tag:theconversation.com,2011:/au/topics/business-model-56503/articlesbusiness model – The Conversation2024-02-01T14:58:04Ztag:theconversation.com,2011:article/2222902024-02-01T14:58:04Z2024-02-01T14:58:04ZLes « écotafeurs », ces salariés qui contribuent de l’intérieur à la transition écologique de leur entreprise<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/572209/original/file-20240130-27-crc13f.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=53%2C17%2C5892%2C3970&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Participation du syndicat Printemps écologique à une manifestation critiquant la loi climat et résilience.</span> <span class="attribution"><span class="source">Benoît Collet / Printemps écologique</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Entre impératif de transition et quête de sens, le monde du travail devient un nouveau champ de bataille pour l’écologie. En témoigne l’apparition récente de figures sociales comme les <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-bifurquer-191438">« bifurqueurs »</a> qui ont fait l’objet d’une forte <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2023/04/25/face-a-l-urgence-ecologique-comment-les-etudiants-bifurqueurs-d-agroparistech-ont-rendu-credible-une-voie-alternative_6170880_4401467.html">médiatisation</a> et les <a href="https://theconversation.com/reveil-ecologique-des-grandes-ecoles-ce-que-nous-ont-appris-les-discours-de-jeunes-diplomes-196263">« déserteurs »</a> qui quittent leur entreprise pour des jobs à impacts.</p>
<p>Mais certains salariés choisissent une autre voie : ils tentent de transformer les entreprises de l’intérieur, comme le montrait déjà une <a href="https://theconversation.com/qui-sont-les-transfereurs-ces-praticiens-de-lecologie-au-travail-111927">étude en 2018</a>. En quelques années, leurs initiatives isolées, à l’époque peu soutenues au sein des entreprises, se sont métamorphosées en un mouvement social d’ampleur.</p>
<p>Ce phénomène implique désormais une plus large galaxie de salariés « écotafeurs » dont les actions s’organisent autour de dispositifs de mobilisation. C’est ce que montre une <a href="https://librairie.ademe.fr/recherche-et-innovation/6247-ecotaf-la-mobilisation-ecologie-des-salaries.html">nouvelle étude</a> sociologique, baptisée Ecotaf, financée par l’Ademe et quatre partenaires du monde de la responsabilité sociétale et environnementale (ORSE, EpE, C3D, A4MT).</p>
<p>Ces écotafeurs sont en quelque sorte la manifestation dans l’entreprise de ce que Bruno Latour désignait comme <a href="https://www.lemonde.fr/climat/article/2021/12/10/memo-sur-la-nouvelle-classe-ecologique-ou-le-vadem-mecum-du-parti-terrestre_6105438_1652612.html">« la nouvelle classe écologique »</a></p>
<p>Ils font bouger les rapports de force en interne en faveur d’une accélération de la transformation écologique de la sphère productive. Ces salariés ne se voient plus seulement comme des « travailleurs » mais aussi comme des acteurs dont les choix façonnent la trajectoire de l’entreprise.</p>
<h2>Fresque du climat et passage à l’action</h2>
<p>Une des manifestations visibles de cet engagement écologique croissant des salariés est le succès que connaît la Fresque du climat, suivie par près de 1,2 million de personnes, dont une <a href="https://www.lesechos.fr/politique-societe/societe/la-fresque-du-climat-devient-un-phenomene-viral-dans-les-entreprises-1972805">bonne partie au sein des entreprises</a>. Si la Fresque apparaît comme un bon outil de sensibilisation aux enjeux climatiques, d’après l’étude, elle laisse les salariés avec un <a href="https://theconversation.com/face-au-changement-climatique-faire-de-la-peur-un-moteur-et-non-un-frein-200876">sentiment d’éco-anxiété</a>.</p>
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<p>Dans son sillage a émergé un foisonnement de dispositifs qui cherchent plutôt à susciter le passage à l’action chez les salariés. L’étude identifie quatre types de dispositifs de mobilisation écologique en fonction de leur stratégie d’incitation :</p>
<ul>
<li><p>Des ateliers qui jouent sur les dynamiques du groupe de pairs : partage d’expérience, émulation collective, sentiment d’appartenance… comme l’atelier <a href="https://www.2tonnes.org/">2tonnes</a>, ou <a href="https://www.monatelier-ecofrugal.fr/">Mon atelier ecofrugal</a>.</p></li>
<li><p>Des parcours de formation ou d’accompagnement qui transforment les individus à travers une montée en compétence, un travail sur leurs émotions, l’expérience de nouvelles méthodes collaboratives. Par exemple les parcours d’intrapreneuriat de <a href="https://www.ticketforchange.org/corporate-for-change">Corporate for Change</a> ou les cycles de <a href="https://carboneetsens.fr/conversations-carbone-en-france/">Conversations Carbone</a>.</p></li>
<li><p>Des plates-formes digitales comme <a href="https://www.lakaa.io/">Lakaa</a> ou le <a href="https://energic.io/">Challenge Environnemental Energic</a> qui s’appuient sur la <em>gamification</em> (ou ludification) : mise au défi, aspect ludique, compétition… pour toucher plus largement les salariés dispersés dans divers sites de l’entreprise.</p></li>
<li><p>Enfin, des fédérations interentreprises de groupes de salariés activistes de l’écologie ont émergé, telles que <a href="https://www.les-collectifs.eco/">Les Collectifs</a> ou le syndicat <a href="https://www.printemps-ecologique.fr/">Printemps écologique</a>. Elles renforcent les capacités d’action locale des groupes et leur apportent une dimension politique.</p></li>
</ul>
<h2>Montée en puissance de la RSE</h2>
<p>Dans une entreprise, l’initiative de ces démarches peut venir directement des salariés : plutôt des cadres appartenant à la génération des <em>millenials</em> (nés entre 1980 et 2000) en recherche de sens au travail. Après un déclic personnel et s’être parfois posé la question de la démission, ils font le choix de la loyauté à l’entreprise, poussés par la croyance que leur impact écologique sera supérieur en « faisant bouger les lignes de l’intérieur ».</p>
<p>Mais le lancement de certains dispositifs suppose d’abord de convaincre la direction et de dégager un budget. Ils résultent alors du volontarisme d’un responsable (souvent RSE) en quête d’alternatives à des actions ponctuelles de sensibilisation écologique qui ont du mal à prendre sur les salariés.</p>
<p>La multiplication de ces dispositifs s’inscrit dans un contexte plus général de montée en puissance de la RSE dans les entreprises, notamment sous l’effet des <a href="https://www.lesechos.fr/thema/articles/les-defis-de-linformation-extra-financiere-1876374">nouvelles obligations</a> de déclaration de performance extrafinancière. La transition écologique intègre désormais de plus en plus fréquemment les objectifs stratégiques, et les entreprises ont besoin d’y associer leurs salariés.</p>
<p>Ainsi, les dispositifs de mobilisation écologique étudiés entretiennent un terreau favorable à d’autres visées de la RSE : acculturation des salariés aux enjeux de la transition, appropriation de la RSE à une échelle locale, intégration des objectifs de durabilité dans les métiers et valorisation de l’entreprise auprès de clients et candidats (marque employeur).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-rse-ne-suffit-pas-a-rendre-nos-societes-plus-durables-220709">Pourquoi la RSE ne suffit pas à rendre nos sociétés plus durables</a>
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<h2>Une diffusion en tache d’huile</h2>
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<span class="caption">Les échelles d’enrôlement des salariés dans la mobilisation écologique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Étude Ecotaf</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Une fois initiée, la mobilisation écologique se diffuse en tache d’huile dans l’entreprise en touchant progressivement les salariés grâce à différents niveaux d’engagement. Les plus moteurs animent eux-mêmes des ateliers ou font fonctionner un collectif. Les salariés relais y contribuent régulièrement ou peuvent être nommés « ambassadeurs » par la RSE. Les salariés participants ont une implication plus ponctuelle, par exemple assister à un atelier ou un webinaire.</p>
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<span class="caption">Expressions entendues dans les entretiens pour qualifier le temps d’engagement.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Étude Ecotaf</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les plus engagés ne disposent presque jamais de temps dédié par l’employeur, ce qui constitue un frein à la mobilisation. Ils parviennent à le contourner en temps masqué ou via la formation, au risque d’un essoufflement. La question d’un crédit temps écologique que l’entreprise pourrait accorder à ses salariés mérite ainsi d’être posée.</p>
<h2>Le rôle des décideurs</h2>
<p>La généralisation de la mobilisation écologique dans l’entreprise demande d’enrôler aussi les décideurs. La RSE peut devenir un tremplin pour les initiatives des salariés, et inversement, à condition de trouver un terrain d’entente. Les <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2023/09/21/dans-les-entreprises-les-rh-bousculees-par-les-attentes-d-une-generation-exigeante_6190252_4401467.html">ressources humaines peuvent également être intéressées</a> car la mobilisation écologique contribue à lutter contre le désengagement au travail.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/572147/original/file-20240130-18-xtsqyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/572147/original/file-20240130-18-xtsqyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/572147/original/file-20240130-18-xtsqyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=527&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/572147/original/file-20240130-18-xtsqyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=527&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/572147/original/file-20240130-18-xtsqyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=527&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/572147/original/file-20240130-18-xtsqyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=662&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/572147/original/file-20240130-18-xtsqyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=662&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/572147/original/file-20240130-18-xtsqyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=662&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le système d’acteurs de la mobilisation écologique des salariés dans l’entreprise.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Étude Ecotaf</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les managers d’équipe sont plus récalcitrants vis-à-vis de ce « temps perdu » mais certains reprennent à leur compte les dispositifs pour motiver leurs salariés et faire de la cohésion d’équipe. Les CSE – Comité social et économique – apparaissent encore en retrait alors qu’ils ont pourtant de nouvelles prérogatives et que les principales centrales se saisissent du sujet (<a href="https://www.cfdt.fr/portail/actualites/transition-ecologique-juste/les-sentinelles-vertes-de-la-f3c-srv1_1153350">CFDT</a>, <a href="https://radartravailenvironnement.fr/">CGT</a>).</p>
<h2>Rôle de la culture d’entreprise</h2>
<p>L’appui des dirigeants aux dispositifs augmente l’impact de la mobilisation en interne. Il dépend essentiellement de leur sensibilité personnelle à l’écologie, mais des stratégies d’intéressement sont possibles en leur donnant un rôle dans le dispositif : participer à un jury, être sponsor d’un collectif…</p>
<p>Certaines cultures d’entreprises sont aussi plus propices au développement de la mobilisation écologique :</p>
<ul>
<li><p>celles qui ont déjà une vocation sociale ou une activité en lien avec l’environnement,</p></li>
<li><p>celles qui ont mis en place une démarche participative sur leur « raison d’être »,</p></li>
<li><p>et toutes celles qui s’écartent d’un management hiérarchique et de la seule recherche de rentabilité à court terme (actionnariat familial, entreprises à missions, entreprises libérées).</p></li>
</ul>
<h2>Légitimer des transformations radicales ?</h2>
<p>La réalité des effets de la mobilisation écologique des salariés fait aujourd’hui <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/12/03/il-n-existe-aucune-preuve-de-l-impact-d-une-formation-de-sensibilisation-aux-enjeux-climatiques-sur-les-comportements_6203652_3232.html">débat</a> car trop peu de travaux d’évaluation ont encore été conduits.</p>
<p>Notre enquête qualitative auprès d’une douzaine d’entreprises révèle que les dispositifs de mobilisation installent une culture partagée de la transition écologique, légitimant des transformations plus radicales. La mobilisation rend aussi possible une évolution de la RSE vers un modèle décentralisé et plus contributif, travaillant en lien avec des communautés de salariés écotafeurs.</p>
<p>Pour les salariés, la participation à ces dispositifs nourrit la quête de sens au travail et renforce l’attachement à l’entreprise, même si un sentiment de frustration peut naître chez les plus moteurs quand les changements de l’entreprise ne vont pas assez vite et assez loin.</p>
<p>L’enjeu central est en effet la profondeur de l’impact de la mobilisation des salariés sur la trajectoire écologique de l’entreprise. Permet-elle d’aller jusqu’à des transformations organisationnelles ? Si l’adoption d’écogestes peut constituer un point de départ pour intéresser les salariés, certains dispositifs incitent aussi à des évolutions concrètes vers des pratiques métiers plus durables dont l’impact carbone est bien supérieur.</p>
<p>En revanche, les <em>business models</em> restent un plafond de verre de la mobilisation écologique. Les salariés revendiquent de plus en plus un droit d’expression sur les stratégies d’entreprise mais sont encore peu entendus par les dirigeants. Cela peut inviter à rechercher une jonction avec d’autres <a href="https://cec-impact.org/">mouvements</a> dans lesquels ces derniers sont <a href="https://www.impactfrance.eco/">impliqués</a> sur ces <a href="https://www.epe-asso.org/etape-2030-transition-ecologique/">questions</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222290/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gaëtan Brisepierre a reçu des financements de l’Ademe, de l'ORSE, de C3D, de EpE, et de A4MT</span></em></p>Dans les entreprises, quelle forme prend la mobilisation de ces profils convaincus qu'ils auront plus d'impact en menant la transition dans leur entreprise qu'en démissionnant ?Gaëtan Brisepierre, Sociologue indépendant, École des Ponts ParisTech (ENPC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2200532024-01-30T16:09:36Z2024-01-30T16:09:36ZUn business model qui encouragerait à consommer moins de vêtements est-il possible ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/566257/original/file-20231218-25-259us1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=19%2C14%2C3176%2C2112&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une étude portant sur l'économie circulaire dans le secteur du prêt-à-porter a mis en évidence quatre business model sobres.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/un-porte-vetements-et-de-chaussures-dans-un-magasin-JGtPrdnMgQc">Hugo Clément / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>La dernière campagne publicitaire de l’Ademe qui mettait en <a href="https://theconversation.com/sobriete-versus-surconsommation-pourquoi-les-devendeurs-de-lademe-sont-polemiques-218728">avant la figure du « dévendeur »</a> marque publiquement la promotion de la sobriété dans la consommation aux heures de grande écoute. Une nouvelle fois, le terme s’installe dans l’espace public et suscite le débat, comme l’a montré la <a href="https://theconversation.com/sobriete-versus-surconsommation-pourquoi-les-devendeurs-de-lademe-sont-polemiques-218728">diversité des réactions</a> associées à cette campagne.</p>
<p>Faut-il s’émouvoir d’un appel à acheter moins de produits neufs, alors que la production sans limites dans un monde limité reste le modèle majoritaire ? Si la sobriété suscite des objections et donne lieu à de nombreux malentendus – comme son assimilation à la croissance négative ou au retour à la bougie – elle permet aussi de promouvoir un modèle différent dans lequel les flux d’énergie et de matière prendraient en compte les limites planétaires, et de cesser de penser <a href="https://arachnid.biosci.utexas.edu/courses/thoc/readings/boulding_spaceshipearth.pdf">« l’économie de l’infini dans un monde fini »</a>.</p>
<p>Elle offre une alternative aux tentatives de découplage entre croissance et ressources, qui tardent à se matérialiser, ainsi et qu’à la tentation du <a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-science-s-comme-solutionnisme-170732">solutionnisme</a> technologique.</p>
<p>Nos récentes recherches menées dans le cadre d’une étude financée par l’Ademe sur les business models circulaires dans l’univers de la mode ont permis d’identifier et d’explorer les contours de modèles « sobres ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sobriete-et-si-on-sinspirait-de-ceux-et-celles-qui-la-pratiquent-au-quotidien-198428">Sobriété : Et si on s’inspirait de ceux et celles qui la pratiquent au quotidien ?</a>
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<h2>La sobriété, aussi une question d’offre</h2>
<p>Dans un <a href="https://hal.science/hal-04214053">article de 2015</a>, nous notions déjà que la sobriété s’entend comme une logique de tempérance, de suffisance voire de frugalité qui nécessite une négociation à la baisse de sa consommation – souvent difficile et peu linéaire – afin de tenir compte des capacités matérielles finies de la planète.</p>
<p><em>[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</em></p>
<p>De fait, les restrictions à s’imposer peuvent être très exigeantes. À titre d’exemple, une <a href="https://takethejump.org/">étude</a> explique que pour maintenir le réchauffement climatique à 1,5 °C, il faudrait se contenter de trois vêtements neufs par habitant et par an. Alors qu’en moyenne, chaque Français (enfants compris) en <a href="https://www.kantar.com/fr/inspirations/consommateurs-acheteurs-et-distributeurs/2022-10-ans-de-fashion">a acheté 34 en 2019</a>, soit 11 fois plus !</p>
<p>Comment faire quand le consommateur est constamment sollicité et que le « dévendeur » n’existe qu’à la télévision ? Sujet arrimé à des <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-comment-consommer-avec-sobriete-169574">actions individuelles</a>, la sobriété a jusqu’ici été étudiée comme un problème de demande et non d’offre. Il est rarement évoqué dans le cadre de l’activité des entreprises où il demeure au mieux contre-intuitif, au pire tabou.</p>
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<img alt="Panneaux promotionnels dans un magasin de vêtements" src="https://images.theconversation.com/files/566261/original/file-20231218-15-mfrtog.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566261/original/file-20231218-15-mfrtog.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566261/original/file-20231218-15-mfrtog.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566261/original/file-20231218-15-mfrtog.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566261/original/file-20231218-15-mfrtog.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566261/original/file-20231218-15-mfrtog.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566261/original/file-20231218-15-mfrtog.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">83 % des Français et Françaises estiment que nous consommons trop.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/panneau-de-reduction-de-50-cE8cwN2A2-c">Artem Beliaikin/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sobriete-faciliter-les-changements-de-comportements-une-methode-aux-effets-pervers-202227">Sobriété : « faciliter » les changements de comportements, une méthode aux effets pervers</a>
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<h2>Vers l’essor d’un entrepreneuriat sobre ?</h2>
<p>La notion de sobriété dans le monde de l’entrepreneuriat émerge pourtant timidement, incarnée par le plaidoyer pour une économie de la sobriété (<a href="https://www.impactfrance.eco/">Mouvement impact France</a>). Elle est revendiquée par des entrepreneurs innovants qui s’interrogent sur la finalité de leur entreprise lorsque les grands équilibres naturels sont menacés par les activités humaines.</p>
<p>Ils convergent vers le fait que face aux multiples défis environnementaux et sociaux engendrés par l’économie de l’abondance, la contribution des business models traditionnels au bien-être social et leur capacité à préserver les écosystèmes biologiques posent question. En alternative, ils proposent des business models soutenables.</p>
<p>Adossés à l’économie circulaire, ces modèles s’inscrivent dans un système de boucles de matériaux réparatrices ou fermées et s’appuient sur deux mots-clés : durabilité et circularité.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/leconomie-circulaire-cette-notion-en-perpetuelle-evolution-178068">« L’économie circulaire », cette notion en perpétuelle évolution</a>
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<h2>Réutiliser et recycler… plus que limiter la consommation</h2>
<p>Faisant référence à la taxonomie des « R » (qui ne se limite pas seulement aux trois les plus classiques – réduire, réutiliser et <a href="https://theconversation.com/industrie-de-la-mode-les-effets-tres-limites-du-recyclage-des-textiles-145363">recycler</a> – et qui dans certaines versions, monte jusqu’à dix, ces modèles circulaires ont la particularité de se centrer sur l’offre, optimisant souvent un niveau de vente et occultant les niveaux de consommation excessive qui y sont associés.</p>
<p>Il se trouve que le <a href="https://swissrecycle.ch/fr/actuel/detail/les-10-re-de-leconomie-circulaire-de-refuser-a-recuperer">premier des 10 RE</a>, qui correspond à « refuser » – dans le sens de limiter en volume la fabrication et la consommation – est quasiment absent des démarches d’économie circulaire. Il se distingue du R « réduire », centré sur l’écoefficacité de la production et une diminution des intrants matières et énergétiques.</p>
<p>Dans le cadre de notre étude sur la mode, nous avons mené à l’issue de la collecte de données une analyse descriptive croisée qui nous a permis d’identifier 4 catégories de business models sobres :</p>
<ul>
<li><p>le modèle activiste,</p></li>
<li><p>le modèle du produire moins,</p></li>
<li><p>le modèle écosystémique territorial</p></li>
<li><p>et le modèle DIY-DIT (<em>do it yourself, do it together</em>).</p></li>
</ul>
<p>Nos travaux révèlent qu’ils participent à éveiller, favoriser et soutenir une sobriété dans la consommation de vêtements.</p>
<h2>Le business model sobre activiste</h2>
<p>Ce premier modèle, le plus complet, intègre à la fois les notions de décroissance et d’encouragement à la sobriété en jouant sur la production et la consommation.</p>
<p>Trois critères clés le caractérisent : un discours constant sur une éducation au moins consommer auprès des consommateurs, une forte longévité des produits et un activisme social et environnemental intense de la marque et de ses fondateurs.</p>
<p>Leur proposition de valeur repose à la fois sur l’offre en se focalisant sur la durabilité de leurs produits mais également sur la demande en jouant le rôle de héraut, de messager de l’environnement, en informant continuellement sur l’impact des modes de production et de consommation sur l’état de la planète.</p>
<p>Il se démarque des autres business models soutenables en valorisant le renoncement à l’achat. La marque de vêtements Loom, qui enjoint <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/11/17/face-a-la-pollution-de-l-industrie-textile-il-faut-acheter-le-moins-de-vetements-possible_6150371_3232.html">aux citoyens de moins consommer</a>, incarne bien ce modèle.</p>
<h2>Le business model sobre du produire moins</h2>
<p>Le second modèle est davantage orienté vers la production agile : si la question de la surconsommation n’est pas appréhendée de front, le temps de mise en production ou la visibilité apportée à la fabrication relativisent la consommation impulsive et favorisent la réflexion.</p>
<p>Il fait référence à certains principes de l’industrie 4.0, notamment la production à la commande, à la demande ou une production réactive. L’objectif est d’encourager le zéro stock.</p>
<p>La sobriété consiste à remettre en question les codes et le modèle fast-fashion de l’industrie textile en inversant les flux afin de réduire drastiquement le gaspillage vestimentaire, tant en amont qu’en aval. La devise des trois tricoteurs situés à Roubaix illustre bien ce business model du produire moins : « ne pas surproduire, ne pas surstocker, valoriser la production locale et inciter à une consommation réfléchie ».</p>
<h2>Le business model écosystémique territorial</h2>
<p>Ce troisième business sobre s’inscrit dans une démarche écosystémique. La valeur générée ne résulte pas d’une seule organisation mais est créée <a href="https://www.cairn.info/revue-d-economie-regionale-et-urbaine-2017-5-page-905.htm">par des acteurs en interaction</a>. Il est ancré dans un environnement local et s’hybride avec des projets territoriaux qui ont un sens similaire, en renforçant « le patrimoine immatériel territorial ».</p>
<p>Dans le textile, ces modèles s’inscrivent souvent dans une logique de reconstruction de filière comme celle du lin, du chanvre ou de la laine. La sobriété de ces modèles provient aussi de l’offre limitée de matières premières sur le territoire, de la collaboration tout au long de la chaîne de valeur et de la garantie d’une gouvernance démocratique.</p>
<p>Un autre aspect qui revient est l’idée du circuit court et de reconnecter le consommateur au produit, par exemple en explicitant les étapes de la fabrication (par exemple celle d’un pull).</p>
<p>Ce modèle prône une durabilité affective, d’usage et d’attachement territorial. C’est le cas de Laines paysannes, qui fait la promotion d’un patrimoine culturel local et d’une sobriété liée à l’offre limitée de matières premières sur leur territoire.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/7wjlBC5wwg4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le dévendeur et le smartphone. Source : Ademe, novembre 2023.</span></figcaption>
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<h2>Le business model sobre « do it yourself »</h2>
<p>Le dernier modèle se centre sur le transfert de compétences et la possibilité donnée aux consommateurs de fabriquer ou de réparer eux-mêmes leurs vêtements. Cela fait écho aux pratiques de consommation créative et d’<em>upcycling</em> (ou <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-surcyclage-214741">surcyclage</a>) qui répondent à des logiques économiques mais aussi culturelles.</p>
<p>Elles contribuent à l’émergence d’un nouvel art fondé sur l’esthétisme et l’unicité d’un produit. L’ensemble de ces business models DIY-DIT a pour principal objectif de doter les consommateurs des compétences pour revaloriser leurs propres vêtements en allongeant leur durée de vie par de la réparation, de l’embellissement et/ou de la transformation.</p>
<p>Comme le business model écosystémique, il permet de tisser ou de retisser des liens entre l’individu et le vêtement et d’accroître son attachement émotionnel. Il contribue également à revisiter la figure du consommateur en lui offrant une fonction de créateur, réparateur et passeur de valeur sans le cantonner à son rôle d’acheteur en bout de chaîne, propre à l’économie linéaire.</p>
<h2>Moins de biens, de vitesse et de distance</h2>
<p>Cette tentative de catégorisation permet de mettre en lumière le premier R de l’économie circulaire, refuser :</p>
<ul>
<li><p>en consommant moins et en décryptant les pièges de la surconsommation (appel à la mesure)</p></li>
<li><p>en questionnant la relation du consommateur vis-à-vis du produit et donc son attachement émotionnel par un rapprochement production/consommation</p></li>
<li><p>en offrant de nouvelles compétences aux usagers afin de faire soi-même et de prendre de la distance par rapport au modèle imposé</p></li>
</ul>
<p>Ces modèles interrogent le moins de biens, le moins de vitesse et le moins de distance en opposition avec les attributs de la <em>fast fashion</em> incarnés par la vitesse d’acquisition de nouveaux vêtements, le principe du vêtement « kleenex », l’accumulation et la recherche du prix le plus bas.</p>
<p>Ces business models existent déjà, souvent portés par des marques engagées et des entrepreneurs qui le sont tout autant. La question suivante sera de comprendre comment ils peuvent aider à redessiner la consommation de vêtements.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220053/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Robert est co-fondatrice de Tex&Care, la chaire interdisciplinaire universitaire de la mode circulaire (IAE Lille-ENSAIT). La chaire Tex&Care est une chaire de la Fondation de l'Université de Lille. Les recherches sur les modèles de la mode circulaire ont été financées par l’Ademe et la région Hauts de France dans le cadre du projet Rezomodeco.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>est co-fondatrice de Tex&Care, la chaire interdisciplinaire universitaire de la mode circulaire (IAE Lille-ENSAIT).
La chaire Tex&Care est une chaire de la Fondation de l'Université de Lille.
