tag:theconversation.com,2011:/au/topics/facebook-22128/articlesFacebook – The Conversation2024-03-26T11:24:12Ztag:theconversation.com,2011:article/2239232024-03-26T11:24:12Z2024-03-26T11:24:12ZRéseaux sociaux : quels usages favorisent le bien-être ?<p>Les <a href="https://theconversation.com/fr/search?q=r%C3%A9seaux+sociaux+">réseaux sociaux</a> ont « un impact sur le développement affectif, sensoriel, cognitif d’un enfant ». <a href="https://theconversation.com/faut-il-avoir-peur-des-ecrans-retour-sur-une-annonce-presidentielle-224456">Ces paroles sont celles du président Emmanuel Macron</a> qui appelle à mettre en œuvre des recommandations pour « le bon usage des écrans […] parce qu’il en va de l’avenir de nos sociétés et de nos démocraties ».</p>
<h2>Quel impact psychologique de l’excès de médias numériques ?</h2>
<p>Mais comment éduquer les enfants si les parents sont eux-mêmes très souvent devant des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/ecrans-52265">écrans</a> ? Cette question est d’autant plus importante que des recherches ont montré que <a href="https://theconversation.com/mobile-deprime-et-e-anxiete-quand-les-reseaux-sociaux-nous-rendent-malades-84986">nombres d’usages des écrans, et surtout des réseaux sociaux, sont également liés à des problèmes psychologiques chez les adultes</a> et ce, sans même que les utilisateurs aient conscience de ces liens.</p>
<p>Mais il y a une bonne nouvelle : on peut se protéger de ces problèmes et les <a href="https://www.dunod.com/connectes-et-heureux-du-stress-digital-au-bien-etre-numerique-du-stress-digital-au-bien-etre">solutions</a> ne passent pas nécessairement par la diminution du temps d’écran.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>D’une manière globale, des études sur de larges populations montrent que plus on utilise les médias numériques (smartphones, Internet, réseaux sociaux, jeux vidéo…) et plus on est susceptible de souffrir de problèmes psychologiques (émotions négatives, anxiété, symptômes dépressifs…).</p>
<p>Les récentes recherches montrent que si les liens entre les utilisations de ces médias et l’altération du bien-être sont significatifs, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33187873">l’ampleur n’est tout de même pas très élevée</a>.</p>
<p>Par exemple, chez les adolescents, jusqu’à présent, les <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/2167702621994549">écrans ne causeraient pas le « tsunami délétère »</a> que certains annoncent parfois.</p>
<p>Cependant, ces résultats globaux masquent de grandes différences entre individus, certains seraient plus touchés que d’autres. Analysons les deux grands processus impliqués dans les états affectifs négatifs et les altérations du bien-être.</p>
<h2>Se comparer sur les réseaux présente des effets délétères</h2>
<p>Dans notre vie, se comparer aux autres est un besoin social fondamental qui permet d’obtenir des informations sur soi, de s’autoévaluer et de construire son identité sociale.</p>
<p>Si ce processus, normal, est souvent mis en œuvre de manière automatique, c’est-à-dire non intentionnelle et non consciente dans notre vie quotidienne, il est <a href="https://econtent.hogrefe.com/doi/full/10.1027/1864-1105/a000304">mis en œuvre de la même manière sur les réseaux sociaux</a>. Toutefois, sur les réseaux, chacun essaye de présenter l’image de soi et ses activités d’une manière fortement valorisée. Les photos sont, par exemple, judicieusement construites et travaillées dans ce but.</p>
<p>Nombreuses sont alors les comparaisons en notre défaveur : à partir de son profil et de ses posts, nous allons considérer que telle personne, que nous connaissons plus ou moins, est « mieux que nous » (sur le plan physique, sur le plan de ses compétences dans la vie…) ou a « une plus belle vie que la nôtre ».</p>
<p>Ainsi, comme notre image de soi et notre estime personnelle est construite à la suite de nos interactions avec les autres, ces comparaisons dites ascendantes, peuvent altérer notre propre image et <a href="https://psycnet.apa.org/record/2016-45315-074">augmenteraient tristesse et mal-être</a>.</p>
<h2>Attention aussi aux situations de vulnérabilité accrue !</h2>
<p>Dans le processus de comparaison, les récentes recherches montrent que nous sommes différents les uns des autres. Examinons quelques cas où les personnes se comparent plus que les autres sur les réseaux sociaux, ce qui les rend plus vulnérables aux problèmes psychologiques.</p>
<p>En effet, il faut savoir que certains individus ressentent davantage, dans leur vie, le besoin de se comparer aux autres. Ils vont alors, <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/0144929X.2018.1545049">bien plus souvent que les autres, se comparer sur les réseaux sociaux</a> et ce, sans même qu’ils en aient conscience.</p>
<p>D’autre part, certaines personnes sont plus « matérialistes » que d’autres (les matérialistes pensent que le bonheur réside dans la possession matérielle). Globalement, elles passent plus de temps sur les réseaux sociaux que les personnes « non matérialistes ». Dans les informations qu’elles postent, elles affichent plus souvent que les autres les biens qu’elles possèdent et vont fortement se comparer pour entrer « en compétition » avec les autres et tenter de les surpasser. <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0747563217300687">Les conséquences sont souvent délétères pour elles</a>.</p>
<p>On sait également que les personnes qui n’ont pas une bonne image d’elles-mêmes, plutôt anxieuses, timides et hypersensibles sont également fortement sensibles aux comparaisons sociales.</p>
<p>Sur les réseaux sociaux, des <a href="https://econtent.hogrefe.com/doi/full/10.1027/1864-1105/a000304">études</a> ont montré qu’elles utilisent des stratégies de présentation de soi plus valorisantes afin de diminuer l’angoisse sociale et d’accroître leur estime de soi.</p>
<p>Ces personnes sont également plus sensibles aux commentaires des autres qui, s’ils sont positifs, les rassurent quant à leur appartenance à des groupes sociaux et à leur identité sociale. À l’inverse, des commentaires négatifs altèrent facilement leur bien-être.</p>
<p>D’autres recherches ont également montré que plus les personnes présentent des <a href="https://psycnet.apa.org/record/2024-29223-001">symptômes dépressifs</a>, plus elles se comparent aux autres. Elles entrent ensuite dans un cercle vicieux : plus elles se comparent et plus cela augmente leurs symptômes dépressifs initiaux.</p>
<h2>Développer son intelligence numérique plutôt que diminuer son temps d’écran</h2>
<p>On comprendra, dès lors, qu’une première solution n’est pas de diminuer le temps d’écran mais davantage de modifier la manière d’utiliser les médias numériques et notamment les réseaux sociaux. Globalement, le défi pour l’être humain aujourd’hui est de mieux s’adapter à ce nouvel environnement digital en développant une nouvelle forme d’intelligence : l’intelligence numérique.</p>
<p><a href="https://www.dunod.com/connectes-et-heureux-du-stress-digital-au-bien-etre-numerique-du-stress-digital-au-bien-etre">Celle-ci est définie</a> comme la capacité à bien s’adapter, grâce à des procédures mentales spécifiques, à un environnement numérique en mutation permanente et à interagir de manière optimale avec cet environnement pour satisfaire nos besoins psychologiques, et sociaux. Et ce, tout en préservant, voire en améliorant notre santé physique et mentale.</p>
<p>Ainsi, une fois que l’usager prend conscience du processus de comparaison à l’œuvre sur les réseaux sociaux, il peut mettre en place des « stratégies cognitives » conscientes pour corriger les conséquences potentiellement délétères pour lui.</p>
<p>Il peut par exemple chercher, d’une part, à diminuer le temps qu’il passe à regarder les infos que les autres postent sur eux-mêmes pour se valoriser, et d’autre part, se construire un “beau profil” et poster des informations sur lui-même dont il pourra être fier, aussi bien sur un plan personnel que social. En effet, <a href="https://www.liebertpub.com/doi/abs/10.1089/cyber.2009.0411">poster des informations valorisantes pour soi contribue à améliorer son estime personnelle</a>.</p>
<h2>Des « usages passifs » qui nuisent aux relations avec nos proches</h2>
<p>Le deuxième processus impliqué dans les états affectifs négatifs et l’altération du bien-être concerne les relations que nous entretenons sur les réseaux sociaux avec nos proches, c’est-à-dire les personnes psychologiquement et socialement importantes pour nous (famille, amis chers).</p>
<p>Les <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/psychologie/developpement-personnel/ces-liens-qui-nous-font-vivre_9782415003685.php">récentes recherches</a> montrent que le bien-être dépend avant tout des relations positives et chaleureuses que nous établissons avec nos proches.</p>
<p>Or, de <a href="https://academic.oup.com/jcmc/article/24/5/259/5583692">nombreuses pratiques sur Internet</a> nuisent à ses relations si précieuses pour nous. C’est notamment le cas des jeux vidéo qui se jouent seul ou avec des inconnus en ligne. De même, lorsque nous passons du temps à naviguer sur les réseaux sociaux simplement pour lire ou regarder les posts ou vidéos mis en ligne par des individus que nous ne connaissons pas ou peu. C’est ce que les chercheurs nomment les « usages passifs ». Autant de temps non consacré à interagir avec nos proches.</p>
<h2>Émoticônes, vocaux et autres modes de partage positifs</h2>
<p>À l’inverse, toutes les pratiques qui favorisent les relations sociales et affectives avec les proches comme des appels téléphoniques, les messages vocaux (entendre la voix d’un proche aimé apporte des émotions positives) ou écrits (les émoticônes affectivement chargés transmettent « de bonnes émotions »).</p>
<p>Pour être précis, les <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/09637214211053637">relations qui accroissent le plus le bien-être</a> sont celles qui, d’une part, sont perçues comme réciproques, chacun montrant de l’intérêt pour l’autre, et, d’autre part, sont perçues comme véritablement chaleureuses.</p>
<p>De même, les vidéos et les divertissements sont bénéfiques lorsqu’ils favorisent l’interaction avec les proches en permettant de vivre des expériences socio-émotionnelles positives qui rapprochent affectivement.</p>
<p>Par exemple, lorsque les divertissements sont regardés ensemble en présentiel, offrant alors des moments de partages sociaux agréables lors desquels, par exemple, on rit ensemble, ou lorsqu’ils font l’objet d’un partage en ligne où on sait que nous allons surprendre ou faire rire nos proches, par écrans interposés.</p>
<p>Enfin, n’oublions pas que les médias numériques facilitent également les rencontres en présentiel (sorties, soirées…) avec les proches. Ainsi, s’ils sont bien utilisés, les médias numériques sont bénéfiques pour le bien-être, nous donnent le sentiment que nous sommes bien intégrés socialement et favorisent les relations affectives chaleureuses avec ceux que nous apprécions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223923/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Didier Courbet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Poster des informations qui nous valorisent plutôt que de se comparer les uns aux autres ou encore privilégier les moments de partage… Quand le bon usage des réseaux sociaux favorise le bien-être.Didier Courbet, Professeur et Chercheur en Sciences de la Communication, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2260932024-03-20T13:26:40Z2024-03-20T13:26:40ZTikTok représente-t-il une menace pour la sécurité des Canadiens ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/582615/original/file-20240315-30-xv5fae.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C65%2C5472%2C3571&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">TikTok ne représente pas plus une menace pour la démocratie que les autres plateformes de médias sociaux.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Alors que la Chambre des représentants a adopté le 13 mars une proposition de loi qui prévoit <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/point-du-jour/segments/entrevue/485186/tiktok-application-mobile-renseignement-informations-privees-risque">l’interdiction de TikTok aux États-Unis</a>, les inquiétudes concernant les menaces que TikTok fait peser sur la vie privée et la liberté des personnes ont de nouveau été soulevées. </p>
<p>De son côté, le gouvernement fédéral du Canada a révélé qu’il avait commencé à enquêter il y a plusieurs mois pour déterminer si le contrôle étranger de l’application <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2057224/ottawa-canada-tiktok-securite-nationale">constituait une menace pour la sécurité nationale</a>. </p>
<p>Les représentants du gouvernement canadien considèrent que TikTok représente une menace pour les Canadiens de deux manières : en violant leur vie privée par la collecte d’un grand nombre de données ; en sabotant la démocratie par le biais de la désinformation et de la manipulation.</p>
<p>Ces menaces sont-elles théoriques ou réelles ? Existe-t-il des preuves étayant les craintes que le gouvernement chinois exerce un contrôle sur <a href="https://www.bloomberg.com/profile/company/1774397D:CH">ByteDance Ltd</a>, l’entreprise basée à Pékin qui possède TikTok ?</p>
<p>Il y a de bonnes raisons de penser que TikTok peut constituer une menace pour notre vie privée, mais pas pour notre démocratie. La plate-forme collecte peut-être trop de données, mais les craintes que la Chine utilise TikTok pour nous désinformer ou nous manipuler à des fins politiques sont injustifiées. </p>
<p>La Chine n’a pas besoin de contrôler TikTok pour influencer nos élections. Elle peut le faire assez facilement sans cette application. Les efforts actuels du Canada pour minimiser la menace que TikTok représente pour la sécurité nationale ne neutraliseront pas la menace que les médias sociaux font peser sur la démocratie.</p>
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<figcaption><span class="caption">Radio-Canada se penche sur l’interdiction potentielle de TikTok.</span></figcaption>
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<h2>Les préoccupations en matière de protection de la vie privée sont bien réelles</h2>
<p>Mais TikTok représente une menace pour notre vie privée. Les régulateurs européens ont notamment <a href="https://www.priv.gc.ca/fr/protection-de-la-vie-privee-et-transparence-au-commissariat/divulgation-proactive/cpvp-parl-bp/ethi_20231025/fe_20231025/">infligé des amendes à TikTok pour avoir collecté des données</a> auprès d’utilisateurs trop jeunes pour donner un consentement valable. Ils ont aussi condamné l’application pour avoir utilisé les données privées à mauvais escient et pour avoir « incité » les utilisateurs, par le biais de leurs paramètres par défaut, à adopter un comportement portant atteinte à la vie privée des personnes. </p>
<p>Des recours collectifs au Canada et aux États-Unis ont présenté un <a href="https://www.priv.gc.ca/fr/protection-de-la-vie-privee-et-transparence-au-commissariat/divulgation-proactive/cpvp-parl-bp/ethi_20231025/fe_20231025/">argumentaire similaire</a>.</p>
<p>Les experts en cybersécurité ont <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/canada-tiktok-western-scrutiny-1.6760037">mis en garde contre le caractère invasif de l’application</a>, car elle suit la localisation de l’utilisateur, les messages qu’il reçoit et les réseaux auxquels il accède. Les autorisations sont enfouies dans les paramètres de l’application, mais la <a href="https://www.forbes.com/sites/emilsayegh/2022/11/09/tiktok-users-are-bleeding-data/">plupart des utilisateurs ne sont pas au courant de leur existence</a> ou ne prennent pas la peine de les vérifier.</p>
<p>Fin mars, le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada et ses trois homologues provinciaux devraient <a href="https://www.priv.gc.ca/fr/nouvelles-du-commissariat/nouvelles-et-annonces/2023/an_230223/">présenter un rapport d’enquête</a> sur la manière dont TikTok recueille et utilise nos données. La Commission recommandera très probablement de suivre l’exemple de l’Europe en adoptant une législation exigeant une plus grande transparence des données collectées par TikTok et des restrictions supplémentaires quant à leur utilisation.</p>
<h2>Craintes d’ingérence de la Chine</h2>
<p>Le 1<sup>er</sup> mars, le gouvernement fédéral a publié une nouvelle <a href="https://www.canada.ca/fr/innovation-sciences-developpement-economique/nouvelles/2024/03/le-canada-resserre-les-lignes-directrices-sur-les-investissements-etrangers-dans-le-secteur-des-medias-numeriques-interactifs.html">politique selon laquelle les plates-formes étrangères</a>, comme TikTok, feraient l’objet d’un « examen approfondi » en vertu des pouvoirs conférés par la <a href="https://laws-lois.justice.gc.ca/eng/acts/I-21.8/index.html">loi sur l’investissement au Canada</a>. En vertu de cette loi, le gouvernement peut imposer des conditions aux investisseurs ou entreprises étrangers lorsqu’il existe des « motifs raisonnables de croire » que leur présence au Canada « pourrait porter atteinte à la sécurité nationale ».</p>
<p>Les ministres ont été <a href="https://www.canadianlawyermag.com/practice-areas/crossborder/federal-government-issues-additional-directions-for-interactive-digital-media/384566">clairs et directs quant à leurs préoccupations</a> : « des acteurs hostiles soutenus ou influencés par l’État pourraient tenter de tirer parti des investissements étrangers dans le secteur des médias numériques interactifs pour diffuser de la désinformation et manipuler l’information ».</p>
<p><a href="https://www.cbc.ca/news/canada/canada-tiktok-western-scrutiny-1.6760037">Vingt-six pour cent des Canadiens utilisent désormais TikTok</a>. La filiale canadienne de TikTok pourrait-elle prendre des mesures pour empêcher le gouvernement chinois de se livrer à la désinformation ou à la manipulation ?</p>
<h2>Pourquoi les inquiétudes sont injustifiées</h2>
<p>En février, la direction du renseignement national des États-Unis a publié une <a href="https://www.dni.gov/files/ODNI/documents/assessments/ATA-2024-Unclassified-Report.pdf">évaluation des menaces</a>, révélant que des comptes TikTok gérés par un « organe de propagande » du gouvernement chinois « ont ciblé des candidats des deux partis politiques pendant le cycle électoral américain de mi-mandat en 2022 ».</p>
<p>Cependant, comme l’a fait remarquer un commentateur dans le <em>New York Times</em>, le rapport du renseignement national ne dit pas <a href="https://www.nytimes.com/2024/03/14/opinion/tiktok-ban-house-vote.html">si les algorithmes de TikTok ont favorisé ces comptes malveillants</a>. La Chine a peut-être utilisé TikTok pour désinformer et manipuler, mais elle n’avait pas besoin de le faire en dirigeant ByteDance.</p>
<p>Une étude réalisée en 2021 par le Citizen Lab de l’université de Toronto a examiné en profondeur le code de TikTok et ses capacités de collecte de données. Ses conclusions confirment que <a href="https://citizenlab.ca/2021/03/tiktok-vs-douyin-security-privacy-analysis/">TikTok n’est pas plus invasif</a> que Facebook, Instagram ou d’autres plates-formes de médias sociaux. </p>
<p>L’étude a révélé que TikTok et sa version chinoise, Douyin, « ne semblent pas présenter de comportements ouvertement malveillants similaires à ceux que l’on trouve dans les logiciels malveillants ». Bien que Douyin contienne « des caractéristiques qui posent des problèmes de confidentialité et de sécurité, telles que le chargement de code dynamique et la censure des recherches côté serveur », l’étude révèle que « TikTok ne contient pas ces caractéristiques ».</p>
<p>Cela ne signifie pas que la Chine n’est pas en mesure d’ordonner à ByteDance de faire des choses qui pourraient nuire aux Canadiens. Mais cela confirme l’idée que la Chine n’a pas besoin de mobiliser ByteDance pour le faire ; un agent du gouvernement chinois (ou toute autre personne) peut facilement le faire en se faisant passer pour un utilisateur ordinaire.</p>
<p>En bref, les craintes d’ingérence de la Chine dans les élections canadiennes et américaines peuvent être justifiées. Mais tout comme la Russie a pu utiliser de faux comptes sur Facebook pour interférer dans <a href="https://www.intelligence.senate.gov/sites/default/files/documents/Report_Volume2.pdf">l’élection présidentielle américaine de 2016</a>, la Chine peut nous désinformer et nous manipuler en utilisant n’importe quel autre des médias sociaux, contre nous. </p>
<p>Cela met en évidence la véritable menace qui pèse sur notre démocratie : les médias sociaux que nous ne pouvons pas contrôler.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226093/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Robert Diab ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Environ le quart des Canadiens utilisent TikTok. Réglementer l’application au Canada est-il la meilleure approche pour éviter toute influence politique extérieure ?Robert Diab, Professor, Faculty of Law, Thompson Rivers UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2179622023-11-21T16:52:55Z2023-11-21T16:52:55ZContenus haineux en ligne : oui, les modérateurs humains ont les moyens de l’emporter<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/559947/original/file-20231116-27-dle1wd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C6%2C4031%2C2824&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour les principales plates-formes de services numériques, le règlement européen DSA est entré en vigueur le 25&nbsp;août dernier.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les <a href="https://theconversation.com/topics/reseaux-sociaux-20567">réseaux sociaux</a> sont devenus les « places publiques numériques » de notre époque. Ils permettent la communication et l’échange d’idées à l’échelle mondiale. La nature non réglementée de ces plates-formes y a toutefois permis la prolifération de contenus préjudiciables, de <a href="https://theconversation.com/topics/desinformation-49462">désinformation</a> et de <a href="https://theconversation.com/topics/messages-haineux-110208">discours haineux</a>.</p>
<p>Bien qu’il s’avère difficile de réglementer le monde en ligne, une voie prometteuse a été ouverte par le <a href="https://www.vie-publique.fr/eclairage/285115-dsa-le-reglement-sur-les-services-numeriques-ou-digital-services-act"><em>Digital services act</em></a> (DSA), adoptée en novembre 2022. Le règlement est entré en vigueur depuis le 25 août dernier pour les plates-formes les plus importantes et vaudra pour toutes à partir du 17 février prochain.</p>
<p>Cette loi prévoit que des « signaleurs de confiance » (« trusted flaggers ») rapportent certains types de contenus problématiques aux plates-formes, qui doivent alors les retirer dans les 24 heures. Qu’en attendre étant donnée la rapidité et de la complexité de la dynamique virale des médias sociaux ? Pour le savoir, nous avons simulé l’effet de la nouvelle règle, dans une <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.2307360120">recherche</a> publiée dans la revue <em>Proceedings of the National Academy of Sciences</em>. </p>
<p>Nos résultats montrent que cette approche peut effectivement réduire la diffusion de contenus préjudiciables. Nous proposons également quelques pistes pour une mise en œuvre optimale des règles.</p>
<h2>Modérer après 24h n’est pas inefficace</h2>
<p>Nous avons pour cela utilisé un modèle mathématique de propagation de l’information pour analyser la manière dont les contenus préjudiciables sont diffusés sur les réseaux sociaux. Chaque message préjudiciable y est traité comme un <a href="https://www.jstor.org/stable/2334319">« processus ponctuel auto-excitant »</a>. Cela signifie qu’il attire de plus en plus de personnes dans la discussion au fil du temps et génère d’autres messages préjudiciables, dans un processus de bouche-à-oreille. L’intensité de l’autopropagation d’un message diminue, certes, avec le temps. Toutefois, s’il n’est pas contrôlé, sa « progéniture » peut générer d’autres progénitures, ce qui conduit à une croissance exponentielle.</p>
<p>Dans notre étude, nous avons utilisé deux mesures clés pour évaluer l’efficacité du type de modération prévu par la loi sur les services numériques : le préjudice potentiel et la demi-vie du contenu. Le potentiel de nuisance d’un message représente le nombre de descendants nuisibles qu’il génère. La demi-vie du contenu estime le temps nécessaire pour que la moitié de tous les « descendants » du message soient générés. Autrement dit, nous évaluons à la fois le nombre de messages haineux ou de désinformation généré par un message à la racine et leur vitesse d’apparition.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1625764066202382338"}"></div></p>
<p>Nous avons constaté que les mécanismes mis en place par le DSA peuvent réduire efficacement le préjudice, même sur les plates-formes dont la demi-vie du contenu est des plus courtes, comme X (anciennement Twitter). Bien qu’une modération plus rapide soit toujours plus efficace, nous avons observé qu’une modération même après 24 heures pouvait encore réduire le nombre de descendants nuisibles jusqu’à 50 %. </p>
<p>Par ailleurs, plus la demi-vie est longue, plus le temps de réaction efficace s’allonge : une intervention plus tardive permet encore d’éviter de nombreux posts ultérieurs préjudiciables. Un temps de réaction plus tardif est également plus efficace pour les contenus dont le potentiel de nuisance est plus élevé. Bien que cela semble contre-intuitif, par ailleurs, nos résultats indiquent qu’il est pertinent de cibler la génération des descendants : cela rompt le cycle du bouche-à-oreille.</p>
<h2>Cibler les efforts</h2>
<p>Des recherches antérieures ont montré que les outils fondés sur l’intelligence artificielle peinent à détecter les contenus préjudiciables en ligne. Les auteurs de ces contenus sont en effet souvent au fait du fonctionnement des outils de détection et adaptent leur langage pour éviter d’être repérés. L’approche de la modération prévue par la loi sur les services numériques repose ainsi sur le marquage manuel des messages par des « signaleurs de confiance », qui disposent néanmoins d’un temps et de ressources limités. Pour tirer le meilleur parti de leurs efforts, les signaleurs doivent donc se concentrer sur les contenus à fort potentiel de nuisance.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Les plates-formes de réseaux sociaux emploient déjà des équipes de modération de contenu, et nos recherches suggèrent que les principales d’entre elles ont déjà suffisamment de personnel pour appliquer la législation de la loi sur les services numériques. Des questions se posent toutefois quant à la sensibilité culturelle du personnel existant, car certaines de ces équipes sont localisées dans des pays différents de la majorité des auteurs de contenu qu’elles modèrent.</p>
<p>Le succès de la législation dépendra ainsi de la nomination de signaleurs de confiance ayant des connaissances culturelles et linguistiques suffisantes, de la mise au point d’outils pratiques de signalement des contenus préjudiciables et de la garantie d’une modération en temps utile.</p>
<p>Alors que les plates-formes de médias sociaux continuent de façonner le discours public, il est essentiel de relever les défis posés par les contenus préjudiciables. Nos recherches sur l’efficacité de la modération des contenus préjudiciables en ligne offrent des indications aux décideurs politiques. En comprenant la dynamique de la diffusion des contenus, en optimisant les efforts de modération et en mettant en œuvre des réglementations telles que la loi sur les services numériques, nous pouvons aspirer à une place publique numérique plus saine et plus sûre, où les contenus préjudiciables sont atténués et où le dialogue constructif prospère.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217962/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marian-Andrei Rizoiu a reçu des financements du Département australien des affaires intérieures, du Groupe australien de science et technologie de la défense et du Réseau d'innovation de la défense.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Philipp Schneider ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une recherche démontre les avantages du délai de 24 heures accordé aux plates-formes pour retirer un contenu haineux prévu dans le récent « Digital Services Act » européen.Marian-Andrei Rizoiu, Senior Lecturer in Behavioral Data Science, University of Technology SydneyPhilipp Schneider, Doctoral Student, EPFL – École Polytechnique Fédérale de Lausanne – Swiss Federal Institute of Technology in LausanneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2143542023-11-21T14:39:16Z2023-11-21T14:39:16ZLes médias sociaux, une arme à double tranchant pour l’image des syndicats<p>L’image des syndicats est souvent évoquée pour expliquer <a href="https://doi.org/10.25318/36280001202201100001-eng">l’érosion du taux de syndicalisation au Canada au cours des quatre dernières décennies</a>, qui a passé de 38 % en 1981 à 29 % en 2022. Les travailleurs peinent à <a href="https://doi.org/10.1177/102425890701300204">s’identifier aux syndicats, perçus comme des organisations vieillissantes, et donc à s’y engager</a>.</p>
<p>Les médias sociaux font naître <a href="https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_dialogue/---actrav/documents/publication/wcms_875935.pdf">l’espoir d’un vent de renouveau pour le mouvement syndical</a>. Ces plates-formes leur offrent en effet – au moins en théorie – la possibilité d’améliorer leur image en fluidifiant la communication avec leurs membres, en adoptant de nouvelles méthodes de mobilisation et en s’adressant à un public plus jeune et connecté.</p>
<p>Néanmoins, les espoirs suscités par les médias sociaux pour redorer l’image des syndicats s’avèrent en partie déçus. <a href="https://doi.org/10.1177/00221856231192322">Nos recherches récentes</a> révèlent quatre effets de distorsion que les médias sociaux peuvent avoir sur l’image des syndicats. Si ces effets peuvent contribuer à revitaliser leur image publique, ils peuvent également aboutir au résultat inverse et représenter une menace tout à fait sérieuse : celle de les rendre invisibles.</p>
<h2>Facteur de division</h2>
<p>Une première conséquence des médias sociaux est qu’ils peuvent exacerber les clivages entre les syndicats et les employeurs ou les gouvernements. Un phénomène qui n’est pas sans rappeler la <a href="https://www.pewresearch.org/politics/2014/06/12/political-polarization-in-the-american-public/">polarisation qui frappe la sphère politique</a>.</p>
<p>Selon les responsables syndicaux avec lesquels nous nous sommes entretenus, cette polarisation en ligne est en partie attribuable aux normes de communication sur les médias sociaux, marquées notamment par une <a href="https://theconversation.com/its-not-just-bad-behavior-why-social-media-design-makes-it-hard-to-have-constructive-disagreements-online-161337">grande tolérance à l’égard des postures virulentes et agressives</a>. L’incitatif à communiquer de manière plus clivante en ligne découlerait également de la concurrence féroce à laquelle doivent se livrer les communicants pour capter l’attention fugace des utilisateurs des médias sociaux.</p>
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<img alt="Images of social media likes, follows, and comments float above a hand scrolling on a cell phone screen" src="https://images.theconversation.com/files/548897/original/file-20230918-21-ek67qz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/548897/original/file-20230918-21-ek67qz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/548897/original/file-20230918-21-ek67qz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/548897/original/file-20230918-21-ek67qz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/548897/original/file-20230918-21-ek67qz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/548897/original/file-20230918-21-ek67qz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/548897/original/file-20230918-21-ek67qz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La structure et la culture associées aux médias sociaux incitent certains syndicats à adopter des styles de communication plus brefs, moins nuancés et plus affirmatifs, dans le but de rallier leurs partisans et d’amplifier la portée de leurs messages.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>La structure et la culture associées aux médias sociaux incitent ainsi certains syndicats à adopter des styles de communication plus brefs, moins nuancés et plus affirmatifs, dans le but de rallier leurs partisans et d’amplifier la portée de leurs messages.</p>
<p>L’effet de polarisation en ligne n’affecte pas tous les syndicats de la même manière. Nos résultats indiquent que les syndicats les plus touchés par cet effet sont souvent ceux les plus militants.</p>
<h2>Tout à l’égo</h2>
<p>Les médias sociaux peuvent également contribuer à déformer l’image numérique des syndicats en encourageant des comportements autocentrés. Il a déjà été démontré que les médias sociaux <a href="https://doi.org/10.1037/ppm0000137">encouragent les individus à adopter des comportements narcissiques</a>. Notre étude révèle que cette tendance se manifeste également pour des organisations comme les syndicats.</p>
<p>Les médias sociaux encouragent en effet les syndicats à mettre en scène leurs membres de manière extrêmement positive. Cette survalorisation de l’effectif syndical s’explique essentiellement par les règles du jeu algorithmique des médias sociaux. En d’autres termes, le contenu faisant l’éloge des membres d’un syndicat aurait tendance, selon les responsables syndicaux, à susciter davantage d’engagement (likes, commentaires ou partages). Par conséquent, certains gestionnaires de médias sociaux privilégient les contenus célébrant les mérites des membres afin de maximiser la viralité de leur communication en ligne. </p>
<p>Cette tendance au « tout à l’égo » semble le plus prononcée dans les syndicats dont l’effectif est homogène et l’identité professionnelle forte, où il est incidemment plus aisé d’encourager un sentiment de fierté professionnelle. </p>
<h2>Grossir ses traits jusqu’à la caricature</h2>
<p>La troisième façon dont les médias sociaux peuvent déformer l’image en ligne des syndicats est en exagérant certains de leurs caractéristiques ou traits identitaires au point de les rendre grotesques ou caricaturales.</p>
<p>Ce type de distorsion découle notamment du sentiment d’obligation perçu par certains syndicats d’alimenter régulièrement leurs comptes de média sociaux. À cet égard, soulignons que tous les syndicats de notre étude publient entre cinq et sept messages par semaine sur leurs pages Facebook. </p>
<p>Cependant, tous les syndicats ne disposent pas de contenu nouveau ou attrayant à partager sur une base aussi régulière. Pour satisfaire à la boulimie des médias sociaux, certains syndicats se rabattent sur le partage en ligne d’activités aussi routinières que des réunions, formations ou assemblées syndicales. Répétées à l’envi, ces scènes banales de la vie syndicale finissent par grossir exagérément les caractéristiques bureaucratiques de ces organisations. </p>
<p>C’est donc sans surprise que les syndicats ayant une <a href="https://www.oxfordreference.com/display/10.1093/oi/authority.20110803110716472">culture bureaucratique</a> prononcée sont les plus susceptibles de s’autocaricaturer en ligne.</p>
<h2>Noyés dans l’actualité</h2>
<p>L’effet d’effacement est la dernière distorsion que les médias sociaux peuvent faire subir aux images numériques des syndicats. Un phénomène identique se produit lorsque les gestionnaires de médias sociaux abreuvent les comptes des syndicats de flots d’articles de presse et de republications, plutôt que de partager du contenu directement lié au syndicat.</p>
