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Amazon Web Services, étonnant poids lourd du cloud computing, face à Microsoft, IBM et Google

Convention Amazon Web Services – le « AWSSummit ». Wikimedia

Il s’agit dans cet article de retracer l’étonnant parcours de Amazon dans le secteur du cloud computing qui n’était pas, a priori, son cœur de métier mais qui est devenue l’activité la plus rentable au sein de sa vaste galaxie (Amazon Marketplace, Fulfillment by Amazon, Amazon Web Services…).

Pourquoi Amazon est (aussi) le numéro un du cloud et comment il peut le rester ?

En effet, Amazon Web Services (AWS) est, depuis 2015, la première source de profit d’Amazon avec plus de la moitié de ses profits opérationnels contre un tiers seulement un an auparavant. Le bénéfice opérationnel de cette activité a explosé pour dépasser celui des activités e-commerce qui sont pourtant l’ADN de l’entreprise.

Sur 2016, AWS va dépasser les 10 milliards de dollars de chiffre d’affaires sur les 100 milliards de dollars de chiffre d’affaires de Amazon. Ceci est certes bien pratique pour les calculs de pourcentages mais est surtout révélateur de l’importance et du potentiel de ce secteur !

L’idée ici est d’éclairer la domination actuelle de la firme de Seattle face à des concurrents puissants comme Microsoft, IBM, Oracle, Citrix, Saleforce ou Google, mais qui se sont réveillés tardivement face à l’énormité disruptive des enjeux, des défis et du marché du cloud.

Notons toutefois que sur le marché très rentable du cloud professionnel – celui des entreprises et de leur exigence de sécurité, de confidentialité et d’intégrité – Microsoft Azure, IBM et Google Cloud sont en train de réduire leur retard sur Amazon.

L’implacable croissance de l’informatique en nuage

Le cloud computing – c’est-à-dire l’activité informatique qui n’est plus opérationnalisée dans les locaux du client utilisateur mais plutôt là-haut dans les nuages c’est-à-dire dans les locaux du fournisseur opérateur – est en pleine croissance partout dans le monde, en France en particulier, à la fois en termes de volume et de valeur. Cette croissance est tout simplement liée à la croissance de l’économie digitale elle-même.

Cette économie repose sur des données (beaucoup), des applications, des technologies, des matériels, des processus (un peu), des modèles d’affaires (surtout) et des écosystèmes marchands et non marchands dont les performances sont en constante augmentation. Les données sont numérisées (des milliards de milliards de 0 et de 1) donc elles sont virtuelles mais les matériels (datacenter, réseaux, serveur, laptop, tablette, smartphone, périphériques…) sur lesquels elles sont stockées et traitées ne le sont aucunement. L’impact matériel de cette économie dite dématérialisée est d’ailleurs encore largement sous-estimé mais cet effet collatéral n’est pas l’objet principal de la présente réflexion.

La croissance de cette gig-economy plateformisée est poussée (push) et tirée (pull) mécaniquement imposant un processus d’externalisation « as a service ».

D’un côté, elle est poussée par la progression en volume et en complexité des activités numériques (globalisation) couplée à l’impératif de centralisation, d’interopérabilité, d’historisation et d’intégration des systèmes d’information (sécurité et réactivité). Cette infobésité est à l’origine du phénomène d’externalisation informationnelle vers le cloud et deson implacable ascension.

Dans le même temps, elle est tirée par la montée en gamme des solutions (PaaS, IaaS et SaaS) et des technologies (CoreOS, Docker, Hadoop, COE…) offertes par les hébergeurs eux-mêmes. L’argument commercial percutant est de proposer aux clients au bord de la e-crise de nerf… de faire faire à l’extérieur ce que leur organisation ne peut plus et/ou ne veut plus faire chez elle.