Les recherches sur les modèles de la mode circulaire ont été financées par l’Ademe et la région Hauts de France dans le cadre du projet Rezomodeco.</span></em></p>La sobriété appliquée à l'industrie textile, c'est aussi refuser les achats inutiles. Dans le secteur du prêt-à-porter, des alternatives existent et s'appuient sur les principes de l'économie circulaire.Isabelle Robert, Maître de conférences en sciences de gestion et co-fondatrice de la chaire Tex & Care, chaire universitaire de la mode circulaire, Université de LilleMaud Herbert, Professeur des Universités, co-fondatrice de la chaire Tex&Care, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2029712023-03-30T19:26:56Z2023-03-30T19:26:56ZMarathon de Paris 2023 : pourquoi un tel engouement ?<p>Le doute avait un temps plané sur sa tenue en raison du mouvement social contre la réforme des retraites : le départ du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/marathon-78773">marathon</a> de Paris <a href="https://www.francebleu.fr/sports/tous-les-sports/mobilisation-contre-la-reforme-des-retraites-le-marathon-de-paris-est-maintenu-ce-dimanche-7657589">sera bien donné</a> ce dimanche 2 avril. L’édition 2023 affiche complet avec plus de 50 000 coureurs. De nombreuses inscriptions ont même dû être refusées.</p>
<p>En 2022 ils n’étaient pourtant que 37 000 à se présenter aux ordres du starter, une forte baisse par rapport à l’édition 2019 avant pandémie qui comptait 49 155 partants. Il s’agissait peut-être d’un effet conjoncturel lié au coronavirus, à la guerre en Ukraine et à la crise économique, là où l’on pouvait aussi voir une évolution plus structurelle de la demande, avec des aficionados tentés par des événements moins positionnés dans la démesure et davantage pensés dans une démarche écoresponsable.</p>
<p>Cependant il n’y a que sur le plan sanitaire que les choses ont véritablement évolué depuis un an. Le relatif retour à la normale de ce point de vue explique notamment la venue en nombre de coureurs étrangers (32 % en 2023 d’après l’organisation) qui renouent avec des formes différentes de tourisme sportif.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1641085717022486530"}"></div></p>
<p>Pourquoi un tel intérêt ? Y répondre nécessite de croiser des facteurs macro et micro sociologiques comme nous le faisons dans nos <a href="https://www.editions-cairn.fr/brand/500-bessy-olivier">travaux repris dans un ouvrage récent</a>. Participer au marathon de Paris, c’est autant une manière d’échapper à son quotidien en le préparant, d’être partie prenante d’un événement aux multiples facettes et de se mettre en scène, aux yeux de la société, comme quelqu’un de performant dans un décor de rêve. Néanmoins, certains aspects pourraient bien, à l’avenir, devenir plus rebutants.</p>
<h2>Entre performance et mise en scène</h2>
<p>La première hypothèse est que le contexte sociétal actuel, teinté d’une grande vulnérabilité, d’une forte incertitude et d’une fragmentation des repères identitaires, est, au bout du compte, plutôt favorable à un surinvestissement des coureurs dans ce type d’épreuve. Préparer le marathon de Paris (et a fortiori le finir), permet à tout chacun d’oublier un quotidien morose, de se sentir vivant et de prendre en main son destin. Ne constituerait-il pas une des façons les plus remarquables de tracer son chemin d’existence ? Cela expliquerait en partie, et en partie seulement, son engouement renouvelé, car de nombreuses épreuves (autres marathons, triathlon, ultra-trails…) remplissent aujourd’hui aussi cette fonction.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/518425/original/file-20230330-390-7yolln.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/518425/original/file-20230330-390-7yolln.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518425/original/file-20230330-390-7yolln.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518425/original/file-20230330-390-7yolln.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518425/original/file-20230330-390-7yolln.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518425/original/file-20230330-390-7yolln.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518425/original/file-20230330-390-7yolln.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518425/original/file-20230330-390-7yolln.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Courir dans Paris véhicule tout un imaginaire culturel.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Maïlys Henriet</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>La seconde hypothèse réside selon nous dans le concept proposé par les organisateurs. En effet, d’après une <a href="http://publis-shs.univ-rouen.fr/rmt/index.php?id=767">enquête</a> que nous avons menée en 2018 auprès des coureurs, organisateurs et partenaires, le marathon de Paris véhicule un imaginaire métissé à la fois culturel et sportif. Nous avons analysé les mots revenant le plus fréquemment dans les entretiens et l’exercice a mis en évidence l’importance des représentations culturelles. Le récit est souvent marqué par la construction d’une urbanité événementielle principalement structurée autour des dimensions patrimoniales, hédonistes et conviviales.</p>
<p>Cependant, la représentation sportive s’avérait aussi très significative. Tout se passe comme si les marathons quelle que soit leur géographie culturelle, et c’est le cas de Paris, étaient aussi pensés pour favoriser la confrontation à soi ou aux autres, en réponse à une demande de chrono chez les participants soucieux de leurs performances même en courant dans un musée à ciel ouvert. Le <a href="https://www-cairn-info.fr/revue-science-et-motricite-2009-3-page-83.htm">culte de la performance</a> reste aujourd’hui très présent dans les pelotons, ce qui n’est pas sans influencer aussi le tracé du parcours, avec de grandes avenues, pas ou peu de dénivelé, et un kilométrage important en dehors de la zone historique au cœur de la capitale. Partout les marathons semblent s’homogénéiser ainsi.</p>
<p>La majorité des coureurs possède bien cette double représentation sportivo-culturelle.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/518490/original/file-20230330-20-z8no2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/518490/original/file-20230330-20-z8no2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518490/original/file-20230330-20-z8no2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518490/original/file-20230330-20-z8no2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518490/original/file-20230330-20-z8no2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518490/original/file-20230330-20-z8no2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518490/original/file-20230330-20-z8no2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518490/original/file-20230330-20-z8no2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« Lulu » peut dire qu'il l'a fait.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurine Buffière</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>La troisième hypothèse vise à considérer que ce marathon occupe une place à part dans l’imaginaire des coureurs attirés par la notoriété de cette épreuve et l’expérience intense proposée. C’est l’effet capitale qui jouerait à plein ici. Pour beaucoup de marathoniens et même de simples coureurs ordinaires, faire « <em>Paris</em> », 42,795 km dans la plus belle ville du monde, est un rêve qu’il faut transformer en réalité, quelque chose à faire au moins une fois dans sa vie. L’objectif suprême est de poster un selfie sur les réseaux sociaux, au départ sur les Champs-Élysées ou à l’arrivée avec la médaille autour du cou devant l’Arc de Triomphe. Mieux, de pouvoir dire « <em>je l’ai fait</em> », le lundi matin en arrivant au bureau. Le décor sublime la mise en spectacle de soi-même et garantit des profits symboliques supérieurs aux autres marathons.</p>
<p>Cette triple logique rend compte notamment du pourcentage de néo-participants très important, 43 % des inscrits, car ils sont plus enclins à rechercher ces profits dans un souci de reconnaissance sociale et ils en capitalisent davantage en courant Paris. Ils sont prêts pour cela à oblitérer de leur conscience les potentielles dérives économiques, environnementales et sociales de l’événement.</p>
<h2>Un charme menacé par trop de marchandisation ?</h2>
<p>De ce point de vue, la durabilité de l’attrait de l’événement est questionnable. Les coureurs se montrent ainsi très critiques envers Amaury Sport Organisation, l’organisateur de l’événement : « <em>prix trop cher du dossard</em> », « <em>un marathon qui respire trop l’argent</em> », qui est « <em>trop business</em> », « trop mercantile », qui est en train « <em>de perdre son âme</em> » avec « <em>des sponsors hors sport</em> » à l’image de Schneider Electric et un « <em>Marathon Expo trop centré sur le fric</em> ». Quentin, coureur venu de Bordeaux, nous l’expliquait avec ces mots :</p>
<blockquote>
<p>« Le business est trop présent dans ce marathon et plus particulièrement au Marathon Expo. J’ai ressenti une sensation de dégoût presque lorsque j’ai découvert, il y a cinq ans, pour la première fois ce salon du running. J’ai eu une impression lourde et repoussante de me trouver là que pour consommer, être obligé presque d’acheter, avec la multiplicité des gros stands de marque, des vendeurs tous habillés pareils. »</p>
</blockquote>
<p>L’enquêté se réfère ici également au <a href="https://www.paris-friendly.fr/sortie-a-paris-salon-running-gratuit.html">salon « Run Expérience »</a> qui se tient en amont de l’événement à la Porte de Versailles. Chaque année il semble accentuer son caractère marchand, visible dans l’architecture pensée avant tout pour les équipementiers qui sont les grands argentiers du marathon. Le nombre de mètres carrés occupés, leur place privilégiée à l’entrée, la signalétique affichée et le cheminement rendu obligatoire par l’organisation, ainsi que les animations proposées, tout semble pensé pour ces derniers. L’espace dédié aux organisateurs d’autres marathons s’est trouvé parqué lors des dernières éditions au fin fond du hall. Ces derniers se sont d’ailleurs plaints du sort qui leur est réservé.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/518423/original/file-20230330-29-8wgjsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/518423/original/file-20230330-29-8wgjsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518423/original/file-20230330-29-8wgjsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518423/original/file-20230330-29-8wgjsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518423/original/file-20230330-29-8wgjsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518423/original/file-20230330-29-8wgjsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518423/original/file-20230330-29-8wgjsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518423/original/file-20230330-29-8wgjsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Cette marchandisation du marathon de Paris risque à moyen terme de dissuader un certain nombre de personnes de s’inscrire. Il est aussi notable que l’événement ne soit pas aujourd’hui considéré comme une épreuve écoresponsable par les coureurs. Si des actions sont en train d’être initiées et des annonces faites depuis cinq ans par les organisateurs et notamment le partenaire titre Schneider Electric, elles ne sont du moins pas évoquées par les inscrits. La synergie avec Paris comme ville durable est loin d’être atteinte et l’impression de « greenwashing » domine.</p>
<p>Le marathon de Paris amplifie la « dramaturgie moderne » propre à l’épreuve car il est en mesure de proposer à tous les participants un rêve éveillé en harmonie avec la splendeur de l’écrin patrimonial qui le magnifie. Il contribue aussi à intensifier l’expérience urbaine en provoquant une communion nourrie par différentes animations et promesses d’innombrables relations sociales tissées sur le moment. Des participants de tout pays convoquent le monde dans la ville et contribuent à son rayonnement touristique planétaire. Tous ces éléments laissent entrevoir encore de beaux jours pour l’événement.</p>
<p>Néanmoins, la dérive économique semble patente et prendre au sérieux les enjeux environnementaux de plus en plus crucial. La production d’un événement plus sobre et vraiment écoresponsable sera demain une obligation. Il faudra peut-être accepter de décélérer en limitant le nombre d’inscriptions. Les temps insouciants des pelotons chamarrés semblent être derrière nous.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202971/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Bessy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les organisateurs ont même dû refuser des inscriptions. Beaucoup rêvent de dire « je l’ai fait » le lundi matin en arrivant au bureau, montrant des photos de leur performance dans un cadre unique.Olivier Bessy, Professeur émérite à l'Université de Pau et des Pays de l'Adour (UPPA), Université de Pau et des pays de l'Adour (UPPA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2021802023-03-21T17:49:43Z2023-03-21T17:49:43ZRepenser le modèle d’affaires de l’entreprise pour la transformer en profondeur<p>Il y a quinze ans, la crise financière rappelait les conséquences désastreuses que pouvait avoir <a href="https://www.veblen-institute.org/Minsky-une-interpretation-premonitoire-des-crises-148.html">l’obsession du profit</a> à court terme au sein de grandes entreprises. Pour satisfaire les exigences des actionnaires et attirer de nouveaux investisseurs, les dirigeants et managers ont parfois agi de manière irresponsable sans mesurer les conséquences de leurs actions sur le long terme.</p>
<p>Quelques années avant l’effondrement de Lehmann Brothers, la faillite d’<a href="https://www.piloter.org/gouvernance-entreprise/enron.htm">Enron</a>, à la suite de fraudes comptables et de manipulations financières commises par une quinzaine de cadres dirigeants, avait provoqué des dizaines de milliers de pertes d’emploi et l’évaporation de nombreuses <a href="https://www.liberation.fr/futurs/2002/01/15/enron-le-scandale-des-fonds-de-pension_390344/">épargnes retraite</a>.</p>
<p>Afin de responsabiliser l’encadrement des entreprises, les organismes régulateurs, comme le <a href="https://acpr.banque-france.fr/europe-et-international/cadre-comptable/instances/international-accounting-standards-board-iasb">Bureau international des normes comptables</a> (plus connu sous l’acronyme anglais IASB, pour <em>International Accounting Standards Board</em>) ont, semble-t-il, misé sur un modèle disciplinaire. Il s’agissait de faire en sorte que les entreprises rendent davantage de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/comptabilite-24153">comptes</a>. Le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/scandales-financiers-93144">scandale</a> Enron a notamment été suivi de la mise en place des normes dites <a href="https://theconversation.com/pres-de-20-ans-apres-le-scandale-enron-ou-en-sont-les-normes-comptables-145416">« IFRS »</a> (<em>International financial reporting standards</em>), visant un reporting financier « amélioré ». En France, la loi <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000223114/">« Nouvelles régulations économiques »</a> du 15 mai 2001 a, elle, obligé quelque 700 entreprises cotées à produire des rapports extrafinanciers quant aux conséquences sociales.</p>
<p>La solution a cependant montré ses limites, donnant parfois une <a href="https://www.erudit.org/en/journals/telescope/1900-v1-n1-telescope0418/1013772ar/abstract/">illusion de contrôle</a>. Récemment, en France, la course au profit des dirigeants d’<a href="https://theconversation.com/ethique-comment-comme-orpea-les-entreprises-font-peser-la-responsabilite-sur-leurs-salaries-181192">Orpea</a> aurait entraîné une politique de réduction des coûts au détriment de la qualité des soins prodigués aux résidents des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes du groupe et des conditions de travail des salariés. Pourtant l’entreprise affichait de <a href="https://theconversation.com/affaire-orpea-mais-a-quoi-servent-les-notations-esg-177164">très bons indicateurs</a> de responsabilité sociale dans ses rapports, notamment en raison du poids du secteur d’activité dans leur calcul.</p>
<p>Pour des évolutions plus profondes, il semble qu’il faille réfléchir plus en amont, notamment au contexte dans lequel les actions des managers sont prises. Comment dès lors focaliser l’attention des dirigeants sur le long terme et mettre davantage en évidence les liens entre le financier et le non financier ?</p>
<h2>Des discussions en cours</h2>
<p>Ces dix dernières années, un nouveau cadre a pris de l’ampleur : le <em>Reporting intégré</em> (RI). Introduit en 2013 par l’<a href="https://www.integratedreporting.org/wp-content/uploads/2015/03/13-12-08-THE-INTERNATIONAL-IR-FRAMEWORKFrench.pdf"><em>International Integrated Reporting Committee</em></a> (IIRC), coalition mondiale regroupant différents types d’acteurs, le RI se fonde sur ce que l’on appelle la « Pensée intégrée ». Elle vise à repenser le modèle d’affaires de l’entreprise en prenant en considération l’ensemble des ressources qui y contribuent (et qu’elle affectera en retour), à la fois financières et non financières.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/516396/original/file-20230320-14-iy9h3b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/516396/original/file-20230320-14-iy9h3b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/516396/original/file-20230320-14-iy9h3b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/516396/original/file-20230320-14-iy9h3b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/516396/original/file-20230320-14-iy9h3b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/516396/original/file-20230320-14-iy9h3b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/516396/original/file-20230320-14-iy9h3b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/516396/original/file-20230320-14-iy9h3b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les bureaux de l’IASB et de l’IFRS Foundation à Londres.</span>
<span class="attribution"><span class="source">mattbuck/Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Sont plus précisément citées les ressources financières, naturelles, manufacturières, intellectuelles, humaines, sociales et environnementales. L’objectif est de repenser le modèle d’affaires des entreprises en mettant en évidence les connexions entre le financier et le non-financier, mais aussi en réfléchissant aux conséquences de l’action sur les court, moyen et long termes. En bref, il s’agit bien là de « responsabiliser » la gestion. Le bilan qui en découle permettrait de « raconter l’histoire de l’organisation », selon les mots de l’IIRC, de façon transparente.</p>
<p>Ces notions se trouvent aujourd’hui au cœur des discussions de deux grands acteurs de normalisation, chargés de construire un standard de reporting extrafinancier : l’<a href="https://www.efrag.org/?AspxAutoDetectCookieSupport=1">Efrag</a>, groupe consultatif européen sur l’information financière, et l’<a href="https://www.ifrs.org/groups/international-sustainability-standards-board/">ISSB</a>, organisme rattaché à la fondation IFRS de même que l’IASB.</p>
<p>Changer en profondeur les pratiques managériales nécessite en tout cas une implication forte de la hiérarchie. Nos <a href="https://theses.hal.science/tel-01755563/">recherches</a> montrent qu’il existe <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=4394475">deux directions principales</a>, toutes deux à prendre sous l’impulsion de la direction : une première structurée ; une seconde plus informelle, fondée essentiellement sur des discussions impliquant différentes fonctions et différents niveaux de management pour confronter les points de vue et réfléchir ensemble à la façon dont l’organisation crée de la valeur.</p>
<h2>Déploiement structuré</h2>
<p>Parmi les groupes que nous avons étudiés, Novo Nordisk, une entreprise danoise spécialisée dans le traitement du diabète, illustre bien la première voie. La firme emploie environ 45 000 personnes dans 80 pays et commercialise ses produits dans plus de 170 pays. En 2004, la direction du groupe a poussé la pensée intégrée dans son organisation grâce à deux actions structurantes : la formalisation du principe de gestion intégrée dans les statuts de l’entreprise et la mise en place d’un modèle de gouvernance, le « Novo Nordisk Way Of Management ».</p>
<p>Mads Ovlisen, PDG du groupe à l’époque, a inclus dans les statuts une clause stipulant que l’entreprise « s’efforcerait de mener ses activités financières, écologiques et sociales de façon responsable ». Dès lors, le management a été forcé de réfléchir de façon holistique à son processus de création de valeur et à reporter la performance des éléments environnementaux et sociaux au même titre que les éléments financiers.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1483499429013381126"}"></div></p>
<p>Le « Novo Nordisk Way Of Management » repose, lui, sur 10 principes ancrés dans le développement durable. Il sous-tend notamment le pilotage de l’organisation et les politiques de rémunération managériales. En cohérence avec le développement de la Pensée intégrée dans l’organisation, Novo Nordisk publie un rapport intégré selon le cadre de l’IIRC depuis 2014.</p>
<p>Le groupe illustre un modèle de Pensée intégrée structuré et déployé de façon <em>top-down</em> qui a fait ses preuves : des activités commerciales fondées sur la durabilité avec 100 % de la production grâce à des énergies renouvelables, des médicaments faciles d’accès et abordables financièrement, tout en ayant une <a href="https://edubourse.com/meilleures-actions/actions-pharmaceutiques/">rentabilité parmi les plus élevées</a> de l’industrie pharmaceutique.</p>
<h2>Transmettre une passion pour la durabilité</h2>
<p>Il existe, cependant, une seconde façon de procéder, beaucoup moins formelle, adoptée par exemple par Sanford. Elle est la plus grande et la plus ancienne entreprise de produits de la mer de Nouvelle-Zélande, cotée au New Zealand Stock Exchange. Nommé à la tête du groupe en 2013, Volker Kuntz, a souhaité opérer un changement stratégique radical : passer d’une stratégie axée sur le volume à une stratégie axée sur la création de valeur, notamment en abandonnant les ventes de produits surgelés et en se focalisant sur le frais.</p>
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<p>Au cours d’un entretien réalisé en 2016, il nous exposait que le développement du capital humain et la valorisation du capital naturel sont, selon lui les « fondations » d’une croissance du capital financier sur le long terme. Pour obtenir l’adhésion de ses collaborateurs, il a privilégié les rencontres et les échanges directs à tous les niveaux organisationnels : en s’asseyant avec ses équipes de direction et en engageant des débats, mais aussi en voyageant sur les différents sites de pêche pour aller au contact des opérationnels, et leur expliquer sa nouvelle vision stratégique.</p>
<p>Kuntz explique avoir ainsi transmis sa passion pour la durabilité et le long terme à ses employés et à ses investisseurs. À son départ, sept ans après avoir affiché sa volonté de développer la Pensée intégrée dans son organisation Sanford est devenue une <a href="https://www.seafoodsource.com/news/business-finance/sanford-limited-making-big-investments-following-solid-fy2022">entreprise innovante et rentable</a> tout en respectant les ressources environnementales et en valorisant ses ressources humaines. Et ce malgré des années Covid difficiles.</p>
<p>Contrairement à Novo Nordisk, la construction d’une Pensée intégrée chez Sanford est le fruit d’une réflexion collective et de discussions impliquant différentes perspectives et différents niveaux organisationnels. Depuis 2014, l’organisation produit un rapport intégré dans lequel, elle aussi, « raconte son histoire » de façon transparente à ses parties prenantes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202180/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>De nouvelles normes comptables se donnent pour objectif de mieux cadrer les décisions prises en amont. Elles peuvent néanmoins aussi être insufflées de façon plus informelles.Sabrina Roszak, Assistant professor, SKEMA Business SchoolAziza Laguecir, Professeur, EDHEC Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1958412022-12-06T19:05:54Z2022-12-06T19:05:54ZNetflix, Amazon, Tesla… Derrière les modèles d’abonnements et de location, les déboires des clients<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/498677/original/file-20221202-15-zhfn25.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=262%2C19%2C928%2C743&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les services en ligne contribuent notamment à accroître le niveau de dépenses contraint des ménages.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixnio.com/media/banknote-cash-cost-investment-loan">Bicanski/Pixnio</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les années 2010 ont consacré l’âge de l’accès : fût-ce à travers l’abonnement ou la location, les consommateurs ont progressivement pris l’habitude – et même décidé – de se passer des droits de propriété que leur transférait le producteur à l’achat d’un bien. En d’autres termes, la <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1509/jm.15.0109">valeur d’usage</a> des biens et services a progressivement supplanté la valeur d’échange de ces derniers.</p>
<p>Se sont ainsi développés des services aussi divers que ceux de streaming audio ou vidéo (location d’un catalogue auquel l’accès ne tient que tant que l’utilisateur est abonné au service – Netflix, Spotify, Deezer, etc.), l’accès à un véhicule à tout moment (Uber), à des vêtements (le Closet, Rent the Runway), ou même la location de couches lavables (Popopidoux, Coco couche).</p>
<p>Au-delà de l’accès au bien lui-même a aussi émergé, grâce à l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/internet-des-objets-21322">Internet des Objets</a> (IoT pour « Internet of Things »), qui renvoie à la connectivité dont peut être doté tout type d’objet afin de se connecter à d’autres objets ou systèmes applicatifs), un accès de plus en plus fin à certaines caractéristiques du bien.</p>
<h2>Revenus récurrents</h2>
<p>Cela a généré de nouveaux types de <em>business models</em>, directement inspirés du fonctionnement des smartphones et de leurs écosystèmes d’applications mobiles (j’achète mon smartphone, et j’achète ensuite auprès du fabricant ou d’autres entreprises des applications qui vont en démultiplier sa valeur d’usage). Par exemple, les <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/automobile/automobile-la-revolution-des-options-a-la-demande-1880240">constructeurs automobiles</a> proposent maintenant des options à la demande disponibles uniquement sur abonnement : le client achète son véhicule, et peut ensuite décider s’il active ou non les sièges ou le volant chauffants, l’auto-pilote, etc.</p>
<p>Ce type de modèle économique comporte de multiples avantages. Pour les entreprises, tout d’abord, il permet de sécuriser des revenus récurrents et complémentaires (l’argent continue à rentrer après la vente du bien). Les clients, quant à eux, peuvent tester des options, en vérifier l’adéquation à leurs besoins (usages), et enrichir progressivement leur bien selon l’évolution de leurs revenus ou du progrès technique (achat ultérieur d’options inabordables ou inexistantes au moment de l’achat).</p>
<p>Enfin, l’environnement a également à y gagner : une simple mise à jour durant la vie du produit permet de l’améliorer, d’en prolonger l’existence ou d’en rectifier d’éventuels défauts sans nécessairement devoir le remplacer, ce qui est bien plus écologique.</p>
<h2>Au secours, ma porte ne me laisse plus sortir !</h2>
<p>Décrits de la sorte, de tels produits et modèles économiques semblent une panacée, au vu des problèmes que permet indéniablement de résoudre l’accroissement de leur valeur d’usage. Toutefois, ils portent en leur sein de nombreuses limites, dont certaines restent fortement sous-estimées. Or, ces dernières peuvent être à l’origine de ce que nous avions qualifié, dans un article de recherche publié en 2017, de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/2394964317726451?journalCode=jcva">destruction de valeur</a> pour le client.</p>
<p>En premier lieu, les clients ne sont pas tous prêts à entendre que le produit qu’ils ont acheté est complet, mais qu’ils ne peuvent en retirer le plein usage qu’à condition de payer à nouveau – et ce, potentiellement pendant toute la durée de vie du produit. Outre que ce point n’est pas toujours d’une immense clarté à l’achat, cela contribue à accroître le niveau de dépenses contraint, non sans conséquences sur le pouvoir d’achat et le niveau d’endettement des consommateurs.</p>
<p>Ensuite, ceci provoque un changement radical de la relation entre un client et son fournisseur. En dépit d’un transfert des droits de propriété du second au premier, ces modèles économiques créent des asymétries en donnant un pouvoir très fort au fournisseur.</p>
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<p>Philippe K. Dick l’illustre à la perfection dans son roman <em>Ubik</em>. Écrit en 1966 et publié en 1969 aux États-Unis, il y décrit la situation ubuesque de Joe Chip, un technicien dont l’endettement est tel qu’il ne peut plus sortir de chez lui, n’ayant plus les crédits nécessaires au paiement de chaque ouverture et fermeture de la porte de son logement. S’ensuit un dialogue savoureusement saugrenu entre lui et… sa porte, celle-ci étant automatisée et dotée de parole (et de capacité de prise de décision) grâce à une intelligence artificielle.</p>
<p>Surréaliste ? Tiré par les cheveux ? Vraisemblablement pas, quand on sait que <a href="https://www.theverge.com/2020/2/6/21127243/tesla-model-s-autopilot-disabled-remotely-used-car-update">Tesla a déjà retiré à distance</a>, en 2020, une fonctionnalité d’autopilote à un propriétaire ayant acheté son véhicule d’occasion, au motif qu’il n’avait pas payé le constructeur pour cette fonctionnalité lors de l’achat à l’ancien propriétaire – lequel en avait pourtant fait l’acquisition.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/498680/original/file-20221202-25-yz54vc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/498680/original/file-20221202-25-yz54vc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/498680/original/file-20221202-25-yz54vc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/498680/original/file-20221202-25-yz54vc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/498680/original/file-20221202-25-yz54vc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/498680/original/file-20221202-25-yz54vc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/498680/original/file-20221202-25-yz54vc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">En 2020, le constructeur Tesla avait retiré à distance une fonctionnalité d’autopilote à un propriétaire de véhicule.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Tesla,_Paris_Motor_Show_2018,_Paris_%281Y7A1919%29.jpg">Matti Blume/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>De même, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/amazon-40118">Amazon</a> a, par le passé, <a href="https://www.zdnet.com/article/why-amazon-is-within-its-rights-to-remove-access-to-your-kindle-books/">supprimé des ouvrages</a> des Kindle (liseuse électronique) de certains clients. La question est donc de savoir jusqu’où peuvent aller des entreprises dont les revenus reposent sur ces modèles économiques.</p>
<p>Ces transformations s’accompagnent donc d’une double nécessité. Tout d’abord, plus de transparence et de clarté de la part des entreprises. Elles ne doivent plus se limiter à une accumulation de pages de conditions d’utilisation, formulées en des termes abscons dans lesquelles se noient leurs clients, mais à l’inverse expliquer clairement jusqu’où elles peuvent aller en termes de modification du produit après son achat – ou durant sa location.</p>
<h2>Situations invraisemblables</h2>
<p>Cependant, cette transparence ne pourra faire l’économie d’un accroissement simultané de la régulation, qui semble indispensable pour au moins deux raisons. La première, pour éviter des situations aussi extrêmes et (en apparence) invraisemblables que celle vécue par Joe Chip, dont on ne peut pourtant s’empêcher de penser qu’elles pourraient bien survenir un jour.</p>
<p>Imaginons un immeuble en feu qui refuserait de laisser sortir ses occupants au prétexte qu’ils n’auraient pas de quoi payer l’ouverture de leur porte ! La seconde raison relève de <a href="https://www.lesechos.fr/thema/mobilites-innovations/voitures-connectees-is-big-brother-watching-you-1140451">l’accès aux données personnelles</a> sur lesquelles s’appuient les entreprises pour leurs offres actuelles et futures, et qui renseignent sur le comportement, les préférences, les usages, etc. de leurs clients.</p>
<p>Outre les <a href="https://theconversation.com/series-et-sport-en-streaming-quand-labondance-doffres-encourage-le-piratage-114754">risques liés à des piratages</a> ou fuites, ces <a href="https://theconversation.com/fr/topics/donnees-personnelles-24311">données</a> utilisées dans le cadre de modèles économiques reposant sur l’usage doivent faire l’objet d’une protection accrue, et être rendues aux clients lorsqu’ils les réclament, au risque que les entreprises ne s’en servent pour encore plus enfermer leurs clients au sein de leur écosystème d’usage – posant de gros problèmes de concurrence. Il suffit de changer (ou d’essayer de changer) de service de streaming musical et de vouloir refaire ses playlists ou autres listes d’albums pour saisir la nature du problème.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195841/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Loïc Plé ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les plates-formes proposant l’accès plutôt que la possession font florès dans tous les secteurs. Mais leurs avantages cachent de nombreuses limites, dont la portée reste largement sous-estimée.Loïc Plé, DIrecteur de la Pédagogie - Full Professor, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1858042022-09-06T21:40:12Z2022-09-06T21:40:12ZRendre les modèles économiques « durables » attrayants : le cas de l’électricité néerlandaise<p><a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/284713-nouveau-rapport-du-giec-des-solutions-face-au-rechauffement-climatique">Rendre l’économie plus durable</a> afin d’éviter les effets désastreux du changement climatique est devenu une nécessité indiscutable. Or une transition vers une économie « net zéro » implique un changement fondamental dans la manière dont les <a href="https://theconversation.com/comment-les-grandes-entreprises-prennent-elles-en-compte-les-enjeux-climatiques-183739">entreprises fonctionnent</a> et gagnent de l’argent.</p>
<p>Par conséquent, les modèles économiques actuels, axés uniquement sur la réalisation de bénéfices, ne sont plus viables dans un avenir « net zero ». Comment alors les remplacer ? À quoi ressembleront les modèles économiques de l’avenir ? Et comment convaincre les leaders du marché de changer une recette gagnante ? Sachant qu’il est peu probable qu’ils puissent maintenir les mêmes flux de revenus avec un modèle durable.</p>
<p>Il existe de nombreuses options, mais <a href="https://doi.org/10.1016/j.jbusvent.2009.07.005">seules quelques-unes</a> sont jusqu’à présent parvenues à s’imposer dans un monde où l’essentiel de l’argent est encore gagné par des entreprises qui polluent la planète et n’ont pas à payer pour cela. Comment les entrepreneurs qui conçoivent ces modèles réussissent-ils à faire accepter leurs idées, quand bien même elles remettent en cause les idées reçues sur ce que les consommateurs aiment et sont prêts à payer ?</p>
<h2>Mettre en avant d’autres avantages</h2>
<p>Dans notre <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/10860266221079406">dernière publication</a>, nous montrons comment des entrepreneurs du secteur néerlandais de l’électricité ont réussi à rallier le public à leur modèle de vente d’électricité verte. Pendant des décennies, le secteur de l’électricité a été dominé par un modèle dans lequel des entreprises verticalement intégrées produisaient de l’électricité dans de grandes centrales utilisant des combustibles fossiles.</p>
<p>Mais les pressions en faveur de la décarbonation, de la numérisation et de la déréglementation du secteur ont permis à de nouveaux acteurs d’entrer sur le marché avec une proposition différente. Comment ont-ils su se rendre attractifs ?Les modèles classiques de vente d’électricité reposent sur l’idée que « l’argent est roi ». Le prix et la fiabilité déterminent le choix des clients, rien d’autre.</p>
<p>C’est en changeant cette perception de ce qui fait la valeur de l’électricité verte que les entrepreneurs néerlandais ont su rendre leur modèle attrayant. Sans ignorer l’importance du prix et de la fiabilité, ils mettent également en avant d’autres avantages à choisir l’électricité verte. Certains arguments de vente consistent à laisser les clients choisir la provenance de leur électricité (elle est produite dans mon village), qui produit leur électricité (elle est produite par mes amis et ma famille) et comment leur électricité est produite (je peux décider comment elle est produite).</p>
