour mieux comprendre comment cette infection fongique peut passer de l’animal à l’être humain, le projet MicroMonkey a été mis en place.
Guillaume DESOUBEAUX, Professeur, Université de Tours
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/174983
2022-02-24T18:49:32Z
2022-02-24T18:49:32Z
L’augmentation de la population mondiale responsable des crises sanitaires ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/446467/original/file-20220215-21-h6a5xt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=24%2C8%2C5439%2C3628&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Densité de l'habitat urbain de Ngor, Dakar (Sénégal). </span> <span class="attribution"><span class="source">© IRD - Seydina Ousmane Boye </span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Ebola, chikungunya mais aussi sida ou grippes aviaires… Les risques et enjeux liés aux maladies infectieuses émergentes ou ré-émergentes sont désormais bien établis pour l’homme. Avec l’accélération depuis les années 1940 des épidémies, qui ont connu une multiplication par dix, anticiper l’essor de nouveaux pathogènes zoonotiques (provenant des animaux) à travers le monde est devenu le principal défi de santé publique actuel.</p>
<p>Ce qui est moins mis en avant, c’est comment les transformations de l’environnement que nous provoquons les favorisent.</p>
<p>De nombreuses études montrent pourtant que l’émergence de maladies infectieuses zoonotiques est étroitement liée à la modification des paysages par notre espèce.</p>
<p>Ainsi, les altérations du paysage, en particulier la déforestation et le développement agricole, la déstructuration des écosystèmes aquatiques ou encore la fragmentation des forêts périurbaines qui perturbe l’interface homme-animal-environnement, tout comme les changements climatiques, sont les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29770047/">principaux moteurs de l’émergence des maladies infectieuses (MIE)</a>.</p>
<p>Il existe en effet une « géographie » des pathogènes : les attributs naturels du paysage, comme l’altitude ou la présence de plans d’eau, influent sur leur localisation et leur diffusion – par exemple en jouant un rôle de barrières géographiques, empêchant le déplacement des hôtes.</p>
<p>Des modifications rapides des territoires (déforestation, agriculture, expansion agricole…) peuvent donc bouleverser l’étendue spatiale initiale des hôtes et des réservoirs de pathogènes. Avec pour conséquence la possibilité d’<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22681449/">augmenter la probabilité de contact entre l’homme et un hôte ou un réservoir</a>, et ainsi favoriser le passage de micro-organismes potentiellement infectieux encore inconnus de l’animal à l’être humain (zoonose).</p>
<p>Développer des approches paysagères pour détecter le risque d’émergence de maladies nécessite d’intégrer plusieurs types de données spatiales :</p>
<ul>
<li><p>La complexité du paysage, en utilisant des systèmes d’information géographique (SIG),</p></li>
<li><p>Des données de télédétection,</p></li>
<li><p>La distribution des maladies infectieuses émergentes,</p></li>
<li><p>La distribution des environnements immédiats de ces MIEs.</p></li>
</ul>
<p>Les modèles mathématiques aident à intégrer ces données afin de prédire les zones les plus à risque.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/445954/original/file-20220211-17-ointc1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445954/original/file-20220211-17-ointc1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=491&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445954/original/file-20220211-17-ointc1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=491&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445954/original/file-20220211-17-ointc1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=491&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445954/original/file-20220211-17-ointc1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=617&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445954/original/file-20220211-17-ointc1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=617&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445954/original/file-20220211-17-ointc1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=617&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Représentation des liens entre les différentes crises environnementale, climatique et sanitaire sur fond de forte croissance démographique au niveau.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gauthier Dobigny et Geneviève Michon, IRD ; Angela Jimu, Cirad ; Jean-Louis Duprey, projet CAZCOM</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Comment prédire de façon réaliste les futures épidémies ?</h2>
<p>Les <a href="https://www.nature.com/articles/nature06536">maladies infectieuses d’origine animale (zoonoses) représentent plus de 70 % des MIEs</a> de ces dernières décennies. L’identification de leurs zones à risque d’émergence à travers le monde est donc primordiale… mais difficile puisqu’elles dépendent tant de la distribution spatiale des hôtes et réservoirs de pathogènes que de leur interaction avec l’homme. Ce n’est toutefois pas impossible.</p>
<p>Dans une étude récente, nous montrons qu’en incluant les facteurs écologiques, climatiques et paysagers (avec les modifications induites par l’homme), il est possible d’identifier ces potentielles zones à risque et de prédire les futurs points chauds d’émergence. Une telle approche pourrait servir de référence à des systèmes de surveillance et d’alerte précoce.</p>
<p>Pour trois groupes de maladies zoonotiques virales majeures (filovirus, hénipavirus et coronavirus), nous avons pu cartographier les zones à haut risque d’émergence en nous basant sur la distribution spatiale des réservoirs et des hôtes ainsi que sur les données de l’OMS sur leur distribution. Et à chaque fois, nous avons constaté que la croissance démographique au sein de paysages modifiés par l’homme était un facteur prédictif commun à leur émergence. Ce que nous développons ci-dessous.</p>
<p>Il est à noter que malgré les questionnements mondiaux actuels liés à l’origine du Covid-19, le déplacement des empreintes géographiques des agents pathogènes et/ou des hôtes infectés par ces derniers suite à la perturbation des écosystèmes conduit toujours à des émergences de maladies infectieuses.</p>
<h2>Des spécificités liées à chaque famille de virus</h2>
<p>Nos <a href="https://assets.researchsquare.com/files/rs-1104482/v1/7a773300-0666-441c-8ea2-071d1661a071.pdf">travaux</a> montrent que les précipitations et l’augmentation de la température minimale nocturne favoriseraient l’émergence des épidémies liées aux Filovirus (Ebola, virus de Marburg…).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/445716/original/file-20220210-26283-zknz1d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445716/original/file-20220210-26283-zknz1d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=537&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445716/original/file-20220210-26283-zknz1d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=537&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445716/original/file-20220210-26283-zknz1d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=537&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445716/original/file-20220210-26283-zknz1d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=675&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445716/original/file-20220210-26283-zknz1d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=675&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445716/original/file-20220210-26283-zknz1d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=675&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Risque prédictif de l’émergence de maladies à Filovirus, Jagadesh et coll. 2021.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cependant, nous avons aussi constaté que 69 % des points chauds d’émergence détectés à travers le monde dépendaient non seulement de ces facteurs climatiques (température et précipitation) mais aussi de facteurs humains tels que l’augmentation de la population sur un paysage modifié.</p>
<p>De même, outre les facteurs climatiques et de modification des sols, les points chauds d’émergence des hénipavirus (Virus Nipah) sont dépendants, eux, d’une faible altitude et d’une faible pluviométrie.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/445719/original/file-20220210-46662-1937avp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445719/original/file-20220210-46662-1937avp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445719/original/file-20220210-46662-1937avp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445719/original/file-20220210-46662-1937avp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445719/original/file-20220210-46662-1937avp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445719/original/file-20220210-46662-1937avp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445719/original/file-20220210-46662-1937avp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Risque prédictif de l’émergence de maladies à Henipavirus (en rouge) modélisé avec la distribution spatiale des réservoirs mammaliens (en gris).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jagadesh et coll. 2021</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On a également constaté que les émergences de maladies dues au virus Ebola et aux coronavirus sont associées aux paysages impactés par l’homme.</p>
<p>Pour les <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-019-12499-6">épidémies d’Ebola, il semble qu’elles ne seraient pas directement liées à la densité de population</a>, comme précédemment proposé. Seraient plutôt prépondérants des effets de l’augmentation de la population sur le paysage : urbanisation, déforestation, exploitation minière, fragmentation des terres et chasse.</p>
<p>En revanche, la densité de population semble être significativement et directement liée aux points chauds d’émergence des coronavirus (SARS et MERS). Des études mettent en avant le rôle de l’exposition aux fluides corporels de mammifères infectés élevés dans des espaces confinés pour la viande de brousse et les activités récréatives, respectivement.</p>
<p>Les <a href="https://kilpatrick.eeb.ucsc.edu/wp-content/uploads/2013/04/Wolfe-et-al-2005-EID.pdf">restaurants et marchés de viande de brousse</a> « saveur sauvage » sont souvent situés dans des villes densément peuplées, où la demande en protéines exotiques est élevée et où les cas de maladies sont donc plus susceptibles d’être signalés.</p>
<p>Qu’il soit direct ou indirect, l’effet de la densité de population reste crucial dans la propagation des épidémies et représente donc un facteur important à prendre en compte.</p>
<h2>Les effets du changement climatique</h2>
<p>Des données récentes montrent que l’augmentation de la température et les précipitations saisonnières imprévisibles dues au changement climatique ont également un <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11356-020-08896-w">effet indirect sur l’émergence des maladies</a> : via de soudains changements écologiques de leur réservoir, la perte de biodiversité et la migration des petits mammifères hôtes.</p>
<p>Par exemple, la température minimale est le facteur limitant pour le développement des parasites et la distribution des vecteurs dans la transmission du paludisme, mais aussi pour d’autres épidémies comme la fièvre hémorragique de Crimée-Congo et le Zika. Cette dépendance spatiale directe aux températures minimales est inquiétante…</p>
<p>En effet, avec le changement climatique, l’<a href="https://www.researchgate.net/publication/255982715_Observed_Climate_Variability_and_Change">augmentation des températures minimales nocturnes allongent les périodes sans gel dans la plupart des régions de moyenne et haute latitude</a>. Ce qui pourrait potentiellement augmenter l’étendue latitudinale des zones à risque d’émergence.</p>
<h2>Des spécificités régionales : le cas de l’Inde</h2>
<p>Il est intéressant de noter que les zones à risque d’émergence de maladies à coronavirus, principalement situées en Inde, dépendraient de l’augmentation de la température minimale nocturne, du changement de la couverture terrestre induit par l’homme… et seraient les seules à être directement positivement impactées par la densité de population.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/445957/original/file-20220211-17-we2vhp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445957/original/file-20220211-17-we2vhp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445957/original/file-20220211-17-we2vhp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445957/original/file-20220211-17-we2vhp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445957/original/file-20220211-17-we2vhp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=449&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445957/original/file-20220211-17-we2vhp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=449&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445957/original/file-20220211-17-we2vhp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=449&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Risque prédictif d’émergence de maladies Coronaviridae (en rouge) modélisé avec la distribution spatiale des réservoirs mammaliens (en gris).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jagadesh et coll. 2021</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Compte tenu de la densité de population et de la connectivité dans un pays comme l’Inde, l’émergence d’un coronavirus pourrait donc conduire à une épidémie comme celle du SARS. Ces résultats soulignent la nécessité d’une surveillance active des pathogènes zoonotiques dans les régions à haut risque.</p>
<p>Des études ont émis l’hypothèse que la déforestation et les inondations, dans les plaines du bas Gange et les marais de faible altitude, causant la destruction des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S187603411930084X?via%3Dihub">habitats de chauves-souris frugivores (famille des Pteropodidae) réservoirs du virus Nipah</a>, pourrait être à l’origine de l’émergence du virus.</p>
<p>L’engrenage est implacable. Les rapides changements de leurs habitats entraînent la famine des chauves-souris. Elles vont donc migrer vers des arbres fruitiers, se trouvant le plus souvent à proximité d’habitations humaines, entraînant leur contamination et donc une exposition accrue à l’agent pathogène.</p>
<p>Nos résultats soutiennent cette hypothèse d’un risque accru d’épidémies de virus Nipah associées aux plaines de basse altitude, aux inondations et aux changements rapides d’habitat induits par l’homme.</p>
<h2>Quelles solutions ?</h2>
<p>Les solutions pourraient résider dans des mesures dissuasives strictes à l’égard de l’exploitation forestière et de la déforestation conduisant à la fragmentation du paysage. Elles dissuaderaient les chasseurs en leur coupant l’accès aux forêts tropicales et en réglementant le commerce de la viande de brousse.</p>
<p>Plus important encore, un engagement mondial pour limiter la monoculture extensive et le pâturage du bétail est nécessaire. Une surveillance active est également essentielle dans les régions à haut risque pour détecter les événements épidémiques humains sous-déclarés. Enfin, une surveillance active ciblée de l’émergence de pathogènes zoonotiques, tenant compte de l’influence des paysages modifiés par l’homme et du climat, pourrait prévenir les futures épidémies et pandémies.</p>
<p>Mais, finalement, la question fondamentale de la démographie humaine mondiale et sa répartition spatiale reste le point central de toutes ces crises environnementale, climatique et sanitaire.</p>
<h2>Les futures initiatives internationales seront OneHealth</h2>
<p>L’ancienne directrice générale de l’OMS, Margaret Chan, déclarait que des <a href="https://www.nature.com/articles/s41591-021-01259-z">leçons avaient été apprises lors de son passage à l’OMS</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Les acteurs de la santé publique doivent élargir leur vision de la sécurité sanitaire au-delà des maladies infectieuses et reconnaître l’importance cruciale de la santé animale, de l’approche “OneHealth”, de la sécurité alimentaire et d’une relation harmonieuse avec la nature. »</p>
</blockquote>
<p>Depuis le début de la crise du Covid-19, un foisonnement d’initiatives OneHealth a vu le jour afin de mieux comprendre les relations entre les crises climatiques, de biodiversité et sanitaire.</p>
<p>En France, <a href="https://prezode.org/">PREZODE</a> (<em>Preventing zoonotic disease emergence</em>) est une initiative internationale annoncée par le président de la République française lors du One Planet Summit en janvier 2021, impliquant l’Inrae, le Cirad et l’IRD. En cours de construction, elle a pour but de mieux comprendre et prévenir l’émergence et la propagation des zoonoses.</p>
<p>L’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) et le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) ont également annoncé la création d’un panel d’experts de haut niveau sur l’approche <a href="https://www.who.int/fr/news-room/questions-and-answers/item/one-health">« Une seule santé » (OneHealth)</a>.</p>
<p>Ce panel va alimenter en mars la tripartite (OMS, FAO, OIE) et le PNUE avec une feuille de route sur la <a href="https://extranet.who.int/sph/sites/default/files/document-library/document/French.pdf">gouvernance des zoonoses</a> et des futures épidémies. Le tout selon une approche globale de la santé pour éviter les impacts de pandémies éventuelles, tout en garantissant la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance des communautés les plus vulnérables.</p>
<p>Pour autant, la question de la démographique humaine reste très souvent étonnamment absente de ces approches OneHealth malgré son rôle central, direct ou indirect, dans les futures crises sanitaires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174983/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rodolphe Gozlan a reçu des financements de Université de Guyane. Bourse de thèse pour Mlle Soushieta Jagadesh</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marine Combe et Soushieta Jagadesh ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>
Les changements des paysages et du climat sont les principaux moteurs du passage de virus de l’animal à l’homme. Alors que la population humaine va croissant, comment identifier les zones à risque ?