<p>Dans pareille situation, la visibilité numérique du syndicat décline, au point de rendre son identité diaphane. Cet effet est encore plus prononcé lorsque le partage d’article ou la republication n’est accompagné d’aucun texte introductif qui tisse un lien entre la nouvelle et le syndicat ou ses membres. </p>
<p>Les syndicats les plus exposés à l’effet d’effacement sont ceux dont les responsables des médias sociaux manquent d’expertise ou ceux dont le modèle de syndicalisme est axé sur la <a href="https://www.oxfordreference.com/display/10.1093/oi/authority.20110803100456590">prestation de services</a></p>
<p>plutôt que sur la mobilisation active des membres.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="An laptop open to a news article is seen over the shoulder of a young woman" src="https://images.theconversation.com/files/548903/original/file-20230918-27-77a0sh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/548903/original/file-20230918-27-77a0sh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/548903/original/file-20230918-27-77a0sh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/548903/original/file-20230918-27-77a0sh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/548903/original/file-20230918-27-77a0sh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/548903/original/file-20230918-27-77a0sh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/548903/original/file-20230918-27-77a0sh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les syndicats dont les médias sociaux sont noyés sous un flot d’articles de presse et de republications risquent de brouiller leur image au point de devenir invisibles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Les risques de l’invisibilité numérique</h2>
<p>Les médias sociaux apparaissent donc comme une arme à double tranchant pour les syndicats. Si certains effets de distorsion peuvent avoir des résultats positifs, d’autres apparaissent comme clairement négatifs. La polarisation et l’égocentrisme, par exemple, peuvent être bénéfiques parce qu’ils augmentent l’engagement en ligne. Au contraire, les effets de caricature et d’effacement conduisent à réduire le nombre de réactions.</p>
<p>Un contenu peu engageant tend à devenir invisible en raison du fonctionnement des algorithmes des médias sociaux. Les syndicats <a href="https://doi.org/10.1177/0022185620979337">soumis à ces effets</a> courent ainsi le risque d’être marginalisés de la sphère publique numérique.</p>
<p>La communication étant un levier essentiel du pouvoir syndical, il est donc à craindre que les médias sociaux n’affaiblissent leur capacité à défendre les droits des travailleurs, au lieu de la renforcer. Notre étude souligne alors la nécessité pour les syndicats de réfléchir à la manière dont ils peuvent construire une image en ligne qui soit à la fois efficace, engageante et alignée sur leur identité organisationnelle. À l’ère numérique, les syndicats doivent trouver le bon dosage entre l’engagement et la visibilité algorithmique pour redorer leur image.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214354/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian Lévesque a reçu des financements du Fonds de recherche du Québec- Société et culture. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marc-Antonin Hennebert et Vincent Pasquier ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Si le paysage numérique offre aux syndicats des possibilités d’engagement et de mobilisation de leurs membres, il présente également des défis, notamment le risque d’être marginalisé dans le vaste univers virtuel.Vincent Pasquier, Professeur en GRH et relations professionnelles, HEC MontréalChristian Lévesque, Professeur de Relations du Travail, HEC MontréalMarc-Antonin Hennebert, Professor of Human Resources Management, HEC MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2171482023-11-08T13:50:47Z2023-11-08T13:50:47ZContenu des médias sociaux en temps de guerre : un guide d'experts sur la manière d'éviter la violence sur vos fils d'actualité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/557803/original/file-20231030-25-2np8f3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il existe des moyens pratiques de filtrer la quantité de contenus violents et graphiques que vous voyez sur les médias sociaux.</span> <span class="attribution"><span class="source">bubaone</span></span></figcaption></figure><p>Les plateformes de médias sociaux sont une importante source d'information et de divertissement. Elles nous permettent également de rester en contact avec nos amis et notre famille. Mais les réseaux sociaux peuvent aussi devenir - <a href="https://theconversation.com/mounting-research-documents-the-harmful-effects-of-social-media-use-on-mental-health-including-body-image-and-development-of-eating-disorders-206170">et sont</a>, <a href="https://doi.org/10.1093/joc/jqab034">souvent devenus</a> - un environnement toxique où se propagent la désinformation, la haine et les conflits. </p>
<p>La plupart des gens ne peuvent pas ou ne veulent pas se passer des réseaux sociaux. Les mesures prises par les tribunaux et des <a href="https://foreignpolicy.com/2022/04/25/the-real-threat-to-social-media-is-europe/">organismes publics</a> pour les réguler ou les contrôler sont en train de rattraper lentement leur retard, mais ont jusqu'à présent infructueuses. Et les entreprises de médias sociaux ont l'habitude de <a href="https://www.bfmtv.com/economie/desinformation-facebook-a-dissimule-un-rapport-qui-risquait-de-ternir-son-image_AD-202108220068.html">donner la priorité à l'interaction</a> au détriment du bien-être social.</p>
<p>Les utilisateurs se retrouvent face à un dilemme : comment tirer profit des réseaux sociaux sans s'exposer à des contenus qui génèrent du stress, nuisibles ou illégaux? Cette question se pose avec encore plus d'acuité en période de tensions et de conflits mondiaux. Le conflit en Ukraine et maintenant la guerre de Gaza ont augmenté le risque de voir des <a href="https://www.ledevoir.com/monde/moyen-orient/800452/guerre-israel-hamas-guerre-images-images-guerre">images horribles et nuisibles</a> sur son fil d'actualité. </p>
<p>Cet article, basé sur <a href="https://orcid.org/0000-0001-5171-663X">mes recherches</a> sur l'actualité dans les médias sociaux, est un guide de sélection et d'édition de vos flux de médias sociaux afin de vous assurer que le contenu que vous voyez est adapté à vos besoins et n'est pas offensant ou dérangeant. </p>
<p>Il est organisé selon les catégories de médias sociaux les plus grands. Je ne couvre pas les nouveaux services tels que <a href="https://www.threads.net/login">Threads</a>, <a href="https://mastodon.social/explore">Mastodon</a>, <a href="https://post.news/feed">Post</a> et <a href="https://bsky.app/">Bluesky</a>, bien que les principes leur soient généralement applicables. Je me suis focalisée sur l'utilisation de ces applications sur un téléphone portable, car c'est ce que font <a href="https://www.pewresearch.org/global/2022/12/06/internet-smartphone-and-social-media-use-in-advanced-economies-2022/">la majorité des utilisateurs</a>, plutôt que de les utiliser sur un navigateur web. Je me concentre principalement sur le contenu vidéo.</p>
<p>Les réseaux sociaux peuvent être un outil puissant d'information et d'apprentissage, mais ils sont imparfaits. Quelle que soit l'approche que vous adoptez pour gérer vos flux, restez prudents et sceptiques. Soyez attentifs aux mises à jour des politiques et des accords d'utilisation et réfléchissez bien aux personnes auxquelles vous faites confiance et que vous suivez. </p>
<h2>Est-ce votre choix ou le leur ?</h2>
<p>De nombreux réseaux sociaux proposent un flux sélectionné de manière algorithmique comme premier point de contact. Les détails des algorithmes ne sont pas connus du public et les entreprises les affinent constamment. Le flux est en grande partie basé sur votre localisation et sur les sujets et les personnes pour lesquels vous avez manifesté un intérêt précédemment (que vous ayez suivi ou simplement regardé ou interagi avec le contenu). Il peut également inclure d'autres informations telles que votre âge et votre sexe, que vous avez peut-être déjà communiquées au service. </p>
<p>Les organisations et les particuliers investissent de l'argent et du temps pour s'assurer que leur contenu soit vu. Les annonceurs paieront également pour que leur contenu soit montré aux clients qui répondent à leurs critères. Il est également important de se rappeler que les contenus payants ne sont pas seulement des biens et des services à vendre, mais qu'ils peuvent aussi avoir un objectif politique ou social, souvent caché. C'est la base des <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s13278-023-01028-5">fake news et de la désinformation</a>.</p>
<p>Voici quelques outils pour gérer vos fils d'actualité sur les réseaux sociaux</p>
<h2>Soyez prudents dans le choix de vos abonnements</h2>
<p>Sur tous les réseaux, à l'exception de TikTok, la clé consiste à sélectionner avec soin les personnes que vous suivez.</p>
<p>Sur Twitter (X), la meilleure solution consiste à s'éloigner de la page “Pour vous” (qui est l'interface par défaut) et à se concentrer sur la page “Abonnements”. Vous ne pouvez pas supprimer entièrement la page “Pour vous”. Le flux “Abonnements” comprend toutes les personnes que vous suivez, leurs tweets et leurs retweets. </p>
<p>Si vous voyez des contenus que vous ne souhaitez pas voir, vous pouvez vous désabonner, les bloquer ou les masquer.</p>
<p>La manière la plus simple de nettoyer votre fil d'actualité Facebook est “défreinder” (cesser d'être l'ami de quelqu'un sur le réseau social). Une autre option est de ne plus suivre quelqu'un: vous restez amis, la personne concernée peut voir votre contenu et s'y intéresser, mais ses publications n'apparaîtront pas dans votre fil d'actualité, à moins qu'elle ne vous mentionne ou que vous ne la recherchiez. Vous pouvez également “faire une pause” avec quelqu'un, ce qui constitue une sorte de blocage temporaire. Le blocage est l'option la plus extrême. Il supprime la personne et tout son contenu, et cache tout le vôtre.</p>
<p>Instagram propose des options similaires pour supprimer un utilisateur et le masquer (à l'instar de l'option “prendre une pause” de Facebook).</p>
<p>TikTok n'offre aux utilisateurs que des options limitées pour filtrer ou organiser leur fil d'actualité. La page “Abonnements” n'affiche que les créateurs que vous suivez (et les publicités). Elle n'est pas et ne peut pas être définie comme l'affichage par défaut.</p>
<p>La page “Pour vous” est entièrement pilotée par des algorithmes. Cliquer sur un créateur vous permet uniquement de le suivre, et non de le masquer ou de le bloquer. Vous pouvez toutefois bloquer des utilisateurs spécifiques. Cliquez sur leur profil, puis sur l'icône de partage. Les options “Signaler” et “Bloquer” se trouvent sous les différentes options de partage. Le blocage supprime le contenu de l'utilisateur, mais pas le contenu des autres utilisateurs qui le présentent.</p>
<h2>Explorez vos paramètres</h2>
<p>De nombreuses plateformes proposent des options permettant de limiter les contenus violents ou graphiques. Sur Facebook, ces options se trouvent dans le menu Paramètres. De là, cliquez sur “Fil d'actualité”, puis sur “Réduire”. Vous ne pouvez pas supprimer ce contenu, mais vous pouvez le déplacer vers le bas de votre fil d'actualité. </p>
<p>Sur TikTok, un appui long sur l'écran fait apparaître le panneau des options. De là, vous pouvez signaler une vidéo ; il y a aussi une option “pas intéressé” pour supprimer cette vidéo et d'autres avec des hashtags similaires de votre fil d'actualité. Si vous cliquez sur “détails” pour voir quels hashtags seront filtrés, vous pouvez en sélectionner certains à bloquer. Toutefois, la fiabilité de cette option n'est pas évidente : les hashtags changent au fil du temps. Un certain nombre de hashtags ne peuvent apparemment pas être filtrés, mais on ne sait pas exactement de quoi il s'agit ni pourquoi ils ne peuvent pas l'être.</p>
<p>L'option “Préférences de contenu” sous “Paramètres” vous permet de filtrer les mots-clés vidéo. Cela permet de les supprimer de votre page “Pour vous”, de votre page “Abonnements”, ou des deux.</p>
<p>Vous pouvez également mettre TikTok en “mode restreint”. Cela limite l'accès aux “contenus inappropriés” – une description opaque.</p>
<h2>Attention aux utilisateurs</h2>
<p>Il ne s'agit pas d'un guide parfait, car les médias sociaux ne sont pas conçus pour être contrôlés par l'utilisateur. Ces entreprises sont basées sur l'engagement des utilisateurs : plus vous passez de temps sur leur application, plus elles gagnent de l'argent. Elles ne s'intéressent pas particulièrement à l'utilité ou à l'exactitude du contenu.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217148/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Megan Knight does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>Quelle que soit l'approche que vous adoptez pour gérer vos flux, restez prudents et sceptiques.Megan Knight, University of HertfordshireLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2150892023-10-10T21:12:55Z2023-10-10T21:12:55ZPourquoi le métavers peine-t-il à prendre auprès des consommateurs ?<p>Cette semaine encore, <a href="https://theconversation.com/topics/mark-zuckerberg-54121">Marc Zuckerberg</a> défendait les mérites du <a href="https://theconversation.com/topics/metavers-111662">« métavers »</a> dont il rêve. Il pourrait même nous permettre de <a href="https://www.leparisien.fr/high-tech/le-metavers-pourrait-permettre-de-discuter-avec-ses-proches-decedes-selon-mark-zuckerberg-03-10-2023-GFCWEJSHEJFJNONMFYXVSIWCHE.php">dialoguer avec des personnes décédées</a>. À quelques jours du lancement du casque de réalité virtuelle Quest 3, le fondateur de <a href="https://theconversation.com/topics/facebook-22128">Facebook</a> rappelle par la même qu’il n’a pas renoncé à ses ambitions affichées il y a un an, lorsqu’il <a href="https://theconversation.com/le-metavers-de-mark-zuckerberg-pourra-t-il-rester-sous-son-controle-171190">renommait son groupe « Meta »</a> : connecter les personnes et les entreprises via le métavers plutôt que via les plates-formes traditionnelles de médias sociaux. Des questions se posaient en effet bel et bien sur ses <a href="https://leclaireur.fnac.com/article/359380-meta-a-t-il-abandonne-son-metavers/">intentions actuelles</a>, le système qu’il défend semblant <a href="https://kotaku.com/meta-facebook-horizon-worlds-vr-mark-zuckerberg-1849669048">peu populaire</a> auprès des consommateurs.</p>
<p>Le métavers est un <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/15252019.2021.2001273">monde virtuel interactif, immersif et collaboratif</a> partagé par les internautes ou, plus précisément selon Jooyoung Kim, professeur à l’Université de Géorgie, un « réseau persistant interopéré d’environnements virtuels partagés où les gens peuvent interagir de manière synchrone par le biais de leurs avatars avec d’autres agents et objets ». Le terme provient du roman de science-fiction <em>Snow Crash</em> publié en 1992 par Neal Stephenson. Monde virtuel tridimensionnel habité par des avatars de personnes réelles, le développement du métavers est lié aux progrès de la réalité virtuelle et des technologies immersives.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/Cs87Ok2h5xq/ ?utm_source=ig_embed\u0026ig_rid=aa5d242\u003csup\u003ee\u003c/sup\u003e-21ee-4130-94e6-d463df5f1f58\"/\u003e\u003c/p\u003e\n\n\u003cp\u003eLes implications et les avantages potentiels du métavers, que d’autres entreprises à l’instar de Second Life tentent de dessiner, sont vastes. Tel Mark Zuckerberg, ses partisans affirment qu’il peut révolutionner notre façon de vivre, de travailler, d’apprendre, de jouer et de socialiser. La fusion des mondes physique et numérique offre aux individus de nouveaux niveaux de liberté et de créativité, leur permettant d’explorer des environnements virtuels intégrés au monde réel.\u003c/p\u003e\n\n\u003cp\u003eToutefois, en raison de la difficulté à réaliser ces promesses initiales, de \u003ca href=","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<h2>Des risques et des menaces</h2>
<p>Pourquoi les consommateurs seraient-ils réticents à une innovation aussi attrayante que le métavers ? Telle a été la question qui a animé notre <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/INTR-08-2022-0647/full/html">recherche récente</a>. Il ne va pas de soi que tous les consommateurs allaient parfaitement accepter une telle technologie. Les résultats d’une étude qualitative auprès 66 consommateurs indiquent qu’il existe deux grands types de barrières à l’adoption du métavers : des barrières psychologiques et des barrières fonctionnelles.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0019850117301955">barrière psychologique</a> se dresse lorsqu’une innovation entre en conflit avec les normes et valeurs sociales d’une personne. Elle apparaît également lorsqu’une innovation est perçue comme risquée ou menaçante. Dans le cas du métavers, <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/INTR-08-2022-0647/full/html">l’étude</a> révèle sept sous-types de barrières psychologiques : une mauvaise compréhension du métavers et de ses particularités, l’absence ou insuffisance de régulation pour superviser et gérer efficacement le métavers, des inquiétudes quant au potentiel de dépendance du métavers, la crainte que le métavers entraîne des pertes de relations sociales réelles, la peur d’être coupé du monde et déconnecté de la réalité, les problèmes de confidentialité des données personnelles que pourraient créer le métavers et enfin la perception du métavers comme quelque chose de peu éthique au niveau écologique et où tout serait en œuvre pour faire consommer les consommateurs toujours plus.</p>
<p>Un enquêté, âgé de 25 ans, a ainsi pu nous détailler ses craintes :</p>
<blockquote>
<p>« Je pense qu’il sera impossible de réglementer. Car c’est justement le principe du métavers que de donner le maximum de liberté aux gens. Mais du coup ça devient effrayant… un monde sans limites ! Je pense qu’il y a un vrai risque que cela devienne une véritable anarchie, sans aucune règle. Et dans ce cas, ça laisse la porte ouverte à beaucoup d’excès. »</p>
</blockquote>
<p>Un quadragénaire, nous a lui fait part de sa peur de devenir accro :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai toujours l’impression qu’il vaut mieux ne pas trop mettre le doigt sur ce genre de choses. Il doit être assez facile de s’y laisser prendre et de ne pas pouvoir en sortir. À mon avis, il vaut mieux ne jamais commencer parce qu’on peut vite se retrouver piégé et dépendant. Je préfère ne pas prendre le risque. »</p>
</blockquote>
<p>Il est d’ailleurs intéressant de noter sur ce point que d’ordinaire, les freins à l’adoption d’une innovation sont liés au fait que l’innovation ne serait pas suffisamment bonne. Or ici, on observe le phénomène inverse : certains individus s’opposeraient au métavers parce qu’il serait trop bon !</p>
<h2>Peu d’intérêt, incrédulité et nausée</h2>
<p>Une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0019850117301955">barrière fonctionnelle</a> émerge dès qu’un consommateur perçoit les attributs d’une innovation comme dysfonctionnels ou inadaptés à ses besoins personnels et à ses attentes d’utilisation. Trois types de résistance fonctionnelle sont mis en évidence par <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/INTR-08-2022-0647/full/html">nos</a> travaux.</p>
<p>La première, à l’image de ce que témoigne cette enquêtée de 41 ans, réside dans l’incapacité à percevoir les avantages du métavers, notamment en comparaison à l’internet actuel :</p>
<blockquote>
<p>« C’est séduisant, c’est sûr… D’une certaine façon, ça fait un peu rêver. Mais je ne sais pas… Je ne vois pas vraiment l’intérêt de la chose. Peut-être que j’ai raté quelque chose. Mais là, j’avoue que ce n’est pas clair pour moi. Peut-être que ce n’est pas pour moi ? »</p>
</blockquote>
<p>Cet homme de 21 ans semble, lui comme bien d’autres, incrédule quant à la possibilité que le métavers soit pleinement fonctionnel dans un avenir proche :</p>
<blockquote>
<p>« Je ne pense pas que ce soit pour tout de suite. Je n’y crois pas. J’ai l’impression que Mark Zuckerberg et tous ceux qui promettent le métavers sont allés un peu vite. Avant que tout ce qui est promis soit en place et fonctionne bien, si cela arrive un jour, il faudra des décennies. »</p>
</blockquote>
<p>Un ensemble de barrières physiques (symptômes de nausée, de désorientation et de malaise) causées par les techniques de réalité virtuelle utilisées par le métavers sont enfin évoquées.</p>
<p>Cette dernière barrière, comme d’autres (un métavers qui isole du monde réel, les risques liés à l’usage des données personnelles…), semblent stables et donc très difficiles à éliminer. Elles vont sans nul doute persister dans le temps, indépendamment de la façon dont le métavers va se réaliser. Contrairement à elles, des craintes plus conjoncturelles, comme le manque de compréhension de ce qu’est le métavers ainsi que sur son utilité, peuvent être levées à moyen terme en fonction de l’évolution de la technologie et du niveau d’information des individus. Les concepteurs devraient s’y intéresser de près.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215089/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Damien Chaney ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Qu’ils craignent de nombreux dangers ou qu’ils n’en comprennent pas l’intérêt, beaucoup se montrent réticents à se plonger dans le monde virtuel dont Mark Zuckerberg et d’autres rêvent.Damien Chaney, Professor, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2013312023-08-23T18:30:41Z2023-08-23T18:30:41ZPour protéger la vie privée en ligne, il faut d’abord s’attaquer à la « résignation numérique »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/517434/original/file-20230324-16-20ox4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C0%2C1920%2C1279&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Nombreux sont ceux et celles qui se sont résignés à ce que les entreprises technologiques collectent nos données privées. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Des <a href="https://www.cnbc.com/2022/11/26/the-biggest-risks-of-using-fitness-trackers-to-monitor-health.html">montres intelligentes</a> aux applications de méditation, en passant par les assistants numériques et les plates-formes de médias sociaux, nous utilisons la technologie au quotidien. Et certains de ces outils technologiques <a href="https://childdatacitizen.com/coerced-digital-participation/">sont aujourd’hui indispensables à notre vie sociale et professionnelle</a>.</p>
<p>En échange d’un accès à leurs produits et services numériques, de nombreuses entreprises technologiques recueillent et utilisent nos renseignements personnels, dans le but de prédire et d’influencer nos comportements futurs. Ce <a href="https://news.harvard.edu/gazette/story/2019/03/harvard-professor-says-surveillance-capitalism-is-undermining-democracy/">capitalisme de surveillance</a> peut prendre la forme d’<a href="https://theconversation.com/the-dark-side-of-alexa-siri-and-other-personal-digital-assistants-126277">algorithmes de recommandation</a>, de publicités ciblées et d’<a href="https://www.mckinsey.com/capabilities/growth-marketing-and-sales/our-insights/the-future-of-personalization-and-how-to-get-ready-for-it">expériences personnalisées</a>.</p>
<p>Les entreprises technologiques affirment que ces avantages améliorent l’expérience des utilisatrices et des utilisateurs. Toutefois, la <a href="https://repository.upenn.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1554&context=asc_papers">grande majorité des consommatrices et consommateurs déplorent ces pratiques</a>, surtout après avoir compris comment se fait la collecte de leurs données.</p>
<h2>« Résignation numérique »</h2>
<p>Le <a href="https://dx.doi.org/10.2139/ssrn.1478214">public est insuffisamment informé</a> sur la façon dont les données sont recueillies. La recherche démontre que les entreprises cultivent le sentiment de résignation et <a href="https://repository.upenn.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1554&context=asc_papers">exploitent ce manque de connaissances</a> pour normaliser la pratique consistant à maximiser la quantité de données recueillies.</p>
<p>Le scandale <a href="https://www.wired.com/story/cambridge-analytica-facebook-privacy-awakening/">Cambridge Analytica</a> et les révélations d’<a href="https://www.reuters.com/article/us-usa-nsa-spying-idUSKBN25T3CK">Edward Snowden</a> sur la surveillance gouvernementale de masse ont levé le voile sur les pratiques de collecte de données. Cependant, les gens sont restés impuissants et résignés devant ces méthodes qui se font sans leur consentement explicite. C’est ce qu’on appelle <a href="http://dx.doi.org/10.1177/1461444819833331">« la résignation numérique »</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/512979/original/file-20230301-22-br1873.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un téléphone intelligent sur lequel est affiché le logo de Facebook" src="https://images.theconversation.com/files/512979/original/file-20230301-22-br1873.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512979/original/file-20230301-22-br1873.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512979/original/file-20230301-22-br1873.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512979/original/file-20230301-22-br1873.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512979/original/file-20230301-22-br1873.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512979/original/file-20230301-22-br1873.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512979/original/file-20230301-22-br1873.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">En 2022, Meta, la société mère de Facebook, a accepté de payer 725 millions de dollars pour régler une poursuite concernant l’envoi de renseignements personnels des utilisatrices et utilisateurs à Cambridge Analytica.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Michael Dwyer, File</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si la collecte et l’utilisation des données personnelles font l’objet de nombreuses discussions, le modus operandi des entreprises technologiques est, en revanche, peu évoqué.</p>
<p>Comme le démontre <a href="https://spectrum.library.concordia.ca/id/eprint/990750/">notre recherche</a>, les entreprises technologiques utilisent un éventail de stratégies pour se décharger de leur responsabilité liée à la protection de la vie privée, neutraliser les critiques et empêcher l’adoption de mesures législatives. Ces stratégies sont pensées pour limiter la capacité de la population à faire des choix éclairés.</p>
<p>Les élus et les législateurs, tout comme les entreprises, doivent reconnaître et baliser ces stratégies. Il ne sera pas possible d’amener les entreprises à assumer leurs responsabilités en matière de protection de la vie privée en s’attaquant uniquement à la collecte et à l’utilisation des données.</p>
<h2>L’omniprésence des violations de la vie privée</h2>
<p>Dans leur étude sur les industries nocives comme celles du tabac et de l’exploitation minière, <a href="http://dx.doi.org/10.1086/653091">Peter Benson et Stuart Kirsch</a> ont montré que les entreprises appliquaient des stratégies de négation, de déviation et d’action symbolique pour échapper aux critiques et empêcher l’adoption de mesures législatives.</p>
<p>Notre étude indique que de telles stratégies sont également employées dans le secteur des technologies. Facebook <a href="https://www.theguardian.com/technology/2019/aug/23/cambridge-analytica-facebook-response-internal-document">nie et rejette depuis longtemps sa responsabilité</a> en ce qui concerne la protection de la vie privée, en dépit des multiples scandales et critiques.</p>
<p>Pour sa part, Amazon a été sévèrement condamnée pour avoir fourni des <a href="https://www.theguardian.com/technology/2022/jul/13/amazon-ring-doorbell-videos-police-11-times-without-permission">enregistrements vidéo de caméras de sécurité Ring à la police, qui n’avait pas de mandat, sans le consentement de la cliente ou du client</a>, ce qui a suscité de <a href="https://www.eff.org/deeplinks/2021/02/lapd-requested-ring-footage-black-lives-matter-protests">vives préoccupations liées aux droits civiques</a>. L’entreprise a également créé une <a href="https://www.theverge.com/2022/9/20/23362010/ring-nation-mgm-amazon-mark-burnett-barry-poznick-civil-rights-cancel">émission de téléréalité utilisant les images des caméras de sécurité Ring</a>.</p>
<p>Les fonctionnaires des gouvernements du Canada et des États-Unis se sont récemment vu <a href="https://www.wsj.com/articles/canada-follows-u-s-europe-with-tiktok-ban-on-government-devices-2273b07f">interdire de télécharger TikTok</a> sur leurs appareils en raison d’un risque « inacceptable » pour la vie privée. TikTok s’est lancée dans une <a href="https://www.theverge.com/2023/2/2/23583491/tiktok-transparency-center-tour-photos-bytedance">mise en scène élaborée d’actions symboliques</a> suivant l’ouverture de son <a href="https://www.youtube.com/watch?v=PxfIGVQTfWQ">Centre de transparence et de responsabilité</a>. Ce cycle de négation, de déviation et d’action symbolique normalise les violations de la vie privée et alimente le cynisme, la résignation et le désengagement.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/512973/original/file-20230301-424-zveqs2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une sonnette Ring argent et noir fixée à un cadre de porte" src="https://images.theconversation.com/files/512973/original/file-20230301-424-zveqs2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512973/original/file-20230301-424-zveqs2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512973/original/file-20230301-424-zveqs2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512973/original/file-20230301-424-zveqs2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512973/original/file-20230301-424-zveqs2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512973/original/file-20230301-424-zveqs2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512973/original/file-20230301-424-zveqs2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Amazon a été critiquée pour avoir créé une nouvelle téléréalité basée sur des images captées par les sonnettes-caméras Ring.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>La loi québécoise</h2>
<p>Les technologies s’infiltrent dans tous les aspects de notre quotidien. Or, il est difficile, voire impossible, d’obtenir le consentement éclairé d’une personne qui n’est ni motivée, ni <a href="https://ndg.asc.upenn.edu/wp-content/uploads/2018/09/Persistent-Misperceptions.pdf">suffisamment informée</a> pour lire et comprendre des modalités pensées pour semer la confusion.</p>
<p>L’<a href="https://commission.europa.eu/strategy-and-policy/priorities-2019-2024/europe-fit-digital-age_fr">Union européenne</a> a récemment adopté des lois qui reconnaissent ces dynamiques de marché néfastes et a commencé à tenir les plates-formes et les entreprises technologiques <a href="https://www.cnn.com/2022/11/30/tech/twitter-eu-compliance-warning/index.html">responsables de leurs actes</a>.</p>
<p>Le Québec a récemment révisé ses lois sur la protection de la vie privée en adoptant la <a href="https://www.quebec.ca/gouvernement/ministeres-et-organismes/institutions-democratique-acces-information-laicite/acces-documents-protection-renseignements-personnels/pl64-modernisation-de-la-protection-des-renseignements-personnels">loi 25</a>. Cette loi vise à offrir aux citoyennes et citoyens une protection et un contrôle accrus de leurs renseignements personnels. Elle leur donne entre autres la possibilité de demander que leurs renseignements personnels soient transférés dans un autre système, de les corriger ou de les supprimer (<a href="https://gdpr.eu/right-to-be-forgotten/">droit à l’oubli</a>), ainsi que le droit d’être informés de toute décision les concernant prise de manière automatisée.</p>
<p>La loi oblige également les organisations à désigner une ou un responsable de la protection de la vie privée et à former un comité de protection de la vie privée. Les organisations sont aussi tenues d’effectuer des évaluations des incidences sur la vie privée lors de tout projet touchant les données personnelles. Les modalités et les politiques doivent en outre être communiquées de manière claire et transparente, et le consentement doit être obtenu de manière explicite.</p>
<p>Au fédéral, le gouvernement a déposé le <a href="https://ised-isde.canada.ca/site/innover-meilleur-canada/fr/charte-canadienne-numerique/sommaire-projet-loi-loi-2020-mise-oeuvre-charte-numerique">projet de loi C-27 sur la mise en œuvre de la Charte numérique</a>, qui est actuellement examiné par la Chambre des communes. Ce projet de loi présente de nombreuses similitudes avec la loi 25 du Québec, mais il comprend en outre des mesures visant à réglementer certaines technologies, telles que les systèmes d’intelligence artificielle.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/512971/original/file-20230301-20-41o1s8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="L’écran d’un ordinateur portable montre un document" src="https://images.theconversation.com/files/512971/original/file-20230301-20-41o1s8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512971/original/file-20230301-20-41o1s8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512971/original/file-20230301-20-41o1s8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512971/original/file-20230301-20-41o1s8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512971/original/file-20230301-20-41o1s8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512971/original/file-20230301-20-41o1s8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512971/original/file-20230301-20-41o1s8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les modalités de technologies en ligne sont souvent trop longues et difficiles à comprendre pour les gens.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
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<p>Comme nos conclusions le soulignent, il est urgent d’améliorer la littératie numérique concernant la protection de la vie privée. Il faut aussi une réglementation plus stricte qui ne se limite pas à encadrer ce qui est autorisé, mais qui permet de surveiller les entreprises et de les rendre responsables lorsqu’elles portent atteinte à la vie privée des gens. Cela garantirait un consentement éclairé à la collecte de données et découragerait les violations. Voici nos recommandations :</p>
<p>1) Les entreprises technologiques devraient explicitement préciser quelles données personnelles seront recueillies et utilisées. Seules les données essentielles devraient être recueillies, et la clientèle devrait pouvoir refuser la collecte de données non essentielles. Ce principe est similaire à celui du <a href="https://gdpr.eu/cookies/">règlement général sur la protection des données de l’Union européenne</a>, qui exige le consentement de l’utilisatrice ou l’utilisateur avant toute utilisation des témoins non essentiels. Il cadre aussi avec le principe de la fonction de <a href="https://support.apple.com/fr-ca/HT212025">transparence du suivi par les applications</a> d’Apple, qui permet d’empêcher les applications de suivre les activités.</p>
