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Le laboratoire créatif

Apprendre à choisir

vinicius amano unsplash.

Cette chronique est dans la droite ligne et se nourrit des recherches et rencontres publiées sur mon site Les cahiers de l’imaginaire.


Le fait d’avoir accès à une grande quantité d’informations nous permet automatiquement de générer de nouvelles idées. Faux !

Pourquoi ? Face à une quantité d’informations (qu’elle soit grande ou réduite), le processus d’analyse procède comme suit : j’adapte mon répertoire existant de concepts afin d’identifier celui qui me paraît le plus adapté pour comprendre la situation à laquelle je fais face.

Pour produire du neuf, ou pour être créatifs, il faut construire des hypothèses qui nous permettront de nous aventurer hors des sentiers battus.

Toutefois, la formulation d’une hypothèse est un couteau à deux tranchants. Le fait de n’étudier qu’une seule hypothèse nous force à nous concentrer plus efficacement sur un seul champ d’investigation.

Dan Freeman/Unsplash.

Mais tester une seule hypothèse nous ferme les yeux sur les autres possibilités qui pourraient être envisagées.

La créativité vient à la rescousse pour ouvrir le champ des spéculations et générer une multitude d’hypothèses

Steinar Engeland/Unsplash.

Pour jouer le jeu de la créativité, il faut accepter l’échec et même le provoquer afin d’apprendre de nos erreurs et éliminer les hypothèses moins intéressantes.

Pour cela, il faut accepter de courir le risque (humain – réputation et financier) et il faut être prêt à investir dans des projets exploratoires qui ne mèneront nulle part. Les artistes sont souvent prêts à courir ce risque.

Une créativité qui porte ses fruits dépend de notre capacité à explorer l’avenir. Or les techniques de prospective (reconnaissons-le) sont souvent basées sur une analyse du présent. Elles ne tiennent pas compte des imprévus, des discontinuités qui sont, par définition, impossibles à prévoir.

L’objectif est d’enrichir, par le biais de la créativité, la cartographie de l’avenir

Il s’agit d’un travail qui tient compte à la fois des tendances actuelles, et qui explore des hypothèses nouvelles qui ne découlent pas directement des données présentement disponibles.

L’exploration d’hypothèses multiples permet de mettre en évidence des concepts directeurs, des pistes qui nous permettent de voir différemment. Il s’agit d’une recherche proactive à partir des données disponibles.

Évidemment, plus il y a d’informations, mieux c’est. Mais une information n’est jamais neutre. Elle nous est livrée avec un emballage de concepts préétablis et des perceptions biaisées.

La créativité doit donc être mise à contribution dans la collecte même de l’information.

De nos jours, nous avons la chance d’avoir accès à des réseaux puissants d’ordinateurs comme celui de cette technologie que vous connaissez probablement, la blockchain, une base de données distribuée. Il s’agit d’un réseau d’ordinateurs qui gère à partir d’un registre mis à jour sur une base continue des contrats intelligents qui s’exécutent automatiquement à partir de règles strictes encodées dans le système.

Un système blockchain ne se contente pas seulement de générer de la confiance lors d’une transaction, il permet aussi de réduire considérablement les coûts de ces transactions en les automatisant, éliminant de ce fait l’obligation d’avoir recours à des tiers.

Avec ces réseaux, nous assistons à la création de nouveaux écosystèmes. Par exemple, la plate-forme NXT, un des successeurs de Bitcoin utilisée, entre autres, pour organiser des campagnes de crowdfunding, enregistrer des actifs, permettre des transactions, élaborer des systèmes de votation et de signature.

Quelle est la spécificité de NXT ? Il s’agit d’un système autosuffisant qui ne dépend pas d’un tiers pour son fonctionnement. Il gagne en crédibilité au fur et à mesure que des applications sont construites sur la plate-forme. À l’instar de Linux, c’est un logiciel libre et gratuit.

Plusieurs utilisations « financières » sont actuellement envisagées ou à l’essai. IBM en a fait un de ses fers de lance. L’entreprise est convaincue que la technologie blockchain réduira les intermédiaires et libérera du temps pour encourager plus de créativité et d’innovation.