Rodolphe Gozlan, Directeur de recherche, Institut de recherche pour le développement (IRD)
Marine Combe, Chargée de recherche, Institut de recherche pour le développement (IRD)
Soushieta Jagadesh, Doctoral Student, Institut de recherche pour le développement (IRD)
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tag:theconversation.com,2011:article/175218
2022-01-19T18:30:47Z
2022-01-19T18:30:47Z
Bioéthique : cœur de porc greffé sur un homme, quand les technologies abolissent les limites du vivant
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/441602/original/file-20220119-17-csm44a.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C36%2C6016%2C3971&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’équipe de l’école de médecine de l'université du Maryland, à Baltimore (États-Unis), implante un cœur de cochon génétiquement dans la poitrine de David Bennett, 57 ans. </span> <span class="attribution"><span class="source">École de médecine de l'université du Maryland</span></span></figcaption></figure><p>Au moment où il est tant question, dans le contexte de la pandémie de Covid-19, de vaccins à ARN messager, <a href="https://www.medschool.umaryland.edu/news/2022/University-of-Maryland-School-of-Medicine-Faculty-Scientists-and-Clinicians-Perform-Historic-First-Successful-Transplant-of-Porcine-Heart-into-Adult-Human-with-End-Stage-Heart-Disease.html">la transplantation d’un cœur de porc sur un Américain âgé de 57 ans</a>, le 7 janvier 2022 à l’École de médecine de l’Université du Maryland (États-Unis), éclaire d’autres champs de la recherche biomédicale. </p>
<p>Cette innovation scientifique chirurgicale est démonstrative d’une capacité d’intervention sur l’être humain qui, au-delà de la prouesse technologique, reconfigure les repères dans la relation interespèces, non seulement d’un point de physiologique, mais aussi dans une approche anthropologique.</p>
<h2>Tentatives d’approches chirurgicales disruptives et spectaculaires</h2>
<p>Quelques repères historiques permettent de mieux comprendre l’évolution des pratiques de greffes d’organes, dans une première phase à partir de donneurs vivants ou de cadavres.</p>
<ul>
<li><p>Le 23 décembre 1954, <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/joseph-edward-murray/">Joseph Edward Murray</a> réalise la première greffe de rein sur des jumeaux monozygotes (« vrais » jumeaux) au Brigham and Women’s Hospital de Boston (États-Unis). En 1990, le Prix Nobel de physiologie ou médecine lui sera attribué, notamment pour ses recherches <a href="https://www.frm.org/recherches-autres-maladies/greffes/greffes-vers-une-nouvelle-generation-d-immunosuppresseurs">ayant permis de développer les immunosuppresseurs</a>, utilisés pour contrer le processus physiologique de rejet du greffon ; </p></li>
<li><p>En 1966, une greffe de pancréas est réalisée avec succès à Minneapolis ;</p></li>
<li><p>En 1967 Christiaan Barnard réalise à Cap Town (Afrique du Sud) la 1<sup>re</sup> greffe de cœur. La même année, à Denver (États-Unis) une greffe de foie permet une survie de 13 mois ;</p></li>
<li><p>En 2000, une double greffe de deux mains et avant-bras est réalisée à Lyon ; </p></li>
<li><p>En 2005, une étape supplémentaire est franchie, avec la greffe partielle d’un visage à Amiens (tant en ce qui concerne le bénéficie direct du receveur que les aspects d’ordre anthropologique, les controverses ont été vives).</p></li>
</ul>
<p>Parallèlement à ces transplantations entre êtres humains, le recours à des organes animaux ou à des organes artificiels connaît également une phase expérimentale. En 1984, un enfant survit 21 jours avec un cœur de babouin ; le 19 juillet 2021 la 1<sup>re</sup> implantation commerciale d’un cœur artificiel a lieu en Italie ; en octobre 2021 la greffe d’un rein de porc génétiquement modifié est poursuivie pendant 3 jours <a href="https://www.nytimes.com/2021/10/19/health/kidney-transplant-pig-human.html">sur une personne en état de mort cérébrale</a>.</p>
<p>Ces tentatives d’approches chirurgicales disruptives et spectaculaires, visant à explorer les différentes voies du possible afin de repousser la fatalité d’un dysfonctionnent organique, ne pouvaient que susciter, par leur nature même, des dilemmes éthiques. Ces derniers s’ajoutent à la complexité de l’acte chirurgical, à partir des conditions du prélèvement jusqu’à celles de la réalisation de la greffe.</p>
<h2>Des pratiques sujettes à controverses</h2>
<p>La chirurgie de la greffe a notamment bénéficié des premiers acquis de la réanimation médicale intervenant « aux frontières de la vie », ainsi que des avancées en immunologie. Elle a de ce fait suscité nombre de controverses relatives à l’intervention du médecin en situation extrême et aux transgressions parfois assimilées à ce qu’il convenait de dénoncer comme de « l’acharnement thérapeutique ».</p>
<p>Dans les années 1970, la greffe d’organes a ainsi suscité à la fois espoirs et critiques. En cause, l’origine des greffons utilisés, prélevés sur des cadavres (le terme d’« état de mort encéphalique » semble aujourd’hui plus approprié). Sur la scène publique, cette innovation scientifique apparaissait alors, de par sa force symbolique, comme une forme de transgression anthropologique, voire d’enfreinte à la dignité humaine. </p>
<p>La <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000699407/">loi n°76-1181 du 22 décembre 1976 relative aux prélèvements d’organes</a> avait alors provoqué sur le moment de vives controverses qui se sont estompées à mesure que les techniques de la greffe se sont intégrées aux pratiques conventionnelles de la chirurgie (elle sera abrogée par la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, revue dans la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043884384">loi n°2021-2017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique</a>). </p>
<p>Dans les temps pionniers de la greffe (les premières transplantations réussies <a href="https://www.inserm.fr/dossier/transplantation-organes-greffe/">datent des années 1950</a>), on évoquait les risques de dérives dans l’exploitation du « corps pourvoyeur d’organes ». Un encadrement des pratiques a été prescrit <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006070721/LEGISCTA000006136059/">dans le Code civil</a> : </p>
<blockquote>
<p>« Il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’autrui. » </p>
</blockquote>
<p>De même, la non-patrimonialité du corps, l’anonymat et la gratuité se sont imposés dans les principes éthiques du don d’organes : </p>
<blockquote>
<p>« Aucune rémunération ne peut être allouée à celui qui se prête à une expérimentation sur sa personne, au prélèvement d’éléments de son corps ou à la collecte de produits de celui-ci. »</p>
</blockquote>
<p>Ces réticences morales, notamment à l’encontre de la « commercialisation du vivant », se sont estompées à travers le temps. Elles ont toutefois bénéficié en 2005 de la création de l’Agence de la biomédecine (ABM), dont la rigueur est reconnue dans le suivi scientifique et éthique de la stratégie de la greffe d’organes et de tissus. Cette dernière fait l’objet, depuis l’année 2000, d’un <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/plan_2017%202021_pour_la_greffe_d_organes_et_de_tissus.pdf">plan national</a>. </p>
<p>Au plan international, les risques inhérents au <a href="https://www.edqm.eu/sites/default/files/position_paper_-_illicit_and_unethical_activities_with_human_tissues_and_cells_-_november_2018.pdf">« trafic d’organes »</a> » ou à des prélèvements qui seraient pratiqués sur les cadavres de condamnés à mort ont justifié la rédaction de la Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humain (<a href="https://rm.coe.int/16802e7acd">Convention de Compostelle, 25 mars 2015</a>), ainsi que de l’intéressante proposition de loi visant à garantir <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3316_proposition-loi">le respect du don d’organes par nos partenaires non européens</a>. </p>
<p>Dernière innovation témoignant d’évolutions dans l’acceptabilité sociétale des capacités d’interventions biomédicales notamment pour pallier la pénurie de greffons, la loi relative à la bioéthique du 2 août 2021 instaure le recours au <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000043895648#:%7E:text=Version%20en%20vigueur%20depuis%20le%2004%20ao%C3%BBt%202021&text=I.,p%C3%A8re%20ou%20m%C3%A8re%20du%20receveur.">« don croisé d’organes »</a> : </p>
<blockquote>
<p>« Le don croisé d’organes consiste pour un receveur potentiel à bénéficier du don d’une autre personne qui a exprimé l’intention de don et également placée dans une situation d’incompatibilité à l’égard de la personne dans l’intérêt de laquelle le prélèvement peut être opéré en application du I, tandis que cette dernière bénéficie du don d’un autre donneur. Pour augmenter les possibilités d’appariement entre les donneurs et les receveurs engagés dans un don croisé et en substitution au prélèvement de l’un des donneurs vivants, il peut y avoir recours à un organe prélevé sur une personne décédée, dans les conditions fixées à l’article L. 1232-1. »</p>
</blockquote>
<p>Le recours à l’animal et plus encore <a href="https://www.inserm.fr/dossier/cellules-souches-pluripotentes-induites-ips/">aux cellules souches pluripotentes induites</a> (<em>résultant de la transformation artificielle de cellules adultes, ces cellules « immatures » sont capables de redonner n’importe quelle sorte de cellules de l’organisme, ndlr</em>) poserait en des termes différents l’approche éthique des technologies de la greffe d’organes et de tissus.</p>
<h2>Ce que les technologies biomédicales rendent possible</h2>
<p>Il pourrait être admis a priori que les technologies développées pour parvenir à la conception d’organes artificiels solliciteraient moins directement la réflexion éthique que les prélèvements sur cadavre ou à la suite de « l’humanisation » d’un animal (<em>approche consistant, grâce à des techniques d’édition du génome, à rendre un organe animal « compatible » avec l’être humain, en éliminant notamment certains gènes produisant des molécules impliquées dans les mécanismes de rejet, ndlr</em>). </p>
<p>Le débat mérite cependant d’être engagé tant du point de vue de nos représentations de l’intégrité humaine au regard de la « barrière des espèces », que de cette forme de solidarité inédite entre l’animal et l’être humain, solidarité qui est l’un des marqueurs moraux évoqués depuis les premiers prélèvements et dons d’organes entre humains à des fins thérapeutiques.</p>
<p>Les critères qui ont prévalu pour engager l’expérimentation de la greffe d’un cœur de porc en janvier 2022 sont l’absence de tout recours thérapeutique pour la personne bénéficiaire consentante, les avancées dans l’acquisition des savoirs relatifs aux xénotransplantations et le contexte de pénurie de greffons qui pourrait justifier, dans ce domaine aussi, des audaces qui ont souvent servi les avancées scientifiques. C’est notamment <a href="https://ansm.sante.fr/vos-demarches/professionel-de-sante/demande-dautorisation-dacces-compassionnel">au titre de traitement compassionnel</a> que la Food and Drug Administration (FDA) avait donné son accord à cette expérimentation.</p>
<h2>Les xénotransplantations, continuité ou rupture ?</h2>
<p>La question doit être posée : à quels enjeux nous confronte l’évolution des pratiques dans le champ de la greffe d’organes, jusqu’à ce recours aux organes d’animaux afin de pallier la pénurie de greffons humains ? </p>
<p>Si, depuis 1923, des laboratoires produisent de l’insuline à partir de pancréas de bœufs et de porcs, et que l’utilisation des valves cardiaques prélevées sur des porcs est de pratique courante, se situe-t-on dans la continuité de ces approches thérapeutiques ou en rupture ? S’il n’a jamais été anodin de bénéficier d’un organe prélevé sur un cadavre, qu’en est-il du cœur d’un animal, alors qu’est du reste attachée à cet organe une valeur symbolique spécifique ?</p>
<p>En décembre 2020, dans son <a href="https://www.agence-biomedecine.fr/IMG/pdf/ripg_2020_def.pdf">Rapport d’information au Parlement et au Gouvernement sur le développement des connaissances et des techniques</a>, L’Agence de la biomédecine a anticipé les évolutions actuelles :</p>
<blockquote>
<p>« Avec la production des porcs spécifiques, la xénogreffe a sans doute franchi un cap et on observe aujourd’hui des survies de greffes porc/babouins pouvant aller jusqu’à 9 mois. Des chercheurs chinois ont affirmé être en capacité de passer à l’étape humaine si les autorités leur permettaient. Des essais cliniques avec utilisation de cellules porcines se profilent ainsi d’ores et déjà à court terme pour des îlots de Langerhans chez des patients diabétiques, ou en greffe de cornée. » </p>
</blockquote>
<p>Dans ce document très argumenté, l’ABM constatait : </p>
<blockquote>
<p>« En 1993 a émergé l’idée que la suppression chez le porc de la cible majeure (Gal) de la réponse par les anticorps humains permettrait de réduire le risque de rejet humoral. Dès 2002, des porcs appelés “Gal-KO” chez qui l’enzyme avait été invalidée ont vu le jour. Actuellement, une vingtaine de cibles antigéniques sont potentiellement modifiables sur une trentaine connue. » </p>
</blockquote>
<p>Les évolutions intervenues en 2012 dans le champ de la génétique <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/crispr-cas9-des-ciseaux-genetiques-pour-le-cerveau">avec le développement de la technologie d’édition du génome CRISPR-Cas-9</a> se sont avérées déterminantes. En 2022, c’est en effet <a href="https://theconversation.com/crispr-comment-ca-marche-158581">cette technique</a> qui a permis à la fois d’intégrer au génome du porc six gènes humains favorisant la compatibilité immunitaire avec le receveur, et d’en supprimer trois. Cette modification organique du porc devrait prévenir tout risque de rejet, mais aussi de zoonose. Rappelons que dans les années 1990, les recherches relatives aux xénogreffes avaient été interrompues <a href="https://www.inserm.fr/dossier/maladies-prions-maladie-creutzfeldt-jakob/">par l’émergence de la maladie de Creutzfeldt-Jacob</a> dans un contexte de contaminations interespèces.</p>
<h2>Mieux envisager l’éthique de nos interventions sur l’animal</h2>
<p>En résonnance aux avancées technologiques dans les xénogreffes, on ne peut pas s’empêcher d’évoquer le débat relatif à la production de chimères interespèces autorisée dans la loi n°2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique (article 20) <a href="https://presse.inserm.fr/chimeres-inter-especes/42157/">à des fins de recherche sur l’embryon</a>. Comme si se diluait progressivement, à travers des reconfigurations génétiques, ce qui était distinctif de l’humain au regard de l’animal, et que, d’une certaine manière, se dévoilait une étrange proximité qui justifierait d’être mieux caractérisée. </p>
<p>Cette forme d’altérité pourrait du reste inciter à mieux envisager les règles d’une vigilance éthique dans nos interventions sur l’animal. Du point de vue de la singularité humaine et de ces solidarités interespèces qui émergent de l’innovation biomédicale, il me semble indispensable d’être davantage attentif <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00806908/document">aux réflexions philosophiques que développent les animalistes</a> : l’actualité scientifique leur confère, en ces circonstances, une pertinence qui mérite notre attention.</p>
<p>Autre considérations d’ordre anthropologique, de même que bénéficier du greffon issu d’un cadavre ou d’un donneur apparenté n’est pas anodin, dans son <a href="https://www.agence-biomedecine.fr/IMG/pdf/ripg_2020_def.pdf">Rapport d’information au Parlement et au Gouvernement sur le développement des connaissances et des techniques</a>, l’ABM estime que : </p>
<blockquote>
<p>« De nombreuses questions demandent encore à être résolues avant une éventuelle application à l’homme. Au plan psychologique et éthique notamment, une étude menée auprès d’une centaine de patients greffés ou en attente de greffe a permis d’émettre certaines hypothèses quant à l’acceptabilité psychique d’une xénogreffe. […] Trois profils différents se sont dégagés parmi les patients interrogés : ceux qui acceptent sans condition l’idée d’une xénogreffe (45 %), ceux qui la refusent radicalement (30 %) et les patients qui posent des conditions (25 %). » </p>
</blockquote>
<p>Au-delà des effets d’annonce scientifique, il pourrait être justifié de créer les conditions d’un débat à ce propos au sein de la société, ainsi du reste qu’en ce qui concerne une autre évolution intervenue de manière pour le moins discrète dans les pratiques du prélèvement d’organes : celle du prélèvement d’organes après arrêt circulatoire suite à un arrêt des traitements, <a href="https://www.agence-biomedecine.fr/Protocole-des-conditions-a-respecter-pour-realiser-des-prelevements-d-organes">le protocole « Maastricht 3 »</a>.</p>
<h2>De la greffe d’organes à la conception d’organoïdes</h2>
<p>Dernier élément à intégrer à nos réflexions, les innovations biomédicales relatives à la greffe concernent désormais la reconstruction d’organes à partir de cellules souches pluripotentes induites qui peuvent être ensemencées sur une matrice (comme ce fut le cas pour une bronche), mais également <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2020/02/msc200030/msc200030.html">produire des organoïdes</a> déjà expérimentés notamment dans l’approche des maladies rénales (<em>les organoïdes sont de petites structures tridimensionnelles produites à partir de cellules souches pluripotentes induites, qui reproduisent en partie l’architecture d’un organe, ndlr</em>).</p>
<p>Les enjeux et les promesses de la <a href="https://www.cairn.info/revue-etudes-2006-4-page-474.htm">« médecine régénératrice »</a> sont évoqués depuis une vingtaine d’année, avec aujourd’hui des perspectives et des réalisations de nature à bouleverser les technologies de la vie et du vivant tant du point de vue de nos concepts que de celui de nos représentations.</p>
<p>D’autres questions éthiques spécifiques sont suscitées par les greffes de tissus cérébraux ainsi que la création d’<a href="https://www.recherche-animale.org/le-dilemme-ethique-des-mini-cerveaux">organoïdes de cerveaux humains</a>.