<p>Toutefois, mettre l’accent sur ces aspects n’a pas suffi à généraliser les modèles de l’électricité verte.</p>
<h2>Décrédibiliser les acteurs classiques</h2>
<p>Les entrepreneurs, ainsi que les ONG, ont également dû changer la perception des clients sur les offres des leaders du marché en montrant que ces offres n’étaient pas vraiment vertes. En partie grâce à un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=7bJcHMsPrl4">marketing non conventionnel</a>, ils ont fait germer dans l’esprit des gens l’idée que l’on ne pouvait pas faire confiance aux grandes compagnies d’électricité pour mener à bien la transition vers une consommation nette zéro.</p>
<p>Une start-up influente, Vandebron, a ainsi proposé d’acquérir une centrale électrique au charbon <a href="https://cleantechnica.com/2017/03/24/energy-start-up-vandebron-bids-dutch-coal-power-plant-turn-theme-park/">pour un million d’euros</a>, avec l’intention de la transformer en parc d’attractions. Elle a tenté de prouver que le propriétaire actuel, Nuon, n’était pas disposé à mettre fin à ses activités liées aux combustibles fossiles.</p>
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<p>Les entrepreneurs ont également fait prendre conscience aux gens que la plupart de l’électricité verte proposée n’était pas produite aux Pays-Bas, mais qu’elle était simplement le résultat d’un <a href="https://theconversation.com/label-vertvolt-vers-une-prise-en-compte-de-ladditionnalite-dans-les-offres-delectricite-verte-173277">exercice sur papier</a> où les entreprises achètent des certificats verts pour affirmer que leur électricité sale est verte.</p>
<p>En faisant honte aux entreprises existantes, les entrepreneurs ont créé un espace pour leur propre offre, car les consommateurs ont commencé à chercher des fournisseurs alternatifs, vendant de l’électricité réellement verte. Ils ont également fait pression sans relâche pour obtenir des changements réglementaires permettant de déployer d’autres modes d’approvisionnement en électricité, tels que la livraison de pair-à-pair et les micro-réseaux communautaires.</p>
<h2>Déboulonner le mythe du prix bas</h2>
<p>En faisant comprendre aux gens que l’électricité verte présente de nombreux avantages et que l’on ne peut pas faire confiance aux leaders du marché pour atteindre le net zéro, les entrepreneurs ont réussi à montrer qu’il est possible de faire les choses différemment et que cela peut être source de succès économique.</p>
<p>Ils ont démantelé l’idée selon laquelle les entreprises ne peuvent réussir dans ce secteur que si elles proposent un prix bas : au contraire, ils ont révélé que les citoyens sont prêts à payer un peu plus si l’électricité est produite localement, s’ils peuvent l’acheter directement à leurs voisins, leur famille ou leurs amis, ou si cela signifie qu’un prix équitable est versé à ceux qui produisent l’électricité.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/oYFjAV5Esq8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Les business models de l’innovation sociale » avec Thibault Daudigeos et Caroline Gauthier (Xerfi Canal, 21 janv. 2019).</span></figcaption>
</figure>
<p>Même si l’électricité elle-même a exactement la même fonction, à savoir alimenter nos appareils, les entrepreneurs ont montré que les gens accordent de l’importance à la provenance de leur électricité et à la manière dont elle est produite. Déboulonner les mythes sur la réussite dans le secteur a ouvert les yeux des leaders du marché qui ont commencé à acquérir des start-up dont les <em>business model</em> durables ont fait leurs preuves.</p>
<p>Alors, ces modèles durables dominent-ils désormais le secteur ? Malheureusement, non. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Mais les entrepreneurs et les ONG ont réussi à prouver qu’il était possible de créer de la valeur autrement, et ils ont aidé les leaders du marché à se diversifier, en proposant une électricité véritablement verte, livrée de différentes manières, notamment par des plates-formes d’échange d’énergie de pair-à-pair. Les gens ont désormais beaucoup plus de choix pour passer au vert.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185804/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>C’est désormais l’un des principaux défis auxquels sont confrontées les entreprises : construire des modèles économiques à la fois durables, rentables et attractifs pour le grand public.Anne-Lorène Vernay, Associate professor, Grenoble École de Management (GEM)Jonatan Pinkse, Professor, University of ManchesterMélodie Cartel, Lecturer in organization theory, UNSW SydneyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1842682022-06-20T19:16:53Z2022-06-20T19:16:53ZFaut-il simplement interdire les néonicotinoïdes pour en sortir ?<p>Alors que la « Loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages » de 2016 (dite <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000033016237">Loi Biodiversité</a>) actait la fin de l’usage des néonicotinoïdes dès le 1<sup>er</sup> septembre 2018, ces produits insecticides ont été à nouveau autorisés en 2020 en raison de la jaunisse de la betterave, transmise par le puceron vert du pêcher.</p>
<p>Cette autorisation qui devait être temporaire a été maintenue et a été <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/02/01/les-neonicotinoides-a-nouveau-autorises-temporairement-dans-les-champs-de-betteraves-sucrieres_6111846_3244.html">reconduite pour la récolte 2022</a>. Pour justifier ce retour en arrière, l’argument avancé il y a quelques mois par celle qui était ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, était la nécessité de sauver la filière de la betterave à sucre en France. La décision recevait un large soutien des producteurs.</p>
<p>Pour comprendre la mobilisation de la profession autour de la réautorisation des néonicotinoïdes, rappelons que les quotas sucriers ont été supprimés le 1<sup>er</sup> octobre 2017 dans le cadre de la libéralisation des marchés agricoles. Les producteurs français ont, par conséquent, été soumis à une concurrence beaucoup plus forte venant d’autres pays grands producteurs de sucre. Celle-ci s’est traduite par une forte augmentation de l’offre, et donc une forte baisse des prix.</p>
<p>Dès 2017, Alain Jeanroy, alors directeur général de la Confédération des planteurs de betteraves, déclarait que la filière française de production de sucre betteravier devait améliorer sa compétitivité et ses <a href="https://indices.usinenouvelle.com/produits-agricoles/la-filiere-betteraviere-doit-ameliorer-sa-competitivite-en-vue-de-l-apres-quotas.5852">rendements</a>. Cet abandon des quotas et une inadaptation de l’outil de production agro-industriel à la concurrence internationale ont conduit à une <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/agriculture/quatre-sucreries-vont-fermer-en-2020-la-filiere-betteraviere-est-en-colere-6703701#:%7E:text=Notamment%20en%20Normandie.&text=La%20fermeture%20en%202020%2C%20de,dans%20l%27arrachage%20des%20betteraves.">vague de fermetures de sucreries</a>.</p>
<h2>Un modèle à transformer</h2>
<p>L’usage des néonicotinoïdes s’est développé à partir des années 1980. Ils sont utilisés dans l’agriculture pour leurs effets neurotoxiques sur les insectes ravageurs des cultures. Les graines sont enrobées de ces produits avant d’être plantées.</p>
<p>Leur interdiction en France fait suite à de premières limitations sur l’usage de plusieurs insecticides de cette catégorie adoptées par l’Union européenne en 2013 sur la base d’un <a href="https://www.efsa.europa.eu/en/efsajournal/pub/3066">rapport</a> d’évaluation publié par l’European Food Safety Agency. Celui-ci expliquait que ce produit était à très haut risque notamment pour les populations d’abeilles et de pollinisateurs, en diminuant leur fertilité, pour les oiseaux intoxiqués par la consommation des graines ou plantes traitées, mais aussi pour les nappes phréatiques des sols agricoles en raison de la faible biodégradabilité de ces produits.</p>
<p>Ces pesticides ont été une des conditions ayant permis la poursuite de l’industrialisation de la production de <a href="https://pubs.acs.org/doi/full/10.1021/acs.est.7b06388">betteraves sucrières</a>. Par conséquent, le modèle économique des producteurs reste encore fortement dépendant de l’utilisation de ces produits : la perspective d’une mauvaise récolte en raison d’une attaque de pucerons, couplée à des prix de marché trop bas et à une actualité qui a <a href="https://www.nationalgeographic.fr/environnement/engrais-une-crise-alimentaire-mondiale-semble-inevitable">fortement impacté le marché des engrais</a>.</p>
<p>Dans le cas de la production sucrière, le plan de prévention des néonicotinoïdes semble faire le choix de maintenir une production industrielle de betteraves, plutôt que de poser la question de la transformation du modèle agricole tant en termes d’organisations que de productions.</p>
<h2>Une multitude d’acteurs concernés</h2>
<p>Le courant des <em>transition studies</em> s’intéresse tout particulièrement aux processus de transition par lesquels de nouvelles pratiques peuvent remplacer des pratiques non soutenables. Les travaux issus de ce courant de recherche montrent que, si l’innovation est une condition nécessaire à la transition, celle-ci doit s’inscrire dans un cadre institutionnel et des modèles économiques d’organisation renouvelés. Autrement dit, les innovations ne valent que parce qu’elles peuvent être intégrées dans de nouvelles pratiques de production, d’échange et de consommation.</p>
<p>Pour ce faire, comme nous le montrions dans une <a href="https://doi.org/10.1016/B978-0-12-811050-8.00024-8">recherche</a> récente, différents acteurs se doivent de rompre avec leurs pratiques passées (installées généralement depuis plusieurs dizaines d’années). Ces processus doivent réunir les acteurs concernés, les pouvoirs publics ainsi que les acteurs de la recherche.</p>
<p>Aussi, pour accompagner cette interdiction des néonicotinoïdes, l’interprofession betteravière s’est engagée dans un plan de prévention, accompagné par l’Inrae, notamment avec des <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/09/22/la-filiere-de-la-betterave-et-du-sucre-presente-un-plan-de-transition-pour-les-neonicotinoides_6053126_3244.html">expérimentations</a> de nouveaux produits en plein champ. De même, au sein du projet de recherche <a href="https://neoma-bs.fr/a-propos-de-la-faculte/recherche/poles-chaires-instituts/chaire-bio/projets/">AGRIBIOEST</a>, soutenu par la région Grand-Est, nous cherchons à mettre en évidence les leviers stratégiques grâce auxquels les coopératives agricoles peuvent être acteurs de la transition écologique.</p>
<h2>Le pari de la diversification</h2>
<p>L’agriculture fait aujourd’hui l’objet de trois nouvelles demandes : fournir une alimentation de qualité (allégée en sucre, sans traces de pesticides, etc.), adopter des modes de production durables et fournir des matières premières (à vocation non alimentaire) pour soutenir le développement d’une <a href="https://doi.org/10.1051/nss/2021011">bioéconomie</a>.</p>
<p>Dans le cas du sucre, la filière betteravière pourrait tout d’abord accepter de répondre à la demande sociale d’une alimentation de meilleure qualité en assumant une baisse de sa production de sucre. Cette diminution permettrait de limiter les quantités produites et probablement d’en augmenter les prix. De plus, cette baisse des quantités produites libèrerait des terres utilisables pour d’autres productions alimentaires (redéveloppement du maraîchage par exemple) ou non alimentaire grâce des types de biomasse particulièrement utiles pour la production de matériaux biosourcés (chanvre, lin, ortie, etc.).</p>
<p>S’engager dans la transition écologique conduirait la filière betteravière à se diversifier et explorer de nouveaux équilibres entre alimentaire et non alimentaire portés par une variété de biomasse, sécurisant le modèle économique des acteurs. Et cela peut se faire en adoptant une démarche de réduction de l’utilisation des intrants les plus polluants. Il s’agirait, au moment de se diversifier, de choisir des produits dont la culture est facilement durable (comme le chanvre) et permettant de viser des applications socialement utiles (matériaux de construction durables, <a href="https://blog.neoma-bs.fr/innovations-environnementales-confrontees-a-leurs-usages-lexemple-bioplastiques/">plastiques durables</a>, etc.).</p>
<p>Dans le même temps, le développement des nouvelles activités doit s’appuyer sur des dispositifs de financement permettant aux territoires ruraux de s’équiper d’outils de production industriels. Ces outils peuvent être de tailles variées, mais aussi être partagés en fonction des besoins.</p>
<p>Ce mouvement de diversification par des productions spécialisées et de plus petite taille permettrait d’échapper au problème de l’intensité capitalistique des grandes unités de production en générant une demande limitée en matière de financement. Ainsi, la diffusion de ces modèles à l’échelle des territoires où les coopératives sont implantées permettrait également de favoriser le développement d’emplois industriels hautement qualifiés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184268/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les résultats présentés ont été obtenus dans le cadre du projet AGRIBIOEST (projet financé par la Région Grand Est) mené au sein de la chaire Bioéconomie et Développement Soutenable de NEOMA Business School (financée par NEOMA BS, la Communauté Urbaine du Grand Reims, la Fondation du Site Paris-Reims et la CCI Marne-en-Champagne).</span></em></p>Le courant des « transition studies » montre qu’une innovation ou une interdiction n’a d’efficacité que lorsqu’elles s’intègrent dans un cadre organisationnel renouvelé.Nicolas Béfort, Économie de la transition écologique, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1840122022-05-31T18:56:24Z2022-05-31T18:56:24ZÉconomie circulaire : comment transformer les modèles économiques existants ?<p>Les modèles économiques (ou business models) traditionnels, tenant pour référence le triptyque productiviste (exploitation, fabrication, mise au rebut), considèrent la nature comme étant prodigue d’une quantité infinie de ressources. Autrement dit, nos systèmes économiques sont conçus comme de vastes circuits ouverts qui n’ont de cesse de siphonner les ressources naturelles pour les transformer en produits qui, en bout de chaîne, sont entièrement ou en partie détruits.</p>
<p>Contrairement aux modèles économiques linéaires, les modèles circulaires se fondent sur un système à circuit fermé, qui vise à utiliser et transformer les matières circulant déjà dans l’économie, plutôt que d’en retirer à la nature. Ainsi, ces modèles circulaires présentent une empreinte environnementale plus faible sur deux plans : ils évitent l’exploitation des ressources naturelles et revalorisent les ressources qui pourraient être considérées comme des déchets.</p>
<p>La croissance exponentielle de la consommation mondiale, associée aux ruptures de chaîne d’approvisionnement dues à la crise sanitaire, aux bouleversements climatiques, réglementaires ou des marchés, a rendu plus évident l’impératif de faire évoluer nos pratiques commerciales vers les principes de l’économie circulaire en circuit fermé. Or, les stratégies commerciales qui valorisent des solutions et innovations systémiques circulaires peuvent permettre une plus grande efficacité d’utilisation des ressources et des économies annuelles estimées à <a href="https://ellenmacarthurfoundation.org/towards-the-circular-economy-vol-3-accelerating-the-scale-up-across-global">mille milliards de dollars d’ici 2025</a>, selon les chiffres de la fondation Ellen MacArthur lancée par la navigatrice britannique.</p>
<h2>Source d’opportunités</h2>
<p>La restructuration systématique de nos modèles d’entreprise pourrait donc faire diminuer très largement la pression que subissent les écosystèmes naturels. Repenser la création de valeur afin d’éviter l’extraction de matières premières vierges lorsque des substituts déjà en circulation existent, ainsi qu’une refonte de relations au sein de la chaîne d’approvisionnement pour éviter le gaspillage, apparaissent comme deux moyens fondamentalement différents de produire et de consommer des biens et des services.</p>
<p>Dans mon dernier article de recherche publié dans le <a href="https://www.elgaronline.com/view/edcoll/9781800373082/9781800373082.00024.xml"><em>Research Handbook on Innovation for a Circular Economy</em></a>, je propose un cadre d’orientation modulable pour piloter le développement de nouveaux modèles économiques qui nécessite de refondre en profondeur chacun de ses blocs constitutifs : les produits, les chaînes d’approvisionnement et les parcours clients. C’est déjà aujourd’hui le principe, par exemple, de la <a href="https://ellenmacarthurfoundation.org/circular-examples/hm-group">feuille de route du groupe de textile-habillement H&M pour parvenir à un « écosystème circulaire »</a>, développée en partenariat avec la Fondation Ellen MacArthur.</p>
<p>Certains des changements attendus impliquent la reconception de produits durables, permettant ainsi d’utiliser des matériaux recyclés ou réutilisés, de créer une logistique renversée, des réseaux de collaboration répliqués dans les chaînes d’approvisionnement existantes et d’élaborer des parcours clients qui valorisent les produits circulaires.</p>
<p>Avec cette refonte en trois blocs, les entreprises peuvent modifier, ajouter, créer ou transformer différentes dimensions dans le cadre modulable proposé, afin de repenser méthodiquement leurs processus au fur et à mesure de la mise en œuvre des applications circulaires. Par exemple, les diverses initiatives de la marque de vêtements Patagonia, qui s’est lancée <a href="https://eu.patagonia.com/fr/en/stories/our-quest-for-circularity/story-96496.html">à la recherche de la circularité depuis deux décennies</a>, visent à redéfinir en priorité ses produits de sorte que l’entreprise puisse récupérer et utiliser tous ses déchets.</p>
<h2>Des acteurs de premier plan d’ici 10 ans</h2>
<p>Malgré leur avantage concurrentiel durable certain, les modèles circulaires ne s’implantent cependant encore que dans des marchés de niche, ce qui signifie qu’ils bénéficient d’une part de marché plus faible par rapport aux modèles d’extraction traditionnels. En moyenne, les modèles économiques circulaires représentent environ <a href="https://www.oecd.org/environment/waste/policy-highlights-business-models-for-the-circular-economy.pdf">15 % de la production dans</a> tous les secteurs. Néanmoins, les avancées technologiques, les changements générationnels, les risques commerciaux, ou encore la nouvelle réglementation supranationale au niveau de l’Union européenne augurent l’accélération de cette proportion.</p>
<p>Le <a href="https://ec.europa.eu/environment/strategy/circular-economy-action-plan_en">plan d’action pour l’économie circulaire de l’UE</a> adopté en 2020 dans le cadre du Pacte Vert européen introduit notamment des mesures comptant sur la participation des consommateurs, des entreprises et des citoyens selon un calendrier servant de prérequis pour devenir le premier continent climatiquement neutre d’ici à 2050.</p>
<p>Malgré leurs promesses, les modèles économiques circulaires doivent en effet encore relever un défi de taille : briser les barrières culturelles et commerciales. Une <a href="https://circulareconomy.europa.eu/platform/sites/default/files/171106_white_paper_breaking_the_barriers_to_the_circular_economy_white_paper_vweb-14021.pdf">étude réalisée par Deloitte et l’université d’Utrecht</a> a révélé que, malgré le battage médiatique et une appétence évidente pour les transformations du marché circulaire, tant les consommateurs que les entreprises rejettent les concessions qui doivent être faites à l’heure actuelle.</p>
<p>D’une part, les consommateurs sont partiellement inconscients des enjeux ou peu disposés à changer leurs habitudes de consommation, surtout lorsqu’ils sont pressés ou ont un budget limité. D’autre part, les entreprises doivent arbitrer entre satisfaire les intérêts des actionnaires, supporter les investissements initiaux élevés dans la transformation des processus, développer de nouveaux partenariats et de nouvelles voies d’accès au marché et former leurs collaborateurs aux processus circulaires. En outre, les matériaux circulaires (réutilisés, recyclés, upcyclés, biosourcés) restent toujours plus chers que les matériaux traditionnels (par exemple, les plastiques à base de pétrole).</p>
<p>Heureusement, le cumul de pression sociétale, d’intérêt politique et d’influence des investisseurs dessine une voie qui a peu de chances d’aboutir si elle suit un modèle d’économie linéaire. Selon un récent article publié par le <a href="https://www.weforum.org/agenda/2022/01/5-circular-economy-business-models-competitive-advantage/">Forum économique mondial</a>, les entreprises nées dans la circularité seront des acteurs de premier plan dès 2030, précisément en raison de leurs modèles fondés sur des principes circulaires qui leur confèrent un avantage certain. La marque de produits d’hygiène avec moins de conditionnement <a href="https://unbottled.co/pages/formulation-ingredients">Unbottled</a> en France et son homologue <a href="https://weare.lush.com/fr/la-vie-selon-lush/nos-valeurs/economie-circulaire/">Lush</a> au Royaume-Uni en sont deux excellents exemples. Hormis les causes éthiques et environnementales qu’elles défendent, ces entreprises circulaires dès leur création proposent toutes deux plus de la moitié de leurs produits sans emballage. Bien qu’aucun modèle d’entreprise ne soit encore véritablement circulaire, la transformation semble donc avancer à grands pas.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184012/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Maria Figueroa-Armijos ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un travail de recherche préconise d’opérer le changement autour de la refonte de trois blocs : les produits, les chaînes d’approvisionnement et les parcours clients.Maria Figueroa-Armijos, Associate Professor of Entrepreneurship, EDHEC Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1821912022-05-03T18:37:57Z2022-05-03T18:37:57ZFlink, Getir, Cajoo… Les « dark stores » et le « quick commerce » remodèlent les grandes villes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/460343/original/file-20220428-25-2hv60h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1386%2C780&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un dark store JOKR à New York.
</span> <span class="attribution"><span class="source"> Matthieu Schorung</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>129 milliards d’euros. Voilà le montant atteint en 2021 par les <a href="https://www.fevad.com/chiffre-cles-2021-fevad/">ventes du e-commerce en France</a>. C’est plus de deux fois le montant de 2014 (57 milliards d’euros).</p>
<p>L’alimentaire en ligne pèse dans ce premier chiffre pour <a href="https://www.lsa-conso.fr/la-livraison-a-domicile-alimentaire-pese-desormais-plus-que-le-drive,399526">presque 20 milliards d’euros</a>. Il s’agit là surtout de la livraison de repas ou de courses venant de la grande distribution. Le segment de la livraison rapide voire <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01627851/document">« instantanée »</a>, parfois appelé « quick commerce », n’a, lui, engendré « que » <a href="https://www.lsa-conso.fr/les-chiffres-a-retenir-de-la-matinee-quick-commerce-lsa,399506">122 millions d’euros</a> de chiffre d’affaires en 2021 en France.</p>
<p>Ce segment reste encore un marché de niche, essentiellement réservé aux grandes villes, mais il a connu tout de même un taux de croissance entre 2020 et 2021 de 86 %. De nouveaux acteurs se sont développés à Paris, Londres et New York. Leurs noms sont Cajoo, Gorillas, Flink, Getir, JOKR ou encore Gopuff et l’explosion du secteur impose désormais sa marque dans le paysage urbain.</p>
<p>Cette activité nécessite en effet des espaces de stockage et de traitement des commandes implantés dans les zones urbaines, afin d’organiser des livraisons ultrarapides dans un rayon d’environ deux kilomètres. Aménagés comme des supérettes, ces petits entrepôts d’une surface inférieure à 400 m<sup>2</sup> ne sont accessibles qu’au personnel chargé de la collecte et de la livraison des produits. D’où leur nom plus répandu de « dark store », que certains traduisent en France en « magasin sombre » ou « entrepôt de l’ombre ».</p>
<p>Un <a href="https://www.apur.org/fr/nos-travaux/drive-pietons-dark-kitchens-dark-stores-nouvelles-formes-distribution-alimentaire-paris">rapport récent</a> de l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur), estime en janvier 2022 leur nombre à 80 dans la capitale française. Amsterdam en comptait <a href="https://www.parool.nl/amsterdam/stadsdeel-west-treedt-op-tegen-dark-stores-overlast-door-flitsbezorgers-te-groot%7Ebdf442c6/">environ 28</a> en activité à la mi-décembre 2021 et New York <a href="https://www.wired.com/story/dark-stores-ecommerce-cities-urban-planning/">110</a> à la fin du mois de février 2022.</p>
<p>Le phénomène s’avère désormais bien visible donc, mais loin de la déferlante parfois évoquée dans la presse ou par certains politiques. Le secteur reste d’ailleurs encore en pleine consolidation comme en témoignent processus de rachat (<a href="https://www.lefigaro.fr/societes/livraison-rapide-gorillas-et-frichti-annoncent-des-negociations-exclusives-pour-un-rapprochement-20220124">Frichti</a> par Gorillas, par exemple) et retraits précipités de marché.</p>
<h2>Pas les premiers</h2>
<p>L’un des effets de la pandémie a été d’obliger bon nombre d’entreprises à élargir leurs modes de distribution, ou tout du moins d’accélérer le mouvement existant. Elles n’étaient qu’un magasin physique ou qu’une plate-forme numérique ? Avec le « click and collect », beaucoup jouent maintenant <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/IJPDLM-02-2018-0092/full/html">sur les deux tableaux</a>, avec plusieurs supports sur chacun. On parle de modèles « omnicanaux ».</p>
<p>Le magasin devient désormais un <a href="https://www.researchgate.net/publication/319266786_Retail_digitalization_Implications_for_physical_stores">hub multifonctionnel</a>. Il fait office de salle d’exposition, de point relais, de lieu de retour, de micro-entrepôt et de microcentre de traitement des commandes.</p>
<p>Le quick commerce n’a donc pas inventé les dark stores mais s’inscrit plutôt dans un modèle de vente au détail qui était déjà en mutation avant la crise de la Covid-19. Ce n’est pas non plus le premier à tester le magasin comme centre de traitement pour la livraison locale. La chaîne de supermarchés Monoprix exploite par un exemple un entrepôt de l’ombre à Paris depuis 2019. Franprix a, lui, dédié cinq de ses magasins situés dans des zones de bureaux, vides pendant le confinement, aux commandes en ligne avant de les rouvrir à nouveau au public.</p>
<p>Le modèle trouve en fait ses origines en Asie. En Chine notamment, la livraison instantanée de produits d’épicerie est une pratique de consommation établie depuis plus de cinq ans avec des entreprises comme Hema Fresh.</p>
<h2>Un mode de développement en question</h2>
<p>Reste que, plus que d’autres détaillants qui font usage de dark stores, le quick commerce se heurte à leur implantation désordonnée dans les villes. De fait, les investisseurs poursuivent une stratégie dite de « blitzscaling ». Il s’agit de se lancer dans une course à la croissance pour prendre l’avantage sur ses concurrents. L’idée : devenir le plus gros et tout emporter.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1504785132884013089"}"></div></p>
<p><a href="https://www.lesechos.fr/start-up/ecosysteme/getir-la-licorne-turque-qui-a-revolutionne-la-livraison-debarque-a-paris-1325596">Getir</a> est ainsi devenue la deuxième licorne, tous secteurs confondus, d’origine turque. La brésilienne <a href="https://www1.folha.uol.com.br/mercado/2021/12/start-up-de-delivery-daki-vira-unicornio-apos-aporte-de-us-260-milhoes-na-jokr.shtml">Daki</a> a atteint ce statut en dix mois d’activité seulement. Gorillas a, elle, <a href="https://www.frenchweb.fr/quick-commerce-dans-un-contexte-tendu-gorillas-leve-1-milliard-de-dollars-pour-financer-sa-croissance/429271">levé près d’un milliard de dollars</a> pour financer son expansion ultrarapide.</p>
<p>Ce développement rapide pose néanmoins des <a href="https://thehill.com/changing-america/sustainability/infrastructure/584994-how-dark-stores-are-taking-over-american">questions</a> quant au besoin de régulation de ce secteur. Des questions concernant l’espace public en premier lieu. Comment limiter les nuisances liées aux mouvements et au stationnement des livreurs pour les riverains ? Comment appréhender leur impact quant à la surutilisation des infrastructures cyclables et de voirie ?</p>
<p>La question est aussi d’ordre commercial : les dark stores menacent-ils le petit commerce de détail ou même les magasins urbains de la grande distribution ? La multiplication de ces espaces inaccessibles, cachés du public, menace-t-elle une certaine forme de vie urbaine et d’animation des rues ? Et juridiquement, comment les dark stores doivent-ils être considérés notamment au regard des documents locaux d’urbanisme : des espaces commerciaux ou des espaces logistiques ? Surtout si l’on sait que la logique concurrentielle amènera, a priori, les <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/12/16/kol-premiere-victime-de-la-frenesie-du-quick-commerce_6106338_3234.html">faillites</a> des plus petits et donc des espaces vides.</p>
<h2>Contre-attaques municipales</h2>
<p>D’aucuns soulignent que les dark stores s’installent souvent, par opportunisme, dans d’anciens locaux commerciaux situés à des emplacements devenus indésirables. À Londres, par exemple, ils viennent s’implanter sous les arches de chemin de fer, dans les parcs industriels légers et les sous-sols des centres commerciaux. Ces espaces se voient ainsi parfois donner une <a href="https://drive.google.com/file/d/1OpR_61OdYNddevGDKU8Z84XuvV_wcYQK/view">seconde chance</a>.</p>
<p>Les municipalités traduisent cependant certaines inquiétudes et <a href="https://www.franceinter.fr/economie/pourquoi-la-multiplication-des-dark-stores-au-coeur-des-grandes-villes-inquiete-les-municipalites">multiplient les initiatives</a> visant à réguler voire à s’opposer à leur développement. Certains dirigeants affichent même une hostilité que l’on peut juger parfois démesurée, mobilisant des arguments moralisateurs et négligeant le fait que cette offre répond à une demande des consommateurs.</p>
<p>La [ville de Paris] a, par exemple, décidé d’engager une procédure, en mars 2022, pour fermer 45 des 80 dark stores identifiés par l’Apur. L’argument utilisé : un non-respect des règles du Plan local d’urbanisme. Elle a également mis en place une procédure permettant aux citoyens de <a href="https://www.paris.fr/pages/signaler-un-dark-store-non-autorise-20717">signaler les entrepôts non autorisés</a> dans leur quartier. Aux Pays-Bas, à Amsterdam et Rotterdam, c’est un <a href="https://www.swissinfo.ch/eng/rotterdam-joins-amsterdam-in-freezing-new--dark-stores-/47318284">moratoire</a> d’un an sur l’ouverture de nouveaux lieux de ce type qui a été décidé en janvier 2022.</p>
<h2>Contourner ou coopérer</h2>
<p>Les moyens de régulation du quick commerce restent cependant assez limités. Depuis le début de l’année 2022, deux tendances se dégagent du côté des entreprises. On observe, d’un côté, une volonté de s’adapter voire de contourner les nouvelles règles locales. Getir, par exemple, va expérimenter un service de <em>click-and-collect</em> permettant de <a href="https://www.chargedretail.co.uk/2022/02/03/getir-to-trial-click-and-collect-from-dark-stores/">classer ses entrepôts comme des commerces</a>. D’autres innovent et proposent une vente à emporter de produits frais comme GoPuff à New York qui a inauguré GoPuff Market combinant espace logistique, boutique et café.</p>
<p>De l’autre côté se dessine une volonté de coopérer avec les municipalités. À <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/la-mairie-de-paris-demande-la-fermeture-de-45-dark-stores-ouverts-illegalement-20220307">Paris</a>, la mairie a également proposé d’aider les quick commerçants comme Cajoo à trouver des locaux adaptés comme les parkings souterrains.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/460342/original/file-20220428-25-zeunul.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/460342/original/file-20220428-25-zeunul.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/460342/original/file-20220428-25-zeunul.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/460342/original/file-20220428-25-zeunul.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/460342/original/file-20220428-25-zeunul.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/460342/original/file-20220428-25-zeunul.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/460342/original/file-20220428-25-zeunul.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/460342/original/file-20220428-25-zeunul.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Un Gopuff Market entre Soho et Tribeca New York avec son avant boutique réservée à la vente à emporter.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Matthieu Schorung</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>La nécessaire régulation du quick commerce, en particulier sur le respect des règles d’urbanisme et sur la limitation des nuisances, ne doit cependant pas faire oublier que le secteur n’est désormais qu’une manifestation supplémentaire des évolutions du commerce urbain. La vente en ligne a pénétré la vie urbaine et transformé les habitudes de consommation. Les livraisons depuis les magasins physiques, le click-and-collect, les drives piétons, les consignes automatiques sont autant d’autres marques dans la ville de ces évolutions. En outre, il faut peut-être relativiser les effets des dark stores sur le tissu économique local : Paris compte à ce jour moins de cent entrepôts pour plus de 60 000 commerces intra-muros.</p>
<p>Dans ces débats, il parait nécessaire de trouver les moyens de récolter des données fiables. Il y a là un manque criant que la Chaire Logistics City de l’université Gustave Eiffel tente de combler. Elle s’est engagée depuis plusieurs semaines dans un travail de comptages et d’observations dans la capitale française, notamment sur les mouvements des livreurs et sur les véhicules qui servent à la livraison. Il s’agit de mettre à l’agenda local l’organisation d’une logistique urbaine durable dans toutes ses dimensions et de repenser un commerce de ville en pleine évolution.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182191/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laetitia Dablanc a reçu de nombreux financements de projets de recherche académique (voir liste sur CV en ligne). Elle est membre du think tank Terra Nova.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Heleen Buldeo Rai et Matthieu Schorung ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>À l’instar de la ville de Paris, de nombreuses municipalités tentent de limiter l’implantation de ces structures nécessaires au e-commerce et aux livraisons dites « instantanée ».Matthieu Schorung, Docteur. Postdoctorant, Chaire Logistics City, SPLOTT, Université Gustave Eiffel, Université Gustave EiffelHeleen Buldeo Rai, Postdoctorante, Chaire Logistics City, Université Gustave Eiffel, Université Gustave EiffelLaetitia Dablanc, Professor, Université Gustave EiffelLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1743102022-01-26T19:29:05Z2022-01-26T19:29:05ZL’ubérisation mondiale de l’enseignement supérieur est-elle éthique ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/439191/original/file-20220103-84343-1prkxqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=386%2C835%2C1693%2C1122&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’essor des outils numériques a entraîné l’irruption de nouveaux acteurs dans l’économie de l’apprentissage.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:University_of_Exeter_Building-One.jpg">Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Fin 2021, une nouvelle faille s’est ouverte dans le modèle économique d’Uber : La <a href="https://www.economist.com/britain/2021/12/11/a-court-bashes-uber-into-compliance-again">Haute Cour de Londres a condamné la plate-forme</a> pour sa relation contractuelle avec les chauffeurs que la société insiste à considérer (et à traiter) comme des « entrepreneurs » indépendants et non comme des employés subordonnés. Cette décision fait suite à un arrêt similaire de la Cour suprême en février 2021, qui exhortait Uber à reconnaître certains droits à ses chauffeurs, tels que le <a href="https://www.theguardian.com/technology/2021/feb/19/uber-drivers-workers-uk-supreme-court-rules-rights">salaire minimum et les congés payés</a>.</p>
<p>Ces arrêts ne représentent pas seulement un risque juridique pour la plate-forme, au Royaume-Uni et ailleurs, mais appellent, une fois de plus, à un examen de la base éthique du modèle économique de l’entreprise.</p>
<p>Certains commentateurs ont été si critiques qu’ils ont demandé aux régulateurs de « <a href="https://hbr.org/2017/06/uber-cant-be-fixed-its-time-for-regulators-to-shut-it-down">fermer Uber</a> », arguant que son modèle commercial est intentionnellement « fondé sur la violation de la loi » comme moyen de créer un avantage concurrentiel. L’ubérisation de notre économie montre-t-elle son côté obscur ?</p>
