tag:theconversation.com,2011:/au/topics/infox-60765/articlesinfox – The Conversation2023-07-03T16:58:12Ztag:theconversation.com,2011:article/2080712023-07-03T16:58:12Z2023-07-03T16:58:12ZOpération Doppelgänger : quand la désinformation russe vise la France et d’autres pays européens<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/534919/original/file-20230629-12044-v0fp6i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C24%2C5472%2C3317&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des mois durant, des copies de sites de grands médias ou de ministères occidentaux ont été mises en ligne, affichant des contenus visant à faire pencher les internautes dans le sens de la Russie dans sa guerre contre l’Ukraine.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Thx4Stock/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Mi-juin, le site du ministère français des Affaires étrangères a été victime d’un <a href="https://www.europe1.fr/international/desinformation-doppelganger-loperation-de-destabilisation-numerique-visant-la-france-4188694">« clonage »</a>. Pendant une durée qui n’a pas encore été définie avec exactitude, une partie des internautes croyant se connecter sur le véritable site ont été exposés à des messages présentés comme des communiqués du ministère mais reprenant en réalité la propagande russe sur la guerre qui oppose actuellement Moscou à Kiev.</p>
<p>Les sites de plusieurs médias français – ceux du <em>Monde</em>, de <em>20 Minutes</em>, du <em>Figaro</em> ou encore du <em>Parisien</em> <a href="https://www.huffingtonpost.fr/international/article/guerre-en-ukraine-qu-est-ce-que-l-operation-doppelganger-que-la-russie-a-menee-en-france_219177.html">ont connu le même sort</a>, ainsi qu’un certain nombre de médias allemands, britanniques ou encore italiens. Certains de ces « clones » sont restés actifs durant des semaines.</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2017-3-page-145.htm">À défaut d’être originale</a>, cette opération, surnommée « Doppelgänger » (mot allemand signifiant « double » ou « sosie »), est notable par son ampleur et par certaines de ses modalités. Identifiée depuis plusieurs mois, elle a fait l’objet d’analyses poussées, <a href="https://www.disinfo.eu/doppelganger/">notamment de la part de l’EU DisinfoLab</a>, l’organe de lutte contre la désinformation de l’UE.</p>
<p>En outre – et ce n’est pas anodin, car il est toujours délicat d’attribuer de tels agissements à des acteurs précis –, le ministère français des Affaires étrangères a cette fois affirmé avec assurance que <a href="https://www.bfmtv.com/international/asie/russie/la-ministre-des-affaires-etrangeres-denonce-une-campagne-de-desinformation-en-provenance-de-russie_AD-202306130560.html">l’attaque a été organisée par les autorités russes</a>.</p>
<h2>Une pratique ancienne, des méthodes nouvelles</h2>
<p>La pratique consistant à réaliser des copies de certains sites, suffisamment fidèles pour que les internautes ne détectent pas l’usurpation d’identité et accordent leur confiance à ces clones malveillants, existe depuis des années sous la dénomination de <a href="https://www.kaspersky.fr/resource-center/definitions/what-is-typosquatting">« typosquatting »</a>. De telles méthodes avaient déjà pu être observées <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2021/05/12/le-site-vite-ma-dose-parasite-par-un-site-vaccinosceptique_6079997_4355770.html">pendant la pandémie de Covid-19</a>, et dès avant l’ère numérique, au travers de la diffusion de contrefaçons de journaux, en particulier durant la guerre froide.</p>
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<p>Les premiers sites reconnus comme étant liés à la campagne Doppelgänger sont apparus en juin 2022, pour atteindre quelque 50 contrefaçons répertoriées.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1668287423170637824"}"></div></p>
<p>Le seul fait que ces différents sites clonés partagent tous la même thématique – promouvoir la vision russe de la guerre en Ukraine – ne suffit pas à affirmer avec certitude qu’ils sont liés entre eux. En revanche, les éléments fournis par les analyses techniques ont permis de démontrer qu’ils relèvent tous d’une même campagne.</p>
<p>En effet, à l’examen des différents sites, des caractéristiques communes apparaissent. Par exemple, les vidéos accompagnant les articles contrefaits avaient des métadonnées et des formats de nom communs, et étaient hébergées sur les mêmes serveurs. En outre, les liens contenus sur les Doppelgänger renvoyaient tous vers les sites authentiques des médias dont l’identité était contrefaite, afin de rendre les sites clonés plus crédibles.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/534906/original/file-20230629-27-qsl40m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534906/original/file-20230629-27-qsl40m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534906/original/file-20230629-27-qsl40m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534906/original/file-20230629-27-qsl40m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534906/original/file-20230629-27-qsl40m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534906/original/file-20230629-27-qsl40m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534906/original/file-20230629-27-qsl40m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Capture d’écran du faux site du Parisien mis en place dans le cadre de l’opération Doppelgänger.</span>
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<p>Ajoutons que les sites ont initialement été hébergés sous réseau de diffusion de contenu (Content Delivery Network – CDN). Il s’agit d’un groupe de serveurs répartis dans diverses régions dont la coordination permet d’accélérer la diffusion d’un contenu, mais aussi de mieux résister aux attaques par déni de service (DDOS) qui visent à saturer un serveur jusqu’à rendre un site inaccessible : la multiplication des serveurs rend la surcharge plus difficile à mettre en place. Un autre avantage particulièrement appréciable, en l’espèce, est la multiplication des pistes à suivre pour qui voudra remonter jusqu’à l’origine de l’action.</p>
<p>Les chercheurs de plusieurs organismes parmi lesquels <a href="https://www.qurium.org/alerts/under-the-hood-of-a-doppelganger/">Qurium</a>, ont analysé les domaines de premier niveau (top-level domain -TLD), qui apparaissent à la fin du nom de domaine utilisé par les faux sites : ltd, fun, ws, today, cfd, asia et autres. Ils ont ensuite collecté et analysé les certificats de SSL qui sécurisent la communication entre le navigateur et le site pour constater que la cinquantaine de domaines déployés en quelque dix semaines était exploitée par un petit nombre de sites d’hébergement.</p>
<p>Un point intéressant, tant du point de vue technique que de la stratégie employée, réside dans la géolocalisation et, plus exactement, le géoblocage des internautes. En effet, les clones des journaux allemands (huit des principales agences de presse du pays ont été victimes de cette opération) ne pouvaient être consultés que depuis une adresse IP identifiée en Allemagne. Toute autre localisation dirigeait vers un autre site, totalement décorrélé du Doppelgänger, notamment un site menant vers un conte de Grimm. Il en allait de même pour les clones britanniques, italiens ou français – spécificité qui a rendu l’analyse plus compliquée, montrant une finesse des stratèges ayant mis en œuvre cette opération.</p>
<h2>L’enjeu de la viralité</h2>
<p>L’étude des cookies utilisés par les Doppelgänger a montré qu’ils employaient un logiciel de suivi de flux et de trafic, <a href="https://keitaro.io/en/">Keitaro</a>. Le choix de ce logiciel témoigne de connaissances en marketing et laisse supposer que l’équipe inclut des acteurs familiers des milieux de la publicité. Grâce à ce logiciel, les différents contenus peuvent être suivis comme des campagnes à part entière, laissant supposer que les auteurs des sites ont voulu avoir une vision très précise des performances de ceux-ci (fréquentation, temps passé par les internautes à les consulter, etc.).</p>
<p>L’intégration à l’opération informationnelle de ces pratiques venues du marketing est loin d’être anodine. En effet, l’un des enjeux des opérations d’influence est de générer une viralité suffisante pour atteindre le public le plus large possible. On constate que cet objectif était particulièrement recherché par les auteurs des Doppelgänger. Les articles contrefaits ont ainsi été largement diffusés sur les réseaux sociaux par l’entremise de nombreux comptes, dont une bonne partie était des faux. Une fois utilisés, la plupart de ces comptes ont été abandonnés par leurs propriétaires, rappelant la destruction de « comptes brûlés ».</p>
<p>Pour augmenter la viralité et l’impact d’un contenu contrefait, l’un des moyens les plus efficaces est de parvenir à ce qu’un média le reprenne : il bénéficiera alors d’une légitimité et d’une caisse de résonance nettement supérieures à celles offertes par les seuls réseaux sociaux où ses promoteurs l’afficheront.</p>
<p>Toujours dans cette recherche de viralité, on a pu observer que les auteurs de l’opération ont réalisé une forme d’investissement en achetant des espaces de publicité sur les réseaux sociaux.</p>
<h2>Comment évaluer l’impact de Doppelgänger ?</h2>
<p>Un élément central reste ambigu : la mesure de l’effet de la campagne d’influence. Pour mesurer l’impact d’une opération informationnelle, il faudrait, de fait, disposer d’un point de mesure delta à partir duquel procéder à un comparatif. Or il est difficile de dater avec précision le début d’une opération informationnelle par nature discrète, ce qui permettrait de tenter d’en mesurer les répercussions sur la période suivante. En outre, à supposer que cette condition soit remplie, il faudrait encore pouvoir isoler les variables à l’origine de l’infléchissement des comportements ou des points de vue afin de mesurer l’incidence de l’opération d’influence sur ces modifications.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/534917/original/file-20230629-12044-xe1vkl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/534917/original/file-20230629-12044-xe1vkl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534917/original/file-20230629-12044-xe1vkl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534917/original/file-20230629-12044-xe1vkl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534917/original/file-20230629-12044-xe1vkl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534917/original/file-20230629-12044-xe1vkl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=552&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534917/original/file-20230629-12044-xe1vkl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=552&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534917/original/file-20230629-12044-xe1vkl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=552&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Capture d’écran du faux site du ministère des Affaires étrangères, où est « annoncée » une nouvelle taxe visant à financer l’effort de guerre ukrainien.</span>
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<p>L’appréciation de la portée d’une telle opération reste un point sensible pour les cibles comme pour les attaquants. Si <a href="https://ojs.aaai.org/index.php/ICWSM/article/view/14169">plusieurs recherches</a> ont établi des <a href="https://doi.org/10.1016/j.chb.2015.01.024">liens</a> entre <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-de-psychosociologie-de-gestion-des-comportements-organisationnels-2022-73-page-85.htm">viralité et persuasion</a> et, plus récemment, mis en évidence <a href="https://www.cairn.info/revue-questions-de-management-2021-7-page-24.htm">l’effet de l’enfermement dans des bulles informationnelles</a> la mesure, et plus encore la prévision, demeure un enjeu significatif et un point sensible.</p>
<p>Un point également intéressant tient à la réutilisation en Russie de ces contenus. Certains d’entre eux ont été diffusés par des médias russes, qui les présentaient comme de vraies informations parues sur les sites officiels occidentaux visés, et ont enregistré d’importants taux de visite et de lecture.</p>
<p>En effet, il est nécessaire de garder à l’esprit qu’une campagne informationnelle, si elle a une cible initiale, pourra être récupérée et servir à conforter des rhétoriques locales. De tels effets vont au-delà de ceux initialement escomptés sur des publics étrangers.</p>
<h2>La réaction des Occidentaux et des Russes</h2>
<p>La réaction officielle à l’égard de cette opération d’influence appelle une observation particulière.</p>
<p>En effet, comme pour les attaques cyber sur les systèmes, les opérations informationnelles, particulièrement celles usant de formats numériques, posent un problème quant à leur attribution à un auteur. Si les éléments techniques peuvent être utiles, ils ne suffisent cependant pas à remonter toute la ligne de commandement à l’origine de l’action analysée.</p>
<p>Dans ce cas particulier, si des noms de fichiers étaient en russe, si les fuseaux horaires à partir desquels les auteurs des campagnes de Doppelgänger ont officié correspondaient, notamment, à la région d’Irkoutsk, cela ne suffit pas pour incriminer avec une certitude absolue la Russie, car les hackers auraient parfaitement pu être engagés par un commanditaire privé ou étatique d’un pays tiers.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1578648845957070850"}"></div></p>
<p>Si le « qui bono » ainsi que les thématiques retenues pointent vers la Russie, la possibilité pour Moscou d’adopter une position de déni plausible rend ces opérations particulièrement séduisantes, car elles augmentent l’épaisseur du fameux brouillard de la guerre. C’est pour cette raison que les éditeurs de sécurité et les agences nationales restent prudents dans leurs rapports. À défaut de pouvoir prouver à 100 % l’implication directe d’un État, ils préféreront parler, par exemple, d’acteurs sinophones, russophones ou hispanophones.</p>
<p>Dans le cas de Doppelgänger, la ministre française des Affaires étrangères n’a pas pris de précautions de langage. En <a href="https://www.sudouest.fr/international/europe/ukraine/guerre-en-ukraine-des-agissements-indignes-la-france-denonce-une-vaste-campagne-de-desinformation-russe-15556142.php">déclarant</a> que les autorités françaises avaient « mis en évidence l’existence d’une campagne numérique de manipulation de l’information [..] impliquant des acteurs russes et à laquelle des entités étatiques ou affiliées à l’État russe ont participé », l’État français, par la voix de Catherine Colonna, a opté pour une prise de position ferme qui intervient, certes, au lendemain de l’attaque ayant visé le site du ministère, mais aussi au moment où la <a href="https://theconversation.com/contre-offensive-ukrainienne-pourquoi-et-pour-quoi-207557">contre-offensive ukrainienne vient de démarrer</a> et à la veille de la <a href="https://www.nato.int/cps/fr/natohq/news_214116.htm">réunion de l’OTAN des 11-12 juillet</a>, qui débattra largement de la situation ukrainienne et de l’action russe.</p>
<p>Pour autant, la campagne Doppelgänger était à peine annoncée dans les médias grand public que des profils connus, vrais et faux, y ont réagi en mettant en doute la véracité des enquêtes menées et en cherchant à réorienter le débat vers les lignes éditoriales et l’impartialité des journaux occidentaux en général. Cette ligne de défense a notamment été employée par <a href="https://headtopics.com/fr/desinformation-russe-en-france-le-vice-president-de-la-douma-accuse-catherine-colonna-de-mentir-40207613">Piotr Tolstoï</a>, le vice-président de la Douma.</p>
<p>On le voit : si les campagnes informationnelles restent au cœur de l’actualité des conflits, elles peuvent déborder au-delà des États directement impliqués dans la guerre. Si les États occidentaux avaient déjà pris la mesure de leur existence et du danger qu’elles représentent, ils adoptent aujourd’hui, à l’image de la France, une attitude plus claire et moins timide que par le passé en matière d’attribution de ces opérations. Cette évolution fait échos à la ligne adoptée par la lutte informatique d’influence (L2I) <a href="https://www.defense.gouv.fr/ema/actualites/armees-se-dotent-dune-doctrine-militaire-lutte-informatique-dinfluence-l2i">annoncée fin 2021 par Florence Parly, alors ministre des Armées</a>, dont il ressort que la France cherche à mieux comprendre ce nouvel espace de conflictualité et ne s’interdit pas de réaliser elle-même des opérations d’influence numériques, cependant <a href="https://www.linkedin.com/feed/update/urn:li:activity:7079448802348175360/">encadrées par un cadre éthique strict</a>.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie les 28 et 29 septembre 2023 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208071/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christine Dugoin-Clément ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une cinquantaine de sites occidentaux ont récemment été « clonés » afin de diffuser un message allant dans le sens des intérêts de la Russie. Radioscopie d’une opération d’influence.Christine Dugoin-Clément, Analyste en géopolitique, membre associé au Laboratoire de Recherche IAE Paris - Sorbonne Business School, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chaire « normes et risques », IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2050732023-05-08T18:06:23Z2023-05-08T18:06:23ZAux États-Unis, avec l’affaire Dominion vs Fox News, la désinformation a désormais un prix<p><a href="https://int.nyt.com/data/documenttools/dominion-fox-news/54e33f20f7fb6e8d/full.pdf">Le très attendu procès</a> opposant l’entreprise spécialisée dans la fabrication de machines à voter électroniques Dominion Voting Systems à Fox News Channel, dont la maison mère est Fox Corporation, s’est ouvert le 17 avril 2023… et s’est clos dès le lendemain, le 18 avril, <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2023/apr/18/dominion-wins-but-the-public-loses-fox-settlement-avoids-paying-the-highest-price">par un règlement à l’amiable</a>.</p>
<p>En échange de l’abandon des poursuites, Fox News a accepté de verser la somme de 787,5 millions de dollars à Dominion. Celle-ci avait traîné la chaîne devant les tribunaux pour diffamation, Fox News ayant amplement affirmé, trois ans durant, que les machines de Dominion avaient permis à Joe Biden de « voler » l’élection présidentielle de 2020 à Donald Trump.</p>
<p>Cette séquence juridique aura été amplement commentée. Faut-il y voir une défaite sans appel des tenants des fake news et théories du complot ou bien, au contraire, le signe que, désormais, tout se monnaie, y compris le droit de diffuser des informations mensongères ?</p>
<h2>Quand Fox News accusait Dominion d’avoir truqué l’élection de 2020</h2>
<p><a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/11/20/qu-est-ce-que-dominion-le-logiciel-electoral-attaque-par-donald-trump_6060562_4408996.html">Dominion Voting Systems</a> est une entreprise qui édite un logiciel électoral et vend des « urnes numériques », ce qui permet de voter à distance. Entreprise canadienne créée en 2003, elle est le deuxième fournisseur de services électoraux aux États-Unis, derrière l’américain <a href="https://www.essvote.com/">Election Systems and Software</a>, créé dès 1979. Et ce, dans un <a href="https://www.reuters.com/graphics/USA-ELECTION/VOTING/mypmnewdlvr/">écosystème bien établi</a> du fait des distances à couvrir pour aller voter, des millions d’électeurs à traiter et de la confiance implicite des Américains dans la technologie. En 2020, <a href="https://www.newsweek.com/dominion-voting-systems-categorically-denies-election-tech-glitches-following-trump-accusations-1547405">28 États ont utilisé Dominion</a>, dont les États-pivots que sont la Georgie, le Michigan, la Pennsylvanie et le Wisconsin.</p>
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<p>La plainte de Dominion concernait les théories du complot propagées par Fox News selon lesquelles les urnes auraient été manipulées pour truquer le résultat des élections 2020 en faveur de Joe Biden, au détriment de Donald Trump.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1648450762295611397"}"></div></p>
<p>Les accusations de fraude électorale furent nombreuses, <a href="https://www.lefigaro.fr/elections-americaines/trump-accuse-les-democrates-lui-voler-l-election-20201106">relayées par Donald Trump</a> sur Twitter dès le 12 novembre (soit une semaine après l’annonce des résultats) et reprises par <a href="https://www.foxnews.com/opinion/tucker-carlson-2020-presidential-election-rigged-big-tech-mainstream-media">Fox News</a>, <a href="https://www.politifact.com/factchecks/2021/jan/12/greg-kelly/newsmax-host-recycles-out-context-clip-call-joe-bi/">Newsmax</a> et un <a href="https://eu.usatoday.com/story/entertainment/tv/2021/01/11/dc-riots-how-newsmax-oan-conservative-outlets-fueled-mob/6589298002/">faisceau de médias pro-Trump</a>. Selon eux, des millions de votes auraient été effacés, des votes Trump auraient été attribués à Joe Biden, des vulnérabilités techniques auraient facilité le piratage, etc.</p>
<p>Suite à une série de <a href="https://abcnews.go.com/Politics/dominion-employees-latest-face-threats-harassment-wake-trump/story?id=74288442">harcèlements et même de menaces de mort</a> visant ses employés, Dominion a contre-attaqué, réclamant 1,6 milliard de dollars de dommages et intérêts pour compenser la perte de nombreux clients et la baisse de son chiffre d’affaires… et pour protéger sa réputation et son avenir dans le milieu très concurrentiel des services électoraux.</p>
<p>Fox News, quant à elle, s’est réclamée du Premier amendement, affirmant qu’elle était dans son droit en rapportant de telles théories, car celles-ci étaient « newsworthy » (dignes d’intérêt). Et d’ajouter que la somme demandée n’était pas réaliste, au vu du coût d’achat de Dominion (80 millions de dollars) en 2018 par ses nouveaux propriétaires, Staple Street Capital, un fonds d’investissement basé à New York.</p>
<p>L’affaire devait être jugée devant la Delaware Superior Court, reconnue pour ses compétences en matière de litiges technologiques et de droit à la concurrence.</p>
<h2>Fox News, machine de propagande pro-Trump</h2>
<p>Selon les preuves fournies par Dominion en préparation de son dossier, les présentateurs de Fox News auraient propagé ces infox pour satisfaire leur auditoire, largement acquis à Trump, lequel refusait de reconnaître sa défaite.</p>
<p>Fait sans précédent, les détails des échanges d’emails internes, des mémos et autres conversations entre les animateurs de talk-shows et la direction, y compris le propriétaire de Fox Corp, Rupert Murdoch, et son fils Lachlan (directeur en titre du réseau), <a href="https://www.businessinsider.com/rupert-murdoch-lachlan-dominion-smartmatic-lawsuit-fox-news-text-email-2021-12?r=US&IR=T">sont désormais publics</a>. Ils démontrent une mauvaise foi manifeste : les responsables de Fox News <a href="https://www.npr.org/2023/02/28/1160157733/rupert-murdoch-knew-fox-news-stars-were-endorsing-2020-election-lies-he-says">avaient conscience que leurs messages étaient mensongers</a> mais ont continué à les diffuser pour ne pas froisser les auditeurs… et surtout pour ne pas perdre les revenus attenants (les taux d’audience élevés de Fox lui permettent de vendre ses programmes aux autres chaînes câblées du pays, aux tarifs les plus forts).</p>
<p>Ce faisant, le personnel de Fox News a délibérément propagé de fausses informations pour complaire à l’extrême droite du Parti républicain, qui voit le média comme son porte-parole.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/524620/original/file-20230505-19-buudsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/524620/original/file-20230505-19-buudsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/524620/original/file-20230505-19-buudsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/524620/original/file-20230505-19-buudsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/524620/original/file-20230505-19-buudsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/524620/original/file-20230505-19-buudsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/524620/original/file-20230505-19-buudsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Manifestation de partisans de Donald Trump le 14 novembre 2020 à Washington, DC.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bob Korn/Shutterstock</span></span>
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<p>C’est la confirmation que Fox News est une machine de propagande en lien direct avec l’aile du parti qui est dominée par Donald Trump. Et cela, dans un contexte marqué par une concurrence croissante au sein de ce camp, où Fox doit se méfier d’autres organes plus radicaux comme NewsMax (de Christopher Rudy, ami proche de Donald Trump), War Room (de Steve Bannon, ancien directeur de campagne de Donald Trump) ou encore One America News Network (de Robert Herring Sr, conservateur pro-Trump).</p>
<h2>Pourquoi Dominion a accepté de transiger</h2>
<p>Si Dominion a, au dernier moment, accepté la transaction proposée par Fox News – 787,5 millions de dollars, ce qui correspond à la moitié de la somme réclamée –, c’est parce que l’entreprise n’avait pas la garantie qu’elle remporterait son procès pour diffamation.</p>
<p>Si le tribunal avait donné tort à Fox News, cette dernière aurait sans doute invoqué le <a href="https://mjp.univ-perp.fr/constit/us1787a.htm">Premier amendement de la Constitution</a> et fait appel devant la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cour-supreme-etats-unis-120273">Cour suprême</a>. Celle-ci défend traditionnellement la liberté d’expression et de la presse, et, dans sa configuration actuelle, est favorable à Trump (et donc, on peut imaginer, à Murdoch). Dominion a jugé que le risque n’en valait pas la chandelle et que ses révélations avaient suffi à rétablir sa réputation.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/politisation-de-la-cour-supreme-la-democratie-americaine-en-peril-173281">Politisation de la Cour suprême : la démocratie américaine en péril ?</a>
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<p>La compagnie n’a même pas demandé d’excuses officielles à Fox. Justin Nelson, l’avocat de Dominion, a pourtant <a href="https://transcripts.cnn.com/show/cg/date/2023-04-18/segment/01">commenté l’accord</a> en des termes non pas commerciaux mais politiques : « Les mensonges ont des conséquences. […] Ce jour représente un soutien retentissant à la vérité et à la démocratie. »</p>
<p>De son côté, <a href="https://www.nytimes.com/live/2023/04/18/business/fox-news-dominion-trial-settlement">Fox a émis un communiqué</a> ne reconnaissant pas sa culpabilité sur le fond de l’affaire :</p>
<blockquote>
<p>« Ce règlement reflète l’engagement continu de Fox à respecter les normes journalistiques les plus élevées. Nous espérons que notre décision de résoudre ce litige avec Dominion à l’amiable, au lieu de l’acrimonie d’un procès qui divise, permettra au pays d’aller de l’avant sur ces questions. »</p>
</blockquote>
<h2>Les retombées pour Fox et les autres diffuseurs de « fake news »</h2>
<p>En creux, cet épisode montre que la désinformation est désormais un business comme un autre, normalisé dans le contexte américain, qui peut se régler comme du droit commercial.</p>
<p>Certains considèrent que <a href="https://time.com/6272910/dominion-settlement-fox-news-nightmare/">Fox a essuyé une lourde défaite</a>. Verser cette somme faramineuse revient à reconnaître ses torts. La résolution hors procès est venue tard, avec des révélations sordides pour l’entreprise, montrant notamment son mépris envers le public, malgré la course à l’audience. Cette affaire peut mettre une limite à la propagande abusive et à la création malveillante de <a href="https://www.la-croix.com/Debats/faits-alternatifs-torpille-Kellyanne-2021-01-25-1201136896">« faits alternatifs »</a> pour reprendre l’expression de KellyAnne Conway. Elle peut obliger les diffuseurs des théories du complot à prendre davantage de précautions ou à se cacher dans des médias plus obscurs. <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20230425-tucker-carlson-et-fox-news-un-divorce-avec-pertes-et-fracas-pour-tous">Le renvoi rapide et sans appel de Tucker Carlson</a>, animateur vedette dont les <a href="https://www.vanityfair.com/news/2023/03/tucker-carlson-continues-stolen-election-lies">propos ont contribué à diffuser la fake news sur le trucage de l’élection de 2020</a> (malgré son antipathie révélée pour Trump), montre que la firme procède à un nettoyage interne, pour marquer son retour au business as usual.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1650527705723543553"}"></div></p>
<p>D’autres estiment que <a href="https://www.npr.org/2023/04/18/1170339114/fox-news-settles-blockbuster-defamation-lawsuit-with-dominion-voting-systems">Fox a gagné</a>. Les 787,5 millions versés à Dominion n’entament qu’à peine le trésor de guerre accumulé par la firme de Murdoch, qui s’évite l’humiliation d’un procès prolongé et la présentation d’excuses publiques.</p>
<p>C’est l’essentiel, somme toute : cette absence d’humiliation n’a pas de prix ! Elle ouvre la porte à tous les abus car cela confirme l’impunité politique, voire économique, de la désinformation – quand on a les moyens financiers – et l’absence de conséquences légales liées à sa propagation et à ses effets dans la vie réelle, y compris quand la diffusion de fake news mène à <a href="https://www.tdg.ch/sur-fox-news-une-realite-parallele-317720323812">l’insurrection</a>.</p>
<h2>Une victoire à la Pyrrhus pour l’information</h2>
<p>Les révélations faites sur le fonctionnement interne de Fox News ont éclairé et confirmé bien des mécanismes à l’œuvre dans la désinformation comme norme des relations d’un média avec son audience. Le choix de la désinformation comme stratégie commerciale par une entreprise de communication ayant pignon sur rue et faisant concurrence frontale à CNN et autres médias de référence est révélateur du risque qui pèse sur l’intégrité de l’information.</p>
<p>Paradoxalement, le journalisme de référence et de vérification, aux États-Unis et ailleurs, ressort affaibli de cet épisode, qui entérine l’avènement d’une nouvelle ère, avec le passage d’un journalisme de l’offre à celui d’un <a href="https://carism.u-paris2.fr/fr/axe-1-le-journalisme-en-reconfiguration">journalisme de la demande</a>. Celui-ci touche toutes les formes de journalisme. Le journalisme basé sur les faits repose déjà sur des pratiques très imprégnées de la veille en ligne et des recommandations faites par les algorithmes. Le journalisme d’opinion plie son agenda en réponse aux attentes de certains publics cibles, au détriment des autres et de l’attention aux faits avérés.</p>
<p>Il ressort de cette affaire que les institutions et le système judiciaire américains ne sont pas vraiment prêts à faire face aux défis de la désinformation. En outre, les fake news diffusées par Fox News sur Dominion peuvent affaiblir la confiance de nombreux citoyens dans le vote électronique. L’affaire est close, mais ses effets n’ont pas fini de se faire ressentir…</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie les 28 et 29 septembre 2023 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205073/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Divina Frau-Meigs ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le « procès en diffamation du siècle » n’aura pas eu lieu : la Fox a versé une somme colossale à l’entreprise qui la traînait en justice, mettant ainsi fin à la procédure judiciaire.Divina Frau-Meigs, Professeur des sciences de l'information et de la communication, Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2010342023-03-15T19:57:50Z2023-03-15T19:57:50ZMieux penser le fact-checking en temps d’infodémie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/515494/original/file-20230315-360-90bxmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=71%2C11%2C1845%2C1187&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le fact-checking a connu une poussée extraordinaire à partir de 2016, et plus encore à partir de 2020 dans le contexte de la pandémie de Covid-19.</span> <span class="attribution"><span class="source">Pexels</span></span></figcaption></figure><p>Loin de faire l’unanimité, la pratique du fact-checking soulève des questions épistémologiques qui sont au cœur à la fois du journalisme et de la sociologie des sciences. L’analyse d’un corpus d’articles scientifiques pendant la pandémie de Covid-19, contexte propice au développement de cette pratique, révèle l’existence de plusieurs approches pour étudier le fact-checking.</p>
<p>La vérification des faits a toujours été une activité centrale de la routine journalistique. Cependant, le <a href="http://publictionnaire.huma-num.fr/notice/fact-checking/">fact-checking moderne</a>, c’est-à-dire la pratique systématique de la vérification des déclarations politiques, des canulars, des rumeurs, etc. comme moyen de lutter contre la désinformation, <a href="https://ora.ox.ac.uk/objects/uuid:d55ef650-e351-4526-b942-6c9e00129ad7">s’est fortement développé</a> depuis les années 2000. Considéré comme la conséquence de l’expansion de l’internet participatif et des médias sociaux numériques, il a connu une poussée extraordinaire à partir de 2016 (Brexit, élection du président Donald Trump aux États-Unis), et plus encore à partir de 2020 dans le contexte de la pandémie due au coronavirus SARS-CoV-2.</p>
<h2>La pandémie de Covid-19 : un contexte propice au développement du fact-checking</h2>
<p>En effet, face à l’<a href="https://www.washingtonpost.com/archive/opinions/2003/05/11/when-the-buzz-bites-back/bc8cd84f-cab6-4648-bf58-0277261af6cd/">« infodémie »</a> au sujet du Covid-19, plusieurs rédactions et médias d’information, observatoires et régulateurs, instituts de recherche, les Nations unies, ainsi que l’Organisation mondiale de la santé ont pris de <a href="https://journals.openedition.org/rechercheseducations/9898">initiatives pour lutter contre la désinformation</a> en tentant d’identifier et de réfuter les fausses nouvelles. Les organisations et équipes dédiées au fact-checking (<a href="https://www.factcheck.org/">FactCheck.org</a>, <a href="https://firstdraftnews.org/">First Draft</a>, <a href="https://www.politifact.com/">PolitiFact</a>, <a href="https://give2asia.org/taiwanfactcheck/">Taiwan Fact-Check Center</a>, <a href="https://pesacheck.org/">PesaCheck</a>, <a href="https://www.boomlive.in/">BoomLive</a>, <a href="https://dubawa.org/">Dubawa</a>, <a href="https://leadstories.com/">Lead Stories</a>, <a href="https://pagellapolitica.it/">Pagella Politica</a>, <a href="https://eufactcheck.eu/">EUFactcheck.eu</a>, etc.) ont également travaillé sur la vérification de contenus suspects.</p>
<p>La <a href="https://www.poynter.org/coronavirusfactsalliance/">CoronaVirusFacts Alliance</a> a été mise en place par <a href="https://www.poynter.org/ifcn/">l’International Fact-Checking Network</a> (IFCN), ralliant progressivement des fact-checkeurs dans 110 pays, ayant effectué plus de 17 000 vérifications dans 40 langues, à l’heure où nous écrivons ces lignes. Des initiatives à l’instar du projet pilote <a href="http://calypso-info.ue.katowice.pl/index.php/fr/summary-francais/">CALYPSO (Collaborative AnaLYsis, and exPOsure of disinformation</a>, 2021-2022), dans le cadre duquel cette étude a été menée – attribué en réponse à <a href="https://digital-strategy.ec.europa.eu/fr/node/683">l’appel de la DG Connect/2020/5464403 de la Commission européenne</a>–, ont également vu le jour.</p>
<h2>Une pratique contestée</h2>
<p>Cependant, des voix s’élèvent pour mettre en garde contre les <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/08913811.2013.843872">attentes surdimensionnées vis-à-vis du fact-checking</a> et contre un certain engouement de nos sociétés contemporaines pour cette pratique. Elles pointent des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/1461670X.2022.2031259">problèmes fondamentaux</a> liés à cette dernière : sa légitimité épistémologique, la logistique de son implémentation, ses biais inhérents et les limites de son efficacité, sa prétendue objectivité et sa difficulté de prendre en compte les ambiguïtés de réalités complexes, etc.</p>
<p>Vérifier des faits conduit en effet à questionner les règles qui déterminent ceux-ci et la manière dont les contextes matériels, sociaux et discursifs structurent l’enquête du factuel. Néanmoins, ainsi que d’autres le soulignent, les réserves sur les limites du processus de vérification <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/cccr.12163">ne signifient pas pour autant que l’effort doit être abandonné</a>.</p>
<h2>La recherche sur le fact-checking : trois approches, trois thématiques</h2>
<p>Si la <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/1461670X.2016.1196602">recherche académique s’est très tôt intéressée au fact-checking</a>, les années de pandémie ont consolidé l’intérêt scientifique pour cet objet.</p>
<p>Notre analyse d’un corpus de 120 articles de recherche (en langue anglaise et contenant le terme « fact-check » et ses dérivés), publiés dans des revues académiques entre 2020 et 2022, confirme que la recherche sur ce sujet a répercuté le contexte et les préoccupations sociétales dans le domaine de la santé publique. En effet, les mots-clés les plus récurrents pendant cette période ont notamment été : « Covid-19 », « désinformation », « médias sociaux », « santé », « politique », « risque », « éducation », « vaccins », etc. Bien évidemment, d’autres aspects liés au fact-checking ont aussi été investigués (contextes d’élections, immigration, etc.)</p>
<p>L’analyse a aussi révélé l’existence de trois approches pour étudier le fact-checking, avec des prémisses et des questions de recherche sous-jacentes spécifiques : fonctionnelle, organisationnelle, épistémique. Au-delà d’une simple posture « pour ou contre » le fact-checking et au-delà de la question – déjà ancienne – du <a href="https://journals.openedition.org/questionsdecommunication/246">rapport à la vérité</a>, elles dévoilent les problématiques de recherche que cette pratique soulève actuellement. Ces approches sont brièvement présentées ci-dessous, accompagnées de renvois vers des exemples de travaux.</p>
<h2>Approche fonctionnelle</h2>
<p>L’approche fonctionnelle du fact-checking s’appuie sur la définition <a href="https://anthrosource.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1525/aa.1935.37.3.02a00030">durkheimienne de la « fonction »</a> en tant que correspondance entre une institution et les besoins de l’organisme social, c’est-à-dire la contribution que la première apporte à la vie de l’organisme dans son ensemble.</p>
<p>Dans ce cadre, l’approche fonctionnelle du fact-checking s’intéresse et questionne son efficacité au sein d’un contexte de <a href="https://rm.coe.int/information-disorder-toward-an-interdisciplinary-framework-for-researc/168076277c">désordre informationnel</a>.</p>
<p>Les articles de cette catégorie s’appuient principalement sur des études empiriques. Ils introduisent des variables qui tentent de comprendre le rôle des formats et des méthodes (nous appellerons cette <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/03637751.2022.2097284">approche « descendante »</a>), comme, par exemple, l’impact des alertes, des métriques ou celui de la longueur des fact-checks.</p>
<p>D’autres études se penchent davantage sur la « consommation » des informations, les perceptions, les motivations des publics et la manière dont elles interfèrent avec l’efficacité du fact-checking. Il s’agit d’explorer, par exemple, le rôle de la confiance envers les sources ou celui des affinités politiques de ceux qui sont pour ou contre la vérification, ou bien encore l’importance des émotions dans le partage de fact-checks (<a href="https://www.mdpi.com/1660-4601/18/19/10058">approche « ascendante »</a>.</p>
<p>La recherche sur les <a href="https://doi.org/10.1080/15205436.2022.2097926">techniques automatisées (ou semi-automatisées)</a> fait partie de cette catégorie, car ces articles traitent généralement de l’efficacité des modèles et méthodologies proposés (<em>deep learning</em>, etc.).</p>
<h2>Approche organisationnelle</h2>
<p>L’approche organisationnelle s’intéresse au fact-checking en <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/1461670X.2022.2069588">tant qu’activité professionnelle</a> et explore le milieu, les infrastructures et les méthodes de travail, à savoir les procédures, les stratégies et les perceptions qui sous-tendent cette pratique au sein des rédactions et autres organisations (organismes de fact-checking, médias sociaux numériques, etc.), parfois entre différents pays.</p>
<p>Elles mettent en évidence la complexité des articulations entre les dimensions matérielles et symboliques du fact-checking. En ce sens, les approches organisationnelles se concentrent principalement sur les <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1329878X221088050">relations et interactions</a> entre journalistes/fact-checkeurs, leurs <a href="https://www.cogitatiopress.com/mediaandcommunication/article/view/3443">pratiques de travail</a>, comme, par exemple, les grilles et critères utilisés, les thématiques privilégiées, leurs sources de financements, ainsi que <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/14648849221100862">leurs regards sur leur propre activité</a>.</p>
<h2>Approche épistémique</h2>
<p>Cette position analyse les compréhensions et les cadrages qui façonnent le fact-checking en tant que construction symbolique, objet de connaissance et de recherche. Évidemment, tous les articles scientifiques réfléchissent à la signification et à la définition de la vérification des faits et du fact-checking, mais cette visée n’est pas nécessairement leur objectif principal ; dans cette catégorie cependant, c’est le cas.</p>