Des DSI qui fabriquent aux DSI qui managent

La rapide disparition des « directions informatique » dont la mission était de faire fonctionner au mieux les matériels et leur remplacement par des « directions des systèmes d’information » dont la mission est de fournir de l’information montre à quel point l’externalisation dans les nuages des données, des logiciels et bien sûr des matériels eux-mêmes est dans l’air du temps. La fluidité et la sécurité de la connexion vers l’infogéreur qui héberge et traite les données est essentielle pour évaluer la qualité de service !

La plupart des opérateurs du cloud peuvent se targuer de fournir, le plus souvent en mode location à l’usage, des plates-formes (PaaS), des infrastructures (IaaS) et bien sûr des logiciels (SaaS). Après le SaaS et avant le DaaS, le IaaS semble être le nouvel essor du cloud surtout pour les entreprises de taille moyenne (moins de 1 000 salariés).

Le client – particulier, entreprise ou organisation- désireux d’externaliser, partiellement ou totalement, son SI peut être intéressé – prenons la métaphore du train électrique en cette période post Noël – par la gare et son hub (plateforme), par les rails et leurs aiguillages (infrastructures) et/ou par les locomotives et leurs wagons (software) qui rouleront dessus… tout est possible !

Amazon, pionnier du cloud computing

Amazon fut l’une des premières entreprises en 2006 à proposer à des tiers via Amazon web Services (AWS) la commercialisation de sa puissante infrastructure informatique (et de ses disponibilités) malgré les lourds investissements nécessaires et malgré la faible rentabilité de l’activité à l’époque.

Le petit stand d’Amazon Web Services au PDC en 2008. D. Begley/Flickr, CC BY

Ainsi l’entreprise a donc su percevoir dès le début des années 2000 – c’est-à-dire un peu avant les autres opérateurs grâce à la simple analyse des comportements et des données de ses propres clients (offreurs ou demandeurs) sur sa plateforme d’e-commerce – à la fois la logique implacable de cette externalisation vers le cloud et la diversité des besoins naissants. Il fallait en effet être pertinent pour dépasser l’offre d’un stockage de data à distance et proposer des web services liés à leur traitement et analyse.

Les stratèges et analystes d’Amazon ont compris, d’une part, que le gâteau du marché du cloud computing ne pouvait que grossir et que, d’autre part, la part du gâteau qui lui reviendrait serait d’autant plus grande qu’elle proposerait plus que du simple stockage à ses clients et – surtout – qu’elle le proposerait en mode « pay per use ». Ses concurrents l’ont certes un peu aidé.

En effet, la firme a profité d’un certain attentisme – voire d’une méfiance – des opérateurs et éditeurs historiques du numérique (IBM, Microsoft, Oracle, SAP…) dont le modèle d’affaires reposait beaucoup sur une tarification peu souple type « pay per licence » et sur la contractualisation captive des clients grands comptes. Elle a aussi bénéficié des réticences de Google dont le cœur de métier était encore trop centré, jusqu’à 2012, sur la collecte de données (search machine) et pas encore assez sur leur analyse et monétisation au travers de ses infrastructures en Europe.

Comment Amazon est devenu leader… et dominant

Amazon a donc pu et su proposer des web services assez tôt et assez simplement alors que ses concurrents restaient bloqués dans les starting blocks.

Tôt, car nous sommes en 2006 et le cloud n’en est qu’à ses débuts avec des technologies émergentes, des hésitations du coté des clients et surtout des connexions qui restent à débit modeste.

Tôt encore car les modèles d’affaires « on demand » n’étaient pas encore installés, leur acceptabilité et pérennité n’étaient pas testées alors que les investissements restaient lourds pour des retours souvent décevants.

Simplement car l’entreprise a privilégié la facturation de ses web services à la location (à l’heure d’utilisation pour les services et ressources ou au Go utilisé pour les données) via un simple compte client et une carte bancaire.

Simplement encore car la plate-forme e-commerce disposait bien sûr de larges ressources informatiques inutilisées (IaaS). Cette opportunité lui permettait de proposer à ses clients d’envisager une montée (ou une descente) en charge et en puissance de façon très souple sur simple demande préalable.