Promesse chirurgicale dont on ignore la destinée, en novembre 2017, le neurochirurgien italien Sergio Canavero annonçait publiquement l’imminence de l’expérimentation <a href="https://controverses.minesparis.psl.eu/public/promo17/promo17_G12/controverses-minesparistech.fr/groupe12/une-operation-aux-limites-de-lethique/index.html">d’une greffe de tête pratiquée sur deux cadavres</a> <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/sante/le-casse-tete-juridique-de-la-greffe-de-tete_116518">à la Harbin Medical University</a>…</p>
<p>La réflexion bioéthique, on le constate, est confrontée à des innovations qui doivent être accompagnées de capacités d’innovations conceptuelles, à la fois en anticipation des évolutions et en accompagnement des équipes dans la mise en œuvre de leurs protocoles. Dans le cadre de son approche de la révision de la prochaine loi de bioéthique, le Parlement devrait favoriser avec l’<a href="http://www.senat.fr/opecst/">Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques</a> (OPECST) et les instances éthiques nationales la concertation indispensable à l’acceptabilité d’innovations disruptives d’ordres à la fois technologue, anthropologique, éthique et sociétal. En 1986, déjà, le philosophe Georges Canguilhem nous interpellait : </p>
<blockquote>
<p>« Innover ne va pas sans risque. Le risque jusqu’où ? Le risque admis par qui ? »</p>
</blockquote>
<hr>
<p><em>Pour aller plus loin : <a href="https://www.editions-eres.com/ouvrage/4275/traite-de-bioethique-iv">« Traité de bioéthique »</a>, sous la dir. de E. Hirsch et F. Hirsch, éditions Eres.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175218/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Hirsch ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La greffe d’un cœur de cochon dans une poitrine humaine est une prouesse biomédicale. Mais ce geste qui brouille les limites interespèces pose la question de l’accompagnement éthique des innovations.
Emmanuel Hirsch, Professeur d'éthique médicale, Université Paris-Saclay
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/173109
2022-01-10T18:41:28Z
2022-01-10T18:41:28Z
L’importance de l’approche « Une seule santé » dans la prévention et la préparation aux pandémies
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/439523/original/file-20220105-23-23sd75.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C1%2C988%2C516&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les interrelations entre l'environnement et les santés animale et humaine sont grandes. La pandémie actuelle en est un exemple patent.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Nous savons depuis longtemps que les animaux et les humains cohabitent dans des environnements communs qui influencent leur santé mutuelle. <a href="https://www.unep.org/fr/actualites-et-recits/recit/lapproche-une-seule-sante-est-essentielle-pour-lutter-contre-les">Ce concept, baptisé « Une seule santé » au début des années 2000</a>, met en lumière l’interconnexion et l’interdépendance des animaux, des humains et des écosystèmes.</p>
<p>Dans certains cas, ces environnements communs sont l’occasion d’échanges d’agents infectieux entre espèces. Les <a href="https://www.inspq.qc.ca/zoonoses">zoonoses</a> sont des maladies qui se transmettent de l’animal à l’humain ou vice-versa ; de nombreux agents infectieux ont en effet la capacité de s’adapter à un nouvel hôte.</p>
<p>D’importants changements dans notre écosystème planétaire (urbanisation, croissance démographique, intensification de l’agriculture, etc.) modifient les interactions entre animaux, humains et environnement, ce qui favorise l’émergence de nouvelles zoonoses. Ainsi, <a href="https://www.oie.int/fr/ce-que-nous-faisons/initiatives-mondiales/une-seule-sante/">environ les trois quarts des maladies infectieuses émergentes des humains sont d’origine animale</a>.</p>
<p>L’origine animale de la pandémie de Covid-19 <a href="https://www.ledevoir.com/monde/650976/coronavirus-la-these-de-l-animal-vivant-a-l-origine-de-la-pandemie-se-renforce">n’est pas une certitude</a>, mais sa nature <a href="https://www.cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/daily-life-coping/animals.html">zoonotique</a> est bien connue. Elle nous a forcés à prendre collectivement conscience que la santé humaine n’est pas indépendante de la santé des animaux (domestiques et de la faune) et de notre environnement partagé. Il n’y a qu’une seule santé, celle de tous les organismes vivants faisant partie d’un écosystème planétaire, qui, lorsque modifié, nous met tous à risque de futures pandémies.</p>
<p>Je suis la coauteure séniore d’une <a href="https://www.graduateinstitute.ch/sites/internet/files/2021-11/policybrief-onehealth-v3.pdf">note d’orientation</a> soumise avec la proposition du Traité des pandémies et qui explique le rôle central qu’une approche « Une seule santé » – ou « One Health » (OH) – orientée vers l’équité pourrait jouer dans la prévention et la préparation aux pandémies.</p>
<h2>Collaboration à l’échelle mondiale</h2>
<p>On reconnaît de plus en plus que certaines lacunes, comme un manque d’échanges d’information entre secteurs, dans les gouvernances locales, nationales et mondiale contribuent à l’émergence et la réémergence des maladies d’origine animale. Une vaste collaboration est en marche pour y remédier depuis déjà quelques années.</p>
<p>Une collaboration tripartite pour l’approche « Une seule santé » a été créée entre l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), à laquelle s’ajoute le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Il s’agit de l’une des initiatives de haut niveau les plus susceptibles de consolider l’adoption de l’approche « Une seule santé » dans les programmes et politiques de santé pour tous les êtres vivants et de pérennité au niveau mondial.</p>
<p>D’abord développée pour contrer le développement de résistances aux antimicrobiens, la collaboration publiait un <a href="https://www.fao.org/publications/card/fr/c/CA2942FR/">guide pour le contrôle des zoonoses</a>, et ce, avant l’émergence de la pandémie de Covid-19.</p>
<p>Cette nouvelle collaboration a donné lieu à la création d’un groupe d’experts de haut niveau sur l’approche « Une seule santé » (OHHLEP) qui a publié, le premier décembre, une <a href="https://www.fao.org/3/cb7869en/cb7869en.pdf">nouvelle définition de cette approche</a>.</p>
<h2>Nouvelle définition de l’approche « Une seule santé »</h2>
<p>La nouvelle définition de l’approche précise qu’elle est intégrée et globale, et vise à équilibrer et à optimiser durablement la santé des personnes, des animaux et des écosystèmes.</p>
<p>Elle reconnaît qu’on ne peut considérer de manière isolée la santé des êtres humains, des animaux domestiques et sauvages, des plantes et de l’environnement.</p>
<p>L’approche doit impliquer de multiples secteurs, disciplines et communautés à différents niveaux de la société.</p>
<p>Les objectifs communs sont de lutter contre les menaces qui pèsent sur la santé et les écosystèmes, travailler ensemble à la promotion du bien-être et agir sur les changements climatiques. Ce faisant, il faut répondre aux besoins collectifs en matière d’eau potable, d’énergie, d’air pur et d’aliments nutritifs.</p>
<h2>« Une seule santé », part essentielle du traité sur les pandémies</h2>
<p>L’OMS s’est mobilisée en présentant une proposition pour la <a href="https://www.who.int/news/item/01-12-2021-world-health-assembly-agrees-to-launch-process-to-develop-historic-global-accord-on-pandemic-prevention-preparedness-and-response">mise en place d’un traité sur les pandémies</a> lors d’une séance extraordinaire de la WHA (World Health Assembly) tenue du 29 novembre au 1<sup>er</sup> décembre 2021.</p>
<p>La WHA est l’organe décisionnel de l’OMS. Un traité est un instrument juridiquement contraignant en vertu du droit international. Un traité international sur les pandémies permettrait aux pays membres de l’OMS de renforcer les capacités nationales, régionales et mondiales et la résilience face à de futures pandémies, par l’amélioration de la prévention, de la surveillance, des mécanismes d’alerte et les réactions.</p>
<p>Mes coauteurs et moi avons constaté l’intégration limitée des principes « Une seule santé » dans les traités et les réglementations internationaux actuels et recommandons son intégration dans un futur traité sur les pandémies. Nous expliquons aussi comment cela permettrait de compléter et renforcer la connectivité (l’agilité à faire des liens, communiquer et se coordonner) entre les accords internationaux existants. Nous recommandons le développement et la mise en place d’une échelle universelle pour l’évaluation de la mise en place de l’approche « Une seule santé » et de son succès.</p>
<p>L’inclusion de « Une seule santé » dans un traité sur les pandémies contribuera à garantir la collaboration inter/transdisciplinaire et multi/intersectorielle. Elle nécessitera des engagements forts en faveur de la création et le partage de connaissances avec du soutien de la part de la communauté internationale.</p>
<p>Nous recommandons aussi la création d’une structure mondiale permanente afin d’en assurer le financement et la mise en œuvre, un peu comme cela a été fait pour la <a href="https://ipbes.net/">biodiversité</a> et contre les <a href="https://www.ipcc.ch/">changements climatiques</a>.</p>
<p>Un traité sur les pandémies intégrant « Une seule santé » permettrait de faire progresser la prévention et la préparation aux pandémies et la santé humaine, animale et environnementale. Il contribuerait à la protection de la biodiversité et permettrait aussi de réduire les activités à risque et générerait d’importantes économies tant monétaires qu’en vies humaines et animales.</p>
<p>Lors de son <a href="https://twitter.com/i/broadcasts/1yNGaYyeBlqGj">discours de clôture</a> de l’assemblée spéciale, le 1<sup>er</sup> décembre, Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS, a dit : « Nous sommes une humanité. Nous avons une planète. Nous avons une santé. »</p>
<p>Un traité intégrant l’importance de l’approche « Une seule santé » dans la prévention et la préparation à de futures pandémies à tous les niveaux de gouvernement, dans la recherche, ainsi que dans l’organisation des interventions est une grande étape à l’échelle planétaire.</p>
<h2>Et le Canada ?</h2>
<p>Le Canada a déjà un réseau interdisciplinaire de recherche-action appelé <a href="https://global1hn.ca/">Global 1HN</a>. Il vise à renforcer le leadership canadien dans l’amélioration de la gouvernance mondiale des maladies infectieuses et de la résistance aux antimicrobiens.</p>
<p>L’adhésion du Canada à un traité sur les pandémies intégrant l’approche « Une seule santé » s’avère être un essentiel pas de plus dans la bonne direction pour protéger non seulement la santé des Canadiens, mais aussi celle des êtres vivants qui les entourent et pour influencer la gouvernance mondiale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173109/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Il est crucial que les différents gouvernements, chercheurs et prestataires de soins de santé reconnaissent l’approche « Une seule santé » pour la prévention et la préparation à de futures pandémies.