<p>Le fact-checking est ici étudié dans une approche « méta », à savoir réflexive, parfois critique, à la fois en termes de <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/1467-923X.12999">légitimité scientifique</a>, de <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/JD-03-2021-0061/full/html">significations sociales</a> (croyances sous-jacentes sur les connaissances existantes sur ce sujet), <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/17512786.2022.2097118">d’acceptation par des publics</a>, <a href="https://cognitiveresearchjournal.springeropen.com/articles/10.1186/s41235-021-00291-4">d’aptitudes et de compétences</a> impliquées. Se fait sentir dans certains de ces travaux l’écho des débats sur l’intérêt et la pertinence du fact-checking, et les questions épistémiques que ce dernier soulève, notamment le rapport à la vérité.</p>
<p>Lorsqu’elles sont combinées, ces trois approches clés au sein desquelles la recherche académique étudie le fact-checking (fonctionnelle, organisationnelle, épistémique) tendent à révéler trois domaines thématiques qui définissent également le fact-checking en tant qu’objet d’investigation scientifique :</p>
<ul>
<li><p>les routines et les pratiques des fact-checkeurs/praticiens ;</p></li>
<li><p>les outils, techniques, méthodes et protocoles : humains, automatisés ou semi-automatisés ;</p></li>
<li><p>les attitudes pour comprendre le sens du fact-checking, son rôle ou son efficacité.</p></li>
</ul>
<p>Inévitablement, plusieurs approches et thématiques peuvent se recouper au sein d’un même article et les catégorisations proposées ici ne constituent que des « <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-sociologie-1-2003-3-page-531.htm">types idéaux », au sens wébérien</a>, soulignant leurs éléments les plus saillants. Même si le corpus analysé est certes loin d’être exhaustif et concerne uniquement une littérature en langue anglaise, ces observations permettent de mieux appréhender le débat sur fact-checking, ainsi que les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/1467-923X.12892">apports de la recherche</a> au sujet de cette pratique, qui est loin de faire l’unanimité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201034/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Angeliki Monnier a reçu des financements de la Commission européenne. </span></em></p>L’analyse d’un corpus d’articles scientifiques parus pendant la pandémie de Covid-19 révèle l’existence de plusieurs approches pour étudier le fact-checking.Angeliki Monnier, Professeure en Sciences de l'information et de la communication, directrice du Centre de recherche sur les médiations, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1963092022-12-21T16:20:12Z2022-12-21T16:20:12ZDésinformation politique : quelques clés pour se protéger<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/500005/original/file-20221209-30816-o3euvq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=202%2C222%2C824%2C574&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les auteurs de manipulations profitent d'un environnement informationnel dense dans lequel il est difficile de prendre du recul face aux flots de messages.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.hippopx.com/en/work-desk-computer-night-hacker-anonymous-office-138989">Hippopx</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>En Chine, le pouvoir dispose de plus de 280 000 « fonctionnaires » rémunérés pour « fabriquer » l’opinion publique. Leur appellation ? La <a href="https://www.ft.com/content/b4f27934-944a-11e8-b67b-b8205561c3fe">« water army »</a> (l’armée de l’eau) créée en 2010. Cette « armée » se compose d’utilisateurs et utilisatrices – qui peuvent faire partie de firmes privées – rémunérés pour publier des commentaires sur des sites web en chinois selon les directives gouvernementales. Ils opèrent généralement sur les plates-formes en ligne les plus prisées comme le site de microblogage Sina-Weibo, la messagerie WeChat ou encore Taobao, le principal site de vente en ligne du pays.</p>
<p>Cette « water army » s’adonne ainsi à la pratique de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Astroturfing">« l’astroturfing »</a> des approches par saturation de messages notamment sur les réseaux sociaux : utilisation de <a href="https://www.kaspersky.fr/resource-center/definitions/what-are-bots">bots</a>, multiplication de <a href="https://www.dw.com/fr/faux-comptes-troll-r%C3%A9seaux-sociaux-bot-facebook-twitter/a-60389621">faux comptes,</a> etc. La démarche est analogiquement proche de certaines techniques de <a href="https://www.kaspersky.com/resource-center/threats/black-hat-hacker">« black hat hackers »</a>, ou <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Hacktivisme">d’hacktivistes</a>. Certains inondent des serveurs de requêtes pour les bloquer (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Attaque_par_d%C3%A9ni_de_service">attaque DDos</a>), d’autres <a href="https://www.oracle.com/fr/security/defacement-attaque-site.html">défacent un site</a> pour donner à voir leur revendication sur la page d’accueil du site ciblé. Dans le cas qui nous préoccupe, la saturation fait penser <a href="https://www.generation-nt.com/actualites/chatelain-hacking-hacker-entreprise-these-15436">à des mouvements de masse</a>.</p>
<p>Si l’astroturfing n’est pas récent, il a pris ces dernières années une certaine ampleur. Ce terme que l’on peut traduire par « pelouse synthétique », désigne une opération qui vise à donner la fausse impression d’un comportement spontané ou d’une opinion populaire. Elle n’est pas l’apanage du monde politique, comme nous allons l’évoquer, des firmes y ont recours, cela peut être pour lancer un produit, tout comme pour redorer son image, contrer les critiques, voire même disqualifier par tous moyens la science à l’instar de la firme Monsanto ce qu’a révélé en 2017 les <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2017/10/04/monsanto-papers-desinformation-organisee-autour-du-glyphosate_5195771_3244.html">« Monsanto Papers »</a>, cette dernière a entre autres chargé une agence de consultant afin de fabriquer des e-mails et créer le « Center for Food and Agricultural Research », un faux institut dont la raison d’être était <a href="https://bonpourlatete.com/actuel/l-astroturfing-et-la-propagande-a-l-heure-des-reseaux-sociaux">d’attaquer les critiques de Monsanto</a>.</p>
<p>Cependant, penser que « l’astroturfing politique » serait réservée à des régimes autoritaires et/ou dictatoriaux, comme la Chine ou la Russie avec son <a href="https://www.huffingtonpost.fr/international/article/guerre-en-ukraine-une-usine-a-trolls-au-service-de-la-russie-a-saint-petersbourg_195628.html">usine à trolls</a> aux ordres du Kremlin localisée à Saint-Pétersbourg, <a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-regimes-autocratiques-tiennent-ils-tant-aux-elections-194935">constituerait une erreur</a>.</p>
<p>Ainsi en France, lors des dernières élections présidentielles de 2022, le journal <em>Le Monde</em> <a href="https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2022/video/2022/02/02/comment-des-militants-d-eric-zemmour-gonflent-artificiellement-la-presence-du-candidat-sur-twitter_6112033_6059010.html">révélait comment</a> « des militants d’Éric Zemmour gonflaient artificiellement la présence de leur candidat sur Twitter ». Les journalistes avaient collecté des centaines de milliers de tweets pro-Zemmour… peu en rapport avec sa réelle « force de frappe » sur les réseaux.</p>
<h2>« Pourquoi est-ce que je reçois ce message ? »</h2>
<p>Comment, dès lors, le citoyen peut-il se « protéger » de ces tentatives de manipulation et détecter une campagne d’astroturfing ? Voici quelques clés :</p>
<ul>
<li><p>Le message est récurrent.</p></li>
<li><p>La campagne utilise de nombreux canaux de diffusion, et de nombreux identifiants sur une même plate-forme (Twitter par exemple, bien que les réseaux sociaux interdisent officiellement cette pratique).</p></li>
<li><p>Elle se caractérise par la répétition des mêmes séquences de vocabulaire via des messages plus ou moins simultanés qui émanent de sources diverses sans connexions visibles entre elles.</p></li>
</ul>
<p>Parfois, le message cite comme source des messages similaires, renforçant l’idée que l’idée véhiculée est partagée par beaucoup de gens alors que les sources se renvoient les unes aux autres et sont similaires en contenu. Par ailleurs, la majorité des tentatives de réponse à l’émetteur se soldent par un échec à le joindre, dans des proportions bien plus importantes que la normale.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/comment-linformation-medicale-se-denature-au-fil-des-tweets-191536">La temporalité des messages</a>, très rapides, est aussi à prendre en considération, de même que les campagnes de retweets (qui durent plus longtemps que la moyenne), éléments difficiles à détecter sans des moyens informatiques conséquents. Dans l’exemple ci-dessous, le 20 avril 2022, comme le pointe l’Institute for Strategic Dialogue (<a href="https://www.isdglobal.org/digital_dispatches/eric-zemmours-far-right-campaign-distorted-online-support-ahead-of-the-french-elections-potentially-violating-platforms-policies/">ISD</a>) le compte de @Samuel_Lafont (Stratégie numérique et levée de fonds pour @Reconquete_off @ZemmourEric) qui compte à ce jour environ 54 000 abonnés a partagé une <a href="https://www.isdglobal.org/digital_dispatches/eric-zemmours-far-right-campaign-distorted-online-support-ahead-of-the-french-elections-potentially-violating-platforms-policies">pétition 24 fois en moins de cinq minutes</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/501390/original/file-20221215-24-xi6pw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/501390/original/file-20221215-24-xi6pw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=238&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/501390/original/file-20221215-24-xi6pw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=238&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/501390/original/file-20221215-24-xi6pw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=238&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/501390/original/file-20221215-24-xi6pw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=300&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/501390/original/file-20221215-24-xi6pw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=300&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/501390/original/file-20221215-24-xi6pw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=300&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’astroturfing joue aussi sur la crainte de déclassement informationnel de son auditoire, c’est-à-dire l’angoisse plus ou moins forte d’être passé à côté de quelque chose d’important, ou pire, d’avoir été jusque-là manipulé par une version propagandiste de l’information. Cela renforce le climat de défiance vis-à-vis des médias d’information et l’isolement des personnes, connectées au monde via les réseaux sociaux, mais déconnectés dans les faits de la vie sociale.</p>
<p>En se posant les bonnes questions, il est possible de comprendre les intentions des auteurs : imposer un agenda à l’opinion. Par ailleurs, l’astroturfing se caractérise par la présence d’un sponsor généralement <a href="https://www.researchgate.net/publication/356703127_Survey_on_Astroturfing_Detection_and_Analysis_from_an_Information_Technology_Perspective">identifiable ou que l’on peut déduire</a>.</p>
<p>Une mesure de « bonne hygiène informationnelle » est donc de toujours se poser la question du : pourquoi est-ce que je reçois ce message, maintenant, par ce biais, de quelqu’un que je ne connais en principe pas ?</p>
<h2>Fonctionnement par saturation</h2>
<p>Certes, comme toute propagande, l’astroturfing ne peut pas convaincre ceux qui ne veulent pas l’être. Tout au plus peut-elle induire un doute chez des personnes déjà peu enclines à prendre position, ou chez la petite minorité qui chérit l’information hors système, autrement dit les personnes ayant un penchant pour le complotisme et l’entretien d’une bulle informationnelle personnelle déconnectée de la vie sociale réelle. <a href="https://fastncurious.fr/2022/02/14/quand-les-pathologies-de-linformation-investissent-notre-societe-contemporaine/">Ce qui relève d’une des pathologies de l’information</a>.</p>
<p>De façon analogique à la propagande, elle ne peut fonctionner que par saturation, dans un environnement informationnel dense dans lequel les personnes n’ont pas le temps ou la volonté de prendre du recul face aux messages qui <a href="https://www.cairn.info/revue-guerres-mondiales-et-conflits-contemporains-2012-3-page-105.htm">leur parviennent</a>. Isolée du flux informationnel, elle perd toute pertinence. D’où sa relative innocuité pour les personnes investit dans une recherche d’information focalisée et à fort <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/10584609.2019.1661888?scroll=top&needAccess=true&role=tab">investissement cognitif et d’attention</a>“ Political Communication Volume 37, 2020)</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-etablir-une-cartographie-des-ressources-de-fact-checking-194415">Comment établir une cartographie des ressources de fact-checking ?</a>
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<h2>Éviter le point critique</h2>
<p>Toutefois, par-delà ses « faiblesses », son efficacité ne doit pas être sous-estimée, surtout dans les périodes de défiance généralisée, de doute sur l’avenir dans de multiples dimensions, ce qui est le contexte actuel et général de nos sociétés. Les auteurs de campagnes d’astroturfing bénéficient en outre d’un appauvrissement réel des cadres conceptuels et de la richesse de vocabulaire des populations, même à un niveau décent d’éducation, et de la tendance généralisée, du fait de la nature même des médias et de la masse d’information à disposition, à favoriser les réactions émotionnelles (la désormais omniprésente indignation) sur le rapport critique à l’information.</p>
<p>Le véritable risque survient lorsque la campagne d’astroturfing atteint le point critique à partir duquel elle s’entretient elle-même du fait de sa reprise par les récepteurs d’origine, indépendamment de l’action de ceux qui ont initié la campagne ; elle devient alors une rumeur, un élément de sens commun qu’il n’est plus possible d’endiguer ou de détecter facilement. Elle a alors atteint son but de transformation d’une partie de l’opinion publique.</p>
<p>Cependant, tenter de censurer ces pratiques n’est pas nécessairement une bonne idée. D’abord parce que comme cela a été dit, virtuellement tous les acteurs politiques et géopolitiques l’utilisent plus ou moins, pas toujours dans de « mauvaises » intentions, et que toute censure serait, par défaut, partielle et orientée vers les intérêts des groupes censeurs. Il en résulterait d’ailleurs un amoindrissement du nombre d’acteurs, renforçant le pouvoir de ceux restant, en effet, rappelons que l’une des faiblesses de l’astroturfing est que la multiplication des campagnes participe à l’affaiblissement de leur impact.</p>
<p>Pour conclure, il faut apprendre à vive avec, avoir conscience de ces techniques « asymétriques » d’information en espérant que, comme toutes les méthodes de marketing, politique ou non, elles produisent à la longue une courbe d’apprentissage des utilisateurs d’Internet qui les rendent de plus en plus inopérantes.</p>
<hr>
<p><em>Les auteurs souhaitent au travers cet article rendre hommage à Jean-François Fiorina un homme engagé, passionné de géopolitique, longtemps directeur adjoint de GEM, nommé en septembre 2022 directeur général de l’<a href="https://www.ipag.edu/">Ipag</a> qui nous a quittés brutalement le 16 novembre 2022, à Nice</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196309/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Nombre inhabituel de retweets, message « émotionnel », émetteur non joignable… Les opérations à base de faux avis en ligne présentent quelques caractéristiques décelables.Yannick Chatelain, Professeur Associé. Digital I IT. GEMinsights Content Manager, Grenoble École de Management (GEM)Jean-Marc Huissoud, Professeur et chercheur, Relations Internationales Stratégies d'internationalisation, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1915362022-11-30T17:55:11Z2022-11-30T17:55:11ZComment l’information médicale se dénature au fil des tweets<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/498265/original/file-20221130-20-2rgyyo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=35%2C107%2C7904%2C5190&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sur Twitter, les informations sont vite modifiées.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/FMJAYeRwtDY">Claudio Schwarz / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Avez-vous déjà joué au <em>téléphone cassé</em> aussi appelé <em>le jeu d’oreille en oreille</em> ? Le but du jeu est de faire circuler un message (une phrase) de bouche à oreille à travers une file de joueurs sans le déformer en cours de route. À la fin, le message original est comparé avec la version finale. Ce qui est notable dans ce jeu est que le message finit presque toujours par être déformé et les altérations s’accumulent à chaque transmission du message, même si chaque retouche en soi ne paraît pas significative.</p>
<p>La même chose se passe lors de discussions sur les réseaux sociaux. Prenons <a href="https://twitter.com/">Twitter</a> comme exemple. Un utilisateur poste son message, appelé un <em>tweet</em>. On va considérer ceci comme un message original. Les utilisateurs ont plusieurs options de réaction à ce message : mettre un <em>like</em> (une forme d’approbation de contentement avec une publication), ou bien répondre (<em>reply</em>) au message ou le citer (<em>quote</em>). Il existe également un <em>retweet</em>. Ce dernier consiste à partager un tweet tel qu’il est dans son propre fil d’actualité, le plus souvent il s’agit d’un tweet de quelqu’un d’autre. Ceci peut créer un nouveau fil de discussion. Un exemple d’un tweet et des réactions est donné ci-dessous.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/491303/original/file-20221024-19-h9gzab.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/491303/original/file-20221024-19-h9gzab.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/491303/original/file-20221024-19-h9gzab.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/491303/original/file-20221024-19-h9gzab.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/491303/original/file-20221024-19-h9gzab.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/491303/original/file-20221024-19-h9gzab.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=412&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/491303/original/file-20221024-19-h9gzab.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=412&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/491303/original/file-20221024-19-h9gzab.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=412&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Fig. 1. Exemples de réactions au tweet : réponse (<em>reply</em>) et citation (<em>quote</em>).</span>
</figcaption>
</figure>
<p>En répondant au message initial et par la suite aux messages-réponses, on crée des fils de discussion. Dans ces derniers, on peut souvent constater l’effet de <em>téléphone cassé</em> avec des altérations de l’information initiale. En fonction du sujet traité et en particulier, de sa controverse, ces altérations et déviations peuvent avoir des conséquences différentes.</p>
<p>Ce phénomène est notamment remarquable lorsqu’il s’agit des sujets médicaux. En effet, le langage médical est tout à fait particulier et demande une haute précision au niveau de l’utilisation des termes et des procédés mis en place.</p>
<h2>Pandémie de Covid-19 et Twitter ne font pas bon ménage</h2>
<p>La pandémie de <a href="https://www.who.int/emergencies/diseases/novel-coronavirus-2019">Covid-19</a> a fait naître une masse de données et une masse de discussions sans précédent. Dans ce contexte, il était intéressant d’analyser le comportement des internautes sur les réseaux sociaux à ce sujet. Au début de la crise sanitaire lors de la première moitié de l’année 2020, un des sujets majeurs discutés sur les réseaux sociaux portait sur le traitement de la maladie. A l’époque, c’était un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Controverse_autour_des_traitements_%C3%A0_l%27hydroxychloroquine_ou_%C3%A0_l%27ivermectine_contre_la_Covid-19">sujet controversé</a>, au cœur duquel se retrouvait l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Hydroxychloroquine">Hydroxychloroquine</a>.</p>
<p>Nous avons utilisé une <a href="https://dpa.hypotheses.org/controverse-scientifique">collection de tweets</a> en anglais, publiés pendant la période entre le 30 mars 2020 et le 13 juillet 2020 contenant les mots-clés apparaissant dans de nombreuses discussions du traitement médical du Covid-19 parmi lesquels : <em>hydroxychloroquine</em>, <em>remdesivir</em>, <em>tocilizumab</em>, <em>favipiravir</em>, <em>Avigan</em>, <em>azithromicyn</em>, etc.</p>
<p>Nous nous sommes focalisés surtout sur les discussions initiées par les tweets des personnes publiques car grâce à leur popularité les tweets provoquent des riches discussions. Parmi les top-36 personnes publiques par rapport à la popularité de leurs tweets, on retrouve les politiciens (Donald Trump, Hillary Clinton), les représentants du domaine de la santé (Dr. Anthony Fauci), les journalistes (Nail Cavuto), les hommes d’affaires (Bill Gates, Elon Musk).</p>
<p>Nous avons effectué nos études en se basant sur :</p>
<ul>
<li><p>la définition automatique des sujets de discussion permettant d’analyser le changement de ces sujets en fil de route ;</p></li>
<li><p>l’analyse de sentiments des tweets et réactions permettant de définir la polarité d’un texte ;</p></li>
<li><p>l’analyse sémantique et discursive des cas concrets dans le but de définir les moyens d’altération de l’information.</p></li>
</ul>
<h2>Quelles altérations avons-nous pu constater ?</h2>
<p>Tout d’abord, c’est le <a href="https://aclanthology.org/2020.rdsm-1.3/">changement de sujet</a> au fil de la discussion. Souvent le sujet médical est déplacé vers les conflits politiques et commerciaux. En particulier, les followers des politiciens se comportent comme des partisans en soutenant les différents médicaments contre le Covid-19.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/491489/original/file-20221024-5750-yt4547.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/491489/original/file-20221024-5750-yt4547.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/491489/original/file-20221024-5750-yt4547.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=294&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/491489/original/file-20221024-5750-yt4547.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=294&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/491489/original/file-20221024-5750-yt4547.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=294&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/491489/original/file-20221024-5750-yt4547.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=369&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/491489/original/file-20221024-5750-yt4547.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=369&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/491489/original/file-20221024-5750-yt4547.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=369&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Exemple de prise de position politique par rapport au sujet médical.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>La veille des élections présidentielles aux États-Unis en 2020, la discussion de la pandémie correspond à la confrontation Républicains-Démocrates. La politisation de la discussion médicale renforce la diffusion de l’information altérée dans les discussions sur les réseaux sociaux. Au fil de discussion, on retrouve également des références aux théories du complot (notamment, autour de <em>Big Pharma</em>) et aux <em>fake news</em> :</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/491400/original/file-20221024-5833-1w9d92.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/491400/original/file-20221024-5833-1w9d92.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/491400/original/file-20221024-5833-1w9d92.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/491400/original/file-20221024-5833-1w9d92.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/491400/original/file-20221024-5833-1w9d92.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/491400/original/file-20221024-5833-1w9d92.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/491400/original/file-20221024-5833-1w9d92.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/491400/original/file-20221024-5833-1w9d92.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Quelques exemples de complotisme.</span>
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<p>Nous avons pu aussi voir les déviations des discussions sur d’autres maladies, notamment <em>lupus</em>, <em>sida</em>, <em>zika</em>, <em>ebola</em>, <em>grippe porcine</em>.</p>
<p>Nous constatons également la <a href="https://aclanthology.org/2020.rdsm-1.3/"><strong>surgénéralisation de l’expérience personnelle</strong></a>. Elle apparaît souvent dans les références à une expérience personnelle alors qu’un seul fait a été considéré comme une tendance. En effet, dans la plupart de cas, dans l’argumentation, les internautes ne font pas de références aux études scientifiques mais se basent sur des preuves anecdotiques :</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/491398/original/file-20221024-8945-rp2c2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/491398/original/file-20221024-8945-rp2c2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/491398/original/file-20221024-8945-rp2c2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/491398/original/file-20221024-8945-rp2c2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/491398/original/file-20221024-8945-rp2c2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/491398/original/file-20221024-8945-rp2c2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/491398/original/file-20221024-8945-rp2c2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/491398/original/file-20221024-8945-rp2c2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Quelques exemples des preuves anecdotiques.</span>
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</figure>
<p>En outre, l’altération de l’information médicale apparaît via des références aux sources peu fiables ou même contestables comme des expériences non vérifiées de certains praticiens.</p>
<p>Dans les discussions, l’information médicale était altérée par le biais de la vision simplifiée des procédures de traitement de la maladie. Ainsi, la prescription de l’hydroxychloroquine était considérée comme une étape importante du processus de guérison :</p>
<p>Son retard lié aux procédures bureaucratiques, approvisionnement insuffisant ou délai de livraison était donc parfois présenté comme une violation des droits de l’Homme et/ou une manifestation de la théorie du complot de <em>Big Pharma</em>.</p>
<p>Nous remarquons <a href="https://editions-rnti.fr/?inprocid=1002651"><strong>la polarisation d’attitudes</strong></a> qui peut être expliquée par la polarisation de groupe, c.-à-d., l’attitude du groupe vis-à-vis de la situation change en intensifiant les attitudes initiales des individus après la discussion. Ce résultat est aussi cohérent avec la confrontation politique (<a href="https://davidmyers.org/uploads/Polarizing.Eff.Group.Disc.pdf">Myers & Lamm, 1975</a>).</p>
<h2>Quels sont les mécanismes et raisons derrière l’altération d’information ?</h2>
<p>Nous considérons que l’altération de l’information médicale est apparue en raison de l’absence de connaissances, du passage à l’association au lieu de la pensée logique, de la négligence des détails, de l’exagération des résultats négatifs ou positifs du traitement, et de la surgénéralisation de l’expérience personnelle et des preuves anecdotiques par les utilisateurs.</p>
<p>Notons que l’altération de l’information au fil de discussion peut se faire d’une manière involontaire. Cependant, l’utilisation des informations erronées, surtout dans le domaine de la santé publique, peut aboutir à une mauvaise compréhension des enjeux majeurs et mettre la santé et même la vie des gens en danger. Restons vigilant·e·s !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191536/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Dans le cas des sujets médicaux, et à partir d’une information fiable, les tweets dérivent vite vers des vérités alternatives ou vers des sujets très politisés.Diana Nurbakova, Enseignante-chercheuse en informatique, INSA Lyon – Université de LyonIrina Ovchinnikova, Technical and Content Writer, Marcom, Translator and Editor. ManPower Language SolutionLiana Ermakova, Enseignante-chercheuse en informatique, Université de Bretagne occidentale Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1952622022-11-27T15:57:25Z2022-11-27T15:57:25ZFake news, résultats peu fiables… Comment distinguer « bonne » et « mauvaise » recherche biomédicale ?<p>En science, les conceptions évoluent en permanence. Ainsi, la recherche sur les drogues psychédéliques a fait récemment un retour spectaculaire suite à un mélange d’assouplissement des attitudes sociétales, d’attrait pour les opportunités commerciales, de doutes sur la « guerre contre les drogues » et de désir de développer de nouveaux moyens de traiter certains problèmes de santé mentale.</p>
<p>Vous avez peut-être lu par exemple que de nouvelles études montraient que la <a href="https://theconversation.com/comment-la-ketamine-agit-elle-sur-les-croyances-depressives-192370">kétamine pouvait agir sur la dépression</a>, la <a href="https://ichgcp.net/fr/clinical-trials-registry/NCT05562973">psilocybine sur le syndrome de stress post-traumatique</a> ou encore le <a href="https://i-d.vice.com/en/article/akz5m4/can-microdosing-lsd-or-mushrooms-help-creativity-productivity-and-mental-health">microdosage de LSD sur la créativité</a>…</p>
<p>Beaucoup d’annonces, mais finalement quelle recherche mérite votre intérêt et, surtout, votre confiance ? Tout dépend notamment de ce que vous cherchez, mais il faut être conscient que toutes les études ne se valent pas, quelle que soit la discipline scientifique considérée. Comment les distinguer ?</p>
<p>Je suis médecin, spécialisé dans la recherche de nouveaux médicaments et des essais cliniques. En tant que tel, je m’intéresse à la question de savoir si les <a href="https://www.inserm.fr/actualite/therapies-psychedeliques-une-panacee/">« thérapies psychédéliques »</a> peuvent être une nouvelle forme de médecine. Cette question nécessite des preuves et cela passe notamment par des essais cliniques solides. C’est ce sur quoi je vais me concentrer ici, et voici les précautions à prendre avant de donner du crédit à une information que vous avez vu passer.</p>
<p>Bien sûr, la majorité des principes et précautions que je vais développer dans cet article s’appliquent à la recherche médicale de manière plus large – essais cliniques pour les <a href="https://theconversation.com/chloroquine-et-infections-virales-ce-quil-faut-savoir-135339">molécules efficaces contre le Covid</a>, etc.</p>
<h2>Attention à la revue dans laquelle l’article a été publié</h2>
<p>D’abord, vérifiez votre source. Une recherche solide est le plus souvent publiée dans des revues scientifiques examinées par des pairs (les <em>peer-reviewed scientific journals</em>). L’examen par les pairs signifie que des experts indépendants ont lu et critiqué anonymement l’article. Il s’agit d’une forme importante et minutieuse d’examen. Si l’article que vous lisez fait référence à une revue qui n’a pas recours à cette relecture, méfiez-vous.</p>
<p>De plus, certaines revues prétendent être de qualité et publier des articles examinés par des pairs… mais sont en fait juste des <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-019-03759-y">montages destinés à faire de l’argent</a> (car généralement les auteurs paient pour être publiés dans une revue vérifiée par des pairs), qui publient tout ce qu’ils reçoivent sans vérification véritable. On parle de <a href="https://coop-ist.cirad.fr/publier-et-diffuser/eviter-les-revues-et-editeurs-predateurs/1-qu-est-ce-qu-une-revue-predatrice-ou-un-editeur-potentiellement-predateur">« revues prédatrices »</a>, dont plus de 10 000 ont été recensées en 2021. (<em>Près d’un <a href="https://blog.cabells.com/2020/07/15/cabells-top-7-palpable-points-about-predatory-publishing-practices/">tiers des revues prédatrices sont actives dans le domaine de la santé</a>. Des guides sont publiés pour faciliter leur identification par les auteurs, ndlr</em>)</p>
<p>Les traquer, c’est un peu comme chercher à repérer un spam ou un mail frauduleux. Une date de création récente du journal, une mauvaise grammaire, des fautes d’orthographe et de formatage, des sites web de qualité inférieure et des déclarations trop belles pour être vraies sont autant de signes révélateurs d’une revue qui ne laisserait pas une vérité trop complexe ou nuancée s’opposer à de bons honoraires de publication…</p>
<p>En revanche, les revues de bonne qualité sont généralement établies depuis longtemps, sont indexées dans des bases de données scientifiques telles que <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/">PubMed</a> et ont généralement de bons <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Facteur_d%27impact">« facteurs d’impact »</a> (le rapport entre le nombre de citations reçues par une revue dans une année et le nombre d’articles publiés par cette revue au cours des deux années précédentes). Indiqué sur la page d’accueil de la revue, le facteur d’impact n’est certes pas une mesure parfaite, mais elle est utile en tant que guide. Un chiffre plus élevé est plus rassurant. (<em>Les deux prestigieuses revues Nature et Science ont des facteurs d’impact de plus de 40, The Lancet de plus de 50 et The New England Journal of Medicine de plus de 70. Les revues spécialisées de haut niveau ont, pour des raisons mécaniques, des facteurs d’impact inférieurs à 5 – ce qui reste bien dans ce cas de figure, ndlr</em>)</p>
<p>Vous référer à un journal de bonne tenue, c’est avoir déjà fait la moitié du chemin.</p>
<h2>Vérifier qui écrit l’article</h2>
<p>Avant de vous lancer dans votre lecture, cherchez ensuite à savoir qui sont les auteurs, où ils travaillent, ce qu’ils déclarent et quelles sont leurs sources de financement (cela est généralement indiqué à la fin de l’article). Des auteurs reconnus dans leur domaine ont, souvent, une excellente réputation…</p>
<p>Mais ils ont aussi plus à perdre si leurs résultats ne correspondent pas à leurs théories préalablement publiées. Ils sont également plus susceptibles d’être des consultants rémunérés par des entreprises cherchant à commercialiser de nouveaux traitements par exemple. Les conflits d’intérêts doivent être signalés.</p>
<p>Et ce n’est pas parce qu’une étude provient d’une institution pionnière et de grande qualité que vous devez lui accorder une confiance aveugle. Les équipes pionnières peuvent même être biaisées, pour diverses raisons. Par exemple, pourquoi se seraient-elles lancées dans un domaine contesté si elles n’avaient pas, à la base, une idée déjà fortement orientée et positive ?</p>
<p>Cela dit, les institutions et équipes de recherche qui ont une bonne réputation obtiennent cette dernière parce que leurs pairs ont confiance en leurs méthodes et résultats. Donc, dans l’ensemble, optez pour des auteurs respectés dans leur domaine (et publiant dans leur domaine…), tout en gardant à l’esprit les autres facteurs entrant potentiellement en jeu.</p>
<h2>Quelle qualité pour les données publiées</h2>
<p>Maintenant, <a href="https://theconversation.com/petit-guide-pour-bien-lire-les-publications-scientifiques-151158">intéressez-vous à l’article lui-même</a>. Pour la recherche clinique, l’<a href="https://gdt.oqlf.gouv.qc.ca/ficheOqlf.aspx?Id_Fiche=8873376">essai multicentrique</a> (effectuée sur plusieurs centres, qui peuvent donc faire appel à des milliers de personnes, ce qui impose des protocoles bien calés), <a href="https://www.ligue-cancer.net/article/26170_quest-ce-quun-essai-randomise">randomisé</a> (l’intégration d’un patient à un groupe ou l’autre de l’essai se fait par tirage au sort) et contrôlé par placebo est roi.</p>
<p>Les premiers essais ont généralement lieu au sein d’une seule institution. C’est normal, mais ne dit encore rien sur l’efficacité du traitement en dehors de cette institution. Pour cela, il faut passer à l’essai multicentrique. Plus il y a de centres impliqués, mieux c’est.</p>
<p>Si le traitement fonctionne dans de nombreux centres, il y a déjà plus de raisons de penser qu’il fonctionnera aussi dans le monde « réel ». C’est ce qu’on appelle la « généralisation »… et c’est une étape encore sans certitude pour les psychédéliques notamment.</p>
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<p>Les études randomisées et contrôlées par placebo font référence à des participants répartis au hasard dans deux groupes ou plus, dont l’un est traité avec un placebo (pilule factice). Sans groupe de contrôle placebo avec lequel comparer, vous ne pouvez pas savoir si l’effet que vous observez dans le groupe ayant reçu le traitement n’aurait pas pu se produire tout seul.</p>
<p>De même, s’il n’y a pas de randomisation, tout effet observé peut être dû à quelque chose de commun à l’un des groupes et que les expérimentateurs n’ont pas vu.</p>
<p>Les premiers essais de psychédéliques n’étaient souvent ni randomisés ni contrôlés. Si bien que vous ne pouvez pas forcément conclure grand-chose de ces études pilotes. Elles montrent simplement que la recherche peut être effectuée. Pour l’heure, la majorité des recherches sur les psychédéliques ne sont ainsi pas (encore) à ce niveau.</p>
<h2>Quelle taille pour les essais</h2>
<p>Plus un essai compte de participants, nous l’avons évoqué précédemment, plus sa <a href="https://www.scribbr.com/statistics/statistical-power/">« puissance statistique »</a> est grande – et plus il est pertinent pour détecter un effet réel (ou son absence). Il faut souvent des centaines, voire des milliers de participants pour avoir une résultat significatif.</p>
<p>Cela coûte cher, c’est pourquoi de nombreux essais cliniques à grande échelle sont financés par des entreprises – c’est le seul moyen de réunir les fonds nécessaires. Mais ce n’est pas parce qu’un essai est « commercial » qu’il faut le négliger…</p>
<p>Oui, profit et soins de santé ne font pas bon ménage. Mais pour contrôler les risques, les essais commerciaux sont en fait beaucoup plus réglementés que les essais non commerciaux. Presque tous les médicaments que nous possédons aujourd’hui ont été homologués sur la base d’essais commerciaux.</p>
<h2>Quelle était l’hypothèse de départ de la recherche menée</h2>
<p>Tous les essais cliniques doivent avoir un « résultat primaire pré-enregistré ». Il peut s’agir d’un résultat de test sanguin, de neuro-imagerie ou d’une mesure de la dépression, etc. C’est autour de ce résultat que l’essai est conçu. Un essai sérieux doit donc <a href="https://www.academie-medecine.fr/lessai-clinique-controle-randomise/">avoir un objectif principal, qui est de confirmer ou d’infirmer une hypothèse préalable</a>.</p>
<p>Le préenregistrement s’effectue sur des sites web tels que <a href="https://clinicaltrials.gov/">clinicaltrials.gov</a> avant le début de l’essai. Si les chercheurs n’ont pas préenregistré leur hypothèse ou leurs méthodes d’analyse notamment, ils ont pu sélectionner a posteriori leurs résultats. Si vous <a href="https://www.wired.com/story/were-all-p-hacking-now/">triturez vos données suffisamment fort</a>, elles vous diront en effet presque toujours ce que vous voulez… C’est l’un des grands péchés de la recherche.</p>
<p>Si je tire à pile ou face encore et encore, je finirai par obtenir dix fois de suite le côté face, par hasard, et décider que c’est ce que je voulais avoir. C’est la même idée ici : plus je mets de mesures dans un essai, et plus je multiplie les façons d’analyser les données que je récolte, plus j’ai de chances d’obtenir un résultat « significatif » – en fait celui qui m’intéresse. D’où l’importance de toutes les règles posées pour bâtir et valider des protocoles de recherche, d’essais cliniques, etc. et ainsi permettre d’avoir les résultats les plus solides possibles.</p>
<p>Une dernière pensée avant de partir. Aucun essai clinique ni aucune recherche unique ne peut vous dire quoi que ce soit avec certitude : plus un résultat est reproduit par d’autres équipes, plus il devient crédible. C’est ainsi que la science et nos connaissances évoluent…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195262/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>James Rucker a reçu des financements du National Institute for Health Research, du Compass Pathfinder, Beckley PsyTech et de la Multidisciplinary Association for Psychedelic Studies.</span></em></p>Psychotropes, traitements anti-Covid, vaccins… Comment s’y retrouver dans les milliers d’études publiées sur des sujets délicats ? Petit guide pour faire le tri entre annonces parfois tonitruantes…James Rucker, Senior Clinical Lecturer & Consultant Psychiatrist, King's College LondonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1884042022-09-01T17:50:53Z2022-09-01T17:50:53ZDu tic à la tactique : les mécanismes grammaticaux de l’infox à travers les tweets de Donald Trump<p>Sur Twitter, le format court et percutant impose une certaine standardisation de l’expression. Pour autant, chaque « twitto » a son propre style, ses habitudes d’écriture. Mais quand on se penche sur des comptes particulièrement populaires ou influents, observer les tics d’écriture peut se révéler riche d’enseignements. Dans quelle mesure l’auteur utilise-t-il un écrit systématisé pour maximiser l’effet de ses paroles sur ses followers et assurer une certaine viralité à ses propos ?</p>