<h2>« Gig economy »</h2>
<p>Le modèle commercial innovant d’Uber a connu un tel succès qu’il a été reproduit par de nombreux autres acteurs de la « gig economy » (économie à la tâche), néologisme désignant la transformation des relations permanentes entre employeurs et travailleurs en une prestation de service temporaire et contractuelle (un « gig ») facilitée par un orchestrateur de réseau. Cette ubérisation a eu lieu dans de nombreuses autres activités économiques, comme la livraison de nourriture (Foodora, Deliveroo et Uber lui-même), le tourisme (Airbnb, Couchsurfing), et même les soins de santé, avec les services de consultation en ligne.</p>
<p>Pourtant, cette innovation commerciale semble entraîner un risque de régression sociale. Par exemple, certains chercheurs ont souligné comment, en Australie, la Fair Work Commission soutient que les travailleurs de l’économie des petits boulots sont victimes d’une <a href="https://theconversation.com/how-to-stop-workers-being-exploited-in-the-gig-economy-103673">« exploitation moderne »</a>, car les droits fondamentaux des travailleurs ne leur sont pas appliqués. D’autres critiques pointent les « <a href="https://theconversation.com/uber-might-not-take-over-the-world-but-it-is-still-normalising-job-insecurity-127234">pratiques d’emploi parasitaires</a> » d’Uber, car l’entreprise réalise des profits privés en profitant des systèmes de protection sociale et des incitations économiques existantes (un exemple de <a href="https://sk.sagepub.com/reference/sage-encyclopedia-of-business-ethics-and-society-2e/i19117.xml">« free riding »</a>, c’est-à-dire de « passager clandestin », un problème bien connu dans les sciences sociales).</p>
<p>Au Royaume-Uni, la création d’une plate-forme en ligne pour fournir des services de santé mentale a été considérée comme une « dévalorisation » et soulève de sérieuses inquiétudes quant à la <a href="https://theconversation.com/mental-health-services-in-england-are-being-uberised-and-thats-bad-for-patients-and-therapists-167065">perte de l’approche centrée sur la personne</a>, qui constitue un principe fondamental de la thérapie.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/439186/original/file-20220103-37443-506fi2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/439186/original/file-20220103-37443-506fi2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/439186/original/file-20220103-37443-506fi2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/439186/original/file-20220103-37443-506fi2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/439186/original/file-20220103-37443-506fi2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/439186/original/file-20220103-37443-506fi2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/439186/original/file-20220103-37443-506fi2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le modèle économique d’Uber n’a pas tardé à dépasser le secteur des transports.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/tamaiyuya/49268172768">Yuya Tamai/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>En ce qui concerne le monde de l’éducation, en particulier les établissements d’enseignement supérieur, il a été affirmé que le <a href="https://theconversation.com/business-schools-en-route-pour-luberisation-des-enseignants-chercheurs-121069">processus d’ubérisation a déjà commencé</a>. En effet, on retrouve dans ce secteur au moins trois dimensions qui caractérisent le processus.</p>
<p>Premièrement, avec la numérisation de l’apprentissage, de nouveaux acteurs entrent dans le secteur en tant que « fournisseurs » d’éducation (par exemple, LinkedIn Learning), offrant des expériences d’apprentissage à la demande. Deuxièmement, nous assistons à l’essor des <a href="https://www.managementdelaformation.fr/gestion-de-la-formation/2021/10/06/la-formation-dans-les-entreprises-globales-1-les-universites-d-entreprise/">« universités d’entreprise »</a>, qui, par exemple dans la formation en sciences sociales, en management et en économie ou encore en technique et ingénierie, entrent en concurrence avec les établissements d’enseignement traditionnels dans la transmission de compétences, en particulier avec les programmes de formation des cadres.</p>
<p>Ces deux nouveaux acteurs, malgré leur savoir-faire spécifique et leur expérience professionnelle, ne disposent cependant pas du même niveau de ressources pédagogiques et d’expérience que les universités et autres établissements d’enseignement bien établis.</p>
<p>Enfin, une troisième dimension de l’ubérisation peut être trouvée au sein même des établissements d’enseignement supérieur. Elle fait référence aux différents accords contractuels qui coexistent pour le corps enseignant. Dans les écoles de management et facultés d’économie-gestion, par exemple, les normes d’accréditation EQUIS exigent que les écoles disposent d’un « corps professoral de base bien qualifié » composé de professeurs permanents, suffisant pour créer une <a href="https://www.efmdglobal.org/wp-content/uploads/2021_EQUIS_Standards_and_Criteria-1.pdf">« communauté académique viable »</a> et active tant dans la recherche que dans l’enseignement.</p>
<p>Comme dans d’autres facultés et dans de nombreux contextes géographiques (des États-Unis à l’Italie, en passant par le Royaume-Uni et la France), les établissements d’enseignement supérieur ont également souvent recours, en plus de ce corps professoral permanent, à un certain nombre de professeurs vacataires. Ceux-ci sont engagés (souvent temporairement, parfois avec un contrat à durée indéterminée sur une base horaire) pour soutenir la capacité des institutions à enseigner des classes spécifiques, à gérer certains projets (par exemple, l’encadrement et la supervision d’étudiants), ou à intervenir dans des programmes spécifiques (par exemple, dans la formation de professionnels).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1166274271401971712"}"></div></p>
<p>Il existe plusieurs bonnes raisons de soutenir la coexistence d’un corps professoral permanent et d’un corps professoral auxiliaire, notamment : fournir un soutien essentiel au corps professoral de base ; améliorer la pertinence professionnelle des cours proposés ; élargir le champ de l’enseignement commercial (par exemple, introduire des cours sur l’intelligence artificielle) ; créer de nouvelles formes d’emploi (certaines personnes ne sont pas intéressées par un travail subordonné et/ou à temps plein dans l’éducation).</p>
<p>Pourtant, il semble raisonnable de se demander si certains aspects de l’ubérisation de l’éducation ne soulèvent pas des préoccupations éthiques pour les établissements d’enseignement supérieur, notamment liées à la précarité de certains de ces intervenants vacataires, en particulier ceux en quête d’un emploi « permanent » dans ce secteur. Au reste, la pandémie semble avoir <a href="https://www.theguardian.com/education/2020/jun/03/my-gig-work-as-a-professor-is-more-precarious-than-ever-in-this-pandemic">accentué la précarité</a> des professeurs non permanents (1,3 million aux États-Unis).</p>
<h2>Similitudes</h2>
<p>Si nous analysons le modèle commercial d’Uber en associant la perspective de la théorie des parties prenantes (« stakeholder theory ») à la responsabilité sociale des entreprises, comme nous le suggérons dans nos <a href="https://www.cambridge.org/core/books/abs/stakeholder-theory/stakeholder-theory-and-corporate-social-responsibility/28C25B8074B41CD208725E45E5FEC820">recherches</a>, nous sommes en mesure d’identifier les forces et les faiblesses du processus de création de valeur de cette entreprise innovante.</p>
<p>Il ne fait aucun doute qu’Uber a créé de la valeur pour de nombreuses parties prenantes. Les clients, en particulier les jeunes générations, aiment l’innovation qui a transformé le service de taxi en une simple application sur leur smartphone, et apprécient les fonctions de sécurité supplémentaires (identification du chauffeur et suivi de la course) fournies par la plate-forme, sans parler de ses prix généralement plus bas.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/439187/original/file-20220103-106565-1udq2cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/439187/original/file-20220103-106565-1udq2cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/439187/original/file-20220103-106565-1udq2cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/439187/original/file-20220103-106565-1udq2cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/439187/original/file-20220103-106565-1udq2cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/439187/original/file-20220103-106565-1udq2cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/439187/original/file-20220103-106565-1udq2cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/439187/original/file-20220103-106565-1udq2cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Les actionnaires ont eux aussi clairement profité du succès du modèle économique d’Uber : Le cours de l’action <a href="https://www.bbc.com/news/business-56123668">a augmenté de 62 % au cours de l’année 2020</a>, enregistrant des performances bien supérieures à celles de son principal concurrent, Lyft.</p>
<p>Enfin, les employés (du moins, certains d’entre eux) apprécient la façon dont Uber crée de nouvelles opportunités d’emploi, en rendant accessibles des formes de travail à temps partiel qui les aident à arrondir leur salaire mensuel, sans investir les ressources nécessaires pour devenir un chauffeur de taxi professionnel.</p>
<p>Malgré ces avantages, une analyse éthique basée sur la théorie des parties prenantes demande une approche équilibrée, selon laquelle intérêts de toutes les parties prenantes sont pris en considération. Cet équilibre harmonieux semble cependant être clairement compromis à la lumière de la condamnation d’Uber. En particulier, la Cour suprême a considéré dans son jugement <a href="https://www.bbc.com/news/business-56123668">quatre éléments clés</a> pour exiger que l’entreprise traite ses chauffeurs comme des travailleurs subordonnés :</p>
<ul>
<li><p>Uber fixait le tarif, ce qui signifiait qu’ils dictaient combien les chauffeurs pouvaient gagner ;</p></li>
<li><p>Uber fixait les termes du contrat et les chauffeurs n’avaient pas voix au chapitre ;</p></li>
<li><p>Les demandes de transport sont limitées par Uber qui peut pénaliser les chauffeurs s’ils refusent trop de transports ;</p></li>
<li><p>Uber surveille le service d’un chauffeur par le biais du classement par étoiles et a la capacité de mettre fin à la relation si, après plusieurs avertissements, le service ne s’améliore pas.</p></li>
</ul>
<p>Comment les établissements d’enseignement supérieur se comparent-ils à Uber dans la manière dont ils traitent leur personnel enseignant ? Si nous examinons les quatre mêmes aspects clés identifiés ci-dessus, nous pourrions trouver des similitudes (et quelques différences) avec la relation contractuelle sous laquelle certains établissements engagent leurs professeurs vacataires temporaires (certains enseignants payés à l’heure sont engagés dans certains contextes sur une base permanente, contrairement aux chauffeurs Uber) :</p>
<ul>
<li><p>Fixation du tarif : Les écoles de commerce fixent le taux de rémunération horaire des professeurs adjoints qui enseignent dans leurs programmes (toutefois, cela fait l’objet d’un certain degré de négociation avec chaque enseignant, en fonction de son expérience professionnelle et/ou de ses qualifications) ;</p></li>
<li><p>Fixation des termes du contrat : Les établissements fixent les conditions générales du contrat ; toutefois, ici aussi, certains éléments peuvent être négociés individuellement ;</p></li>
<li><p>Contrôle de la prestation de services : Les vacataires acceptent de fournir des services d’enseignement ; le nombre d’étudiants affectés à chaque classe est géré et contrôlé par l’administration de l’institution. Les vacataires peuvent exprimer leurs préférences mais n’ont pas le pouvoir contractuel de négocier le nombre d’étudiants qui assisteront à leurs cours (en d’autres termes, ils n’ont pas le droit de refuser de fournir leurs services à un étudiant, sauf en cas de mesures disciplinaires) ;</p></li>
<li><p>Suivi de la qualité : Les écoles et universités contrôlent typiquement les performances d’enseignement de l’ensemble de leur personnel (permanent et auxiliaire) via les évaluations des étudiants et d’autres moyens, et peuvent décider de modifier ou de ne pas renouveler le contrat des professeurs vacataires temporaires chaque semestre ou année universitaire.</p></li>
</ul>
<p>Si l’ubérisation du secteur de l’éducation, à travers les continents, est un phénomène réel, nombre d’institutions d’enseignement supérieur devraient s’inquiéter du fait que leurs relations contractuelles avec les professeurs vacataires temporaires pourraient potentiellement présenter certains risques juridiques n’étant pas sans rappeler ceux auxquels Uber est confronté avec ses chauffeurs. En outre, d’un point de vue éthique, cette préoccupation apparaît encore plus évidente dans un secteur en <a href="https://www.chronicle.com/article/how-the-university-became-neoliberal/">voie de « néolibéralisation »</a>
dont les acteurs affichent néanmoins bien souvent dans leur mission et leurs valeurs une aspiration claire à contribuer au progrès social et environnemental.</p>
<p>L’introduction de nouveaux cours sur la responsabilité sociale, la diversité et le bien-être dans les cursus ou la nomination de responsables du développement durable dans les établissements d’enseignement supérieur, bien qu’il s’agisse d’actions louables, ne suffiront pas à mettre un terme aux critiques à l’égard de l’ubérisation de l’éducation si cela entraîne une atteinte aux droits des travailleurs. Dans ce cas, les étudiants n’hésiteraient pas à accuser les établissements de « bla-bla-bla ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174310/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Simone de Colle ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Certaines pratiques reprochées à la plate-forme dans sa relation avec ses chauffeurs se retrouvent dans le secteur de l’éducation.Simone de Colle, Associate Professor, Business Ethics & Strategy, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1718862021-11-24T23:24:54Z2021-11-24T23:24:54ZMédecins sans frontières, un pionnier du « business model » des ONG<p>Qu’elles soient du domaine de l’humanitaire, de la protection de la nature ou de la défense des droits de l’homme, les organisations non gouvernementales (ONG) constituent des acteurs majeurs de nos sociétés dont l’importance ne cesse de croître.</p>
<p>Médecins sans frontières (MSF) en est le parfait exemple. Créée en France en décembre 1971, cette start-up humanitaire de 13 personnes s’était donné pour première mission de s’occuper d’une population victime d’un tremblement de terre au Nicaragua. En 2020, MSF est devenue une multinationale avec un bureau international à Genève, cinq centres opérationnels et des bureaux dans 23 pays. Elle est intervenue pour des missions dans 88 pays, employant <a href="https://www.msf.org/international-activity-report-2020">45 260 personnes avec un budget de 1,9 milliard d’euros</a>.</p>
<h2>Création de valeur sociétale</h2>
<p>La théorie conventionnelle des « business models » (modèles économiques) ne permet pas d’appréhender la dynamique de croissance de MSF. En tant qu’organismes à but non-lucratif, la finalité des ONG est la création de valeur sociétale (lutte contre un fléau) et non la création de valeur économique (profit). Pour de nombreuses ONG, le succès ultime se matérialiserait par leur disparition du fait de leur inutilité liée à l’éradication du fléau qu’elles combattent.</p>
<p>La compréhension du business model des ONG suppose une rupture paradigmatique car les indicateurs liés au modèle des organismes à but lucratif (rentabilité pour financer des investissements qui généreront de la croissance économique et du profit) ne s’appliquent pas aux organismes à but non-lucratif. Avec deux collègues, nous avons développé dans un <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0899764020925912?journalCode=nvsb">article de recherche</a> un modèle à partir de la théorie du sociologue Pierre Bourdieu des formes de capital, que nous avons ensuite utilisé dans une autre <a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/AMBPP.2021.13656abstract">étude</a> pour analyser MSF.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/431981/original/file-20211115-13-1kmgfmt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/431981/original/file-20211115-13-1kmgfmt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/431981/original/file-20211115-13-1kmgfmt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=532&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/431981/original/file-20211115-13-1kmgfmt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=532&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/431981/original/file-20211115-13-1kmgfmt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=532&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/431981/original/file-20211115-13-1kmgfmt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=669&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/431981/original/file-20211115-13-1kmgfmt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=669&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/431981/original/file-20211115-13-1kmgfmt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=669&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="source">Auteur.</span></span>
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<p>Bourdieu distingue quatre formes de capital : le capital économique (actifs matériels, actifs financiers, droits de propriété), le capital social (réseau de relations individuelles), le capital culturel (connaissances des individus, manuels, documents) et le capital symbolique (prestige, prix honorifiques, récompenses). Le dernier reflète la reconnaissance sociale de la possession de l’un ou de plusieurs des trois autres formes de capital. Chaque capital peut être accumulé et converti dans une des trois autres formes. Un business model des organismes à but non-lucratif définit l’aptitude d’une ONG à créer de valeur sociétale de manière pérenne par sa capacité à entretenir un cercle vertueux d’accumulation et de conversion des quatre formes de capital.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Les quatre capitaux de Pierre Bourdieu » (Les Bons Profs, 2017).</span></figcaption>
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<p>Lors de sa création, le capital culturel de MSF était constitué des connaissances médicales des 11 médecins fondateurs et des connaissances en communication des deux journalistes fondateurs. La combinaison des deux a permis d’initier la dynamique d’accumulation-conversion des formes de capital.</p>
<p>En 1972, MSF organisa sa première mission humanitaire au Nicaragua qui fut médiatisée par l’entremise des journalistes de l’ONG. Cette médiatisation correspond à une accumulation de capital symbolique qui fut ensuite converti en capital social par un accroissement du nombre de sympathisants. Ce capital social fut également converti en capital économique par une augmentation des dons des sympathisants et une augmentation du capital culturel par l’accroissement du nombre de bénévoles pour de nouvelles missions humanitaires. Progressivement, MSF a adapté sa structure organisationnelle pour entretenir la dynamique d’accumulation-conversion.</p>
<p>Désormais, MSF a cinq centres opérationnels (Amsterdam, Barcelone, Bruxelles, Genève et Paris) qui organisent les équipes d’experts sur les terrains d’intervention (41172 personnes en 2020). Les directions opérationnelles ont des équipes de pool managers qui entretiennent des réseaux de potentiels volontaires rapidement mobilisables en cas d’urgence. Le capital culturel accumulé et détenu par ces experts opérationnels fait l’objet d’une formalisation pour définir des processus d’intervention qui peuvent être enseignés aux futurs intervenants humanitaires.</p>
<h2>Accumulation de capital symbolique</h2>
<p>De plus, en 1986, MSF a créé Épicentre pour mener des recherches à partir des données collectées lors de ses missions et améliorer sa compréhension des phénomènes épidémiologiques. Un département marketing est en charge de l’accumulation de capital social par l’acquisition de nouveaux membres et sympathisants à travers des actions de communication. Ce capital social est converti en capital économique par des campagnes de sollicitation de dons. Si l’essentiel des fonds collectés (80,5 % en 2020) est consacré aux missions humanitaires, une partie (14,9 % en 2020) est réinvestie pour la collecte de fonds, notamment à travers l’entretien et le développement du capital social de sympathisants.</p>
<p>En 2016, il y avait 81 000 souscripteurs de la lettre d’information de MSF contre plus de 327 000 en 2020. Le recours aux médias sociaux illustre l’investissement fait par l’ONG pour accumuler du capital social (en novembre 2021, sur Facebook MSF comptait plus de 11 millions de followers – contre 1,2 million en 2015, 75 000 sur Instagram, 92 000 sur Twitter, 120 000 sur LinkedIn et près de 6 millions de vues sur YouTube). Un département communication valorise les actions de MSF auprès des médias afin d’accumuler du capital symbolique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/431983/original/file-20211115-27-148tpzn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/431983/original/file-20211115-27-148tpzn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/431983/original/file-20211115-27-148tpzn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=468&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/431983/original/file-20211115-27-148tpzn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=468&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/431983/original/file-20211115-27-148tpzn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=468&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/431983/original/file-20211115-27-148tpzn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=588&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/431983/original/file-20211115-27-148tpzn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=588&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/431983/original/file-20211115-27-148tpzn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=588&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>En 1999, MSF se vit attribuer le prix Nobel de la Paix. Cette attribution correspond à une reconnaissance internationale (capital symbolique) des nombreuses missions humanitaires menées par l’ONG, notamment lors du génocide rwandais. Cette reconnaissance a permis à MSF d’accroître son capital symbolique par une forte médiatisation du prix Nobel. Le nombre d’articles de presse s’est accru de 86,6 % en 1999 et de 24,6 % en 2000. Ce capital symbolique a été converti en capital culturel par une augmentation de 57,4 % en 1999 et de 82,4 % en 2000 du nombre de volontaires pour des missions humanitaires. Le capital symbolique a également été converti en capital économique par une augmentation des dons de 45,1 % en 1999 et de 36,9 % en 2000.</p>
<p>La création de valeur sociétale par MSF reste donc liée à sa capacité d’entretenir ce cercle vertueux d’accumulation-conversion des formes de capital afin de se doter des ressources nécessaires à ses missions humanitaires puis à une valorisation culturelle, sociale, économique et symbolique de ses missions. La reconnaissance sociale (capital symbolique) de son expertise en matière épidémiologique (capital culturel) amène les acteurs politiques à faire appel à MSF en cas de pandémie.</p>
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<figcaption><span class="caption">En 199, MSF reçoit le prix Nobel de la paix (INA Société).</span></figcaption>
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<p>Ce fut le cas en 2014, quand l’ONG fut mobilisée pour lutter contre l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest ou, plus récemment, par les autorités italiennes pour faire face à la pandémie de Covid-19. Lors de ces missions humanitaires, MSF s’appuie sur son capital social pour solliciter des dons (capital économique) et de nouveaux volontaires pour intervenir sur le terrain (capital culturel).</p>
<p>Certaines ONG n’arrivent pas à initier la dynamique vertueuse d’accumulation-conversion des formes de capital. L’univers des ONG se caractérise par un très grand nombre de très petites organisations qui sont dans un mode de survie et n’arrivent pas à se développer. D’autres, plus connues peuvent initier un cercle vicieux de destruction des formes de capital pouvant les affaiblir, voir conduire à leur disparition.</p>
<h2>Au-delà de l’humanitaire</h2>
<p>WWF (World Wide Fund for Nature) illustre ce risque. L’ONG, créée en 1961, du fait de la qualité de ses scientifiques et de ses rapports (capital culturel), jouit d’une reconnaissance internationale en matière de préservation de l’environnement (capital symbolique), qui se traduit par un nombre important de sympathisants (capital social) et des dons conséquents (capital économique). Dans sa stratégie de conversion de son capital symbolique en capital économique, WWF a noué des partenariats avec des entreprises (notamment Lafarge, Monsanto, Crédit Agricole, BP ou Coca-Cola) dont l’impact sur l’environnement est dénoncé par plusieurs parties prenantes (journalistes, autres ONG). De plus, à partir de 2017, WWF a été <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/01/06/cameroun-une-enquete-lancee-contre-wwf-pour-violation-des-droits-de-l-homme_5058831_3212.html">accusé de violation des droits humains</a> en Afrique par ses équipes de lutte contre le braconnage (destruction de capital culturel).</p>
<p>En 2019, ces accusations firent l’objet d’une forte couverture médiatique. La dégradation de la réputation correspond à une destruction de capital symbolique qui a entrainé une destruction de capital économique. En 2019, les revenus de WWF ont baissé de 8,1 % (malgré une hausse de 9,7 % des dépenses de fundraising). En 2020, l’Union européenne a décidé de limiter son soutien financier à l’ONG et, en 2021, les États-Unis ont suspendu le leur.</p>
<p>En conclusion, on peut s’interroger sur l’extension de ce modèle aux entreprises socialement responsables. En effet, depuis quelques décennies a émergé l’idée de ce type de structure qui ne se limiterait pas à la maximisation des profits des actionnaires, mais se préoccuperait des intérêts de différentes parties prenantes (salariés, citoyens, populations défavorisées, environnement, etc.). Si un statut juridique émerge avec les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/entreprises-a-mission-50865">entreprises à mission</a> ou les <a href="https://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/les-b-corp-veulent-changer-le-monde_2010999.html">B Corp</a>, il manque encore un business model pour ces nouvelles entreprises socialement responsables dont la croissance dépend de la capacité à satisfaire une multitude de parties prenantes.</p>
<p>Le business model fondé sur les formes de capital de Bourdieu peut expliquer les mécanismes de développement de ces entreprises socialement responsables. Il met aussi en évidence les risques de destruction de capital économique liée à la destruction de capital symbolique du fait d’actions nuisibles pour l’environnement ou par des actions de greenwashing révélées par des activistes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/171886/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Ferrary ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La création de valeur sociétale visée par l’organisation humanitaire dès sa création en 1971 pourrait constituer une source d’inspiration pour toute entreprise qui se veut socialement responsable.Michel Ferrary, Professeur de Management à l'Université de Genève, Chercheur-affilié, SKEMA Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1577902021-03-25T21:09:10Z2021-03-25T21:09:10ZL’authenticité, une clé pour renforcer la perception éthique des marques de luxe<p>Pointé du doigt notamment pour la pollution qu’il génère, le secteur du luxe est aujourd’hui appelé à se réinventer et à innover. Une <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/nouvelles-contraintes-et-nouvelles-aspirations-du-luxe">étude Ipsos</a> publiée fin 2020 le confirme : les consommateurs souhaitent désormais qu’aspiration au luxe et éthique se rejoignent.</p>
<p>On voit ainsi des marques de luxe qui se tournent même vers des solutions circulaires – système économique qui visent à augmenter l’efficacité de l’utilisation des ressources – telle que Gucci Circular Lines, une entité dédiée à pousser en avant la production circulaire qui présentait sa <a href="https://www.harpersbazaar.com/uk/fashion/fashion-news/a32901886/gucci-circular-collection/">première collection mi-2020</a>.</p>
<p>Le groupe de luxe Hermès avait de son côté introduit en 2019 des critères de responsabilité sociale et environnementale pour <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/hermes-introduit-des-criteres-rse-pour-10-du-salaire-variable-de-son-dirigeant-20190604">10 % de la rémunération variable de son dirigeant</a>. Les grands noms du luxe, comme LVMH, Stella McCartney, ou encore Guerlain ont également pris des initiatives plus responsables. D’un luxe ostentatoire à un luxe éthique, le secteur est en pleine métamorphose pour démontrer le souci d’avoir un impact positif sur la société.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1277931475686612997"}"></div></p>
<p>La <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10551-021-04779-3">recherche</a> que nous avons menée ouvre aux acteurs du luxe une nouvelle piste originale pour aller plus loin dans la mise en lumière de leur capacité à avoir une démarche éthique. Une voie encore inexplorée consisterait à promouvoir l’authenticité des marques de luxe.</p>
<h2>Cohérence avec les valeurs</h2>
<p>En effet, notre étude, publiée dans <em>Journal of Business Ethics</em> et menée sur diverses catégories de produits de luxe (mobilier design haut de gamme ou parfums), souligne le fait que plus une marque est perçue comme authentique, plus les clients la reconnaissent comme éthique. Pour expliquer cet effet, nous nous appuyons sur des questionnaires transmis auprès de plus de 1 800 consommateurs en France et aux États-Unis.</p>
<p>Notre recherche analyse les <a href="https://www.researchgate.net/publication/228765554_Consumer_perceptions_of_iconicity_and_indexicality_and_their_influence_on_assessments_of_authentic_market_offerings">deux facettes de l’authenticité</a> mobilisées par les marques : indexicale et iconique. L’authenticité indexicale désigne la « version originale » qui possède un lien spatio-temporel avec la réalité. L’authenticité iconique désigne une reproduction fidèle à l’original.</p>
<p>Par exemple, une pièce d’argent représentant Jules César et vendue dans un musée est considérée comme ayant une authenticité iconique car elle a les caractéristiques de la pièce antique ; la pièce originale, qui n’existe sans doute plus, a une authenticité indexicale.</p>
<p>Nous démontrons que, lorsque les répondants perçoivent la marque comme réellement authentique, ils la voient alors comme plus éthique. L’authenticité de la marque est la perception que celle-ci agit selon son vrai soi et de <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/mar.20771">façon cohérente avec ses valeurs</a>. Cela est encore plus vrai dans le cas d’une authenticité indexicale.</p>
<h2>Preuves d’amour</h2>
<p>Pourquoi le fait de proposer une version originale permet-elle à une marque d’être perçue comme particulièrement éthique ? Parce que la version originale est perçue comme exigeant beaucoup d’efforts et d’amour. En effet, être authentique en faisant les choses avec effort et amour, c’est le signe d’une réelle éthique pour les consommateurs.</p>
<p>Au-delà des grands discours, les marques de luxe ont donc tout intérêt à mettre du cœur à l’ouvrage pour démontrer leur dimension éthique. Par exemple, mettre en avant des signes d’amour en montrant le personnel passionné par la marque devant les clients ou encore mettre en avant des signes d’effort en indiquant le nombre d’heures réalisées pour concevoir le produit.</p>
<p>Certains acteurs ont déjà compris avec succès l’importance de donner des preuves de l’âme d’une marque, qui saura émouvoir les consommateurs. Par exemple, lors de son festival des métiers, la maison française Hermès expose depuis quelques années ses artisans passionnés pour des démonstrations sur la méthode de travail et le processus artisanal.</p>
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<figcaption><span class="caption">« La Maison Hermès expose le savoir-faire de ses artisans » (France 3 Auvergne-Rhône-Alpes, 2018.</span></figcaption>
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<p>Hermès met en scène des artisans amoureux de leur art, qui impriment dans chaque objet l’empreinte de leur âme et reflètent une temporalité particulière, une durée. Par ailleurs, le grand magasin Harrods à Londres avait lancé dès 2014 un évènement <a href="https://www.globalblue.com/destinations/uk/london/harrods-made-with-love-campaign">« Made with Love »</a> (fabriqué avec amour) pour mettre en avant le savoir-faire unique de ses fournisseurs.</p>
<p>Ces résultats démontrent que les marques de luxe ont une carte à jouer en mettant en avant la passion qui les anime et en ne ménageant pas leur peine pour proposer des produits toujours plus extraordinaires. En démontrant une vraie authenticité, les marques de luxe seront porteuses de sens et pourront enfin être pleinement associées à une dimension éthique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/157790/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nico Heuvinck receives funding from the French National Research Agency ANR-DUNE-0004. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Elodie Gentina et Gwarlann De Kerviler ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>La mise en avant de la passion des artisans pour leur travail dans la communication permet notamment de répondre aux nouvelles aspirations des consommateurs.Elodie Gentina, Associate professor, marketing, IÉSEG School of ManagementGwarlann De Kerviler, Associate Professor - Head of Marketing & Sales Department, IÉSEG School of ManagementNico Heuvinck, Assistant Professor in Marketing & Academic Director of the MSc in Digital Marketing & CRM, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1566022021-03-08T19:40:56Z2021-03-08T19:40:56ZCes start-up qui « jouent au flipper » pour affiner leur business model<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/388055/original/file-20210305-17-1s6iga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C6%2C4249%2C2816&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Comme au flipper, le business model multiface se caractérise par de nombreux allers-retours entre plusieurs composantes.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/hand-female-pressing-button-playing-pinball-489644677">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Le contexte sanitaire et économique actuel pousse à la consommation par internet et favorise ainsi l’émergence de nouvelles plates-formes. En quelques mois, plusieurs marketplaces B2C (<em>business to consumer</em>, à destination des clients finaux) spécialisées dans le « made in France » sont par exemple apparues : Mon achat français, On achète Français, ou encore Frach – parmi tant d’autres. </p>
<p>Même chose dans le B2B (<em>business to business</em>, centré sur les relations commerciales entre entreprises) où des plates-formes comme Marquerie, Spoted ou Ankorstore sont en passe de remplacer les salons professionnels, tels que Maison & Objet ou Esthétique & Spa, pour mettre en relation les entreprises entre elles.</p>
<p>Une <a href="https://theconversation.com/la-crise-impose-a-chaque-entreprise-de-reinventer-son-business-model-142851%22%22">transformation facile</a> ? Nos <a href="https://ideas.repec.org/a/eee/tefoso/v157y2020ics0040162520309161.html%22%22">recherches sur les business models</a> nous permettent de comprendre un processus cognitif important pour concevoir et mettre en œuvre ces types de modèles : l’ajout de groupe de clients, le rôle de technologies tremplins dans la monétisation, et la mise en place de mécanismes transactionnels pertinents sont essentiels. </p>