Un domaine très prometteur pour cette technologie est l’éducation. La division Sony-Education a d’ailleurs lancé, en décembre 2017, son système blockchain, un registre pour stocker les données d’évaluation qui peuvent ensuite être partagées. Sa toute première expérience a été d’enregistrer les résultats du Global Math Challenge, un test que 15 000 personnes ont déjà passé dans plus de 80 pays.

Une institution pourra donc enregistrer les résultats d’évaluation de tous les examens et projets d’un étudiant, y compris les données afférentes au diplôme qu’il a obtenu et constituer ainsi un profil accessible en tout temps à des tiers.

En évoluant, les technologies font aussi évoluer notre créativité. Plusieurs personnes se préoccupent du fait que les agents artificiels accompliront énormément de tâches à notre place et élimineront des centaines de milliers d’emplois, y compris des tâches qui font appel à notre créativité.

La puissance des bases de données et de l’intelligence artificielle donne désormais aux créateurs des outils de travail incroyables

J’ai assisté à une présentation chez Autodesk Montréal il y a quelques semaines organisée par Sacha Leprêtre, j’avoue avoir été impressionnée lorsque Mike Haley, qui dirige le groupe d’intelligence des machines chez Autodesk Research à Toronto a expliqué ce que nous pouvions faire avec leurs logiciels. Son équipe combine la recherche, le développement et l’expérience utilisateur dans des cycles itératifs couplés pour développer de nouveaux produits.

Imaginez : Vous êtes un designer

Vous devez créer une nouvelle chaise. Avec ce genre de logiciels, vous pouvez faire apparaître des milliers – voire des millions – de modèles inspirés de toutes les chaises qui ont été créées jusqu’à ce jour. Ensuite, vous pouvez voir défiler, à l’écran, des millions de combinaisons possibles. Vous sélectionnez les combinaisons qui vous semblent les plus intéressantes, et lorsque vous avez fait votre choix, vous pouvez imprimer le ou les modèles retenus en 3D et vérifier si votre chaise est bien celle que vous préférez (ou qui plaira à votre client) et si elle aussi confortable et ergonomique que vous l’imaginiez.

Les artistes, designers et architectes peuvent-ils avoir le désir de revenir aux anciennes méthodes lorsqu’ils ont désormais accès à des outils d’une telle puissance ?

Je vous disais que la créativité vient à la rescousse pour ouvrir le champ des spéculations et générer une multitude d’hypothèses. Notre imagination peut être extrêmement stimulée par ce nombre incalculable de possibilités.

Imaginez : vous êtes un designer de société

Timon Klauser/Unsplash.

Ne serait-il pas intéressant de se demander ce que nous pourrions inventer à l’aide de ces technologies émergentes en s’imposant un cahier des charges pour favoriser plus de bien-être, d’équité sociale et de mieux vivre ensemble ?

Nous vivons à une période extraordinaire, jamais nous n’avons eu autant de choix ni d’outils à notre disposition pour créer.

Le souci ? Lorsque notre cerveau est placé devant trop de choix, il a tendance à se fatiguer comme l’explique Barry Schwartz dans son livre The Paradox of Choices.

The paradox of choice | Barry Schwartz.

Lorsque nous sommes placés devant de nombreuses possibilités, nous pouvons même ressentir une certaine détresse psychologique. Ce qui me ramène à mon affirmation au début de cet article, le fait d’avoir accès à une grande quantité d’informations nous permet automatiquement de générer de nouvelles idées. Bien sûr que non ! Avoir des choix est un formidable levier, mais nous devons apprendre à gérer ces nombreux choix.

Et cela commence dans nos vies personnelles ! C’est l’exercice que je vous propose cette semaine chers lecteurs, soyez pointilleux dans la manière dont vous faites vos choix.

Imaginez : vous êtes designer de votre vie

À l’ère de la connaissance et de l’information, les corporations ont souvent été les designers de nos vies et de notre société. La majorité des individus suivent les scénarios écrits par d’autres.

À l’ère entrepreneuriale, avec la démocratisation des outils et des technologies, chacun a – plus que jamais auparavant – la possibilité d’être créatif et d’écrire le scénario de sa vie.

Et la toute première étape, bien sûr, pour tracer la route de notre aventure, c’est d’apprendre à choisir.

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