<p>Regardons en quelques lignes la manière dont Donald Trump use de Twitter pour propager des informations contenant des informations dont les faits sont prouvés comme faux (des infox, ou fake news en anglais).</p>
<p>Donald Trump, entre 2017 et 2021, a envoyé 30 573 tweets <a href="https://www.washingtonpost.com/graphics/politics/trump-claims-database/?itid=lk_inline_manual_11">jugés fallacieux et erronés par les médias américains</a> ; parmi ces messages, 14 928 prennent le lecteur à témoin (« You »), 2685 lui rappellent ce qu’il sait (« You know ») et 746 ajoutent des informations avec « et c’est »/« et ça » (« And then,/and that’s »), quand plusieurs milliers utilisent une forme assez étrange de conjonction de coordination en tête de phrase ? : « Et » précédé d’un point (« . And »).</p>
<p>Est-ce là un style simplement allégé pour public pressé, qui lit sur son écran de téléphone ? Disons plutôt que Donald Trump utilise une écriture <em>efficace</em> – faite de prises à témoin, d’appositions, d’affirmations du couple <em>je/vous</em>, de rupture grammaticale et d’élisions (la suppression d’éléments essentiels au sens ou à la grammaire) – qui se situe à deux niveaux de l’analyse grammaticale : la grammaire de phrase et la grammaire de modélisation. La première <a href="https://grammaire.reverso.net/la-phrase/">analyse comment on construit les phrases</a> ; la seconde analyse <a href="https://www.etudes-litteraires.com/figures-de-style/modalisation.php">comment on construit un texte qui donne un avis ou une opinion</a>. Donald Trump choisit des effets stylistiques renforçant la perte de jugement du lecteur en insistant sur la position d’autorité qui est la sienne.</p>
<p>[<em>Plus de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Par ses tics d’écriture, Donald Trump ne convainc pas, il subjugue. Sa grammaire n’est pas argumentative mais émotionnelle, il s’exprime à la manière d’un prédicateur, ce qui, en termes de raisonnement démocratique, n’est pas des plus rassurant, mais en vue d’une élection permet de se constituer un faction de fidèles en fractionnant la société en groupes irréconciliables.</p>
<p>Rappelons que les infox sont étudiées avec des outils qui permettent de les cibler ou de les penser selon des méthodologies différentes qui ont été analysées dans l’ouvrage publié sous la direction de Ioan Roxin, <a href="https://www.researchgate.net/profile/Ioan-Hosu/publication/336603703_Information_Communication_et_Humanites_Numeriques/links/5da80d22a6fdccdad54ade6d/Information-Communication-et-Humanites-Numeriques.pdf"><em>Information, Communication et Humanité numérique</em></a>.</p>
<p>Rappelons que la grammaire permet de construire le discours, donc de porter l’information. Une utilisation très neutre et informative de la langue crée une relation au lecteur, quand une utilisation très personnelle, marquée par des Je, des adjectifs de valeurs, des exclamations fabrique une tout autre posture qui lie plus intimement émetteur et récepteur.</p>
<h2>Grammaire de modélisation</h2>
<p>Une analyse grammaticale permet de signaler les phénomènes à l’œuvre dans l’écriture du message. En effet, la grammaire utilisée par les infox courtes (quelques dizaines de mots) correspond à ce qu’on appelle la grammaire de la modélisation. Ce champ grammatical consiste à utiliser des procédés linguistiques pour renforcer la présence de l’émetteur, d’insister sur la dimension personnelle, pour affirmer de manière très forte l’avis et l’opinion de celui qui écrit. Ainsi le « Je », les verbes d’opinion (penser, croire, estimer, vouloir), les adjectifs et adverbes de valeurs (meilleurs, bien, utile, supérieur, vrai et faux) sont utilisés massivement.</p>
<p>Cette utilisation de la grammaire de modélisation est inattendue car on aurait plutôt pensé qu’une information trompeuse était construite comme un raisonnement, donc correspondait à une grammaire de l’argumentation. En réalité, une infox n’est pas un discours trompeur qui embarque le lecteur dans une série d’arguments qui perturbe son sens de la logique et du raisonnement. Ce serait alors une grammaire de l’argumentation, avec par exemple des liaisons de type « ainsi, alors, c’est pourquoi, donc », des verbes comme « déduire, conclure, montrer, signaler, analyser », et une grammaire de phrase reposant sur la subordination de cause (parce que), de condition (si) de conséquence (si bien que), de concession (bien que), de but (pour que)…</p>
<hr>
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<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-donald-trump-et-vladimir-poutine-devoient-le-concept-de-verite-177886">Comment Donald Trump et Vladimir Poutine dévoient le concept de vérité</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>En réalité, nous ne sommes pas trompés par un tweet, nous y adhérons parce qu’il exprime l’avis clairement assumé d’une personne que nous considérons comme référentielle. Ce qui explique ainsi que malgré des affirmations largement dénoncées comme fausses, monsieur Donald Trump continue de jouir d’une grande popularité : on le croit parce que sa parole est perçue comme honnête. Indépendamment de son contenu.</p>
<p>C’est dans une fausse simplicité que se niche l’enjeu de l’écriture grammaticale du tweet.</p>
<p>La grammaire de l’infox repose en effet sur des effets très travaillés de ruptures grammaticales qu’on pourrait analyser comme des tics de langage. On utilise des formules répétées, au style relâché, mais qui sont en fait calculées pour leur effet « naturel » ou pour l’aspect peu travaillé qu’elles semblent manifester. Je dis la vérité car mon style est brut, peu littéraire, naturel, directement issu de ma pensée profonde. J’écris sans fard (sans effet stylistique), donc je parle vrai !</p>
<p>Analysons quelques phénomènes très répétés, dans les tweets de Donald Trump, de cette forme d’affirmation grammaticale de l’opinion véridique.</p>
<h2>Connecteurs logiques et familiarité</h2>
<p>L’usage en début de phrase d’un connecteur logique (comme « And by the way », « Et d’ailleurs », par exemple) permet de poursuivre un raisonnement absent, mais qui enchaîne uniquement sur ce que le lecteur aurait déjà dans l’esprit. « Et au fait/et d’ailleurs » introduit théoriquement une suite, et ne peut être un début… c’est aussi induire l’idée d’une conversation ininterrompue, donc d’une proximité de pensée entre locuteur et récepteur.</p>
<p>C’est le cas ici : </p>
<blockquote>
<p>« Et au fait, est-ce que quelqu’un croit que Joe a eu 80 millions de votes ? Est-ce que quelqu’un croit cela ? Il avait 80 millions de votes par ordinateur. C’est une honte. » (« And by the way, does anybody believe that Joe had 80 million votes ? Does anybody believe that ? He had 80 million computer votes. It’s a disgrace », 6 janvier 2021.)</p>
</blockquote>
<p>Ou encore ici : </p>
<blockquote>
<p>« Et au fait, Joe Biden n’a pas battu Barack Obama avec, euh, le vote noir. Ne l’a pas battu, d’accord ? » (« And by the way, Joe Biden did not beat Barack Obama with, uh, the Black vote. Didn’t beat him, okay ? », 26 novembre 2020.)</p>
</blockquote>
<p>On retrouve ici tic d’écriture, faute de grammaire (l’absence de sujet dans la seconde phrase), élisions, mais il s’agit surtout d’indiquer que lecteurs et auteur sont sur la même longueur d’onde puisque capables de poursuivre un raisonnement non énoncé. En somme, dit Trump à travers cette formulation, vous êtes à ce point complices avec moi que vous pouvez suivre ma pensée même si je ne l’exprime pas. Vous poursuivez ma logique même en la prenant en cours de route, sans qu’elle ait besoin d’être formulée.</p>
<h2>Créer des ruptures</h2>
<p>Le goût de la rupture, qui brise la fluidité de la lecture, permet d’authentifier la pensée ou de prendre à témoin le lecteur. Donald Trump utilise les appositions introduites par des tirets ou des virgules plutôt que par des parenthèses, en vue d’apporter des jugements très personnels qui insistent sur le fait qu’il exprime une pensée qui lui est propre.</p>
<p>On note la grande présence par exemple sous sa plume des « vous savez » en apposition (« you know »). C’est un avis très individuel qui s’exprime, qui semble s’appuyer sur la pensée déjà acquise du lecteur :</p>
<blockquote>
<p>« Et au fait, nous avons annoncé, vous savez, que j’ai prépayé des millions et des millions de dollars d’impôts. » (« And by the way we announced, you know, I prepaid millions and millions of dollars in taxes », 2 novembre 2020.)</p>
</blockquote>
<p>Le procédé se trouve souvent en relation avec un autre tic d’écriture qui consiste à placer le sujet en apposition en début de phrase, puis à le répéter par un pronom immédiatement après. </p>
<blockquote>
<p>« Nos magnifiques vétérans, ils ont été très mal traités avant notre arrivée. Et, comme vous le savez, nous leur obtenons un excellent service de [santé] et nous prenons en charge la facture, et ils peuvent sortir et consulter un médecin s’ils doivent attendre longtemps. » (« Our beautiful vets, they were very badly treated before we came along. And, as you know, we get them great service and we pick up the bill, and they can go out and they can see a doctor if they have to wait long periods of time », 20 janvier 2021.)</p>
</blockquote>
<p>Les appositions en général sont le lieu de l’information très personnelle, et donc très fallacieuse : l’apposition met en valeur une partie de la phrase (puisque cette partie est isolée par la ponctuation) et permet d’autant plus au message qu’elle contient d’imprégner le lecteur. C’est donc là que s’expriment les idées les plus contestables. Les appositions rompent la lecture et invitent le lecteur à partager leur contenu.</p>
<h2>Abuser des verbes de jugement</h2>
<p>La prise à témoin par l’usage de verbe de jugement (croire, pouvoir, deviner, estimer) permet au Président de rappeler qu’une communauté de pensée l’unit à son électorat/lectorat : </p>
<blockquote>
<p>« Ne peux pas croire qu’un juge puisse mettre notre pays dans un tel péril. Si quelque chose arrive, blâmez-le lui, et le système judiciaire. Les gens affluent. Mauvais ! » (« Just cannot believe a judge would put our country in such peril. If something happens blame him and court system. People pouring in. Bad ! », 5 février 2017.)</p>
</blockquote>
<p>C’est le cas ici :</p>
<blockquote>
<p>« Vous y croyez ? L’administration Obama a accepté de prendre des milliers d’immigrants illégaux venus d’Australie. Pourquoi ? Je vais étudier cette affaire de fou ! » (« Do you believe it ? The Obama Administration agreed to take thousands of illegal immigrants from Australia. Why ? I will study this dumb deal ! », 2 février 2017.)</p>
</blockquote>
<p>Ou encore ici :</p>
<blockquote>
<p>« Un reportage du Time magazine – et j’ai été en couverture 14 ou 15 fois. Je crois que nous avons le record de tous les temps dans l’histoire du Time magazine ». (« A reporter for Time magazine – and I have been on their cover 14 or 15 times. I think we have the all-time record in the history of Time magazine », 23 février 2017.)</p>
</blockquote>
<p>En réalité, le président Nixon a été en couverture du <em>Time</em> 50 fois et le président Reagan 37 fois… Mais peut-on reprocher à un homme de se tromper lorsqu’il dit « je crois » ? Le mot « believe » (croire) apparaît dans plus de 600 de ses tweets, « you can » (« vous pouvez ») près de 500 fois, « you want » (vous voulez) 176 fois, « think » (penser) 2 050 fois…</p>
<p>Pour analyser une habitude d’écriture (« And by the way », « what », « you know » ou l’importance des verbes de parole ou de sentiment), il faut s’interroger sur l’effet produit avant de réfléchir en termes de pauvreté d’expression. En se mettant en scène comme un individu possédant son propre jugement, l’auteur provoque par ses multiples tics une adhésion forte de son lectorat à sa pensée.</p>
<p>En jouant sur la certitude de la pensée vraie et non sur le raisonnement, cette écriture est dangereuse pour le débat démocratique, en ce qu’elle appelle une adhésion au jugement clairement assumée et non à l’idée sous-tendue : ce qui est mis en évidence par l’écriture est l’avis très personnel et non l’idée démontrable.</p>
<p>En fait, vous voyez, en politique, je crois que nous sommes dans l’ère des gourous…</p>
<hr>
<p><em>A lire :<br>
● <a href="https://www.researchgate.net/profile/Ioan-Hosu/publication/336603703_Information_Communication_et_Humanites_Numeriques/links/5da80d22a6fdccdad54ade6d/Information-Communication-et-Humanites-Numeriques.pdf">« Grammaire de la fake news. Deux modalités de l’écriture de la fake news en média court et média long »</a>, Florent Montaclair, Accent, 2019.<br>
● <a href="http://www.pcub.fr/Le-D%C3%A9fi-galil%C3%A9en/">« Le Défi Galiléen et autres discours »</a>, Florent Montaclair et Noam Chomsky, UPAE, Lewes (DE, États-Unis), 2018.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/188404/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florent Montaclair ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Par ses tics d’écriture sur Twitter, Donald Trump ne convainc pas, il subjugue. Sa grammaire n’est pas argumentative mais émotionnelle : il s’exprime à la manière d’un prédicateur.Florent Montaclair, Enseignant, Directeur des Etudes de l'Institut National Supérieur de l'Enseignement et de la Pédagogie, Université de Franche-Comté – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1820632022-04-27T18:19:35Z2022-04-27T18:19:35ZLe Digital Services Act, un frein aux ambitions d’Elon Musk avec Twitter en Europe ?<p>En quelques jours, deux décisions distinctes prises de part et d’autre de l’Atlantique pourraient s’avérer déterminantes quant à l’avenir de Twitter en Europe. Le 25 avril, aux États-Unis, a été annoncé le rachat pour <a href="https://www.europe1.fr/economie/elon-musk-rachete-twitter-4107758">44 milliards de dollars du réseau social par Elon Musk</a>, patron de Tesla et SpaceX, et qui compte accessoirement près de 83 millions d’abonnés. Deux jours auparavant, soit le 23 avril, un accord était trouvé sur la législation sur les services numériques au sein de l’Union européenne.</p>
<p>Avec ce <a href="https://www.consilium.europa.eu/en/press/press-releases/2022/04/23/digital-services-act-council-and-european-parliament-reach-deal-on-a-safer-online-space/">Digital Services Act</a> (DSA), l’Union européenne vise notamment un encadrement plus strict des réseaux sociaux et une protection renforcée de leurs utilisateurs, avec par exemple « une procédure de notification et d’action plus claire, qui permettra aux utilisateurs de <a href="https://www.lesnumeriques.com/vie-du-net/un-accord-provisoire-trouve-sur-le-digital-services-act-dsa-n181325.html">signaler du contenu illicite</a> en ligne et obligera les plates-formes en ligne à réagir rapidement ».</p>
<h2>Triple ambition</h2>
<p>Cette initiative pourrait ainsi venir contrecarrer les ambitions d’Elon Musk en matière d’évolution de Twitter. Si l’on en croit la communication de l’homme le plus riche du monde pendant les jours qui ont précédé l’officialisation du rachat, celles-ci semblent concerner trois dimensions :</p>
<ul>
<li><p>Une dimension <strong>business</strong> : on peut imaginer qu’en détenant un média aussi influent, Elon Musk disposera d’un outil bénéfique à ses affaires, dans l’aérospatiale avec SpaceX ou dans les véhicules électriques avec Tesla, voire dans ses autres projets comme les cryptomonnaies ou le controversé transhumanisme.</p></li>
<li><p>Une dimension <strong>ludique</strong> : jusqu’à présent, le chef d’entreprise né en Afrique du Sud et naturalisé Américain est resté laconique sur les moyens qu’il envisage pour monétiser Twitter qui, malgré près de 220 millions d’utilisateurs actifs quotidiens, n’a pas été rentable lors des <a href="https://www.marketwatch.com/investing/stock/twtr/financials">deux derniers exercices comptables</a>. On peut donc penser que le chef d’entreprise, comme d’autres achètent des clubs de foot ou des médias traditionnels, accepterait de perdre de l’argent dans l’opération pour des raisons de prestige et d’influence. Si l’on se place une seconde du point de vue de personnes qui peuvent déjà tout s’offrir, il ne faut pas négliger le divertissement que peut représenter le pilotage d’un média, tout comme l’excitation que peuvent susciter des projets aussi fous et controversés que le transhumanisme, la colonisation spatiale… ou la transformation d’un des réseaux sociaux les plus influents du monde.</p></li>
</ul>
<p><iframe id="r8DWu" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/r8DWu/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<ul>
<li>Une dimension <strong>politique</strong> : Le 14 avril dernier, lors d’une conférence Ted, il avait notamment détaillé son ambition de faire du réseau social « une arène inclusive pour la liberté d’expression ». Le milliardaire estime en effet qu’une forme de censure à sens unique, imposée par la gauche américaine au détriment des conservateurs, s’est installée.</li>
</ul>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/cdZZpaB2kDM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Conférence TED2022 d’Elon Musk, le 14 avril 2022 (Ted).</span></figcaption>
</figure>
<p>Cependant, une <a href="https://cdn.cms-twdigitalassets.com/content/dam/blog-twitter/official/en_us/company/2021/rml/Algorithmic-Amplification-of-Politics-on-Twitter.pdf">étude</a> scientifique a montré que la réalité était beaucoup plus nuancée, même si les censures les plus visibles ou emblématiques concernent le camp conservateur. La plus spectaculaire restant la <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Pourquoi-Twitter-suspendu-compte-Donald-Trump-2021-01-09-1201133964">fermeture du compte de l’ancien président américain Donald Trump</a> (duquel Elon Musk s’est rapproché ces dernières années) pour « incitation à la violence » après l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021.</p>
<h2>Un bras de fer déjà engagé</h2>
<p>Ces ambitions d’ordre politique de celui qui se dépeint en « absolutiste de la liberté d’expression » paraissent largement prédominer dans la décision d’Elon Musk d’acquérir Twitter. Elles risquent toutefois de se heurter en Europe au <a href="https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/proposal_for_a_regulation_on_a_single_market_for_digital_services.pdf">Digital Services Act</a> sur lequel le Parlement et le Conseil de l’Union européenne viennent, hasard du calendrier, de trouver un accord.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1499976967105433600"}"></div></p>
<p>En effet, le texte prévoit d’astreindre les plus grosses plates-formes numériques à de nouvelles obligations de moyens, de façon à lutter plus efficacement contre la désinformation et la haine en ligne. La mise en œuvre du DSA aura notamment pour conséquence d’augmenter les coûts des plates-formes liés à la modération ou à la couverture des nouveaux risques juridiques, mais aussi une mise en transparence des algorithmes qui pourrait nuire à leurs revenus tirés de la publicité intrusive ultraciblée.</p>
<p>Une fois par an, les plates-formes devront ainsi être auditées par des organismes indépendants placés sous la surveillance de la Commission européenne, et des amendes atteignant 6 % de leur chiffre d’affaires en cas d’infractions répétées pourront être prononcées.</p>
<p>Cet accord a fait dire au Commissaire européen Thierry Breton qu’avec l’accord conclu le 23 avril, « le temps des grandes plates-formes en ligne se comportant comme si elles étaient “trop grandes pour s’en soucier” <a href="https://www.lesnumeriques.com/vie-du-net/un-accord-provisoire-trouve-sur-le-digital-services-act-dsa-n181325.html">touche à sa fin</a> ». Le 26 avril, après l’officialisation du rachat de Twitter, il a assuré que le nouveau dirigeant « s’adaptera rapidement au DSA ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1518910089536716802"}"></div></p>
<p>Si Elon Musk va jusqu’au bout se sa logique, selon laquelle Twitter souffre d’un manque de liberté d’expression, des antagonismes risquent donc rapidement d’apparaître en Europe. Le bras de fer semble en tous cas engagé. En France, le secrétaire d’État au numérique Cédric O, a lui prévenu que le DSA « s’appliquera quelle que soit l’idéologie de son propriétaire ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1518691407703293954"}"></div></p>
<p>Certes, au sein de l’Union européenne, les géants du numérique ont jusqu’alors surtout eu affaire aux autorités fiscales et celles en charge de la concurrence. Cependant, si le DSA est effectivement appliqué, et que les utilisateurs s’en emparent pleinement pour signaler systématiquement les contenus non appropriés, il devrait quand même modifier les comportements… et par là même, l’avenir d’un réseau comme Twitter.</p>
<p>D’une part, parce que l’application du DSA pourrait dégrader un modèle économique, déjà peu robuste. L’augmentation des coûts liée aux exigences de modération pourrait se doubler d’une réduction des recettes, lesquelles reposent quasi exclusivement sur la publicité. L’attractivité de la régie publicitaire de Twitter pourrait souffrir de la lutte engagée contre l’exploitation de données sensibles, telles que les orientations sexuelles, politiques ou religieuses, particulièrement prisées des annonceurs. Un risque d’effet de ciseau, ou de réduction des marges, qui ne semble certes pas au cœur des préoccupations d’un milliardaire probablement enclin à ne pas gagner d’argent (du moins directement) avec son média.</p>
<p>D’autre part, si Elon Musk parvenait à ses fins en faisant de Twitter un espace de débat le plus ouvert possible, une partie des utilisateurs risquerait également de déserter le réseau social. Quel intérêt de recevoir des dizaines de messages d’insultes au moindre post ? Nous pourrions ainsi assister à une transposition, que nous avions détaillée dans un précédent <a href="https://theconversation.com/podcast-sur-les-reseaux-sociaux-aussi-la-mauvaise-monnaie-chasse-la-bonne-148240">podcast</a>, du précepte économique de la « mauvaise monnaie chasse la bonne » en « les mauvais utilisateurs chassent les bons ». Ne subsisteraient alors sur Twitter que les personnes en ayant une utilisation professionnelle, et les utilisateurs les moins modérés. Les autres pourraient se tourner vers d’autres espaces d’expression plus apaisés, mais aussi plus confidentiels, où paradoxalement, les obligations du DSA qui ciblent les plates-formes de plus de 45 millions d’utilisateurs actifs ne s’appliqueront pas.</p>
<p>Dans l’attente de pouvoir vérifier ces hypothèses, on pourra au moins avancer qu’avec le feuilleton de ce rachat, Elon Musk se met en scène comme le « <a href="https://theconversation.com/devenir-the-greatest-showman-la-construction-des-success-stories-91772">greatest showman</a> » du monde des affaires qui maîtrise le buzz et décrit le monde tel qu’il pourrait être. Une attitude au moins particulièrement appréciée des marchés financiers.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182063/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Pillot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le projet du patron de Tesla pour le réseau social qu’il vient de racheter pourrait entrer en contradiction avec la nouvelle réglementation des services numériques européenne.Julien Pillot, Enseignant-Chercheur en Economie (Inseec) / Pr. associé (U. Paris Saclay) / Chercheur associé (CNRS), INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1819802022-04-26T19:48:22Z2022-04-26T19:48:22ZLe rachat par Elon Musk risque d’aggraver le problème de désinformation de Twitter<p>Elon Musk, la personne la plus riche du monde, <a href="https://www.wsj.com/articles/twitter-and-elon-musk-strike-deal-for-takeover-11650912837">a acquis Twitter</a> pour 44 milliards de dollars américains le 25 avril 2022, 11 jours après avoir fait son offre. Twitter a annoncé que l’entreprise, côtée à la bourse de New York depuis 2013, <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2022/04/26/elon-musk-rachete-twitter-ce-que-cela-pourrait-changer-pour-la-plateforme_6123662_4408996.html">passerait entièrement sous la propriété d’Elon Musk</a>.</p>
<p>Dans son <a href="https://www.sec.gov/Archives/edgar/data/0001418091/000110465922045641/tm2212748d1_sc13da.htm">dépôt auprès de la Securities and Exchange Commission</a> (SEC) des États-Unis, Elon Musk a expliqué : </p>
<blockquote>
<p>« J’ai investi dans Twitter car je crois en son potentiel d’être la plate – forme de la liberté d’expression dans le monde entier, et je pense que la liberté d’expression est un impératif sociétal pour une démocratie en bonne santé. »</p>
</blockquote>
<p>En tant que <a href="https://scholar.google.com/citations?hl=en&user=JpFHYKcAAAAJ">chercheuse spécialiste des réseaux sociaux</a>, je trouve que l’acquisition de Twitter par Elon Musk et les raisons qu’il a invoquées pour ce rachat soulèvent des questions importantes. Ces questions sont liées à la nature même des plates-formes de médias sociaux, qui se distinguent des plates-formes classiques.</p>
<h2>Ce qui rend Twitter unique</h2>
<p>Twitter occupe une place unique. Ses messages courts et ses fils de discussion favorisent les conversations en temps réel entre des milliers de personnes, ce qui le rend populaire auprès des célébrités, du monde des médias et des politiques.</p>
<p>Les analystes des médias sociaux prennent en compte la demi-vie du contenu sur ces plates-formes, c’est-à-dire le temps nécessaire pour qu’un contenu atteigne 50 % de l’engagement qu’il aura totalisé à la fin de sa durée de vie, généralement mesuré en nombre de vues ou d’autres mesures de popularité. La demi-vie moyenne d’un tweet est <a href="https://www.business2community.com/social-media-articles/how-your-contents-half-life-should-drastically-impact-your-social-media-strategy-in-2020-02290478">d’environ 20 minutes</a>, contre cinq heures pour les publications Facebook, 20 heures pour les publications Instagram, 24 heures pour les publications LinkedIn et 20 jours pour les vidéos YouTube. Cette demi-vie beaucoup plus courte illustre le rôle central qu’occupe désormais Twitter en suscitant des conversations en temps réel, à mesure que se déroulent les évènements.</p>
<p>La capacité de Twitter à façonner le discours en temps réel, ainsi que la facilité avec laquelle les données, y compris les données géomarquées, peuvent être recueillies sur Twitter, en ont fait une mine d’or pour les chercheurs qui souhaitent analyser une variété de phénomènes sociétaux, allant de la santé publique à la politique. Les données issues de Twitter ont été utilisées pour prédire les <a href="https://ieeexplore.ieee.org/abstract/document/7045443">visites aux urgences liées à l’asthme</a>, mesurer la <a href="https://www.cs.jhu.edu/%7Emdredze/publications/2016_ossm.pdf">sensibilisation du public aux épidémies</a> et modéliser la <a href="https://doi.org/10.1080/1369118X.2016.1218528">dispersion de la fumée des feux de forêt</a>.</p>
<p>Les tweets qui constituent une discussion sont <a href="https://blog.twitter.com/en_us/a/2013/keep-up-with-conversations-on-twitter">affichés par ordre chronologique</a> et, même si une grande partie de l’engagement d’un tweet se fait en amont, les archives de Twitter <a href="https://blog.twitter.com/en_us/a/2015/full-archive-search-api">offrent un accès instantané et complet à tout tweet public</a>. Twitter permet ainsi <a href="https://twitter.com/sarahkendzior/status/1514590065674047488">d’enregistrer les évènements</a>, ce qui en fait, de facto, un outil pour « fact-checker » ce qui s’est réellement passé.</p>
<h2>Les projets d’Elon Musk</h2>
<p>Il est donc crucial de comprendre comment l’acquisition par Elon Musk de Twitter, ou plus généralement le contrôle privé de plates-formes de médias sociaux affectent le bien-être collectif. Dans une série de tweets supprimés, Elon Musk a fait plusieurs <a href="https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/moderation-services-payants-correction-des-tweets-ce-qu-elon-musk-prevoit-de-changer-chez-twitter-20220426">suggestions sur la façon de changer Twitter</a>, notamment en ajoutant un bouton d’édition pour les tweets et en accordant aux utilisateurs premium des badges distinctifs sur leur profil.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1511143607385874434"}"></div></p>
<p>Il n’existe aucune preuve expérimentale de la manière dont un bouton d’édition modifierait la transmission des informations sur Twitter. Cependant, il est possible d’extrapoler les analyses de recherches antérieures sur les tweets supprimés.</p>
<p>Il existe de nombreux moyens de <a href="https://www.tweettabs.com/find-deleted-tweets/">récupérer les tweets supprimés</a>, ce qui permet aux chercheurs de les étudier. Alors que certaines études montrent des <a href="https://www.aaai.org/ocs/index.php/ICWSM/ICWSM16/paper/viewPaper/13133">différences de personnalité significatives</a> entre les utilisateurs qui suppriment leurs tweets et ceux qui ne le font pas, ces résultats suggèrent que la suppression de tweets est un <a href="https://doi.org/10.1080/1369118X.2016.1257041">moyen pour les gens de gérer leur identité en ligne</a>.</p>
<p>L’analyse du comportement menant à ces suppressions de tweets peut fournir des indices précieux sur la <a href="https://ojs.aaai.org/index.php/ICWSM/article/view/14874">crédibilité et la désinformation en ligne</a>. De la même façon, si Twitter ajoutait un bouton d’édition, l’analyse des comportements menant à l’édition des tweets pourrait fournir des informations sur les intentions des utilisateurs de Twitter et l’image qu’ils donnent d’eux-mêmes.</p>
<p>Des études sur l’activité des robots informatiques sur Twitter ont montré que <a href="https://www.npr.org/sections/coronavirus-live-updates/2020/05/20/859814085/researchers-nearly-half-of-accounts-tweeting-about-coronavirus-are-likely-bots">près de la moitié des comptes qui publient des tweets à propos du Covid-19 sont probablement des robots</a>. Étant donné les <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1804840115">clivages partisans et la polarisation politique dans les espaces en ligne</a>, permettre aux utilisateurs – qu’il s’agisse de robots informatiques ou de personnes réelles – de modifier leurs tweets pourrait devenir une nouvelle arme dans l’arsenal de désinformation utilisé par ces robots et les propagandistes. L’édition des tweets permettrait aux utilisateurs de déformer ce qu’ils ont dit, de manière sélective, ou de nier certains de leur propos, y compris les plus controversés, ce qui pourrait compliquer le traçage de la désinformation.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1514590065674047488"}"></div></p>
<p>Elon Musk a également indiqué vouloir lutter contre les robots sur Twitter, ces comptes automatisés qui tweetent rapidement et de façon répétitive tout en se faisant passer pour de vrais utilisateurs. Il a appelé à <a href="https://twitter.com/elonmusk/status/1517215736606957573">authentifier les comptes gérés par de véritables êtres humains</a>.</p>
<p>Compte tenu des défis posés par les atteintes malveillantes à la vie privée en ligne, <a href="https://doi.org/10.1145/3131365.3131385">comme la pratique dite du « doxxing »</a> – la divulgation de données personnelles pour nuire à un individu –, il est nécessaire que les méthodes d’authentification respectent la vie privée des utilisateurs. Cela est particulièrement important pour les activistes, les dissidents et les lanceurs d’alerte qui sont menacés à cause de leurs activités en ligne. Des mécanismes tels que les <a href="https://www.ijert.org/decentralized-access-control-technique-with-anonymous-authentication">protocoles décentralisés</a> permettraient l’authentification tout en garantissant l’anonymat.</p>
<h2>La modération du contenu sur Twitter et son business model</h2>
<p>Pour comprendre les intentions d’Elon Musk et ce qui attend les plates-formes de médias sociaux telles que Twitter, il est important de prendre en compte le gargantuesque – et opaque – <a href="https://warzel.substack.com/p/the-internets-original-sin?s=r">écosystème de la publicité en ligne</a>, qui comprend une variété de technologies utilisées par les réseaux publicitaires, les médias sociaux et les éditeurs qui proposent des espaces publicitaires. La publicité est la <a href="https://www.wsj.com/articles/social-media-may-have-to-embrace-the-musk-11649691208">principale source de revenus pour Twitter</a>.</p>
<p>Elon Musk a pour projet de <a href="https://www.zonebourse.com/barons-bourse/Elon-Musk-1364/actualites/Musk-propose-un-remaniement-de-l-abonnement-a-Twitter-Blue-quelques-jours-apres-avoir-divulgue-une-p--40016527/">générer les revenus de Twitter à partir des abonnements</a> plutôt qu’à partir de la publicité. En s’épargnant le souci d’attirer et de retenir les annonceurs, Twitter aurait moins besoin de se concentrer sur la modération du contenu. Twitter deviendrait ainsi une sorte de site d’opinion, pour des abonnés payants, dénué de contrôle. À l’inverse, Twitter s’est montré jusqu’à présent très actif <a href="https://www.techdirt.com/2021/02/10/content-moderation-case-study-twitter-attempts-to-tackle-covid-related-vaccine-misinformation-2020/">dans sa modération du contenu</a> afin de lutter contre la désinformation.</p>
<p>La description faite par Elon Musk d’une <a href="https://qz.com/2155098/elon-musks-twitter-bid-isnt-about-free-speech/">plateforme qui ne se préoccupe plus de modérer le contenu</a> est inquiétante en considération des préjudices causés par les algorithmes des médias sociaux. Des recherches en ont mis en évidence un grand nombre, comme les <a href="https://doi.org/10.1145/3468507.3468512">algorithmes qui attribuent un sexe</a> aux utilisateurs, les <a href="https://doi.org/10.1145/3287560.3287587">inexactitudes et biais potentiels des algorithmes</a> utilisés pour récolter des informations sur ces plates-formes, et les conséquences <a href="https://theconversation.com/biases-in-algorithms-hurt-those-looking-for-information-on-health-140616">pour la santé de ceux qui s’informent en ligne sur ce sujet</a>.</p>
<p>Le témoignage de la lanceuse d’alerte <a href="https://information.tv5monde.com/terriennes/qui-est-frances-haugen-la-lanceuse-d-alerte-de-facebook-431702">Frances Haugen</a>, ancienne employée de Facebook, et les récents efforts de réglementation, tels que le <a href="https://www.euractiv.fr/section/economie/news/les-legislateurs-britanniques-demandent-un-renforcement-du-projet-de-loi-sur-la-securite-en-ligne/">projet de loi sur la sécurité en ligne dévoilé au Royaume-Uni</a> ou les <a href="https://www.france24.com/fr/europe/20220423-l-union-europ %C3 %A9enne- %C3 %A9limine-les-zone-de-non-droit-sur-internet">futures législations de l’Union européenne</a>, montrent que le public est largement préoccupé par le rôle joué par les plates-formes technologiques dans la formation des idées de société et de l’opinion publique. L’acquisition de Twitter par Elon Musk <a href="https://www.mac4ever.com/divers/170524-twitter-elon-musk-devra-respecter-les-normes-de-l-ue-pour-son-paradis-de-la-liberte-d-expression">met en lumière toute une série de préoccupations réglementaires</a>.</p>
<p>En raison des autres activités d’Elon Musk, la <a href="https://www.nasdaq.com/articles/how-does-social-media-influence-financial-markets-2019-10-14">capacité de Twitter à influencer l’opinion publique</a> dans les secteurs sensibles de l’aviation et de l’automobile provoque automatiquement un conflit d’intérêts, sans compter les implications quant à la divulgation des <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/delit-d-initie-1348718">informations importantes</a> nécessaires aux actionnaires. En ce sens, Elon Musk a déjà été accusé de <a href="https://www.clubic.com/internet/twitter/actualite-418056-elon-musk-poursuivi-par-un-actionnaire-de-twitter-pour-avoir-fausse-le-cours-de-l-action-de-l-entreprise.html">retarder la divulgation de sa participation dans Twitter</a>.</p>
<p>Le <a href="https://blog.twitter.com/engineering/en_us/topics/insights/2021/learnings-from-the-first-algorithmic-bias-bounty-challenge">challenge lancé par Twitter aux hackers pour détecter les biais existants dans ses propres algorithmes</a> a montré qu’une approche communautaire était nécessaire pour créer de meilleurs algorithmes. Ainsi, le MIT Media Lab a imaginé un exercice très créatif consistant à demander aux collégiens de <a href="https://www.media.mit.edu/galleries/youtube-redesign/">réimaginer la plate-forme YouTube en tenant compte de l’éthique</a>. Il est peut-être temps de demander à Elon Musk de faire de même avec Twitter.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181980/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anjana Susarla reçoit un financement de l'Institut national de la santé et de la chaire Omura-Saxena en AI responsable.</span></em></p>Twitter, plus que tout autre réseau social, permet de suivre et de commenter les événements en temps réel. L'acquisition de la plate-forme par Elon Musk pourrait radicalement changer la donne.Anjana Susarla, Professor of Information Systems, Michigan State UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1799842022-03-29T19:29:52Z2022-03-29T19:29:52ZPour contrer infox et propagande, le fact-checking ne suffit pas<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/454202/original/file-20220324-13-1ugavqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'expansion du storytelling nourrit une méfiance généralisée.</span> </figcaption></figure><p>La rencontre avec des individus tenant des discours complotistes ou relayant des « infox » est toujours chose étonnante. De même que les Parisiens de <a href="https://www.livredepoche.com/livre/lettres-persanes-9782253082224">Montesquieu</a>, rencontrant pour la première fois des personnes venues d’ailleurs, s’exclamaient « Comment peut-on être persan ? », la tentation est grande de réagir par la stupéfaction et de se demander « Comment est-ce possible ? »</p>
<p>Lorsqu’il s’agit de personnes relativement proches et que l’on estime capables d’esprit critique, une autre question fuse : « Comment en sont-ils arrivés là ? » Quels sont les <a href="https://theconversation.com/covid-19-comment-les-biais-cognitifs-ont-diminue-lefficacite-de-la-communication-officielle-132818">biais cognitifs</a> – ou les ratés de l’insertion dans une société qui reste, quoi qu’on en dise, démocratique – susceptibles d’apporter un début d’explication ? À moins qu’il ne s’agisse, dans un temps prompt à accuser l’école de tous les maux, d’une défaillance du système scolaire, incapable de s’adapter au régime nouveau de la « post-vérité » ?</p>
<p>Quoi qu’il en soit, nous avons tous fait le constat que, lorsque nous subissons pareille confrontation, il est bien tard pour opposer à notre interlocuteur des arguments rationnels ou des faits que nous estimons établis. Le dialogue semble alors dresser l’un contre l’autre deux récits et, à ce jeu, il n’est pas sûr que les critères pour choisir le « meilleur » aient forcément à voir avec la vérité. Le récit plausible, le discours le plus en rapport avec les angoisses des intervenants sont ceux qui risquent le plus souvent d’emporter l’adhésion.</p>
<h2>Une injonction à « faire récit »</h2>
<p>Il serait dommage cependant de s’en tenir à des explications psychologisantes. Le souci est qu’il y a derrière ces informations fausses, intentionnellement ou pas, une « part de vérité » comme on dit. De la part de vérité à la vérité « à dévoiler », il n’y a qu’un pas, que la méfiance (envers les institutions, les médias alors qualifiés d’« officiels », etc.) aide à franchir.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/gilets-jaunes-ce-que-leur-defiance-envers-les-medias-nous-apprend-111273">« Gilets jaunes » : ce que leur défiance envers les médias nous apprend</a>
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<p>Il faut y voir ici une raison profonde : tout est désormais mis en récit, qu’il s’agisse du marketing, du jeu, de la politique, voire de la science elle-même. <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/storytelling-9782707156518">Christian Salmon invite</a> « à se méfier d’une pensée narrative de plus en plus instrumentalisée par les spin doctors de la communication politique, les stratèges du marketing ou de l’art de la guerre. »</p>
<p>Il est vrai qu’aucune activité sociale ne semble aujourd’hui épargnée et il serait fâcheux de confondre le phénomène et le thermomètre. Les racines d’une méfiance aujourd’hui largement distribuée ne sont pas à rechercher dans une expression ou une mise en scène de soi plus faciles via le « numérique » ou les réseaux sociaux mais davantage dans une injonction généralisée à faire récit qui clôture l’expression publique. L’interprétation des faits semble en effet de plus en plus bornée par des récits qui se présentent comme des commentaires autorisés. Sans vouloir les excuser, les réactions épidermiques (trop souvent de bas niveau) que l’on constate sur les réseaux sociaux (accentuées il est vrai par un anonymat déresponsabilisant) découlent certainement en partie de ce verrouillage.</p>