<p>2) La réglementation en matière de protection de la vie privée devrait tenir compte de l’utilisation endémique de <a href="https://www.vox.com/recode/22351108/dark-patterns-ui-web-design-privacy">pratiques trompeuses</a> visant à influencer les comportements, par exemple en contraignant une personne à donner son consentement, et l’empêcher. Ces pratiques consistent entre autres à utiliser des éléments de conception, un langage ou des mécanismes rendant difficile le refus de témoins non essentiels ou encore à mettre en évidence le bouton permettant de fournir davantage de données personnelles par rapport au bouton de refus.</p>
<p>3) Les organismes de contrôle de la protection de la vie privée tels que le <a href="https://www.priv.gc.ca/fr/">Commissariat à la protection de la vie privée du Canada</a> <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/nova-scotia/houston-privacy-commissioner-promise-may-be-softening-1.6624079">devraient être totalement indépendants</a> et autorisés à enquêter et à <a href="https://financialpost.com/news/privacy-watchdogs-lament-lack-powers-tim-hortons-probe">faire appliquer la réglementation en matière de protection de la vie privée</a>.</p>
<p>4) Les lois sur la protection de la vie privée, comme celle du Québec, obligent les organisations à nommer une ou un responsable de la protection de la vie privée, mais cette personne devrait être totalement indépendante et avoir le pouvoir de faire respecter les lois en la matière pour pouvoir contribuer à une meilleure responsabilisation.</p>
<p>5) Les responsables des politiques devraient moderniser plus promptement les lois afin de les adapter aux progrès rapides de la technologie numérique.</p>
<p>6) Enfin, les sanctions pour non-respect de la loi sont souvent dérisoires par rapport aux profits réalisés par l’utilisation abusive des données, et aux préjudices sociaux que ces pratiques engendrent. Par exemple, la Federal Trade Commission (FTC) des États-Unis a imposé une <a href="https://www.ftc.gov/news-events/news/press-releases/2019/07/ftc-imposes-5-billion-penalty-sweeping-new-privacy-restrictions-facebook">pénalité de 5 milliards de dollars à Facebook</a> (5.8 % de ses <a href="https://investor.fb.com/investor-news/press-release-details/2021/Facebook-Reports-Fourth-Quarter-and-Full-Year-2020-Results/default.aspx">produits d’exploitation annuels de 2020</a>) pour son rôle dans le <a href="https://www.vox.com/policy-and-politics/2018/3/23/17151916/facebook-cambridge-analytica-trump-diagram">scandale Cambridge Analytica</a>.</p>
<p>Bien que cette amende soit la plus élevée jamais infligée par la FTC, elle n’est pas représentative des répercussions sociales et politiques du scandale et de son influence sur des <a href="https://www.npr.org/2018/03/20/595338116/what-did-cambridge-analytica-do-during-the-2016-election">événements politiques clés</a>. Dans certains cas, il est plus rentable pour une entreprise de payer stratégiquement une amende pour non-conformité que de prendre les mesures qui s’imposent.</p>
<p>Pour que les géants de la technologie assument leurs responsabilités à l’égard des données de leurs utilisatrices et utilisateurs, le coût de la violation de la vie privée doit l’emporter sur les profits potentiels découlant de l’exploitation de ces données.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201331/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Nombreux sont ceux et celles résignés à ce que les entreprises technologiques collectent leurs données privées. Mais il faut faire davantage pour limiter les informations personnelles collectées.Meiling Fong, PhD Student, Individualized Program, Concordia UniversityZeynep Arsel, Concordia University Chair in Consumption, Markets, and Society, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2118602023-08-22T16:41:37Z2023-08-22T16:41:37ZBlocage des nouvelles par Meta : un enjeu de sécurité publique… ou financier ?<p>Ottawa a adopté le 22 juin la <a href="https://www.parl.ca/DocumentViewer/fr/44-1/projet-loi/C-18/sanction-royal">Loi sur les nouvelles en ligne</a> (C-18), qui vise à établir un partage des revenus entre les géants du web et les médias. </p>
<p>Elle oblige les entreprises comme Google et Meta à indemniser les médias canadiens pour l’utilisation de leurs contenus sur leurs plates-formes. En réponse, depuis le 1<sup>er</sup> août, Meta empêche le partage de liens vers du contenu médiatique sur ses plates-formes.</p>
<p>Les conséquences du blocage des nouvelles par Meta sont significatives. Les médias ne peuvent plus diffuser leurs nouvelles sur ses plates-formes, dont Facebook et Instagram, ce qui réduit le trafic vers leurs propres sites web et aggrave leur situation financière déjà fragile. Les citoyens, qui n’ont pas quitté les réseaux sociaux pour autant, sont exposés à moins de contenu médiatique.</p>
<p>Les médias ont fait le pari difficile que les citoyens opteraient pour consulter directement leurs sites pour être au fait de l’actualité au lieu de passer par les réseaux sociaux. Mais nous savons qu’il est <a href="https://theconversation.com/heres-what-happens-in-your-brain-when-youre-trying-to-make-or-break-a-habit-201189">difficile de changer ses habitudes</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/google-et-facebook-seuls-ne-sauveront-pas-les-medias-de-leur-marasme-financier-149054">Google et Facebook seuls ne sauveront pas les médias de leur marasme financier</a>
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<p>Le projet de loi, ainsi que le blocage des nouvelles par Meta qui a suivi, ont fait l’objet d’une couverture médiatique importante, sous différents angles. Après les dénonciations d’atteinte à la vie démocratique, un nouvel argument consiste à dire que ce blocage met en danger la sécurité de citoyens au pays, notamment en contexte d’incendies de forêt. Dernier en date, le <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2004937/justin-trudeau-facebook-feux-blocage">premier ministre Justin Trudeau a accusé Meta</a>, lundi, de prioriser ses profits plutôt que la sécurité des Canadiens en bloquant les nouvelles locales. « Je veux souligner à quel point c’est une frustration pour moi, que Facebook continue de bloquer l’accès aux nouvelles locales sur les feux de forêt pour les Canadiens qui en ont de besoin », a-t-il déclaré.</p>
<p>Mais qu’en est-il vraiment ?</p>
<p>Doctorante et chargée de cours en communication sociale et publique à l’Université du Québec à Montréal, l’auteure étudie les controverses publiques, le lobbyisme et la communication politique.</p>
<h2>Un enjeu de sécurité publique ?</h2>
<p>Depuis peu, les médias ont ainsi adopté une rhétorique de la <a href="https://www.persee.fr/doc/polix_0295-2319_1999_num_12_46_1057">« montée en généralité »</a> pour traiter du bras de fer entre le gouvernement et les géants de la technologie. </p>
<p>Ce procédé rhétorique consiste à insérer un intérêt particulier dans un intérêt plus grand. Ainsi, les médias ne semblent pas seulement défendre leurs propres intérêts (qui sont ici financiers), mais le bien-être d’une grande partie de la population. </p>
<p>Par exemple, des reportages sur les <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2004095/feu-foret-tno-yellowknife-blocage-nouvelles-meta-facebook">feux de forêt à Yellowknife</a> mettent l’accent sur l’accès aux contenus médiatiques. D’autres sur les <a href="https://www.journaldequebec.com/2023/08/13/je-trouve-ca-preoccupant-un-ex-enqueteur-du-spvm-met-en-garde-contre-les-dangers-du-blocage-de-nouvelles">services de police</a> démontrent que la portée des informations qu’ils partagent, notamment lors d’enlèvements ou de disparitions, est grandement réduite en raison des mesures imposées par Meta. Les médias soutiennent ainsi que le blocage de nouvelles compromet non seulement leur stabilité financière, mais aussi la sécurité publique, s’inscrivant ainsi dans l’intérêt général.</p>
<p>Les géants de la technologie sont à la fois dépeints comme des entités monstres qui accaparent les revenus publicitaires, tout en étant des acteurs essentiels pour le maintien de la sécurité publique. En adoptant cette rhétorique, les médias reconnaissent bien malgré eux leur relation de dépendance, certes inéquitable, avec les plates-formes. Effectivement, les médias <a href="https://about.fb.com/news/2022/10/metas-concerns-with-canadas-online-news-act/">tiraient des bénéfices de l’utilisation de ces plates-formes</a> pour augmenter leur trafic et leurs revenus.</p>
<p>Cela dit, pour comprendre les solutions possibles et dépasser cette situation, prenons du recul pour comprendre la Loi sur les nouvelles en lignes (C-18).</p>
<h2>Des géants aux modèles d’affaires différents</h2>
<p>La Loi sur les nouvelles en lignes (C-18) vise à établir les bases d’un partage de revenus entre les géants du web et les médias. Autrement dit, les GAFAM devront débourser (selon des modalités à établir) un certain montant pour chaque lien d’actualités ou contenu relayé sur leurs plates-formes. </p>
<p>Certains géants, tels que Google (<a href="https://news.google.com/">Google News</a>) et Microsoft (<a href="https://www.msn.com/fr-car-ca">MSN News</a>), raclent le contenu des organismes de presse vers leurs propres sites d’actualités. Ainsi, grâce à cette nouvelle loi, ils devront les dédommager et payer un montant pour le contenu partagé sur leurs plates-formes. </p>
<p>Cependant, le modèle d’affaires de Meta est différent. Ce sont ses utilisateurs qui partagent les liens d’actualité, et non l’entreprise elle-même. Meta a ainsi peu de contrôle sur ce qui est partagé sur sa plate-forme (à l’exception de la <a href="https://about.meta.com/actions/promoting-safety-and-expression/">possible suppression de contenus violents ou de désinformation</a>). Inclure dans une même catégorie tous les géants du web, qui ont des modèles d’affaires différents, a été une erreur de la part du gouvernement. </p>
<p>Imaginons que vous deviez payer 1 $ pour chaque personne entrant dans votre maison. Que feriez-vous ? Vous barreriez la porte. C’est un peu ce que fait Meta en bloquant les nouvelles. C’est une <a href="https://about.fb.com/news/2023/06/changes-to-news-availability-on-our-platforms-in-canada/#translation">décision d’affaires</a>, basée sur leur absence de contrôle quant aux liens partagés sur leurs plates-formes. Ils ne contreviennent pas à la loi, mais s’y soumettent. Un peu au même titre qu’un individu ne paiera pas de taxe sur l’essence s’il n’en consomme pas. </p>
<h2>L’Australie est passée par là</h2>
<p>Dans cette guerre, les yeux du monde sont rivés vers le Canada. Si Meta accepte de payer les organismes de presse canadiens, cela créerait un précédent pour d’autres législations qui pourraient être tentées d’adopter des lois semblables. </p>
<p>La <a href="https://leginfo.legislature.ca.gov/faces/billTextClient.xhtml?bill_id=202320240AB886">Californie</a>, l’<a href="https://www.reuters.com/technology/indonesia-mulls-media-bill-seeking-fairer-share-big-tech-2021-11-23/">Indonésie</a>, l’<a href="https://www.compcom.co.za/wp-content/uploads/2023/03/Media-Statement-Terms-of-Reference-to-establish-a-Media-and-Digital-Platforms-Market-Inquiry-17-March-2023.pdf">Afrique du Sud</a> ont présenté récemment des pièces législatives allant en ce sens, tandis que le <a href="https://www.cjr.org/business_of_news/australia-pressured-google-and-facebook-to-pay-for-journalism-is-america-next.php">Royaume-Uni, les États-Unis</a> la <a href="https://www.beehive.govt.nz/release/big-online-platforms-pay-fair-price-local-news-content">Nouvelle-Zélande</a> et l’<a href="https://www.politico.eu/article/eu-strikes-deal-on-law-to-fight-illegal-content-online-digital-services-act/">Union européenne</a> ont fait part de leur intention de faire de même.</p>
<p>L’Australie est aussi allée de l’avant. En février 2021, Meta avait bloqué le contenu d’actualité de ses plates-formes. Or, à la différence du Canada, le blocage a eu lieu avant que la loi ne soit officiellement adoptée. Ce faisant, le gouvernement australien a modifié son projet de loi pour qu’il ne s’applique pas à Meta, à condition que ce dernier conclût suffisamment d’accords avec les médias pour les rémunérer pour leur contenu. Depuis, Meta et Google ont conclu des ententes avec les médias s’élevant à environ 175 millions de dollars canadiens. Les bénéfices de cette loi <a href="https://www.cjr.org/business_of_news/australia-pressured-google-and-facebook-to-pay-for-journalism-is-america-next.php">ont été nombreux pour les organismes de presse</a>. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/facebook-sort-larme-nucleaire-contre-les-medias-australiens-le-canada-pourrait-etre-sa-prochaine-cible-155604">Facebook sort l’arme nucléaire contre les médias australiens. Le Canada pourrait être sa prochaine cible</a>
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<h2>Retourner à la table à dessin</h2>
<p>Quelle que soit notre opinion sur la justification de Meta, les conséquences de ce blocage sont néfastes pour tous. De plus, il apparaît évident qu’une solution individuelle ne résoudra pas ce problème structurel. Ainsi, demander aux citoyens de cesser de consulter les réseaux sociaux pour se rendre directement sur les sites de nouvelles ou leur demander de <a href="https://www.lapresse.ca/debats/courrier-des-lecteurs/2023-08-18/place-aux-lecteurs/pour-la-creation-d-un-reseau-social-public.php">rejoindre de nouvelles plates-formes dites publiques</a> n’est pas une réponse suffisante.</p>
<p>À l’instar de ce qui a été fait en Australie, la solution devra refléter la complexité du problème. Une solution unique ne peut rendre compte de la diversité du paysage médiatique canadien, ainsi que celle des géants du web. Le gouvernement devrait plutôt contraindre les plates-formes à négocier avec chaque organisme de presse pour des solutions adaptées : soutien financier direct aux médias, ajustement des algorithmes, formations, transparence, etc. Les options sont nombreuses. La Loi sur les nouvelles en ligne répond à un réel problème, mais offre une solution imparfaite. Et pour l’instant, tout le monde est perdant.</p>
<p>En adoptant ce projet de loi, Ottawa était bien au fait que Meta allait bloquer les liens d’actualité : non seulement l’expérience australienne a prouvé que le géant ne bluffait pas, mais Meta <a href="https://about.fb.com/news/2022/10/metas-concerns-with-canadas-online-news-act/">a fait part de ses intentions</a> au tout début du processus. Le gouvernement aurait du être moins téméraire, prendre exemple de l’expérience australienne, retourner à la table à dessin et négocier des solutions réalistes avec les géants de la techno et ce, pour le bien du journalisme canadien.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211860/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Justine Lalande a reçu un financement des Fonds de recherche du Québec, Société et culture (FRQSC).</span></em></p>Les médias disent que le blocage de nouvelles de Meta met en danger la sécurité de citoyens. En adoptant cette rhétorique, ils reconnaissent leur relation de dépendance vis-à-vis de ses plates-formes.Justine Lalande, Doctorante, Département de communication sociale et publique, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2091682023-07-09T15:30:19Z2023-07-09T15:30:19ZL’envers des mots : « Ghoster »<p>Plus de SMS, plus d’appel, plus aucune nouvelle, comme ça, du jour au lendemain, sans explication… Si cette situation vous semble familière, vous avez peut-être été victime de « ghosting » ou « ghosté ». Dérivé de l’anglais « ghost », signifiant « fantôme », ce terme pourrait être traduit en français par l’expression « faire le mort ». Il est apparu dans la culture populaire en 2014 et a été officiellement défini par l’<a href="https://www.urbandictionary.com/define.php?term=Ghosting">Urban Dictionary</a> en 2016 :</p>
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<p>« Lorsqu’une personne coupe toute communication avec ses amis ou la personne qu’elle fréquente, sans aucun avertissement ou préavis. La plupart du temps, elle évite les appels téléphoniques de ses amis, les médias sociaux et les évite en public ».</p>
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<p>Bien que le verbe « ghoster » soit apparu récemment dans le langage courant, le phénomène n’est pas nouveau. En effet, la tactique de la disparition pour rompre une relation amoureuse ou amicale est une pratique ancienne qui pourrait renvoyer à la stratégie de désengagement indirect par retrait/évitement décrite par <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/10570318209374082">Baxter</a> dans les années 80.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/que-veut-dire-etre-amis-a-lere-dinstagram-183287">Que veut dire « être amis » à l’ère d’Instagram ?</a>
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<p>Il est difficile de savoir précisément si « ghoster » est aujourd’hui plus fréquent qu’il y a 20 ans, 30 ans ou 40 ans. Néanmoins, cette stratégie de rupture est <a href="https://books.google.fr/books?hl=en&lr=&id=SMUpDwAAQBAJ">très courante</a> aujourd’hui. La probable augmentation de ce phénomène serait liée, pour certains chercheurs, au recours aux <a href="https://psycnet.apa.org/doiLanding?doi=10.1037%2Fppm0000343">médias sociaux</a> et <a href="https://www.cairn.info/faire-couple-une-entreprise-incertaine--9782749265896-page-107.htm">sites de rencontre en ligne</a> qui faciliteraient et banaliseraient ce genre de pratique. Cela pourrait s’expliquer par les <a href="https://theconversation.com/relations-sociales-le-numerique-peut-il-compenser-le-manque-dechanges-directs-158984">spécificités des interactions en ligne</a> qui permettent de conserver une certaine part d’anonymat, d’avoir un contrôle sur la relation (et notamment la possibilité de différer ses réponses) ou encore le fait de ne pas être en face de la personne lors des échanges, ce qui peut favoriser les conduites d’évitement.</p>
<p>Si on peut tous et toutes « ghoster » une personne ou être « ghosté », cette pratique semble plus répandue chez les jeunes adultes (18-30 ans) ou adultes émergents, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2215036614000807">nouvelle catégorie</a> apparue récemment en psychologie du développement. Dans cette tranche d’âge, on retrouve des taux de ghosting allant de <a href="http://gilifreedman.com/Ghosting.pdf">25 %</a> à <a href="https://blog.pof.com/2016/03/pof-survey-reveals-80-millennials-ghosted/">78 %</a> ! Une des explications serait le fait que les adultes émergents ont une utilisation fréquente des médias sociaux et des applications de rencontres mais aussi que les ruptures amoureuses sont plus courantes dans ce groupe d’âge. A savoir que les personnes sont nombreuses à rapporter « ghoster » et <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0276236618820519">avoir été « ghosté »</a>, ce qui peut rendre l’identification d’un profil type de « ghosteur » difficile.</p>
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<p>« Ghoster » est une pratique courante au sein des relations amoureuses mais elle peut aussi toucher d’autres types de relations comme les relations <a href="https://ijmaberjournal.org/index.php/ijmaber/article/view/179">amicales</a>, familiales ou même le champ <a href="https://dcdardentalks.com/2018/09/17/ghosting-in-the-workplace/">professionnel</a>.</p>
<p>Les ruptures sont souvent associées à des émotions négatives voire une vraie détresse psychique. Dans le cas du « ghosting », le fait, pour la personne « ghostée », de ne pas percevoir tout de suite l’absence de nouvelles comme un signe de rupture peut la laisser dans une <a href="https://books.google.fr/books?hl=en&lr=&id=SMUpDwAAQBAJ">situation d’incertitude</a> et peut la conduire à se sentir responsable de la situation. Cet arrêt unilatéral de la communication ne permet pas d’avoir un temps d’élaboration autour de ce qui se passe ni d’avoir d’explication. Cela peut accroître la douleur liée à la rupture et amener une méfiance dans les relations ultérieures, voire même la reproduction de cette pratique où la personne « ghostée » va « ghoster » à son tour. La web-série documentaire de Jérémy Bulté <a href="https://www.france.tv/slash/fantomes/">« Fantômes »</a> sur la plate-forme Slash de France.tv illustre bien ce phénomène et la manière dont il peut retentir sur les relations suivantes.</p>
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<p><em>Cet article s’intègre dans la série <strong><a href="https://theconversation.com/fr/topics/lenvers-des-mots-127848">« L’envers des mots »</a></strong>, consacrée à la façon dont notre vocabulaire s’étoffe, s’adapte à mesure que des questions de société émergent et que de nouveaux défis s’imposent aux sciences et technologies. Des termes qu’on croyait déjà bien connaître s’enrichissent de significations inédites, des mots récemment créés entrent dans le dictionnaire. D’où viennent-ils ? En quoi nous permettent-ils de bien saisir les nuances d’un monde qui se transforme ?</em></p>
<p><em>De <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-validisme-191134">« validisme »</a> à <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-silencier-197959">« silencier »</a>, de <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-bifurquer-191438">« bifurquer »</a> à <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-degenrer-191115">« dégenrer »</a>, nos chercheurs s’arrêtent sur ces néologismes pour nous aider à mieux les comprendre, et donc mieux participer au débat public.</em></p>
<p><em>À découvrir aussi dans cette série :</em></p>
<ul>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-algocratie-203369"><em>« L’envers des mots » : Algocratie</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-docimologie-203861"><em>« L’envers des mots » : Docimologie</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-neuromorphique-195152"><em>« L’envers des mots » : Neuromorphique</em></a></p></li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/209168/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie Danet a été interviewée par Jérémy Bulté dans le cadre de la web-série documentaire "Fantômes" mentionnée dans l'article.</span></em></p>« Faire le mort » pour rompre une relation amoureuse ou amicale est une stratégie ancienne qui serait en augmentation avec l’usage des réseaux sociaux, d’où la popularisation du terme « ghoster ».Marie Danet, Maîtresse de conférence en psychologie, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2053462023-05-23T17:51:14Z2023-05-23T17:51:14ZRGPD : cinq ans après, le rôle difficile des délégués à la protection des données<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/525171/original/file-20230509-12882-bnnzdk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=44%2C13%2C1214%2C831&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le 25&nbsp;mai 2018, le Règlement général sur la protection des données était adopté par l’Union européenne.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/illustrations/europe-united-europe-flag-united-2021308/">Arakir/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le lundi 22 mai, Meta, la maison-mère de Facebook, Instagram ou encore WhatsApp, a écopé d’une <a href="https://www.francetvinfo.fr/internet/reseaux-sociaux/union-europeenne-meta-la-maison-mere-de-facebook-ecope-d-une-amende-record-de-1-2-milliard-d-euros-pour-avoir-envoye-les-donnees-d-utilisateurs-aux-etats-unis_5840483.html">amende de 1,2 milliard d’euros</a> pour avoir enfreint le <a href="https://www.cnil.fr/fr/reglement-europeen-protection-donnees">règlement général sur la protection des données</a> (<a href="https://theconversation.com/fr/topics/rgpd-54271">RGPD</a>). Le régulateur irlandais, en charge d’appliquer le texte européen, a estimé que le géant américain avait « continué de transférer des données personnelles » d’utilisateurs du siège européen à Dublin vers les États-Unis en violation des règles des vingt-sept.</p>
<p>Cette amende, que Meta conteste, constitue la troisième infligée à la maison-mère de Facebook depuis le début de l’année dans l’UE. Il s’agit également d’un montant record qui dépasse les <a href="https://www.usine-digitale.fr/editorial/amazon-ecope-d-une-amende-record-de-746-millions-d-euros-au-luxembourg-pour-violation-du-rgpd.N1130064">746 millions d’euros réclamés à Amazon</a> en juin 2021 au Luxembourg.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1660582626879500290"}"></div></p>
<p>Cette nouvelle amende contre Facebook illustre bien la montée en puissance réglementaire du RGPD, qui a été adopté par l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/union-europeenne-ue-20281">Union européenne</a> (UE) il y a presque cinq ans, le 25 mai 2018. L’idée de ce nouveau cadre normatif était de trouver un compromis entre défendre les droits des individus et permettre l’innovation des agents économiques. En effet, pour de nombreuses entreprises, les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/donnees-23709">données</a> à caractère personnel sont devenues une véritable manne, dont la protection suscite des craintes chez les citoyens comme chez leurs représentants.</p>
<h2>Encore peu de DPD</h2>
<p>Le texte, du fait de sa nature juridique, s’est appliqué immédiatement à tous les États membres. En France, c’est la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/commission-nationale-de-linformatique-et-des-libertes-cnil-137097">Commission nationale informatique et libertés</a> (CNIL) qui est garante de son respect. En 2022, l’autorité a prononcé 21 sanctions pour un montant total de 101 277 900 euros. En outre, avec 147 décisions prononcées, la CNIL a également annoncé un nombre record de mises en demeure (ordonnant à un organisme de se mettre en conformité dans un délai fixé).</p>
<p><iframe id="pwI5E" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/pwI5E/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Pourtant, les entreprises n’avaient pas nécessairement attendu la Commission européenne pour être sensibilisées à cette problématique. Dans l’Hexagone, la loi dite « <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000886460">Informatique et liberté</a> » de 1978 était déjà maîtrisée par les organisations. Beaucoup avaient déjà en leur sein un <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000886460/2014-05-01/">« correspondant informatique et libertés »</a>, ancêtre du <a href="https://www.apec.fr/tous-nos-metiers/informatique/delegue-a-la-protection-des-donnees.html">délégué à la protection des données personnelles</a> (DPD), fonction instituée par le RGPD pour les organismes publics et les organisations amenées à traiter à grande échelle des données dites « sensibles », avec des missions de veille, d’information, de conseil, de contrôle et d’alerte si besoin.</p>
<p>Malgré cela, cinq ans après l’entrée en vigueur du RGPD, de nombreux chantiers restent en cours. D’abord, des progrès restent à accomplir en matière d’amélioration de la sécurité des données informationnelles et de suppressions des données (purges) dans tout le système d’information. Autre difficulté : les organismes tardent à se doter d’un délégué à la protection des données qui, selon le <a href="https://www.cnil.fr/fr/le-delegue-la-protection-des-donnees-dpo">guide publié par la CNIL</a>, ne doit pas recevoir d’instructions ni ne peut être sanctionné ou licencié en raison des conclusions qu’il tire dans le cadre de ses missions.</p>
<p>Si le <a href="https://www.cnil.fr/sites/default/files/atoms/files/cnil_-_42e_rapport_annuel_-_2021.pdf">rapport</a> publié par la CNIL en 2022 faisait état de <a href="https://www.cnil.fr/sites/default/files/atoms/files/cnil_-_43e_rapport_annuel_-_2022.pdf#page=12">89 841</a> organismes ayant désigné un DPD, ces responsables restent encore peu présents dans un certain nombre de structures. C’est particulièrement le cas au sein des collectivités territoriales, au point que des <a href="https://www.cnil.fr/fr/la-cnil-met-en-demeure-vingt-deux-communes-de-designer-un-delegue-la-protection-des-donnees">communes</a> ont pu être mises en demeure d’en désigner un par les autorités.</p>
<h2>Un rôle très (trop ?) vaste</h2>
<p>Au sein des organisations qui ont nommé un DPD, les missions qui ont présenté la plus lourde charge de travail lors du déploiement du RGPD ont porté sur la mise en place et le suivi d’un <a href="https://www.cnil.fr/fr/reglement-europeen-protection-donnees/chapitre4">registre des activités de traitements</a> des données. Constituer ce document a souvent nécessité de longs échanges en interne pour recenser toutes les activités susceptibles de collecter des données, puis d’identifier la nature et la durée de leur conservation.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>Or, ce temps nécessaire apparaît inadapté à la rapidité des développements informatiques et des projets : les documents de conformité sont ainsi souvent en décalage avec les exigences. Par exemple, les <a href="https://www.cnil.fr/fr/ce-quil-faut-savoir-sur-lanalyse-dimpact-relative-la-protection-des-donnees-aipd">analyses d’impacts sur la vie privée (AIVP)</a> sollicitent énormément de temps car impliquent de nombreux échanges avec l’ensemble des métiers impactés. Ce document, obligatoire pour les traitements susceptibles d’engendrer des risques élevés, peut donc parfois être obsolète une fois publié.</p>
<p>Comme l’indique un témoignage que nous avons recueilli :</p>
<blockquote>
<p>« Le rôle de DPD est vaste car il est à la fois le pilote de la conformité, un conseiller auprès de la direction et un accompagnateur des métiers. Il doit s’intéresser à toutes les directions et comprendre tous les métiers de l’entreprise afin d’apprécier la conformité des traitements. »</p>
</blockquote>
<p>Cela n’est pas sans conséquence sur ces responsables :</p>
<blockquote>
<p>« Nous devons répondre à une demande d’exercice des droits, déclarer une notification de violation de données, etc. En termes de savoir-être, il faut être capable de gérer le stress et les pics d’activité. »</p>
</blockquote>
<h2>DPD, un rôle mal reconnu</h2>
<p>D’après nos observations sur le terrain, quelques recommandations pourraient être suggérées afin de faciliter le travail des DPD. Une première voie consisterait à <strong>alléger leur charge de travail</strong>, ce qui peut se faire en étoffant leur équipe pour répondre aux nombreuses sollicitations au quotidien. Les DPD travaillent majoritairement seuls : <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/rgpd-metier-dpo-premiers-resultats-072019.pdf">75 % d’entre eux n’ont pas d’équipe pour les épauler dans leur mission</a>.</p>
<p>Rares sont de plus les DPD qui disposent d’un <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/rgpd-metier-dpo-premiers-resultats-072019.pdf">budget</a> afin d’accomplir leurs tâches. Seul près d’un tiers d'entre eux déclarent avoir eu des fonds en 2020, ou avoir pu bénéficier facilement de ceux d’autres services. Aussi allouer plus de <strong>moyens financiers</strong> représente-t-il un autre chemin sur lequel il serait bon de s’engager.</p>
<p>La <strong>place du DPD dans l’organisation</strong> mérite aussi réflexion. Il remplit une fonction support et de conseil, ce qui peut présenter certaines limites si la direction générale décide de passer outre l’alerte du DPD. Un enquêté le rappelle bien :</p>
<blockquote>
<p>« Le DPD conseille le responsable de traitement, il ne décide pas. D’où l’intérêt qu’il puisse être proche de la direction générale. »</p>
</blockquote>
<p>L’idée est qu’il puisse être soutenu dans la mise en place des recommandations qu’il formule. Un DPD nous a, par exemple, fait part des difficultés auxquelles il a été confronté et de la manière dont il tente de s’en sortir :</p>
<blockquote>
<p>« Après 7 ans d’expérience dans la protection des données, dont 5 comme DPD, je constate que la conduite du changement se réalise de manière progressive, difficile. Elle passe par beaucoup de sensibilisation et d’accompagnement des métiers. Ensuite, selon moi, il est toujours indispensable d’avoir le sourire et d’être aimable. La conformité n’est pas une thématique très motivante pour la plupart des collègues, alors autant faire preuve de sympathie afin qu’ils soient moins réticents à assister aux réunions de suivi ».</p>
</blockquote>
<p>Cette difficulté de sensibilisation des métiers internes à l’entreprise provient très probablement de l’absence de lien hiérarchique entre le DPD et les métiers. Il est très complexe pour lui de faire adhérer les parties prenantes : il ne bénéficie de fait pas d’un pouvoir de motivation, voire de sanction en cas de non-atteinte des objectifs de ses collègues.</p>
<p>Le rôle de DPD semble donc ne pas avoir terminé sa mutation. Peut-être, le nombre croissant de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cyber-attaques-36559">cyberattaques</a> ainsi que des normes juridiques à venir, comme le <a href="https://www.pwc.fr/fr/expertises/gestion-des-risques/maitrise-des-risques-technologiques/dora-exigences-reglementaires-europeennes.html">règlement Dora</a> qui entrera en vigueur en janvier 2025, inciteront-ils les organisations à accroître leur sécurité informatique et à renforcer les moyens des DPD.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205346/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Odette Simoes ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La réglementation européenne a imposé la mise en place de ces responsables qui se retrouvent souvent seuls et avec peu de moyens financiers au sein de leur organisation.Odette Simoes, Maître de conférences associé en Management des Systèmes d'information et conformité, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1933642022-11-02T13:19:34Z2022-11-02T13:19:34ZC-18 : Meta menace à nouveau de retirer les contenus d’information canadiens sur Facebook<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/492626/original/file-20221031-23-4dbfwc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=53%2C8%2C6000%2C3979&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le pdg de Meta, Mark Zuckerberg, lors de l'annonce du changement de nom de Facebook pour Meta, le 28 octobre 2021, depuis Sausalito en Californie.</span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Eric Risberg, File)</span></span></figcaption></figure><p>Comme un déjà vu dans un mauvais film, la multinationale Meta Platforms menace de bloquer l’information sur Facebook au Canada si le <a href="https://www.parl.ca/legisinfo/fr/projet-de-loi/44-1/c-18">projet de loi sur les nouvelles en ligne (C-18)</a>, en ce moment à l’étude aux Communes, est adopté.</p>
<p>L’entreprise de Mark Zuckerberg a déjà fait le coup en Australie. En février 2021, elle avait retiré les contenus journalistiques pour ses abonnés australiens avant l’adoption d’une loi qui, comme C-18, force Google et Facebook à négocier des ententes de partage de revenus avec les entreprises de presse australiennes.</p>
<p>Après six jours de blocage, celle qu’on appelait encore Facebook, à l’époque, était revenue sur sa décision. <a href="https://theconversation.com/facebook-sort-larme-nucleaire-contre-les-medias-australiens-le-canada-pourrait-etre-sa-prochaine-cible-155604">J’avais écrit que le Canada pourrait être sa prochaine cible</a>, même si les menaces, en 2021, étaient voilées. Dans un <a href="https://about.fb.com/news/2022/10/metas-concerns-with-canadas-online-news-act/#translation">communiqué publié le 21 octobre 2022</a>, le chef des partenariats avec les médias de Meta Canada, Marc Dinsdale, rend ces menaces explicites :</p>
<blockquote>
<p>Devant une législation défavorable […], il est [possible] que nous soyons forcés de reconsidérer l’autorisation du partage de contenu de nouvelles au Canada.</p>
</blockquote>