<p>Les business models destinés à interagir avec plusieurs groupes de clients de façon simultanée sont ce que l’on appelle des business models multifaces (figure 1) : multifaces grâce aux multiples groupes de clients qu’ils ciblent, et ce de différentes façons. Leur déploiement est particulièrement intéressant.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/388023/original/file-20210305-21-q67ypi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/388023/original/file-20210305-21-q67ypi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/388023/original/file-20210305-21-q67ypi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/388023/original/file-20210305-21-q67ypi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/388023/original/file-20210305-21-q67ypi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/388023/original/file-20210305-21-q67ypi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/388023/original/file-20210305-21-q67ypi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Figure 1 : Schéma du business model multiface.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteur (D.R)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En analysant plusieurs exemples, nous pouvons proposer une analogie permettant aux managers de concevoir leur prochain business model multiface : comme dans un jeu de flipper, ce sont les allers-retours multiples entre l’identification des clients, la monétisation et la proposition de valeur qui permettra de concevoir un business model multiface à succès.</p>
<h2>Identification des clients</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/388024/original/file-20210305-15-1ufn07r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/388024/original/file-20210305-15-1ufn07r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/388024/original/file-20210305-15-1ufn07r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1279&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/388024/original/file-20210305-15-1ufn07r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1279&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/388024/original/file-20210305-15-1ufn07r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1279&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/388024/original/file-20210305-15-1ufn07r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1608&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/388024/original/file-20210305-15-1ufn07r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1608&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/388024/original/file-20210305-15-1ufn07r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1608&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Capture d’écran de l’application mobile Whympr.</span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="https://www.whympr.com/fr%22%22">Whympr</a> a créé une plate-forme communautaire avec l’idée première de faire du B2C. Les clients identifiés étaient les personnes voulant partir en excursion en montagne mais souhaitant remplacer leurs topoguides papier par une application les contenant.</p>
<p>Dans un mode collaboratif, Whympr permet aux utilisateurs de créer leurs propres topoguides et de les partager avec la communauté. L’idée était aussi de faire des versions avancées – devenant alors payantes – pour les utilisateurs.</p>
<p>Cependant, l’application a du mal à trouver son groupe de clients, et c’est son partenariat avec Decathlon – et Decathlon Chamonix en premier – qui va permettre de débloquer le problème d’identification des clients. </p>
<p>Decathlon Chamonix a développé une borne en magasin sur laquelle il y a une version de Whympr qui permet aux utilisateurs finaux (les randonneurs, grimpeurs, etc.) d’explorer une carte pour avoir des idées de sortie. Cela permet alors à l’entreprise d’équipements sportifs, en rayon, d’interagir avec le client dans un processus de préparation d’une expédition, et donc de vendre du matériel et des équipements de montagne. </p>
<p>Voilà comment un nouveau client pour Whympr a été identifié, grâce à une façon tout à fait innovante d’interagir avec deux groupes de clients distincts : les magasins de détail de type Décathlon, et les utilisateurs finaux.</p>
<p>D’un point de vue théorique, deux actions se révèlent être nécessaires lors de l’identification client. Tout d’abord, l’identification d’un groupe de clients institutionnels (B2B) qui sera vendeur sur la plate-forme est capitale, et cela pour des raisons de rentabilité mais également de légitimité. Le deuxième impératif correspond à l’identification complémentaire d’un groupe de clients acheteurs – institutionnels ou particuliers (B2C).</p>
<p>Le fait de trouver deux groupes de clients dont la complémentarité est indéniable met le business model dans un état d’équilibre durable et, nous le verrons, rentable. Le fait de trouver ce deuxième groupe de clients est aussi un démultiplicateur de l’effet réseau autour de la plate-forme. En d’autres termes, le plus d’usagers la fréquenteront, la plus efficace et valorisée elle sera. Les groupes de clients peuvent interagir entre eux (selon le modèle choisi), et ainsi créer davantage de valeur.</p>
<h2>Proposition de valeur</h2>
<p><a href="https://www.finalgo.fr">Finalgo</a> est une plate-forme qui a pour objectif premier de mettre en relation des experts-comptables et des institutions financières. L’idée initiale est née de la problématique rencontrée par un des co-fondateurs, lui-même expert-comptable. Celui-ci était confronté à un problème d’accès à l’information et au réseau permettant d’obtenir des prêts intéressants pour ses propres clients.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/388025/original/file-20210305-19-ga7scg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/388025/original/file-20210305-19-ga7scg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/388025/original/file-20210305-19-ga7scg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/388025/original/file-20210305-19-ga7scg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/388025/original/file-20210305-19-ga7scg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/388025/original/file-20210305-19-ga7scg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/388025/original/file-20210305-19-ga7scg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/388025/original/file-20210305-19-ga7scg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Capture d’écran de la plate-forme Finalgo.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.finalgo.fr/">Finalgo</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Voici donc deux groupes distincts de clients : les experts-comptables, et les institutions financières. La proposition de valeur pour ces dernières correspond à la génération de clients prospects de façon assez simple et peu onéreuse.</p>
<p>Petit à petit, le business model a été modifié par les managers de Finalgo. Ils ont ajouté un nouveau groupe de clients, les PME, et ont développé leur propre algorithme. Dans un deuxième temps, une autre entreprise prend contact avec Finalgo et leur propose de redévelopper cette technologie de <em>matching</em> pour mieux qualifier des prospects sur des sites spécialisés dans la recherche de franchises. Grâce à cette adaptation de leur algorithme, Finalgo va pouvoir se lancer dans un autre business model, celui de la mise en relation entre franchiseurs et potentiels franchisés en recherche d’une opportunité.</p>
<p>Il faut prendre conscience que, la réflexion conceptuelle d’un entrepreneur à propos de la proposition de valeur de son business model, est le révélateur d’une tentative de transformer l’environnement dans lequel l’entreprise évolue. C’est là un des effets de l’apparition d’une (ou plusieurs) technologie tremplin qui perturbe l’environnement en premier lieu.</p>
<p>L’entreprise doit dès lors s’adapter, en s’appropriant la technologie tremplin, pour ensuite transformer son environnement par le biais d’une nouvelle proposition de valeur ayant comme levier la technologie tremplin. La proposition de valeur engendre l’investissement dans des ressources et compétences spécifiques pour l’entreprise. Ces ressources peuvent être déployées dans d’autres propositions de valeur pour de nouveaux groupes de clients.</p>
<h2>Monétisation</h2>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/388026/original/file-20210305-23-z7bmfq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/388026/original/file-20210305-23-z7bmfq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/388026/original/file-20210305-23-z7bmfq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1280&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/388026/original/file-20210305-23-z7bmfq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1280&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/388026/original/file-20210305-23-z7bmfq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1280&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/388026/original/file-20210305-23-z7bmfq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1608&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/388026/original/file-20210305-23-z7bmfq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1608&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/388026/original/file-20210305-23-z7bmfq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1608&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Capture d’écran de l’application mobile Navily.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.navily.com/fr">Navily</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="https://www.navily.com/fr">Navily</a> est une start-up qui se lance avec l’idée de créer une application donnant accès à des informations de navigation pour les plaisanciers. La communauté d’utilisateurs de Navily grossit rapidement mais les revenus ne suivent pas : quelques tentatives d’abonnement sont faites en proposant des services additionnels sur l’application mais elles restent infructueuses.</p>
<p>La start-up se rend alors compte qu’il faut trouver un autre groupe de clients qui sera source de revenus. Navily se tourne vers les ports et les marinas qui fonctionnent encore de façon très traditionnelle : c’est à l’arrivée dans la marina que les plaisanciers peuvent réserver et prendre une place au port. Mais là encore, nouvelle tentative infructueuse : les marinas ne veulent pas payer.</p>
<p>Dès lors, vers quel groupe de clients se tourner pour générer des revenus ? C’est là que Navily revient à l’utilisateur final : les plaisanciers peuvent réserver une place dans une marina, et Navily perçoit une commission lorsqu’un utilisateur fait une réservation sur leur application. À partir de ce moment-là, le service devient très attractif à la fois pour les marinas et pour les utilisateurs finaux. </p>
<p>Par ailleurs, pour que l’application reste attractive, Navily va aller chercher d’autres fonctionnalités payantes pour les deux types de clients (mode hors ligne, météo, <em>scoring</em>, absence de publicité, calcul de distance et itinéraire automatique, etc.), et d’autres groupes de clients comme des annonceurs.</p>
<p>La phase de monétisation est une tentative de collecter de la valeur – généralement sous forme de revenus – chez tous les groupes de clients présents sur la plate-forme. C’est en quelque sorte la contrepartie naturelle liée au bénéfice que représente, pour les groupes de clients, la technologie tremplin récemment appropriée et ayant servi à adapter la proposition de valeur. </p>
<p>En clair, le groupe de clients particuliers (B2C) est subventionné par la start-up qui a besoin d’eux pour obtenir l’adhésion de l’autre groupe de clients (institutionnels ou B2B). C’est un cas évident de stratégie de compensation de prix où un groupe de clients est subventionné par la plate-forme tandis que l’autre groupe absorbera la perte réalisée sur le côté subventionné.</p>
<h2>Trouver un équilibre</h2>
<p>Du point de vue de la modélisation des entreprises, lorsque les entrepreneurs ne peuvent pas mettre en place un business model monoface durable, leur recherche d’équilibre les amène au phénomène du flipper mental. Pourquoi tant d’allers-retours ont-ils lieu entre proposition de valeur, identification des clients et monétisation ? Parce que les entrepreneurs doivent <a href="https://theconversation.com/a-quoi-sert-dexperimenter-son-business-model-91346%22%22">affiner un certain nombre de paramètres</a> pour que le modèle d’entreprise soit durable.</p>
<p>C’est dans ce contexte <a href="https://theconversation.com/la-simulation-mentale-un-outil-pour-limiter-les-echecs-commerciaux-dans-la-high-tech-126867%22%22">d’itération cognitive</a> entre l’identification du client, la proposition de valeur et la monétisation qu’ils trouvent l’équilibre de leur business model multiface :</p>
<ul>
<li><p>en concevant un modèle d’entreprise multiface avec deux groupes de clients complémentaires – les vendeurs (B2B en général, B2C de façon atypique) et les acheteurs (B2B ou B2C) – et devenir ainsi une plate-forme ;</p></li>
<li><p>en tirant parti des technologies tremplins appropriées pour élaborer la proposition de valeur pertinente ;</p></li>
<li><p>enfin en faisant correspondre les mécanismes de transaction entre les deux groupes de clients à une stratégie de compensation de prix.</p></li>
</ul>
<p>Beaucoup d’entreprises ont non seulement des business models multifaces mais en plus elles superposent et recombinent plusieurs business models. Cela ajoute un niveau de complexité dans la conception et la mise en place des business models, mais la recherche de capture de valeur et d’équilibre financier court terme et moyen terme est essentielle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/156602/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Plusieurs plates-formes françaises se développent en prenant systématiquement en compte les interactions entre identification des clients, proposition de valeurs et monétisation de leurs solutions.Valérie Sabatier, Associate professor of Strategy, Director of Doctoral Programs, Grenoble École de Management (GEM)Xavier Tanazacq, Docteur DBA, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1461322020-09-15T20:43:57Z2020-09-15T20:43:57ZDébat : Explosion des frais de scolarité dans les écoles de commerce, attention aux faux procès !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/357866/original/file-20200914-24-1l1fk1n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C11%2C1247%2C839&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 2020, les CCI ne versent plus aucune subvention aux principales écoles.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pickpik.com/classroom-computer-technology-training-classmates-computer-class-95568">Pickpik</a>, <a class="license" href="http://artlibre.org/licence/lal/en">FAL</a></span></figcaption></figure><p>Dans un <a href="https://misterprepa.net/actualite-ecole/levolution-des-frais-de-scolarite-combien-coute-une-grande-ecole-francaise">récent article</a>, le site Mister prépa a publié un <a href="https://i1.wp.com/misterprepa.net/wp-content/uploads/2020/08/Frais-de-scolarit%C3%A9-gliss%C3%A9es-2.png?fit=800%2C814&ssl=1&is-pending-load=1">tableau</a> soulignant l’augmentation spectaculaire des frais de scolarité dans les écoles de commerce entre 2009 et 2020.</p>
<p>Cette étude fait écho à celles de <a href="https://www.letudiant.fr/etudes/ecole-de-commerce/des-ecoles-de-commerce-de-plus-en-plus-cheres.html">L’Etudiant</a> et du site <a href="https://major-prepa.com/ecoles/etude-frais-de-scolarite-des-ecoles-de-commerce-2018-2022/">Major Prépa</a>, notamment reprise par <a href="https://start.lesechos.fr/apprendre/universites-ecoles/frais-de-scolarite-en-ecole-de-commerce-ou-va-largent-1174704">Les Échos</a> ou <a href="https://etudiant.lefigaro.fr/article/les-frais-de-scolarite-des-ecoles-de-commerce-continuent-de-s-envoler_c9184ba6-9728-11e8-aa13-e08da54889c6/">Le Figaro</a>.</p>
<p>En moyenne, en dix ans, les frais de scolarité que doit payer un étudiant en école de commerce ont augmenté de 76,82 %, passant de 21 700 à 38 700 euros pour trois années d’études. Dans les écoles les plus prestigieuses, ces frais ont même doublé, passant de 25 000 à plus de 50 000 euros.</p>
<p>Face à une telle explosion, de nombreux observateurs ont dénoncé pêle-mêle des dépenses somptuaires, l’appât du gain, voire une manœuvre de reproduction sociale des classes dominantes. Les mêmes ont loué, par contraste, la frugalité égalitaire des écoles d’ingénieurs et surtout de l’université, où les frais de scolarité varient entre 170 et 610 euros par an.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/357856/original/file-20200914-16-wwrnqk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/357856/original/file-20200914-16-wwrnqk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/357856/original/file-20200914-16-wwrnqk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=611&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/357856/original/file-20200914-16-wwrnqk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=611&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/357856/original/file-20200914-16-wwrnqk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=611&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/357856/original/file-20200914-16-wwrnqk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=768&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/357856/original/file-20200914-16-wwrnqk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=768&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/357856/original/file-20200914-16-wwrnqk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=768&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évolution des frais de scolarité dans les business schools françaises.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://i1.wp.com/misterprepa.net/wp-content/uploads/2020/08/Frais-de-scolarit%C3%A9-gliss%C3%A9es-2.png?fit=800%2C814&amp;ssl=1&amp;is-pending-load=1">Mister Prépa</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Or, ce que montre avant tout ce tableau, c’est un phénomène passé relativement inaperçu : la privatisation des écoles de commerce.</p>
<h2>La fonte des subventions</h2>
<p>En 2009, et pour certaines depuis plus d’un siècle, les écoles de commerce étaient en très grande majorité des établissements parapublics, émanant des Chambres de commerce et d’industrie (CCI), qui en subventionnaient largement l’activité. Les frais de scolarité ne couvraient qu’une partie du coût de la formation, le reste était financé par de l’argent public.</p>
<p>Les CCI collectaient auprès des entreprises une taxe pour frais de chambre (composée de la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises et de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) et en reversaient une partie à leurs établissements d’enseignement. La subvention de la CCI représentait ainsi plus du quart du budget de certaines écoles.</p>
<p>La situation a commencé à évoluer à partir de 2010. L’État a estimé que les CCI devaient être réformées, et leur dotation a commencé à diminuer. Ce mouvement s’est accéléré en 2018 avec un <a href="http://www.igf.finances.gouv.fr/files/live/sites/igf/files/contributed/IGF%20internet/2.RapportsPublics/2018/2017-M-071-03.pdf">rapport de l’Inspection générale des finances</a>, puis au travers de <a href="https://minefi.hosting.augure.com/Augure_Minefi/r/ContenuEnLigne/Download?id=A7D16F61-58A5-4DB5-A5F4-C8B18DE4B3E3&filename=737%20-%20CP%20CCI%20vf.pdf">l’article 13 de la loi Pacte</a>, qui visait notamment à réduire la fiscalité des entreprises.</p>
<p>Les CCI ont dû supporter une réduction de 400 millions d’euros de leurs recettes fiscales, ce qui les a contraintes à mettre en place des plans de restructuration particulièrement violents. On estime que, depuis 2014, elles ont déjà supprimé près de 3 000 emplois sur un total de 21 000, et le processus n’est pas achevé.</p>
<p>Bien entendu, ces bouleversements n’ont pas été sans conséquence pour les écoles de commerce : après avoir été bloquées dans un premier temps, les subventions qu’elles recevaient des CCI ont rapidement fondu. En 2020, les CCI ne versent plus aucune subvention aux principales écoles.</p>
<h2>Un changement subi</h2>
<p>Pour maintenir leur activité, les écoles ont été contraintes d’augmenter très significativement leur chiffre d’affaires. En effet, comptablement, les subventions étaient assimilables à un résultat net (elles ne nécessitaient pas de dépenses), alors qu’un surcroît du chiffre d’affaires s’accompagne d’une augmentation des coûts (pour faire plus d’heures de cours, il faut plus de salles, plus de professeurs, etc.).</p>
<p>Pour compenser la disparition d’une subvention, il est donc nécessaire de générer un chiffre d’affaires beaucoup plus important. Face à cet impératif de croissance, deux approches simultanées ont été rapidement mises en place par les écoles : l’augmentation des frais de scolarité et celle du nombre d’élèves.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/4cCi5GupDc8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La dérive inquiétante des effectifs des écoles de commerce (Xerfi canal, 2019).</span></figcaption>
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<p>Or, pour attirer de nouveaux candidats, notamment étrangers, les écoles ont dû investir dans la communication, dans la recherche (indispensable pour figurer en bonne place dans les classements internationaux) et dans la construction de nouveaux locaux, ce qui par effet boule de neige a impliqué de trouver de nouveaux revenus, et donc de recruter toujours plus d’élèves et de leur demander de payer des frais de scolarité encore plus élevés. Au total, en dix ans, les frais de scolarité ont doublé, mais le nombre d’élèves aussi, parfois au prix de la sélectivité.</p>
<p>Il s’agit d’un changement profond du modèle économique des écoles, voire de leur raison d’être, mais ce changement, elles ne l’ont pas souhaité, elles l’ont subi.</p>
<h2>Du statut public au statut privé</h2>
<p>Parallèlement, cette course au chiffre d’affaires s’est accompagnée dans de nombreuses écoles de mesures de rigueur drastiques (blocages des salaires, plans de départs volontaires, réduction des dépenses de fonctionnement) et d’un changement de statut : passage en droit privé.</p>
<p>Historiquement, la plupart des écoles n’avaient en effet pas d’existence propre : en tant qu’établissements des CCI, elles n’étaient pas des personnes morales. Les professeurs et le personnel administratif étaient des agents des CCI.</p>
<p>Tout cela a changé avec ce qu’il est convenu d’appeler l’autonomisation des écoles. La plupart d’entre elles ont adopté le <a href="https://www.letudiant.fr/educpros/actualite/l-eesc-un-statut-pour-regler.html">statut d’EESC</a> (établissement d’enseignement supérieur consulaire), créé en 2014 par la loi Mandon et, dit-on, inspiré du mode de fonctionnement des clubs de football.</p>
<p>Ce statut prévoit notamment que les écoles disposent désormais d’une personnalité morale et d’un capital, qui peut être ouvert à des investisseurs extérieurs. Cependant, la CCI doit rester actionnaire majoritaire à 51 %, aucun investisseur ne peut détenir plus de 33 % du capital, et aucun dividende ne peut être versé.</p>
<p>Même si le but des EESC reste non lucratif, il s’agit d’un statut privé, qui entérine la sortie des écoles de la sphère publique, alors que leur activité est toujours une délégation de service public : leurs diplômes sont reconnus et visés par l’État.</p>
<h2>Des comparaisons en trompe-l’œil</h2>
<p>La comparaison des frais de scolarité des écoles de commerce avec ceux des écoles d’ingénieurs et des universités est trompeuse. En effet, ces dernières sont en très vaste majorité des organisations publiques, toujours financées par l’impôt et non par leurs étudiants. Dans son <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-02/20200225-12-TomeI-ecole-polytechnique.pdf">récent rapport sur l’École polytechnique</a>, la Cour des comptes rappelle que, déjà en 2013, le coût d’un étudiant en école d’ingénieurs en France était en moyenne de 20 078 euros par an, soit 60 234 euros sur 3 ans, et donc près de 20 % de plus que les frais de scolarité des écoles de commerce les plus chères aujourd’hui.</p>
<p>En ce qui concerne spécifiquement l’École polytechnique, le coût était de 36 370 euros par an en 2017, soit 109 110 euros pour 3 ans, donc plus du double des frais de scolarité des écoles de commerce les plus chères, sans compter le fait qu’à Polytechnique, comme à l’École nationale d’administration (ENA), à l’École normale supérieure et dans quelques autres écoles, les étudiants sont rémunérés, aux frais de la collectivité.</p>
<p>Rappelons au passage que le <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_lois/l15b2306-tii_rapport-avis.pdf">coût de chaque élève de l’ENA</a> était de 86 000 euros par an en 2019 (soit 172 000 euros sur 2 ans) et donc 5 fois plus élevé que les frais de scolarité des écoles de commerce les plus chères.</p>
<p>On peut souligner que certaines écoles d’ingénieurs réclament désormais des frais de scolarité de plus de 10 000 euros sur 3 ans (soit environ un sixième du coût des études). Polytechnique facture même sa scolarité 38 000 euros à ses élèves non européens (soit environ un tiers du coût des études, et incidemment le montant moyen des frais de scolarité dans une école de commerce).</p>
<p>Pour ce qui est de l’université, le coût annuel d’un étudiant pour la collectivité était de <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2016/02/24/un-etudiant-coute-13-873-euros-par-an_4870631_4401467.html">13 873 euros par an en 2016</a>, soit 41 616 euros pour 3 ans, donc plus que les frais de scolarité des deux tiers des écoles de commerce figurant dans le tableau de Mister prépa.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"702636668948455424"}"></div></p>
<p>Au total, les frais de scolarité demandés par les écoles de commerce françaises n’ont donc rien de particulièrement scandaleux : ils sont inférieurs au coût réel des études dans l’enseignement supérieur.</p>
<p>La différence entre les écoles de commerce, les écoles d’ingénieurs et l’université, c’est que dans un cas ce sont les élèves qui payent pour le coût de leurs études, alors que dans les deux autres c’est la collectivité, au travers de l’impôt. On peut y voir une étrange conception de l’égalité républicaine.</p>
<p>Quand on veut réduire les impôts, il faut faire des choix, et préserver le financement public des écoles de commerce n’était certainement pas le projet le plus populaire. C’est donc l’État qui a provoqué cette privatisation. Reste à se demander pourquoi la collectivité devrait financer les études des uns, et pas celles des autres.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146132/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Fréry est administrateur de l'EESC ESCP Business School, où il est professeur</span></em></p>La fonte des subventions a conduit à une privatisation des écoles de commerce, dans l’indifférence générale. Ce sont les élèves qui en paient désormais le prix.Frédéric Fréry, Professeur de stratégie, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1453272020-09-06T16:06:23Z2020-09-06T16:06:23ZQuel modèle pour lancer son entreprise sociale ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/355527/original/file-20200831-18-smitki.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C38%2C866%2C542&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le secteur de l’ESS pèserait actuellement au moins 10&nbsp;% dans le PIB français.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pikist.com/free-photo-sjfyo">Pikist</a>, <a class="license" href="http://artlibre.org/licence/lal/en">FAL</a></span></figcaption></figure><p>Selon les chiffres du gouvernement français, depuis 2000, l’emploi dans le secteur de <a href="https://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/ess-brochure.pdf">l’économie sociale et solidaire</a> a augmenté de 24 %, pour représenter au moins 10 % du PIB. Une autre <a href="https://group.bnpparibas/en/news/social-business-intersection-ethics-innovation-social-impact-entrepreneurship-profitability">étude</a> précise que cette montée en puissance devrait se poursuivre.</p>
<p>Le secteur social a en effet été largement encouragé ces dernières années, comme l’illustre l’entrée en vigueur au 1<sup>er</sup> janvier 2016 de la <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/industry-and-services/boosting-social-enterprise-development/the-law-on-the-social-and-solidarity-economy-sse-france_9789264268500-10-en;jsessionid=nfyo62nQipk64PGNNnCAceC5.ip-10-240-5-38">loi dite ESS</a>, pour Économie sociale et solidaire, qui réforme notamment le statut juridique des entreprises sociales.</p>
<p>Malgré ces avancées, des freins à une accélération de l’ESS subsistent, en particulier la difficulté d’élaborer puis de mettre en œuvre un business model social viable. Ce dernier doit permettre d’atteindre les objectifs premiers de création de valeur sociale, sans pour autant compromettre l’apport d’un flux de revenus stables généré par une activité commerciale.</p>
<h2>Prioriser la dimension sociale</h2>
<p>Lors du lancement d’une entreprise sociale, l’élaboration du business model reste donc une étape aussi cruciale que compliquée. Pour éclairer les entrepreneurs sociaux, nous avons mené une <a href="https://www.senatehall.com/entrepreneurship?article=628">recherche</a> qui a permis l’élaboration d’une feuille de route (voir ci-dessous) pour les aider dans leur analyse.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/355526/original/file-20200831-18-5afs32.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/355526/original/file-20200831-18-5afs32.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/355526/original/file-20200831-18-5afs32.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/355526/original/file-20200831-18-5afs32.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/355526/original/file-20200831-18-5afs32.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/355526/original/file-20200831-18-5afs32.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/355526/original/file-20200831-18-5afs32.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/355526/original/file-20200831-18-5afs32.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.researchgate.net/profile/Paulami_Mitra/publication/336944401_The_Rise_of_Hybrids_A_Note_for_Social_Entrepreneurship_Educators/links/5dbc091b92851c81801e5ba6/The-Rise-of-Hybrids-A-Note-for-Social-Entrepreneurship-Educators.pdf">Auteurs</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ils pourront ainsi sélectionner le business model qui correspondra le mieux à leurs missions sociales et à leurs objectifs économiques parmi les trois principaux que nous avons identifiés : à but non lucratif, à but lucratif, ou hybrides. Dans les trois cas, la dimension sociale reste priorisée par rapport à l’activité commerciale ou génératrice de revenus.</p>
<p>Les <strong>entreprises sociales à but non lucratif</strong>, contrairement à ce que leur nom indique, peuvent générer des profits ou des bénéfices grâce à leurs activités commerciales. Cependant, les revenus supplémentaires ne peuvent pas être partagés ni redistribués entre les propriétaires ni les actionnaires. Dans ce genre de modèle, le profit doit être réinvesti dans l’entreprise pour créer de la valeur sociale.</p>
<p>Pour autant, une entreprise à but non lucratif présente un avantage non négligeable : celui de sa flexibilité en termes de solution de financement. En plus de générer des revenus grâce à ses activités commerciales, elles ont aussi la possibilité de lever des fonds par le biais de subventions privées ou publiques, des dons d’entreprises ou grâce à la philanthropie de particuliers ou de plus grandes institutions.</p>
<p><a href="https://hotbreadkitchen.org/">Hot Bread Kitchen</a>, basée à New York, est un exemple d’entreprise sociale à but non lucratif qui offre des opportunités de travail à des femmes migrantes sous-qualifiées, souvent contraintes de vivre en marge de la société. <a href="https://ledbyher.org/">Led By Her</a> en est un autre exemple, basé cette fois en France, à Paris. Son objectif est de permettre à des femmes ayant souffert de violences conjugales de concrétiser leur rêve d’entrepreneuriat. D’ailleurs, en 2019, la <a href="https://fr.media.groupe.renault.com/actualites/la-fondation-renault-sengage-aupres-de-led-by-her-une-association-dediee-a-lincubation-de-start-up-creees-par-des-femmes-21222498-e3532.html">Fondation Renault</a> a alloué une subvention philanthropique de 3 ans à Led By Her afin de soutenir la mission que Renault s’est fixée en matière de diversité et d’inclusion par l’entrepreneuriat féminin.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1104039730470178817"}"></div></p>
<p>Mais les entreprises sociales peuvent aussi être <strong>à but lucratif</strong>. Elles se différencient alors de leurs homologues sans but lucratif à deux niveaux. D’abord, le point fort de ce type de structure à but lucratif est de pouvoir lever des fonds de capital-risque et d’investisseurs providentiels. Comme elle peut générer des profits, les excédents peuvent être redistribués entre ses propriétaires et ses investisseurs.</p>
<p>En revanche, les entreprises sociales à but lucratif n’ont généralement pas la possibilité, comme le font les entreprises sociales à but lucratif, de profiter de donations ni de subventions philanthropiques, ce qui permet à l’entrepreneur de garder une certaine indépendance, et de moins compter sur des solutions de financement de court terme telles que celles-ci.</p>
<p>Ainsi, opter pour un modèle d’entreprise sociale à but lucratif permet à l’entrepreneur un meilleur contrôle des activités de son entreprise, sauf quand des investisseurs externes ont placé une somme conséquente dans l’entreprise et estiment avoir leur mot à dire.</p>
<p>Comme pour le modèle précédent, les entreprises sociales à but lucratif peuvent appartenir à des secteurs d’activité très différents. Par exemple, <a href="https://wearephenix.com/">Phenix</a>, lancée à Paris en 2014 par deux entrepreneurs français, vise à créer une économie circulaire en proposant des solutions de gestion des déchets.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1291648385179680768"}"></div></p>
<p><a href="https://www.unicus.com/">UNICUS</a>, qui a ouvert ses portes en 2010 en Norvège, crée des opportunités de carrières dans le conseil informatique à des personnes atteintes de troubles autistiques. Depuis 2016, un investisseur financier norvégien a même réalisé un investissement en capital qui a permis à UNICUS de s’implanter sur 3 autres sites. Dans les deux cas, les fondateurs de Phenix et d’UNICUS veillent scrupuleusement à ce que les valeurs de leurs investisseurs coïncident avec les missions sociales de leur entreprise.</p>
<h2>Explorer les solutions innovantes</h2>
<p>Il existe enfin des entreprises entre les modèles à but lucratif et sans but lucratif : ces structures tirent leur caractère hybride du choix qu’elles ont d’adopter un type de structure ou un autre, selon la flexibilité juridique et financière attendue pour rester au plus proche de leurs missions. L’objectif principal de l’élaboration d’un modèle d’entreprise hybride émerge souvent de la nécessité de séparer les activités sociales de l’entreprise de ses activités commerciales.</p>
<p>C’était précisément le genre de séparation que se devait d’opérer <a href="http://destinyreflection.org/">Destiny</a>, une entreprise sociale à but non lucratif qui entend autonomiser de jeunes femmes prises au piège de l’industrie du trafic sexuel en Inde. La fondation Destiny représente la branche sociale à but non lucratif qui assure la mission sociale de l’organisation, alors que Destiny Reflection est une maison de mode et qui assure les obligations financières de l’entreprise.</p>
<p>On peut aussi citer une autre structure hybride grâce au cas <a href="https://www.puravidacreategood.com/">Pura Vida Coffee</a>, une entreprise à but lucratif. Tandis que Pura Vida Coffee génère des rentrées d’argent et des bénéfices par la vente de café équitable, la <a href="https://www.puravidacreategood.com/create-good-foundation">Fondation Pura Vida Create Good</a> est conçue comme une entreprise sans but lucratif qui soutient des projets sociaux dans des pays tels que le Costa Rica ou le Guatemala.</p>
<p>Dans le monde entier, les entrepreneurs sociaux n’ont de cesse d’explorer des solutions toujours plus innovantes pour faire face aux problèmes urgents du monde. Leur rôle est considérable dans la création d’impact social et économique. Par conséquent, les décisions qui concernent la conception et la structure juridique du modèle d’entreprise sociale doivent absolument être prises au sérieux.</p>
<p>Une évaluation minutieuse des modèles mentionnés plus haut peut aider les entrepreneurs sociaux à fonder une entreprise sociale efficace qui permettra de créer une planète saine et riche !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/145327/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le double impératif de création de valeur sociale et économique complique l’élaboration d’un business model viable. Un travail de recherche vient aider les entrepreneurs sociaux.Paulami Mitra, Lecturer in Management; Academic Director, IÉSEG School of ManagementJill Kickul, Narayan Research Directorship in Social Entrepreneurship, Brittingham Social Enterprise Lab and Professor, Lloyd Greif Center for Entrepreneurial Studies, University of Southern CaliforniaLisa Gundry, Professor of Management and Entrepreneurship, DePaul UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1428512020-07-22T19:04:40Z2020-07-22T19:04:40ZLa crise impose à chaque entreprise de réinventer son business model<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/347916/original/file-20200716-35-1rt108l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C109%2C773%2C604&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Et si c’était le moment d’avancer sur la réflexion de la «&nbsp;raison d’être&nbsp;» des entreprises&nbsp;?