<p>Ajoutons que ces récits ne s’embarrassent pas toujours de vérité, voire la <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/04/16/laurent-petit-nous-sommes-assurement-dans-une-epoque-de-mal-information_6077064_3232.html">manipulent</a>. Il n’y a qu’à souligner ici la puissance de récits alternatifs véhiculés, avec une ampleur de moyens souvent insoupçonnée, par des groupes de pression ou des États illibéraux, l’invasion de l’Ukraine par la Russie en fournissant des exemples quotidiens, le plus énorme étant certainement la prétendue russophobie des Ukrainiens, « un premier pas vers un génocide » <a href="https://www.parismatch.com/Actu/International/Ukraine-Poutine-evoque-un-premier-pas-vers-un-genocide-dans-l-est-du-pays-1775292">selon Poutine</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Russie – Ukraine : la désinformation comme arme de guerre • FRANCE 24 (février 2022).</span></figcaption>
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<p>D’autres récits, sans vouloir induire sciemment en erreur, ont davantage, dans le cas du marketing par exemple, la vraisemblance comme horizon. Ils s’apparentent alors à des discours fictionnels auxquels il est possible d’adhérer. Citons ici les discours promotionnels sur l’intelligence artificielle, censée faire advenir un monde meilleur. Cet état généralisé laisse penser que les discours les plus relayés, car portés par des institutions, y compris démocratiques, ou par des médias à forte audience, ou bien encore correspondant à une opinion majoritaire, sont nécessairement suspects.</p>
<p>Face à ces récits « mainstream », il est plus payant de s’afficher comme un récit alternatif qui cherche, en bravant les obstacles, à faire émerger la vérité face à un récit plus puissant. Les relais de la propagande russe dans les pays occidentaux se présentent souvent ainsi.</p>
<h2>Cultiver le doute constructif</h2>
<p>On prend la mesure, jour après jour, des ravages d’une méfiance généralisée. Il faut reconnaître qu’elle peut être parfois fondée lorsqu’il y a collusion d’intérêts entre les multinationales et les scientifiques, lorsque les scientifiques sortent dans les médias de leur domaine de compétences, lorsque les médias et les politiques affichent une proximité suspecte, etc.</p>
<p>Comment y remédier ? Les outils de « fact-checking » ne manquent pas. Tous les grands journaux et les agences de presse ont désormais un service dédié : en France, citons <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/">celui du journal <em>Le Monde</em></a>, de <a href="https://www.liberation.fr/checknews/"><em>Libération</em></a> ou de <a href="https://factcheck.afp.com/">l’AFP</a>. De nombreux sites spécialisés dans la <a href="https://www.hoaxbuster.com/">lutte contre la désinformation</a> ont été créés. À l’École, l’éducation aux médias et à l’information (EMI), quoiqu’on en dise et quelles que soient ses insuffisances, existe et dans les établissements scolaires les professeurs-documentalistes font un travail remarquable : en témoigne la 33<sup>e</sup> édition de la « semaine de la presse et des médias dans l’École » <a href="https://www.clemi.fr/fr/semaine-presse-medias.html">organisée par le CLEMI</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">La semaine de la presse dans les écoles en 2015, reportage en collège (France 3 Nouvelle-Aquitaine).</span></figcaption>
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<p>Il faut évidemment accentuer l’effort mais je ne m’intéresse pas principalement dans cet article aux personnes qui sauront utiliser toutes les ressources mises à disposition lorsqu’un doute sur une information surgit. Il y a une <a href="https://www.pug.fr/produit/1875/9782706147272/l-education-aux-medias-et-a-l-information">réflexion à mener</a> sur les gestes à inculquer en amont d’une éducation spécifique mobilisant une <a href="https://theconversation.com/reseaux-numeriques-trois-gestes-barrieres-a-cultiver-en-famille-149843">riche panoplie d’outils</a>.</p>
<p>La piste mise en avant ici pourra paraître paradoxale et susceptible d’aggraver le mal : il s’agirait d’apprendre à douter ! Mais pas n’importe comment. Il ne s’agit pas d’introduire le doute nihiliste qui s’applique à tout, sans discernement, et qui essaie de faire passer l’ignorance des faits et des mécanismes de la communication pour la manifestation la plus aboutie de l’esprit critique. Mais le doute constructif, celui qui amène à une suspension provisoire du jugement, dans l’attente d’investigations plus poussées menées de manière méthodique.</p>
<h2>L’esprit de la démarche scientifique</h2>
<p>Ce doute-là, qui pousse dans une démarche rationnelle à poser les « bonnes » questions pour trouver ensuite des éléments de réponse plausibles, n’est autre que celui qui est pratique dans la recherche. Ces réponses sont certainement provisoires, dans tous les cas discutables, mais dans le respect des règles collectives de la discussion.</p>
<p>Une objection peut alors être faite : pourquoi vouloir introduire les méthodes de la recherche dans un plus large public alors que la science s’établit dans un dialogue pointu et spécialisé entre pairs ? Parce que nous partons d’un fait établi : la science, ses résultats comme ses méthodes, sont présents dans le domaine public, par la figure de l’expert, aujourd’hui omnipotente. La pandémie de Covid-19 n’a rien inventé mais a exacerbé cette tendance lourde.</p>
<p>Or, il serait tout à fait irresponsable de contribuer à cette exposition médiatique sans donner les moyens aux publics d’accueillir ces informations. Il s’agit de leur permettre de les soumettre à un questionnement fécond, pas à une remise en question indifférenciée et systématique, la nuance est d’importance.</p>
<p>Vouloir être à la hauteur de cette ambition suppose une autre approche du rôle de la recherche dans l’enseignement et donc en amont dans la formation des enseignants. La recherche y est encore trop souvent convoquée pour présenter les dernières avancées scientifiques dans une discipline, plus rarement pour faire comprendre les méthodes. Lorsque l’apprentissage de celles-ci est mis en avant dans l’enseignement scolaire, c’est encore trop exclusivement dans le spectre limité des disciplines expérimentales.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/au-dela-du-fact-checking-cinq-pistes-pour-renforcer-leducation-aux-medias-127524">Au-delà du fact-checking, cinq pistes pour renforcer l’éducation aux médias</a>
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<p>Il faudrait y mettre sur le même plan les sciences humaines et sociales et leurs méthodes, parfois jugées « molles », mais infiniment mieux armées pour rendre compte de l’humain en société dont les ressorts comportementaux ne sont pas que biologiques ni psychologiques. En bref, c’est à un art du questionnement que nous appelons, fondé sur les méthodes de la recherche et à inculquer <a href="https://theconversation.com/enfants-lesprit-critique-une-qualite-innee-a-aiguiser-des-le-plus-jeune-age-132714">dès le plus jeune âge</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/179984/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Petit ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si les outils de fact-checking se multiplient, il faut, pour utiliser ces antidotes, être déjà sensible aux risques de la désinformation. Et donc cultiver une forme de doute constructif.Laurent Petit, Professeur en sciences de l'information et de la communication, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1743182022-01-05T18:46:24Z2022-01-05T18:46:24ZAttaque du Capitole du 6 janvier 2021 : enjeux et conséquences pour 2022<p>L’année 2021 restera marquée par un événement inédit dans l’histoire des États-Unis : l’assaut du Capitole par des partisans du président Trump dans le but d’empêcher la certification du résultat des élections de 2020. Il ne s’agissait pas d’une attaque contre un bâtiment, mais contre le Congrès lui-même, qui était en session, et dont les membres ont dû s’interrompre, <a href="https://www.buzzfeednews.com/article/tasneemnashrulla/congress-members-describe-pro-trump-riot-capitol">se cacher</a>, et être évacués en urgence dans la panique générale.</p>
<p>Si le Capitole avait déjà été le théâtre de <a href="https://www.history.com/news/us-capitol-building-violence-fires">nombreuses violences</a> par le passé, il n’avait jamais subi d’attaque d’une telle ampleur commise par des citoyens états-uniens, lesquels étaient <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/11/14/aux-etats-unis-donald-trump-refuse-encore-d-accepter-la-victoire-de-joe-biden_6059711_3210.html">encouragés par un président ayant déployé des efforts sans précédent</a> pour renverser une élection légale et légitime.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-le-discours-populiste-de-donald-trump-a-conduit-a-linsurrection-de-ses-troupes-153002">Comment le discours populiste de Donald Trump a conduit à l’insurrection de ses troupes</a>
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<p>Conséquences immédiates : <a href="https://www.courrierinternational.com/article/washington-qui-sont-les-cinq-victimes-des-emeutes-du-capitole">cinq morts</a>, plus de <a href="https://www.insider.com/all-the-us-capitol-pro-trump-riot-arrests-charges-names-2021-1">700 inculpations</a> et une <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/07/01/etats-unis-la-creation-d-une-commission-speciale-sur-l-assaut-du-6-janvier-approuvee_6086443_3210.html">commission parlementaire bipartisane</a> chargée d’enquêter sur les faits, les circonstances et les causes de l’assaut.</p>
<h2>Le résultat du « grand mensonge »</h2>
<p>Au-delà de la question de savoir si l’expression <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/presidentielle/donald-trump/intrusions-de-pro-trump-au-capitole-on-peut-absolument-parler-d-une-tentative-de-coup-d-etat-selon-une-ancienne-conseillere-du-president-bill-clinton_4247797.html">« tentative de coup d’État »</a> est appropriée, ces émeutes ont été l’aboutissement violent d’un long processus de sape des institutions démocratiques des États-Unis.</p>
<p>On sait déjà que dans les semaines précédentes, un petit cercle de législateurs républicains, tous issus d’un groupe parlementaire d’ultra-droite, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Freedom_Caucus">Freedom Caucus</a>, composé notamment d’anciens membres du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Tea_Party_(mouvement_politique)"><em>Tea Party</em></a>, a travaillé de concert avec la Maison Blanche <a href="https://www.nytimes.com/2021/12/15/us/politics/trump-meadows-republicans-congress-jan-6.html">par l’intermédiaire du chef de cabinet Mark Meadows</a>, et du conseiller du président <a href="https://www.rollingstone.com/politics/politics-news/jan6-peter-navarro-ted-cruz-green-bay-sweep-1276742/">Peter Navarro</a> avec l’aide du stratège <a href="https://www.newsweek.com/peter-navarro-steve-bannon-hero-january-6-capitol-riots-1660421">Steve Bannon</a> pour tenter de renverser l’élection de 2020.</p>
<p>Ils ont fait pression sur les élus locaux, sur le ministère de la Justice, et ont inondé les tribunaux de recours dont ils ont été systématiquement déboutés. Pourtant, aujourd’hui encore, Donald Trump et ses alliés continuent de promouvoir le <a href="https://www.ledevoir.com/monde/etats-unis/600482/etats-unis-le-grand-mensonge-de-donald-trump-menace-toujours-la-democratie-americaine">« grand mensonge »</a> (<a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Big_lie">« the Big Lie »</a>) d’après lequel l’élection leur a été volée, n’hésitant pas à amplifier de fausses allégations et des théories du complot, relayées par <a href="https://www.foxnews.com/category/politics/elections/voter-fraud-concerns">Fox News</a> ou <a href="https://www.oann.com/tag/january-6/">OAN</a>.</p>
<p>Suite à un tel assaut contre la démocratie, on aurait pu espérer que le pays s’unisse et que les élus mettent de côté leur divisions. Pourtant, à peine quelques heures après la fin des émeutes, alors que le Congrès se réunissait à nouveau au Capitole, la grande majorité des représentants républicains (<a href="https://en.wikipedia.org/wiki/2021_United_States_Electoral_College_vote_count">139 sur 212</a>) et quelques sénateurs ont objecté à la certification des résultats de la présidentielle.</p>
<p>Même si le chef des Républicains à la Chambre, <a href="https://www.npr.org/sections/trump-impeachment-effort-live-updates/2021/01/13/956452691/gop-leader-mccarthy-trump-bears-responsibility-for-violence-wont-vote-to-impeach">Kevin McCarthy</a>, et son homologue au Sénat, le tout-puissant <a href="https://apnews.com/article/mitch-mcconnell-donald-trump-impeachment-c9a38d7492feea56821f4e0930914b61">Mitch McConnell</a>, ont évoqué la responsabilité morale de Donald Trump dans l’attaque du Capitole, ils ne soutiendront ni la procédure de destitution (<em>impeachment</em>) symbolique de l’ancien président, ni même la mise en place d’une enquête bipartisane sur les événements. <a href="https://www.npr.org/2021/01/14/956621191/these-are-the-10-republicans-who-voted-to-impeach-trump">Seuls dix Républicains</a> voteront la mise en accusation de Donald Trump.</p>
<h2>Victoire de l’infox</h2>
<p>Il faut dire que <a href="https://www.pewresearch.org/politics/2021/01/15/voters-reflections-on-the-2020-election/pp_2021-01-14_biden-trump-views_04-01/">l’électorat républicain</a> semble avoir majoritairement adhéré au « grand mensonge de Trump : l’élection présidentielle de 2020 était truquée ou le résultat d’un vote « illégal ». Une croyance pour 65 millions d’États-Uniens qui <a href="https://www.ipsos.com/sites/default/files/ct/news/documents/2021-05/IpsosReutersToplineWriteup-TheBigLie--17Maythru19May2021.pdf">persiste</a> au fil des mois, tandis que 9 %, soit potentiellement <a href="https://d3qi0qp55mx5f5.cloudfront.net/cpost/i/docs/Pape_AmericanInsurrectionistMovement_2021-08-06.pdf">23 millions d’Américains</a> tout de même, pensent même que le recours à la violence peut être justifié.</p>
<p>Ces sondages montrent également une corrélation entre ces croyances et le recours à des sources d’informations tels que <a href="https://www.nytimes.com/2021/12/16/opinion/fox-news-trump-january-6.html">Fox News</a> et les <a href="https://www.newsweek.com/82-fox-news-97-oann-newsmax-viewers-believe-trumps-stolen-election-claim-poll-1644756">médias d’extrême droite</a>.</p>
<p><a href="https://www.washingtonpost.com/lifestyle/2021/12/23/fox-news-trump-ratings-2021-lawsuit/">Débordés sur leur droite</a> par les petites chaînes extrémistes montantes Newsmax et One America News, Fox News et sa star <a href="https://www.youtube.com/watch?v=F7VKNRPyjPU">Tucker Carlson</a>, ainsi que certains membres républicains du Congrès tels que <a href="https://www.politico.com/news/magazine/2021/06/19/jan-6-capitol-riot-trutherism-495197">Paul Gosar, Louie Gohmert ou Matt Gaetz</a>, ont rapidement avancé un récit révisionniste alternatif : les événements du 6 janvier auraient été principalement un exercice pacifique de la liberté d’expression. Quant aux rares violences commises ce jour-là, elles seraient le fait de groupes de gauche (<a href="https://theconversation.com/fact-check-us-existe-t-il-une-menace-antifa-aux-etats-unis-comme-laffirme-donald-trump-149200">Antifa</a>), voire d’<a href="https://www.politifact.com/factchecks/2021/nov/04/tucker-carlson/tucker-carlsons-conspiracy-theory-about-fbi-and-ja/">agents du FBI infiltrés</a>, ou bien encore elles seraient justifiées par le désespoir de patriotes qui se battaient pour la survie de la république et de la démocratie.</p>
<p>Trump fait quant à lui un récit d’inversion très clair de ces événements : « L’insurrection a eu lieu le 3 novembre, jour de l’élection. Le 6 janvier a été le jour de la protestation », a-t-il écrit dans une déclaration publiée par son groupe de collecte de fonds en octobre.</p>
<h2>La démocratie représentative remise en cause</h2>
<p>Ce qui rend impossibles des fraudes électorales nationales massives, c’est que les élections sont précisément de la compétences des États. C’est donc au niveau local que se situent les enjeux. Le <a href="https://www.motherjones.com/politics/2021/07/gop-could-retake-the-house-in-2022-just-by-gerrymandering-four-southern-states/">redécoupage électoral partisan dans certains États</a> pourrait, par exemple et à lui tout seul, mécaniquement donner aux Républicains la majorité à la Chambre aux élections de mi-mandat de 2022, traditionnellement déjà défavorables à la majorité présidentielle. Quant au Sénat, où les Républicains sont déjà surreprésentés par rapport à leur poids électoral réel, la bataille va s’y jouer sur une <a href="https://www.nytimes.com/2021/12/14/us/politics/senate-races-2022.html">dizaine de sièges</a>.</p>
<p>La possibilité existe donc de voir le <a href="https://www.npr.org/2021/06/09/1002593823/how-democratic-is-american-democracy-key-pillars-face-stress-tests">Congrès contrôlé par une minorité</a>. Mais les enjeux de représentation démocratique sont tout aussi importants au niveau local.</p>
<p>Prétextant des menaces de fraude jamais prouvées, 19 des 23 États où les Républicains contrôlent à la fois les assemblées législatives et le siège du gouverneur ont adopté des <a href="https://www.brennancenter.org/our-work/research-reports/voting-laws-roundup-october-2021">lois rendant le vote plus difficile</a>. Plus inquiétant : dans certains États clés (comme l’Arizona, la Floride, la Géorgie, le Nevada, l’Ohio, la Pennsylvanie, le Texas ou le Wisconsin), des <a href="https://statesuniteddemocracy.org/wp-content/uploads/2021/04/FINAL-Democracy-Crisis-Report-April-21.pdf">lois</a> permettant aux législatures des États d’interférer avec l’administration (non partisane) en charge des élections, voire de supplanter l’élection populaire et de certifier le vainqueur de leur choix ont été ou sont en train d’être votées.</p>
<p>Tout cela accroît la possibilité d’une crise constitutionnelle qui serait réglée par une <a href="https://theconversation.com/politisation-de-la-cour-supreme-la-democratie-americaine-en-peril-173281">Cour suprême elle-même politisée</a>.</p>
<h2>Test de loyauté de Donald Trump : la revanche comme enjeu de puissance</h2>
<p>Les primaires républicaines seront l’autre enjeu majeur en 2022. Donald Trump a systématiquement mis en place des candidats choisis non pour leur conservatisme mais pour leur loyauté envers lui, contre les Républicains qui ont osé le critiquer, et de surcroît contre les dix qui ont voté pour son <em>impeachement</em>, comme <a href="https://thehill.com/homenews/campaign/562410-alaska-gop-endorse-murkowski-primary-challenger">Lisa Murkowski</a> (Alaska) ou <a href="https://www.nytimes.com/2021/09/27/us/politics/harriet-hageman-liz-cheney-trump.html">Liz Cheney</a> (Wyoming) – cette dernière ayant, en plus, commis le crime de lèse-majesté d’être l’une des deux élus républicains à <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/07/28/liz-cheney-republicaine-tendance-faucon-seule-contre-trump_6089771_3210.html">participer à la commission d’enquête parlementaire</a> sur l’insurrection du 6 janvier.</p>
<p>Si le parti semble donc être entre les mains de Donald Trump, rien n’est encore joué. Il ne se présentera en 2024 que s’il est certain de pouvoir gagner, même en subvertissant le système en sa faveur. Sa puissance pourrait être mise à mal si ses candidats perdent aux primaires, d’autant qu’il <a href="https://www.politico.com/news/2021/12/17/gop-trump-oust-mcconnell-525207">n’a pas réussi à évincer McConnell</a>.</p>
<p>Il doit aussi faire face à de nombreux <a href="https://www.npr.org/2021/12/27/1068201299/lawsuits-could-expose-trump-business-practices-as-voters-consider-2022-midterms">problèmes judiciaires</a>, alors que le <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/republican-party-trump-legal-bills-new-york-probe/2021/12/16/08af4524-5c3f-11ec-9c0e-a955f8a009c1_story.html">parti a accepté de payer ses frais d’avocats</a>. Ses récents <a href="https://www.forbes.com/sites/nicholasreimann/2021/12/16/trump-and-oreilly-history-tour-struggles-with-low-attendance/ ?sh=1e4695a225f7">meetings n’ont attiré qu’une faible affluence</a>, et selon un sondage récent, seuls 44 % des Républicains souhaitent le voir se présenter à la présidentielle de 2024. Il pourrait en outre se révéler dépassé par son propre mouvement : séquence inquiétante pour lui, il s’est récemment fait huer pour avoir promu la vaccination.</p>
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<h2>Le 6 janvier 2021 : signe d’un basculement sans retour ?</h2>
<p>Au final, on peut se demander si les événements du 6 janvier et leurs conséquences ne sont pas le signe que les États-Unis ont atteint un niveau de polarisation tel qu’un <a href="https://www.pnas.org/content/118/50/e2102144118">point de non-retour</a> a été franchi, rendant toute inversion impossible, y compris face à un ennemi commun comme une pandémie.</p>
<p>L’enquête parlementaire ne devrait pas avoir d’impact : <a href="https://www.pewresearch.org/politics/2021/09/28/declining-share-of-republicans-say-it-is-important-to-prosecute-jan-6-rioters/">77 % des Républicains</a> ne croient pas qu’elle sera juste et raisonnable et ils sont de <a href="https://www.pewresearch.org/politics/2021/09/28/declining-share-of-republicans-say-it-is-important-to-prosecute-jan-6-rioters/">moins en moins nombreux</a> à penser qu’il est important que les forces de l’ordre poursuivent les émeutiers.</p>
<p>Mais c’est dans les urnes que tout va se jouer. Il faudra regarder le profil des Républicains élus en 2022 et voir si les « légitimistes » tels que Liz Cheney peuvent reconquérir le parti. Car même si Trump disparaissait, rien de ne dit que le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Trumpisme">trumpisme</a> ne lui survivrait pas. De <a href="https://www.pnas.org/content/by/section/Political%20Sciences">nombreux chercheurs</a> et médias (<a href="https://www.theatlantic.com/magazine/archive/2022/01/january-6-insurrection-trump-coup-2024-election/620843/">ici</a>, <a href="https://www.washingtonpost.com/outlook/interactive/2021/january-6-next-coup-signs/">ici</a> ou <a href="https://www.economist.com/leaders/2022/01/01/how-to-think-about-the-threat-to-american-democracy">ici</a>) ont tiré la sonnette d’alarme sur les menaces qui pèsent sur la démocratie américaine, y compris celle d’un coup d’État larvé, de nouvelles violences politiques, voire d’une guerre civile. Le risque : une faible participation et la mort lente de la démocratie dans l’indifférence quasi généralisée d’une population désinformée, davantage préoccupée par des questions culturelles, identitaires ou économiques.</p>
<p>Voilà quelques-uns des enjeux des deux prochains cycles d’élections américaines.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174318/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Viala-Gaudefroy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Avec le recul, l’assaut lancé contre le Capitole le 6 janvier 2021 peut apparaître comme le signal d’un basculement sans retour de la démocratie américaine.Jérôme Viala-Gaudefroy, Assistant lecturer, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1662312021-08-29T17:54:38Z2021-08-29T17:54:38ZEt vous, comment vous informez-vous sur Internet?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/416524/original/file-20210817-23-1iayh6e.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C5341%2C3542&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le temps passé sur une source d’information à chaque consultation est de moins de 2 minutes en moyenne.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/businessman-homme-cafe-tasse-4560145/?utm_content=attributionCopyText&utm_medium=referral&utm_source=pexels">Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>La crise sanitaire du Covid a été accompagnée d’un cortège de rumeurs, de fake news et autres théories du complot largement diffusées sur les réseaux sociaux, notamment. Loin d’être innocentes, ces infox ont pu faire douter certains Français de l’efficacité ou de la sécurité des vaccins, quand ce n’est pas de l’existence même de la pandémie. Si Internet peut servir de caisse de résonance aux fausses nouvelles, quel qu’en soit le sujet, son développement a également permis un accès aisé et rapide à de l’information médiatique fiable. Que sait-on de la manière dont les Français exploitent cet univers informationnel foisonnant ?</p>
<p>Des études par sondages, telle que celle réalisée annuellement par le <a href="https://reutersinstitute.politics.ox.ac.uk/sites/default/files/2021-06/Digital_News_Report_2021_FINAL.pdf"><em>Reuters Institut</em></a> dans plusieurs dizaines de pays, dont la France, permettent d’identifier les médias que nos concitoyens affirment le plus consulter en ligne, ainsi que l’usage qu’ils disent faire d’Internet pour s’informer. Mais cette méthodologie ne permet pas d’évaluer si les déclarations des répondants correspondent bien à leur comportement informationnel effectif. Pour leur part, les études mesurant le volume global de trafic sur les sites médiatiques n’autorisent guère plus que la production d’un classement des sites les plus populaires dans une région et pour une période données.</p>
<p>Avec la <a href="https://www.fondationdescartes.org/"><em>Fondation Descartes</em></a>, nous avons conduit une <a href="https://www.fondationdescartes.org/wp-content/uploads/2021/03/Etude_Information_Internet_FondationDescartes_2021.pdf">étude</a> à la méthodologie innovante afin de décrire de manière plus fine le comportement informationnel des Français sur Internet.</p>
<h2>Comment les Français s’informent sur Internet</h2>
<p>Pour réaliser cette étude, nous avons demandé à la société <a href="https://www.respondi.com/FR/"><em>Respondi</em></a>, spécialiste des données digitales, d’enregistrer durant 30 jours l’intégralité de l’activité Internet d’un panel de personnes représentatif de la population nationale. Les données de connexion des 2 372 participants qui composent ce panel ont été enregistrées, urls visitées par urls visitées, sur leurs différents objets connectés personnels (ordinateurs, téléphones portables, tablettes).</p>
<p>Nous avons alors pu analyser leur consultation de 2 946 sources web d’information médiatique préalablement identifiées à l’aide d’un algorithme de classification des sites développé par la société <a href="https://storyzy.com/"><em>Storyzy</em></a>. Ces sources regroupent les pages web de la presse papier nationale, régionale et locale, des chaînes télé et radio proposant de l’information, des agrégateurs d’informations tels que <em>MSN actualité</em>, ou encore, de médias « alternatifs » régulièrement accusés de publier de fausses informations. Au terme des 30 jours de l’étude, nous avons adressé aux participants un questionnaire permettant d’établir leur profil sociologique et les interrogeant sur leur rapport à l’information médiatique.</p>
<p>À noter que nous n’avons pas eu accès au « fil » ou au « mur » des réseaux sociaux des participants. Mais cela ne veut pas dire que nos analyses ignorent leur consultation d’informations par le biais desdits réseaux. En effet, nous avons comptabilisé le temps qu’ils ont passé sur les pages Facebook, Twitter et YouTube des sources d’information que nous avons identifiées. Par ailleurs, les participants ayant cliqué sur un article ou une vidéo apparaissant sur leur « fil » ou leur « mur » personnel auront généralement été redirigés sur la page Internet hébergeant ce contenu, où le temps passé a été comptabilisé.</p>
<h2>Internet après la télé</h2>
<p>Les résultats de notre étude montrent que, dans l’ensemble, les Français s’informent peu sur Internet : en moyenne, 3 % seulement du temps total passé en ligne par les participants l’a été sur des sources d’information médiatique – ce qui, par participant, correspond à un peu moins de 5 minutes par jour de connexion à Internet. À titre de comparaison, chez les Français de plus de 15 ans, la durée moyenne d’écoute quotidienne sur téléviseur des principaux journaux TV <a href="https://www.culture.gouv.fr/content/download/193360/file/DGMIC_Synthese_Les%20jeunes%20et%20l%27information.pdf">est de 20 minutes</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/416398/original/file-20210816-18-jzdepw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/416398/original/file-20210816-18-jzdepw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/416398/original/file-20210816-18-jzdepw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/416398/original/file-20210816-18-jzdepw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/416398/original/file-20210816-18-jzdepw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/416398/original/file-20210816-18-jzdepw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/416398/original/file-20210816-18-jzdepw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/416398/original/file-20210816-18-jzdepw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Répartition du temps d’activité sur Internet.</span>
<span class="attribution"><span class="source">L. Cordonier, A. Brest/Fondation Descartes</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Précisons que les comportements d’information en ligne des Français que nous avons mesurés sont en réalité très variables. Si 17 % des participants n’ont consulté aucune source d’information médiatique sur Internet en 30 jours, ils sont 5 % à en avoir consulté durant plus de dix heures au total au cours de la même période. On observe que les 50 ans et plus ainsi que les personnes qui se disent particulièrement intéressées par l’actualité s’informent davantage que les autres sur Internet.</p>
<p>L’algorithme de classification des sites utilisé nous a également permis d’évaluer l’exposition des participants à de la désinformation. Il ressort de nos analyses que 39 % d’entre eux ont consulté des sources web connues pour diffuser des informations fausses ou trompeuses au cours des 30 jours de l’étude. Ces participants y ont passé en moyenne 11 % de leur temps quotidien d’information sur Internet, soit 0,4 % de leur temps total de connexion.</p>
<p>Par rapport aux autres participants, ceux qui se sont rendus au moins une fois sur un site diffusant des informations non fiables sur des sujets sociaux et politiques sont proportionnellement plus nombreux à être des hommes, à vivre seuls, à ne pas avoir confiance dans les institutions, le gouvernement et les médias et à se dire intéressés par l’actualité.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/417644/original/file-20210824-23-vndqrm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/417644/original/file-20210824-23-vndqrm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=304&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/417644/original/file-20210824-23-vndqrm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=304&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/417644/original/file-20210824-23-vndqrm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=304&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/417644/original/file-20210824-23-vndqrm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=382&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/417644/original/file-20210824-23-vndqrm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=382&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/417644/original/file-20210824-23-vndqrm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=382&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Caractéristiques des participants ayant consulté au moins une fois une source de désinformation sociale et politique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">L. Cordonier, A. Brest/Fondation Descartes</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le profil des participants ayant consulté au moins une fois un site de désinformation sur des questions de santé est différent. Par rapport aux autres participants, on y retrouve davantage de femmes, de personnes âgées et d’inactifs, dont des retraités. Ces derniers sont également plus nombreux en proportion à tomber dans les filets des sites « pièges à clics », qui diffusent des informations frelatées dans le seul but de générer du trafic sur leurs pages.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/417646/original/file-20210824-26-17q4ajk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/417646/original/file-20210824-26-17q4ajk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=232&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/417646/original/file-20210824-26-17q4ajk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=232&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/417646/original/file-20210824-26-17q4ajk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=232&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/417646/original/file-20210824-26-17q4ajk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=291&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/417646/original/file-20210824-26-17q4ajk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=291&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/417646/original/file-20210824-26-17q4ajk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=291&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Caractéristiques des participants ayant consulté au moins une fois une source de désinformation en santé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">L. Cordonier, A. Brest/Fondation Descartes</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Papillonnage</h2>
<p>Notre étude fait apparaître un comportement de « papillonnage » chez les consommateurs d’informations médiatiques sur Internet, qui semblent passer d’une source d’information à l’autre sans souvent la consulter longtemps. En témoigne le fait que le temps passé sur une source d’information à chaque consultation est de moins de 2 minutes en moyenne. Même si ce temps moyen varie sensiblement entre les participants, il n’est de 4 minutes ou plus que chez 6 % d’entre eux.</p>
<p>En nous intéressant aux sources d’information médiatique en ligne les plus consultées par les participants, il est apparu que les 26 premières d’entre elles totalisent à elles seules 40 % du temps qu’ils ont consacré à s’informer sur Internet. Ce « top 26 » est largement composé des sources web de médias traditionnels – une exception notable étant <em>Wikipedia</em>. Les grands médias traditionnels ont donc réussi à exploiter la visibilité dont ils jouissent hors ligne pour s’imposer comme des acteurs majeurs de l’information sur Internet.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/416399/original/file-20210816-6755-o4x74t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/416399/original/file-20210816-6755-o4x74t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/416399/original/file-20210816-6755-o4x74t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=573&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/416399/original/file-20210816-6755-o4x74t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=573&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/416399/original/file-20210816-6755-o4x74t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=573&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/416399/original/file-20210816-6755-o4x74t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=720&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/416399/original/file-20210816-6755-o4x74t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=720&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/416399/original/file-20210816-6755-o4x74t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=720&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Top 26 des sources d’information les plus consultées sur Internet.</span>
<span class="attribution"><span class="source">L. Cordonier, A. Brest/Fondation Descartes</span></span>
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</figure>
<h2>Une représentation floue de son propre comportement d’information</h2>
<p>Dans le questionnaire de fin d’études adressé aux participants, nous leur avons demandé d’indiquer à quelle fréquence ils ont consulté sur Internet au cours des 30 jours précédents une sélection de 15 sources d’information médiatique parmi les plus visitées en France. Pour chacune de ces sources, les participants pouvaient indiquer ne « jamais » l’avoir consultée durant cette période, ou l’avoir fait « au moins une fois sur les 30 jours », « au moins une fois par semaine » ou « plus ou moins tous les jours ».</p>
<p>Afin de savoir si les Français sont globalement conscients des sources en ligne sur lesquelles ils s’informent, nous avons comparé les réponses des 1 536 participants ayant totalement complété le questionnaire avec leur consultation effective de ces 15 sources d’information. Nos analyses montrent que, dans l’ensemble, le fait de déclarer avoir consulté une source d’information « plus ou moins tous les jours » plutôt que « jamais » est associé à une augmentation significative de la probabilité de l’avoir effectivement consultée au moins une fois au cours des 30 jours de l’étude.</p>
<p>Les participants semblent cependant avoir une représentation relativement floue de leur comportement informationnel en ligne. En effet, dans leurs déclarations, ils ont eu tendance à surévaluer de beaucoup leur consultation effective des sources d’information testées. Ainsi, sur l’ensemble, les participants qui ont déclaré avoir consulté « plus ou moins tous les jours » ces sources au cours des 30 jours de l’étude n’ont en réalité que 36 % de chances de l’avoir fait ne serait-ce qu’une seule fois durant cette période – une probabilité qui varie sensiblement d’un média à l’autre. À l’opposé, une proportion non négligeable des participants ayant affirmé n’avoir « jamais » consulté certaines sources sur les 30 jours l’a pourtant fait au moins une fois.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/417479/original/file-20210823-23-1g2j8vn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/417479/original/file-20210823-23-1g2j8vn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/417479/original/file-20210823-23-1g2j8vn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=656&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/417479/original/file-20210823-23-1g2j8vn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=656&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/417479/original/file-20210823-23-1g2j8vn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=656&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/417479/original/file-20210823-23-1g2j8vn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=824&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/417479/original/file-20210823-23-1g2j8vn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=824&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/417479/original/file-20210823-23-1g2j8vn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=824&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Probabilité de consultation effective des sources d’information en fonction de leur consultation déclarée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">L. Cordonier, A. Brest/Fondation Descartes</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Peu importe la source ?</h2>
<p>Comment expliquer un tel décalage entre ce que les individus déclarent consulter et ce qu’ils consultent effectivement en termes de sources d’information médiatique sur Internet ? Si les données de notre étude ne permettent pas de répondre directement à cette question, on peut tout de même avancer qu’il est difficile pour quiconque de décrire avec précision son parcours informationnel sur le web. Cela nécessiterait un effort d’attention et de mémorisation sans réel intérêt pour les individus.</p>
<p>Plus généralement, au vu du peu de temps passé en moyenne sur une même source médiatique à chaque consultation, il semble que de nombreux internautes se contentent d’une information assez minimale sur le web. Une <a href="https://dl.acm.org/doi/abs/10.1145/2896377.2901462">étude publiée en 2016</a> a d’ailleurs montré que la majorité des articles <em>partagés</em> par les internautes sur Twitter le sont sans avoir été préalablement lus. C’est donc sur la seule base de leur titre qu’ils ont jugé ces articles intéressants et dignes d’être partagés avec les personnes qui les suivent sur le réseau social.</p>
<p>Dans ce contexte, savoir de quelle source émanent les articles parcourus en ligne n’est peut-être pas une préoccupation majeure pour bon nombre d’internautes. Le problème posé par un tel manque de vigilance quant à l’origine des actualités croisées sur Internet est que de la désinformation peut en profiter pour pénétrer les esprits et être relayée sur la toile par ceux mêmes qui en auront été les premières victimes.</p>
<hr>
<p><em>Aurélien Brest (Fondation Descartes) a contribué à cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/166231/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Cordonier est membre de la Fondation Descartes (<a href="https://www.fondationdescartes.org/">https://www.fondationdescartes.org/</a>), de laquelle il reçoit des financements de recherche.</span></em></p>Que sait-on de la manière dont les Français utilisent Internet pour s’informer sur l’actualité ? Résultats d’une étude de la Fondation Descartes.Laurent Cordonier, Sociologue - Docteur en sciences sociales, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1603982021-05-26T18:54:18Z2021-05-26T18:54:18ZPeut-on détecter des fake news automatiquement ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/401852/original/file-20210520-17-1bny5c9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C26%2C6000%2C2919&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Nous sommes de plus en plus exposés aux fake&nbsp;news. Comment les détecte-t-on&nbsp;?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-vector/people-robot-sitting-on-park-bench-1278084808">studiostoks, Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Fake news : ce terme un peu fourre-tout recouvre en fait une large gamme de textes dont le point commun est d’inclure des informations fausses, <a href="https://mathiasgirel.com/2018/06/17/fake-news-inexactitude-et-tromperie-manifeste/">destinées à tromper le lecteur</a>.</p>