<p>Examinons les arguments de Meta Canada pour s’opposer à C-18 et demandons-nous si ses menaces peuvent être prises au sérieux.</p>
<h2>Argument 1 : Meta fournit du marketing gratuit aux médias</h2>
<p>Meta prétendait en mai avoir envoyé <a href="https://about.fb.com/news/2022/05/how-meta-supports-news-providers-in-canada/">1,9 milliard de clics vers les sites web des entreprises de presse canadiennes au cours des douze mois précédents</a>. Cela signifie que si les médias du pays avaient acheté des pubs sur Facebook pour obtenir cet achaladage, ils auraient dû débourser 230 millions $CAD. Comment Meta arrive-t-elle à ces chiffres ? Mystère. Aucune précision méthodologique n’accompagne ces estimations. Il faut croire l’entreprise sur parole.</p>
<p>Il faut bien sûr reconnaître que les médias tirent des avantages de leur présence dans Facebook et dans Instagram, sinon ils seraient absents de ces plates-formes. Selon le <a href="https://reutersinstitute.politics.ox.ac.uk/digital-news-report/2022"><em>Digital News Report 2022</em></a>, 40 % des Canadiens qui utilisent Facebook le font pour s’informer. Sans les réseaux sociaux, de nos jours, une grande partie des Canadiens se verraient coupés d’une source d’information. Cela suscite sans doute de l’achalandage sur les sites web des médias. Mais cet achalandage est de moins en moins monétisable pour les médias tant le marché de la pub numérique est dominé (à 80 %) par Alphabet (Google) et Meta.</p>
<h2>Argument 2 : Meta fait très peu d’argent avec l’information</h2>
<p>Meta prétend également que « le contenu de nouvelles […] n’est pas une source importante de revenus pour notre entreprise ». Pour un réseau social qui tire 95 % de ses revenus grâce à l’attention suscitée par les contenus qu’on y trouve, cette affirmation est insultante.</p>
<p>J’ai <a href="https://theconversation.com/facebook-senrichit-grace-aux-medias-canadiens-mais-donne-peu-en-retour-145497">estimé</a>, <a href="https://iris-recherche.qc.ca/blogue/secteur-prive/ce-que-le-journalisme-canadien-rapporte-a-facebook/">ces dernières années</a>, <a href="https://github.com/jhroy/facebook-canada">méthodologie détaillée à l’appui</a>, que Meta réalisait, bon an, mal an, environ 200 millions $CAD de chiffre d’affaires grâce aux contenus journalistiques canadiens. Mon estimation est imparfaite, je suis le premier à l’admettre. Mais elle est la moins mauvaise à laquelle il soit possible de parvenir avec les données auxquelles la multinationale nous permet d’accéder.</p>
<p>Soyons bons princes. Acceptons cette autre affirmation de Meta :</p>
<blockquote>
<p>Les publications contenant des liens vers des articles de nouvelles représentent moins de 3 % de ce que les gens voient dans leur fil d’actualité Facebook.</p>
</blockquote>
<p>D’accord. Seulement au Canada, Meta a réalisé un chiffre d’affaires de 1 826 milliard $CAD au cours des six premiers mois de 2022. Trois pour cent de cette somme équivaut à 55 millions $. Voilà alors le montant qui aurait dû être reversé aux entreprises de presse canadiennes jusqu’à maintenant, cette année, si Meta avait adéquatement partagé ses revenus avec les créateurs de contenus journalistiques. On est loin des <a href="https://about.fb.com/news/2022/05/how-meta-supports-news-providers-in-canada/">18 millions $ que Meta a investi dans le journalisme canadien depuis 2018</a>.</p>
<h2>Argument 3 : Pourquoi seulement Google et nous ?</h2>
<p>Ici, Meta pose une bonne question. Le projet de loi C-18, et la loi australienne dont il s’inspire, reposent tous deux sur le postulat que le marché de la publicité numérique serait une chasse gardée des médias d’information et aurait ainsi été chapardé par les deux géants du web. <a href="https://theconversation.com/facebook-sort-larme-nucleaire-contre-les-medias-australiens-le-canada-pourrait-etre-sa-prochaine-cible-155604">J’ai déjà écrit que cette prémisse était fallacieuse</a> : Google et Facebook ont mieux réussi à adapter à l’ère numérique le modèle d’affaires qui a permis aux médias d’information de faire fortune à l’ère analogique.</p>
<p>Le modèle australien crée un processus complexe de négociation, puis de médiation et d’arbitrage. Il serait beaucoup plus simple pour les médias et les plates-formes d’imposer une taxe de 3 % du chiffre d’affaires de toutes les multinationales du numérique et d’en verser le fruit au Fonds des médias du Canada. Celui-ci pourrait ensuite redistribuer le tout au moyen d’un mécanisme transparent avec des jurys de pairs, comme cela existe déjà dans le soutien à la culture, par exemple. On pourrait faire contribuer Microsoft, qui possède un <a href="https://www.linkedin.com">réseau social</a> et un <a href="https://www.bing.com/">moteur de recherche</a>, Twitter, TikTok, Spotify, Netflix et d’autres multinationales pour qui les données générées par les Canadien.nes se transforment en or.</p>
<p>Les sommes ainsi recueillies seraient suffisantes pour soutenir non seulement l’information, mais la culture qui souffre également de la dématérialisation de ses contenus.</p>
<h2>Le journalisme pâtit déjà dans Facebook</h2>
<p>Dans plusieurs communications récentes, Meta a donné le signal qu’elle en avait soupé du journalisme. L’entreprise veut <a href="https://about.fb.com/news/2021/02/reducing-political-content-in-news-feed/">réduire la place des contenus politiques et d’information</a>. Elle a récemment <a href="https://www.axios.com/2022/10/14/meta-facebook-ending-support-instant-articles">mis fin aux <em>Instant Articles</em></a>, un timide effort de partage de revenus publicitaires avec les médias. Dans son communiqué du 21 octobre, elle dit vouloir donner « la priorité aux investissements à long terme dans le métavers et dans la croissance du contenu vidéo de courte durée ».</p>
<p>J’étudie depuis plusieurs années les contenus journalistiques dans Facebook. Entre juillet 2020 et juin 2022, les médias québécois ont réduit d’environ 12 % la quantité de matériel qu’ils déposent chaque mois sur leurs pages Facebook.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/492005/original/file-20221026-18193-7g1q9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/492005/original/file-20221026-18193-7g1q9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/492005/original/file-20221026-18193-7g1q9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=254&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/492005/original/file-20221026-18193-7g1q9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=254&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/492005/original/file-20221026-18193-7g1q9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=254&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/492005/original/file-20221026-18193-7g1q9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=319&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/492005/original/file-20221026-18193-7g1q9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=319&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/492005/original/file-20221026-18193-7g1q9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=319&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Nombre de publications (« posts ») mises en ligne chaque mois par une sélection de 275 pages Facebook de médias d’information québécois entre juillet 2020 et juin 2022, avec interpolation linéaire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Jean-Hugues Roy)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les interactions (« engagement ») suscitées par ces contenus médiatiques ont cependant chuté bien davantage : près de 32 % de diminution entre le début de la période étudiée et la fin.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/492007/original/file-20221027-23859-9x1dnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/492007/original/file-20221027-23859-9x1dnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/492007/original/file-20221027-23859-9x1dnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=247&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/492007/original/file-20221027-23859-9x1dnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=247&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/492007/original/file-20221027-23859-9x1dnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=247&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/492007/original/file-20221027-23859-9x1dnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=311&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/492007/original/file-20221027-23859-9x1dnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=311&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/492007/original/file-20221027-23859-9x1dnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=311&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Interactions mensuelles suscitées par les publications (« posts ») d’une sélection de 275 pages Facebook de médias d’information québécois entre juillet 2020 et juin 2022, avec interpolation linéaire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Jean-Hugues Roy)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au final, chaque publication Facebook d’un média québécois a suscité en moyenne 146,6 interactions en juin 2022, contre 185,5 en juillet 2020, ce qui représente une diminution de 21 %.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/492009/original/file-20221027-19202-z63xrc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/492009/original/file-20221027-19202-z63xrc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/492009/original/file-20221027-19202-z63xrc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=261&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/492009/original/file-20221027-19202-z63xrc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=261&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/492009/original/file-20221027-19202-z63xrc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=261&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/492009/original/file-20221027-19202-z63xrc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=328&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/492009/original/file-20221027-19202-z63xrc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=328&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/492009/original/file-20221027-19202-z63xrc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=328&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Interactions moyennes par publication (« post ») suscitées par une sélection de 275 pages Facebook de médias d’information québécois entre juillet 2020 et juin 2022, avec interpolation linéaire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Jean-Hugues Roy)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces données pourraient être un indice que Facebook rétrograderait les contenus journalistiques en faisant en sorte qu’ils apparaissent moins souvent ou de façon moins proéminente dans le fil d’actualités de ses abonné•es du Québec. <a href="https://transparency.fb.com/fr-fr/features/approach-to-ranking/types-of-content-we-demote/">Les contenus que Meta rétrograde sont connus</a>. L’information produite par des médias d’information n’est pas censée en faire partie.</p>
<h2>Menace : bluff ou sérieux ?</h2>
<p>Maintenant, Meta retranchera-t-elle les contenus d’information de sa principale plate-forme ? <a href="https://firstmonday.org/ojs/index.php/fm/article/view/11815/10683">J’ai fait l’expérience en 2020</a>. J’ai enlevé les pages journalistiques des pages en français administrées dans quatre pays (Belgique, Canada, France, Suisse). Ce qui reste est affligeant : contenus viraux et divertissement pur, comme si on éliminait les fruits et légumes de notre alimentation. C’est délicieux, mais ce n’est pas durable.</p>
<p>J’ai aussi remarqué qu’on trouve beaucoup de contenus religieux dans le Facebook non-journalistique et un peu de désinformation en français. Mais sans journalisme, ces types de contenus gagneraient en proéminence. Ainsi, Facebook ressemblerait de plus en plus, lentement mais sûrement, à des <a href="https://www.pewresearch.org/journalism/2022/10/06/the-role-of-alternative-social-media-in-the-news-and-information-environment/">réseaux sociaux marginaux d’extrême droite</a> comme Truth Social, Gettr, Parler, voire Gab. Est-ce le sentier que veut emprunter Meta ? L’entreprise veut-elle reproduire <a href="https://www.ledevoir.com/economie/768639/elon-musk-a-achete-twitter-qu-adviendra-t-il-du-climat-social">ce que Elon Musk est en train de faire avec Twitter</a> ? Je doute que ses actionnaires acceptent cela.</p>
<p>Les contenus journalistiques sont ce qui empêche Facebook d’être un cloaque de désinformation. C’est en ce sens qu’ils ont de la valeur pour Meta. Il est temps que Mark Zuckerberg et ses représentants au Canada le reconnaissent. Et qu’ils en soutiennent plus sérieusement la production. C’est l’objectif premier du projet de loi C-18.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193364/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Hugues Roy est membre de la FPJQ (Fédération professionnelle des journalistes du Québec). </span></em></p>Meta menace de retrancher les contenus journalistiques de sa plate-forme Facebook au Canada si Ottawa adopte le projet de loi C-18 sur les nouvelles en ligne. Bluff ou menace à prendre au sérieux ?Jean-Hugues Roy, Professeur, École des médias, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1922252022-10-31T19:00:09Z2022-10-31T19:00:09ZVers des générations de non-fumeurs : oui, mais comment ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/492506/original/file-20221031-14-dd1lxl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C202%2C2047%2C1069&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’opération Mois sans tabac avait enregistré près de 120&nbsp;000 inscrits au 31&nbsp;octobre 2022.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/121483302@N02/14119096643/in/photostream/">Global Panorama/Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Ce 1<sup>er</sup> novembre, à l’initiative de Santé publique France, le mois « sans tabac » débute pour une septième édition. Les fumeurs de tous âges sont collectivement invités à ne plus griller une cigarette pendant 30 jours, une démarche qui, selon les organisateurs, multiplie par cinq les chances d’y renoncer définitivement.</p>
<p>Ces dernières années, ce sont en particulier les jeunes qui ont été la cible prioritaire des pouvoirs publics. Le Comité national contre le tabagisme estime qu’ils sont environ <a href="https://cnct.fr/nos-actions/preserver-les-jeunes/">200 000</a> à commencer à fumer en France chaque année, épinglant il y a quelques temps les buralistes pour leur <a href="https://www.20minutes.fr/societe/2620359-20191004-tabac-200000-jeunes-mettent-fumer-chaque-annee-buralistes-epingles-manque-vigilance">manque de vigilance</a>.</p>
<p>La première cigarette intervient en moyenne peu après 14 ans. Les enquêtes de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (la dernière date de 2017 en attendant l’analyse de résultats collectés en mars dernier), relais français d’une agence de l’Union européenne, indiquent que cet âge est de <a href="https://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/eftxssy2.pdf">plus en plus tardif</a> (un an de plus par rapport à 2005).</p>
<p>Fort de ce constat, le <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/180702-pnlt_def.pdf">programme national</a> de lutte contre le tabac 2018-2022 se donnait pour ambition que les enfants nés depuis 2014 et qui fêteront leur majorité à partir de 2032 deviennent la première génération d’adultes non-fumeurs. Comment y parvenir ? Vaut-il mieux les encourager ou les contraindre lorsque l’on s’adresse à eux ? Sur Facebook, la distance entre eux et le relais d’un message de santé publique est-elle importante ? Tel a été l’enjeu de <a href="https://www.editions-ems.fr/revues/decisions-marketing/numerorevue/363-d%C3%A9cisions-marketing-n%C2%B0107.html">nos travaux</a> qui suggèrent que les stratégies à adopter ne sont pas les mêmes selon qui se charge de diffuser le message.</p>
<h2>Oscillations stratégiques</h2>
<p>Au fur et à mesure des années, les pouvoirs publics ont souvent changé de direction en ce qui concerne leurs <a href="https://www.researchgate.net/publication/309622670_Des_outils_d%E2%80%99aide_et_de_communication_au_service_du_sevrage_tabagique">campagnes de communication</a>. Dans les années 1970, ils mettaient en avant les conséquences du tabagisme, pour faire davantage appel à la liberté et à la séduction durant la décennie suivante. Les années 1990 ont été celles de la dénormalisation sociale du tabagisme et de la valorisation du non-fumeur. C’est la promotion de la démarche d’arrêt du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/tabac-21029">tabac</a> qui a prévalu dans les années 2000. Depuis 2010, il a beaucoup été question de motivation.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/489035/original/file-20221010-18-ywa2v4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/489035/original/file-20221010-18-ywa2v4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489035/original/file-20221010-18-ywa2v4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=262&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489035/original/file-20221010-18-ywa2v4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=262&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489035/original/file-20221010-18-ywa2v4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=262&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489035/original/file-20221010-18-ywa2v4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=329&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489035/original/file-20221010-18-ywa2v4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=329&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489035/original/file-20221010-18-ywa2v4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=329&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Après avoir suscité la polémique, la campagne de 2010 de l’Association Droits des non-fumeurs a été suspendue.</span>
<span class="attribution"><span class="source">DNF</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Durant toutes ces années une large palette de registres a ainsi été mobilisée. Suggérer une relation de soumission avec des photos d’enfants avec une cigarette à bouche, presque en esclaves sexuels, avait suscité la <a href="https://www.europe1.fr/societe/Anti-tabac-une-campagne-qui-choque-495916">polémique</a> en 2011. Choquer avec les images présentes sur les paquets de cigarettes, jouer davantage sur l’éducation, avec par exemple le slogan « fumer, c’est pas dans ma nature » lancé en 1991 et associé à une image de héros de western, sont d’autres méthodes que l’on a vues se déployer. Le Mois sans tabac fait, lui, la promotion des démarches de soutien adressées aux fumeurs qui souhaitent arrêter.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/489033/original/file-20221010-22-x8xz75.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489033/original/file-20221010-22-x8xz75.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489033/original/file-20221010-22-x8xz75.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489033/original/file-20221010-22-x8xz75.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489033/original/file-20221010-22-x8xz75.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489033/original/file-20221010-22-x8xz75.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489033/original/file-20221010-22-x8xz75.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">En 1991, le Comité français d’éducation pour la santé promeut une nouvelle normalité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">CFES</span></span>
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</figure>
<p>Cette oscillation entre différentes stratégies montre que l’on peine à déterminer la manière la plus efficace de communiquer. Notre travail a ainsi cherché à identifier sous quelles conditions un message encourageant les initiatives, offrant un choix quant aux options de traitement et fournissant des informations pertinentes, tout en limitant la pression et le contrôle, s’avère plus pertinent qu’un message privilégiant les directives et adoptant une attitude autoritaire où il y a absence de choix. Nous nous sommes en particulier focalisés sur les communications persuasives anti-tabac à destination des jeunes adultes, diffusées sur Facebook.</p>
<h2>Qui doit encourager ? Qui doit contraindre ?</h2>
<p>Le concept de <a href="https://psycnet.apa.org/record/2003-05781-002">distance sociale</a> qui se réfère à la distance perçue entre deux individus a été mobilisé. On parle de distance sociale « proximale » dans le cas d’une personne proche de soi et d’une distance sociale « distale » dans le cas d’une personne éloignée de soi (je me sens plus proche de mon meilleur ami que d’une connaissance).</p>
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<p>À dessein, nous avons créé une campagne de communication semblable à celles que nous pourrions trouver sur Facebook. Elle se décline en 4 visuels différents qui combinent deux dimensions : message partagé par des amis <em>vs</em> sponsorisé par Santé publique France (autrement dit, distance sociale proximale <em>vs</em> distale) et message encourageant <em>vs</em> contraignant. Notre objectif était d’identifier les combinaisons qui suscitent la plus forte intention d’arrêter de fumer chez des jeunes âgés de 18 à 34 ans.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/489030/original/file-20221010-16-qw4avi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/489030/original/file-20221010-16-qw4avi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489030/original/file-20221010-16-qw4avi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489030/original/file-20221010-16-qw4avi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489030/original/file-20221010-16-qw4avi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489030/original/file-20221010-16-qw4avi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489030/original/file-20221010-16-qw4avi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489030/original/file-20221010-16-qw4avi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Messages encourageant et contraignant pour une distance sociale proximale.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/489031/original/file-20221010-21-7ygedh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/489031/original/file-20221010-21-7ygedh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489031/original/file-20221010-21-7ygedh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=285&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489031/original/file-20221010-21-7ygedh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=285&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489031/original/file-20221010-21-7ygedh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=285&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489031/original/file-20221010-21-7ygedh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=358&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489031/original/file-20221010-21-7ygedh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=358&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489031/original/file-20221010-21-7ygedh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=358&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Messages encourageant et contraignant pour une distance sociale distale.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Après analyse des réponses de 203 participants (29 ans de moyenne d’âge et 41 % d’hommes), les résultats montrent qu’un message encourageant est plus efficace lorsqu’il est partagé par une source distale et qu’un message contraignant est plus efficace lorsqu’il est partagé par une source proximale.</p>
<p>Notre étude suggère ainsi que les praticiens réalisant des communications persuasives en santé devraient favoriser les messages qui laissent une liberté de choix à la cible : par exemple, « si vous vous sentez prêt à arrêter de fumer, alors rendez-vous sur https://www.tabac-info-service.fr/ ». Les messages qui mettent l’accent sur la capacité des jeunes fumeurs à arrêter (« nous savons que vous pouvez le faire ») semblent également à privilégier.</p>
<h2>Les influenceurs et l’IA à mobiliser</h2>
<p>L’injonction d’arrêter de fumer adressée par une personne proche du fumeur a, elle, plus de chances d’être acceptée que lorsqu’elle provient d’un inconnu ou d’un organisme public. Les praticiens devront s’attacher, pour ce type de message, à favoriser le partage par des personnes proches de la cible (un ami, un membre de sa famille…).</p>
<p>Des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/influenceurs-81090">influenceurs</a> suivis quotidiennement sur les réseaux sociaux par de jeunes adultes fumeurs et dont ces derniers se sentent proches pourraient également représenter des relais efficaces de communication, de même que des sportifs, des acteurs ou des humoristes. Faire appel à ces <a href="https://www.cairn.info/revue-bulletin-de-psychologie-2010-4-page-279.htm">« leaders d’opinion »</a> pour diffuser des messages contraignants semble pouvoir limiter les risques de rejet. Les associer à la création des messages semble d’ailleurs tout à fait pertinent. Des campagnes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/sante-publique-23257">santé publique</a> réussies comme <a href="https://www.cairn.info/nudge-et-marketing-social--9782100795857-page-61.htm">Sam</a> (« celui qui conduit ne boit pas ») ou le Mois sans tabac (près de <a href="https://mois-sans-tabac.tabac-info-service.fr/?at_medium=sl&at_campaign=Tabac%20SEA&at_platform=google&gclid=Cj0KCQjw166aBhDEARIsAMEyZh6tRbW4RITbQaFAAExlc077qQVs9-jzbpm1ouD3kM4Z550oIa0hyyIaAsLqEALw_wcB&gclsrc=aw.ds">120 000 inscrits</a> au 31 octobre cette année) en ont montré l’intérêt.</p>
<p>L’intelligence artificielle pourrait également s’avérer particulièrement utile pour améliorer l’efficacité des messages en les personnalisant de façon optimale. Appliqué à Facebook, un contenu encourageant apparaîtrait dans le fil d’actualité des jeunes internautes lorsque le relais du message est distal et un message contraignant serait présenté quand le relais est qualifié de proximal.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192225/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’efficacité d’une campagne anti-tabac dépend de qui la relaie : les pouvoirs publics ont donc intérêt à s’adresser également aux proches des fumeurs.Houda Sassi-Chamsi, Doctorante en Sciences de gestion, Université Grenoble Alpes (UGA)Agnès Helme-Guizon, Professeure des Universités, Marketing social, Grenoble IAE Graduate School of ManagementJessica Gérard, Maitre de Conférences, Grenoble IAE Graduate School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1925152022-10-26T18:40:05Z2022-10-26T18:40:05ZLe marketing digital est-il en voie de disparition ?<p>À l’occasion du <a href="https://www.colloquemarketingdigital.com/">21ᵉ Colloque du Marketing Digital</a> organisé en Sorbonne les 8 et 9 septembre 2022, la question de sa disparition possible s’est posée. Avec les premiers développements du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/metavers-111662">métavers</a>, le <a href="https://www.davechaffey.com/digital-marketing-glossary/digital-marketing/">marketing digital</a> tel que nous le connaissons est menacé. Ainsi, les dépenses publicitaires mondiales dans le digital pourraient atteindre un plafond dès 2026 avec une <a href="https://www.offremedia.com/les-depenses-publicitaires-mondiales-dans-le-numerique-dici-2026">croissance de « seulement » 6,8 %</a>. Le marché serait-il donc arrivé à saturation ?</p>
<p>Certes, ces perspectives ne sont pas inéluctables. Cependant, pour faire mentir les prévisions, les acteurs du secteur doivent désormais relever de nombreux défis d’ordre éthique, écologique, juridique et commercial.</p>
<h2>Santé publique et fraude</h2>
<p>En ce qui concerne l’éthique, les problématiques de santé publique sont au cœur des récents débats. Les <a href="https://journals.openedition.org/rfsic/2910">problèmes d’addiction ou de dépression</a> liés aux réseaux sociaux sont pointés du doigt depuis longtemps. Les <a href="https://www.futura-sciences.com/tech/definitions/internet-bulle-filtres-19642/">bulles de filtres algorithmiques</a> qui enferment l’internaute dans ses croyances sans possibilité de changer d’avis sont souvent dénoncées.</p>
<p>Par ailleurs, certaines pratiques sur le web posent question. Nous citerons la publicité digitale qui souffre de façon structurelle de fraudeurs à l’inventivité sans limites. Création de faux comptes, usage de bots, faux avis client… toutes ces techniques devraient coûter <a href="https://www.influencia.net/la-fraude-publicitaire-numerique-a-genere-697-milliards-de-dollars-de-pertes-en-2022/">697 milliards de dollars au marché en 2022</a>. L’industrie des faux influenceurs et faux followers représenterait <a href="http://blog.hivency.com/fr/les-marques-perdent-13-milliard-de-dollars-%C3%A0-cause-des-fake-influenceurs">1,3 milliards de dollars par an</a>. S’ajoute à ces chiffres, la perte de confiance, notamment des « millennials », <a href="https://www.airofmelty.fr/marques/80-jeunes-de-gen-z-ne-confiance-aux-avis-influenceurs-23988.html">envers les influenceurs</a>… Quelques initiatives comme la certification RSE (<a href="https://theconversation.com/fr/topics/responsabilite-societale-des-entreprises-rse-21111">responsabilité sociétale des entreprises</a>) des influenceurs visent à regagner cette confiance, mais le mal semble déjà fait…</p>
<h2>Sobriété et empreinte carbone</h2>
<p>À l’heure de la sobriété énergétique, il semble en outre que le marketing digital ne soit pas vraiment écoresponsable… Les impacts écologiques du web sont réels. En 2019, le numérique représentait <a href="https://theshiftproject.org/article/climat-insoutenable-usage-video/">4 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales</a>. Toutes les données stockées ne sont pas imputables au marketing digital, mais la part de celui-ci est importante.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>La <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044327272">loi REEN</a> (visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France et parue au Journal officiel du 16 novembre 2021), les data centers verts, la <a href="https://www.sri-france.org/2021/10/12/sri-publie-referentiel-de-calcul-de-lempreinte-carbone-de-diffusion-campagnes-digitales/">calculatrice de l’empreinte carbone</a> des campagnes digitales, les initiatives pour réduire cette consommation sont nombreuses mais encore timides.</p>
<h2>Coopération et protection des données</h2>
<p>Sur le plan juridique, la difficulté de créer de vrais partenariats entre acteurs aboutit à une suite ininterrompue de conflits : <a href="https://www.alain-bensoussan.com/avocats/droits-voisins-google-perd-contre-les-editeurs-de-presse/2020/10/09/">procès perdu de Google contre les éditeurs réclamant</a> la rémunération de leurs articles, <a href="https://atlantico.fr/article/decryptage/tracking-de-donnees-personnelles--apple-et-facebook-se-lancent-dans-une-guerre-et-nous-sommes-au-milieu-jean-paul-pinte">guerre Facebook-Apple concernant le tracking publicitaire</a>… Le chantier de la protection des données renvoie le marché à ses propres faiblesses. La fin des cookies tiers publicitaires pour des raisons de respect de la vie privée le déstabilise. Une multitude de solutions technologiques est imaginée, passant de la <a href="https://audreytips.com/glossaire-web/google-sandbox/">Sandbox de Google</a> (une pénalité pour les sites qui abusent des techniques de référencement), aux identifiants uniques.</p>
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<a href="https://theconversation.com/la-fin-des-cookies-tiers-ne-repond-pas-au-besoin-de-controle-des-internautes-sur-leurs-donnees-180612">La fin des « cookies tiers » ne répond pas au besoin de contrôle des internautes sur leurs données</a>
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<p>Cependant, le marché peine encore à trouver une solution unifiée et compréhensible pour les annonceurs au point que l’on parle aujourd’hui de « cookie apocalypse » renforcée par la tendance des consommateurs à refuser les cookies (<a href="https://www.seedtag.com/fr/">près du tiers des Français</a>, selon une étude de l'entreprise technologique Seedtag).</p>
<h2>Snack content, baisse de l’engagement</h2>
<p>Enfin, les défis d’ordre commercial touchent au cœur même le modèle économique du marketing digital fondé sur la publicité. En effet, celui-ci a conduit à des ratés. Preuve en est le réseau social Snapchat qui va supprimer près de 20 % de son effectif suite au ralentissement de la publicité numérique, principal revenu de l’application.</p>
<p>La baisse de l’engagement (clics, commentaires, partage) est parfois spectaculaire. Twitter génère un engagement de <a href="https://lempreintedigitale.com/podcast/taux-engagement-moyen-par-reseaux-sociaux/">0,05 % en moyenne</a>. En outre, <a href="https://www.cbnews.fr/etudes/image-44-francais-utilisent-bloqueurs-publicite-49496">44 % des consommateurs</a> utilisent un bloqueur publicitaire (AdBlock). Selon le Bernstein Research, la tendance du « Snack content » (contenu de quelques secondes diffusé sur des réseaux sociaux comme TikTok) empêche les publicités de s’installer car les <a href="https://www.bernsteinresearch.com/CMSObjectBR/Files/Recruiting/Global%20Internet%20-%20Has%20TikTok%20Ruined%20The%20Internet.pdf">formats sont beaucoup trop courts</a> pour créer attention et adhésion.</p>
<h2>Que faire ?</h2>
<p>Lors de notre intervention au 21<sup>e</sup> Colloque du Marketing Digital, nous avons tenté d’esquisser des axes d’amélioration possible pour faire face à ces nombreux défis. Nous en avons notamment relevé trois :</p>
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<li><p><strong>la stabilité</strong> : depuis son lancement, Google a connu <a href="https://blog.hubspot.fr/marketing/algorithmes-google">20 mises à jour majeures de son algorithme</a>. À chaque mise à jour, les sites Internet doivent s’adapter pour ne pas perdre leurs positions dans les premières pages du moteur. Les injonctions paradoxales (comme publiez tous les jours sur votre blog mais n’utilisez pas d’outils d’automatisation), les fermetures arbitraires de comptes sur des réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter induisent un sentiment de dépendance à des acteurs qui peuvent décider du jour au lendemain de votre mort commerciale ou sociale. Un environnement plus stable permettrait ainsi de concevoir des stratégies de marketing digital moins exposées à ces changements.</p></li>
<li><p><strong>la pédagogie</strong> : La complexité accrue du marché, à cheval entre le marketing et l’informatique rend nécessaire des programmes de formation en libre accès pour les acteurs. Des initiatives existent, à l’image des ateliers numériques proposés par Google ou Facebook, mais elles restent trop parcellaires au regard de la sophistication des modes d’achat. Nous prendrons notamment l’exemple du programmatique (un mode d’achat d’espace en temps réel qui ressemble à ce qui est pratiqué en bourse) dont les différents types d’enchères <a href="https://www.strategies.fr/emploi-formation/management/1048973W/les-metiers-du-programmatique.html">obligent les directeurs marketing à maîtriser les pratiques</a> : en effet, le programmatique représente <a href="https://www.blogdumoderateur.com/publicite-digitale-2022-chiffres-cles-perspectives/">64 % du marché de la publicité en ligne</a>.</p></li>