Hélène Carabin, Canada Research Chair and Full Professor, Epidemiology and One Health, Université de Montréal
Caroline Kilsdonk, conseillère de recherche, Groupe de recherche en épidémiologie des zoonoses et santé publique, Université de Montréal
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tag:theconversation.com,2011:article/174302
2022-01-04T19:02:54Z
2022-01-04T19:02:54Z
Pourquoi Omicron pourrait être le dernier variant « préoccupant »
<p>La question de savoir si les virus sont vivants reste controversée, cependant, comme tous les êtres vivants, ils évoluent. Ce fait est apparu très clairement au cours de la pandémie de SARS-CoV-2, le coronavirus responsable du Covid-19 : de nouveaux variants préoccupants <a href="https://www.who.int/en/activities/tracking-SARS-CoV-2-variants/">ont émergé régulièrement</a>, venant bousculer l’actualité.</p>
<p>Certains de ces variants se sont révélés plus efficaces que les précédentes versions du SARS-CoV-2 pour se propager d’une personne à l’autre et ont fini par les supplanter, devenant dominants. </p>
<p>Cette capacité de propagation améliorée a été attribuée à des mutations de leur protéine Spike (les protubérances en forme de champignon situées à la surface du virus). Ces protéines Spike mutées se lient plus fortement aux récepteurs ACE2 situés à la surface de nos cellules (notamment celles qui tapissent nos voies respiratoires). Or le virus s’attache à ces récepteurs pour entrer dans les cellules et commencer à s’y répliquer.</p>
<p>Ces mutations ont permis aux variants Alpha puis Delta de devenir dominants au niveau mondial. Et les <a href="https://theconversation.com/de-delta-a-omicron-pourquoi-un-variant-chasse-lautre-173532">scientifiques s’attendent à ce que la même chose se produise avec Omicron</a>.</p>
<p>Un virus ne peut cependant pas s’améliorer indéfiniment…</p>
<h2>Omicron, « meilleure » version possible du SARS-CoV-2 ?</h2>
<p>Les lois de la biochimie font que le SARS-CoV-2 finira par développer une protéine Spike se liant à l’ACE2 aussi fortement que possible. À partir de là, la capacité de propagation du virus ne sera plus limitée par son aptitude à se fixer à nos cellules ; d’autres facteurs viendront limiter sa diffusion, tels que la vitesse de réplication de son génome, celle à laquelle il peut pénétrer dans la cellule et la quantité de nouveaux virus qu’un humain infecté pourra produire et disséminer.</p>
<p>En principe, tous ces facteurs devraient finir par évoluer vers des performances maximales.</p>
<p>Omicron a-t-il atteint cet apogée ? Il n’y a, pour l’heure, aucune raison de penser que tel est le cas… Les études dites de « gain de fonction », qui examinent les changements dont le SARS-CoV-2 a besoin pour se propager plus efficacement, ont <a href="https://www.nature.com/articles/s41564-021-00954-4">identifié de nombreuses mutations</a> potentielles qui amélioreraient la capacité de la protéine Spike à se lier à nos cellules. Or Omicron ne les possède pas. En outre, des améliorations pourraient être encore apportées à d’autres aspects du cycle de vie du virus, comme la réplication du génome, ainsi que je l’ai mentionné plus haut.</p>
<p>Mais supposons un instant qu’Omicron est bien le variant « ultime », celui dont la capacité de propagation est maximale…
Et si, limité par les probabilités génétiques, Omicron ne pouvait bénéficier de nouvelles améliorations ? De la même manière que les zèbres n’ont pas développé d’yeux à l’arrière de leur tête pour éviter les prédateurs, il est en effet plausible que le virus du Covid ne puisse pas atteindre son maximum théorique : il devrait pour cela obtenir toutes les mutations potentielles nécessaires en même temps – ce qui serait par trop improbable.</p>
<p>Toutefois, même dans un scénario où Omicron serait le meilleur variant en termes de propagation entre humains, de nouveaux variants continueraient à apparaître, et contourneraient nos défenses immunitaires.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-dosages-des-vaccins-sont-differents-chez-les-enfants-et-les-adultes-171916">Après une infection virale, le système immunitaire s’adapte en produisant des anticorps</a>, qui se fixent sur l’intrus pour le neutraliser, et des lymphocytes T (des cellules immunitaires qui détruisent les cellules infectées). Les anticorps sont de petites molécules protéiques qui reconnaissent spécifiquement certaines portions du virus, tandis que les lymphocytes T reconnaissent les cellules infectées car elles présentent à leur surface des <a href="https://theconversation.com/comment-notre-corps-se-defend-il-contre-les-envahisseurs-143072">motifs moléculaires résultant de l’infection</a>. Si les mutations subies par le SARS-CoV-2 changent suffisamment son « apparence », il se peut donc que nos défenses immunitaires ne le reconnaissent plus.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-notre-corps-se-defend-il-contre-les-envahisseurs-143072">Comment notre corps se défend-il contre les envahisseurs ?</a>
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<p>C’est pourquoi Omicron réussit apparemment si bien à infecter des personnes déjà immunisées, que ce soit par la vaccination ou par une infection antérieure : les mutations qui permettent à sa protéine Spike de mieux se lier à nos récepteurs ACE2 réduisent également la capacité des anticorps <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.12.08.21267417v3.full.pdf">à reconnaître le virus et à le neutraliser</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/3pFQpiawX80?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>En revanche, les <a href="https://www.businesswire.com/news/home/20211208005542/en/">données de Pfizer suggèrent</a> que les lymphocytes T devraient répondre de la même manière à Omicron et aux variantes précédentes. On a en effet observé qu’en Afrique du Sud, où la <a href="https://ourworldindata.org/coronavirus/country/south-africa">plupart des gens sont immunisés</a>, le taux de mortalité du nouveau variant est plus faible.</p>
<p>C’est un point important à souligner : une exposition passée semble donc encore protéger contre les formes les plus graves de la maladie et contre le risque de décès. Nous sommes donc dans une situation de « compromis » : le virus peut se répliquer et réinfecter d’anciens malades, mais ceux-ci ne développent pas de signes cliniques aussi graves que la première fois.</p>
<h2>Futur possible</h2>
<p>C’est là que réside l’avenir le plus probable de ce virus. Même s’il se comporte comme un joueur professionnel et finit par maximiser toutes ses statistiques, il n’y a aucune raison de penser qu’il ne sera pas néanmoins contrôlé et éliminé par le système immunitaire. Les mutations qui améliorent sa capacité de propagation n’augmentent pas dramatiquement le nombre de décès.</p>
<p>Ce virus au mieux de ses capacités pourrait alors juste continuer à muter de manière aléatoire, se modifiant suffisamment au fil du temps pour que les défenses immunitaires, adaptées à de précédents variants, ne le reconnaisse plus suffisamment, ce qui se traduirait par des réinfections.</p>
<p>Nous pourrions avoir une saison de Covid chaque hiver, tout comme nous avons déjà une saison de grippe à la même période. Les virus de la grippe peuvent également présenter un profil de mutation de ce type, connu sous le nom de <a href="https://www.cdc.gov/flu/about/viruses/change.htm">« dérive antigénique »</a> : leurs modifications, à mesure que le temps passe, entraîne des réinfections. Les virus de la grippe qui résultent chaque année de ce processus ne sont pas nécessairement « meilleurs » (plus performants) que ceux de l’année précédente, mais simplement suffisamment différents pour échapper à l’immunité acquise précédemment.</p>
<p>Le meilleur argument en faveur de cette éventualité pour le SARS-CoV-2 est peut-être que le HCoV-229E, un coronavirus qui provoque un rhume classique, <a href="https://journals.plos.org/plospathogens/article?id=10.1371/journal.ppat.1009453">a déjà évolué en ce sens</a>.</p>
<p>Omicron ne sera donc pas le variant final, mais il pourrait être le dernier <a href="https://www.who.int/fr/news/item/26-11-2021-classification-of-omicron-(b.1.1.529)-sars-cov-2-variant-of-concern">variant dit « préoccupant » selon la terminologie de l’OMS</a>. Si nous avons de la chance (et il faut ici rappeler que l’évolution de cette pandémie est difficile à prévoir…), le SARS-CoV-2 pourrait devenir un <a href="https://theconversation.com/covid-19-will-probably-become-endemic-heres-what-that-means-146435">virus endémique</a>, qui mute lentement au fil du temps.</p>
<p>La maladie résultante entraînerait probablement des signes cliniques modérés, puisque la ou les expositions antérieures auraient forgé une immunité capable de limiter la probabilité d’hospitalisation et de décès. La plupart des gens s’infecteraient alors une première fois enfants, avant ou après une vaccination, et les réinfections ultérieures seraient à peine remarquées… Un nombre restreint de scientifiques continuerait à surveiller les modifications génétiques du SARS-CoV-2, mais les variants préoccupants appartiendraient désormais au passé. Jusqu’à ce qu’un autre virus franchisse à son tour la barrière des espèces…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174302/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ben Krishna ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
C’est dans sa nature, le virus du Covid va continuer à muter… Mais les variants peuvent-ils devenir toujours plus dangereux ? Il est possible qu’Omicron, si contagieux, ait atteint un optimum.
Ben Krishna, Postdoctoral Researcher, Immunology and Virology, University of Cambridge
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tag:theconversation.com,2011:article/173102
2022-01-02T17:25:18Z
2022-01-02T17:25:18Z
En 2022, tirons les leçons des controverses sur les origines du SARS-Cov-2
<p>Le Covid-19 est probablement la pandémie et la maladie infectieuse la plus médiatisée de tous les temps. D’autres zoonoses – ces maladies dont l’agent infectieux est issu d’un animal – ont eu aussi un grand retentissement sociétal, comme le sida (virus HIV) qui tue encore plus d’un demi-million de personnes par an dans le monde. </p>
<p>Et d’autres maladies tout aussi terribles, comme le paludisme ou Ebola, frappent tout particulièrement les régions tropicales et on peut regretter qu’elles n’inquiètent guère les habitants et les dirigeants des puissants pays du Nord. </p>
<h2>Émergence du Covid-19, à chacun son hypothèse !</h2>
<p>La question de l’origine du Covid-19 a une part importante dans la médiatisation inédite de la pandémie. Les hypothèses se sont multipliées, évoquant aussi bien le passage naturel à l’humain depuis une chauve-souris – avec ou sans hôte intermédiaire (pangolin, civette, vison, chien viverrin, etc.) – que l’échappement d’un laboratoire de virologie dans la ville chinoise de Wuhan. </p>
<p>Chaque « corporation » y a été de son hypothèse : les scientifiques écologues, dont je suis, ont replacé l’émergence du Covid-19 dans le contexte de l’augmentation inquiétante des émergences de nouvelles maladies zoonotiques, <a href="https://theconversation.com/covid-19-ou-la-pandemie-dune-biodiversite-maltraitee-134712">causées par les atteintes à l’environnement</a>. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1243590148757078018"}"></div></p>
<p>Des journalistes ont alerté sur <a href="https://reporterre.net/Les-elevages-de-visons-en-Chine-a-l-origine-du-Covid-19-Les-indices-s-accumulent">le rôle possible des élevages animaux (notamment de visons)</a> comme réacteurs de sélection d’agents infectieux. </p>
<p>Quant aux biologistes moléculaires de laboratoire qui utilisent la transgenèse (insertion de gènes au sein de virus) comme outil de travail quotidien pour <a href="https://theconversation.com/origine-de-la-covid-19-lhypothese-de-laccident-de-laboratoire-doit-elle-etre-etudiee-dun-point-de-vue-scientifique-160825">comprendre la fonction de gènes ou de protéines spécifiques des virus</a>, ils se sont inquiétés du manque de transparence des travaux menés dans les laboratoires de Wuhan en Chine, ville présumée à tort ou à raison lieu d’émergence de la pandémie. Chacun voit donc midi à sa porte, en émettant le souhait (très idéalisé) d’un meilleur comportement dans son domaine sociétal d’intérêt. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/origine-de-la-covid-19-lhypothese-de-laccident-de-laboratoire-doit-elle-etre-etudiee-dun-point-de-vue-scientifique-160825">Origine de la Covid-19 : l’hypothèse de l’accident de laboratoire doit-elle être étudiée d’un point de vue scientifique ?</a>
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<p>Bien que de moindre intérêt, on peut également mentionner le développement de nombreuses publications, passablement complotistes, qui traquent les informations disponibles dans les courriers et documents des différents acteurs du domaine (groupes de recherche, OMS, chercheurs, etc.) ; et pensent y trouver les preuves de méfaits ou d’imprudences expliquant l’émergence de la maladie. </p>
<p>Enfin, pour compléter cette liste déjà trop longue, on doit aussi signaler des épisodes de politique internationale <a href="https://theconversation.com/donald-trump-les-maux-et-les-mots-du-virus-136530">incriminant tel ou tel personnage ou institution</a>, à tort ou à raison, mais pour des raisons d’adversité politique.</p>
<h2>Le concept central d’« une seule santé »</h2>
<p>Que penser de toutes ces hypothèses ? En fait, chacune d’entre elles, sauf sans doute celle de l’origine naturelle, fait passablement l’impasse sur les démarches scientifiques intégratives qui sont le futur indispensable des recherches sur les maladies infectieuses. </p>
<p>Depuis des années maintenant, biologistes et médecins ont forgé en recherche scientifique le concept d’<a href="https://www.who.int/fr/news-room/questions-and-answers/q-a-detail/one-health">« une seule santé »</a> (<em>One Health</em>) : la santé humaine dépend de celle de l’environnement et de celle des autres animaux. </p>
<p>Ce concept prend ainsi en compte toutes les hypothèses formulées pour permettre de juger à terme de leur vraisemblance à la lumière des éléments recueillis : agents infectieux inconnus ou émergents (virus, bactéries, protozoaires, etc.) dans leurs animaux réservoirs, rôle des élevages et trafics (qui concentrent et affaiblissent ces animaux réservoirs) ; enfin, rôle des laboratoires de biologie médicale qui devraient étudier cette problématique sans générer de risques supplémentaires. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1276121051420860421"}"></div></p>
<p>À ce dernier égard, il est particulièrement ironique de constater que les tenants des fuites de laboratoire de Wuhan mentionnent eux-mêmes la nécessité de juger du rôle des protéines spike des nouveaux variants (Omicron notamment) en les étudiant leur biologie <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/variant-omicron/variant-omicron-la-course-contre-la-montre-des-chercheurs-pour-percer-les-secrets-de-cette-mutation-preoccupante-du-virus_4865785.html">grâce à la transgenèse dans des lentivirus</a>. </p>
<p>Les expertises collégiales nationales (<a href="https://www.fondationbiodiversite.fr/mobilisation-de-la-frb-par-les-pouvoirs-publics-francais-sur-les-liens-entre-covid-19-et-biodiversite/">FRB</a>) et internationales (<a href="https://ipbes.net/pandemics">IPBES</a>) mentionnent toutes cette exigence absolue d’intégration « une seule santé » pour comprendre et juguler l’émergence de maladies dans le futur ! </p>
<p>Les humains ne vivent pas en vase clos et leur santé dépend évidemment de celle de leur environnement : il faut sans cesse le rappeler tant nos attitudes demeurent anthropocentriques et centrées sur les remèdes a posteriori chez les humains plutôt que sur les études intégratives a priori des crises sur les écosystèmes.</p>
<h2>À la recherche de nouvelles connaissances cruciales</h2>
<p>Pour prévenir l’émergence de nouvelles maladies, nous sommes donc directement dépendants des connaissances que nous avons sur la biodiversité : celle des agents infectieux et celle des animaux réservoirs. </p>
<p>Chaque étude récente de l’évolution des coronavirus montre que nous ne connaissons que des parents proches, mais pas immédiats, du SARS-CoV-2, tous localisés dans l’Asie du Sud-Est où l’origine de la maladie peut donc être vraisemblablement située. </p>
<p>À cet égard, l’émergence présumée à Wuhan (province d’Hubei) doit être réinterprétée en regard des détections bien plus précoces de la maladie déjà transmise en plusieurs points du globe, et notamment en Europe (dans cette <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10654-020-00716-2">étude française</a> notamment).</p>
<p>Cela signifie que les parents et précurseurs du SARS-CoV-2 ne sont pas encore connus et se trouvent quelque part dans des animaux ou humains de cette région. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1324253679256539136"}"></div></p>
<p>Depuis le début de la pandémie, de nouveaux résultats importants ont été acquis, avec la <a href="https://doi.org/10.1038/s41467-021-21240-1">découverte de nouveaux coronavirus en Thaïlande</a>, <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-021-26809-4">au Cambodge</a> et <a href="https://www.researchsquare.com/article/rs-871965/v1">au Laos</a>. </p>
<p>Ces études sont cruciales, car elles permettent de dessiner à grands traits l’évolution de ces virus et de leurs caractéristiques biologiques. D’autres coronavirus déjà connus de chauve-souris rhinolophes, <a href="https://doi.org/10.1101/2021.12.05.471310">par exemple en Russie</a>, ont été par ailleurs testés pour leur capacité malheureusement positive à se fixer sur les protéines des cellules humaines et donc à constituer un risque potentiel.</p>
<p>Pour comprendre comment lutter efficacement contre le virus, il est en effet important de savoir sous quels régimes de sélection naturelle ces traits originels sont apparus. Pour empêcher de futures émergences, il est également primordial de connaître les animaux réservoirs impliqués et les éventuels hôtes intermédiaires.</p>
<h2>La quête de l’origine</h2>
<p>Comme tout un chacun le perçoit désormais, les virus évoluent rapidement et ce que l’on appelle « variants » sont le résultat de mutations apparaissant et se transmettant dans des populations colossales de virions. Pour mémoire, un malade infecté <a href="https://www.lemonde.fr/blog/realitesbiomedicales/2020/11/24/covid-19-combien-un-etre-humain-infecte-par-le-sars-cov-2-renferme-t-il-de-particules-virales/">héberge de 1 à 100 milliards de virions</a> (nombre total de particules virales). </p>
<p>La population mondiale de SARS-CoV-2 compte donc des milliards de milliards de virions, issus d’autant d’épisodes de réplications dans nos corps avec à chaque fois la possibilité d’apparitions et de transmissions de mutations ! </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/il-y-a-10-ans-un-virus-proche-du-sars-cov-2-circulait-deja-au-cambodge-154397">Il y a 10 ans, un virus proche du SARS-CoV-2 circulait déjà au Cambodge</a>
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<p>Mais l’origine de certains virus <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Recombinaison_virale">peut aussi être recherchée dans des évènements de recombinaisons</a> entre virions occupant les mêmes cellules de leur hôte, et générant des mosaïques à partir de virions différents. Si l’on ne connaît pas raisonnablement les virus dans la nature, il est illusoire de penser comprendre un jour leur origine.</p>
<p>Il a ainsi fallu <a href="https://journals.plos.org/plospathogens/article?id=10.1371/journal.ppat.1006698">quatorze ans pour identifier une localité en Asie d’où était issu le virus du premier SARS</a> qui, bien que moins pandémique, avait tout de même touché au moins 8000 personnes et causé plus de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Syndrome_respiratoire_aigu_s%C3%A9v%C3%A8re">700 décès dans huit pays différents</a>. </p>
<p>Récemment encore, on s’est aperçu que le virus Ebola pouvait resurgir dans des populations humaines <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-021-03901-9">à la suite d’une « dormance » chez un individu apparemment « porteur sain »</a>. </p>
<p>Et certains biologistes imaginent actuellement que des variants très modifiés (comme Omicron) pourraient apparaître soudainement dans des populations humaines à la suite d’une longue évolution dans le corps de malades immunodéprimés, une <a href="https://www.france24.com/fr/afrique/20211202-covid-19-%C3%A0-l-origine-des-variants-la-piste-des-patients-immunod%C3%A9prim%C3%A9s">hypothèse néanmoins très spéculative</a>… </p>
<p>La biologie de terrain des virus et de leurs réservoirs est donc fondamentale à toute politique de santé publique. Aujourd’hui, de nombreuses équipes recherchent activement les précurseurs du SARS-CoV-2, mais encore sans succès immédiat.</p>
<h2>Le Covid-19, une zoonose parmi d’autres</h2>
<p>Il est désormais essentiel que la focalisation médiatique sur le Covid-19 ne devienne pas l’arbre qui cache la forêt. </p>
<p>Depuis 1940, le nombre d’émergences de maladies infectieuses ou de pic épidémiques a augmenté considérablement, et chacun a entendu le nom de plusieurs d’entre elles, apparues ou devenues épidémiques récemment : sida, Ebola, Nipah, MERS, SARS, maladie de Lyme, Zika, virus du Nil occidental, etc.</p>
<p>La fragmentation et la conversion effroyable des milieux, avec des millions d’hectares de forêts tropicales disparaissant chaque année, nous met en contact croissant avec la faune sauvage et donc les animaux réservoirs qui sortent du bois. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1228391003519934471"}"></div></p>
<p>La croissance exponentielle des centres urbains, les braconnages et trafics générés, les élevages industriels aux conditions sanitaires désastreuses et, enfin, les transports internationaux en croissance folle, représentent autant de facteurs de transferts d’agents infectieux vers les humains et d’émergence de maladies.</p>
<p>Voir la question des zoonoses émergentes uniquement comme un problème de gestion de laboratoire de recherche à Wuhan serait, on le comprend, très dangereusement réducteur. </p>
<p>Une telle focalisation nous empêcherait de prêter attention à tous les problèmes existants ou en devenir de santé environnementale. Près de nous, en Europe, qui se soucie par exemple de la maladie de Lyme, de la toxoplasmose ou de la leptospirose, alors que leur impact et leur gestion sont problématiques ? Ces agents infectieux ne se sont pas échappés de laboratoires mal gérés !</p>
<p>En 2022 comme à plus long terme, prendre en compte l’état de l’environnement doit rester une problématique majeure des politiques de santé publique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173102/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Grandcolas ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La question de l’origine du Covid-19 occupe une place centrale dans la médiatisation inédite de la pandémie. Et questionne la manière dont les politiques de santé publique doivent s’orienter.