<p>On le voit à propos du Covid. Les vaccins par exemple font l’objet d’une <a href="https://www.theguardian.com/uk-news/2020/sep/30/russia-spreading-lies-about-covid-vaccines-says-uk-military-chief">guerre de l’information féroce</a> : certains pays cherchent à semer le doute sur les vaccins actuellement sur le marché, pour promouvoir dans le même temps leurs propres solutions vaccinales.</p>
<p>Les fake news peuvent aussi être utilisées de manière plus systématique pour promouvoir un point de vue minoritaire particulier. Cette technique est parfois qualifiée, de façon trompeuse, de « réinformation ». Or, il ne s’agit en rien de « réinformer » le lecteur, mais plutôt de le noyer avec des informations fausses ou partielles, pour essayer de mettre en avant une vision du monde particulière (<a href="http://www.slate.fr/story/160183/politique-medias-internet-fachosphere-reinformation-banalisation-theses-extreme-droite">généralement d’extrême droite et/ou conspirationniste</a>).</p>
<p>Plus généralement, entretenir la confusion peut aussi être une façon de supprimer le débat, <a href="https://mathiasgirel.com/2020/03/04/infox-et-confusion-retour-sur-un-angle-mort/">comme l’a bien analysé mon collègue Mathias Girel</a>. Il serait donc utile de disposer d’outils capables de repérer ces fake news pour les afficher comme telles.</p>
<h2>Les technologies informatiques permettent-elles de détecter automatiquement les fake news ?</h2>
<p>Dans un tel contexte, la question se pose : peut-on détecter des fake news automatiquement ? Il est évident qu’une course de fond s’est enclenchée pour <a href="https://www.espace-sciences.org/sciences-ouest/363/actualite/les-chasseurs-de-fake-news">essayer de détecter ce type de texte sur Internet</a>, sur les réseaux sociaux en particulier.</p>
<p>Différents cas de figure sont possibles : si une fake news est signalée par un utilisateur sur Facebook, le contenu litigieux va être inspecté en interne (par les équipes de modérateurs de Facebook) et si le texte est effectivement jugé contraire aux règles de la plate-forme, ou contraire à la loi, il sera retiré.</p>
<p>Par la suite, des techniques d’intelligence artificielle peuvent aider à repérer les textes similaires, en tenant compte du contenu, mais aussi du canal de diffusion, de la personne qui relaie le message, et d’autres éléments contextuels, par exemple les images et illustrations. On est alors proche du mode de fonctionnement des moteurs de recherche : les modèles de recherche d’information actuels sont plutôt efficaces pour retrouver des textes similaires, même s’ils n’emploient pas exactement les mêmes mots ou les mêmes tournures.</p>
<p>Mais le but ultime serait évidemment de repérer directement les fake news par des moyens automatiques. Ceci semble en fait extrêmement difficile en l’état des choses et, si on écarte les faux grossiers, même un humain aura du mal à caractériser certains textes. Plusieurs techniques sont explorées en intelligence artificielle.</p>
<p>La première technique consiste à repérer des informations factuellement fausses en comparant un texte donné avec les informations contenues dans une base de données. Ceci peut fonctionner en théorie (un jeu de donné appelé <a href="https://news.mit.edu/2019/better-fact-checking-fake-news-1017">FEVER</a>, pour <em>fact extraction and verification</em>, a même été développé pour cela), mais on dispose rarement de bases de connaissances adaptées au problème. En gros, l’actualité ne se réduit pas à une base de données et les fake news ne portent pas tellement sur des informations factuelles isolées.</p>
<p>Une seconde technique est de repérer des documents types, grâce à leur titre, leur mise en page, les illustrations qui les accompagnent, entre autres. Ceci peut aussi fonctionner jusqu’à un certain point, mais ce n’est pas très précis. Par exemple, de nombreux titres racoleurs utilisent une mise en page tape-à-l’œil sans pour autant être des fake news.</p>
<h2>Indispensable œil humain</h2>
<p>Les types des fake news se renouvellent sans cesse, ce qui entraîne une course de vitesse entre les « producteurs de fake news », et ceux qui essaient de les traquer. En pratique, le seul modèle qui fonctionne à peu près est celui où l’humain reste au cœur du processus.</p>
<p>D’abord, quand un utilisateur signale un texte problématique à une plate-forme par exemple. Comme on l’a vu, l’IA peut ensuite prendre le relais pour signaler des contenus similaires.</p>
<p>On peut aussi définir, a priori, des listes de sites fiables et non fiables, ce qui permet d’emblée une caractérisation des contenus – c’est ainsi que fonctionne le site <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/01/23/decodex-comment-juger-la-fiabilite-d-un-site_5067739_4355770.html">Decodex</a> du journal « Le Monde ». Évidemment, cette classification a priori est grossière, et chaque texte doit ensuite être évalué (automatiquement et manuellement) comme problématique ou non.</p>
<p>Enfin, en ligne, les fake news peuvent être détectées par un <a href="https://www.ladn.eu/media-mutants/enfer-psychologique-moderateurs-facebook/">suivi actif des modérateurs</a>, qui occupent une place de plus en plus importante pour les plates-formes.</p>
<h2>Frileuses plates-formes</h2>
<p>On remarquera pour finir que les <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/01/11/trump-banni-de-twitter-et-facebook-les-reseaux-sociaux-entre-laxisme-et-censure_6065866_3232.html">plate-formes sont frileuses et prudentes dans ce domaine</a>. Si elles n’agissent pas, on les accuse de diffuser de fausses informations et de contribuer à la crise de confiance au sein des sociétés modernes. Si elles agissent trop promptement, on les accuse de s’immiscer dans le débat public et de s’accorder un pouvoir trop prononcé, en particulier aux États-Unis où la liberté d’expression est un droit inscrit dans la constitution.</p>
<p>Les plates-formes ont alors beau jeu d’en appeler à la régulation de la part des États. Mark Zuckerberg a ainsi dit : « nous ne souhaitons pas que les entreprises privées prennent autant de décisions importantes qui touchent aux valeurs fondamentales sans contrôle démocratique » (<a href="https://www.theguardian.com/technology/2020/feb/15/mark-zuckerberg-facebook-must-accept-some-state-regulation%5D">« We don’t want private companies making so many decision – balancing social equities without democratic processes »</a>), tout en protestant quand une <a href="https://www.reuters.com/article/us-eu-facebook/eu-industry-chief-tells-facebook-to-adapt-to-eu-not-other-way-round-idUSKBN20B1D5">nouvelle législation se met en place</a>.</p>
<p>Mais finalement on peut se demander si l’enjeu essentiel n’est pas ailleurs. Les fake news révèlent qu’une part non négligeable de la population est prête à croire n’importe quelle fable, aussi farfelue soit-elle, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_conspirationniste_du_Pizzagate">comme le « pizzagate »</a>. La défiance à l’égard des autorités, politiques et médiatiques notamment, est telle que n’importe quelle vérité alternative est bonne à prendre. Dans ce contexte, il n’y a sans doute pas d’autre solution que d’essayer de faire primer les faits sur les fables, comme dans le cas du « pizzagate » cité ci-dessus, ou dans le cas des <a href="https://www.liberation.fr/checknews/2019/03/25/camionnette-blanche-et-enlevement-d-enfants-l-increvable-rumeur_1717313/">rumeurs récurrentes d’enlèvements de jeunes filles par des individus dans des camionnettes blanches</a>. Mais rétablir la confiance sera assurément un processus long et difficile.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/160398/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thierry Poibeau est membre de l'institut 3IA PRAIRIE (PaRis Artificial Intelligence Research InstitutE, <a href="http://prairie-institute.fr/">http://prairie-institute.fr/</a>).</span></em></p>Les fake news (ou infox) pullulent, sur les réseaux sociaux, mais aussi dans des discours plus officiels. Pourrait-on automatiser la détection de ce type de texte ?Thierry Poibeau, DR CNRS, École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1590482021-04-15T20:32:14Z2021-04-15T20:32:14Z« Quel nouveau monde ? » : L'infodémie, ça se soigne (2 / 4)<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/395327/original/file-20210415-17-187sy72.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=443%2C3%2C1524%2C1038&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.loc.gov/resource/ppmsca.29087/">Dessin du caricaturiste américain Frederick Burr Opper, 1894</a></span></figcaption></figure><p><em><strong>In extenso</strong>, des podcasts en séries pour faire le tour d’un sujet.</em></p>
<hr>
<p>En un an, un virus inconnu a mis la planète sens dessus dessous, bousculant tous nos repères. Il a fallu apprendre à vivre dans l’incertitude.</p>
<p>Mais il nous faut aussi réfléchir à la nature de cette crise, aux outils dont nous disposons pour l’affronter, et, surtout, à ceux qu’il nous faudra inventer pour créer le monde de demain.</p>
<p>C’est pour aborder toutes ces questions que The Conversation vous propose une série de quatre podcasts intitulée « Quel nouveau monde ? », réalisée avec le Collège des Bernardins.</p>
<p>Antoine Arjakovsky, historien et directeur de recherche au Collège des Bernardins, nous accompagne tout au long de cette réflexion.</p>
<p>Et dans ce second épisode, « L’infodémie, ça se soigne », nous allons tenter de mieux comprendre ce phénomène des fake news qui est venu polluer l’environnement médiatique. D’où vient cette désinformation galopante et quel est son impact, comment lutter efficacement contre cette infodémie ?</p>
<iframe src="https://embed.acast.com/601af61a46afa254edd2b909/6077f128bed8a7391553afa7?cover=true&ga=false" frameborder="0" allow="autoplay" width="100%" height="110"></iframe>
<p><iframe id="tc-infographic-569" class="tc-infographic" height="100" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/569/0f88b06bf9c1e083bfc1a58400b33805aa379105/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
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<p><em>Conception, Fabrice Rousselot et Françoise Marmouyet. Production, Romain Pollet.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159048/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Fake news et désinformation polluent le paysage médiatique. Commet analyser ce phénomène et tenter de l’endiguer ?Antoine Arjakovsky, Historien, Co-directeur du département «Politique et Religions», Collège des BernardinsFabrice Rousselot, Directeur de la rédaction, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1555062021-02-18T20:34:44Z2021-02-18T20:34:44Z« In extenso » : Décrypter l’info sur écran, ça s’apprend !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/384745/original/file-20210217-23-1g9rrs6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C27%2C3598%2C1880&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sur smartphone ou sur ordinateur, le design des pages prend le pas sur le contenu.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/femme-smartphone-ordinateur-portable-lit-4050414/">Pexels/Vlada KarpovicH</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p><em><strong>In extenso</strong>, des podcasts en séries pour faire le tour d’un sujet.</em></p>
<hr>
<p>Internet, c’est autant une mine d’infos qu’un dédale d’infox, chacun peut le constater au quotidien en naviguant sur les réseaux sociaux. Alors, comment s’y retrouver ? Quels repères transmettre aux jeunes en matière d’éducation aux médias ? Les stratégies qui valaient sur papier ne suffisent plus dans un monde numérique où l’image est reine.</p>
<p>Dans ce troisième et dernier épisode de notre série « Apprendre, la révolution des écrans », Divina Frau-Meigs, professeure en sciences de l’information et de la communication, nous explique comment les modes de lecture se complexifient sur ordinateur, sur smartphone ou sur tablette, quels sont les outils à mobiliser pour prendre conscience de nos biais cognitifs et mieux gérer la profusion de messages qui nous parviennent.</p>
<iframe src="https://player.acast.com/601af61a46afa254edd2b909/episodes/apprendre-la-revolution-des-ecrans-33?theme=default&cover=1&latest=1" frameborder="0" width="100%" height="110px" allow="autoplay"></iframe>
<p><a href="https://open.spotify.com/episode/3GT1QNxOt0BrheMagBzW1C"><img src="https://images.theconversation.com/files/321535/original/file-20200319-22606-1l4copl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=183&fit=crop&dpr=1" width="268" height="70"></a>
<a href="https://soundcloud.com/theconversationfrance/apprendre-la-revolution-des-2"><img src="https://images.theconversation.com/files/359064/original/file-20200921-24-prmcs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=218&fit=crop&dpr=2" alt="Listen on SoundCloud" width="268" height="70"></a></p>
<p><a href="https://podcasts.apple.com/au/podcast/apprendre-la-r%C3%A9volution-des-%C3%A9crans-3-3/id1552192784?i=1000509545277"><img src="https://images.theconversation.com/files/321534/original/file-20200319-22606-q84y3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=182&fit=crop&dpr=1" alt="Listen on Apple Podcasts" width="268" height="70"></a></p>
<hr>
<p><em>Conception, Aurélie Djavadi. Production, Romain Pollet.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/155506/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Internet, c'est autant une mine d'infos qu'un dédale d'infox, Alors, comment s'y retrouver ? Quels repères transmettre aux jeunes en matière d'éducation aux médias ?Divina Frau-Meigs, Professeur des sciences de l'information et de la communication, Auteurs historiques The Conversation FranceAurélie Djavadi, Cheffe de rubrique Education, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1529282021-01-10T19:11:38Z2021-01-10T19:11:38ZLa confiance des citoyens envers la vaccination contre la Covid-19 ne se décrète pas : elle se gagne<p>En France et dans tous les pays d’Europe, la vaccination contre la Covid-19 se met en place. Ce moment est d’autant plus délicat que circulent de nombreuses contre-vérités sur les vaccins et que, dans notre pays, l’hésitation vaccinale, <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/les-intentions-de-vaccination-des-francais-en-chute-de-14-points-depuis-octobre-dernier">qui était une des plus fortes au monde</a>, demeure une préoccupation majeure. </p>
<p>Ce contexte est encore compliqué par le débat autour du démarrage progressif de la campagne de vaccination française, alors que certains pays comme les États-Unis, Israël, le Royaume-Uni, ou l’Allemagne ont accordé une forte priorité au déploiement des vaccins anti-Covid-19.</p>
<p>Le 16 octobre dernier, un atelier de retour d’expérience <a href="http://www.malinfemerg.org/documents_public/SommaireRetexMIE26nov20.pdf">sur la communication durant la pandémie COVID-19</a> a été organisé par le comité de pilotage COVID-19 du séminaire Maladies Infectieuses Émergentes (<a href="http://www.malinfemerg.org/">MIE</a>). Créé en 2011, ce dernier a pour vocation de favoriser les échanges et la concertation éclairée sur les grands enjeux de santé publique nationale et internationale en lien avec les maladies infectieuses émergentes. </p>
<p><a href="http://www.malinfemerg.org/documents_public/GTMComVaccinCovidMIEvf10jn21.pdf">Les experts</a> de ce groupe de travail multidisciplinaire, dont nous faisons partie, s’étaient fixé pour objectif de répertorier ce qui a fonctionné et ce qui a dysfonctionné, durant cette crise sanitaire sans précédent, en matière de communication entre la puissance publique, les experts et les médias, afin de dégager des pistes d’amélioration pour l’avenir. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/vaccination-une-hesitation-francaise-150773">Vaccination : une hésitation française</a>
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<p>Nous appuyant sur les <a href="http://www.malinfemerg.org/documents_public/PropositionsRetexComCOVIDvf25nov20.pdf">conclusions des travaux menés au cours de cet atelier</a>, nous tenons à affirmer notre soutien entier au déploiement de la vaccination contre la Covid-19, pièce maîtresse de la lutte contre cette pandémie. Cependant, celle-ci ne doit pas faire oublier l’ensemble des autres mesures de prévention qui devront être poursuivies et soutenues pendant les prochains mois. </p>
<p>Par ailleurs, pour que la vaccination trouve sa place dans une lutte efficace contre ce virus, un certain nombre de principes doivent être respectés et mis en œuvre.</p>
<h2>Transparence, responsabilisation, indépendance</h2>
<p>La communication autour du vaccin doit se faire dans le respect absolu de la transparence, par la responsabilisation des citoyens et l’indépendance des pouvoirs publics vis-à-vis des groupes de pression.</p>
<p>La nomination d’un conseil d’orientation est un élément fondamental de cette garantie d’indépendance. Mais ce n’est pas suffisant. Trois autres garanties doivent être données :</p>
<ul>
<li><p>Les conditions de négociation des contrats entre les laboratoires pharmaceutiques et les autorités publiques incluant les prix, les volumes et le partage des responsabilités doivent être connues, pour que la confiance s’instaure ou se rétablisse envers les décideurs ;</p></li>
<li><p>Le déploiement de la vaccination doit s’accompagner d’un processus connu et proactif de dépistage et déclaration de la survenue potentielle d’évènements inattendus (vaccinovigilance). Un tel dispositif assure un repérage précoce des effets rares ou inattendus, facilitant une adaptation, en temps réel, de la stratégie vaccinale. Il permettra à la population et aux professionnels de mieux connaître les modalités de transmission des informations concernant ces évènements inattendus. La méthode pour assurer une telle vigilance est connue. Ce processus doit comporter un rendu régulièrement actualisé des résultats aux acteurs concernés et au grand public, en impliquant les professionnels de santé et des représentants de la population. Il a déjà <a href="https://www.nejm.org/doi/pdf/10.1056/NEJMra2035343?articleTools=true">fourni des premiers renseignements</a>.</p></li>
<li><p>La communication sur le vaccin doit être assurée essentiellement par les pouvoirs publics, mettant volontairement à l’écart les laboratoires pharmaceutiques qui sont clairement en situation de conflit d’intérêts dans ce dispositif.</p></li>
</ul>
<h2>Proximité, acteurs locaux</h2>
<p>Le déploiement du dispositif de vaccination doit reposer sur les professionnels de santé de proximité, en lien avec les acteurs locaux.</p>
<p>Dans cette campagne de vaccination qui débute, il est essentiel que l’État implique largement les professionnels de santé, et notamment les médecins traitants. Mais si le geste de vaccination doit être ainsi encadré, il doit aussi bénéficier d’une logistique précise, organisée en amont et adaptée aux différents terrains. C’est probablement là que le bât blesse. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1347297471140081664"}"></div></p>
<p>Les collectivités territoriales sont les premiers interlocuteurs des citoyens et doivent être mobilisées en priorité, à la fois pour créer les meilleures conditions possibles pour déployer cette vaccination, mais aussi pour instaurer le climat de confiance nécessaire, renforcer le discours sur le besoin de solidarité, pour expliquer ce qu’est l’immunité collective et pour faire le lien avec les autres mesures de prévention et de suivi des personnes contaminées.</p>
<p>Afin d’entreprendre ces actions, au-delà des collectivités locales, tout le tissu sanitaire, social et associatif doit pouvoir être mobilisé pour organiser de manière efficace les relais auprès de la population.</p>
<h2>Former et déployer des ambassadeurs de la prévention</h2>
<p>De nouvelles méthodes doivent être largement diffusées pour aller à la rencontre des différents groupes de population.</p>
<p>Les retours d’expérience des premières étapes de cette crise sanitaire montrent que les acteurs de proximité ont joué leur rôle de médiateurs des informations qui parvenaient à leurs concitoyens. </p>
<p>Nous soutenons également qu’à côté des mesures édictées par le niveau national, il est essentiel de renforcer l’autonomie, la responsabilité et l’engagement des citoyens <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/12/26/notion-empowerment-ou-le-pouvoir-d-agir_6064523_3232.html">pour qu’ils construisent eux-mêmes leur capacité de réponse</a>, en conjuguant leurs enjeux personnels avec les enjeux de la collectivité.</p>
<p>Un effort conséquent doit être consenti pour déployer largement des « ambassadeurs de la prévention » ou des médiateurs formés qui, aux côtés des professionnels de santé, pourront expliquer ce que recouvre la lutte contre la pandémie, la place de la vaccination et la lutte contre les informations erronées (« fake news » ou <a href="https://www.culture.gouv.fr/Actualites/Terminologie-comment-est-ne-le-mot-infox">infox</a>). </p>
<p>La communication ne peut pas être uniquement verticale. Elle doit permettre aux personnes, aux groupes de s’approprier les connaissances et leurs limites, ainsi que d’exercer leur jugement. Il faut donc sans tarder développer une stratégie de promotion de la santé et de prévention, adaptée aux territoires et aux situations, et reposant sur un corpus de formation reconnu.</p>
<p>Ces trois principes doivent être appliqués dès les premières étapes de cette campagne vaccinale. C’est à ce prix que nous pourrons conjuguer une lutte efficace contre la pandémie et le respect de nos valeurs démocratiques essentielles.</p>
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<p><em>Cette analyse a été rédigée en lien avec le <a href="http://www.malinfemerg.org/documents_public/GTMComVaccinCovidMIEvf10jn21.pdf">groupe de travail multidisciplinaire Communication et vaccination contre la Covid-19</a> du séminaire sur les maladies infectieuses émergentes.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152928/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Selon les experts du séminaire Maladies Infectieuses Émergentes, pour que la vaccination joue pleinement son rôle de pilier de la lutte anti-Covid-19 son déploiement doit suivre certains principes.Laurent Chambaud, Médecin de santé publique, École des hautes études en santé publique (EHESP) Catherine Leport, Médecin spécialiste, professeur en maladies infectieuses et tropicales, Inserm -- UMR 1137, Université Paris CitéGilles Boëtsch, Anthropologue, directeur de recherche émérite CNRS, ancien président du conseil scientifique du CNRS, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1498432020-12-27T22:41:38Z2020-12-27T22:41:38ZRéseaux numériques : trois gestes barrières à cultiver en famille<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/376256/original/file-20201221-19-1qc0m6u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C20%2C1891%2C1256&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Lire en ligne suppose des stratégies plus dynamiques que l'approche linéaire du texte.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/illustrations/girl-child-face-head-networks-1328418/">Gerd Altmann / Pixabay </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Pour contrer les infox, les discours de haine ou encore la radicalisation en ligne, beaucoup d’enjeux se situent au niveau des régulations nationales et internationales. Face à la circulation active de messages trompeurs ou de documents mensongers, il est aisé de se sentir impuissant, en situation de stress ou de fatigue pandémique.</p>
<p>Mais à l’échelle individuelle, un certain nombre de gestes barrières numériques peuvent tout de même se mettre en place, à la maison, et aider à reprendre la main sur les écrans. Dans une relation renouvelée entre parents et enfants, adultes et jeunes, il s’agit de se donner un projet et d’acquérir de bons réflexes.</p>
<p>Le Conseil de l’Europe, par le biais de <a href="https://www.coe.int/en/web/digital-citizenship-education/dce-expert-group">son programme-cadre</a> « Éducation à la Citoyenneté Numérique », composé de chercheurs et praticiens de l’éducation aux médias et au numérique, propose trois dimensions de la citoyenneté en ligne : être en ligne, bien-être en ligne et savoir devenir en ligne, en toute connaissance de <a href="https://www.coe.int/en/web/digital-citizenship-education/digital-citizenship-education-project">ses droits et responsabilités</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-petit-manuel-deducation-critique-aux-medias-159607">Bonnes feuilles : « Petit manuel d’éducation critique aux médias »</a>
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<p>Ces dimensions peuvent, métaphoriquement, être l’équivalent numérique des trois gestes barrières pandémiques : se laver les mains, porter un masque et apprécier la bonne distanciation. En les appliquant à la situation de confinement, les parents et les enseignants peuvent eux-mêmes les tester avec les jeunes et les enfants, face aux divers écrans, en équilibrant toujours les opportunités et les risques, pour garder la curiosité de l’apprendre.</p>
<h2>Être en ligne (se laver les mains)</h2>
<p>L’accès à l’information en ligne peut être déconcertant, même si on est né à l’ère des écrans connectés. Les gestes du « lire, écrire et compter » acquis à l’école ne suffisent plus et ne se pratiquent plus comme avant – de même que se laver les mains en pleine pandémie réclame plus de temps et de savon.</p>
<p>Ainsi, lire un article pour en vérifier la source ne passe pas nécessairement par une lecture linéaire de bout en bout, avec une recherche sur le nom de l’auteur. Des stratégies plus dynamiques sont possibles, comme d’ouvrir plusieurs onglets, de vérifier les <a href="https://developer.mozilla.org/fr/docs/Apprendre/Comprendre_les_URL">URL</a> (l’adresse de la ressource) et de croiser les informations en allant sur plusieurs moteurs de recherche.</p>
<p>C’est intéressant de voir qu’ils ne produisent pas les mêmes résultats pour une même requête. S’interroger sur le pourquoi peut mener à de belles discussions familiales – parce qu’ils reflètent l’historique de navigation de chacun ! Cela permet aussi de passer par des chemins de traverse et ne pas rester sur les seules autoroutes des l’information que sont Google, Yahoo ! Yandex ou Baidu ! Aller faire une balade sur Lilo ou Ecosia peut révéler d’autres univers insoupçonnés et faire du bien à l’environnement.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1248265282499555328"}"></div></p>
<p>Mais écrire a changé aussi et permet des usages très créatifs, par exemple grâce à la variété des polices de caractères. Pour s’assurer qu’on cite bien ses sources et qu’on ne plagie pas ou ne désinforme pas, insérer des hyperliens, et donc renvoyer à d’autres textes, est un geste simple et efficace.</p>
<p>Connecter source et destination, permettre la navigation entre son écrit et celui d’autres auteurs avant de publier, ce sont des stratégies dynamiques, qui montrent aussi que l’on sait naviguer entre plusieurs couches d’idées et contribuer en ligne.</p>
<p>Le simple fait de rechercher sur l’encyclopédie contributive Wikipédia les articles qui font référence à son univers proche (sa ville, son quartier, son équipe de sport, sa recette de cuisine…) est source d’inspiration et change le regard sur la connaissance : il est possible de devenir « éditeur » et de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Aide:Comment_modifier_une_page">modifier une page</a>, même modestement, ou d’y <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Aide:Ins%C3%A9rer_une_image">insérer une image</a>. Pas de panique, il y a un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Aide:Bac_%C3%A0_sable">bac à sable</a> pour s’entraîner. Et cela contribue aux <a href="https://www.cairn.info/revue-documentaliste-sciences-de-l-information-2011-3-page-48.htm">biens communs</a> de l’information…</p>
<h2>Bien-être en ligne (porter un masque)</h2>
<p>Pour une bonne hygiène en ligne, face aux désordres de l’information que sont le discours de haine, le cyberharcèlement ou l’infox, il faut être capable d’éthique et d’empathie. Pour être respecté en ligne, il faut soi-même être respectable. De même que pour protéger les autres il faut se protéger soi-même, comme le port du masque nous le rappelle : celui-ci en fait ne vise pas à cacher mais à filtrer. En ligne aussi, il faut savoir filtrer.</p>
<p>Une certaine nétiquette peut être développée par rapport aux désordres de l’information, notamment bien réfléchir avant de liker, poster ou retweeter. Certaines désinformations fort toxiques sont créées dans le simple but d’être viralisées en ligne, sur les médias sociaux. Elles sont là pour manipuler les émotions mais ce n’est pas sans <a href="https://www-vie-publique-fr.ezproxy.u-pec.fr/catalogue/267883-faut-il-avoir-peur-des-fake-news">conséquences</a> sur la vie réelle, dont certaines sont politiques et sociales, comme la polarisation, la montée du racisme ou la radicalisation.</p>
<p>Les infox jouent sur notre capacité à l’empathie, qui est une réaction affective liée aux émotions des autres, d’autant plus sollicitée que cette empathie est partagée sur les réseaux sociaux, et est hautement contagieuse.</p>
<p>Si l’empathie est liée à la compassion et peut conduire à de l’engagement positif pour des causes, en ligne comme dans la vie réelle, elle peut aussi être manipulée. Les recherches montrent que les émotions les plus fortes en lien avec la désinformation sont la colère et la peur. Elles suscitent des <a href="https://www.lumni.fr/video/mediatropismes-discours-de-haine">réactions</a> de base comme le repli sur soi (pour la peur) ou la violence (pour la colère).</p>
<p>Les études sur la viralité montrent à quel point les fausses informations connaissent une forte amplification sur une période de temps très réduite. En outre, les sujets abordés sur les comptes non fiables sont liés à des questions clivantes, ce qui valide le rôle des émotions comme <a href="https://www.csa.fr/Informer/Collections-du-CSA/Focus-Toutes-les-etudes-et-les-comptes-rendus-synthetiques-proposant-un-zoom-sur-un-sujet-d-actualite/La-propagation-des-fausses-informations-sur-les-reseaux-sociaux-etude-de-la-plateforme-Twitter">contagion empathique</a> « à chaud ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1316576583277260805"}"></div></p>
<p>Quand on a des doutes sur une information, toutes sortes de filtres sont possibles. Le premier filtre est de ne pas la transmettre, pour revenir de nos émotions, comme le suggère l’initiative canadienne « <a href="https://30secondes.org/module/prend-30sec-avant-dy-croire">prends 30 secondes</a> avant d’y croire ». Cela laisse le temps à l’esprit critique de reprendre le dessus et de se poser les questions de base :</p>
<ul>
<li><p>Ce compte pousse-t-il des contenus sensationnels ?</p></li>
<li><p>Dénigre-t-il régulièrement les médias de référence ?</p></li>
<li><p>Amplifie-t-il des propos haineux ?</p></li>
</ul>
<p>Puis, si on a le temps, de la vérifier soi-même, avec des outils en ligne comme <a href="https://www.invid-project.eu/tools-and-services/invid-verification-plugin/">InVID</a> qu’on peut télécharger sur son ordinateur. Et, si on n’a pas le temps, d’aller sur des sites professionnels de fact checking comme <a href="https://factuel.afp.com/">AFP factuel</a> et <a href="https://www.francetvinfo.fr/vrai-ou-fake/">vrai ou fake</a> sur France info.</p>
<p>Mais cela permet aussi de réfléchir à ses propres émotions et à ses biais cognitifs. Partager les fois où l’on s’est fait piéger par une fake news permet de se soulager et de faire un petit point sur ses propres habitudes en ligne. Cela rappelle à point nommé que nos propres biais cognitifs nous induisent en erreur.</p>
<p>Si une information sur le coronavirus vous est envoyée par un ami qui dit la tenir d’un oncle qui connaît quelqu’un à l’hôpital de Wuhan, demandez-vous d’où vient cette démangeaison d’y croire : est-ce un biais de confirmation ? Un effet de halo ? Un biais d’influence continue ? Pour dédramatiser, vous pouvez même vous amuser à faire des <a href="http://www.psychomedia.qc.ca/psychologie/test-echelle-de-l-angle-mort-concernant-les-biais">tests</a> en ligne.</p>
<h2>Savoir devenir en ligne (apprécier la bonne distanciation)</h2>
<p>Ces enjeux émotionnels ont un poids sur la construction de l’identité des jeunes et sur leur présence en ligne. Et ils sont souvent sous-estimés par des adultes qui se préoccupent des dangers qui les inquiètent eux d’abord (comme le cyberharcèlement). Les sujets qui préoccupent les jeunes ont avant tout lien à leur construction identitaire et à leur e-réputation ou leur popularité en ligne. C’est ici qu’il faut apprécier la bonne distance et la <a href="https://www.cairn.info/socialisation-des-jeunes-et-education-aux-medias--9782749214825-page-205.htm">bonne échelle d’interaction</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1337527872546889730"}"></div></p>
<p>Les recherches indiquent que les consignes sécuritaires de base sont en fait relativement intégrées par les jeunes, et qu’ils savent protéger leur vie privée. De nouvelles stratégies peuvent leur être rappelées, selon leur âge. Comme aller sur des moteurs de recherche qui ne tracent pas – <a href="https://www.qwantjunior.com/">Qwant junior</a> ou <a href="https://duckduckgo.com/">DuckDuck go</a>, par exemple – ou encore faire le réglage de paramètres de sécurité sur leurs médias sociaux ou désactiver leur localisation – le mode Ghost sur Snapchat). Facebook s’y met aussi avec Facebook Container, une extension de navigateur qui isole l’identité des internautes de Facebook et Instagram dans un onglet séparé, rendant le suivi des activités <a href="https://addons.mozilla.org/fr/firefox/addon/facebook-container/">plus difficile à tracer</a>.</p>
<p>Mais une attitude passive ou réactive n’est pas la seule solution. La citoyenneté suppose d’être, a minima, informé des droits et recours possibles. Cela peut impliquer un réel dialogue de confiance entre adultes et adolescents. Le signalement (à distinguer de la dénonciation nocive) peut désormais se faire sur une <a href="https://www.internet-signalement.gouv.fr/PortailWeb/planets/Accueil!input.action">plateforme publique</a> comme Pharos où le cas sera vérifié par des tiers de confiance.</p>
<p>Dans le cadre de la désinformation comme du discours de haine, les médias sociaux et les moteurs de recherche se trouvent face à des obligations de service public, avec des <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000037847559/">lois</a> à connaître, comme celle relative à la lutte contre la manipulation de l’information.</p>
<p>Gérer son temps en ligne est crucial, et pas seulement parce qu’amplifier de la désinformation est toxique pour les sociétés démocratiques. Consommer de la désinformation génère du trafic et du profit, souvent aux dépens du consommateur non averti. C’est un modèle d’affaires fondé sur le recueil et l’extraction de données qui est ici à questionner. Il implique de faire rester les utilisateurs le plus longtemps possible sur leurs ordinateurs et leurs smartphones.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/uaaC57tcci0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bande-annonce du documentaire « The Social Dilemma » (Netflix, 2020).</span></figcaption>
</figure>
<p>Le choix des informations qui nous sont montrées est aussi important que le choix des informations collectées. Ces données en ligne sont de l’or pour de nombreuses entreprises qui sont prêtes à payer pour la valeur marchande des profils d’usagers, que ce soit pour leur vendre des produits, des services ou des opinions politiques, notamment <a href="https://blog.mozilla.org/internetcitizen/fr/2019/04/08/elections-des-deputes-europeens-les-enjeux-de-ce-vote-et-les-moyens-de-lutter-contre-la-manipulation/">lors d’élections</a> où le pistage et le ciblage préélectoral deviennent des enjeux clés.</p>
<p>La gestion du temps passe par une participation active et l’écriture créative et contributive, du type réfutation ou contre-argumentation, comme le suggère le site du Cortex qui propose des exemples ludiques pour <a href="https://cortecs.org/wp-content/uploads/2017/01/CorteX_Indice_Moisissures-16pages.pdf">apprendre à gérer</a> les erreurs logiques tout comme les attaques.</p>
<p>Même si les recherches montrent que les correctifs ne touchent pas le même public que celui qui a consommé l’infox ou qu’ils sont majoritairement discutés lorsque le sujet s’essouffle, cela n’empêche pas de contribuer et d’assainir les biens communs de l’information. Corrigez, corrigez, il en restera toujours quelque chose, pour détourner la célèbre formule elle-même détournée de Voltaire.</p>
<p>Face à l’écran numérique, il reste aussi la bonne vieille technique analogique du post-it sur le frigo, sur lequel on peut coller une petite <a href="https://www.canva.com/fr_fr/creer/to-do-list/">checklist</a> confectionnée maison… avec des <a href="https://bestoutils.com/checklist-la-facon-la-plus-simple-de-creer-une-liste-de-taches/">outils numériques</a>. On peut ainsi se forger sa petite boîte à outils, pas trop lourde, mais qui peut se décliner en kit de survie collectif. À partager sans modération.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149843/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Divina Frau-Meigs ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Contrer les infox suppose une régulation globale. Mais il y a un certain nombre de gestes que chacun peut développer à l’échelle individuelle. Trois pistes à partager entre parents et enfants.Divina Frau-Meigs, Professeur des sciences de l'information et de la communication, Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1507732020-12-02T19:21:03Z2020-12-02T19:21:03ZVaccination : une hésitation française<p><em>Patrie de Louis Pasteur, dont les recherches constituèrent une avancée décisive pour la mise au point de la vaccination, la France est aujourd’hui l’un des pays d’Europe occidentale où l’hésitation vaccinale est la plus forte. Jocelyn Raude est enseignant-chercheur en psychologie sociale à l’École des hautes études en santé publique. Ce spécialiste en prévention et maladies infectieuses retrace pour The Conversation l’histoire d’une dérive récente.</em></p>
<hr>
<p><strong>The Conversation : Avant tout, pourriez-vous nous expliquer ce que recouvre l’expression « hésitation vaccinale » ?</strong></p>
<p><strong>Jocelyn Raude :</strong> L’hésitation vaccinale est un concept désignant un très large spectre de comportements, qui se situent dans l’intervalle allant de l’acceptation sans condition de la vaccination et son rejet complet. Entre ces deux extrêmes, la réticence à la vaccination peut être plus ou moins forte.</p>
<p><strong>TC : Historiquement, quelle était l’attitude de la population française par rapport à la vaccination ?</strong></p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/372664/original/file-20201202-24-w6qdhs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/372664/original/file-20201202-24-w6qdhs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/372664/original/file-20201202-24-w6qdhs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=730&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/372664/original/file-20201202-24-w6qdhs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=730&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/372664/original/file-20201202-24-w6qdhs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=730&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/372664/original/file-20201202-24-w6qdhs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=917&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/372664/original/file-20201202-24-w6qdhs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=917&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/372664/original/file-20201202-24-w6qdhs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=917&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Louis Pasteur peint par Albert Edelfelt (1885)</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Albert_Edelfelt_-_Louis_Pasteur_-_1885.jpg">Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><strong>JR :</strong> Pour des raisons historiques, liées aux travaux de Louis Pasteur notamment, la France a longtemps été un pays très « pro-vaccins ». La vaccination était un instrument de rayonnement et de fierté nationale, exploitée à ce titre par les institutions, surtout à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle. Jusque sous la V<sup>e</sup> République, cette tradition provaccinale est demeurée bien ancrée. Il existait un consensus social et culturel très fort autour de l’intérêt de la vaccination. C’est d’autant plus important à souligner que ce n’était pas forcément le cas chez nos voisins. Dans de nombreux pays, notamment au Royaume-Uni, des ligues anti-vaccinales et des mouvements anti-vaccinaux très puissants ont émergé très tôt après la mise au point de la vaccination.</p>
<p><strong>TC : Qu’est-ce qui a fait que la situation a changé ?</strong></p>
<p><strong>JR :</strong> Une controverse majeure a émergé en 1998, suite à la publication des travaux d’Andrew Wakefield. Cet ancien chirurgien prétendait avoir mis en évidence un lien entre vaccination anti-rougeole/oreillons/rubéole (ROR) et autisme. La publication scientifique présentant ces résultats a fini par être rétractée, car le lien s’est avéré faux (<em>ndlr : le British General Medical Council (GMC), équivalent du Conseil de l’ordre, a en outre radié <a href="https://www.theguardian.com/society/2010/jan/28/andrew-wakefield-mmr-vaccine">Andrew Wakefield en 2010</a>, le qualifiant de « malhonnête et irresponsable »</em>). Cette affaire a cependant entraîné chez nos voisins d’outre-Manche une crise de la vaccination infantile majeure : une chute considérable de la couverture vaccinale des enfants contre la rougeole a été constatée en Angleterre à partir de la fin des années 1990. Cette affaire a eu un impact retentissant dans les pays développés, la critique vaccinale a augmenté à partir de cette période. Cependant la France a été plutôt épargnée.</p>