<li><p>Enfin, <strong>l’interopérabilité</strong> : les acteurs du marketing digital travaillent, de plus en plus, en silo. Messenger ne communique pas avec Gmail. Partager une publication LinkedIn sur Twitter n’est pas prévue dans l’interface de LinkedIn. Cependant, cette prédominance d’écosystèmes fermés devrait se heurter rapidement à la volonté du législateur d’imposer des collaborations.</p></li>
</ul>
<p>Déjà <a href="https://siecledigital.fr/2022/05/17/pourquoi-la-chine-a-t-elle-discretement-developpe-une-plateforme-de-blockchain/">pratiquée en Chine</a>, l’interopérabilité, ou la capacité de systèmes, unités, matériels à opérer ensemble) fait l’objet d’une loi qui va en effet entrer en vigueur dans l’Union européenne, le DMA (ou <a href="https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2022-0270_EN.html">Digital Market Act</a>). Ce texte va tenter de limiter les pratiques anticoncurrentielles et d’interdire certaines pratiques comme les applications préinstallées.</p>
<p>Ces trois impératifs pourraient décider de la survie du marketing digital face à un Web 3.0 de plus en plus conquérant et qui ne s’embarrassera pas des « vieux » acteurs du digital. Sans réponse à ces enjeux, Meta-Facebook, Google ou l’ensemble des réseaux sociaux tels que nous les connaissons pourraient alors être balayés par des sociétés issues de la blockchain, des cryptomonnaies et des jetons numériques non fongibles (NFT).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192515/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le ralentissement du marché oblige aujourd’hui les acteurs à relever des défis de plusieurs ordres : éthique, écologique, juridique et commercial.Maria Mercanti-Guérin, Maître de conférences en marketing digital, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolFabienne Torrès-Baranes, Docteure en Sciences de l'Information et de la Communication, Université Paris-Panthéon-AssasJean-François Lemoine, Professeur en sciences de gestion, spécialisé en marketing digital, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1917912022-10-13T19:13:37Z2022-10-13T19:13:37ZCe que la science-fiction peut nous apprendre du métavers<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/489589/original/file-20221013-13-4oevdn.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=53%2C7%2C2307%2C1164&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une image issue du film « Ready player one », 2018. </span> <span class="attribution"><span class="source">Youtube, capture d'écran</span></span></figcaption></figure><p>Créé par Neal Stephenson dans son roman de science-fiction <a href="https://www.washingtonpost.com/history/2022/06/30/snow-crash-neal-stephenson-metaverse/"><em>Le Samouraï virtuel</em>, publié en 1992</a>, le terme de métavers fait son grand retour depuis l'annonce de Meta à l'automne 2021, Mark Zuckerberg étant décidé à <a href="https://theconversation.com/univers-paralleles-et-mondes-virtuels-la-guerre-des-metavers-est-commencee-169695">investir massivement dans les mondes virtuels</a>.</p>
<p>Cet univers, pour l'instant largement fantasmé, sera-t-il le levier d'une rupture anthropologique, ou restera-t-il un discours total visant à promouvoir une série d'investissements dont les effets seront, au mieux, le prolongement des développements récents des cultures digitales?</p>
<p>Les débats actuels portent sur le caractère effectif de la transformation annoncée et sur sa possible réalisation ; à l'instar de chaque bulle spéculative récente (voiture autonome, voyages spatial, singularité technologique ou technosolutionniste vert pour nommer les opérations en cours et récentes de l'économie). Et comme pour ces dernières, les imaginaires sont le terrain sur lequel une part importante de la création d'un marché potentiel se joue <a href="https://www.hup.harvard.edu/catalog.php?isbn=9780674088825">via un processus de création d'attentes et de vraisemblance</a>. En témoignent les récentes publicités dans les gares françaises de l'entreprise Meta illustrant sous une forme idéalisée un futur positif du métavers pour différentes situations à forte valeur sociale (apprendre la médecine, étudier l'histoire…)</p>
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<h2>Quels imaginaires?</h2>
<p>Chercher à comprendre les imaginaires traitant des métavers au sein de la culture populaire et en particulier la science-fiction (films, séries, bandes dessinées, comics, animé, mangé, jeux vidéo, œuvres d'art numériques et mèmes), s'avère à ce titre particulièrement important pour clarifier les débats en cours et espérer élaborer un narratif pacifié.</p>
<p>À cette fin, nous avons tenté de comprendre quelles sont les représentations disponibles de cet objet dont les usages et le périmètre sont encore très flous dans la réalité. De <em>Ready Player One</em> à <em>La Matrix</em> en passant par des sources plus artistiques telles qu'Hyper-reality, nous faisons l'hypothèse qu'en l'absence d'une existence formelle des métavers, ce sont les imaginaires qui structurent les visions sociales des possibles consommateurs, mais aussi des concepteurs eux-mêmes, impactant ainsi les développements à venir comme source et comme levier pour promouvoir des narratifs privilégiés par les acteurs en présence.</p>
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<h2>Quand la réalité rattrape la fiction</h2>
<p>Premier élément de preuve : les imaginaires ne sont pas neutres, ils présentent des formes de constance qui balisent un territoire particulièrement limité. Prenons la couleur du métavers. En identifiant des dizaines de milliers de photos rendues disponibles sur des sites dédiés aux arts visuels (de Artstation à Pinterest) puis en procédant à une analyse de type UMAP afin de classer les photos par couleur, on découvre ainsi que le bleu et le violet sont très majoritaires. Et ceci malgré le fait que rien dans les enjeux d'usage ou techniques réels ne viennent justifier ces couleurs.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/489409/original/file-20221012-12-7pqlv6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489409/original/file-20221012-12-7pqlv6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=605&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489409/original/file-20221012-12-7pqlv6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=605&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489409/original/file-20221012-12-7pqlv6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=605&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489409/original/file-20221012-12-7pqlv6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=760&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489409/original/file-20221012-12-7pqlv6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=760&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489409/original/file-20221012-12-7pqlv6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=760&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cartographie d'une dizaine de milliers de photos liées au metavers et agrégation par proximité colorielle.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Le métavers des imaginaires est ainsi structuré et fini, ce qui justifie de s'y intéresser, et ce pour principalement deux raisons. Tout d'abord, parce que les fictions présentées permettent de créer ce que l'on appelle des «attentions fictionnelles» qui vont ensuite coordonner l'innovation et qui permettent de générer des attentes au sein d'un marché qui n'existe pas encore. Les travaux de Jens Beckert cités plus haut vont dans ce sens. De ce point de vue, les métavers, par l'ampleur du projet et son caractère à bien des égards programmatique, s'inscrit clairement dans cette logique.</p>
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<p>Ensuite, il fait partie des domaines ou des liens explicites sont réalisés entre la science-fiction et le développement technologique. C'est le principe de ce que nous appelons le «loop looping», qui s'applique à de nombreux domaines (par exemple avec la <a href="https://www.iss.europa.eu/sites/default/files/EUISSFiles/CP_161.pdf">bombe atomique</a> ou la <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-02196073/">sphère de Dyson en physique</a>), mais qui est rarement mis en avant. Ici, il est explicité par les acteurs du projet même, qui font volontiers référence à cette préhistoire dans la science-fiction <a href="https://medium.com/the-philosophical-inn/four-shocking-quotes-from-mark-zuckerberg-that-if-you-read-them-will-change-the-way-you-see-c519a903624d">comme une source de stimulation positive</a> : la réalité serait en train de rattraper la fiction.</p>
<p>Selon quelles logiques ces imaginaires sont-ils structurés ? Quels «chemins de dépendances» ont-ils créé et comment préciser la nature de ce territoire fini au sein duquel des futurs possibles se dessinent ? Pour tenter d'avancer en ce sens, nous avons collecté 150 sources, du manga au jeu vidéo en passant par les films et les nouvelles, afin de tenter d'appréhender ce qui y est raconté et identifier les aspects les plus structurants.</p>
<h2>Un métavers spectaculaire</h2>
<p>Le premier élément de l'analyse que nous extrayions concerne le type de technologies qui sert à intermédier l'expérience. Là où un blockbuster tel que <em>Ready Player One</em> présente des joueurs immergés grâce à un casque de réalité virtuelle, les imaginaires nous proposent bien plus souvent des mondes extrêmes, à <em>La Matrix</em> au sein desquels le joueur est totalement déconnecté du monde réel.</p>
<p>Viennent ensuite les projections de type holographique ou de réalité augmentée qui ont l'avantage d'être de jolis artefacts lorsqu'ils sont représentés dans des films.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/wxN1T1uxQ2g?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Ce caractère spectaculaire, qui n'est pas sans rappeler les publicités fort esthétiques de Meta, masquent en réalité le long processus de domestication de toute technologie telle que des ajustements devront avoir lieu, quoi qu'il arrive, vis-à-vis de ce modèle particulièrement immersif. Il permet toutefois de poser un certain nombre de questions et débats sur ces lignées d'immersion totale, en particulier au regard de la perte des repères ou de la démultiplication des identités très bien mises ne scène dans le film récent <em>Everything Everywhere All at once</em>.</p>
<p>Lorsque l'on met en perspective les technologies proposées avec le type d'usages qui en sont faits, on se rend rapidement compte qu'elles sont fortement intriquées. Le recours à l'hologramme est principalement utilisé pour communiquer ou partager de l'information, tandis que les propositions immersives servent d'échappatoire à la vie réelle ou sont des propositions de type ludiques. La RA ou la RV ont quant à elles des usages beaucoup plus diversifiés que les deux autres technologies.</p>
<p>En ce qui concerne les usages, on constate que le fait d'offrir une réalité alternative pour y vivre ou aller jouer a toujours été récurrent dans les imaginaires. En ce qui concerne la communication, il s'agit d'une pratique qui arrive sur le tard, mais prend son essor à partir des années 2010, accompagnement le développement dans la vie réelle en imaginant simplement de nouveaux supports et usages.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/489414/original/file-20221012-23-q3sb4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489414/original/file-20221012-23-q3sb4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=381&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489414/original/file-20221012-23-q3sb4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=381&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489414/original/file-20221012-23-q3sb4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=381&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489414/original/file-20221012-23-q3sb4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489414/original/file-20221012-23-q3sb4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489414/original/file-20221012-23-q3sb4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Évolution des usages avec le temps.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Que nous racontent ces deux approches ? Du point de vue méthodologique, elles permettent la démarche permet de comprendre les grandes tendances vers lesquels nos imaginaires nous orientent. À ce titre, elle permet d'éclairer les grandes tendances et leurs évolutions.</p>
<p>Ces éléments, mis en perspective avec les annonces régulières des acteurs du métavers, permettent de mettre en perspective la manière dont ce dernier peut réellement advenir, et notamment les lignées faibles et fortes. Si la vision caricaturale et extrême de Meta se retrouve bien dans les enjeux de communication, de jeu et vie courante présents dans les imaginaires, de nombreux petits usages, pourtant prometteurs dans la réalité sont moins présents dans cette analyse quantitative. Sous «remote control», on trouve par exemple toutes les approches visant à mettre en place de la téléopération, du contrôle à distance voir de la production ou de l'apprentissage à distance, qui sont une part moins présentée, mais pour autant clé des usages potentiels du métavers.</p>
<p>Autre limitation de l'approche quantitative : la difficulté à appréhender les contextes et usages présentés de manière fine. À titre d'exemple, le film <em>Virtual Revolution</em> met en scène un monde où des joueurs profitent d'un revenu minimum garanti, et passent leur vie dans le métavers. Ce revenu est payé par les sociétés de production de jeux vidéo qui y trouvent un intérêt et qui remplacent ainsi en partie un état décrépi. Ces spéculations économiques sont passionnantes, mais impliquent de s'immerger totalement pour appréhender les usages et critiques présentés.</p>
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<p>On constate aussi des évolutions temporelles en termes d'usages : de la sexualité à la guerre, les métavers imaginaires préfigurent des usages réels encore en gestation. C'est ainsi que l'analyse des récits imaginaires d'un phénomène technologique peut servir de levier aux nécessaires débats sociaux qui devront avoir lieu pour décider de manière informée des défis qui se jouent dans cette course aux attentions fictionnelles : à la fois prendre du recul avec les évidences que certains tentent d'imposer, et la mise au goût du jour de possibles futurs délaissés, pourtant capables de nous aider à inventer de nouvelles perspectives.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191791/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Minvielle est membre du comité d'orientation de La Fabrique de la Cité, et co-fondateur du Collectif Making Tomorrow (agence de prospective par le design qui conseille entreprises et collectivités).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Olivier Wathelet est membre fondateur du collectif Making Tomorrow, agence de prospective par le design qui conseille entreprises et collectivités. </span></em></p>Comprendre les imaginaires associés aux métavers au sein de la culture populaire et en particulier la science-fiction permet de mieux comprendre ce qui se joue aujourd'hui.Nicolas Minvielle, Spécialiste du design et de l'innovation, AudenciaOlivier Wathelet, Chercheur intervenant à La Cambre, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1902022022-09-14T18:06:05Z2022-09-14T18:06:05ZDécryptage : Métavers, à l’aube d’une nouvelle économie ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/483481/original/file-20220908-2774-nldouv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=423%2C82%2C1621%2C901&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il est maintenant possible de promener son avatar au Metaverse Festival.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Duncan Rawlinson / FlickR</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Alerte ! Depuis janvier, les prix de l’immobilier sont en <a href="https://www.forbes.com/sites/davidwestenhaver/2022/08/14/metaverse-real-estate-under-water/?sh=7577f92760c9">chute</a> de 85 %. Les acheteurs qui – comme le rappeur Snoop Dog – se pressaient hier pour acquérir des propriétés en vue, se sont envolés. La crise, liée aux fluctuations des cryptomonnaies, ne touche pas New York, Paris ou aucune autre ville, mais un espace virtuel, <em>The Sandbox</em>.</p>
<p>Ce monde en ligne, où marques et célébrités se pressent, fait partie d’un nouvel univers en gestation. Le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/metavers-111662">métavers</a> promet d’ajouter une troisième dimension à l’Internet. Certains y voient un cauchemar dystopique. D’autres imaginent un futur paradis entrepreneurial, à la source d’une nouvelle révolution industrielle. Mark Zuckerberg figure parmi les plus enthousiastes : Facebook, l’entreprise qu’il dirige, a entamé sa mue en Meta l’an passé et se voit en leader du secteur. À ce stade, l’économie de ce « méta-univers » en construction reste cependant davantage une promesse qu’une réalité.</p>
<h2>L’ébauche d’une nouvelle économie virtuelle</h2>
<p>La galaxie Meta/Facebook n’est qu’une composante de ce que pourrait devenir cet univers virtuel. Google et Microsoft, <a href="https://www.forbes.com/sites/jackkelly/2022/01/21/the-metaverse-set-off-a-battle-between-tech-giants-google-apple-microsoft-and-meta-to-build-virtual-and-augmented-reality-headsets/?sh=6128dfce239c">entre autres</a>, y ont annoncé des plans d’investissement massifs. Il se murmure qu’Apple aurait aussi des <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2022-08-28/what-will-apple-call-its-ar-vr-headsets-reality-one-reality-pro-names-emerge">projets</a> dans ce domaine.</p>
<p>Les développeurs de jeux vidéo n’ont, eux, pas attendu les géants du secteur technologique : Roblox, Decentraland et Epic Games (le studio qui développe <em>Fortnite</em>) proposent déjà des mondes virtuels comparables à <em>The Sandbox</em>, où l’on peut se retrouver, créer, jouer, assister à un <a href="https://www.rollingstone.co.uk/music/music-metaverse-are-we-on-brink-virtual-artist-revolution-14437/">concert</a> et, demain peut-être, <a href="https://hbr.org/2022/04/how-the-metaverse-could-change-work">travailler</a>, collaborer et s’instruire. Ils s’appuient sur des « équipementiers », comme Nvidia et Unity Software, qui en développent l’infrastructure technique, matérielle et logicielle.</p>
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<p>Mais qu’est-ce que le métavers ? Faute d’une définition qui fasse référence, on peut tenter d’en esquisser a minima les contours. Le métavers offre à ses utilisateurs une expérience incarnée, en temps réel, dans des mondes virtuels persistants en trois dimensions. Chacun de ces mondes accueille des visiteurs, habituellement représentés sous la forme d’avatars qui peuvent interagir avec d’autres participants et des intelligences artificielles.</p>
<p>La nature de ces mondes permet l’émergence de droits de propriété, sécurisés par des protocoles de chaînes de blocs (<em>blockchain</em>). On peut ainsi y acheter des objets, comme des vêtements de marques pour habiller ses avatars, des terrains pour y construire des habitations et des œuvres d’art pour les décorer. Des <a href="https://theconversation.com/working-in-the-metaverse-what-virtual-office-life-could-look-like-180444">bureaux</a> et <a href="https://www.cnet.com/tech/computing/features/shopping-in-the-metaverse-could-be-more-fun-than-you-think/">espaces commerciaux</a> y sont déjà ouverts. Les grandes marques y expérimentent de nouvelles offres. Certains estiment que ces nouveaux territoires, aussi vierges que virtuels, pourraient à terme donner naissance à une nouvelle économie dont les <a href="https://www.wsj.com/articles/metaverse-spending-to-total-5-trillion-in-2030-mckinsey-predicts-11655254794">revenus</a> se chiffreraient en trillions d’euros.</p>
<h2>Une aventure aussi prometteuse qu’incertaine</h2>
<p>Il est encore trop tôt pour accorder du crédit à ces estimations : l’économie du métavers n’a guère dépassé le stade du prototype. Le potentiel est néanmoins suffisant pour attiser toutes les convoitises. À commencer par les acteurs du capital-risque qui ont <a href="https://news.crunchbase.com/start-up/metaverse-start-up-funding-investors/">investi</a> en 2021 plus de 10 milliards de dollars dans des entreprises du secteur.</p>
<p>Ce projet démiurgique suscite en effet les espoirs entrepreneuriaux les plus fous et fascine les technophiles. Les amateurs de science-fiction se souviennent toutefois que le terme « metaverse » est né en 1992 de la plume de Neal Stephenson dans un roman d’anticipation dystopique, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Snow_Crash">Snow Crash</a>. Nombreux sont ceux qui expriment la crainte de potentielles dérives et addictions. Alors qu’Internet a été pensé dès l’origine comme un réseau ouvert, le métavers émerge aujourd’hui sous la forme de mondes propriétaires qui s’autorégulent. Les modes de gouvernance de ces nouveaux espaces d’interactions sociales et d’échanges économiques restent à définir.</p>
<p>Il incombe aux architectes du métavers de démontrer son utilité. La tâche est d’autant plus délicate que l’expérience demeure aujourd’hui inaccessible au plus grand nombre. Il faut aujourd’hui, pour faire ses premiers « pas » dans le métavers, un casque de réalité virtuelle, aussi coûteux qu’encombrant. Un Meta Quest 2, le leader actuel du marché, coûte à ce jour autour de 450 euros. Un obstacle pratique et financier considérable pour le consommateur moyen.</p>
<p>D’autres pistes sont cependant explorées, comme l’interaction holographique (voir, par exemple, le projet <a href="https://blog.google/technology/research/project-starline/">Starline</a> de Google). Demain, d’autres interfaces permettront peut-être d’accéder au métavers. Souvenons-nous qu’Internet a pris une autre dimension quand les écrans tactiles des smartphones ont supplanté les souris et les claviers.</p>
<h2>D’une galaxie à l’autre</h2>
<p>Autre obstacle de taille, les quelques mondes virtuels accessibles à ce jour sont hermétiquement clos. Un avatar Meta ne peut voyager chez Roblox – et vice versa. Pour émerger, un métavers unifié requiert une forme d’interopérabilité entre les galaxies qui le composent. L’enjeu est majeur : une paire de <a href="https://www.cnbc.com/2021/12/14/nike-buys-virtual-sneaker-maker-rtfkt-in-metaverse-push.html">Nike</a> en pixels a une tout autre valeur si votre avatar peut l’emporter d’un monde virtuel à l’autre. Nul ne sait exactement comment cela pourrait se matérialiser mais les discussions visant à définir les <a href="https://techcrunch.com/2022/06/21/metaverse-standards-forum-meta-microsoft-nvidia-unity/">standards</a> du métavers ont commencé.</p>
<p>À l’échelle mondiale, c’est ainsi une course à l’innovation tous azimuts qui est lancée. Malmenée par les marchés financiers, l’industrie technologique a trouvé dans le métavers un nouveau narratif de croissance. Dans les grandes entreprises, les stratèges sont sur le qui-vive, à l’affût d’opportunités nouvelles mais aussi de potentielles innovations de rupture qui pourraient bouleverser leurs métiers.</p>
<p>Les plus audacieux ont d’ores et déjà commencé l’exploration, participant de fait à la construction du métavers. De grands noms comme Adidas, Carrefour, Gucci et Samsung ont ainsi annoncé avoir acquis des espaces dans <em>The Sandbox</em>. Pour ces pionniers, l’aventure promet d’être aussi excitante qu’incertaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190202/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Jourdan ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>De nombreuses entreprises commencent à investir des mondes virtuels dont l’économie constitue aujourd’hui davantage une promesse qu’une réalité.Julien Jourdan, Professeur Associé, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1865022022-09-12T22:46:27Z2022-09-12T22:46:27ZLa taxe mondiale sur les multinationales est-elle vraiment une opportunité pour l’Afrique ?<p>Avec l’essor mondial de géant comme Amazon, Facebook ou encore Netflix, les importations de services numériques ont considérablement augmenté en Afrique ces dernières années. Dans les États membres de l’Union africaine (UA), celles-ci sont ainsi passées d’un montant d’environ 19 milliards de dollars en 2007 à 37 milliards de dollars en 2017.</p>
<p><iframe id="rXnfz" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/rXnfz/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cependant, les recettes fiscales prélevées sur leurs activités <a href="https://www.cfr.org/blog/when-services-trade-data-tells-you-more-about-tax-avoidance-about-actual-trade">restent faibles</a>. En effet, les entreprises numériques bénéficient de l’absence d’obligation directe de payer des impôts dans les pays où elles ne sont pas résidentes. Face à ce problème de déperdition fiscale, certains États mettent en œuvre des taxes directes sur les bénéfices de ces sociétés (dite taxe GAFA). En Afrique, le <a href="https://businessday.ng/bd-weekender/article/digital-taxation-an-infant-in-nigeria-a-giant-abroad-mobolaji-oriola/">Nigeria</a>, le <a href="https://theconversation.com/kenya-is-moving-aggressively-to-tax-digital-business-what-next-163901">Kenya</a> et le <a href="https://itweb.africa/content/kYbe97XDjgZ7AWpG">Zimbabwe</a> disposent désormais d’une législation qui impose directement les opérations numériques des multinationales non résidentes (entre 3 % et 6 %).</p>
<h2>1,3 milliard à récupérer</h2>
<p>Afin de proposer un cadre international harmonisé, le projet relatif à l’érosion de la base d’imposition et au transfert des bénéfices (BEPS), réalisé sous l’égide de Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et du G20, a permis d’approuver, en octobre 2021, un <a href="https://www.oecd.org/fr/fiscalite/beps/declaration-sur-une-solution-reposant-sur-deux-piliers-pour-resoudre-les-defis-fiscaux-souleves-par-la-numerisation-de-l-economie-octobre-2021.htm">cadre inclusif</a> reposant sur deux piliers pour relever les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie :</p>
<ul>
<li><p>Le premier pilier se concentre sur l’assiette d’imposition et a pour objectif la réaffectation des droits d’imposition vers la juridiction du marché concerné, indépendamment de la présence physique, et concerne de nombreuses entreprises du numérique (les industries extractives et services financiers réglementés sont exclus).</p></li>
<li><p>Le deuxième pilier se concentre quant à lui sur le taux d’imposition et la création de règles coordonnées répondant aux risques actuels provenant de montages financiers qui permettent aux multinationales de transférer des bénéfices vers des juridictions à faible imposition. Il propose ainsi l’adoption d’un taux d’imposition minimum de 15 % et aura peu d’impact sur les économies du continent qui ont déjà des <a href="https://data.worldbank.org/indicator/IC.TAX.PRFT.CP.ZS?locations=ZG">taux supérieurs</a> et peu de siège d’entreprises multinationales. Cependant, le <a href="https://worldinvestmentreport.unctad.org/world-investment-report-2022/chapter-3-the-impact-of-a-global-minimum-tax-on-f">rapport mondial sur l’investissement</a> note qu’en relavant le taux minimum à 15 % cela rendra relativement toutes les juridictions avec un taux supérieurs plus attractives.</p></li>
</ul>
<p>Sur les 25 pays africains membres du Cadre inclusif OCDE/G20 sur le BEPS, 23 sont signataires de la déclaration d’octobre 2021 approuvant cette solution à deux piliers (Kenya et Nigeria ne l’ont pas encore <a href="https://www.oecd.org/fr/presse/la-communaute-internationale-conclut-un-accord-fiscal-sans-precedent-adapte-a-l-ere-du-numerique.htm">signée</a>, ils devront abandonner leur taxe unilatérale s’ils participent).</p>
<p><iframe id="oNn8K" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/oNn8K/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En s’appuyant sur la proposition du BEPS et en utilisant les données entreprises Orbis, il est possible de modéliser les scénarios du pilier 1 pour les services numériques. <a href="https://www.afd.fr/fr/ressources/taxe-sur-le-commerce-numerique-une-opportunite-pour-lafrique">Selon les estimations</a>, les recettes fiscales potentielles pour les 55 États membres de l’Union africaine (EMUA) sont de 1,3 milliard dollars américains par an, soit 0,05 % du PIB.</p>
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<p>Comparativement, il s’agit d’un montant supérieur aux recettes qui seraient tirées d’une éventuelle taxe directe sur les services numériques fixée à 3 % des recettes brutes (800 millions de dollars). Il faudrait que celle-ci soit relevée à environ 5 % pour obtenir un montant proche.</p>
<p><iframe id="YNv3X" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/YNv3X/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Il convient de noter qu’actuellement, certaines importations de services numériques peuvent déjà être taxées de manière indirecte dans le cadre de <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/sites/9789264271401-en/index.html?itemId=/content/publication/9789264271401-en">taxes à la consommation</a>. Dix-huit des EMUA ont ainsi proposé (ou mettent déjà en œuvre) une taxe indirecte sur les opérations numériques des multinationales (de 12 à 20 %).</p>
<p><iframe id="sWtuM" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/sWtuM/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Un pilier très large</h2>
<p>Cependant, si on appliquait les taux TVA et autres <a href="https://read.oecd-ilibrary.org/taxation/revenue-statistics-in-africa-2021_c511aa1e-en-fr#page1">taxes à la consommation existantes dans les 55 pays</a> au commerce de service numérique, en moyenne les recettes potentielles pour les EMUA auraient été de 0,22 % du PIB (en 2017) si les recettes étaient <a href="https://www.brookings.edu/research/mobilization-of-tax-revenues-in-africa/">effectivement collectées</a>. Les estimations indiquent que les revenus seraient donc nettement supérieurs ceux générés par une taxe directe proposée par le pilier 1 de la déclaration.</p>
<p><iframe id="N9MSI" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/N9MSI/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Si la mise en œuvre <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/sites/9789264271401-en/index.html?itemId=/content/publication/9789264271401-en">complète et effective</a> de la collecte transfrontalière des taxes à la consommation existante sur les importations de service numérique pourrait théoriquement générer des recettes fiscales plus élevées que celles du pilier 1 du programme BEPS, il convient de noter que les propositions du premier pilier du BEPS vont au-delà des seules sociétés de services numériques et généreront probablement des revenus substantiels. En effet, ce piler 1 intègre en plus de ses sociétés numériques toutes les EMN dès lors qu’elles utilisent des canaux numériques de distribution. </p>
<p>Comment expliquer cet écart ? Le pilier 1 stipule qu’afin d’être éligibles à ce droit de taxation, les pays doivent recevoir au moins 1 million d’euros de recettes par multinationale concernée, ce qui exclut <em>de facto</em> les économies africaines de ce modèle d’allocation des recettes fiscales, à l’exception des 12 plus grandes économies du continent en termes de PIB (Soudan, Côte d’Ivoire, Tanzanie, Ghana, Kenya, Éthiopie, Maroc, Angola, Algérie, Égypte, Afrique du Sud et Nigeria).</p>
<p>Ceci dit, le cadre inclusif prévoit une exception pour les économies dont le PIB est inférieur à 40 milliards d’euros, en leur attribuant un droit d’imposition à partir d’un seuil de 250 000 euros. </p>
<h2>Une centaine des 500 plus grandes entreprises concernées</h2>
<p>En dépit de cet élargissement du périmètre, l’OCDE estime que la réattribution des bénéfices au titre du pilier 1 s’appliquera à seulement une <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/sites/ecdb6a47-en/index.html?itemId=/content/component/ecdb6a47-e">centaine de multinationales enviro</a>. Il s’agit certes des plus importantes mais la disposition prévoit d’étendre le champ d’application à d’autres EMN qu'au bout de sept ans. Cependant, cela représente la tout de même la <a href="https://worldinvestmentreport.unctad.org/world-investment-report-2022/chapter-3-the-impact-of-a-global-minimum-tax-on-fdi/">majorité des IDE</a> dans le monde. </p>
<p>Toutes les grandes sociétés de services numériques ont des marges bénéficiaires avant impôt comprises entre 13 % (Netflix) et 39 % (Facebook), et allant jusqu’à 70 % pour Amazon, ce qui impliquerait donc des bénéfices réaffectés au niveau mondial (25 % du bénéfice résiduel). Les montants imposables diffèrent toutefois considérablement, Netflix, Adobe et PayPal se situant au bas de l’échelle ; et Meta, Alphabet (anciennement Google), Amazon, Microsoft et Apple se positionnant en haut de cette échelle.</p>
<p><iframe id="5RxVy" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/5RxVy/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La part qui est allouée aux économies africaines dans le cadre des nouvelles règles du pilier 1 semble <em>a priori</em> minime et il faudra attendre encore 7 ans avant une éventuelle extension du champ d’application de cette règle pour y inclure davantage de multinationales.</p>
<p>Il est donc primordial qu’un nombre plus important de pays du continent participe au cadre inclusif du BEPS, auquel 23 États ont jusqu’alors adhéré, les actions multilatérales étant plus propices à des résultats probants dans une économie mondialisée. D’autant que, les difficultés éprouvées par les pays du G20 lors de ces négociations montrent par analogie à quel point la capacité de négociation des EMUA seuls face aux géants du secteur serait réduite. En parallèle, les pays doivent travailler a mieux <a href="https://events.ataftax.org/index.php?page=documents&func=view&document_id=98&_ga=2.223340763.1748778267.1657606484-1483344514.1657606484">collecter</a> les <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/sites/e0e2dd2d-en/index.html?itemId=/content/publication/e0e2dd2d-en">taxes indirectes sur les services numériques</a> afin de maximiser l’ensemble de revenus (directs et indirects) <a href="https://events.ataftax.org/index.php?page=documents&func=view&document_id=155&token=b60310bc53dbc2bda82aaebdceef3d85&thankyou">potentiels</a>.</p>
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<p><em>Nicolas Köhler-Suzuki, directeur d’International Trade Intelligence, et Rutendo Tavengerwei, conseillère en politique commerciale spécialisée dans l’Afrique ont participé à la rédaction de cet article, qui s’appuie sur l’<a href="https://www.afd.fr/fr/ressources/taxe-sur-le-commerce-numerique-une-opportunite-pour-lafrique">étude</a> publiée le 9 septembre par <a href="https://theconversation.com/institutions/agence-francaise-de-developpement-afd-2711">l’Agence française de développement</a> (AFD) dans la collection « Questions de développement »</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186502/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le cadre inclusif international proposé fin 2021 par l'OCDE et le G20 prévoit une récupération de recettes fiscales sur les services numériques moindres qu'une taxation indirecte locale.Julien Gourdon, Economiste, Agence française de développement (AFD)Jean-Baptiste Pétigny, Coordinateur, Facilité française d'Assistance Technique auprès de l'Union africaine, Expertise France, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1896032022-09-05T22:55:18Z2022-09-05T22:55:18ZLes GAFAM acquéreurs de start-up, prédateurs ou accélérateurs de l’innovation ?<p>Depuis 2001, Google/Alphabet a acquis <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_mergers_and_acquisitions_by_Alphabet">250 start-up</a>. Apple <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_mergers_and_acquisitions_by_Apple">123</a> depuis 1988. Facebook/Meta <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_mergers_and_acquisitions_by_Meta_Platforms">95</a> depuis 2005. Amazon <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_mergers_and_acquisitions_by_Amazon">113</a> depuis 1998. Microsoft <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_mergers_and_acquisitions_by_Microsoft">273</a> depuis 1987. Ces acquisitions par les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/gafam-45037">GAFAM</a> constituent-elles une menace ou une opportunité pour l’innovation ? La réponse peut influencer le comportement du législateur.</p>