</span> <span class="attribution"><span class="source">Titov Dmitriy / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La crise du coronavirus nous a forcés à mettre notre économie en pause. Cette pause impacte négativement les échanges mondiaux et la croissance ; ses implications sociales (perte de revenu et d’emploi, accroissement des inégalités, etc.) risquent de se révéler explosives.</p>
<p>Dans ce contexte, de nombreuses voix s’élèvent pour réclamer un changement de modèle : ne nous contentons pas de simplement de réappuyer sur le bouton « pause » pour relancer le modèle existant, profitons de cette opportunité pour le réinventer !</p>
<p>Contrairement à la crise économique de 2008, où nous redoutions de perdre notre emploi ou notre épargne, la crise actuelle a une résonnance beaucoup plus humaine : notre crainte est de perdre notre vie ou celle de nos proches. Cette crainte génère un questionnement sur notre existence même, et conduira à modifier une partie des comportements des consommateurs, des salariés et des investisseurs.</p>
<h2>Triple impact</h2>
<p>Ces modifications affectent les trois composantes du business model (ou modèle économique) et obligent à les revisiter :</p>
<ul>
<li><p>La première composante du business model est la proposition de valeur, qui décrit ce que nous offrons à nos clients. Cette crise pousse les consommateurs à repenser leurs besoins fondamentaux, à questionner la nécessité d’une consommation à outrance. Pour y faire face, l’entreprise peut s’interroger sur le « job to be done », c’est-à-dire le besoin brut, de base, auquel elle cherche à répondre. Ce questionnement permet d’innover et d’apporter des réponses originales, souvent frugales.</p></li>
<li><p>La deuxième composante du business model est l’architecture de valeur, c’est-à-dire le mode d’organisation de l’entreprise pour remettre la proposition de valeur au client. La crise actuelle l’impactera d’au moins deux manières. Tout d’abord, cette crise a révélé les fragilités de nos filières d’approvisionnement : le recours à la délocalisation, fondé sur des critères presqu’exclusivement financiers, sera remis en cause. Ensuite, le recours massif au télétravail révèlera les avantages et les inconvénients de ce mode d’organisation et questionnera la quête de contrôle du management. Un retour en arrière paraît impossible !</p></li>
<li><p>Enfin, l’équation de profit, troisième composante du business model, est elle aussi questionnée : le profit n’est pas une fin en soi, mais contribue à pérenniser la « <a href="https://business.lesechos.fr/directions-generales/gouvernance/rse/0602707765823-reflechir-au-sens-profond-de-nos-actions-334973.php">raison d’être » de l’entreprise</a>. Ainsi, clients, salariés et investisseurs interrogeront les entreprises sur leur rôle dans la société. Par exemple, LVMH y a répondu en produisant du gel hydroalcoolique sur ses chaînes de parfum.</p></li>
</ul>
<p>Les entreprises doivent toutefois dans ce cas le risque d’être qualifiées d’opportunistes et de faire du « coronavirus washing », notamment si ces réponses ne durent que le temps de la crise.</p>
<h2>Repenser la « raison d’être »</h2>
<p>Cependant, en réalisant le puissant levier que constituent de telles initiatives, tant pour les clients que pour les salariés ou la société en général, elles peuvent renouveler leur réflexion sur leur « raison d’être » pour le rendre encore plus pertinent : en montrant qu’il est possible d’aligner de manière vertueuse profits, impacts environnemental et social.</p>
<p>C’est le tour de force réussi par les entreprises prônant l’économie circulaire, telle que <a href="http://fr.desso.be/c2c-corporate-responsibility/secarter-des-sentiers-battus/">Desso</a> par exemple.</p>
<p>Cette crise peut-elle être considérée comme une opportunité pour appréhender une crise encore plus majeure : le changement climatique ? Cette crise sanitaire peut être vue comme une répétition générale de ce qui nous attend dans les années à venir.</p>
<p>En effet, le changement climatique induira de nombreuses crises, sanitaires ou migratoires, aux impacts encore plus drastiques sur l’économie. Cette crise préfigure malheureusement le futur. Si les dirigeants veulent sauver leurs entreprises, il faut limiter l’impact environnemental de leurs activités.</p>
<p>Or, sur les 100 plus grandes économies mondiales, près de 70 sont des entreprises : par leur empreinte globale et leur puissance, leur action sur le climat est considérable. Aujourd’hui, elles font partie du problème : espérons que cette crise leur fera comprendre qu’il en va de leur intérêt de faire partie de la solution.</p>
<hr>
<p><em>Cet article s’appuie sur l’intervention de l’auteur lors du webinaire intitulé “<a href="https://www.hec.edu/fr/executive-education/serie-de-webinaires-hec-paris-insights">It’s time to reinvent your business model !</a>” organisé par HEC Paris Executive Education</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/142851/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurence Lehmann-Ortega ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les craintes particulières liées à la vie humaine génèrent des questionnements qui pourraient conduire à modifier en partie les comportements des consommateurs, des salariés et des investisseurs.Laurence Lehmann-Ortega, Affiliate Professor, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1420732020-07-09T17:00:56Z2020-07-09T17:00:56ZRéseaux sociaux : le problème qui se pose vraiment quand vous y parlez de vos enfants<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/346381/original/file-20200708-39-1ub0a7w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C2%2C997%2C663&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Revenir sur leur quotidien peut aider les gens à façonner leur conscience d'eux-mêmes.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Dans une <a href="https://www.washingtonpost.com/lifestyle/2019/01/03/my-daughter-asked-me-stop-writing-about-motherhood-heres-why-i-cant-do-that/">chronique</a> récemment publiée par le <em>Washington Post</em>, une mère a expliqué pourquoi elle continuerait à publier des billets de blog au sujet de sa fille, malgré les protestations de celle-ci. Elle a déclaré que, même si la situation la mettait mal à l’aise, elle n’avait pas fini d’« explorer la maternité » dans ses écrits.</p>
<p>Un commentateur <a href="https://slate.com/human-interest/2019/01/mommy-blogging-christie-tate-generation-gap.html">a fustigé</a> les parents qui, à l’instar de cette autrice, « utilisent les drames quotidiens de leur famille pour faire du contenu ». Un autre <a href="https://www.vogue.com/article/things-you-should-not-post-on-social-media-children-influencers-mommy-bloggers">a déclaré</a> que cette chronique faisait resurgir « une question piège récurrente pour les parents à l’ère d’Instagram : les posts que nous laissons aujourd’hui sur les réseaux sociaux pourront-ils plus tard faire du tort nos enfants ? »</p>
<p>Ces questions me semblent légitimes, j’ai d’ailleurs <a href="https://slate.com/technology/2014/11/baby-picture-posting-etiquette-parents-cant-control-their-childrens-digital-footprints.html">publié des recherches</a> sur la nécessité pour les parents de veiller à la protection de la vie privée de leurs enfants en ligne. Je suis d’accord avec les critiques qui reprochent à la femme d’être sourde aux préoccupations de son enfant.</p>
<p>Toutefois, je pense qu’élargir ces attaques à tous parents et leurs comportements sur les réseaux sociaux est déplacé.</p>
<p>J’étudie <a href="https://theconversation.com/too-much-information-more-than-80-of-children-have-an-online-presence-by-the-age-of-two-83251">ce sujet</a> depuis <a href="https://scholar.google.com/citations?user=9XBNcA8AAAAJ&hl=en">six ans</a>. Trop souvent, le discours public oppose les parents aux enfants. Les parents, disent les critiques, font preuve de narcissisme lorsqu’ils publient des posts de blog ou des photos sur Facebook et Instagram. Ils sont prêts à envahir la vie privée de leurs enfants en échange de l’attention et des « likes » de leurs amis. Du moins, c’est ce que l’on raconte.</p>
<p>Mais cadrer les enjeux sous forme d’un face-à-face entre parents et enfants occulte un problème plus important : celui de la logique économique de ces réseaux qui tirent profit des informations de leurs inscrits.</p>
<h2>Un élan naturel</h2>
<p>Malgré les réactions vives que peuvent provoquer les partages sur les réseaux sociaux, le phénomène n’a rien de nouveau. Cela fait des siècles que les gens consignent leur vie quotidienne dans des journaux intimes ou des albums. Des produits comme les journaux pour bébés invitent explicitement les parents à garder trace du quotidien de leurs enfants.</p>
<p>La spécialiste de la communication Lee Humphreys voit dans cet élan à documenter et à partager la vie de leurs enfants une sorte de <a href="http://blogs.cornell.edu/humphreys/the-qualified-self/">« comptabilité médiatique »</a>. Jour après jour, les parents tiennent différents rôles : ceux d’enfant, de compagne ou de compagnon, de parent, d’ami ou d’amie, ou encore de collègue. Humphreys soutient qu’un moyen de tenir ces rôles est de les documenter. Revenir sur leurs souvenirs peut aider les gens à façonner leur conscience d’eux-mêmes, à construire un récit de vie cohérent et à se sentir liés aux autres.</p>
<p>Si vous avez déjà feuilleté un vieil annuaire, l’album de voyage d’un grand-parent ou d’une figure historique, vous avez alors consulté des comptes rendus. C’est la même chose quand vous parcourez les archives d’un blog ou la chronologie de Facebook. Les médias sociaux sont certes de nouveaux supports mais le fait de transcrire son quotidien est vieux comme le monde.</p>
<p>Écrire en ligne <a href="http://eprints.lse.ac.uk/67380/">peut aider</a> les parents à s’exprimer avec créativité et à nouer des contacts avec d’autres parents. Rendre compte de leur quotidien peut aussi leur permettre de mieux investir leur identité de parents.</p>
<h2>Le capitalisme de surveillance dans l’équation</h2>
<p>Dans ce contexte, on comprend bien qu’il est délicat de leur demander d’arrêter de parler de leurs enfants sur la toile. Cette envie de raconter rythme la vie sociale des gens, et ce depuis longtemps.</p>
<p>Mais le faire sur des blogs et des réseaux sociaux soulève des questions particulières. Les photos des albums de famille ne diffusent pas de données numériques et ne sont visibles que lorsque vous décidez de les montrer, alors que les images d’Instagram sont hébergées sur des serveurs détenus par Facebook et peuvent être consultées par toute personne qui regarde votre profil.</p>
<p>Il est important de tenir compte des opinions des enfants et, si un jeune s’oppose à ce que son quotidien soit ainsi partagé, les parents peuvent se tourner vers des journaux papier ou des albums photo classiques. Ils peuvent aussi prendre <a href="http://blogs.lse.ac.uk/parenting4digitalfuture/2017/05/17/sharenting-in-whose-interests/">d’autres mesures</a> pour protéger la vie privée de leur enfant, comme utiliser un pseudonyme ou lui accorder un « droit de veto » sur le contenu mis en ligne.</p>
<p>Cependant, ces débats autour de la vie privée et du partage se focalisent souvent sur le public des réseaux sociaux, « followers » ou « amis ». Ils ont tendance à ignorer ce que font les entreprises des données. Ce n’est pas avec les réseaux sociaux que les parents ont commencés à faire le récit de leur vie de famille, mais ces supports ont profondément changé les conditions dans lesquelles ils le font.</p>
<p>Contrairement à ce qui se passait avec les journaux intimes, les albums photos et les vidéos personnelles d’autrefois, les posts de blogs, les images sur Instagram et les vidéos YouTube relèvent de plates-formes détenues par des entreprises et peuvent être visibles par bien plus de gens que ne le réalisent les parents.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/346382/original/file-20200708-23-1mdtcrl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/346382/original/file-20200708-23-1mdtcrl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/346382/original/file-20200708-23-1mdtcrl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/346382/original/file-20200708-23-1mdtcrl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/346382/original/file-20200708-23-1mdtcrl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/346382/original/file-20200708-23-1mdtcrl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/346382/original/file-20200708-23-1mdtcrl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’envie de raconter rythme depuis longtemps la vie sociale.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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</figure>
<p>Le problème dépend moins des parents que des réseaux sociaux. Ces plates-formes fonctionnent de plus en plus selon une logique économique que la spécialiste des affaires Soshana Zuboff appelle le <a href="https://www.theguardian.com/technology/2019/jan/20/shoshana-zuboff-age-of-surveillance-capitalism-google-facebook">capitalisme de surveillance</a>. Elles produisent des biens et des services en vue de générer d’énormes quantités de données sur les individus, de les exploiter pour dégager des modèles, puis de les utiliser pour influencer le comportement des gens.</p>
<p>Pourquoi en serait-il forcément ainsi ? Dans <a href="https://mitpress.mit.edu/books/qualified-self">son livre</a> sur les récits médiatiques, Lee Humphreys rappelle qu’à ses débuts, Kodak se contentait de développer les pellicules photos confiées par ses clients.</p>
<blockquote>
<p>« Bien que Kodak ait traité des millions de photos, l’entreprise n’a pas partagé les informations de ces consommateurs avec des annonceurs en échange d’un quelconque accès à leur clientèle… En d’autres termes, Kodak n’a pas instrumentalisé ses utilisateurs. »</p>
</blockquote>
<p>C’est précisément ce que font les réseaux sociaux. Le partage de contenus leur dit à quoi ressemble votre enfant, où il est né, ce qu’il aime faire, à quel moment il franchit telle ou telle étape de sa vie. Ces plates-formes visent un modèle économique basé sur la connaissance des utilisateurs (connaissance parfois plus profonde que celle qu’ils ont d’eux-mêmes) et l’usage de ces informations à d’autres fins.</p>
<p>Dans ce contexte, le problème tient moins au fait que les parents parlent de leurs enfants en ligne qu’au fait que les espaces où ils le font soient détenus par des entreprises qui veulent accéder au moindre espace de leur vie. De ce point de vue, c’est la question de la protection de la vie privée qui se pose avant tout.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/142073/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Priya C. Kumar est est affiliée à Ranking Digital Rights, un projet de recherche à but non lucratif qui vise à définir des normes en matière de respect des droits de l'homme pour le secteur numérique.
</span></em></p>Certains taxent les parents qui postent des photos de famille sur les réseaux sociaux de narcissisme. Mais ne devraient-ils pas plutôt se pencher sur le modèle économique de ces sites ?Priya C. Kumar, PhD Candidate in Information Studies, University of MarylandLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1416152020-07-02T19:43:40Z2020-07-02T19:43:40ZHologramme, IA, réalité virtuelle : les morts n’ont jamais été autant présents parmi nous<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/344804/original/file-20200630-103683-123q52c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C17%2C3817%2C2274&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les prestations proposées par les médias sociaux et autres entreprises technologiques constituent malgré tout un frein au processus de deuil.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://image.shutterstock.com/image-photo/absence-girl-holds-hand-spirit-600w-1088315990.jpg">Ure / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>On savait que le business des <a href="https://theconversation.com/la-mort-leur-va-si-bien-le-business-florissant-des-celebrites-decedees-109735">célébrités décédées</a> était en plein essor : <a href="https://www.businessinsider.fr/us/james-dean-posthumous-casting-in-new-movie-through-visual-effects-2019-11">James Dean</a> va jouer dans un nouveau film 64 ans après sa mort, et la nouvelle tournée de <a href="https://www.telerama.fr/sortir/michael-jackson-forever,-le-triomphe-dun-spectacle-un-brin-ringard,n6552121.php">Michael Jackson</a>, <em>Forever</em>, a déjà attiré plus de 500 000 spectateurs.</p>
<p>Mais les célébrités sont-elles les seules à pouvoir accéder à l’éternité ? Il semblerait qu’un véritable business de l’<em>afterlife</em> commence à se développer, et nous en sommes tous des clients potentiels.</p>
<h2>Préparer sa vie après la mort</h2>
<p>Si vous pensiez que les médias sociaux étaient réservés aux personnes en vie, détrompez-vous ! Des chercheurs ont calculé que d’ici la fin du siècle, Facebook pourrait compter à lui seul près de <a href="https://doi.org/10.1177/2053951719842540">5 milliards d’inscrits décédés</a>, soit plus que d’utilisateurs vivants.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/uVzkrOvjmyU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Michael Jackson en hologramme (MJstudioversions, 2018).</span></figcaption>
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<p>Il faut dire que Facebook, à l’instar d’autres médias sociaux, permet de conserver son compte après sa mort en le transformant en « compte de commémoration ». Pour cela, il vous suffit de choisir un contact légataire (un ami ou un membre de votre famille), qui sera libre d’animer votre compte une fois que vous ne serez plus en mesure de le faire. Une bonne façon de garder en vie votre double digital !</p>
<p>Et pourquoi ne pas vous charger vous-même des messages que vous posterez après votre mort ? Des entreprises, comme <a href="http://deadsocial.org/about">DeadSocial</a>, proposent à leurs clients de rédiger les messages qu’ils souhaiteront envoyer sur les médias sociaux après leur décès et d’en fixer le moment d’envoi. Il sera donc toujours possible de souhaiter un joyeux Noël à ses <em>followers</em> et amis tous les 25 décembre, même 10 ans après sa mort.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/gPoBxSoI3EM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Si au contraire, vous ne souhaitez pas faire partie de ces morts qui continuent à passer trop de temps sur les médias sociaux, Google propose une option différente pour ses services (YouTube, Gmail, Blogger, Google Photos, etc.) : le <a href="https://www.phonandroid.com/gestionnaire-compte-inactif-google-vous-deviez-mourir.html">gestionnaire de compte inactif</a>.</p>
<p>En cas d’inactivité prolongée, Google contactera un de vos proches pour savoir si vous êtes décédé. Une fois le décès confirmé, le compte sera automatiquement clos. Un moyen de tuer son double digital et de ne pas laisser les données associées à son compte sans surveillance.</p>
<h2>Se maintenir artificiellement en vie</h2>
<p>Mais qu’en est-il des proches du défunt ? Comment réagissent-ils face à ces comptes artificiellement maintenus en vie ?</p>
<p>Des <a href="http://dx.doi.org/10.1080/01972243.2013.777309">recherches en sociologie</a> ont mis en évidence que ces pratiques ont modifié les comportements de deuil. En particulier, au lieu d’échanger avec d’autres personnes pour partager et exprimer sa tristesse ou sa douleur, les individus ont de plus en plus tendance à s’adresser directement au défunt sur sa page Facebook.</p>
<p>Ces pratiques brouillent également notre rapport au temps et à l’espace : en continuant à recevoir des messages du ou liés au défunt, et en créant un espace digital, immatériel, du deuil, les médias sociaux affectent les <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/01972243.2013.777300">comportements traditionnels</a> qui suivent la mort d’un proche.</p>
<p>Psychologiquement, de telles pratiques peuvent être un frein dans le processus du deuil prévient <a href="https://www.lesechos.fr/2018/03/lintelligence-artificielle-commence-a-faire-parler-les-morts-985757#:%7E:text=%C2%AB%20Apr%C3%A8s%20une%20p%C3%A9riode%20de%20choc,Fakhry%2C%20psychologue%20sp%C3%A9cialiste%20du%20deuil">Véra Fakhry</a>, psychologue spécialiste du deuil dans les colonnes du journal Les Échos :</p>
<blockquote>
<p>« Après une période de choc liée au décès, la phase suivante est de rechercher la personne décédée. On va croire qu’on la croise dans la rue, on va relire ses messages… Cette phase est normale la première année, mais si elle continue, elle devient pathologique. »</p>
</blockquote>
<p>Avec l’évolution des nouvelles technologies, de nouvelles pratiques apparaissent et risquent de brouiller encore davantage notre rapport à la mort et au deuil.</p>
<p>En particulier, en Corée du Sud, une femme a récemment pu partager quelques instants avec sa jeune fille décédée il y a plusieurs années, mais dont le corps et la voix ont été recréés en <a href="https://www.telegraph.co.uk/technology/2020/02/11/virtual-reality-used-reunite-grieving-mother-avatar-dead-child/">réalité virtuelle</a>. Selon l’entreprise à l’origine du projet, la mise au point du personnage digital a nécessité un an de développement pour un coût de <a href="https://koreajoongangdaily.joins.com/news/article/article.aspx?aid=3073877">50 millions de wons</a> (37 000 euros).</p>
<p>La séquence a été diffusée à la télévision, dans un documentaire mettant en avant la chance de dire adieu à un être cher disparu.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/0p8HZVCZSkc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Des chercheurs en sociologie et en psychologie ont identifié des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/01972243.2013.777302">effets positifs</a> de cette immortalité symbolique, permise jusque-là par des photographies et des vidéos. Les possibilités de recréer la forme d’un défunt et d’ajouter la sensation de toucher (qui faisait partie intégrante de l’expérience coréenne) devraient renforcer cette immortalité symbolique des êtres qui nous sont chers.</p>
<p>L’intelligence artificielle commence elle aussi à faire parler les morts. Le journaliste américain James Vlahos a ainsi programmé un <a href="https://www.science-et-vie.com/technos-et-futur/intelligence-artificielle-elle-veut-faire-parler-nos-morts-41708">chatbot</a> – c’est-à-dire un programme informatique conçu pour simuler une conversation avec des utilisateurs humains – à partir d’anciennes conversations enregistrées avec son père lorsque que celui-ci était encore en vie.</p>
<h2>Business en devenir</h2>
<p>Depuis le décès, James continue de discuter avec lui par le biais de Facebook Messenger de ses différentes passions pour le football américain, des origines grecques de sa famille ou encore de son premier chien.</p>
<p>Ainsi, grâce aux médias sociaux, à la réalité virtuelle ou à l’intelligence artificielle, les morts semblent de plus en plus présents dans notre quotidien et leurs activités ressemblent étrangement aux nôtres. Cela ne manque pas de soulever des questions passionnantes – éthiques, psychologiques, sociologiques, etc. – quant à l’impact de cette présence accrue sur notre rapport aux morts, mais aussi sur notre rapport à la mort (à la nôtre en particulier) et à la vie.</p>
<p>Mais si les consommateurs sont heureux de retrouver sur scène ou sur grand écran leurs célébrités décédées préférées, il y a fort à parier que beaucoup seront prêts à acheter les services d’entreprises qui permettront de retrouver aussi des proches qui ont perdu la vie.</p>
<p>En attendant, Facebook ou Instagram continuent à faire des bénéfices grâce à l’animation des comptes de tous les utilisateurs, vivants ou morts.</p>
<p>Interagir avec des morts, discuter et toucher des êtres chers décédés, pour les maintenir artificiellement auprès de nous, voilà un nouveau business en devenir qui s’annonce fort lucratif.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/141615/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yvon Moysan travaille pour Saint Germain Consulting</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Benjamin Boeuf ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les nouvelles technologies permettent de gérer l’identité digitale post mortem des défunts en allant parfois jusqu’à les rendre virtuellement immortels.Benjamin Boeuf, Professeur associé en marketing, IESEG School of Management et LEM-CNRS 9221, IÉSEG School of ManagementYvon Moysan, Directeur Académique Master Digital Marketing et Innovation, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1403852020-06-15T20:28:26Z2020-06-15T20:28:26ZGestion des risques et accélération digitale : deux priorités des entreprises pour se relancer<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/340579/original/file-20200609-21186-82js80.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C0%2C997%2C661&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La crise appelle plus largement les décideurs à réinventer la façon dont ils font du business.</span> <span class="attribution"><span class="source">Syda Productions / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La sortie du confinement est incertaine, longue, à géométrie variable. On doit se préoccuper des ondes de choc et des « répliques » d’après séisme. La distanciation sociale et les gestes barrières doivent être mis en place au travail, sans qu’on sache pour combien de temps, ni parfois comment.</p>
<p>Cette incertitude économique va peser sur tous et beaucoup d’entreprises verront leur chiffre d’affaires baisser durablement. L’impact à court terme du confinement a été chiffré de – 5 % dans la construction à <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4473294?sommaire=4473296">-64 % dans les services marchands</a>. En termes de perspectives pour 2020, selon les secteurs, cela peut aller d’une contraction de quelques points, à un plongeon de 15 à <a href="https://www.rolandberger.com/fr/Publications/Covid-19-impacts-et-rebond.html">40 % par exemple dans l’automobile</a>, voire davantage pour le transport aérien ou les secteurs du tourisme et de la restauration.</p>
<p>Cette période empêchera le « business as usual » et impliquera un « new usual », marqué par une forme d’attentisme et par le « moins » : moins de consommation, moins de recrutement, moins de projets, et probablement par plus de concentration et de consolidation dans certains secteurs, où les rachats d’entreprise iront bon train.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/340584/original/file-20200609-21238-1ir6qcr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/340584/original/file-20200609-21238-1ir6qcr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/340584/original/file-20200609-21238-1ir6qcr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/340584/original/file-20200609-21238-1ir6qcr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/340584/original/file-20200609-21238-1ir6qcr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/340584/original/file-20200609-21238-1ir6qcr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/340584/original/file-20200609-21238-1ir6qcr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/340584/original/file-20200609-21238-1ir6qcr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le secteur automobile devrait figurer parmi les plus impactés par la crise.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Studio concept/Shutterstock</span></span>
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</figure>
<p>Comment gérer cela ? La vraie question est bien celle-là : comment imaginer et réinventer le monde du business après la crise ? Des business modèles plus sains, plus durables, plus responsables seront-ils capables d’émerger et de s’imposer ? À chaque entreprise d’inventer, de développer la vision d’une meilleure version d’elle-même, une version différente.</p>
<p>Dans un futur proche, le chef d’entreprise doit donc être en mesure de réfléchir, mais aussi d’agir, sur son impact sociétal, environnemental, et sur ce qui a besoin d’être amélioré, voire radicalement changer, dans la façon dont son entreprise fait du business. La crise accélère les tendances de fond. Deux chantiers en particulier passent à la vitesse supérieure.</p>
<h2>Gérer un risque devenu permanent</h2>
<p>Tout d’abord, la gestion des risques semble plus essentielle que jamais.</p>
<p>Dès que leur situation de trésorerie sera stabilisée, les entreprises pourront réévaluer leurs chaînes logistiques (<em>supply chains</em>), voire réintroduire des stocks pour sécuriser leurs approvisionnements. Il s’agira d’opérer de la relocalisation choisie, de créer des interconnexions permettant de multiplier les options au lieu d’accentuer la dépendance et de fragiliser le système.</p>
<p>Au moment de réactiver les supply chains et alors que les frontières des pays resteront probablement encore fermées pour quelque temps, le « local » aura toutes ses chances pour repartir le premier et peut-être, prendre une longueur d’avance auprès des consommateurs. Reste à savoir si ceux-ci lui resteront fidèles par la suite, au moment où les produits meilleur marché referont leur apparition… dans un contexte de chômage et de régression économique majeure.</p>
<p>Dans tous les cas, tous les chefs d’entreprise ont intérêt d’ores et déjà à repenser leur supply chain pour pouvoir reprendre une activité significative. Cela est d’autant plus vrai que le <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/sciences/du-plus-optimiste-au-plus-noir-les-scenarios-de-l-evolution-du-covid-19_2125555.html">scénario de résurgence du Covid-19</a> dans différents pays dans les mois à venir n’est pas exclu et présente donc un risque pour les approvisionnements globaux.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/340583/original/file-20200609-21182-51vp6m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/340583/original/file-20200609-21182-51vp6m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/340583/original/file-20200609-21182-51vp6m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/340583/original/file-20200609-21182-51vp6m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/340583/original/file-20200609-21182-51vp6m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=553&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/340583/original/file-20200609-21182-51vp6m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=553&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/340583/original/file-20200609-21182-51vp6m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=553&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La logistique des entreprise, l’un des chantiers prioritaires de l’après-crise.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Yuttana Contributor Studio/Shutterstock</span></span>
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<p>Dans un tel scénario, de nouvelles restrictions de circulation à court terme et de nouvelles périodes de « distanciation sociale », plus ou moins strictes sont à anticiper. Les managers ont donc intérêt à réévaluer tous les processus de leur entreprise sous ce jour et à se concentrer sur les « maillons faibles », qui seront déterminants.</p>
<p>Les autres risques, climatiques, sociaux, ne devraient pas non plus être négligés, tant ils deviennent probables en 2020 et potentiellement sévèrement impactants pour l’activité d’une entreprise.</p>
<h2>Le numérique, réservoir de croissance</h2>
<p>Le second chantier est celui de l’accélération numérique : dans tous les domaines, on aura appris à échanger, à faire commerce, travailler de façon numérique, sans se toucher ni parfois se voir : éducation en ligne, e-commerce, télétravail semblent des tendances qui vont durer.</p>
<p>Ils sont d’abord la promesse de gisements de productivité dont aucune entreprise ne voudrait se priver. L’accélération des solutions technologiques qui amplifient la productivité et rendent le travail humain moins nécessaire (robots, IA), nous rend moins dépendants des activités physiques humaines.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/340585/original/file-20200609-21230-clgawo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/340585/original/file-20200609-21230-clgawo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/340585/original/file-20200609-21230-clgawo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/340585/original/file-20200609-21230-clgawo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/340585/original/file-20200609-21230-clgawo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/340585/original/file-20200609-21230-clgawo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/340585/original/file-20200609-21230-clgawo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le télétravail, une tendance du confinement appelée à durer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">MT-R/Shutterstock</span></span>
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<p>Mais aussi le développement de ces « activités » du XXIe siècle est un formidable réservoir de croissance. On est donc partis pour de la transformation digitale et de l’innovation accélérées à tous les étages. Celles-ci plaident d’ailleurs pour une gestion des risques renforcée à l’égard des cyberattaques.</p>
<p>Apprendre de ses vulnérabilités en tant qu’entreprise pour les transformer en levier, et transformer les menaces en opportunités : voilà bien le rôle des managers et leaders d’entreprise. Les leçons de la crise actuelle insistent sur la nécessité d’une vision renouvelée de faire du business, plus qualitative, plus éthique, et plus responsable ; en parallèle de cette vision renouvelée, la gestion des risques et la transformation digitale seront les chantiers à faire avancer.</p>
<p>Le rôle des leaders, qui se sont transformés en « pompiers » de leurs entreprises au cours des derniers mois, est aussi de se projeter et de guider leurs équipes à faire un pas de plus dans la « nouvelle normalité » du XXIe siècle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/140385/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hélène Löning est membre de HEC SnO Institute.</span></em></p>Des business modèles plus durables et plus responsables sont appelés à émerger après la crise.Hélène Löning, Professeur Associé en Gestion et en Comptabilité, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1381332020-05-12T19:17:41Z2020-05-12T19:17:41ZSauver la presse quotidienne régionale : les leçons des géants du numérique<p>La presse régionale souffre des conséquences de la crise du Covid-19. Fragilisée depuis de nombreuses années à cause de l’affaiblissement de son modèle d’affaires traditionnel, la réduction de la distribution avec le <a href="https://www.liberation.fr/direct/element/le-distributeur-de-presse-presstalis-a-depose-le-bilan_112594/">dépôt de bilan de Presstalis</a> et les baisses des revenus publicitaires risquent désormais de lui être fatal.</p>
<p>Ainsi, le quotidien <em>Paris-Normandie</em> a été placé en <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/04/22/le-journal-paris-normandie-beneficie-d-un-court-sursis_6037394_3234.html">liquidation judiciaire</a> le 21 avril suite à l’accumulation d’une dette de 7 millions d’euros. Cet exemple est loin d’être un cas isolé et de nombreux autres titres rencontrent des difficultés financières.</p>
<h2>La digitalisation a ses limites</h2>
<p>La situation n’est pas nouvelle et le <a href="https://www.cairn.info/la-presse-quotidienne--9782707175878.htm">diagnostic est connu</a> : baisse du lectorat papier, baisse des points de distribution, baisse des recettes publicitaires, augmentation du prix du journal plus rapide que l’inflation.</p>
<p>Le modèle d’affaires principalement basé sur les revenus de la vente de publicité et la vente d’abonnements est remis en cause par le développement de l’accès gratuit à l’information et la segmentation des pratiques sur Internet.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1252832044691804164"}"></div></p>
<p>La presse régionale peine donc à trouver un nouveau modèle économique dans le monde numérique de l’information alors qu’elle a un rôle central dans le maintien de la démocratie. D’après Clara Hendrickson, chercheuse pour la Brookings Institution, la crise de la presse locale serait même l’une des causes de la <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/la-crise-de-la-presse-locale-a-un-cout-economique-et-politique-estime-une-chercheuse-de-la-brookings-institution-1150862">crise de la démocratie américaine</a>.</p>
<p>La presse régionale a essayé de dupliquer son modèle d’affaires en le transférant sur Internet : journal en ligne en partie gratuit, abonnement à la version numérique, publicité en ligne, achats de contenus ciblés. Or, la publicité numérique n’est <a href="https://www.lefigaro.fr/medias/2019/01/31/20004-20190131ARTFIG00091-pub-en-ligne-google-et-facebook-captent-toute-la-croissance.php">pas assez rémunératrice</a> et l’accès à l’information en ligne reste difficilement monétisable à cause de la faible propension à payer des internautes.</p>
