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Illustration de poissons
Les humains ont plusieurs points en commun avec les poissons: consommation de drogues, problèmes de mémoire liés à l'âge et la même impatience lorsqu'il faut attendre la nourriture. Xu Wei Chao/Shutterstock

Amitiés, démence et impatience : les poissons nous ressemblent plus que nous croyons !

On vous a sans doute déjà dit que les poissons ont une mémoire de trois secondes ou qu’ils ne ressentent pas la douleur.

Aucune de ces affirmations n’est vraie, et le fait que ces croyances erronées ne concernent pas les autres vertébrés est révélateur.

Serait-ce parce que les poissons nous paraissent si différents de nous ? Ils ne semblent avoir aucune forme d’expression faciale ou de communication vocale, et nous ne respirons pas le même air qu’eux. Ces différences rendent les poissons si éloignés des humains que nous avons du mal à nous identifier à eux.

Mais lorsque des scientifiques ont mené des expériences pour en savoir plus sur les poissons, notamment sur leur neurobiologie, leur vie sociale et leurs facultés mentales, ils ont souvent constaté que les poissons sont plus complexes qu’on ne l’imagine, et surtout, qu’ils ont plus en commun avec nous que nous ne voulons l’admettre.

Dans le cadre de mes recherches, je travaille régulièrement avec le poisson-zèbre, le rat de labo aquatique. Voici cinq choses fascinantes que moi et d’autres scientifiques avons découvertes sur eux et leurs semblables.


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1. Les poissons perdent la mémoire en vieillissant

Chez l’être humain, la mémoire diminue avec l’âge. Les scientifiques s’efforcent de comprendre la biologie du déclin cognitif afin de permettre un meilleur vieillissement et de mettre au point des traitements contre des maladies telles que l’Alzheimer et la démence.

Chez les humains, la mémoire de travail – le processus mental qui nous permet d’effectuer des tâches quotidiennes – décline avec l’âge. Mes collègues et moi avons constaté un phénomène similaire chez les poissons-zèbres en les regardant nager dans un labyrinthe en forme d’Y à l’âge de 6 et de 24 mois.

Nous avons observé que les poissons âgés avaient plus de mal à s’orienter dans le labyrinthe que les jeunes. De plus, lorsque nous avons conçu une version virtuelle de la tâche pour les humains, nous avons pu voir que les septuagénaires présentaient le même type de déficit que les poissons âgés.

Un banc de poissons entoure un récif corallien tropical
Les capacités de navigation des poissons peuvent se détériorer après un certain âge. Ethan Daniels/Shutterstock

2. Les poissons aiment les mêmes drogues que les humains

Ils les aiment vraiment ! Les biologistes Tristan Darland et John Dowling, de l’Université de Harvard (États-Unis), ont découvert que les poissons-zèbres aimaient beaucoup la cocaïne en leur présentant de la drogue lorsqu’ils se retrouvaient près de certains motifs visuels dans leur aquarium. Et ce goût pour la cocaïne est héréditaire. Les descendants de poissons ayant un penchant pour la drogue l’ont transmis à leurs enfants – un modèle que l’on observe chez les humains.

De plus, le poisson-zèbre manifeste les mêmes comportements de recherche compulsive de drogue que les personnes qui souffrent de dépendance. Le groupe de recherche de Caroline Brennan de l’Université Queen Mary de Londres a découvert que les poissons acceptaient d’être poursuivis avec un filet si cela leur permettait d’avoir accès à de la cocaïne.

En collaboration avec l’équipe de Brennan et Pfizer, nous avons testé toute une série de drogues – opiacés, stimulants, alcool et nicotine – pour voir ce que le poisson-zèbre peut nous apprendre sur le potentiel de dépendance de nouveaux médicaments (qu’il faut tester avant de les autoriser). Ils les ont tous adorés, à l’exception du THC, le principal ingrédient psychotrope du cannabis. Il semble que les poissons-zèbres ne feraient pas de bons hippies.

3. Les poissons reconnaissent leurs amis

Vous savez sans doute déjà que les poissons sont des animaux sociaux. Ils ont des déplacements synchronisés en bancs, c’est-à-dire que chaque individu reproduit les mouvements de son voisin faisant en sorte que le groupe semble ne former qu’un.