<p>En 2021, aux États-Unis, le président Joe Biden nomma <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/06/16/lina-khan-une-farouche-critique-des-gafa-nommee-a-la-tete-de-l-antitrust-americain_6084421_3234.html">Lina Khan à la direction de la <em>Federal Trade Commission</em></a> dont la mission est de protéger le consommateur en interdisant la création de position monopolistique par de grandes entreprises. Cette nomination constitua un choc pour l’industrie high-tech et plus particulièrement pour les GAFAM.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/gafam-comment-limiter-les-acquisitions-tueuses-de-start-up-175350">GAFAM : comment limiter les « acquisitions tueuses » de start-up ?</a>
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<p>En effet, cette professeure de droit à l’université Columbia s’est fait connaitre en 2017 par un <a href="https://www.yalelawjournal.org/pdf/e.710.Khan.805_zuvfyyeh.pdf">article</a> dans le <em>Yale Law Journal</em> dans lequel elle estime que les lois antitrust sont inadaptées pour réguler des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/plates-formes-31157">plates-formes</a> comme Amazon ou Google. Elle affirme que l’acquisition de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/start-up-23076">start-up</a> par les GAFAM constitue une forme de prédation de l’innovation par ces entreprises qui souhaitent éviter l’émergence de concurrents et se constituer des positions monopolistiques. Du fait de la taille très modeste des start-up, ces acquisitions ne sont pas soumises aux fourches caudines de la FTC. Depuis sa nomination, Lina Khan mène une croisade juridique et médiatique contre les GAFAM pour les empêcher d’acquérir ces start-up au nom de l’intérêt général, de la lutte contre les monopoles et pour favoriser <a href="https://theconversation.com/fr/topics/innovation-21577">l’innovation</a>.</p>
<h2>Les start-up, initiateurs d’innovation</h2>
<p>Pourtant, l’histoire industrielle est pavée d’entreprises (DEC, IBM, Xerox, ATT, Kodak, Hewlett-Packard, Alcatel…) qui ont connu de grandes difficultés ou disparu malgré des investissements massifs en recherche et développement. La leçon du XX<sup>e</sup> siècle est que ces investissements en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/randd-34548">R&D</a> permettent rarement aux grandes entreprises de générer des innovations radicales porteuses de croissance. L’innovation radicale reste souvent initiée par des start-up hors des frontières des grandes entreprises.</p>
<p>Comme nous l’avions montré dans un <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/03085140902786827">article</a> de recherche de 2009, dans le nouveau paradigme de l’<em>open innovation</em> qui émerge au XXI<sup>e</sup> siècle, les grandes entreprises participent aux écosystèmes d’innovation pour trouver des leviers de croissance en acquérant des start-up. Dans ce modèle de management de l’innovation, elles externalisent la recherche et l’exploration de l’innovation et se focalisent sur le développement et l’exploitation des innovations acquises. C’est dans ce paradigme qui faut replacer les <a href="https://ideas.repec.org/a/eee/eurman/v29y2011i3p181-192.html">stratégies d’acquisition et développement (A&D)</a> des grands groupes comme les GAFAM.</p>
<p>Ces acquisitions de start-up, loin de phagocyter l’innovation, contribuent à en financer la croissance pour en faire des « scale-up », le nom donné aux start-up qui réussissent. YouTube, créé en 2005, serait-elle devenue la plate-forme la plus populaire de visionnage de vidéos si elle n’avait pas été acquise en 2006 par Google et ainsi bénéficier des capacités financières, technologiques et commerciales de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/google-20719">Google</a> ? Est-ce qu’Android, créé en 2003, serait le système d’exploitation équipant aujourd’hui plus de <a href="https://www.ecranmobile.fr/La-part-de-marche-d-Android-recule-a-moins-de-70-des-smartphones_a70750.html">70 % des smartphones dans le monde</a> si la start-up n’avait pas été acquise par Google en 2005 ? La même interrogation se pose concernant WhatApp, Oculus et Instagram qui ont été acquises par <a href="https://theconversation.com/fr/topics/facebook-22128">Facebook</a>, LinkedIn acquise par Microsoft ou encore Audible et Zappos acquises par Amazon.</p>
<h2>Dynamique vertueuse dans l’écosystème de l’<em>Open Innovation</em></h2>
<p>Cette généralisation des stratégies d’A&D a modifié le comportement de plusieurs acteurs des écosystèmes d’<em>open innovation</em> et a initié une dynamique vertueuse. Entrepreneurs, étudiants et universités créent ou encouragent la création de start-up en sachant qu’elles pourront être acquises par une grande entreprise et ainsi rétribuer l’initiative entrepreneuriale.</p>
<p>Nous avions montré dans nos recherches que la perspective de vendre les start-up à de grands groupes constituait aussi une <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1111/j.1540-6520.2009.00356.x">incitation très forte pour les capital-risqueurs</a> à investir. Ces derniers sont les <a href="https://archives-rfg.revuesonline.com/article.jsp?articleId=12801">« transiteurs » indispensables de l’innovation</a> entre sa phase d’exploration menée par la start-up et celle d’exploitation réalisée par la grande entreprise. L’essentiel des sorties en capital des capital-risqueurs se fait dans le cadre de cession de leurs participations à de grands groupes ; l’introduction en bourse reste l’exception. En 2021, aux États-Unis, sur les 1538 sorties en capital réalisées par des capital-risqueurs, 1357 (soit 88,2 %) d’entre elles ont ainsi été le fruit d’une acquisition par une grande entreprise <a href="https://nvca.org/wp-content/uploads/2022/03/NVCA-2022-Yearbook-Final.pdf">contre 181 via une introduction en bourse</a>.</p>
<p>En amont de l’innovation, les grandes entreprises telles que les GAFAM participent massivement au financement des start-up et de l’écosystème d’<em>open innovation</em> à travers leurs fonds <em>corporate</em> de capital-risque. Le Google Venture fund détient <a href="https://www.gv.com/about">plus de 8 milliards de dollars d’investissement</a> dans des start-up dont certaines ont ou seront rachetées par la maison-mère. En 2021, aux États-Unis, les fonds de capital-risque des grandes entreprises ont contribué pour 142,2 milliards de dollars aux 332,8 milliards d’investissements en capital-risque réalisés dans le pays, soit 42,7 %.</p>
<p>Il faut donc replacer les acquisitions de start-up par les GAFAM et autres grands groupes dans le fonctionnement global des écosystèmes d’<em>open innovation</em>. Ces acquisitions favorisent l’accélération et l’industrialisation de l’innovation en apportant financement, compétences technologiques et marketing. Ces acquisitions constituent également un formidable mécanisme d’incitation à contribuer à la création de start-up innovantes pour les autres acteurs de l’écosystème, que ce soit les entrepreneurs, les salariés, les chercheurs universitaires, les capital-risqueurs et tous les prestataires de services rémunérés en actions ou stock-options de start-up.</p>
<p>Empêcher les grandes entreprises d’acquérir des start-up constituerait donc une remise en cause du fonctionnement de l’écosystème de l’<em>open innovation</em> et entrainerait le retrait d’acteurs critiques au cycle de vie de l’innovation. L’intérêt économique d’un groupe qui acquiert une start-up est de la développer pour nourrir sa croissance et rentabiliser son investissement. Quand Facebook a, en 2012, acquis la start-up Instagram (créée en 2010 <a href="https://www.latribune.fr/technos-medias/internet/20120409trib000692620/facebook-rachete-instagram-pour-1-milliard-de-dollars.html">) pour un milliard de dollars</a>, elle a ensuite massivement investi en ressources financières, technologiques et commerciales pour accroître le nombre d’utilisateurs de 30 millions en 2011 à <a href="https://mcetv.ouest-france.fr/decouvertes/mon-mag-lifestyle/instagram-compte-deux-milliards-dutilisateurs-mensuels-dans-le-monde-15122021/">plus de deux milliards fin 2021</a>.</p>
<p>Un grand groupe qui phagocyterait une innovation complémentaire et non concurrente d’une start-up acquise serait économiquement irrationnel. Les grands groupes ont plutôt tendance à affaiblir les start-up qui refusent d’être rachetées, notamment en copiant leurs fonctionnalités. <a href="https://www.sam-mag.com/default.aspx?ACT=5&content=79&id=53&mnu=1">Netscape refusa en 1994 d’être racheté par Microsoft</a> et finit par disparaitre face à la concurrence de Microsoft Explorer. En 2013, <a href="https://www.clubic.com/snapchat/actualite-595914-snapchat-facebook-rachat-1-milliard.html">Snapchat refusa une offre de rachat de la part de Facebook</a> et depuis ne cesse de voir son potentiel acquéreur l’affaiblir en la copiant.</p>
<h2>Quel rôle pour le régulateur ?</h2>
<p>Dès lors que l’on admet que ces acquisitions constituent un facteur d’accélération et non de prédation de l’innovation, il convient de s’interroger sur le rôle du législateur. Le danger est que lorsque l’innovation acquise arrive à maturité, elle acquiert une position monopolistique qui se fasse au détriment de nouvelles innovations.</p>
<p>Si Google Store était une entité indépendante, elle ne favoriserait pas les autres produits d’Alphabet. Il faut donc réguler les GAFAM quand leurs nouvelles activités sont arrivées à maturité. Le législateur pourrait imposer des scissions des innovations matures via des spin-off. Aujourd’hui, séparer YouTube de Google, Instagram de Facebook ou LinkedIn de Microsoft.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1171892685550096384"}"></div></p>
<p>D’autre part, en matière d’innovation, l’Europe doit s’inquiéter de la faiblesse de son industrie du capital-risque. Les montants investis restent faibles et de plus en plus de fonds de capital-risque américains investissent en Europe et concurrencent les fonds européens avec des capitaux bien plus importants.</p>
<p>Depuis 2016, Insight Partners a réalisé 84 investissements dans des start-up européennes, Accel 59, Tiger Global Management 51 et Index Ventures 46. Ces fonds constituent le cheval de Troie des grandes entreprises américaines qui parfois financent ces capital-risqueurs qui leur donnent accès à des informations privées sur ces start-up européennes mais surtout les rachètent à des valorisations supérieures à celles offertes par de grandes entreprises européennes.</p>
<p>En 2021, les capital-risqueurs américains ont participé à 2210 tours d’investissement en Europe pour un montant de 70,7 milliards d’euros. Le montant médian de la levée de capital par une start-up européenne est de <a href="https://pitchbook.com/news/articles/2022-us-vcs-europe-deals">38 millions d’euros quand un fond américain participe</a> au tour de financement contre seulement 6,3 millions d’euros quand il n’y a pas d’investisseur américain.</p>
<p>L’important pour la souveraineté européenne est donc de développer une puissante industrie du capital-risque bien connectée avec les grandes entreprises du continent pour favoriser le développement des start-up innovantes. On est encore loin du compte. En 2021, les sociétés de capital-risque européennes n’ont levé que <a href="https://www.investeurope.eu/research/activity-data/">18,2 milliards d’euros</a> dont 18 % par des fonds d’entreprise.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189603/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Ferrary ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les acquisitions des géants du numérique sont dans le collimateur du législateur américain qui estime qu’elles nuisent à l’innovation. Plusieurs exemples montrent cependant le contraire.Michel Ferrary, Professeur de Management à l'Université de Genève, Chercheur-affilié, SKEMA Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1865282022-08-18T17:36:38Z2022-08-18T17:36:38ZSérie vidéo : Métavers, le gouffre énergétique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/475449/original/file-20220721-14484-pc9lbv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">illustration</span> </figcaption></figure><p>2021, Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook, annonce qu’il souhaite créer un métavers. Dans ce docufiction, Gaïa, une jeune fille achète un casque de réalité virtuelle afin de découvrir ce nouveau monde. Finira-t-elle bloquée dans le métavers ? Une métaphore de notre société bloquée dans un système aux impacts environnementaux désastreux, constitué d’un acteur discret mais majeur : le numérique.</p>
<p>Fabrice Flipo, historien des sciences et techniques à l’Institut Mines-Télécom Business School nous donne les clés pour comprendre ces impacts.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/wJpqmsxLfkw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Métavers, le gouffre énergétique.</span></figcaption>
</figure>
<hr>
<p><em>Un film réalisé par Marie Origas et Nawel Boulmane.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186528/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabrice Flipo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le numérique a bien une réalité physique et un impact majeur sur l’environnement.Fabrice Flipo, Professeur en philosophie sociale et politique, épistémologie et histoire des sciences et techniques, Institut Mines-Télécom Business School Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1830802022-06-10T14:09:41Z2022-06-10T14:09:41ZDans la tête d’un chauffeur Uber : seul face à lui-même<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/467535/original/file-20220607-20-e7cc58.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C0%2C995%2C667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le modèle Uber entrave toute possibilité de collectif, annihile tout pouvoir d'agir des chauffeurs et génère chez eux d'importants phénomènes de dissonance cognitive.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>À compter de la mi-juin, la plate-forme Uber étendra ses services à tout le territoire québécois. À l’échelle mondiale, la multinationale est implantée dans près de <a href="https://s23.q4cdn.com/407969754/files/doc_downloads/2021/07/Uber-2021-ESG-Report.pdf">10 000 villes et 71 pays, et compte plus de 3,5 millions de travailleurs</a>.</p>
<p>Ce modèle, basé sur le travail à la demande et la distribution algorithmique des tâches, transforme fondamentalement les manières de penser, de faire et d’organiser le travail, individuellement et collectivement.</p>
<p>L’étendue du service Uber à l’ensemble de la province offre l’occasion de se pencher sur la réalité du travail de ces milliers de chauffeurs et livreurs du Québec. À quoi ressemble leur travail au quotidien ? Comment créent-ils des liens sociaux ? Afin de tenter de répondre à ces questions, j’ai effectué de l’observation sur des groupes Facebook de chauffeurs et interrogé une cinquantaine de travailleurs Uber du Québec.</p>
<p>Doctorante en communication à l’UQAM et étudiante chercheure à l’INRS, ma thèse se penche sur leur profil et leurs motivations, le rapport qu’ils entretiennent au collectif et à la mobilisation et plus globalement les enjeux psychosociaux du travail médié par les algorithmes.</p>
<h2>Un travail atomisé ponctué d’interactions éphémères ou robotisées</h2>
<p>Bien que les travailleurs Uber soient amenés à croiser de nombreuses personnes au quotidien (clients, restaurateurs, passagers), leur activité est essentiellement solitaire sur le plan professionnel. D’une part, leur travail se déroule sans jamais rencontrer un humain de chez Uber ; leur inscription sur la plate-forme s’effectue en ligne, et leurs tâches quotidiennes leur sont distribuées par un algorithme via l’application.</p>
<p>Si un problème les pousse à contacter le service technique de la compagnie, les personnes avec qui ils échangent sont situées dans des <a href="https://www.degruyter.com/document/doi/10.1525/9780520970632/html">centres d’appels délocalisés à l’extérieur du pays</a>. Qui plus est, les réponses qu’ils obtiennent sont le plus souvent formatées par des scripts, prolongeant ainsi le rapport robotisé au travail.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/467558/original/file-20220607-18-79q23t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="homme qui porte un masque au volant d’une voiture avec une insigne Uber" src="https://images.theconversation.com/files/467558/original/file-20220607-18-79q23t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/467558/original/file-20220607-18-79q23t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/467558/original/file-20220607-18-79q23t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/467558/original/file-20220607-18-79q23t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/467558/original/file-20220607-18-79q23t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/467558/original/file-20220607-18-79q23t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/467558/original/file-20220607-18-79q23t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’organisation du travail limite les possibilités de socialisation et pousse les chauffeurs à se définir exclusivement par rapport à eux-mêmes, entravant le collectif de travail.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Concernant les quelques moments où les travailleurs peuvent se croiser, dans les restaurants en attendant les commandes ou dans la zone d’attente de l’aéroport, les interactions se résument à des formules de politesse ou à des échanges brefs à propos du nombre de commandes obtenues dans la journée, comme l’exprime Katia, livreuse Uber Eats à Montréal :</p>
<blockquote>
<p>Quand je croise un autre livreur, je lui dis « Salut ! Ah Uber, ça roule ce soir ! » ou « Ça roule pas », puis c’est tout. Après, je m’en vais et j’ai peu de chances de le revoir. Si je le recroise, je lui dis bonjour, mais je connais même pas son nom.</p>
</blockquote>
<h2>Un climat teinté de compétition</h2>
<p>Certes, les groupes Facebook de chauffeurs Uber constituent un lieu d’échange pour partager des informations et ventiler à propos de situations frustrantes. Cependant, ces espaces jouent un rôle très limité dans la construction d’un collectif, se révélant inadéquats pour des conversations élaborées sur le travail.</p>
<p>L’architecture des groupes favorise les interactions sur un temps court, les publications s’évanouissant rapidement dans le fil de discussion. Des échanges constructifs demanderaient des conversations sur un temps long, dans un climat d’écoute et de confiance. Or, la compétition ressentie par les chauffeurs conjuguée au mode d’interaction bref et anonyme des réseaux socionumériques contribue plutôt à un climat hostile, comme le dit Diane, livreuse Uber Eats à Laval :</p>
<blockquote>
<p>Je pense que les commentaires négatifs sont faits pour décourager les autres parce que c’est pas un groupe où on s’encourage, c’est un groupe où on essaie de décourager les autres parce que c’est la compétition. Moi si je veux gagner ma vie, faut que je pogne plus de courses que toi.</p>
</blockquote>
<h2>Le collectif perçu comme une menace à leur activité et leur identité</h2>
<p>Étonnamment, cette absence de collectif n’est globalement pas perçue comme un manque par la plupart des travailleurs interrogés dans le cadre de ma thèse. Malgré des conditions de travail difficiles sur lesquelles ils n’ont pas de contrôle, les travailleurs n’ont pas tendance à se tourner vers le rassemblement et la mobilisation dans le but d’établir un rapport de force avec Uber.</p>
<p>À l’inverse, le collectif est plutôt perçu comme une menace pour la plupart d’entre eux. Le climat compétitif ressenti par les chauffeurs les pousse à développer tout un répertoire de tactiques et de bricolages individuels pour se démarquer des autres, comme en témoigne Bertrand, chauffeur Uber à Québec.</p>
<blockquote>
<p>On va tous sur le groupe Facebook pour la même chose, trouver des semblables et voir s’ils peuvent nous donner des trucs et des astuces pour mieux comprendre comment ça marche, avoir des informations. Mais on comprend vite que non, on est tous dans le même bain, on est tous là pour travailler pour notre poche.</p>
</blockquote>
<p>Parmi les tactiques utilisées pour optimiser leurs revenus, certains chauffeurs vont par exemple appeler le client pour connaître sa destination avant d’aller le chercher. S’ils jugent que la course est trop peu rentable au regard de la distance à parcourir jusqu’au client, ils annuleront la course. D’autres encore utilisent deux téléphones pour conserver un accès à la carte indiquant où se situent les zones de majoration pendant qu’ils réalisent une course.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/467536/original/file-20220607-13238-andol3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="application uber sur un téléphone samsung montrant plusieurs voitures disponibles" src="https://images.theconversation.com/files/467536/original/file-20220607-13238-andol3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/467536/original/file-20220607-13238-andol3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/467536/original/file-20220607-13238-andol3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/467536/original/file-20220607-13238-andol3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/467536/original/file-20220607-13238-andol3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/467536/original/file-20220607-13238-andol3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/467536/original/file-20220607-13238-andol3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Au Québec, les utilisateurs d’Uber sont aujourd’hui nombreux à apprécier la facilité d’utilisation de l’application et le côté pratique du service.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Aucun sentiment d’appartenance</h2>
<p>Dans ce contexte, un collectif de travail qui proposerait d’harmoniser les pratiques et de remplacer les tactiques individuelles par des stratégies collectives, s’apparente pour bien des travailleurs à une perte de leur avantage concurrentiel.</p>
<p>Maintenant que les luttes des chauffeurs Uber contre les taxis, la Ville de Montréal et le gouvernement se sont épuisées avec <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1740570/taxi-loi-17-reforme-industrie-atrq">l’adoption de la loi 17 en 2020</a>, il n’existe plus pour eux d’ennemi commun.</p>
<p>Pour se définir, ils doivent maintenant se construire une identité à partir de leur propre groupe d’appartenance. Or, lorsqu’ils se comparent à leurs collègues, ils ont tendance à le faire par la négative. Ils cherchent à se détacher de la figure du chauffeur précaire et miséreux qui travaille 60 heures par semaine, ou encore de celle du chauffeur victime qui ne sait pas utiliser l’application intelligemment. Ainsi, les travailleurs Uber partagent une pratique commune, sans toutefois faire partie d’une communauté caractérisée par un sentiment d’appartenance.</p>
<h2>Une atomisation lourde de conséquences</h2>
<p>L’organisation du travail du modèle Uber, en atomisant les travailleurs, les amène à se définir exclusivement par rapport à eux-mêmes, engendrant plusieurs conséquences.</p>
<p>Chacun doit apprendre seul comment fonctionne l’activité et se débrouiller avec ses propres défis, en bricolant ses propres tactiques, sachant que tous les chauffeurs n’ont pas les mêmes ressources. Par ailleurs, sans possibilité de rassemblement et de dialogue, les travailleurs sont privés de l’occasion de développer une réflexivité critique collective sur leurs conditions de travail. L’absence d’échanges, d’écoute et de présence à l’autre entrave toute relation significative et toute solidarité ; l’activité est réduite à son seul rapport à l’objet technique.</p>
<p>De fait, sans pouvoir d’agir collectif face à une organisation du travail rigide et intransformable, les dysfonctionnements et les problèmes de santé des travailleurs sont toujours traités <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00464801v2/document">comme des réalités singulières plutôt que relevant de l’organisation du travail</a>, comme le dit Kader, chauffeur Uber à Montréal :</p>
<blockquote>
<p>Je ne me suis jamais vidé le cœur sur le groupe Facebook. Quand je fais un simple commentaire, je me sens attaqué par d’autres. Souvent, des chauffeurs qui parlent honnêtement se font attaquer verbalement. Il y a des souffrances parmi les chauffeurs, on pourrait en discuter. Mais le climat sérieux que ça demanderait, ça n’existe pas dans le groupe.</p>
</blockquote>
<p>Les profils de chauffeurs Uber québécois sont très variés. Par exemple, l’impossibilité de négocier les faibles revenus n’a pas les mêmes conséquences pour un ingénieur en Tesla qui exerce l’activité 3 heures par semaine dans le but de se changer les idées, ou pour un immigrant qui travaille 60 heures par semaine pour faire vivre sa famille.</p>
<h2>Faibles revenus et manque de transparence</h2>
<p>Si l’activité Uber constitue un complément de revenu pour certains individus, le modèle exploite aussi la précarité existante d’une partie de la population ; chez ceux qui exercent l’activité comme seule source de revenus, il s’agit le plus souvent d’un choix faute de mieux.</p>
<p>Bien que la majorité des chauffeurs interrogés, tous profils confondus, n’aspirent pas à devenir salariés et se montrent frileux à l’idée de se syndiquer, nombreux sont ceux qui déplorent les faibles revenus et le manque de transparence de la plate-forme relativement au fonctionnement de l’algorithme et du système de rémunération.</p>
<p>Devant cette situation, ils voient dans le gouvernement la seule partie prenante qui soit réellement en mesure d’instaurer un rapport de force avec Uber afin de forcer la plate-forme à offrir de meilleures conditions de travail à ses chauffeurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183080/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lucie Enel a reçu des financements du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada, du Fonds de recherche du Québec - Société et culture, du Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie, de la Fondation J.A. DeSève. </span></em></p>Les chauffeurs Uber doivent gérer seuls le paradoxe entre la rhétorique d’Uber (flexibilité, liberté, autonomie) et leurs conditions de travail parfois difficiles.Lucie Enel, Doctorante en communication, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1819082022-04-27T18:19:43Z2022-04-27T18:19:43ZLes citoyens actifs sur Internet sont-ils politiquement plus radicaux ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/460044/original/file-20220427-12-v2t50v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1920%2C1440&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">On sait que les citoyens politiquement actifs sur Internet présentent différentes caractéristiques : ils sont plus intéressés par la politique, plus diplômés, et plus jeunes que la moyenne. Sont-ils plus radicaux ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/m%c3%a2le-nuit-t%c3%a9n%c3%a8bres-l%c3%a9ger-t%c3%a9l%c3%a9phone-2013929/">KristopherK/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Les usages électoraux d’Internet et des réseaux sociaux ont été particulièrement scrutés lors de la campagne <a href="https://usbeketrica.com/fr/article/il-ne-faut-pas-reduire-l-adhesion-pour-un-candidat-a-des-chiffres-d-engagement-marketing-sur-tiktok">d’avant premier tour</a>. De nouvelles plates-formes, telles que TikTok ou Twitch, ont été fortement investies afin de toucher les plus jeunes, et certains candidats semblent y avoir été plus performants que d’autres – notamment <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/03/29/sur-youtube-et-twitch-jean-luc-melenchon-et-eric-zemmour-parlent-plus-que-les-autres_6119618_4355770.html">Jean-Luc Mélenchon et Éric Zemmour</a>. À cet égard, des études montrent que l’activisme sur Internet se structure souvent sur des <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=-FWO0puw3nYC">bases idéologiques</a> et est plus élevé aux <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=BBH7DAAAQBAJ">extrêmes de l’échiquier politique</a>. D’où une question : les citoyens actifs sur Internet sont-ils politiquement plus radicaux que l’ensemble des électeurs ?</p>
<h2>Les citoyens actifs sur Internet sont-ils plus radicaux ?</h2>
<p>En France, les usages électoraux d’Internet et des réseaux sociaux se sont développés depuis la présidentielle de 2012. Ils restent cependant relativement minoritaires. En témoignent les chiffres présentés en Figure 1 ci-dessous et récoltés lors de la première semaine de janvier :</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/460519/original/file-20220429-24-nxnci9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/460519/original/file-20220429-24-nxnci9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/460519/original/file-20220429-24-nxnci9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=263&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/460519/original/file-20220429-24-nxnci9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=263&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/460519/original/file-20220429-24-nxnci9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=263&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/460519/original/file-20220429-24-nxnci9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=330&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/460519/original/file-20220429-24-nxnci9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=330&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/460519/original/file-20220429-24-nxnci9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=330&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 1. Nombre de likes et de commentaires sur les publications Twitter et.
Facebook des candidats durant la première semaine de janvier 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les commentaires à la suite de messages de candidats restent relativement peu nombreux tant sur Twitter que sur Facebook. Ainsi, si Jean-Luc Mélenchon récolte respectivement 23 491 et 126 465 commentaires, ce qui en fait le candidat le plus commenté, ces chiffres restent relativement modestes si on les rapporte au nombre d’inscrits sur les listes électorales, ou même au nombre de personnes inscrites sur les réseaux sociaux en France (40 millions d’utilisateurs mensuels de Facebook, 8 sur Twitter, 22 sur Instagram, 50 sur YouTube).</p>
<p>Surtout, certains candidats ne récoltent que quelques centaines de commentaires – ou même moins. Même si l’on regarde le nombre de likes, pratique moins coûteuse pour les internautes que le commentaire, les réactions aux messages des candidats restent relativement rares, a fortiori lorsqu’on les compare à leurs nombres d’abonnés. Pour ne prendre que quelques exemples, les likes recueillis par Emmanuel Macron sur Twitter durant la première semaine de janvier ne représentent que 2,6 % de ses abonnés, ceux reçus par Jean-Luc Mélenchon 4,4 %, ceux reçus par Marine Le Pen 1,8 %, et ceux reçus par Anne Hidalgo 0,8 %.</p>
<p>Reste que certains candidats suscitent plus de réactions que d’autres, et qu’à l’exception du cas particulier du président sortant, les candidats recueillant le plus d’interactions (likes et commentaires) sont les candidats d’extrême droite (Marine Le Pen, Eric Zemmour, Nicolas Dupont-Aignan) et Jean-Luc Mélenchon, ce qui tend à accréditer l’idée que les citoyens mobilisés sur Internet exprimeraient des choix électoraux plus radicaux et plus polarisés que la population électorale générale.</p>
<h2>Pourquoi de telles différences d’activité sur Internet ?</h2>
<p>On sait que les citoyens politiquement actifs sur Internet présentent différentes caractéristiques : ils sont plus intéressés par la politique, plus diplômés, et plus jeunes que la moyenne. Hormis en termes d’âge, ils ressemblent en réalité beaucoup aux citoyens actifs « hors ligne ». Ces pratiques politiques s’imbriquent d’ailleurs fortement : en 2012, par exemple, les électeurs ayant participé à un meeting étaient aussi parmi les plus actifs sur Internet.</p>
<p>Mais l’on sait aussi – et surtout – que, après avoir contrôlé par le sexe, l’âge, le niveau de diplôme, la situation professionnelle et l’intérêt pour la politique, les <a href="https://hal-sciencespo.archives-ouvertes.fr/hal-00973133">individus politiquement actifs sur Internet en 2012</a>, ceux qui ont consulté le site ou la page Facebook d’un candidat lors des <a href="https://www.interieur.gouv.fr/Archives/Archives-elections/Elections-regionales-2015">élections régionales de 2015</a>, ou encore ceux qui ont suivi un candidat sur Internet lors de la <a href="https://cdsp.sciences-po.fr/fr/ressources-en-ligne/ressource/fr.cdsp.ddi.FES2017/">campagne présidentielle de 2017</a>, sont soit sensiblement plus à gauche, soit, pour une part plus faible, plus à droite, que le reste des citoyens. C’est en particulier le cas lorsque l’intensité de l’activisme sur Internet est plus faible, comme lors des régionales de 2015.</p>
<p>Le Tableau 1 ci-dessous complète ce portrait en montrant que, entre ceux qui se déclarent très à gauche et ceux qui se déclarent très à droite sur l’échiquier politique, des différences existent toutefois quant aux réseaux sur lesquelles ils choisissent d’être actifs :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/460283/original/file-20220428-22-ny5lwp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/460283/original/file-20220428-22-ny5lwp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=234&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/460283/original/file-20220428-22-ny5lwp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=234&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/460283/original/file-20220428-22-ny5lwp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=234&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/460283/original/file-20220428-22-ny5lwp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=294&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/460283/original/file-20220428-22-ny5lwp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=294&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/460283/original/file-20220428-22-ny5lwp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=294&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Tableau 1. A consulté, partagé, « liké » ou commenté un contenu en lien avec la présidentielle 2022 sur les réseaux sociaux ces 7 derniers jours (en %). Dans les 7 derniers jours avant la passation du questionnaire, 9,4 % des individus se déclarant au centre ont consulté, « liké » ou partagé un contenu en lien avec la présidentielle 2022 sur un réseau privé (WhatsApp, par exemple).