<p>Il faut donc capter un grand nombre d’internautes et avoir un taux de transformation de l’offre gratuite à l’offre payante assez élevé pour amortir une offre gratuite. Ainsi, l’activité économique liée au monde numérique prend des formes complexes avec des modèles d’affaires propres et envisager simplement la duplication d’un modèle de consommation physique vers sa pratique numérique ne suffit pas. Certains acteurs emblématiques de l’économie du numérique l’ont bien compris (comme Amazon, Airbnb, eBay, Google, Facebook) et l’équilibre économique est souvent atteint en développant plusieurs activités complémentaires créatrices de synergies.</p>
<p>Pour mieux comprendre cette logique, l’examen des portefeuilles de modèles d’affaires des géants Apple, Google et Microsoft s’avère très utile et surtout riche d’enseignements pour envisager la survie de la presse régionale.</p>
<h2>Créer des synergies par la diversification</h2>
<p>À partir de données historiques, nous avons <a href="http://www.managementinternational.ca/catalog/la-gestion-strategique-d-un-portefeuille-de-business-models-connectes-une-application-aux-secteurs-du-numerique.html">analysé</a> le portefeuille de modèles d’affaires de ces trois sociétés et repéré les principes de construction de leur rentabilité.</p>
<p>Les trois géants du numérique ont développé une <a href="http://www.theinnovation.eu/innov/wp-content/uploads/2020/05/ArchirectureBM-2.jpg">architecture de portefeuille de modèles d’affaires similaires</a> : on trouve au centre un modèle d’affaires multiface de ventes de contenus, de services numériques et de publicités numériques et, en périphérie, des modèles d’affaires de ventes de terminaux numériques (ordinateurs, smartphones, tablettes, objets connectés…). Le tout est connecté par un modèle d’affaires de mise à disposition gratuite ou de vente de systèmes d’exploitation.</p>
<p>Prenons l’exemple d’Apple. L’entreprise développe un portefeuille complexe dans lequel ses plates-formes iTunes store et App store sont accessibles depuis des iPhone ou iPad qui tournent sur son système d’exploitation iOS. En connectant ses modèles d’affaires de vente de contenus digitaux aux modèles d’affaires de vente de terminaux numériques haut de gamme, Apple capture et s’approprie des revenus élevés.</p>
<p>Dans ce type de portefeuille, de multiples effets positifs résultent des connexions entre les modèles d’affaires. Des <a href="https://www.leconomiste.eu/decryptage-economie/581-comprendre-les-effets-de-reseau-les-consequences-strategiques.html">effets de réseaux</a>, des effets d’adoption, des <a href="https://www.ionos.fr/startupguide/gestion/economies-denvergure/">économies d’envergure</a> et des <a href="https://droit-finances.commentcamarche.com/faq/23771-economie-d-echelle-definition">économies d’échelles</a>. Tout cela assure la captation d’un nombre important d’utilisateurs et une grande variété de revenus. À terme, ces plates-formes deviennent incontournables et s’inscrivent de manière dominante dans la société.</p>
<h2>Transformer la presse régionale en plate-forme</h2>
<p>Le métier de la presse régionale est basé sur l’information locale, rentabilisée notamment par les revenus publicitaires. Toutefois, pour les sociétés de ce secteur, la seule duplication de leur modèle d’affaire physique au numérique ne suffit pas à assurer leur rentabilité.</p>
<p>Pour survivre dans le monde digital, les sociétés de presse régionales doivent envisager la construction de plates-formes à partir desquelles il va être possible de diversifier leur offre autour de leur métier historique, réalisant ainsi des économies d’envergure.</p>
<p>Adopter une logique de plate-forme permettrait à la presse locale de diffuser non seulement de l’information mais aussi une variété de contenus complémentaires (petites annonces, contenus photos et vidéos sur de multiples supports, magazine culturel, guides locaux, blogs, etc.) qui enrichiraient l’offre globale en fournissant plus de valeur que l’information seule.</p>
<p>Plus la diffusion d’informations et de contenus de qualité ayant un caractère réellement locale serait élevée, plus les internautes seraient nombreux, attirant ainsi les annonceurs.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/333399/original/file-20200507-49546-1i8y5hf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/333399/original/file-20200507-49546-1i8y5hf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=150&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/333399/original/file-20200507-49546-1i8y5hf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=150&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/333399/original/file-20200507-49546-1i8y5hf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=150&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/333399/original/file-20200507-49546-1i8y5hf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=189&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/333399/original/file-20200507-49546-1i8y5hf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=189&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/333399/original/file-20200507-49546-1i8y5hf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=189&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Figaro Classfields est un exemple de diversification réussi dans les annonces classées sur Internet à partir du métier historique d’entreprise de presse nationale.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://classifieds.lefigaro.fr/">Le Figaro</a></span>
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</figure>
<p>L’agrégation et la mise en relation d’une variété de producteurs et de consommateurs de contenus seraient de puissants leviers pour la création d’effets de réseaux positifs.</p>
<p>Par exemple, les annonceurs cherchant à diffuser une publicité la plus ciblée possible pourraient directement poster leur annonce en ligne en accédant à une base d’internautes qualifiées. Les internautes recherchant de l’information de valeur pourraient y accéder par l’intermédiaire de journalistes, reporters mais aussi via des blogueurs cherchant une diffusion plus large qu’un blog isolé et souvent peu visible.</p>
<p>À partir de la plate-forme, la déclinaison d’une variété de contenus locaux diffusés de multiples manières pourrait à terme créer un effet de masse et favoriser les effets d’adoption. En effet, en s’engageant dans une plate-forme proposant un bouquet de services liés à l’information locale, les internautes multiplieraient leur source de satisfaction et seraient moins tentés de s’engager sur d’autres plates-formes. Cet effet d’adoption serait également renforcé en cas de développement d’une application mobile de la plate-forme, permettant ainsi de favoriser un modèle d’<a href="https://www.definitions-marketing.com/definition/notification-push/">information poussée</a> plutôt que tirée.</p>
<h2>Une concurrence qui reste biaisée</h2>
<p>Toutefois, la mise en place de telles plates-formes demanderait une concentration des médias au niveau régional. La société de presse doit mettre en place ou racheter d’autres médias, ce qui exige des moyens conséquents.</p>
<p>De plus, les géants du numérique essayent depuis de nombreuses années de <a href="https://fr.euronews.com/2019/10/24/droits-voisins-la-presse-francaise-porte-plainte-contre-google">préempter</a> l’information locale. C’est donc un défi à la fois technologique, économique et sociétal pour bousculer un système qui avantage les grands groupes au détriment des acteurs locaux.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1187301060018343936"}"></div></p>
<p>Une telle révolution ne peut donc pas se faire sans une aide publique, qu’elle soit nationale ou régionale. Elle ne pourra pas non plus se faire sans une régulation forte des États sur les activités des géants du numérique. Mais c’est encore possible, à condition d’envisager des modèles d’affaires moins statiques, reposant sur des plates-formes multifaces et des portefeuilles plus larges de modèles d’affaires connectés.</p>
<p>Ces nouvelles approches doivent jouer sur les effets d’envergure, les effets de réseaux et les effets d’adoption qui sont désormais au centre de l’économie du numérique et s’imposent comme des clés du succès économique et de la survie stratégique.</p>
<hr>
<p><em>Cet article s’est appuyé sur le modèle développé dans le papier publié dans Management International : <a href="http://www.managementinternational.ca/catalog/la-gestion-strategique-d-un-portefeuille-de-business-models-connectes-une-application-aux-secteurs-du-numerique.html">« La gestion stratégique d’un portefeuille de business models connectés : une application aux secteurs du numérique »</a>, issue des travaux de recherche réalisés dans le projet <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-13-SOIN-0001">ANR Better Business Model</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138133/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Romain Gandia a reçu des financements de l'ANR pour le projet Better Business Model</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Guy Parmentier a reçu des financements de l'ANR pour le projet Better Business Model</span></em></p>Apple, Google et consorts l’ont bien compris : multiplier les modèles d’affaires est devenu indispensable pour survivre dans l’économie numérique. Et si la PQR s’en inspirait ?Romain Gandia, Maître de conférence, Organizational Studies, Business Administration à l'Université Savoie Mont Blanc, IAE Savoie Mont BlancGuy Parmentier, Maître de conférences HDR à Grenoble IAE, Grenoble IAE Graduate School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1265712020-01-22T19:06:58Z2020-01-22T19:06:58ZUne boussole stratégique pour optimiser son portefeuille de partenariats ONG-entreprise<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/310868/original/file-20200120-69531-1xx9gki.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=783%2C27%2C4142%2C3116&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">On peut classer ces partenariats en six grandes catégories. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/sustainable-collaboration-green-ecology-business-company-1091624174">Waraporn Wattanakul / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Les partenariats associant entreprises et organisations non gouvernementales (ONG) ne font plus exception dans le monde des affaires. Le rapport ministériel de l’Observatoire de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) date de 2005 et le cabinet de conseil C&E Advisory a publié en 2019 son 10e <a href="https://www.candeadvisory.com/barometer">baromètre des partenariats ONG-entreprises</a>. La recherche en management n’est pas en reste : plus d’une centaine de publications internationales traitent de ce sujet.</p>
<p>Pour guider les managers dans la gestion de ces partenariats, nous proposons une boussole qui rend compte de leur diversité et de leurs potentialités. Elle compte six types de partenariats ONG-entreprise, qui se déclinent en différentes formes de mécénat, de dialogue ou de projet, articulées autour de deux axes : la logique de partenariat (marchande vs non marchande) et la logique opérationnelle (exploitation vs exploration).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308654/original/file-20200106-123399-1xey1bl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308654/original/file-20200106-123399-1xey1bl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308654/original/file-20200106-123399-1xey1bl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308654/original/file-20200106-123399-1xey1bl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308654/original/file-20200106-123399-1xey1bl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308654/original/file-20200106-123399-1xey1bl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308654/original/file-20200106-123399-1xey1bl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Boussole des partenariats ONG-entreprise.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le mécénat n’a pas de finalité marchande et repose généralement sur l’activité d’une fondation. Deux formes peuvent être distinguées selon qu’il s’inscrive dans une logique d’exploration ou d’exploitation. D’un côté, le <strong>mécénat institutionnel</strong> qui concerne des initiatives de soutien à des causes d’intérêt général séparées du métier de l’entreprise, offrant des gains fiscaux et de réputation. À titre d’exemple, Bouygues Travaux Publics est mécène historique de l’ARSLA, ONG qui soutient la recherche sur la sclérose latérale amyotrophique, aussi appelée « maladie de Charcot ».</p>
<p>De l’autre, le <strong>mécénat opérationnel</strong>, <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/05/10/reconstruction-de-notre-dame-la-question-de-l-encadrement-du-mecenat-des-entreprises-doit-etre-posee_5460437_3232.html">lié aux activités de l’entreprise</a>, qui consiste à soutenir des projets portés par des ONG via du mécénat financier ou de compétences, tout en servant le positionnement de l’entreprise sur ses marchés. Ainsi, la Fondation FDJ parie sur l’égalité des chances dans les domaines de l’éducation et de l’insertion en intégrant le jeu comme modalité d’action.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/wyQmzeHx6TA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La Fondation FDJ soutient Play International (FDJ, 2018).</span></figcaption>
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<p>À la frontière du marchand et du non marchand, le dialogue avec les ONG permet d’aligner les intérêts de l’entreprise à ceux des parties prenantes. Dans une logique d’exploration, le <strong>dialogue institutionnel</strong> associe durablement un panel diversifié d’ONG à la réflexion stratégique de l’entreprise. À ce titre, le groupe Suez s’est engagé dans un processus pérenne de concertation avec les organisations de la société civile baptisé <em>Stakeholders sessions</em>. Cette instance située au niveau du siège fédère une diversité d’ONG autour des axes de développement de l’entreprise.</p>
<p>Le <strong>dialogue opérationnel</strong> est porté quant à lui par les directions opérationnelles sur des temporalités propres aux projets ou aux contrats : il permet de gérer les activités dans une optique de gestion des risques et d’enrichissement des pratiques. Depuis 2006, le groupe Total déploie une méthodologie appelée <em>Stakeholder Relationship Management</em> qui permet aux filiales d’identifier les parties prenantes locales, d’entrer en dialogue avec elles, et d’élaborer des plans d’action adaptés à leurs attentes.</p>
<p>Les projets permettent enfin à l’entreprise d’être accompagnée par une ONG pour bénéficier d’expertises spécifiques au service de ses activités marchandes. Les <strong>projets institutionnels</strong> sont déployés au niveau du siège pour le développement de démarches de responsabilité sociale des entreprises (RSE) déclinables dans les filiales sur une variété de thématiques : protection de la biodiversité, transparence, inclusion, etc. En 2018, le groupe Renault a noué un partenariat avec le WWF France pour promouvoir l’écosystème de la voiture électrique, présenté comme solution de mobilité durable.</p>
<p>Les <strong>projets opérationnels</strong> consistent pour l’ONG à accompagner directement ou indirectement les activités de l’entreprise dans des contextes difficiles ou inhabituels. Sa connaissance des populations, des réseaux locaux, et sa maîtrise de méthodologies adaptées favorisent l’implantation et l’ancrage local de l’entreprise. Dans cet esprit, ExxonMobil, la NBA, la WNBA et Africare ont lancé en 2013 le projet <em>Power Forward</em> qui entend former la jeunesse nigériane à travers le basket-ball.</p>
<p>Ces partenariats hétéroclites ouvrent donc de multiples potentialités : optimisation fiscale et contribution à des causes d’intérêt général, valorisation de l’image interne et externe de l’entreprise, outil de construction et de structuration de politiques de RSE, <a href="https://www.researchgate.net/publication/331638640_Business_models_de_l%E2%80%99entreprise_et_ONG_contributions_du_portefeuille_de_partenariats">support au déploiement des business models</a>, etc. Il est naturellement possible de cumuler ces atouts en développant ces différents partenariats au fil des opportunités.</p>
<p>Mais leur gestion stratégique, fondée sur une <strong>logique de portefeuille</strong>, offre trois grands avantages. Elle permet à l’entreprise de développer son ambidextrie organisationnelle, de maîtriser différents registres institutionnels, et d’articuler ses activités partenariales à son intention stratégique.</p>
<h2>Un répertoire élargi de solutions</h2>
<p>L’ambidextrie organisationnelle consiste en la gestion des demandes actuelles de son activité (exploitation) tout en étant capable de s’adapter à l’environnement voire d’influencer ses évolutions (exploration). L’entreprise pourra s’appuyer sur la diversité des partenariats pour construire cette double capacité.</p>
<p>En effet, les partenariats d’exploration ouvrent de nouveaux espaces stratégiques dans lesquels l’entreprise peut moduler son niveau d’engagement auprès des ONG : mécénat, dialogue ou projets. À l’inverse, les partenariats d’exploitation s’inscrivent dans la poursuite, le renforcement ou le développement des business models de l’entreprise sur ses différents marchés.</p>
<p>L’entreprise pourra de plus chercher à maîtriser différentes logiques institutionnelles, entendues comme des constructions sociales, des croyances et des normes organisant les relations entre acteurs et orientant leurs actions. Des logiques contradictoires peuvent coexister dans un secteur d’activité donné et fragmenter les parties prenantes. Le portefeuille de partenariats est un moyen de réconcilier ces antagonismes par phénomène d’hybridation. En offrant à l’entreprise un accès privilégié au registre non marchand des ONG, il fournit un répertoire élargi de solutions pour faire face à l’hétérogénéité des situations.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/310858/original/file-20200120-69539-1uxr1u.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/310858/original/file-20200120-69539-1uxr1u.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=312&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/310858/original/file-20200120-69539-1uxr1u.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=312&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/310858/original/file-20200120-69539-1uxr1u.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=312&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/310858/original/file-20200120-69539-1uxr1u.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=392&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/310858/original/file-20200120-69539-1uxr1u.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=392&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/310858/original/file-20200120-69539-1uxr1u.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=392&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Affiche du « Power Forward » illustrant le partenariat opérationnel entre Exxon, la NBA et Africare.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://twitter.com/nba_africa/status/1044870040921821189">NBA Africa/Twitter</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Enfin, le portefeuille de partenariats devra s’articuler à l’intention stratégique de l’entreprise. Dans cette optique, les partenariats d’exploration et d’exploitation doivent être combinés pour participer à la définition de sa mission et de sa vision. Cette complémentarité peut aussi être envisagée pour soutenir leur déploiement, certains partenariats se révélant particulièrement adaptés pour appuyer différents types de business models. Collectivement, ils peuvent contribuer à insuffler certaines valeurs et postures, dans un contexte de consolidation ou de changement.</p>
<p>La boussole de partenariats constitue donc un outil efficace pour aider les entreprises à se repérer dans la diversité des relations qu’elles peuvent tisser avec le monde des ONG.</p>
<p>Couplée à une logique de portefeuille, les managers pourront appréhender les partenariats de manière systémique en vue de renforcer l’agilité et la résilience de leur entreprise. Dans un contexte où le rôle sociétal de l’entreprise est régulièrement questionné, les partenariats ONG-entreprise apportent une réponse ambitieuse aux attentes légitimes d’un environnement toujours plus exigeant.</p>
<hr>
<p><em>Cette contribution s’appuie sur l’article de recherche intitulé <a href="https://www.researchgate.net/publication/331638640_Business_models_de_l%E2%80%99entreprise_et_ONG_contributions_du_portefeuille_de_partenariats">« Business models de l’entreprise et ONG : Contributions du portefeuille de partenariats »</a> publié dans la revue Management International</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/126571/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La classification établie par deux chercheurs permet de mieux articuler les partenariats aux business models de l’entreprise.Alexandre Renaud, Professeur associé de stratégie, EM NormandieRaphaël Maucuer, Associate professor, ESSCA School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1291942020-01-06T18:32:29Z2020-01-06T18:32:29ZLa rente cognitive, une arme stratégique pour vaincre l’ubérisation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/308597/original/file-20200106-123407-s04gqf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=86%2C2%2C1429%2C895&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Par des discussions informelles, les acteurs menacés d'ubérisation peuvent accéder à certaines informations avant qu'elles ne soient rendues publiques.</span> <span class="attribution"><span class="source">Dan mano / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’<a href="https://theconversation.com/les-mysteres-de-luberisation-73891">ubérisation</a> reste synonyme d’une crainte existentielle pour beaucoup d’acteurs économiques. Elle est comme une épée de Damoclès qui prendrait la forme d’une start-up disruptive remettant en cause le positionnement des acteurs établis. L’assurance contre ce risque d’ubérisation se trouve peut-être dans les théories cognitives qui pourraient apporter des solutions à ces interrogations stratégiques, au travers des concepts d’asymétrie de connaissances et de rente cognitive.</p>
<p>Cela suppose d’abord de comprendre la nature des perturbations provoquées par le digital dans les logiques qui structurent les asymétries sur un marché. Et d’examiner en particulier la situation des intermédiaires, c’est-à-dire des acteurs vivant des déséquilibres entre l’offre et la demande.</p>
<h2>La perte de la rente informationnelle</h2>
<p>La théorie de l’agence de <a href="https://theconversation.com/vivendi-socgen-ubs-volkswagen-des-dirigeants-hero-nomanes-48765">Michael C. Jensen et William H. Meckling</a>, qui perçoit l’entreprise comme un réseau de contrats entre des individus, a longtemps permis de comprendre ce qui amenait des acteurs à solliciter des intermédiaires. Pour résumer, le principal, le client, va faire appel à un intermédiaire (un agent) pour réaliser une tâche en son nom et/ou pour accéder à des biens ou des services sur un marché donné. Il doit entamer une telle démarche en raison d’une asymétrie d’informations à son détriment, sachant que le mandat confié sera lui-même source de nouvelles asymétries d’informations pour lui.</p>
<p>Ainsi, la théorie de l’agence explique l’existence d’intermédiaires sur un marché par une asymétrie d’informations, suite à une configuration de déséquilibre entre offre et demande. Un agent immobilier par exemple parvient ainsi à se constituer une rente informationnelle, à l’origine de sa légitimité et de sa valeur ajoutée. Cette rente peut devenir considérable, en permettant l’enracinement de l’acteur comme cela a été démontré dans le cas de la situation spécifique des dirigeants vis-à-vis de leurs mandataires, les actionnaires.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"653460792570966016"}"></div></p>
<p>L’ubérisation peut alors être conceptualisée comme une captation et un détournement de cette rente informationnelle de l’intermédiaire. En effet, les informations monopolisées autrefois par un agent deviennent accessibles au plus grand nombre par le biais des plates-formes. La littérature académique sur la décote de valeur actionnariale des groupes diversifiés a été très <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2008-3-page-73.htm">prolixe</a> sur ce sujet sur la base d’un postulat bien connu : les marchés financiers (et donc leurs opérateurs, par exemple les fonds de pension) seraient plus efficients que les dirigeants d’entreprises (conglomérales et diversifées) pour allouer les ressources, vers les meilleurs projets.</p>
<p>En prenant l’exemple de l’immobilier, cela peut se traduire de deux manières. Tout d’abord, le C2C (<em>consumer to consumer</em>) se démocratise dans l’ancien et en partie dans le neuf. Les sites de mise en relation directe de particuliers mettent à disposition les informations sur le marché de l’immobilier. Ensuite, il existe une offre de cybermédiation proposée par des start-up de la proptech, c’est-à-dire la « fintech de l’immobilier ».</p>
<p>Ces deux types de tentatives d’ubérisation de l’intermédiation immobilière qui existent également dans d’autres secteurs privent peu à peu l’agent historique de sa rente informationnelle. La possibilité d’exploiter une asymétrie d’informations s’amenuise alors progressivement pour un intermédiaire.</p>
<h2>Transformer l’information en connaissance</h2>
<p>Face aux plates-formes mettant à disposition les informations, un agent ne peut donc plus se limiter à une stratégie de détention exclusive d’informations brutes. La valeur ajoutée d’un intermédiaire face à des acteurs ayant un <em>business model</em> reposant en grande partie sur des algorithmes de récolte de données va donc de plus en plus dépendre de sa capacité à transformer l’information en autre chose : des connaissances.</p>
<p>La connaissance est en effet toujours singulière. Dans un contexte d’analyse des asymétries de marchés, il convient par ailleurs de mettre ce concept au pluriel en intégrant différentes <a href="https://www.academia.edu/5796785/Tacit_Knowledge_in_Organizations1">dimensions</a> (tacite, explicite, codifiée, non-codifiée, etc.). Ainsi, l’intermédiaire peut mettre en avant des savoir-faire, mais également des savoir-être, voire une capacité à aller au-delà des apparences et à développer des affinités et même une intimité.</p>
<p>Ce processus de transformation de l’information en connaissances se traduit alors par un changement de nature de l’asymétrie. Si l’on considère qu’un acteur n’exploite plus une asymétrie d’informations mais bien une <a href="https://www.strategie-aims.com/events/conferences/12-xieme-conference-de-l-aims/communications/764-retour-sur-les-principes-darticulation-entre-controle-et-strategie-une-perspective-ago-antagoniste/download">asymétrie de connaissances</a>, alors son positionnement sur le marché loin d’être amoindri peut même être consolidé. Il permet à l’agent de se démarquer face à des acteurs cherchant à ubériser l’intermédiation.</p>
<p>Une maîtrise des procédures, une capacité à exploiter et à combiner simultanément une variété d’informations et de connaissances formelles sont autant de moyens pour un agent de se démarquer des plates-formes. Celui-ci a aussi intérêt à valoriser son expertise et son expérience, c’est-à-dire à communiquer un ressenti et des éléments qui se trouvent dans l’envers du décor et auxquels de facto les plates-formes comme les algorithmes qui les sous-tendent ne pourront jamais avoir accès. Car l’asymétrie de connaissances ne décrit pas seulement la situation d’un agent qui connaîtrait tout et d’un client vivant dans la complète ignorance : l’intermédiaire apprend aussi de son interlocuteur, lequel peut détenir des connaissances utiles et généralement peu formelles.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308342/original/file-20200102-11900-1hjrg3s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308342/original/file-20200102-11900-1hjrg3s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308342/original/file-20200102-11900-1hjrg3s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308342/original/file-20200102-11900-1hjrg3s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308342/original/file-20200102-11900-1hjrg3s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308342/original/file-20200102-11900-1hjrg3s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308342/original/file-20200102-11900-1hjrg3s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La rente informationnelle est l’un des éléments dont l’agent immobilier tire sa légitimité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wavebreakmedia/Shutterstock</span></span>
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<p>Pour reprendre l’exemple de l’agent immobilier, en discutant avec un client, un vendeur peut être au courant d’ouï-dire d’une personne ayant pour projet de vendre un terrain et sur lequel il pourrait alors se positionner en priorité avant même la diffusion d’une annonce sur un site.</p>
<p>Pour reprendre une terminologie propre à la théorie de l’agence, la relation principal-agent se structurerait alors comme une forme de « coopétition cognitive » se justifiant par une asymétrie de connaissances croisée, même si le déséquilibre global peut demeurer en faveur de l’intermédiaire. Il serait d’ailleurs plus juste de parler de relations asymétriques de connaissances, toujours en reconstruction et en devenir, à l’image par exemple d’une situation de couple.</p>
<h2>Vaincre l’ubérisation</h2>
<p>Résumons-nous. L’agent bénéficiait donc d’une asymétrie d’informations sur la base de laquelle il parvenait à constituer une rente informationnelle. C’était même là, son principal objectif d’affaires. Et l’ubérisation mettrait précisément en péril cette rente de deux façons : d’une part, par un accès beaucoup plus large et simple à une masse considérable d’informations ; d’autre part, par la possibilité qu’offrent les plates-formes d’augmenter le pouvoir d’information même du mandant, et donc de se passer purement et simplement de mandataire.</p>
<p>Le décadrage conceptuel ici proposé invite à considérer que l’intermédiaire bénéficie en fait d’une rente cognitive, dans un contexte d’asymétrie de connaissances. La notion pourrait se définir comme un « capital immatériel constitué grâce à l’accumulation, la transformation et la création de connaissances implicites et explicites donnant un avantage concurrentiel sur un marché donné et/ou une position favorable dans une relation avec un interlocuteur ».</p>
<p>Même par un recoupement sophistiqué d’informations récoltées par des algorithmes et exploitées par des dispositifs de <em>deep learning</em>, il est difficilement concevable qu’une plate-forme d’intermédiation soit en mesure de parvenir à disposer d’une rente cognitive significativement robuste. Cela supposerait en effet une capacité d’accès aux connaissances implicites ; or, dans le contexte de relations asymétriques par nature singulières et en perpétuel devenir, ceci paraît peu probable.</p>
<p>La constitution et l’exploitation d’une rente cognitive devraient donc devenir une obsession de toute entreprise souhaitant non seulement résister, mais même prévenir les dynamiques d’ubérisation. Cela passe probablement par une transformation du design organisationnel même de l’entreprise. Loin d’un simple nœud de contrats juridiques employeurs-employés alternatif à de potentiels contrats de sous-traitance marchands (clients-fournisseurs), la conception de l’entreprise qui s’impose est celle d’un <a href="https://www.persee.fr/doc/rei_0154-3229_1999_num_88_1_1751">processeur de connaissances et d’une organisation apprenante</a>. L’entreprise est un lieu de <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-des-sciences-sociales-2002-1-page-29.htm">création de connaissances</a> par définition toujours singulier et idiosyncrasique, donc incomparable (comme deux couples ne sont pas comparables). Et c’est dans la capacité à valoriser la rente cognitive qu’elle crée dans la durée auprès de ses interlocuteurs et parties-prenantes que réside sa capacité à durablement exister au sein d’une industrie.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308344/original/file-20200102-11896-1mx4uto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308344/original/file-20200102-11896-1mx4uto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308344/original/file-20200102-11896-1mx4uto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308344/original/file-20200102-11896-1mx4uto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308344/original/file-20200102-11896-1mx4uto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308344/original/file-20200102-11896-1mx4uto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308344/original/file-20200102-11896-1mx4uto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les algorithmes ne sont pas aujourd’hui en mesure de construire une rente cognitive significative.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Vintage Tone/Shutterstock</span></span>
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</figure>
<p>Les implications de ce renouvellement conceptuel ne se limitent pas à la gouvernance interne de l’entreprise. Il convient également d’envisager une autre relation avec le client puisque ce dernier est un acteur important de la démarche de constitution de la rente cognitive par la forte valeur ajoutée des connaissances qu’il apporte.</p>
<p>De même qu’en finance d’entreprise les chercheurs travaillent de longue date sur la « gouvernance cognitive » (voir en particulier les travaux de <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2009-8-page-343.htm">Gérard Charreaux</a>), le concept de rente cognitive pourrait ici permettre d’enrichir le dialogue théorique avec le champ du management stratégique et de manière très concrète.</p>
<p>Car si la rente cognitive a son côté clair en permettant d’imaginer comment repenser le sens de leurs activités et leur valeur, elle a aussi son côté obscur. La notion de conflit d’intérêts pourrait par exemple être radicalement repensée, tant au plan managérial que juridique, en adossant les raisonnements des professionnels sur le concept de rente cognitive et non plus de stricte rente informationnelle. Par exemple, pour les autorités de régulation dont la mission est de veiller au respect des « règles du jeu », cela pourrait conduire à envisager des implications en matière de surveillance et de régulation des acteurs opérant sur les marchés. La conception de l’information privée (à l’origine des caractérisations des manquements d’initié), n’est pas identique selon que l’on raisonne asymétrie d’informations à un instant donné, ou rente cognitive bâtie sur longue durée. De même, le raisonnement en termes de rente cognitive plutôt qu’informationnelle pourrait conduire à reconcevoir de manière radicale un concept clé de gouvernance et bien trop peu examiné au plan théorique : <a href="https://www.institutmontaigne.org/blog/2009/08/03/339-claude-bebear-vous-avez-dit-independance">l’indépendance</a>.</p>
<p>De telles réflexions sont embryonnaires. C’est pourquoi, pour conclure, on choisira surtout de s’attarder sur le côté clair de la force de la rente cognitive : elle offre un espoir majeur aux acteurs installés sur des marchés de pouvoir s’appuyer sur des outils visant délibérément l’exploitation de l’asymétrie de connaissances. En ce sens, le concept de rente cognitive s’avère une arme stratégique dont les acteurs peuvent se saisir pour résister aux dynamiques d’ubérisation et même pourquoi pas, les <a href="https://theconversation.com/business-schools-en-route-pour-luberisation-des-enseignants-chercheurs-121069">vaincre</a> : celui-ci invite à focaliser l’attention sur l’invention de formes organisationnelles nouvelles de création, de circulation et d’exploitation des connaissances, plutôt que sur la peur qu’engendre la déstabilisation de situations stratégiques jugées trop hâtivement acquises.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est issu de la thèse de DBA de Sébastien Bourbon, réalisée dans le cadre du <a href="https://www.business-science-institute.com/executive-dba-en-ligne/">programme de Doctorate in Business Administration (DBA)</a> du Business Science Institute. Elle a été soutenue durant la semaine internationale organisée à Wiltz, du 23 au 26 septembre 2019. Cette thèse de DBA a été supervisée par le professeur Jean‑Philippe Denis. Elle donnera lieu à la publication d’un ouvrage aux <a href="https://mailchi.mp/0ff0024ccf2a/des-livres-impact-pour-2020-impactful-reading-for-2020-wirkungsvolle-lektre-fr-2020">éditions EMS, collection Business Science Institute</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/129194/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Philippe Denis est membre du conseil académique du Business Science Institute. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sébastien Bourbon est membre de:
Syndicat National des Professionnels de l'Immobilier.