Mais vous ignorez probablement que chaque poisson peut reconnaître un animal de son groupe (par l’odeur, en général). Les jeunes poissons préfèrent les poissons de leur famille, mais avec le temps, les femelles adultes préfèrent les femelles connues et les mâles inconnus. Cela permet d’éviter la consanguinité.

Les poissons conservent ce souvenir pendant 24 heures, choisissant de s’approcher d’un nouveau poisson plutôt que du dernier qu’ils ont côtoyé. Cela montre qu’ils ont une bonne mémoire sociale et dément la rumeur voulant qu’ils aient « une mémoire de trois secondes ».

Deux koïs japonais nagent ensemble dans un étang
Les poissons peuvent reconnaître leurs amis et leur famille. Bignai/Shutterstock

4. Les poissons ressentent la douleur

C’est un fait. En 2003, les biologistes Victoria Braithwaite et Lynne Sneddon, alors à l’Université d’Édimbourg et à l’Institut Roslin, ont mis de l’acide sur les lèvres de truites. Les poissons ont manifesté des réactions à la douleur classiques – ils se sont éloignés, ont frotté leurs lèvres sur le fond de l’aquarium, leur respiration s’est accélérée – qui ont complètement disparu lorsqu’on leur a administré un analgésique.

Reste à savoir comment les poissons ressentent la douleur. Que signifie-t-elle pour lui ? Car la douleur, ce n’est pas seulement la sensation d’un événement physique, comme se cogner l’orteil, mais c’est souvent aussi une expérience émotionnelle. Certains chercheurs affirment que les poissons ne perçoivent pas la douleur de cette manière, ce qui revient à dire que même s’ils « ressentent » une douleur, ils ne sont pas mentalement capables d’y réagir de façon émotionnelle et que, pour cette raison, leur souffrance ne devrait pas nous préoccuper. Ils fondent leur opinion sur le fait que les poissons ne possèdent pas les parties du cerveau qui, chez l’homme et d’autres vertébrés supérieurs, sont associées à l’expérience mentale de la douleur.

Mais cet argument est de moins en moins convaincant. Des années de recherche ont permis de voir que toutes sortes de formes, de tailles et d’organisations du cerveau existent dans la nature, et que de nombreux comportements complexes existent chez des animaux dépourvus des structures cérébrales qui ont été associées, chez l’homme et d’autres primates, à ces processus.

En fait, il semble que les structures cérébrales soient moins importantes que nous le pensions. Les poissons pourraient donc avoir une expérience du monde plus complexe que nous ne l’imaginons, même si leur cerveau est très différent du nôtre.

5. Les poissons peuvent se montrer impatients

Dans mon laboratoire, nous nous penchons sur ce qu’on appelle le contrôle des impulsions. Il s’agit de la capacité à planifier son comportement et à attendre le meilleur moment pour l’exécuter. Un mauvais contrôle des impulsions est une caractéristique observée chez les personnes qui souffrent de divers troubles psychiatriques, comme le déficit de l’attention avec hyperactivité, la dépendance et le trouble obsessionnel-compulsif.

Nous avons dressé des poissons-zèbres pendant plusieurs semaines lors d’une série de tests exécutés dans un aquarium spécialement conçu à cet effet. Dans chaque test, les poissons devaient attendre qu’une lumière s’allume à l’autre bout avant de pouvoir nager vers un espace où ils pouvaient se nourrir. S’ils y allaient trop tôt, ils ne trouvaient pas de nourriture et devaient tout recommencer. Nous avons constaté d’énormes variations dans leur capacité et leur désir d’attendre. Certains poissons étaient très impatients, tandis que d’autres pas du tout. Nous avons même découvert qu’un médicament utilisé pour traiter le TDAH rendait les poissons moins impatients.

Désormais, quand vous verrez un poisson, vous y penserez peut-être à deux fois avant de le considérer comme un automate aquatique, uniquement destiné à être accompagné de sauce tartare et de petits pois.

This article was originally published in English

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