<p>Dans notre pays, le premier coup de semonce se produit néanmoins la même année que la publication des travaux de A. Wakefield : il s’agit de la controverse publique autour du vaccin contre l’hépatite B. Le ministre de la Santé de l’époque, Bernard Kouchner avait alors suspendu la vaccination des collégiens, en raison d’un lien supposé avec la survenue de sclérose en plaque. Toutes les données scientifiques vont avoir tendance à conclure à une absence de corrélation entre les deux. Cependant à partir de ce moment, on constate l’émergence d’une défiance vis-à-vis de la vaccination dans notre pays (on peut d’ailleurs remarquer que la France est le seul pays où cette controverse a pris place).</p>
<p>Cette tendance nouvelle amène alors les chercheurs en sciences sociales à étudier attentivement l’adhésion à la vaccination. À partir de 2000, l’INPES (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, qui a été intégré à Santé Publique France lors de sa création) pose la question de l’attitude des Français par rapport à la vaccination. Cette enquête sera reproduite en 2005, puis en 2009-2010.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/372665/original/file-20201202-17-xjbw7i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/372665/original/file-20201202-17-xjbw7i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=378&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/372665/original/file-20201202-17-xjbw7i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=378&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/372665/original/file-20201202-17-xjbw7i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=378&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/372665/original/file-20201202-17-xjbw7i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=475&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/372665/original/file-20201202-17-xjbw7i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=475&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/372665/original/file-20201202-17-xjbw7i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=475&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’interruption de la vaccination contre l’hépatite B en 1998 a attiré l’attention des chercheurs en sciences sociales sur la montée de l’hésitation vaccinale.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/nurse-administering-vaccination-students-arms-high-524623816">Shutterstock</a></span>
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<p><strong>TC : Que révèlent ces diverses enquêtes ?</strong></p>
<p><strong>JR :</strong> À l’époque de la première enquête, en 2000, 90 % des Français sont favorables à la vaccination, et seuls 10 % y sont réticents. Ce taux ne bouge pas entre 2000 et 2005. À partir de 2009-2010, on repose cette question dans le contexte de la vaccination contre la grippe H1N1, on s’aperçoit que le taux de personnes qui se déclarent défavorables à la vaccination a explosé : il atteint désormais 40 %. Il s’agit là d’un changement considérable, rarement observé dans l’histoire récente. C’est un véritable basculement.</p>
<p><strong>TC : Qu’est-ce qui l’explique ?</strong></p>
<p><strong>JR :</strong> Ce basculement s’est opéré suite à la conjonction de 3 phénomènes. Tout d’abord, pour la première fois la question des liens d’intérêt et des conflits d’intérêts s’invite dans le débat public. Cette problématique était jusque là cantonnée à la littérature médicale, et rarement relayée ou commentée dans la presse généraliste. L’épidémie de grippe A(H1N1), qui s’étend de 2009 à 2010, change la donne. Pour y faire face, la ministre de la Santé de l’époque, Roselyne Bachelot, <a href="https://www.senat.fr/rap/r10-270/r10-270-annexe.pdf">commande 94 millions de doses de vaccin à différents laboratoires pharmaceutiques</a>, pour un coût de plusieurs centaines de millions d’euros. Or une grande majorité de ces doses restera inutilisée, ce qui amènera certains parlementaires à critiquer cette décision (une partie de la commande sera résiliée contre indemnisation des laboratoires). La ministre sera parfois accusée de « précautionnisme », autrement dit d’avoir mené une politique de précaution extrême, disproportionnée.</p>
<p>Cette situation va faire émerger la question des conflits d’intérêts, car nombre des experts qui conseillaient Roselyne Bachelot avaient des liens d’intérêt avec l’industrie pharmaceutique. Le débat prendra de l’ampleur, suite notamment à la publication fin 2010 du livre de Martin Hirsch intitulé « Pour en finir avec les conflits d’intérêts ».</p>
<p>C’est alors que les réseaux conspirationnistes, naissants dans notre pays, entrent en scène. Ils s’emparent de cette critique, qu’on peut considérer comme légitime, pour construire des discours dystopiques autour de la vaccination, qui sont alimentés par des personnalités comme Henri Joyeux ou, plus tard, Luc Montagnier. Des récits de machination vont ainsi se construire en se nourrissant du débat sur les conflits d’intérêts : l’industrie pharmaceutique instrumentaliserait les épidémies – quand elles ne les construisent pas de toutes pièces – pour vendre ses produits, faire du profit, etc.</p>
<p>Au cours de cette période, la vaccination devient un pilier des discours conspirationnistes, ce qui n’était pas nécessairement le cas avant. Jusque là, leurs thèmes de prédilection étaient plutôt les attentats du 11 septembre 2001, les conspirations politiques supposées (comme celles autour de l’assassinat de Kennedy), les dissimulations gouvernementales (Roswell et la question extra-terrestre par exemple), etc.</p>
<iframe src="https://cdn.knightlab.com/libs/timeline3/latest/embed/index.html?source=1hXudxWU2ooPG1mf5cOKlqy1sD7KxnClHiV8MnO19C4w&font=Default&lang=en&initial_zoom=2&height=650" width="100%" height="650" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen="" frameborder="0"></iframe>
<p>Commence alors à émerger un récit très bien construit, centré sur la figure de Bill Gates, car ce milliardaire s’est beaucoup investi dans la vaccination contre la poliomyélite. Tout un discours émerge sur le fait que les vaccins pourraient être des armes biologiques de destruction massive, utilisées pour mener un véritable génocide sur une partie de la population mondiale. On a vu réémerger ces thèses ces derniers temps, avec la vidéo Hold-up.</p>
<p>Enfin, cette séquence mortifère pour la vaccination va encore être aggravée par un troisième élément : l’affaire du Médiator. Ce scandale sanitaire n’a rien à voir avec la vaccination, puisqu’il concerne un médicament. Néanmoins, d’une certaine manière, il va conforter l’idée qu’il existe un problème majeur de sécurité vis-à-vis des produits pharmaceutiques.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/372663/original/file-20201202-15-103ehxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/372663/original/file-20201202-15-103ehxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=752&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/372663/original/file-20201202-15-103ehxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=752&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/372663/original/file-20201202-15-103ehxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=752&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/372663/original/file-20201202-15-103ehxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=945&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/372663/original/file-20201202-15-103ehxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=945&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/372663/original/file-20201202-15-103ehxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=945&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Soutien très actif de la vaccination via sa fondation Bill & Melinda Gates, le co-fondateur de Microsoft Bill Gates est devenu un personnage central des récits conspirationnistes anti-vaccins.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Bill_Gates_2018.jpg">Wikimedia Commons</a></span>
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<p>Bizarrement, ce ne sont pas vraiment les médicaments qui vont pâtir du scandale, mais la vaccination. Nos enquêtes vont révéler que, très rapidement après cette affaire, un changement dans les perceptions du vaccin se produit : l’idée que les vaccins sont dangereux s’installe dans les représentations collectives, y compris chez des gens qui sont favorables à la vaccination. Les gens pensent par exemple que les effets secondaires graves sont fréquents, quand bien même toutes les données d’épidémiosurveillance indiquent qu’ils sont en réalité extrêmement rares.</p>
<p>Ce basculement, qui se produit à partir de 2010, ne concerne pas seulement les représentations et les perceptions, mais aussi les pratiques : certains vaccins vont perdre de leur attractivité, notamment le vaccin contre la grippe saisonnière. En 2011, un tiers des personnes vaccinées les années précédentes ne se feront pas vacciner (notamment des personnes âgées). On observe donc une baisse de la couverture vaccinale.</p>
<p><strong>TC : Qui sont ces réseaux conspirationnistes ?</strong></p>
<p><strong>JR :</strong> Nous avons identifié 3 types d’acteurs. Les premiers sont des acteurs de type « politique », majoritairement d’extrême droite et d’extrême gauche libertaire. Pour eux, la vaccination représente avant tout une emprise de l’État sur la vie privée, et doit donc être combattue en tant que telle. Ces acteurs produisent une forme de critique qui est plutôt d’ordre politique, même si elle alimente des positions conspirationnistes.</p>
<p>La seconde catégorie d’acteurs est purement économique. Il s’agit de start-up travaillant dans le domaine de « l’économie de l’attention », qui se positionnées sur ce sujet car elles y ont détecté un marché potentiel. Ces « entrepreneurs de la défiance », qui sont localisés en Europe de l’Est ou dans certains pays occidentaux, vont créer des sites spécialisés dans le conspirationnisme pour les monétiser, mais ne sont pas forcément eux-mêmes convaincus par les récits qu’ils véhiculent. Ils exploitent le filon de ce « marché cognitif », pour reprendre l’expression du sociologue Gérald Bronner.</p>
<p>Le troisième type d’acteurs est constitué par la nébuleuse qui gravite autour du marché des pratiques médicales alternatives, qui tiennent un discours critique et vaccinosceptique depuis toujours. La critique vaccinale constitue pour ces acteurs une manière d’acquérir une certaine visibilité. Ces réseaux sont polymorphes et complexes, souvent anonymes. En outre, certains hérauts de la critique vaccinale peuvent avoir un double positionnement, être par exemple à la fois proches des milieux d’extrême droite et de structures à visées commerciales promouvant les médecines alternatives.</p>
<p><strong>TC : Les nouveaux outils numériques ont joué un rôle important dans la diffusion de ces idées ?</strong></p>
<p><strong>JR :</strong> Effectivement, ces réseaux se sont rapidement approprié les nouveaux outils numériques pour diffuser leurs récits. Par ailleurs, les spécialistes qui ont examiné le discours sur la vaccination sur les réseaux sociaux numériques ont montré que les réseaux vaccinosceptiques et vaccinocritiques sont beaucoup plus réactifs et produisent beaucoup plus de contenus (notamment nouveaux) que les sites institutionnels ou les gens qui défendent la vaccination, lesquels sont souvent des scientifiques, des médecins ou des experts qui n’ont que peu de temps à consacrer à cette production de contenus.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/372686/original/file-20201202-19-zqs0u7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/372686/original/file-20201202-19-zqs0u7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=485&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/372686/original/file-20201202-19-zqs0u7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=485&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/372686/original/file-20201202-19-zqs0u7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=485&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/372686/original/file-20201202-19-zqs0u7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/372686/original/file-20201202-19-zqs0u7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/372686/original/file-20201202-19-zqs0u7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://twitter.com/Inserm/status/1199641398087225345">L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) produit des contenus pour tenter de lutter contre les fake news.</a></span>
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<p>Il se crée donc une asymétrie entre d’un côté un discours négatif très dynamique, très relayé par des gens très engagés, qui investissent beaucoup de temps et d’énergie, et d’un autre côté la production du discours de défense de la vaccination moins « dynamique ».</p>
<p>À tel point qu’il y a quelques années les sites qui arrivaient en tête lorsque vous tapiez juste le mot vaccin ou vaccination dans les moteurs de recherche étaient des sites vaccinosceptiques ou vaccinocritiques, qui étaient mieux référencés que les sites institutionnels. Depuis les choses ont changé, car les pouvoirs publics ont fait le nécessaire pour améliorer leur référencement sur les moteurs de recherches.</p>
<p><strong>TC : Qui est sensible à ces discours ?</strong></p>
<p><strong>JR :</strong> Les catégories socioprofessionnelles qui sont les plus perméables aux thèses vaccinosceptiques sont plutôt les catégories intermédiaires : les travailleurs sociaux, les professions paramédicales, les enseignants du secondaire, du primaire, etc.</p>
<p>C’est particulier. En effet, habituellement sur les autres sujets liés à la santé publique (concernant l’activité physique, les produits addictifs, l’alimentation, etc.), il existe un gradient social : plus le niveau d’éducation est important et plus le niveau de vie est confortable, plus la tendance à adhérer aux recommandations est élevée. Dans le cas de la vaccination, ce n’est pas le cas. La courbe est en « U inversé ». Quand essaie de comprendre pourquoi, on s’aperçoit qu’il y a une influence culturelle très forte, et notamment politique.</p>
<p>Cette tendance à la politisation de la question vaccinale a été observée depuis 10 ans aux États-Unis, et a été clairement exposée sous la présidence de Donald Trump. Schématiquement, les personnes qui se sentent proches des idéologies d’extrême droite ou d’extrême gauche libertaire ont davantage tendance à être hésitantes ou critiques vis-à-vis de la vaccination. Cette attitude est encore plus marquée chez les gens qui ne votent pas. À l’inverse, les gens proches des partis « de gouvernement » traditionnels ont tendance à adhérer. Autrement dit, la vaccination devient un marqueur idéologique : être contre, c’est être antisystème.</p>
<p>Ce lien entre opinions politiques et vaccination est très nouveau en France, il n’existait pas voici 10 ans. Cela s’explique probablement par le fait que plus on est proche idéologiquement des extrêmes politiques, plus on est perméable aux théories conspirationnistes. Or la vaccination étant devenue un des piliers des théories conspirationnistes, il y a eu ces dernières années une exposition beaucoup plus forte aux thèses anti-vaccinales dans ces milieux.</p>
<p><strong>TC : Comment expliquer que l’hésitation vaccinale touche notamment les professions paramédicales ?</strong></p>
<p><strong>JR :</strong> Nous avons étudié le lien entre l’adhésion aux médecines alternatives et l’hésitation vaccinale chez les infirmiers et infirmières de Bretagne. Il est très fort, ce qui peut s’expliquer par la façon dont est structuré ce secteur. Une des explications est probablement qu’en France, les professions paramédicales sont généralement moins considérées dans leur milieu professionnel, que les médecins. En tant que donneurs d’ordres, ces derniers leurs confient généralement plutôt des tâches d’exécutions. Le fait de s’approprier des théories concurrentes de celles de la médecine conventionnelle permet à certains paramédicaux de justifier d’une forme d’expertise différente, qui les remet en valeur.</p>
<p>Qui plus est, les approches alternatives, qui avaient disparu avec le développement de la médecine conventionnelle, ont tendance à susciter à nouveau l’engouement : les théories holistiques, les questions d’équilibre, les régimes alimentaires alternatifs… Le tout s’accompagne de l’émergence de figures de « gourous guérisseurs ». Ces discours sont dans l’imaginaire collectif de plus en plus prégnants, et sont relayés par certaines figures médiatiques.</p>
<p><strong>TC : Le succès de ces « thèses » s’explique-t-il par la disparition, dans nos pays, de grandes épidémies de maladies infectieuses ?</strong></p>
<p><strong>JR :</strong> C’est effectivement le premier argument historique : la critique vaccinale réémerge au moment où disparaissent les gens qui ont connu les maladies infectieuses contre lesquelles la vaccination a connu ses plus grands succès, comme la poliomyélite. Qui se souvient que, jusque dans les années 1950, chaque année des milliers d’enfants se retrouvaient lourdement handicapés à cause de ce virus ? Suite aux campagnes de vaccination, l’incidence de la poliomyélite s’est effondrée, comme celle de la rougeole, de la variole… Les témoins de ces époques ont peu à peu disparu, et on a perdu la mémoire collective des conséquences de ces grandes épidémies. La motivation à se faire vacciner a disparu.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/372666/original/file-20201202-19-oy4f2y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/372666/original/file-20201202-19-oy4f2y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/372666/original/file-20201202-19-oy4f2y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=913&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/372666/original/file-20201202-19-oy4f2y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=913&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/372666/original/file-20201202-19-oy4f2y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=913&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/372666/original/file-20201202-19-oy4f2y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1147&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/372666/original/file-20201202-19-oy4f2y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1147&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/372666/original/file-20201202-19-oy4f2y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1147&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Parfois mortel, le virus de la poliomyélite laisse des séquelles graves. Les lourds handicaps qu’il génère ont disparu des mémoires collectives dans les pays occidentaux, où le virus ne sévit plus.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Poliomy%C3%A9lite#/media/Fichier:Polio_lores134.jpg">Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce n’est pas le cas dans les pays où les maladies infectieuses ont fait des ravages encore récemment. En Inde, en Chine, les attitudes vis-à-vis de la vaccination sont très positives. Il existe certes des exceptions, comme au Pakistan ou en Afghanistan, mais elles sont liées à un contexte particulier : à l’époque de la traque de Ben Laden, des campagnes de vaccination ont permis de recueillir des informations. Les conséquences ont été un rejet de la vaccination qui a pu aller jusqu’à des meurtres de vaccinateurs.</p>
<p>Il faut souligner un point important concernant le succès des thèses anti-vaccination : la psychologie expérimentale nous enseigne qu’à partir du moment où les gens ont développé une conviction sur un sujet, elle est très stable. Tant que les gens n’ont pas d’idée arrêtée sur un sujet, la discussion est possible, mais ensuite les faire changer d’avis requiert beaucoup de temps et d’énergie. Dans le champ de la prévention, on conseille de ne pas essayer de discuter ou de converser de manière énergique avec des anti-vaccination convaincus, car cela a un effet pervers : cela renforce leurs convictions.</p>
<p><strong>TC : L’épidémie de Covid-19 a-t-elle changé la donne ?</strong></p>
<p><strong>JR :</strong> Ces dernières années, on a observé des flux et des reflux de l’hésitation vaccinale. Entre 2010 et 2015-2016, son taux a baissé, passant de 40 % à 20 %. Les choses s’amélioraient. Cependant, dans le contexte actuel de défiance envers les institutions, on craint plutôt une explosion, en dépit de l’épidémie en cours. Quand nous avons demandé, au mois de mai dernier, si les gens étaient prêts à se faire vacciner contre la Covid-19, 25 % d’entre eux déclaraient ne pas le souhaiter. Aujourd’hui, ce taux a grimpé à 45 %.</p>
<p>C’est d’autant plus étonnant que nous avons vécu une reprise épidémique importante ces dernières semaines, avec des conséquences à la fois sociales et économiques dévastatrices. Étant donné la pression de l’épidémie sur nos sociétés, nous avions fait l’hypothèse qu’il y aurait un regain d’intérêt pour la vaccination, or c’est l’inverse qui s’est produit. Pourtant, nous ne nous sortirons probablement pas rapidement de cette situation sans la mise à disposition d’un vaccin efficace.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/150773/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jocelyn Raude a reçu des financements de l'ANR et de l'Europe pour ses travaux de recherche. Il a également participé à des travaux scientifiques sur l'hésitation vaccinale financés ou soutenus par l'industrie pharmaceutique (MSD, GSK). </span></em></p>En France, pays historiquement pro-vaccins, la montée en puissance de l’hésitation vaccinale est récente. Elle résulte principalement de la conjonction de trois phénomènes.Jocelyn Raude, Chercheur à l’Unité des Virus Emergents Aix-Marseille Université – IRD 190 – INSERM 1207 – IHU Méditerranée Infection, Enseignant-chercheur en psychologie sociale, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1491042020-11-23T20:32:15Z2020-11-23T20:32:15ZLes populations d’Afrique sont-elles prêtes à accepter le vaccin anti-Covid-19 ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/370775/original/file-20201123-13-12lxy7s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4348%2C2883&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Médecin de la mission de l'UNICEF participant à une campagne de vaccination contre le tétanos, République démocratique du Congo, 2008.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/drc-democratic-republic-congo-unicef-mission-277383209">Valeriya Anufriyeva / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Après le lancement d’essais vaccinaux contre la Covid-19 sur le continent africain (d’abord en <a href="https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT04444674">Afrique du Sud</a>, puis au <a href="https://fr.le360.ma/societe/vaccin-contre-le-coronavirus-le-maroc-participe-a-de-prometteurs-essais-cliniques-221809">Maroc</a>), l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et diverses institutions (telles que les <a href="https://africacdc.org/news-item/covid-19-vaccine-development-and-access-virtual-conference/">Centres africains de contrôle et de prévention des maladies</a> (Africa Centers for Disease Control – une agence de santé publique de l’Union africaine, et <a href="https://msfaccess.org/covid-19-action">Médecins sans frontières</a>) travaillent aujourd’hui sur l’accessibilité des vaccins à venir. D’ores et déjà, le <a href="https://www.who.int/fr/news/item/24-08-2020-172-countries-and-multiple-candidate-vaccines-engaged-in-covid-19-vaccine-global-access-facility">Mécanisme COVAX</a> – une initiative mondiale impliquant les firmes pharmaceutiques pour garantir aux pays du monde entier un accès équitable aux vaccins – a reçu l’adhésion des 54 <a href="https://www.afro.who.int/fr/news/les-pays-africains-sengagent-dans-une-initiative-novatrice-sur-le-vaccin-contre-la-covid-19">États africains</a>.</p>
<p>Les conditions pour un accès aussi rapide que possible à une vaccination efficace se mettent donc en place en Afrique. Mais les populations y seront-elles favorables ? Si la vaccination est habituellement présentée comme l’une des interventions de santé publique dont le rapport coût-efficacité est parmi les meilleurs, il faut reconnaître que s’agissant de la Covid-19, les réseaux sociaux et bon nombre de médias tendent à diffuser un tout autre discours.</p>
<p>Ainsi, dès le mois d’avril 2020, après que des médecins ont suggéré sur une chaîne française d’information en continu de mener des essais en Afrique, des pétitions anti-vaccin très suivies ont commencé à circuler. Depuis, le vaccin constitue un thème central des « fake news » en lien avec la Covid-19. Parmi celles-ci sont par exemple relayées de fausses informations évoquant des campagnes de vaccination au Sénégal prétendument destinées à transmettre le virus. Des manifestations n’ayant rien à voir avec le sujet ont aussi été présentées comme des émeutes anti-vaccin en Afrique du Sud. Le site <a href="https://fr.africacheck.org/">Africa Check</a> travaille régulièrement à corriger ces « fake news ». Mais dans un <a href="https://doi.org/10.4000/ress.805.">paysage cognitif</a> aussi conflictuel, dans quelle direction s’orientent les opinions ?</p>
<hr>
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<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-mondialisation-des-infox-et-ses-effets-sur-la-sante-en-afrique-lexemple-de-la-chloroquine-134108">La mondialisation des infox et ses effets sur la santé en Afrique : l’exemple de la chloroquine</a>
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<h2>Une majorité de refus</h2>
<p>Au Cameroun, au Sénégal, au Bénin comme au Burkina Faso, entre 6 et 7 personnes sur 10 affirment qu’elles n’accepteraient pas le vaccin anti-Covid-19 si on le leur proposait : c’est ce que montre l’étude que nous avons menée dans le cadre du <a href="https://shsebola.hypotheses.org/projet-coraf">projet CORAF</a> (coronavirus Afrique), en lien avec le programme de recherche opérationnelle <a href="https://www.ird.fr/ariacov">ARIACOV</a>.</p>
<p>Pour appréhender la perception de la vaccination anti-Covid-19, nous nous sommes appuyés sur un travail de veille des médias traditionnels, des médias en ligne et des réseaux sociaux, sur des enquêtes d’opinions (entre 48 et 64 personnes interrogées par pays), et sur des entretiens approfondis menés auprès de populations majoritairement urbaines. Nos résultats montrent, derrière le refus de vaccination, un assemblage complexe d’arguments et de représentations sociales. On peut distinguer plusieurs grandes tendances dans les justifications.</p>
<h2>Doute et suspicions</h2>
<p>Une partie des personnes enquêtées expriment une méfiance ou un doute qu’elles justifient par « tout ce qu’elles ont lu ou entendu », dans leur milieu et sur les réseaux sociaux, en y adhérant plus ou moins. Le refus du vaccin s’explique donc ici par l’<a href="https://www.who.int/fr/news/item/23-09-2020-managing-the-covid-19-infodemic-promoting-healthy-behaviours-and-mitigating-the-harm-from-misinformation-and-disinformation">infodémie</a> telle que la définit l’OMS, c’est-à-dire la surabondance d’informations et la circulation de rumeurs et d’informations hétérogènes erronées, que les personnes ne peuvent vérifier ou trier, faute d’avoir les connaissances nécessaires.</p>
<p>Dans leurs propos justifiant le refus de vaccin, on retrouve des références à des vidéos, sites web, images, ou encore des phrases circulant sur Internet et notamment sur les réseaux sociaux. Sont ainsi mis en avant de supposés liens entre la 5G et le coronavirus, ou encore la présence cachée de nanoparticules dans les vaccins pour contrôler les individus, etc. Une partie des personnes qui évoquent ces notions affirment regretter de ne pas connaître de source d’information « sûre » sur la Covid-19.</p>
<p>Certains enquêtés discutent l’intérêt du vaccin de manière critique, usant d’arguments parfois proches d’expériences vécues et très éloignés des faits épidémiologiques, jusqu’à mettre en doute l’existence de la Covid-19. D’autres personnes avancent des justifications plus réalistes, qui peuvent porter par exemple sur la spécificité de la Covid-19 par rapport à d’autres pathologies comme la grippe, sur la validité de la stratégie de vaccination alors que le pic épidémique semble passé en Afrique, ou encore sur son intérêt par rapport aux gestes barrière ou à d’autres mesures préventives ou thérapeutiques locales, voire sur une « protection des Africains » vis-à-vis du SARS-CoV-2, selon eux constatée empiriquement.</p>
<p>Certains enquêtés considèrent quant à eux que le vaccin est instrumentalisé, soit par les Occidentaux et les « grandes puissances », qui chercheraient à contrôler la démographie de la population africaine, soit par les firmes pharmaceutiques qui ne chercheraient que le profit, avec la complicité des politiciens africains. Les formulations reflètent tantôt un discours de critique postcoloniale, tantôt des accusations de complot de la part des puissants (par exemple Bill Gates, dont la <a href="https://www.gatesfoundation.org/">fondation</a> soutient l’initiative <a href="https://www.gavi.org/fr">GAVI</a> pour l’accès aux vaccins dans les pays à ressources limitées).</p>
<h2>De l’inquiétude à l’adhésion</h2>
<p>Notre enquête révèle par ailleurs une inquiétude concernant le futur vaccin, liée d’une part au contexte international de « course aux vaccins », de pression politique et d’effets d’annonce, et d’autre part aux incertitudes scientifiques et aux discours contradictoires.</p>
<p>Lorsqu’elles expliquent dans quelles conditions elles accepteraient le vaccin, les personnes interrogées évoquent la nécessité d’essais cliniques réalisés en Europe et passant par l’expérimentation animale, mais aussi une efficacité prouvée et l’absence d’effets secondaires.</p>
<p>Un à deux enquêtés sur dix ont déclaré vouloir se faire vacciner. Ils justifiaient souvent ce choix par le besoin de mettre un terme à une pandémie impactant lourdement la vie quotidienne et menaçant de faire basculer dans la pauvreté une part importante de la population : au <a href="https://www.undp.org/content/dam/rba/docs/Covid-19-CO-Response/UNDP-rba-Covid-assessment-Senegal.pdf.">Sénégal, 87 % des ménages ont connu une baisse de leurs revenus</a>. Pour argumenter leur décision, ces enquêtés rappellent les difficultés à appliquer les gestes de prévention : à Dakar, la moitié de la population vit dans des foyers de plus de 10 personnes, et un <a href="https://www.ansd.sn/index.php?option=com_content&view=article&id=613&Itemid=403">tiers des foyers dispose de moins de deux pièces</a>. Le vaccin leur permettrait d’échapper aux limites de la stratégie de prévention dans un tel contexte.</p>
<h2>La nécessité d’analyses minutieuses</h2>
<p>La multiplicité des interprétations révélée par notre enquête devra être affinée au travers d’analyses plus précises sur chacun des sites, et des études menées auprès d’échantillons de population représentatifs sont nécessaires. On constate cependant que, depuis ses débuts et particulièrement en Afrique, le vaccin, loin d’être considéré comme un geste anodin, est chargé de représentations : l’injection ravive en particulier les souvenirs de <a href="https://editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Le_m__dicament_qui_devait_sauver_l_Afrique-9782359250879.html">pratiques médicales coloniales</a> ayant marqué les corps et les mémoires.</p>
<p>Jusqu’à présent, le refus vaccinal était décrit sur le continent africain en lien avec les discours religieux fondamentalistes, ou bien en réaction à des pratiques autoritaires et des abus éthiques entourant la vaccination. Néanmoins, en ces temps de pandémie, il reflète plutôt des problématiques locales, des représentations partagées sur le web, ou encore des enjeux politiques et scientifiques, et ce dans un contexte où apparait aussi une critique vis-à-vis de la science et de la médecine.</p>
<p>Dans l’optique de la « préparation des populations » promue par les autorités sanitaires, il faut se souvenir que les opinions ne sont pas réductibles à un manque de connaissances. Certes, de nombreuses personnes enquêtées ont exprimé le souhait d’être mieux informées, preuve de l’attente d’une meilleure communication scientifique, quasi absente des médias africains. Cependant il ne faut pas penser que le problème de la défiance vis-à-vis de la vaccination pourra être résolu uniquement par une communication ciblant les « fake news » pour leur opposer des connaissances scientifiques…</p>
<p>Si l’on souhaite que les populations se préparent à la vaccination, en Afrique comme ailleurs, il importe d’analyser de façon minutieuse leurs perceptions concernant le vaccin, mais aussi l’intrication des logiques qui les sous-tendent.</p>
<p>De fait, tout particulièrement en Afrique, la lutte contre l’infodémie devra se garder d’opposer de manière réductrice croyances (côté « fake news ») et connaissances (côté science), ou <a href="http://www.bruno-latour.fr/sites/default/files/15-GRAND-PARTAGEpdf.pdf">esprit pré-scientifique et esprit scientifique</a>, dans une opposition qui reproduirait un « grand partage », une <a href="http://books.openedition.org/editionsmsh/3875">notion largement critiquée en sciences sociales</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149104/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alice Desclaux a reçu des financements de l'IRD et de l'AFD dans le cadre du projet de recherche CORAF (Coronavirus Anthropologie Afrique: Circulation de l'information, interprétations et effets sociaux, programme ARIACOV). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Blandine Bila a reçu des financements de l'IRD et de l'AFD dans le cadre du projet de recherche CORAF (Coronavirus Anthropologie Afrique: Circulation de l'information, interprétations et effets sociaux, programme ARIACOV</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Khoudia Sow receives funding from IRD and AFD ( projet de recherche CORAF (Coronavirus Anthropologie Afrique: Circulation de l'information, interprétations et effets sociaux, programme ARIACOV)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marie Varloteaux a reçu des financements de l'IRD et de l'AFD dans le cadre du projet de recherche CORAF (Coronavirus Anthropologie Afrique: Circulation de l'information, interprétations et effets sociaux, programme ARIACOV).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Roch A. Houngnihin a reçu des financements de l'IRD et de l'AFD dans le cadre du projet de recherche CORAF (Coronavirus Anthropologie Afrique: Circulation de l'information, interprétations et effets sociaux, programme ARIACOV)</span></em></p>Une initiative mondiale visant à garantir un accès équitable à la vaccination prépare l’arrivée en Afrique des futurs vaccins anti-Covid-19. Mais les populations sont-elles prêtes à les accepter ?Alice Desclaux, Anthropologue de la santé, TransVIHMI, Institut de recherche pour le développement (IRD)Blandine Bila, Chercheuse en anthropologie, Institut de Recherche en Sciences de la Santé/IRD, Ouagadougou, Institut de recherche pour le développement (IRD)Khoudia Sow, Chercheuse en anthropologie de la santé (CRCF)/TransVIHMI, Institut de recherche pour le développement (IRD)Marie Varloteaux, Expert technique ANRS/EF, chercheur associé TransVIHMI, IRD, Institut de recherche pour le développement (IRD)Roch A. Houngnihin, Professeur d'anthropologie de la santé, LAMA, University d'Abomey-Calavi de BéninLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1495782020-11-07T05:31:18Z2020-11-07T05:31:18ZDes élections américaines prises au piège de la désinformation<p>Dans la nuit du 5 au 6 novembre, alors que le décompte des voix est en cours dans 5 états, Donald Trump déclarait que seuls les scrutins déposés le jour du vote étaient légaux, les autres étant une tentative de lui confisquer la victoire, jetant ainsi le doute sur la légitimité du vote en ligne. Fait inédit, les grandes chaînes nationales américaines, hormis CNN et Fox, ont coupé court à la retransmission, pour ne pas se faire prendre au piège de la désinformation.</p>
<p>Les campagnes électorales américaines sont des périodes d’autant plus vulnérables à la désinformation que les enjeux et les ressources engagées sont énormes. Les élections de 2020 ont été sous haute surveillance du fait des révélations de manipulation interne et d’ingérence externe.</p>
<p>Dans le cas des élections de 2020 comme dans celle de 2016, un certain nombre de stratégies de manipulation du vote ont été utilisées, <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/presidentielle/donald-trump/vrai-ou-fake-election-americaine-on-a-examine-cinq-rumeurs-de-fraudes-colportees-par-le-camp-trump_4169811.html">avec une forte croissance depuis une semaine du côté de la campagne de Trump</a>. Elles se sont appuyées sur des éléments structurels du vote et sur des éléments conjoncturels <a href="https://livre.fnac.com/a11855537/La-Documentation-Francaise-Faut-il-avoir-peur-des-fake-news">qui font partie de l’arsenal de la désinformation</a>.</p>
<h2>Distiller le faux au compte-gouttes</h2>
<p>Les étapes de la manipulation des élections peuvent se découper en plusieurs phases, orchestrées en amont de l’événement :</p>
<ul>
<li><p>La création de campagnes numériques souterraines et préparatoires, avec dissémination de fausses informations au compte-gouttes, visant à installer une tendance virale, sur un sujet clivant. Par exemple : si Biden meurt en plein mandat, il sera remplacé par Kamala Harris, taxée de « gauchiste » – ce qui est faux : elle appartient plutôt à l’aile droite du parti démocrate. Ou encore : une fois à la Maison Blanche, Biden mettra en place tout le programme de Bernie Sanders et s’alignera pleinement sur le mouvement Antifa. Dans tous les cas, Biden est <a href="https://www.liveabout.com/funny-joe-biden-memes-and-pictures-4091083">décrit comme un pantin sénile</a>, une étiquette qui se propage dans les banques de mèmes et qui peut être déclinée et amplifiée à volonté sur les réseaux sociaux.</p></li>
<li><p>L’achat ou le piratage de données stratégiquement révélés pour causer la surprise ou la panique à des moments-clés. Par exemple, les diverses tentatives pour relier Hunter Biden (le fils de Joe Biden) à des cercles pédophiles démocrates, diffusée par la nébuleuse conspirationniste QAnon notamment, par le biais du mot-dièse #SavetheChildren.</p></li>
<li><p>Le camouflage et le blanchiment (« whitewashing ») de fake news par le biais des médias sociaux, pour en faciliter la reprise par les journaux et médias de masse. Comme pour le blanchiment de l’argent du marché noir injecté dans l’économie réelle (achat de biens, investissements en liquide, etc.), les infox sont blanchies en les faisant passer des sites extrémistes marginaux aux médias mainstream, les transformant en actualités « réelles » sinon avérées. Ainsi, la fake news selon laquelle le vote par correspondance est <a href="https://www.vox.com/2020/4/8/21213416/trump-mail-in-voting-wisconsin-coronavirus">frauduleux</a> accompagnée d’un appel à la dénonciation si le résultat du vote est en défaveur de Trump a été plantée par les médias sociaux et reprise par les médias de masse. Même s’ils la dénoncent, ces derniers lui donnent une crédibilité qui semble se confirmer comme une prophétie auto-réalisante à mesure que les états pivots basculent de Trump à Biden, causant les supporters de Trump à manifester devant les centres de tri comme en Arizona.</p></li>
<li><p>La collusion secrète ou de fait entre les intérêts de certains acteurs en interne et les acteurs externes (groupes extrémistes, organisations semi – ou paraofficielles). Par exemple, il s’agit de faire croire que si le vote par correspondance gagne, c’est bien qu’il est truqué et les milices locales doivent se tenir prêtes à combattre pour faire gagner le camp de Trump. C’est tout l’enjeu du mouvement « Proud Boys » que Trump a appelé à « Stand back and stand by » (« Retenez-vous mais tenez-vous prêts »). Les intérêts des « Proud Boys » rejoignent ainsi objectivement ceux de Trump et peuvent les amener à réagir pour lui sans qu’il ait à faire un appel clair et net à leur aide. Plus Trump paralyse le système et plus la possibilité que ces acteurs extrémistes paramilitarisés se manifestent est réelle.</p></li>
</ul>
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<ul>
<li>Enfin l’influence étrangère reste encore à démontrer pour cette campagne, et ne peut être éliminée sans pour autant lui attribuer le même rôle déterminant que lors des élections de 2016. Toutefois, les tentatives pour prouver la « corruption » des Biden en attirant l’attention sur son fils, Hunter Biden, dans le cas de l’Ukraine, semblent bien venir de l’étranger et notamment de la Russie. Et les médias sociaux russes relaient les dénonciations de fraude car une contestation chaotique interne ferait les affaires du Kremlin, <a href="https://www.msn.com/fr-fr/actualite/monde/trump-ou-biden-l-assourdissant-silence-de-moscou/ar-BB1aJh3U?MSCC=1604495995">lui laissant les coudées plus franches sur la scène internationale</a>.</li>
</ul>
<h2>Paralyser le vote en accusant l’autre camp de fraude</h2>
<p>Les stratégies de désinformation reposent sur un certain nombre de mécanismes qui s’empilent les uns les autres et se renforcent réciproquement :</p>
<ul>