Philippe Grandcolas, Directeur de recherche CNRS, systématicien, directeur de l’Institut de systématique, évolution, biodiversité (ISYEB), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
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tag:theconversation.com,2011:article/169380
2021-10-17T15:58:25Z
2021-10-17T15:58:25Z
Plus de 50 ans après son émergence, le virus Marburg garde une part de mystère
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/426802/original/file-20211017-19-p7z5jb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2100%2C1219&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Micrographie électronique à balayage colorisée de particules du virus Marburg (bleu - fausses couleurs) bourgeonnant à la surface de cellules infectées (orange - fausses couleurs).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Marburg_Virus_Particles_(30971360137).jpg">NIAID Integrated Research Facility Fort Detrick, Maryland / Wikimedia Commons</a></span></figcaption></figure><p>Cet été, un habitant du village de Temessadou M’Boket, en Guinée, est tombé malade. Atteint de fièvre, de maux de têtes et d’hémorragies, il est décédé le 5 août. Les analyses ont révélé qu’il avait été victime du virus Marburg, un virus de la famille des Filovirus, à laquelle appartient également le virus Ebola.</p>
<p>C’était la première fois que ce virus était détecté dans ce pays d’Afrique de l’Ouest : jusqu’ici, les rares cas diagnostiqués l’avaient été plus à l’est du continent (en République démocratique du Congo, en Ouganda et au Kenya notamment) ou dans le Sud (Afrique du Sud).</p>
<p>Si le suivi de plus de 155 personnes contacts n’a pas mis en évidence d’autre cas suspect, la vigilance reste de mise. Où en est la situation, et pourquoi la surveillance des virus de cette famille est-elle si importante ?</p>
<h2>Un virus responsable de graves fièvres hémorragiques</h2>
<p>L’histoire médicale du virus Marburg commence étonnamment en Europe, comme l’indique son nom : ce virus a été découvert pour la première fois en 1967, simultanément en Allemagne, dans la ville de Marburg ainsi qu’à Francfort, et en Yougoslavie (aujourd’hui Serbie), à Belgrade. Des employés de laboratoires sont tombés malades après avoir été en contact avec des singes verts provenant d’Ouganda, ou avec leurs tissus (notamment dans le cadre de la préparation de cultures de cellules). Trente et une personnes ont été infectées et ont développé des fièvres hémorragiques. Les malades étaient dans un premier temps les personnels des laboratoires, puis l’infection s’est propagée aux membres du personnel médical qui avaient soigné les premiers patients, ainsi qu’à leurs familles. On a déploré à l’époque sept victimes.</p>
<p>Après cette première flambée, le Marburg n’est réapparu qu’en 1975, lorsqu’un voyageur, probablement exposé au Zimbabwe, est tombé malade à Johannesburg, en Afrique du Sud. Le virus y a été transmis à son compagnon de voyage ainsi qu’à une infirmière. Depuis, quelques cas sporadiques d’infection par ce virus ont été détectés. Il a également été <a href="https://datawrapper.dwcdn.net/rGbOz/4/">responsable de deux grandes épidémies</a> en République démocratique du Congo en 1999, où il a infecté 154 personnes et fait 128 victimes, ainsi qu’en Angola en 2005, où il a tué 227 personnes sur 252 infections recensées.</p>
<p>On sait aujourd’hui que le virus Marburg est un virus à ARN qui appartient à une famille de virus appelée Filovirus (Filoviridae). Jusqu’à présent, trois genres de cette famille de virus ont été identifiés : Cuevavirus, Marburgvirus et Ebolavirus (dont on connaît six espèces, dont quatre provoquent des maladies chez l’être humain). Les Filovirus peuvent provoquer une fièvre hémorragique grave chez les primates, dont l’être humain (ainsi que chez le porc dans le cas de la souche Ebola Reston).</p>
<h2>Une fièvre hémorragique rare, mais grave</h2>
<p>La maladie à virus Marburg se traduit par une fièvre hémorragique qui touche à la fois les humains et les primates non humains (les singes verts à l’origine de la flambée européenne étaient peut-être en phase d’incubation lorsqu’ils ont été importés).</p>
<p>Après une période d’incubation de 2 à 21 jours, l’apparition des symptômes est soudaine et marquée par de la fièvre, des frissons, des céphalées et des myalgies. Vers le cinquième jour après l’apparition des symptômes, une éruption de boutons, plus marquée sur le tronc (poitrine, dos, ventre), peut apparaître. Le malade peut ressentir des douleurs thoraciques, un mal de gorge, des douleurs abdominales, et être pris de nausées, de vomissements ou des diarrhées. Les symptômes s’aggravent à mesure que le temps passe. La dégradation de l’état du patient passe généralement par une jaunisse, une inflammation du pancréas, une perte de poids importante, un délire, un choc, une insuffisance hépatique, une hémorragie massive et un dysfonctionnement de plusieurs organes.</p>
<p>Sa létalité a varié en fonction des épidémies : selon l’OMS, elle se situe entre <a href="https://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/Marburg-virus-disease">24 % et 88 %</a>. Elle dépend beaucoup de la qualité de la prise en charge des patients et des infrastructures disponibles, ainsi que de l’inoculum viral (la quantité de particules virales) au moment de la transmission. L’une des difficultés est que le diagnostic clinique de la maladie du virus de Marburg peut s’avérer compliqué : de nombreux signes et symptômes sont similaires à ceux d’autres maladies infectieuses comme le paludisme ou la fièvre typhoïde, ou encore d’autres fièvres hémorragiques virales qui peuvent être endémiques dans la région (comme la fièvre de Lassa ou Ebola).</p>
<p>Il n’existe pas de traitement spécifique pour la maladie du virus de Marburg, ni préventif ni curatif. La seule solution est de procurer aux malades un traitement hospitalier de soutien, qui comprend l’équilibrage de leurs liquides et électrolytes, le maintien de l’état d’oxygénation et de la pression artérielle, le remplacement du sang perdu et des facteurs de coagulation, ainsi que le traitement de toute complication infectieuse. Des traitements expérimentaux ont été validés dans des modèles de primates non humains, mais n’ont encore jamais été essayés chez l’Homme.</p>
<h2>Des virus qui se propagent relativement difficilement</h2>
<p>Heureusement – étant donné leur létalité – les virus des fièvres hémorragiques appartenant à la famille des Filovirus ont un taux de reproduction de base relativement peu élevé. Il est compris entre 1 et 2. Autrement dit, dans une population non immunisée, sans mesure de protection, une personne malade n’infecte en moyenne qu’une à deux autres personnes. Pour mémoire, le nombre de reproduction du virus de la grippe est compris entre 2 et 3, et celui du variant Delta du coronavirus SARS-CoV-2 <a href="https://www.larevuedupraticien.fr/article/variants-delta-et-delta-plus-encore-toutes-les-cartes-en-main">pourrait atteindre 6</a>).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/J9g2Kei7xjE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Ceci s’explique par le mode de transmission de ces virus : pour qu’une personne soit contaminée, elle doit avoir eu un contact étroit avec un malade (ou avec ses fluides corporels, notamment le sang). Lors des épidémies à Filovirus, les personnes qui nourrissaient, lavaient, soignaient ou travaillaient de très près avec les patients infectés étaient donc particulièrement exposées au risque d’être elles-mêmes infectées. Un autre facteur important de propagation de ces maladies a probablement été la transmission en milieu hospitalier, par contact avec des fluides corporels infectés – via la réutilisation de seringues, d’aiguilles ou d’autres équipements médicaux non stérilisés contaminés par ces fluides. À l’inverse, lorsque les contacts étroits entre des personnes non infectées et des personnes infectées sont réduits au minimum, le nombre de nouvelles infections à Filovirus est plus faible.</p>
<p>La survenue d’une flambée de ces maladies dans un pays demeure cependant toujours une source de préoccupation. Si la détection est précoce, le traçage des contacts et l’isolement des patients et des contacts permettent d’interrompre efficacement les chaînes de transmission. Mais tout retard constitue un risque majeur pour la santé publique. Or, les infrastructures de diagnostic et de prise en charge ne sont pas disponibles dans toutes les régions du continent. Les conséquences ne sont donc pas les mêmes selon l’endroit où surviennent les premières infections.</p>
<p>Dans les régions où les dispositifs de détection font défaut, les malades symptomatiques ou pas, peuvent propager la maladie sans être détectés, en particulier dans les centres-ville. La grande épidémie d’Ebola survenue en Afrique de l’Ouest en 2014-2016 en est l’exemple : elle avait débuté dans un petit village guinéen, situé dans la même préfecture que le premier cas de Marburg de 2021, avant de se répandre dans plusieurs pays, particulièrement dans les grandes villes.</p>
<p>Il s’agit vraisemblablement d’un cas isolé, mais la source de contamination reste encore non identifiée. L’hypothèse principale est que la contamination aurait pu être due à la faune. De nombreuses équipes d’investigation et de recherche y compris celle du Centre de Recherche et de Formation en Infectiologie de Guinée, ainsi que de l’Institut National de Sante Publique y travaillent.</p>
<p>Une autre source potentielle de risque épidémique a récemment été avancée pour expliquer l’épidémie d’Ebola survenue en 2021, non loin de l’épicentre de celle de 2016 : le virus à l’origine de cette seconde flambée <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-021-03901-9">aurait survécu, latent, dans le corps d’un rescapé de la maladie</a>, puis aurait été transmis à une personne qui a développé des symptômes. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1434837729297248259"}"></div></p>
<p>Les données sur le virus de Marburg sont limitées. Cependant, comme ce virus est de la même famille que le virus qui cause la maladie à virus Ebola, on peut supposer que la persistance du virus dans les fluides corporels peut être similaire (un cas probable de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/4971902/">transmission du virus Marburg par le sperme</a> a été documenté lors de la flambée de 1967 : la femme d’un patient était tombé malade deux mois après la guérison de son mari. Des analyses avaient alors mis en évidence la présence de particules virales potentiellement infectieuses dans le sperme de ce dernier).</p>
<h2>Un virus bien caché</h2>
<p>C’est une autre des difficultés de la lutte contre les Filovirus : si leur origine zoonotique est quasi certaines, le (ou les) réservoir(s) naturel(s) du virus Marburg, comme celui du virus Ebola, n’ont pas encore été complètement identifiés. Par « réservoir naturel » on entend l’animal (ou les animaux) dans lequel le virus survit, mais sans le rendre malade.</p>
<p>Les indices convergent toutefois vers les chauves-souris : le virus Marburg a en effet été isolé à plusieurs reprises chez des chauves-souris du genre <em>Rousettus</em>, en Ouganda. L’hôte réservoir serait notamment la chauve-souris frugivore africaine, <em>Rousettus aegyptiacus</em>, car lorsqu’elle est infectée par le virus de Marburg, elle ne présente aucun signe évident de maladie. C’est elle qui contaminerait les primates, y compris les humains. Le virus de Marburg peut peut-être infecter d’autres espèces, mais des recherches sont encore nécessaires pour le déterminer.</p>
<p>Lors d’une épidémie ou d’un cas isolé chez l’être humain, on ne sait pas exactement comment le virus se transmet du réservoir naturel à l’être humain. Toutefois, pour deux cas survenus chez des touristes en visite en Ouganda en 2008, la voie d’infection la plus probable semble avoir été le contact non protégé avec des excréments ou des aérosols de chauve-souris.</p>
<p>Une chose est certaine : l’apparition de maladies d’origine zoonotique ne doit plus nous surprendre.</p>
<h2>Des maladies émergentes qui deviennent endémiques</h2>
<p>Le développement économique et la mondialisation conduisent l’être humain à « agresser » de plus en plus les forêts, qui sont le creuset d’un grand nombre de germes. La conséquence est que certaines de ces maladies émergentes sont devenues endémiques dans de nombreux pays. C’est par exemple le cas de la fièvre Lassa, endémique dans la zone frontalière entre la Guinée, le Liberia et la Sierra Leone et également au Nigeria.</p>
<p>Les dernières connaissances scientifiques sur la maladie à virus Ebola montrent que des cas sporadiques peuvent apparaître à tout moment. Une étude à partir d’échantillons prélevés entre 1997 et 2012 en Afrique de l’Ouest et en Afrique Centrale a montré une séroprévalence d’environ 6 % de la fièvre Marburg, suggérant ainsi <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31913767/">la circulation des filovirus en dehors des zones qui ont déjà notifié des cas</a>. Il est donc essentiel que les systèmes de santé disposent d’outils de diagnostic et soient adaptés à la prise en charge précoce des patients infectés, pour éviter une diffusion large de la maladie. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-cles-pour-empecher-les-futures-pandemies-152143">Les clés pour empêcher les futures pandémies</a>
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<p>Il faut également accélérer la recherche de traitements et de vaccins, et développer l’approche One Health (« une seule santé ») qui tient compte des liens étroits existant entre la santé humaine, celle des animaux et l’état écologique global. C’est l’une des missions de l’<a href="https://www.anrs.fr/fr/anrs/presentation-anrs/lanrs-en-bref">ANRS Maladies infectieuses émergentes</a>, créée en janvier : cette agence autonome de l’Inserm soutient notamment de nombreux projets sur les fièvres hémorragiques virales. </p>
<p>La pandémie de Covid-19 nous l’a durement rappelé : si l’on veut éviter que de nouvelles flambées de pathogènes émergents ne se transforment en épidémies d’ampleur, il est primordial de rester vigilant, et de se tenir prêt à toute éventualité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/169380/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
En août dernier, le virus Marburg, un virus de fièvre hémorragique de la même famille qu’Ebola, a tué en Guinée. Connu depuis 1967, il n’avait encore jamais été repéré en Afrique de l’Ouest.