Compagnie des experts de justice de lyon.
Association Française des juristes d'entreprise, commission droit immobilier.</span></em></p>Face aux plates-formes d’intermédiation, les acteurs peuvent se constituer des avantages concurrentiels à partir de l’analyse d’informations hors de portée des algorithmes.Jean-Philippe Denis, Professeur de gestion, Université Paris-SaclaySébastien Bourbon, Docteur DBA du Business Science Institute, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1275332019-11-27T19:06:52Z2019-11-27T19:06:52ZBlack Friday : la résistance s’organise autour du consommer moins et mieux<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/302899/original/file-20191121-547-1x3nzip.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=48%2C0%2C1167%2C666&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les initiatives se multiplient à l'approche du grand jour des promotions commerciales pour sensibiliser à la surconsommation.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://twitter.com/By2020WeRiseUp/status/1197419413026291712">Capture d'écran Twitter / @By2020WeRiseUp</a></span></figcaption></figure><p>Aucun Français ne fêtera Thanksgiving ce jeudi 28 novembre 2019 mais, le lendemain, nombreux seront ceux qui chasseront les promotions du Black Friday, à l’instar des consommateurs américains qui, depuis les années 1970, se ruent dans les magasins pour profiter de promotions fracassantes. Depuis 2014, cette journée s’impose dans le paysage de la consommation française. Tout comme le Singles Day (le « jour des célibataires ») asiatique ou le Cyber Monday, le Black Friday s’étend maintenant sur plusieurs jours avec un impact grandissant sur le chiffre d’affaires des entreprises, impliquées mais aussi sur le volume des produits vendus.</p>
<p>En 2019, les perspectives commerciales s’annoncent juteuses (5,9 milliards d’euros de dépenses prévisionnelles soit <a href="https://www.retailmenot.fr/black-friday-2019-plus-de-145-millions-deuros-de-depenses-prevues-chaque-heure-en-ligne-et-en-magasin/">+4,1 % par rapport à 2018</a>, selon une étude Retailmenot/CRR). Toutefois, le contexte socioculturel a aussi nettement évolué.</p>
<h2>Sensibiliser à la surconsommation</h2>
<p>À l’aune de l’urgence climatique et sociale, le Black Friday symbolise le culte de la surconsommation et de l’achat déraisonné et s’attire de vives critiques. Ces dernières ont existé dès son émergence mais s’organisent désormais de manière plus formelle en déclinant des stratégies de boycott. Certains sites, comme la Camif, spécialisé dans la vente d’équipement de la maison et de la personne aux particuliers, fermeront purement et simplement leur site de vente en ligne le jour J afin de faire prendre conscience aux citoyens de l’impact de leur consommation.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1195257649735991296"}"></div></p>
<p>Des associations comme <a href="https://www.greenfriday.fr">Green Friday</a>, qui regroupe 200 entreprises et associations, se fédèrent par ailleurs sous cette initiative, avec le soutien de la mairie de Paris.</p>
<p>D’autres collectifs de marque, comme <a href="https://www.faguo-store.com/fr/2019/11/faguo-reunit-450-marques-francaises-dans-un-collectif-make-friday-green-again/">Make Friday Green Again</a>, profitent de cet événement pour sensibiliser les consommateurs sur la consommation responsable, le commerce équitable, la production locale, le réemploi. De même, le mouvement Youth For Climate tente de mobiliser en ligne avec notamment le lancement du hashtag #BlockFriday.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1196865065422594048"}"></div></p>
<p>Leur objectif est d’informer par des campagnes de communication ou par des actions spécifiques (ateliers, conférences) sur les externalités négatives et sociales de la production et de l’accumulation des biens, en particulier dans le textile. Par exemple, les entreprises qui s’engagent avec l’association Green Friday, refusent d’organiser des promotions et reversent 10 % de leur chiffre d’affaires au profit d’associations qui militent pour une consommation responsable ou de lutte contre l’obsolescence programmée.</p>
<p>Dans le collectif de marques Make Friday Green Again, impulsé par le spécialiste de l’habillement et de la chaussure Faguo, et regroupant 450 marques comme Nature et Découvertes ou Manfield, mais aussi une multitude de petites marques responsables (la Gentle Factory, Joone, Bonne gueule, la garçonnière, les petits raffineurs, Big Moustache, etc.), le but affiché est triple : encourager les consommateurs à faire le tri de leurs placards pour revendre ou recycler, les questionner sur leurs besoins réels et les accompagner dans leurs achats vers une consommation raisonnable et au juste prix.</p>
<h2>Paradoxes de consommation</h2>
<p>Il n’est pas étonnant que ces marques qui construisent tout le reste de l’année des offres éthiques et responsables, choisissent de se fédérer pour envoyer un signal fort de résistance à ce qu’ils qualifient de « journée infernale de surconsommation imposée par le marché ». En s’engageant de la sorte, ces entreprises agissent en accord avec leurs <a href="https://blogs.alternatives-economiques.fr/hop/2019/05/31/business-models-vers-une-prise-en-compte-de-la-durabilite-effective-des-vetements">business models soutenables</a> et les valeurs qui font leur essence.</p>
<p>Ils se différencient des entreprises opportunistes sur le sujet et répondent aux attentes de consommateurs eux-mêmes pétris de convictions. En valorisant des actes d’achat raisonnés ou l’abstinence, ces entreprises font plus qu’un acte militant, elles offrent à leurs clients l’opportunité de pouvoir aligner leurs opinions et leurs actes, ce qui n’est pas toujours aisé.</p>
<p>En effet, dans nos <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0276146714553935">recherches sur la sobriété</a>, nous avons pu constater que le cheminement vers des schémas de consommation raisonnés et restreints n’est ni linéaire ni constamment gratifiant. Les valeurs consuméristes restent très influentes et structurantes. Même avec les meilleures intentions, les consommateurs avertis se retrouvent face à des paradoxes de consommation et des tensions qui sont le fruit de longues années d’infusion du modèle de la société de consommation constituant un habitus consumériste qui <a href="https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/0767370116660056">structure leurs pratiques</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/302888/original/file-20191121-515-1xis9o7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/302888/original/file-20191121-515-1xis9o7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/302888/original/file-20191121-515-1xis9o7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/302888/original/file-20191121-515-1xis9o7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/302888/original/file-20191121-515-1xis9o7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/302888/original/file-20191121-515-1xis9o7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/302888/original/file-20191121-515-1xis9o7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/302888/original/file-20191121-515-1xis9o7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le Black Friday en chiffres.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.retailmenot.fr/black-friday-2019-plus-de-145-millions-deuros-de-depenses-prevues-chaque-heure-en-ligne-et-en-magasin/">Retailmenot/CRR Report</a></span>
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<p>Ne pas consommer ou réduire sa consommation est un choix politique qu’il est parfois difficile à assumer à un niveau individuel. La sobriété dans la consommation entraîne chez les consommateurs une démarche réflexive existentielle autour de la notion de besoin. Nos travaux montrent une redéfinition des frontières entre désirs et besoins, des oscillations entre le tout posséder et un ascétisme incompatible avec la vie moderne.</p>
<p>Les cheminements vers la sobriété ne sont pas construits selon une logique exclusivement sacrificielle. Au contraire, il s’agit de cheminements négociés, destinés à atteindre un point de bien-être. De fait, le Black Friday peut représenter un repoussoir et, en même temps, un faisceau de tentations qui peut ébranler les plus convaincus. Par ailleurs, il constitue aussi un moment d’exacerbation consumériste pour des consommateurs moins sensibilisés aux causes environnementales et sociales voire un pic de fragilisation pour les consommateurs économiquement vulnérables.</p>
<h2>David contre Goliath ?</h2>
<p>Par conséquent, le fait que les marques et associations utilisent le Black Friday pour boycotter, informer sur ses ressorts, porter des revendications est louable pour tous. Elles offrent des alternatives, mettent en avant des actions concrètes qui ne profitent pas uniquement aux convaincus mais aussi à l’ensemble des consommateurs en valorisant l’absence d’achat et en promouvant de nouveaux comportements vertueux. Ces derniers s’ancrent cette année dans les différents <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921344917302835">R de l’économie circulaire</a> : réduire, réparer, réutiliser, reconditionner…
Ainsi, seront proposés par les différentes marques et associations à la fois des ateliers de zéro déchet ou de « do it yourself » (« fais-le toi-même ») visant à réduire la consommation et les déchets, des ateliers de réparation de vêtements, d’appareils électroniques, de vélos, des conférences sur l’upcycling (« recycler par le haut », qui incite à récupérer des objets qui finissent habituellement dans les poubelles) ou des visites d’ateliers de reconditionnement et de recyclage.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1197123675096592386"}"></div></p>
<p>Nous constaterons vendredi 29 novembre si la constellation d’actes de résistances est une goutte d’eau dans l’océan ou bien le caillou de David contre Goliath. À défaut, cet évènement permettra pour un nombre croissant de consommateurs sensibilisés aux problématiques sociales, éthiques et environnementales, d’identifier plus facilement les marques en accord avec leurs valeurs et de démêler le vrai du faux dans les discours actuels. Affaire à suivre car la déconsommation devient une réalité dans certains secteurs, en particulier celui du <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/07/par-choix-ou-par-contrainte-les-francais-acheteront-moins-de-vetements-neufs_5393835_3224.html">textile-habillement</a> et pourrait bien obtenir un coup de pouce législatif grâce aux députés qui viennent de proposer un <a href="http://www.leparisien.fr/economie/des-deputes-veulent-interdire-les-promotions-du-black-friday-26-11-2019-8202273.php">amendement anti–Black Friday</a> lié à la loi anti-gaspillage.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127533/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Maud Herbert fait partie du comité d'experts de l'association HOP (Halte à l'Obsolescence Programmée).
Les recherches sur la mode circulaire sont soutenues financièrement par la région Hauts de France et l'ADEME.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Isabelle Robert fait partie du comité d'experts de l'association HOP (Halte à l'Obsolescence Programmée) et du comité d'experts de Clear Fashion. Les recherches sur la mode circulaire sont soutenues financièrement par la région Hauts de France et l'ADEME.</span></em></p>Des associations ou des marques prennent le contre-pied des enseignes qui proposent des promotions le 29 novembre pour dénoncer une « journée infernale de surconsommation ».Maud Herbert, Professeur des Universités, Université de LilleIsabelle Robert, Maître de conférences en sciences de gestion, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1269452019-11-18T19:55:34Z2019-11-18T19:55:34ZDaech, un écran de fumée idéologique sur un business très rentable<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/301495/original/file-20191113-77300-1xa1w83.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=79%2C10%2C1038%2C698&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les puits de pétrole controlés par l'État islamique, qui lui assuraient 25% de des ses ressources en 2015, ont été détruits lorsque ses combattants ont battu en retraite.</span> <span class="attribution"><span class="source">Odd Andersen / AFP</span></span></figcaption></figure><p>Le 27 octobre 2019, le président américain Donald Trump a annoncé sur Twitter la <a href="https://www.sudouest.fr/2019/10/27/le-chef-de-daesh-est-mort-confirme-trump-6752716-6093.php">mort du chef de Daech</a>, Abou Bakr al-Baghdadi, lors d’une opération militaire américaine menée dans le nord-ouest de la Syrie. Cet événement constitue le point d’orgue des opérations militaires de la coalition internationale antijihadiste menée par les États-Unis et clos l’offensive menée en février 2019 par la coalition arabo-kurde des Forces démocratiques syriennes (FDS) pour liquider territorialement <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/etat-islamique-daech-daesh/">l’État islamique</a>. </p>
<p>La mort d'al-Baghdadi marquera-t-elle la fin de Daech ? Rien n’est moins sûr. L'organisation est devenue en quelques années le groupe le plus puissant et le plus attractif de toutes les formations djihadistes. Si les frappes des Occidentaux ont réduit le territoire occupé, Daech conserve une capacité de mobilisation idéologique dans de nombreuses régions du monde, en Occident, au Sahel, aux Philippines ou encore en Somalie. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1188948812339011590"}"></div></p>
<p>Daech a bâti, grâce à l’assise territoriale, un système économique autosuffisant et diversifié qui repose sur un large éventail d’activités industrielles et commerciales, de ressources naturelles et de matières premières, du pétrole aux denrées agricoles en passant par les minerais. </p>
<p>Selon les dernières données disponibles issues de l'analyse de 26 rapports parlementaires, la valeur théorique des actifs sous le contrôle de l’État islamique (réserves de pétrole, réserves gazières, minerais, actifs monétaires) était estimée à <a href="http://cat-int.org/wp-content/uploads/2017/03/Financement-EI-2015-Rapport.pdf">2 260 milliards dollars</a> fin 2015, date de l'apogée de l'organisation. </p>
<p>Et si le califat n’était qu’un écran destiné à masquer un business model extrêmement lucratif ? Le califat ne serait donc ni un projet de société, ni une terre promise, ni la réminiscence d’un modèle de cité islamique de l’âge d’or, mais une stratégie d’affaires savamment élaborée, fondée sur le pillage, pour accumuler des richesses en un temps record.</p>
<h2>Une ingénierie financière redoutable</h2>
<p>Le <a href="http://www.slate.fr/story/89025/finance-eiil-irak">pillage de la banque de Mossoul</a> a rapporté près de 400 millions de dollars à Daech en 2014, ce qui lui a permis de changer de dimension et de verser, dans la durée, des salaires aux combattants, de fidéliser des soutiens et d’acheter des armes. </p>
<p>Daech a contrôlé jusqu'à une vingtaine de puits de pétrole en Syrie et en Irak, captant <a href="http://cat-int.org/wp-content/uploads/2017/03/Financement-EI-2015-Rapport.pdf">60% de la production irakienne</a>. 10% du PIB de l’Irak aurait été aux mains de Daech, soit 40 milliards de dollars. Les revenus de la vente/contrebande du pétrole auraient oscillé selon les estimations entre 500 000 et un million de dollars par jour. </p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/301489/original/file-20191113-77300-1mlbyyd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/301489/original/file-20191113-77300-1mlbyyd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/301489/original/file-20191113-77300-1mlbyyd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=644&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/301489/original/file-20191113-77300-1mlbyyd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=644&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/301489/original/file-20191113-77300-1mlbyyd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=644&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/301489/original/file-20191113-77300-1mlbyyd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=809&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/301489/original/file-20191113-77300-1mlbyyd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=809&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/301489/original/file-20191113-77300-1mlbyyd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=809&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://cat-int.org/wp-content/uploads/2017/03/Financement-EI-2015-Rapport.pdf">Centre d'analyse du terrorisme</a></span>
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</figure>
<p>En 2015, le pétrole a rapporté 600 millions de dollars au mouvement, l’exploitation du phosphate 250 millions de dollars, la production de gaz près de 60 millions, le ciment 400 millions et l’agriculture 200 millions. L’extorsion, qui constituait la première source de financement sous la forme de diverses taxes, amendes, redevances et confiscations, a rapporté près de 800 millions. Le montant des dons atteignait lui environ 50 millions.</p>
<p>Daech affiche une grande maîtrise des canaux de financement possibles en combinant diverses sources : </p>
<ul>
<li><p>Le système de revenus physiques : recettes locales, fiscalité, amendes et droits de douanes, commerce des ressources naturelles, racket des citoyens et des entreprises, confiscations de biens, commerce des otages, pillages d’antiquités, trafics d’êtres humains, de matériel de guerre et d’œuvres d’art ;</p></li>
<li><p>Le système de revenus dématérialisés : systèmes financiers virtualisés, contrôle de succursales bancaires, nouvelle monnaie indexée sur le cours de l’or convertible en Turquie, crypto-actif (monnaies virtuelles), financement participatif (<a href="https://theconversation.com/terrorisme-et-optimisation-fiscale-la-face-sombre-du-financement-participatif-125506">crowdfunding</a>), dons en provenance de pays sympathisants comme la Turquie, l’Arabie saoudite et le Qatar.</p></li>
</ul>
<p>Le mouvement bénéficie de complicités bancaires à l’échelle internationale. De gros soupçons pèsent sur la porosité de l’infrastructure bancaire du Liban, de Chypre, de Malaisie, d’Indonésie ou encore de la Turquie. Des prête-noms et des sociétés-écrans émettent de faussent factures et enregistrent des transactions fictives. L’importante trésorerie disponible a d’ailleurs permis de corrompre des fonctionnaires de plusieurs pays, dont des Syriens opposés au régime de Bachar al-Assad. </p>
<p>Daech paye à prix d’or des intelligences bancaires pour ouvrir des comptes, via des sociétés-écrans, reproduisant en quelque sorte « le <a href="http://www.iiac.cnrs.fr/article1242.html">modèle supranational d’al-Qaïda</a> », explique Dawod Hosham chercheur au CNRS. Il faut transférer du cash pour assurer aux têtes pensantes du groupe un moyen de se mettre à l’abri, y compris les proches et familles, mais aussi pour permettre aux cellules de se projeter vers de nouvelles opérations terroristes.</p>
<h2>Daech dans la guerre des talents</h2>
<p>Daech a capté l’immense potentiel qu’offrent les nouvelles technologies pour créer une organisation résiliente et pérenne. Derrière les images moyenâgeuses de combattants du désert se cache un système d’affaires des plus actuels. Le progrès offre à Daech une couverture globale de l’idéologie qui permet à tout sympathisant, où qu’il soit dans le monde, de rallier le mouvement. En plus de la presse écrite (Dabiq, Dar al-Islam), Daech aurait produit près de 15 000 documents de propagande, dont 800 vidéos et une vingtaine de revues traduites en 11 langues, dont le mandarin. </p>
<p>Entre 2011 et 2017, la propagande a permis de construire un bataillon de 20 000 à 50 000 hommes avec des prisonniers libérés et des transfuges d’Al-Qaïda. Les troupes comprenaient en 2017, 4 000 Saoudiens, 2 000 Tunisiens, 450 Allemands, 200 Belges, 300 britanniques, 1 432 Français et des combattants d’Afghanistan, de Somalie, de Bosnie, de Tchétchénie, du Waziristan (nord-ouest du Pakistan), du Mali, du Liban, du Maroc et de l’Algérie, selon les données issues des différents rapports des commissions d'enquête parlementaires. </p>
<p>Le mythe de l’adhésion de personnes peu instruites et en situation de désarroi a été largement déconstruit. Daech recrute des cerveaux et cible des intellectuels, des financiers et des hauts diplômés tels que des médecins et des ingénieurs pour conduire des opérations internationales d’une grande complexité. Ces professionnels perçoivent des salaires plus élevés que ceux du marché local. </p>
<h2>Structure 2.0.</h2>
<p>La stratégie de recrutement de Daech s’est avérée efficace et peu coûteuse. L’État islamique est ainsi devenu l’organisation terroriste la plus riche et le mouvement le plus violent du monde. La rentabilité de ce business model induit aujourd'hui un risque de « franchisage ». Le modèle opérationnel extrêmement lucratif, pourrait en effet le devenir encore davantage s’il était vendu à d’autres groupes terroristes en échange de redevances (royalties). </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/301491/original/file-20191113-77300-1gjlc8i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/301491/original/file-20191113-77300-1gjlc8i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/301491/original/file-20191113-77300-1gjlc8i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/301491/original/file-20191113-77300-1gjlc8i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/301491/original/file-20191113-77300-1gjlc8i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/301491/original/file-20191113-77300-1gjlc8i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/301491/original/file-20191113-77300-1gjlc8i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La franchise, nouvel axe de développement ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">Musaib Mushtaq / Shutterstock</span></span>
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</figure>
<p>Mais la grande force du modèle se situe dans la capacité du mouvement à s’approprier et à combiner des pratiques issues du crime organisé, du terrorisme, des sectes, du domaine militaire, de la société civile, du monde de l’entreprise et de l’administration publique. La structure de type 2.0., immatérielle et mondialisée, permet de poursuivre l’expansion du mouvement sans territoire physique, ce qui amène de nouvelles difficultés à lui appliquer un cadre juridique et à exercer une surveillance internationale qui permettrait de contrer sa propagation. </p>
<hr>
<p><em>Cet article est extrait de l'étude plus détaillée « L’État Islamique/Daech : Business model et terrorisme 2.0 » (à paraître) qui reconstitue le modèle économique et la configuration organisationnelle de Daech rédigée en collaboration avec Alain Bauer, professeur de criminologie au CNAM de Paris.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/126945/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurence Frank ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L'assise territoriale que l'organisation terroriste a pu se constituer entre 2014 et 2019 lui a permis de développer de plusieurs sources de revenus à la fois physiques et dématérialisés.Laurence Frank, Professeure de management stratégique, ESC Clermont Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1268672019-11-14T19:36:28Z2019-11-14T19:36:28ZLa simulation mentale, un outil pour limiter les échecs commerciaux dans la high-tech<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/301283/original/file-20191112-178525-1pfjuoh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=963%2C374%2C3245%2C2094&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Entre 75 et 90 % des produits high-tech sont retirés du marché moins d'un an après leur lancement.</span> <span class="attribution"><span class="source">Ismail Sadiron / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Dans le secteur high-tech, le lancement de produits innovants est une étape décisive, car le taux d’échec est généralement élevé : entre <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-8349-6302-4_3">75 et 90 %</a> des produits lancés chaque année dans le secteur high-tech sont retirés du marché moins de douze mois après leur lancement.</p>
<p>Au-delà de la barrière du prix, l’échec s’explique en partie par la complexité de certaines innovations technologiques intégrées aux produits (par exemple, un appareil photo 3D ou un casque à réalité augmentée) et par la double incertitude qui en résulte.</p>
<p>La première est liée à la perception des bénéfices, le produit possédant un degré élevé de nouveauté qui permet aux utilisateurs d’accéder à des fonctionnalités inédites. Ces nouvelles fonctionnalités suscitent de l’incertitude chez le consommateur, car celui-ci n’est pas sûr de bien saisir leurs bénéfices réels.</p>
<p>La difficulté de compréhension des bénéfices est l’une des cinq raisons de l’<a href="https://www.business2community.com/tech-gadgets/5-reasons-google-glass-miserable-failure-01462398">échec de la version grand public des Google Glass</a>, les lunettes à réalité augmentée commercialisées par Google en 2013, et retirées du marché en 2015. Les consommateurs non technophiles ont eu des difficultés à comprendre et à évaluer les avantages procurés par les fonctionnalités trop innovantes du produit. En 2017, Google a corrigé le tir en sortant une nouvelle version de ses lunettes, <a href="https://www.lesechos.fr/2017/07/google-sort-une-nouvelle-version-de-ses-glass-174851">destinées cette fois aux entreprises</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/301257/original/file-20191112-178498-7oyhue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/301257/original/file-20191112-178498-7oyhue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/301257/original/file-20191112-178498-7oyhue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/301257/original/file-20191112-178498-7oyhue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/301257/original/file-20191112-178498-7oyhue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/301257/original/file-20191112-178498-7oyhue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/301257/original/file-20191112-178498-7oyhue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les Google Glass, trop innovantes aux yeux du consommateur.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Peppinuzzo/Shutterstock</span></span>
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<p>La seconde incertitude concerne l’accès à ces bénéfices. En raison de leurs nombreuses fonctionnalités, les produits technologiques innovants nécessitent souvent un apprentissage et une modification des comportements d’usage. Ces coûts d’apprentissage et de modification comportementale suscitent de l’incertitude, car le consommateur n’est pas sûr d’avoir les compétences nécessaires pour les surmonter et accéder aux bénéfices proposés.</p>
<p>Comme l’explique <a href="https://culture-formations.fr/flops-technologiques/">Nicolas Nova</a>, cofondateur de <a href="https://nearfuturelaboratory.com/">Near Future Laboratory</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Le décalage entre la fonctionnalité et l’utilisabilité du produit est à l’origine de nombreux flops technologiques. Bien qu’il fonctionne, un objet peut être compliqué à utiliser et sera donc mis de côté rapidement. »</p>
</blockquote>
<p>Nicolas Nova évoque l’exemple du baladeur Zune de Microsoft, sorti en 2006 pour tenter de concurrencer l’iPod d’Apple. Le produit sera retiré du marché en 2011. « Ce produit est apparu en même temps que l’iPod, mais il présentait un choix de musique limité et une interface beaucoup moins fonctionnelle que son concurrent. C’est ce qui explique son échec », souligne-t-il.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/301271/original/file-20191112-178502-1r9b5zq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/301271/original/file-20191112-178502-1r9b5zq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/301271/original/file-20191112-178502-1r9b5zq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/301271/original/file-20191112-178502-1r9b5zq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/301271/original/file-20191112-178502-1r9b5zq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/301271/original/file-20191112-178502-1r9b5zq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/301271/original/file-20191112-178502-1r9b5zq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le Zune de Microsoft n’a pas résisté à la concurrence de l’iPod.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Robert Nelson/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>La double incertitude inhérente aux produits technologiques innovants peut influencer négativement leur achat, ainsi que leur adoption future. Ceci pose des problèmes stratégiques en matière de modèle économique – business model –, notamment dans l’engagement du consommateur dans la proposition de valeur.</p>
<p>Une <a href="https://rfg.revuesonline.com/articles/lvrfg/abs/2017/03/rfg00111/rfg00111.html">étude</a> menée en France montre que l’utilisation de la simulation mentale lors d’un prétest permet de mieux estimer le potentiel commercial d’un produit high-tech, et ainsi de limiter les risques d’échecs lors du lancement.</p>
<h2>Mieux anticiper avec la simulation mentale</h2>
<p>La simulation mentale est une activité cognitive qui consiste à se représenter mentalement un événement ou une série d’événements. En sciences de gestion, la simulation mentale a principalement été étudiée dans les phases « aval » du développement de nouveaux produits, en particulier lors de leur lancement sur le marché. L’originalité de l’<a href="https://rfg.revuesonline.com/articles/lvrfg/abs/2017/03/rfg00111/rfg00111.html">étude</a> réalisée réside dans l’analyse des bénéfices de la simulation mentale, mais lors d’un prétest de produit – soit en amont dans le processus de développement.</p>
<p>Lors d’un prétest, une instruction de simulation mentale incite le consommateur à imaginer des scènes dans lesquelles il apprend à se servir d’un nouveau produit et à l’intégrer dans son quotidien. L’objectif pour l’entreprise est d’anticiper les difficultés potentielles que pourrait rencontrer le consommateur lors de l’apprentissage de l’utilisation du produit. Les effets de la simulation mentale lors d’un prétest dépendent d’un paramètre stratégique important pour l’entreprise : la perspective temporelle de lancement (court terme ou long terme).</p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/329078360" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Améliorer la proposition de valeur d’un business model innovant : le rôle de la simulation mentale (FNEGE, 2019).</span></figcaption>
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<p>Les <a href="https://rfg.revuesonline.com/articles/lvrfg/abs/2017/03/rfg00111/rfg00111.html">résultats</a> montrent que, pour le lancement à court terme d’un produit high-tech (un appareil photo 3D), la simulation mentale n’influence pas l’intention d’achat (qui est un indicateur de l’engagement dans la proposition de valeur). À cette échéance, le consommateur envisageant naturellement les coûts d’apprentissage inhérents au produit, les estimations faites par l’entreprise ne sont pas biaisées. La simulation mentale est alors d’une utilité limitée.</p>
<p>Au contraire, lorsque le lancement est prévu à une échéance à plus long terme (par rapport à la date du prétest), la simulation mentale permet aux consommateurs de prendre conscience de difficultés en matière d’apprentissage qui se manifesteront lorsqu’ils seront exposés au produit. Elle contribue donc à avoir une vision plus juste des freins à l’engagement du consommateur dans un business model proposant l’achat et l’usage d’un produit technologique innovant.</p>
<h2>Repenser la proposition de valeur</h2>
<p>Jusqu’à présent, aucune étude sur le business model ne s’était intéressée aux freins à l’engagement dans la proposition de valeur. Or, ceux-ci sont exacerbés dans le cadre d’une innovation technologique. De plus, la littérature sur l’innovation n’apporte que des réponses partielles quant à la manière d’estimer les coûts d’apprentissage d’un produit innovant d’usage complexe. Or, ces estimations sont cruciales pour permettre aux managers de mieux concevoir la proposition de valeur.</p>
<p>La simulation mentale est donc un outil intéressant pour la conception de la proposition de valeur d’un produit technologique innovant, notamment parce qu’elle aide les managers à mieux comprendre et anticiper les freins à l’engagement du consommateur. En raison du taux élevé d’échecs lors du lancement de produits innovants, l’anticipation des freins à l’engagement en amont du processus de développement du produit est cruciale pour améliorer le business model.</p>
<p>Dès lors, les données collectées avec la simulation mentale peuvent amener les managers à repenser la finalité même de la proposition de valeur. Ce n’est plus seulement un vecteur d’information et de sensibilisation, mais aussi un moyen pédagogique pour minimiser les coûts d’apprentissage et éduquer le consommateur à l’usage du produit. L’objectif final reste l’optimisation de l’engagement du consommateur. Car en l’absence d’engagement, le business model est voué à l’échec : les revenus captés seront insuffisants pour rentabiliser le développement du produit innovant.</p>
<hr>
<p><em>Cette contribution se fonde sur l’article de recherche intitulé « Améliorer la proposition de valeur d’un business model innovant : le rôle de la simulation mentale » et réalisé par Romain Gandia, Florence Jeannot et Gabriel Guallino, publié dans la <a href="https://rfg.revuesonline.com/articles/lvrfg/abs/2017/03/rfg00111/rfg00111.html">Revue française de gestion</a> et diffusé via <a href="https://www.youtube.com/watch?v=OUx8VGvk9mU">FNEGE Médias</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/126867/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Ce type d’étude permet d’identifier et d’anticiper ce qui va freiner le consommateur lors de son adoption d’un produit innovant.Florence Jeannot, Associate Professor in Marketing, INSEEC Grande ÉcoleGabriel Guallino, Dr en Stratégie, Fusions, Acquisitions, Joint Venture, INSEEC Grande ÉcoleRomain Gandia, Maître de conférence, Organizational Studies, Business Administration, Université Savoie Mont BlancLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.