<li><p>Supprimer des votes et donc des voix par la diffusion d’informations erronées sur les dates d’élections, les lieux de vote ou les modes de scrutin, pour induire les électeurs en erreur ou les dissuader de se rendre aux urnes. Par exemple, au Texas, la [localisation des boîtes aux lettres où les bulletins peuvent être déposés] s’avère <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2020/oct/29/us-election-drop-boxes-partisan-legal-battles">très stratégique</a>, obligeant certains électeurs à se déplacer sur de longues distances.</p></li>
<li><p>Diffuser des rumeurs de truquage – comme le piratage des machines de vote électronique ou le trafic des registres électoraux – pour démotiver les minorités noires ou latino-américaines, qui se sentent déjà marginalisées ou, a contrario, irriter les Républicains qui peuvent se sentir exclus, avec la circulation de photos en ligne montrant des bulletins dans des poubelles papier, <a href="https://www.poynter.org/fact-checking/2020/u-s-fact-checkers-debunked-at-least-10-hoaxes-involving-pennsylvania-and-florida-on-election-day/">semant le doute</a> sur l’intégrité du processus.</p></li>
<li><p>Polariser les communautés en ligne, avec des retombées hors ligne, par des campagnes de désinformation orchestrées autour de sujets clivants comme la race ou la police. Par exemple, <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/10/14/qanon-aux-racines-de-la-theorie-conspirationniste-qui-contamine-l-amerique_6055921_4408996.html">QAnon</a> a créé ses propres chambres d’écho pour populariser ses théories du complot qui donnent à Trump un statut de héros, seul en lutte contre les forces obscures qui parasitent le parti démocrate.</p></li>
<li><p>Boursoufler des comptes et pages hyper-partisans avec l’achat de comptes « bidon », pour diffuser plus facilement de la désinformation sensationnelle et/ou émotionnelle et contribuer au sentiment de flou généralisé tout en donnant le sentiment d’une fausse militance en ligne en s’appuyant <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/expliquez-nous/expliquez-nous-l-astroturfing_3119383.html">sur l’astroturfing</a> et les fermes de trolls pour intimider l’adversaire et faire croire à un large consensus, comme exemplifié par l’impressionnant nombre de comptes fermés par Facebook depuis le début des élections.</p></li>
<li><p>Créer des campagnes publicitaires au compte-gouttes pour faire chambre d’écho avec des partenariats locaux ou nationaux liés à divers extrémistes. Par exemple, le financement de 1 300 sites apparaissant comme des médias locaux alors qu’ils appartenaient à une seule et même entité cherchant à masquer une opération de relations publiques pour <a href="https://www.nytimes.com/2020/10/18/technology/timpone-local-news-metric-media.html">relayer les vues des conservateurs républicains</a>.</p></li>
</ul>
<h2>Fact-checking et intégrité de l’information</h2>
<p>Les organismes de fact-checking comme FactCheck.org, Politifact et le Washington Post Factchecker, se concentrent sur un certain nombre de mécanismes de désinformation avérés, notamment en ce qui concerne les élections. Ils ont pu faire un repérage des signaux faibles et signaux forts en amont et pendant des élections. Parmi de nombreux autres thèmes, depuis mars, un des plus récurrents est la théorie du complot montée par le Président selon laquelle l’élection lui serait « volée » du fait de la fraude au vote en ligne. Cela correspond aussi aux stratégies du blanchiment et des campagnes préparatoires. Il encourage ainsi de facto mais sans le dire le sentiment d’outrage de ses supporters et, implicitement, l’appel aux armes.</p>
<p>Parmi les réfutations et démystifications les plus courantes sont celles qui concernent le décompte des voix, qui joue sur la complexité et l’hétérogénéité des situations selon les États et peut nourrir la paranoïa des supporters. Comme de nombreuses fake news aux États-Unis, ces fausses informations s’appuient sur une vulnérabilité réelle du système, qui tient à la diversité des règles et leur plus ou moins grande opacité, ce dont tous les Américains ne sont pas nécessairement conscients. Par exemple, au Nevada le décompte des voix est suspendu pendant la nuit, alors qu’au Wisconsin il est autorisé à continuer, ce qui alimente les rumeurs de fraude. Donc quelque soit le niveau de transparence montré par les commissions électorales locales, la <a href="https://www.buzzfeednews.com/article/craigsilverman/trump-false-claims-voting,https://www.politifact.com/factchecks/2020/nov/04/facebook-posts/no-nevada-did-not-stop-counting-ballots/">porte est ouverte à toutes sortes de récits de manipulation du processus</a>.</p>
<p>Les États pivots ont été particulièrement visés dans cette économie de la désinformation. Par exemple, la Pennsylvanie a fait l’objet de fake news liées au fait que certains centres de vote ne laisseraient pas entrer des observateurs. Autre exemple de désinformation : sur Facebook, des rumeurs propagées par les Républicains circulent selon lesquelles le <a href="https://www.factcheck.org/2020/11/viral-posts-misreport-data-on-registered-voters-in-wisconsin/">Wisconsin aurait plus de bulletins de vote que d’électeurs</a>, confirmant les doutes sur le bourrage des urnes. Cela donne de la légitimité aux partisans demandant un nouveau décompte, différant ainsi l’annonce des résultats.</p>
<p><a href="https://www.factcheck.org/2020/11/sharpie-ballots-count-in-arizona/">Autre règle qui prête le flanc au fake news</a> : dans certains États, seulement des stylos à encre noire ou bleue sont acceptés et tout autre moyen mène au rejet du bulletin alors que dans d’autres États, le surlignage au marqueur est accepté.</p>
<h2>Le rôle des médias mainstream et meanstream</h2>
<p>Comme les fact-checkers, les médias mainstream et les médias sociaux ont appris de 2016 et ont fait de nombreux efforts pour ne pas amplifier la désinformation, avec plus ou moins de bonheur. Une des difficultés vient de ce que Trump est lui-même le « super-spreader » de ces fausses informations (avec plus de 32 millions d’abonnés sur Twitter par exemple). Il est en outre délicat d’ignorer ou d’occulter la parole d’une personnalité publique aussi importante, dont les propos font l’actualité quand ils sont repris par d’autres. Cet argument a été invoqué tant par Facebook que par Twitter pour ne pas bloquer le compte de Trump mais dans les quelques semaines précédant les élections, ils ont essayé de limiter les dégâts en faisant le ménage, notamment en supprimant des comptes liés à la mouvance complotiste pro-Trump QAnon, ou en <a href="https://www.cjr.org/analysis/trump-twitter-disinformation-voter-fraud-election.php">épinglant certains des propos de Trump comme étant de la désinformation</a>.</p>
<p>Par ailleurs, la focalisation sur Trump empêche de repérer ses partisans très impliqués qui servent de relais d’opinion dans les <a href="https://savoir.media/anatomie-des-fausses-nouvelles/clip/bulles-de-filtres-et-chambres-decho">chambres d’écho</a> et sur les sites républicains. En Utah, des Républicains, qui considèrent que les États-Unis ne sont pas une démocratie mais une république, remettent en cause la légitimité du vote par correspondance… En outre, certains républicains de la mouvance QAnon sont désormais membres du Congrès où ils peuvent poursuivre leur croisade. Et Trump se fait leur écho plus qu’il ne crée leur doctrine, s’appuyant sur des problématiques ancrées chez certains Républicains bien avant son accession au pouvoir, <a href="https://www.ft.com/content/8e9dd5ba-9bf4-46a9-b764-eddaaf653fa2?sharetype=blocked">ce qui tend à être sous-estimé par les observateurs</a>.</p>
<p>Un autre écueil tient à ce que médias mainstream et médias « meanstream » – s’il est possible de définir ainsi ces médias sociaux qui se font le relais de propos haineux et malveillants (« mean » en anglais) –, se renforcent réciproquement, par une co-dépendance qui les oblige à s’entre-citer les uns les autres. C’est le rôle de Fox en particulier qui est au sein d’un réseau de propagande qui inscrit dans l’actualité légitime des faits alternatifs et des opinions marginales. Fox est en co-dépendance avec le compte de Trump qui joue le rôle de <a href="https://dictionary.cambridge.org/fr/dictionnaire/anglais/bully-pulpit">« tribune à harangues intimidatrices »</a> (« bully pulpit »), <a href="https://www.cjr.org/analysis/trump-twitter-disinformation-voter-fraud-election.php">prêtes à viralisation</a>. Du coup, la campagne dénonçant la fraude au vote a été véhiculée par le président, le parti et ses médias mainstream et meanstream, avec succès puisque la moitié des électeurs républicains considère que ce type de vote est très problématique.</p>
<h2>Des résultats mitigés, au bénéfice des médias mainstream</h2>
<p>Les efforts des fact-checkers comme des médias de référence ne suffisent pas à crever les bulles de filtres, les chambres d’écho et l’effet « bully pulpit ». De fait, dans les chambres d’écho pro-trumpistes de la mouvance QAnon et autres, ces efforts renforcent le biais cognitif selon lequel si l’adversaire emploie tant d’efforts à démentir, c’est qu’il y a là un fond de vérité et que les partisans ont raison de persister dans leurs croyances. En outre, le dark social prend de plus en plus de place, dans des espaces réservés qui se retirent des espaces publics commerciaux que sont devenus Facebook et Twitter, pour aller sur WhatsAapp et autres espaces semi-privés <a href="https://www.ladn.eu/tech-a-suivre/dark-social-whatsapp-election-interview-olivier-ertzcheid/">où les mobilisations locales peuvent se fomenter</a>.</p>
<p>Ceci se double des tergiversations des médias sociaux, <a href="https://www.cjr.org/analysis/five-days-of-facebook-fact-checking.php">notamment Facebook</a>, qui a été accusé de n’être pas très cohérent et constant dans sa façon de signaler les posts vérifiés par ses partenaires fact-checkers, de même que de trop se reposer sur les analyses pas toujours fiables de ses algorithmes. Twitter a aussi mis du temps à réagir et n’a pas recours à des fact-checkers, mais cette semaine, il a épinglé comme douteux la plupart des tweets de désinformation produits par Trump.</p>
<p>Ce sont finalement les médias mainstream qui tirent le mieux leur épingle du jeu : ils ont préparé cette élection avec soin, y compris la chaîne Fox (qui n’a pas hésité à concéder l’Arizona à Biden alors que CNN ne s’était pas encore prononcée, au grand dam de Trump). La stratégie médiatique qu’ils ont adoptée pendant les trois jours de compte des résultats a été exemplaire : transparence des situations locales, visualisations pédagogiques, prudence dans l’évaluation des décomptes, appels au calme, mises à jour au fil de l’eau… Face aux tenants conservateurs du #StoptheSteals, ils ont alimenté les sources des tenants progressistes du #KeepCounting. Ils ont fini par couper le discours de M. Trump le soir du 5 novembre et ont réfuté ses affirmations alternatives. C’est une relative victoire pour le journalisme de référence, un peu tardive et profitant de l’affaiblissement de Trump.</p>
<p>L’intégrité des élections et l’intégrité de l’information vont bien main dans la main. Elles renvoient à des enjeux de transparence, de confiance et de fiabilité, pour tous les états démocratiques et non démocratiques qui suivent de près ces élections mondialisées, dont l’impact dépasse largement les frontières des États-Unis.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149578/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Divina Frau-Meigs est membre de l'AIERI, l'ONG internationale des chercheurs en sciences de l'information et de la communication, et membre du groupe de recherche CREW de l'Université Sorbonne Nouvelle. Elle est aussi co-fondatrice de l'ONG Savoir Devenir qui s'intéresse aux questions d'éducation aux médias et à l 'information et à la citoyenneté numérique. Elle fait partie du groupe d'experts de haut niveau de l'UE sur la désinformation en ligne.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Joseph Beaudreau est doctorant de CREW de l'Université Sorbonne Nouvelle. Ses recherches sur le sujet de la désinformation et de la vérification des faits aux États-Unis. </span></em></p>Pour contrer les nombreuses stratégies de manipulation de l'information orchestrées par le camp Trump, fact-checkers et médias mainstream se sont fortement mobilisés, avec des succès mitigés.Divina Frau-Meigs, Professeur des sciences de l'information et de la communication, Auteurs historiques The Conversation FranceJoseph Beaudreau, Doctorant, Civilisation des pays anglophones, Université Sorbonne Nouvelle, Paris 3 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1478082020-11-03T19:34:52Z2020-11-03T19:34:52ZScience et Covid-19 : pourquoi une telle crise de confiance ?<p>S’il y a un aspect de la crise sanitaire qui intrigue, indépendamment des nombreux problèmes déjà évoqués partout, c’est la terrible crise de confiance dans la science et ses modèles, soit que cette crise de confiance existât déjà, soit qu’elle l’amplifie encore davantage. En tant qu’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Actuaire">actuaire</a>, les modèles formant la matière première de mon activité professionnelle – en particulier les modélisations mathématiques du risque – ce phénomène me surprend. L’expérience acquise sur l’analyse de la défaillance des modèles de risque et d’évaluation <a href="https://rss.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1740-9713.2012.00538.x">au moment de la crise financière de 2008</a>) peut être, de ce point de vue, éclairante pour la crise actuelle.</p>
<h2>Absence de consensus scientifique et panique épistémique</h2>
<p>Depuis le début de l’épidémie, malgré de réelles avancées sur la compréhension du virus, les chiffres et les modèles s’affrontent et parfois se contredisent. Certaines études scientifiques établissent que le port du masque protège de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/19216002/">l’aérosolisation du virus et d’autres montrent le contraire</a>. <a href="https://www.ema.europa.eu/en/documents/other/list-references-observational-studies-chloroquine-hydroxychloroquine-covid-19-patients_en.pdf">D’autres</a> montrent que la <a href="https://ecotree.green/blog/chloroquine-une-molecule-d-origine-naturelle-que-l-on-doit-aux-arbres">chloroquine</a> semble un bon traitement et d’autres indiquent le contraire. Des études font apparaître qu’une <a href="https://www.lematin.ch/story/effets-dangereux-d-un-vaccin-arret-en-catastrophe-des-essais-cliniques-379135485858">vaccination n’est pas sans risque</a> et d’autres expliquent que le vaccin sera la seule solution pour sortir de la pandémie.</p>
<p>Ces quelques exemples font apparaître que le consensus scientifique au sujet de ce virus n’est pas aussi solide que les politiques ne le présentent pour justifier leurs décisions de gouvernement. Il n’y a pas de consensus général, mais seulement des consensus fragiles et provisoires qui sont, de fait, le propre de la démarche scientifique. Mais, en raison de l’obligation politique d’agir, la situation actuelle s’apparente à une panique épistémique.</p>
<p>Le gouvernement a besoin d’agir car son inaction serait immédiatement condamnée par l’opinion publique. Il doit agir en fonction de <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/04/08/roland-salmon-les-donnees-pour-soutenir-la-politique-du-confinement-font-defaut_6035949_3232.html">données insuffisantes</a> ou de données contestées (<a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2020/09/09/covid-19-l-hypersensibilite-des-tests-pcr-entre-intox-et-vrai-debat_6051528_4355770.html">débats sur la pertinence des résultats des tests PCR</a> et l’interprétation de la positivité) pour produire un récit commun. Le conseil scientifique Covid-19 a été constitué pour créer ce récit commun et fabriquer un consensus actionnable. Mais ce récit est violemment contesté. On met en avant une discontinuité entre le récit émanant du conseil et la « vraie vie » de ceux qui sont sur le terrain, par exemple les gérants des restaurants ou de salles de sports, et qui disent prendre toutes les précautions nécessaires.</p>
<p>Les politiques gouvernementales imposent des mesures perçues comme liberticides au nom de la « scientificité » des décisions ; la défiance s’installe dès lors vis-à-vis des institutions scientifiques et rejaillit sur les institutions politiques. La fonction de la science ne semble alors pas remplie. Mais est-ce vraiment sa fonction ? La science ne produit pas de vérité pure mais fonctionne par essais, erreurs, évolutions, et nous n’avons pour le moment aucun recul sur ce nouveau virus. On voit apparaître à travers cette crise une incompréhension profonde de ce qu’est la démarche scientifique et la fabrication de modèles.</p>
<h2>Confusion entre science et technique</h2>
<p>Pourrait-on trouver des raisons à cette incompréhension ? Alors que nous vivons dans un environnement marqué par la présence des traces techniques et technologiques innombrables de la science dans notre vie quotidienne, on confond souvent la science avec la technique. La plupart des usagers de la technique savent s’en servir mais ignorent tout des principes scientifiques sur lesquels reposent leurs appareils. Cette ignorance engendre un phénomène curieux : beaucoup développent des représentations imaginaires différentes de ce que la science affirme, comme si l’efficacité de la technique permettait une dissociation entre vision scientifique du monde et usage pratique des objets. Les « platistes » (<em><a href="https://www.tfes.org/">The Flat Earth Society</a></em>), communauté persuadée que la terre est plate, utilisent des téléphones portables, dont la conception repose sur une vision scientifique contraire à cette croyance.</p>
<p>La puissance de la science européenne a produit une révolution technologique et une hégémonie de la technique qui ont conduit à la prépondérance des sociétés occidentales, avant d’obliger les autres sociétés à s’y livrer. Cette assimilation entre hégémonie technologique et science pourrait expliquer la convergence entre les théories complotistes, les critiques de la domination occidentale sur le reste du monde, et les courants appelés « antiscience ». Ces courants irriguent beaucoup de prises de positions aujourd’hui.</p>
<p>Ils remettent en question le projet scientifique qui définit, en partie, l’histoire de l’Occident et sa réalisation totale depuis l’époque inaugurée par la révolution industrielle. On voit que les réactions violentes qui peuvent être produites par l’incompréhension des mesures gouvernementales à base « scientifique », comportent potentiellement une critique plus fondamentale de la science elle-même. D’où les nombreux appels à « vivre autrement » dans « le monde d’après ». On entrevoit ainsi comment une prise de conscience des dangers potentiels de la technologie conduit à un rejet de la science qui la fonde.</p>
<h2>Dystopies, théories du complot et biopolitique du coronavirus</h2>
<p>Les oppositions ou contestations aux mesures gouvernementales qui s’appuient sur des modèles peuvent schématiquement se regrouper en deux familles de critiques : les critiques des projections, interprétées comme des prédictions jamais réalisées – et qui ne sont que des projections – et les critiques des chiffres de l’état de l’épidémie, interprétés comme non significatifs. Soit : une critique des modèles de dynamique de l’épidémie, et une critique des photographies statiques de l’épidémie. L’incompréhension par le public des modèles à l’origine des politiques de gestion de la crise est peut-être l’une des causes du foisonnement des théories du complot que l’on trouve partout sur Internet.</p>
<p>Dès le début de la crise sont apparues un grand nombre de rumeurs, de <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/radiographies-du-coronavirus-la-chronique/radiographies-du-coronavirus-du-lundi-16-mars-2020">fausses informations</a> ou d’articles anxiogènes sur les <a href="https://covidinfos.net/covid19/il-ny-a-pas-de-seconde-vague-les-nouveaux-cas-sont-benins-les-soignants-doivent-reagir-lappel-dun-collectif-soignant-au-corps-medical/1888/">évolutions possibles de l’épidémie</a>, quand ce n’était pas sur des scénarios de loi martiale ou de confinement total des habitants des pays concernés, le tout illustré par des images ou des vidéos bien réelles <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2020/03/17/attention-aux-nombreuses-photos-de-vehicules-et-convois-militaires-sorties-de-leur-contexte_6033431_4355770.html">mais utilisées hors de leur contexte ou utilisées à contre-emploi</a>. La suite de cette crise a confirmé cette tendance à l’inondation des réseaux par des scénarios de toutes sortes, et les informations les plus contradictoires sur le virus et l’épidémie circulent.</p>
<p>À côté des scénarios apocalyptiques initiaux (mars et avril) qui prédisaient l’effondrement du monde développé tel que nous le connaissons, suivant en cela le genre des récits de science-fiction dystopique, sont apparues des interviews de médecins qui voulaient <a href="https://covidinfos.net/covid19/un-groupe-de-medecins-allemands-lance-un-appel-international-a-faire-la-lumiere-sur-la-crise-du-coronavirus-et-sa-gestion/1575/">« rétablir la vérité »</a> en indiquant que <a href="https://covidinfos.net/covid19/il-ny-a-pas-de-seconde-vague-les-nouveaux-cas-sont-benins-les-soignants-doivent-reagir-lappel-dun-collectif-soignant-au-corps-medical/1888/">l’épidémie était finie</a> alors que les principaux médias continuaient de relayer le discours officiel mettant en garde – voire prédisant – une reprise de l’épidémie (juillet et août), des interventions qui voulaient <a href="https://covidinfos.net/covid19/la-geneticienne-alexandra-henrion-caude-denonce-une-folie-collective-qui-nous-mene-dans-le-mur/1540/">alerter sur les fausses informations</a>, des vidéos qui voulaient « révéler le complot », les mesures sanitaires étant analysées comme le prélude à l’instauration d’un ordre mondial <a href="https://covidinfos.net/covid19/culpabilisation-conditionnement-mensonge-le-dr-badel-denonce-des-techniques-de-manipulation-mentale-dignes-des-regimes-totalitaires/2002/">« sani-totalitaire »</a> dont le vaccin à venir serait l’instrument d’<a href="https://www.20minutes.fr/high-tech/2780727-20200517-cree-covid-19-veut-depeupler-terre-implanter-puces-bill-gates-poupee-vaudou-complotistes-web">asservissement des populations vaccinées</a>, en fait contaminées par une injection de nanoparticules rendant les individus dociles à un régime panoptique de type <a href="https://www.lessymboles.com/controle-des-populations-theorie-du-complot-ou-realite/">Big Brother médical</a> ; ou des interviews montrant des interprétations des statistiques officielles <a href="https://www.lci.fr/population/video-vert-orange-ou-rouge-ce-qu-on-ne-vous-dit-pas-sur-la-carte-du-deconfinement-2153092.html">autres que les versions alarmistes</a> des autorités de santé, en <a href="https://www.arte.tv/fr/videos/099392-004-A/covid-19-une-deuxieme-vague-a-l-horizon/">contestant les instruments de mesure</a> eux-mêmes.</p>
<p>C’est ainsi que s’est installé le scénario dystopique d’une <a href="https://www.cairn.info/revue-cites-2020-2-page-3.htm">« biopolitique du coronavirus »</a> dans lequel le pouvoir est accusé de détruire les libertés individuelles au nom de la santé pour tous, scénario digne de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Incal"><em>L’Incal</em></a>, la célèbre BD de science-fiction de Moebius.</p>
<h2>Passions et invectives</h2>
<p>A ces scénarios dystopiques sont venus s’ajouter d’innombrables commentaires de journalistes, intellectuels, et écrivains sur ce qu’il fallait faire ou croire. Mais les débats rationnels cèdent la place aux passions et aux invectives. Au lieu de débattre sur des hypothèses et des résultats, les protagonistes des débats publics s’invectivent, <a href="https://www.lalsace.fr/politique/2020/10/26/chuchotements-martine-wonner-recadree-par-olivier-veran">jusque dans l’hémicycle</a>. Ainsi l’espace médiatique et les réseaux sociaux sont aujourd’hui saturés par un flux d’informations concurrentes et contradictoires qui empêche tout un chacun de pouvoir répondre de manière claire à des questions simples mais pourtant importantes, par exemple : le masque est-il vraiment utile en milieu ouvert ? Le confinement généralisé était-il vraiment nécessaire ? Les médicaments antipaludéens (comme la chloroquine) sont-ils vraiment dangereux ? Etc. Comment s’y retrouver dans cette profusion d’avis contradictoires ?</p>
<p>Le jeudi 12 mars, Emmanuel Macron déclarait que le principe qui guidait le gouvernement dans la crise sanitaire était la « confiance dans la science », le fait d’écouter « celles et ceux qui savent ». D’où la <a href="https://www.lci.fr/population/video-vert-orange-ou-rouge-ce-qu-on-ne-vous-dit-pas-sur-la-carte-du-deconfinement-2153092.html">mise en place d’un Conseil scientifique puis d’un Comité scientifique</a>. Dans l’interview donnée le 14 juillet à Léa Salamé, Macron a rappelé : « je crois à la rationalité scientifique ». Une relation s’est donc établie entre régime de vérité et décision politique ; dans ces conditions, lorsque le consensus scientifique semble ne pas exister, la crise de confiance semble inévitable. Le président de la République a précisé cependant que « ce n’est pas à un politique de trancher le débat scientifique. La science a ses processus ». Mais ces processus sont-ils réellement compris par le grand public ? Il semble que non, en regard des réactions diverses, pas seulement limitées à la France.</p>
<p>La contestation des décisions gouvernementales ou les manifestations opposées à l’obligation du port du masque comme à Berlin ou encore les coronasceptiques de Londres, la profusion des voix qui contestent la vision médicale dominante, et <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/08/25/le-discours-antimasque-nouveau-terreau-complotiste-des-super-defiants_6049833_823448.html">l’existence de théories du complot</a> semblent montrer le contraire. Cela peut signifier que les processus par lesquels la science doit contribuer à la clarification des débats publics en cherchant à « dire le vrai » ne sont pas compris : dans ce cas, il s’agirait de mieux les expliquer. Ou bien, plus fondamentalement, que l’absence apparente de consensus scientifique sur le SARS-CoV-2 pose la question de la confiance du public dans la capacité même de la science à « dire le vrai » ou, de manière moins métaphorique, à créer un consensus.</p>
<p>Il est inquiétant de constater à quel point le fonctionnement de la science reste mal connu, et comment <em>Les sirènes de l’irrationnel</em> (selon le titre du livre de Dominique Terré, 1991) continuent de fasciner les navigateurs que nous sommes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147808/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian Walter ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis le début de l'épidémie, malgré de réelles avancées sur la compréhension du virus, les chiffres et les modèles s’affrontent et parfois se contredisent.Christian Walter, Actuaire Professeur à Kedge BS (dept. finance) et cotitulaire de la chaire « Éthique et Finance » de la FMSH, Fondation Maison des Sciences de l'Homme (FMSH)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1473752020-10-14T18:58:26Z2020-10-14T18:58:26ZCovid-19 : une uberisation des fake news<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/362469/original/file-20201008-24-ujwcft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C35%2C2937%2C2923&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les fake news sur de la Covid-19 se diffusent à grande vitesse.</span> <span class="attribution"><span class="source">Pexels</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>La pandémie actuelle s’accompagne d’une <a href="https://www.un.org/en/un-coronavirus-communications-team/un-tackling-%E2%80%98infodemic%E2%80%99-misinformation-and-cybercrime-covid-19">infodémie de fake news</a>. De nouvelles fake news apparaissent tous les jours et inondent tous les modes de communication. Tout comme le virus, les théories du complot et les fausses informations au sujet de la Covid-19 se répandent de manière virale dans les médias, sur les réseaux sociaux et par le bouche-à-oreille. Elles sont tellement nombreuses, élaborées et persistantes qu’il est devenu <a href="https://bienvivreledigital.orange.fr/vie-perso/comment-se-proteger-des-fake-news-durant-le-covid19/">extrêmement difficile de s’en protéger</a>. Le seul moyen semble être, comme pour la maladie, de s’isoler totalement.</p>
<h2>Un phénomène grandissant</h2>
<p>Certes, le <a href="https://journals.openedition.org/rechercheseducations/9898">phénomène de la désinformation n’est pas nouveau</a>, mais depuis quelques mois, il prend une ampleur inégalée et s’amplifie à la fois en volume et en impact, non seulement en raison du contexte extraordinaire, mais également parce que les technologies de l’information et de la communication n’ont jamais été aussi accessibles et puissantes. Les théories les plus folles circulent, sont <a href="https://www.20minutes.fr/high-tech/2626435-20191012-pourquoi-personnalites-politiques-peuvent-elles-continuer-publier-fausses-infos-reseaux-sociaux">reprises par des personnalités influentes</a> et finissent par convaincre même les moins crédules.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Covid-19 : une vague d’infodémie » (Désintox, ARTE).</span></figcaption>
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<p>Les théories complotistes institutionnelles et malveillantes sont reprises par ceux qui y croient, qui les interprètent, les font évoluer, les combinent, et les relaient sous des formes différentes. Il s’agit d’une uberisation des fake news ou chacun en devient à la fois consommateur, producteur et diffuseur. Dans un monde où tout le monde se prend pour un expert et <a href="https://theconversation.com/covid-19-comment-les-biais-cognitifs-ont-diminue-lefficacite-de-la-communication-officielle-132818">est victime de biais cognitifs</a>, chacun pense qu’il est de son devoir d’alerter les autres sur ce qu’il a découvert ou compris et que des forces occultes nous cacheraient.</p>
<h2>Des conditions favorables à la désinformation</h2>
<p>Une telle <a href="https://www.franceculture.fr/numerique/coronavirus-et-infodemie-aux-grands-maux-les-grands-remedes">quantité d’information</a> est produite et diffusée chaque jour concernant l’épidémie qu’il est difficile de tout analyser et de discerner le vrai du faux. C’est d’autant plus difficile que des idées totalement contradictoires sont promues par des experts ou pseudo-experts, qui s’appuient sur des éléments partiels ou partiellement vrais, mais paraissent maîtriser leur sujet. Il en ressort des théories et des recommandations différentes, incompatibles ou même opposées qui déconcertent la population et <a href="https://www.meta-media.fr/2018/01/23/entre-crise-de-confiance-et-perte-de-reperes-linteret-pour-linformation-est-au-plus-bas.html">font perdre la confiance</a>.</p>
<p>Les revirements des autorités, qui semblent toujours dépassées par les événements, ont créé un climat propice à la <a href="https://www.ladepeche.fr/2020/09/25/entre-colere-et-resistance-la-ville-rose-est-devenue-morose-9095390.php">colère et à la contestation</a>. Que ce soit sur l’efficacité du confinement, du port du masque, de certains médicaments, ou même des tests, le fait d’entendre tout et son contraire en provenance des mêmes sources institutionnelles à quelques semaines d’écart ne facilite pas les choses. C’est le cas pour les masques, jugés totalement inutiles et même contreproductifs en termes de protection pour finir par devenir obligatoires pratiquement partout et tout le temps.</p>
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<figcaption><span class="caption">coronavirus : d’abord jugé « inutile », comment le gouvernement a rendu le masque « obligatoire ».</span></figcaption>
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<p>Un autre facteur important est la <a href="https://www.futura-sciences.com/sante/questions-reponses/coronavirus-coronavirus-decrypter-etudes-chiffres-13461/">mauvaise utilisation, volontaire ou involontaire, des chiffres</a>, des graphiques et des statistiques par les politiques et les médias. Leurs messages s’en trouvent brouillés et ils ouvrent la porte à des manipulations et à des détournements. Comparer le nombre de nouveaux cas entre des périodes où il n’y avait pas de tests et d’autres où ils sont massifs est par exemple complètement absurde, tout comme comparer les courbes de pays où les situations sont radicalement différentes.</p>
<p>La pédagogie fait défaut à ceux qui devraient expliquer la situation et rassurer plutôt que <a href="https://www.cairn.info/culture-numerique--9782724623659-page-261.htm">paniquer par un discours anxiogène</a> et la diffusion d’informations non fiables. La recherche du buzz, la spectacularisation, le sensationnalisme, l’instrumentalisation de la Covid-19 à des fins commerciales ou politiques produisent de la méfiance et décrédibilisent ceux qui prétendent détenir la vérité.</p>
<p>Dans ce contexte de confusion et de manipulation généralisées, la pandémie a un impact important et souvent tragique dans la vie de presque chaque être humain. En plus du drame qu’ont vécu les personnes qui ont perdu un ou plusieurs proches à cause de la maladie, beaucoup d’autres ont perdu leur emploi, fait faillite, été séparés de leur famille pendant des mois, vécu seul, ou été terrorisés à l’idée d’être contaminés. La tristesse, la colère, le deuil et le sentiment d’injustice renforcent la <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/politique/gestion-de-la-crise-du-coronavirus-la-folle-envie-des-francais-de-faire-tomber-des-tetes_2126017.html">volonté de trouver des coupables</a> et de leur attribuer une motivation, même si celle-ci peut paraître totalement improbable.</p>
<h2>Des fake news nombreuses et puissantes</h2>
<p>Certaines fake news concernant le coronavirus sont <a href="https://www.numerama.com/tech/650631-theories-du-complot-sur-la-5g-on-passe-au-crible-les-rumeurs-les-plus-absurdes.html">assez farfelues, mais pourtant très tenaces</a>, comme celles qui prétendent qu’il se diffuse par les moustiques ou via la 5G, qu’il a été créé par Bill Gates pour éliminer les pauvres, qu’on peut s’en protéger en se lavant les mains avec de l’urine d’enfant, ou qu’on peut le soigner en mangeant des bananes, en allant au sauna, en fumant, en buvant de l’alcool concentré, ou en prenant de la cocaïne. Le fait que <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/04/24/rayons-uv-et-desinfectant-injecte-dans-les-poumons-les-elucubrations-du-docteur-trump-contre-le-covid-19_6037652_3210.html">Donald Trump suggère comme solutions</a> de s’exposer à une lumière très puissante ou de s’injecter du détergent amène à ce que même <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/covid-19-les-plus-grosses-fake-news-recensees-par-l-oms_3839463.html">ces fausses informations peu crédibles</a> se diffusent rapidement et durablement.</p>
<p>D’autres fake news paraissent beaucoup plus plausibles et suscitent l’adhésion d’une part importante de la population. Ainsi, 26 % des Français et 29 % des Américains penseraient que le coronavirus <a href="https://jean-jaures.org/nos-productions/l-epidemie-dans-l-epidemie-theses-complotistes-et-covid-19">a été développé dans un laboratoire</a>. Une volonté de la Chine de déstabiliser volontairement l’économie mondiale à son profit est également suspectée par beaucoup d’internautes qui mettent en avant le régime autoritaire du pays et l’animosité grandissante avec les États-Unis. La volonté d’une société secrète de réduire la population mondiale pour préserver les ressources limitées de la Terre est une autre théorie très populaire.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le coronavirus est-il sorti d’un laboratoire ? La thèse de l’accident.</span></figcaption>
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<p>Plus d’un quart des vidéos les plus regardées sur YouTube <a href="https://www.lemonde.fr/blog/realitesbiomedicales/2020/05/19/covid-19-sur-youtube-une-pandemie-de-mesinformation/">contiendraient des informations trompeuses</a> et sont partagées non pas de manière humoristique ou ironique, mais bien pour révéler aux autres ce qui est considéré comme la vérité.</p>
<p>La censure de certains sites à l’effet complètement inverse de celui qui est recherché en donnant de l’importance à des théories qui seraient restées confidentielles et en confirmant aux complotistes que des <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/censure-abus-de-pouvoir-ce-qu-il-faut-retenir-de-l-audition-des-gafa-au-congres_2132018.html">puissances dominatrices abusent de leur pouvoir</a> et tentent de dissimuler la vérité à la population. Cette censure sélective ne fait donc que donner aux éléments supprimés des audiences inespérées sur d’autres supports, et rajoute à la suspicion généralisée au lieu de l’atténuer.</p>
<h2>À chacun sa réalité alternative ?</h2>
<p>Les complotistes qui l’étaient déjà avant le virus utilisent celui-ci pour confirmer des théories auxquelles ils croyaient déjà avant. Ils développent donc de nouvelles fausses théories liées au virus pour confirmer d’autres fausses théories sur les reptiliens, les vaccins, certaines nations menaçantes ou des forces politiques maléfiques. Peu à peu, les <a href="https://fr.euronews.com/2020/09/04/coronavirus-comment-avoir-une-conversation-avec-un-adepte-des-theories-du-complot--">gens s’enferment dans des bulles cognitives</a> où ils n’accèdent plus qu’à des informations qui viennent confirmer leurs opinions, et qui les isolent des approches alternatives. Ils combinent les fake news pour qu’elles se renforcent les unes les autres et créent ainsi un vaste écosystème cohérent en lui-même et donc <a href="https://www.ladn.eu/media-mutants/reseaux-sociaux/fakes-news-continuent-progression-reseaux-sociaux/">plus difficile à démontrer comme faux</a>. Des infox prouvent la véracité d’autres infox qui se valident les unes les autres dans un enchevêtrement inextricable.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/eshjCJWo-q4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bulles cognitives : comment les algorithmes nous enferment.</span></figcaption>
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<p>Pour chaque information, il est nécessaire de procéder à un <a href="https://bbf.enssib.fr/consulter/BBF-2020-1_Meraut.pdf">décryptage, à un fact-checking</a> et à une évaluation des intentions et des intérêts associés, ce qui est impossible à faire systématiquement. Il devient donc très compliqué de discuter avec des complotistes pour leur expliquer qu’ils se trompent. Leur pouvoir de convaincre d’autres personnes s’en trouve renforcé. Par ailleurs, ils sont <a href="https://fr.euronews.com/2020/09/04/coronavirus-comment-avoir-une-conversation-avec-un-adepte-des-theories-du-complot--">très attachés à leurs idées qui font parties de leur identité</a> et s’attaquer à ce en quoi ils croient peut très vite être pris pour une attaque personnelle et à une posture arrogante ou méprisante.</p>
<p>Les personnes qui déclenchent des fake news ont des <a href="https://www.bbc.com/afrique/region-52542834">profils divers</a> et des motivations variées. Ils peuvent être animés par l’humour, l’appât du gain, la manipulation des esprits, le buzz, ou la volonté de protéger ses proches. Tous instrumentalisent l’information dans un but détourné relativement bien dissimulé. Cependant, le discours complotiste ne se réduit pas à l’expression plus ou moins ridicule d’une pensée diabolisante, mais peut aussi être <a href="https://theconversation.com/comprendre-lepidemie-de-discours-complotistes-autour-du-covid-19-143159">l’expression d’une vision critique</a> et le révélateur de profonds dysfonctionnements.</p>
<p>Chacun se retrouve à vivre dans une réalité alternative fondée sur des opinions et des croyances individuelles en des faits non vérifiés et souvent non vérifiables. Cette réalité est donc constituée d’une combinaison d’informations considérées comme vraies qui est différente et varie selon les sujets pour chaque personne.</p>
<p>Pour ce qui est de la Covid-19, chacun aura sa propre vérité concernant l’existence du virus, son origine, ses remèdes, son nombre de victimes, ou les moyens de s’en protéger comme la quarantaine ou le masque. Rien que pour ce sujet, on se retrouve donc avec des centaines de combinaisons de fake news possibles et autant de mondes parallèles où chacun croit être dans la réalité alors qu’il n’est que dans celle qu’il s’est créée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147375/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Oihab Allal-Chérif ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La pandémie a produit un phénomène d’uberisation des fake news dont chacun devient consommateur, producteur et diffuseur. Les biais cognitifs enferment les individus dans leur réalité alternative.Oihab Allal-Chérif, Business Professor, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1453412020-09-10T16:27:48Z2020-09-10T16:27:48ZFact check US : Le vote par correspondance peut-il faire capoter le scrutin américain ?<p>Donald Trump le répète à l’envi : le vote par voie postale favoriserait la fraude et serait bénéfique au candidat démocrate Joe Biden. Ce vote par correspondance pourrait donc, selon lui, entacher les résultats de l’élection présidentielle. </p>
<p>Comment fonctionne réellement le vote par correspondance et quelles difficultés peuvent se poser lors du scrutin du 3 novembre ? </p>
<p>Ce qui est clair, c’est que l’augmentation du nombre de bulletins envoyés par courrier postal en raison de la crise sanitaire risque de poser des problèmes logistiques et que le dépouillement sera long et complexe. Dans ce contexte, ce n’est pas la fraude qui est à redouter mais plutôt un retard dans l’annonce des résultats qui pourrait entraîner une exploitation politique défavorable aux démocrates.</p>
<h2>Règles électorales</h2>