Eric D'Ortenzio, Médecin, Epidémiologiste, Responsable du département Statégie & Partenariats, ANRS I Maladies infectieuses émergentes, Inserm
Abdoulaye Touré, Professeur agrégé en santé publique, Université Gamal Abdel Nasser de Conakry (UGANC)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/167167
2021-09-09T19:08:27Z
2021-09-09T19:08:27Z
Pourquoi il sera bientôt trop tard pour découvrir les origines biologiques de la Covid-19
<p>Le SARS-CoV-2, virus de la Covid-19, a engendré la plus grande pandémie de ces cent dernières années… Comprendre ses origines est donc crucial pour élucider ce qui s’est passé fin 2019 – et se préparer à la prochaine pandémie virale.</p>
<p>Les études de ce type prennent du temps, demandent de l’organisation et de la coopération. Elles doivent de surcroît être guidées par des principes scientifiques, et non par des motivations politiques ou de la posture. Or, pour diverses raisons, l’enquête en cours sur les origines du SARS-CoV-2 a déjà pris trop de temps : les premiers cas ont été déclarés à Wuhan, en Chine, en décembre 2019, soit voici plus de 20 mois.</p>
<p><a href="https://www.reuters.com/business/healthcare-pharmaceuticals/us-review-covids-china-origin-unlikely-solve-vexing-questions-2021-08-24/">Comme l’ont rapporté</a> <a href="https://www.forbes.fr/politique/joe-biden-aurait-recu-des-agences-de-renseignement-un-rapport-non-concluant-sur-les-origines-du-covid/">différents médias</a>, le 24 août dernier les agences de renseignement états-uniennes ont transmis au président Joe Biden le résultat de leur recherche sur l’émergence de l’épidémie. (<em>Un <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/covid-19-ce-que-l-on-sait-du-rapport-des-services-de-renseignement-americains-sur-les-origines-du-virus_4751467.html">résumé de ces travaux</a> était déclassifié et <a href="https://abcnews.go.com/Health/biden-briefed-us-intel-assessment-covid-19s-origins/story?id=79568787">rendu public quelques jours plus tard</a>, ndlr</em>).</p>
<p>Selon un compte-rendu préliminaire publié dans le New York Times, <a href="https://www.nytimes.com/live/2021/08/24/world/covid-delta-variant-vaccine#us-intelligence-agencies-delivered-a-report-to-biden-on-the-viruss-origins">l’enquête ne permet pas encore de déterminer</a> si la propagation du virus a fait suite à un accident de laboratoire ou a procédé d’une émergence naturelle impliquant un passage de l’animal à l’être humain.</p>
<p>Si l'éventualité d'une fuite en laboratoire demeure une piste à explorer (à condition de parvenir à l’étayer scientifiquement), elle ne doit pas détourner l’attention de l’autre hypothèse qui, si l’on se base sur les données actuellement disponibles, devrait mobiliser l’essentiel de notre énergie… En effet, plus le temps passe, moins les experts seront en capacité de déterminer les origines biologiques du virus.</p>
<h2>Six recommandations pour la suite de l’enquête</h2>
<p>Je fais partie des <a href="https://theconversation.com/i-was-the-australian-doctor-on-the-whos-covid-19-mission-to-china-heres-what-we-found-about-the-origins-of-the-coronavirus-155554">experts qui sont partis à Wuhan en début d’année</a> dans le cadre de l’enquête de l’<a href="https://www.who.int/fr/news/item/30-03-2021-who-calls-for-further-studies-data-on-origin-of-sars-cov-2-virus-reiterates-that-all-hypotheses-remain-open">OMS</a> (Organisation mondiale de la santé) destinée à faire la lumière sur la question de l’origine du SARS-CoV-2. Nous avons constaté que les preuves disponibles indiquent bien que la pandémie a débuté à la suite d’une transmission « zoonotique » du virus, c’est-à-dire d’un transfert d’un animal à l’être humain.</p>
<p>Notre enquête <a href="https://www.who.int/health-topics/coronavirus/origins-of-the-virus">a donné lieu à un rapport</a>, publié en mars 2021, dans lequel nous formulons plusieurs recommandations concernant les travaux à envisager ensuite. Il est désormais urgent de s’atteler à <a href="https://theconversation.com/the-who-report-into-the-origin-of-the-coronavirus-is-out-heres-what-happens-next-says-the-australian-doctor-who-went-to-china-158212">concevoir les études scientifiques</a> qui permettront de les mener à bien.</p>
<p>Le 25 août dernier, avec d’autres rédacteurs de ce rapport, nous avons publié un <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-021-02263-6">article dans la revue <em>Nature</em></a> pour plaider en ce sens. Nous sommes en train de perdre un temps précieux, qui pourrait être consacré à approfondir six axes de recherche en vue d’en apprendre davantage sur l’origine du coronavirus. Ces axes, prioritaires selon nous, sont les suivants :</p>
<ul>
<li><p>Les études de traçabilité supplémentaires, basées sur les rapports initiaux ayant fait état de la maladie ;</p></li>
<li><p>Les enquêtes visant à analyser les anticorps spécifiques du SARS-CoV-2 développés par les malades vivant dans les régions où se sont déclarés les premiers cas de Covid-19. Ce point est important, car dans de nombreux pays (dont l’Italie, la France, l’Espagne et le Royaume-Uni), les preuves qui auraient permis d’étayer les cas des détections précoces du coronavirus se sont avérées non concluantes ;</p></li>
<li><p>Les enquêtes de traçabilité menées dans les communautés qui entretenaient des relations avec les fermes d’élevage d’animaux sauvages qui fournissaient les marchés de Wuhanhave often reported inconclusive evidence of early COVID-19 detection</p></li>
<li><p>Les études destinées à évaluer les risques représentés par les potentiels animaux hôtes. Il peut s’agir de l’hôte primaire (tels les chauves-souris), d’hôtes secondaires ou d’animaux qui auraient joué le rôle d’amplificateurs ;</p></li>
<li><p>Les analyses détaillées des facteurs de risque des flambées précoces, où qu’elles se soient produites…</p></li>
<li><p>Le suivi de toute nouvelle piste crédible.</p></li>
</ul>
<h2>Une course contre la montre est engagée</h2>
<p>Le temps est un facteur essentiel s’agissant de la faisabilité de certaines de ces études. On sait par exemple que les anticorps anti-SARS-CoV-2 apparaissent ainsi environ une semaine après qu’une personne ait été infectée par le virus et se soit rétablie, ou après avoir été vaccinée.</p>
<p>Mais leur concentration <a href="https://theconversation.com/trois-mois-apres-une-infection-covid-19-une-etude-montre-une-baisse-des-anticorps-chez-les-soignants-154803">décroit au fil du temps</a> – analyser des échantillons prélevés maintenant chez des personnes qui ont été infectées en décembre 2019, voire avant, pourrait s’avérer plus difficile, et ce problème n’ira pas en s’arrangeant à mesure que le temps va passer.</p>
<p>Se baser sur l’analyse des anticorps présents dans la population générale pour faire la différence entre vaccination, infection naturelle ou infection secondaire (surtout si l’infection initiale a eu lieu en 2019) est également problématique.</p>
<p>Par exemple, après une infection par le virus, une gamme d’anticorps spécifiques du SARS-CoV-2, dirigés contre la protéine Spike ou contre la nucléoprotéine, est détectable pendant des durées variables, à des concentrations variables et selon des capacités de neutralisation du coronavirus variables également. </p>
<p>Dans le cas de la vaccination, selon le vaccin utilisé, il se peut que seuls les anticorps à détecter soient ceux dirigés contre la protéine Spike soient détectés, lesquels diminuent également au fil du temps.</p>
<p>Un consensus international concernant les méthodes de détection utilisées en laboratoire est également nécessaire. Ces derniers mois, les différences entre les protocoles d’analyse employés ont en effet donné lieu à des discussions sur la qualité des données recueillies dans diverses endroits du globe.</p>
<p>Or, parvenir à un accord sur les techniques de laboratoire à mettre en œuvre dans les études sérologiques et génomiques, ainsi que sur l’accès aux échantillons et leur partage (tout en tenant compte les questions de consentement et de respect de la vie privée) prend… du temps. </p>
<p>Et il faut également du temps pour obtenir des financements… Pour toutes ces raisons, le temps est une ressource que nous ne pouvons pas nous permettre de gaspiller.</p>
<h2>Les contraintes du terrain</h2>
<p>En outre, à Wuhan, <a href="https://www.lopinion.fr/edition/wsj/enquete-origines-covid-19-piste-animale-gros-probleme-248908">de nombreuses fermes d’élevage d’animaux sauvages ont fermé suite à l’épidémie initiale</a>, généralement sans aucun contrôle. Avec la dispersion des animaux et des êtres humains qui en a résulté, il est de plus en plus difficile trouver des preuves biologiques chez les uns ou les autres de la propagation précoce du coronavirus.</p>
<p>Heureusement, certaines analyses peuvent quand même encore être menées. Parmi elles figure notamment l’examen des études de cas initiales, et des études portant sur les donneurs de sang à Wuhan et dans d’autres villes chinoises (ainsi que dans tous les endroits où les génomes viraux ont été détectés précocement).</p>
<p>Il est important d’analyser la progression ou les résultats de ces études menées par des experts locaux qu’internationaux, mais aucun mécanisme permettant ce type de vérification n’a encore été mis en place.</p>
<p>Depuis le mois de mars et la publication du rapport de l’OMS, de nouveaux éléments sont apparus. Ceux-ci, tout comme les données de notre rapport, ont été examinés par des scientifiques indépendants. Ces derniers sont arrivés à des <a href="https://doi.org/10.1016/j.cell.2021.08.017">conclusions similaires à celles du document de l’OMS</a>, à savoir :</p>
<ul>
<li><p>le réservoir naturel du SARS-CoV-2 n’a pas encore été identifié ;</p></li>
<li><p>les espèces clés (en Chine ou ailleurs) pourraient ne pas avoir été testées ;</p></li>
<li><p>il existe des preuves scientifiques substantielles étayant l’origine zoonotique de la pandémie.</p></li>
</ul>
<h2>Un pas en avant, un pas sur le côté…</h2>
<p>Si la possibilité d'un accident de laboratoire ne peut être totalement écartée, elle est hautement improbable, compte tenu des contacts répétés entre l'être humain et l'animal qui surviennent régulièrement dans le cadre du commerce des animaux sauvages.</p>
<p>Pourtant, l’hypothèse du coronavirus échappé d’un laboratoire continue de susciter l’intérêt des médias, en dépit des preuves disponibles… Ces discussions, plus politiques que scientifiques, ralentissent encore la coopération et l’obtention des accords nécessaires pour faire progresser les études requises par la seconde phase du rapport de l’OMS.</p>
<p>L’Organisation mondiale de la santé a demandé la création d’un nouveau comité chargé de superviser les futures études sur les origines du coronavirus SARS-CoV-2. L’initiative est louable, mais elle risque de faire prendre davantage de retard sur le planning envisagé pour lesdites études…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/167167/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dominic Dwyer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
L’enquête sur l’origine de la Covid se poursuit… difficilement. Or les experts tirent la sonnette d’alarme : le temps pour récolter les données biologiques qui permettront de trancher est compté.