Champ : ensemble des répondants (N = 1619)</span>
<span class="attribution"><span class="source">French Election Study 2022, vague 1 (novembre-décembre 2021), CDS</span></span>
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<p>Si Facebook semble autant mobilisé à l’extrême droite que par les individus se déclarant très à gauche, on note cependant des différences concernant tous les autres réseaux sociaux, qui sont bien plus utilisés à l’extrême droite.</p>
<p>L’écart est très important sur Twitter : seuls 2,5 % des individus se déclarant très à gauche affirment avoir consulté, partagé, « liké » ou commenté du contenu sur cette plate-forme dans les sept jours précédant l’enquête. Ce chiffre est quatre fois plus élevé chez ceux qui se positionnent très à droite (12 %), soulignant possiblement en miroir l’activisme intense des soutiens d’Éric Zemmour sur cette plate-forme.</p>
<p>Notons, enfin, que la <a href="http://www.afsp.info/archives/congres/congres2009/sectionsthematiques/st7/st7.html">sociologie des organisations partisanes</a> offre une piste d’explication complémentaire à celle esquissée ci-dessus : contrairement aux partis structurés en courants ou tendances, les partis d’extrême droite, plus centralisés et constitués autour d’un leader charismatique, ont peut-être moins de difficulté à concevoir un discours unitaire et à le faire diffuser sur Internet par leurs bases militantes.</p>
<p>Sur la base de ces résultats, et bien qu’il faille relativiser l’influence des réseaux sociaux sur le résultat final d’une élection, on peut s’attendre à ce que les électeurs soutiens d’Emmanuel Macron se mobilisent moins fortement sur Internet que les électeurs d’extrême droite – alors même qu’il est le président sortant et que sa stratégie numérique tiendra compte de ce paramètre. De même, lors des élections législatives, on peut s’attendre à nouveau à un sur-investissement des réseaux sociaux par les citoyens exprimant des préférences politiques plus polarisées que l’électorat dans son ensemble.</p>
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<p><em>Cet article a été co-publié dans le cadre du partenariat avec <a href="https://poliverse.fr">Poliverse</a> qui propose des éclairages sur le fonctionnement et le déroulement de la présidentielle</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181908/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie Neihouser a reçu des financements de ESPOL, de l'Université Catholique de Lille et du Ceraps.. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Felix-Christopher von Nostitz a reçu des financements de ESPOL, de l'Université Catholique de Lille et du Ceraps.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>François Briatte a reçu, dans le cadre du projet de recherche PEOPLE2022, des financements de l'Université Catholique de Lille et de l'Université de Lille.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Giulia Sandri a reçu des financements de ESPOL, de l'Université Catholique de Lille et du Ceraps.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Tristan Haute a reçu des financements de ESPOL, de l'Université Catholique de Lille et du Ceraps.</span></em></p>On note un surinvestissement sur les réseaux sociaux de citoyens s’exprimant des préférences politiques plus polarisées que l’électorat dans son ensemble.Marie Neihouser, Chercheuse en science politique, Université Fédérale Toulouse Midi-PyrénéesFelix-Christopher von Nostitz, Research and Teaching Assistant in Political Science, Institut catholique de Lille (ICL)François Briatte, Assistant Lecturer in Political Science, Institut catholique de Lille (ICL)Giulia Sandri, Professeur en science politique, ESPOL, Université Catholique de Lille, Institut catholique de Lille (ICL)Tristan Haute, Maître de conférences, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1784902022-03-21T20:03:52Z2022-03-21T20:03:52ZTourisme et métavers : vers une généralisation du voyage virtuel ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/453345/original/file-20220321-25-jdpr5g.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C8%2C936%2C538&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Voyager sans bouger grâce au métavers.</span> <span class="attribution"><span class="source">Unsplash</span></span></figcaption></figure><p>Le métavers occupe une place de plus en plus importante dans le paysage médiatique. Si certains se positionnent de manière prudente ou réfractaire, d’autres considèrent cette évolution technologique comme une opportunité pour développer de nouvelles offres. Le tourisme est un secteur qui évolue largement au gré des technologies de l’information et de la communication, il est alors tout à fait pertinent de questionner la manière dont il pourrait intégrer cet univers virtuel. Et c’est depuis l’annonce de la création du groupe Meta par Mark Zuckerberg que ce terme s’est massivement propagé dans le monde. Le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9tavers">métavers</a> peut être défini comme un ensemble d’espaces virtuels, persistants, partagés, indexés dans le monde réel et accessibles via interaction 3D.</p>
<p>Alors, comment le métavers pourrait-il s’emparer du tourisme, une pratique qui nécessite un déplacement physique ?</p>
<h2>Tourisme et technologie font-ils bon ménage ?</h2>
<p>On observe une corrélation évidente entre l’évolution du tourisme et celle des technologies, qui vont toujours de pair. En effet, des centrales de réservations informatisées dans les années 1970 à la domestication d’Internet vers la fin des années 1990, la technologie s’est toujours insérée dans le tourisme pour <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0261517708000162">faire émerger de nouvelles pratiques</a>. Le métavers s’inscrit dans cette évolution d’Internet qui utilise des technologies de plus en plus immersives pour proposer des expériences phygitales, c’est-à-dire où les frontières entre le réel et le virtuel sont de plus en plus perméables.</p>
<p>Qu'il s'agisse des musées, des parcs nationaux ou des sites patrimoniaux, la crise sanitaire a aussi permis à de nombreux acteurs d’amplifier et de faire perdurer l’usage d’outils technologiques pour proposer des visites en réalité virtuelle. L’application <a href="https://www.flyoverzone.com/">Fly Over Zone</a>, en plus de proposer une exploration des sites culturels du patrimoine mondial, permet de restaurer numériquement des sites endommagés. Le géant du Web Amazon a lancé « <a href="https://www.amazon.com/b?node=19419898011&ref_=ae_nav_lgo">Amazon Explore </a>» pour littéralement « voyager virtuellement autour du monde ». Ce volet commercial est un service de flux interactif diffusé en direct, qui selon eux, permet de découvrir de nouveaux endroits depuis son ordinateur. Si cette offre n’en est qu’à ses balbutiements, avec une version béta, il y a fort à parier que ce service de visites virtuelles sera amené à évoluer pour proposer des formats encore plus immersifs.</p>
<p>En matière de tourisme, l’Asie fait figure de précurseur avec des propositions déjà très avancées comme le projet « <a href="https://fr.euronews.com/next/2021/11/17/metavers-seoul-ouvre-la-porte-de-ce-nouvel-univers-numerique">Seoul Metaverse</a> » qui ambitionne de devenir la première grande ville du monde à entrer dans le métavers, avec un parcours touristique qui reproduira les principaux sites de visite de la ville. Mais c’est en France, que l’on trouve l’un des projets les plus aboutis avec <a href="https://www.moyapatrick.com/sltourisme.htm">MoyaLand</a> : un univers virtuel touristique, construit comme une reproduction artistique virtuel et immersive qui possède un office de tourisme, des musées, un aéroport, un centre historique où habitants et touristes peuvent évoluer virtuellement par le biais de leurs avatars.</p>
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<p>D’autres acteurs du tourisme pourraient leur emboîter le pas car selon l’entreprise américaine <a href="https://www.gartner.com/en/newsroom/press-releases/2022-02-07-gartner-predicts-25-percent-of-people-will-spend-at-least-one-hour-per-day-in-the-metaverse-by-2026">Gartner</a>, en 2026, 25 % des gens passeront au moins une heure par jour dans le métavers. Alors comment ces personnes expérimenteront-elles le tourisme dans cet environnement virtuel ?</p>
<h2>Le métavers pour susciter le voyage</h2>
<p>Il existe deux grandes tendances pour définir <a href="https://journals.openedition.org/viatourism/1347">l’expérience touristique</a> : la première tient de l’ordre du processuel avec une transformation du monde en connaissances, la seconde tient du moment vécu avec une place centrale accordée à l’hédonisme et au sentiment de réussite. Si par définition, le tourisme nécessite un déplacement physique, il existe de fait une contradiction avec les expériences touristiques offertes par le métavers qui peuvent néanmoins le remplacer mais surtout susciter l’envie de voyager.</p>
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<p>Rappelons que la réalité virtuelle est un environnement immersif créé à l’aide d’un dispositif technologique qui procure à l’utilisateur des sensations numériquement créées telles que la vue, l’ouïe, le toucher et même l’odorat. Pour éveiller leur sens dans les zones touristiques virtuelles du métavers, les utilisateurs devront donc être équipées de dispositifs visuels, sonores, haptiques, tactiles et olfactifs. En dehors du coût d’acquisition de ces derniers, l’usage de ces nouveaux dispositifs remet en question la perception des sens qu’entretient l’homme avec son environnement.</p>
<p>En reproduisant un décor touristique, le métavers forme un ensemble entre le dispositif, l’utilisateur qui se met dans la peau d’un touriste et les autres spectateurs. Bien que l’expérience soit virtuelle, les sens sont bien mis à contribution en stimulant certaines situations désirées mais non accessibles sur le moment. En permettant une pratique immersive, le casque de réalité virtuelle ou les capteurs haptiques permettraient de <a href="https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2016-1-page-188.htm#s1n4">vivre des choses jusque là intangibles</a> et de renouer avec la sensorialité. Par le biais de son avatar, l’utilisateur du métavers peut incarner un touriste en construisant virtuellement un parcours de visites, interagir avec d’autres avatars et par conséquent imaginer ce qu’ils ressentent, en stimulant ce que Giacomo Rizzolatti appelle les <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences/neurosciences/neurones-miroirs_9782738119247.php">neurones miroirs</a>.</p>
<h2>Des contraintes sociétales et environnementales</h2>
<p>Imités, reproduits ou simulés, il n’en reste que les voyages et les vacances représentent des pratiques touristiques qui représentent une coupure par rapport au quotidien. Ces moments sont aussi l’occasion pour certains de retrouver leurs proches ou de pratiquer des activités difficilement réalisables dans le cours habituel de la vie. Observer des animaux lors d’un safari, découvrir des sites archéologiques ou pratiquer une langue étrangère sont des activités qui produisent des sensations corporelles et spirituelles uniques, essentielles et différentes de celles produites virtuellement par les dispositifs du métavers.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/univers-paralleles-et-mondes-virtuels-la-guerre-des-metavers-est-commencee-169695">Univers parallèles et mondes virtuels : la guerre des métavers est commencée</a>
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<p>Par ailleurs, le métavers qui est en soi une évolution technologique d’Internet n’est pas encore aboutie. Il nécessite des investissements financiers et la construction d’un cadre réglementaire pour réguler les comportements des usagers. Car lorsque Mark Zuckerberg fait le souhait de créer un monde virtuel et alternatif dans lequel les utilisateurs pourront aussi voyager, il ne faut pas perdre de vue que ce sont également les données des utilisateurs qui seront mises à contribution. Et si certains observent le métavers comme une solution pour éviter de prendre l’avion et tendre vers un tourisme durable, la <a href="https://www.greenpeace.fr/la-pollution-numerique/#:%7E:text=La%20pollution%20num%C3%A9rique%20d%C3%A9signe%20toutes,biodiversit%C3%A9%2C%20production%20de%20d%C3%A9chets%20%C3%A9lectroniques.">pollution numérique</a> induite par celui-ci pourrait bien aller dans le sens contraire d’un tourisme vertueux.</p>
<p>Même si le tourisme dans le métavers ne pourra pas remplacer une expérience touristique vécue hors de chez soi, certains professionnels du tourisme pourraient en tirer profit afin de faire connaître des sites peu accessibles ou ignorés des touristes, qui les découvriront virtuellement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178490/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Naïma Aïdi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment le métavers pourrait-il s’emparer du tourisme, une pratique qui nécessitait jusqu’ici un déplacement physique ?Naïma Aïdi, Doctorante en sciences de l'information et de la communication, rattachée au laboratoire Dicen-IdF. Tourisme et Smart Tourisme, Université Gustave EiffelLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1786622022-03-12T19:15:25Z2022-03-12T19:15:25ZFace à la guerre en Ukraine, des réseaux sociaux en ordre de bataille<p><a href="https://theconversation.com/fr/topics/conflit-russo-ukrainien-117340">La guerre qui fait rage en Ukraine</a> a renversé bien des convictions établies. Quelle qu’en soit l’issue, elle marquera un avant et un après dans notre histoire au même titre que <a href="https://theconversation.com/derriere-le-mur-de-berlin-les-cliches-fantomes-pris-par-les-appareils-photo-caches-de-la-stasi-126560">la chute du mur de Berlin en 1989</a> ou les attaques du <a href="https://theconversation.com/comment-le-11-septembre-sest-imprime-dans-nos-memoires-167674">11 septembre 2001</a>.</p>
<p>Face à ce bouleversement, de nombreux acteurs politiques et économiques - États, organisations supranationales, multinationales… - ont pris des mesures qui, il y a quelques semaines encore, auraient relevé de l’inconcevable. </p>
<p>Ce n'est pas le cas des réseaux sociaux : leur réaction au contraire, s’inscrit plutôt dans la continuité de ce qu’ils avaient déjà montré lors de plusieurs crises récentes.</p>
<h2>L’impossible passivité des réseaux sociaux</h2>
<p>Les dernières années n’ont pas été avares en événements de grande ampleur qui ont secoué nos certitudes et nos modes de vie. Face à ceux-ci, les plates-formes numériques, qui ont investi toutes les dimensions de nos sociétés, ont été contraintes d’assumer un rôle de protagonistes.</p>
<p>Longtemps, ces compagnies se sont présentées comme de simples intermédiaires techniques, destinés à « connecter le monde ».</p>
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<p>À partir du moment charnière de l'élection présidentielle étasunienne de 2016, ces discours, déjà fragilisés par l’expérience, sont devenus intenables. Depuis, il semble admis que face à tout événement d’ampleur, les réseaux sociaux <a href="https://www.lefigaro.fr/vox/societe/les-reseaux-sociaux-doivent-etre-responsables-des-contenus-qu-ils-hebergent-20201026">se doivent</a> d’adopter des mesures spécifiques et de communiquer à leur sujet.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-blocage-des-articles-de-presse-sur-facebook-quels-enjeux-et-quelles-consequences-155726">Le blocage des articles de presse sur Facebook : quels enjeux et quelles conséquences ?</a>
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<p>La guerre en cours ne peut évidemment pas faire exception. L’ampleur des sanctions prononcées par les gouvernements occidentaux a jeté dans l’arène de nombreux acteurs privés, contraints de participer à cet <a href="https://www.dw.com/fr/gros-plan-sur-les-sanctions-impos%C3%A9es-%C3%A0-la-russie/a-60978294">effort collectif de pression</a> contre le régime de Poutine.</p>
<p>Que ce soit dans le domaine du transport aérien, de l’énergie, des technologies, des finances, voire des événements culturels ou sportifs, ils ont dû revoir leurs relations avec la Russie, soit par obligation légale, soit en réponse aux pressions de sociétés civiles (et, donc, de consommateurs) outrées par l’agression perpétrée par Moscou.</p>
<p>Dans ce contexte de mobilisation générale, les réseaux sociaux sont forcément en <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2022/02/28/guerre-en-ukraine-les-reseaux-sociaux-durcissent-leurs-mesures-contre-la-russie_6115560_4408996.html">première ligne</a>, par la place qu’ils occupent désormais dans nos vies, mais aussi du fait de la dimension informationnelle que revêt toute guerre… Et celle-ci sans doute plus qu’aucune autre.</p>
<p>D’une part, la Russie a une longue histoire d’utilisation de la propagande comme pilier de son propre régime. Ce n’est pas un hasard si la remise en cause de cette pratique par la <a href="https://cpj.org/2015/04/attacks-on-the-press-death-of-glasnost-russia-attempt-at-openness-failed/"><em>Glasnost</em></a> de Gorbatchev a précipité la chute de l’URSS. Actuellement, la mainmise de Poutine sur son pays repose en grande partie sur un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=MMQlEdv13vo">strict contrôle des organes d’information</a>, combinant lois liberticides, intimidations et répression.</p>
<p>D’autre part, le gouvernement ukrainien, son président en tête, s’est révélé extrêmement habile <a href="https://www.franceinter.fr/monde/videos-tutoriels-comment-le-gouvernement-ukrainien-mobilise-la-population-sur-les-reseaux-sociaux">dans sa communication de crise</a>, tant auprès de sa propre population qu’en direction de la communauté internationale, principalement par l’intermédiaire des réseaux sociaux. Ceux-ci sont devenus les canaux officiels de diffusion de ses bilans officiels, de son narratif, de ses appels à l’aide et au combat.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1499861364260708357"}"></div></p>
<p>On voit donc s’affronter en ligne un camp qui a besoin de <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/russie/vladimir-poutine/guerre-en-ukraine-linformation-sous-controle-en-russie_4993089.html">contrôler l’information</a> pour tenter de légitimer l’injustifiable, face à un autre pour qui la communication est un moyen essentiel dans ce combat asymétrique. Dans ce cadre, les vecteurs de transmission que sont les réseaux sociaux se trouvent sous pression.</p>
<h2>Des plates-formes aguerries</h2>
<p>Les actions mises en place dans l’urgence par les plates-formes après l’invasion du territoire ukrainien par les forces russes ont toutes été extraites d’une « boîte à outils ». Au gré des crises passées, les plates-formes ont dû improviser des réponses <em>ad hoc</em>, avant de les améliorer progressivement. Grâce à cet apprentissage dans la douleur, <a href="https://about.fb.com/news/2022/02/metas-ongoing-efforts-regarding-russias-invasion-of-ukraine/">Meta</a>, <a href="https://twitter.com/TwitterSafety/status/1497353965419257860?s=20&t=LPjuLmAFN203-eLs835fPQ">Twitter</a> et <a href="https://twitter.com/googleeurope/status/1497312484247707651?s=20&t=CyH8wdAlSQKJMPUmWszbcw">YouTube</a> ont su répondre aux exigences nées de la guerre en Ukraine de façon plus rapide et moins tâtonnante.</p>
<p>En effet, chacune des mesures annoncées et mises en œuvre par les trois compagnies citées peut être reliée à une action semblable remontant à un passé encore récent.</p>
<p>D’abord, les entreprises concernées se sont rapidement emparées du sujet et ont mobilisé des équipes spécifiques chargées de surveiller au plus près l’évolution de la situation en Ukraine pour agir en conséquence. Réorientation subite des priorités et redéploiement de moyens : cette prise en main n’a en fait plus rien d’exceptionnel depuis 2017, une fois tirées les leçons de la présidentielle remportée par Donald Trump l’année précédente.</p>
<p>Ainsi, après avoir dans un premier temps rejeté avec véhémence voire dérision sa part de responsabilité dans ce fiasco, le fondateur de Facebook Mark Zuckerberg a fait volte-face et s’est même donné comme objectif de « <a href="https://www.washingtonpost.com/opinions/mark-zuckerberg-protecting-democracy-is-an-arms-race-heres-how-facebook-can-help-win-it/2018/09/04/53b3c8ee-b083-11e8-9a6a-565d92a3585d_story.html">protéger la démocratie</a> ». Dans les faits, cet engagement s’est traduit par l’annonce d’une importante mobilisation en interne à l’approche d’échéances électorales, Facebook faisant même connaître à l’occasion sa fameuse <a href="https://www.nytimes.com/2018/09/19/technology/facebook-election-war-room.html"><em>war room</em></a>, un nom aujourd’hui tristement adapté aux circonstances.</p>
<p>Certes, les révélations en septembre de la lanceuse d’alerte <a href="https://information.tv5monde.com/terriennes/qui-est-frances-haugen-la-lanceuse-d-alerte-de-facebook-431702">Frances Haugen</a> ont mis au jour les insuffisances de ces dispositifs chez Meta, dans le <a href="https://time.com/6104899/facebook-reckoning-frances-haugen/">temps</a> comme dans <a href="https://www.theverge.com/22743753/facebook-tier-list-countries-leaked-documents-content-moderation">l’espace</a>. Mais ces compagnies ont intégré dans leur <em>modus operandi</em> la mise en place, planifiée ou dans l’urgence, de capacités de suivi et de réponse rapide lorsqu’elles perçoivent ou anticipent que certaines circonstances leur imposent de réagir.</p>
<p>Les équipes mobilisées ont ensuite pioché des mesures dans un répertoire d’actions préexistant, notamment pour faire face à la démultiplication de la désinformation et l’intensification de ses conséquences en temps de guerre.</p>
<p>Fin 2016, Meta a établi un partenariat avec des vérificateurs indépendants pour détecter les fausses nouvelles. Depuis l’invasion russe, des moyens additionnels, tant techniques que financiers, ont été <a href="https://about.fb.com/news/2022/02/metas-ongoing-efforts-regarding-russias-invasion-of-ukraine/">redirigés</a> vers ceux de ces acteurs qui travaillent en langues russe et ukrainienne.</p>
<p>En outre, Facebook et Twitter ont commencé à signaler ouvertement que les comptes de RT, Sputnik, RIA Novosti et autres sont administrés par des médias dépendants du pouvoir russe.</p>
<p>Or, depuis 2018, YouTube <a href="https://blog.youtube/news-and-events/greater-transparency-for-users-around/">procède</a> déjà à un signalement explicite des diffuseurs de nouvelles qui « reçoivent un certain niveau de financement public ou gouvernemental ».</p>
<p>Si cette pratique n’existait pas encore en tant que telle chez Meta, le recours aux « étiquettes » n’est pas nouveau : à l’approche des élections de mi-mandat aux États-Unis, Facebook a commencé en 2018 à en <a href="https://about.fb.com/news/2018/05/ads-with-political-content/">placer</a> sur les publicités qu’il diffuse dans ce pays sur des thèmes sociétaux ou politiques, pour identifier qui les finance. Depuis 2019, la plate-forme <a href="https://www.poynter.org/fact-checking/2019/tech-platforms-step-up-their-anti-misinformation-game-before-2020/">barre</a> d’une légende non équivoque les contenus que son programme de fact-checking a établis comme faux.</p>
<p>Pour sa part, Twitter s’est également <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/05/29/twitter-masque-un-message-de-donald-trump-sur-minneapolis-juge-a-risque_6041210_4408996.html">distingué</a> en mai 2020, en plaçant un avertissement sur des messages publiés par Trump. Dans un contexte de tensions liées au mouvement Black Lives Matter, il s’agissait alors de signaler qu’un contenu publié par une personnalité publique violait ses règles d’utilisation, tout en restant visible pour des raisons d’intérêt public.</p>
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<p>Twitter a étendu cette pratique en 2020 aux <a href="https://blog.twitter.com/en_us/topics/company/2020/2020-election-changes">déclarations pré et post-électorales</a>, et <a href="https://about.fb.com/news/2020/09/additional-steps-to-protect-the-us-elections/">Meta</a> s’en est inspiré. Les insuffisances de la mise en œuvre de cette politique ont cependant été <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/11/05/election-americaine-les-rates-des-reseaux-sociaux-pour-contenir-le-deluge-de-fausses-informations_6058617_4408996.html">pointées du doigt</a>.</p>
<p>Les trois entreprises ont en outre appliqué de nouvelles mesures visant la publicité sur leurs plates-formes : YouTube (et même <a href="https://edition.cnn.com/2022/02/28/tech/google-russia-media-cut-off-ad-revenue-intl-hnk/index.html">Google</a> dans son ensemble), <a href="https://about.fb.com/news/2022/02/metas-ongoing-efforts-regarding-russias-invasion-of-ukraine/">Facebook</a> et <a href="https://twitter.com/TwitterSafety/status/1497353976588689411?s=20&t=yYGEXugLMEznOmihQXYFwg">Twitter</a> en ont rendu la diffusion impossible par tout acteur établi en Russie, et/ou vers tout utilisateur russe.</p>
<p>Là encore, il s’agit d’une recette éprouvée. Compte tenu des antécédents de 2016 et du profil du président sortant, la présidentielle étasunienne de 2020 était attendue avec appréhension par les principales plates-formes. Entre autres mesures préventives, <a href="https://twitter.com/jack/status/1189634360472829952?s=20&t=_8Sum_2fZQQ7H-mAzdPQYQ">Twitter</a>, puis <a href="https://www.facebook.com/zuck/posts/10112270823363411">Facebook</a> avaient annoncé la fin des publicités à caractère politique, de façon <a href="https://business.twitter.com/en/help/ads-policies/ads-content-policies/political-content.html">permanente</a> pour la première, et <a href="https://www.nytimes.com/2021/03/03/technology/facebook-ends-ban-on-political-advertising.html">transitoire</a> pour la seconde.</p>
<p>Les plates-formes ont également veillé à ne pas constituer une source de revenus pour les acteurs liés au pouvoir russe, en <a href="https://www.protocol.com/bulletins/meta-twitter-alphabet-russian-ads">démonétisant</a> les contenus publiés par ceux-ci. Ce procédé, mis en place par <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/2056305120936636">YouTube</a> dès août 2016, sanctionnait les vidéos contenant des « images explicites et un langage excessivement cru ». Il s’agissait de réduire les incitations économiques à la diffusion de messages dommageables, sans porter atteinte à la liberté d’expression. L’application de cette technique s’est depuis étendue à un vaste champ de contenus et d’autres plates-formes ont suivi.</p>
<p>Enfin, Meta a annoncé la mise à disposition de nouvelles options pour ses utilisateurs en Ukraine et en Russie, pour leur permettre de protéger plus facilement leur identité. Cette même précaution a été prise l’an dernier au Myanmar, pour <a href="https://about.fb.com/news/2021/02/an-update-on-myanmar/">éviter</a> que les comptes Facebook des opposants au coup d’État ne soient exploités par l’appareil répressif du nouveau régime.</p>
<p>Cette série d’initiatives, qui ne prétend pas à l’exhaustivité, montre que le récent développement par les plates-formes de normes et de pratiques dans des contextes critiques particuliers (souvent aux États-Unis, mais pas seulement) leur a permis d’acquérir des capacités d’action rapide et des réponses prêtes à l’emploi. L’apprentissage nourri par ces expériences leur a permis de réagir promptement (mais <a href="https://www.protocol.com/bulletins/twitter-russia-ukraine">non sans erreurs</a>) à cette crise sans précédent.</p>
<h2>Le cas TikTok</h2>
<p>En contraste, TikTok, plate-forme plus récente n’ayant pas ou que peu développé ce savoir-faire, s’est montrée bien plus <a href="https://www.nytimes.com/2022/03/05/technology/tiktok-ukraine-misinformation.html">empruntée et incertaine</a> au moment de définir sa ligne de conduite.</p>
<p>Ce n’est que le 4 mars – 10 jours après le début de la guerre en Ukraine – que <a href="https://newsroom.tiktok.com/en-us/bringing-more-context-to-content-on-tiktok">l’entreprise a annoncé</a> en termes généraux les quelques actions mises en œuvre face à cette situation. Une réaction en décalage avec l’abondance des <a href="https://www.tiktok.com/@martavasyuta/video/7068478605428346117">contenus</a> liés à la guerre qui ont <a href="https://www.newyorker.com/culture/infinite-scroll/watching-the-worlds-first-tiktok-war">inondé son application</a>.</p>
<p>Cette relative passivité n’est peut-être pas uniquement liée à la « jeunesse » de la plate-forme : son appartenance à ByteDance, un groupe chinois, pourrait également expliquer ces différences avec ses homologues occidentales. À ce jour, ce paramètre ne semble cependant pas décisif car TikTok a spécifiquement été développée comme la version « pour le reste du monde » de son équivalent Douyin, réservé au seul marché du géant asiatique.</p>
<p>Elle démontre en outre sa docilité face aux injonctions des pouvoirs publics des deux côtés. Au même titre que ses homologues américaines, TikTok a récemment annoncé que les comptes de RT et Sputnik seraient désormais bloqués dans l’UE, en application d’une <a href="https://www.consilium.europa.eu/en/press/press-releases/2022/03/02/eu-imposes-sanctions-on-state-owned-outlets-rt-russia-today-and-sputnik-s-broadcasting-in-the-eu/">décision</a> prise le 2 mars par le Conseil de l’Union.</p>
<p>De même, le 6 mars elle a annoncé <a href="https://www.nytimes.com/2022/03/06/technology/tiktok-russia-ukraine.html">suspendre</a> la mise en ligne de tout nouveau contenu depuis la Russie. Elle s’adapte ainsi avec la plus grande prudence à la loi hautement restrictive et répressive adoptée par le régime russe au nom de la lutte contre les « fausses nouvelles ». En revanche, ni YouTube, ni Twitter n’ont pris une décision aussi radicale. Meta non plus, même quand <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2022/03/11/facebook-fera-preuve-d-indulgence-envers-les-messages-hostiles-aux-soldats-et-aux-responsables-russes_6117069_4408996.html">Instagram</a>, à la différence de <a href="https://www.npr.org/2022/03/04/1084580235/russia-blocks-facebook-twitter">Facebook</a>, était encore autorisée sur le sol russe.</p>
<p>En somme, le timing comme le contenu des récentes décisions de TikTok révèlent une absence de proactivité et une surréaction face aux nouvelles exigences normatives. L’entreprise a investi avec grand succès dans la dimension commerciale de son activité, mais semble encore bien loin de ses concurrentes en matière de réponse aux attentes qui découlent de sa capacité d’influence.</p>
<p>De leur côté, Meta, Twitter et YouTube ne peuvent pas non plus prétendre avoir démontré qu’elles sont à présent pleinement capables d’assumer leurs responsabilités dans les nombreux domaines où leur impact se fait sentir. La guerre actuelle en Ukraine leur a cependant donné l’opportunité de mobiliser rapidement des outils pertinents, développés auparavant sous la pression de crises diverses durant lesquelles, à juste titre, leur impréparation avait été pointée du doigt.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178662/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Barthélémy Michalon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans le contexte de la guerre en Ukraine, les plates-formes montrent qu’elles ont appris des crises passées.Barthélémy Michalon, Professeur au Tec de Monterrey (Mexique) - Doctorant en Sciences Politiques, mention RI, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1722672022-02-14T14:28:19Z2022-02-14T14:28:19ZLe métavers, une contrée numérique aux mille facettes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/440129/original/file-20220110-27-kf3qnl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C2%2C988%2C553&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il importe de souligner les avantages et dangers du métavers, surtout dans le contexte où une entreprise privée en prendrait le contrôle.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Depuis l’annonce de Facebook de créer une maison-mère au nom de Meta et de mettre en place un <a href="https://about.fb.com/news/2021/10/facebook-company-is-now-meta/">métavers</a>, ce mot est soudainement devenu à la mode, malgré les confusions entre divers dispositifs, notions et technologies.</p>
<p>En tant que chercheuse en étude du jeu depuis 20 ans, je propose d’apporter un éclairage sur la définition, les origines, certains dangers et points positifs de ce type d’univers numérique.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-metavers-de-facebook-prison-ou-revolution-171997">Le métavers de Facebook : prison ou révolution ?</a>
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<h2>Définir le métavers</h2>
<p>Le métavers est un monde en ligne, complet en soi, au sein duquel l’utilisateur se promène et interagit via un personnage appelé avatar, soit une représentation numérique de soi. Ce monde peut être réaliste ou entièrement fictionnel, mais présente la caractéristique principale d’être ouvert et persistant, c’est-à-dire qu’il évolue même en l’absence de l’utilisateur. Diverses activités peuvent y prendre place, de la socialisation au divertissement, en passant par le commerce, le travail, les arts et l’éducation. Il s’agit, en quelque sorte, d’une ville, une contrée ou même un pays représentés numériquement et habités par des résidents avatoriels.</p>
<p>Bien qu’il soit nécessairement informatique et connecté à l’internet, le métavers n’est pas associé à un support précis : il peut se dérouler sur un écran plat, avec un casque ou des lunettes de réalité virtuelle ou même éventuellement en réalité augmentée, avec des capteurs tactiles, des combinaisons, etc. Le métavers n’est pas principalement défini par une technologie, mais plutôt par l’étendue, les activités et la qualité du monde représenté.</p>
<h2>Historique du métavers</h2>
<p>Le terme a été créé par Neal Stephenson dans son roman de science-fiction <a href="https://www.penguinrandomhouse.com/books/172832/snow-crash-by-neal-stephenson/">Snow Crash (1992)</a>. Le métavers le plus abouti et le plus célèbre est probablement <a href="https://www.secondlife.com">Second Life</a>, développé en 2003 par Linden Lab. Ce monde en ligne, qui n’est pas à proprement parler un jeu vidéo, permet de personnaliser un avatar avec lequel l’usager interagit avec les autres habitants ou avec les objets numériques : bâtiments, places publiques, vêtements, etc. Une économie entière s’y est développée où des items sont conçus puis revendus pour de l’argent sonnant.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1468673713512067078"}"></div></p>