<p>Au-delà des problèmes possibles d’acheminement des bulletins de vote par correspondance par la <a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-poste-americaine-est-elle-devenue-un-enjeu-de-la-presidentielle-144918">Poste</a>, c’est surtout le traitement de ces bulletins qui va complexifier le scrutin américain. Si certains États (le <a href="https://ballotpedia.org/All-mail_voting">Colorado, Hawaï, l’Oregon, l’Utah, ou Washington</a>) pratiquent depuis longtemps presque exclusivement le vote par correspondance, ce cycle électoral est spécial : en raison de la Covid notamment, la plupart des États fédérés vont faciliter cette procédure. Or, selon le Centre de politique bipartisan (<a href="https://bipartisanpolicy.org/"><em>Bipartisan Policy Center</em>, BPC</a>), certains États n’auraient pas mis en place les mesures adéquates pour faire face à cette augmentation, comme le recrutement d’un nombre suffisant de fonctionnaires électoraux.</p>
<p>Chaque État a des règles électorales différentes, y compris en ce qui concerne le dépouillement des votes par correspondance. Mais, partout, la fiabilité du système repose sur la vérification des signatures. Aux États-Unis, il n’y a en effet pas de carte d’identité nationale, et selon une étude récente du <a href="https://www.brennancenter.org/">centre Brennan pour la Justice</a> de New York, jusqu’à 11 % des citoyens américains – plus de 21 millions d’individus – n’auraient pas de pièce d’identité officielle avec photo.</p>
<h2>Le casse-tête de la vérification des signatures des électeurs</h2>
<p>La première étape consiste donc à vérifier que la signature, qui se trouve sur l’enveloppe contenant le bulletin, correspond à celle de l’électeur, enregistrée lors de son inscription électorale. Dans certains États, cette base de données n’est pas régulièrement renouvelée et la signature peut ne plus correspondre à celle de l’électeur qui, au fil du temps, a parfois changé sa façon de signer. Certains États peuvent également exiger d’autres mesures comme la signature d’un témoin ou celle d’un notaire.</p>
<p>Selon le BPC, seuls 20 États prennent contact avec les électeurs pour leur signaler tout problème sur l’enveloppe (comme une signature manquante ou mal assortie) et leur permettre ensuite de remédier à toute insuffisance de signature, en renvoyant un formulaire au comité électoral de leur comté.</p>
<p>Le taux de rejet des bulletins de vote par correspondance semble faible : selon la <a href="https://www.eac.gov/documents/2017/10/17/eavs-deep-dive-early-absentee-and-mail-voting-data-statutory-overview">Commission américaine d’assistance électorale</a>, il serait de moins de 1 %. Mais une analyse du vote dans l’État de Géorgie lors des élections du mi-mandat de 2018 effectuée par le <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/2020/05/21/heres-problem-with-mail-in-ballots-they-might-not-be-counted/">Washington Post</a> montre que ce taux de rejet peut atteindre 3 % et surtout qu’il affecte de façon disproportionnée les électeurs des minorités et les primovotants. Il a même été de 9 % dans le New Jersey lors de l’élection spéciale de mai 2020 (BPC). Or il ne faut pas oublier que l’élection de Donald Trump en 2016 s’est <a href="https://www.washingtonpost.com/news/the-fix/wp/2016/12/01/donald-trump-will-be-president-thanks-to-80000-people-in-three-states/">faite sur moins de 80 000 voix</a> dans trois États (Pennsylvanie, Wisconsin, et Michigan).</p>
<p>Deuxième étape du processus : les bulletins sont retirés de l’enveloppe, triés, placés par lots, parfois à l’aide d’un scanner de bulletin de vote. Ces machines de « tabulation à haute vitesse » réduisent le temps de dépouillement dans les États qui en sont équipés, mais c’est la partie manuelle du traitement qui prend beaucoup de temps.</p>
<p>Certains États (Arizona, Colorado, Floride, Géorgie, Iowa, Minnesota, Nevada, Caroline du Nord, Ohio et Texas) permettent de traiter ces bulletins <a href="https://www.eac.gov/documents/2017/10/17/eavs-deep-dive-early-absentee-and-mail-voting-data-statutory-overview">avant les élections</a>. Mais 15 États, dont les États clés du Michigan, du Wisconsin et de la Pennsylvanie devront attendre le 3 novembre. Or quoi qu’il en soit, il faut que tous les bulletins soient dépouillés pour le 14 décembre, date où les grands électeurs doivent élire le président.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/357518/original/file-20200910-15-131wjbf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/357518/original/file-20200910-15-131wjbf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/357518/original/file-20200910-15-131wjbf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/357518/original/file-20200910-15-131wjbf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/357518/original/file-20200910-15-131wjbf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/357518/original/file-20200910-15-131wjbf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/357518/original/file-20200910-15-131wjbf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L'un des tweets de Donald Trump sur le vote par correspondance.</span>
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<p>On le voit, le sujet central de ce scrutin n’est pas la fraude, comme la martèle pourtant le président, mais les questions de logistique et de moyens mis en place par chaque État.</p>
<p>Pour rassurer les électeurs, certains États, comme la Caroline du Nord, ont créé un <a href="https://www.newsobserver.com/news/politics-government/election/article245494895.html">système de traçage</a> qui permet de suivre l’acheminement de son bulletin de vote, comme on suit une commande en ligne. Et si tenter de voter deux fois, comme le suggère Donald Trump, est illégal, certains États comme la Caroline du Nord permettent à un électeur de déposer un bulletin provisoire en attendant de déterminer s’il doit être comptabilisé.</p>
<p>Les suggestions répétées du président que ses partisans devraient voter deux fois pour être certain que leur vote compte auront comme conséquence de mettre encore plus <a href="https://www.nytimes.com/2020/09/03/us/politics/people-voting-twice-trump.html">sous tension le système</a>.</p>
<h2>Suspense et tension autour des résultats préliminaires</h2>
<p>Il est donc possible, voire probable, qu’il n’y ait pas de résultats définitifs le soir des élections, ou même le 4 novembre au matin. Mais il y aura certainement des résultats initiaux, non officiels, le soir même, tant l’attente est grande. Ceux-ci seront vérifiés et ajustés dans les semaines qui suivront.</p>
<p>Mais ces résultats préliminaires, basés généralement sur des rapports de circonscriptions, risquent d’être bien moins fiables que lors des précédentes élections. D’autant que le <a href="https://bipartisanpolicy.org/report/accessing-the-vote-during-a-pandemic/">BPC estime que 50 à 70 %</a> des bulletins pourraient être des bulletins par correspondance. Or, il semblerait qu’une majorité de ces bulletins seraient utilisés par des électeurs démocrates, notamment dans les États clés. Ainsi, selon <a href="https://www.foxnews.com/politics/democrats-dominate-mail-in-ballot-requests-swing-states">FoxNews</a>, dans l’État clé de Floride, 47,5 % des demandes de vote par correspondance proviennent des démocrates et seulement 32 % des républicains. En Pennsylvanie ou en Caroline du Nord, ces demandes seraient trois fois plus nombreuses chez les démocrates que chez les républicains. Seul le Michigan ferait exception, avec davantage de votes par correspondance chez les républicains.</p>
<p>Si ces chiffres se vérifient, il est probable que le vote démocrate sera sous-estimé dans les résultats préliminaires. Donald Trump pourrait ainsi annoncer sa victoire et contester tout autre résultat ultérieur comme étant de la fraude et une tentative de le délégitimer. En juin dernier, le Projet d’intégrité de la transition (<a href="https://www.washingtonpost.com/outlook/2020/09/03/trump-stay-in-office/?arc404=true"><em>Transition Integrity Project</em></a>), un groupe d’universitaires, de journalistes, d’experts et d’anciens fonctionnaires, a mené plusieurs simulations. Leur conclusion : seul un raz de marée pour Joe Biden permettrait un transfert de pouvoir relativement ordonné. Tous les autres scénarios impliquaient de la violence de rue et une crise politique.</p>
<hr>
<p><em>La rubrique Fact check US a reçu le soutien de <a href="https://craignewmarkphilanthropies.org/">Craig Newmark Philanthropies</a>, une fondation américaine qui lutte contre la désinformation.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/145341/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Viala-Gaudefroy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le sujet central de ce scrutin n’est pas la fraude, comme la martèle pourtant le président, mais les questions de logistique et de moyens mis en place par chaque État.Jérôme Viala-Gaudefroy, Assistant lecturer, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1449182020-08-26T17:43:33Z2020-08-26T17:43:33ZPourquoi la poste américaine est-elle devenue un enjeu de la présidentielle ?<p>Bien que minoritaire, le vote par correspondance n’est pas nouveau aux États-Unis, et il est en <a href="https://www.pewresearch.org/fact-tank/2020/06/24/as-states-move-to-expand-the-practice-relatively-few-americans-have-voted-by-mail/">constante augmentation depuis 25 ans</a> : si 7,8 % seulement des électeurs ont envoyé leur bulletin par voie postale lors de la présidentielle de 1996, ils ont été un peu plus de 20 % à le faire durant celle de 2020.</p>
<p>Ce qui est nouveau en vue des élections du 3 novembre 2020, c’est la perspective que cette méthode de vote se généralise en pleine crise de coronavirus. Or si, constitutionnellement, chacun des États fédérés organise l’élection sur son territoire, c’est un service fédéral, le département des Postes (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/United_States_Postal_Service">The United States Postal Service</a>, USPS), qui est chargé d’acheminer les bulletins par correspondance.</p>
<p>La réorganisation de ce service public, dont le but officiel est de le rendre bénéficiaire, suscite actuellement une polémique majeure, les adversaires de Donald Trump soupçonnant le président de vouloir <a href="https://www.bfmtv.com/economie/international/etats-unis-trump-accuse-de-vouloir-detruire-la-poste-americaine-pour-eviter-le-vote-par-correspondance_AD-202008160028.html">« détruire l’USPS »</a> afin de restreindre considérablement le recours au vote par correspondance lequel, selon Trump, avantagerait son adversaire Joe Biden.</p>
<h2>Un vote par correspondance populaire mais politisé</h2>
<p>Selon un récent sondage paru dans le <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/2020/08/11/only-1-in-5-republicans-say-theyre-likely-vote-by-mail/"><em>Washington Post</em></a>, une majorité (58 %) des électeurs américains sont favorables à l’extension du vote par correspondance cette année.</p>
<p>Mais, comme sur beaucoup de sujets, les Américains sont idéologiquement divisés, même sur cette question à première vue purement technique : 90 % des démocrates estiment que c’est une bonne idée contre seulement 20 % des républicains. Ce fossé s’explique en partie par la politisation de la pandémie : en juillet 2020, seule une <a href="https://www.pewresearch.org/fact-tank/2020/07/22/republicans-remain-far-less-likely-than-democrats-to-view-covid-19-as-a-major-threat-to-public-health/">minorité de républicains (46 %)</a> considéraient la Covid-19 comme une menace majeure pour la santé publique, contre 85 % des démocrates.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/354439/original/file-20200824-18-1yk6yc0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/354439/original/file-20200824-18-1yk6yc0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/354439/original/file-20200824-18-1yk6yc0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=684&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/354439/original/file-20200824-18-1yk6yc0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=684&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/354439/original/file-20200824-18-1yk6yc0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=684&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/354439/original/file-20200824-18-1yk6yc0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=860&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/354439/original/file-20200824-18-1yk6yc0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=860&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/354439/original/file-20200824-18-1yk6yc0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=860&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Perception du danger que représente la Covid-19 par les démocrates et les républicains.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pew Research Center</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il n’est donc pas étonnant que les <a href="https://www.axios.com/axios-ipsos-coronavirus-index-in-person-campaigning-50124c22-1163-4a6e-b45a-af1acc7ca337.html">démocrates se montrent plus inquiets que les républicains</a> à l’idée de se déplacer dans les bureaux de vote pour voter en personne.</p>
<h2>L’extension inéluctable du vote par correspondance</h2>
<p>D’ores et déjà, <a href="https://ballotpedia.org/All-mail_voting">cinq États</a> organisent des élections presque entièrement par correspondance. De plus, les trente-quatre États, ainsi que le District de Columbia, qui autorisaient déjà tout le monde à voter par correspondance, sous certaines conditions, vont faciliter la procédure. Et de nombreux autres vont envoyer à chaque électeur inscrit un formulaire de demande de vote par correspondance.</p>
<p>Selon les <a href="https://www.washingtonpost.com/graphics/2020/politics/vote-by-mail-states/?itid=lk_inline_manual_3">calculs du <em>Washington Post</em></a>, plus de 80 % des électeurs américains pourraient potentiellement voter par correspondance à l’automne.</p>
<p>Même les États dirigés par des républicains ont favorisé le vote par correspondance, dans l’intérêt de <a href="https://www.politico.com/news/2020/08/19/republicans-mail-in-voting-trump-398774">leurs électeurs âgés ou résidant dans des zones plus rurales</a>.</p>
<h2>La stratégie républicaine : limiter l’accès des minorités au vote</h2>
<p>Comme l’a encore récemment <a href="http://www.andrewbenjaminhall.com/Thompson_et_al_VBM.pdf">montré une étude de l’université de Stanford</a>, le vote par correspondance n’avantage pas, en soi, un parti plutôt qu’un autre. Mais il permet une légère augmentation de la participation électorale, notamment celle des minorités, ce qui est perçu par les républicains comme une menace existentielle.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1295668199049043968"}"></div></p>
<p>Cela met en effet en péril la <a href="https://www.nytimes.com/2015/07/29/magazine/voting-rights-act-dream-undone.html">stratégie républicaine</a> consistant à <a href="https://www.amazon.com/Politics-Voter-Suppression-Defending-Foundation/dp/0801450853">limiter l’accès au vote des minorités, qui sont majoritairement démocrates</a>. Une stratégie qu’a facilitée en 2013 <a href="https://www.supremecourt.gov/opinions/12pdf/12-96_6k47.pdf">l’invalidation par la Cour suprême</a> d’une partie de la loi sur le droit de vote de 1965. Quatorze États ont ainsi pu mettre en place de nouvelles restrictions de vote <a href="https://www.kqed.org/lowdown/14543/how-to-navigate-americas-perplexing-patchwork-of-voting-laws">lors des élections de 2016</a>, y compris des États charnières comme la Virginie et le Wisconsin. Cette tactique a été récemment dénoncée par l’ancien président Barack Obama <a href="https://www.nytimes.com/2020/07/30/us/obama-eulogy-john-lewis-full-transcript.html">dans le discours qu’il a prononcé lors des funérailles du représentant et activiste civique John Lewis</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Nous, les Africains-Américains, n’aurons peut-être plus à deviner le nombre de bonbons haricots dans un pot pour pouvoir voter. Mais alors même que nous sommes assis ici, il y a ceux qui sont au pouvoir et font tout leur possible pour décourager les gens de voter – en fermant les bureaux de vote, en ciblant les minorités et les étudiants avec des lois restrictives sur les pièces d’identité, et en attaquant nos droits de vote avec une précision chirurgicale, voire en sapant le service postal à l’approche d’une élection dont l’issue va dépendre des bulletins de vote envoyés par la poste pour que les gens ne tombent pas malades. »</p>
</blockquote>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/tVvAQTiUmMY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Discours de Barack Obama lors des funérailles de John Lewis.</span></figcaption>
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<h2>Des accusations de fraude sans preuve</h2>
<p>Le coronavirus représente donc une double menace pour Donald Trump puisque le président se trouve également <a href="https://projects.fivethirtyeight.com/trump-approval-ratings/">au plus bas dans les sondages</a>, notamment du fait des reproches qui lui sont adressés pour sa gestion de l’épidémie.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/354665/original/file-20200825-21-1uhe2ty.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/354665/original/file-20200825-21-1uhe2ty.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=319&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/354665/original/file-20200825-21-1uhe2ty.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=319&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/354665/original/file-20200825-21-1uhe2ty.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=319&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/354665/original/file-20200825-21-1uhe2ty.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=401&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/354665/original/file-20200825-21-1uhe2ty.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=401&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/354665/original/file-20200825-21-1uhe2ty.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=401&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Sondage – Août 2020.</span>
<span class="attribution"><span class="source">FiveThiryEight</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Sa stratégie, dès lors, est de semer la confusion, y compris sur la légitimité des élections et d’un résultat qui pourrait lui être défavorable. Il est d’ailleurs le premier président américain à laisser <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/donald-trump-refuse-de-dire-sil-acceptera-le-resultat-de-lelection-presidentielle_fr_5f146cd8c5b6d14c33687f60">planer le doute quant à son acceptation des résultats</a>, en affirmant que le vote par correspondance allait truquer les élections et conduire à une fraude généralisée. </p>
<p>Il prétend ainsi que des millions de bulletins sont manquants ou falsifiés et que d’autres sont envoyés aux mauvaises personnes, voire à des électeurs décédés, quand ce n’est pas <a href="https://factba.se/transcript/donald-trump-remarks-anniversary-19th-amendment-women-vote-august-18-2020">à leurs chiens ou à leurs chats</a>. Des affirmations sans preuve qu’il répète à l’envi depuis début avril, pourtant largement démontrées comme fausses (<a href="https://www.washingtonpost.com/politics/minuscule-number-of-potentially-fraudulent-ballots-in-states-with-universal-mail-voting-undercuts-trump-claims-about-election-risks/2020/06/08/1e78aa26-a5c5-11ea-bb20-ebf0921f3bbd_story.html">ici</a> et <a href="https://www.factcheck.org/2020/08/trump-campaign-exaggerates-potential-for-mail-in-voting-fraud-after-election/">ici</a> ou <a href="https://www.nytimes.com/article/mail-in-voting-explained.html">ici</a>).</p>
<h2>Une prédiction auto-réalisatrice</h2>
<p>D’après les démocrates, Donald Trump cherche à réaliser sa prédiction de chaos électoral en <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/08/15/donald-trump-bloque-le-financement-de-la-poste-pour-affaiblir-le-vote-par-correspondance_6049010_3210.html">empêchant le bon fonctionnement de la Poste qui livre les bulletins</a>. C’est ce que <a href="https://factba.se/transcript/donald-trump-interview-fox-business-maria-bartiromo-august-13-2020">semble dire le président lui-même</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Les démocrates veulent 25 milliards pour la Poste. Ils ont besoin de cet argent pour faire fonctionner la poste afin qu’elle puisse recevoir tous ces millions et millions de bulletins de vote. Or, en attendant, ils n’y arrivent pas. […] Mais s’ils ne reçoivent pas les 25 milliards, cela signifie que vous ne pouvez pas avoir le vote par correspondance universel parce qu’ils ne sont pas équipés pour l’avoir. »</p>
</blockquote>
<p>À ce genre de discours s’ajoute la nomination, en mai, de <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Louis_DeJoy">Louis DeJoy</a>, un important donateur de Donald Trump sans aucune expérience dans le domaine postal, à la fonction de <a href="https://www.nytimes.com/2020/05/07/us/politics/postmaster-general-louis-dejoy.html">directeur général des Postes</a>. Rapidement, DeJoy <a href="https://theintercept.com/2020/07/29/usps-postal-service-privatization/">réorganise les services de la poste</a>, au prétexte de résoudre de graves problèmes financiers, avec pour résultat la dégradation du service de distribution du courrier et une <a href="https://www.washingtonpost.com/local/md-politics/usps-states-delayed-mail-in-ballots/2020/08/14/64bf3c3c-dcc7-11ea-8051-d5f887d73381_story.html">lettre des services postaux avertissant 46 États</a> que leurs électeurs pourraient être privés de leur droit de vote en raison du retard des bulletins de vote par correspondance.</p>
<h2>La destruction des services publics</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/354631/original/file-20200825-16-1y3md69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/354631/original/file-20200825-16-1y3md69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/354631/original/file-20200825-16-1y3md69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=565&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/354631/original/file-20200825-16-1y3md69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=565&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/354631/original/file-20200825-16-1y3md69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=565&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/354631/original/file-20200825-16-1y3md69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=710&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/354631/original/file-20200825-16-1y3md69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=710&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/354631/original/file-20200825-16-1y3md69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=710&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’ancien bâtiment central de la poste centrale de Washington, DC, est aujourd’hui un hôtel appartenant à Donald Trump.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Old_Post_Office_(Washington,_D.C.)#/media/File:Old_Post_Office_Building,_Washington,_D.C.jpg">Mike Peel/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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</figure>
<p>Les critiques de Donald Trump envers la Poste <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/trump-post-office-mail-vote/2020/08/15/27a2ffd4-de5f-11ea-809e-b8be57ba616e_story.html">ne datent pas d’hier</a>. Mais elles se sont intensifiées en 2017 en raison de l’accord de tarification passé entre le service postal et Amazon dont le PDG, Jeff Bezos, est la bête noire du président parce qu’il est propriétaire du <em>Washington Post</em>, un journal dont le locataire de la Maison Blanche estime qu’il est profondément <a href="https://www.vanityfair.com/news/2020/04/trumps-vendetta-against-jeff-bezos-could-destroy-the-postal-service">injuste à son égard</a>.</p>
<p>Au-delà des objectifs électoraux à court terme, cette réorganisation est révélatrice de la vision républicaine de l’agence, qui doit être un business qui rapporte davantage qu’une institution qui <a href="https://theconversation.com/a-dismantled-post-office-destroys-more-than-mail-service-144330">fournit un service universel</a>.</p>
<p>Rien de surprenant donc à ce que son nouveau directeur ait des <a href="https://edition.cnn.com/2020/08/12/politics/postal-service-dejoy-conflicts-amazon-trades-xpo-stake/index.html">investissements dans des entreprises concurrentes</a> et sous-traitantes de la Poste. Il n’est d’ailleurs pas le seul donateur du candidat Trump à être devenu <a href="https://www.theatlantic.com/business/archive/2017/01/trumps-appointees-conflicts-of-interest-a-crib-sheet/512711/">membre de l’administration et accusé de conflits d’intérêts</a>, en violation de la loi fédérale. Pour <a href="https://www.washingtonpost.com/opinions/2019/12/02/trump-is-continuing-deconstruction-administrative-state/">l’historien conservateur Max Boot</a>, Trump a mis en place une véritable entreprise de déconstruction de « l’État administratif » fédéral, agence par agence. C’est la destruction de ce soi-disant <a href="https://www.conspiracywatch.info/etat-profond ?gclid=Cj0KCQjw4f35BRDBARIsAPePBHyuJhgL6w-2UV3Q7M_hR79bA1mhdBT5dqDlVLwgd2GZ_3YXUvXkv6oaAl3oEALw_wcB">« État profond »</a> tel qu’en avait <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/top-wh-strategist-vows-a-daily-fight-for-deconstruction-of-the-administrative-state/2017/02/23/03f6b8da-f9ea-11e6-bf01-d47f8cf9b643_story.html ?itid=lk_inline_manual_4">rêvé l’ancien stratège de Trump, Steve Bannon</a>.</p>
<h2>Un pari risqué ?</h2>
<p>Mais c’est un jeu dangereux qui pourrait se retourner contre le président sortant. La poste est en effet <a href="https://www.pewresearch.org/politics/2020/04/09/public-holds-broadly-favorable-views-of-many-federal-agencies-including-cdc-and-hhs/">l’agence fédérale la plus populaire</a> : elle fournit un service <a href="https://www.latimes.com/california/story/2020-08-14/trump-usps-fight-hurts-voters-before-november-election">important pour son propre électorat</a> situé dans les <a href="https://www.npr.org/2020/08/20/904263000/why-rural-america-is-fighting-the-trump-administration-on-the-post-office">zones rurales</a>, mais aussi parmi les personnes âgées et les anciens combattants. Sous la pression publique, Louis DeJoy <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/08/18/la-poste-americaine-repousse-ses-reformes-accusees-d-entraver-le-vote-par-correspondance_6049271_3210.html">a donc suspendu ses réformes</a> et a dû <a href="https://www.nytimes.com/2020/08/20/us/politics/louis-dejoy-testimony-postal-service.html">s’expliquer devant le Sénat</a>.</p>
<p>Pourtant, Donald Trump pourrait réussir un autre pari. Celui d’installer un doute qui lui profitera et qu’il saura exploiter si, comme c’est probable, les résultats définitifs ne tombent pas le soir des élections, et que le « jour d’après » se transforme en « semaines d’après ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/144918/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Viala-Gaudefroy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’administration Trump souhaite réformer en profondeur le service postal américain. Or ce service gère le vote par correspondance, lequel pourrait jouer un rôle clé dans la prochaine présidentielle.Jérôme Viala-Gaudefroy, Assistant lecturer, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1448822020-08-24T19:10:20Z2020-08-24T19:10:20ZLe mensonge politique au cœur de la campagne présidentielle de Donald Trump<p>Le mensonge est aussi ancien que la politique. Jonathan Swift, dans son essai <a href="https://www.millon.fr/livres/331-hors-collection-swift-jonathan-l-art-du-mensonge-politique.html"><em>L’Art du mensonge politique</em></a>, explique que « si un mensonge est cru pendant une heure, il a accompli son office ».</p>
<p>S’il n’a pas inventé le concept de <a href="http://www.toupie.org/Dictionnaire/Post-verite.htm">post-vérité</a> qui est souvent associé à son nom, l’actuel président américain aura, tout au long de son mandat, appliqué l’adage swiftien dans des proportions sans précédent.</p>
<h2>Les mensonges de Trump</h2>
<p>Jamais, probablement, un homme ou une femme politique n’a menti autant que Donald Trump : selon le <em>Washington Post</em>, il en était en <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/2020/07/13/president-trump-has-made-more-than-20000-false-or-misleading-claims/">août 2020 à 20 000 mensonges</a> répertoriés depuis son élection, un phénomène en accélération constante : de 5 par jour en début de mandat il est passé à 23 par jour depuis 14 mois, un bond constaté après son <a href="https://www.lefigaro.fr/international/proces-en-destitution-donald-trump-acquitte-par-le-senat-americain-20200205">acquittement par le Sénat lors de la procédure de destitution</a>, avec une pointe à 62 dans la seule journée du 9 juillet, dont la moitié en <a href="https://edition.cnn.com/2020/07/10/politics/trump-hannity-coronavirus/index.html">une seule interview accordée à Sean Hannity</a>, de Fox News. Il affectionne tout particulièrement certaines affirmations, spécialement : <a href="https://markets.businessinsider.com/news/stocks/9-charts-comparing-trump-economy-to-obama-bush-administrations-2019-9-1028833119#">« la situation économique est la meilleure de l’Histoire »</a> (une phrase qu’il continue de marteler malgré les conséquences du virus) et <a href="https://www.washingtonpost.com/graphics/politics/fact-checker-most-repeated-disinformation/#Border-wall">« le mur va être construit »</a> (répété 261 fois alors qu’en fait seuls 3 miles sont des nouvelles constructions).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1280323915848519686"}"></div></p>
<p>À ce critère quantitatif s’ajoutent plusieurs spécificités : Donald Trump ne s’excuse jamais, même lorsqu’il est pris en flagrant délit de mensonge avéré (ce qui se produit pratiquement chaque jour) et il ne paye aucun prix politique pour ses mensonges. Comme la poêle Tefal, il semble protégé par un revêtement protecteur.</p>
<p>Un autre élément caractéristique est la chambre d’écho qui existe entre, d’une part, le président, la chaîne Fox News et son journaliste vedette Sean Hannity et des conspirationnistes comme Alex Jones ou le mouvement <a href="https://www.lesechos.fr/monde/etats-unis/quatre-choses-a-savoir-sur-qanon-les-conspirationnistes-pro-trump-1233978">QAnon</a>. Le président – ou l’un de ses partisans – lance une affirmation fausse ou grossièrement exagérée (« Trump est en butte aux attaques constantes d’un <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/05/24/donald-trump-s-attaque-aux-enqueteurs-de-l-enquete-russe_5466297_3210.html">État profond</a> », « Obama a <a href="https://www.independent.co.uk/news/world/americas/us-election/trump-obama-twitter-dnc-speech-false-spying-2020-election-a9679451.html">fait espionner</a> la campagne Trump en 2016 », « il y a des <a href="https://www.bfmtv.com/international/emeutes-aux-etats-unis-trump-denonce-des-actes-de-terrorisme-interieur-et-mobilise-l-armee_AN-202006010249.html">émeutes terroristes à Seattle</a> »…) ou outrancière (« les deux camps sont <a href="https://www.france24.com/fr/20170813-charlottesville-polemique-propos-donald-trump-extreme-droite-supremaciste-racisme">également responsables des événements de Charlottesville</a> »,) et celle-ci est reprise en boucle par les membres de cette coalition partisane et sur les réseaux sociaux, tant et si bien qu’elle acquiert un statut de vérité incontestable au sein des groupes favorables à Trump.</p>
<p>Barack Obama avait en son temps fait les frais de ces méthodes : les <em>birthers</em>, avec à leur tête Donald Trump, ont <a href="https://www.nytimes.com/2016/07/03/us/politics/donald-trump-birther-obama.html">martelé dès 2011 qu’il ne devrait pas être président car il n’était pas né aux États-Unis</a>. Aujourd’hui encore, 40 % des Républicains restent convaincus qu’il est né au Kenya. Et cela, alors qu’il a rendu public et mis en ligne son acte de naissance précisant qu’il est né à Hawaï, qui est jusqu’à nouvel ordre l’un des 50 États américains…</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/dnkQ9TABCFM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Donald Trump emploie aujourd’hui des <a href="https://www.nytimes.com/2020/08/15/opinion/letters/trump-kamala-harris-birther.html">méthodes similaires pour s’en prendre à Kamala Harris</a>, née en Californie mais de parents étrangers. Ces accusations infondées, doublées d’attaques que bon nombre d’observateurs jugent <a href="https://www.npr.org/2020/08/15/902756963/trumps-attacks-on-harris-are-a-return-to-familiar-territory?t=1598267702338">racistes</a> et <a href="https://www.nytimes.com/2020/08/12/us/politics/trump-women-kamala-harris.html">sexistes</a>, vont-elles discréditer la colistière de Joe Biden ?</p>
<h2>Le règne des infox et deepfakes</h2>
<p>Aujourd’hui ne règne plus simplement le mensonge mais les infox, ou « fake news » (c’est-à-dire des « informations fausses souvent sensationnelles diffusées sous le couvert de reportage »). Toute l’ironie est que Donald Trump et ses soutiens n’hésitent pas à qualifier toute information qui ne leur convient pas de « fake news »… d’où la création de la notion de « <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/alternative-facts-ou-la-version-des-faits-selon-l-administration-trump-632502.html">faits alternatifs</a> », selon la fameuse formule de sa conseillère Kellyanne Conway.</p>
<p>Il y a aussi les <a href="https://theconversation.com/les-deepfakes-ces-fausses-videos-creees-pour-nous-influencer-131783">deepfakes</a>, ces vidéos trafiquées généralement dans un but hostile et qui sont difficiles à détecter pour l’utilisateur lambda. L’un des canaux privilégiés de ces mensonges et infox est le fil Twitter de Donald Trump, suivi par près de 80 millions de fidèles qui, à leur tour, répercutent les attaques et « craintes » du président, par exemple sur les <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/08/15/donald-trump-bloque-le-financement-de-la-poste-pour-affaiblir-le-vote-par-correspondance_6049010_3210.html">risques de fraude inhérents au vote par correspondance</a>, alors que ceux-ci sont en réalité <a href="https://www.brennancenter.org/issues/ensure-every-american-can-vote/vote-suppression/myth-voter-fraud">quasi inexistants</a>.</p>
<p>Or une <a href="https://science.sciencemag.org/content/359/6380/1146">étude menée par le MIT</a> fait apparaître que les fausses nouvelles sont diffusées plus vite, davantage et plus largement que les vraies et qu’elles ont 70 % de chances de plus d’être retweetées. L’étude montre aussi que l’amplification est autant le fait des bots que de la nature humaine et des individus enfermés dans leurs biais cognitifs et les bulles qui renforcent leurs préjugés existants. En d’autres termes, information et pédagogie doivent faire partie des remèdes à mettre en place.</p>
<p>La multiplication des mensonges et infox sur Twitter, Facebook et les autres réseaux sociaux pose deux questions : ceux-ci doivent-ils bannir les mensonges (y compris ceux du président des États-Unis) et certains types de discours comme les appels à la haine raciale, l’antisémitisme, l’homophobie ou le sexisme ? Le contrôle doit-il être volontaire ou imposé par la loi ? Dans le premier cas, ceci impliquerait une acceptation de ce rôle par les réseaux sociaux et la mise en place de cellules de vérification des faits, similaires à celle du <em>Washington Post</em> (<a href="https://www.washingtonpost.com/news/fact-checker/">Fact checker</a>) qui emploie quatre personnes à plein temps. Bien que Twitter ait exclu certains utilisateurs et fermé leurs comptes, les réseaux sociaux sont réticents à intervenir, toujours prompts à invoquer le Premier amendement. Dans les deux cas, se pose la question de la liberté d’expression garantie par le Premier amendement, question réelle mais instrumentalisée.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1265548756692467712"}"></div></p>
<p>Il faut en effet admettre que le débat est dominé par la <a href="https://www.cairn.info/revue-multitudes-2009-1-page-71.htm">vision libertarienne et idéalisée du cyberespace</a> présenté comme une civilisation de l’esprit plus humaine et plus juste que le monde construit par les gouvernements. C’est la philosophie véhiculée par <a href="https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2018/02/12/john-perry-barlow-pionnier-de-la-liberte-d-internet-est-mort_5255754_3382.html">John Barlow</a>, créateur de la <a href="https://www.eff.org/">Fondation de la frontière électronique</a> (EFF) en 1990, qui n’hésite pas à invoquer Jefferson pour affirmer :</p>
<blockquote>
<p>« Nous créons un monde dans lequel tout individu peut exprimer ses croyances et ses convictions, si singulières soient-elles, sans craindre d’être réduit au silence ou à la conformité. »</p>
</blockquote>
<p>Malgré ces belles paroles, Internet n’est pas ce paradis sur terre, lieu de libre expression et d’égalité ; il a toujours été régi par des interdictions, des règles et des limites. C’est ce que soulignent Danielle Citron dans <a href="https://clcjbooks.rutgers.edu/books/free-speech-in-the-digital-age/"><em>Freedom of Speech in the Digital Age</em></a> (OUP, 2019) et Mary Ann Franks dans <a href="https://www.sup.org/books/title/?id=29075"><em>The Cult of the Constitution</em></a> (Stanford University Press, 2019). Certaines règles sont fixées par le gouvernement et d’autres par les acteurs puissants que sont les réseaux sociaux, qui décident de leurs algorithmes et de leurs conditions d’utilisation. Pour les deux auteurs, ceux qui s’opposent aux règles le font en invoquant l’alibi commode du Premier amendement mais, en réalité, ils craignent simplement que les nouvelles règles leur soient moins favorables. Pourtant, les risques liés à une absence de régulation sont sérieux.</p>
<h2>Les infox néfastes pour la démocratie.. et la santé</h2>
<p>La multiplication des mensonges et des infox rend impossible le libre marché des idées – socle du système pluraliste des États-Unis – et, plus globalement, met en danger la démocratie, l’unité de la société et l’intégrité des élections car ces mensonges portent atteinte à la confiance dans les institutions et exacerbent les divisions sociales. En 2020, ils ont joué un rôle majeur dans la mort de <a href="https://www.worldometers.info/coronavirus/country/us/">plus de 180 000 individus</a> à qui « on » a <a href="https://www.theguardian.com/world/2020/jul/21/us-coronavirus-death-toll-public-opinion-poll-accuracy">expliqué</a> que le virus était un canular, une invention des Démocrates, avant de moquer les consignes de précaution et d’inciter au refus de port du masque. Parce que le modèle économique des réseaux sociaux repose sur la publicité, ceux-ci collectent le maximum d’informations sur chacun d’entre nous afin de déterminer ce qui va nous faire réagir et utilisent les algorithmes permettant d’amplifier les messages les plus outranciers, comme ceux des suprémacistes blancs ou les théories du complot. Et l’amplification fonctionne mieux si la nouvelle est fausse.</p>
<p>Il importe donc de réguler les mensonges sur les réseaux sociaux… mais cela pose question. Sur le plan juridique, le Premier amendement interdit au gouvernement d’entraver ou de limiter la libre expression, mais les entreprises privées pourraient être régulées ou s’autoréguler. Certains ont recruté des « modérateurs » sous-payés et en nombre insuffisant, d’autres mis en place un début de fact checking, trois d’entre eux (Facebook, Twitter et YouTube) ont banni <a href="https://www.vox.com/2018/8/6/17655658/alex-jones-facebook-youtube-conspiracy-theories">Alex Jones</a> et <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/07/22/twitter-bannit-7-000-comptes-lies-a-la-theorie-complotiste-qanon_6046987_4408996.html">plusieurs dizaines de milliers de personnes d’un groupe QAnon</a> mais dans l’ensemble, les actes ont été rares, d’autant qu’il est toujours tentant, répétons-le, de s’abriter derrière le Premier amendement. De quel droit une personne privée pourrait-elle décider de priver de sa libre expression une autre personne privée ou le président des États-Unis ? C’est la porte ouverte à l’arbitraire.</p>
<p>C’est le sens des <a href="https://siecledigital.fr/2020/05/31/la-bataille-de-donald-trump-contre-twitter/">attaques de Donald Trump</a> après que Twitter a osé vérifier un de ses tweets (mensonger) : il accuse les plates-formes d’être hostiles aux conservateurs et de discriminer. En l’occurrence, on pourrait considérer que c’est l’inverse car malgré les quelques mesures évoquées ci-dessus, elles ont tendance à ne pas censurer les théories du complot, dont le <a href="https://www.americanprogressaction.org/issues/democracy/news/2020/05/19/177746/20-conspiracy-theories-trump-pushed-presidency/">président s’est fait l’un des principaux propagateurs</a>, et qui <a href="https://www.msn.com/en-us/news/politics/stelter-america-is-experiencing-asymmetric-lying/vi-BB18hFL3">bénéficient davantage</a> à son camp qu'à ses adversaires…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/144882/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne E. Deysine ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Donald Trump, on le sait, a un rapport particulier à la vérité, son administration ayant notamment forgé le concept éloquent de « faits alternatifs ». On le constate encore dans la campagne actuelle.Anne E. Deysine, Professeur émérite juriste et américaniste, spécialiste Etats-Unis, questions politiques, sociales et juridiques (Cour suprême), Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.