Dominic Dwyer, Director of Public Health Pathology, NSW Health Pathology, Westmead Hospital and University of Sydney, University of Sydney
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/162717
2021-06-14T15:15:06Z
2021-06-14T15:15:06Z
La sécurité des laboratoires où sont étudiés les virus mortels est-elle suffisante ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/406193/original/file-20210614-126997-9eqsk2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une scientifique habillée d'une combinaison pressurisée au Laboratoire national de microbiologie de Winnipeg.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Agence de la santé publique du Canada)</span></span></figcaption></figure><p>Le coronavirus SRAS-CoV-2 est-il le résultat d’une <a href="https://theconversation.com/origines-du-sars-cov-2-le-virus-est-il-le-produit-dun-gain-de-fonction-161570">recherche à haut risque</a> qui a mal tourné ? Quelle que soit la réponse, le risque de pandémies futures issues de la recherche sur des agents pathogènes dangereux est réel.</p>
<p>L’élément central de cette discussion sur les fuites en laboratoire est <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1800789/covid-origine-hypothese-accident-laboratoire-chine-nature-virus-explications">l’Institut de virologie de Wuhan</a>, niché dans la banlieue vallonnée de la ville de Wuhan, en Chine. Il s’agit de l’un des 59 laboratoires de niveau de confinement maximal en activité, en construction ou prévus dans le monde.</p>
<p>Connus sous le nom de laboratoires de niveau de confinement 4 (NC4, ou P4), ils sont conçus et construits pour que les chercheurs puissent travailler en toute sécurité avec les agents pathogènes les plus dangereux de la planète, ceux qui peuvent provoquer des maladies graves et pour lesquels il n’existe ni traitement ni vaccin. Les chercheurs doivent porter des combinaisons pressurisées couvrant tout le corps et équipées d’une entrée d’oxygène indépendante.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/origines-du-sars-cov-2-le-virus-est-il-le-produit-dun-gain-de-fonction-161570">Origines du SARS-CoV-2 : le virus est-il le produit d’un « gain de fonction » ?</a>
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<p>Les laboratoires NC4 sont répartis dans 23 pays. La plus grande concentration se trouve en Europe, avec 25 laboratoires. L’Amérique du Nord et l’Asie sont à peu près à égalité, avec respectivement 14 et 13 laboratoires (le Canada en abrite un à Winnipeg). L’Australie en compte quatre et l’Afrique trois. Comme l’Institut de virologie de Wuhan, les <a href="https://www.globalbiolabs.org/map">trois quarts</a> de ces laboratoires se trouvent dans des centres urbains.</p>
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<img alt="Une carte montrant l’emplacement des laboratoires de niveau de biosécurité 4 dans le monde" src="https://images.theconversation.com/files/406128/original/file-20210614-47555-1g4fh8a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/406128/original/file-20210614-47555-1g4fh8a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/406128/original/file-20210614-47555-1g4fh8a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/406128/original/file-20210614-47555-1g4fh8a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/406128/original/file-20210614-47555-1g4fh8a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=464&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/406128/original/file-20210614-47555-1g4fh8a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=464&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/406128/original/file-20210614-47555-1g4fh8a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=464&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Emplacement des laboratoires de niveau de biosécurité 4.</span>
<span class="attribution"><span class="source">globalbiolabs.org/map</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Avec ses 3 000 m<sup>2</sup> de superficie, l'Institut de virologie de Wuhan est le plus grand laboratoire NC4 au monde, mais il sera bientôt dépassé par le <a href="https://www.k-state.edu/nbaf/">National Bio and Agro-Defense Facility</a> de l’Université d’État du Kansas, aux États-Unis. Lorsqu’il sera terminé, il disposera de plus de 4 000 m<sup>2</sup> de laboratoires NC4.</p>
<p>La plupart des autres laboratoires sont nettement plus petits, la moitié des 44 laboratoires pour lesquels des données sont disponibles font moins de 200 m<sup>2</sup>, soit moins de la moitié de la taille d’un terrain de basket-ball professionnel ou environ les trois quarts de la taille d’un court de tennis.</p>
<p>Environ 60 % des laboratoires NC4 sont des institutions de santé publique gérées par le gouvernement, tandis que 20 % sont gérés par des universités et 20 % par des agences de biodéfense. Ces laboratoires sont utilisés soit pour diagnostiquer des infections par des agents pathogènes hautement mortels et transmissibles, soit pour mener des recherches sur ces agents pathogènes afin d’améliorer notre compréhension scientifique de leur fonctionnement et de développer de nouveaux médicaments, vaccins et tests de dépistage.</p>
<p>Mais ces laboratoires sont loin d’être tous bien notés en matière de <a href="https://www.canada.ca/fr/services/sante/biosecurite-et-biosurete.html">biosûreté et de biosécurité</a>. Le <a href="https://www.ghsindex.org">Global Health Security Index</a>, qui évalue si les pays disposent d’une législation, de réglementations, d’organismes de surveillance, de politiques et de formations en matière de biosécurité et de sûreté biologique, est un indice révélateur. Dirigé par la <a href="https://www.nti.org/">Nuclear Threat Initiative</a>, située aux États-Unis, l’indice montre qu’un quart seulement des pays disposant de laboratoires NC4 ont obtenu une note élevée en matière de biosécurité et de biosûreté. Cela laisse supposer que les pays ont une grande marge de progression pour développer des systèmes complets de gestion des risques biologiques.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Photo du laboratoire de microbiologie de Winnipeg" src="https://images.theconversation.com/files/406190/original/file-20210614-73723-1gq3kad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/406190/original/file-20210614-73723-1gq3kad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/406190/original/file-20210614-73723-1gq3kad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/406190/original/file-20210614-73723-1gq3kad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/406190/original/file-20210614-73723-1gq3kad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/406190/original/file-20210614-73723-1gq3kad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/406190/original/file-20210614-73723-1gq3kad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le Laboratoire national de microbiologie de Winnipeg, au Canada, abrite l’un des 59 laboratoires de niveau de confinement 4 dans le monde.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/John Woods</span></span>
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</figure>
<p>L’adhésion au <a href="https://iegbbr.org/">Groupe international d’experts des régulateurs de la biosécurité et de la sûreté biologique</a>, où les autorités réglementaires nationales partagent les meilleures pratiques dans ce domaine, est un autre indicateur des pratiques nationales en matière de biosécurité et de biosûreté. Seuls 40 % des pays disposant de laboratoires NC4 sont membres du forum : Australie, Canada, France, Allemagne, Japon, Singapour, Suisse, Royaume-Uni et États-Unis. Et aucun laboratoire n’a encore adhéré au système volontaire de gestion des risques biologiques (<a href="https://www.iso.org/standard/71293.html">ISO 35001</a>), introduit en 2019, pour établir des processus de gestion visant à réduire les risques de biosécurité et de biosûreté.</p>
<p>La grande majorité des pays disposant de laboratoires de confinement maximal ne réglementent pas la recherche à double usage, qui fait référence aux expériences menées à des fins pacifiques, mais pouvant être adaptées pour causer des dommages ; ou la recherche à gain de fonction, qui vise à augmenter la capacité d’un agent pathogène à causer des maladies.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/origines-du-sars-cov-2-le-virus-est-il-le-produit-dun-gain-de-fonction-161570">Origines du SARS-CoV-2 : le virus est-il le produit d’un « gain de fonction » ?</a>
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<p>Trois des 23 pays disposant de laboratoires de niveau de confinement 4 (Australie, Canada et États-Unis) ont des politiques nationales de surveillance de la recherche à double usage. Au moins trois autres pays (l’Allemagne, la Suisse et le Royaume-Uni) disposent d’une certaine forme de surveillance de la recherche à double usage, où, par exemple, les organismes de financement exigent de leurs bénéficiaires de subventions qu’ils examinent leurs recherches pour en déterminer les implications à double usage.</p>
<h2>Augmentation de la demande</h2>
<p>Il n’en reste pas moins qu’une grande partie de la recherche scientifique sur les coronavirus est menée dans des pays qui ne contrôlent pas la recherche à double usage ou les expériences de gain de fonction. Cette situation est d’autant plus préoccupante que la recherche par gain de fonction sur les coronavirus est susceptible d’augmenter. Les scientifiques cherchent à mieux comprendre ces virus et à identifier ceux qui présentent un risque plus élevé de <a href="https://www.inspq.qc.ca/zoonoses">zoonoses</a>, c’est-à-dire de passer de l’animal à l’humain ou de devenir transmissibles entre humains. On s’attend également à ce que davantage de pays cherchent à se doter de laboratoires de niveau de confinement maximal à la suite de la pandémie actuelle, afin de se préparer aux prochaines pandémies.</p>
<p>Si la pandémie de Covid-19 nous a rappelé brutalement les risques posés par les maladies infectieuses et l’importance de la recherche biomédicale pour sauver des vies, nous devons garder à l’esprit que cette recherche peut comporter ses propres risques. Une science rigoureuse et des politiques robustes peuvent toutefois limiter ces risques et permettre à l’humanité de récolter les fruits de ces recherches.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162717/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gregory Koblentz est affilié (à titre gracieux) au Scientists Working Group on Chemical and Biological Security du Center for Arms Control and Non-Proliferation. Il est également consultant bénévole sur les implications éthiques, juridiques et sociales de l'édition du génome pour la DARPA et consultant bénévole auprès de l'OMS sur les questions de recherche à double usage. Il a été consultant rémunéré pour un projet lié à la recherche à double usage géré par la Nuclear Threat Initiative et pour la subvention reçue pas Filippa Lentzos pour mener les recherches sur lesquelles cet article est basé.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Filippa Lentzos ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Une grande partie de la recherche scientifique sur les coronavirus est menée dans des pays qui ne contrôlent pas la recherche à double usage ou les expériences de gain de fonction.
Filippa Lentzos, Senior Lecturer in Science and International Security, King's College London
Gregory D. Koblentz, Associate Professor and Director of the Master's in Biodefense, George Mason University
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/161938
2021-06-01T19:19:35Z
2021-06-01T19:19:35Z
Un nouveau coronavirus canin découvert chez l’humain en Malaisie : pourquoi il ne faut pas s’inquiéter
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/403827/original/file-20210601-396-12cabi4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C13%2C3000%2C1985&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Du calme, amis humains ! Je ne vais pas déclencher la prochaine pandémie.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/funny-looking-french-bulldog-dog-ears-1516040714">Firn / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Un groupe de scientifiques internationaux réputés a annoncé avoir identifié un nouveau coronavirus canin. Leurs résultats ont fait l’objet d’une publication dans la revue spécialisée <a href="https://academic.oup.com/cid/advance-article/doi/10.1093/cid/ciab456/6278597"><em>Clinical Infectious Diseases</em></a>. On y apprend notamment que ce nouveau coronavirus a été découvert dans des échantillons prélevés sur des patients hospitalisés pour pneumonie dans hôpital du Sarawak, un État de Malaisie situé sur l’île de Bornéo (<em>en 2018, ndlr</em>).</p>
<p>Cette découverte peut sembler alarmante : les chiens pourraient-ils nous transmettre de dangereux coronavirus ? Pas de panique : nous allons rapidement nous apercevoir qu’il n’y a pas de raison de s’inquiéter.</p>
<p>Que savons-nous de ce coronavirus canin ? Première information importante : il diffère beaucoup du coronavirus SARS-CoV-2 à l’origine de la pandémie de Covid-19. La famille des coronavirus peut en effet être divisée en quatre groupes : les coronavirus alpha, bêta, gamma et delta. Les coronavirus canins font partie du groupe des alpha-coronavirus, tandis que le SARS-CoV-2 fait partie du groupe des bêta-coronavirus. Ces deux groupes sont totalement distincts.</p>
<p>Les scientifiques connaissent l’existence des coronavirus canins <a href="https://www.sciencedirect.com/topics/veterinary-science-and-veterinary-medicine/canine-coronavirus">depuis près de 50 ans</a>. Ces virus n’intéressaient principalement que les virologues vétérinaires et, occasionnellement, les propriétaires de chiens. Il n’existait jusqu’ici aucun compte-rendu établissant que ces coronavirus pouvaient infecter l’être humain. Mais cela ne signifie pas qu’ils ne le faisaient pas ; la situation actuelle, en braquant les projecteurs sur les coronavirus, nous amène en effet désormais à en découvrir dans des endroits où nous ne les avions jamais cherchés jusqu’à présent.</p>
<p>Les infections à coronavirus canin mises en évidence chez l’être humain, dont la découverte a été rapportée dans Clinical Infectious Diseases, ont d’ailleurs été identifiées incidemment. Les patients dont provenaient les échantillons avaient été depuis longtemps guéris de leur pneumonie, et les scientifiques ne recherchaient pas spécifiquement de coronavirus canin dans les prélèvements à leur disposition. Ils s’efforçaient de mettre au point un nouveau test destiné à détecter simultanément tous les types de coronavirus (test qu’ils ont baptisé <a href="https://academic.oup.com/cid/advance-article/doi/10.1093/cid/ciab456/6278597">pan-CoV</a>).</p>
<p>Après avoir mis au point leur protocole et confirmé qu’il fonctionnait sur des échantillons de virus cultivés en laboratoire, les chercheurs l’ont utilisé pour <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7192118/">tester 192 échantillons d’origine humaine</a>, qui avaient été prélevés par écouvillonnage sur des patients hospitalisés pour pneumonie en Malaisie. Neuf de ces échantillons se sont révélés positifs aux coronavirus.</p>
<p>Une analyse plus poussée a montré que cinq de ces neuf échantillons contenaient des coronavirus humains ordinaires, pouvant causer des rhumes. Mais, étonnamment, quatre échantillons contenaient des coronavirus canins. Une étude plus approfondie des prélèvements des patients provenant du même hôpital a révélé que quatre échantillons supplémentaires étaient eux aussi positifs pour ces coronavirus canins.</p>
<p>Les chercheurs ont ensuite étudié les prélèvements provenant du nez et de la gorge de ces huit patients afin de tenter d’en apprendre davantage sur les coronavirus canins qu’ils contenaient. Dans leur laboratoire, ils ont placé les échantillons en contact avec des cultures de cellules de chien, afin de déterminer si des virus infectieux s’y trouvaient encore. L’expérience n’a été concluante qu’avec un seul de ces échantillons : les virus qu’il contenaient se sont effectivement répliqués, et des particules virales ont pu être observées au microscope électronique. Les scientifiques ont également été en mesure de séquencer le génome de ce virus.</p>
<p>L’analyse des données a montré que ce coronavirus canin est étroitement apparenté à quelques alphacoronaviruses différents, dont certains infectent les cochons et les chats. Elle a aussi révélé que ce coronavirus n’avait jamais été identifié ailleurs.</p>
<h2>Aucune preuve de dissémination</h2>
<p>Ce coronavirus canin était-il à l’origine de la pneumonie des huit patients ? À l’heure actuelle, il est impossible de l’affirmer. Sept des huit malades étaient en effet simultanément infectés par divers autres virus au moment où ils ont développé la maladie : adénovirus, virus de la grippe (influenza) ou virus parainfluenza. Nous savons que tous ces virus sont capables eux-mêmes de provoquer des pneumonies, il est donc plus probable que la maladie ait été de leur fait plutôt que de celui du coronavirus canin. Tout au plus pouvons nous dire qu’il existe une association, chez ces patients, entre le fait de déclarer une pneumonie et la présence du coronavirus canin, mais nous ne pouvons affirmer qu’il existe un lien de causalité.</p>
<p>Des craintes ont été exprimées concernant le fait que le coronavirus canin identifié chez ces malades pourrait se transmettre d’une personne à l’autre, et ce faisant déclencher une flambée épidémique. Mais ce que les gros titres des journaux <a href="https://metro.co.uk/2021/05/24/new-coronavirus-appears-to-have-jumped-from-dogs-to-humans-in-malaysia-14633579/">ne précisaient pas</a>, c’est que ces infections sont en réalité survenues en 2017 et 2018. Aucune propagation de ce type n’a été mise en évidence au cours des dernières années, ce qui affaiblit encore la probabilité que ce virus puisse être à l’origine de foyers infectieux.</p>
<p>Notre attention est désormais focalisée sur les coronavirus. Nous allons inévitablement en découvrir de plus en plus, dans des endroits inattendus, à mesure que nous allons poursuivre nos recherches pour identifier les virus qui leur sont apparentés. L’immense majorité d’entre eux n’aura d’intérêt que pour les chercheurs qui les étudient, et ne devraient pas nous inquiéter. Toutefois, il est essentiel que la surveillance des coronavirus se poursuive et soit élargie, afin que nous puissions mettre de notre côté le maximum de chances d’identifier précocement les sauts d’espèce problématiques qui pourraient se produire à l’avenir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161938/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sarah L Caddy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Le risque que des coronavirus franchissent la barrière d’espèce est faible. Mais si l’on en cherche, on en trouve malgré tout.
Sarah L Caddy, Clinical Research Fellow in Viral Immunology and Veterinary Surgeon, University of Cambridge
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/160825
2021-05-18T17:29:16Z
2021-05-18T17:29:16Z
Origine de la Covid-19 : l’hypothèse de l’accident de laboratoire doit-elle être étudiée d’un point de vue scientifique ?