La légende veut d’ailleurs que ce cloud d’Amazon soit à l’origine de pépites désormais célèbres comme Instagram, Pinterest, Dropbox, Heroku ou encore Netflix qui toutes ont bénéficié de ses opportunes ressources informatiques !

Concrètement AWS propose plusieurs types de web services en catalogue.

  • Des services d’infrastructures et de calculs comme Elastic Compute Cloud qui permettent de louer des machines virtuelles en mode hébergé avec une possibilité de configuration et de pilotage en ligne.

  • Des services de stockage et d’hébergement de fichiers comme Simple Storage ou des services de base de données comme RDS ou DynamoDB.

  • Des services d’archivage comme Glacier ou encore de répartition de charges comme Elastic Load Balancer voire de pilotage de Hadoop et du big data comme Elastic Map Reduce.

Un des data centers d’Amazon à Sterling, en Virginie. Eric Hunsaker/Flickr, CC BY

Paradoxalement en 2006 les concurrents venaient plutôt des communautés open source que des éditeurs propriétaires qui restaient liés à leur logique de facturation en mode licence et de contractualisation client/fournisseur/intégrateur en mode hébergé. La révolution en cours à l’époque est bien celle du modèle d’affaire du cloud (du paiement à la licence au paiement à l’usage) plutôt que celle de ses technologies supports (des serveurs au bout du couloir aux Datacenter à Dublin, Amsterdam, Sterling ou Casablanca).

Des data centers opportunément répartis

Concernant le cloud, l’autre bonne idée de Jeff Bezos – plus récente – est celle de la répartition géographique de ses datacenters et notamment de leur dispersion dans le monde pour profiter des réglementations qui exigeraient un stockage à proximité (de l’offshoring au nearshoring). C’est le cas de la France avec AWS qui annonce, fin septembre, l’ouverture de trois data centers (au moins) en région parisienne en 2017.

Cette présence nationale et cette localisation sur Paris est un atout. D’une part car les trois quarts au moins des entreprises du CAC 40 utiliseraient le cloud de Amazon et d’autre part car ses concurrents (Microsoft Azure, Google Cloud, IBM Cloud, Oracle Cloud, Citrix Cloud) proposent certes des data centers situés en Irlande, Allemagne ou aux Pays-Bas mais toujours pas en France alors que la réglementation l’exige, ou l’exigera, dès 2017 pour bon nombre de stockage et traitements sensibles (banque, santé, militaire, recherche et développement, nucléaire…). Cette localisation opportune en France, en même temps que la création de plusieurs vastes sites logistiques, n’a évidemment rien à voir avec le Brexit et n’a pas d’autres justifications pour la firme de Seattle que de venir faire des affaires au cœur de l’Europe.

Croissance et fragmentation

Il est important de souligner à propos du secteur de l’informatique en nuage (cloud public) et au regard des contraintes actuelles que ce secteur (1) ne peut que continuer à croître et (2) devrait se fragmenter.

Ce secteur d’activité ne peut que continuer à croître rapidement au regard de la demande des entreprises et des organisations – surtout – et des particuliers – un peu – qui seront de moins en moins capables en interne d’assurer le bon fonctionnement de leurs systèmes d’information du moins avec des exigences de sécurité, de fluidité, d’évolutivité, de réactivité et de volumétrie qui vont, elles aussi, croître !

Ce secteur devrait se fragmenter et continuer sa structuration, entre cloud public, cloud privé et cloud hybrid. La tendance ? Proposer des services on demand centrés sur les solutions SaaS, PaaS et surtout IaaS (infrastructures virtualisées) voire DaaS (analyse de données brutes). Les acteurs ? AWS certes mais aussi Microsoft Azure, IBM Cloud, Google Cloud voire en Europe Interoute, CloudSigma ou les français OVH et Ubister… avec des contraintes légales, réglementaires et géographiques (assez peu technologiques) qui devraient s’accentuer et rendre pertinente – enfin – l’idée de se doter de cloud régionaux.

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