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Arrêter de faire des enfants pour sauver la planète ? Posons-nous d’abord les bonnes questions

7 milliards d’êtres humains peuplent la Terre. Shutterstock

Faut-il arrêter de faire des enfants pour sauver la planète ? Nombre d’articles dans les médias et plusieurs publications scientifiques récentes ont à nouveau souligné les défis inhérents à la surpopulation et aux conséquences néfastes pour l’environnement d’avoir trop d’êtres humains sur Terre. Pour beaucoup, faire moins d’enfants semble une solution logique à ce problème.

En lisant les commentaires relatifs aux articles sur ce sujet, vous découvrirez ce que les gens qui travaillent sur ces questions connaissent bien : chacun campe souvent sur ses positions et les discussions prennent régulièrement un tour émotionnel, voire conflictuel.

Que vous pensiez que la surpopulation est la question centrale de notre temps, que ce n’est pas vraiment un problème ou que vous vous situiez entre les deux, il est crucial de pouvoir en discuter sans cliver à outrance ce débat. Dans un article récemment publié dans Environmental Research Letters, nous avons proposé trois pistes pour discuter de la surpopulation de manière plus éthique et, espérons-le, plus réfléchie.

Reconnaître les limites de l’action individuelle

Un individu (ou un couple) agissant en son nom propre a un impact limité. Et si le fait de décider dans son coin d’avoir moins d’enfants peut sembler déterminant, une action collective aura des effets autrement plus importants.

Les problèmes environnementaux, à commencer par le changement climatique, sont d’une telle ampleur qu’il est souvent bien difficile d’y réfléchir. Et quand on encourage les gens à le faire de manière individuelle, cela peut les conduire à tout simplement nier leur responsabilité dans ce domaine. Plusieurs études ont ainsi montré que la mise en avant d’une responsabilité collective pour résoudre les crises environnementales faisait naître un plus grand désir de changer les choses.

Bien souvent, les recommandations pour une attitude plus écoresponsable porte sur des choses que l’on fait chez soi, au quotidien : recycler davantage, manger moins de viande, éviter de prendre l’avion, etc. Cela pourrait presque faire oublier que les entreprises, les universités, les hôpitaux, etc., ont aussi une empreinte écologique et non des moindres ! On peut donc penser que les individus peuvent faire beaucoup pour réduire leur impact au sein même des structures professionnelles.

Prenons l’exemple d’un responsable des achats dans une grande entreprise : il ou elle pourra en faire bien plus en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre en adaptant les achats de son entreprise à cette donne climatique qu’en décidant d’avoir moins d’enfants… L’échelle de l’action fait la différence.

Reconnaître que certains consomment plus que d’autres

Quand on évoque l’impact néfaste de la démographie sur l’environnement, il faut sans cesse rappeler que ce n’est pas tant le nombre de personnes qui pose problème, mais bien les habitudes de consommation. Si les 7 milliards d’humains que compte aujourd’hui la planète se comportaient comme des Américains, consommant autant d’eau, de viande, de plastique et de pétrole, ce serait un désastre planétaire. Dans de nombreux pays, les habitants consomment infiniment moins, l’Érythrée ayant la plus faible empreinte écologique par habitant.

Et si peu d’enfants naissent dans les pays développés, sans l’immigration, ces derniers sont confrontés à un inéluctable déclin. En 2011, par exemple, le taux de fertilité atteignait au Canada 1,6 enfant par femme, bien en dessous du seuil de renouvellement, fixé à 2,1 pour ce pays. En y réfléchissant, le véritable impact sur l’environnement concerne avant tout les modes de vie – dont les variations sont considérables à la fois entre les pays et à l’intérieur de chaque pays.

Chaque Européen génère en moyenne 31 kilos de déchets plastiques par an. Roman Mikhailiuk/Shutterstock

Reconnaître le contrôle des naissances comme un droit fondamental ?

L’idée de faire moins d’enfants convoque la notion de contrôle des naissances. Celle-ci a une histoire sombre et ses conséquences sont encore visibles aujourd’hui en Chine et en Corée du Sud. Dans ces pays, ce contrôle a conduit au phénomène de l’avortement sélectif – les familles préférant avoir des garçons pour diverses raisons culturelles. Aujourd’hui, ces pays doivent faire face au phénomène des « femmes manquantes », qui alimente notamment le trafic de femmes en provenance d’autres pays asiatiques, comme le Vietnam par exemple.

Dans ce contexte, le Fonds des Nations unies pour la population a déclaré en 2012 que le planning familial constituait un droit fondamental… auquel 12 % des femmes âgées de 15 à 49 ans n’ont à l’heure actuelle toujours pas accès dans le monde. Nous sommes donc ici en présence du non-respect d’un droit humain.

Tout cela explique sans doute pourquoi, quand la question des liens entre démographie et environnement se focalise sur la surpopulation, elle se tend. Car la surpopulation est souvent vue comme une menace pour les générations futures. Dès lors, quand cette question est évoquée dans le cadre d’une conversation sur la planification des naissances, elle est considérée comme un jugement de valeur : le fait que les droits futurs de mes enfants ne sont pas respectés importent davantage que le fait que certains droits ne sont pas respectés aujourd’hui. Pour être bien clair, reformulons : accordons-nous aux femmes le droit de choisir quand et combien d’enfants elles veulent porter ?

Une population mondiale en pleine extension constitue aujourd’hui un défi collectif où jouent les valeurs morales, les émotions, des visions du monde différentes, de même que des intérêts multiples. Discuter de l’impact des naissances sur l’environnement réclame d’avoir l’esprit ouvert.

This article was originally published in English

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