<p>Le 11 mars 2020, l’OMS a requalifié l’épidémie de Covid-19 en pandémie. Plus d’un an après, le coronavirus SARS-CoV-2, responsable de la maladie, continue à circuler activement, et son origine exacte demeure inconnue.</p>
<p>On sait aujourd’hui que la séquence de ce virus est <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-020-2012-7">proche</a> de celle des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32416074/">coronavirus de chauves-souris</a>. Voici <a href="https://www.nature.com/articles/s41564-020-0771-4">quelques dizaines d’années</a>, son « ancêtre » circulait dans des populations de chauves-souris du sud de l’Asie.</p>
<p>Mais de nombreuses zones d’ombre persistent : on ignore encore comment ce virus est arrivé à Wuhan, comment sa séquence a évolué pour permettre de contaminer des êtres humains, et dans quelles conditions il a infecté les premières personnes qui ont croisé sa route.</p>
<p>Un point supplémentaire reste également à éclaircir : pour chacune de ces étapes, y a-t-il eu une contribution humaine (directe ou indirecte) ?</p>
<p>En effet, si les cas de transmission « zoonotique », autrement dit de passage d’un agent pathogène de l’animal à l’être humain, sont aujourd’hui largement <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28214731/">documentés</a> – les scientifiques considèrent même qu’il s’agit <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28555073/">d’un mécanisme prépondérant d’émergence de nouveaux virus</a> – le fait que cette épidémie ait commencé à côté d’un grand centre de recherche en virologie –, l’institut de virologie de Wuhan, a également nourri une autre hypothèse : celle de l’accident de laboratoire. Et ce, d’autant plus que cet institut est spécialisé dans l’étude des coronavirus ayant un potentiel épidémique chez l’être humain.</p>
<p>On sait par ailleurs que de tels accidents ont déjà conduit à des <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(04)16234-X/fulltext">infections humaines</a>, et même à la <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0011184">pandémie de grippe H1N1 de 1977</a> qui a fait plus de 700 000 victimes.</p>
<p>Les premiers textes argumentés envisageant un accident de laboratoire ont été peu considérés, peut-être parce qu’ils émanaient de groupes technocritiques comme <a href="http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=1287">Pièces et Main-d’œuvre</a>, <a href="https://www.researchgate.net/publication/301497892_Contester_les_technosciences_leurs_raisons">collectif d’inspiration néo-luddite</a>, ou encore du collectif <a href="https://drasticresearch.org">DRASTIC</a> (acronyme de « Decentralized Radical Autonomous Search Team Investigating Covid-19 »). Composé d’une <a href="https://drasticresearch.org/the-team/">trentaine de personnes</a> (majoritairement anonymes, à l’exception de quelques scientifiques participant sous leur réelle identité), ce groupe formé sur Twitter en 2020 s’est donné pour mission d’explorer les origines du SARS-CoV-2.</p>
<p>Pourtant, leurs informations et arguments auraient mérité d’être examinés en tant que tels. Ils ont ensuite été repris et développés par quelques <a href="https://www.medecinesciences.org/fr/articles/medsci/full_html/2020/07/msc200195/msc200195.html">virologistes</a>, <a href="https://www.museum.toulouse.fr/-/coronavirus-la-nature-contre-attaque-">des</a> <a href="https://www.pnas.org/content/117/47/29246">scientifiques</a> et des <a href="https://jamiemetzl.com/origins-of-sars-cov-2/">vulgarisateurs scientifiques</a>.</p>
<p>Dans un texte publié jeudi 13 mai par la revue <a href="https://science.sciencemag.org/content/372/6543/694.1">Science</a>, une nouvelle tribune, cosignée par une vingtaine de scientifiques, appelle une fois de plus à examiner cette éventualité. Par ailleurs, à la veille de cette publication, trois nouveaux documents (une thèse et deux mémoires de master) ont été diffusés par un compte Twitter anonyme. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1392575191763472388"}"></div></p>
<p>Comme le relate le journal Le Monde, ces documents (publiés initialement en chinois et traduits anonymement en anglais) contiennent des <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/05/14/origines-du-covid-19-la-divulgation-de-travaux-inedits-menes-depuis-2014-a-l-institut-de-virologie-de-wuhan-alimente-le-trouble_6080154_3244.html">informations inédites</a> qui semblent remettre en cause certaines des informations communiquées précédemment par le WIV. Désormais, de surcroît, c'est le président américain qui demande une enquête. </p>
<p>En l’absence de preuve définitive, et sans faire la promotion de certaines thèses complotistes, le débat sur l’origine du SARS-CoV-2 mérite d’exister. </p>
<p>Quels sont à l’heure actuelle les arguments les plus solides scientifiquement, en faveur de chacune de ces deux hypothèses, zoonose ou accident de laboratoire ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/rien-ne-prouve-que-le-coronavirus-a-ete-cree-en-laboratoire-les-dessous-de-linfodemie-sur-le-covid-19-135326">Rien ne prouve que le coronavirus a été créé en laboratoire : les dessous de l’infodémie sur le Covid-19</a>
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<h2>Un débat encadré très tôt</h2>
<p>Dans le milieu scientifique, le débat sur l’origine du SARS-CoV-2 a été cadré dès le début de l’épidémie par la publication de deux articles.</p>
<p>Daté du 19 février 2020, le <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)30418-9/fulltext">premier</a> a été publié dans la revue scientifique médicale <em>The Lancet</em>. Cette tribune, signée par 27 scientifiques, soulignait les efforts des experts chinois pour « identifier l’agent pathogène à l’origine de cette épidémie […] et partager leurs résultats de manière transparente ». Les auteurs déploraient les « rumeurs et informations erronées » sur les origines du virus, et déclaraient « condamner fermement les théories du complot suggérant que le Covid-19 n’a pas une origine naturelle ».</p>
<p>Ils appuyaient leur opinion sur les premières analyses des données de séquences publiées, sans toutefois détailler les arguments scientifiques en faveur d’une origine naturelle.</p>
<p>Un <a href="https://www.nature.com/articles/s41591-020-0820-9">second article</a> paru en mars 2020 dans <em>Nature Medicine</em> fournissait une série d’arguments scientifiques en faveur d’une origine naturelle :</p>
<ul>
<li><p>l’hypothèse naturelle est plausible, car c’est le mécanisme usuel de l’émergence des coronavirus</p></li>
<li><p>la séquence du SARS-CoV-2 est trop éloignée des autres coronavirus connus pour envisager la fabrication d’un nouveau virus à partir des séquences disponibles</p></li>
<li><p>Sa séquence ne montre pas les traces d’une manipulation génétique en laboratoire.</p></li>
</ul>
<p>Ce dernier argument peut être remis en question, car des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28508214/">méthodes</a> <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28508214/">permettant</a> de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28508214/">modifier</a> les séquences virales sans laisser de traces existent. Ce sont des méthodes basées sur le découpage du génome en fragments raboutables, ou plus récemment la méthode ISAR, grâce à laquelle des fragments chevauchants se rassemblent naturellement dans les cellules par <a href="https://planet-vie.ens.fr/thematiques/cellules-et-molecules/physiologie-cellulaire/les-dommages-a-l-adn-et-leur-reparation">recombinaison homologue</a> (phénomène au cours duquel deux molécules d’ADN échangent un fragment). Par ailleurs, la manipulation génétique n’est pas le seul scénario compatible avec un accident de laboratoire.</p>
<p>Les intenses recherches menées depuis plus d’un an pour tenter de valider le scénario zoonotique n’ont pour l’instant pas été couronnées de succès : les 80 000 échantillons d’animaux, issus d’une trentaine d’espèces testées, ont tous été négatifs. Ces chiffres sont issus du rapport conjoint OMS-Chine. Les échantillons provenaient des animaux d’élevage et des animaux sauvages de différentes provinces chinoises. Il est important de noter que ce grand nombre d’échantillons testés négatifs ne réfute pas pour autant le scénario zoonotique.</p>
<h2>L’hypothèse de l’accident de laboratoire</h2>
<p>En août 2020 sont parus pour la première fois dans des revues scientifiques avec comité de lecture <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/bies.202000091">deux</a> <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2020/07/msc200195/msc200195.html">articles</a> discutant la possibilité d’un accident de laboratoire. En novembre 2020, l’un d’entre nous (Étienne Decroly) a également publié un <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/la-question-de-lorigine-du-sars-cov-2-se-pose-serieusement">commentaire</a> dans le journal du CNRS.</p>
<p>Plusieurs éléments posent en effet question. Il a notamment été établi que l’institut de virologie de Wuhan <a href="https://reporter.nih.gov/project-details/9819304">manipulait</a> <a href="https://journals.plos.org/plospathogens/article?id=10.1371/journal.ppat.1006698">des</a> <a href="https://journals.plos.org/plospathogens/article?id=10.1371/journal.ppat.1006698">virus proches</a> du SARS-CoV-2 prélevés dans le sud de la Chine et en particulier dans la province du Yunnan.</p>
<p>Parmi ces virus, le cousin le plus proche du SARS-CoV-2, appelé RaTG13, a été collecté dans une mine désaffectée en 2013. Or en 2012, plusieurs ouvriers y ayant travaillé avaient <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpubh.2020.581569">souffert d’une pneumonie sévère</a> ressemblant à la Covid-19, qui avait provoqué la mort de trois d’entre eux. Bien que l’agent étiologique de l’infection n’ait pas été identifié formellement, une <a href="http://eng.oversea.cnki.net/kcms/detail/detail.aspx?dbcode=CDFD&QueryID=11&CurRec=1&dbname=CDFDLAST2018&filename=1017118517.nh">thèse</a> révélée via Twitter indique que « les échantillons ont révélé chez ces patients la présence d’anticorps reconnaissant les coronavirus ».</p>
<p>Si RaTG13 ne semble pas être le progéniteur direct du SARS-CoV-2 responsable de la pandémie de Covid-19, plusieurs questions se posent malgré tout. Les documents rendus publics récemment indiquent que le WIV a séquencé plusieurs autres coronavirus apparentés au SARS-CoV-2, collectés dans la mine où avait été trouvé RaTG13. Y avait-il parmi eux d’autres virus plus proches du SARS-CoV-2 ? Si tel n’est pas le cas, le SARS-CoV-2 pourrait-il être issu d’une expérience de gain de fonction, suivie d’expériences sur modèles animaux durant laquelle aurait pu se produire une contamination accidentelle ?</p>
<p>Outre les manipulations génétiques directes, un accident de laboratoire aurait aussi pu survenir suite à une infection lors d’une collecte dans la nature ou au cours d’une expérience avec un <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/bies.202000091">virus que l’on a fait évoluer</a> dans des cellules ou des souris au laboratoire (sans forcément manipuler directement son génome). Ce type d’expériences, courantes dans certains laboratoires de virologie, consiste à tester la capacité d’un virus à infecter des cellules de diverses espèces animales. Ce faisant, elles exercent une sélection artificielle des mutations, favorisant les virus porteurs de celles qui les aident à s’adapter au nouvel hôte, mimant de ce fait les sauts d’espèce naturels.</p>
<p>Pour clarifier les choses et étudier tous les scénarios possibles d’émergence du SARS-CoV-2, il est important que les séquences de ces virus soient mises à disposition de la communauté scientifique afin de retracer les mécanismes possibles d’émergence du SARS-CoV-2. Or les bases de données de séquences du WIV ont été rendues inaccessibles dès septembre 2019.</p>
<h2>Comment en avoir le cœur net ?</h2>
<p>Pour rappel, la commission conjointe Chine-OMS n’a malheureusement pas permis d’identifier la cause de la pandémie. <a href="https://www.who.int/health-topics/coronavirus/origins-of-the-virus">Le rapport qu’elle a publié</a> conclut que l’origine zoonotique de l’épidémie est la plus probable et indique que l’hypothèse d’un accident de laboratoire est très improbable. Dans un communiqué daté du 30 mars 2021, l’OMS a cependant rappelé que <a href="https://www.who.int/fr/news/item/30-03-2021-who-calls-for-further-studies-data-on-origin-of-sars-cov-2-virus-reiterates-that-all-hypotheses-remain-open">toutes les hypothèses restent ouvertes</a>. Son directeur général, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a rappelé qu’il restait des questions qui « devront être traitées dans le cadre d’études supplémentaires ».</p>
<p>Pour déterminer si le SARS-CoV-2 s’est échappé d’un laboratoire, il faudrait mener une enquête approfondie et <a href="https://docs.google.com/viewerng/viewer ?url=https://assets-decodeurs.lemonde.fr/redacweb/Lettre+ouverte+OMS/Lettre_Ouverte_OMS.pdf">examiner divers éléments</a>. Cela nécessite, entre autres, d’avoir accès aux bases de données de séquences ainsi qu’aux différentes ressources utilisées par les chercheurs chinois, ce qui inclut notamment les cahiers de laboratoire, les projets déposés, les manuscrits scientifiques en préparation et soumis, les séquences virales, la liste des commandes et les analyses biologiques des expérimentateurs.</p>
<p>En l’absence de preuves directes, des approches alternatives pourraient apporter des informations complémentaires. En analysant en détail les séquences disponibles des coronavirus proches du SARS-CoV-2, il est possible que la communauté scientifique aboutisse à un consensus basé sur des indices forts, à l’image de ce qui s’est passé dans le cas <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMra0904322">d’autres virus échappés de laboratoires</a>, tel que celui de la grippe H1N1 de 1977.</p>
<p>On sait qu’à chaque fois que des virus infectent des cellules, ils fabriquent d’innombrables copies d’eux-mêmes. Ce faisant, ils commettent des erreurs : ce sont les mutations. Tous les virus accumulent continuellement des mutations, plus ou moins vite, et des outils statistiques permettent de calculer leur taux d’évolution (le nombre de mutations qui se produisent par unité de temps). Si un virus est stocké pendant un long temps (dans un congélateur de laboratoire par exemple), et donc ne se reproduit plus, il n’accumule plus de mutations. Les mutations reprendront lorsqu’il sera remis en culture.</p>
<p>La recherche de telles « périodes de congélation » pourrait permettre de déterminer si le virus en cause est sorti d’un laboratoire. C’est ainsi que l’origine non zoonotique du virus H1N1 de 1977 a pu être déterminée.</p>
<h2>La nécessité de « boîtes noires » biologiques</h2>
<p>Même s’il n’est pas possible actuellement de déterminer si le virus a une origine zoonotique liée aux élevages intensifs ou à la destruction des habitats naturels ou bien s’il est passé par un laboratoire, le fait que la question se pose rappelle que nos modes de vie et la manipulation de virus à potentiel pandémique comportent des risques non négligeables. Les risques d’accident de laboratoire associés à la manipulation de virus hautement pathogènes (au cours d’expérimentations appelées « gain de fonction ») avaient d’ailleurs été très <a href="https://jme.bmj.com/content/41/11/901.short">discutés</a> <a href="https://www.nature.com/news/engineered-bat-virus-stirs-debate-over-risky-research-1.18787">dans les années 2012-2015</a>.</p>
<p>Quelle que soit l’origine du SARS-CoV-2, il est nécessaire de s’interroger sur les conséquences de nos interactions avec les écosystèmes et l’industrialisation des élevages intensifs, les conditions de sécurité/sûreté des collectes et des expériences sur les virus potentiellement pandémiques, la pratique des expériences de gain de fonction, et la prolifération des laboratoires de niveau de sécurité L3 et L4, en particulier à proximité des mégapoles. La Chine a notamment annoncé la construction de <a href="https://asiatimes.com/2020/07/china-goes-on-biosafety-lab-building-spree/">23 P4 et 88 P3</a>.</p>
<p>Afin de doter les laboratoires de systèmes de sécurité aussi exigeants que dans le domaine du nucléaire, il faudrait envisager la mise en place de <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03204818/document">« boîtes noires biologiques »</a>, sur le modèle des boîtes noires utilisées en aéronautique. Il s’agirait de mettre en place une série de mesures permettant de retracer l’historique d’un éventuel accident de laboratoire.</p>
<p>L’accès aux laboratoires P3 et P4 pourrait par exemple être asservi à la description détaillée des expériences dans des cahiers de laboratoire électroniques ; les données de séquençage et celles des ADN synthétisés pourraient être systématiquement archivées ; les filtres à air des laboratoires pourraient être collectés (et en cas de soupçon de dissémination de pathogènes, le matériel génétique présent à leur surface pourrait alors être séquencé), etc.</p>
<p>Ces nouvelles mesures de sécurité devraient être mises en place à l’échelle internationale afin de limiter les risques de futures pandémies liées à des accidents de laboratoire. En ce qui concerne la pandémie actuelle, il est important de retracer les origines exactes du SARS-CoV-2 pour comprendre précisément les failles qui ont pu conduire à sa propagation, quelles qu’elles soient, et limiter le risque de futures émergences.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/160825/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Virginie Courtier a reçu un financement du labex "Who I am?" pour élucider les origines proximales du virus SARS-CoV-2.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Etienne Decroly ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Le virus de la Covid-19 est-il d’origine naturelle, ou pourrait-il provenir d’un accident de laboratoire ? Des scientifiques appellent à une enquête plus approfondie.
Virginie Courtier, Directrice de recherche CNRS, génétique et évolution, Université Paris Cité
Etienne Decroly, Directeur de recherche en virologie, Aix-Marseille Université (AMU)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/158990
2021-04-15T20:50:26Z
2021-04-15T20:50:26Z
« Zootopique » : Des hommes malades des animaux (1 / 5)
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/395306/original/file-20210415-17-16w5jkx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C2%2C1397%2C1395&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Affiche Zootopique.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.moustic-studio.com/">Moustic Studio</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Zootopique est une série de cinq podcasts réalisés en partenariat avec l'Anses (Agence Nationale Sécurité Sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail). Nous vous proposons une immersion en 2031, en interrogeant ce que seront nos relations avec les animaux. Grâce aux chercheuses et aux chercheurs, nous tentons de comprendre comment la science, aujourd'hui, peut anticiper les risques de demain.</p>
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<p>Dans ce premier épisode, nous évoquons les zoonoses, ces maladies d'origine animale qui peuvent se transmettre à l'humain, à l'instar de la Covid-19. </p>
<p>Comment les scientifiques mènent l'enquête sur les origines de ces maladies ? Comment les prévenir ? Sommes-nous condamnés à revivre le scénario que nous connaissons depuis 1 an ? Que faire aujourd'hui, pour mieux vivre avec les animaux et éviter de nouvelles menaces ? </p>
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<p>Podcast réalisé avec <a href="https://www.moustic-studio.com">Moustic Studio</a></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/158990/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Plongez en 2031 avec ce premier épisode, et découvrez comment éviter de futures zoonoses.
Benoît Tonson, Chef de rubrique Science + Technologie, The Conversation France
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