<p>Des institutions y ont eu pignon sur rue et diverses activités culturelles, politiques et même sexuelles s’y sont déroulées : par exemple, le cinéaste Peter Greenaway y a mené un <a href="https://secondlife.jeuxonline.info/actualite/24593/">projet de création</a>, une manifestation a eu lieu contre un parti français d’extrême droite <a href="https://www.nouvelobs.com/politique/elections-2007/20070112.OBS6813/manifestation-virtuelle-anti-fn-sur-second-life.html">qui y avait ouvert une vitrine</a> et même un <a href="https://www.lemonde.fr/technologies/article/2006/05/02/jeroen-degroot-le-sexe-dans-second-life-est-un-jeu-de-role_766746_651865.html">service d’escortes y est apparu</a>. L’utilisateur de Second Life a ainsi pu s’y construire une « seconde vie » au sein de ce métavers.</p>
<p>Bien que le terme ne soit pas vraiment utilisé pour parler des mondes vidéoludiques, les jeux vidéo ont eu une influence considérable sur l’évolution des métavers. Depuis l’apparition des jeux vidéo en ligne jusqu’aux jeux vidéo massivement multijoueurs tels que le célébrissime <a href="https://ww.worldofwarcraft.com">World of Warcraft (2004)</a>, le concept de métavers se développe au fil des avancées technologiques, des créations des concepteurs et des appropriations sociales.</p>
<p>D’univers entièrement consacrés au jeu, ces mondes deviennent des lieux de socialisation, de commerce et même de diffusion artistique. Par exemple, des vedettes musicales y performent désormais des concerts devant des millions de fans, chacun via leur avatar, créant ainsi de nouveaux lieux socioculturels : Travis Scott a attiré <a href="https://www.theverge.com/2021/9/28/22699014/fortnite-soundwave-series-music-concerts-mohamed-hamaki-creative-mode">12 millions de spectateurs dans le jeu <em>Fortnite</em></a> et le concert du rapper Lil Nas X a réuni <a href="https://www.theverge.com/2020/11/16/21570454/lil-nas-x-roblox-concert-33-million-views">33 millions de fans dans <em>Roblox</em></a>.</p>
<h2>Le métavers de Facebook</h2>
<p>L’industrie vidéoludique est devenue, depuis les vingt dernières années, <a href="https://www.statista.com/statistics/292056/video-game-market-value-worldwide/">l’une des plus lucratives de toutes les productions culturelles</a>. Conséquemment, l’entreprise Facebook y a sans doute flairé une occasion d’affaires en profitant de cet attrait pour les jeux vidéo ainsi que du développement de technologies très immersives comme la réalité virtuelle (RV). Facebook a d’ailleurs acquis <a href="https://www.oculus.com">Oculus Rift</a>, une marque de casque de RV, en 2014.</p>
<p>Or, l’intention de Facebook de créer <a href="https://www.about.facebook.com/fr/meta">« son propre » métavers</a> est directement liée à son modèle économique : la collecte massive de données personnelles pour vendre des profils à des entreprises publicitaires (<a href="https://www.statista.com/statistics/268604/annual-revenue-of-facebook/">86 milliards de dollars en 2020</a>).</p>
<p>La question de la surveillance de masse est centrale à la compréhension des dangers du métavers tel qu’envisagé par Mark Zuckerberg, puisque l’objectif est de centraliser toutes nos activités quotidiennes à un seul endroit appartenant à Facebook : l’utilisateur communiquerait avec ses proches, assisterait à des réunions d’affaires, visionnerait des séries ou magasinerait aux enseignes qui s’y installeraient.</p>
<p>C’est un peu comme si M. Zuckerberg devenait propriétaire de Montréal ainsi que de votre lieu de travail, votre maison, votre chambre à coucher, votre brosse à dents… Pour le moment, ce métavers demeure encore marginal et, d’un point de vue vidéoludique, peu innovateur, mais l’objectif, pour la prochaine décennie, est d’améliorer le concept <a href="https://www.statista.com/statistics/264810/number-of-monthly-active-facebook-users-worldwide">pour que les 2,9 milliards d’utilisateurs de Facebook migrent vers cette plate-forme</a>.</p>
<h2>Pour un métavers public et commun</h2>
<p>Si le métavers de Facebook représente une vision dystopique du futur, il n’en demeure pas moins que les mondes en ligne présentent de nombreux points positifs. À l’image du <a href="https://www.w3.org">World Wide Web</a>, qui est un consortium à but non lucratif visant à garder le web le plus accessible possible pour tous, un métavers public, commun et non-propriétaire aurait des avantages, notamment en termes d’accessibilité et de diffusion de contenus diversifiés : des pièces présentées par des théâtres, des formations et des conférences offertes par des écoles, des projections d’œuvres par des artistes ou même des expositions organisées par des musées.</p>
<p>Une plus grande équité culturelle serait alors possible pour des populations à mobilité réduite ou vivant dans des régions éloignées.</p>
<p>Par ailleurs, même si de nombreux chercheurs soulèvent les risques associés à une <a href="https://www.quebecscience.qc.ca/sante/effets-ecrans-que-dit-la-science/">surconsommation des écrans, particulièrement chez les enfants</a>, une utilisation équilibrée du métavers aurait également des avantages propres à la socialisation en ligne, ce que connaissent depuis bien longtemps les joueurs de jeux vidéo !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172267/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Maude Bonenfant a reçu des financements du CRSH et du FRQ. </span></em></p>Bien que la question de la surveillance de masse soit centrale à la compréhension des dangers du métavers tel qu’envisagé par Facebook, cet univers numérique comporte également certains avantages.Maude Bonenfant, Professeure titulaire en communication sociale et publique, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1765202022-02-07T20:28:43Z2022-02-07T20:28:43ZEn rachetant Activision, Microsoft tente de s’ouvrir les portes du « métavers »<p>Microsoft montre un appétit à la hauteur de son gigantisme. L’entreprise a annoncé le 18 janvier dernier l’acquisition d’Activision, un pionnier de l’édition de jeu vidéo qui figurait au <a href="https://www.gameinformer.com/b/features/archive/2013/02/26/activisionaries-how-four-programmers-changed-the-game-industry-forever.aspx">premier rang des entreprises du secteur</a>. Chiffrée à 68,7 milliards de dollars, c’est la <a href="https://www.reuters.com/technology/microsoft-buy-activision-blizzard-deal-687-billion-2022-01-18/">plus importante acquisition</a> en 100 % numéraire (c’est-à-dire « en cash », sans utiliser des actions comme monnaie) de l’histoire, reléguant au second plan le rachat record du géant Monsanto par Bayer il y a 6 ans.</p>
<p>Côté Microsoft, il s’agit de sa plus grosse opération, représentant plus de deux fois et demie la valeur de sa <a href="https://www.cnbc.com/2022/01/18/microsoft-to-buy-activision.html">prise de contrôle de LinkedIn</a> en 2016. Cela démontre l’importance qu’il accorde au secteur du jeu vidéo. Et c’est compréhensible quand on sait qu’il s’agit d’un immense marché de 3 milliards de joueurs actifs (soit 40 % de la population mondiale !), qui pèse près de <a href="https://www.statista.com/outlook/dmo/digital-media/video-games/worldwide">200 milliards de dollars de ventes annuelles</a>.</p>
<p>Malgré une telle acquisition, Microsoft reste encore loin de dominer le secteur. Il passera simplement de <a href="https://www.business-standard.com/podcast/companies/microsoft-s-plunge-into-the-world-of-gaming-122012400059_1.html">6,5 % à 10,7 % de parts de marché</a> et se hissera seulement à la <a href="https://news.microsoft.com/2022/01/18/microsoft-to-acquire-activision-blizzard-to-bring-the-joy-and-community-of-gaming-to-everyone-across-every-device/#:%7E:text=Microsoft%20will%20acquire%20Activision%20Blizzard,revenue%2C%20behind%20Tencent%20and%20Sony">troisième position</a> derrière son concurrent direct Sony et le leader chinois Tencent. La consolidation de sa position dans le jeu vidéo est certes une raison du rachat, mais il est fort probable que les objectifs de Microsoft se situent au-delà de ce secteur.</p>
<p>C’est en mobilisant une approche stratégique fondée sur les <a href="https://www.cairn.info/revue-fran%C3%A7aise-de-gestion-2010-5-page-87.htm">ressources</a> et les <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/S1744-2117(2010)0000005012/full/html">compétences</a>, qui fait l’objet de nos recherches, que nous pouvons mieux comprendre le mouvement concurrentiel de Microsoft. Le développement de pièces maitresses doit mener la firme de Redmond du jeu vidéo au « métavers », ce fameux monde virtuel en 3D qui devrait constituer <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/bitcoin/on-vous-explique-ce-qu-est-le-metavers-l-internet-du-futur-qui-fait-rever-la-tech_4757523.html">« l’Internet du futur »</a>.</p>
<h2>Fédérer une communauté</h2>
<p>Pour les géants du secteur, le succès dans les jeux vidéo repose sur le développement et le contrôle de franchises, ces suites de jeux devenus des blockbusters à partir desquels on peut créer contenus médias et produits dérivés. Avec l’acquisition d’Activision, ce sont par exemple Diablo ou Call of Duty, comptant parmi les <a href="https://www.senscritique.com/liste/Jeux_les_plus_vendus_de_tous_les_temps/987556">séries les plus vendues de tous les temps</a>, qui tombent dans l’escarcelle de Microsoft.</p>
<p>La stratégie était déjà bien amorcée depuis 2009 avec l’acquisition de Rare, puis couronnée de succès grâce à la prise de contrôle de Mojang (créateur du célébrissime Minecraft) en 2014. Elle s’est très nettement accélérée ces dernières années avec le rachat de 7 studios en 2018 et 2019 et l’acquisition de Bethesda et ses 8 studios en 2021 pour <a href="https://www.theverge.com/2022/1/19/22890225/microsoft-xbox-activision-blizzard-aqcuisition-game-studios">7,5 milliards de dollars</a>. Au total, Microsoft possède aujourd’hui <a href="https://news.microsoft.com/2022/01/18/microsoft-to-acquire-activision-blizzard-to-bring-the-joy-and-community-of-gaming-to-everyone-across-every-device/">30 studios</a>.</p>
<p>Posséder un large catalogue de jeux à succès est déterminant car les bénéfices de l’industrie ne reposent plus sur la vente de jeux mais sur la gestion des accès via les abonnements à des plates-formes. Entrent aussi en jeu les achats intégrés (items, ressources, monnaie de jeu, costumes de personnages, accès à du contenu ou des extensions de jeu, etc.) et la collecte et l’exploitation des données des joueurs. C’est ce que l’on appelle le jeu à la demande (GOD : game on demand), un peu comme Netflix et la VOD, mais pour les jeux.</p>
<p>Microsoft, via sa plate-forme Xbox Game Pass, fédère une communauté de 25 millions d’abonnés qu’il faut attirer et satisfaire en proposant un catalogue toujours plus étoffé. Avec le rachat d’Activision, Microsoft accède à un ensemble représentant une base de <a href="https://theconversation.com/microsoft-buys-activision-blizzard-with-the-video-game-industry-under-new-management-whats-going-to-change-175433">400 millions de joueurs actifs</a> répartis dans 190 pays.</p>
<h2>Conquérir de nouveaux segments de marché</h2>
<p>L’opération apporte un autre atout déterminant : l’accès au jeu sur mobile. Activision avait en effet racheté, pour 5,9 milliards de dollars en 2016, le studio King, créateur du célébrissime Candy Crush, un des jeux sur mobile les plus <a href="https://www.gamekult.com/actualite/sur-mobile-pubg-mobile-honor-of-kings-et-genshin-impact-sont-les-jeux-les-plus-rentables-en-2021-3050845253.html">rentables</a>. Ce segment, sur lequel Microsoft était peu présent, compte aujourd’hui pour <a href="https://www.statista.com/statistics/292751/mobile-gaming-revenue-worldwide-device/">52 % des ventes du secteur</a>, loin devant les jeux pour console (28 %) et pour PC (20 %). C’est donc une avancée concurrentielle importante pour Microsoft dont la stratégie reposait jusqu’à présent essentiellement sur les jeux pour console.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/444672/original/file-20220206-23-f83c9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/444672/original/file-20220206-23-f83c9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/444672/original/file-20220206-23-f83c9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/444672/original/file-20220206-23-f83c9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/444672/original/file-20220206-23-f83c9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/444672/original/file-20220206-23-f83c9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/444672/original/file-20220206-23-f83c9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/444672/original/file-20220206-23-f83c9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">En mettant la main sur Activision, Microsoft s’adjuge des jeux sur mobiles parmi les plus téléchargés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pexels/Pixabay</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Microsoft se renforce également sur le segment spécifique du jeu en ligne multi-joueurs, Activision possédant notamment World of Warcraft, un des leaders en la matière. En s’offrant par la-même la Major League Gaming, Microsoft entre enfin en force sur le marché du e-sport, dont la valeur est estimée à 1 milliard de dollars et qui regroupe une communauté active de plus de <a href="https://www.esports.net/news/the-billion-dollar-opportunity-of-esports/">200 millions de fans</a>. À tout cela s’ajoute un avantage en termes d’internationalisation des activités car Activision se trouve bien implanté sur le marché chinois, le <a href="https://www.statista.com/outlook/dmo/digital-media/video-games/worldwide#global-comparison">plus important du secteur</a> en volumes de ventes.</p>
<p>L’acquisition d’Activision permet à Microsoft de renforcer ses activités, d’accéder à de nouveaux segments de marché et de réaliser des synergies en combinant les compétences de création de contenu d’Activision avec ses propres capacités technologiques et de distribution. Il s’agit là de consolider une position face à des concurrents de diverses natures.</p>
<h2>Se positionner en diffuseur incontournable</h2>
<p>La presse spécialisée a annoncé tout récemment l’intention de Sony de lancer le <a href="https://www.dexerto.com/gaming/everything-we-know-about-project-spartacus-playstations-game-pass-rival-1739608/">projet Spartacus</a>. Le créateur de la console Play Station, numéro deux du secteur des jeux vidéo, souhaite développer un service visant à concurrencer le Game Pass de Microsoft en fusionnant ses deux offres Play Station Now (jeu en ligne ou à télécharger) et Play station Plus (jeux multi-joueurs en ligne). Car si l’entreprise japonaise est en effet devant Microsoft en ventes de consoles, elle reste en retard sur les offres d’abonnement.</p>
<p>Face à la montée de son concurrent direct, Microsoft a tout intérêt à rendre son propre catalogue de jeux le plus large possible pour accroître l’attractivité de sa plate-forme. Mais le contrôle du marché des consoles n’est sans doute pas l’objectif de Microsoft, qui vend depuis des années ses consoles Xbox à perte. La stratégie de Microsoft semble reposer surtout sur le développement du Game Pass. Dans ce secteur, les concurrents se nomment plutôt Apple, Google et Amazon.</p>
<p>Les deux premiers contrôlent non seulement les accès au jeu mobile via l’App store et le Google store mais ils se développent également directement dans le jeu avec <a href="https://www.apple.com/newsroom/2021/04/apple-arcade-expands-its-award-winning-catalog-to-more-than-180-games/">Apple Arcade</a> et <a href="https://www.businessinsider.com/how-does-stadia-work?r=US&IR=T">Google Stadia</a>. De son côté, <a href="https://www.theverge.com/2021/9/22/22686351/amazon-games-christoph-hartmann-twitch-luna-new-world">Amazon ne cache pas ses ambitions</a> : le géant de la distribution en ligne a déjà créé son premier jeu, New World, a développé Amazon Prime Gaming, qui propose mensuellement une <a href="https://www.cnetfrance.fr/news/amazon-prime-gaming-jeux-gratuits-mois-39865480.htm">sélection de jeux offerts</a>, a lancé l’année dernière un service de cloud gaming, <a href="https://www.businessinsider.com/guides/tech/luna-amazon-cloud-gaming-streaming-service-ubisoft-2020-9?r=US&IR=T">Luna</a>, et possède la plate-forme <a href="https://www.investopedia.com/investing/how-does-twitch-amazons-video-game-streaming-platform-make-money/">Twitch</a>.</p>
<p>Avec l’acquisition d’Activision, Microsoft se positionne lui-même comme un diffuseur incontournable dans le cloud gaming en associant un catalogue attractif à son Game Pass. Il étoffe et fidélise sa communauté de joueurs, qui est sans doute la ressource la plus précieuse et celle qui lui ouvre les portes du métavers.</p>
<h2>Se distinguer de Meta</h2>
<p>Facebook est récemment devenu Meta et Marc Zuckerberg a présenté en détail son projet de métavers, un espace virtuel permettant des interactions sociales et commerciales en utilisant la réalité virtuelle et la réalité augmentée. Dans sa conférence d’annonce de l’acquisition d’Activision, Satay Nadella, le PDG de Microsoft, a lui aussi précisé, à plusieurs reprises, ses intentions de devenir un acteur majeur en la matière. Il s’est positionné clairement contre Méta en proposant une vision autoproclamée plus ouverte du métavers.</p>
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<p>À la suite de ses diverses tentatives ratées de pénétrer le secteur des réseaux sociaux en rachetant <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/09/14/rejet-de-l-offre-de-microsoft-pour-racheter-tiktok_6052048_4408996.html">TikTok</a>, <a href="https://www.20minutes.fr/high-tech/3026191-20210421-discord-fin-negociations-rachat-microsoft">Discord</a> ou <a href="https://www.challenges.fr/monde/microsoft-pinterest-les-raisons-d-un-flirt-sans-lendemain_751088">Pinterest</a>, le jeu vidéo semble être la voie principale qu’il choisit finalement pour accéder au métavers. Tout comme Méta, Microsoft a développé étape par étape les pièces maitresses composant l’architecture du métavers. Citons ici son casque de réalité augmentée Hololens, sa plate-forme de réalité virtuelle Horizon World, la deuxième plus grande plate-forme cloud avec Azure, des investissements dans les cryptomonnaies, le développement d’avatar 3D pour l’application de visioconférences Teams, ses réseaux sociaux spécialisés LinkedIn et GitHub, et, surtout, sa plate-forme de collaboration virtuelle holographique Mesh.</p>
<p>Ces éléments certes nécessaires ne permettent cependant pas à Microsoft de se distinguer franchement de Meta. La firme créée par Bill Gates et Paul Allen peut en revanche se différencier grâce à sa position de force dans les jeux. Ils sont une porte d’entrée privilégiée dans le métavers non seulement parce qu’ils en seront une des applications principales, mais aussi parce qu’il y a là un formidable intégrateur de communauté en ligne.</p>
<h2>En pleine confiance</h2>
<p>Les planètes se sont même alignées de façon heureuse pour Microsoft. Le tourbillon dans lequel Activision est entrainé avec les accusations de sexisme et de harcèlement sexuel en son sein l’a très certainement fragilisé et rendu plus facile à acquérir pour Microsoft. Et l’annonce peut être effectuée dans un timing parfait, quelques semaines à peine après le lancement de Meta</p>
<p>Il reste encore à passer de l’annonce à la réalisation de l’acquisition, prévue pour 2023. Une étape importante en sera la validation par les autorités de régulation de la concurrence. Et à ce niveau, les planètes ne semblent plus vraiment alignées car la Federal Trade Commission et le Département de la Justice aux États-Unis ont annoncé ce même 18 janvier, quelques heures à peine après l’information du rachat d’Activision par Microsoft, qu’elles souhaitaient <a href="https://www.vox.com/recode/22893117/microsoft-activision-antitrust-big-tech">renforcer les lois anti-trust</a> et porter une attention toute particulière aux Big Tech.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1489652729836412931"}"></div></p>
<p>Microsoft, qui a longtemps été marqué par le traumatisme de son procès anti-trust et ses amendes record qui ont <a href="https://www.vox.com/recode/22893117/microsoft-activision-antitrust-big-tech">failli entrainer son démantèlement</a> il y 20 ans, semble néanmoins aujourd’hui en pleine confiance, comme en témoigne son PDG Satya Nadella. La firme a même accepté d’inclure dans le contrat d’acquisition des <a href="https://www.nytimes.com/2022/01/19/business/dealbook/microsoft-activision-deal.html">pénalités de 3 milliards de dollars</a> qui seraient versées à Activision si l’affaire ne devait pas être conclue.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176520/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Prévot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La firme fondée par Bill Gates et Paul Allen s’attache des compétences techniques et humaines, mais se donne aussi les moyens d’anticiper la concurrence en misant notamment sur le jeu.Frédéric Prévot, Professeur de Stratégie et Management International, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1755642022-02-06T17:55:04Z2022-02-06T17:55:04ZCross-check, le système critiqué que Meta (Facebook) tente de tourner à son avantage<p>Créé en 2013 selon les dires de Meta, le système appelé « cross-check » cherche à éviter que certains contenus publiés sur Facebook ne soient retirés de la plate-forme à cause d’un processus de modération qui aurait été mis en œuvre de façon excessivement rigoureuse. Il s’agirait, en somme, d’une forme de précaution additionnelle, ajoutée dans le but de réduire le plus possible les atteintes à l’exercice de la liberté d’expression sur la plus populaire des plates-formes de réseaux sociaux.</p>
<p>C’est en tous cas la façon dont Meta décrit ce mécanisme : présenté sous cet angle, il semble être une addition bienvenue à la complexe machinerie qui, en coulisses, fait fonctionner la plate-forme et s’efforce de répondre aux attentes souvent contradictoires d’une multitude d’acteurs.</p>
<p>Plusieurs traits de « cross-check » invitent cependant à une lecture plus critique de sa raison d’être et de son fonctionnement.</p>
<h2>Un manque chronique de transparence</h2>
<p>D’abord, Meta n’a publiquement communiqué au sujet de ce système qu’en 2018, non par volonté spontanée de transparence mais contrainte et forcée, en réaction à un documentaire de <a href="https://www.channel4.com/press/news/dispatches-investigation-reveals-how-facebook-moderates-content">Channel 4</a>, basé sur les révélations d’un reporter infiltré dans un centre de modération à Dublin.</p>
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<p>Pressée de réagir après ces révélations, l’entreprise avait alors <a href="https://about.fb.com/news/2018/07/working-to-keep-facebook-safe/">reconnu</a> que la modération des contenus publiés par certains comptes était confiée à des équipes spéciales « pour s’assurer que (ses) politiques avaient été appliquées correctement ».</p>
<p>Jusqu’en <a href="https://web.archive.org/web/20210820023210/https:/transparency.fb.com/enforcement/detecting-violations/reviewing-high-visibility-content-accurately/">août 2021</a>, les explications de Meta sur le sujet se limitaient à signaler dans son <em>Centre de Transparence</em> que « ce processus, que nous appelons cross-check, signifie que nos équipes de révision évaluent ce contenu à plusieurs reprises ».</p>
<p><a href="https://www.francetvinfo.fr/internet/reseaux-sociaux/facebook/facebook-files-ce-qu-il-faut-retenir-des-revelations-accablantes-de-la-lanceuse-d-alerte-frances-haugen_4796783.html">Les révélations en septembre dernier</a> de la lanceuse d’alerte Frances Haugen, relayées par <a href="https://www.wsj.com/articles/facebook-files-xcheck-zuckerberg-elite-rules-11631541353"><em>The Wall Street Journal</em></a> puis reprises par le <a href="https://www.oversightboard.com/news/3056753157930994-to-treat-users-fairly-facebook-must-commit-to-transparency/">« Conseil de Surveillance »</a> ont poussé Meta à fournir une <a href="https://transparency.fb.com/enforcement/detecting-violations/reviewing-high-visibility-content-accurately/">description</a> du système plus digne de ce nom.</p>
<p>Cependant, le flou demeure sur de nombreux points, comme l’identité des comptes qui bénéficient de ces précautions redoublées, les conditions précises d’éligibilité ou les volumes concernés. Alors que la compagnie n’a de cesse de souligner, à juste titre, que ses rapports trimestriels de transparence sont de plus en plus complets, cross-check n’y a toujours pas trouvé sa place.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/fermeture-des-comptes-de-donald-trump-facebook-et-sa-cour-supreme-en-quete-de-legitimite-155064">Fermeture des comptes de Donald Trump : Facebook et sa « Cour suprême » en quête de légitimité</a>
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<p>Dans son propre rapport de transparence, ce même Conseil de Surveillance a <a href="https://www.oversightboard.com/news/215139350722703-oversight-board-demands-more-transparency-from-facebook/">ouvertement reproché</a> à Meta de ne pas avoir été franche dans ses échanges avec lui concernant ce mécanisme. Il souligne que ce manque de transparence a porté atteinte à sa capacité à prendre des décisions, notamment dans le cas de la <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2021/06/04/facebook-va-durcir-sa-moderation-pour-les-chefs-d-etat-et-de-gouvernement_6082826_4408996.html">fermeture du compte Facebook</a> de l’ancien président des États-Unis Donald Trump.</p>
<h2>Un traitement de faveur pour des comptes de premier plan ?</h2>
<p>Ensuite, la logique qui sous-tend cross-check prête le flanc à au moins une objection de fond : dans sa mouture initiale, seuls certains comptes bénéficiaient de ce programme qui conditionne tout éventuel retrait de contenu à un examen minutieux en plusieurs étapes, tandis que le reste des comptes se voyaient soumis au processus classique, critiqué entre autres pour son caractère expéditif.</p>
<p>Quels étaient donc ces comptes faisant l’objet d’un traitement privilégié ? Là encore, le manque de transparence de Meta sème le trouble, car la compagnie ne <a href="https://transparency.fb.com/enforcement/detecting-violations/reviewing-high-visibility-content-accurately/">fournit</a>, à titre d’exemple, qu’une liste ouverte composée d’élus, journalistes, partenaires commerciaux significatifs et organisations de défense des droits de l’homme.</p>
<p>On peut aisément imaginer qu’il existe de nombreuses bonnes raisons pour traiter au moins certains de ces acteurs avec le plus de précautions possibles, spécialement quand la liberté de la presse ou la défense de droits de l’homme sont en jeu. Cross-check est sans aucun doute utile pour éviter de censurer des images violentes lorsque celles-ci permettent de dénoncer, par exemple, des violences policières ou plus généralement des agissements illégaux.</p>
<p>Mais il est tout aussi facile d’identifier des cas de figure pour lesquels un traitement de faveur serait clairement injustifié, comme une modération sur mesure guidée par des considérations économiques ou le désir d’éviter des réactions épidermiques de la part de groupes ou de personnalités politiques influents.</p>
<p>Dans ce cas de figure, ce système permettrait en pratique d’exempter certains comptes de l’application mécanique et objective des règles en vigueur. Une faculté certainement utile pour Meta qui a de façon répétée tenté de donner des gages contre les accusations de « biais anticonservateur » dont elle a souvent fait l’objet de la part de ceux qui s’en considèrent victimes.</p>
<p>Cette éventualité n’est pas que théorique : par exemple, certains hommes politiques républicains <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/2022/01/11/gop-lawmakers-baseless-election-theft-posts-went-unchecked-by-twitter-facebook/">ont pu</a> à plusieurs reprises dénoncer sur Facebook une prétendue « fraude massive » lors de l’élection présidentielle de 2020, et ce malgré les règles en vigueur sur la plate-forme en la matière.</p>
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<img alt="Une manifestante pose avec une installation représentant Mark Zuckerberg surfant sur une vague d’argent" src="https://images.theconversation.com/files/442547/original/file-20220125-13-i02nkb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/442547/original/file-20220125-13-i02nkb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/442547/original/file-20220125-13-i02nkb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/442547/original/file-20220125-13-i02nkb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/442547/original/file-20220125-13-i02nkb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/442547/original/file-20220125-13-i02nkb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/442547/original/file-20220125-13-i02nkb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Manifestation devant le Parlement à Londres le 25 octobre 2021, alors que la lanceuse d’alerte, Frances Haugen, est sur le point de témoigner.</span>
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<p>Meta se défend bien évidemment de ces suspicions, en soulignant que ses standards de la communauté s’appliquent également à tous. Cependant, force est de constater que, dans les faits, certains contenus sont aiguillés vers un centre de tri où ils sont manipulés avec bien plus de soin que le tout-venant. Sur ce point, le Conseil de Surveillance a lui-même <a href="https://oversightboard.com/decision/FB-691QAMHJ/">souligné</a> que « différents procédés peuvent conduire à des résultats concrets différents ».</p>
<h2>Un programme centré exclusivement sur les faux positifs</h2>
<p>La modération de contenus est une entreprise intrinsèquement périlleuse qu’il est impossible d’exécuter sans faux-pas : ni les ressources technologiques déployées, ni les moyens humains mobilisés ne sauraient éliminer totalement les cas de faux positifs (retraits indus) ou de faux négatifs (contenus attentatoires maintenus en ligne).</p>
<p>Présenté comme un moyen de réduire au maximum la marge d’erreur, cross-check se limite en fait à la chasse aux faux positifs. Cette conception restrictive du programme interpelle. Face à des cas difficiles, Meta est par défaut censée donner la priorité à la liberté d’expression (<a href="https://about.fb.com/news/2019/10/mark-zuckerberg-stands-for-voice-and-free-expression/"><em>to</em> <em>err on the side of a greater expression</em></a>).</p>
<p>L’application de ce principe produit nécessairement un certain nombre de faux négatifs, ce qui justifierait que le programme s’efforce également de détecter ces cas de figure. D’autant plus que la permanence en ligne de contenus qui violent les règles de la plate-forme est en elle-même source de risques à de nombreux niveaux, comme le contexte actuel le souligne de façon si insistante.</p>
<h2>Cross-check : une évolution déjà entamée, une direction qui reste à définir</h2>
<p>Une fois le programme connu et ses défauts pointés du doigt, Meta n’a pas ménagé ses efforts pour justifier la raison d’être de cross-check aux yeux du public et contrecarrer la désastreuse image d’une modération à deux vitesses.</p>
<p>Le changement de nom du programme relevait sans nul doute de cette logique : sa désignation initiale – <a href="https://www.channel4.com/press/news/dispatches-investigation-reveals-how-facebook-moderates-content">« shielded review »</a> – laissait clairement transparaître l’idée d’une protection spéciale concédée à certains utilisateurs. En comparaison, « cross-check » met davantage l’accent sur l’intention de détecter de possibles erreurs : puisqu’elle s’était retrouvée <em>de facto</em> dans l’obligation d’assumer l’existence officielle du programme, Meta se devait de corriger le tir en matière de communication.</p>
<p>De façon autrement plus substantielle, son fonctionnement a été revu, ou plutôt complété en 2020 avec l’introduction d’une « révision secondaire générale », ajoutée aux côtés du dispositif déjà existant, à présent désigné comme « révision secondaire de réponse rapide ».</p>
<p>Alors que ce dernier continue à fonctionner sur la base d’une liste préétablie (et évolutive) de comptes pour lesquels le processus de modération suit des règles particulières, le nouveau programme permet de soumettre virtuellement tout contenu à cross-check, du moment que celui-ci répond à une série de conditions basées sur des indicateurs objectifs… qui ne laissent pas totalement de côté les caractéristiques propres du compte sur lequel il a été publié. Cette initiative permet de « démocratiser » en quelque sorte l’accès au programme, mais préserve l’existence d’une caste d’utilisateurs qui en bénéficient par défaut, et qui restent désignés selon des critères obscurs.</p>
<p>En septembre 2021, Meta a soumis à son « Conseil de Surveillance » une <a href="https://about.fb.com/news/2021/09/requesting-oversight-board-guidance-cross-check-system/">demande de recommandations</a> sur la manière de « continuer à améliorer son système cross-check », dans le sens d’une plus grande équité entre utilisateurs et d’une transparence accrue. Cette sollicitation, que le Conseil a acceptée, donnera à ce dernier l’occasion de formuler de nombreuses questions pour lesquelles il n’avait jusqu’alors pas obtenu de réponses satisfaisantes – ou pas de réponse du tout.</p>
<p>De la sorte, Meta tente de transformer un programme opaque aux intentions discutables en un facteur d’amélioration de son modèle de modération. Une amélioration qui sera superficielle ou substantielle en fonction du cas qui sera fait des recommandations du Conseil de Surveillance, que l’on peut anticiper ambitieuses et vastes, dans la lignée de ses précédentes prises de position.</p>
<p>Quels que soient les développements à venir autour de cross-check, une constante est de plus en plus claire : pour que Meta tente de faire évoluer ses procédures vers plus de transparence, de cohérence et de prise en compte de sa propre responsabilité, elle a besoin d’être soumise à des pressions diverses, provenant d’acteurs externes à elle-même.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175564/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Barthélémy Michalon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un dispositif de vérification des contenus mis en place par Facebook suscite de nombreuses critiques. Il permettrait au réseau social d’avantager certains usagers « stars » au détriment des autres.Barthélémy Michalon, Doctorant en Sciences Politiques, mention Relations Internationales, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.